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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le vendredi 5 mai 1995 - Vol. 34 N° 10

Interpellation : La situation qui prévaut dans les universités


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Facal): Bonjour à tous et à toutes. Je déclare ouverte cette séance de la commission de l'éducation. Notre mandat pour cette séance est de procéder à l'interpellation du député de Verdun adressée au ministre de l'Éducation sur le sujet suivant: la situation qui prévaut dans le réseau des universités. M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau (Bourassa) est remplacé par M. Gautrin (Verdun); M. Ouimet (Marquette) par M. Williams (Nelligan); Mme Caron (Terrebonne) par Mme Malavoy (Sherbrooke).

Le Président (M. Facal): Merci. Je vous rappelle brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation. Dans un premier temps, le député qui a demandé une interpellation, soit M. le député de Verdun, pour un temps de parole de 10 minutes, suivi du ministre, pour également 10 minutes. Et, par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'opposition, le ministre, un député du groupe ministériel. Et, 20 minutes avant midi, j'accorderai 10 minutes de conclusion au ministre, suivi d'un temps équivalent au député de Verdun.

(10 h 10)

Je vous rappelle que, si un intervenant n'utilise pas totalement les périodes de cinq ou 10 minutes qui lui sont allouées, notre jurisprudence prévoit que le temps non utilisé ne peut être cumulé et utilisé ultérieurement. Finalement, le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi, quelle que soit l'heure du début des travaux de la commission. Nous jugerons vers midi si nous voulons rajouter un 10 minutes pour récupérer le temps que nous avons perdu.

Alors, je rappelle, en terminant – mais est-ce bien nécessaire considérant que, de part et d'autre, vous avez plus d'expérience que moi – que le cadre des interpellations est beaucoup plus rigide en ce qui a trait au calcul du temps qu'en crédits budgétaires. Et le secrétaire, ici, a un petit panneau qui vous indiquera lorsqu'il vous restera une minute, puis 30 secondes. Sur ce, M. le député de Verdun, vous avez la parole pour 10 minutes.


Exposé du sujet


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Le réseau universitaire, c'est 19 universités. Le réseau universitaire, c'est un effort budgétaire de 1 500 000 000 $ environ. Le réseau universitaire, c'est 200 000 étudiants au premier cycle, une trentaine de milliers d'étudiants au deuxième cycle, 5 000 à 6 000 étudiants au niveau du doctorat. Le réseau universitaire québécois, c'est important. C'est important par l'effort budgétaire qu'on y consacre. C'est important aussi par le rôle économique que les universités jouent dans le développement des sociétés industrialisées modernes.

M. le Président, le réseau universitaire est, d'après moi, gravement attaqué actuellement, et c'est la raison pour laquelle, je crois, nous avons demandé cette interpellation. Le réseau universitaire a subi, dans le dernier livre des crédits, une coupure, au niveau des budgets de fonctionnement, de l'ordre de 55 000 000 $. Le réseau universitaire, au niveau du livre des crédits, a subi aussi – ce qui est une coupure implicite – une non-indexation des dépenses de fonctionnement. Le réseau universitaire a aussi subi, dans le dernier livre des crédits, un phénomène où il doit absorber ce qu'on appelle dans notre langage les coûts d'échelle. Les coûts d'échelle, ça veut dire quoi? Ça veut dire que, à même les mêmes montants, vous devez payer le principe du vieillissement, c'est-à-dire que les gens montent d'un échelon dans l'échelle ou sont promus. C'est la situation à l'heure actuelle, où le réseau universitaire doit assumer, cette année, une diminution ou une coupure de l'ordre de 80 000 000 $. On ne va pas en faire ici une guerre de chiffres. Ce que je veux dire, c'est qu'on lui demande beaucoup.

La crainte qu'il y a aussi, si vous me permettez, M. le Président, c'est de savoir que le gouvernement a annoncé qu'il allait fonctionner sur le principe de budgets constants pour les trois prochaines années, à savoir que les coupures que le réseau universitaire va devoir supporter cette année sont des coupures qu'il devra supporter l'an prochain, les mêmes, et qu'il devra supporter encore la troisième année. Je me permets de dire, et on le démontrera, je crois, dans cette interpellation, qu'il y a un danger extrêmement important. Il y a un danger pour ce qui constitue un élément majeur de notre stratégie de développement économique.

M. le Président, j'ai l'intention, à l'intérieur de cette interpellation, d'aborder un certain nombre de points. Je pense que, dans un premier temps, il va falloir qu'on discute de la manière dont est financé le réseau, c'est-à-dire d'où il tire son argent, bien sûr, des financements gouvernementaux, mais aussi du mécanisme des frais de scolarité et des effets, sur le réseau, du gel des frais de scolarité. Il sera important aussi de voir quel effet cette coupure dramatique à l'intérieur du réseau des universités va avoir sur certaines institutions et, en particulier, les institutions qu'on appelle les institutions anglophones. Et je crois que mon collègue, le député de Nelligan, aura à intervenir sur ce principe-là.

M. le Président, il sera, aussi, important de voir comment les choix budgétaires qui ont été faits hypothèquent réellement le développement du réseau et nous empêchent et nous empêcheront de faire et de remplir les mandats qui sont absolument nécessaires pour la population québécoise. Je voudrais aborder aussi ensuite, M. le Président, trois points dans les cinq minutes, dans les morceaux de cinq minutes que nous allons avoir. Un point qui va toucher plus spécifiquement le rôle économique et social des universités, l'importance qu'il y a, à l'orée du XXIe siècle, d'une synergie positive entre le monde universitaire et le monde des entreprises de manière à créer ces produits intellectuels qui sont l'apanage des démocraties modernes ou, particulièrement, qui vont caractériser l'économie, ce qu'on pourrait qualifier d'économie immatérielle du XXIe siècle. Donc, l'importance de voir où, lorsqu'on touche le réseau universitaire, implicitement on scie une des branches majeures du développement économique du Québec moderne.

M. le Président, je crois aussi qu'il faudra après... Et on aura l'occasion de l'aborder. Je voudrais voir à quel point les coupures dans le réseau vont avoir comme effet, sur le fonctionnement interne des institutions, sur les rapports qu'il doit y avoir entre les activités d'enseignement et les activités de recherche... voir comment, à l'heure actuelle, la situation financière dans laquelle le réseau universitaire va se trouver va risquer de mettre en difficulté des variables importantes du fonctionnement des universités, où la nécessaire synergie, les nécessaires rapports entre les activités d'enseignement et les activités de recherche doivent être maintenus.

Et je crains fortement, M. le Président, que les choix budgétaires qui ont été faits venant, et rappelons-le, après des compressions successives des trois dernières années... Rappelons-nous que le réseau universitaire a dû subir successivement des compressions de 10 000 000 $ – et je ne veux pas faire une guerre de chiffres sur les virgules – 20 000 000 $ et 30 000 000 $ dans les trois années précédentes. Donc, compressions importantes. Et, là, on rajoute, sur compression après compression, une nouvelle compression, une nouvelle diminution budgétaire que, moi, j'évalue actuellement à 80 000 000 $, compte tenu de la non-participation aux coûts d'échelle.

Enfin, M. le Président – je pense qu'il faudra aussi aborder cette question – je voudrais qu'on aborde la question de la tâche du corps professoral, des rapports qu'il doit y avoir à l'intérieur des universités entre les enseignants et les différentes personnes qui participent à l'enseignement. Il est clair qu'on ne peut pas, année après année, diminuer les supports qu'on accorde aux universités. On ne peut pas augmenter indûment les tâches du corps professoral – on aura la chance de pouvoir, j'imagine, aborder plus en détail ces questions – sans que ceci ait un effet direct sur la qualité de notre enseignement et aussi sur le fonctionnement ou la participation aux activités de recherche.

J'aimerais terminer là-dessus, parce qu'on a, M. le Président – et on a raison d'en être fier – un réseau universitaire de qualité. On a un réseau universitaire de qualité qui, ces dernières années... Et on va prendre comme indicateurs, simplement, les fonds de recherche qui, ces dernières années, ont plus que doublé. C'est les fonds de recherche qu'ils vont chercher soit dans le secteur privé soit dans les grandes entreprises gouvernementales. On aura l'occasion de pouvoir aborder cela, M. le Président.

Mais je voudrais terminer en rappelant l'objectif du Conseil supérieur de l'éducation, quant à la diplomation, pour notre société. Nous avons des objectifs élevés. Notre société ne réussira le XXIe siècle que si elle est en mesure d'avoir 25 % de taux de diplomation au niveau du baccalauréat, 10 % au niveau de la maîtrise et 2 % ou 3 % au niveau du doctorat.

(10 h 20)

M. le Président, le réseau universitaire est un des fleurons de la société québécoise. De grâce, M. le ministre, ne le mettez pas en danger.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le député de Verdun. M. le ministre, pour 10 minutes.


Réponse du ministre


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je pense bien que le député de Verdun a perdu un peu son inspiration et le souffle de son discours, qu'il a lu les journaux de ce matin et s'est rendu compte de l'ampleur des frais administratifs qu'on trouve également dans les universités. Évidemment, il pensait faire un débat ce matin et montrer que les universités crevaient de faim. Et, quand il a ouvert les journaux ce matin, il s'est rendu compte que les frais administratifs sont assez élevés et qu'il s'agit, au fond, de faire le débat qui se fait actuellement dans les universités, qui se fait partout en Amérique du Nord, et, je pense, qui va se faire dans le monde entier.

On vit à une période qui est différente sur le plan de l'enseignement puis sur le plan de la recherche. Je vais commencer par la recherche, parce qu'il a parlé de la recherche. Je ne parlerai pas trop, trop des questions financières, parce que j'ai vu que le député, au fond, a lu... Comme il a vu que j'avais le document puis qu'il m'a vu tourner les pages... Il l'a pris hier au congrès des professeurs d'universités où sont faites, en réalité, par M. André Fortier – ex-secrétaire du Conseil des universités en mars 1995, ex-chef de cabinet de M. Ryan – des données. Alors, les données sont là. Il a été obligé de parler des trois dernières années, donc il ne peut pas nous accuser de choses... Autrement, je vais être obligé de lui rappeler la parole de l'Évangile: On peut voir la paille, mais il faut voir la poutre. Et je lui dirai simplement ceci: Tout le monde s'interroge actuellement sur l'avenir. Pourquoi? Parce que l'avenir n'est pas basé sur le passé.

Prenons la recherche. Essentiellement, dans le passé, la recherche était commanditée – dans notre société puis dans la société occidentale, mettons, la société nord-américaine – en grande partie par les gouvernements. Aux États-Unis, la recherche était principalement payée par le gouvernement pour des fins militaires, et on sait que le principal organisme de développement économique aux États-Unis était la recherche du ministère de la Défense. Des contrats qu'on faisait dans le domaine de l'aviation, des fusées, de toutes sortes de technologies pour des fins de guerre influençaient considérablement la recherche universitaire. Puis, comme la recherche universitaire était commanditée par le gouvernement, elle était publiée davantage.

On a assisté, à partir de 1970, à des changements importants – et ça, c'est dans le monde entier – où, à cause de la crise de l'énergie, de plus en plus d'argent est allé à la recherche sur la conservation de l'énergie, à cause des augmentations du prix du pétrole. Mais le prix du pétrole a rebaissé considérablement et on n'est plus certains qu'il y a la même rareté de pétrole qu'on estimait il y a plusieurs années. On n'est même plus sûrs autant qu'avant de l'origine du pétrole. De sorte que le prix du pétrole... Là, il y a des questions qui se posent et on a fait beaucoup de recherches là-dessus, mais le prix du pétrole ayant baissé, le besoin étant moins grand, la recherche s'est réorientée.

Aujourd'hui, la recherche est beaucoup plus commerciale qu'elle l'était auparavant. De sorte que, dans les universités, alors que les professeurs, essentiellement, antérieurement, recevaient principalement leurs fonds de recherche des gouvernements, aujourd'hui on se rend compte qu'il y a de plus en plus de recherche qui est commanditée à des fins commerciales. Le Québec est embarqué là-dedans, puis pas à tort, à raison. On se rend compte, par exemple, que la recherche médicale est importante, que la recherche sur les médicaments est importante, que la recherche sur l'environnement est importante maintenant, parce que ça fait partie des préoccupations des gens. Et des entreprises, maintenant, investissent de plus en plus dans les nouvelles technologies de l'information et des communications. Alors, ce qui arrive, c'est qu'on veut une recherche qui va être plus démocratique qu'auparavant, moins militaire, plus axée sur la vente de produits ou de services à des consommateurs.

Or, ça va reposer le problème de la recherche dans les universités. Aujourd'hui, on se rend compte que, dans bien des cas... Et je remarque que les gens qui ont conçu le système universitaire ou qui ont vécu dans le système universitaire il y a un certain nombre d'années voient bien que le système universitaire, aujourd'hui, a bien changé par rapport à il y a 30 ans. Il y a beaucoup de professeurs qui sont bien plus préoccupés maintenant des brevets que des publications. Pourquoi? Parce que des brevets... Vous savez, ce n'est pas anormal, quand on fait des recherches... Quand on peut commercialiser des produits – parce qu'on ne fait pas des fusées, pour envoyer sur d'autres planètes, qui ne sont pas commercialisables – bien, là, il y a plus de revenus, de retombées et ça amène les questions, qu'on a vues dans les journaux récemment, des professeurs-chercheurs, des professeurs-entrepreneurs, des laboratoires qui sont aussi des entreprises. Je ne dis pas ça méchamment, là. Ce que je veux dire essentiellement, c'est que toutes ces questions-là vont être reformulées dans un contexte différent maintenant. Alors qu'auparavant la recherche dans une université était essentiellement de la recherche fondamentale, aujourd'hui, la recherche est fondamentale, mais elle est aussi bien pratique. Elle a des fins commerciales bien évidentes parce qu'on fait des recherches pour trouver des produits pour vendre aux consommateurs.

Et, aujourd'hui, la recherche n'est pas faite avec les mêmes perspectives, dès son origine, qu'autrefois. De sorte que ça pose des questions, et on l'a vu à la dernière rencontre pour le dixième anniversaire du Fonds FCAR, sur les fonds de recherche. Quel était le thème de leur congrès? L'éthique dans le domaine de la recherche. Pourquoi? Parce que les questions qu'on doit se poser aujourd'hui ne sont pas les questions d'hier, les provenances des fonds de recherche ne sont pas les mêmes. Il y a des entreprises, par exemple, à tort ou à raison, qui considèrent que la recherche des universités devrait être plus de la recherche fondamentale, que la recherche commanditée par les entreprises devrait être plus de la recherche qui mène à la commercialisation des produits.

Peu importe. Ces questions-là vont être en discussion dans les années qui viennent. Pourquoi? Parce que la recherche pour fins militaires, qui a été le principal moteur pendant des centaines d'années, aujourd'hui, avec le désengagement de la Russie... Puis, on le voit aux États-Unis. Regardez le nombre d'entreprises qui se reconvertissent en entreprises civiles, donc qui vont faire de la recherche avec des perspectives différentes. Parce que, qu'est-ce que vous voulez, M. Reagan, il a gagné la guerre des étoiles. La recherche pour la guerre des étoiles a fait en sorte que la Russie a crié forfait parce qu'elle n'était pas capable de suivre. Résultat, aujourd'hui, il n'y a pas de menaces militaires de même nature que celles qu'on a vécues dans toute l'histoire de l'humanité. Résultat, bien, dans le domaine universitaire, on est obligé de se poser des questions parce que les paramètres qui vont faire évoluer notre société sont différents.

Et, actuellement, on se pose ces questions-là, puis on doit regarder ces questions-là avec les yeux d'aujourd'hui, pas avec les yeux d'hier. L'université de demain va avoir quelles fonctions essentielles, sur le plan de la recherche? Moi, je pense que c'est une question fondamentale. Elle va avoir quelles fins sur le plan de la formation, premier cycle, deuxième cycle, troisième cycle? Quelle va être la concurrence entre les universités? Parce que, dans le domaine du savoir, ça va être, à mon avis... Je peux me tromper, mais, à mon avis, dans l'avenir, le savoir, les connaissances vont être la principale concurrence entre les pays. Pourquoi? Parce que la base n'est plus le militaire. Les barrières militaires des blocs sont tombées. Même la Russie assiste aux conférences du Groupe des sept, à l'occasion.

Le commerce est de plus en plus international. On voit que les règles du GATT ont fait en sorte qu'aujourd'hui les barrières tarifaires s'estompent. Les marchés deviennent de plus en plus continentaux avec le libre-échange. Alors, qu'est-ce qu'il reste, au fond? La distinction entre les peuples se fait beaucoup plus, maintenant, sur le plan culturel. Mais ça veut dire que, sur le plan de la conception, de la recherche, de l'enseignement, ça va être, à mon avis... On se pose des questions pour l'avenir d'une société sur la planète, qui est en train de changer complètement.

Or, au centre de ça, il y a le domaine des connaissances qui va faire toute la différence. Et c'est pour ça, moi, que je pense que les états généraux vont avoir pour effet qu'on se pose des questions en fonction de l'école dans un monde de demain. J'ai remarqué que le député a compris un peu notre discours puisqu'il commence à en adopter les termes. Quand on parle école-entreprise, je dirais qu'il faut faire un pas de plus pour dire école-entreprise-développement régional et que... Puis j'aurai l'occasion de revenir parce qu'il me reste seulement une minute. Mais je peux vous dire que l'école-entreprise, dans l'avenir... On va parler beaucoup plus des écoles de formation professionnelle, des collèges sur le plan technique, des universités sur le plan de la recherche universitaire et de la formation universitaire, mais avec un arrimage très fort, avec des positionnements nouveaux entre les universités, les écoles en général et l'entreprise, concernant la recherche, l'enseignement, la mise au point technique, le transfert des connaissances. Parce qu'on va vivre de plus en plus dans un monde de connaissances où il ne s'agira pas seulement de faire les recherches, mais de les transférer pour en faire l'application concrète. Le Japon vient de faire la démonstration qu'en ne faisant pas tellement de recherches mais en appliquant la recherche des autres on peut très bien réussir. Alors, les questions se posent différemment, et c'est pour ça qu'aujourd'hui il faut se les poser différemment.

(10 h 30)

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, nous débutons le débat. M. le député de Verdun, pour cinq minutes.


Argumentation


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Certes, ce que, moi, j'appelle l'économie de l'immatériel, ce que le ministre appelle le commerce du savoir, on va au moins être d'accord là-dessus, c'est sur cette base-là que se fera la compétitivité au début du XXIe siècle, ça, il n'y a pas de problème.

Par contre, je lui réponds, alors qu'il est d'accord sur l'importance même du réseau universitaire dans ce débat économique: Pourquoi, à l'heure actuelle, par les choix budgétaires que vous avez faits, l'hypothéquer? Dans l'intervention du ministre, il est intervenu sur le financement militaire de la recherche. Je m'excuse, sur ce point-là, au Canada, le financement de la recherche à travers les organismes militaires n'a jamais été tellement important. La recherche a été financée principalement par les organismes de financement de la recherche, tant fédéraux que provinciaux, et, aussi, par l'entreprise privée. Un excellent document qui est sorti de votre ministère indique que les parts relatives du financement de la recherche... À l'heure actuelle, les financements relevant du secteur privé, des entreprises équivalent au financement provenant des gouvernements, du moins du gouvernement fédéral. Page 37 du document statistique établi par votre ministère.

Si vous me permettez, dans le débat sur le financement. Un des gros problèmes dans lequel se trouve le réseau universitaire est que vous êtes en train de lui couper les subventions, les paiements de transfert qui sont destinés aux universités du Québec. Coupure de l'ordre de 80 000 000 $ – on ne discutera pas sur les virgules ici – qui vient après les coupures qui ont eu lieu dans les trois années précédentes, sans nécessaire possibilité de générer des revenus autonomes par les frais de scolarité en permettant aux étudiants de contribuer. Donc, on a un réseau universitaire où, d'un côté, sur les deux sources de financement qui pourraient être soit les frais de scolarité, par une augmentation des frais de scolarité – qui est un débat social, et je n'en disconviens pas, qui est un débat social qu'on pourrait avoir – ou soit par la nécessaire contribution qui viendrait des fonds gouvernementaux... Dans l'un ou l'autre cas, vous coupez les possibilités au réseau universitaire d'augmenter ses ressources et de pouvoir assumer pleinement ses responsabilités. Et, dans le monde où on est en compétition, souvent, à l'intérieur du savoir, nos universités québécoises, parce qu'elles n'ont pas – et par choix de société, on peut bien le faire, ce choix de société – la possibilité de pouvoir se financer par le revenu autonome, c'est-à-dire par le biais des frais de scolarité, et parce que, de l'autre côté, vous ne comblez pas ce manque à gagner... Au contraire, même, vous allez diminuer les subventions qui s'en vont dans le monde des universités, vous les défavorisez dans la compétitivité tant sur le plan canadien que sur le plan nord-américain.

Et je suis sûr, connaissant le député de Lévis, qu'il est conscient que, dans le monde du savoir, la compétition est internationale. On n'est pas en train de vivre à l'intérieur de notre petit parc privé. Ce que nous voulons, du moins de ce côté-ci de la Chambre, parce que nous sommes conscients que le réseau universitaire est un élément fondamental du développement économique du Québec au XXIe siècle, c'est pouvoir assurer au réseau des universités le financement et la place qui lui permettent de maintenir et de continuer à développer l'excellence qu'on connaît dans ce réseau-là, parce que c'est là que va se faire la compétitivité.

Et je ne disconviens pas de l'importance des mutations qu'on doit avoir à l'intérieur du réseau, de l'importance de l'implication du réseau à l'intérieur du développement économique, bien sûr. Et on aura la chance d'échanger sur cette question-là. Mais, de grâce, de grâce, n'allez pas, par les coupures financières, étouffer le réseau universitaire.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le député de Verdun. M. le ministre.


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je pense que la question ne porte pas, à ce moment-ci, là-dessus. Tantôt, quand je parlais de la concurrence dans le domaine de la recherche, évidemment je ne parlais pas seulement d'ici. Je parlais de l'Amérique. Je parlais du monde, au fond, puisque aujourd'hui la recherche va s'orienter, dans le monde entier, en Amérique du Nord, vers la recherche commerciale, de plus en plus, plutôt que vers la recherche militaire.

Et il faut vous dire quelque chose, que la recherche militaire n'était pas toujours consentie en étant très évidente sur des fins militaires. Parfois, les objectifs étaient un peu pas toujours évidents. Essentiellement, ce qui se passe actuellement, c'est qu'il faut rechercher... Il faut se rendre efficaces, il faut se rendre plus concurrentiels. Et, dans une économie où les dépenses publiques sont très élevées, où le niveau de taxation des contribuables est très élevé, il faut aller chercher le maximum d'efficacité, de rendement.

Vous savez, quand on regarde la situation dans nos universités, quand on voit des conventions collectives où les enfants des professeurs y vont gratuitement... Je comprends que, il y a 30 ans, c'était comme ça, quand le professeur ne gagnait rien, mais, aujourd'hui, pourquoi, alors qu'il y a des frais de scolarité, faudrait-il que les citoyens paient des frais de scolarité, paient pour leurs enfants quand ils vont à l'université et puis que ceux qui sont à l'université ne paient pas? On vit dans une société où il faut faire des équilibres. Oui. Mais, quand on veut traiter les gens équitablement, ça fait partie des choses qu'il faut faire.

Vous allez me dire... Sur le plan administratif également, est-ce qu'on a cherché le maximum d'efficacité? Moi, je pense que les questions se posent. On est dans une économie actuellement où il y a des déficits considérables. Les dépenses publiques doivent être surveillées, et, à ce moment-là, il faut que chaque dollar investi rapporte au maximum. C'est pour ça que je vous disais tantôt qu'il faut connecter nos écoles et nos entreprises en vue d'un meilleur développement régional. L'université va être de plus en plus au centre, parce qu'on disait: La concurrence des savoirs... Le député de Verdun était d'accord avec moi là-dessus, on était du même avis qu'il va y avoir la concurrence des connaissances, de la recherche, de la mise en application de la recherche, mais aussi l'efficacité de tout ça, parce qu'on va être en concurrence avec d'autres. Si on veut être en concurrence du savoir, on ne pourra pas savoir à 1 000 $ si, ailleurs, ça coûte 500 $ pour savoir la même chose. Dans les concurrences, ça veut dire qu'il va y avoir des effets d'efficacité.

Regardons ce qui se fait actuellement dans l'État de New York, par exemple, où des pans de mur universitaires sont en train de tomber. Pourquoi? Pour décloisonner, pour rendre plus efficace. Je me rappelle, il y a quelques années, à l'Université Laval, j'avais rencontré le recteur, M. Paquet, qui m'avait demandé: Pour nous rendre plus efficaces, pour mieux former nos équipes, mieux faire nos travaux de recherche, pourriez-vous, par exemple, donner un budget, avec le secteur agroalimentaire, sur trois ans ou cinq ans plutôt que d'année en année, ça nous permettrait de mieux planifier? J'ai dit: Certainement. Il m'avait dit en retour, puisque j'avais accepté: Est-ce qu'on peut vous aider? J'avais dit: Oui. Il avait dit: De quelle façon? J'avais dit: Vous pourriez nous aider beaucoup, parce que, nos gens qui quittent l'université et qui ont étudié dans la même université – par exemple, un ingénieur forestier qui travaille au ministère de l'Énergie et des Ressources, un écologiste dans un ministère, un biologiste dans un autre ministère, puis un agronome dans un autre ministère – ils discutent, argumentent, ne sont pas du même avis sur la protection de l'environnement, comme si la nature était différente selon qu'on est agronome, ingénieur forestier, écologiste ou biologiste. J'avais dit: Vous savez, si, à l'université, ils avaient tous le même cours de base sur l'environnement, on aurait peut-être des ministères qui essaieraient moins de se battre sur le plan de la réglementation de l'environnement, parce qu'ils la concevraient de la même façon. Alors que, je ne sais pas si la nature le sait, mais selon qu'on est de génie forestier, on voit les problèmes d'une façon, selon qu'on est agronome, on les voit d'une autre façon, si on est biologiste, d'une autre façon, puis écologiste, d'une autre façon. La nature est une et universelle. Mais, s'il y avait un cours de base général, ça aiderait, ça sauverait de l'argent à tout le monde. On aurait moins de débats sur les fins de protection de l'environnement, parce que la nature, elle, n'est pas corporatiste. La nature, elle, n'est pas corporatiste. Je vais vous dire une chose. Moi, j'ai livré la marchandise, mais l'université ne me l'a jamais livrée, dans le temps. C'est resté comme avant. Alors, il va falloir justement faire des décloisonnements pour faire des économies. Pourquoi on enseignerait des cours différents sur la compréhension de la nature selon qu'on est dans une faculté ou une autre?

(10 h 40)

Le Président (M. Facal): M. le ministre, merci. Mme la députée de Sherbrooke, pour cinq minutes.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. J'aimerais peut-être prendre ce thème fondamental qui est le thème de la recherche et particulièrement de son lien avec la formation universitaire. C'est une question qu'on a commencé à évoquer. Je pense qu'on pourrait en parler bien des heures, mais j'aimerais rappeler peut-être simplement quelques principes en commençant, et j'aimerais faire un lien, ensuite, avec tout ce débat autour du financement des universités.

Il semble que la première chose à rappeler, c'est que la recherche qui se fait à l'université, elle est d'un type tout à fait particulier, parce qu'elle est en lien, par nature, avec la formation des étudiants et des étudiantes. C'est le propre des universités de pouvoir assurer un lien entre formation et recherche, et c'est précieux. Donc, quelles que soient les orientations qu'on prend, c'est important de toujours se rappeler que, dans une université, on fait de la recherche avec une clientèle étudiante.

Donc, les chercheurs sont d'abord des professeurs. Ils sont aussi chercheurs et chercheuses. Ils se font évaluer à ce titre-là. Mais leur premier rôle, c'est d'être des professeurs, tout simplement parce que la recherche à l'université a une double tâche. Elle a – moi, je la mets en premier – comme première tâche de former la relève, c'est-à-dire de former des personnes qui deviendront à leur tour des chercheuses et des chercheurs. Elle a comme seconde tâche, et qui est aussi importante, la tâche de renouveler les connaissances et, pour appuyer ce que disait M. Garon, de renouveler les connaissances pas n'importe comment, de renouveler des connaissances qui, d'une façon ou d'une autre, nous permettront de trouver des solutions aux défis du monde moderne. Donc, que la recherche soit fondamentale ou qu'elle soit appliquée, elle a toujours comme objectif final... Quand elle est appliquée à court terme, l'objectif est plus visible plus rapidement. Mais qu'elle soit fondamentale aussi, elle est, dans le fond, une façon d'essayer de trouver des solutions aux défis énormes de la société moderne. Ça s'est fait de toute éternité, mais, comme il y a une accélération de nos défis, je pense que la recherche devient de plus en plus complexe.

Dans ce contexte-là, les professeurs ont donc comme rôle, quand ils font de la recherche, d'assurer un encadrement. Et c'est important de valoriser ce rôle. C'est important de trouver des façons de le valoriser afin qu'on ne croie pas que le meilleur chercheur, c'est celui ou celle qui reçoit le plus de subventions en voyant le moins possible d'étudiants et d'étudiantes. Les meilleurs chercheurs sont celles et ceux qui sont capables de donner du temps à l'encadrement des étudiants. Mais la recherche à l'université, elle a un défi, à cause de sa nature, qui est très particulier. Je voudrais simplement le rappeler. Pour moi, c'est un peu le point de départ de notre réflexion. La recherche doit réussir, et ce n'est pas facile, à être à la fois libre et utile. C'est ça, son grand défi. Parce que nous sommes dans une démocratie, le réseau des universités est un réseau où on a une liberté académique, une liberté de recherche, où on exerce une fonction critique par rapport à la société. La recherche doit, évidemment, être libre, mais libre ne veut pas dire qu'elle n'a pas d'objet ou qu'elle ne doit pas se poser la question de sa finalité. La recherche doit aussi être utile, elle doit être pertinente. C'est ce que je disais tout à l'heure. Qu'elle soit fondamentale ou appliquée, elle doit être pertinente.

Cette réflexion que je fais très rapidement, M. le Président, ce n'est pas une réflexion qui a comme, je dirais, conclusion que c'est uniquement une affaire d'argent. C'est un fait que la recherche coûte cher et que, comme le disait le ministre Garon, il faut trouver de nouveaux partenariats avec l'entreprise pour aider à supporter les universités dans cette entreprise. Mais il ne faudrait pas croire que c'est uniquement une question d'argent. Je trouve dommage qu'au moment où on essaie de réfléchir sur le lien entre la recherche et la formation à l'université, tout simplement, on fasse un lien avec le fait qu'il y a une légère baisse de crédits dans le réseau de l'éducation, cette année, au Québec. Nous le savons des deux côtés de cette Chambre, l'argent est rare et on n'en fera pas pleuvoir demain matin. Il me semble que ce à quoi on doit s'atteler, la tâche la plus importante, ce n'est pas de se demander comment il se fait qu'on a moins d'argent, on comprend tout à fait notre contexte économique, mais comment pouvons-nous, avec ces énormes défis, tout simplement travailler avant tout au niveau des attitudes, au niveau des orientations, au niveau de la vision, au niveau de la concertation entre les différents partenaires. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites pour améliorer nos performances en recherche dans les universités sans forcément qu'il y ait une facture qui s'ensuive. Et je souhaiterais qu'on élève un peu le débat et qu'on se pose des questions fondamentales dans lesquelles on pourrait demander aux acteurs et aux actrices de se joindre, mais avec comme idée, dans le fond, que, la recherche universitaire, elle est une valeur extrêmement importante, extrêmement utile à la société et que ce n'est pas uniquement une question d'argent; c'est avant tout une question de vision d'ensemble.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. M. le député de Nelligan, pour cinq minutes.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. C'est la première fois que j'ai entendu qu'une coupure de 70 000 000 $, c'est une légère baisse. Ça fait mal aux universités. Et, plus que jamais, je suis d'accord avec le député de Verdun. C'était nécessaire de faire cette interpellation, aujourd'hui, sur le réseau universitaire, à cause du manque de leadership, du manque de flexibilité et certainement du manque de vision de ce ministre, mais aussi à cause de toutes les contradictions entre la façon dont il agit et ses discours.

Je voudrais cibler mes questions sur le réseau anglophone, aujourd'hui. Dans le réseau anglophone, il y a McGill, Concordia et Bishop qui est une pierre angulaire de notre communauté dans la recherche. Et il y a déjà des déficits: de plus de 60 000 000 $ à McGill, de plus de 30 000 000 $ à Concordia. Avec les coupures, avec votre façon de financer nos universités, vous êtes en train de mettre encore le réseau anglophone en péril.

The McGill University network, Concordia and Bishop are fundamental cornerstones of research and education in our community. And we have a double responsibility in Québec. On one hand, to make sure that our universities, our Francophone universities develop and become leaders in the community, but, also, our English-language institutions.

Et je pense que votre décision de geler les frais de scolarité est contre la nouvelle réalité mondiale. Nous avons, juste en comparaison avec les autres provinces, le taux de scolarité le plus bas au Canada. Et, en comparaison avec plusieurs autres universités dans le monde, aussi, nous avons un taux de scolarité très, très bas. Je pense que c'est le temps de faire une déréglementation de ces frais de scolarité et, comme l'ancien Conseil des universités l'a recommandé, de donner plus de marge de manoeuvre aux universités pour faire les choses, pour être créatifs, pour répondre aux vrais besoins et pour être compétitifs dans le monde.

(10 h 50)

McGill, certainement, joue un rôle comme fenêtre, dans le monde, pour le Québec. Et je comprends mal, M. le ministre, comment elle peut être concurrentielle avec les autres universités. Par exemple, elle a six fois moins de ressources qu'Harvard. Comment on peut recruter les professeures et professeurs et comment on peut être compétitif dans le monde si, avec une main, on ne donne pas assez de ressources publiques et, aussi, avec l'autre main, on empêche toutes les autres marges de manoeuvre pour le financement? Je comprends mal ça. Je pense qu'on doit... Si nous n'avons pas les ressources publiques pour continuer à financer au niveau que nous avons financé jusqu'à maintenant, c'est le temps d'être créatifs et de donner une marge de manoeuvre à nos universités et de laisser leurs communautés répondre avec plus de flexibilité et peut-être plus d'argent.

Deuxième point que je voudrais souligner, qui m'étonne, avec votre choix de financement, c'est la façon de pondérer le financement, dans votre formule de financement, qui privilégie, à mon opinion, le premier cycle et ne privilégie pas le deuxième cycle de maîtrise et le doctorat. Mon évaluation, M. le ministre, c'est qu'elle pénalise les universités comme McGill, qui est en train d'essayer de faire plus d'études au niveau de la maîtrise et du doctorat, et j'espère que le ministre va prendre les mesures nécessaires pour donner plus de marge de manoeuvre sur cette question.

J'ai déjà reçu le signal qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. Cinq minutes, ça passe très vite quand on parle de nos universités. Je voudrais juste souligner aussi un dernier manque de créativité, au ministre, dans votre façon de financer l'entretien des bâtiments. Nous avons – encore une fois, je voudrais cibler le cas de McGill – des racines dans la communauté, et plusieurs des bâtisses datent de 25 ans, 50 ans et plus. Votre façon de financer devrait tenir compte de cette réalité, que les bâtisses qui sont vieilles prennent plus d'argent, et, avec ça, que c'est un double problème pour nos universités. Et j'espère que le ministre, pour le réseau anglophone mais aussi pour le réseau francophone, pourra, dans le futur, en tenir compte, parce que, autrement, nous allons augmenter le déficit. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. le député de Nelligan. M. le ministre.


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, les universités, d'abord, sont des universités privées. Quand il dit qu'on a augmenté le déficit des universités, je ne comprends pas le député de Nelligan. Au cours des neuf dernières années, c'est le gouvernement libéral qui était là. Il n'y a pas eu un seul déficit à date à cause du gouvernement du Parti québécois. Alors, je ne comprends pas que le député de Nelligan... Il vit dans un monde qui n'existe pas. Les libéraux viennent de quitter les élections. 1994-1995, ça a été leur budget, leur allocation aux universités, et le bilan qu'on a, à ce moment-ci, c'est le bilan à la fin de 1995, 1994-1995. Puis il dit: Voici, les universités anglaises sont endettées. Alors, quelle cause on a là-dedans? Il n'y a pas eu un seul budget du Parti québécois actuellement. C'est le premier, puis il n'est pas encore en application, c'est-à-dire qu'il est en discussion actuellement. Alors, c'est le cas de le dire, M. le Président, le député de Nelligan vient de lancer dans ses buts, solide à part ça, hein! Il a lancé toutes les rondelles dans ses buts, parce qu'il ne peut pas nous accuser. En quoi je peux être responsable? En quoi le gouvernement actuel peut être responsable des dettes des universités?

Je remarque que le député de Nelligan n'a jamais fait ce discours-là dans les neuf dernières années, alors que son parti était au gouvernement. Puis il dit que les universités anglophones s'endettaient. Alors, de deux choses l'une: ou bien elles sont responsables de leur propre endettement ou bien le gouvernement libéral est responsable de l'endettement des universités anglophones. Mais il n'y a jamais eu de budget du Parti québécois, c'est le premier budget. Quand on est arrivés au gouvernement, au 26 septembre 1994, le budget était déjà dévolu aux universités. Nous n'avons rien eu à faire sur le budget qui est allé jusqu'au 31 mars, et, là, nous sommes en train, actuellement, de parler sur des crédits... Nous avons eu des crédits de déposés à la fin de mars, mais la situation financière des universités existe aujourd'hui en fonction des budgets du gouvernement précédent. Alors... Et une partie des coupures provient – même en 1995-1996 – du budget Bourbeau, qui les avait décrétées à l'avance, en mai 1994, dans son budget du mois de mai 1994.

Je suis un peu estomaqué, comprenez-vous, sur le plan de la bonne foi, M. le Président. Je comprends que je suis obligé de présumer de la bonne foi, mais, là, je ne comprends pas, à moins que le député de Nelligan ne sache pas compter – ça, c'est possible – ou ne sache pas lire un budget ou soit complètement perdu. Mais son discours qu'il vient de faire est absolument incohérent, parce que nous ne sommes responsables d'aucune façon du budget... de l'état de la situation financière des universités; c'est le Parti libéral qui était au pouvoir depuis neuf ans. On pourra dire, après l'année prochaine: Voici la différence de la situation par rapport à l'an 1994-1995, mais les neuf dernières années, c'est le budget libéral.

Maintenant, je ne voudrais pas parler seulement d'argent puisque, comme l'a dit la députée de Sherbrooke, Mme Malavoy, ce n'est pas une question d'argent uniquement, c'est une question d'orientation. Et elle vient d'une région qui l'a comprise, l'orientation, avant les autres. L'Université de Sherbrooke – puis je ne veux pas dire que les autres universités sont mauvaises – a compris une orientation avant les autres, c'est la synergie université-entreprise. Et, moi, je me rappelle, quand l'Université de Sherbrooke a commencé – une petite université – j'étais à Québec, puis les gens se pensaient bien fins puis regardaient Sherbrooke avec hauteur. Je me souviens de ça. J'étais un de ceux qui écoutaient ces discours-là, puis je voyais que l'Université de Sherbrooke s'orientait sur la coopération avec l'entreprise. Ils appellent le cours coopératif, cours à l'université, stages en entreprise. Mais, 20 et quelques années plus tard... L'Université de Sherbrooke a été fondée en...

Une voix: Il y a 35 ans à peu près.

M. Garon: Il y a 35 ans. Aujourd'hui, on regarde le bilan puis on se rend compte que l'Université de Sherbrooke a eu une action d'avant-garde et que, dans l'avenir, toutes les universités vont vouloir, vont rechercher la collaboration école-entreprise, université-entreprise. Je ne dis pas que les autres ne le faisaient pas du tout, ce n'est pas ça, mais elle en a fait sa marque de commerce. Et ce dont on va parler dans l'avenir, dans le domaine universitaire, ça va être beaucoup plus de la synergie, des bons choix de synergie entre l'université et le milieu environnant. Et je pense que c'est beaucoup plus dans ces termes-là qu'il faut poser des questions. Vous savez, une piastre qui rapporte peu, ça vaut moins qu'une piastre qui rapporte beaucoup. Alors, ce qu'on va regarder beaucoup plus, ce sont les choix stratégiques des universités en fonction de l'avenir, et c'est de ça, à mon avis, qu'on devrait parler, M. le Président.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le ministre. M. le député de Lotbinière.

(11 heures)


M. Jean-Guy Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Je voudrais reprendre le premier sujet du député de Verdun, c'est-à-dire le rôle économique des universités, et aussi compléter les propos de M. le ministre. Donc, on croit nécessaire l'adéquation entre le système éducatif et le système productif. C'est bien sûr qu'il se fait des choses au Québec, par exemple, à l'Université du Québec à Trois-Rivières – Trois-Rivières qu'on connaît comme la capitale des pâtes et papiers mondiale – il est normal d'avoir une maîtrise en sciences des pâtes et papiers à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Mais il est anormal, justement, de ne pas avoir un baccalauréat pour former des ingénieurs en pâtes et papiers. Donc, dans une région comme la mienne, la région Chaudière-Appalaches, où il y a 1 800 petites et moyennes entreprises, les besoins des entreprises sont au niveau des ingénieurs de PME, des ingénieurs polyvalents. Présentement, au Québec, ces ingénieurs-là n'existent pas, c'est-à-dire la formation de ces ingénieurs-là. M. Roger Blais, qui est professeur émérite à l'École polytechnique, le déplore aussi. Donc, il faut des ingénieurs polyvalents pour nos PME, c'est-à-dire qui ont des notions d'informatique, de productique, de gestion, pour pouvoir, justement, oeuvrer à l'intérieur de nos PME d'une façon efficace. Donc, les 1 800 petites et moyennes entreprises de notre région déplorent ce genre de lacune.

Nos universités, nos écoles d'ingénieurs forment des étudiants pour travailler et oeuvrer pour les autres, pour les grandes entreprises. On sait que les emplois, maintenant, ne sont pas créés par les grandes entreprises, mais à 85 % par les petites et moyennes entreprises. Au contraire, les grandes entreprises débauchent, dans le bon sens du terme, donc les emplois sont perdus dans les grandes entreprises. Regardez les compressions qui se font chez Bell, Northern Telecom, Hydro-Québec, donc chez les ingénieurs. Former les ingénieurs pour travailler pour les autres n'est plus une solution, au Québec. Il faudrait former des ingénieurs pour être des ingénieurs-entrepreneurs, et c'est dans ce sens-là, justement, que l'adéquation entre le système éducatif et productif... Il faut traduire, justement, qu'on a des besoins régionaux, et Chaudière-Appalaches en est un exemple avec ses nombreuses PME. Et on voit aussi que les économies de PME, c'est des économies, présentement, qui sont modernes ou qui donnent des résultats extraordinaires au niveau de l'emploi. Ce n'est pas pour rien non plus qu'on retrouve Chaudière-Appalaches avec le plus bas taux de chômage, présentement, à 7,6 %. Donc, je pense que toutes les régions devraient regarder cet exemple-là. Il y a huit comtés, dont, c'est bien sûr, les fameux Beaucerons.

Donc, les universités – j'ai pris pour exemple les ingénieurs – devront justement s'adapter aux besoins du milieu. C'est-à-dire que, lorsqu'on a besoin d'ingénieurs, ce n'est pas des ingénieurs pour travailler pour les grandes entreprises, mais des ingénieurs pour travailler dans nos PME, plus polyvalents, donc plus adaptés aux besoins du milieu. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. le député de Lotbinière. M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je ne manquerai pas de regarder avec attention le budget, mardi soir, et de voir ce qu'il y aura dans ce premier budget du gouvernement. J'espère qu'on n'y trouvera pas ce que nous craignons d'y trouver. Parce que, M. le Président, le débat que nous faisons aujourd'hui est clairement orienté vers l'avenir. Le débat que nous faisons aujourd'hui est orienté vers l'avenir, un avenir où, d'après les crédits déposés pour les trois prochaines années, les universités vont subir des compressions budgétaires importantes de l'ordre de 70 000 000 $ à 80 000 000 $.

M. le Président, dans cet avenir, il est clair que le réseau universitaire est appelé... Et on lui demande beaucoup. Je pense que c'est le Conseil des universités, où, d'ailleurs, la députée de Sherbrooke siégeait, à la Commission de la recherche et de l'enseignement universitaire, à l'époque, qui a fixé quelle était l'attente en termes de participation au réseau universitaire et en termes de diplomation. Autrement dit, on a su que vous avez fixé que, sur une cohorte de 100 personnes, il faudrait, d'une manière optimale, arriver à ce que 35 personnes fréquentent l'université. À l'heure actuelle, on en est à 28. Sur une cohorte de 100 personnes, pour pouvoir entrer de plain-pied dans le XXIe siècle, il faudrait que le taux de réussite, c'est-à-dire le nombre de diplômés de baccalauréat, qui est actuellement de 18, sur ces cohortes, si on prend 100 jeunes, soit porté à 25. C'est un défi important qu'on a et c'est un défi qui dépasse la petite politique entre les partis, c'est un défi de société. Au niveau de la maîtrise, il faudrait que, sur une centaine de personnes, six finissent par être inscrites à la maîtrise et que cinq soient diplômées. C'est un défi de société nécessaire, et je fais référence aux études du Conseil des universités, pour pouvoir entrer de plain-pied, avec des chances de compétitionner d'une manière positive, dans le XXIe siècle.

Et, M. le Président, l'objet même du débat aujourd'hui, c'est de dire que ces défis qu'on pose au réseau universitaire impliquent nécessairement un certain soutien financier, ça implique des fonds. Je m'excuse, on ne fera pas strictement, on ne réalisera pas ces défis sans strictement parler aussi de ce qui soutient le nerf de la guerre, à savoir l'argent.

Bien sûr, le réseau universitaire est appelé à se transformer. Le ministre a parlé de concurrence; je parlerai beaucoup plus de complémentarité. Il doit être en mesure de choisir, à l'intérieur du réseau, les nécessaires complémentarités à l'intérieur des disciplines, à l'intérieur des grands secteurs. On ne peut pas faire tout partout. On ne va pas tout faire partout parce qu'on fera tout mal. Il y a des universités qui doivent être en mesure de se spécialiser, être en mesure de travailler en complémentarité les unes avec les autres, en mesure de pouvoir échanger leurs points forts de manière à offrir le meilleur produit aux étudiants. Parce que, dans le fond, c'est ça, le défi, c'est ça, le défi important, être en mesure de pouvoir faire en sorte que le Québec entre de plain-pied dans le XXIe siècle.

Alors, M. le Président, et le ministre le sait bien, les formules de financement ne favorisent pas, à l'heure actuelle, la complémentarité entre les institutions. Les formules de financement ne favorisent pas la nécessaire synergie entre les institutions. Je sais qu'il existe un effort important qui se fait au niveau de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, mais ce n'est pas suffisant en termes de complémentarité. Et, de surcroît, les coupures qui sont imposées au réseau, M. le ministre, mettent grandement en danger la possibilité du réseau de faire face aux demandes de la société québécoise pour pouvoir entrer de plain-pied dans le XXIe siècle.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le député de Verdun. M. le ministre.


M. Jean Garon

M. Garon: Depuis longtemps, je savais que le député de Verdun était d'accord avec moi. Ça fait longtemps que je le soupçonne, mais il ne pouvait pas parler lorsque son parti était au gouvernement. Là, je me rends compte qu'il peut parler maintenant qu'il est dans l'opposition. Et il a tellement été empêché de parler pendant des années qu'il est en train de faire le procès de son parti. Parce que ce qu'il dit actuellement, au fond, c'est – parce qu'il n'a pas pu le dire publiquement dans les dernières années – ce que nous disions. Maintenant, il arrive dans l'opposition, puis il dit: Voici la situation déplorable dans laquelle nous sommes. Bien oui. Mais nous ne sommes pas responsables de ça, nous étions dans l'opposition. De 1985 à 1994, nous étions dans l'opposition.

Quand il dit que le taux de diplomation n'est pas assez élevé, c'est exactement ce qu'on dit. Et nous avons mis immédiatement sur pied un groupe de travail sur l'aide financière aux étudiants pour évaluer notre aide financière et la connecter sur la réussite, sur le succès. Je suis tellement sensible à ces questions-là, je vais vous dire, M. le Président, que, quand j'étais ministre de l'Agriculture, on donnait des bourses aux maîtrises et aux doctorats, mais les montants étaient échelonnés selon qu'on avait fait la scolarité, puis qu'on avait fait sa thèse, puis qu'on avait obtenu son diplôme. Pourquoi? Parce que je calcule que, financer une maîtrise ou un doctorat, ça aussi, c'est un produit, puis on doit obtenir les résultats. Si j'achète une automobile, moi, je ne veux pas qu'on me dise: L'automobile que vous avez achetée, monsieur, les gens qui ont essayé de la faire ont fait leur possible. Ils ne l'ont pas faite, vous allez la payer pareil. Alors, est-ce qu'il ne faudrait pas aussi, quand on paie quelqu'un puis qu'on dit: Vous étudiez pour faire un diplôme, bien, s'attendre à ce qu'il le fasse? Il va falloir connecter davantage l'aide financière sur les résultats puis la réussite.

Mais est-ce que les universités, dans le passé, ont été beaucoup préoccupées de ces questions-là? Pas suffisamment. Et c'est pour ça que le député le dit, avec raison, quand il parle de sa cohorte fictive de 100, qui a un taux de réussite de 18 qui devrait être de 25. Mais oui, mais c'est la situation actuelle. Il décrit, dans la situation, le résultat de son gouvernement, qui était beaucoup plus faible que ce que ça devrait être.

Nous, M. le Président, on arrive dans cette situation-là. Il faut changer ça. C'est ça qu'on veut changer. Parce que j'ai dit à plusieurs reprises: Si on traîne sur des bancs d'école pendant des années, si on flâne sans avoir de perspective de réussir puis de viser le meilleur de soi-même, est-ce qu'on pense, après 15 ans ou 20 ans sur les bancs d'école puis on arrive dans l'entreprise, que, du jour au lendemain, on va se mettre à performer alors qu'on n'a jamais performé dans les années antérieures? L'école est là pour nous donner les bonnes habitudes d'apprendre, de réussir, d'apprendre à réussir, puis d'avoir le goût d'apprendre, puis d'avoir le goût de donner le meilleur de soi-même. Ça ne veut pas dire d'être meilleur que le voisin, mais d'être capable d'atteindre des objectifs, dans une société, atteindre des objectifs.

Aujourd'hui, quand on dit la moyenne, c'est quoi? Bien, c'est... Les nombres de crédits par étudiant par année, ça a baissé, la moyenne. Ça n'a pas augmenté au cours des années. Ça a baissé. Est-ce qu'il faut rester à ces niveaux-là? C'est vrai aux universités, c'est vrai dans les collèges. On a des gens qui traînent, qui flânent et qui y passent plus de temps qu'ils devraient y passer. Est-ce qu'on doit permettre que les gens qui doivent faire un cours en trois ans prennent cinq ans, six ans, aux frais des contribuables? Ça coûte une fortune.

(11 h 10)

Est-ce qu'il ne faut pas une recherche minimale d'efficacité? Bien, là, il va falloir aider les universités à le faire. Pourquoi? Parce que les fonds publics, l'université... Et le principe de base, c'est l'accessibilité pour tous. Mais ceux qui ont les talents et ceux qui ont la volonté, ceux qui ont les aptitudes, mais le goût du travail pour réussir, également... Ça, il va falloir faire une réorientation qui va être très importante. Pourquoi? Parce que, on le disait tout à l'heure, on va être dans la concurrence des savoirs. Et des savoirs... Je peux bien faire un bon travail, mais je ne peux pas prendre une semaine pour faire ce qui devrait prendre une journée. Plus tard, quand je vais travailler, dans la vie, je ne peux pas faire dans 20 heures ce que je devrais prendre une heure pour réaliser. Bien, c'est la même chose pour les études. Est-ce que le gouvernement doit... Il doit aider, mais exiger aussi certaines choses. Alors, là, actuellement, on a des gens qui travaillent là-dessus pour faire en sorte qu'il y ait une obligation, une certaine obligation de résultats. Ça, ça va être un changement dans ce qui avait été fait jusqu'à maintenant. Il va falloir inciter davantage à atteindre des résultats parce que, l'accessibilité à l'université, c'est l'accessibilité pour ceux qui veulent; qui sont capables, qui ont les aptitudes, mais qui veulent, également. Autrement on ne va nulle part.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Sherbrooke.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais peut-être commencer par renchérir sur ce que vient de dire le ministre de l'Éducation quant aux objectifs de fréquentation des universités et de diplomation.

Je pense, moi aussi, bien évidemment, que, si on ne veut pas rater le tournant du prochain millénaire, c'est important de s'attaquer à ces deux questions-là de front. Je pense que c'est une responsabilité collective de la société québécoise. Il ne s'agit pas, à ce moment-ci, d'accuser qui que ce soit ou de se demander qui n'a pas bien fait son travail pour que les objectifs n'aient pas augmenté plus rapidement que ça. Je pense qu'il s'agit de bien les cerner, de les voir comme une cible et de travailler ensemble pour y arriver, parce qu'on n'a absolument pas le choix. Aucune société moderne ne peut faire l'économie d'une augmentation de la fréquentation universitaire et, bien évidemment, au moment où les gens sont entrés, d'une augmentation de la diplomation.

C'est la responsabilité, évidemment, des étudiants et des étudiantes, des administrateurs d'universités, des professeurs eux-mêmes, des politiciens, des parents, de toute la collectivité. Je pense que ce qu'il faut, dans le fond, actuellement, c'est trouver, de façon intéressante, la place de chacun. Quelle est la place de chacun, à ce moment-ci, dans le réseau universitaire? Qu'est-ce que chacun a à faire?

Je n'aurai pas le temps de parler de chacun et de chacune, bien évidemment, mais j'aimerais revenir sur la place, que j'ai abordée un petit peu tout à l'heure, des chercheurs et des chercheuses. On leur en demande beaucoup, actuellement. Je pense que c'est tout à fait légitime de leur demander de faire de la recherche; c'est pour ça qu'ils sont engagés, faire de la recherche et faire de l'enseignement. En même temps, c'est important d'arriver à protéger la spécificité des chercheurs et des chercheuses et de ne pas leur demander de travailler, dans le fond, à faire toutes sortes de choses pour lesquelles ils n'ont ni la compétence ni le temps.

C'est pourquoi c'est important d'avoir, dans toute la mesure du possible, une augmentation des liens avec les entreprises, avec le partenariat avec les entreprises. Au contraire, ce n'est pas parce qu'on travaille avec les entreprises que la fonction de la recherche risque de diminuer. Je pense qu'elle risque peut-être de retrouver plus sa pureté ou, en tout cas, sa nature propre.

Actuellement, vous savez, dans les universités... Je le sais parce que j'ai travaillé beaucoup dans ce milieu-là. J'ai eu, dans ma faculté, des professeurs-chercheurs éminents qui étaient aux prises avec ces problèmes-là. On demande aux gens de faire toutes sortes de choses. Et je vais vous l'illustrer avec un cas que je ne nommerai pas, mais je pense à lui pendant que je vous parle, et il représente certainement beaucoup de personnes qui sont dans le même cas. Il y a des professeurs qui sont excellents dans leur domaine et qui doivent réussir ce tour de force de répartir leur temps entre trouver du financement pour leurs recherches... Ce qui est énorme. Il faut trouver du financement, je dirais, noble, ça, c'est les grands organismes subventionnaires – si on décroche une enveloppe de ce côté-là, ça veut dire qu'on est bon, qu'on est reconnu – et du financement peut-être moins sévère, moins difficile, mais qui permet de faire vivre de grosses équipes de recherche et, éventuellement, d'obtenir des contrats. Il faut, également, répartir son temps entre, une fois que l'argent est entré, l'administration de ces fonds... Je vous ferai l'économie du nombre de formulaires qu'il faut remplir, mais c'est une tâche qui est extrêmement lourde. Il faut savoir gérer du personnel, parce qu'on engage des équipes. Il faut savoir, également, participer à toutes sortes de réunions dans son domaine, dans son université, mais à travers le monde si on veut être capable de se maintenir à flot. Il faut être capable, bien évidemment, de rédiger des articles qui sont la preuve qu'on est chercheur ou chercheuse d'envergure. Il faut faire de l'encadrement d'étudiantes et d'étudiants aux cycles supérieurs. Et, là, je ne vous parle pas de l'enseignement au premier cycle qui, à mon avis, est également une tâche fondamentale à laquelle tous les grands professeurs et chercheurs doivent s'atteler. Finalement, demandez-vous quel temps il reste, parfois, pour faire de la recherche.

Ça m'amène à conclure que le partenariat avec l'entreprise est de plus en plus nécessaire pour que les gens qui, dans les universités, ont des compétences en recherche mettent leur talent et leur énergie particulièrement dans ce domaine-là et ne soient pas obligés de mener la vie que je viens de vous décrire, trop rapidement, mais qui est trop souvent le lot de plusieurs professeurs et chercheurs dans les universités.

Une autre piste sur laquelle nous met, et je termine avec ça, le Conseil supérieur de l'éducation, à travers l'avis qu'il vient de déposer, rapidement, c'est celui de discuter de la charge départementale, revoir dans quelle mesure on peut, dans un département, partager le plus équitablement possible la charge d'enseignement et de recherche, non pas simplement individuellement, mais de façon collective. C'est une autre grande question qui est sur la table et à laquelle nous sommes intéressés à collaborer. Je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci, Mme la députée de Sherbrooke. M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, Mme la députée de Sherbrooke a éclairé la commission sur la tâche et la fonction des professeurs d'université. Je lui demande simplement: Peut-elle imaginer quelle va être la tâche de ces professeurs d'université lorsque les coupures budgétaires qui sont devant nous vont diminuer – parce que c'est là que les coupures vont se faire – tout le personnel de soutien et d'encadrement qui peut aider, dans leur tâche, les différents professeurs d'université? M. le Président, et je voudrais revenir là-dessus, c'est tout le but, à l'heure actuelle, de l'interpellation. Il est important que la commission comprenne que nous avons, dans l'ensemble du réseau universitaire, un corps professoral de première qualité, un corps professoral qui doit à la fois «performer» sur le plan de la recherche et «performer» sur le plan de l'enseignement. Parce qu'on ne peut pas distinguer, au niveau universitaire, l'enseignement et la recherche. Faire la distinction et vouloir dire: Il y aurait des gens qui feraient uniquement de l'enseignement et uniquement de la recherche, ça serait en soi vicier la base même de l'enseignement universitaire, qui doit fructifier entre l'un par rapport à l'autre.

Alors, M. le Président, à l'heure actuelle, dans les universités, avec les coupures, les compressions budgétaires que, année après année, les institutions ont dû supporter, le personnel d'encadrement, le personnel de soutien, les correcteurs, les personnes qui s'occupent de faire éventuellement les directions de laboratoire sont, parce que c'est le personnel le plus facilement compressible, diminués, ce qui fait que l'ensemble des professeurs doivent, et Mme la députée de Sherbrooke l'a clairement expliqué, faire toutes ces tâches multiples. C'est un gaspillage, essentiellement, de ressources, c'est un gaspillage d'argent, et on diminue d'autant l'efficacité de notre réseau universitaire. M. le Président, aujourd'hui, nous sommes réunis parce que, dans le dépôt des crédits, les compressions qui sont faites actuellement au réseau universitaire risquent, d'après nous, de mettre complètement en danger la qualité même du réseau, risquent, en multipliant la tâche, en diminuant le support que les institutions vont pouvoir donner à l'enseignement et à la recherche, de mettre en péril ces fonctions aussi importantes de l'université.

(11 h 20)

M. le Président, nous sommes tous convaincus de l'importance du réseau universitaire. Bien sûr, on pourra dire qu'il y a toujours, dans tout réseau... On peut toujours trouver un ou deux contre-exemples. Mais, globalement, nous avons un réseau universitaire de qualité qui, et c'est pour ça qu'on est actuellement en interpellation, par les compressions qu'on lui impose cette année, par les compressions qu'on va lui imposer l'an prochain, par les compressions qu'on va lui imposer l'année subséquente – parce que, j'ai bien compris, on fonctionne dans un principe de budget constant sur trois années – par ces compressions successives, risque d'être mis en péril. La fonction essentielle de l'enseignant et du chercheur va actuellement être mise en difficulté, mise en péril à l'intérieur de nos universités. Le support qu'on doit accorder aux enseignants et aux chercheurs va être coupé. Et, M. le Président, M. le ministre, parce que vous comprenez, j'espère, cette dynamique-là, comprenez donc qu'on est en train de scier la branche sur laquelle on est assis pour pouvoir entrer de plain-pied dans le XXIe siècle. C'est très grave, M. le Président.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le député de Verdun. M. le ministre.


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, j'ai l'impression que le député de Verdun ne finira pas son mandat sans traverser la Chambre et venir de notre côté, parce que je me rends compte que, essentiellement, quand on dépouille son discours, on voit qu'il est très d'accord avec ce que nous faisons et que, dans le fond, c'est le procès de son gouvernement qu'il est en train de faire. Moi, j'aime bien le député de Verdun. Je peux vous dire que, la semaine prochaine, je suis persuadé, lorsque nous ferons un dépôt d'un projet de loi, qu'il contribuera à faire en sorte que le projet de loi sera adopté à l'unanimité. Le député de Verdun me faisait part de ses préoccupations. Je suis persuadé qu'il va appuyer le gouvernement, parce que ce qu'il dit, au fond, c'est la critique de son gouvernement.

On est d'accord sur valoriser l'enseignement. On est d'accord sur valoriser la recherche, et, moi, je pense que la meilleure façon de valoriser l'enseignement et la recherche... Parce que, au cours des années passées, on a trop, à mon avis, valorisé l'administration. Le député de Verdun l'a dit en ses mots, mais c'est ça qu'il veut dire, essentiellement. On a beaucoup valorisé l'administration et...

Récemment, j'étais content. Je voyais le nouveau recteur de McGill, qui n'est pas n'importe qui. Je vais vous dire une chose. Je n'ai pas souvent vu des gens qui ont fait...

M. Gautrin: Carrière.

M. Garon: Non, un article dans le New York Times , comme recteur d'une université du Québec. M. Shapiro, qui est recteur de McGill – son frère est recteur de Princeton, une des universités les plus prestigieuses aux États-Unis, et ils sont deux frères jumeaux – qui faisait un article avec une page complète... Je pense que c'est deux pages, deux pages et demie, dans le New York Times , pour indiquer la valeur de M. Shapiro, comme nouveau recteur de McGill. Quand j'ai rencontré M. Shapiro, il m'a dit: Mon ambition, c'est de continuer à enseigner, de donner un cours, comme recteur. Je vais vous dire une chose: C'est un grand signal, hein? À McGill, le recteur était très fier de me dire: Tous nos doyens enseignent. C'est une façon de valoriser l'enseignement. Mais, si, quand on arrive dans nos universités au titre de doyen, on dit: Maintenant que je suis doyen, je n'enseigne plus, je ne pense pas que c'est une façon de valoriser l'enseignement.

Si nos dirigeants universitaires enseignaient tous... Un doyen, c'est évident qu'il a une charge administrative. Je me dis, aujourd'hui, si on sentait que, l'enseignement, on va le valoriser, si les gens qui ont des fonctions prestigieuses dans les universités, en font eux-mêmes... Moi, je pense qu'il faut valoriser l'enseignement. Il faut valoriser la recherche, et que, quelqu'un qui fait une charge administrative considère... C'est ça que je sentais, moi, quand j'étais à l'université, avant d'être élu député. C'est que, celui qui occupe une fonction administrative rend service, au fond. Ce n'est pas parce qu'il veut le faire, c'est parce que ça prend quelqu'un qui est prêt à donner de son temps pour contribuer à l'administration, mais temporairement. Je pense qu'on a, au cours des dernières années, trop valorisé les fonctions administratives, elles se sont multipliées, alors qu'il faut revenir à valoriser la vedette de l'université: le professeur.

Moi, je regarde... On me demande d'aller faire une émission bientôt et de parler des professeurs qui m'ont influencé. Je vais vous dire que j'en connais, des grands professeurs. Je regarde Fernand Dumont, que j'ai connu, Guy Rocher – parce que j'étais dans le domaine des sciences sociales, dans les sciences humaines – c'étaient des grands et c'est encore des grands professeurs, des grands penseurs. Et l'université, essentiellement, c'est basé sur quoi? Sur des gens qui réfléchissent, sur des gens qui sont payés pour réfléchir, qui ont du temps, et ils ont une liberté d'action que certains utilisent, que certains n'utilisent pas. Et l'université, au fond, c'est un lieu de réflexion, un lieu de transmission des connaissances, un lieu de recherche de nouvelles connaissances.

Moi, je pense qu'il faut le voir comme ça, mais, aussi, il faut que ce soit de plus en plus connecté sur des besoins de notre société. Tu sais, il y a la recherche en soi, et il y a la recherche dont on a besoin. Et je pense que ces chercheurs qui définissent des choses, qui définissent une société jouent un rôle important. Mais il faut qu'ils parlent, qu'ils soient davantage présents. Et je pense que, dans les années qui viennent, il va falloir que les vedettes, dans nos universités, ça redevienne les professeurs, ça redevienne les chercheurs, beaucoup plus que les administrateurs.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Lotbinière.


M. Jean-Guy Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Je suis un peu surpris de la morosité un peu alarmiste du député de Verdun. C'est bien sûr que c'est un changement de cap, un changement de paradigme. Donc, je pense que nos universitaires vont devoir... Il ne faut pas les sous-estimer, ils sont très créatifs. Même là, vous avez des exemples ici, au Québec. L'Université Bishop, ce n'est pas une grande université de recherche, c'est une université d'enseignement. Les professeurs, à l'Université Bishop, enseignent, ils font l'encadrement des étudiants. C'est une petite université. Donc, on a quelques exemples là-dedans, au niveau du premier cycle, qui sont fort importants.

On retrouve, dans des universités québécoises, présentement, ici... Comme l'Université Laval, une université où il y a près de 40 000 étudiants à temps complet ou à temps partiel. Bien sûr que ces grandes entités là sont plutôt impersonnelles. Donc, on devrait se retourner vers des universités plus petites et répondant aux besoins du milieu.

On regarde, dans la région de Boston, un collège que je connais bien parce que j'en suis diplômé, Babson College, qui est une petite entité – 2 000 étudiants à temps complet, à peu près 1 000 à temps partiel – qui a une spécialité, baccalauréat en administration des affaires, mais en formation des entrepreneurs. Et, hier, j'étais en Beauce. On sait que c'est le bastion, justement, de l'entrepreneurship au Québec. Et je parlais avec M. Marcel Dutil, qui me disait: Écoutez, j'ai envoyé ma plus vieille à l'Université Laval, ils l'ont déformée. Il dit: Lorsqu'elle a gradué, elle est allée travailler pour une banque. J'ai envoyé mon fils à Boston College, puis j'ai envoyé ma fille à Babson College, et, présentement, ils sont dans l'entreprise, ils sont très entrepreneurs. Ils sont formés pour être dans l'entreprise. Donc, on ne forme pas les gens pour travailler pour les autres; il faut maintenant former des gens pour entreprendre, pour agir.

Je pense que, ces formules-là, on doit justement les amener ici, au Québec, et les expérimenter. Il y en a partout au monde. Et on fait les choses très, très bien, comme je le disais tout à l'heure, au niveau des universités québécoises, mais on peut faire les choses autrement. Donc, à Babson College, vous avez des professeurs, justement, qui sont là à temps plein, mais, aussi, ce sont des entrepreneurs qui viennent comme chargés de cours et qui doivent s'impliquer dans la communauté. Donc, ça fait une synergie extraordinaire, des entrepreneurs qui enseignent au niveau des étudiants. Et la recherche se fait aussi dans la symbiose des professeurs à temps plein, des entrepreneurs dans le milieu et des étudiants.

(11 h 30)

Donc, c'est ce genre de formule là qu'on recherche avec des universités à petits créneaux. C'est bien sûr qu'il va y avoir des transformations à cause de nos problèmes budgétaires, mais je pense qu'il y a aussi des solutions. Je fais confiance à nos universitaires pour trouver ces solutions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. le député de Lotbinière. M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, j'espère que j'ai mal compris le député de Lotbinière. J'espère qu'il ne vient pas essayer de nous dire que notre réseau universitaire n'est pas un bon réseau d'universités. Je crois, le connaissant, qu'il ne veut pas dire cela. Nous avons un réseau universitaire de qualité, de grande qualité. Je comprends l'argument de la députée de Sherbrooke, mais une des mesures, quand même, de la performance en recherche est la potentialité d'aller chercher des subventions, la potentialité de faire financer sa recherche. Et, dans les statistiques qui sont les statistiques du ministère de l'Éducation actuellement, en moyenne, chaque professeur d'université va, en subventions de recherche, chercher de l'ordre de 80 000 $ ou 83 000 $ de subventions de recherche. En moyenne. C'est-à-dire, on prend l'ensemble des subventions accordées à nos professeurs dans nos universités du Québec, on divise par le nombre de professeurs, on a les subventions moyennes.

On a, à l'heure actuelle, dans notre réseau universitaire, un réseau de qualité, un réseau qui doit, bien sûr, s'adapter à la réalité du début du XXIe siècle, un réseau auquel on demande des défis importants, bien sûr, en termes de diplomation, c'est vrai, mais un réseau qui est fondamentalement un des fleurons de notre société, un réseau qui a permis, par l'interaction intellectuelle entre les différents départements, d'avoir des professeurs et des maîtres de première qualité. Et j'en suis et nous devons tous, indépendamment de nos partis politiques, en être très fiers. Néanmoins, à l'heure actuelle, les compressions budgétaires dans le réseau... Les effets des compressions budgétaires dans le réseau, c'est-à-dire le fait que ça va avoir, dans le soutien au corps professoral... La coupure au niveau des auxiliaires d'enseignement, au niveau des auxiliaires de recherche, au niveau des espaces, au niveau de l'ensemble de ce que je pourrais appeler l'encadrement, ce que forme une université au niveau de l'encadrement, risque de mettre en péril ces principes aussi fondamentaux.

Le message que je voudrais répéter ici, c'est: Les coupures de l'ordre de 80 000 000 $ que vous imposez pour les trois prochaines années, année après année, au réseau des universités, risquent, à l'heure actuelle, de le mettre en péril. M. le Président, je peux expliquer à quel point ce réseau est important, mais je ne peux pas, à l'heure actuelle, accepter que ce qui a été le résultat... Et le ministre doit se rappeler, parce qu'on a à peu près le même âge, comment, entre la période où il a été étudiant et ce qu'est actuellement le réseau universitaire – c'est la nuit et le jour – la société québécoise a pu, en 30 ans, se doter d'un réseau universitaire de qualité, réseau universitaire que l'on risque de mettre en péril par les effets des compressions qu'on va lui imposer, compressions qu'il ne peut plus supporter. C'est ça, le débat aujourd'hui. C'est ça, le débat. Le débat n'est pas de dire: Est-ce qu'on pourrait fonctionner autrement? Le réseau va s'adapter. Il est capable. Les défis sont immenses.

Le réseau va s'adapter, mais, actuellement, le réseau universitaire est dramatiquement appelé... ou subit des compressions budgétaires telles que je me permets, M. le ministre, de vous dire: Les choix budgétaires, peut-être pas que vous avez choisis, mais qui vous ont peut-être été imposés par le Conseil du trésor, que vous faites dans le cadre du réseau des universités risquent, vont mettre en péril un élément important, majeur, fondamental du développement du Québec du XXIe siècle.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le député de Verdun. M. le ministre.


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, au cours des prochains mois, c'est évident que ces questions-là vont être discutées en long et en large. Je pense que ça va être un excellent débat et je pense que nos universités vont en sortir plus fortes. Parce que l'année 1995 n'est pas la seule où il va falloir rajuster les choses. Les gens savent qu'en 1995, 1996 et 1997 il va falloir repositionner nos actions en fonction de finances publiques qui doivent être plus saines. Tout le monde est d'accord là-dessus. Alors, comme l'argent ne pousse pas dans les arbres, qu'il n'est pas possible de faire pleurer les roches, bien, il va falloir rajuster des choses pour être plus efficaces.

Je ne veux pas donner d'exemple au député de Verdun, mais je pourrais lui en donner, éventuellement. Je vais surveiller ce qui va se faire, mais je pense qu'actuellement le débat qui est amorcé dans nos universités est un débat qui est bien amorcé. Les gens se rendent compte qu'il faut repositionner les choses, il faut revoir les choses pour l'avenir. Je remarque, moi, que de la même façon que ça se fait ailleurs, ça se fait ici, pour reconcevoir l'université de l'avenir. On a vécu dans un monde qui était différent au cours des dernières années. Les universités ont engagé, ont fait des choix en fonction de dépenses qui, aujourd'hui, ne sont pas vues de la même façon. Je pense qu'il va y avoir un débat très important qui va s'engager au plan de l'université, des professeurs, des administrateurs, des chercheurs, parce que ces années-ci, à mon avis, vont être aussi importantes à la société québécoise que le début des années soixante, où on a, à ce moment-là, fait des choix de société en fonction d'une accessibilité, d'un rôle de l'État ou d'un partage des richesses. On a fait des choix sur lesquels on a fonctionné avec des petits ajustements, mais les choix majeurs avaient été faits au début des années soixante.

Moi, je pense qu'actuellement, au cours des deux ou trois prochaines années... 1995, 1996, 1997, à mon avis, vont être des années charnières dans la réorientation de la société en fonction d'une économie mondiale de paix, en fonction d'une nouvelle situation géopolitique internationale qui oblige tous à se reposer des questions. Tous les pays qui, au cours des 30 dernières années, ont eu des finances publiques axées sur des fins qui allaient à peu près dans le même sens, je dirais, pour les pays du monde occidental, vont se reposer ces questions-là en fonction de l'avenir. Ça va être vrai dans les pays scandinaves, c'est vrai dans les pays européens, c'est vrai aux États-Unis. Je parle des pays qui ont le même ordre de problèmes, qui ont connu une croissance importante, qui ont connu des dépenses de croissance importantes et qui, maintenant, doivent repositionner les investissements en fonction des besoins de l'avenir.

(11 h 40)

Moi, je pense que ce débat-là va avoir lieu et je ne pense pas qu'il va être un débat qui ne sera pas serein. Je pense qu'il y a un grand défi dans ce débat-là et je pense qu'on va tous en sortir beaucoup plus forts. On va se poser des questions par rapport aux étudiants, par rapport aux professeurs, par rapport aux chercheurs, par rapport à l'université, par rapport à la recherche, par rapport aux entreprises, par rapport au rôle dans le milieu. Moi, je pense qu'on va sortir de là tous plus forts, tous avec les idées plus claires, parce qu'on va les poser dans un contexte différent de celui dans lequel on se les est posées il y a 35 ans. On a redéfini des choses au cours de 1960-1961, de la même façon que dans les années 1936, dans les années de l'après-guerre. Dans les années de l'après-guerre, on s'était posé des questions. Après la guerre, on a fait des orientations. Après ça, en 1960, on en a fait d'autres, et je pense qu'on est en train, actuellement, de redéfinir des choses en fonction d'une situation qui est complètement nouvelle.

Moi, je ne suis pas pessimiste. Je pense, comme le député de Verdun, qu'on a des universités et qu'on a beaucoup de gens qui ont une très grande valeur dans notre réseau. J'aime mieux dire dans nos universités. Je n'aime pas l'idée de réseau, moi, j'aime mieux que les universités soient personnalisées. À mon avis, l'Université de Sherbrooke, l'Université de Montréal sont différentes. L'Université McGill, l'Université du Québec à Rimouski, c'est différent, de Chicoutimi... Puis, je pense que, de plus en plus, dans les années qui viennent, nos universités vont être plus personnalisées, bien, si je peux employer le terme «personnalisées», mais plus des institutions qui vont essayer de faire leur marque, choisir leurs créneaux d'excellence, choisir leurs orientations, avoir leurs vocations régionales.

Et je pense que le débat qui va se faire va obliger tout le monde à se positionner, les universités par rapport à leur milieu, par rapport à leur vie interne et par rapport à ce qu'elles veulent faire dans l'avenir.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. le ministre. Est-ce que nous avons le consentement des deux côtés de la Chambre pour ajouter 10 minutes à l'interpellation, pour prendre en compte le fait que nous avons débuté à 10 h 10 et non à 10 heures?

Une voix: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Facal): D'accord. Alors, Mme la députée de Sherbrooke.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: M. le Président, le député de Verdun tente de nous faire verser des larmes sur les coupures dans le réseau des universités. En passant, d'après les informations que j'ai et qui me viennent directement du ministre, l'enveloppe de base est diminuée de 53 500 000 $. On était rendus à 70 000 000 $ tout à l'heure, et je crois que, si on passe encore une heure ici, on va être rendus peut-être à 80 000 000 $. Il y a eu une inflation dans les chiffres.

Mon propos, c'est surtout de dire que, bien entendu, tout le monde déplore qu'il y ait une baisse des crédits dans le réseau des universités. Et ce n'est pas un choix qui est fait avec allégresse, c'est un choix qui est fait par nécessité. Mais je ne veux pas qu'on retienne comme message que le gouvernement actuel accorde moins d'importance à l'enseignement universitaire. Et c'est cette équation que vous semblez faire depuis tout à l'heure que je refuse à faire. Ce que je veux que les gens retiennent comme message, au contraire – et je pense que le lancement des états généraux de l'Éducation en sont un bon exemple – c'est que nous souhaitons remettre l'éducation à une place centrale dans la société québécoise, lui permettre de relever des défis nouveaux qui ne sont pas les mêmes qu'en 1960, quand on a fait le premier grand ménage du secteur de l'éducation.

Dans cette grande réflexion qui s'amorce, je pense qu'il y a au moins une chose dont on peut être sûrs. Et j'aimerais que ce soit, tout au moins, un message qui soit retenu au-delà des coupures qu'on peut être obligés de faire actuellement. C'est qu'on souhaite valoriser, à sa juste valeur, l'acte d'enseigner. Et pour une raison bien simple. Ça peut avoir l'air curieux de dire ça, mais, au moment où les moyens de communication sont tels que, à la limite, on peut avoir accès à toutes les connaissances dans le monde, sans intermédiaire... Hein? Vous savez comme moi qu'aujourd'hui, si je me branche sur le réseau Internet, je peux avoir accès à toutes les connaissances dans toutes les plus grandes universités du monde. Ce qu'il faut pour apprendre, c'est qu'il y ait un intermédiaire qui soit une personne et qui aide, justement, à faire le tri à travers ces connaissances.

Et, moi, je suppose que, d'ores et déjà, les professeurs ne sont pas forcément ceux et celles qui savent tout dans leur domaine. Les connaissances se développent tellement vite qu'on est toujours en retard. Je le sais. J'ai été professeure pendant 17 ans, et j'ai toujours eu la certitude que, quand je commençais un cours, il y avait probablement déjà beaucoup de connaissances nouvelles dans ce domaine-là qui étaient disponibles.

Donc, ce qu'il faut valoriser, c'est l'acte d'enseigner, c'est-à-dire le fait que quelqu'un ait comme métier de mettre en contact une autre personne avec des connaissances, de stimuler son désir d'apprendre, non pas une fois pour toutes, pour le temps d'un diplôme, mais pour toute sa vie, parce que ce qu'on apprend est très vite dépassé. Donc, il faut savoir maintenir, tout au long de sa vie, ce réflexe d'apprendre. Et les connaissances étant désuètes presque au moment où elles sont mises dans un manuel, il faut avoir toujours envie de se mettre au niveau et de rester branché sur des choses qui changent incessamment.

C'est ça, le message qu'il faut retenir, que l'acte d'enseigner, dans la société québécoise, est éminemment important, et, moi, j'ajouterais aussi l'acte d'étudier. Parce que je pense que, quand on parle des états généraux de l'éducation, c'est pour remettre à leur place les personnes qui ont la vocation de travailler, de chercher, d'enseigner, mais aussi celles et ceux qui, pendant une partie de leur vie, sont des étudiantes et des étudiants. Et je pense que ces personnes-là ont aussi un rôle fort important. L'acte d'enseigner ne peut pas se séparer de l'acte d'apprendre. C'est ça, le message, à mon avis, qu'il faut retenir au-delà des coupures ou des diminutions de crédits qu'on est obligés de faire, tout simplement parce qu'on veut que la société québécoise s'en tire, on veut arriver à mettre un frein au déficit. Mais, au-delà de ça, c'est clair que le gouvernement présent prendra toutes les mesures possibles pour mettre à sa juste place l'éducation pour l'avenir de la société québécoise. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke. M. le député de Verdun, pour cinq minutes.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, simplement pour permettre à la députée de Sherbrooke de faire ses petits calculs, il est important de comprendre que la compression dans les paiements directs aux universités était de l'ordre de 53 000 000 $. Néanmoins, il n'y a pas de versements supplémentaires pour les effets d'échelle. Les effets d'échelle sont évalués à 3 %. 3 % sur une base monétaire de l'ordre de 700 000 000 $, vous arrivez avec 21 000 000 $. Vous avez non-indexation non plus des dépenses des universités, qu'on pourrait, compte tenu des augmentations de l'IPC à 1 %, évaluer dans l'ordre de 8 000 000 $ à 9 000 000 $. Donc, c'est comme ça que j'arrivais à mes chiffres. Vous ne pouvez pas seulement vous limiter aux paiements de transfert. Mais je pense qu'on avait convenu au départ de ne pas faire ici un débat sur les montants des compressions, mais sachez quand même que je sais calculer.

Sur les questions qui sont soulevées devant nous, bien sûr qu'il est important de remettre l'acte d'enseigner au centre des universités, il y est déjà. Bien sûr, les universités vont être appelées à avoir une triple fonction: à la fois, générer des connaissances, aider les gens à pouvoir apprendre à apprendre... Bien sûr, les universités, de plus en plus – on n'en a peut-être pas assez parlé – vont avoir ce rôle moteur en région et à Montréal au sein de l'économie québécoise. Et j'aurais voulu, si j'avais pu avoir le temps... Le lien que les institutions comme Innovatech, qui sont en mesure de faire une synergie entre le potentiel de recherche que vous avez à l'intérieur des universités et les besoins du marché du travail et de les mettre ensemble pour pouvoir aborder de plain-pied le XXIe siècle... Ce sont des défis sur lesquels l'ensemble du réseau universitaire va être appelé, ce sont des défis auxquels l'ensemble du réseau universitaire peut répondre.

Mais, mais – et je répondrai, et je vais répéter 1 000 fois s'il le faut – on ne peut pas relever ces défis dans le cadre où le réseau universitaire va devoir supporter, année après année pendant trois ans, des compressions budgétaires de l'ordre de 75 000 000 $ à 80 000 000 $. On ne peut pas avoir, à la fois, le discours de dire: Oui, nous croyons aux universités, oui, nous croyons à l'enseignement, oui, nous croyons à l'importance du réseau universitaire... Et, de l'autre côté, vous lui imposez des compressions budgétaires que jamais il n'a subies depuis ces dernières années. C'est ça, la réalité de votre discours. À la fois, vous... Je suis peut-être bien prêt à croire à votre bonne foi à chacun d'entre vous, mais la réalité du gouvernement, dont vous faites partie, c'est qu'aujourd'hui vous faites subir au réseau universitaire des compressions qu'il n'a jamais subies jusqu'à maintenant et des compressions qui vont avoir lieu non pas pour une année, mais compressions qui vont, si je crois le discours de la présidente du Conseil du trésor, être répétées pendant trois ans. Et vous ne pouvez pas, à la fois, dire: Oui, nous croyons à l'importance du développement des universités, oui, nous croyons à l'importance de l'enseignement universitaire, oui, nous croyons à la nécessité de pouvoir mettre de l'avant la formation au niveau universitaire, oui, nous croyons au rôle que va jouer l'université dans l'économie – ce qui est un discours qui est le vôtre depuis ce matin – et en même temps, lorsqu'on regarde de facto ce que le gouvernement fait en termes de crédits, c'est: Bon Dieu! vous faites pendant trois ans des coupures de l'ordre de 80 000 000 $; ça n'a pas de bon sens! Vous ne pouvez pas à la fois avoir ce discours-là et, de l'autre côté, le discours qui, «budgétairement»... Parce que, dans le fond, le rôle de l'État, c'est aussi un rôle budgétaire. «Budgétairement», vous gelez les frais de scolarité, vous les empêchez de pouvoir développer leurs ressources autonomes et, deuxièmement, vous êtes en train de leur imposer une compression qui n'a jamais été imposée dans le réseau universitaire. On ne peut pas à la fois avoir le discours, que je partage avec vous, sur le développement de l'importance des universités, et, de l'autre côté, le discours budgétaire que, peut-être pas vous, mais la présidente du Conseil du trésor, c'est-à-dire votre gouvernement, a fait. M. le Président, il y a incohérence entre les deux.

(11 h 50)

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. le député de Verdun. Alors, nous allons passer aux interventions de clôture qui seront de 10 minutes chacune. M. le ministre.


Conclusions


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je voudrais remercier le député de Verdun, parce que, le député de Verdun, moi, je l'aime bien et parce que je suis persuadé qu'au cours du prochain mandat... Et je le dis sans flagornerie, sans complaisance. D'abord, il a déjà eu quelques réalisations à son crédit depuis qu'il est dans l'opposition. Je remarque qu'il en a plus dans l'opposition qu'il n'en avait au gouvernement. Un, il a obtenu 20 heures de crédits. Je l'avais mis au défi, d'ailleurs, d'obtenir 20 heures de crédits pour l'étude des crédits du ministère pour qu'on puisse débattre d'éducation plus longtemps, je l'avais mis au défi en disant qu'il ne serait pas capable. Je me suis trompé, il a réussi, et je le félicite pour cela.

Deuxièmement, je voudrais dire également que le débat, aujourd'hui, je le félicite de l'avoir obtenu. Je sais que c'est difficile dans un parti d'opposition, surtout quand il y a plus de députés – quand il y en a une dizaine, c'est facile, mais il y en a plus qu'une quarantaine – c'est plus difficile d'obtenir un débat du vendredi parce qu'il y en a beaucoup qui veulent en obtenir. Je le félicite d'avoir obtenu le débat d'aujourd'hui pour discuter des questions puis, en même temps, faire comprendre à tous... Parce qu'il y a des points sur lesquels nous sommes d'accord, et ça, c'est important: l'avenir de l'université, la conception de l'université.

Je voudrais féliciter la commission de l'éducation. C'est une des belles commissions. Puis je suis content qu'on fasse un mandat avec la commission que nous avons actuellement parce que c'est une commission qui, déjà, en quelques mois, a rencontré le président du Conseil supérieur de l'éducation, a rencontré le président du comité d'évaluation, a eu plusieurs sessions pour discuter des questions d'éducation, pour jouer le rôle que doit jouer une commission parlementaire puis que doivent jouer les parlementaires. Mais, moi, je peux vous dire que d'avoir toute la collaboration possible... Et je vais vous dire plus, dans un projet de loi qui devrait être déposé la semaine prochaine, le rôle de la commission va être accru. Le rôle de la commission va être accru. Parce que, moi, je crois beaucoup... J'ai dit des choses, quand j'étais dans l'opposition, et je suis content qu'on puisse les mettre en pratique. Je suis content que le premier ministre ait été du même avis que les institutions parlementaires sont très importantes et qu'on permette aux institutions de jouer leur rôle.

On verra que, dans les projets de loi qu'on va proposer, on va permettre à l'opposition de pouvoir jouer un plus grand rôle sans être obligée de le quémander. Moi, j'ai souffert beaucoup, quand j'étais dans l'opposition, de vouloir faire des choses que la majorité ministérielle ne voulait pas faire. J'ai fait en sorte de proposer des choses pour que les députés puissent jouer un rôle plus important. Et je suis content de voir que la commission que nous avons, la commission de l'éducation, veut jouer un rôle, est prête à mettre les heures qu'il faut pour discuter de ces questions-là. C'est très important parce que tout ça va conditionner beaucoup de choses.

La seule chose sur laquelle je ne peux pas féliciter le député de Verdun: il a dit qu'il ne parlerait pas de piastres et de cents, il a parlé trop, justement, de ça. Chaque fois qu'il disait qu'il n'en parlerait pas, il en profitait pour en parler. Là, je connais le truc, mais je ne peux pas le féliciter là-dessus parce qu'il a dit: Je ne veux pas parler d'argent, mais il en parlait tout le temps. Sauf que, moi, je pense que le rôle des universités, c'est au-delà d'une question financière.

Tout le monde sait qu'actuellement les finances publiques sont serrées et que tous doivent faire un effort pour que les finances publiques soient en meilleure condition. Il ne s'agit pas de réduire le rôle des institutions qui sont importantes, au contraire. Chacun a l'obligation d'être plus efficace avec les taxes considérables que paient nos contribuables. On n'est pas les gens les moins taxés au monde, nous sommes dans les gens les plus taxés au monde. Alors, les gens, actuellement, se sentent un peu comme des citrons ou encore, une expression que j'avais, comme une abeille, pas une abeille, mais une sauterelle que l'on prenait autrefois, puis on disait: Donne-moi du miel ou bien je te tue. Puis, quand on ouvrait la main, il y avait toujours du miel. Bien, le contribuable, si on disait aujourd'hui: Donne-moi du miel ou bien je te tue, en ouvrant la main, on verrait qu'il n'y a rien. Il n'y en a plus. Le contribuable, on est en train de le tuer, on est en train de... Parce qu'il est taxé actuellement, il faut utiliser au maximum, de la façon la plus efficace, les sommes d'argent qu'il paie.

En même temps, il est très important de former la jeunesse de demain. Quand on forme un contribuable, quand une mère de famille met un enfant au monde, c'est quelqu'un qui va payer des taxes pendant 35 ans, 30 ou 35 ans. Et je pense qu'on doit affecter des fonds d'une façon plus efficace pour aider ceux qui doivent être aidés.

Les jeunes d'aujourd'hui sont dans une situation beaucoup plus difficile qu'autrefois. Moi, je me rappelle, quand j'ai fini à l'université, j'avais l'embarras du choix pour les emplois. On était cinq finissants en économique. Cinq, ce n'est pas beaucoup. On avait commencé neuf ou 10, puis on avait fini... Quelques mois après, on était cinq. Pourquoi? Parce que les gens se sont aperçus qu'il y avait beaucoup plus de mathématiques qu'ils pensaient et puis d'autres avaient laissé. On a fini à cinq. J'avais l'embarras du choix pour les emplois. Quand je vois un jeune aujourd'hui, il n'a pas l'embarras du choix. Plusieurs prennent du temps avant de se trouver un emploi et plusieurs passent, pendant des années, de jobine en jobine parce qu'ils ne se trouvent pas un emploi permanent. Et c'est pour ça qu'il faut avoir une préoccupation de la formation de nos jeunes, mais de la formation aussi en fonction des besoins réels.

J'étais au Saguenay–Lac-Saint-Jean la semaine dernière, puis quelqu'un me parlait de... Il m'a dit: Quand vous dites école-entreprise, est-ce que ça veut dire qu'il va falloir être plus connectés avec nos entreprises – on était au collégial à ce moment-là? J'ai dit: Oui. J'ai dit: Savez-vous qu'une région qui forme des gens dans des domaines où il n'y a pas d'emplois dans sa région est le principal artisan à vider sa région de ses jeunes les plus qualifiés? Nos institutions, il va falloir qu'elles se posent des questions, elles aussi. Quand quelqu'un forme un jeune qui a du talent dans une région et le forme dans un domaine où il n'y a pas d'emplois dans la région, c'est un billet pour un départ. C'est un billet pour un départ. Et c'est la région qui le fait, le billet pour le départ.

Quand on dit: Il faut connecter davantage nos institutions avec l'avenir mais avec les entreprises de la région, ça va obliger nos écoles, je ne veux pas dire uniquement, mais à travailler avec les entreprises pour développer la compétence, la formation technique dans ces entreprises-là. Ça veut dire, par exemple, que des universités doivent aussi... Prenez, par exemple, l'Université du Québec à Rimouski. Elle devait s'occuper du domaine des pêches et elle ne s'en occupe pas. Je suis un de ceux, moi, qui leur a passé beaucoup d'équipements, beaucoup de choses, en 1984-1985, pour qu'ils s'en occupent. Mais, quand on leur a passé, Québec était, dans le domaine de l'élevage du poisson, premier au Canada. Je regrette, la mission n'a pas été remplie. Nous ne sommes plus... Au contraire, nous sommes à peu près les derniers au Canada actuellement. Ils vont devoir nous dire s'ils veulent s'en occuper ou non. Et, s'ils ne veulent pas s'en occuper, il va falloir confier la mission à d'autres, parce que la transformation du poisson, l'utilisation des ressources que nous avons...

Il y en a qui ne sont pas là, mais il y en a, des ressources, qui sont là en quantité considérable. Est-ce qu'on réalise, par exemple, que le phoque, c'est à peu près la meilleure viande qu'on peut imaginer? La meilleure viande. Si on disait une viande, par exemple, qui n'a pas de cholestérol, pas de gras, beaucoup de calcium, beaucoup de fer, une viande idéale, quoi! Il y en a une qui existe, c'est le phoque. On en a en quantités tellement considérables qu'ils sont en train de manger tous nos poissons. Est-ce qu'on ne serait pas mieux, à ce moment-là, de se demander comment on va utiliser le phoque? C'est dans quelle région? C'est dans l'Est du Québec. Quels sont les travaux que l'Université du Québec à Rimouski a faits pour développer la transformation du phoque pour faire en sorte qu'on utilise une ressource qui est là, Hein, qu'on n'utilise pas? Ça fait partie des missions des universités de contribuer au développement de la région dans laquelle elles sont situées. Et ça, c'est un créneau particulier. Il faut développer ces modèles. Il faut être connectés sur des besoins.

Je ne dis pas qu'il n'y a pas des choses universelles. Quand Guy Rocher revient de son année sabbatique à Berkeley et dit: Je me suis demandé c'est quoi, un Québécois. Il a écrit un article d'une page dans Le Devoir . Je me rappelle d'avoir lu la page, ça m'a influencé depuis ce temps-là. Il a dit: Un Québécois, selon ma réflexion, c'est un Nord-Américain de langue française. J'ai réfléchi à son article pendant des mois et des mois, et je me suis dit: Il y a beaucoup de vrai là-dedans. Et, moi, ça a influencé ma pensée pendant... depuis ce temps-là. Parce qu'il a écrit cet article-là, je ne pense pas de la même façon. Mais c'est ça, un penseur, quelqu'un qui réfléchit sur une question pour nous définir comment on se situe aujourd'hui dans le temps.

Moi, je pense que les universités ont un rôle considérable à jouer sur le plan de la réflexion de la présence de l'être humain dans notre société. Les valeurs qu'on a. On est quoi aujourd'hui? Nous sommes quoi? Moi, je pense que nous sommes, sur le plan de la conception de la société, des gens qui ont intégré la pensée des philosophes occidentaux et la pensée chrétienne qui fait qu'on conçoit l'être humain et la société d'une certaine façon qui est différente d'autres sociétés qui n'ont pas eu ces valeurs-là à la base.

(12 heures)

Si on veut évoluer concrètement, normalement, il faut aussi que ces notions-là soient actualisées en fonction de l'époque à laquelle nous vivons. Dans les universités, il y a deux choses, au fond: la recherche, la pensée, mais aussi la recherche pour le développement, et les deux sont aussi importantes l'une que l'autre. L'enseignement, la transmission des connaissances et avec ces gens qui sont, à mon avis, des phares, des grands penseurs, des grands chercheurs, des grands universitaires. Ce sont des phares dans une société et on doit les mettre en valeur.

Moi, je pense que le débat que nous allons faire au cours des deux ou trois prochaines années, à mon avis, va être un débat extraordinaire. Mais, au bout de la course, les universités vont être valorisées, les professeurs vont être valorisés et les chercheurs vont être valorisés. Et notre société va être beaucoup plus forte, à mon avis, si on fait ce débat, comme il est engagé, assez sereinement, pour que tout fonctionne mieux en fonction des années dans lesquelles nous allons vivre à partir de 1995, et guidés et dirigés vers l'avenir, sans oublier d'où nous provenons dans le passé.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. En conclusion de ce débat, je voudrais reprendre où le ministre a conclu. Je comprends qu'on peut rentrer dans un débat serein sur l'avenir des universités. Encore faudrait-il qu'on ne les écorche pas, qu'on ne les étrangle pas. Et tout le but du débat aujourd'hui était le suivant. Les coupures, les compressions budgétaires imposées à l'ensemble des universités – moi non plus je n'aime pas tellement le mot «réseau», même si je l'ai employé beaucoup – sont telles que l'ensemble des universités vont avoir de la difficulté à maintenir ce qu'elles étaient, la qualité qu'elles avaient, avec les coupures que nous leur imposons, que vous leur imposez pour les trois prochaines années. Je n'ai pas voulu faire, au début, quand j'ai dit une guerre de chiffres... Mais le fait qu'actuellement vous diminuiez sensiblement leurs ressources et que vous ne leur permettiez pas de pouvoir aller combler ces manques à gagner par l'augmentation des frais de scolarité, à mon sens, va hypothéquer la manière dont les universités vont pouvoir contribuer au développement de la société québécoise.

M. le Président, le ministre a signalé son intention de déposer un projet de loi sur l'imputabilité des universités. Je vous rappellerai que j'avais été celui qui avait inscrit cela à l'intérieur d'un projet de loi qui avait pris longtemps à passer, quand j'étais ministériel, le projet de loi 198, et que ces principes d'imputabilité avaient disparu dans l'amendement, dans la modification au projet de loi qui avait été apportée par la présidente du Conseil du trésor. Je dois au moins saluer – et ça, je le savais depuis longtemps, parce qu'on partage, sur les questions d'imputabilité, le même point de vue – la volonté du ministre de le ramener lui-même, et qu'il soit assuré que, sur les questions d'imputabilité, il aura toujours mon appui.

M. le Président, on appelle le réseau universitaire à des défis extrêmement importants, tant sur le plan de la contribution au développement régional, moi, je dirais au développement économique du Québec de demain... Quant à la production de ce qui est les biens qui vont constituer les exportations du XXIe siècle, c'est-à-dire les biens immatériels, les biens du savoir, les universités doivent y contribuer et vont être appelées à y contribuer de manière importante par le biais de partenariats avec l'entreprise privée. J'en ai comme exemple ce qu'on a mis de l'avant lorsque nous étions au gouvernement, comme les Sociétés Innovatech. Les universités sont aussi appelées à des défis extrêmement importants. Le Québec ne sera en mesure de rivaliser sur les scènes internationales à l'orée du XXIe siècle que s'il est capable d'augmenter, et son taux de diplomation, et son taux de fréquentation dans les universités. Ça, c'est un défi important sur lequel, de part et d'autre, je crois, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas être d'accord.

Néanmoins, M. le Président, et c'était tout le but de l'interpellation ici, je n'ai pas eu de réponses. Je m'excuse, M. le ministre, vous n'avez pas répondu à mes inquiétudes. Mes inquiétudes sont les suivantes: les compressions que vous faites subir à l'ensemble des universités, risquent, vont mettre en péril des acquis importants du réseau universitaire. Vous avez été en mesure d'expliquer à quel point le réseau universitaire était important. Bien sûr, nous partageons ce point de vue là, mais, à l'heure actuelle, vous leur coupez la base de fonctionnement, vous leur coupez leur financement, vous mettez en péril leur développement. M. le Président, nous ne pouvons pas être d'accord avec cela. On ne fait pas un débat serein lorsqu'on est en train de périr, et c'est ça que vous risquez de faire dans le réseau universitaire, sans vouloir faire un peu de parabole, ici, autour de ces images-là.

M. le Président, la situation, d'après moi, est difficile, la situation est grave. Elle est grave particulièrement par les choix budgétaires de ce gouvernement qui ne parle pas de compressions pour une année, mais annonce que les compressions vont être les mêmes sur les trois prochaines années. Je connais les problèmes d'équilibre budgétaire gouvernementaux. J'ai joué là-dedans pendant assez longtemps. Néanmoins, on ne peut pas scier la branche sur laquelle on est assis sans se casser la gueule. Et c'est ce dans quoi on risque de tomber en ne supportant pas ce qui est un peu la locomotive du développement économique de notre société.

Alors, de grâce, M. le Président... En conclusion, je vais continuer. Je vais continuer, parce que je crois profondément à l'importance du développement des universités, parce que je crois à l'importance de la participation de l'enseignement supérieur dans l'entrée du Québec dans le XXIe siècle, à talonner le gouvernement de manière que l'on n'étouffe pas, financièrement, ces universités. Je participerai, bien sûr, au débat d'orientation. Mais plus que ça. Et ce ne sera pas uniquement un débat d'orientation lorsqu'on aura le ventre creux, lorsqu'il ne restera plus rien, lorsqu'on aura la peau sur les os. Et l'importance réelle, à l'heure actuelle, c'est de permettre qu'on n'aille pas tuer les universités avant qu'on veuille les réorienter.

M. le Président, c'était la base même de notre intervention aujourd'hui. Oui, nous croyons au développement universitaire. Oui, nous sommes convaincus que nous avons un réseau universitaire de qualité. Mais oui aussi – et le ministre n'a pas répondu du tout à nos interrogations – nous avons des craintes. Oui, nous croyons et nous sommes convaincus que les coupures budgétaires, les compressions budgétaires de plus de 80 000 000 $ qu'on impose, année après année pour les trois prochaines années, au réseau vont risquer de le mettre gravement en péril.

M. le Président, nous continuons à être inquiets. Nous allons essayer de tout faire pour que ce gouvernement change d'idée et permette aux universités d'avoir enfin la possibilité de débattre sereinement de leur avenir et de participer à l'orientation du Québec de demain. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. le député de Verdun. Alors, sur ce, il me reste à vous remercier, tous et toutes, pour votre participation et votre discipline. La commission de l'éducation ayant accompli son mandat ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 12 h 9)


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