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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 7 décembre 1983 - Vol. 27 N° 184

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement collégial


Journal des débats

 

(Quinze heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'éducation se réunit aux fins de faire l'étude de nouvelles propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement collégial.

Sont membres de cette commission M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Charbonneau (Verchères), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), Mme Harel (Maisonneuve), M. Payne (Vachon), M. Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Dauphin (Marquette), M. Maltais (Saguenay), M. Gauthier (Roberval), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).

Au tout début, j'aimerais qu'on me Fasse une proposition pour nommer un rapporteur de cette commission.

M. Laurin: Je propose M. Jean-Pierre Charbonneau.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Verchères? À l'unanimité.

À l'ordre du jour aujourd'hui: après le discours d'ouverture du ministre et la réplique de l'Opposition, nous entendrons M. Pierre Lucier et Mme Michèle Fortin, sous-ministres au ministère de l'Éducation et, à 2O heures, la Fédération des cégeps; par la suite, nous entendrons l'Association des collèges du Québec. M. le ministre.

Exposés préliminaires M. Camille Laurin

M. Laurin: Merci, M. le Président. Le projet porté à l'attention de la commission parlementaire est le fruit d'une réflexion et d'une consultation en cours depuis 1980. En mai 1980, le ministre de l'Éducation soumettait à la consultation des collèges et des principaux organismes nationaux intéressés à l'enseignement collégial un projet de règlement inspiré des orientations définies dans le livre blanc sur l'enseignement collégial. La période de consultation devait s'étendre jusqu'en décembre 1980.

La présentation d'un règlement pour le régime pédagogique du collégial a toutefois été reportée pour diverses raisons. Les organismes étudiants ne s'étaient pas exprimés officiellement durant la période de consultation. Ils furent donc invités à faire valoir leur point de vue à l'automne 1981. De plus, il convenait de connaître les recommandations du rapport final de la commission Jean sur la formation des adultes et d'assurer que les dispositions du règlement étaient en cohérence avec les propositions de relance et de renouveau portant sur la formation professionnelle des jeunes. Ces documents ont été publiés respectivement en janvier et en mai 1982.

Par ailleurs, l'année 1982-1983 ayant été consacrée à la négociation des conventions collectives, cette dernière année ne s'est pas révélée une année propice. Ces considérations expliquent le délai entre la consultation sur un premier projet et le dépôt de celui qui vous a été remis récemment.

Pourquoi un règlement sur le régime pédagogique du collégial? Essentiellement pour trois raisons. Premièrement, pour donner une assise légale au régime pédagogique en vigueur; deuxièmement, pour poursuivre dans la continuité et, troisièmement, pour mieux répondre aux nouveaux besoins des individus et de la société.

Donner un assise légale au régime pédagogique en vigueur. Les dispositions qui régissent aujourd'hui les études collégiales sont, à quelques exceptions près, celles qui prévalaient il y a une quinzaine d'années, au moment où les cégeps ont été créés. D'un commun accord, les autorités ministérielles du temps et les responsables de la pédagogie dans les collèges avaient convenu que le régime pédagogique mis en place aurait un caractère expérimental et provisoire.

Au cours des quinze années qu'a duré l'expérimentation du régime pédagogique, des consensus de fond se sont dégagés sur les caractéristiques que doit présenter la formation collégiale. Ces clarifications désormais opérées, il y a lieu de mettre fin à une situation provisoire et d'affirmer, d'une manière formelle, les traits spécifiques de l'enseignement collégial.

En 1983, le temps est donc venu, pour le gouvernement, de donner suite à ses intentions et de fonder sur une assise légale

les règles qui déterminent le cadre des études collégiales, comme il l'a fait récemment pour l'enseignement primaire et secondaire. L'activité pédagogique, raison d'être première des collèges, obéira ainsi à des règles du jeu claires, connues de tous et reposant sur un fondement solide.

Pour poursuivre dans la continuité - le projet du gouvernement à l'endroit des cégeps l'a signifié clairement - si des ajustements et des correctifs s'imposent, l'état et les besoins de l'enseignement collégial ne justifient pas un remaniement en profondeur.

Le règlement sur le régime pédagogique intégrera les éléments les plus valables du régime pédagogique actuel et en modifiera d'autres pour les rendre plus conformes aux orientations initiales.

Ainsi en est-il, notamment, des dispositions qui touchent à l'accès aux études collégiales, à la polyvalence de la formation, à la cohérence du réseau, à la formation fondamentale. L'accès aux études collégiales. Des contraintes peu justifiées continuent de s'exercer sur certaines catégories de candidats limitant, pour beaucoup, la possibilité d'entreprendre des études collégiales. C'est le cas de diplômés de l'enseignement secondaire en formation professionnelle et de ceux du secteur général qui n'ont pas suivi les cours préalables à l'orientation visée à l'enseignement collégial.

C'est le cas aussi des personnes désireuses de poursuivre un projet personnel de formation sans postuler de diplômes d'études collégiales.

Et, enfin, c'est le cas des adultes que des conditions d'admission restrictives écartent des avantages réservés aux élèves dits réguliers.

Des dispositions du règlement sur le régime pédagogique conduisent à ménager à ces groupes de personnes un accueil plus grand aux études collégiales. Je citerais à titre d'exemple la réaffirmation de la valeur des études professionnelles comme préparation aux études collégiales, la reconnaissance d'une formation équivalente à celle de l'enseignement secondaire, l'équivalence accordée pour des acquis extrascolaires.

La cohérence du réseau. En optant pour un réseau de collèges autonomes plutôt que des établissements d'État, le gouvernement comptait sur le dynamisme d'instances décentralisées. Du même coup, il acceptait les risques liés aux particularités de ses partenaires et à la diversité des milieux.

Il faut rappeler toutefois que des conditions propres à préserver la cohérence du réseau collégial étaient mises en place: des programmes d'études définis par le ministère avec la collaboration des collèges, des ressources réparties équitablement entre tous les établissements et une garantie de la valeur nationale des diplômes octroyés par le ministre lui-même.

Quinze ans plus tard, la cohérence du réseau collégial demeure un impératif et le règlement sur le régime pédagogique retient le principe de programmes d'État et celui de la sanction des études par le ministre, tout en accordant aux collèges la latitude qui leur permettra de mieux répondre à des besoins particuliers.

La polyvalence de la formation. L'idéal de polyvalence assignée depuis le début è l'enseignement collégial devait se réaliser par la cohabitation de deux secteurs d'enseignement jusqu'alors séparés. Mais il devait surtout s'incarner dans des programmes de formation qui, tout en conduisant à une qualification professionnelle élevée, intégrerait les acquis d'une longue tradition humaniste. Telle était l'intention qui dicta le partage de l'emploi du temps entre des cours communs obligatoires, des cours de concentration ou de spécialisation et des cours complémentaires.

Le règlement sur le régime pédagogique retient la polyvalence comme principe de l'organisation des études. Il apporte aussi au plan des contenus la mise à jour qu'imposent l'évolution culturelle et la situation particulière de la société québécoise.

La primauté de la formation fondamentale. La formation fondamentale se caractérise surtout par sa profondeur. Elle vise à faire acquérir les assises, les concepts et les principes de base des disciplines et des savoir-faire qui figurent au programme de l'élève quelle que soit son orientation.

L'option pour la formation fondamentale constitue une des lignes de force du règlement sur le régime pédagogique. Il en fait le principe intégrateur des composantes, des programmes d'études.

Pour mieux répondre aux nouveaux besoins des individus et de la société, l'affirmation des droits des élèves. Le règlement sur le régime pédagogique consacre la responsabilité des collèges dans la protection des droits de l'élève: droit à une formation de qualité, droit à des conditions d'admission rendant les études collégiales accessibles au plus grand nombre et exemptes de toutes formes de discrimination, droit à des programmes d'études constitués d'un ensemble intégré de cours poursuivant des objectifs de formation fondamentale et ayant des exigences comparables, quelle que soit l'orientation suivie; droit à des cours conformes, en contenu et en durée, aux programmes officiels; droit, pour l'élève qui le désire, de se donner un plan de formation correspondant à ses besoins personnels ou professionnels; droit à l'évaluation équitable et à la sanction des études qui en découle.

Le renforcement de la mission socioculturelle des collèges. L'assouplissement

de plusieurs dispositions du régime pédagogique et le renforcement des responsabilités locales en matière d'organisation des études sont dictés par la volonté gouvernementale de voir les collèges assumer mieux et davantage la mission qui leur est assignée.

La diversité des types de programmes et des modes de sanction des études permettra de multiples projets de formation initiale, de perfectionnement et de recyclage, grâce auxquels les collèges pourront contribuer à l'essor culturel et économique de leur région autant qu'à l'épanouissement des individus. La mission socioculturelle d'un collège n'est-elle pas primordialement associée au développement de ressources humaines compétentes et adaptées aux besoins d'un région? Sans compter que le règlement sur le régime pédagogique laisse la voie ouverte à des modèles pédagogiques moins traditionnels tels que la formation à distance, l'alternance des études et du travail, des sessions de durée variable, etc.

Ce sont des mesures qui ont soulevé des débats. Le projet de régime pédagogique, bien qu'il s'inscrive d'abord sous le signe de la continuité, renouvelle toutefois certains des aspects de la vie pédagogique du collégial. Quelques-unes des mesures proposées ont soulevé des réserves, voire même des désaccords. Il en est ainsi de l'introduction, au choix, d'un cours d'histoire et d'institutions du Québec ou d'économie du Québec, qui remplacerait l'un des quatre cours obligatoires de philosophie; du libre choix laissé aux élèves pour leurs cours complémentaires; des marges de jeu dont disposeraient les collèges dans la détermination des cours qui composent les programmes; enfin de la composition et de l'orientation des programmes de certificat d'enseignement collégial.

Ces quatre questions constituent, me semble-t-il, les points de divergence majeurs exprimés sur le projet qui nous intéresse. Je me permettrai de les commenter en insistant davantage sur le bien-fondé des objectifs qui ont justifié l'introduction de ces nouvelles mesures dans le régime pédagogique que sur les moyens retenus.

Les cours d'histoire et d'institutions du Québec, d'économie du Québec et les cours obligatoires de philosophie. Dans le projet de règlement, les cours communs obligatoires gardent l'importance relative qu'ils ont aujourd'hui, mais s'enrichissent d'activités de formation destinées à affermir l'enracinement des citoyens dans le tissu culturel du Québec: le règlement introduit des cours portant sur les dimensions socio-historiques et économiques du Québec. D'ailleurs, ces matières ont aussi été rendues obligatoires au secondaire. Le cours sur les institutions québécoises proposé par le Conseil des collèges s'inscrit également dans les objectifs poursuivis. (15 h 30)

Outre l'intérêt même de ces cours, il a paru opportun, à l'enseignement collégial, de diversifier les approches culturelles proposées aux élèves, la philosophie n'occupant plus aujourd'hui, tant s'en faut, la place qu'elle occupait dans la culture et l'humanisme, non plus que dans les instruments de lecture de la réalité. Au demeurant, la place que le Québec accorde à l'enseignement de la philosophie au collégial demeure tout à fait unique en Amérique du Nord. Avec trois cours obligatoires pour tous, nous n'avons rien à envier à d'autres systèmes d'éducation. En outre, les élèves qui ont de l'intérêt pour cette discipline peuvent toujours l'inclure parmi celles qui font l'objet de leurs cours complémentaires.

Je suis conscient des répercussions de cette décision sur les professeurs de philosophie. Une série de mesures seraient évidemment prises pour en atténuer les effets négatifs. L'implantation des nouveaux cours d'histoire et institutions du Québec et d'économie du Québec serait étalée sur plusieurs années, afin de permettre aux cégeps de choisir le moment le plus propice pour adopter localement cette mesure. Le ministère proposerait aussi des programmes de recyclage et de perfectionnement.

Le choix proposé n'est pas facile. Il a pourtant été mûrement réfléchi. Il importe d'en bien considérer les tenants et les aboutissants.

Le libre choix des cours complémentaires. Dans le régime pédagogique actuellement en vigueur, les élèves choisissent obligatoirement leurs cours complémentaires en dehors des disciplines qui constituent leur concentration et leur spécialisation. L'objectif poursuivi est d'assurer à l'élève une formation plus complète et diversifiée, même si, dans la pratique, la contrainte imposée ne constitue guère d'emblée une garantie de polyvalence.

Étant donné le statut des élèves qui fréquentent nos cégeps, ces restrictions imposées au choix des quatre cours complémentaires sont difficiles à justifier. En réponse aux avis formulés par les associations d'élèves, il a donc semblé opportun de permettre à chaque élève d'effectuer son choix de cours complémentaires comme bon lui semble, en tenant compte de ses goûts et de ses orientations personnelles, l'existence de cours communs obligatoires garantissant déjà une polyvalence de base qui n'a guère son pareil ailleurs que chez nous.

La détermination par les collèges d'une partie des cours de la spécialisation et de la concentration des programmes. Dans le projet de régime pédagogique, il est proposé qu'une partie, la plus importante, des cours de la spécialisation ou de la concentration des

programmes soit définie par le ministre et l'autre, par les établissements. Cette mesure vise plusieurs objectifs. Elle reconnaît que les programmes peuvent prendre des accents différents, répondre à des objectifs pédagogiques et socio-économiques définis localement sans que soit bouleversée la cohérence du réseau. Elle affirme la maturité des cégeps et le rôle qu'ils doivent jouer dans la détermination des programmes. Elle permet une réponse plus rapide aux besoins d'adaptation constante des programmes au changement. Elle permet aux collèges d'utiliser plus rationnellement les ressources en place. Enfin, elle permet aux collèges de répondre directement aux besoins qui sont exprimés localement et régionalement.

Certains nous reprochent d'aller trop loin par cette mesure sans toutefois contester le bien-fondé de la décentralisation pédagogique envisagée. Le Conseil des collèges suggère un maximum de 25% de contenu local avec un minimum de 10%; d'autres nous ont indiqué que 30% serait acceptable. Je n'entends pas que l'on se dispute sur les chiffres. Ce qui importe, c'est que la part de détermination des programmes laissée aux collèges soit suffisante pour répondre aux objectifs visés.

Le certificat d'enseignement collégial. J'aborderai un peu plus longuement le certificat d'enseignement collégial, compte tenu de son importance pour le développement de l'enseignement professionnel et compte tenu aussi des réactions nombreuses et parfois vives auxquelles il donne lieu. Environ 1300 élèves sont inscrits à un certificat d'enseignement collégial en 1982-1983. Pour être admis à ce type de programme, il leur est demandé d'avoir quitté le système éducatif pendant au moins un an et d'avoir 18 ans. Le projet de régime pédagogique propose de mettre fin à cette forme de discrimination et d'ouvrir le certificat d'études collégiales même à ceux qui ne remplissent pas ces deux conditions.

Le projet de règlement ne remet pas en cause l'idéal du diplôme d'études collégiales, c'est-à-dire le DEC. Celui-ci demeurera le programme par excellence de l'enseignement collégial. Cela est reconnu de tous. Aujourd'hui même, près de 15 000 "adultes", au sens du présent régime pédagogique, sont inscrits dans les cégeps dans des programmes de DEC, c'est-à-dire de diplômes d'études collégiales.

Cependant, ce que nous offrons à la population en formation professionnelle demeure malgré tout insuffisant. Le certificat actuel ne répond qu'à une très faible partie des besoins. Il est peu disponible. Ailleurs au Canada, aux États-Unis, en Europe, on développe au niveau post-obligatoire de nombreux programmes de durée variable, précisément pour répondre à des besoins variés. Pourtant, le développement des cégeps s'est fait au nom de l'accessibilité et de la démocratisation de l'enseignement. La multiplication des collèges, la régionalisation, l'autorisation de programmes de formation professionnelle ont ouvert le cégep à nombre de finissants du secondaire et à beaucoup d'adultes, mais plusieurs ont été laissés pour compte et une nouvelle clientèle doit maintenant être accueillie.

Qu'ont à offrir les collèges aux chômeurs et aux travailleurs qui ont besoin de recyclage ou de perfectionnement? Aux diplômés du secondaire qui ne viennent pas au collège? Qu'ont-ils à proposer aux très nombreux cégépiens qui, surtout au secteur professionnel, quittent l'enseignement collégial avant terme? On peut légitimement penser qu'en offrant plus de voies d'accès à l'enseignement professionnel, une partie de la nouvelle clientèle poursuivra encore plus loin les études. L'exemple de l'introduction des certificats dans les universités est éloquent à ce propos. Loin de recruter chez les étudiants du baccalauréat, le certificat a ouvert la porte à l'université à une toute nouvelle clientèle qui a contribué à l'essor du secteur universitaire au cours des dernières années.

Le modèle de certificat proposé dans le projet de règlement s'inscrit dans la foulée du certificat actuel, ce dernier se limitant cependant aux cours de la spécialisation d'un programme professionnel. Le modèle de certificat conserve les éléments plus fondamentaux des activités de la spécialisation et l'enrichit de cours de formation générale: deux unités de français, deux unités au choix, philosophie, histoire et institutions du Québec ou économie du Québec, et deux unités de cours complémentaires.

Il est évident par ailleurs qu'il n'est pas question d'ouvrir des certificats dans tous les secteurs où il se donne des diplômes d'études collégiales. Plusieurs de ces modifications suscitent des inquiétudes. On considère qu'on introduit trop peu d'éléments de formation générale, tout en excluant trop d'éléments de formation professionnelle. On craint que le certificat, diplôme d'État de formation professionnelle ouvert à tous, attire des élèves qui autrement auraient choisi le diplôme, c'est-à-dire le DEC. On estime que la formation reçue serait tronquée, valide à court terme, mais pénalisante à long terme. On s'interroge aussi sur la présence d'un créneau spécifique réservé au certificat et on le situe mal par rapport au diplôme d'études professionnelles du secondaire et du diplôme d'études collégiales. Les effets sur les ressources présentes dans les collèges d'une diminution potentielle des inscriptions-cours sont également présents à l'esprit de certains qui

s'opposent au certificat proposé.

Vous comprendrez que, tout en prenant en considération ces diverses inquiétudes, je demeure persuadé que le modèle de formation professionnelle existant au collégial ne doit pas contribuer à éloigner davantage les absents, jeunes et adultes, ni à favoriser l'abandon des études par ceux qui y sont déjà inscrits.

D'autre part, les collèges doivent remplir leur mission socioculturelle dans leur région et dans tout le Québec notamment en assumant un leadership en formation professionnelle. Il y a fort à parier que d'autres organismes, dont les entreprises elles-mêmes, s'en chargeront si les collèges ne s'en préoccupent pas suffisamment.

Ces impératifs étant clairement identifiés, je demeure ouvert à des propositions sur le certificat d'études collégiales. L'important est de promouvoir la formation professionnelle en diversifiant et en assouplissant des modèles de formation qui sont aujourd'hui trop uniformes, insuffisamment centrés sur la réponse aux besoins des individus et de la société.

J'invite donc les divers organismes qui ont été invités à cette commission parlementaire, tout comme mes collègues de cette commission, à faire connaître leur point de vue et à formuler des propositions sur les diverses dispositions qui apparaissent au projet de règlement sur le régime pédagogique du collégial. J'aimerais finalement obtenir l'accord de mes collègues de la commission parlementaire pour que le sous-ministre adjoint à la planification, sous-ministre par intérim à compter de lundi, M. Pierre Lucier, et la sous-ministre adjointe pour l'enseignement supérieur, Mme Michèle Fortin, puissent expliquer plus spécifiquement à la commission les caractéristiques du projet de règlement sur le régime pédagogique du collégial et répondre aux questions de nature technique qui pourraient être soulevées. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, le ministre de l'Éducation me pose un problème particulier parce que je constate qu'il s'en est tenu rigoureusement au cadre réglementaire de 20 minutes et qu'en conséquence je devrai faire de même. Je me réjouis de la convocation de la commission parlementaire pour l'étude du projet de règlement des études collégiales. Je pense que c'est un événement qu'il convient de saluer d'une manière particulière. Pour une fois, je pense que nous aurons l'occasion de faire l'examen d'un sujet très important en dehors des considérations de partisanerie immédiate qui imprègnent trop souvent nos débats.

Le sujet que nous abordons évoque un développement phénoménal qui s'est produit dans la société québécoise au cours des quinze dernières années: le développement des cégeps est l'une des réalisations les plus importantes de notre société. Il s'est fait d'une manière souvent turbulente mais dans l'ensemble avec une continuité plus grande qu'on ne pouvait le penser quand on observait les choses de l'extérieur.

Le ministre rappelait tantôt qu'on a fonctionné dans les cégeps pendant toute cette période avec une esquisse de régime qui avait un caractère temporaire au début et qu'il n'a pas été nécessaire d'institutionnaliser avant maintenant. Je pense que c'est un signe très intéressant et aussi peut-être une leçon que le gouvernement aurait intérêt à retenir dans bien d'autres secteurs d'activité. Nous ne cessons, du côté de l'Opposition, de souligner au gouvernement que, souvent, on obtient des résultats plus intéressants et moins coûteux en laissant la vie se développer elle-même qu'en voulant toujours l'encadrer jusque dans les détails. Je suis très heureux de voir que le ministre de l'Éducation semble évoluer dans le sens de cette conception. J'espère que cela s'appliquera à ses politiques dans d'autres domaines.

Une chose qui m'intéresse vivement à propos de l'évolution des cégeps, c'est la place considérable qu'y occupent les effectifs étudiants féminins. Nous parlons beaucoup de l'égalité de l'homme et de la femme dans notre société. Nous savons combien les hommes étaient favorisés par rapport aux femmes en matière d'accès à la formation supérieure dans le passé. Il est très intéressant de constater qu'aujourd'hui les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans l'effectif étudiant des cégeps, autant au niveau professionnel qu'au niveau général. Les hommes avaient le monopole ou la place prioritaire dans la formation générale; même de ce côté-là, les femmes les dépassent en nombre. Cela nous permettra peut-être de dire aux femmes que les hommes continuent de travailler fort pour leur permettre de faire des études. Je pense que c'est un phénomène très intéressant pour l'avenir de notre société et je le souligne avec infiniment de plaisir.

Je constate aussi que l'enseignement professionnel, dont on pouvait craindre au début qu'il ne soit le parent pauvre de l'enseignement collégial, occupe aujourd'hui une place très solide. Il regroupe environ la moitié des effectifs étudiants dans les cégeps. Je pense que c'est un signe d'équilibre qui est intéressant pour nous tous.

Il y a longtemps que nous souhaitions la convocation de la commission parlementaire autour du projet de règlement des études

collégiales. Nous l'avions demandé au ministre à quelques reprises, en particulier en mai dernier à l'occasion de l'étude des crédits du ministère de l'Éducation. Lorsque nous avons constaté que le projet de règlement circulait de manière plus ou moins secrète dans les milieux d'initiés, nous avons craint pendant un temps que toute cette opération ne soit consommée avant même que l'opinion publique ait eu la chance de s'en saisir. Je pense qu'il a fallu que le Conseil des collèges rende le projet public pour qu'on puisse en prendre connaissance de manière régulière, en somme, puisqu'il avait déjà circulé sous le manteau. Par cette publication de l'avis du Conseil des collèges en septembre et du texte du projet de règlement qui avait été annexé à l'avis du conseil, je pense que le Conseil des collèges a trouvé cette manière de rendre service au ministre. Le ministre ne voulait déranger personne en publiant son règlement et le Conseil des collèges l'a annexé à son avis. À ce moment-là, c'est devenu un sujet d'intérêt public et je suis bien content que le ministre ait tiré tout de suite la conclusion qui s'imposait - tout de suite, c'est-à-dire quelques semaines plus tard - à savoir qu'une commission parlementaire pourrait aider à compléter le processus de tamisage qui est nécessaire à ce sujet.

(15 h 45)

Nous n'avons aucune espèce d'objection à ce que, après ces quinze années de cheminement, l'expérience intellectuelle et pédagogique des collèges soit consacrée dans un règlement qui en fixe les articulations majeures et qui trace de manière plus stable, plus institutionnalisée les grandes lignes du travail à faire au cours des prochaines années. Par conséquent, il n'y aura pas de débat sur ce point particulier dans la mesure où le règlement sera conçu d'une manière qui réponde aux difficultés honnêtes qu'on peut sentir à propos de tel ou tel aspect, ou à propos de certaines orientations générales. C'est l'un des secteurs où nous pouvons dire très loyalement - le ministre y a fait allusion tantôt - qu'il a existé une forte tradition d'autonomie où il ne s'est pas produit des excès de centralisme comme nous en avons constaté dans d'autres secteurs de l'éducation. Dans la mesure où ce règlement restera dans les bornes qu'on présente actuellement, je pense qu'il n'y a aucun danger de centralisme mais qu'au contraire on a des éléments d'unification nécessaires qui peuvent aider à créer un équilibre plus stable pour la période à venir.

Certains éléments nous manquent pour faire l'examen complet qu'il aurait fallu faire. Je pense en particulier à la politique d'éducation des adultes. Nous y viendrons tantôt à propos de l'élimination que le projet de règlement propose de la distinction entre étudiants adultes et étudiants réguliers. Si le gouvernement avait rendu publique cette politique de l'éducation des adultes que nous attendons depuis la publication du rapport de la commission Jean il y a plus d'un an et demi, les choses seraient considérablement facilitées pour nous. Il y avait toute une série de propositions dans le rapport Jean -tout un concept - de l'éducation des adultes dans toute société qui demandait à se traduire ensuite dans des politiques gouvernementales. J'espère qu'on pourra au moins nous dire où l'on en est à cet égard. Je soutiens qu'aussi longtemps que nous ne serons pas mieux informés à ce sujet, il sera très difficile de mesurer l'impact véritable, toutes les conséquences de certaines propositions que contient le projet de règlement concernant les adultes.

Il en va de même de la formation professionnelle. Un livre blanc a été mis en circulation, je pense que c'est vers le printemps dernier. Il a donné lieu à des consultations abondantes dans les différentes régions du Québec. Un résumé de ces consultations a été publié il y a quelque temps, mais nous n'avons pas encore les orientations de la politique du gouvernement en matière de formation professionnelle. Évidemment, tout le monde se rend compte qu'il y a énormément d'aspects du projet de règlement qui se relient aussi à cet aspect de la politique gouvernementale.

Je signale un troisième aspect: politique concernant les institutions privées d'enseignement. Je remarque que dans le cahier qu'on nous a remis au mois de mai, pour l'étude des crédits du ministère de l'Éducation, on avait une section sur l'enseignement collégial. Il fallait aller pas mal plus loin pour trouver une section sur l'enseignement privé, dans laquelle on trouvait des pages traitant de l'enseignement collégial également, parce qu'en plus des quelque quarante-cinq institutions d'enseignement collégial publiques, il existe -je pense - une dizaine ou une douzaine d'institutions privées d'enseignement. Nous demandons au gouvernement de définir sa politique en ce qui touche les institutions privées depuis déjà sept ans. Et, j'ai hâte de voir le renouvellement de ces promesses du baptême qui nous sera, sans doute, fait par le ministre à l'occasion des échanges de vues que nous aurons. Nous attendons toujours cette politique du gouvernement.

Il y a une chose que je voudrais aussi souligner. Une de mes collègues, la députée de L'Acadie, signalait l'autre jour que nous manquons de moyens pour évaluer l'oeuvre accomplie par les cégeps dans notre société depuis une quinzaine d'années. Chacun fonctionne avec ses impressions, ses expériences personnelles, mais les instruments de mesure un peu objectifs qu'on pourrait souhaiter ne sont pas facilement disponibles. Je ne tiens pas à ce qu'on mette sur pied

des instruments de mesure trop élaborés, entre parenthèses. Je crois que la vie peut se charger d'une bonne partie de la besogne ici aussi. Il m'aurait semblé tout à fait logique et d'élémentaire convenance que les institutions universitaires, qui sont le mieux en mesure d'apprécier la qualité de la formation donnée dans les cégeps, et aussi certains organismes à caractère économique profitent de cette expérience que nous allons faire pour venir communiquer leurs observations et leurs jugements sur certains aspects de l'expérience qu'on a faite. Nous avions demandé, nous, que la Conférence des recteurs des universités, la Fédération des associations de syndicats de professeurs et aussi le Conseil des universités soient invités à venir témoigner devant la commission. Je crois comprendre qu'ils ont dit qu'ils n'avaient pas grand-chose à dire sur cela. J'espère qu'ils en trouveront le plus vite possible parce que cela fait partie de leur responsabilité de dire: Si les sujets qui se présentent à l'université ont la formation et la préparation requises à cette fin, est-ce qu'on pourrait faire encore davantage à ce niveau pour qu'à l'autre niveau, la formation donnée soit plus efficace et plus de nature à faire du Québec cette société compétitive dont nous rêvons tous.

Au sujet du nouveau projet de règlement, je me réjouis de constater qu'il réaffirme la primauté de la formation fondamentale. C'est une des responsabilités du gouvernement de définir les grands objectifs du système d'enseignement à chacun des paliers où se dispense la formation.

En ce qui touche le palier collégial, les accents qu'on trouve dans le projet de règlement des études collégiales, surtout dans la mesure où ils soulignent la primauté de la formation fondamentale, sont heureux. Si on réussit à les définir dans des dispositions qui soient très généralement acceptables, ce sera une garantie de sécurité pour le développement intellectuel et professionnel de notre communauté québécoise au cours des prochaines années.

Il y a des choses qui sont difficiles à lire dans le projet de règlement. C'est pour cela que le ministre m'ayant proposé, hier, de faire venir le sous-ministre responsable de la planification, le sous-ministre intérimaire de l'éducation - je l'en félicite - si j'ai bien compris. J'étais très heureux de cela, parce qu'il y aura des explications qu'on voudra obtenir à ce sujet qui sont les éléments indispensables du jugement que nous pourrons être appelés à formuler à un stade ultérieur.

Je me contente de constater, pour l'instant, à la lumière d'une étude du gouvernement fédéral qu'on a portée à ma connaissance ces derniers temps et qui, paraît-il, exerce une influence considérable sur les réflexions de ceux qui sont chargés de prendre les décisions, de définir les orientations, autant au sujet des provinces qu'au sujet de l'État fédéral... Dans cette étude intitulée... J'ai seulement le texte anglais. C'est une version qu'on m'a remise qui comporte seulement un texte anglais. Je ne sais pas s'il y a un texte français qui circule. C'est inscrit "confidentiel", mais si c'est rendu jusqu'à moi cela ne doit plus être très confidentiel. J'étais beaucoup mieux servi de ce côté quand je travaillais avec un journal qui s'appelle Le Devoir. Dans l'Opposition on est moins bien alimenté en matière de documents confidentiels qu'on ne l'est dans les salles de rédaction des journaux. Cette parenthèse étant faite, j'ai lu cette étude avec énormément d'intérêt et je dirais même d'inquiétude aussi. On nous dit tout d'abord - et ceci pour expliquer le point suivant - qu'en définissant le programme des études, à quelque niveau que ce soit, on doit avoir le souci de l'adéquation entre la formation qui est donnée et les besoins du marché de la main-d'oeuvre. Souvent on a fait d'excellentes choses dans notre système d'enseignement, mais des jeunes qui sortaient du système ne trouvaient pas toujours dans la société réelle les débouchés qu'on leur avait laissé entrevoir quand ils étaient aux études. C'est pour cela que les perspectives en ce qui regarde l'avenir sont extrêmement importantes de ce côté. Je constate qu'on nous dit de manière brutale que les perspectives pour les prochaines années jusqu'à 1990 ne sont pas très encourageantes. Les hommes politiques ont intérêt à dorer la pilule, surtout quand ils sont au pouvoir. Mais, en général, de l'avis des gens qui ont préparé ce document, qui m'a eu l'air très bien fait, les perspectives sont difficiles. On va faire face à des obstacles et à des défis extrêmement exigeants, et cela entraîne des conséquences pour ce qu'on va faire dans l'enseignement. Par exemple, on prévoit qu'entre 1 000 000 et 2 000 000 d'emplois seront perdus au cours des sept ou huit prochaines années à cause des développements technologiques ou du phénomène de l'obsolescence. On dit qu'entre 25% et 50% de tous les emplois qui existent au Canada dans le secteur manufacturier sont menacés de disparition ou d'obsolescence. Et même dans le secteur des affaires et des services financiers, ce serait plus de 25% des emplois qui seraient menacés. Si on ajoute à cela qu'il viendra s'ajouter à la main-d'oeuvre un effectif additionnel d'environ 2 000 000 de personnes, cela veut dire qu'il faut s'organiser au Canada pour créer, au cours des sept ou huit prochaines années, entre 3 000 000 et 4 000 000 d'emplois. Si on divise par quatre pour avoir le quotient québécois, cela veut dire entre 750 000 et 1 000 000 d'emplois pendant ces sept prochaines années; cela veut dire une moyenne supérieure à 100 000

emplois par année.

On a dit que cela ne sera pas tout de créer des emplois, qu'il faudra que la main-d'oeuvre soit formée pour occuper ces emplois. Il y a bien des entreprises qui pourraient se créer ou des services nouveaux qui ne pourront pas être créés parce qu'on n'aura pas toujours la main-d'oeuvre nécessaire pour cela. C'est pour cela que nous accordons une importance extrême à tout ce qui regarde la formation professionnelle et tous les ajustements qui pourront être proposés dans le nouveau règlement qui seraient de nature à donner à notre société, à notre main-d'oeuvre actuelle et future une plus grande capacité d'adaptation aux besoins de l'économie. Nous l'étudierons avec un intérêt très grand tout en conservant une préoccupation prioritaire pour la formation de fond qui doit être donnée. Par exemple, on sent nettement dans le projet de règlement qu'on veut mettre l'accent davantage sur l'adéquation de la formation donnée dans chaque cégep avec les besoins de chaque région, par exemple, avec les institutions économiques de chaque région. C'est évident que si on allait trop loin dans la voie de la spécialisation on pourrait connaître d'autres problèmes éventuellement. On a vu cela les "one company towns", les "one company regions" et ce qui en arrive au bout d'un certain temps quand elles décident de déménager leurs pénates ailleurs si on a été trop centré uniquement sur le type d'activité économique qui prévalait dans cette région. On paie la note très cher quand arrive le moment de faire face au nouveau défi de l'économie. On aura l'occasion d'examiner ces choses. Ceci pour dire que nous sommes préoccupés au plus haut point par tout le volet de l'adéquation, la formation donnée au niveau collégial par rapport à la réalité concrète de l'économie.

Un autre facteur qui nous intéresse -tantôt nous aurons l'occasion d'interroger le sous-ministre là-dessus à supposer qu'il soit au courant, ce dont je doute - est l'impact des décrets sur les conditions de travail dans les cégeps. M. le ministre, l'autre jour il m'est arrivé de rencontrer un de nos anciens recherchistes de l'Opposition qui avait pris un congé sabattique à son poste de professeur dans un cégep. Il est retourné dans son cégep cette année. Il était de passage ici et il m'a fait part de ses observations, il en avait une série. Il y a des effets considérables à des compressions budgétaires et des décrets qu'il serait bon que vous connaissiez de la manière la plus directe possible. Je donne seulement un exemple bien simple. Dans ce cégep, on avait autrefois - je ne sais pas, c'est un gros cégep - 600 élèves il y a trois, quatre ou cinq ans, aujourd'hui, il y en a 900. Dans ce temps, la bibliothèque était ouverte à tous les jours de 19 heures à 22 heures. Elle était ouverte le samedi également. Avec les compressions, elle n'est plus ouverte le soir après 19 heures et n'est pas ouverte le samedi.

On peut bien dire: Ils feront leurs devoirs ou leurs travaux ailleurs, mais ce qui arrive, c'est que les professeurs se retiennent pour donner des travaux parce que l'accès aux ressources de cette institution n'est pas ce qu'il était autrefois. Éventuellement, si on va trop loin dans cette direction, il y a tout un affaiblissement du processus de génération intellectuelle à l'intérieur de l'institution qui va se produire. Il me parlait du rapport maître-élèves et me disait comment cela se traduit pour sa charge de travail propre. Je vous assure que c'est un type qui est extrêmement dévoué et qui adore son travail. Dans les conditions où on l'oblige à fonctionner, je pense qu'il y a une perte d'énergie pour notre communauté dont il faut prendre acte et qui n'est pas imputable d'abord à un esprit corporatiste que nous serions assez unanimes, je pense bien, à réprouver.

On ne nous parle pas du tout jusqu'à maintenant des implications budgétaires du nouveau régime. Est-ce qu'il y aura des implications budgétaires? Je pense qu'il y en aura des considérables. Abolir la distinction entre adultes et élèves réguliers, qu'est-ce que cela va entraîner sur les méthodes de calcul des coûts et tout cela? Il faudra qu'on voie cela concrètement. Qu'est-ce que cela va entraîner par rapport aux programmes fédéraux de financement de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle? Est-ce un moyen que l'on veut prendre pour aller chercher plus d'argent de ce côté-là? Est-ce que l'on veut prendre plus de liberté par rapport aux programmes fédéraux qui existent? Pour l'instant, je ne le sais point. Je pose la question tout simplement et j'espère qu'on y trouvera des réponses. (16 heures)

En guise de conclusion, je voudrais souligner certains éléments sur lesquels nous aimerions être éclairés particulièrement dès ce stade de la discussion pour qu'ensuite, on puisse discuter avec les intervenants qui viendront nous rencontrer et leur poser des questions plus précises. L'élimination de la distinction entre étudiants jeunes et étudiants adultes pose le problème. Nous ne sommes pas prêts à l'accepter les yeux fermés. Il faut voir les conséquences de cela et les modalités pratiques. Seulement sur le système de reconnaissance des équivalences, par exemple, êtes-vous équipés pour mettre sur pied un système d'équivalences vraiment sérieux?

Tous les avis dont nous avons pu prendre connaissance jusqu'à maintenant nous invitent à la prudence de ce côté. Est-ce qu'on est prêts à faire le saut sans autre

considération? Il faudrait qu'on ait des informations de première main là-dessus.

La création du certificat d'études collégiales nous inquiète beaucoup. Nous craignons que cela ne débouche sur un certificat d'études collégiales à rabais. On parle déjà d'un mini-DEC pour qualifier ce certificat qui serait une extension considérable de celui qui existe actuellement, tellement considérable que ce serait un tout autre genre de diplôme finalement. Il faudra qu'on regarde cela de très près. À priori, notre réaction est très réservée à ce sujet, mais si on nous fait des preuves solides, on sera prêts à examiner bien des choses.

En ce qui regarde les programmes, il y a plusieurs éléments que nous voudrions regarder de près. En ce qui regarde la formation, les cours obligatoires, nous avons eu les représentations des professeurs de philosophie, évidemment, qui voudraient bien que le ministère agisse conformément aux orientations qu'il avait laissé entrevoir au cours des dernières années. On a fait tout un nouveau programme de philosophie basé sur huit crédits, sur quatre cours. On l'a fait avec l'approbation du ministère. C'est un comité qui a fonctionné sous l'autorité du ministre et qui a reçu la sanction du ministre, d'après ce que l'on nous affirme. Finalement, ces derniers mois, on a constaté qu'on voulait modifier tout cela. On verra ce qui en est lorsque viendra le moment d'étudier ceci.

Tout l'équilibrage des crédits au niveau de la concentration et de la spécialisation, on va évidemment regarder cela de près. Ce n'est pas le moment de s'engager davantage là-dedans. Il y a également tout un mouvement de réappropriation, par l'autorité des cégeps, de fonctions ou de responsabilités qui avaient été dévolues jusqu'à maintenant au corps professoral ou à ce que j'appellerais la fonction intellectuelle dans les institutions collégiales. Il y en a beaucoup qui ont été faites sous l'empire des derniers décrets. C'est une tendance qui continue avec le projet de règlement sous ses formes subtiles. Il faut lire cela deux ou trois fois pour voir exactement les conséquences que cela peut entraîner, mais on en a identifié un certain nombre. On aura l'occasion de discuter de toutes ces choses à mesure que nous avancerons.

Il y a tout le système d'évaluation qu'on préconise également. En soi, je pense que tout le monde est pour la vertu et pour l'évaluation, par conséquent; mais, comment va-t-cn faire cela, où cela va-t-il conduire et à quoi cela pourra-t-il servir de prétexte? Nous avons bien des questions à vous poser là-dessus.

Ceci étant dit, M. le Président, nous serons réceptifs de notre côté pour entreprendre l'audition du sous-ministre et de la sous-ministre qui viendront nous entretenir du projet de règlement. Ce que nous pourrions dire, en conclusion, c'est qu'il faut absolument insister sur la nécessité d'une formation polyvalente des jeunes qui comprendra des éléments de spécialisation, évidemment, mais où l'accent sera d'abord sur la formation générale. Il faut également insister sur la nécessité d'une grande souplesse dans les services offerts à la population, tant jeune qu'adulte. Ceci, en conservant le souci de la nécessaire unité qui doit présider au développement et à l'activité de tout le réseau collégial. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Argenteuil.

Je demanderais à M. Lucier et à Mme Fortin... Vous êtes déjà en place. M. Lucier, s'il vous plaît! Est-ce que la commission serait d'accord pour que M. Lucier prenne place à la table? Oui. Nous commençons par Madame? M. Lucier? M. Lucier, pour commencer. Alors, on va vous entendre et, par la suite, Mme Fortin. Ensuite, on pourra vous poser des questions.

Audition des sous-ministres M. Pierre Lucier

M. Lucier (Pierre): Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que nous avons accepté de venir rencontrer les membres de la commission parlementaire. Nous le faisons dans un esprit de transparence et d'imputabilité qui, à nous comme à d'autres, paraît découler de nos fonctions d'administrateurs publics. Je me permettrai aussi de remercier le député d'Argenteuil pour ses bons mots de félicitations.

Ma collègue et moi-même allons d'abord, si vous le voulez, exposer un certain nombre de faits qui sont de nature, nous a-t-il semblé, à éclairer l'arrière-fond des discussions qui auront lieu ici. Pour ma part, j'entends rappeler un certain nombre de faits que j'appellerais des faits de structure, des faits de système qui, me semble-t-il, méritent d'être consignés en toile de fond à nos débats. Ma collègue, Mme Fortin, de manière plus directement orientée sur le texte que vous avez en main, exposera aussi un certain nombre de données factuelles, notamment une description plus détaillée des changements concrets qui seraient apportés par l'adoption de ce régime.

Avec votre accord, j'avais l'intention de traiter de quatre questions de structure ou de système. La première concerne ce qu'on pourrait appeler l'arrière-plan québécois et comparatif du débat concernant le régime d'études collégiales. Je dirais que ce sera la partie la plus importante. Une deuxième faite de structure concernera des populations cibles pour des mesures d'ouverture du cégep. Une troisième faite de structure

concerne l'arrimage ou la cohérence entre le secondaire et le collégial en matière de formation professionnelle. Une quatrième faite de structure a trait à certains éléments relatifs au rôle de la main-d'oeuvre et du gouvernement fédéral dans l'éducation des adultes au niveau collégial.

Donc, le collège dans notre système de formation postsecondaire, quand on le compare à l'ensemble des systèmes des pays occidentaux, apparaît vraiment à plusieurs égards comme un phénomène unique. Nous avons opté pour un système, pour un niveau d'enseignement qui serait à la fois la voie obligée - si je puis dire - ou la voie courante, normale, vers l'université et en même temps une voie de sortie professionnelle de niveau qu'on pourrait appeler tertiaire. C'est une première option qui nous campe en originalité par rapport à la plupart des pays occidentaux.

Nous avons aussi opté pour une polyvalence interne des programmes, c'est-à-dire que nous avons choisi de maintenir une sorte de base commune obligatoire faite de matières générales. L'ensemble des matières prévues au collégial sont de type fondamental, parce que, et dans le général et dans le professionnel, on s'entend pour viser les fondements, mais nous avons opté pour maintenir une base de cours à caractère plus général, imposés à tous les étudiants, et ce choix a porté sur la philosophie en particulier, ce qui nous situe aussi en originalité.

Nous avons aussi opté pour un troisième niveau qui, d'un certain point de vue, fait chevaucher le secondaire et l'universitaire. Quand on essaie même de faire des comparaisons pancanadiennes, on doit toujours appliquer des barèmes de correction au fond pour avoir une bonne idée de la réalité québécoise par rapport à la réalité des autres provinces. En cela aussi, nous nous situons en originalité.

Nous avons aussi opté pour un équilibre original entre le caractère national du système collégial et son caractère institutionnel. Nous avons des diplômes nationaux, fondés sur des programmes nationaux, mais nous n'avons pas d'examens nationaux, ce qui aussi nous situe en originalité.

Nous avons opté aussi pour une intégration quasi totale du dispositif de formation professionnelle à l'intérieur de la structure scolaire. Nous n'avons pas, comme dans la plupart des pays occidentaux, de structure autre que scolaire, de structure vraiment organisée à ce niveau-là pour assurer la formation professionnelle. Notre dispositif de formation professionnelle, nous avons opté pour l'inscrire carrément dans la structure scolaire. Nous pouvons aussi considérer ici comme faisant partie, d'une certaine manière, de la structure scolaire les écoles ou les instituts spécialisés qui se rattachent à différents ministères.

Nous avons aussi mis ces collèges sur pied à une époque où partout en Occident on procédait à ce type de mise sur pied; et la volonté était, à travers ces originalités, de mettre un accent sur la formation professionnelle et technique. Nous parlions à l'époque d'une proportion 30-70. Les faits nous montrent que nous sommes plus près de 50-50. Mais en cela notre système s'est édifié dans une perspective qui ressemble à ce qui s'est fait ailleurs.

Nous avons aussi mis sur pied des collèges dans la mouvance des perspectives qui avaient cours partout autour de nous sur les collèges communautaires. Donc, nous avons élaboré, collectivement, tout un discours sur le rôle régional, communautaire des collèges; autrement dit d'une institution scolaire qui, d'une certaine manière, devait déborder le scolaire et devait se faire, d'une certaine manière, moins scolarisante qu'un type d'institution scolaire classique. Cette philosophie-là a présidé à la mise sur pied de l'ensemble des institutions de niveau collégial autour de nous et ici aussi.

Ce que je veux retirer de cela, c'est que nous avons affaire ici à un ensemble de choix originaux, basé sur une volonté de hausser l'accès à l'enseignement supérieur, basé sur un certain idéal humaniste et aussi sur un certain idéal de brassage socioculturel.

Ces choix-là sont reconduits par le projet de règlement d'études collégiales. Ce que je voudrais signaler, il me semble que ce serait utile pour les membres de la commission, c'est que le collège, avec ses choix originaux exigeants, difficiles, a eu à se situer aussi dans l'évolution plus largement occidentale qu'ont connue les autres institutions de même niveau, ailleurs, autour de nous. Non pas à la manière d'une mode, mais parce que, les uns et les autres, nous avons été confrontés à des situations, à des besoins sociaux qui étaient apparentés. Ce que nous découvrons, ce que nous constatons avec une évidence écrasante, c'est que l'ensemble des institutions de ce niveau, bâti dans les perspectives que je viens de signaler, a évolué dans les pays d'Occident de manière très convergente vers une diversification de plus en plus poussée des voies de formation, des modèles de formation, des types de programmes, des longueurs de programmes, vers des voies de plus en plus diversifiées aussi d'accès aux études. (16 h 15)

Sans me livrer à une énumération très large, si nous faisons le tour des institutions des systèmes voisins, nous nous apercevons, par exemple, que les collèges ontariens, les "Colleges of Applied Arts and Technology", n'obéissent pas du tout aux originalités que

je mentionnais tantôt et ils ont mis sur pied des programmes à longueur très variable, des programmes qui sont même dans les annuaires, qui sont chiffrés en termes de semaines.

On constate le même type d'évolution dans les instituts de technologie de l'Alberta, une volonté de diversifier les types de programmes, les types d'accès, les statuts d'étudiants. Les Français ont connu une évolution tout à fait analogue. On a vu, surtout en formation professionnelle au niveau postsecondaire, se multiplier les types de programmes. C'est tantôt les baccalauréats d'enseignement professionnel, les baccalauréats de techniciens, les BTS, les baccalauréats de technologie supérieure, les instituts universitaires de technologie, donc une panoplie extrêmement diversifiée de voies de formation.

Si cela intéresse les gens de la commission - nous pourrons la laisser - nous arrivait tout récemment une dernière étude du Conseil de l'Europe qui traite du développement de l'enseignement tertiaire. Non seulement à titre de constation, mais à titre de recommandation, on y fait état de la nécessité de diversifier de plus en plus les voies de formation, les types de programmes, les longueurs des processus d'apprentissage. Dans chacun de ces cas-là, la volonté est toujours de hausser l'accès aux études supérieures et de répondre aux besoins au-delà du cadre scolaire. C'est intéressant de le noter, au secondaire - et, je dirais, à l'obligatoire - la tendance des pays qui nous entourent et la nôtre même est de favoriser une formation de base plus large, de repousser la formation professionnelle surtout spécialisée, de supprimer les voies de formation professionnelle courte, de supprimer les voies de spécialisation hâtive, de supprimer les filières de formation qui ressembleraient à des culs-de-sac, de supprimer les prérequis; et cela autour de nous aussi; autant en Ontario qu'en Suède, en France, aux États-Unis on assiste à ce mouvement-là. Mais on peut dire qu'au postobligatoire on assiste au contraire à une volonté de diversifier, dans une perspective moins strictement scolarisante, les voies de formation.

Ces faits montrent assez le type de défis, de difficultés ou d'enjeux qu'une conjoncture comme celle-là pose pour le collège québécois. On a vu les universités procéder à cette diversification. On a vu naître des programmes de toute nature. On a, à l'université, des voies de formation, des types de programmes, de profils de formation. Les collèges québécois ont aussi évolué dans ce sens. C'est comme cela qu'on a vu apparaître des CEC, des AEC; on a vu aussi les distinctions jeunes et adultes devenir de plus en plus difficiles à administrer. C'est comme cela qu'on a vu naître aussi des services à la collectivité. Je crois qu'on peut dire - je me place ici au point de vue d'analyse de systèmes - que le collège québécois, en raison des choix très difficiles que nous avons faits, des choix originaux que nous avons faits, est dans une certaine situation de rigidité par rapport à la nécessité de répondre aux besoins collectifs.

Au fond, étant donné que nous avons intégré tout le dispositif de formation professionnelle dans un modèle qui est celui du collège, étant donné que nous avons opté pour un certain idéal de collège, il apparaît aux observateurs - la chose nous a été signalée à plusieurs reprises dans les rencontres internationales - qu'au-delà du système secondaire il y a une espèce de chaînon manquant. Il y aurait des chaînons manquants. Est-ce qu'entre la qualification secondaire et le diplôme d'études collégiales c'est tout ou rien? Est-ce qu'il y a un modèle unique de formation professionnelle? Y a-t-il des diversités possibles de formation?

Il est évident aussi que, dans certains discours et dans certaines propositions qui naissent ici et là concernant de nouveaux types de formation, on peut déceler une espèce de scepticisme par rapport au système en place, sur sa capacité à offrir des voies plus diversifiées de formation. Est-ce que le collège, tout en conservant son originalité et, je dirais, la difficulté de ses choix, est apte à répondre à des besoins de plus en plus diversifiés? De ce point de vue, on peut comprendre - je me place toujours d'un point de vue d'analyse de systèmes -que la plupart des dispositions du projet de régime d'études collégiales se situent dans une perspective d'assouplissement et de diminution des rigidités justement pour permettre, au niveau postobligatoire, surtout dans un système qui a tout intégré les dispositifs de formation professionnelle, de pouvoir répondre à des besoins plus diversifiés. C'est le cas des dispositions concernant le cadre des programmes, les types de programmes, les types de diplômes diversifiés, sur des distinctions moins rigides entre jeunes et adultes, sur la reconnaissance des acquis, sur les modalités d'accès, même sur le contenu des cours obligatoires ou des cours complémentaires. Il y a là autant de mesures qui, d'un point de vue de l'évolution de systèmes, se situent dans une perspective d'assouplissement. Et en cela, le collège québécois se situe, je dirais, en parenté d'évolution très remarquable par rapport à l'ensemble de ce que nous pouvons observer dans les pays occidentaux. Si le collège, évidemment, devait se replier, ou se rigidifier, ou ne pas réussir à s'assouplir, il est évident qu'il deviendrait, de manière cette fois négative, un cas unique au fond et à un prix assez élevé au moment où des besoins radicalement nouveaux de formation -

on nous en signalait tout à l'heure - se présentent pour un nombre croissant de citoyens.

Le deuxième fait de structure que je voudrais rappeler concerne, je dirais, le flux des populations cibles. Quand on pense à l'ouverture d'un système, il faut le penser par rapport à des populations qui ne sont pas dans le système. Évidemment, pour les gens qui y sont déjà ou qui ne le quittent pas, le problème de l'ouverture se pose autrement. Alors, quand on songe à des mesures d'assouplissement, il faut avoir quelque idée du type de clientèle ou du bassin de population qui peut être rejoint par ce genre de mesures d'assouplissement. Tant et si bien que l'on peut comprendre que l'ensemble des mesures assouplissantes qui sont dans le projet de règlement d'études collégiales ne s'adressent pas en priorité aux candidats actuels du diplôme d'études collégiales, non plus qu'à ceux qui y réussissent, mais plutôt à une population absente.

De ce point de vue, il peut être utile de rappeler un certain nombre de grands faits démographiques concernant l'état de formation de notre population au Québec. Je fais référence à une méthode devenue courante et sous les bases techniques de laquelle il serait peut-être déplacé de s'aventurer ici, mais je veux parler de cette technique qui consiste au fond à observer, sur la base d'une population complète et non pas sur un échantillonnage, à considérer le comportement d'une génération d'âge et à en faire découler un certain nombre d'observations chiffrées sur les taux de fréquentation scolaire.

Sur une population de 100 jeunes, ou sur une génération de 100 personnes, les comportements de 1982 nous indiquent ceci: il y en a pratiquement 100% qui entrent au secondaire. Donc, nous avons atteint de ce point de vue une sorte de succès quasi total. Sur ces 100 personnes, actuellement, nous en diplômons - si je peux dire - 66,5. Donc 66,5 de personnes obtiennent le diplôme d'études secondaires. Et nous pouvons ajouter 7,5 personnes qui obtiennent aussi le diplôme d'études secondaires, mais par la voie des adultes - donc à un autre moment - pour un total de 74 contre 58,4 au recensement de 1976. Poursuivons. Toujours avec une génération de 100 personnes, il y en a 47,2 qui entrent au collège contre 40,6 au recensement de 1976.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. Lucier, pourriez-vous nous rappeler seulement les années pour que cela soit clair? Vos 74%, c'est pour quelle année?

M. Lucier: Ce sont les comportements de 1982. Ce sont toujours les comportements de 1982. C'est une technique qui consiste à regarder le comportement de 100 personnes au moment où l'on se parle.

M. Ryan: Puis le pourcentage comparatif que vous avez donné, voulez-vous le répéter, s'il vous plaît, ainsi que l'année?

M. Lucier: Donc, pratiquement 100%, 99% et des poussières, entrent au secondaire; 66,5% obtiennent le diplôme d'études secondaires...

M. Ryan: Oui.

M. Lucier: ...auxquels il faut ajouter les 7,5% qui l'obtiennent par le biais des adultes, pour un total de 74% contre 58,4% qu'ils étaient en 1976.

M. Ryan: En 1976?

M. Lucier: En 1976, oui.

Nous avons toujours les données des recensements. C'est ce qui nous permet de contrôler et de valider les données de nos fichiers à nous.

Il y en a 47,2 qui entrent au collège contre 40,6 en 1976. Il y en a 27,2 qui obtiennent le diplôme d'études collégiales contre 22,7 en 1976. Ce qui signifie, au fond, que les bassins de population visés par des processus d'ouverture sont, évidemment, situés dans les créneaux de gens qu'on laisse en chemin, ce qui constitue un bassin de population extrêmement important. D'ailleurs, au collégial même - on en parle moins mais la chose existe - on atteint finalement un taux de décrochage de l'ordre de 35%. Et il est plus fort du côté professionnel.

Il y a, évidemment, entre les finissants du secondaire, donc les 74 qui ont leur diplôme d'études secondaires et les 47,2 qui entrent au collège, encore là une déperdition assez considérable. Et je ne parle pas des 26 qu'on laisse en chemin avant le diplôme d'études secondaires.

Je ne veux pas insister sur ces chiffres comme tels, mais ils nous enseignent une chose extrêmement claire. C'est qu'il y a un bassin énorme de gens qui sont ou insuffisamment qualifiés ou n'ayant pas de qualifications reconnues. Et toute mesure d'assouplissement ou d'ouverture de notre dispositif de formation - en particulier de formation professionnelle - est évidemment à comprendre en lien avec ce type de besoin et ce type de clientèle.

Il y a un fait qu'il faut rappeler ici, c'est que la capacité d'un système à faire entrer des gens, même dans des formations moins longues - autrement dit, la diversification des voies de formation - a eu, partout dans le monde, un effet d'attraction

vers le haut. En d'autres mots, quand vous introduisez une voie d'ouverture plus souple, ou même plus courte, à un niveau d'enseignement, l'effet - c'est toujours le pari qui a été fait et il a été tenu jusqu'ici - n'est pas d'attirer vers le bas une clientèle qui, de toute façon, continuera d'aller vers le haut, mais c'est de l'accroître vers le haut. Il y a de cela un tas d'exemples, à commencer par le Québec même. On n'y pense pas très souvent mais le fait est là. Quand on a introduit les cégeps, on s'est trouvé à gruger - si vous me permettez l'expression - une année d'universitaire.

Voici un enseignement supérieur mais qui était plus court au fond. Le pari qui a été fait, c'était que cela ne viderait pas les universités, mais que cela allait plutôt tirer du bas vers le haut. On l'a réalisé parce que vous allez chercher une clientèle qui, autrement, ne viendrait pas et, du coup, vous augmentez le bassin des candidats possibles à des formations supérieures. Quand on regarde en Occident les choix qui ont été faits, on remarque les mêmes résultats. Le vaste courant des collèges américains, ou de 2 ans, ou de 4 ans, a eu cet effet: non pas de vider les universités mais plutôt de les remplir. Le choix qu'ont fait les Français d'étaler des programmes de formation supérieure à longueur variable a eu aussi cet effet d'attraction vers le haut. Le cas des certificats universitaires aussi - on en a parlé déjà - n'a pas eu pour effet de vider les universités; au contraire, il a eu pour effet d'attirer une clientèle qui, autrement, n'y serait pas venue. (16 h 30)

Un fait assez intéressant dans la même perspective - on se rapproche de la discussion sur les certificats - c'est qu'on remarque qu'il y a dans les collèges un nombre très important de gens qui auraient droit de prendre un certificat et qui ne le prennent pas. C'est le cas des milliers d'adultes qui se sont inscrits à l'enseignement dit régulier, qui y auraient plein droit et qui ne le prennent pas. L'introduction de voies diversifiées dans les systèmes - cela est une observation unanime, c'est pour cela qu'on la met en place -l'introduction de voies plus souples a toujours, jusqu'ici, pour effet de provoquer une attraction vers le haut et non pas une attraction vers le bas. Il est évident que les fils et les filles de la plupart des gens qui sont ici, à commencer par la mienne, ne seront pas, quelles que soient les possibilités, dissuadés de se rendre au diplôme d'études collégiales. L'insertion de voies plus souples a toujours servi les populations cibles qui sont absentes.

Un troisième fait de structure que je veux développer très brièvement devant vous concerne l'arrimage ou la cohérence secondaire-collégiale dans les programmes de formation professionnelle. Le régime pédagogique du secondaire prévoit - en cela il poursuit une pratique qui, dans certaines régions, était déjà avancée - que la formation professionnelle de manière générale, normalement comme on dit, serait poursuivie plutôt au terme du secondaire V mais pouvait aussi commencer avant. Cela donnera, à partir de 1985-1986, accès à un diplôme d'études professionnelles distinct du diplôme d'études secondaires. C'est par ce biais - et nous en serons à l'an 3 de l'implantation du régime - que nous voyons progressivement se modifier les créneaux de possibilités de formation professionnelle dans le régime. Nous allons assister forcément, par l'application du régime, à un report progressif mais non total de la formation professionnelle plutôt vers la fin du secondaire, comme cela se fait dans tous les pays d'Occident, au bénéfice d'une formation de base plus solide, plus large et plus commune. Ceci a pour effet d'instituer ou de faire en sorte qu'émergent des années qu'on a appelées d'un drôle de terme - prenons-le puisqu'il a été appelé comme cela - de faire naître des secondaires VI, dans certains cas des VI et demi, si je peux dire, une partie du VII.

Qu'en est-il en termes de cohérence de système entre ce secondaire VI ou VII et le collégial? Vous me direz qu'il est drôlement appelé, mais c'est comme cela et appelons-le comme cela. Non pas spécifiquement le certificat, mais l'ensemble du collégial. Est-ce qu'on est en face de systèmes qui, au fond, manifestent des recoupements difficiles à expliquer? Je vous ferai remarquer qu'il y a beaucoup d'exemples de cela qui ne nous étonnent pas. On a très peu souvent discuté, par exemple, du collège III en professionnel. On a rarement demandé si c'était une première année d'université. Il y a des enseignements à tirer de cela. On n'a pas non plus très souvent poser des questions sur la longueur variable des premiers cycles universitaires. Nos médecins, qu'on appelle docteurs mais qui sont docteurs de premier cycle, donc qu'on ne devrait pas appeler docteurs au sens académique, mettent quatre ou cinq ans au premier cycle. À ma connaissance, on n'a jamais posé la question d'une espèce de chevauchement par rapport aux deuxième et troisième cycles. Pourquoi? Là aussi, l'expérience et la pratique de la plupart des systèmes occidentaux est éclairante. C'est que la structure ou le dispositif de formation professionnelle, ce n'est que vraiment secondairement qu'il peut être mis en corrélation directe avec la structure du système scolaire. En termes de spécialisation professionnelle comme telle, autrement dit, il y a une erreur de perspective, si on peut dire, à projeter une sorte de corrélation entre des années de formation et des années de scolarité. Plus

spécifiquement - et nous ne sommes pas les seuls dans cette situation - la tradition, les pratiques ont voulu qu'un certain nombre de profils professionnels soient plutôt associés au niveau secondaire et que d'autres soient plutôt associés au niveau collégial. On ne peut pas trancher les choses au couteau. Nous avons tous en tête des exemples où il y aurait, au fond, des rationalités plus nettes à établir. Autrement dit, il y a des chevauchements, mais de manière générale -et même les observateurs étrangers nous le font remarquer - on peut dire que les différences entre les formations professionnelles dispensées au secondaire et celles dispensées au collégial ne sont pas des différences de niveau dans une continuité. Ce sont des différences de type de formation.

Nous n'avons pas ici de hiérarchie ou de nomenclature officielle des fonctions de travail comme il en existe dans d'autres pays, entre autres en France, par exemple. Si on veut prendre les choses plus largement, on peut dire qu'au secondaire sont associés le plus souvent des types de formation professionnelle de niveau qu'on pourrait appeler "ouvrier qualifié" donc, où il y a une composante manuelle non pas unique, mais un peu plus forte et qu'au niveau collégial, on a plutôt associé des formations de type de techniciens ou technologues qui représentent, si vous voulez, une sorte de complexité et de tâches qui éloignent de quelque manière de l'aspect proprement manuel, même s'il en comprend, pour atteindre des niveaux de rationalité et de maîtrise de planification, tant et si bien que, même si on n'a pas ce vocabulaire très rigide ici, il reste que, quand on nous compare, on peut dire qu'au collège, se forment plutôt des techniciens ou des technologues qui sont quelque part entre l'ingénieur et l'ouvrier qualifié. Tant et si bien que le fait que des formations de type professionnel soient prises tantôt au secondaire, tantôt au collégial, le fait qu'elles puissent être dans un système concomitant ou parallèle dans le temps n'implique pas qu'il y ait en soi de dédoublement et nous en avons plusieurs exemples. Je signale le fait parce qu'il est peut-être de nature à éclairer des débats que nous pourrions avoir sur l'espèce de chevauchement secondaire VI ou VII et collégial.

Ce sont, si je puis dire, en termes de système, des créneaux qui ne sont pas concurrentiels. Ce sont des créneaux qui sont complémentaires et concomitants. La preuve en est, au fond... Remarquez qu'il y a là une conséquence des choix historiques que nous avons faits d'intégrer la formation professionnnelle dans la structure scolaire parce qu'il y a quand même des pays où, n'ayant pas fait aussi massivement et exclusivement ce choix, ce type de distinction apparaît plus nettement. Il est possible de prendre des qualifications professionnelles en institution ou ailleurs, mais il n'y a pas d'adéquation, je dirais directe, entre la structure de scolarité et la structure des qualifications professionnelles. Il n'y en a pas non plus, devrais-je ajouter, entre la structure de scolarité et la structure d'emploi. Chacun pourrait se rappeler cette période où, en période d'emploi très vigoureux, on venait chercher largement des gens du collégial, en collège II, avant même qu'ils n'aient terminé, au fond, parce qu'on n'associait pas de façon aussi directe que dans nos propres discours éducatifs, disons qu'on n'associait pas de manière aussi directe la structure de l'emploi et la structure de la formation scolaire.

Je voudrais brièvement, quatrièmement et dernièrement, parler d'un fait de structure qui concerne la pluralité des intervenants en formation des adultes au collégial. Je crois que c'est quelque chose qui viendra sûrement derrière les débats au moment où il sera question de certificat d'études collégiales. Cela se traduit très concrètement par la question suivante: Quel est le rôle de la main-d'oeuvre ou du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu? Et aussi, via le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, le rôle du fédéral, au fond, dans le système de formation des adultes au collégial? Je dirais qu'ici, une distinction de base doit être faite d'entrée de jeu; nous pouvons distinguer ce que nous pourrions appeler le système régulier, le système d'éducation avec toutes ses composantes, y compris le dispositif de formation professionnelle. Il faut distinguer cela, je dirais, des services à la communauté ou des services à la collectivité que peuvent donner ces mêmes institutions. Il faut distinguer tout cela aussi de certains programmes gouvernementaux d'intervention sur le développement professionnel de la main-d'oeuvre. Là aussi, nous ne sommes pas en originalité, nous sommes en parenté très étroite avec ce qui se fait partout dans le monde. C'est que les États, en plus de mettre sur pied leur propre système d'éducation ou leur propre système de formation professionnelle, se donnent les moyens d'intervenir sur le développement professionnel de la main-d'oeuvre par des programmes qui ne sont pas comme tels des programmes de formation, mais qui sont des programmes qui permettent de la formation dans des secteurs que l'État peut juger particulièrement en besoin. Je crois que c'est cette distinction qui nous permet de comprendre très exactement le rôle actuel de la main-d'oeuvre, par l'intermédiaire de la main-d'oeuvre du gouvernement fédéral, par rapport au développement de l'éducation des adultes au collège.

Nous avons au Québec, en complémentarité avec le système éducatif de

base, des programmes d'intervention sur le développement de la main-d'oeuvre. La plus grosse partie de ces programmes résulte d'un accord Québec-Ottawa. Donc, c'est selon les termes d'un accord qu'un certain nombre de métiers d'importance nationale sont désignés et font l'objet d'injections financières spécifiques, soit pour acheter des places de cours dans des institutions, soit pour aider des individus à vivre pendant le temps qu'ils iront en formation en institution. Donc, nous avons aussi ajouté, je dirais, assez traditionnellement une partie proprement québécoise à ce qui résulte de l'entente Québec-Ottawa.

Au Québec, nous avons un ministère de la Main-d'Oeuvre qui est chargé de cette politique plus globale de la main-d'oeuvre et de l'emploi, qui est chargé de la négociation de l'accord Québec-Ottawa et qui est chargé de sa gestion. À l'Éducation, nous sommes partie prenante, si vous voulez, de la commission mixte concernant l'accord, mais nous y sommes en appoint, en quelque sorte, comme les représentants des réseaux d'institutions qui dispensent de la formation. Mais la détermination des besoins est une tâche qui, dans l'organisation gouvernementale actuelle, relève du ministère de la Main-d'Oeuvre, en collaboration étroite, en termes d'identification de besoins, avec les commissions de formation professionnelle et avec la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada. Quand le consensus se fait sur un certain nombre de priorités de formation quant à la distribution régionale, l'Éducation intervient ou, enfin, ses réseaux interviennent pour préparer des programmes de formation et en assurer la prestation, mais l'information du public et le choix des candidats ne relèvent pas de nous. Nous sommes en situation de service. Les activités de formation, elles, relèvent de l'Éducation.

Je signale la chose, parce que je crois qu'elle est de nature à éclairer nos discussions. Évidemment, quand nous parlons d'adultes au collégial, ces programmes spécifiques d'intervention sur le développement professionnel de la main-d'oeuvre sont loin d'épuiser l'action des collèges par rapport à la formation de la main-d'oeuvre. Nous avons affaire ici à un créneau spécifique d'intervention pour du développement dans certains secteurs, dans certaines régions et concernant certaines personnes. Par rapport à ces commandites, si je puis dire, l'Éducation est dans une situation de prestation de services de formation et peut, sur commandite évidemment, offrir - et c'est le cas au collégial - un certain nombre de programmes dits sur mesure, d'importance variable, de durée variable et ainsi de suite. (16 h 45)

Donc, les liens spécifiques que nous entretenons avec le ministère de la Main- d'Oeuvre concernent essentiellement les programmes commandités. Quand l'entente est faite, les budgets, tant québécois que ceux qui proviennent de l'accord Québec-Ottawa, apparaissent aux crédits détaillés du ministère de l'Éducation et transitent dans les réseaux qui ont été désignés pour donner la formation.

Mais cette intervention n'en est pas une de formation comme telle. La loi 51 sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre avait prévu que les commissions de formation professionnelle pourraient diriger des centres de formation et, de fait, il y a dans des régions du Québec des équipements de formation professionnelle. Une sorte d'accord ou d'entente entre les deux ministères a fait que depuis 1972, dans la pratique, c'est l'Éducation qui assure la formation, parfois en utilisant les locaux ou les équipements des commissions de formation professionnelle.

Mais on peut dire que si on pose la question du rôle de la main-d'oeuvre dans la formation des adultes au collégial il faut identifier très clairement ce créneau de programmes spécifiques commandités.

Évidemment, cela n'épuise pas l'ensemble de l'action des cégeps par rapport aux adultes puisque, comme on le sait, les adultes sont très nombreux dans l'enseignement régulier même - il y en a environ 15 000 - et cela n'épuise pas non plus toute la panoplie de cours, d'activités, de services à la collectivité, qui se donnent dans des cégeps pour les adultes.

À ce moment-ci, je ne veux pas poursuivre davantage cet exposé déjà trop long. Je demanderai à ma collègue - nous en avons convenu - de traiter avec vous de questions plus spécifiques concernant les mesures qui sont contenues au projet de régime d'études collégiales. Pour ma part, j'ai voulu situer les modifications apportées dans un horizon un peu plus vaste, qui m'apparaît important au moment où des décisions devront être prises. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Lucier. Mme Fortin.

Mme Michèle Fortin

Mme Fortin: Comme le Dr Laurin l'a dit dans son énoncé initial, le projet de règlement sur le régime pédagogique vise deux objectifs principaux. C'est d'abord protéger une certaine tradition de l'enseignement collégial en mettant l'accent sur la polyvalence, la formation fondamentale dans l'ensemble des programmes d'études et, d'autre part, ouvrir l'accès du collège à diverses catégories d'élèves, quel que soit leur âge et quel que soit leur cheminement de formation.

Les principales modifications au régime sont placées sous le signe de l'éducation permanente et visent à rendre le cégep plus apte à répondre aux besoins divers de son milieu, tant sur le plan des besoins personnels et professionnels des individus que des besoins socio-économiques et culturels des régions. Afin de faciliter la discussion ultérieure du projet, j'aimerais traiter ici de quatre questions. J'ai demandé qu'on vous distribue des tableaux synthèses qui vous permettront, tout au long de cette commission, de comparer le régime pédagogique tel que nous le vivons présentement et le projet de régime tel qu'il est proposé.

Les quatre questions que ces tableaux illustrent et dont j'aimerais traiter ici sont, en premier lieu, les modalités du projet de régime qui favorisent l'instauration dans les collèges d'une véritable politique d'éducation permanente. C'est le tableau de la page 1 qui vous montre les modifications entre les deux régimes.

La comparaison du régime actuel et du projet de règlement en matière de programmation. Vous avez les pages 2 et 3 qui comparent les programmes, le contenu des programmes offerts à l'enseignement collégial dans le cadre du régime actuel et dans le cadre du régime proposé.

Vous avez ensuite un tableau qui compare le régime actuel et le projet de règlement en matière de "diplômation" et de certification. Quels diplômes sont donnés? De quel type? Par quelle instance? S'adressant à quelle population?

Vous avez enfin, sur une dernière feuille, une brève esquisse des responsabilités pédagogiques respectives du ministre et des collèges dans l'un et l'autre régime pédagogique.

Concernant la première question, à savoir la philosophie de l'éducation permanente qui a présidé à l'élaboration du régime, je pense qu'une innovation significative du présent projet est la suppression des définitions et des distinctions entre élèves réguliers à temps complet, élèves réguliers à temps partiel, entre élèves jeunes et élèves adultes. Comme vous l'avez mentionné, je pense qu'il est important de s'interroger sur les raisons qui ont présidé à ce choix.

Je pense que, tout d'abord, dans une conception d'éducation permanente, nous avons voulu signifier qu'il ne pouvait y avoir un cégep régulier pour les jeunes et un cégep irrégulier, dans le fond, pour les autres. Il y a une façon de concevoir le cégep comme un établissement qui doit pouvoir servir à l'ensemble des clientèles. De la même façon, nous croyons que les mêmes diplômes décernés par les collèges doivent être de même valeur, même si les structures d'accueil, les cheminements des élèves et les modalités d'encadrement sont différents.

Il y a aussi - et je pense que l'on doit s'en rendre compte - une difficulté d'arriver à une définition globale assez large pour respecter la variété des situations des clientèles dites adultes tout en étant assez restreintes pour y exclure les élèves du régulier. Les définitions avec lesquelles nous vivons présentement sont tout à fait inadéquates, d'autant plus que sur le plan administratif, on définit un adulte comme un jeune, dans le fond, de 18 ans et plus qui aurait quitté le système scolaire pour une période équivalant à une année, comme si une année en dehors du système scolaire pouvait vous permettre d'acquérir une maturité qu'une année à l'intérieur du système scolaire ne vous permettait pas d'acquérir. C'est une définition qui ne représente rien en termes de besoins des populations et en termes de services à rendre.

L'interpénétration progressive des clientèles jeunes et adultes à l'intérieur des collèges. On a noté tantôt qu'il y avait environ 15 000 adultes, c'est-à-dire personnes ayant quitté le système d'enseignement depuis plus d'un an et ayant plus de 18 ans, qui sont présentement inscrits à l'enseignement régulier. Nous avons aussi une population de plus en plus jeune inscrite à l'éducation des adultes.

Nous avons aussi et de plus en plus la nécessité de développer pour des clientèles dites jeunes, en cheminement discontinu, des activités éducatives spécifiques, tout autant que le besoin le permette, aux clientèles adultes et de mettre à leur service l'ensemble des ressources du collège. Dans le fond, on a vu dans cette mesure, à l'intérieur du règlement, une volonté d'homogénéisation et de nivellement qui n'y était pas. Je pense qu'il est important à cette étape-ci de faire le point.

Enfin, l'abolition de la distinction formelle et souvent artificielle entre jeunes et adultes - adultes étant 18 ans plus une année en dehors du système - ne signifie pas du tout la disparition de structures d'accueil, de cheminement particulier, d'encadrement spécifique et même de mode de financement distinct pour des clientèles particulières. La plupart des clientèles particulières sont présentement regroupées sous le vocable d'adultes mais elles peuvent aussi toucher les décrocheurs, les handicapés et d'autres types de clientèles qui ont besoin de tels services mais qui ne sont pas regroupés sous le vocable dit adultes.

Il est important de noter aussi, même si la politique de l'éducation des adultes n'est pas promulguée, qu'il n'y a aucune intention d'abolir les services d'éducation des adultes des collèges. Ces services seront maintenus et continueront d'être offerts aux clientèles présentes et même à d'autres

clientèles qui pourraient en bénéficier.

Cela signifie cependant que des groupes ou des individus plus jeunes qui en ressentiraient le besoin ne seront pas tenus à l'écart de ces services dont bénéficient des individus plus âgés, pas plus que, dans le fond, les personnes plus âgées qui le désirent ne sont exclues présentement de l'enseignement dit régulier.

De la même façon - je pense que c'est important - jeunes et adultes pourront se voir reconnaître des acquis de formation scolaire et non scolaire et pourront exercer des possibilités de choix entre différentes voies de formation que pourra leur offrir l'enseignement collégial sans devoir attendre qu'un an passé en dehors du système scolaire ne les gratifie automatiquement d'une maturité nouvellement acquise.

Je pense que, de plus, le caractère postobligatoire de l'enseignement collégial, l'âge moyen des élèves dont la plupart atteignent leur majorité en cours d'études collégiales, la mission communautaire des collèges et la nécessité de tenir compte des besoins variés de toutes les clientèles viennent appuyer cette mesure.

Concernant les programmes d'études, les fiches 2 et 3 décrivent la structure des programmes d'études conduisant au diplôme d'études collégiales. Je ne m'étendrai pas sur la description présentée sur ces fiches. Le ministre de l'Éducation a indiqué dans son allocution d'ouverture les éléments qui semblent poser le plus grand nombre d'interrogations. Ils concernent le remplacement d'un cours obligatoire par un autre, l'octroi d'une plus grande liberté à l'étudiant dans le choix de ses cours complémentaires, la détermination d'un espace pouvant aller jusqu'à un maximum de 40% de la spécialisation, 33 1/3% de la concentration permettant aux collèges d'adapter ces programmes par l'utilisation d'un des cours choisis à l'intérieur du cahier de l'enseignement collégial. On s'interroge présentement sur le projet, non sur la pertinence de laisser une marge de manoeuvre mais sur l'extension à lui donner.

Dans le fond, il peut être utile de rappeler que le choix des 40% correspondait à la marge de manoeuvre requise pour aménager une nouvelle voie de sortie dans un collège à l'intérieur d'un programme existant. Le nombre a été déterminé un peu en correspondance avec ce qu'il faut pour définir les voies de sortie spécifiques. On remet présentement en question l'opportunité pour un collège de se doter lui-même d'une voie de sortie spécifique à l'intérieur d'un programme national, même si de nombreux collèges ont des voies de sortie qui leur sont propres et qui ne sont pas offertes par d'autres établissements. Le 40% peut se justifier par cet élément de structure de programmes.

Concernant les diplômes, je pense que la fiche 4 présente la comparaison des diplômes en vigueur et des diplômes proposés. Elle permet de voir assez bien que les principales modifications se situent présentement au niveau du DEC sans mention qu'il serait possible d'attribuer à des étudiants ayant suivi des cheminements un peu plus différenciés que ceux prévus par les programmes officiels et même, à la suite de la recommandation de la commission Jean, à certains d'entre eux, qui auraient défini par avance des projets d'études personnelles bien identifiés, de se doter d'un programme correspondant davantage à leurs aspirations. Je pense que le DEC sans mention a posteriori n'est pas vraiment contesté. On remet plutôt en question l'opportunité de permettre aux jeunes de se doter de projets personnels de formation. Le certificat d'études collégiales dont le contenu est modifié serait maintenant ouvert à tous, en ce sens que tous les individus qui auraient un attrait pour ce genre de diplôme pourraient s'y inscrire. Enfin, l'attestation d'études collégiales s'ouvrirait à la formation générale alors qu'elle ne l'était pas et la sanction des études relèverait dorénavant uniquement du collège.

Vous noterez la disparition d'une attestation d'études collégiales donnée aux gens qui avaient déjà un DEC parce que, conformément à une recommandation du Conseil des collèges, nous sommes d'accord pour qu'un étudiant qui suit à l'intérieur du collège plus d'un diplôme d'études collégiales se voie reconnue cette double formation dans un double diplôme d'études collégiales. Cela ne fait pas partie de la liste des diplômes proposés puisqu'il s'agit d'un deuxième diplôme déjà reconnu.

La dernière fiche permet d'illustrer -quand nous disons que le régime pédagogique a été conçu sous le signe d'une plus grande responsabilisation des collèges - quelles sont les modifications entre le régime actuel et le régime proposé des responsabilités qui sont dévolues au ministère et aux collèges en matière de responsabilités pédagogiques. Les énoncés ont été regroupés en termes de souplesse de gestion. Effectivement, un certain nombre de décisions sur l'organisation du calendrier scolaire deviendrait de responsabilité locale. En matière de décentralisation de responsabilités pédagogiques, j'ai déjà parlé d'une certaine proportion des programmes. Je pense qu'il est important d'avoir, au niveau des collèges, une certaine flexibilité de l'admission et aussi sur le plan de la responsabilisation des collèges, certains éléments sont inscrits dans le règlement concernant les politiques d'évaluation. Un certain nombre de pouvoirs du ministre lui étaient octroyés dans le régime pédagogique en vigueur, régime qui n'était pas un règlement. Ces pouvoirs n'ont

jamais été exercés de façon formelle. Par ailleurs, la loi des collèges et la création du Conseil des collèges permettent d'installer cette dynamique d'évaluation des contrôles dans des perspectives complètement différentes. Je pense que cela permet de fixer de façon plus précise les orientations du projet de régime pédagogique en regard de ce qui se fait présentement. (17 heures)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il y a des questions?

M. Ryan: J'aurais une question à adresser à M. Lucier. M. Lucier a parlé tantôt d'études qui ont été faites ailleurs montrant la tendance des systèmes d'enseignement vers une plus grande diversité dans les voies de formation et les voies d'accès au marché du travail. Il a cité une étude qui a été faite, je pense, par un groupe européen. Est-ce qu'il pourrait nous donner la référence exacte?

M. Lucier: Oui, avec plaisir.

M. Ryan: Si vous l'avez ici. Très bien, si on pouvait y avoir accès, cela nous intéresserait vivement.

Vous avez parlé de la situation en Ontario également. L'impression que nous avions pour l'Ontario, c'est qu'au niveau secondaire, au contraire, on tendait à renforcer les exigences plutôt que...

M. Lucier: Oui, au secondaire. Je faisais la distinction. Autant au niveau, je dirais, obligatoire au secondaire, je dirais que la tendance générale, c'est vraiment de renforcer la formation de base, la polyvalence, de supprimer les prérequis, de reporter les spécialisations, de supprimer les voies cul-de-sac; autant, au niveau postobligatoire, il y a une diversité qui se manifeste partout. Et on assiste - excusez-moi...

M. Ryan: Non, non, excusez-moi.

M. Lucier: Les Ontariens justement viennent encore de retoucher aussi à l'équivalent de leur régime pédagogique au secondaire. C'est dans la ligne, au fond, de l'établissement de structures plus solides et plus communes aussi. Mais dès qu'on dépasse, quand on arrive à ce qu'on appelle le tertiaire dans le jargon, là, vraiment, on assiste, au contraire, à une diversification extrêmement poussée.

M. Ryan: Je voudrais revenir sur deux points qui m'intéressent particulièrement dans ce que vous avez dit tous les deux. Il y a tout d'abord la distinction entre "élèves adultes" et "élèves réguliers". Deuxièmement, l'imbrication du système d'éducation des adultes au niveau collégial avec les programmes fédéraux. Si vous me permettez, je vais vous poser quelques questions. On va partir d'abord de la situation de fait pour ensuite essayer de comprendre les conséquences éventuelles du changement proposé.

Vous avez dit tantôt, M. Lucier, si j'ai bien compris, que l'entente fédérale-provinciale dans ce domaine est sous la responsabilité du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu; c'est l'entente Marois-Axworthy.

M. Lucier: C'est cela.

M. Ryan: Cela veut dire que c'est le ministère de la Main-d'Oeuvre qui assure la relation avec le ministère fédéral - comment s'appelle-t-il? - de l'Emploi et de l'Immigration, je pense.

M. Lucier: C'est cela.

M. Ryan: Prenons une région donnée, la région de Montréal, par exemple. Il y a la commission fédérale de l'emploi et de l'immigration, qui a sa sous-commission à Montréal, qui reçoit des représentations des employeurs, qui est en contact quotidien avec tous ceux qui sont sur le marché du travail, les chercheurs d'emplois, en somme, et les offreurs d'emplois. À un moment donné, ils décident qu'ils auraient besoin d'un cours pour 50 personnes, dans le domaine du camionnage, par exemple, ou le maniement d'appareils de transport lourd; en tout cas, ce que l'on voudra. À ce moment-là, à qui s'adressent-ils? Est-ce qu'ils s'adressent au ministère de la Main-d'Oeuvre du Québec pour commencer, ou à la commission de la formation professionnelle régionale? À qui s'adressent-ils? Comment cela fonctionne-t-il exactement?

M. Lucier: À la commission de formation...

M. Ryan: Comment cela aboutit-il aux cégeps?

M. Lucier: À la commission de formation professionnelle. C'est qu'au fond, il y a une discussion qui est faite pour l'ensemble du Québec et qui implique notre ministère de la Main-d'Oeuvre. Nous avons d'ailleurs partie prenante, mais c'est le ; ministère de la Main-d'Oeuvre qui négocie cela avec le gouvernement fédéral concernant une identification globale des besoins. Ensuite, il y a une partie régionale qui, elle, est faite au niveau des CFP - les commissions de formation professionnelle - et de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada. Et...

M. Ryan: Pardon?

M. Lucier: ... il se fait une sorte de plan régional à l'intérieur d'un plan global.

M. Ryan: Au niveau de l'établissement du plan régional, le ministère de l'Éducation intervient-il?

M. Lucier: Aussi.

M. Ryan: Et, est-ce qu'il est représenté à la commission...

M. Lucier: Non.

M. Ryan: ...de formation professionnelle?

M. Lucier: Non. La commission de formation professionnelle est formée pour la moitié d'employeurs et pour l'autre moitié de syndiqués.

M. Ryan: Au point de vue financier, comment cela fonctionne-t-il? Le paiement et tout cela, comment cela se fait-il?

M. Lucier: Une fois que la planification est faite et qu'il y a un accord, les masses financières transitent actuellement si la formation doit être donnée en commission scolaire ou dans des cégeps. Elles transitent par les budgets d'éducation et apparaissent à notre livre des crédits, et ensuite elles transitent dans les réseaux. Ainsi, par exemple, cette année, pour ces projets au collégial, en 1983 et en 1984, on a environ 28 000 000 $ qui, à la suite d'une entente, sont injectés dans les cégeps pour répondre à ces besoins.

M. Ryan: Les cégeps sont remboursés sur quelle base? Est-ce qu'un calcul spécial est fait pour les adultes qui suivent ces cours, un calcul spécial dont le coût moyen par élève est différent selon les cours, je suppose?

M. Lucier: C'est par groupe, par nombre de places et ainsi de suite. C'est un financement particulier.

M. Ryan: II y aurait environ, actuellement, si je ne fais pas erreur, 45 000 adultes inscrits d'une manière ou de l'autre dans les cégeps pour des cours.

Combien y en aurait-il au titre de la formation professionnelle parrainée par le gouvernement fédéral?

M. Lucier: J'ai des chiffres. Si vous me donnez quelques minutes, je vous les trouverai.

M. Ryan: Très bien.

M. Lucier: C'est qu'il y a, dans la clientèle dite régulière, une quinzaine de milliers d'adultes qui s'inscrivent aux collèges dans des programmes et qui ne reçoivent rien de...

M. Ryan: Ce sont des élèves réguliers dans les cégeps.

M. Lucier: Oui. À côté de cela, dans le cadre de ces programmes qu'on pourrait appeler des programmes commandités d'intervention, il y a un certain nombre de groupes, de nombre d'heures aussi, dans certains secteurs de formation. C'est comme si l'on achetait des heures-cours ou des places, si vous voulez.

M. Ryan: Vous allez retrouver des statistiques. Cela nous intéresse. En attendant, je pourrais peut-être poser une question à madame Fortin. Qu'arrivera-t-il de tout cela avec l'abolition de la distinction entre "élèves réguliers" et "élèves adultes"? Est-ce que tout reste comme c'est actuellement?

Dans la loi fédérale - si j'ai bien compris - on définit l'adulte comme une personne qui n'est plus obligée, légalement, de fréquenter l'école. Un peu plus loin, on dit que le ministre autorisera des programmes pour des citoyens qui ont été absents des écoles depuis un an. À ce moment, on maintient, il y a une distinction adulte qui est maintenue. Pour l'accès à ces programmes, je pense bien que c'est la loi fédérale qui va s'appliquer.

Mme Fortin: Oui, à ces programmes qui définissent la clientèle - si je peux utiliser ce terme soi-disant pas français - admissible à ces programmes spécifiques. De la même façon, si vous créez un programme spécial pour un groupe de personnes ayant des besoins particuliers, que ce soit un groupe de femmes ou un groupe d'employés de telle compagnie en formation sur mesure, ce sont des programmes spéciaux faits en fonction d'une clientèle déterminée. C'est juste que le critère de l'âge ou de l'année de discontinuité n'est pas un critère permanent qui devrait distinguer, selon nous, des populations étudiantes dans les collèges.

Il demeurera toujours des groupes avec des cheminements particuliers, des programmes s'adressant à des clientèles spécifiques. Si je peux faire une analogie, il n'y a pas vraiment, sauf sur le plan de l'admission des 23 ans et plus dans les universités, de distinction entre des clientèles jeunes et des clientèles adultes. Parce qu'on aurait des adultes de 30 ans inscrits dans des programmes de doctorat et des jeunes de 25 ans inscrits aux facultés d'éducation permanente. Cela n'empêche pas les universités et les établissements de donner

des programmes spécifiques, des encadrements, des structures d'accueil différenciés selon les besoins des différentes populations. C'est simplement que, sur le plan de la définition de la clientèle, dans le fond, l'ensemble de la clientèle est définie comme une clientèle adulte, pour certains groupes, et selon des facteurs non nécessairement reliés à l'âge, ayant des besoins spécifiques.

M. Lucier: Voyez-vous, l'estimation 1983-84 qui apparaît au livre des crédits indique que, pour la formation au cégep, la formation professionnelle à temps plein, 5787 individus rejoints, mais ils ne sont pas tous au titre de l'accord Québec-Ottawa. Il y en a qui sont rejoints au titre du PFMQ.

Professionnels à temps partiel: 72 722 individus rejoints, c'est une estimation.

M. Ryan: 72 000?

M. Lucier: Oui. 72 722.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais d'abord remercier à la fois le ministre et le critique de l'Opposition pour avoir accepté très rapidement et très facilement une proposition que j'avais faite, c'est-à-dire qu'on puisse entendre aussi, comme témoins, les hauts fonctionnaires qui ont travaillé à l'élaboration du projet de règlement des études collégiales. Je pense que c'est dans l'approche de la réforme parlementaire et j'ai été témoin de la façon dont l'idée a été accueillie par M. Lucier et Mme Fortin. Je pense que c'est de bon augure pour la façon dont on devrait aborder le témoignage des hauts fonctionnaires sur des questions qui, dans le fond, nécessitent leur éclairage et leurs connaissances.

J'ai eu l'occasion de rencontrer lundi, avant de venir à Québec, - les enseignants d'un cégep de ma région, le cégep de Saint-Hyacinthe, qui m'ont longuement expliqué leurs appréhensions sur un certain nombre de questions.

Après avoir eu les documents, je me rends compte qu'il y a, entre autres, trois problèmes majeurs qui semblent ressortir. Le problème des différents diplômes ou certificats apparaîtrait à la suite de ce règlement. Le problème, aussi, du pourcentage des programmes professionnels choisis par les collèges. Et, finalement, le problème de l'abolition d'un cours de philosophie. En ce qui concerne l'abolition d'un cours de philosophie, je pense que mon collègue de Chauveau, qui est un philosophe, est mieux à même que moi d'en parler.

Une voix: Distingué philosophe.

M. Charbonneau: C'est un distingué philosophe dont j'ai eu à apprécier les sages conseils ainsi que ceux de Mme Lavoie-Roux, lors de notre commission parlementaire sur la protection de la jeunesse.

Pour revenir au problème des différents diplômes et certificats, une des craintes qu'on m'a manifestée, c'est la crainte d'une espèce de retour en arrière où on verrait s'installer différents niveaux de qualification. En fait, on craint qu'on réduise la qualification vers le bas, qu'on incite beaucoup de jeunes à utiliser la voie de la facilité, c'est-à-dire la voie la plus rapide et qu'on se retrouve avec une population jeune moins équipée, moins formée, plus exploitable, moins mobile également. Cela fait partie des principales objections. J'ai eu la chance de voir une vingtaine d'enseignants, y compris les dirigeants, du syndicat du cégep de Saint-Hyacinthe et dans presque toutes les interventions, cela revenait, cette crainte d'une espèce de retour en arrière, d'une déqualification. Vous avez le certificat des études collégiales et là, vous avez un meilleur certificat, celui du DEC. Comme il y en aurait quelques catégories comme cela - il y en a deux ou trois autres, deux autres, je crois - on privilégierait un système qui, au lieu d'amener tout le monde à aller plus loin, inciterait des gens à stopper en cours de route, à se contenter de peu et à être moins équipés intellectuellement et en termes de méthodes et de fonctionnement dans la société active pour la suite. Cela est ma première question. J'en aurai une autre sur l'autre problème que j'ai soulevé, c'est-à-dire le pourcentage des programmes.

Le Président (M. Gagnon): Mme Fortin, M. Lucier. (17 h 15)

M. Lucier: Vous comprendrez que nous n'avons pas à faire d'apologie, mais je pourrais peut-être rappeler un certain nombre de faits éclairants.

En fait, en termes d'analyse de système, c'est le pari inverse qui est fait. Autrement dit, ce n'est pas du tout le pari du recul ou de l'attraction vers le bas. C'est plutôt le pari de l'avenir et de l'attraction vers le haut. C'est le pari qu'on a fait dans la plupart des pays occidentaux. C'est un pari qui a été jugé raisonnable, un pari qui a fait ses preuves. Il est évident que même la publicité et l'information scolaire et professionnelle, qui devraient accompagner l'introduction de ce genre de nouvelles voies, devraient être faites avec beaucoup de prudence et de circonspection. Autrement dit, ce n'est pas une incitation. La possibilité juridique d'introduire de nouvelles voies n'est pas une incitation à s'y engouffrer. Je vous citais tantôt le nombre élevé de personnes qui ont déjà le droit d'accéder à ces

programmes et qui préfèrent la voie du DEC. Il y a aussi un fait de structure extrêmement important, c'est que le DEC jouit d'un prestige, en un certain sens, peu contesté dans notre société. L'ensemble des politiques gouvernementales d'accessibilité vise à ce que le plus grand nombre possible d'étudiants accède au DEC. Il devient aussi l'objet d'une espèce d'habitude socioculturelle et quasi familiale dans de plus en plus de milieux, à savoir que le DEC est fait pour être pris. On ne voit pas comment il pourrait s'instaurer une espèce de dissuasion socioculturelle contre le DEC; au contraire. C'est encore le DEC qui donne l'accès direct à l'université. Je dis l'accès direct parce que vous savez qu'on n'a pas besoin de diplôme comme tel pour accéder à l'université. C'est encore le DEC qui donne aussi l'accès direct à un nombre important de corporations professionnelles.

Ce que je pourrais dire non pas en réponse à vos craintes, mais peut-être pour éclairer votre propre jugement sur ces craintes, c'est qu'il y a des faits qui donnent à penser que le pari inverse de celui que vous apportez est raisonnable et qu'il a fait ses preuves. Cela invite en termes de structure à une sorte de balisage de l'accès; non pas de tamisage, mais de balisage de l'accès en termes d'information. Toute l'information scolaire et professionnelle va continuer de promouvoir le DEC; cela m'apparaît évident. La demande sociale va aller dans ce sens. Il est aussi possible de situer de manière très concrète et très opérationnelle dans l'organisation du collège l'apport spécifique d'un type de diplôme comme celui-là. Ce n'est pas une nomenclature indifférenciée de diplômes, c'est la capacité pour une institution d'offrir des voies diversifiées. Tout ce que je peux vous dire, c'est que les faits nous semblent montrer que le pari inverse est raisonnable.

M. Charbonneau: Quand vous parlez justement des faits qui ont fait leurs preuves, est-ce qu'il serait possible d'avoir plus de précision? Est-ce qu'il y a des études sur cela? Est-ce qu'il y a des synthèses qui établissent cela clairement?

M. Lucier: Oui. L'introduction des enseignements supérieurs, qu'on appelait cours à l'OCDE ou du tertiaire, comme on dit dans les pays d'Europe aussi, montre que ces introductions ont eu pour effet d'amener aux institutions supérieures des gens qui n'étaient pas venus et qui n'y seraient pas venus autrement. Le fait le plus proche de nous, c'est le cégep lui-même.

M. Charbonneau: La deuxième question...

M. Lucier: II y a des études là-dessus.

J'avais moi-même, dans des fonctions de chercheur, naguère commis une étude comparative qui n'a pas, ma foi, tellement vieilli. Cela me fera plaisir de vous la communiquer si...

M. Charbonneau: Je pense que cela pourrait être intéressant.

M. Lucier: ...cela peut vous intéresser.

M. Charbonneau: J'ai l'impression que cela pourrait être intéressant. Si je me fie aux craintes qui m'ont été communiquées, j'ai l'impression que c'est l'un des principaux sujets d'inquiétude...

M. Lucier: Maintenant, ce genre de pari... Excusez-moi.

M. Charbonneau: Oui, allez-y.

M. Lucier: ...ne peut pas évacuer toute possibilité que certaines personnes glissent d'un diplôme à l'autre. Au départ, on ne peut pas éviter cela. Il resterait la coercition pour éviter que cela ne se fasse. Tous les signes que nous avons donnent à penser qu'il y a une espèce de mouvement socioculturel qui va en sens inverse. Mais, encore une fois, des ratés ne sont pas inévitables. Personne ne peut garantir à l'avance que certains ne choisiraient pas cette voie prétendument plus facile, mais ce sont des adultes.

M. Charbonneau: La deuxième question, c'est au sujet du pourcentage de programmes professionnels qui seraient choisis par les collèges en région, en fonction des besoins régionaux. Là encore, la crainte qui m'a été communiquée, c'est de voir tout un enseignement organisé - - le député d'Argenteuil l'a manifesté dans son intervention d'ouverture - autour de besoins tellement locaux qu'il empêche finalement la mobilité par la suite. Il y a aussi la crainte clairement affichée - j'imagine que certaines des personnes qui viendront témoigner après vous reprendront ces propos - de voir l'enseignement soumis, on emploie le terme, aux diktats de l'entreprise ou des gens d'affaires dans une région au point où, finalement, les enseignants, ceux qui ont à avoir un contrôle ou qui ont à modeler la pédagogie, seraient obligés de s'astreindre à des contraintes qui, à leurs yeux, seraient inacceptables, par principe et aussi parce qu'elles bloqueraient la mobilité et les possibilités d'avancement et de formation personnelle dans la vie active des étudiants concernés.

Là encore, il ne s'agit pas pour moi de vous demander une apologie par rapport aux conceptions, parce que je présume - le ministre a fait allusion à la longue période

qui a précédé en termes de consultations -j'imagine que ce genre de représentations ont du vous être faites également. Vous qui avez été parmi les concepteurs, j'imagine que vous devez avoir... Si vous en êtes malgré tout arrivé à proposer cela...

Le Président (M. Gagnon): Mme Fortin.

Mme Fortin: Si je peux répondre à cette question, j'aimerais faire un petit détour, si vous le permettez. Les besoins de l'entreprise pour de la formation spécifique, de façon générale, sont des besoins à court terme pour des populations définies et s'expriment dans des demandes de type commandité où l'entreprise remplace un peu le ministère de la Main-d'Oeuvre ou Immigration Canada. Ces programmes donnent lieu à des attestations d'études collégiales qui sont des programmes de courte durée faits pour remplir un certain nombre de besoins.

Il faut se mettre en tête qu'un grand nombre de besoins de l'entreprise sont des besoins ad hoc de formation de main-d'oeuvre rapide avec des programmes spécifiques pour des clientèles prédéterminées.

Ce dont on parle ici, c'est de ce que j'appelle le pouvoir pédagogique du collège sur une partie du programme donnant accès à un diplôme d'études collégiales, que ce programme soit un programme préuniversitaire ou professionnel. Les craintes dont vous me faites part sont des craintes concernant les programmes professionnels et non les programmes préuniversitaires.

Concernant les programmes professionnels, la vision que nous en avions au début est fort différente. Lorsque nous disions qu'une proportion des cours doit être sous la responsabilité du collège, nous n'avions pas l'impression de dire qu'ils doivent être sous la responsabilité de l'industrie. Nous n'étions pas conscients non plus, et je le dis peut-être avec un peu d'ironie, de cette emprise si grande de l'industrie sur le réseau collégial. Dans notre esprit, les membres de la communauté collégiale, c'est-à-dire les enseignants, les étudiants et les administrateurs, devaient déterminer, en fonction des besoins du marché, de certaines particularités locales, d'une vision spécifique sur un programme, une fraction de cours dont le maximum ne devait pas dépasser 40%. Il pouvait, selon les programmes, aller à 10%, 15%, 20%. La vision qui a été reçue du milieu, c'est que ces cours deviendraient de la formation très pointue pour répondre à des besoins immédiats du secteur industriel.

Si je compare à une situation qui peut exister dans d'autres secteurs ou dans d'autres milieux - je pense, par exemple, à la formation universitaire où les établissements, qui sont contrôlés par des professeurs, des étudiants et des administrateurs, doivent former des gens pour le marché du travail, un type de main-d'oeuvre différent du type de main-d'oeuvre formé par le réseau collégial - l'autonomie universitaire en matière de programmation n'a pas donné ces résultats non plus.

Je pense, par ailleurs, qu'un autre argument qui va être évoqué ici concerne non seulement l'emprise de l'industrie sur le contenu du programme, mais plutôt le fait de l'impact de cette variabilité potentielle du contenu des programmes sur un diplôme national. Est-ce que le diplôme reflétera un corps d'enseignement assez commun pour pouvoir porter le même titre d'un collège à l'autre si on octroie une proportion jusqu'à 40% aux collèges en termes de variabilité à l'intérieur du diplôme? C'est là une des questions. L'autre question que vous avez posée est sur la mobilité. On s'attache beaucoup aux 40%. Le Dr Laurin a dit tantôt qu'un chiffre ou un autre... On a probablement été influencé par tout le débat sur l'autonomie des collèges, la responsabilité à accorder aux institutions locales. Tout en protégeant les troncs communs et les enseignements fondamentaux de base dans chacun des programmes, il s'agit de permettre la responsabilisation des établissements en matière pédagogique - non seulement en matière de construction ou de dispensation de services - sur le plan de la constitution d'une partie de leur programme. Dans notre tête, cela comprenait les enseignants, les étudiants et les administrateurs des collèges.

Il est possible qu'il y ait dans une ville un collège qui a un répondant économique qui est une industrie majeure, qui a des besoins à long terme d'une formation spécifique dont le président siège au conseil d'administration, dont le responsable du personnel siège au comité de programmes. On ne le sait pas. Il est possible qu'il y ait des orientations qui conduisent à une spécification du programme en fonction des besoins locaux ou régionaux. Nous avons déjà dans des collèges des voies de sortie spécifiques qui n'appartiennent qu'à un seul collège. Dans le fond, ils ont une autorisation ou ce que j'appelle une étampe nationale. Nous autorisons un collège à avoir présentement l'équivalent de 40% d'un programme avec une voie de sortie spécifique.

Ce que nous disions, c'est: Est-ce qu'on doit laisser au collège la possibilité de se le donner lui-même sans que nous l'autorisions? Ce qu'on nous dit, c'est que c'est trop. Ce que des gens nous disent, c'est que c'est trop. La perspective dans laquelle la proposition a été élaborée a été celle de rendre les programmes plus personnalisés et répondant mieux à des besoins spécifiques

d'un établissement et de son milieu et aussi, je pense, de créer à l'intérieur des collèges ces tables de concertation en matière pédagogique regroupant des enseignants, des étudiants et des administrateurs qui permettraient de discuter d'une orientation spécifique à donner à un programme, que celui-ci fût dans le secteur professionnel ou dans le secteur général.

Je pense qu'on peut discuter de l'opportunité du montant. Je pense que les intentions à l'origine de cette proposition étaient celles-là.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Lucier.

M. Lucier: Sur la même question, si vous me permettez. La proposition qui est dans le projet de régime parle toujours évidemment d'une adaptation, mais à partir des cours qui sont dans les cahiers de l'enseignement collégial. Je crois qu'il y a là un fait important. Cela signifie que cela n'est pas n'importe quoi, mais c'est à partir de la banque de cours approuvés, et vous connaissez tout le processus assez complexe de l'approbation des programmes et des cours.

Donc l'apport local est prévu comme devant être fait à partir des cours approuvés et qui paraissent dans les cahiers d'enseignement collégial, ce qui est en soi une garantie que les matières abordées ne seront pas pointues puisque l'ensemble de la banque de cours devrait normalement être dans une perspective fondamentale.

Deuxièmement, dans la mesure où ce sont les collèges qui choisiraient ces cours, pourquoi décideraient-ils de faire pointu même s'ils le voulaient et pourquoi décideraient-ils de s'inféoder à de l'entreprise puisque c'est à eux de prendre la décision?

Troisièmement, je dirais qu'en termes de système au niveau collégial, les observateurs de l'extérieur nous font plutôt remarquer que nous sommes tout à fait à l'opposé d'être menacés d'être inféodés à l'entreprise. Notre système lui-même, avec sa structure complexe, sa polyvalence, ses cours de base obligatoires en français et en philosophie, est tout le contraire, comme structure, d'une inféodation. Certains nous taxent d'une espèce d'autarcie éducative par rapport aux exigences du marché de l'emploi et reprochent même au système ses prétentions trop exclusivement éducatives par-delà les nécessités socio-économiques.

Remarquez qu'en dehors de chez nous, à commencer par nos voisins ontariens, je dirais que les choix ont été faits avec beaucoup moins de précautions et on a carrément distingué dans les CAAT et ce qui se fait en douzième, treizième, avant d'entrer à l'université. Disons que ceci apparaît comme des faits qui permettent de faire le pari qu'on ne s'achemine pas vers du pointu, en tout cas qu'on ne l'encourage pas. Il y a là des espèces de protections systémiques qui tiennent aux faits qu'on a énumérés.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Verchères. Mme la députée de Jacques-Cartier. Ensuite ce sera à Mme la députée de Maisonneuve. (17 h 30)

Mme Dougherty: M. Lucier, je trouve très intéressant ce que vous avez dit sur la diversification. Je me demande quelle en est l'implication pour l'école secondaire. Parce qu'il me semble que les nouveaux régimes pédagogiques au niveau secondaire vont dans le sens contraire et vous êtes, naturellement, familier au niveau...

M. Lucier: Oui.

Mme Dougherty: ...des régimes pédagogiques.

M. Lucier: Ce que j'ai essayé d'expliquer, c'est que, justement, au niveau secondaire, qui correspond, grosso modo, à l'obligatoire ou à peu près, on n'est pas dans le sens de la diversification. On est plutôt dans le sens...

Mme Dougherty: Bien sûr.

M. Lucier: Et c'est ce que nous faisons ici et en cela nous sommes très contemporains, je dirais. C'est au postobligatoire et concrètement aussi au postsecondaire que là, partout autour de nous, émerge la nécessité d'une diversification de plus en plus forte.

Mme Dougherty: Mais vous ne croyez pas que le même phénomène n'a pas de validité au niveau secondaire?

M. Lucier: Actuellement, les tendances sont que... Non, il n'y a plus de danger au niveau de la formation de base, de l'assiette commune, des grandes approches du réel.

Mme Dougherty: Mais est-ce qu'il y a des chiffres qui prouvent que, au niveau secondaire, le même phénomène n'existe pas?

M. Lucier: Ce sont moins des chiffres que des régimes pédagogiques qu'on peut étudier. Si vous considérez ce qui tient lieu de régime pédagogique en Ontario, ce que font les Suédois, ce qui se fait dans les grands collèges français, les collèges communs, vous aboutissez à des curriculums qui sont très apparentés et qui ne sont pas sous le signe de la diversité. Il y a toujours des créneaux optionnels, bien sûr, mais on

s'en prend à tout ce qui pourrait ressembler à une sorte de spécialisation ou de concentration prématurée. Mais on a strictement le phénomène inverse au postobligatoire, avec des variantes, mais il est évident que - je parle ici à un niveau très global - vous retrouvez des espèces de compendiums qui sont assez apparentés, d'un pays à l'autre.

Mme Dougherty: Je vous ai demandé cela parce qu'il me semble qu'une des causes du niveau de décrochage qui existe ici, actuellement au Québec, pourrait être le manque de diversification: une spécialisation trop tard au lieu de plus tôt. Et je me demande s'il y a des études...

M. Lucier: Écoutez...

Mme Dougherty: ...qui démontrent...

M. Lucier: ...l'étiologie ou l'étude des causes du décrochage est quelque chose d'extrêmement complexe et...

Mme Dougherty: Oui.

M. Lucier: ...il y a énormément de facteurs. Le principal facteur, à ma connaissance, n'a jamais été identifié comme étant la fracture du régime pédagogique comme tel. C'est beaucoup plus les questions d'appartenance socio-économique, des problèmes de motivation personnelle, des problèmes aussi de pratique pédagogique, d'organisation scolaire, beaucoup plus que les matières comme telles.

Mme Dougherty: Alors, deuxième question. Je crois que la commission Jean -je m'adresse à Mme Fortin - a parlé de la nécessité de former nos enseignants ou d'adapter la pédagogie aux besoins des adultes, compte tenu des différents bagages qu'ils apportent à leurs études.

Je crois que tous ceux qui ont enseigné aux adultes et aux jeunes étudiants sont conscients de la différence. Est-ce que c'est vrai qu'il y a une certaine accommodation et comment est-ce qu'on pourrait réaliser cette nécessité si on mélange les adultes et les jeunes?

Mme Fortin: Vous avez mentionné si on mélange les adultes et les jeunes.

Mme Dougherty: Je ne suis pas contre, mais...

Mme Fortin: On n'a pas l'intention de les mélanger plus qu'ils ne le sont maintenant. On a présentement 11% d'adultes volontairement mélangés aux jeunes qui s'adaptent à un type de régime pédagogique un peu plus traditionnel. Par ailleurs, on a, à la suite des politiques d'insertion sociale professionnelle des jeunes à la fin du secondaire, 6000 jeunes qui ne se sont pas adaptés, qui sont dans des écoles, classes, programmes spécifiques de décrocheurs et pour lesquels les méthodes d'enseignement des jeunes réguliers ne sont pas adéquates.

Je pense que, de façon générale, les groupes d'adultes auxquels se réfère la commission Jean, qui viennent avec des expériences diversifiées du marché du travail, auxquels on a reconnu des acquis personnels et professionnels, qui ont un type de formation centré davantage sur leur pratique professionnelle, d'où ils tirent des enseignements plus théoriques, nécessitent une approche pédagogique différente. Personnellement, je me demande si une telle approche pédagogique ne serait pas aussi bénéfique à un grand nombre de jeunes qui répugnent aux méthodes pédagogiques plus traditionnelles. Dans le fond, la formation professionnelle d'un enseignant devrait lui permettre, quant à moi - et c'est probablement plus personnel - de transmettre une matière académique ou professionnelle à différents types de population.

Je pense que nous devrons progressivement former davantage nos enseignants à transmettre des connaissances à des populations de plus en plus diversifiées. Elles existent présentement dans les classes et plus le système avance en âge, en particulier au niveau postsecondaire, plus ces ajustements sont requis. Je pense, par ailleurs, que, dans l'éducation des adultes dans son sens le plus pur, là où on n'a pas de difficulté à établir des définitions, il y a présentement des éducateurs d'adultes permanents et des éducateurs d'adultes d'appoint. Il y a tout un système de formateurs d'adultes dont certains sont mieux formés que d'autres et qui ont développé des méthodes, des habiletés, des aptitudes qui devraient être partagées avec un certain nombre de leurs collègues. Je pense qu'il y a des méthodes pédagogiques propres à ces situations-là. Je ne pense pas qu'elles soient exclusives aux adultes, mais je pense que, dans le fond, un souci d'élargir cette préoccupation à l'intérieur des collèges pourra avoir un effet bénéfique sur l'ensemble des pratiques pédagogiques des divers groupes.

Sur le plan de la formation, nous avons des consultations - vous avez probablement vu un certain nombre de propositions concernant la formation des maîtres - auprès des divers groupes. À l'intérieur d'une d'elles, il y a des éléments concernant la formation des formateurs d'adultes ou des formateurs de clientèles spécifiques. Pierre, si tu veux continuer là-dessus.

M. Lucier: Le libellé même de l'expression "suppression de la distinction

jeunes adultes" mérite d'être qualifié. Ce que le projet de régime vise, c'est de supprimer les critères, mécaniquement appliqués, d'une exclusion qui tiendrait au fait que vous êtes né tel jour plutôt qu'un tel autre. Il n'est aucunement - je crois que c'est évident quand on le regarde de près - question de niveler les approches pédagogiques ou de traiter toutes les clientèles sans tenir compte des besoins spécifiques. Il y aurait là une espèce d'immersion, de noyade que personne ne souhaite et qui serait très mauvaise pour l'évolution de l'éducation. C'est pour cela qu'on dit qu'il faut garder les structures d'accueil. Ce qui est visé comme suppression, c'est une espèce de discrimination mécanique qui tiendrait au fait que je n'ai pas accès à tel programme parce qu'il me manque six mois de vie.

Mme Dougherty: II faut élargir l'acceptation...

M. Lucier: Exactement et non pas supprimer les approches. La pratique des gens est très significative là-dessus parce qu'il y a quand même des entourloupettes qui peuvent se pratiquer pour, finalement, contourner les critères. À la limite, il suffit de faire un séjour à l'extérieur du collège et d'y revenir pour changer de catégorie. C'est cette espèce de discrimination mécanique et peu justifiable qui est visée, mais pas du tout la diversification des encadrements ou la diversification des structures d'accueil.

Mme Fortin: Par ailleurs, si je peux me permettre de donner un exemple que nous avons vécu au cours de l'année dernière, certains besoins de formation de jeunes adultes dans le domaine de la gestion des entreprises agricoles ont été manifestés dans une région. Le besoin a été manifesté par le biais de l'éducation des adultes. Les jeunes ont demandé un programme - au fond, le même - parce qu'il ne leur était pas possible de participer au programme de l'éducation des adultes. Nous n'avons pas, dans le fond, dédoublé des programmes, mais pour les jeunes agriculteurs, quel que soit leur âge, on s'était entendu avec le cégep pour leur offrir conjointement un programme approprié à leurs besoins, indépendamment de la notion "jeunes adultes" du régime pédagogique.

Il y a un autre élément qu'on ne mentionne pas toujours et qui peut être important. Dans le régime, tel que nous le vivons présentement, les adultes ont un certain nombre d'avantages et un certain nombre de désavantages. On souligne très souvent le désavantage sur le plan des horaires, de l'accessibilité aux services et ces choses-là. Par ailleurs, seuls les adultes veulent se voir reconnaître des acquis de formation scolaire ou non scolaire, des équivalences. Je ne veux pas dire que cette pratique devrait être étendue à l'ensemble des jeunes, mais ce que nous voulons, c'est que, pour chaque individu dans un collège qui répond à un certain nombre de critères, si un adulte peut être dispensé de ce cours en répondant à ces critères, le jeune devrait l'être aussi s'il répond aux mêmes critères. C'est une question de discrimination selon l'âge qui devrait être établie selon d'autres critères. Surtout au postsecondaire où les jeunes sont plus âgés et les adultes sont très jeunes. Il y a un peu de cela aussi dans cette perspective qu'un jeune puisse avoir accès aux mêmes avantages et aussi faire de l'ensemble du collège un collège qui s'adresse à l'ensemble des populations.

Je pense qu'on ne vous cachera pas qu'on vise progressivement à rendre le collège ce que j'appellerais le collège pour tous, pas le collège de l'enseignement régulier avec une extension de l'enseignement des adultes. Cela ne veut pas dire que tous les jeunes et les adultes vont être casés en rangs dans les mêmes classes, aux mêmes heures et selon les mêmes formats. Je pense qu'il y a une question de jugement et de service à rendre là-dedans.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je pense que votre exposé est certainement de nature à dissiper certaines inquiétudes. Je voudrais revenir sur la question posée par ma collègue. J'ai eu l'occasion d'être en contact avec des enseignants de cégeps, particulièrement au cégep Maisonneuve, et je me suis rendu compte qu'il y a là encore une clientèle importante d'adolescents. Donc, la différenciation qu'on doit abolir dans les critères d'admission, évidemment, ne doit pas avoir le corollaire dans... On doit maintenir cette différenciation dans l'approche pédagogique. J'ai eu l'occasion dernièrement, particulièrement au secondaire V, dans les écoles secondaires de mon quartier, de vivre une journée de décret en remplaçant des professeurs comme si j'étais en disponibilité. Et je dois vous dire que cela a été un peu traumatisant. D'ailleurs, j'ai écrit au ministre de l'Éducation à ce sujet. J'enseignais en éducation économique et en géographie, suffisamment pour me rendre compte que j'avais là des adolescents, parfois assez turbulents, dois-je vous dire. Il y avait peu, dans le passage entre le secondaire V et la première année au cégep. Et, il y a certainement une approche - je dirais - quasi affective, ou du moins différente, à ce niveau.

Je dois vous dire qu'il y a des choses extrêmement intéressantes dans votre exposé, notamment ce pari inverse que vous projetez pour conduire à une attraction vers le haut. Je pense à l'objectif qu'on vise, qu'on doit

viser. Vous parliez d'un glissement possible. Je me dis: Est-ce que j'ai raison de croire que, sans l'éviter, ce glissement, il peut cependant être atténué du fait qu'on abolit les conditions d'admission, les prérequis formels qui existaient jusqu'à maintenant et qui supposaient d'obtenir des équivalences dans des cours formels suivis dans un autre cégep pour les remplacer par un mode d'admission beaucoup plus ouvert? Ceci pourrait donc conduire à l'obtention, puisque c'est cette question qui est particulièrement en cause, d'un certificat d'études collégiales qui pourrait éventuellement mener à poursuivre des études pour l'obtention d'un diplôme d'études collégiales. Dans le temps, on peut voir qu'un premier certificat pourrait motiver suffisamment pour vouloir poursuivre en vue d'un diplôme, j'interprète bien, à ce moment-ci, le règlement? (17 h 45)

M. Lucier: Oui.

Mme Harel: Mes questions concernent particulièremenmt les chiffres que vous nous avez donnés sur les décrocheurs. Vous nous avez dit: II y en a au-delà de 35%; c'est un peu plus élevé, dites-vous, au professionnel. Et, un peu comme le souhaitait le député d'Argenteuil quand il manifestait son désir que des universités ou des universitaires soient venus nous faire valoir leur point de vue ou leur jugement sur les prérequis ou les apprentissages qui sont faits au cégep et qui doivent être complétés au moment de l'admission à l'université, je me demande si, dans des études faites - vous en avez fait état plus tôt - quant aux causes très diversifiées qui conduisent au décrochage, l'une de ces causes ne serait pas les acquisitions ou les apprentissages qui n'auraient pas été complétés au niveau secondaire à un point tel, malgré l'obtention d'un diplôme, qu'au niveau collégial, cela provoquerait un blocage. Remarquez que le circuit, on peut le faire à rebours. Une étude récente, dans tous les quartiers centre-sud auprès de tous les élèves de secondaire I, démontrait que six des huit apprentissages qui doivent être acquis à la fin du primaire ne l'étaient pas en secondaire I. On reporte toujours le problème plus tard. Je me demande donc si les apprentissages faits en secondaire V sont suffisamment complétés pour que, au collégial, il y ait une espèce de continuité sans heurts. Est-ce qu'il y a des études qui ont été faites sur cela? On aura certainement l'occasion, avec le Conseil des collèges, de vérifier dans quel état arrive la clientèle scolaire en première année du collégial.

M. Lucier: ... Écoutez, il y a des études qui ont été faites, pas sur la question précise que vous soulevez, mais, effectivement, il y a un problème de racine même. Il y a l'INRS qui avait fait une étude sur les problèmes de certaines clientèles du secondaire et ce qu'il détectait comme cause, c'étaient des problèmes scolaires au primaire. Si on va plus loin, il y a eu des études américaines montrant que c'était aussi le contexte culturel de la famille. Il est évident qu'un enfant qui arrive à l'école avec un vocabulaire de 4000 mots et des structures mentales vraiment à point part gagnant par rapport à celui qui arrive avec 500 mots, et ainsi de suite.

À ma connaissance, la tendance des approches, c'est moins de prendre les problèmes par en haut que par en bas, au fond, et de demander à chaque niveau de bien faire ce qu'il a à faire. En un certain sens, ce n'est pas au secondaire à dire ce qu'il faut faire au primaire, si je peux m'exprimer ainsi. Il y a des objectifs du primaire dont il faut s'assurer qu'ils sont atteints. Il y a des objectifs du secondaire dont il faut s'assurer qu'ils sont atteints. L'imposition de prérequis par un niveau supérieur au niveau inférieur n'est pas nécessairement la meilleure façon de s'assurer que des objectifs de ce niveau même sont atteints. En un certain sens, on a dit plusieurs fois, même dans des énoncés de politique, que chaque niveau doit prendre les arrivants du niveau inférieur comme ils sont. S'il y a un problème, il doit se poser au niveau où il doit se poser.

Mme Harel: On aura certainement l'occasion de vérifier avec les divers autres intervenants dans quel état ils reçoivent la clientèle. S'ils doivent suppléer à des objectifs qui ne sont pas atteints, ce sera certainement intéressant, pertinent de le savoir.

M. Lucier: Par réflexe normal, je suis enseignant de carrière, on a toujours quelque chose à dire sur la classe qui précède. Il y a des choses qui n'ont pas été vues, c'est...

Mme Harel: Parce qu'il y a quand même là un problème de fond. Qu'il y ait ce pourcentage aussi élevé d'abandons scolaires, il y a certainement là un problème.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, Mme la députée de Maisonneuve. Je voudrais juste vous demander si on pourrait revenir à vous parce que le député d'Argenteuil ne pourra pas être ici à vingt heures et il a des questions à poser. Je vous reconnaîtrai par la suite pour la fin de votre intervention. Est-ce possible?

Mme Harel: Je pense que le député d'Argenteuil...

M. Ryan: Je pense que Mme la députée de Maisonneuve peut continuer. Je reviendrai

ici vers 20 h 30 parce que j'ai un discours à faire en Chambre, mais je serai ici à temps. Il y en a beaucoup d'autres qui ont des questions, d'après ce que j'ai constaté. Vous pouvez y aller en toute aisance.

Le Président (M. Gagnon): J'avais mal saisi ce que vous me demandiez. Vous pouvez continuer, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci. Un autre aspect extrêmement important dans votre exposé, cela est la distinction d'objectifs entre l'enseignement professionnel au secondaire et l'enseignement professionnel au collégial. J'ai cru comprendre que - c'est peut-être un peu simplifier les choses - la distinction repose, à peu près, grosso modo, entre la formation d'ouvriers qualifiés par rapport à la formation de techniciens.

Il y a des problèmes - je pense qu'on ne peut pas le nier - de chevauchement. Je pense, en particulier, à des emplois féminins comme les puéricultrices - ou les puériculteurs - emplois qui sont, jusqu'à maintenant, occupés par des femmes. L'enseignement se donne au secondaire, il se donne aussi au collégial; l'assistance sociale par rapport au service social à l'université; cela est un cas identique pour les infirmières, le secrétariat. Tout cela n'est pas directement mis en cause par le projet de règlement.

Par ailleurs, je reviens à cette distinction, le certificat d'études collégiales va conduire à une formation professionnelle. Je vous pose le problème suivant: le député d'Argenteuil a fait état des pertes d'emplois auxquelles il faut s'attendre d'ici à une décennie. Je remarquais notamment qu'il y a beaucoup moins de reproches qu'auparavant sur la formation plus fondamentale. Je ne me trompe pas en pensant que, dans la société québécoise, ces reproches qui ont été faits contre la formation fondamentale il y a à peine quelques années sont mis en veilleuse. On se rend compte qu'il y aura en fait une mobilité qui va supposer justement une capacité d'apprentissage tout au long de sa vie.

Je reviens, par exemple, à un problème qui m'a été posé par des machinistes qui sont venus me voir à mon bureau; ils m'expliquaient notamment que les machinistes sont des ouvriers qualifiés. Il suffisait - et je pense que c'était même considéré comme un emploi hautement reconnu dans la classe ouvrière d'être machiniste - d'un diplôme d'enseignement secondaire. Ces ouvriers machinistes qui étaient en perte d'emplois venaient m'expliquer que les 20 heures qu'ils prenaient pour faire la pièce, eh bien maintenant, c'était une petite bande perforée qui passait devant eux et qui mettait une heure; et ils ne pouvaient pas la réparer si elle se brisait et ils ne pouvaient pas la programmer. C'est donc dire que ces emplois, qui étaient des emplois d'ouvriers qualifiés, sont maintenant, on peut dire, en perte de vitesse. Il y a un rapport récent aux États-Unis qui prévoit que 20 000 000 des 25 000 000 d'emplois manuels allaient disparaître d'ici à l'an 2000. Je me demande si, finalement, la formation dans les cégeps ne va pas conduire à occuper des emplois dits auparavant d'ouvriers qualifiés, à savoir qu'il n'y a plus de chaînes de montage comme on les connaissait auparavant. Quelle sera la jonction? Elle ne sera pas simple. Quand vous faites la distinction entre ouvriers qualifiés et techniciens, vous vous rapportez à des concepts de main-d'oeuvre qui existaient dans un autre âge que celui qu'on est en train de vivre présentement. Comment va se faire le chevauchement?

M. Lucier: Ce sont des catégories qui existent n'est-ce pas?

Mme Harel: Elles sont en perte de vitesse.

M. Lucier: Oui, oui. C'est pour cela qu'il faut s'attaquer de front aux problèmes de chevauchement. C'est très difficile à traiter, mais nous pensons de plus en plus qu'il n'y a pas de raison pour qu'un même profil de formation se donne à deux endroits différents. Cela m'apparaît clair. Mais je dirais que le dispositif de formation professionnelle n'est pas, quant à lui, créateur d'emplois et n'est pas non plus élaborateur de politique d'emplois ou de main-d'oeuvre ou de développement économique. Je veux dire qu'en un certain sens on suit. L'idéal n'est pas de maintenir ouverts tous les profils professionnels à perpétuité. S'il y a une demande - et, dans la mesure où il y a des besoins, il y a une demande - il faut que le système de formation puisse permettre de former ces gens. L'idéal, ce n'est pas de remplir des cases vides ou des cases qui ne mènent nulle part. C'est pour cela que je dirais que le problème de l'ajustement des profils ou des types de formation par rapport aux exigences du marché, du développement économique est un problème spécifique, en fait, qui constitue une tâche constante pour le système d'éducation. C'est pour cela que nous nous y attaquons particulièrement depuis quelques années d'une manière très directe. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas nous qui faisons la politique d'emplois ou la politique de développement économique. Non plus nous ne contrôlons surtout pas les leviers de ce développement.

Encore une fois, l'idéal n'est pas de maintenir une panoplie complète de profils de musée. Aussi longtemps qu'il y a une demande et aussi longtemps qu'il y a des

besoins, il faut les maintenir.

Mme Fortin: Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose là-dessus, je pense que le mouvement va dans les deux sens. Vous faites référence à certaines études qui annoncent la disparition d'un certain nombre d'emplois dans le secteur manufacturier et leur remplacement par des emplois en nombre moins important, mais d'emplois plus spécialisés et du type de techniciens. Il y a aussi d'autres études qui annoncent la création d'un nombre considérable d'emplois dans le secteur tertiaire des services et des loisirs, d'emplois de bureau et autres qui, normalement, trouvent leur place de formation dans des programmes de niveau secondaire. Il se peut qu'effectivement l'ordre d'enseignement secondaire, comme on dit maintenant, doive développer d'autres types de formation pour des emplois qui concernent cette catégorie d'employés qui ne seront pas des ouvriers qualifiés, mais qui seront des employés de bureau et des employés dans d'autres secteurs, alors que le secteur manufacturier verra sa composition de main-d'oeuvre modifiée. Mais, à ce moment-là, et j'enchaîne sur ce que Pierre Lucier disait, c'est que le système d'éducation va devoir évoluer conformément aux changements de la structure industrielle.

Mme Harel: J'ai une dernière question rapidement. Vous avez beaucoup parlé de concertation en matière pédagogique, particulièrement Mme Fortin. Qu'en est-il présentement de ce que l'on appelle les coordinations provinciales? Si je comprends bien, les cahiers de l'enseignement collégial sont, d'une certaine façon, issus des travaux, des coordinations provinciales dans le domaine de l'enseignement général et professionnel. Qu'arrive-t-il avec les comités, dans les disciplines professionnelles en particulier?

Mme Fortin: Les coordinations provinciales existent toujours, les comités professionnels aussi. Par ailleurs, je pense qu'on peut dire qu'il y a eu un certain ralentissement de leur activité tout simplement pour des raisons de restriction de ressources. À l'enseignement collégial, nous considérons que la participation des enseignants au niveau des coordinations provinciales est toujours fort importante et nous avons toujours essayé de les maintenir aux niveaux les plus élevés. C'est un fait qu'elles ont déjà été plus actives pour les raisons que je mentionne. C'est cela la coordination, mais je pense que c'est important de le mentionner. C'est la coordination provinciale, c'est-à-dire des enseignants, en général un responsable de programmes par collège, qui se réunissent au niveau de la définition d'un programme national.

Je pense qu'un élément qui est important à mentionner, c'est qu'il serait intéressant et probablement plus fécond de faire cette coordination et cette concertation au niveau de chaque établissement et non seulement entre les enseignants d'une même matière, mais peut-être des enseignants de deux disciplines connexes, entre des enseignants et des étudiants et des responsables de développement pédagogique. C'est un peu dans ce sens que j'en parlais.

Je pense qu'on va faire face progressivement à des modifications de programmes qui vont impliquer la collaboration ou la concertation d'un certain nombre de secteurs disciplinaires traditionnellement différents, mais qui maintenant devront travailler ensemble dans l'élaboration de programmes, au moins avec des sections communes. Cela fait partie de la concertation. Celle-là pourrait avoir lieu autant sur le plan provincial que sur le plan local. (18 heures)

Un des problèmes de la coordination provinciale, c'est que les étudiants en sont absents. En général, au niveau postsecondaire, les étudiants ont souvent un mot à dire sur leurs enseignements, non seulement sur l'évaluation des enseignements d'un professeur à l'intérieur d'un cours, non seulement sur le contenu d'un cours, mais il pourrait être intéressant qu'ils aient un "input" sur la composition du programme.

Je ne veux pas dire par là que l'étudiant est le juge complet du type de la structure d'un programme professionnel qui doit le rendre apte à occuper une fonction de travail. Je pense qu'il a un "input" là-dessus au même titre que l'enseignant et au même titre que l'employeur ou la corporation professionnelle dans les cas où elles existent. Cette concertation me semble intéressante à entreprendre au niveau local. Peut-être que je suis une idéaliste, on verra cela.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la députée. J'aimerais vous inviter, M. Lucier et Mme Fortin, à revenir à vingt heures parce que j'ai encore beaucoup de députés qui ont demandé la parole pour vous questionner. Je voudrais en profiter aussi pour rappeler aux deux groupes qu'on devait entendre - le premier à vingt heures et l'autre par la suite - qu'on les entendra ce soir: la Fédération des cégeps et l'Association des collèges du Québec. Cela pourrait être décalé d'une heure et on pourrait entendre le premier groupe vers neuf heures.

Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à vingt heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise de la séance à 20 h 12)

Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, la commission permanente de l'éducation poursuit ses travaux. 0e vous rappelle le mandat de cette commission, qui est de procéder à l'étude des nouvelles propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement collégial.

Je vous signale aussi que nous devons entendre, en principe, jusqu'à vingt-quatre heures, deux autres organismes qui ont fait preuve de courage, qui ont bravé la tempête et qui se sont rendus à Québec. Un peu par déférence à l'égard de ces organismes, je crois que, vu qu'il y a déjà eu, m'a-t-on dit, un bon échange entre les deux sous-ministres et les parlementaires, je souhaiterais, si c'est possible, que nous puissions terminer notre échange avec les sous-ministres vers 9 heures et que, par la suite, nous nous gardions une heure et demie par organisme pour pouvoir les entendre...

Une voix: Et finir à minuit!

Le Président (M. Blouin): ...et finir à minuit.

Alors, Mme la députée de Lavoie-Roux, de L'Acadie, je m'excuse, cela arrive souvent.

Mme Lavoie-Roux: Cela, c'est pour la génération qui va me suivre!

Le Président (M. Blouin): Oui. Certains autres m'appellent M. Rousseau; alors, je partage. Alors, Mme la députée de L'Acadie, vous avez la parole.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. le Président. Je ne serai pas très longue; je ne prendrai certainement pas l'heure, loin de là. Je voudrais m'excuser auprès de mes collègues si je pose des questions ou demande des informations qui ont peut-être été données dans la première partie de votre exposé. Malheureusement, je n'ai pu arriver plus tôt cet après-midi.

J'aimerais que vous m'expliquiez quelles seront les possibilités, dans l'hypothèse où le certificat est retenu, pour ces personnes-là de se rendre à l'université. Quels vont être les ponts pour l'université?

M. Lucier: Les mêmes que ceux qui existent actuellement. Le seuil d'entrée à l'université, cela demeure le DEC ou l'équivalent.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lucier: Bon. Quand une personne se présente à l'université, elle a ou bien son DEC ou bien on juge qu'elle a l'équivalent. Alors, ce qui peut se produire, c'est qu'une personne ayant un certificat d'études collégiales puisse frapper à la porte d'une université, même dans l'état actuel, le certificat n'étant pas une nouveauté, il existe. C'est à l'université de juger si la personne a ce qu'il faut pour entrer ou non, si elle a l'équivalent ou non d'un DEC. En un sens, il n'y a pas de modification par rapport aux règles actuelles. C'est toujours la même chose. (20 h 15)

Mme Lavoie-Roux: Sauf que le certificat pourrait devenir un diplôme beaucoup plus répandu qu'il ne l'est à l'heure actuelle.

M. Lucier: En un sens, c'est souhaitable, à condition qu'on vise les clientèles cibles dont nous parlions cet après-midi. La clientèle cible, ce n'est pas la clientèle du DEC; c'est celle qui ne vient pas au collège.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lucier: Si je peux me permettre de compléter, je pense que la réponse générale est valable, mais c'est extrêmement variable selon les programmes et les orientations. Je pense que - et on a un certain nombre de programmes - si un détenteur actuel d'un certificat ou même d'un diplôme d'études secondaires se présente à l'université, dans certains programmes, on fait de la reconnaissance d'acquis et on a une politique d'ouverture beaucoup plus grande. Par ailleurs, dans d'autres types de programmes où les préalables sont beaucoup mieux définis, à ce moment-là, on va exiger en particulier que l'étudiant ait rempli les objectifs fixés par les préalables. Est-ce que ces préalables seront ou non contenus dans le programme du certificat? C'est à savoir. Si l'étudiant ne l'a pas fait, on va lui demander de les reprendre. L'université se réserve la possibilité, dans certains cas, de demander à des étudiants des formations complémentaires. On le voit, par exemple, dans le cas d'étudiants étrangers où il y a une période probatoire ou une période plus courte pour refaire des apprentissages qui n'ont pas été faits auparavant. Souvent, cela se fait même à l'intérieur des cégeps. Il y a des ententes universités-cégeps.

Par ailleurs, c'est un fait que, sur le plan du passage du collège à l'université, dans les programmes qui sont contingentés comme c'est le cas maintenant, c'est le meilleur candidat avec le diplôme le plus complet et le plus prestigieux qui a les meilleures chances. Et, en ce sens-là, comme la plupart des gens ou tous les gens avec des certificats sont dans le secteur professionnel, s'ils visent à poursuivre dans des facultés de type professionnel, en génie, en médecine, ils devront faire face à des difficultés s'ils ne

complètent pas leur DEC parce que ces programmes sont extrêmement - ou relativement - contingentés sur le plan de l'admission. Certains de ces programmes ont des quotas réservés à des étudiants qui n'ont pas les profils traditionnels. En droit, c'est le cas, par exemple, à l'Université Laval; mais c'est quand même minime. Or, dans le fond, le candidat avec un certificat peut, théoriquement, être admissible à l'université, surtout s'il a les cours préalables requis. Mais, de façon pratique, surtout dans les programmes professionnels, je pense qu'il devra automatiquement terminer son diplôme d'études collégiales s'il veut avoir une chance d'obtenir une place. C'est la contrepartie pratique, je pense.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le certificat est une partie du DEC ou si c'est une entité en soi. Quelqu'un qui vient compléter son DEC, comment cela s'arrime-t-il avec le certificat?

M. Lucier: Les certificats qui existent actuellement...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lucier: ...ne contiennent que le bloc de spécialisation.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lucier: Quelqu'un qui veut passer de l'un à l'autre doit compléter par les autres éléments du DEC, c'est-à-dire des cours obligatoires de base et des cours complémentaires aussi, je pense.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Alors, c'est cela qu'il devra compléter?

M. Lucier: Oui, oui.

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous parliez de deux DEC.

M. Lucier: Non, dans l'hypothèse où quelqu'un prendrait deux spécialisations.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui! Il pourrait avoir deux DEC à ce moment-là.

M. Lucier: Oui, oui.

Mme Lavoie-Roux: Mais, ces deux certificats ne font pas un DEC.

M. Lucier: Non, non, non. Mme Fortin: Non, pas du tout.

Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord. Tout à l'heure, vous avez dit: L'objectif de ceci, c'est d'amener les gens au collège et non pas nécessairement de les faire passer à l'université. Ils pourront passer à l'université, mais l'objectif, c'est de rejoindre les gens qui ne se rendent pas au collège. Dans les statistiques que vous nous avez données, à savoir que 47,2% entrent au collège, que 27,2% obtiennent un DEC, il en reste presque la moitié - 35% - qui ne complètent pas leur DEC. Est-ce que vous avez l'impression que ce sera plus facile pour ces gens-là, qui sont venus d'eux-mêmes au collège pour un DEC, de passer un certificat? C'est une proportion importante de jeunes qui, déjà, étaient motivés pour des études plus avancées.

M. Lucier: Oui, dans le cas des gens qui sont déjà au collège et qui menacent de décrocher, le certificat pourrait davantage servir de diplômation a posteriori, je dirais, pour éviter que quelqu'un ne reparte les mains vides, en fait. Au fond, les motifs de décrochage ne sont pas nécessairement les cours obligatoires. Cela permettrait, dans ce cas précis - ce n'est pas la première clientèle visée - une diplômation qui serait mieux que rien du tout.

On dit souvent: On va éviter les cours obligatoires. Cela va être plus facile. Il y a des chiffres extrêmement étonnants. Quand on regarde, par exemple, les taux de réussite dans les cours obligatoires de base, savez-vous que ceux qui réussissent le mieux, ce sont précisément, et de manière très étonnante, les gens du professionnel? Nous avons des chiffres; par exemple, les plus hauts scores en philo, on les trouve en informatique, en techniques administratives, en assistance sociale, en techniques de fabrication, en techniques chimiques, en techniques infirmières et en techniques de communications. Très bizarrement, les plus faibles taux de réussite sont en arts et en lettres, avec 64% et 76%, en philo.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela ne pose pas une autre question quant aux programmes offerts dans les collèges, les chiffres que vous venez de me donner? Le fait d'être dans un secteur professionnel semble avoir une influence sur la réussite dans les matières fondamentales, alors que les gens arrivent au collège avec un objectif beaucoup moins précis, ils arrivent en arts et en lettres, parce que, enfin, cela les mènera quelque part. À moins que ce ne soit corrigé, il y a toujours une espèce de déversement vers les arts et lettres; peut-être que cela n'existe plus, remarquez bien. Il faudrait peut-être se poser des questions de ce côté-là aussi, si le fait d'avoir un objectif plus précis dans un secteur professionnel augmente la réussite dans les matières fondamentales.

Mme Fortin: Je pense qu'effectivement

il y a une question de motivation. Il y a peut-être aussi une question de sélection. Étant donné que souvent dans les options professionnelles, la demande est beaucoup plus grande que le nombre de places, il y a probablement une sélection au niveau de l'entrée. Par ailleurs, si ces données nous intéressent pour la question qui nous préoccupe, c'est qu'en général les gens qui sont inscrits à des DEC professionnels n'ont pas de problème scolaire avec les matières de base, les cours obligatoires. Ils ont des problèmes scolaires, parce qu'il y a des taux d'échec. Ils ont des problèmes scolaires au niveau des cours de services, par exemple. Ils ont certains problèmes scolaires différents, mais ces problèmes ne sont pas reliés aux cours obligatoires qui les inciteraient à aller dans des programmes pour ne pas suivre ces cours-là. Effectivement, la situation ne se présente pas de cette façon-là.

Mme Lavoie-Roux: Voici la dernière question que je voudrais poser. D'autres l'ont posée avant, mais je ne peux pas dire que votre réponse me satisfait tout à fait. Vous vous basez sur les grandes orientations qui existent présentement en Europe, les orientations nouvelles, la diversité. Vous espérez que cela va amener les gens vers le haut, etc. Ne craignez-vous pas, non plus, -évidemment, toutes les analogies et les comparaisons étant boiteuses au point de départ - qu'on ne se retrouve - je fais cette comparaison parce que je n'en trouve pas d'autre dans le moment - un peu avec le professionnel court au secondaire? Ne craignez-vous pas que ce soit cela qui se produise à un moment donné? Pourquoi je dis cela? Vous vous basez sur des expériences européennes. Mais le fonctionnement d'un étudiant nord-américain, son comportement, ses motivations, etc., est-ce assimilable au mode de fonctionnement de l'européen ou vice versa?

M. Luciers Vous rappelez des références européennes que nous avons faites, mais nous en avons fait aussi de...

Mme Lavoie-Roux: Oui? Ah bien, je...

M. Lucier: ...très canadiennes et très nord-américaines.

Mme Lavoie-Roux: ...n'y étais pas quand vous l'avez fait.

M. Lucier: Au fond, ce ne sont même pas des études qui nous montrent cela; c'est l'analyse des effectifs qui fréquentent les institutions. Le cas le plus près de nous, c'est la mise sur pied des cégeps eux-mêmes, avec cette espèce d'empiétement, au fond, sur l'universitaire. À l'époque, certains auraient pu craindre que, si l'on faisait cela, on ferait une espèce d'universitaire court et que cela viderait l'universitaire long. Les chiffres montrent tout à fait le contraire.

Et l'expérience américaine des "colleges" - des "two year colleges" ou "four year colleges" - est tout à fait analogue: les taux de fréquentation universitaire ont grimpé.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais est-ce que vous tenez compte de l'avènement des collèges et de la démocratisation de l'enseignement quand vous parlez des hausses...

M. Lucier: Bien sûr.

Mme Lavoie-Roux: ...dans les universités?

M. Lucier: Bien sûr. Justement, on a pris comme moyen...

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est en dehors...

M. Lucier: ...pour hausser la...

Mme Lavoie-Roux: ...pour moi, c'est même à l'extérieur, de l'avènement des cégeps, car on aurait pu avoir d'autre chose que des cégeps. C'est le fait qu'on s'est démocratisé, que les femmes ou les filles...

M. Lucier: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...font des études prolongées. C'est monté en flèche et elles sont persévérantes. Ce sont d'autres facteurs aussi.

M. Lucier: On aurait pu avoir autre chose que des cégeps; la preuve, c'est que les Ontariens ont fait autre chose, ont fait les CAAT. On pourrait citer une série d'expériences étrangères de la Norvège à la Yougoslavie, enfin. Mais ce qui est commun, c'est que le moyen adopté, la stratégie adoptée pour hausser les taux de qualification et les taux de formation, cela a été de procéder par des empiétements moins longs. Et l'effet n'a jamais été de diminuer la fréquentation après; au contraire, cela l'a toujours augmentée.

Mme Fortin: Si je peux me permettre un exemple qui est aussi près de nous, c'est celui de l'université. Je veux dire qu'on peut remettre en question et critiquer l'avènement ou la prolifération des certificats universitaires; le fait est que les universités du Québec sont celles qui ont le plus grand nombre de certificats. Elles en ont dans les formations générale et professionnelle; ces programmes sont ouverts à tous. L'avènement

des certificats a contribué très fortement, au cours des dix dernières années, à la croissance de l'effectif universitaire.

Si vous examinez les clientèles qui choisissent les certificats - parce qu'ils peuvent choisir ce qu'ils veulent - la plupart sont effectivement des clientèles adultes et 70% n'avaient jamais fréquenté l'université auparavant; elles sont en perfectionnement professionnel, vont à l'université pour conserver ou trouver un emploi. Ils n'ont jamais vraiment attiré des clientèles jeunes qui préfèrent acquérir une formation professionnelle à travers des programmes plus traditionnels du type baccalauréat. Il peut y avoir d'autres problèmes reliés aux certificats universitaires, par rapport à l'accès, par rapport au type de population, par rapport à la reconnaissance sur le marché du travail. Ils n'ont pas du tout eu l'impact qu'on craint que les certificats de niveau collégial n'aient sur la population qui fréquente les collèges.

Le Président (M. Blouin): Oui, succinctement, vous voulez compléter?

M. Lucier: Cela implique, évidemment, aussi, dans chaque cas, que le discours des milieux d'éducation continue de prôner la formation qui va le plus loin possible. Autrement dit, la possibilité de faire plus court n'est pas une incitation à faire plus court.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, Mme la députée de L'Acadie. Merci, monsieur et madame.

Alors, M. le député de Fabre, le plus succinctement possible, s'il vous plaît.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Sur le CEC, je voudrais avoir quelques précisions. Présentement, le CEC s'adresse aux adultes. Il ne comprend pas de cours complémentaires, ni de cours obligatoires. Il ne comprend que des cours de spécialisation. Dans combien de champs le retrouve-t-on ou peut-on le retrouver? Dans combien de spécialités peut-on le retrouver à l'heure actuelle? Avez-vous des chiffres à ce sujet? Parce que ma question, c'est ceci: Le CEC, nouvelle forme, est ouvert à une clientèle nouvelle, plus jeune, en même temps qu'à une clientèle adulte. Mais est-ce qu'il y a également ouverture sur un plus grand nombre de programmes ou de spécialités? (20 h 30)

Mme Fortin: Écoutez, présentement, le réseau collégial propose environ 160 diplômes d'études collégiales. De ce nombre, 54 sont assortis d'un ou de plusieurs certificats. De façon générale, les DEC comportent... un certificat en techniques administratives, Par ailleurs, il y a présentement une dizaine de certificats correspondant à la branche des techniques administratives. En général, les certificats les plus en demande se situent dans les secteurs de l'administration et de l'informatique.

M. Leduc (Fabre): Vous en avez aussi dans les techniques lourdes, j'imagine?

Mme Fortin: Oui, oui.

M. Leduc (Fabre): En mécanique.

Mme Fortin: Oui. En 1981, on a eu 623 demandes pour les certificats, mais les plus nombreuses sont en administration, où on en a eu 366. Les autres sont des certificats des petits groupes, dans le fond, des groupes-classes.

M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous prévoyez une ouverture, avec la nouvelle forme du certificat, sur un plus grand nombre de spécialités ou est-ce que le nombre va rester à peu près le même?

Mme Fortin: Écoutez, la question pertinente à ce moment-là, c'est de quelle façon ouvre-t-on un certificat? Et de quelle façon pourrait-on ouvrir un certificat? Présentement, les certificats sont ouverts sur demande d'un collège et, étant donné qu'ils visent une clientèle très restreinte et spécifique, ils sont accordés si le collège donne déjà un DEC dans ce secteur-là. Le certificat n'étant pas un programme autonome, il ne suit pas, par exemple, la procédure d'approbation des programmes avec un avis du Conseil des collèges. Si le certificat devenait un programme autonome de type provincial, ouvert à tous, il serait sans doute opportun qu'on révise la façon d'attribuer des certificats et qu'on la soumette aux exigences de tous les programmes nationaux de l'enseignement collégial sur lesquels on demande des avis d'opportunité et qui sont ouverts s'ils répondent à un certain nombre de conditions, de besoins de la population, de clientèle assurée, de possibilité de remplir des fonctions spéciales. Et, en ce sens, il y aurait sûrement une modification dans la procédure par rapport à ce qui existe présentement étant donné qu'il y a à peu près 600 étudiants ou diplômés dans un certificat par année, ce qui n'est pas beaucoup par rapport à l'ensemble de la population des collèges.

M. Leduc (Fabre): Effectivement. Et quelles sont les balises dont on pourrait entourer ce certificat pour être assuré qu'il s'adressserait à cette clientèle nouvelle dont

vous parlez, M. Lucier? Est-ce que vous avez un certain nombre de balises en tête?

M. Lucier: Écoutez, on peut en imaginer. Je n'aurais pas l'audace de vous en proposer ici. Mais on peut en imaginer aisément; certaines existent déjà.

Évidemment, j'imagine que, quand vous parlez de balises, vous ne pensez pas à une clé qui pourrait fermer d'une main ce qu'on ouvrirait de l'autre. Donc, les principales balises tiennent d'abord dans ce qu'on évoquait cet après-midi comme une espèce de régulation sociale et socioculturelle: le prestige qui est attaché au diplôme d'études collégiales, l'espèce d'habitude croissante qui fait que les gens considèrent que c'est une bonne chose d'avoir son DEC dans les familles, l'accès direct à l'université, l'accès aux corporations professionnelles en bonne partie et j'ajouterais le discours du milieu de l'éducation qui continue à prôner le DEC comme le fait le projet. Voici un premier éventail de mécanismes de régulation qui font qu'il ne faut pas s'imaginer que les gens qui allaient au DEC vont s'engouffrer dans le CEC.

Deuxièmement, il y a tout ce qui est relié à l'information scolaire et professionnelle et la publicité même. Il est évident qu'un assouplissement des structures d'accès au collégial devrait s'accompagner d'une information scolaire et professionnelle qui continuerait de bien situer les choses et qui n'inciterait pas à aller au certificat des gens qui auraient les capacités, le goût, le temps et tout pour aller au DEC. Voici une balise très importante. Est-ce que l'ensemble des pratiques d'information scolaire et professionnelle et de publicité s'adresserait aux bonnes cibles? En un certain sens, il n'en tient qu'à nous et il n'en tient qu'aux collèges qu'il en soit ainsi.

Troisièmement, il y a aussi une manière de situer correctement le certificat dans l'ensemble des activités du collège. Je crois qu'il faudrait éviter certaines présentations monoplanes qui aligneraient - on est forcément obligé de le faire dans un règlement - sur un même plan le DEC, l'AEC et le CEC. Il faut vraiment le situer comme un programme de formation d'allure professionnelle essentiellement, et même l'addition de cours de type général ne changerait rien à l'aspect professionnel. Il faut bien situer le certificat, non pas comme un substitut du DEC, encore moins comme un mini-DEC, mais comme un programme spécifique de formation qui s'adresse à des clientèles spécifiques et qui répond à des besoins de collectivité.

Quatrièmement, je pense que les mécanismes d'approbation d'un certificat à portée nationale sont une sorte de garantie de non-prolifération, jusqu'à un certain point, et de sérieux de l'analyse. Autrement dit, il n'est pas question - et je crois que ce ne serait pas dans l'esprit du projet - de décréter que, dorénavant, il pourrait y avoir des certificats dans tous les secteurs où il y a déjà un DEC. Si on maintient le caractère national du diplôme, cela permet un type d'approbation "un par un", en un certain sens, donc la nécessité de faire la preuve que cela répond à des besoins et, aussi, une certaine garantie de la qualité du programme.

Allons plus loin, un autre type de balise peut concerner ce qu'on pourrait appeler les structures de prestation des cours. Les certificats sont, en général, organisés pour les groupes cibles, tant et si bien que ce n'est pas une ouverture qui ferait qu'on trouverait indifféremment dans les mêmes classes des gens inscrits à trois ou quatre programmes. Ce n'est pas comme cela que les choses se passent. Il est possible, en un certain sens, de baliser, je dirais même, la structure de prestation du cours lui-même.

C'est sûr que cela nous amène aussi à refluer sur le contenu même, en un sens, du certificat qui a fait aussi beaucoup causer. Je pense que son caractère professionnel n'a jamais été mis en cause. L'introduction de cours de base était là, au fond, pour respecter plus explicitement la polyvalence de la formation au collégial. Peut-être aussi que c'est de nature, en un certain sens, à brouiller des cartes. Mais peut-être aussi que l'avenir serait dans une structure qui ne serait pas trop normée, au point de départ, surtout si elle est soumise à des processus d'approbation un par un. On pourrait voir, au fond, sur pièce quel devrait être son contenu.

M. Leduc (Fabre): Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. M. le député de Chauveau, rapidement, s'il vous plaît!

M. Brouillet: Je serai très bref. Je vais aborder la question des cours de philosophie, la réduction de ces cours de quatre à trois. Je reconnaîtrai d'emblée, au point de départ, que les dommages pédagogiques, pour reprendre une expression employée par le Conseil des collèges, ne sont peut-être pas considérables pour l'individu comme pour la société. Je pense qu'on pourrait dire la même chose des cours de poésie et de français; on pourrait les réduire à deux et les dommages psychologiques, tant au plan de l'individu que de la société, ne seraient pas, non plus, considérables. On pourrait dire la même chose des cours d'éducation physique, quand on sait qu'une partie de ces cours réside dans des activités physiques que nous pouvons pratiquer à loisir les fins de semaine et après les heures de cours régulières. Le fait de les réduire ne pourrait pas

occasionner des dommages considérables sur le plan de l'individu et de la société.

Je pense que ce n'est pas à ce niveau-là qu'il faut engager le débat, mais surtout sur une réalité. Il existe, depuis plusieurs années, quatre cours de philosophie. Depuis un certain nombre d'années, il y a eu un effort considérable exigé des professeurs de philosophie de repenser l'ensemble de ces cours, d'en exprimer les objectifs, d'en préciser les contenus en vue d'élaborer un ensemble cohérent pour assurer une meilleure formation. Et au moment même où ils terminent leur effort considérable, à la demande même des gens impliqués dans le réseau, on leur dit: Non, non, maintenant que vous avez produit votre effort, un effort de cohérence, ce ne sera plus quatre, ce sera trois. Donc, recommencez votre travail. Parce que si on supprime l'un des éléments d'un ensemble cohérent, la cohérence disparaît et il faut repenser à neuf l'ensemble des éléments pour arriver à une nouvelle cohérence.

Ceci dit, je ne vois vraiment pas pourquoi on a sabré dans ces quatre cours plutôt que de penser à d'autres. Personnellement, je crois que c'est au nom de l'objectif de l'enracinement qu'on supprime un cours de philosophie. Je pense que la philosophie, c'est un moyen d'enraciner. Quand on philosophe, on ne le fait pas nécessairement à partir de réalités qui sont d'un autre âge ou d'une autre réalité que la nôtre. Quand on philosophe, on le fait à partir de notre réalité. Il y a différentes façons de s'enraciner. On peut s'embourber en s'enracinant. Il y a un certain niveau d'apprentissage et d'acquisition de connaissances qui est beaucoup plus de l'ordre de l'embourbement que d'un véritable enracinement fait de maturité. Quand on est rendu au cégep, je crois qu'il est temps de penser à une forme d'enracinement qui se fonde sur une réflexion à partir de la réalité, de notre vécu.

On parle d'instituer des cours d'institutions du Québec. C'est vrai qu'il faut les connaître, nos institutions du Québec. Moi, je crois que c'est beaucoup plus un cours qui serait du niveau secondaire - peut-être secondaire V - où on pourrait faire profiter d'une connaissance des institutions du Québec un ensemble beaucoup plus vaste de notre population, de nos jeunes, plutôt que de réserver ce cours et de le rendre obligatoire seulement pour les étudiants de cégep. Connaître les institutions, à mon sens, c'est un niveau d'acquisition qui est beaucoup plus adapté et qui devrait s'imposer au niveau secondaire, au secondaire V par exemple. Il est temps de faire une réflexion sur nos institutions, sur l'histoire de nos institutions, de faire une réflexion sur notre vécu, sur le plan des valeurs, sur le plan de nos réalités politiques, sur le plan de nos réalités historiques. Cet effort, je crois que la philosophie est à même de l'apporter. C'est dans ce climat, dans ce type de réflexion que se font les cours de philosophie. Cela, c'est une façon de s'enraciner, mais d'une façon plus adulte, plus réfléchie qu'une simple acquisition de connaissances d'un certain ordre de réalités.

Au nom de l'enracinement, je ne vois pas du tout qu'on puisse justifier la suppression d'un cours de philosophie. On a souvent fait allusion à tout ce qui se faisait dans les cours de philosophie. Il se fait toutes sortes de choses, comme il se fait toutes sortes de choses dans bien d'autres cours. Je reconnais d'emblée qu'il y avait lieu peut-être dans certains milieux de baliser davantage les exigences quant au contenu, aux modes d'apprentissage, aux exigences qu'on devait imposer à ces cours. L'effort a été fait et on a le résultat. Moi, pour avoir enseigné quatre ans dans deux cégeps différents avant d'aller à l'université, de recueillir les fruits du travail fait dans les cégeps et d'avoir perçu des lacunes et des manques considérables, je ne crois pas que ces lacunes on va pouvoir les combler ou y pallier en supprimant des cours de philosophie.

L'une des grosses lacunes que l'on constate, ce n'est pas tellement de dire: Ils n'ont pas de connaissance de ceci ou de cela; ils ne savent pas qu'au Québec, par exemple, une Assemblée nationale compte tant de députés. Cela peut facilement se corriger par des lectures de fin de semaine, la connaissance des institutions du Québec.

Le Président (M. Blouin): Brièvement, s'il vous plaît.

M. Brouillet: Mais la capacité, par exemple, et l'habitude acquise de pouvoir, devant une réalité, la penser, y réfléchir et l'exprimer d'une façon cohérente, cela je pense que c'est une lacune que l'on constate très souvent chez les étudiants qui nous arrivent. Ce n'est pas en supprimant les cours de philosophie pour les remplacer par des cours d'institutions du Québec qu'on va corriger cette lacune. Je trouve qu'on devrait peut-être repenser cette coupure qu'on a effectuée dans les cours de philosophie à l'heure même où un effort considérable est fait pour revaloriser la qualité de ces cours.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Chauveau, vous avez presque tout dit. Je présume que les commentaires seront très brefs. (20 h 45)

M. Lucier: Vous me permettrez, M. le Président, de même qu'à mon collègue philosophe, de considérer qu'il y a là expression d'une opinion sur le projet de

règlement et non pas une question qui nous est adressée.

Le Président (M. Blouin): Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, j'aurais une couple de questions à vous poser. Est-ce que vous avez fait des simulations de ce qui allait arriver comme conséquences pratiques des recommandations qui sont faites, par exemple, au point de vue de l'orientation des étudiants? Combien s'orienteront plutôt vers le certificat d'études collégiales? Combien resteront à l'autre niveau? Est-ce que vous avez fait des études sur les conséquences de ces mesures au point de vue des professeurs? Qu'est-ce qui va arriver des professeurs - je pense qu'on envisage un règlement qui va durer une dizaine d'années - sur une base de cinq à dix ans? Est-ce qu'on a une certaine idée de ce que seront les conséquences éventuelles de ce règlement-là?

M. Lucier: Vous songez à quelles mesures spécifiques? Le cas de la philo, par exemple?

M. Ryan: Non, en particulier l'institution d'un certificat d'études collégiales qui donnera une certaine reconnaissance académique pour des acquis qui seront à peu près la moitié de ce que sont les acquis requis pour le DEC, par exemple, actuellement. Je fais seulement une hypothèse et je vais vous poser une autre question qui est en relation avec ceci après. Je fais seulement l'hypothèse que 50% des étudiants, qui sont inscrits au DEC actuellement, s'en iraient du côté du CEC. Qu'est-ce que cela va entraîner comme conséquences au point de vue de l'organisation des cégeps, des besoins en personnel, etc?

Je vais vous poser la deuxième question, parce que le temps se fait court. Au point de vue de l'éducation des adultes, la commission Jean avait beaucoup insisté pour qu'on maintienne des structures distinctes, qu'on traite l'adulte comme un sujet distinct avec des problèmes propres, qu'on lui offre des services distincts, même des programmes distincts. Mais là, avec ce que vous proposez, il y a moyen de maintenir, d'après ce que je comprends, des services distincts au chapitre de l'admission, de la reconnaissance des équivalents, ces choses-là, mais j'ai l'impression que vous vous en allez dans une voie qui n'est pas tout à fait la même qu'avait recommandée la commission Jean. C'est le droit du gouvernement de prendre une autre option; son problème, c'est de la justifier ensuite. Mais je voudrais vous demander si vous avez fait une étude des recommandations de la commission Jean en comparaison avec ce qui est mis de l'avant, l'élimination de la distinction entre étudiants adultes et jeunes.

Mme Fortin: Si je peux essayer de répondre brièvement, nous n'avons pas fait de simulation dans le sens où vous le demandez parce que, dans le fond, ce qu'il aurait fallu faire, c'est un sondage auprès de tous les gens qui ne sont pas au collège pour leur demander quel serait leur intérêt - cet intérêt-là, dans le temps présent est théorique - à venir au collège étant donné l'existence d'un diplôme ou de programmes ou de voies particulières qui leur seraient offerts. La simulation que vous nous demandez, c'est: si la moitié des gens du DEC passent au CEC, cela a quel impact? Notre intuition, c'est qu'il serait - nous ne le croyons pas - largement compensé par l'addition d'un nombre d'étudiants qui viendront au collège et qui n'y viennent pas.

Pour savoir cette chose-là, il faut la vivre. Si on regarde ce qui s'est passé ailleurs, dans d'autres provinces ou dans d'autres pays, en général l'introduction de programmes courts se vit toujours de la façon suivante: ils ne sont pas très populaires au début; les gens s'en méfient, les gens mettent des balises, les parents sont méfiants, les enseignants les déconseillent et ils prennent un certain temps à décoller. Par ailleurs, au moment où ils commencent à décoller, un certain nombre de gens qui ont passé par ces programmes-là désirent continuer.

Pour faire une simulation du type que vous nous demandez, il faudrait avoir une hypothèse sur la fréquentation et, à ce moment-là, il faudrait faire à la fois un sondage auprès des étudiants qui sont dans les DEC, des étudiants qui ne sont pas au collège, des étudiants qui n'ont pas terminé leur secondaire. Nous n'avons pas fait cette étude-là.

Sur le plan des adultes, je pense qu'effectivement nous ne sommes pas aussi "cloisonnants" que la commission Jean dans nos perspectives concernant l'éducation des adultes. Par ailleurs, nous croyons qu'il faut maintenir des services à l'éducation des adultes et nous croyons qu'il est important de maintenir des programmes spécifiques pour des clientèles. Ces programmes-là peuvent être des programmes rapides, des programmes d'insertion sur le marché du travail, des programmes répondant à des besoins de main-d'oeuvre, avec des méthodes pédagogiques qui tiennent compte des clientèles, mais pas uniquement des programmes parce que ces gens-là sont définis comme adultes. Nous continuerons d'avoir des programmes pour adultes, nous espérons en avoir davantage, mais ces programmes ne seront pas conçus uniquement pour une clientèle définie comme adulte.

Ce que la commission Jean veut, dans

le fond, c'est que le système scolaire tienne compte des besoins spécifiques reconnus aux adultes et qu'il élabore des activités et des programmes pour répondre à ces besoins. Là-dessus, on est tout à fait d'accord avec la commission Jean.

M. Ryan: Mais on ne peut pas être tout à fait d'accord et en désaccord sur certains points. Il y a des différences importantes, d'après ce que je comprends.

Mme Fortin: On est tout à fait d'accord qu'il faut que le système scolaire réponde aux besoins spécifiques des adultes. En ce sens-là, je pense qu'il n'y a pas de problème. Ce que l'on dit, c'est que tous les besoins des adultes ne sont pas spécifiques.

M. Ryan: Maintenant, ce qui m'étonne un peu dans votre réponse, c'est que vous n'avez pas fait de simulation. Il me semble -et nous avons tous lu une quantité considérable de ce genre de documents - que faire une hypothèse, disons, à 25% pour telle orientation, 50%, 75%, ce n'est pas tellement compliqué, ce n'est pas la même chose qu'un sondage d'opinion.

Je m'inquiète des répercussions sur toute l'organisation des cégeps de l'introduction d'un système tel que celui-là. J'imagine que vous devez avoir, quand même, certaines hypothèses, au moins théoriques. Je pense aux effectifs enseignants, par exemple, à ce qui va arriver au bout de la ligne. Si vous mettez les adultes de plus en plus sur le même pied que les étudiants réguliers, peut-être que c'est une bonne hypothèse. Je ne me prononce pas pour l'instant, j'interroge. Qu'allez-vous faire des professeurs dans le secteur de l'éducation des adultes? Allez-vous les incorporer aux enseignants réguliers? On a essayé de leur obtenir juste une petite exemption de coupure, au printemps, le ministre s'en souvient. Il n'a même pas été capable de consentir à cela, tellement vous étiez serrés au point de vue financier. J'ai l'impression qu'il y a des conséquences sérieuses et qu'on ne les a pas du tout examinées avant ce soir.

Mme Fortin: Juste sur la question des enseignants à l'éducation des adultes au cégep, la situation est différente au cégep et au secondaire. En général, nous n'avons pas d'enseignants réguliers à temps complet à l'éducation des adultes. Dans le fond, les décrets ont permis de créer 200 charges à temps complet où des gens travaillent à l'éducation des adultes à temps complet. Mais il n'y a pas d'effectifs enseignants spécifiquement identifiés à l'éducation des adultes autres que les professeurs à la leçon, chargés de cours, etc., au niveau des collèges, présentement. Sur la question des adultes, je pense que la situation est légèrement différente.

M. Ryan: Oui, excusez.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Lucier, allez-y.

M. Lucier: Je veux revenir sur cette hypothèse, qui rappelle celle des "cosaques et du Saint-Esprit", de 50% de déplacements. Le pari qui est fait se fonde sur le comportement, au fond, des populations. S'il fallait qu'une hypothèse comme celle-là commence à se réaliser, il faudrait immédiatement stopper les choses. Mais les comportements actuels, ici comme ailleurs, permettent de penser que ce n'est pas du tout ce qui va arriver et qu'on aura une nouvelle clientèle. Autrement dit, ce n'est pas du tout axé sur un déplacement du DEC vers le CEC, parce que, si c'était le cas, on aurait des effets contraires à ceux qui sont visés.

Le fondement théorique et empirique d'un choix comme celui-ci, c'est que cela n'a jamais eu cet effet-là nulle part, à commencer par le Québec. Cela supposerait que les comportements changeraient subitement. On a même plusieurs signes, même dans la structure actuelle, où des milliers de personnes ayant droit au CEC ne le prennent pas. Ils prennent le DEC. C'est le fondement...

M. Ryan: Là, voulez-vous dire chez les adultes qui sont inscrits comme élèves réguliers? C'est à ceux-là que vous faites allusion, je suppose?

M. Lucier: Oui, oui, c'est cela.

M. Ryan: Le danger que j'entrevois, c'est qu'un nombre, impossible à déterminer pour l'instant, de jeunes qui devraient normalement suivre leurs études en vue du DEC seraient tentés par la voie de la facilité, s'inscriraient au CEC et ensuite diraient: Je vais m'en aller sur le marché du travail et je reviendrai en temps et lieu. Ils ne reviendraient peut-être jamais, tandis que, si la contrainte avait été plus forte dès ce stade-là de leur formation, ils acquerraient la formation essentielle tout de suite.

Je vous pose le problème. J'ajoute une dernière question et ce sera tout, parce que le temps est terminé. Est-ce que vous avez entrevu, surtout si vous pensez à des clientèles types nouvelles, des perspectives sur le coût, les implications financières? Avez-vous des données à nous présenter là-dessus?

Une voix: Ils n'ont pas de données à vous présenter ce soir.

Mme Fortin: Toutes les clientèles nouvelles à l'enseignement collégial ont été absorbées à même les budgets de l'État. Nous avons 7000 nouveaux étudiants cette année. Nous n'avions pas estimé en avoir autant, mais nous ne les avons pas refusés lorsqu'ils se sont présentés.

M. Ryan: Est-ce que vous n'en avez pas refusé 3000 dans la région de Montréal?

Mme Fortin: Non.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: On n'a pas d'indication au point de vue financier?

M. Lucier: C'est-à-dire qu'on peut le faire dépendant des cohortes nouvelles qui arrivent. Ce n'est pas compliqué.

Le Président (M. Blouin): Sur ce, je remercie M. Lucier et Mme Fortin. Oui, M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Je ne sais pas si vous me permettrez de dire un petit mot?

Le Président (M. Blouin): Certainement.

M. Ryan: Nous sommes devant une expérience nouvelle. Je pense que ce serait peut-être opportun, si vous me permettez de dire seulement un petit mot, de remercier les deux sous-ministres qui sont venus témoigner devant nous et de leur exprimer mon appréciation pour la prudence avec laquelle ils se sont gardés de s'engager dans des questions de politique. C'est une expérience nouvelle que nous faisons. Je pense que nous visons tous une plus grande mesure d'imputabilité dans l'exercice de leur charge par des personnes de fonction élevée comme la vôtre. C'est une expérience qui va venir s'ajouter à une autre qu'on a déjà faite il y a quelques mois. Je voudrais également exprimer mon appréciation au ministre, qu'il m'arrive souvent de critiquer, pour avoir fait cette proposition à laquelle je fus très heureux de souscrire d'ailleurs. J'espère qu'on aura l'occasion de faire d'autres expériences semblables.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je voudrais souligner au député d'Argenteuil que les propos qu'il tient sont tout à fait opportuns parce que nous parlons beaucoup de réforme parlementaire ces temps-ci et que nous allons vivre en 1984 sous l'empire d'un nouveau règlement sessionnel qui, effectivement, va introduire cette notion d'imputabilité dans le fonctionnement des nouvelles commissions parlementaires. Je me souviens des hésitations, des inquiétudes qu'avait eues le député d'Argenteuil, au début, au tout début...

Le Président (M. Blouin): M. le leader du gouvernement, je ne voudrais pas que nous entamions un débat sur un tout autre sujet.

M. Bertrand: ...mais je me rappelle qu'à la fin, le sous-ministre...

Mme Lavoie-Roux: II n'a pas demandé la parole, M. le Président.

M. Bertrand: Non, non, la liberté de parole.

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement. Question de règlement. Il faut qu'il demande votre consentement.

M. Bertrand: C'est parce que je veux rendre hommage au député d'Argenteuil.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, le message est passé, M. le leader du gouvernement.

Une voix: À l'ordre! À l'ordre!

Une voix: II n'y a pas de liberté.

M. Bertrand: Je veux dire qu'à la fin...

Le Président (M. Blouin): Je crois même que votre motion est unanime, M. le leader.

M. Bertrand: À la fin de la commission, le député d'Argenteuil avait eu l'honnêteté de reconnaître que, effectivement, cela avait été une expérience intéressante, enrichissante, qui méritait d'être renouvelée. Cela a été fait aujourd'hui.

Mme Lavoie-Roux: Vous voulez dire celle qu'on avait eue au moment de la négociation?

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! Très bien, merci.

Oui, M. le député de Fabre?

M. Leduc (Fabre): Je ne voudrais pas prolonger, mais je voudrais les remercier au nom du ministre.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre ne parle pas?

M. Leduc (Fabre): Le ministre peut parler, mais il y a un problème technique: c'est son nom qui est toujours inscrit au

journal des Débats et non le nom des sous-ministres.

Une voix: Ah bon!

M. Leduc (Fabre): Donc, je voudrais...

Mme Lavoie-Roux: Cela n'a pas de bon sens, surtout quand ils sont au bout de la table.

M. Leduc (Fabre): Cela va changer, mais ce n'est pas encore changé. Donc, je me fais le porte-parole du ministre, en tant qu'adjoint, pour vous remercier.

Le Président (M. Blouin): Je comprends qu'au nom de tous les membres de la commission...

M. Ryan: C'est facile de passer pour instruit.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui, le ministre a toujours l'air bien savant dans ces affaires-là.

Le Président (M. Blouin): ...je dois remercier, moi aussi, M. Pierre Lucier et Mme Michèle Fortin - s'il vous plaît - de leur excellente collaboration.

Vous vouliez dire un petit mot, M. Lucier?

M. Lucier: Je voudrais vous exprimer aussi notre satisfaction de la manière dont les choses se sont déroulées. Nous sommes arrivés ici comme pour une première - dans notre cas, en tout cas - et nous avons trouvé d'un commun accord que c'était fort intéressant et, nous l'espérons, utile.

Auditions Fédération des cégeps

Le Président (M. Blouin): Oui, très certainement.

Maintenant, j'invite les représentants de la Fédération des cégeps à venir prendre place à la table des invités. J'inviterais les représentants de la Fédération des cégeps à s'identifier pour les fins du journal des Débats, s'il vous plaît.

M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Pour éviter qu'il n'y ait deux catégories de témoins, on pourrait peut-être dire aux gens qui sont là qu'on les inviterait volontiers à la table, mais, comme la table n'est pas assez grande pour la délégation qui est là, on va se contenter de cela.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît.

M. Henrico (Luc): M. le Président, je suis Luc Henrico, président de la Fédération des cégeps et directeur général du collège John Abbott. À ma droite, je vous présente M. Gaétan Boucher, vice-président de la fédération et président du conseil d'administration du collège d'Ahuntsic et, à sa droite, M. Yvon Robert, directeur général de la Fédération des cégeps. (21 heures)

Le Président (M. Blouin): Je le connais bien, d'ailleurs.

M. Henrico: À ma gauche, M. Pierre Leduc, président de la commission des affaires pédagogiques et directeur des services pédagogiques du collège de Maisonneuve, et, à sa gauche Mme Louise Chené, directrice du secteur du développement et des communications de la fédération.

Le Président (M. Blouin): Alors, vous allez maintenant, je présume, procéder à la lecture de votre mémoire. Si vous pouviez effectuer cette lecture ou un résumé de certains points en une vingtaine de minutes ou une demi-heure au maximum, cela nous permettrait ensuite d'avoir un échange d'environ une heure avec les membres de la commission.

M. Henrico: On ne procédera pas, M. le Président, à une lecture telle quelle. En tout cas, au fur et à mesure que l'on procédera, je vous mettrai au courant des libellés.

Le projet ministériel de règlement sur le régime pédagogique du collégial, qui fait l'objet de la présente commission parlementaire, succède à de nombreux autres qui ont été soumis à l'examen des organismes intéressés depuis 1980. La Fédération des cégeps constate avec satisfaction qu'il marque un progrès sensible par rapport aux projets précédents.

En premier lieu, il respecte mieux les grandes intentions qui ont présidé à la création d'un système québécois d'enseignement collégial, c'est-à-dire rendre l'enseignement collégial accessible, dispenser une formation polyvalente correspondant au pluralisme culturel des sociétés modernes, laisser une large autonomie aux collèges en ce qui concerne les responsabilités pédagogiques, tout en confiant à l'État le soin d'assurer l'unité et la cohérence du réseau.

Deuxièmement, il tient mieux compte de l'économie du système patiemment mis en place depuis seize ans. En font foi la formation fondamentale comme principe intégrateur des composantes des programmes d'études, l'accent mis sur la décentralisation et le rôle accru des cégeps dans leur milieu,

l'affirmation des droits des étudiants.

Troisièmement, il comporte des modifications dont certaines rejoignent les positions adoptées par la Fédération des cégeps. C'est ainsi, par exemple, qu'il n'est plus question d'un certificat d'études collégiales en enseignement général. C'est ainsi également qu'il n'est plus question d'augmenter les cours communs obligatoires au détriment des cours complémentaires. Bref, le présent projet de règlement sur le régime pédagogique paraît acceptable à la Fédération des cégeps à bien des égards.

Outre le respect des principes qui ont présidé à la naissance et à l'évolution des cégeps, outre le choix affirmé de promouvoir un changement dans la continuité et qui s'exprime dans le maintien de l'équilibre entre les diverses composantes de la formation de niveau collégial, nous tenons à souligner, dans un premier temps, certaines propositions du projet gouvernemental qui remportent notre complète adhésion. Ce sont le fait de promulguer un règlement concernant le régime pédagogique du collégial, la suppression de la distinction entre jeunes et adultes et l'implantation d'un système de reconnaissance des acquis non scolaires.

Premièrement, le régime pédagogique du collégial comme règlement. Diverses raisons font que la Fédération des cégeps se trouve d'accord pour que le régime pédagogique du collégial prenne la forme d'un règlement. Élaborée par des fonctionnaires du ministère de l'Éducation et des responsables de l'enseignement des premiers collèges en 1967, la première version du régime pédagogique actuel était expérimentale ou provisoire. L'expérimentation a duré seize ans. Au cours de ce laps de temps, les collèges ont clairement affirmé les grands traits de leur personnalité et il existe maintenant des consensus de fond qu'un règlement viendra concrétiser.

Un règlement sera plus à même d'assurer l'unité et la stabilité de la formation collégiale qu'une simple entente de bonne foi entre les collèges et le ministère. Comme le dit le document d'accompagnement au projet de règlement: "On sait que de telles ententes peuvent se prêter, sous la pression des événements, à des interprétations et à des accommodements qui, à l'occasion, mettent en cause les principes mêmes qu'on entendait protéger." Un règlement aura pour effet de protéger les collèges de la multiplication des directives du ministère. En effet, l'expérience a montré qu'en l'absence d'un règlement celui-ci cède plus facilement à la tentation d'occuper le terrain libre.

Enfin, la Fédération des cégeps juge essentiel que les droits, les responsabilités et les pouvoirs des collèges, des enseignants et des étudiants soient encadrés par des règles du jeu claires et établies sur des assises juridiques.

En conséquence, la Fédération des cégeps trouve éminemment souhaitable que le régime pédagogique du collégial devienne un règlement.

Deuxièmement, la suppression de la distinction entre jeunes et adultes. Le régime pédagogique en vigueur établit une distinction entre étudiants dits réguliers et étudiants dits adultes, réservant à ces derniers des conditions particulières d'admission et des reconnaissances d'études spécifiques. Calqué sur cette distinction pédagogique, tout un système de financement et d'encadrement s'est élaboré, consacrant le clivage entre les deux clientèles des collèges. Or, l'évolution des clientèles, l'abaissement graduel de l'âge requis et des conditions reliées au statut d'adulte, l'augmentation significative du nombre d'adultes inscrits par choix à l'enseignement régulier ont rendu de plus en plus artificielle cette distinction devenue de moins en moins pédagogique et de plus en plus administrative. C'est en considération de cette réalité que nous sommes favorables à la proposition ministérielle de supprimer cette distinction administrative et de considérer l'ensemble de la clientèle des collèges comme une.

Outre son potentiel de réalisme, cette proposition a le mérite d'affirmer le caractère postobligatoire du niveau collégial et, donc, de reconnaître que tous ceux qui s'y inscrivent sont en situation d'adultes. Cela ne veut pas dire, pourtant, qu'il ne doive pas y avoir à l'intérieur de la clientèle collégiale des catégories d'adultes qui devront avoir accès à des services particuliers pour répondre à des besoins spécifiques. Pour notre part, nous pensons que l'on peut avoir intérêt à distinguer les étudiants qui sont en processus discontinu de formation de ceux qui sont en processus continu. Il nous semble plausible, en effet, que les premiers manifestent des besoins d'accueil et d'encadrement différents, compte tenu de leurs conditions particulières d'apprentissage.

Un préalable s'impose, toutefois, si l'on veut assurer l'atteinte des objectifs visés par l'unification des clientèles; il faut élaborer un système équitable et crédible de reconnaissance des acquis de formation qui permette l'évaluation de cheminements différenciés et l'identification des ajustements requis au collégial. Ce système d'évaluation devrait être assumé directement par le réseau et doté d'un service technique centralisé.

D'autres aspects du projet gouvernemental nous conviennent moins. Nous croyons qu'il y a des articles qu'il faut amender afin que ce projet réponde encore plus fidèlement aux intentions de départ

touchant la formation collégiale, tienne mieux compte de l'expérience acquise depuis 1967 et permette d'assurer davantage la qualité des établissements et de la formation qui y est dispensée. Ces articles concernent la formation de base commune et obligatoire, les cours de spécialité, les cours de concentration, le diplôme d'études collégiales sans mention, les cours complémentaires, le plan de cours, les échecs par session.

Pour vous les présenter, M. Pierre Leduc, président de la commission des affaires pédagogiques.

M. Leduc (Pierre): La formation de base commune et obligatoire. Sous ce titre, nous voulons parler des cours communs et obligatoires faisant partie de tous les programmes d'études du niveau collégial, c'est-à-dire les douze cours de français, de philosophie et d'éducation physique.

Selon la proposition ministérielle, un des quatre cours de philosophie serait remplacé par un cours d'histoire et institutions du Québec ou par un cours d'économie du Québec. Dans les versions antérieures de ce projet de règlement, le ministère proposait plutôt d'ajouter aux douze cours actuels un cours d'histoire et institutions du Québec, un cours d'économie du Québec et, pour un bon nombre d'étudiants, un cours de mathématiques. Auparavant, dans le livre blanc, le ministre proposait même d'inciter les étudiants à poursuivre des cours d'art au sein de leur formation de base.

Ce bref rappel de l'évolution du dossier au cours des dernières années met bien en évidence la difficulté de définir les composantes de la formation de base commune et obligatoire qui est effectivement remise en question. Cette remise en question ne nous semble pas avoir été assez explicitée pour aboutir à une conclusion aussi définitive que celle qui nous est maintenant proposée. C'est ce que nous allons mieux voir maintenant.

Tout d'abord, dans le premier projet de règlement, en 1980, il y a un mouvement très net pour augmenter considérablement le nombre des cours obligatoires, au détriment des cours complémentaires par lesquels l'étudiant peut compléter sa formation hors de son champ principal de travail. Nous, de la Fédération des cégeps, nous sommes opposés fermement à cette proposition car elle allait à l'encontre de l'économie d'un programme d'études collégiales dont les cours communs et obligatoires doivent être réduits au minimum, selon l'expression du rapport Parent; en augmenter le nombre, ce serait apparenter dangereusement ce niveau d'études au secondaire obligatoire, ce serait fausser la perspective de formation choisie au point de départ.

Le nouveau projet de règlement, celui qui nous est maintenant soumis, a le mérite à tout le moins de ne pas toucher à l'équilibre actuel entre les deux catégories de cours obligatoires et complémentaires. C'est un acquis important.

Par ailleurs, il entend remplacer un des cours de philosophie par un nouveau cours, à mettre au point, en histoire et institutions du Québec ou en économie du Québec. La Fédération des cégeps ne s'oppose pas à la réduction du nombre de cours de philosophie de quatre à trois. Il ne nous apparaît pas que cette réduction signifierait l'abandon d'une partie essentielle de la formation fondamentale, d'autant moins que, dans les démarches d'apprentissage des autres disciplines, certains objectifs peuvent au moins s'apparenter à certains de ceux proposés par la philosophie.

Nous ne contestons pas, non plus, de façon générale, l'intention nette du ministre d'insister dorénavant sur la dimension de l'enracinement culturel des étudiants par des cours qui favoriseraient l'appropriation de notre passé collectif et du prolongement de ce passé dans les institutions d'aujourd'hui.

Sauf que la proposition ministérielle ferme trop vite toutes les autres portes d'entrée de la formation de base. Nous estimons, quant à nous, qu'il faut nous interroger également sur les cours de français, par exemple, au collégial. Nous sommes tous, encore aujourd'hui, les témoins plus ou moins malheureux des tiraillements à n'en plus finir qui ont empêché jusqu'ici une définition crédible et acceptable par tous des objectifs et des contenus des cours obligatoires de français. Par ailleurs, le Conseil des collèges, dans son avis de septembre 1983, pose des questions importantes sur les cours d'éducation physique.

Quant à l'enseignement de la philosophie, il y aurait intérêt à le mettre en regard d'autres disciplines ou d'autres contenus qui pourraient éventuellement s'intégrer à un programme de formation de base commune et obligatoire. À la suite de cet examen plus rigoureux et plus complet de l'ensemble des composantes, il pourrait se dessiner un espace renouvelé où prendraient place différents apprentissages nouveaux et anciens.

Notre proposition est donc de ne pas octroyer de façon définitive le statut de cours commun et obligatoire au cours proposé d'histoire et institutions du Québec ou au cours d'économie. Nous estimons qu'il y a lieu de réévaluer l'ensemble de la formation de base selon un modèle plus adapté aux années actuelles que celui qui a inspiré les créateurs du réseau il y a presque 20 ans. Nous ne nous opposons pas, pour autant, à ce que ce cours d'histoire ou d'économie du Québec puisse être inclus parmi les cours communs et obligatoires,

dans la mesure où, parallèlement à cela, serait menée à terme et dans des délais relativement courts, l'étude que nous venons d'évoquer. (21 h 15)

Les cours de spécialité. En ce qui concerne les cours de spécialité, l'article 11 du projet de règlement apporte trois précisions: ils peuvent comprendre de 32 à 65 unités; le ministre détermine un minimum de 60% de ces unités et les collèges en fixent un maximum de 40%; les cours choisis par les collèges le sont à partir d'une liste publiée dans les cahiers.

La Fédération des cégeps désire faire valoir des vues différentes au sujet de deux de ces points: le nombre d'unités et la proportion des unités entre celles qui sont déterminées par le ministre et celles déterminées par les collèges.

Le nombre d'unités des cours. Mesurés en unités, les cours de spécialité n'ont pas toujours eu des poids équivalents. Cependant, au fil des années, une normalisation s'est faite, notamment sous l'effet d'une tâche globale de 45 heures par semaine pour l'étudiant. Cela demeure acquis. Toutefois, sans que les divers programmes de formation professionnelle aient nécessairement un nombre identique d'unités, la fédération estime normal que des programmes menant au même diplôme représentent une somme sensiblement égale d'acquis de formation. Cette somme, qui correspond d'ailleurs à la moyenne actuelle, devrait être de quelque 60 unités. Nous nous expliquons mal que le projet prévoie un écart aussi important que de 32 à 65.

La proportion des unités déterminées par le ministre et par les collèges. Le partage de la détermination des unités des cours de spécialité entre le ministre et les collèges entend assurer le maintien de la cohérence du réseau et une décentralisation permettant aux collèges, explique le document d'accompagnement au projet, d'accomplir "encore mieux la mission socioculturelle et éducative qui leur est assignée". Toujours selon le document d'accompagnement au projet, les cours déterminés par le ministre viseront surtout la formation polyvalente et fondamentale, tandis que les cours choisis par les collèges, quant à eux, viseront plutôt la formation spécialisée.

La Fédération des cégeps est en désaccord avec le projet ministériel sur deux points. En premier lieu, le projet ne garantit pas la participation des collèges dans tous les cas, puisque le ministre pourrait déterminer toutes les unités des cours de certaines spécialités. D'un côté, cela paraît bien contredire une des orientations du projet, c'est-à-dire "la décentralisation dans un ensemble cohérent". De l'autre, on voit mal quels cours de spécialité n'auraient pas à être ajustés aux besoins d'une région, de certaines catégories d'étudiants, aux changements technologiques et aux ressources disponibles.

En deuxième lieu, devant les incertitudes de l'avenir, devant la fragilité des estimations sur la répartition future des emplois par profession, recevoir la meilleure formation professionnelle, c'est recevoir une formation initiale de qualité, polyvalente et fondamentale. Pour mieux tenir compte des exigences de mobilité des étudiants et des travailleurs, leur faciliter l'accès à l'université et éviter le piège d'une formation trop étroitement spécialisée, il nous apparaît que, dans tous les cas, le ministre doive déterminer plus que 60% des unités des cours de spécialité.

Dans tout le débat qui entoure cette question, on insiste beaucoup sur une certaine récupération de l'autonomie des établissements ou de la responsabilisation des établissements. On nous permettra de préciser ici que nous avons de sérieuses réserves à mettre en balance la question de l'autonomie, d'un côté et, de l'autre, la cohérence du réseau, la mobilité des étudiants, la qualité d'une formation fondamentale, en fin de compte, le service au client.

Les programmes de formation professionnelle, règle générale, dans le système actuel, ont à peine l'espace requis pour préparer de façon adéquate les étudiants à entrer directement sur le marché du travail avec une certaine polyvalence. En réduire l'essentiel à 60%, quitte à adapter les 40% qui restent, nous apparaît davantage une vue de l'esprit en termes de marge de manoeuvre locale. De plus, il est quand même étonnant qu'on nous propose ce partage au secteur professionnel alors qu'au secteur général il nous est proposé que, dorénavant, les deux tiers de la concentration seront prédéterminés par le ministère quand, actuellement, seuls les préalables universitaires sont prédéterminés et que les collèges ont toute la marge de manoeuvre possible pour établir leurs programmes du général.

En conséquence, la Fédération des cégeps fait les deux recommandations suivantes: que le ministre détermine 50 unités sur les 60, en moyenne, de tous les blocs de cours de spécialités et que les collèges déterminent les autres unités, donc environ 20% de ces cours, à partir d'une liste de cours propres à la spécialité, publiés dans les Cahiers de l'enseignement collégial ou faisant partie des cours d'établissement approuvés par le ministre.

Les cours de concentration. Sans doute pour donner plus d'homogénéité et plus de cohérence, d'un collège à l'autre, aux diverses concentrations et notamment à celle des sciences humaines, le projet de

règlement propose que, dorénavant, un certain nombre de cours, jusqu'aux deux tiers, soient déterminés par le ministre dans chaque concentration. Les autres cours seraient choisis par le collège et offerts aux étudiants à partir de listes publiées dans les Cahiers de l'enseignement collégial.

La fédération est d'accord avec cette orientation relativement à la cohérence. Elle estime, en effet, qu'il faut un plus grand dénominateur commun qu'actuellement au sein de chacune des concentrations, sans toutefois que cela dépasse la moitié de l'ensemble des cours d'une concentration. Il ne faut prédéterminer que ce qui est expressément requis pour assurer un minimum de cohérence. Au-delà de cette proportion, le régime nous semblerait s'apparenter davantage au niveau d'études obligatoires.

C'est à l'intérieur de ce bloc de cours prédéterminés que se logeraient, le cas échéant, les cours préalables à l'entrée à l'université. Cela posera problème, bien sûr, en sciences où les préalables constituent, de fait, plus de la moitié des cours de la concentration, mais il s'agira d'une exception à la règle générale, exception qui exercera une pression pour que ces préalables diminuent.

Enfin, un bloc de cours prédéterminés à 50% nous apparaît un maximum si nous voulons préserver et, de façon utile, la mobilité d'un étudiant d'une orientation à une autre. Les changements d'orientation sont très nombreux au collégial et c'est une vertu du système actuel que de les rendre ainsi possibles. Le nouveau régime devrait conserver cet avantage et ne pas faire en sorte que des hésitations sur son orientation deviennent par trop préjudiciables à l'étudiant en l'obligeant à prolonger indûment son séjour au collège à cause de ces blocs prédéterminés.

Le diplôme sans mention.

Afin de mieux répondre à des élèves dont les cheminements sont plus particuliers, le projet de règlement propose la création d'une nouvelle catégorie de programmes. Il s'agirait d'un ensemble de cours de 24 à 40 unités qui n'aurait pour seule contrainte que d'être établi par le simple choix de l'étudiant, indépendamment de toute autre considération. Cet ensemble donnerait droit à un diplôme d'études collégiales sans mention.

Telle quelle, cette proposition ne nous agrée pas. Nous trouvons dommage d'encourager par règlement ministériel, des démarches qui vont à l'encontre des principes qui inspirent le régime pédagogique actuel, ainsi que le projet ministériel de règlement sur ce régime. Il ne faut pas encourager la prolifération, de fait, de programmes d'études perçus et vécus comme des biens de consommation dans un supermarché. Il est préférable que le régime pédagogique fixe des programmes d'État en bonne et due forme et incite les étudiants à s'y insérer, tout en prévoyant des mesures transitoires pour ceux et celles qui sont en processus de changement d'orientation ou qui sont, tout simplement, hésitants.

Cependant, une fois qu'un étudiant aurait tenté de compléter divers programmes et qu'il aurait ainsi réussi un ensemble de cours dont le total serait relativement plus long qu'une concentration normale, il pourrait demander qu'on lui octroie un diplôme sans mention et le collège l'inscrirait sur la liste des candidats au diplôme.

Nous préférons donc ne pas accréditer a priori des démarches qui peuvent toutefois être reconnues a posteriori pour diverses considérations. Comme on le voit, notre perspective est bien différente. Nous tentons d'éviter que les particularismes d'une catégorie d'élèves ne modifient l'économie de l'ensemble du système, tout autant que nous essayons de traiter équitablement l'ensemble des élèves, y compris ceux dont le cheminement est particulier.

Les cours complémentaires. La catégorie des cours complémentaires est importante. Dans l'économie du régime actuel, ces cours obligent l'étudiant à s'ouvrir à divers champs de connaissance, à parfaire sa formation générale en le faisant déborder de son champ de compétence particulière. Il y a là un excellent facteur de formation équilibrée dont les éléments, d'ailleurs, peuvent être très utiles dans les nombreux cas de changement d'orientation.

Nous sommes bien surpris de la teneur de l'article qui nous est proposé. Les cours complémentaires ont pris, en effet, un certain temps à s'intégrer à part entière dans les divers programmes d'études. Il a fallu une bonne dose de détermination aux responsables du ministère et à leurs partenaires des collèges pour ménager dans chacun des programmes l'espace requis pour ces complémentaires. Un bon nombre de collèges se sont donné des politiques de gestion des complémentaires qui assurent un équilibre entre les différentes banques de choix, de même qu'elles définissent des règles pour sauvegarder la qualité des apprentissages proposés.

Une fois cela établi, arrive ce projet de règlement qui enlève toute contrainte au choix d'un complémentaire par un étudiant, de sorte que le cours complémentaire, à très courte échéance, n'aura de complémentaire que le nom, puisque nombre d'élèves auront tendance vraisemblablement à se cantonner dans des cours de leur concentration ou de leur spécialité. Ainsi, c'est un aspect important de la formation générale et polyvalente des programmes qui en sera atteint.

Sur ce chapitre, nous estimons que le régime pédagogique actuel était satisfaisant et qu'il devrait être repris intégralement

dans le projet de règlement.

Le certificat d'études collégiales: II s'agit, dans le régime pédagogique actuel, d'un diplôme qui couronne les apprentissages d'un étudiant qui a réussi tous les cours d'un champ de spécialisation et seulement ceux-là. Il est destiné aux adultes dont l'expérience pratique peut tenir lieude formation de base, mais qui ont besoin de cours du professionnel pour leur fonction de travail. C'est un programme relativement peu fréquenté actuellement.

Au cours des années, la clientèle dite adulte a évolué considérablement, de sorte qu'actuellement elle est bien artificielle, la distinction qui subsiste entre étudiant adulte et étudiant jeune, ce qui a pour effet de mettre en porte à faux le certificat puisqu'il ne faut qu'une simple interruption des études d'à peine un an pour que l'étudiant jeune puisse avoir accès à un programme qui n'a pas été mis au point pour lui.

La fédération a opté, l'an dernier, pour l'abolition de la distinction jeunes-adultes. Cela nous semblait s'imposer. On ne saurait, pour autant, en déduire que nous favorisons l'accès désormais généralisé, par le projet qui nous est proposé, au certificat d'études collégiales. Bien au contraire. Nous sommes opposés au certificat actuel parce qu'il ne respecte pas les critères d'une formation bien équilibrée pour de jeunes adultes. Nous nous opposons également au certificat renouvelé. En effet, pour contrer l'aspect trop exclusivement spécialisé du certificat actuel, le projet de règlement l'assortit de quelques cours communs obligatoires et de quelques complémentaires, ce qui, au bout du compte, en fait une version édulcorée du diplôme, un mini-DEC comme on l'a vite surnommé, sans pour autant lui fournir une cohérence interne comme programme.

Nous croyons que la sanction ministérielle que continuerait d'avoir ce programme qui comprendrait une très grosse proportion de l'ensemble des cours menant à un DEC lui accorde un crédit qui jouera contre l'accès au diplôme proprement dit, de sorte qu'au secteur professionnel nous aurons droit à un diplôme de second ordre, dont les étudiants seront tentés de se satisfaire une fois rendus sur le marché du travail. Ce certificat jouerait à l'encontre de la valorisation de l'enseignement professionnel, valorisation qui est à l'origine des cégeps et dont les cégeps s'en orgueillissent, à juste titre, d'avoir été des artisans de première qualité. Ce certificat veut augmenter l'accessibilité au collégial, mais il propose, pour ce faire, un programme insatisfaisant. C'est l'accessibilité à tout prix, même à celui d'une qualité moindre.

C'est un programme qui évoluera rapidement vers une plus grande spécialisation: l'ensemble des cours de la spécialité aura tendance, en effet, à aller récupérer les cours dits "pointus" au détriment des cours fondamentaux de la spécialisation.

Au lieu de ce certificat renouvelé et rendu accessible dorénavant à tout étudiant, nous proposons le diplôme d'études collégiales comme seul diplôme ministériel couronnant les cheminements prévus d'un programmed'études.

Cependant, nous préconisons, en accord avec le projet ministériel, l'établissement d'un système crédible de reconnaissance des acquis d'expérience ou de formation non scolaire, de sorte que l'étudiant, surtout l'adulte sur le marché du travail, ne perde pas inutilement temps, énergie et ressources à refaire en classe ce qu'il a déjà assimilé au travail. Le diplôme n'en sera que plus accessible, sans perdre pour autant sa crédibilité. (21 h 30)

De plus, en amont du diplôme, si on peut dire, nous favorisons des attestations d'études collégiales émises par le collège et reconnaissant un ensemble restreint et cohérent de cours de spécialisation. Ces attestations permettraient à quiconque de parcourir les cheminements prévus par étapes, jusqu'à l'obtention du diplôme terminal. Mais, compte tenu de leur ampleur restreinte, ces ensembles ne rivaliseraient pas avec le diplôme; ils permettraient, au contraire, de mieux maintenir en selle des candidats qui, autrement, abandonneraient, sans pour autant que la formule retenue atteigne à la qualité du niveau.

En aval du diplôme, des certificats et attestations de perfectionnement devront se développer pour sanctionner des programmes mis au point à l'intention de candidats déjà diplômés. Il n'est pas exclu, par ailleurs, que, dans le cadre de programmes spécifiques, les responsables ministériels conviennent avec leurs partenaires de contenus identifiés de formation de la main-d'ouvre. En somme, il est heureux que disparaisse la distinction jeunes-adultes. Il faut éviter, toutefois, d'associer à cela l'accès à un certificat, dont l'impact serait négatif. Nous préférons, quant à nous, créer des formules souples et adaptées qui améliorent l'accessibilité, répondent mieux aux attentes des citoyens, tout en sauvegardant la qualité des programmes et des apprentissages.

Nous achevons. Les plans d'études. Ce n'est pas sans raison que nous introduisons des modifications au libellé de l'article 25 qui fait état de l'établissement des plans de cours par chaque professeur. Les plans de cours, tels qu'ils sont précisés dans le projet ministériel, constituent le document d'agrément, le contrat de base qui lie sur le plan pédagogique les intervenants responsables de la formation, les enseignants et leurs élèves, d'une part, les enseignants et le collège, d'autre part. Il importe donc que

le collège s'assure de l'établissement de plans conformes aux plans-cadres publiés dans les cahiers et aux impératifs du régime pédagogique et qu'il garantisse cette conformité aux élèves auxquels ces plans s'adressent. C'est pourquoi nous croyons que le troisième alinéa de l'article 25 du projet devrait se lire comme suit: "Le plan de cours approuvé par le collège est distribué aux élèves concernés, au début de chaque cours et à chacune des sessions."

Les échecs par session. L'article 30 du régime pédagogique actuel dit ceci: "Un étudiant qui n'a pas réussi 50% des cours auxquels il est inscrit s'expose à se voir refuser l'admission à la session suivante." Dans ses prises de position concernant les modifications à apporter à ce régime en vue d'en faire un règlement, la fédération a jugé opportun d'accentuer cette mesure et proposé que l'article se lise dorénavant comme suit: "Un étudiant qui n'a pas obtenu 50% des crédits postulés au cours d'une session ne peut s'inscrire à la session suivante à moins d'une autorisation du directeur des services pédagogiques."

Or, le projet ministériel de règlement sur le régime pédagogique est muet à cet égard. La fédération croit qu'un règlement des études collégiales a grand intérêt à contenir une disposition précisant ce qu'il advient de l'élève qui n'a pas réussi 50% des unités qu'il a postulées au cours d'une session. Cela garantit une certaine justice sociale en indiquant clairement les conditions minimales auxquelles tous les étudiants du réseau doivent satisfaire pour pouvoir continuer à profiter de la gratuité scolaire à un niveau d'études postobligatoires.

Tel est donc, M. le Président, l'essentiel des points ou des aspects du projet de règlement sur lesquels nous avions des représentations à vous soumettre. Je laisse au président de la fédération le soin de conclure l'ensemble de notre intervention.

M. Henrico: M. le Président, aux yeux de la Fédération des cégeps, l'actuel projet de règlement sur le régime pédagogique du collégial est donc acceptable à plusieurs points de vue. Toutefois, il nous apparaît que certains amendements doivent être apportés, comme vous venez d'en être informé. Les amendements que nous proposons n'ont rien d'improvisé. C'est depuis la publication du livre blanc que la Fédération des cégeps analyse les perspectives du projet du gouvernement à l'endroit des cégeps, formule des perspectives différentes ou complémentaires, définit les axes autour desquels le réseau se rallie. Pour ce faire, divers comité de travail ont été mis sur pied regroupant les compétences les plus variées: directeurs des services pédagogiques, adjoints, conseillers à l'aide pédagogique, registraires, conseillers péda- gogiques, coordonnateurs de service de l'éducation des adultes. Des assemblées générales de directeurs des services pédagogiques ont ensuite établi les orientations et défini les différents points importants de ce projet de règlement. C'est avec un très large consensus que les directeurs généraux, les directeurs des services pédagogiques et les représentants de la conférence des présidents de conseil d'administration ont adopté les positions que nous défendons aujourd'hui.

Les amendements proposés par la fédération sont en continuité avec les principes qui ont présidé à la création des cégeps: large accessibilité, formation polyvalente, structure de base des programmes composé de trois types de cours, décentralisation des responsabilités pédagogiques, et, à la fois, unité et cohérence du réseau. Est-il nécessaire de rappeler, enfin que ces amendements émanent des établissements que le rapport Parent et le Document d'éducation no 3 avaient vus comme des partenaires de l'État, assumant de façon complémentaire et solidaire avec ce dernier la prestation d'un service public.

La Fédération des cégeps souhaite fortement qu'un règlement sur le régime pédagogique du collégial, retouché dans le sens qu'elle suggère, soit promulgué. Après seize ans d'expérimentation du régime pédagogique de 1967, dont cinq années de réflexions et de consultations sur les changements à lui apporter, il ne nous apparaît plus y avoir de raison sérieuse de surseoir à en faire un règlement et de priver le système d'enseignement collégial d'une condition aussi fondamentale à sa bonne marche.

Le Président (M. Blouin): Merci. Votre exposé a, je crois, l'avantage d'être fort explicite, ce qui évitera un certain nombre de questions d'éclaircissement. Je demande autant aux membres de la commission qu'à nos invités de bien vouloir répondre aux questions et aussi de poser les questions le plus succinctement possible. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, j'ai d'abord quelques commentaires à faire. Je veux remercier la Fédération des cégeps pour son mémoire effectivement clair, précis et étoffé; c'est dû probablement à la longue réflexion et au long cheminement nourri de consultations dont on vient de nous faire part. Je note avec plaisir que la fédération trouve que le projet actuel constitue un progrès sensible par rapport au projet précédent, qu'il respecte les intentions qui ont présidé à la fondation même des cégeps: accessibilité, polyvalence, autonomie institutionnelle, et qu'il approuve aussi que l'État soit responsable de la cohérence du

réseau, en même temps que de la mission que doit observer le collège à l'égard de la communauté dans laquelle il s'enracine. Je note aussi avec plaisir que, selon la fédération, ce projet tient compte d'une façon générale de l'économie du système, axé sur un équilibre entre formation fondamentale et formation professionnelle, et qu'il respecte aussi davantage les droits des étudiants.

Je note surtout avec plaisir que la fédération croit qu'il est temps maintenant de promulguer un règlement, qu'il convient de supprimer la distinction entre jeunes et adultes en raison des changements profonds qu'a connus notre société au cours des dernières années et de la situation des jeunes adultes dans notre société. Je note aussi avec plaisir que la Fédération des collèges insiste, elle aussi, sur la nécessité d'inscrire enfin dans les faits la reconnaissance des acquis non scolaires, ce qui permet de reconnaître les cheminements différenciés et, surtout, de prévoir pour chacun de ces cheminements différenciés les ajustements requis.

D'autres points lui conviennent moins, huit points que j'ai bien notés. J'aimerais bien pouvoir les commenter longuement, mais je sais que le cadre de cette commission ne nous le permettra pas. Mais, étant donné que ces avis nous parviennent de la Fédération des cégeps, une association autorisée en prise avec la pratique, il est évident que j'accorderai une très grande attention aux huit points que la fédération a soulevés et que nous continuerons, pour notre part, notre réflexion là-dessus, quitte à en retenir ici et là les éléments qui nous paraissent les plus appropriés.

Pour le moment, je voudrais me contenter de poser trois questions aux membres de la fédération. Je note, par exemple, que la fédération n'est pas d'accord sur cet écart de 32 à 65 unités que nous prévoyons pour les divers programmes de spécialité. Sa démonstration à cet égard est un peu brève et j'aimerais donc poser à la fédération la question suivante: Ne croyez-vous pas que les durées variables des spécialités, tel qu'illustré par ce nombre variable d'unités, tiennent précisément au profil professionnel auquel ces programmes préparent? Ne croyez-vous pas, en conséquence, qu'une uniformisation des unités obéirait plus à une sorte d'exigence de standardisation académique - pour ne pas dire esthétique - plutôt qu'à des exigences fonctionnelles? Il me semble, en tout cas, que la formation professionnelle exige ce genre de variabilité. Nous le voyons très bien à l'universitaire où nous voyons cette variété et même nous commençons à le voir également au secondaire.

Je répète donc ma question: Ne croyez-vous pas que cette durée variable correspond précisément au profil professionnel auquel ces programmes préparent? Deuxièmement, ne craignez-vous pas que, si nous acceptons votre suggestion, cette uniformisation, telle qu'illustrée par la moyenne de 60 unités que vous nous proposez, répondrait davantage à une exigence de standardisation plutôt qu'aux exigences fonctionnelles que nous recherchons afin de mieux cerner et satisfaire les besoins des clientèles que nous avons appris à connaître au cours des dernières années?

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Madame, messieurs.

M. Leduc (Pierre): Ma réponse sera également un peu brève. Dans les programmes auxquels nous avons jusqu'à maintenant formé nos étudiants, il n'y en a pas, que je sache, qui exigent si peu d'exposition aux disciplines préparatoires à l'exercice d'une fonction de travail qui nécessite un niveau de connaissances propres et adaptées au niveau collégial. Si, jusqu'à présent, la moyenne des programmes est de 60, comment peut-on prévoir, sans aucun exemple à l'appui, que, dans un temps relativement court, pour des fonctions de travail exigeant une compétence de niveau collégial, cela prenne dorénavant un programme plus court de moitié? Nous avons dit que nous nous surprenions d'avoir un écart aussi grand que de 32 à 65.

Par ailleurs, nous estimons vraisemblable de penser, indépendamment de quelque standardisation un peu artificielle, qu'un programme professionnel de trois ans -parce que, jusqu'à preuve du contraire, il n'a jamais été question d'avoir des programmes plus courts, à moins qu'on n'ait voulu couvrir par là l'existence éventuelle d'un certificat, ce qui n'était pas du tout assuré par le document - avec 60 crédits, cela devrait couvrir l'ensemble des besoins. La question vient de nous: D'où vient le chiffre 32, qui est la moitié moins que ce à quoi nous sommes habitués?

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Leduc. M. le ministre.

M. Laurin: Évidemment, nous parlons des spécialités ici. Le programme complet comprend d'autres cours, ne serait-ce que les cours communs obligatoires dont on a parlé. De toute façon, j'enregistre votre réponse et nous regarderons plus à fond les arguments que vous nous présentez. (21 h 45)

Ma deuxième question porte sur le DEC sans mention. Cette fois, vos commentaires ont été beaucoup plus abondants. Je voudrais vous rappeler que cette addition provient, pour notre part en tout cas, de la lecture que nous avons faite du rapport de la commission Jean et du fait que la

commission Jean nous a apporté beaucoup d'arguments à l'appui de cette addition. J'aimerais vous demander comment vous comprenez et jugez cette proposition de la commission Jean d'instituer un tel diplôme.

Une question additionnelle. Ne pensez-vous pas qu'à l'instar des baccalauréats généraux à l'université le DEC sans mention pourrait convenir à bien des adultes que nous ne retrouvons pas actuellement au sein du système collégial et qui pourraient s'y retrouver si nous instituions ce DEC sans mention qui rejoint davantage leur cheminement individuel, ainsi que leur séquence existentielle?

Le Président (M. Blouin): M. Leduc.

M. Leduc (Pierre): Ce serait effectivement une difficulté du prochain régime ou du prochain système où nous mettons ensemble sans distinction administrative les jeunes et les adultes. C'est bien sûr, que dans la démonstration que nous avons faite, c'est plutôt axé sur le problème des jeunes. Même si nous les considérons comme de jeunes adultes, nous estimons quand même qu'il serait un peu imprudent de leur fournir par l'autorité d'un règlement ministériel la possibilité de passer à côté de tout encadrement.

Par ailleurs, vous avez bien noté que nous sommes ouverts à un diplôme sans mention, mais une fois que l'étudiant a fait un assez long séjour dans nos murs. D'ailleurs, dans l'invervalle, on leur propose des mesures transitoires comme de les inscrire hors programme pour qu'ils puissent prendre le temps de se brancher.

Pour les adultes, effectivement, dans le système actuel, dans le régime pédagogique actuel, la très grosse majorité étant à temps partiel, le problème se posait relativement peu, c'est-à-dire que les gens s'inscrivaient parfois dans un programme, parfois hors programme. Il n'y avait pas d'inconvénient majeur, étant donné que c'était tellement réparti dans le temps et tellement long. C'étaient effectivement des démarches de culture personnelle très souvent, indépendamment de l'accès à un diplôme proprement dit. Nous nous en accommodions. Je crois que les adultes s'en accommodaient également et que cela n'a jamais été à l'encontre d'une démarche d'adulte dans le régime pédagogique actuel, sauf que, du jour où vous institutionnalisez un DEC sans mention, d'entrée de jeu et a priori, il me semble qu'on le fait exprès pour se nuire relativement à un encadrement pédagogique nécessaire pour de jeunes adultes.

Quel serait l'inconvénient de continuer dans notre système actuel où des adultes peuvent s'inscrire à des cours donnés et qu'après une série de cours, advenant qu'effectivement ils se rendent, ce qui n'est pas toujours le cas, au total requis, ils nous demandent alors un DEC sans mention, et y aient droit? Il me semble qu'on n'est pas obligé d'inventer par règlement une catégorie qui pourrait avoir des effets contraires au bien que l'on recherche.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Leduc. M. le ministre.

M. Laurin: Bien, je vois cependant que là où votre opinion est très ferme, c'est lorsque vous nous recommandez la suppression du certificat d'études collégiales que nous proposons. Je ne sais pas si vous étiez là cet après-midi quand M. Lucier et Mme Fortin apportaient une réponse aux questions du député d'Argenteuil, je crois, et nous parlaient d'une étude ou d'une analyse longitudinale à partir d'une cohorte de 100 élèves qui commençaient leurs études primaires. On voyait, dans cette analyse, que, sur 100 élèves qui commencent leurs études, il y en a à peu près 74 qui terminent leur secondaire. Sur ces 74 qui terminent leur secondaire, il n'y en a que 47 qui abordent les études collégiales et il n'y en a que 27 qui les terminent. Il y a là une déperdition considérable. Quand nous pensons à un système éducatif et que nous voulons pousser à la scolarisation le plus loin possible et le mieux possible, donc vers le collégial et vers l'universitaire, on se rend compte que cette déperdition est sûrement déplorable.

Bien sûr, on peut analyser les causes; on peut trouver plusieurs causes d'ordre social, d'ordre économique, d'ordre culturel, mais on peut en trouver aussi d'ordre pédagogique. On peut penser que beaucoup de clientèles qui pourraient, voudraient ou devraient accéder au collégial s'en trouvent empêchées pour une raison: actuellement, nous avons, au niveau du collégial, un modèle par trop rigide et univoque que le CEC pour adultes est venu compenser en partie, qu'un certain nombre de programmes conduisant à des attestations sont venus compenser également, mais qu'on pourrait peut-être améliorer pour permettre à un plus grand nombre de ces jeunes qui ont décroché d'accéder au collégial.

Il faut donc penser aux absents du système aussi bien qu'à ceux qui y sont, sans perdre de vue, cependant, cet idéal d'équilibre auquel, d'ailleurs, vous souscrivez autant que nous. Ma question serait donc la suivante: La suppression du certificat d'études collégiales ne court-elle pas le risque d'équivaloir à une sorte de repliement du collège sur un modèle rigide et univoque? En d'autres termes, est-ce que vous croyez que, pour ces cohortes d'étudiants potentiels, c'est le DEC ou rien? Est-ce qu'il faudra attendre que d'autres voies de formation s'organisent en dehors du collège comme cela

est arrivé et arrive encore dans plusieurs autres pays, avant que nous prenions la décision d'adapter, d'assouplir ce modèle collégial afin de permettre une plus grande accessibilité, une scolarisation plus poussée pour un plus grand nombre d'étudiants, de citoyens, de citoyennes qui auraient plus que jamais besoin de cette formation collégiale, aussi bien pour le développement de leur personnalité que pour une meilleure adéquation aux besoins nouveaux du marché du travail?

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Mme Chené.

Mme Chené (Louise): M. le ministre, M. le Président, nous ne nous opposons pas à la lecture de l'évolution des cohortes d'étudiant qu'a faite M. Lucier cet après-midi. Nous sommes très conscients d'un taux important de décrochage entre le secondaire et le collégial et nous sommes aussi conscients du fait que, selon les chiffres fournis par M. Lucier, une vingtaine d'étudiants sur les 47 qui entreraient au collégial ne terminent pas leurs études. Ce que nous contestons, par exemple, ce sont deux choses: d'abord, l'adéquation très étroite qui est faite entre l'accessibilité au collégial et un diplôme qui s'appellerait certificat d'études collégiales. On semble imaginer que définir une nouvelle voie pour les étudiants entraîne nécessairement une plus grande accessibilité. Nous trouvons cette adéquation un peu trop rapide et un peu trop courte. L'autre chose sur laquelle nous sommes en désaccord, c'est sur la forme de ce certificat.

Loin de nous l'idée de ne pas reconnaître qu'il est important d'attester des ensembles cohérents et, peut-être, séquentiels et séparés de formation, mais nous croyons que créer un diplôme qui s'appelle un certificat d'études collégiales et qui comprend la très grande partie du diplôme actuel d'études collégiales offre autant de danger, sinon plus, d'une dévalorisation du DEC vers le certificat - sans que nécessairement cela corresponde à des fonctions de travail identifiées - que de promesses d'augmenter l'accessibilité.

Nous croyons effectivement qu'il faut trouver des formules souples pour permettre aux étudiants de faire des cheminements qui puissent être récurrents, différenciés et qui puissent s'additionner pour obtenir un diplôme d'études collégiales qui les mène là où ils veulent aller et à leur rythme. C'est pour cela que nous proposons qu'on sanctionne ces études, faites par blocs plus restreints et cohérents, par des attestations locales. Ce que nous refusons, c'est un diplôme ministériel accordé à ce que nous continuons d'appeler un mini-DEC.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme

Chené. M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais juste faire une remarque en terminant. Je pense que le nouveau régime prévoit une ouverture à plusieurs égards: d'abord, par une augmentation des programmes d'établissement que les collèges pourraient instituer, par l'inscription des adultes aux cours réguliers, ce qui se fait déjà, par le CEC, par une sorte de multiplication des voies de sortie. Ceci m'amène à dire que c'est l'ensemble du régime que nous voulons marquer au signe de l'assouplissement et de l'ouverture, précisément pour mieux atteindre nos objectifs d'accessibilité.

Par ailleurs, je pense qu'il a été assez démontré, lors des réponses qui ont été fournies à diverses questions, qu'il ne faut pas penser à une multiplication indue des certificats. Du fait que c'est un programme qui devra comprendre des contenus de cours qui auront été approuvés, qui devront paraître à l'enseignement collégial, du fait qu'ils devront répondre à des besoins sociaux, qu'ils devront répondre à des besoins de qualité, que le DEC continuera, dans toute l'information scolaire et professionnelle et conformément aux traditions actuelles, d'être valorisé, d'être vu comme la voie privilégiée, que les programmes de certificat ne correspondront pas nécessairement aux options professionnelles couvertes par les DEC actuels, je pense qu'il y a là la preuve que ce CEC ne deviendra pas une généralisation ou une voie de facilité telle qu'elle constituerait une tentation incommensurable à laquelle on ne saurait résister de la part des étudiants.

Elle apparaît plutôt comme une façon parmi d'autres de satisfaire à des besoins variés et divers d'une clientèle elle-même diversifiée et qui a eu des problèmes pour augmenter sa scolarisation ou pousser sa formation, dont il faut reconnaître l'existence, d'abord, et dont il faut se sentir responsable quant à la disparition des facteurs qui l'ont engendrées et à la correction également des éléments qui ont été identifiés. C'est là ma dernière remarque, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil, vous avez la parole.

M. Ryan: Merci, M. le Président. J'ai également pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du mémoire de la Fédération des cégeps que j'ai trouvé substantiel, pertinent et pondéré. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec la fédération sur toute la ligne, mais je dois la féliciter, et je le fais avec plaisir, de la qualité de sa présentation.

Il y a certains points sur lesquels - je n'aurai pas le temps de m'y attarder parce

que je voudrais me limiter à environ trois questions - je serais porté à être d'accord avec la fédération. Vous avez parlé des cours complémentaires, par exemple; c'est un point qui n'a pas été signalé beaucoup. Le nouveau projet de règlement comporte un changement d'orientation par rapport à la politique définie dans le régime actuel. (22 heures)

Moi, je serais porté à partager votre opinion voulant que le maintien du statu quo serait préférable à l'orientation que propose le règlement. Pour une raison bien simple, c'est que le régime proposé pourrait conduire à un excès de spécialisation et nous écarter de l'objectif de formation fondamentale, qui n'est pas nécessairement et qui ne doit pas rester confinée uniquement aux matières obligatoires. Les cours complémentaires ouvrent des horizons plus larges et je suis bien content que vous ayez souligné cette dimension.

Je voudrais en venir à quelques points qui m'apparaissent essentiels. D'abord, je constate que vous êtes d'accord avec le gouvernement pour favoriser l'abolition de la distinction entre élèves réguliers jeunes et adultes. Mais, vous posez des conditions que je voudrais rappeler brièvement. Vous dites tout d'abord, dans votre mémoire d'aujourd'hui: "Un préalable s'impose, toutefois, si l'on veut assurer l'atteinte des objectifs visés par l'unification des clientèles; il faut élaborer un système équitable et crédible de reconnaissance des acquis de formation qui permette l'évaluation de cheminements différenciés et l'identification des ajustements requis au collégial. C'est un système auquel il faut donner toutes les garanties d'efficacité; il serait donc basé sur l'administration de tests et d'examens qui mesureraient le degré d'atteinte des objectifs des cours collégiaux. Ce système d'évaluation devrait être assumé directement par le réseau et doté d'un service technique centralisé."

Dans un mémoire que vous aviez soumis au ministère en novembre 1982 à propos du livre blanc sur la formation professionnelle, vous aviez ajouté d'autres considérations. Vous disiez - encore là, vous êtes constant dans votre pensée, c'est un compliment qu'on doit vous rendre - que vous favorisiez l'abolition de la distinction administrative entre "élèves adultes" et "élèves réguliers" dans la mesure où les modes de financement, les conditions d'accès aux programmes de formation de la main-d'oeuvre, la classification des programmes et la diplômation seraient intégrés et où seraient développés des services d'accueil capables d'identifier des besoins en matière de services différenciés.

La question que je veux vous poser sur ce premier point est double. Tout d'abord, est-ce que des pourparlers sont engagés avec le ministère à ce sujet-là? Est-ce que le ministère vous a approchés? Est-ce que des travaux sont en cours à cette fin? Sinon, combien, selon vous, cela pourrait-il prendre de temps pour que ces conditions minimales soient réunies avant qu'on puisse procéder à l'abolition pure et simple de la distinction entre "élèves adultes" et "élèves réguliers"?

Le Président (M. Blouin): M. Leduc.

M. Leduc (Pierre): Avant de répondre, je voudrais vous dire que si, dans vos recherches, vous étiez remonté un peu au-delà de 1982, si vous étiez allé jusqu'en 1980, vous auriez peut-être trouvé qu'on était moins conséquents dans nos idées. En 1980, on avait de sérieuses réserves sur le système de reconnaissance des acquis.

M. Ryan: Vous avez confessé la faute dans votre mémoire d'aujourd'hui.

M. Leduc (Pierre): Alors, oui, effectivement, sur le système de reconnaissance des acquis, c'est une condition essentielle et c'est une grosse affaire à mettre en place. Nous avons, au sein de la fédération, établi au moins des positions de base là-dessus, les orientations de base, où cela devrait se loger, comment cela devrait un peu fonctionner, quelques balises minimales. La suite du travail se fait cette année en collaboration très étroite avec les services du ministère, entre autres avec la Direction générale de l'enseignement collégial et la Direction générale de l'enseignement aux adultes. Notre objectif, c'est qu'à la fin de l'année courante nous ayons au moins trouvé un modèle, fait l'expérimentation même de quelques tests, quelques questionnaires, pour voir comment la chose pourrait éventuellement fonctionner. Sauf que je ne vous cache pas que c'est une entreprise colossale et que c'est une chance que nous avons de la faire en concertation avec le ministère. Sinon, ce serait absolument illusoire de s'atteler à cette tâche-là.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre qu'aussi longtemps que vous n'aurez pas progressé de manière substantielle dans la réalisation de ces conditions il faudra qu'on fasse preuve de grande prudence dans le traitement de ce problème-là?

M. Leduc (Pierre): Faire preuve de grande prudence, oui. Mais je pense qu'il faudra également l'appliquer graduellement et ne pas attendre d'avoir complètement terminé cette immense opération avant de rendre effectivement des services à la

clientèle, notamment en mettant des priorités à la clientèle adulte qui a une expérience sur le marché du travail déterminée pour qu'on puisse, au plus vite, reconnaître à ces gens ce qui leur est dû.

M. Ryan: Au sujet du certificat d'études collégiales, vous dites bien dans votre mémoire, si je vous ai compris correctement, que vous voudriez, d'un côté, maintenir le diplôme d'études collégiales actuel et, d'autre part, pouvoir user du mécanisme de l'attestation pour accorder des reconnaissances d'études ou des crédits d'études aux étudiants, suivant le cheminement que chacun aurait fait et en laissant toujours ouverte la possibilité d'aller jusqu'au DEC. Mais vous ne voyez pas comment l'introduction d'un diplôme intermédiaire qui serait universel, émis par le ministre, pourrait être un mécanisme satisfaisant dans les conditions actuelles?

M. Leduc (Pierre); Nous estimons que non, compte tenu, entre autres, de celui qui nous est proposé qui est trop proche du total du DEC, dans le fond. On ne voit pas comment, avec un très gros pourcentage des cours de la spécialisation, auxquels on a adjoint, pensons-nous, de façon un petit peu artificielle un cours de philosophie qui, lui-même, peut être remplacé par un cours d'histoire ou un cours d'économique, deux cours de français et deux complémentaires -et on ne parle pas de l'éducation physique -ce programme-là a une cohérence qui le justifie. Et, advenant qu'il existe, il y a déjà une trop grande catégorie de cours pour ne pas nuire, nous semble-t-il, au diplôme tel qu'il existe actuellement.

De toute façon, un diplôme intermédiaire - je suppose que ce serait une autre chose que le certificat - donnerait-il accès à des fonctions de travail identifiées? Y a-t-il des fonctions de travail identifiées qui nécessiteraient, disons, la moitié de la scolarité d'un programme qu'on nous reproche toujours d'être très court et qui s'appelle le niveau collégial? Il est tellement court qu'on a peine à lui trouver son identité parfois.

M. Ryan: Merci. Deux autres questions brèves.

Le Président (M. Blouin): Bien, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je vois que, à la page 21 de votre mémoire, vous voudriez que le règlement accorde à la direction du collège un droit d'approbation sur les plans de cours des professeurs. Je vous avoue que je trouve cela un peu excessif a priori. Nous avons des esquisses de cours qui sont définies par le ministère, présentées dans les Cahiers de l'enseignement collégial. Il me semble que le professeur est engagé sur la base del'obligation qu'il contracte de respecter les grandes lignes de ce programme-là et qu'ensuite il y a quand même une liberté d'enseignement qui est très importante. J'ai l'impression que, si l'on commence à introduire un mécanisme d'approbation préalable des plans de cours, cela deviendra assez vite un mécanisme de censure et je ne suis pas sûr que vous soyez sur la bonne voie en proposant une chose comme celle-là dans le règlement des études collégiales. J'aimerais cela avoir des explications à ce sujet.

M. Leduc (Pierre): Selon nous, ce n'est que la simple traduction de notre responsabilité la plus fondamentale, à savoir celle d'assurer que ces programmes que nous donnons dans nos collèges sont effectivement les programmes qui sont décrétés par l'État. Ce n'est pas une question de censure; c'est une question d'assumer sa propre responsabilité devant le public. Il n'y en a pas d'autre. Il y a la loi qui dit que le DSP s'occupe des affaires pédagogiques. Le reste est un droit de gérance général qu'il s'agit, pensons-nous à la fédération, d'expliciter dans un règlement ministériel en disant: C'est votre responsabilité, assumez-la pour que, effectivement, comme c'est l'objectif d'un règlement, les règles du jeu soient claires pour tous, pour les étudiants, pour les professeurs, autant que pour définir la ligne d'action d'un administrateur et sa responsabilité. Il n'y a aucune censure dans cela. C'est comme si le fait d'approuver quelque chose en ce qui concerne une responsabilité qu'on a à assumer en termes de conformité avec un plan-cadre voulait dire qu'on veut censurer. Ce n'est pas notre point de vue.

M. Henrico: M. le Président, M. Boucher aurait un complément de réponse à apporter.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Boucher.

M. Boucher (Gaétan): Je voudrais juste ajouter un complément d'information. Le projet dit, à l'article 39, que le collège recommande au ministre de décerner le diplôme d'études collégiales. Il faut également se rendre compte que la responsabilité de cette recommandation appartient au conseil d'administration et un des moyens qu'on peut privilégier, lorsqu'une proposition vient à un conseil d'administration de recommander au ministre d'émettre le DEC, c'est de s'assurer que les cours qui ont été donnés sont conformes au contenu obligatoire. Une des façons pour un conseil d'administration - je dis bien une des façons - d'assumer cette responsabilité, c'est

d'approuver les plans de cours. C'est un problème actuellement dans le réseau collégial - dans plusieurs collèges, à mon point de vue - toute cette question de la qualité de l'enseignement. Les administrateurs, les gens qui siègent à des conseils d'administration sont bien prêts à prendre leurs responsabilités, mais il est important d'avoir des outils pour le faire. Donc, la liberté des uns, à mon point de vue, n'est pas contrée par les responsabilités que d'autres doivent assumer. Ces gens, pour assumer ces responsabilités, doivent détenir des outils pour le faire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Boucher. M. le député.

M. Ryan: J'ai seulement une remarque sur cela. J'ai écouté avec intérêt ce qu'on a dit, mais je n'ai pas été convaincu. Je crois qu'il y a une responsabilité départementale dans ces questions qui est prioritaire, qui passe avant l'autre. Il faudrait examiner cela de bien près. C'est une suggestion que je fais au ministre de ne pas se laisser entraîner par cette suggestion avant d'avoir d'examiné comme il faut l'autre côté de la médaille. Je vous le dis bien simplement. Vous savez que cela soulève tout le problème du partage des responsabilités entre la direction et les autres artisans du travail de l'institution. Les professeurs sont l'élément fondamental de l'oeuvre du cégep auprès de ses clientèles. C'est vrai que le conseil d'administration et les cadres supérieurs ont des responsabilités, mais je ne serais pas prêt à souscrire à une formulation comme celle-là sans plus ample examen.

J'ai une dernière question. Dans votre mémoire il y a une omission qui m'a étonné. On nous dit qu'un des éléments les plus importants du projet de règlement, c'est cet article où l'on dit que le collège se donne une politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages des élèves. Je m'attendais à trouver des développements à ce sujet dans votre mémoire. J'aimerais que vous nous disiez à quoi répondent les articles 33 et 34 du projet de règlement. Quels changements cela apporte-t-il par rapport à la situation que nous avons aujourd'hui? Quelle devrait être, d'après vous, la participation des autres éléments constituants du collège dans la mise en oeuvre d'une politique comme celle-là, en particulier la participation des professeurs?

Le Président (M. Blouin): Mme Chené.

Mme Chené: Ce n'est pas une omission. Cela signifie simplement que la fédération n'a pas jugé bon de dire: Oui, nous sommes d'accord ou, au contraire, surtout: Non, nous ne sommes pas d'accord. D'avoir libellé dans le projet de règlement des études une phrase qui dit: "Le collège se dote d'une politique d'évaluation institutionnelle" rejoint les objectifs que poursuivent les collèges et la fédération à l'heure actuelle.

Dans un premier temps, disons qu'on aurait pu souhaiter qu'il ne soit pas écrit dans un régime dont on pense qu'il va durer dix ans: "Le collège se dote, etc". On pourrait imaginer que le collège applique sa politique d'évaluation institutionnelle. Il reste tout de même que, dans l'idée de se doter d'une politique, il y avait un incitatif que nous ne voulions pas contrer. Nous sommes d'accord avec le fait que les collèges doivent se doter d'une politique institutionnelle d'évaluation et nous poursuivons à cet effet des travaux au nom des collèges et en collaboration avec eux. Déjà, certains collèges se sont dotés d'une politique d'évaluation institutionnelle des apprentissages et le travail se continue actuellement dans au moins la moitié des collèges qui restaient sur cette question. (22 h 15)

Ce qui se produit, c'est que la façon dont un collège se dote d'une politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages est nécessairement en concertation avec toutes les instances qui sont responsables de l'un ou l'autre des éléments de la formation ou de l'accréditation de cette formation. Dans les collèges où cela s'est fait, cela s'est fait dans des processus qui ont duré peut-être deux ans, mais qui ont été nécessairement consensuels au bout de la démarche. Il est très important, lorsqu'un collège se dote d'une politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages, que tous les intervenants à l'intérieur de cette politique conviennent de la nature des objectifs et du contenu de cette politique. C'est une première chose.

Une autre chose, quelle est la différence avec le régime actuel? C'était la deuxième partie de votre question. Nous sommes extrêmement contents de voir apparaître les mots "politique institutionnelle d'évaluation" puisque cela confirme une orientation du réseau à savoir que l'évaluation appartient à ceux qui doivent en rendre compte. La différence, c'est qu'autrefois il y avait dans le règlement des études une disposition qui donnait au ministre le pouvoir de vérifier cette évaluation. Les choses ont changé depuis; il y a eu une nouvelle loi des collèges, il y a eu surtout la création du Conseil des collèges et le devoir fait à ce Conseil des collèges et à sa commission d'évaluation d'examiner les politiques institutionnelles. Il apparaissait donc normal que la notion d'institutionnalisation des politiques d'évaluation d'apprentissages se retrouve à l'intérieur du règlement des études et nous y souscrivons.

Le Président (M. Blouin): Merci. Très

bien. M. le député de Fabre, succinctement, s'il vous plaît.

M. Leduc (Fabre): Une seule question, M. le Président, qui touche les pages 8, 9 et 10, la partie de votre mémoire sur la formation de base commune et obligatoire. Vous êtes d'accord sur la réduction des cours de philosophie de quatre à trois, mais vous proposez également une réévaluation globale de tous les cours obligatoires: cours de français, d'éducation physique et de philosophie dans le but d'essayer de voir s'il n'y aurait pas moyen de dégager ce que vous appelez un espace renouvelé "où prendraient place différents apprentissages nouveaux." Cela m'apparaît être tout un contrat. Vous proposez quelque chose qui m'apparaît assez gros. Par contre, les arguments que vous apportez me semblent assez courts. Est-ce que vous pourriez expliciter votre pensée sur cette question?

Le Président (M. Blouin): M. Leduc.

M. Leduc (Pierre): La justification, c'est qu'effectivement c'est le résultat de l'expérience. Depuis que les collèges sont nés, pratiquement, on conteste, entre autres, la place de l'enseignement de la philosophie dans les cours communs de base obligatoires. Il y a même déjà eu la commission Roquet, si je ne m'abuse, qui est partie là-dessus, essentiellement, dans un premier temps. Deuxièmement, il faut être dans les collèges pour savoir combien la révision et la définition des objectifs et des contenus des cours de français peuvent avoir créé des frustrations, des complications et des situations sans issue, de sorte que, en novembre 1983, cela a fait dix ans qu'on travaille à cette redéfinition qu'on n'a pas encore trouvée. Ce qu'on trouve, c'est différents cours extrêmement variés, mais ce ne sont pas des contenus identifiés.

Pour l'éducation physique, je pense que les questions que le Conseil des collèges pose dans son mémoire sont recevables et qu'effectivement il faille tenir compte de la nouvelle situation, depuis presque 20 ans, du développement de l'éducation physique dans les autres ordres d'enseignement, comme on les appelle, pour réévaluer la place de l'éducation physique au collégial. Je pense que c'est le fruit de l'expérience très concrète des collèges. Peut-être que c'est un cours d'histoire et institutions du Québec qu'il nous faut, mais là aussi la démonstration est peut-être un peu courte. Mais une chose est certaine cependant, c'est qu'il y a des cours là-dedans qui ont passé un peu trop vite de l'ancien au nouveau régime. Il semble bien que la démonstration du niveau d'intervention de ces cours n'est pas encore très concluante. C'est pour cela que nous demandons un réexamen.

Vous nous dites: C'est un moyen contrat et on n'en sortira pas de si tôt. La réflexion a tellement mûri là-dessus que je pense qu'on serait effectivement mûr pour conclure, mais à condition de faire l'étude. D'ailleurs, si vous vous reportez à nos voisins du Sud, ils ont donné un contrat exactement semblable en 1981 et le rapport est sorti en 1983, lequel s'appelle "A Nation at risk". Il est fort bien fait, très sommaire et conclut de façon très précise sur des dimensions à inclure dans la formation de base obligatoire. Ils ont pris deux ans pour un si grand pays; je suppose qu'on pourrait en prendre la moitié moins. De toute façon, cette étude ne devrait pas, selon nous, nous empêcher d'adopter un règlement des études.

Le Président (M. Blouin): Très bien, merci.

M. Leduc (Fabre): Merci.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. En ce qui concerne les cours obligatoires, cela m'étonne qu'on n'ait pas suggéré, ni le ministère ni les collèges, qu'on rende obligatoire la langue seconde pour tout le monde ici au Québec. Avez-vous des commentaires à apporter là-dessus?

M. Leduc (Pierre): Justement, madame, dans ce nouvel espace qui serait à dessiner pour les cours communs obligatoires, la question mériterait sûrement d'être analysée. C'est un des éléments de la formation de base qu'on pourrait analyser pour voir s'il faut se contenter des apprentissages faits au secondaire obligatoire ou s'il faut également en imposer au niveau collégial. La question est ouverte depuis longtemps et la proposition de modification du règlement passe à côté d'une question comme celle-là. Il y aurait effectivement lieu d'y répondre.

Le Président (M. Blouin): Merci. Cela va?

Mme Dougherty: De plus, à la page 15, vous avez fait allusion au problème "en sciences où les préalables constituent plus de la moitié des cours de la concentration." Je n'ai pas vraiment compris, je crois, la dernière phrase du paragraphe: "II s'agira, en fait, d'une exception à la règle générale, exception qui exercera une pression pour que ces préalables diminuent." Êtes-vous en faveur d'une diminution?

M. Leduc (Pierre): À tout le moins que les préalables n'augmentent pas. Alors, s'ils sont en situation d'exception, ils n'auront pas tendance à augmenter; au contraire, le

système général va faire qu'ils vont se sentir exceptionnels, de sorte que cela pourrait diminuer. Effectivement, je crois - et le réseau l'a longtemps cru et le croit encore -qu'il faut réduire les préalables d'un niveau à l'autre au minimum. Cela ne veut pas dire les enlever, les détruire. On a fait l'expérience exactement entre le secondaire et le collégial. Il y a eu un mouvement pour enlever tous les préalables du secondaire au collégial et, jusqu'à preuve du contraire, ils sont là et j'espère qu'ils vont y demeurer longtemps.

C'est la même chose pour l'université, sauf qu'il ne faudrait quand même pas que l'université occupe tellement d'espace d'une concentration de sciences au collégial. Historiquement, elle en a pris beaucoup avec leur CLESEC, le Comité de liaison entre l'enseignement supérieur et l'enseignement collégial. Cela est analysé et balisé, il y a des règles, sauf qu'il y aurait encore de la place, selon nous, pour que cela diminue.

Mme Dougherty: Étant donné l'urgence de former de plus en plus de scientifiques, n'est-il pas dangereux de réduire les préalables?

M. Leduc (Pîerre): Les collèges peuvent former des scientifiques, madame, indépendamment des préalables universitaires. Nous pouvons nous donner des programmes de sciences qui soient à l'image des cégeps sans nécessairement que tous nos cours soient prédéterminés par le niveau supérieur. C'est cela, le défi du collège. Or, la réalité a été que c'est l'université qui nous a dit: Faites ceci et vous vivrez.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

Mme Dougherty: Chaque niveau est conditionné par un niveau supérieur.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme Dougherty: C'est toujours comme cela. M. Henrico, peut-être, est-ce qu'il y a une différence quant aux réactions au règlement collégial entre les cégeps anglophones et les cégeps francophones pour des raisons culturelles, historiques?

M. Henrico: C'est une très bonne question. Oui, il y a une différence. Je crois que non seulement il y a une différence entre les collèges anglophones et les collèges francophones, mais qu'il y a aussi des différences entre les collèges francophones eux-mêmes et entre les collèges anglophones eux-mêmes. Disons que la position que la fédération présente aujourd'hui est réellement la position majoritaire des composantes de la fédération. Tout comme on ne peut avoir l'unanimité au niveau d'un caucus, on ne peut avoir l'unanimité de 46 collèges.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Oui?

Mme Dougherty: Seulement un commentaire parce que je suis très consciente du fait que souvent dans les écoles on reçoit des traductions des priorités, des programmes qui ne sont pas propices aux besoins et aux cultures anglophones. Est-ce qu'il y a assez de marge de manoeuvre dans le règlement pour que les besoins des I collèges de différentes langues et régions puissent être satisfaits?

M. Henrico: La réponse à votre question est oui. Je crois qu'avec les recommandations que la fédération fait il y aura assez de marge de manoeuvre pour les accommoder.

Mme Dougherty: Pour répondre aux besoins culturels.

M. Henrico: C'est cela. Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Cela va être une question assez brève, je pense. Peut-être que vous pourriez me répondre, M. Leduc? Votre mémoire ne fait pas état de la réalité des décrocheurs, de ces étudiants qui abandonnent. J'imagine que vous avez poursuivi une réflexion sur cette question. Tantôt, vous faisiez valoir qu'on ne devait pas faire l'adéquation entre une accessibilité plus grande et une formation plus réduite comme celle que propose le certificat. À quoi vous amène votre réflexion sur cette question de la déperdition? Les chiffres sont assez effarants. Quels sont les facteurs - vous êtes en contact fréquent avec les jeunes - qui vous semblent les plus déterminants? Quelles sont les solutions que vous préconisez?

M. Leduc (Pierre): Relativement au projet de règlement et aux décrocheurs, ce qui est le plus près de cet objet, ce sont les attestations d'études collégiales que nous préconisons à la place du certificat. Notre sentiment est qu'en instaurant ce système nous permettrions une plus grande accessibilité de sorte que les étudiants éventuels seraient moins découragés par la longueur du processus et pourraient accéder davantage au collégial et éventuellement donc, en le faisant par étapes, décrocher moins. C'est une gageure jusqu'à un certain point qui vaut probablement la gageure de M. le sous-ministre.

Cela dit, l'autre versant de votre question est: Que pensez-vous qu'on pourrait faire pour qu'il y ait moins de décrocheurs? Cela ne tient pas nécessairement à des objets de règlement, cependant. C'est une tout autre question qu'on pourrait peut-être aborder, mais c'est tout le problème de l'information scolaire, c'est le problème du choix des cours, de l'encadrement des étudiants. Enfin, on aborderait un immense champ de discussion qui serait complémentaire à l'étude du règlement, me semble-t-il. (22 h 30)

Mme Harel: Vous venez de mentionner le programme d'attestation comme un palliatif au problème qui peut être vécu de la longueur du processus. Considérez-vous que la longueur du processus est un facteur de décrochage?

M. Leduc (Pierre): C'est ce que d'aucuns nous laissent entendre.

Mme Harel: Partagez-vous le point de vue "d'aucuns"?

M. Leduc (Pierre): Je n'ai pas d'étude longitudinale là-dessus sauf qu'effectivement, cela se peut fort bien.

Le Président (M. Blouin): Alors, cela va. Très rapidement, M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Alors, je vais m'en tenir à la formation de base. Vous souhaitiez remettre en question l'ensemble de la formation de base et du contenu du programme de formation de base. Je crois que c'est une question qui mérite d'être retenue. Dans l'hypothèse où il fallait, quand même, prendre une certaine décision avant d'en arriver à une entente sur un réaménagement où on a des cours de français, des cours de philosophie et des cours d'éducation physique, vous dites que vous n'avez pas d'objection à la réduction de quatre à trois. La question que je vous poserais: Si le projet avait mentionné une réduction des cours de français de quatre à trois, étant donné surtout la difficulté de s'entendre sur des objectifs - il paraît qu'il y a une incohérence dans l'ensemble des cours de français - est-ce que vous auriez pu écrire la même chose: Nous n'avons pas d'objection à la réduction des cours de français de quatre à trois?

M. Leduc (Pierre): Un peu moins, parce que je pense qu'il est assez reconnu par tous que l'apprentissage de la langue maternelle, de la littérature est une condition tellement fondamentale, surtout compte tenu - c'est partagé par tout le monde - de la faiblesse de la langue des étudiants et que cela ne peut pas être récupéré par d'autres disciplines. Tandis que, pour la philosophie, c'est peut-être un moindre mal, compte tenu que d'autres disciplines peuvent jusqu'à un certain point avoir des objectifs qui s'apparentent à ceux de l'enseignement de la philosophie. C'est pourquoi on peut le dire un petit peu plus et on pourrait le dire un peu moins pour le français.

M. Brouillet: Je pousserais ma question au niveau des cours d'éducation physique, mais je n'irai pas jusque là.

M. Leduc (Pierre): Elle est déjà posée.

M. Brouillet: Enfin, pour la question des cours de langue, il faudrait voir ce qui se fait. J'ai l'impression que certaines formes de cours de philosophie peuvent aider autant à articuler sa pensée et à pouvoir l'exprimer.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Ce serait une discussion ou un débat.

Le Président (M. Blouin): ...nous connaissons maintenant vos couleurs. M. le ministre.

M. Laurin: Oui, M. le Président, avant de terminer, je voudrais revenir quelques brefs instants sur l'article 11 qui traite de la spécialisation et sur lequel vous m'avez posé une question.

L'article 11 se lit comme suit: "La spécialisation prévue au paragraphe 2 de l'article 8 est constituée d'un ensemble de cours dont le total des unités se situe entre 32 et 65." Vous vous étonniez de cet écart et vous me demandiez de l'expliquer. J'ai fait faire quelques recherches très sommaires et je vous en apporte le résultat.

Il y a effectivement des cours de spécialité dont le nombre d'unités est très variable. Je vous en cite quelques-uns: reliure, 34 unités; équipement motorisé, 53; pilotage, 50; technologie alimentaire, 68; technologie de fabrication, 63 2/3. On voit donc que, selon les profils professionnels, le nombre d'unités varie beaucoup. En rédigeant l'article comme ceci, nous n'avons voulu que refléter une réalité qui existe à l'heure actuelle et ne pas nous priver de cette variation, de cette mobilité qui existe actuellement. Nous avons voulu refléter la réalité. Bien que vous ayez raison, si on fait la somme de tous les profils professionnels, nous arrivons à une moyenne d'à peu près 60 unités.

Donc, peut-être que notre différend est un malentendu. Nous voulons, d'une part, conserver ce qu'il y a de variable dans le système actuel pour correspondre aux profils

professionnels que dispensent les collèges, mais il est vrai aussi que les profils professionnels s'établissent en moyenne à 60 unités. La réponse à votre question est que la formulation de l'article 11 viserait à refléter la situation actuelle, tout en reflétant cette moyenne que vous nous demandez d'adopter comme règle.

Ceci dit, je voudrais, encore une fois, vous remercier pour votre présentation. Comme je vous l'ai dit au tout début, vous avez touché à tellement de points que, dans le temps limité qui était à notre disposition, nous n'avons pas eu le temps de couvrir toutes les remarques pertinentes que vous nous adressez. Soyez assurés que nous y consacrerons toute la réflexion nécessaire et que nous tenterons de profiter de votre expertise pour améliorer ce règlement d'études collégiales.

Le Président (M. Blouin): Au nom de tous les membres de cette commission, je remercie les représentants de la Fédération des cégeps d'être venus émettre leur opinion pertinente. Sur ce, j'invite maintenant les représentants de l'Association des collèges du Québec à venir prendre place à la table des invités.

Bonsoir, messieurs. Pour les fins du journal des Débats, je vous invite à vous identifier.

Association des collèges du Québec

M. Boissonneault (François): Mon nom est François Boissonneault. Je suis président de l'Association des collèges du Québec et directeur général du Campus Notre-Dame-de-Foy. À ma gauche, Gilles Leclerc, qui est président de la Commission des directeurs des services pédagogiques de l'association et directeur des services pédagogiques du collège Marie-Victorin. À sa gauche, André Laprée, qui est directeur des services pédagogiques du collège Grasset et, à ma droite, Claude Cloutier, qui est directeur des services pédagogiques du Campus Notre-Dame-de-Foy.

Notre association représente 24 collèges privés. Nous sommes heureux ce soir de faire nos observations sur ce projet de règlement et l'association a demandé à la Commission des directeurs des services pédagogiques de faire part de nos réflexions là-dessus. Je cède donc la parole à M. Gilles Leclerc.

Le Président (M. Blouin): M. Boissonneault, je note que vous n'avez pas de mémoire écrit à nous remettre. Je vous signale cependant que, si vous pouviez faire votre présentation en une vingtaine de minutes, nous pourrions ensuite avoir une discussion d'environ une heure.

M. Leclerc (Gilles): Je serai bref.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. Leclerc.

M. Leclerc: M. le Président, mesdames, messieurs, le document d'accompagnement du projet de règlement sur le régime pédagogique du collégial formule comme suit le principe de base qui guide les propositions de modification au règlement pédagogique. On lit à la page 7 de ce document d'accompagnement: "La spécificité la plus pure de l'enseignement collégial réside dans le fait qu'il est appelé à dispenser une formation de type fondamental. Mais la formation fondamentale se caractérise surtout par sa profondeur: elle vise à faire acquérir les assises, les concepts et les principes de base des disciplines et des savoir-faire qui figurent au programme de l'élève, quelle que soit son orientation. L'option pour la formation fondamentale constitue une des lignes de force du règlement sur le régime pédagogique du collégial: il en fait le principe intégrateur des composantes des programmes d'études."

Tout en assurant à l'élève la formation spécialisée qui lui est nécessaire pour se présenter sur le marché du travail ou pour entreprendre des études universitaires, l'ordre collégial a donc comme objectif premier de donner à chacun une formation fondamentale. Trois éléments du projet de règlement sur le régime pédagogique du collégial nous semblent fausser cet objectif de départ. Premièrement, la diminution du nombre de cours obligatoires en philosophie; deuxièmement, la nouvelle conception des cours complémentaires; troisièmement, l'introduction d'un nouveau certificat d'études collégiales. Pour respecter l'objectif de formation fondamentale, il faudrait, à notre avis, réviser certaines modifications proposées.

Cours obligatoires de philosophie. À la page 12 du même document, on lit ce qui suit. Même si le choix opéré en 1967 - c'est à la page 12 - au sujet de langues et littérature, philosophie ou éducation physique, est tout à fait conforme à la tradition culturelle québécoise et reste encore pertinent, il y a lieu de l'enrichir au moyen de cours qui affirmeront l'enracinement des citoyens dans le tissu culturel du Québec. Le terme "enrichir" se définit selon Robert, page 582 de l'édition de 1969, "rendre plus riche ou plus précieux en ajoutant un élément de valeur".

L'Association des collèges du Québec appuie la proposition d'imposer à tous les élèves de suivre un cours d'histoire et d'institutions du Québec ou d'économie du Québec durant leurs études collégiales. Toutefois, elle continue de penser, tout comme à l'automne 1980, qu'il n'est pas nécessaire de placer ces cours dans la série des cours obligatoires. Pour éviter que des

étudiants ne soient obligés de suivre des cours d'histoire et institutions du Québec ou d'économie dont ils auraient atteint les objectifs par le biais de leur concentration ou de leur spécialisation - je pense plus particulièrement aux concentrations en sciences humaines ou en sciences administratives peut-être - nous demandons que ces cours soient retirés de la liste des cours obligatoires et qu'ils fassent partie des cours, soit de la concentration, de la spécialisation, ou des cours complémentaires. Ajouter un nouveau cours que tous les élèves doivent inscrire à leur programme d'études est une chose, l'imposer à la place d'un cours déjà existant en est une autre. Dans ce cas, il ne s'agit plus seulement d'enrichir, mais bien de porter un jugement de valeur sur l'importance relative de cours différents.

L'hypothèse de diminuer le nombre de cours de philosophie nous amène à réagir de deux façons. Selon nous, la philosophie demeure une discipline ou la discipline qui peut assurer le mieux l'objectif de formation fondamentale en permettant à l'élève de prendre du recul par rapport à son vécu, à ses études, de réfléchir sur ce qu'il est, sur ce qui l'entoure, sur ce qu'il devient. Diminuer son importance au collégial risque d'affaiblir les possibilités d'assurer cette formation fondamentale.

Lors de la dernière consultation officielle du gouvernement à l'automne 1980, le projet soumis à la réflexion comportait effectivement huit unités en philosophie. On constate que, dans le projet actuellement présenté, les règles du jeu sont maintenant modifiées. On n'est pas farouchement contre cette diminution. Tout ce qu'on peut dire, c'est que, sans consultation préalable, sans débat de fond au sein des membres de l'Association des collèges du Québec, débat de fond sur l'enseignement de la philosophie au collégial, nous ne pouvons vous présenter aujourd'hui d'autres positions. (22 h 45)

Vous comprendrez que nous avons été restreints dans le laps de temps au point de vue consultation. Si nous avions un laps de temps raisonnable, nous pourrions vous informer de l'avis de l'ensemble de la commission.

Les cours complémentaires. La nouvelle conception des cours complémentaires inhérente au projet de règlement sur le régime pédagogique, comme on le mentionnait plus tôt, semble fausser l'objectif poursuivi d'assurer cette formation fondamentale qui pourrait se caractériser aussi par une ouverture à d'autres champs ou disciplines.

Dans la mesure où une telle formation demeure un objectif de l'enseignement collégial, il nous semble essentiel de maintenir l'obligation de choisir des cours complémentaires dans des disciplines autres que celle de la concentration ou de la spécialisation. Une telle règle a permis, dans les quinze dernières années jusqu'à maintenant, de maintenir un certain équilibre entre les cours de base et les cours de spécialisation ou de concentration. La mise en vigueur de la proposition du nouveau projet conduirait, à notre avis, à une surspécialisation que tous rejettent, je crois, au collégial.

Il est tout à fait prévisible que la mise en opération de la proposition contenue dans le nouveau projet amènerait les élèves à choisir, comme cours complémentaires comme on le dit ou on le note - à partir de leur intérêt ou de leurs aptitudes, des cours qui vont accentuer encore plus leur spécialisation. L'élève subit toujours des pressions pour accentuer au maximum sa spécialisation, soit en fonction de ses études universitaires, soit en fonction du marché du travail. Ainsi, le terme de cours complémentaires perdrait de sa réelle signification. C'est pourquoi nous insistons pour que les cours complémentaires soient limités à des disciplines autres que celles de la concentration ou de la spécialisation afin que l'élève soit appelé à prendre contact avec des disciplines qui lui évitent une spécialisation trop accentuée et qui lui ouvrent de nouveaux horizons.

Le nouveau certificat d'études collégiales. L'Association des collèges du Québec a déjà pris position en janvier 1983 dans le mémoire adressé au ministre de l'Éducation relativement à la formation professionnelle des jeunes. La position de l'association sur la distinction jeunes adultes, sur le nouveau certificat d'études collégiales, sur la reconnaissance des acquis et des équivalences demeure toujours la même, c'est-à-dire que, dans le but de favoriser l'accessibilité de tous aux études collégiales, le document sur la formation fondamentale proposait de supprimer la distinction administrative entre jeunes et adultes. Il soulignait qu'on ne voulait pas nuire par là à la spécificité de certains services d'accueil et d'encadrement, voire de pédagogie pour les adultes. On insistait même pour que ces derniers puissent profiter du système scolaire selon des modalités, de nature à respecter leur situation particulière, en tenant compte de leur acquis et de leur style d'apprentissage.

L'association est toujours d'accord avec de telles intentions fort louables que l'on retrouve d'ailleurs dans le présent projet de règlement sur le régime pédagogique. De fait, diverses catégories d'étudiants ont accès au collégial: les jeunes finissants du secondaire, qui connaissent un cheminement scolaire continu et qu'on appelle couramment la clientèle régulière, les adultes - parlons d'adultes d'âge mûr - et ceux qu'on a tendance à appeler les jeunes adultes.

Le collégial professionnel doit donc élaborer des programmes d'études qui, dans la pratique, tiennent compte effectivement de la diversité d'une clientèle qui a des besoins spécifiques variés et dont la formation antérieure acquise se situe à des degrés différents.

De plus, ces divers programmes professionnels doivent être couronnés par une reconnaissance officielle de fin d'études qui correspond aux acquis réels de formation, formation fondamentale et formation professionnelle, mais surtout d'ordre collégial.

Par contre, l'Association des collèges du Québec s'oppose à l'introduction du nouveau certificat d'études collégiales tel que proposé dans le projet. Je ne mentionnerai que ceci: la création pour nous d'un tel certificat d'études risquerait sûrement d'attirer bon nombre de jeunes finissants du secondaire, peut-être pas ceux visés, ceux dont on a parlé cet après-midi, et aurait pour conséquence inévitable de dévaloriser le diplôme d'études collégiales, DEC, le diplôme actuel qui a fini par acquérir ses lettres de créance.

De plus, l'Association des collèges du Québec est parfaitement d'accord avec le principe de la reconnaissance des acquis et des équivalences qui doit demeurer une responsabilité institutionnelle. Elle tient à rappeler que cette reconnaissance des acquis et des équivalences exige plus qu'une simple évaluation des connaissances antérieures; elle nécessite, au départ, la clarification des différences fondamentales entre chacun des ordres de l'enseignement; elle exige que l'on tienne compte de la nature des programmes d'études et de leurs diverses composantes.

L'Association des collèges du Québec tenait à rappeler aux membres de la commission élue permanente de l'éducation certaines positions déjà prises dans le passé. Elle remercie sincèrement les membres de cette commission pour l'attention particulière qu'ils porteront à cette brève intervention.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Leclerc. M. le ministre.

M. Laurin: Je remercie l'association pour sa présentation. Je n'avais pas eu de texte écrit, donc je n'ai pas pu l'étudier en profondeur avant ce moment. Mais je la remercie pour les remarques qu'elle a bien voulu faire à cette proposition. J'ai compris que l'association représentait 24 collèges privés. Est-ce que je me trompe en pensant qu'elle représente à peu près 10% de la clientèle collégiale actuellement aux études au Québec?

M. Leclerc: C'est exact.

M. Laurin: Vos remarques portent pour l'essentiel sur la formation fondamentale que vous semblez assimiler aux cours communs obligatoires en grande partie puisque vous dites que la formation fondamentale sera altérée par la diminution du cours de philosophie. J'avais plutôt l'impression que c'est l'ensemble des cours du collégial qui vise une formation fondamentale par le moyen de cet équilibre dont on a parlé cet après-midi dans la présentation, équilibre entre les cours communs obligatoires, les cours de concentration, de spécialisation et les cours complémentaires. Mais quoi qu'il en soit, vous vous opposez à la réduction de quatre à trois des cours de philosophie. Ne vous semble-t-il pas - cela serait la première question - que, même avec cette réduction, le nombre de cours de philosophie au sein du régime collégial représente un nombre de cours non seulement équivalent, mais supérieur à ce qui se donne ailleurs dans les autres provinces, chez nos voisins américains?

Deuxièmement, ne croyez-vous pas qu'il y a d'autres façons d'en arriver à cette formation fondamentale telle qu'on peut y arriver avec les cours de philosophie que par un enseignement proprement philosophique? Croyez-vous qu'il y aurait d'autres façons d'y arriver comme, par exemple, par l'adjonction d'autres cours qui portent également sur les sciences humaines?

Le Président (M. Blouin): M. Leclerc.

M. Leclerc: M. le Président, pour être honnête avec les gens que nous représentons, les discussions autour du règlement des études collégiales remontent à la position officielle de 1980. Par le biais, il est certain, nous avons appris qu'il y avait des propositions de modification, etc. Tout dernièrement, nous avons reçu officiellement copie du nouveau règlement ou du projet du nouveau règlement des études collégiales et nous n'avons pas eu le temps, dans les dernières semaines, de revoir les positions déjà prises. C'est pour cette raison que je vous disais tantôt qu'actuellement nous ne pouvons vous offrir d'autre opinion que celle qui avait déjà été émise dans le passé dans des documents qui comprenaient à l'époque huit unités ou quatre cours de philosophie. Il est bien certain que, si nous voulions discuter personnellement de ce que nous pouvons penser, il y aurait peut-être d'autres façons ou d'autres cours qui pourraient atteindre les objectifs poursuivis par le quatrième ou un des cours de philosophie. Actuellement, je ne peux que répondre à votre question de cette façon.

M. Laurin: Mon autre question porterait sur le certificat d'études collégiales. Comme vous le savez - je le rappelais cet après-midi - le certificat d'études collégiales existe actuellement pour les adultes. Je voudrais

vous demander si, dans les collèges que vous représentez, il y a des institutions et, si oui, combien dispensent actuellement des certificats d'études collégiales aux adultes?

M. Leclerc: À ma connaissance, peut-être que deux collèges offrent des certificats d'études collégiales.

M. Laurin: Est-ce qu'il faut en conclure que la clientèle que vous recevez habituellement dans les collèges est plutôt une clientèle qui opte d'une façon résolue et déterminée, pour ne pas dire en exclusivité, pour le diplôme d'études collégiales, soit général ou soit professionnel, comme nous le connaissons à l'heure actuelle?

M. Leclerc: Les certificats que nous offrons sont des certificats très spécialisés que nous ne retrouvons pas dans le réseau public. Par exemple, on avait, il y a un certain temps, un certificat en gérontologie qui est devenu une attestation. Nous avons certaines attestations au niveau collégial, mais, de façon générale, on ne retrouve pas les mêmes programmes, du moins sous forme de certificats, dans l'enseignement privé que dans l'enseignement public.

M. Laurin: Je voudrais vous poser aussi une autre et dernière question. Au-delà des remarques que vous nous faites ce soir, est-ce que vous favorisez l'adoption d'un règlement ou d'un régime pédagogique pour le collégial, après les quinze années d'expérimentation que nous venons de vivre?

M. Leclerc: Nous ne l'avons pas dit, mais nous sommes d'accord. Par contre, M. le ministre, si vous me permettez de revenir sur le certificat, il a quand même été présenté lors du dossier de la formation professionnelle des jeunes. On sait qu'il y a beaucoup de travail qui se fait actuellement dans ce dossier. Je crois qu'on pourrait affirmer, comme représentants de notre association, qu'il vaudrait peut-être mieux attendre les discussions sur le dossier de la formation professionnelle des jeunes avant de statuer dans ce cas.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je suis content que l'Association des collèges du Québec soit présente avec nous. Il faudrait tout d'abord clarifier une question de fait. Pourriez-vous nous dire quand et comment vous avez été saisis du projet de règlement des études collégiales dans la version que nous sommes invités à discuter à cette commission?

M. Boissonneault: La semaine dernière, j'ai reçu l'invitation par téléphone pour venir à cette commission. On nous disait qu'une lettre et des documents suivraient, ce qui a eu lieu. Nous étions quand même au fait auparavant qu'il y avait quelque chose dans l'air, qu'il y avait des... Mais je n'avais pas vu les projets de règlement avant vendredi.

M. Ryan: Vous êtes le président de l'Association des collèges?

M. Boissonneault: En effet.

M. Ryan: Merci. Je ne sais pas s'il y en a qui ont des choses à ajouter là-dessus. (23 heures)

M. Laprée (André): Je voudrais dire qu'au niveau de la philosophie, c'est ce qui explique un peu notre position, toutes les fois que la commission DDSP de l'ACQ a pu se pencher sur le projet de règlement, c'était sur le texte de 1980 ou sur des textes subséquents qui maintenaient toujours quatre cours de philosophie. C'est la première fois qu'on arrive face à un document qui propose le remplacement d'un cours de philosophie par un autre cours. On a reçu le texte officiellement par les voies normales la semaine dernière. On n'a donc pas eu le temps, comme commission, de se pencher sur ce nouveau projet pour nous.

Il faut ajouter, M. le Président que, par voie anormale, on a pris connaissance de documents circulant en juin dernier. Nous avons aussi pris connaissance de l'avis du Conseil des collèges, avis dans lequel il y avait le document qui était repris.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le ministère n'avait pas eu de communication avec vous avant cette invitation que vous avez reçue du Secrétariat des commissions de l'Assemblée nationale la semaine dernière?

M. Leclerc: Écrite, non; orale, oui, lors d'une réunion du comité, par exemple, de concertation entre la Direction générale de l'enseignement collégial et l'Association des collèges du Québec, réunion qui s'est tenue, je crois, à la fin de mai dernier. M. Louis Gendreau, qui préside cette table de concertation, avait oralement répondu à nos questions sur ce projet et avait fait connaître certaines positions.

M. Ryan: Je ne sais pas si vous avez ces renseignements. Je pense qu'il serait intéressant pour nous de les obtenir. Vous avez dit tantôt que vous représentiez combien d'institutions?

M. Boissonneault: C'est 24.

M. Ryan: Oui, 24, n'est-ce pas, représentant environ 15 000 étudiants. Si je comprends bien, cela vient s'ajouter aux 140 000 qui sont dans le réseau public, n'est-ce pas? 158 000? Très bien.

Selon les catégories que je vais mentionner, est-ce que vous avez des données sur la répartition de vos effectifs étudiants? Masculins, féminins? Deuxièmement, adultes et réguliers? Troisièmement, général et professionnel?

M. Leclerc: Nous avons de telles statistiques. Par contre, je ne peux, de mémoire, vous les citer. Elles sont contenues dans le document de la dernière assemblée générale et nous les avons pour les années antérieures aussi.

M. Ryan: Vous pourriez nous envoyer ces données. Est-ce que, au moins, pour le partage entre... Pardon, M. Boissonneault? Excusez.

M. Boissonneault: Disons que nos collèges sont mixtes. Si je parle des collèges que je connais, c'est à peu près 50%-50%, garçons et filles. Il y a des collèges qui ne donnent que de l'enseignement professionnel, d'autres qui ne donnent que de l'enseignement général, d'autres qui donnent les deux. Je pense encore à mon collège ou à Marie-Victorin, où c'est à peu près 50%...

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Boissonneault: ...pour le professionnel et le général.

M. Ryan: Très bien. De manière générale, est-ce qu'on peut présumer qu'il y a une proportion plus forte d'étudiants dans l'ensemble des collèges privés qui sont du côté de la formation générale?

M. Boissonneault: Pas tellement. Très peu, si cela dépasse 50%. Très peu.

M. Ryan: Très bien.

M. Boissonneault: Pour la question des adultes, je pense...

M. Leclerc: Encore une fois, étant donné les statuts de nos collèges, très peu de collèges ont un secteur d'adultes très développé, étant donné les subventions et autres, exception faite, je pense bien, de Marie-Victorin, qui a un très fort pourcentage d'adultes. On en retrouve dans certaines autres institutions, mais en nombre très inférieur.

M. Ryan: Je n'ai pas très bien compris tantôt la position que vous avez définie au sujet de la distinction administrative entre jeunes et adultes. Avez-vous dit que vous étiez plutôt favorable à l'élimination de cette distinction?

M. Leclerc: Nous sommes favorables à une distinction administrative entre jeunes et adultes, à la condition qu'on ait la liberté de donner des pédagogies appropriées aux élèves que nous recevons. Si nous travaillons uniquement avec des adultes d'âge mûr, nous préférons avoir une pédagogie qui soit adaptée, qui ne soit pas nécessairement celle que nous utilisons avec des jeunes. Je crois que c'est possible dans les propositions que nous avons.

M. Ryan: La Fédération des collèges a signalé tantôt qu'il serait très important d'avoir un système à l'échelle du réseau pour assurer que les acquis et les équivalences seront établis d'une manière objective et soucieuse de maintenir des normes de qualité sérieuse. Comment voyez-vous ce problème? Voulez-vous que cela se règle uniquement au niveau de chaque institution?

M. Leclerc: Non. Nous sommes d'accord avec la position et le travail qui se fait actuellement en concertation avec le ministère. Nous ne participons pas directement à ces travaux, mais nousj sommes désireux d'en connaître les résultats.

M. Ryan: Aimeriez-vous cela être associés à ce travail? Pensez-vous que vous! auriez le droit d'être associés ou si vous acceptez d'être traités en parents pauvres, en partenaires mineurs comme cela? Vous; avez l'air contents.

M. Leclerc: Honnêtement, nous ne croyons pas que les relations que nous avons avec la Direction générale de l'enseignement collégial sont mauvaises; au contraire, elles sont excellentes.

M. Ryan: Mais vous n'avez pas répondu à ma question, par exemple. Je comprends que vous vouliez sauver vos subventions.

M. Leclerc: Nous avons toujours accepté de travailler ou de collaborer et ceci avec plaisir.

M. Ryan: Sur le certificat que le projet de règlement parle d'instaurer, vous avez exprimé votre opposition ferme. Votre opposition est-elle aussi ferme de manière générale? J'ai noté quelque chose tantôt; votre opposition m'a semblé assez générale, n'est-ce pas? Est-ce qu'il y aurait des...

M. Leclerc: Elle ressemble beaucoup à celle de la Fédération des collèges. Nous avons des doutes. On mentionnait cet après-

midi qu'on allait amener une nouvelle clientèle. Nous croyons que ce régime de facilité peut-être, on l'a appelé le mini-DEC, pourrait attirer une clientèle qui, actuellement, poursuit le diplôme d'études collégiales. Aussi, nous nous posons des questions sur les fonctions de travail d'une partie d'une spécialisation avec une portion de formation de base, un petit nombre de cours complémentaires. Cela va correspondre à quoi?

M. Boissonneault: Dans nos doutes, on se posait la question: Est-ce que cela ne va pas marginaliser un certain nombre d'étudiants dans le collège, ceux qui ont un mini-DEC et ceux qui vont vers le DEC? Je pense aux choses qui se sont produites dans les polyvalentes quand on faisait des classes d'étudiants en voie "légère", en voie "enrichie" ou en voie "professionnelle". Est-ce qu'on ne va pas retrouver la même chose au niveau du collège, avoir deux classes de collégiens?

M. Ryan: II y a seulement un autre point. À propos du corps de matières obligatoires, vous dites: La philosophie devrait rester à quatre cours, du moins, d'après la position que vous avez définie il y a déjà un certain temps. Vous n'avez pas eu l'occasion d'en rediscuter de manière récente. Je vous sais gré personnellement de nous avoir dit franchement où vous en étiez et de ne pas avoir essayé de nous faire croire que vous veniez défendre une cause avec toute la ferveur qui découlerait d'une discussion récente. Vous avez renouvelé la position qui était la vôtre. C'est très bien.

Dans l'ensemble de ces matières, une chose m'a frappé à mesure que je regardais cela de plus près. D'après ce que je crois comprendre, le programme de français aurait déjà été revu, on aurait des cours nouveaux maintenant.

M. Leclerc: C'est-à-dire qu'on a dix ans de discussions, mais là on n'a pas de décision.

M. Ryan: Pas encore? C'est vrai? Le cours d'éducation physique a-t-il déjà été revu? Donnez-vous les quatre cours d'éducation physique obligatoires?

M. Leclerc: Même six des fois.

M. Ryan: Oui? Le contenu tel que défini par le ministère fait-il votre affaire? Trouvez-vous que cela fait collégial?

M. Leclerc: Actuellement, selon les disponibilités locales, il y a lieu d'atteindre certains objectifs qui pourraient permettre à nos jeunes d'abord de prendre connaissance et de poursuivre - ils le font au secondaire - les objectifs actuels. On ne les a pas discutés, on ne les a pas remis en question, ils peuvent être encore valables.

M. Ryan: En général, dans vos maisons, est-ce que ce sont des cours structurées en bonne et due forme ou si ce sont des parties de football, des compétitions ou des exercices d'aptitude?

M. Leclerc: Si je vous parle de ce que je vis, mes collègues pourront parler de ce qu'ils vivent. Je pourrai vous répondre oui, c'est assez structuré. Ce ne sont pas des jeux organisés ni des loisirs sportifs.

M. Ryan: Si on vous donnait le choix entre trois cours obligatoires d'éducation physique et quatre cours de philosophie pour faire place à un cours d'institutions québécoises, que chosiriez-vous?

M. Leclerc: On pourrait peut-être y réfléchir.

M. Ryan: Vous êtes logique. Cela n'a pas été discuté. Sur les cours complémentaires, j'ai bien apprécié les remarques que vous avez faites. Je pense bien que le ministre en a également pris bonne note. C'est une observation qui a également été faite par la Fédération des collèges. Je pense que c'est intéressant à ce point de vue.

Une dernière question qui me vient à l'esprit précisément à propos du cours de philosophie. Vous avez dit que vous seriez prêt à examiner cela, que vous n'êtes pas déterminés de manière irréductible, si je comprends bien. En disant cela, parlez-vous sur la foi d'indications que vous auriez reçues de la part d'éléments de votre milieu ou si c'est une remarque que vous laissez tomber comme cela de manière absolument improvisée?

M. Leclerc: Non, on a simplement essayé de réfléchir à l'exécutif de la commission des directeurs des services pédagogiques. On a vu qu'il y avait matière à accrochage et à discussions. On n'a pas voulu prendre position sur l'ensemble sans permettre aussi les discussions avec les autres.

M. Ryan: Merci.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Oui, M. Leclerc.

M. Leclerc: M. le Président, vous recevrez, ainsi que les membres de la commission, copies du texte que je vous ai présenté et ceci au plus tard vendredi.

Le Président (M. Blouin): De toute

façon, nous l'avons consigné au journal des Débats. Les membres de la commission pourront en prendre connaissance rapidement. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Si vous me le permettez, simplement un dernier point. Vous avez laissé tomber une remarque à la fin, tantôt, en répondant au ministre. Je voudrais que vous nous expliquiez peut-être un petit peu plus votre position là-dessus. Vous avez dit: Nous sommes d'accord sur l'opportunité d'un règlement des études collégiales. Vous avez ajouté: II nous semblerait mieux indiqué que ce règlement fût établi une fois qu'on aura précisé la politique gouvernementale en matière de formation professionnelle. Pourriez-vous dire pourquoi vous dites cela?

M. Leclerc: Je voulais parler du CEC proposé qui faisait partie intégrante du dossier de la formation professionnelle des jeunes. Je n'aimerais pas qu'on statue immédiatement sur un dossier qui n'est pas terminé.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Deux brèves questions. Le règlement actuel prévoit que, pour être admis à une autre session, il faut que l'étudiant ait complété au moins 50%, ou réussi 50% des cours. Est-ce que c'est la norme que vous appliquez dans vos collèges? Dans quelle mesure êtes-vous flexible quant à la révision du dossier?

M. Leclerc: C'est une norme que nous appliquons. Je peux vous parler de ce que je vis ici. Encore une fois, on pourra ajouter autre chose. Tout étudiant qui n'a pas réussi 50% des cours entrepris, par exemple une certaine proportion d'une session ou d'une année, reçoit une lettre dans laquelle on lui explique que, normalement, il ne peut poursuivre et que nous sommes à sa disposition pour analyser ou essayer de comprendre pourquoi. Chez nous, cela nécessite une rencontre entre l'aide pédagogique ou certains coordonnateurs avec l'étudiant et, après cela, on peut le réadmettre sous certaines conditions.

Mme Lavoie-Roux: Pourriez-vous me dire quel est - on a parlé assez souvent ce soir du taux de décrochage dans les collèges - le taux de décrochage dans vos collèges? Je comprends qu'il y a plusieurs variables qui peuvent entrer en ligne de compte, mais je voudrais quand même avoir une idée. (23 h 15)

M. Leclerc: Nous avons des statistiques, par exemple, sur le pourcentage d'étudiants qui réussit en temps normal un diplôme d'études collégiales, le pourcentage du nombre d'étudiants qui peut le compléter en cinq ou six sessions. Si ma mémoire est fidèle, nous avons un taux de satisfaction assez grand. Nous avons beaucoup de passages d'un programme à un autre. Ce qui a été mentionné ce soir, à savoir d'avoir des concentrations plus ou moins...

Mme Lavoie-Roux: Je pense que les chiffres qu'on nous a donnés, - peu importe s'ils le font en quatre ou cinq sessions ou même six - ce sont des gens qui obtiennent un DEC. Alors, il y en aurait - à peu près sur le nombre d'étudiants qui entrent -environ 35% à 40% qui ne complèteraient pas le DEC, c'est ce que j'ai compris. Et vous, dans quelles proportions, peu importe s'ils le font en quatre, cinq ou six sessions?

M. Leclerc: Je ne dirais pas que cela est aussi élevé. Cela va à 20% ou 25% au maximum.

Mme Lavoie-Roux: Cela va jusqu'à 25%.

M. Leclerc: Cela peut aller jusque-là dans certains programmes.

Le Président (M. Blouin): Cela val Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): S'il n'y a pas d'autres intervenants, M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais remercier à nouveau l'association professionnelle des collèges qui a pris le temps et la peine d'analyser le projet et de venir nous faire part de ses remarques.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais dire un mot en terminant pour souligner que la présence de l'Association des collèges du Québec est un événement heureux pour le travail de cette commission. Je voudrais signaler à cette occasion, M. le Président, que la politique du gouvernement en ce qui touche l'enseignement privé doit être définie depuis déjà une longue secousse. Elle nous est annoncée périodiquement de six mois en six mois et j'ose espérer qu'avant que toutes ces mesures de changement qu'on envisage soient instaurées définitivement, le gouvernement aura trouvé le moyen de donner suite à l'engagement qu'il a pris tellement souvent au cours des dernières années.

Il m'a été donné, en fin de semaine, d'assister au congrès de formation du Mouvement pour la défense de l'enseignement privé au Québec. J'ai pu constater que c'est un mouvement qui n'est pas parti en croisade, qui n'a pas dressé de réquisitoire,

mais qui a fait valoir des complaintes, des frustrations et des souffrances qui doivent être écoutées. Je pense qu'on s'est présenté ce soir d'une manière extrêmement modeste du côté de l'enseignement privé, mais j'ose espérer que le désir de dialogue qui a été exprimé par les représentants du mouvement qui regroupe autant des parents que des responsables d'institutions - et même il devait y avoir 150 à 200 étudiants qui étaient présents à ce congrès - j'espère que le gouvernement trouvera le moyen de les rencontrer et d'établir, sur une base de dialogue, une politique plus explicite que celle que nous avons présentement.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député d'Argenteuil. Sur ce, au nom de tous les membres de cette commission, je remercie les responsables de l'Association des collèges du Québec d'être venus nous donner leur avis.

La commission élue permanente de l'éducation ajourne donc ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 18)

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