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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 16 novembre 1999 - Vol. 36 N° 16

Consultation générale sur la place de la religion à l'école


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
Mme Solange Charest, vice-présidente
M. François Legault
M. Gilles Labbé
M. Claude Béchard
M. Lawrence S. Bergman
M. Claude Cousineau
Mme Lucie Papineau
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Jean-François Simard
*M. Guy Côté, Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation
*M. Graham P. Jackson, Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation
*Mme Aline Visser, idem
*M. Bruno Désorcy, idem
*Mme Jennifer-Anne Stoddart, CDPDJQ
*M. Pierre Bosset, idem
*M. Jean-Marc Charron, Faculté de théologie de l'Université de Montréal
*Mme Solange Lefebvre, idem
*M. Jean-François Roussel, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures)

La Présidente (Mme Charest): Alors, bonjour. Nous sommes désolés de commencer plus tard que prévu. Les conditions météorologiques y sont pour quelque chose. Alors, je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la place de la religion à l'école.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Alors, je vous rappelle l'ordre du jour d'aujourd'hui. À 9 h 30 devait être rencontré le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation; à 10 h 30, le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation; la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, qui sera à 15 heures, cet après-midi.

Est-ce que la suspension a toujours lieu à 12 h 30?

Une voix: De midi à 12 h 30, il y a Jean-Claude Huot.

La Présidente (Mme Charest): O.K. Alors, de midi à 12 h 30, M. Jean-Claude Huot; 12 h 30, suspension; 14 heures, Mme Céline Garneau.

Une voix: À 16 heures.

La Présidente (Mme Charest): À 16 heures, pardon, je m'excuse, c'est 16 heures. Et à 17 heures, la Faculté de théologie de l'Université de Montréal. Et nous ajournerons nos travaux à 18 heures. On a réajusté au moment où on le disait, alors c'est un petit peu plus compliqué.


Auditions

J'appelle le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation. Vous êtes déjà installés à la table. Je vous demanderais de vous présenter, de vous identifier. Et vous avez 20 minutes pour votre présentation. Merci.


Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation

M. Côté (Guy): Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission de l'éducation, je voudrais d'abord vous présenter les membres du Comité qui siègent ici avec moi. D'abord, à ma droite, Mme Anne Bureau, qui est membre du comité à titre de parent, active dans le réseau scolaire; M. Roger Guillemette, qui est professeur invité en administration scolaire à l'Université du Québec à Chicoutimi, qui a aussi été directeur général d'une commission scolaire dans la région du Lac-Saint-Jean; à ma gauche, M. Serge Côté, conseiller en éducation chrétienne et responsable du soutien à la confessionnalité scolaire à la commission scolaire Marie-Victorin, à Boucherville; ensuite, Mme Yolande Brisebois-Beaudin, pédagogue, conseillère pédagogique à la retraite, mais une retraite très active, y compris au comité; et, M. Spencer Boudreau, qui est directeur du bureau des stages et professeur en formation des maîtres à l'Université McGill.

La Présidente (Mme Charest): Alors, bienvenue.

M. Côté (Guy): Merci. Je vous remercie de m'avoir invité à vous présenter le mémoire qui vous a été adressé par le Comité catholique sur la question de la place de la religion à l'école. Comme vous le savez, le Comité catholique a pour mandat de faire au ministre de l'Éducation des recommandations sur toute question qui concerne les intérêts, les attentes et les besoins de la population et des élèves catholiques en matière d'éducation religieuse.

Comme organisme d'État, le Comité doit, en même temps, tenir compte de l'intérêt public et du bien commun dans ses décisions et ses recommandations. Conformément à son mandat, le Comité vient d'adresser au ministre de l'Éducation un avis intitulé Renouveler la place de la religion à l'école . Cet avis a été rendu public au début du mois de novembre, et le mémoire qui vous a été adressé en reprend des éléments mais en développant certains aspects particuliers.

Par cette intervention, le Comité catholique a voulu contribuer à la recherche de solutions fondées et rassembleuses en considérant à la fois le droit à l'égalité et à la liberté de conscience, les besoins éducatifs des jeunes, les attentes de parents, la diversité religieuse, les impératifs socioculturels du Québec, les différences régionales et les conditions de viabilité. La solution qui sera retenue par le gouvernement en bout de ligne dépendra évidemment des objectifs sur lesquels on se sera entendus. C'est pourquoi le Comité propose d'abord dans son avis et aussi dans son mémoire une réflexion à propos de la raison d'être de la religion à l'école.

Je résume ici rapidement les points saillants de cette réflexion. La perspective globale qui est adoptée par le Comité est celle qui voit à l'éducation comme un processus d'humanisation. L'enseignement de la religion s'inscrit dans cette mission globale de l'école à travers la poursuite d'objectifs liés à la formation de la personne aussi bien qu'au devenir de la société.

Alors, concernant les finalités liées à la formation de la personne, en premier lieu, l'enseignement religieux a pour objet d'introduire à un champ de connaissance spécifique et de contribuer à l'initiation culturelle des jeunes. Il comporte donc une dimension intellectuelle importante où la raison critique trouve à s'exercer comme en toute matière inscrite au curriculum.

Deuxièmement, l'enseignement de la religion doit aussi contribuer à soutenir les jeunes dans leur quête de sens et d'espoir en tenant compte du contexte particulier qu'ils connaissent aujourd'hui. Il comporte une dimension existentielle et spirituelle.

Troisièmement, cet enseignement aide les jeunes à connaître leur héritage et à construire leur identité tout en leur apprenant à découvrir et à respecter d'autres visions du monde. Il habilite les jeunes au discernement et à la reconnaissance mutuelle dans une société pluraliste. Il comporte donc une dimension formative et de socialisation.

Maintenant, du point de vue des finalités d'ordre socioculturel, on peut mentionner que l'enseignement religieux vise à rendre possible une contribution positive de la religion à la vie collective. Cette contribution touche notamment à la vitalité culturelle, sociale et démocratique de la société. Ces éléments sont développés dans notre avis de façon assez substantielle. La raison d'être de la religion à l'école n'est pas de faire des croyants ou de revivifier la pratique religieuse; elle concerne plutôt le mieux-être et l'humanisation de la collectivité.

Maintenant, par rapport à de tels objectifs, comment évaluer les différentes propositions qui sont soumises à l'examen public? Parmi ces propositions, celle du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école évidemment tient une place particulière et constitue une référence pour les travaux de votre commission. Dans notre avis et aussi dans notre mémoire, dans le texte complet de notre mémoire, nous l'examinons d'un peu plus près.

Pour ce qui est de ce matin, je m'en tiendrai à quelques remarques simplement, d'abord pour indiquer un accord du Comité catholique avec le rapport Proulx quant à la nécessité d'établir une plus grande équité envers les différentes confessions religieuses et de mieux circonscrire les rôles respectifs de l'État et de la société civile en ce qui concerne la place de la religion à l'école. Tout le débat actuel porte sur la manière, la meilleure manière d'y arriver.

Le rapport Proulx, quant à lui, propose un programme obligatoire et exclusif de sciences humaines des religions en lieu et place de l'enseignement religieux actuel. Le souci d'éveiller tous les jeunes à la présence multiforme du religieux dans la société est sans doute valable et nécessaire. La proposition du rapport Proulx soulève toutefois des difficultés importantes qui ont déjà été évoquées devant cette commission. L'avis et le mémoire du Comité s'y arrêtent également. Pour les fins de cette présentation, je n'en retiendrai que deux.

Une des plus sérieuses, nous semble-t-il, c'est qu'un programme obligatoire et exclusif ne saurait satisfaire la diversité des attentes ni les exigences du droit à la liberté de conscience. L'approche des sciences humaines risquerait de susciter la méfiance chez les parents croyants comme incroyants, les uns redoutant qu'elle soit trop relativisante et les autres qu'elle soit trop empathique envers le fait religieux. Il faudrait, dès lors, s'attendre à de nombreuses demandes d'exemption. Peut-être alors faut-il penser à une expérimentation prudente dans des milieux très pluralistes avant de songer à généraliser cette formule.

Deuxième difficulté sérieuse, un programme d'histoire et de sociologie des religions comporterait sans doute un intérêt culturel, mais ne respecterait pas, à notre avis, les finalités éducatives spécifiques qui viennent d'être évoquées d'une éducation religieuse scolaire. Il ne saurait répondre non plus aux besoins existentiels des jeunes. Il ne constitue donc pas un substitut à l'enseignement religieux. Et nous croyons qu'il y a là un malentendu, peut-être, dans l'opinion publique et en particulier auprès de parents qui se montrent intéressés à l'ouverture à l'enseignement de différentes religions, mais sans peut-être se rendre compte exactement de la transformation profonde dans les approches, les objectifs et probablement les résultats escomptés d'une telle forme d'enseignement.

(10 h 10)

Bon. Alors, de son côté, le Comité catholique adopte une position différente, mais qui cherche à atteindre fondamentalement les mêmes objectifs d'équité et de respect des droits. Nous partons de la conviction qu'un enseignement relié à une tradition religieuse particulière, donc de type, disons, confessionnel, malgré l'ambiguïté du terme, est le plus apte à poursuivre à la fois les finalités qui touchent la formation humaine et celles qui se rattachent aux objectifs socioculturels de la société. D'ailleurs, le rapport Proulx lui-même reconnaît au passage que seul un enseignement religieux de type confessionnel peut répondre adéquatement aux besoins de développement spirituel, pour nommer cet objectif.

Or, si tel est le cas, si une telle forme d'enseignement est la plus apte à poursuivre toutes ces finalités, il faut trouver une façon de répondre aux besoins de jeunes qui n'appartiennent pas aux confessions catholique et protestante, lesquelles ont seules, actuellement, un droit reconnu par la loi à un tel type d'enseignement. Plutôt que de vouloir établir une égalité absolue par l'abolition de tout droit à un enseignement religieux lié à une tradition particulière dans l'école publique, le Comité catholique estime donc qu'il vaut mieux chercher les voies de l'équité par l'extension de ce même droit.

Le rapport Proulx reconnaît qu'une telle voie satisferait aux exigences des chartes, mais la juge impraticable et contraire aux objectifs de cohésion sociale. Nous allons donc examiner d'un peu plus près ces deux objections. Quant au caractère praticable, d'abord, de la suggestion, il va de soi que l'hypothèse d'offrir à tous les groupes religieux des services identiques au nom du principe d'égalité paraît a priori impraticable. Comment éviter cette impasse?

Il est légitime pour l'État de fixer des conditions pour qu'une confession religieuse fasse l'objet d'un enseignement dans l'école publique. Une telle limitation du droit se retrouve, par exemple, dans l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, qui affirme le droit à un enseignement religieux à l'école, mais le circonscrit en disant que cet enseignement religieux doit être offert dans le cadre des programmes prévus par la loi. Autrement dit, il est reconnu par la Charte elle-même que la loi puisse déterminer des conditions, des règles, un encadrement qui restreigne l'exercice du droit à exiger des services éducatifs de caractère religieux en fonction de ce que le législateur estime être l'intérêt public.

Cela est aussi reconnu notamment par la politique d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle, qui suggère comme objet possible d'un enseignement dans l'école publique les religions chrétienne et amérindienne ayant façonné le Québec et les autres religions à portée mondiale pratiquées au Québec. Une telle limitation n'équivaut pas à porter un jugement de valeur sur les différentes convictions religieuses. Elle consiste plutôt à préciser que, pour les fins de l'instruction publique, l'enseignement de la religion doit correspondre à des finalités éducatives et sociales qu'il revient à l'État d'établir en concertation avec la société civile.

Il est donc nécessaire de commencer par se demander à quel titre des confessions religieuses pourraient être reconnues aux fins de l'instruction publique. Un curriculum national doit combiner les exigences de formation personnelle avec les grands objectifs sociétaux poursuivis par l'école publique. C'est ce qui fait que tout individu ou tout groupe ne peut revendiquer des services éducatifs spécifiques au seul titre de ses attentes particulières. Dans cette perspective, une confession religieuse peut donc être reconnue par le législateur au titre de sa contribution au développement personnel des élèves en même temps qu'à leur intégration sociale et culturelle.

Comment établir alors une liste, si on peut dire, de religions admissibles à l'école publique? Je pense que c'est une question qui préoccupe la commission, qui a fait l'objet de vos discussions déjà, et j'en ai été témoin. Il nous semble qu'il y a deux approches possibles, ici, qui peuvent toutes les deux se défendre.

Une première approche utilisée dans d'autres pays consiste à laisser à l'État l'initiative et la prérogative de déterminer une liste de religions soit parce qu'elles sont pratiquées sur le territoire par un nombre suffisant d'adhérents, une masse critique d'adhérents, soit parce qu'elles ont contribué de façon particulièrement significative à l'histoire, à la culture du pays où la mesure est adoptée, etc. Bon.

Mais on se rend compte qu'il y a un malaise, peut-être, à procéder de cette façon, les uns disant: Est-ce qu'il revient à l'État de déterminer quelles sont les – entre guillemets – bonnes religions qu'il faudrait enseigner à l'école? Et, même si un tel choix n'implique pas un jugement de valeur sur les religions mais, simplement, implique un jugement prudentiel et pragmatique quant à ce qui est requis dans une population donnée, on peut comprendre qu'il y ait peut-être un certain malaise autour de cette façon de procéder.

Ce qui fait que le Comité, en réalité, recommande plutôt une autre approche – et, si on lit bien notre avis, je pense que ça ressort de nos réflexions là-dessus – une approche qui consisterait à déterminer des critères également applicables à toutes les confessions religieuses et à tous les programmes d'études, des critères d'ordre non religieux, d'ordre administratif et pédagogique qui feraient en sorte que l'initiative serait laissée aux confessions religieuses d'adresser une demande d'enseignement à l'école publique moyennant leur acceptation de tels critères.

Et, comme exemples de critères, on peut mentionner: la nécessité évidemment d'un nombre suffisant d'élèves; l'utilisation de programmes approuvés par le ministère de l'Éducation; une approche non prosélytique centrée sur le développement de l'élève et de son autonomie; la consécration d'une portion significative des programmes d'études à la connaissance et à la diversité religieuses; le recours à des maîtres dûment qualifiés. On se rend compte immédiatement que l'application de tels critères restreindrait nécessairement la demande, tous les groupes n'étant pas intéressés, probablement, ou en mesure de respecter tous ces critères, qui sont par ailleurs nécessaires et légitimes dans le système d'éducation public. Il est tout à fait nécessaire que l'État définisse certains critères pour qu'un enseignement puisse être donné à l'école.

Bon. Alors, il y aurait d'autres considérations à faire sur le caractère praticable de cette mesure, j'y reviendrai peut-être au moment de la période de questions, pour me permettre d'aborder un deuxième aspect, une deuxième objection, si vous voulez, à une politique d'extension des droits: le risque qu'il pourrait y avoir pour la cohésion sociale, quelles sont les implications d'une telle approche pour la cohésion sociale.

Le Comité catholique estime qu'une reconnaissance raisonnable de la diversité religieuse à l'école publique dans le cadre de balises telles que celles qui viennent d'être évoquées serait plus favorable à la reconnaissance mutuelle et à la convivialité sociale que le nivellement des différences ou la marginalisation des particularismes dans le secteur privé. D'aucuns s'inquiètent cependant de l'effet d'une telle politique auprès des communautés ethnoculturelles. Le mémoire du Comité analyse ces objections une à une. Je m'arrêterai ce matin aux deux suivantes: le risque de ghettoïsation et le risque de guerres de religions, si vous voulez, qui pourraient être entraînées entre les groupes dans les écoles.

D'abord, le risque de ghettoïsation. On peut comprendre le souci de ne pas multiplier les écoles homogènes à base religieuse ou culturelle. L'apprentissage du vivre ensemble dans une démocratie pluraliste bénéficie du côtoiement d'élèves de provenances diverses. Il ne faut cependant pas sous-estimer la volonté d'intégration des communautés immigrantes. S'il est normal que les premières générations aient tendance à se regrouper, la volonté de participer à la vie de la société d'accueil ne tarde généralement pas à se manifester, notamment chez les plus jeunes.

Il faut faire attention aussi, nous semble-t-il, de ne pas identifier toute concentration relative de population à un ghetto. On le signale dans notre mémoire, un ghetto a une définition claire. C'est un regroupement forcé de personnes dans un espace restreint d'où elles ne peuvent sortir, en réalité, au sens strict. L'emploi de ce terme pour désigner des concentrations plus ou moins fortes de population dans certains secteurs, quartiers ou même écoles ne rend pas justice et banalise, au fond, la vraie expérience de ghetto qu'ont pu faire certains de nos citoyens – je pense en particulier aux Juifs – ou qu'on a fait dans d'autres pays comme en Afrique du Sud. Cette expression, parce qu'elle frappe l'imagination, sert aussi d'épouvantail, en réalité, pour fermer la route à la recherche de solutions dans le sens indiqué, à savoir d'une extension des droits.

Si l'on veut éviter d'inciter à l'implantation d'écoles homogènes à base religieuse, le moyen le plus efficace consiste à s'assurer d'offrir des services suffisants dans l'école publique commune. Mieux les besoins religieux seront satisfaits à l'intérieur de l'école publique commune, moins la demande d'écoles à caractère confessionnel sera jugée nécessaire.

(10 h 20)

Deuxième crainte par rapport à la cohésion sociale, celle de guerres de religions intrascolaires. Je m'y arrête parce que l'expérience belge a été évoquée devant cette commission pour soulever cette crainte. Les écoles publiques belges offrent le choix entre six options possibles d'enseignement dit philosophique: catholique, protestant, orthodoxe, juif, musulman ou de morale non confessionnelle.

J'ai pris le soin de vérifier auprès de sources autorisées en Belgique. Et ici je vous cite mes sources, il s'agit de M. André Fossion, directeur de l'Institut international Lumen Vitae, M. Maurice Simon, professeur émérite à l'Université de Louvain, et M. Eddy Hernans, qui fait partie de la Commission des inspecteurs des écoles pour la Belgique francophone. Tous les trois m'ont dit qu'ils ne peuvent constater aucune espèce de syndrome de guerre de religions dans les écoles belges et qu'au contraire la cohabitation de groupes recevant chacun leur enseignement religieux favorise, à leur avis, la reconnaissance mutuelle et la convivialité sociale.

Par ailleurs, leur expérience semble démontrer qu'il aurait été préférable de trouver une formule de partenariat entre l'État et les diverses confessions plutôt que de laisser à celles-ci l'entière responsabilité des enseignements religieux. Parce que, quand on laisse toute latitude aux groupes religieux de faire ce que bon leur semble, il peut se produire des situations problématiques, dans certains cas, et les moyens d'intervenir sont limités, à ce moment-là, de la part de l'État. Je pourrai élaborer là-dessus, si vous voulez, au moment de la période de questions. Alors, nous avons aussi des suggestions à faire sur les démarches de mise en oeuvre, mais, comme le temps est écoulé, je m'arrêterai ici pour le moment. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Charest): Je vous remercie, monsieur. Maintenant, je vais laisser la parole à M. le ministre de l'Éducation.

M. Legault: D'abord, M. Côté, Mme Brisebois-Beaudin, Mme Bureau, M. Côté, M. Guillemette et M. Boudreau, merci beaucoup d'être ici avec nous aujourd'hui pour discuter d'un sujet qui, je le sais, vous tient beaucoup à coeur. Vous nous avez fait part d'un excellent mémoire. D'ailleurs, vous nous avez habitués toujours à des avis qui sont excellents. Je pense, entre autres, à vos avis récents sur les apprentissages essentiels en enseignement religieux.

Évidemment que votre Comité est un témoin privilégié de ce qui se passe en éducation puis, entre autres, en enseignement religieux au Québec. Vous êtes là depuis que le ministère de l'Éducation est là. Donc, vous fêtez comme nous cette année votre 35e anniversaire. Bon anniversaire!

M. Côté (Guy): Merci bien. Vous pareillement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Legault: Et, donc, il faut dire quand même que la façon dont on définit et avec laquelle aussi on voit aujourd'hui que vous définissez la mission de l'enseignement religieux, ça a beaucoup évolué depuis 1964. On se dirige vers ce qu'on pourrait appeler puis ce que vous appelez une école publique commune. Évidemment, bon, il y a des étapes à franchir. Et je pense que votre contribution va être importante pour travailler à cette période transitoire qu'on va vivre et, donc, qu'on va essayer d'assumer tous ensemble.

Mes premières questions vont être sur le statut des écoles. En 1974, je ne sais pas si vous vous en rappelez, mais, pour reconnaître une situation de fait, le Comité catholique avait alors décidé et jugé nécessaire de reconnaître officiellement toutes les écoles qui étaient dans les commissions scolaires catholiques comme étant des écoles catholiques. Et puis le Comité protestant avait fait la même chose en 1988.

Vingt-cinq ans plus tard, vous venez nous dire que, pour retirer le statut confessionnel des écoles, il faudrait une période de transition de deux ans pour permettre – et je vous cite – «au milieu de se prononcer démocratiquement». Je voudrais vous entendre un petit peu. Vous nous dites: Des écoles catholiques aujourd'hui, ça devrait être des écoles publiques, communes, ouvertes à tous. Qu'est-ce qui nous empêcherait de les décréter de facto publiques et communes, comme on l'a fait à l'inverse en 1974?

M. Côté (Guy): Alors, je pense qu'il y a peut-être une évolution dans la sensibilité démocratique du Comité.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Guy): Mais je pense qu'il faut aussi reconnaître une différence de problématique. Comme vous le savez sans doute, au moment où cette décision a été prise, en 1974, il n'y avait pas grand questionnement sur la confessionnalité scolaire au Québec. Ça existait, c'était latent, mais ça n'avait pas pris les proportions que ça a pris maintenant, de toute évidence.

Le Comité catholique, dont j'ignorais l'existence à ce moment-là moi-même, a jugé qu'une telle décision correspondrait de fait à la situation pratique et réelle des écoles, les écoles s'estimant catholiques même sans avoir le statut. Et la confirmation, aux yeux du Comité, de ce discernement-là, ça a été qu'il n'y a pas eu de demande de retrait à la suite de ce baptème collectif, si on peut dire, tel que ça avait été offert aux écoles de pouvoir le faire. Donc, au fond, il s'agissait d'une mesure qui a permis au Comité catholique de pouvoir mettre en oeuvre une certaine réglementation pour gérer un peu ce qui se passait dans les écoles au niveau de l'enseignement religieux, de l'éducation religieuse. S'il n'y avait pas eu une telle reconnaissance, le Comité n'aurait pas eu de prise, si vous voulez, pour appliquer une réglementation. Je pense que ça a joué dans les motifs du Comité. Et l'évaluation, donc, socioreligieuse qui a été faite était celle que je viens de rappeler.

Tandis qu'aujourd'hui on se trouve dans une situation où l'opinion est partagée, très fortement partagée, notamment à propos du statut des écoles, et où curieusement l'attachement au statut a peut-être augmenté depuis 1974, puisque c'est devenu un enjeu. À ce moment-là, c'était comme une situation de fait avec laquelle on vivait, et puis, bon, il n'y avait pas de quoi faire de grandes batailles sur la place publique. Mais, maintenant qu'on en débat et qu'on en discute, on prend conscience, dans certains milieux, à quel point on y est attaché. Si bien que, si le gouvernement procédait par décret, il risquerait manifestement de susciter beaucoup de résistance à la mesure et de mettre en péril, peut-être, des aspects plus importants de sa réforme. Je pense que c'est l'esprit dans nos recommandations. Si on veut, par exemple, faire un réaménagement au niveau des services, faire une extension, etc., il faut éviter dans toute la mesure possible de susciter du ressentiment, de l'animosité, de la méfiance, de la résistance à partir d'une mesure comme celle-là, qui pourrait être prise dans le respect peut-être des milieux et, je pense, avec beaucoup plus de fécondité à long terme. C'est-à-dire que, si on a l'appui des milieux, ça a plus de chance de pouvoir durer.

M. Legault: Mais juste pour que je puisse comprendre, quand vous dites qu'il faudrait le faire de façon démocratique, en pratique, est-ce qu'il y aurait un vote qui serait organisé? Et, si oui, à quelle échelle? Et qu'est-ce qu'on ferait avec les écoles où on aurait choisi de garder un statut confessionnel?

M. Côté (Guy): Bon, alors, ici, je pense que la démarche de sensibilisation ou d'information serait très, très importante. Moi, je peux vous dire que, personnellement, je suis prêt à circuler dans les milieux pour faire connaître la raison d'être de cette remise en question et aider les milieux à prendre conscience que ce à quoi ils tiennent le plus, à savoir les services d'éducation religieuse, ne serait pas nécessairement compromis par le retrait du statut. Je pense que c'est ça qui est l'os, si vous voulez, la pomme de discorde. Les gens craignent qu'en abandonnant le statut ils perdent les garanties auxquelles ils tiennent des services d'éducation religieuse. Donc, un travail d'éducation et de sensibilisation – c'est pourquoi on demande un certain temps – qui va demander beaucoup de soin.

Ce travail pourrait être complété évidemment par des éléments... une petite documentation légère mais très bien faite destinée à toutes les familles ayant des enfants dans les écoles pour favoriser une réflexion et mettre au courant les gens des enjeux. Là, évidemment on n'a pas le plan détaillé de la procédure, mais ce qu'on pourrait imaginer, en gros, c'est que, justement, à la suite d'un période de sensibilisation, d'information adressée par la poste à tous les parents, convocation à des assemblées d'information sur la question, le conseil d'établissement pourrait, peut-être par sondage, obtenir une indication des parents. Et le conseil d'établissement aurait donc une décision à prendre au nom de la collectivité dont il devrait rendre compte, comme la loi l'y incite déjà, une fois sa décision prise.

Bon. Vous dites: Qu'est-ce qui arrive si on demande un statut confessionnel? On ne pourrait pas demander un statut confessionnel. Dans la proposition qu'on fait, la seule façon de conserver, si on veut, quelque chose d'équivalent à un statut confessionnel, ce serait par le moyen des projets particuliers, et ça demande une démarche beaucoup plus exigeante et serrée, je dirais, de la part des milieux. Si bien que notre estimation, c'est que le nombre de demandes pourrait s'avérer restreint, malgré les efforts.

(10 h 30)

M. Legault: Parce que, là, qui dit démocratique dit, finalement, la volonté de la majorité. Mais, si on pense à la minorité, s'il y avait des parents qui n'étaient pas d'accord avec un contenu religieux, soit dans le statut ou soit dans le projet éducatif, qu'est-ce qu'ils devraient faire, ces parents-là? Est-ce qu'ils devraient inscrire leurs enfants à une école qui est plus éloignée? Et est-ce que vous ne pensez pas, à ce moment-là, que ça devient discriminatoire?

M. Côté (Guy): Évidemment qu'un des critères pour l'obtention d'un projet particulier, c'est un très solide consensus. Et vous remarquerez qu'on a ajouté au consensus des parents celui du personnel scolaire, ce qui rend la chose encore plus difficile. Ce qui rend les cas où un tel consensus peut être atteint plutôt limités, en réalité, relativement limités.

Qu'arrive-t-il aux parents qui ne seraient pas d'accord? Un critère qu'on ne mentionne pas dans notre avis mais qu'on pourrait envisager, c'est qu'un tel projet particulier pourrait n'être accordé que dans les cas où il existe plus qu'une école dans un milieu, donc où les parents ont un choix d'accès à différentes écoles pour ne pas forcer des parents à inscrire leur enfant dans une école à projet particulier qui irait à l'encontre de leurs convictions.

Ça, c'est une des mesures, en ce qui me concerne, que j'aurai, si je fais une tournée comme celle que je vous indiquais, le plus de difficulté à faire accepter dans des petites municipalités régionales ou rurales du Québec qui considèrent comme tout à fait naturel d'avoir une école confessionnelle. Et on va leur dire: Bien, c'est justement ici que vous ne pouvez pas en avoir parce que les parents n'ont pas le choix, à moins que ça soit 100 % d'accord – mais c'est rare, ça – ou à peu près 100 %. Alors, évidemment que dans ces cas-là il faudra faire comprendre que les projets particuliers visent à permettre d'atteindre des objectifs qui ne pourraient pas être atteints autrement.

Prenons le cas des écoles juives. Elles estiment que leurs écoles juives sont nécessaires à la vie de leur communauté. Étant donné le système actuel et les critères en vigueur, ce ne sont pas des écoles publiques, donc ce ne sont pas des écoles qui se qualifieraient pour être reconnues à projet particulier parce qu'elles ont comme critère d'admission l'adhésion à la religion qui définit le projet particulier. À notre avis, un projet particulier à base religieuse ne devrait pas entraîner comme critère d'admission l'adhésion à la confession en question. S'il y a une école qui a un projet à caractère religieux particulier, d'autres élèves peuvent y venir en connaissance de cause, s'ils font ce choix librement, pourvu qu'ils aient un autre choix possible. Mais il n'y a pas de critère d'admission.

Donc, le projet particulier, ce qu'il faut faire comprendre à la population, c'est que ça vise à permettre d'atteindre des objectifs valables, légitimes, surtout pour des minorités ou dans des contextes et des milieux où ces objectifs-là ne pourraient pas être atteints autrement. Et l'autre volet du travail d'information et de sensibilisation, c'est de dire: Il y a moyen de garantir les services autrement que par le statut particulier, d'où l'importance de la mesure qu'on recommande, et très fortement, donc de protéger l'article 41 de la Charte en l'incluant dans les articles couverts par l'article 52 de la même Charte québécoise. Je pense que ça, c'est une mesure qui serait de nature à certainement rassurer un grand nombre de parents sur l'éventualité de la perte du statut confessionnel, puisque les services seraient garantis et même encore plus solidement à leurs yeux.

M. Legault: Mais de façon pratique, si on avait dans un quartier une majorité de parents catholiques, disons, qui souhaitaient avoir dans le projet éducatif un caractère religieux catholique à l'école et qu'il y avait une seule école dans ce quartier, donc qui pourrait brimer les droits de la minorité, selon votre proposition, qu'est-ce qu'on ferait dans une situation comme celle-là?

M. Côté (Guy): Vous parlez d'un quartier, donc probablement en milieu urbain. Alors, s'il existe une école relativement proche... je pense que la question de l'accessibilité à une école de quartier, c'est quelque chose qui comporte des degrés dans le caractère contraignant. À quel point faut-il qu'elle soit proche? Et à quel point est-ce une nécessité que l'enfant aille à l'école la plus proche? Mais, s'il y a une école commodément accessible, dans un voisinage raisonnable, c'est possible. Sinon...

M. Legault: Et s'il n'y en a pas?

M. Côté (Guy): S'il n'y en a, bien, il n'y a pas d'école à projet particulier.

M. Legault: O.K. Je vais laisser mon collègue de Masson poursuivre. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Maintenant, je vais laisser la parole à M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, Mme la Présidente. M. Côté, mesdames, messieurs, félicitations pour la qualité de votre mémoire. C'est vraiment très bien présenté. Alors, d'entrée de jeu, je vais tout de suite y aller avec une première question. Dans votre mémoire, vous présentez, en fait, des raisons qui justifient l'enseignement religieux. Et, à la page 5 de votre document, je vais vous citer trois éléments qui disent très bien un petit peu comment vous orientez l'enseignement religieux comme tel. Entre autres: «L'enseignement religieux a d'abord pour objet d'introduire à un champ de connaissances spécifiques et de contribuer à l'initiative culturelle des jeunes. Il comportera donc une dimension intellectuelle importante.»

Une autre citation au paragraphe 7: «L'enseignement religieux doit également contribuer à la formation de l'identité personnelle des jeunes tout en leur apprenant à connaître et à apprécier d'autres visions du monde.» Et la dernière: «L'enseignement religieux vise également à rendre possible une contribution positive de la religion à la vie collective.»

J'essaie de me retrouver un petit peu – quand on regarde nos parents comme tels et même nous autres, on est encore dans cette catégorie-là – de voir un petit peu la notion de confessionnel à ce niveau-là. Et ma question est la suivante: En quoi un enseignement religieux justifié comme vous le faites est-il nécessairement confessionnel? J'essaie de voir, à partir des trois citations que je vous ai énumérées, comment vous interprétez ça, à ce moment-là.

M. Côté (Guy): D'abord, du point de vue d'un champ de connaissances intellectuelles important, c'est lié, je pense, au critère 7 aussi pour un peu les mêmes raisons. Il nous semble que, pour faire une étude sérieuse du fait religieux et de l'expérience religieuse, il est difficilement concevable de s'éparpiller, je dirais, à travers un survol relativement superficiel. Je ne veux pas caricaturer, je ne veux pas être injuste, mais force est de reconnaître que, si on étudie 15 visions du monde dans la moitié du temps actuellement réservé à l'enseignement religieux, ça laisse peu de temps pour chacune des traditions. Donc, il y a une démarche intellectuelle, bien sûr, possible dans un enseignement culturel, mais l'approfondissement d'une vision avec la profondeur et la rigueur voulues peut être plus difficile.

Du point de vue de l'identité, alors là, c'est plus net. Nous avons la conviction que, avant d'exposer les jeunes à la rencontre de plusieurs visions du monde, des religions, à la rencontre de l'altérité, il est important que les jeunes puissent s'appuyer sur ce que certains appellent un socle identitaire, une base. Les parents parlent de base. Ça prend une base. Même s'ils savent bien que leurs jeunes vont peut-être suivre un autre cheminement par la suite, ils reviennent constamment avec cette expression-là: ça leur prend une base. On part de quelque part; on est de quelque part avant d'être citoyen du monde. Alors, c'est le même raisonnement, un peu, qui dit: Un enseignement religieux lié à une tradition particulière. C'est dans ce sens-là qu'on emploie «confessionnelle», en passant, pas au sens «confessant» du mot autant qu'à cause du lien particulier à une tradition donnée. La recherche se fait dans le contexte d'abord de l'environnement culturel et religieux qui est celui du jeune pour qu'il sache de quoi il s'agit, qu'il apprenne à se connaître là-dedans et à faire ses choix graduellement. Alors, c'est pour ça qu'un enseignement de ce type est plus favorable pour ces deux dimensions-là.

Pour ce qui est de la troisième, une contribution positive de la religion à la vie collective, il faudrait vous reporter à l'avis pour comprendre un peu la portée exacte de ces suggestions-là. Par exemple, les observateurs de la culture québécoise et de la société québécoise – et je parle de sociologues – québécois et étrangers, reconnaissent tous dans la culture québécoise des caractéristiques qui peuvent être reliées plus ou moins directement – sans doute pas exclusivement mais de façon significative – à l'impact de la tradition judéo-chrétienne au Québec. Qu'on pense à la dimension communautaire, qu'on pense au sens de la solidarité, qu'on pense à différents aspects comme ceux-là, qui viennent aussi d'autres éléments; il ne s'agit pas d'attribuer à la religion la seule responsabilité de cela.

Nous sommes très préoccupés et nous ne sommes pas les seuls. Des humanistes, qui ne sont pas des férus de confessionnalité scolaire, ont commencé à s'interroger là-dessus, sur le risque que pourrait comporter le retrait de l'éducation publique, d'une composante aussi significative de la culture québécoise. Donc, c'est pour ça qu'un enseignement confessionnel au sens de «relié à une tradition particulière» permet mieux de maintenir cette dimension-là. Et je pourrais faire la même démonstration, si vous voulez, pour les autres aspects. Mais c'est dans ce sens-là.

Il me semble que si on cherche à atteindre l'ensemble des finalités qu'on a proposées, un enseignement relié à une tradition particulière offre de meilleures possibilités d'y arriver, surtout au départ du processus éducatif auprès des jeunes.

M. Labbé: Vous savez, M. Côté, quand c'est expliqué par vous, ça me semble tellement intéressant et motivant de m'inscrire, mais je me demande, en termes...

M. Côté (Guy): Il est toujours temps, vous savez, l'éducation continue.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Labbé: Oui. C'est ça, oui, oui, il n'y a pas d'âge. Mais, par contre, je m'inquiète un petit eu de l'encadrement. Comment vous voyez...

La Présidente (Mme Charest): M. le député de Masson, il vous reste deux minutes, alors, si vous voulez faire rapidement.

M. Labbé: Ah, madame, ça va être fait. Alors, justement, comment vous voyez l'encadrement, à partir de ce que vous venez de m'exposer, par rapport aux personnes qui devront finalement faire l'enseignement de ces différentes orientations?

M. Côté (Guy): Vous parlez des enseignants?

M. Labbé: Oui.

La Présidente (Mme Charest): Une courte réponse, M. Côté.

M. Côté (Guy): Alors, la question des enseignants est difficile en toute hypothèse. Quel que soit le modèle retenu, il y a des difficultés qui sont soulevées. Mais en toute hypothèse aussi il y a des solutions. Alors, on vous prépare un avis là-dessus!

(10 h 40)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Guy): Et peut-être d'autres réponses à d'autres questions, si le temps le permet.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Masson. Maintenant, je passe la parole au critique de l'opposition officielle, le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Côté, Mme Brisebois-Beaudoin, Mme Bureau, M. Côté, M. Guillemette et M. Boudreau, bienvenue et merci pour votre mémoire qui apporte, je pense, un éclairage assez important au débat que nous avons présentement, en raison, je dirais, de l'ampleur du travail que vous avez fait, mais aussi des éléments que vous couvrez dans votre mémoire. Et il y a de nombreuses questions qui en découlent pour moi, mais la première, juste une petite question d'éclaircissement par rapport à certaines questions du ministre.

Quand vous parlez du statut comme tel et du projet particulier, est-ce que, pour vous, la question... Est-ce qu'il serait possible d'avoir un enseignement... C'est parce que, sur le statut, je veux voir jusqu'à quel point vous reliez le statut de l'école au projet éducatif. Est-ce que, pour vous, quand on parle d'un statut confessionnel, il faut absolument qu'il en découle un projet éducatif relié à ce statut-là directement? Parce qu'il y a eu certaines hypothèses d'avancées selon lesquelles il pouvait n'y avoir aucun statut comme tel et y avoir différents enseignements religieux, puis comment vous voyez cette option-là? Mais est-ce que, pour vous, à partir du moment où il y a un enseignement religieux dans une école, il faut absolument que cette école-là ait un statut confessionnel?

La Présidente (Mme Charest): M. Côté.

M. Côté (Guy): Ah bon! Alors, c'est deux questions relativement distinctes, parce que le projet éducatif couvre plus que les services d'enseignement ou d'animation spirituelle, ça couvre une façon de concevoir la mission éducative de l'école, différentes mesures adoptées par l'école en cohérence avec le statut. Donc, oui, le statut, tel qu'il est accordé maintenant, entraîne la responsabilité, si vous voulez, d'élaborer un projet éducatif cohérent avec le statut.

Et, deuxième question: Est-ce que les services d'enseignement religieux sont nécessairement liés au statut? Non. On peut avoir une école sans statut religieux qui offre des services d'éducation religieuse mais qui n'aura pas la même obligation d'élaborer un projet éducatif global qui reflète l'esprit du texte. Et c'est ce qui fait difficulté un peu, honnêtement. Je veux dire, il faut faire la vérité dans cette situation-là. Je pense que c'est un exercice de discernement que le comité a fait ici.

Et je vous avoue que ça a été une des questions les plus difficiles parce qu'on est bien conscient qu'on heurte la sensibilité de beaucoup de milieux à propos du statut. Mais on s'est dit, honnêtement: L'évaluation qu'on fait de la situation maintenant, après les efforts qu'on a faits pour rendre justement le projet éducatif plus signifiant et applicable dans les milieux, on est obligé de constater que, dans de trop nombreux cas, c'est une tâche pratiquement irréalisable parce qu'un des grands obstacles, c'est que les consensus requis ne sont pas atteints. Souvent, au niveau du personnel scolaire justement ou... Dans la population, moins. Mais dans la population, c'est qu'on est moins conscient des implications du projet. Toujours est-il que, dans de trop nombreux cas, il y a un statut qui entraîne des obligations sans représenter vraiment quelque chose de suffisamment significatif et, dans d'autres cas, oui. Il ne s'agit pas de dire que ce n'est jamais valable, mais il nous a semblé qu'il fallait faire une opération vérité là-dessus.

M. Béchard: Aux pages 6 et 7 de votre mémoire, suite à vos premières recommandations, sur toute la question d'accommodement raisonnable et de choix qu'on fait du type d'enseignement et quels sont les groupes qui vont être reconnus, j'aimerais premièrement que vous élaboriez un peu sur quel genre de critères – vous parlez d'encadrement, de règles, de conditions – pourraient être mis en place. Et, si j'ai bien compris, ce sont les groupes religieux qui feraient d'abord la demande, une espèce de demande de reconnaissance auprès du ministère, et non pas, dans chacune des écoles, les parents.

Votre approche, c'est de dire «selon certains critères». J'aimerais que vous élaboriez là-dessus, mais aussi du fait que ce soit les groupes religieux et non pas les parents ou les gens dans les commissions scolaires qui feraient ces demandes-là, mais vraiment un groupe religieux qui ferait des demandes de reconnaissance. Et c'est seulement une fois cette reconnaissance acquise, j'imagine, que là il pourrait y avoir des demandes de parents ou d'étudiants pour avoir tel type d'enseignement religieux. Juste sur tout ce processus-là pour l'éclaircir un petit peu.

M. Côté (Guy): Je vous remercie de votre question parce que c'est important d'être très clair là-dessus. Bon. Alors, les critères, d'abord, à utiliser. Je vous indique ceux qu'on a utilisés en Belgique. Je ne sais pas si ça pourra vous être utile mais, en Belgique, on parle d'une masse critique d'adhérences suffisantes dans la population. Par exemple, en Belgique, il y a tout près de 300 000 musulmans, on estime que ça justifie un enseignement à l'école publique. Même chose en Allemagne: la communauté turque est très importante et on offre un enseignement musulman dans les écoles publiques allemandes dans certains Länder. Bon, un critère.

Un autre critère: la présence d'interlocuteurs identifiables et respectables. Il faut s'assurer qu'on sait à qui s'adresser. Et c'est particulièrement important dans le cas de la communauté musulmane, qui est diversifiée, qui n'est pas hiérarchique. Et la méthode qu'ils ont utilisée en Belgique pour y arriver, c'est de former une espèce de collège électoral, si vous voulez. Ils ont demandé aux différentes communautés d'élire des représentants crédibles à leurs yeux pour former un conseil qui, ensuite, désigne, lui, des gens qui peuvent être des interlocuteurs pour le gouvernement. Par exemple, les inspecteurs – j'en ai mentionné un tantôt – sont proposés par les confessions et nommés par le ministre. Mais la confession, pour proposer un inspecteur, doit pouvoir avoir quelqu'un qui est chargé de ça. Donc, pour les musulmans on a procédé de cette façon. Donc, vous voyez, des interlocuteurs crédibles, identifiables et reconnus, c'est très important.

Autre critère: une demande expresse. C'en est un, une demande expresse. Et la demande expresse est adressée à l'État, n'est pas adressée à la pièce par chaque confession religieuse. Donc, des critères semblables, et on pourrait ajouter, pour ce qui est des programmes... C'est parce qu'il y a des critères qui peuvent s'appliquer aux religions, aux confessions, et il y a des critères qui peuvent s'appliquer aux programmes. Les critères particuliers pour les religions ne peuvent pas être très nombreux et ne seront pas suffisants pour arriver à une liste raisonnable. C'est par le moyen des critères applicables aux programmes que l'État peut le mieux intervenir, et j'en ai mentionné un certain nombre. Par exemple, ce n'est pas tous les groupes religieux qui accepteront de voir leurs programmes examinés et approuvés par l'État. Ce n'est pas tous les groupes religieux qui accepteront de parler, de façon ouverte et sympathique, des autres religions dans leur enseignement, etc. Donc, une liste de critères comme ceux-là.

Comment ça se passe? L'État fait connaître ses critères. Des porte-parole crédibles et autorisés adressent une demande à l'État qui l'examine, examine la demande de reconnaissance, et fait connaître sa décision quant aux groupes qui peuvent être reconnus. Ensuite, les écoles fonctionnent à l'intérieur de cette liste-là. Si un groupe de parents de cette confession s'adresse à l'école pour un enseignement qui a déjà été reconnu par l'État, l'école est obligée – c'est un droit, si on définit un droit – de le donner dans les limites raisonnables évidemment, qui demandent aussi à être précisées. Vous voyez, en gros, c'est la procédure.

M. Béchard: O.K. Qui, selon vous, serait l'organisme le mieux approprié? Quand on parle de l'État. Il y a eu différentes suggestions: d'avoir un comité multiconfessionnel, d'avoir toutes sortes de structures ou de personnes, de représentants. Et même sur la composition. Des groupes qui sont venus ont dit: Oui, on est bien prêts à ouvrir, mais à condition que, nous, on soit représentés sur ce comité-là. Qui, selon vous, et quelle serait la façon la plus applicable de déterminer et de reconnaître... Dans le fond, on se retrouve dans une question... C'est presqu'un tribunal administratif. On reçoit les demandes, on a les critères. On peut toujours se faire contester sur les critères: on n'a pas tenu compte de telle ou telle chose. C'est très gros, là, je trouve comme processus face aux différentes attaques qui peuvent y être apportées, aux différents éléments qui peuvent y être soulevés, d'une part.

D'autre part, est-ce que vous croyez que ce même organisme-là, chargé de la reconnaissance des religions, chargé de la mise en place comme telle, pourrait aussi être responsable du suivi au niveau des programmes, au niveau de la formation des maîtres, au niveau de l'enseignement comme tel pour s'assurer qu'il y a un certain équilibre, une certaine équité dans l'enseignement? Est-ce que vous croyez que ça pourrait être au même endroit?

M. Côté (Guy): Il s'agit de deux fonctions distinctes, encore une fois. Pour ce qui est de la reconnaissance des religions ou des confessions, ça ne pourrait pas relever, à notre avis, d'un tel organisme parce que la composition de cet organisme serait basée sur les confessions qui auraient été déjà reconnues. À notre avis, feraient partie d'un tel organisme les confessions ayant demandé et obtenu un enseignement à l'école publique. Et la liste de ces confessions, pour être clair et précis, ne nous paraîtrait pas dépasser sept ou huit, et serait probablement même inférieure à cela. O.K.?

(10 h 50)

Donc, cette fonction-là n'appartiendrait pas à l'organisme en question. Ce qui pourrait relever de cet organisme, tout en respectant la responsabilité ministérielle – et là je pense qu'il y a des choses à examiner de près quant à l'approbation des programmes et tout – c'est, par exemple, le rôle conseil qu'exercent actuellement les comités confessionnels, le rôle conseil par rapport aux questions globales d'éducation religieuse dans le système d'éducation – des fonctions reliées à la réglementation, aux critères de qualification, etc. – globales et générales, et aussi applicable à toutes les religions.

Ce qu'on n'a pas inclus dans notre avis mais à quoi on a songé, et que j'ai commencé à tester avec des gens familiers avec l'appareil gouvernemental, c'est qu'il faudrait probablement penser à une structure à deux niveaux pour laisser aux confessions religieuses une certaine marge d'autonomie quant à l'examen de leur propre programme. Autrement, on va avoir des pommes de discorde assez compliquées. Est-ce que les musulmans vont accepter qu'un organisme composé peut-être majoritairement de chrétiens se prononce sur les programmes qui les concernent ou est-ce que les catholiques accepteraient que des juifs et des musulmans... Ça pourrait faire des problèmes. Donc, il pourrait peut-être y avoir un deuxième palier qui permettrait à chaque confession, pour les questions qui relèvent vraiment de leurs compétences propres, de s'exprimer. Mais ce sont des responsabilités et des mandats de cet ordre-là qui relèveraient d'un organisme multireligieux comme celui auquel on pense.

M. Béchard: O.K. Une fois que c'est appliqué, on arrive avec la commission scolaire qui se retrouve avec ces demandes-là, toute la notion d'accommodement raisonnable – parce que c'est un autre élément qui est au coeur du débat, à partir de quand une commission scolaire peut dire qu'elle a vraiment offert tout ce qui était raisonnable d'offrir pour avoir un enseignement religieux à l'intérieur de l'une ou l'autre de ses écoles de tel ou tel type – est-ce que, selon vous, c'est suffisant pour être capable de mettre en place le modèle que vous proposez ou s'il y aurait lieu de le spécifier davantage, d'être encore plus clair sur le nombre, sur la composition des classes, sur où et comment, à quelle distance, par exemple, une commission scolaire peut offrir et tout ça? Est-ce qu'il faut développer davantage ou est-ce que la notion telle qu'on la connaît actuellement d'accommodement raisonnable serait suffisante pour mettre en place le modèle?

M. Côté (Guy): C'est une question éminemment politique au sens où elle fait appel à l'art du politique qui ne peut pas tout décréter de façon autoritaire, mais qui ne doit pas non plus tout laisser dans le flou. Alors, où se situe la zone équitable entre les deux extrêmes? C'est parfois difficile à établir.

À notre avis, il faudrait préciser certaines choses, par exemple, quant au critère du nombre. Vous avez peut-être remarqué, dans notre avis, que nous ne sommes pas partisans d'un critère de nombre absolu. Par exemple, 15. Si on arrive à 14, qu'est-ce qu'on fait? Il y a des problèmes. Alors, on propose une moyenne par commission scolaire, qui sera plus ou moins élevée selon le degré de facilité qu'on veut laisser pour ouvrir des enseignements à différents groupes. Si le seuil est plus bas, ça permet de répondre à plus de demandes; si le seuil est plus élevé, ça permet de répondre à moins de demandes, mais chaque mesure à ses avantages et ses inconvénients. Donc, une moyenne par commission scolaire ou quelque chose de semblable serait requis.

Pour ce qui est des distances entre écoles ou des moyens, là, il faut laisser une marge de jugement, je pense, au milieu aussi, là.

M. Béchard: Le temps file. Je vais laisser la parole à mon collègue dans quelques secondes, mais j'ai une dernière question sur la mise en place, comme telle, la mise en oeuvre de toute nouvelle politique, à la page 13 de votre mémoire. Vous mentionnez qu'il faut prévoir un temps suffisant pour des processus de sensibilisation. Vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure. Vous parlez même d'avoir certaines périodes d'expérimentation locale. Selon vous, le processus de mise en place... On est à l'intérieur présentement d'une reconduite des clauses dérogatoires pour deux ans. Est-ce que, selon vous, on peut relever le défi de mettre en place un nouveau type d'enseignement religieux, une nouvelle place pour l'enseignement religieux dans nos écoles à l'intérieur de ce deux ans là? Surtout quand vous mentionnez par la suite que ça pourrait s'inscrire d'ores et déjà dans le nouveau curriculum, vos échéanciers face à la mise en place du contenu comme tel. Tantôt, on a parlé du statut, mais sur le contenu des cours, comment vous voyez les échéanciers?

M. Côté (Guy): Bien, on peut imaginer que le gouvernement soit en mesure d'annoncer des décisions et de proposer une législation à l'intérieur d'un délai de deux ans. De là à mettre en place des programmes d'études avec tout ce que cela ça exige et aussi quant à mettre en place des programmes de formation des maîtres dans les universités et tout, on parle de plus que deux ans, on parle d'au moins cinq ans, je crois. Mais une fois les mesures législatives annoncées, les clauses dérogatoires ne seraient peut-être plus requises. Eh bien, évidemment, ça dépend comment la législation va s'appliquer, comment la vie va se continuer dans les écoles.

Mais nous serions prêts à faire le pari que la proposition que nous faisons pourrait subir le test des tribunaux. Ce n'est pas évident, mais ça mériterait d'être tenté, parce qu'on utilise beaucoup, disons pour contester du point de vue juridique certaines propositions, la jurisprudence ontarienne. La jurisprudence ontarienne a des particularités qui ne s'appliqueraient pas nécessairement chez nous. La jurisprudence ontarienne fonctionne dans le cadre constitutionnel de l'article 93, avec un régime d'écoles séparées, deux choses qui ne se vérifient pas ici. Alors, les tribunaux jugeraient peut-être notre situation différente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Maintenant, le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre mémoire, je le trouve intéressant, et votre présentation aussi. À la page 15 de votre mémoire, vous faites référence à deux types d'écoles dans le système public d'éducation. Vous faites référence à des écoles publiques communes et à des écoles publiques à projet particulier de caractère confessionnel ou laïque. J'aurais trois questions: C'est quoi la différence entre une école publique commune et une école publique à projet particulier de caractère laïque?

Deuxièmement, je présume que les coûts de l'éducation seraient payés par l'État pour l'éducation laïque et l'éducation religieuse. Alors, prenons cette présomption: Si un groupe d'écoles privées, qui sont maintenant des écoles privées religieuses, veut entrer dans le système proposé par vous, pourvu qu'elles soient ouvertes à tout – et c'est ma compréhension que les écoles privées juives auxquelles vous avez fait référence sont ouvertes à tout – je me demande, est-ce que les parents rendent justice à un enfant qui est non juif d'aller à l'école privée juive? Je me demande – c'est ma compréhension qu'elles sont ouvertes – c'est quoi la justice qu'un parent peut rendre à un enfant de l'envoyer à l'école d'une autre religion?

Prenons votre hypothèse et disons que ces écoles sont ouvertes à tous, est-ce que ces groupes d'écoles peuvent entrer dans le système que vous proposez et est-ce que l'État paiera pour l'éducation laïque et l'éducation religieuse?

La Présidente (Mme Charest): M. Côté.

M. Côté (Guy): Oui, merci. Alors, sur votre première question, une école publique commune offrirait, continuerait d'offrir des services d'éducation religieuse confessionnelle et possiblement à différents groupes religieux, tandis qu'une école à projet particulier laïque n'aurait pas cette option-là. Elle offrirait peut-être une option morale, sans dimension religieuse, et un enseignement culturel des religions, ou les deux combinés. Enfin, ça reste à voir. Ce qui serait clair, c'est qu'il y a une demande. Je pense que nous avons tenté – je vous disais tantôt que le comité catholique cherche à respecter l'intérêt public et non seulement le point de vue catholique – véritablement de prendre au sérieux les attentes d'une bonne partie de la population qui souhaite un environnement complètement laïque et qui se méfierait même d'un ensemble culturel des religions, et qui demande des écoles laïques qui reflètent cette orientation-là. Alors, c'est un peu le but de cette proposition-là si vos voulez, mais elle n'offrirait pas donc d'enseignement religieux confessionnel et n'aurait évidemment pas de projet éducatif confessionnel non plus.

Une petite remarque complémentaire là-dessus: Quand on dit trois types d'écoles, évidemment, et deux types par projet particulier confessionnel ou laïque, ça n'exclut pas d'autres projets particuliers pour les arts et la musique et tout. On se situe ici dans le contexte du débat sur la place de la religion à l'école et c'est pourquoi on restreint ces...

La Présidente (Mme Charest): Le temps étant écoulé malheureusement, je remercie le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation. Oui?

M. Bergman: Il y a la réponse à la deuxième partie de ma question.

La Présidente (Mme Charest): Je vais vous accorder une petite extension, mais pas trop longue.

M. Bergman: C'est pour monsieur, pour la réponse.

La Présidente (Mme Charest): Oui, allez-y.

M. Côté (Guy): Alors, c'est une question qui est un peu difficile effectivement. Ma compréhension des écoles privées, c'est qu'elles établissent le rapport avec la clientèle scolaire, si on peut dire, sur la base d'un contrat où la population reconnaît les services tels qu'ils sont offerts dans l'école et accepte de s'y soumettre. Une école publique à projet particulier annonce son projet, mais n'a pas nécessairement le même type de rapport contractuel avec la population. Il faudrait voir si ce n'est pas une façon de distinguer les deux modèles. Ce n'est peut-être pas suffisant non plus. Je vous avoue qu'on aurait besoin de creuser un peu davantage cette question.

(11 heures)

La Présidente (Mme Charest): Ça va? Merci, M. Côté. Et je remercie tous les membres du Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation. Bonne fin de journée. Je suspends quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 1)

(Reprise à 11 h 3)

La Présidente (Mme Charest): Alors, nous allons reprendre les travaux. Je demande maintenant aux membres du Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation de se présenter à la table.

Alors, je demanderais aux représentants du Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation de se présenter. Je rappelle que vous avez 20 minutes et que suivra un échange de 20 minutes par chaque côté de la table.


Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation

M. Jackson (Graham P.): Merci, Mme la Présidente de la commission, merci, M. le ministre, et merci aux membres de cette commission. Le Comité protestant remercie également l'Assemblée nationale pour avoir mis sur pied la commission parlementaire sur l'éducation qui donne la chance au grand public de venir s'exprimer sur la place que devrait avoir la religion à l'école.

Et maintenant je voudrais vous présenter deux membres du Comité protestant: Mme Aline Visser, une enseignante à la retraite et commissaire à la commission scolaire Central Québec; et M. Bruno Désorcy, parent de deux enfants, de la Rive-Sud de Montréal, sociologue et autrefois animateur religieux. Et, à ma gauche, la secrétaire du Comité protestant, Mme Elizabeth Jennaway, nous accompagne également.

La Présidente (Mme Charest): Et vous, monsieur, vous êtes?

M. Jackson (Graham P.): En ce qui me concerne, je représente les Églises protestantes. J'ai occupé différents postes sur une période d'une trentaine d'années au sein de la commission scolaire Eastern Québec et j'ai travaillé avec les petites écoles protestantes de langues anglaise et française et les écoles autochtones des régions desservies par cette commission. Et quand...

La Présidente (Mme Charest): Si je comprends bien, vous êtes M. Jackson.

M. Jackson (Graham P.): Jackson, oui.

La Présidente (Mme Charest): M. Graham Jackson.

M. Jackson (Graham P.): Graham Jackson.

La Présidente (Mme Charest): Si j'insiste, c'est pour les enregistrements de tout ce que l'on dit. Il faut que les personnes soient clairement identifiées. Poursuivez, M. Jackson.

M. Jackson (Graham P.): Mes excuses, merci. Les 15 membres du Comité protestant représentent la diversité qui existe chez les protestants. Nous avons des membres des Églises traditionnelles ainsi que des Églises évangéliques. Certains d'entre eux sont des enseignants qui travaillent dans les secteurs français et anglais de la région de Montréal et de sa Rive-Sud et ils doivent composer avec une grande diversité religieuse. D'autres sont originaires de régions plus éloignées comme Thetford Mines et Chicoutimi où la communauté scolaire est plus homogène.

Le mémoire que nous avons élaboré est le consensus d'un groupe hétérogène qui a à coeur l'éducation des jeunes Québécois. Notre vision commune est d'offrir aux enfants du Québec un excellent programme et les meilleurs services qui soient au sein des écoles publiques. Les membres du Comité protestant appuient d'ailleurs le principe fondamental qui a guidé le Groupe de travail dans le développement de sa pensée, soit celle de l'égalité de tous les citoyens et la position de retenue de l'État concernant la confessionnalité afin de ne faire aucune discrimination religieuse dans la gestion des affaires publiques. Nous sommes aussi d'avis, à l'instar du Groupe de travail, que les individus et les groupes minoritaires doivent pouvoir protéger leurs droits fondamentaux et les intérêts qui leur sont propres même si l'opinion de la majorité est tout autre.

Actuellement, toutes les écoles publiques doivent offrir, selon la Loi sur l'instruction publique, comme vous le savez, les trois programmes suivants: l'enseignement moral et religieux catholique; l'enseignement moral et religieux protestant; et l'enseignement moral. Nous sommes tous d'accord pour dire que ça ne peut pas continuer ainsi parce que ces écoles n'arrivent plus à répondre aux demandes légitimes des parents protestants.

Et maintenant, si vous le voulez bien, madame, permettez-moi de passer la parole à ma collègue, Mme Aline Visser.

La Présidente (Mme Charest): Alors, Mme Visser.

Mme Visser (Aline): Merci. Merci, M. Jackson. En effet, nous devons constater que présentement, dans le système scolaire public du Québec, les protestants ne représentent plus que 4,4 % de la population étudiante. Il existe 2 511 écoles publiques, et aucun élève n'est déclaré protestant dans 30 % d'entre elles; cinq élèves ou moins ont déclaré être protestants dans 40 % d'entre elles; et dans 11 % – ça veut dire 287 écoles – il y aurait entre six et 11 élèves qui ont fait la même déclaration. Autrement dit, on retrouve 11 élèves ou plus déclarés protestants dans seulement 19 % des écoles.

C'est pour cette raison que les membres du Comité protestant se demandent s'il est réaliste d'exiger des écoles d'organiser et d'offrir des services éducatifs pour plusieurs groupes religieux. D'ailleurs, les parents protestants nous ont souvent mentionné que, au moment de l'inscription de leur enfant au programme d'enseignement moral et religieux protestant, ils se voient dans l'obligation d'effectuer un deuxième choix, soit celui de l'enseignement moral. On leur affirme qu'il s'agit d'un programme presque identique à celui des protestants et que, les inscriptions n'étant pas assez nombreuses, les écoles ne peuvent se permettre d'offrir les trois programmes, comme l'exige la loi.

(11 h 10)

Les parents protestants ne demandent pas à l'école d'offrir ou de former leurs enfants sur une base confessionnelle. Selon eux, la famille et l'école, le dimanche à l'église doivent former un tout pour dispenser à leurs enfants les connaissances de leur propre foi. La religion ne peut pas être seulement une expérience personnelle étant donné qu'elle se traduit dans nos façons d'être de tous les jours. Qu'on le veuille ou non, elle ne peut pas être confinée à la sphère privée parce qu'elle est aussi sociale. Le rôle de l'école est d'instruire, de socialiser, de qualifier en y intégrant le développement de la personne dans ces réalités. Les enfants ne devraient pas quitter l'école sans avoir obtenu une culture religieuse. Dans notre mémoire, nous proposons à la commission parlementaire les recommandations suivantes.

Premier point: de mettre sur pied un programme d'enseignement religieux unique et non confessionnel qui tient compte du développement spirituel de la personne, du concept de transcendance ainsi que du contexte québécois, tout en favorisant la cohésion entre les droits collectifs et les droits individuels.

Deuxième point: d'offrir suffisamment de temps dans la grille horaire pour assurer la crédibilité du programme de l'enseignement religieux.

Troisième point: de prévoir une structure souple pour la formation et le perfectionnement du personnel enseignant en matière d'enseignement religieux et les ressources financières nécessaires afin d'assurer la qualité d'apprentissage des compétences particulières à ce programme.

Quatrième point: d'abolir les programmes d'enseignement moral et religieux catholique, d'enseignement moral et religieux protestant ainsi que d'enseignement moral afin de les remplacer par un programme unique d'enseignement religieux non confessionnel.

Cinquième point: d'abolir le statut confessionnel des écoles.

Sixième point: de permettre aux conseils d'établissement de définir leur projet éducatif sans restriction législative quant à un contenu de nature religieuse.

Septième point: de transformer les lois sur le Conseil supérieur de l'éducation et le ministère de l'Éducation afin de remplacer les comités confessionnels par une commission multiconfessionnelle qui assurera le développement et l'évolution du programme unique d'enseignement religieux non confessionnel, le développement d'un service d'animation spirituelle de qualité et la formation et le perfectionnement du personnel enseignant en matière d'enseignement religieux.

Huitième point: de remplacer par un poste cadre les postes de sous-ministres associés pour la foi catholique et la foi protestante afin d'assurer la communication entre la nouvelle commission multiconfessionnelle et le ministère de l'Éducation et de garantir l'exécution des décisions de la commission.

Et maintenant, Mme la Présidente, je cède la parole à mon collègue, M. Bruno Désorcy.

La Présidente (Mme Charest): Alors, M. Désorcy.

M. Désorcy (Bruno): Merci. Pour mettre au point ces recommandations, le Comité protestant a dû rompre à la fois avec le discours du courant laïcisant, très fort, et aussi le discours des tenants d'une position confessionnelle pure et dure. Notre perspective s'est lentement développée au fur et à mesure des discussions qui avaient lieu au sein du Comité. Nous avons considéré plusieurs solutions une après l'autre, allant d'une pluralité de programmes avec un noyau commun à des solutions plus typiquement confessionnelles. Finalement, nous avons opté pour le modèle que nous vous présentons aujourd'hui.

Notre position se veut un engagement clair envers la communauté scolaire et une promesse, celle de définir un avenir prometteur pour le rôle de la religion à l'école. Le modèle proposé laissera tout l'espace nécessaire à la diversité des cultures et des croyances qui caractérise aujourd'hui non seulement les familles urbaines, mais aussi les jeunes de tout le Québec. Nous ne devrions donc pas, selon nous, être paralysés par la peur d'exclure ou de discriminer lorsque vient le temps de parler de la place de la religion à l'école ou de parler de religion dans la salle de classe. La reconnaissance du phénomène religieux nous entraîne tous dans une quête de sens, dans une recherche où les questions que l'on se pose sont tout aussi importantes que les réponses qu'on y apporte. D'ailleurs, c'est ce qui fait de la religion une force démocratique qui milite en faveur de l'égalité de tous les citoyens. La recherche des bonnes questions engage tout autant l'esprit le plus critique, rationnel et sécularisé que celui qui croit sans s'interroger sur les fondements réels de sa foi.

Le pari contenu dans nos recommandations est celui du développement significatif de la culture publique de l'école et de la société civile québécoise. Concrètement, il faut laisser aux parents et aux conseils d'établissement le pouvoir de définir pour leurs écoles des projets éducatifs sans aucune restriction législative quant à un contenu de nature religieuse. Ce qui est important, c'est que le projet éducatif soit pertinent pour l'épanouissement des élèves et cohérent avec les valeurs des parents. Le dialogue sur ce problème, sur cette problématique est difficile parce que l'aspect juridique, souvent, occulte certaines questions de fond quant au sens de la démocratie, de la sécularisation et de la place de la religion dans l'espace public commun de la société québécoise. Sans vouloir minimiser l'importance des questions légales, on craint que le souci d'égalité juridique exclue la notion d'équité. En d'autres mots, on craint que ça équivaut à rechercher la paix au prix de la justice. Lorsqu'on utilise l'argument des immigrants dans le dossier de la religion à l'école, on oublie que ces derniers proviennent souvent de sociétés traditionnelles où le fait religieux est omniprésent dans la vie publique. Donc, la présence de ce phénomène ne risque pas de leur paraître insolite. Toutefois, ceci n'est pas un argument en faveur du statu quo, au contraire.

À l'opposé du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école, nous ne sommes pas d'accord pour suspendre le droit des parents catholiques et protestants en matière scolaire. Les membres du Comité protestant croient qu'il faut adopter une approche plus innovatrice. Il ne s'agit plus de mettre à l'écart une majorité de citoyens, mais plutôt de laisser plus d'espace à la diversité religieuse qui compose le paysage ethnoculturel du Québec. Ici, comme nous avons l'écrit dans notre mémoire, pluralisme et démocratie vont de pair.

Le principe de délégation parentale doit donc être au centre de nos préoccupations. Cela signifie que les parents sont ceux qui ont la responsabilité d'orienter les valeurs éducatives de leurs enfants. Une partie importante de cette tâche est déléguée à l'école, qui est sous la responsabilité de l'État. Les organismes de la société civile comme les syndicats, les groupes professionnels et regroupements de parents participent aussi, chacun à leur façon, à la mission de l'école et au projet éducatif défini par le conseil d'établissement. C'est dans cette perspective que le principe de délégation parentale nous a conduit à la conclusion qu'il faut permettre aux conseils d'établissement de définir leur projet éducatif même si le contenu doit être un contenu de nature religieuse.

Ensuite, il faut éviter de banaliser le phénomène de la religion à l'école en le traitant simplement comme un objet des sciences, reléguant ainsi à l'arrière-plan les questions relatives à la spiritualité et à la transcendance.

Il faut aussi rendre accessible l'enseignement de son contenu en favorisant au maximum le perfectionnement du personnel enseignant par l'élaboration d'une structure souple et la prévision des ressources financières nécessaires afin d'assurer la qualité d'apprentissage des compétences particulières à ce programme.

Une approche de l'enseignement des religions basée sur un humanisme séculier et basée sur la comparaison, comme le recommande le Groupe de travail, ne reconnaît pas l'existence de la spiritualité et de la notion de transcendance qui sont des engagements envers des valeurs et des croyances. Le plaisir de la découverte, le plaisir de l'apprentissage est trop souvent sacrifié, selon nous, sur l'autel du rendement scolaire. L'unique enseignement des faits culturels sur la religion n'engage pas les élèves dans un processus de réflexion axé sur la transformation de la personne et la maturation de la pensée. C'est comme si on enseignait la grammaire en classe sans demander aux élèves d'écrire une dictée. C'est comme si on enseignait la biologie sans laboratoire. C'est comme si c'était une école sans devoirs ni leçons. La quête de sens doit donc être au coeur d'un programme d'enseignement de la religion pour interpeller l'imagination et l'esprit des jeunes. La grande histoire de l'humanité doit pouvoir interagir librement avec la petite histoire de la vie quotidienne des élèves.

(11 h 20)

Dans cette perspective, nous proposons de mettre sur pied un programme d'enseignement religieux unique et non confessionnel qui tient compte du développement spirituel de la personne, du concept de transcendance et aussi – et je le souligne – du contexte québécois. Le contenu d'un tel programme doit donc inclure une présentation de l'héritage religieux judéo-chrétien et de sa signification dans la société québécoise contemporaine, une présentation des grandes religions du monde, des idéologies et visions du monde moderne sans qu'elles soient comparées les unes avec les autres...

La Présidente (Mme Charest): Deux minutes.

M. Désorcy (Bruno): ...une réflexion approfondie sur le développement spirituel de la personne et sur la notion de transcendance en rapport avec l'ensemble des valeurs fondamentales propres à la famille, à la quête de sens, à la recherche de la vérité, au travail, au sens des responsabilités, au respect d'autrui et à l'ouverture d'esprit face à la culture.

Un programme non confessionnel doit nécessairement être développé sous l'égide d'une commission multiconfessionnelle attachée au ministère de l'Éducation afin d'assurer que la présentation des différentes religions dans le cadre du programme soit le fruit de l'autodéfinition des divers groupes religieux et non le produit d'un groupe d'experts qui interprètent les diverses significations propres à une religion particulière à partir d'une perspective scientifique sans avoir accès aux données subjectives que produit l'expérience religieuse vue de l'intérieur. Il ne s'agit pas ici de prosélytisme, mais simplement de bon sens, d'éthique de l'enseignement et d'honnêteté intellectuelle. Sur ce, je redonne la parole à M. Jackson.

La Présidente (Mme Charest): Merci. La présentation est maintenant terminée. Nous allons laisser la parole à M. le ministre de l'Éducation, et je suis persuadée que, ce que vous n'avez pas eu le temps de nous transmettre, dans le cadre de l'échange, on pourra en profiter. M. le ministre.

M. Legault: Oui. Bien, d'abord, M. Jackson, M. Désorcy, Mme Visser, Mme Jennaway, merci d'être ici, à Québec, avec nous à l'Assemblée nationale aujourd'hui.

Évidemment, le Comité protestant est un comité important qui, lui aussi, existe depuis décembre 1964, donc bon 35e anniversaire aussi. Vous êtes là, donc, et vous avez vu évoluer notre système d'éducation, et je pense que le Comité protestant a toujours été connu pour son ouverture, entre autres dans son programme d'enseignement moral et religieux protestant, et votre expérience en pluralisme religieux est sûrement très importante et appropriée à être utilisée dans le cadre de la recherche qu'on essaie de faire ensemble d'un consensus qui va répondre aux besoins d'une société québécoise qui est, il faut tous l'admettre, de plus en plus diversifiée.

J'aurais quelques questions à vous poser. D'abord, à la page 4 de votre mémoire, bon, vous nous dites que l'enseignement religieux de type culturel qui est proposé par M. Proulx dans son rapport «revient – et je reprends vos mots – à banaliser les diverses traditions religieuses et l'héritage judéo-chrétien propres à la société québécoise». Et vous ajoutez que des parents refuseront – selon vous – systématiquement que leurs enfants soient exposés à une vision relativiste du fait religieux.

Par contre, vous nous faites une proposition qui n'est pas sans difficultés, elle aussi. Vous nous proposez un enseignement religieux qui ne serait pas confessionnel, mais qui serait favorable à la religion, principalement dans la tradition judéo-chrétienne. Vous nous proposez un enseignement qui éviterait les comparaisons entre les religions, un enseignement qui proposerait une réflexion approfondie sur le développement spirituel de la personne et sur la notion de transcendance.

Ma question, c'est... Bon, d'abord, votre proposition semble, à mon avis, assez religieuse dans l'ensemble, et je me demande justement si, avec votre proposition, il n'y aurait pas, comme vous le disiez pour la proposition de M. Proulx, des parents qui refuseraient que leur enfant soit exposé à une vision religieuse du monde comme vous la proposez et je voudrais vous entendre sur qu'est-ce que vous en pensez. Est-ce que vous pensez qu'il y a des parents qui pourraient refuser d'exposer leurs enfants à la vision que vous proposez?

M. Désorcy (Bruno): Je pense que, effectivement, il est possible que n'importe quel programme qu'on puisse mettre sur pied, il va toujours y avoir peut-être des parents qui vont vouloir retirer leurs enfants ou ne pas faire participer leurs enfants à ces cours-là. Par contre, je pense que la proposition que nous vous faisons a plusieurs avantages. Premièrement – et ça, c'est une position et une définition, une vision du monde protestante – il est possible, selon nous, de discuter de spiritualité, de discuter de transcendance dans la salle de classe sans faire pour autant intervenir la raison, ou l'idée, ou la perspective confessionnelle. Et ça, c'est vraiment une perspective protestante. Nous faisons partie d'un groupe religieux qui est subdivisé en des milliers de dénominations, et cette habitude-là a permis de développer un discours qui fait en sorte qu'on peut se parler à d'autres niveaux, à une autre échelle que nécessairement une échelle très, très confessionnelle. Et, selon nous, il est possible de le faire, de parler et d'enseigner sur le concept de transcendance et de spiritualité dans la salle de classe, et c'est même souhaitable.

Et il est primordial aussi, je pense, pour nous, que les élèves puissent être éduqués aux grandes religions pour pouvoir former leur propre jugement et leur permettre de mieux interagir, de façon significative, avec les divers groupes ethnoculturels qui forment le Québec, mais aussi avec le monde entier.

Et, à votre question, je répondrais: Oui, selon nous, c'est tout à fait possible. Évidemment, il n'y a pas de solution parfaite, mais c'est une mission qui est possible.

M. Legault: Mais, si je comprends bien, l'enseignement que vous proposez serait obligatoire, donc à tous les enfants.

M. Désorcy (Bruno): Oui.

M. Legault: Peut-être, j'aimerais ça encore vous entendre sur quelles sont les grandes différences que vous voyez entre l'enseignement que vous proposez et celui qui est proposé par M. Proulx.

M. Désorcy (Bruno): Fondamentalement, c'est l'esprit du programme qui est différent ici. En soulignant l'importance de la spiritualité et de la notion de transcendance dans un enseignement non confessionnel de la religion, on accepte qu'il est possible d'enseigner les grandes traditions religieuses de l'humanité sans pour autant réduire ou restreindre le phénomène à la vie privée. Et ensuite – et, je pense, ça, c'est encore plus important pour nous – étant donné qu'on propose aussi la mise sur pied d'une commission multiconfessionnelle pour assurer le développement et l'évolution du programme, ça va permettre aux différents groupes religieux qui y seront représentés de pouvoir s'autodéfinir dans le programme, ce qui est quelque chose de fondamental pour nous, plutôt que d'être définis par un groupe d'experts de l'extérieur qui présenterait, selon le rapport Proulx, les religions d'une perspective plus séculière comme telle. Et, pour nous, ça, c'est des grandes différences qui sont vraiment fondamentales avec ce que le rapport Proulx propose.

M. Legault: Peut-être une deuxième question. Concernant le statut des écoles, le statut confessionnel des écoles, vous dites: On propose d'abolir le statut confessionnel, mais vous proposez de conserver la possibilité d'inclure un contenu religieux dans le projet éducatif si telle est la volonté du conseil d'établissement. C'est quoi selon vous? Quelle différence vous voyez entre l'adoption d'un statut confessionnel pour l'école puis l'autorisation accordée au conseil d'établissement d'adopter un projet éducatif qui pourrait inclure une dimension religieuse et une référence à des croyances ou à des pratiques religieuses? Quelle différence vous voyez entre les deux?

M. Désorcy (Bruno): Le statut confessionnel est défini à un niveau plus global, au niveau provincial, en ce moment par les comités confessionnels et, ensuite, est adopté localement par les écoles, ce qui revient à dire que, plus ou moins, on met un moule sur le vécu spirituel de l'école, qui est défini d'en haut comme tel, et ces écoles-là ont la caractéristique d'être tout à fait uniques, je pense, et diversifiées quant à leur vécu religieux comme tel. C'est pour ça que, nous, on propose d'abolir le statut confessionnel, parce qu'on croit que ce moule-là ne convient pas au contexte particulier de chaque école. L'avantage du projet éducatif, c'est qu'il est défini localement, qu'il permet de pouvoir saisir localement les besoins spirituels de l'école et d'essayer de les traduire le mieux possible dans le projet éducatif. Alors, pour nous, les grandes différences, c'est qu'on part du haut, avec le statut confessionnel, et on va vers le bas.

(11 h 30)

Avec le projet éducatif, on part du bas, et c'est pour le contexte local de l'école.

M. Legault: Mais prenons l'exemple d'une école, ou le conseil d'établissement, ou peu importe là, où on aurait décidé d'avoir un projet éducatif à caractère religieux pour une religion. Qu'est-ce qui arriverait avec les parents, de la religion que j'appellerais minoritaire, s'ils n'étaient pas d'accord avec ce contenu religieux dans le projet éducatif? Est-ce qu'ils devraient inscrire leurs élèves dans une autre école? Et s'il n'y en a pas une école qui est tout près dans le quartier, est-ce que vous ne pensez pas que ça ne deviendrait pas discriminatoire? Comment, en pratique, on pourrait gérer ce projet éducatif?

M. Désorcy (Bruno): Bien, je pense, il y a deux éléments à ma réponse, qui sont importants. Premièrement, il faut comprendre qu'il n'y a pas juste un projet éducatif religieux qui est discriminatoire au niveau de l'école de quartier, par exemple, les écoles internationales sont discriminatoires au niveau de l'école de quartier. Elles ne permettent pas à tous les enfants de pouvoir participer également à cette école-là et il faut avoir un certain rendement académique. Les programmes sports-études, c'est la même chose. Les écoles axées, avec des projets éducatifs, sur les beaux-arts, dans un certain sens sont aussi discriminatoires. Le seul problème, c'est que ces programmes-là ne sont pas protégés par la charte.

Mais dans le cas d'un projet éducatif axé sur la religion, il revient au conseil d'établissement de faire en sorte de surveiller et de veiller à ce que ce projet éducatif ne soit pas discriminatoire pour aucun groupe minoritaire dans l'école. Parce que, de toute façon, il n'y a pas juste la religion dans les projets éducatifs qui peut être potentiellement discriminatoire pour des élèves ou des minorités dans l'école, n'importe quel discours fondamentaliste, que ça soit sur la culture ou un discours social, ou un discours scientifique, peut être discriminatoire pour une minorité ou une autre à l'école comme telle.

Alors, moi, je pense que ça revient d'emblée au conseil d'établissement de veiller au grain là-dessus, qu'un projet éducatif de nature religieuse ne soit pas discriminatoire envers aucune minorité présente à l'école.

M. Legault: Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Maintenant, je passe la parole au député de Bertrand. M. le député.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Visser, Mme Jennaway, M. Jackson et puis M. Désorcy, merci pour votre participation à cette commission. Votre mémoire est très bien présenté et puis il a la qualité, en fin de compte, d'être très, très clair concernant les huit recommandations que vous nous avez faites.

Dans les groupes qui vous ont précédés la semaine dernière, le Centre justice et foi a fait une présentation qui rejoint beaucoup votre mémoire au niveau de l'enseignement religieux non confessionnel, d'un programme d'enseignement religieux non confessionnel. Et puis l'hypothèse qu'on nous a donnée à ce moment-là, je vous donne les quatre axes de leur hypothèse: le sens de la vie, le patrimoine religieux du Québec et de l'Occident, les grandes traditions religieuses et le développement de l'intelligence et du sens critique des élèves en matière religieuse. Bon, ça, c'est l'hypothèse de la mise en place d'un programme non confessionnel. Est-ce que vous achetez ces quatre grands axes?

M. Désorcy (Bruno): Ils sont très valides. Il faudrait que je puisse les lire, parce que vous avez mentionné...

M. Cousineau: Vous n'avez pas assisté à ces...

M. Désorcy (Bruno): Non, je n'ai pas assisté à la présentation comme telle, mais ce que j'entends, c'est que ça rejoint beaucoup d'ailleurs ce qui se fait déjà dans le programme d'enseignement moral et religieux protestant, je pense, tout ce qui est lié à la quête de l'essence, etc.

M. Cousineau: Oui. Bien, c'est ça. C'est basé, en fin de compte, sur le sens critique des élèves en matière religieuse.

M. Désorcy (Bruno): Oui, oui.

M. Cousineau: Donc, vous n'avez pas assisté à cette présentation?

M. Désorcy (Bruno): Non, non, je n'ai pas assisté à la présentation. Mais ça, tout le développement du sens critique, ça fait déjà partie du programme d'enseignement moral et religieux protestant comme tel. C'est des valeurs qui sont déjà présentes et que je ne peux qu'endosser.

M. Cousineau: D'accord. Écoutez, dans votre mémoire, vous êtes très brefs sur les services communs d'animation à la vie religieuse et spirituelle, d'accord? Puis vous semblez être en accord avec le rapport Proulx concernant ce petit chapitre. Quelles devraient être, selon vous, les qualifications du personnel au niveau de l'animation puis des services en question?

M. Désorcy (Bruno): Bonne question! Nous avons déjà développé, du côté protestant, un service d'animation qui est très semblable à ce qui est proposé, d'ailleurs, par le rapport Proulx et ce qu'on a repris dans notre mémoire pour la commission parlementaire. Nous avons aussi, au Comité protestant, un document qui relate toutes les compétences et les rôles des animateurs religieux. Ce qui est important de mentionner, c'est que, pour nous, les animateurs religieux protestants sont déjà des animateurs qui sont au service de toutes les confessions religieuses à l'école et qui, en ce sens-là, ne sont pas typiquement confessionnels, qui ne servent pas que les élèves protestants. Ils sont au service de toute la vie spirituelle de l'école, peu importe, telle qu'elle est. Je n'ai pas avec moi les différents rôles qu'on demande à ces animateurs-là de jouer mais, en grande partie, c'est d'être des animateurs de la vie spirituelle de l'école auprès de tous les intervenants, auprès de tous ceux et celles qui font partie de cette communauté-là qui est l'école.

La Présidente (Mme Charest): Est-ce que M. Jackson veut ajouter quelque chose?

M. Jackson (Graham P.): Non, Non.

La Présidente (Mme Charest): Non, ça va. Allez-y, M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Ça va? Bien, écoutez. Si, au terme de nos travaux, on arrivait à la conclusion qu'on doit continuer avec un enseignement confessionnel religieux catholique et protestant, au niveau des Églises protestantes, quel serait le groupe qui prendrait le leadership là-dedans?

M. Désorcy (Bruno): D'un cours d'enseignement moral et religieux protestant?

M. Cousineau: Oui, si on avait à continuer dans la même veine que ce qui existe présentement au niveau d'écoles confessionnelles religieuses catholiques et puis religieuses protestantes.

M. Désorcy (Bruno): Quelles seraient les Églises qui prendraient le leadership là-dedans?

M. Cousineau: Le leadership au niveau protestant.

M. Désorcy (Bruno): Bien, il y a déjà un groupe de travail, la Table de concertation sur la religion, sur l'éducation protestante, qui regroupe 25 des 26 dénominations présentes au Québec, qui, je le pense d'ailleurs, a fait une présentation à cette commission au mois d'octobre, qui est l'interlocuteur, dans la société civile en ce moment, privilégié, je pense, pour donner certaines orientations.

M. Cousineau: Donc, ce serait à cette Table de concertation?

M. Désorcy (Bruno): Oui, définitivement.

M. Cousineau: Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Bertrand. Maintenant, je passe la parole au critique de l'opposition officielle, M. le député Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Jackson, M. Désorcy, Mme Visser, Mme Jennaway, bienvenue. Merci pour votre mémoire. Et, d'entrée de jeu, une de mes premières questions est: On a entendu parler beaucoup du programme comme tel actuel d'enseignement religieux protestant. Plusieurs le citent en exemple sur l'évolution et qu'on est presque rendu... que ce programme-là pourrait être appliqué à l'ensemble et, selon la même veine, en faisant quelques variantes. J'aimerais que vous me décriviez quelques-unes des caractéristiques du programme actuel d'enseignement religieux protestant, religieux et moral protestant.

M. Désorcy (Bruno): En gros, le programme d'enseignement moral et religieux protestant est divisé en trois modules: il y a un premier module qui concerne l'histoire judéo-chrétienne – et ça, c'est à toutes les années, du primaire et du secondaire; le deuxième module concerne les grandes religions et les grandes traditions religieuses du monde – nous en avons retenu cinq; et un troisième module concerne le développement personnel et social.

À travers chaque année du primaire et du secondaire, nous avons choisi une valeur qui est importante pour la société québécoise. Je vous donne un exemple: en première année, c'est la famille. Et on développe le thème de la famille à travers les trois modules que je viens de vous mentionner. Au secondaire, un des thèmes, c'est la quête de sens. Et on développe la quête de sens, la notion de la spiritualité, la question de transcendance à travers ces trois modules.

M. Béchard: Juste à vous entendre, on voit les liens avec ce que vous proposez.

M. Désorcy (Bruno): Ce n'est pas très subtil. Ha, ha, ha!

M. Béchard: Ha, ha, ha! C'est presque mot pour mot mais vous avez certaines variantes, donc. Mais je vous dirais: Quelles seraient les prochaines étapes pour passer du programme que vous avez actuellement à ce que vous proposez? Est-ce qu'il y a des variantes majeures ou simplement on pourrait utiliser les mêmes fondements, la même base, la même méthode, selon ce que vous mentionnez, trois modules et un thème différent à chacune des années pour en arriver au type de cours que vous proposez?

M. Désorcy (Bruno): Je pense qu'une des étapes fondamentales, selon moi, c'est l'élaboration d'une commission multiconfessionnelle qui va veiller à probablement remodeler le programme, participer à remodeler le programme en fonction d'une autodéfinition des grandes religions, des grandes traditions religieuses à l'intérieur du programme et non une espèce de définition plaquée venant de l'extérieur sur eux qui les définisse, mais qu'eux, en tant que minorité religieuse, ne se reconnaissent pas nécessairement à l'intérieur de ça. Ça, je pense que c'est une étape fondamentale.

(11 h 40)

M. Béchard: Mais justement sur cette étape, vous êtes conscients que présentement le gouvernement est face à un choix. Je pense que le consensus à peu près partout, à part quelques groupes, c'est d'ouvrir, que ce soit par un cours de culture des religions ou soit par une multiconfessionnalité, mais d'avoir un enseignement plus de religion que de statu quo. Je vais vous poser la question fondamentale: Selon votre modèle, comment on peut déterminer ce qui sera enseigné à l'intérieur comme grande tradition et ce qui n'est pas... Où on arrête? Parce que, tantôt, le Conseil catholique proposait un mécanisme pour reconnaître, par exemple, que ce soit les communautés qui fassent la demande. Le même modèle pourrait-il s'appliquer dans la construction du type d'enseignement que vous proposez, c'est-à-dire sur le type de religion et les caractéristiques qui doivent être tenues à l'intérieur du cours que vous proposez?

M. Désorcy (Bruno): Historiquement, dans le cours d'enseignement moral et religieux protestant, nous avons retenu cinq grandes traditions religieuses comme telles. Nous avons retenu le christianisme – donc les catholiques protestants et les orthodoxes à l'intérieur de cette famille; la religion juive – le judaïsme; l'islam; le bouddhisme et l'hindouisme. En-dessous de ces cinq traditions-là, on tombe sous la barre des 0,1 % de représentation dans la société québécoise. Au-delà de ces cinq grandes traditions là. Ce qui est un fait important à retenir, moi, je pense que c'est de voir globalement ce que ça représente, surtout dans un contexte de mondialisation. Ces cinq grandes traditions religieuses représentent à peu près 78 % de l'héritage, de l'arrière-plan religieux de la population mondiale, 87 % de l'arrière-plan religieux de la population canadienne, 96 % de la population québécoise et 91 % de la population montréalaise. Alors, avec ces cinq groupes-là on couvre beaucoup de terrain, selon moi.

C'est évident que ces cinq groupes-là représentent aussi un choix et que tout choix, dans cette perspective-là, élimine certaines traditions au profit d'autres. Mais n'importe quel cours sur la religion, que ce soit le cours proposé dans le rapport Proulx ou d'autres, va être obligé de faire et d'établir ces choix-là et n'importe quel cours, dans ce sens-là, il va y avoir une certaine discrimination de faite dans n'importe quel programme sur la religion.

Nous avons essayé d'être le plus inclusifs possible à toutes les échelles pour voir ce que ces cinq groupes-là représentent, et nous, on s'est arrêté là parce qu'on pensait que c'était le plus représentatif de l'héritage religieux du monde dans lequel on vit. Maintenant, c'est certain, comme je vous dis, qu'il y a certains groupes qui n'en font pas partie mais, à ce prix-là, comme je vous dis, toutes les propositions de cours d'enseignement moral et religieux vont être discriminatoires parce qu'on ne peut pas tout enseigner. Ça, c'est certain.

M. Béchard: Justement, dans cette veine-là, je me pose la question. Pour être bien clair, le cours que vous proposez sera unique et obligatoire pour tous.

M. Désorcy (Bruno): Oui.

M. Béchard: Donc, il n'y a pas ce cours-là ou l'enseignement moral, il n'y a pas ce cours-là ou autre chose.

M. Désorcy (Bruno): Non.

M. Béchard: Mais justement, par rapport au caractère discriminatoire, il y a un élément qui a été amené et qu'on oublie souvent, c'est qu'il y a aussi un certain pourcentage de la population qui est carrément athée, qui ne croit pas, qui n'a aucune appartenance. Qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là dans le cadre de votre modèle? Est-ce qu'on les forcerait à avoir un enseignement religieux quand même?

M. Désorcy (Bruno): Je pense que c'est là que je trouve notre proposition innovatrice dans certain sens. Premièrement, comme je le répète, pour nous, c'est essentiel de pouvoir sortir de l'école secondaire avec une certaine culture, une certaine connaissance religieuse. Ça fait partie de l'éducation que nos enfants doivent avoir. Dans cette perspective-là, le choix d'un cours de morale dans le passé a toujours été donné en fonction d'un cours ou d'un programme confessionnel comme tel. Notre programme est non confessionnel en ce sens qu'il n'appelle pas les confessants mais aussi en ce sens que les limites et les frontières du programme, c'est le respect de toutes les croyances et le respect de la non-croyance.

M. Béchard: Ils seraient intégrés dans votre programme aussi?

M. Désorcy (Bruno): Oui, oui. Ça fait partie des frontières délimitées du programme, ce respect fondamental là pour toutes les croyances religieuses et le respect de ne pas croire, de ne pas faire le choix de croire à la signification de la religion. En ce sens-là, je pense qu'on efface la crainte de tous les parents là-dessus. Mais, comme je le disais aussi plus tôt, même dans ce cadre-là, même face au respect de ne pas croire, il est possible de parler de transcendance, il est possible de parler de spiritualité dans un contexte non confessionnel.

M. Béchard: Quand vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 5, que ça fait suite à votre recommandation 6, sur les projets éducatifs comme tels, vous dites: «Permettre aux conseils d'établissement de définir leur projet éducatif sans restriction législative quant à un contenu de nature religieuse.» Et vous mentionnez, à la page 5, vous en arrivez à la conclusion, qu'il faut permettre aux conseils d'établissement de définir... à peu près les mêmes conclusions sur le fait qu'on doit être capable de définir ce projet-là au niveau local.

Est-ce que ça veut dire ou est-ce que ça implique que vous pourriez avoir une certaine ouverture sur le fait que, si par un mécanisme quelconque l'école décide de se donner un projet éducatif de nature plus religieuse, c'est-à-dire catholique ou protestant ou autres, vous seriez ouvert à ce type d'accommodement là? Sinon, qu'est-ce que vous entendez au juste par un projet éducatif qui ne serait pas teinté, comme vous le mentionnez, de restrictions législatives au niveau de son contenu de nature religieuse?

M. Désorcy (Bruno): O.K. Définitivement, nous sommes ouverts à ce qu'une école, à ce qu'un conseil d'établissement puissent définir son projet éducatif de façon peut-être... je vais l'appeler ici «plus confessionnel», soit catholique, soit protestante ou autres. On est très ouvert à ça. C'est possible aussi de définir un projet éducatif de nature religieuse qui soit inclusif des différentes religions qui sont à l'école aussi. Mais ce qui est important pour nous, c'est de souligner qu'il ne faut pas, je crois, que le gouvernement fasse une loi qui va interdire la religion à l'école, légiférer dans le sens de permettre ou de ne pas permettre tel ou tel symbole à l'école.

Par exemple, il y a une école pas loin d'ici, St. Patrick, qui est une école catholique irlandaise. Qui d'entre nous pourrait aller dans cette école-là enlever tous les crucifix de chaque salle de classe, les photos du pape? On n'oserait pas faire ça. Et je pense que, dans ce sens-là, le gouvernement ne doit pas légiférer pour permettre ou ne pas permettre, qu'est-ce qu'elle permet qu'est-ce qu'elle ne permettra pas dans une école comme manifestation religieuse. Parce qu'il faut laisser ça au conseil d'établissement. Ça doit être défini à l'interne. Parce que c'est trop complexe, et les barrières, les frontières entre ce qui est religieux et culturel là-dedans sont tellement minces, qui pourrait faire le discernement?

M. Béchard: Mais, si je vous comprends bien, là, finalement, il pourrait y avoir plus qu'un modèle. Vous proposez un cours unique d'enseignement religieux qui est la base de votre mémoire. Ce que vous venez de nous dire, c'est que vous seriez aussi ouvert, à partir du moment où une école se donne un projet éducatif particulier, à respecter ce projet éducatif-là. Donc, on peut arriver... On a déjà deux types d'école comme tels, c'est-à-dire celle qui ne réussit pas à se donner de projet éducatif et qui dit: Bon, bien, on y va dans le sens de ce que vous proposez, puis vous auriez aussi les écoles où, par consensus, par tradition ou quoi que ce soit, le conseil d'établissement, les parents, les gens décident de se donner un projet éducatif basé sur une croyance, une appartenance ou sur une religion comme telle. Vous seriez ouvert à ces deux modèles-là.

M. Désorcy (Bruno): On est ouvert aux deux modèles. Par contre, ce qu'il faut comprendre ici, c'est que notre programme unique s'adresse à tous les modèles. Notre programme unique et non confessionnel d'enseignement sur la religion s'adresse à tous les modèles.

M. Béchard: Donc, c'est-à-dire que, même si le projet éducatif comme tel pourrait être teinté d'une confession religieuse, l'enseignement comme tel, le contenu, serait celui que vous proposez dans votre modèle?

M. Désorcy (Bruno): Oui.

M. Béchard: Il y aurait quand même un seul enseignement religieux, unique, partout au Québec. Peu importe que l'école se donne un projet éducatif plus catholique ou plus protestant, il y en a un seulement.

(11 h 50)

M. Désorcy (Bruno): Exactement. Sauf – et là je fais un bémol – ce qu'il y a d'intéressant, c'est que dans l'énoncé politique sur les programmes, il y a une espèce de 25 % de jeu qui permet à l'école de se doter d'un programme qui la reflète, qui reflète son milieu, son contexte, et ce 25 % là pourrait être utilisé afin de peut-être modeler ou faire un programme qui va refléter le contexte particulier du projet éducatif dans lequel se trouve cette école-là, mais pas en remplacement du programme unique. Avec ce programme-là, mais pas en remplacement.

M. Béchard: Qu'est-ce que vous faites, à ce moment-là, de la problématique des écoles publiques versus les écoles privées? Quand vous parlez de ce même modèle-là, vous l'appliquez donc – si je suis votre raisonnement – aussi aux écoles privées qui existent actuellement et malgré... Vous ne donnez pas de statut particulier à une école privée, c'est-à-dire qu'une école privée ne pourrait pas, en plus d'avoir, je dirais, un statut confessionnel, disons, pourrait dire: Comme nous sommes une école privée, on ne veut pas du cours comme tel d'enseignement religieux unique, mais on va se donner... on a vraiment un projet... on est une école privée, disons, catholique, on a un statut catholique, un projet éducatif catholique et on va avoir un enseignement catholique. Votre raisonnement, c'est de dire oui aux deux premiers mais, au troisième, sur l'enseignement dans le privé aussi, ça sera le même et unique enseignement religieux?

M. Désorcy (Bruno): Mais est-ce qu'une école privée peut refuser d'enseigner les mathématiques? Non, je ne pense pas.

M. Béchard: O.K.

M. Désorcy (Bruno): Donc, je ne verrais pas pourquoi une école privée refuserait d'enseigner un cours qui fait partie du curriculum.

M. Béchard: Donc, si elle veut se donner une couleur plus catholique, il faudrait que ce soit des cours en surplus du cours que vous amenez?

M. Désorcy (Bruno): L'énoncé de politique sur les programmes prévoit ce 25 % là d'espace pour se donner un programme plus contextuel.

M. Béchard: O.K. Sur la mise en place comme telle de ce que vous proposez et son étendue à la grandeur des écoles au Québec, le parallèle que vous faites avec le cours qui existe déjà actuellement fait en sorte que sur le contenu, vous avez déjà une bonne idée du contenu et de son application et des éléments qui sont là. Mais en ce qui a trait, par exemple, à la formation des maîtres, le fait d'étendre comme tel partout au Québec, combien de temps vous prévoyez que ça pourrait être nécessaire pour mettre en place votre proposition et l'étendre à toutes les écoles au Québec?

M. Désorcy (Bruno): C'est une question qu'on s'est posée aussi sur cette faisabilité de voir à quel terme ça peut s'installer. Notre programme d'enseignement moral et religieux a pris huit ans, de 1980 à 1988, si je ne m'abuse, pour pouvoir se réaliser et s'implanter dans les écoles du Québec. Moi, je verrais, en tout cas, au gros minimum un laps de temps significatif pour premièrement, comme je le disais plus tôt, mettre sur pied la commission multiconfessionnelle et ensuite travailler peut-être de façon graduelle à une implantation du programme à travers le primaire et le secondaire. Alors, de dire une période temps particulière, probablement quelque chose autour de cinq ans serait réaliste comme telle.

M. Béchard: Cinq ans, vous dites?

M. Désorcy (Bruno): Dans une implantation graduelle, oui. Je pense que c'est réaliste de penser à quelque chose autour de cinq ans. C'est réaliste de penser à ça dans une implantation graduelle du programme. Ce n'est pas possible d'arriver en septembre 2000 avec un nouveau programme pour tous les niveaux. On s'entend là-dessus, là, c'est très clair.

M. Béchard: Il y a quelque chose, moi, qui – puis j'aimerais en discuter avec vous – me soulève plusieurs interrogations dans le contexte du choix des parents. Vous mentionnez à plusieurs reprises qu'il faut respecter le choix des parents, soutenir les droits des parents et des élèves en milieu scolaire. Une grande question que je me pose depuis le début – peut-être que je comprends mal ces choix-là – comment peut-on continuer de dire qu'on va respecter et soutenir les droits et les choix des parents quand on n'offre finalement plus qu'un seul choix, surtout dans le cas où vous dites: Il va y avoir un enseignement religieux unique partout? Comment peut-on, en même temps, dire qu'on respecte le choix des parents? Si dans une école, par exemple, je ne sais pas, chez nous, dans le Bas-du-fleuve ou ailleurs, le choix des parents, c'est à 98 % d'avoir de l'enseignement religieux catholique, comment peut-on prétendre qu'on respecte ce choix-là alors que finalement on ne donne qu'un seul choix?

M. Désorcy (Bruno): O.K. Je suis très content que vous posiez la question là-dessus.

M. Béchard: Ah oui? Vous étiez prêt?

M. Désorcy (Bruno): Oui.

M. Béchard: Ce n'est pas une question plantée, ne vous inquiétez pas. Ha, ha, ha!

M. Désorcy (Bruno): Non, non, je suis content parce que je pense que ça clarifie les choses.

La Présidente (Mme Charest): Alors, il vous reste deux minutes pour nous expliquer tout ça.

M. Désorcy (Bruno): Je vais le faire dans moins de temps, promis. Le choix des parents, pour nous, se pose à la question du projet éducatif de l'école. C'est là qu'on ouvre très grand la porte à la volonté locale des parents de s'autodéfinir.

D'un autre côté, on propose un programme unique et non confessionnel. Ça peut paraître aller contre le choix des parents, peut-être, à ce niveau-là, mais pour nous, ça ne va pas du tout à l'encontre du choix des parents parce qu'on veut donner justement aux parents qui désirent et qui ont eu un enseignement confessionnel de la religion depuis des années, on veut leur donner un cours d'enseignement moral et religieux, un programme d'enseignement moral et religieux qui soit très significatif. Et c'est pour ça qu'on inclut des thèmes comme la spiritualité et la transcendance. On veut répondre à leurs besoins dans ce sens-là.

Mais le choix des parents tel que présenté dans notre mémoire s'applique au niveau des projets éducatifs. C'est là qu'on ouvre toute grande la porte au choix et aux volontés locales des parents.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Mesdames, messieurs du Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation, merci pour cet échange.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): Nous allons reprendre les travaux. Je demanderais à M. Jean-Claude Huot de prendre place à la table. M. Huot. Je rappelle que le temps réparti à cette intervention est de 30 minutes au total. Donc, M. Huot, vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire et, de chaque côté de la table, on échangera avec vous 10 minutes-10 minutes. Merci. Allez-y.


M. Jean-Claude Huot

M. Huot (Jean-Claude): Bon, je commencerai en disant que le rapport Proulx n'est pas tant le résultat d'une enquête plutôt que le développement d'une thèse. Il y a 35 ans, les tenants de l'école laïque nous firent croire qu'il était nécessaire de laïciser les écoles pour entrer dans la modernité et l'égalité. Le système éducatif, avec le rapport Parent, s'est avéré un échec qui n'a fait que renforcer l'insatisfaction des parents chrétiens. Nous avons perdu notre culture classique qui faisait l'orgueil de notre classe professionnelle, nous avons nivelé le système d'éducation par la base au niveau de la culture de variétés, nous avons détruit le bon apprentissage du français à partir des méthodes actives. Il n'y avait pas de raison d'aller aussi loin pour obtenir de si piètres résultats.

(12 heures)

Le rapport Proulx, qui est l'objet de cette commission, voudrait aller encore plus loin avec son concept de laïcité ouverte et d'enseignement culturel des religions. Pendant 35 ans, nous nous sommes laissés impressionner par l'esprit des lumières du XVIIIe siècle, quoiqu'en dise le Mouvement laïque québécois qui nous prend pour des éteignoirs. Disons que pour calmer les parents chrétiens de l'époque, un compromis sociopolitique était intervenu en 1964 entre l'État et les autorités religieuses concernant les aménagements professionnels scolaires. Aujourd'hui, l'essentiel de cet arrangement, qui assurait l'accès à une formation morale, spirituelle et religieuse conforme aux convictions des parents chrétiens, est en péril. Le rapport Proulx remet tout en cause. Ce qu'il est convenu d'appeler les écoles chrétiennes – catholiques et protestantes – risque de disparaître par les pressions des tenants de l'option laïque qui contrôlent cette démocratie «politically correct» du Québec qu'ils voudraient encore une fois niveler vers le bas. Le pacte entre l'État, l'Église et les parents sera définitivement rompu quand on aura perdu les clauses «nonobstant».

Est-il politiquement sensé pour un État de déposséder la majorité de ses citoyens de son patrimoine ancestral religieux pour inculquer une nouvelle religion? Il ne faudrait pas se surprendre de la volonté des citoyens chrétiens de vouloir garder les clauses dérogatoires après 2001. Les parents catholiques voudront garder ces clauses pour se protéger contre les forces du mal qui ont défié Dieu et qui prétendent pouvoir leur imposer une religion humaniste de type maçonnique: la laïcité ouverte.

Le ton et les conclusions du rapport Proulx, qui se veulent obligatoires, nous font croire que nous devrions revenir au temps d'avant la Révolution tranquille, dans une nouvelle forme d'intégrisme, l'intégrisme laïque d'État. Jamais on n'était allé aussi loin en France au siècle dernier. À notre sens, le rapport Proulx jette de l'huile sur le feu et encourage sur la place publique un affrontement idéologique entre les intégristes laïques et les parents chrétiens vivant selon leur foi et qui tiennent à conserver leurs droits ancestraux.

Alors, qu'est-ce que le rapport Proulx, finalement? Même s'il est présenté dans une logique rigoureuse, comme une thèse, le rapport Proulx, pour les parents en général et les parents chrétiens en particulier, ne peut pas être autre chose qu'une authentique oeuvre d'imposture. Il prive les parents chrétiens de leur droit de décider en matière éducationnelle en relation avec leur foi. Ce rapport est un acte de persécution religieuse des religions traditionnelles au nom de la Charte des droits de l'homme. En fait, ce rapport met en cause plusieurs disciplines: la théologie, l'éthique, la jurisprudence, la pédagogie, la sociologie, les sciences politiques et même la Déclaration des droits de l'homme, etc. Il entre dans le domaine de l'idéologie politique et propose une solution globale pour résoudre une problématique existentielle complexe. Pour dénoncer ce genre de méthodologie, 52 lauréats du prix Nobel avaient lancé l'appel d'Heidelberg lors du Sommet de la Terre, à la Conférence de Rio, en 1992, en déclarant irrationnelle l'écologie dure qui ambitionnait de solutionner globalement la problématique du club de Rome.

Le rapport Proulx, à l'instar de l'écologie dure, propose, lui aussi, une solution globale. Il s'ajoute à la liste des thèses idéologiques et irrationnelles pensées par des gens qui vivent en dehors de la réalité. Ce rapport, pour les catholiques qui sont fidèles à l'enseignement de Jean-Paul II, nous semble une hérésie. Le rapport Proulx est présenté par Jean-Pierre Proulx comme étant l'expression de la vérité la plus authentique, comme un dogme de foi. Seuls les intégristes procèdent de cette façon, et ils font preuve d'intolérance.

Alors, nous savons qu'il existe un courant de pensée qu'une très petite minorité de Québécois, associée en général au Mouvement laïque québécois, voudrait dominant. Ce courant de pensée proclame très fort les mensonges de l'Église catholique – et là je cite un livre par M. Baril, qui s'appelle Les mensonges de l'école catholique, les insolences d'un militant laïque , paru en 1995 – et qu'il est politiquement correct d'être insolent pour les parents catholiques, car, eux, ils n'ont pas droit aux chartes. Ils ne font pas partie du club des groupes de pression de la démocratie qui ont le droit, en toute liberté, d'imposer leurs valeurs non chrétiennes dans les écoles, comme on est en train de le faire pour la culture gaie.

Alors, je pourrais citer Gaston Bachelard qui disait que «l'imposture est à la science véritable ce que le Canada dry est à l'alcool». Dans le cas du rapport Proulx, on peut parler surtout d'un rapport qui, au point de vue des idées, est fort en quantité, mais faible en qualité et dont les conclusions ne respectent pas la logique des 200 premières pages. Disons que les 32 dernières pages du rapport, qui en a 282... Les 32 jusqu'à la conclusion ne sont pas conformes à tous les modèles qu'il a développés dans les 200 premières pages, et ça, à mon sens, c'est déjà une des grandes faiblesses dans ce rapport-là.

Alors, quelle est la thèse du rapport Proulx? L'hypothèse principale, c'est qu'il dit: Étant donné que l'évolution culturelle et démocratique du Québec a conduit à une société pluraliste et laïque de fait, l'option choisie est d'enlever une fois pour toutes les religions traditionnelles de l'école au nom de ces valeurs fondamentales que sont l'égalité devant la loi et la non-discrimination.

Ensuite de ça, il y a deux axiomes. On dit que l'école confessionnelle va à l'encontre de la Charte des droits et libertés du Canada et qu'elle ne peut être maintenue par une clause dérogatoire, donc elle est fondamentalement illégale et potentiellement discriminatoire. Deuxième axiome: La liberté réclamée pour chaque groupe religieux là où le nombre le permet rendrait complexe l'organisation scolaire, mais surtout elle empêcherait l'intégration des nombreuses ethnies dans une culture de valeur commune. Donc, l'école commune et laïque est socialement nécessaire.

Le rapport Proulx essaie-t-il de solutionner les problèmes causés par la célèbre saga de l'école Notre-Dame-des-Neiges qui avait amené, en 1988, sous l'autre gouvernement, la loi 107 permettant la création des commissions scolaires linguistiques? Cette loi ouvrait la porte à des enseignements religieux autres que catholique et protestant, c'est-à-dire provenant ou pouvant provenir des religiosités parallèles, ce qu'on appelle les sectes.

Pour justifier leur fausse problématique, les auteurs du rapport Proulx iront jusqu'à adopter la politique de la Commission des états généraux en éducation qui prône l'abandon des clauses dérogatoires et demanderont aux députés québécois de reconnaître de facto une charte et une constitution qu'aucun parti politique n'a entérinées en 1982.

La Présidente (Mme Charest): Il vous reste deux minutes, M. Huot.

M. Huot (Jean-Claude): O.K. Alors, disons que je vais passer à mes conclusions.

Si l'État du Québec est devenu totalitaire et veut imposer des valeurs communes qui ne sont pas celles des parents, mais les valeurs pédagogiquement correctes de la mondialisation, le rapport Proulx est compréhensible. Si l'État du Québec a remplacé l'Église et veut promouvoir sa propre religion, le rapport Proulx s'explique par lui-même et est un acte d'antichristianisme d'État qui fait penser à l'antisémitisme d'État du maréchal Pétain. Peut-être un jour nous obligera-t-on à porter une croix, comme les Juifs une étoile à la Deuxième Guerre mondiale. Quelle est cette nouvelle tartufferie qui, tout d'un coup, mélange politique et religion à l'école? Le principe de neutralité politique en démocratie ne commande-t-il pas que la religion soit mise en dehors de la politique, spécialement dans le domaine de l'éducation?

Le rapport Proulx est une insulte pour l'intelligence, une ignominie pour les parents chrétiens. Les recommandations du rapport Proulx ne sont pas acceptables pour les parents chrétiens qui ne désirent pas trahir la foi de leurs ancêtres. Elles sont de plus basées sur un dirigisme étatique pratiqué par les États totalitaires dans les pays exerçant la discrimination contre la démocratie scolaire.

Nous rejetons la solution finale, globale, mur à mur qu'est l'enseignement culturel des religions ainsi que le concept de pensée séculière qui devait servir de pierre d'angle à cet enseignement. Nous recommandons que le rapport Proulx soit rejeté dans sa totalité et que la laïcité ouverte de type jacobin...

La Présidente (Mme Charest): C'est terminé. Il reste une phrase? Allez-y.

M. Huot (Jean-Claude): ...soit remplacée par la...

La Présidente (Mme Charest): Il vous en restait une?

M. Huot (Jean-Claude): Non.

La Présidente (Mme Charest): Non, ça va? Je m'excuse, je ne l'avais pas sous les yeux. Merci, M. Huot. M. le ministre de l'Éducation, 10 minutes.

M. Legault: D'abord, merci, M. Huot, pour votre mémoire. Comme vous le savez, le présent débat est un exercice qui est hautement démocratique, et puis on reçoit des personnes et des groupes qui sont de toutes tendances. Et, justement, on constate qu'il y a une grande diversité au Québec, et puis ce qu'on essaie de chercher ensemble avec les différents groupes, c'est un consensus. Qui dit consensus, dit, à un moment donné, faire certains compromis pour arriver à une solution qui est peut-être à mi-chemin entre la position de différents groupes, de différentes options.

Dans votre mémoire, bon, c'est bien clair, je pense que vous n'êtes pas très d'accord avec le rapport Proulx. Vous nous dites, en terminant votre rapport: «Nous rejetons la solution finale, globale, mur à mur qu'est l'enseignement culturel des religions ainsi que le concept de la pensée séculière qui devait servir de pierre d'angle à cet enseignement.» Et vous terminez en disant: «Nous recommandons que le rapport Proulx soit rejeté dans sa totalité et que la laïcité ouverte de type jacobin soit remplacée par la confessionnalité ouverte de type communautaire telle que pratiquée actuellement dans les écoles.»

Bon, c'est à peu près la seule partie où je retrouve dans votre mémoire ce que vous proposez, j'aimerais peut-être que vous nous disiez un peu ce que, vous, vous proposez.

(12 h 10)

M. Huot (Jean-Claude): D'accord. Écoutez, premièrement, je suis contre un changement drastique, une application, disons, globale d'une nouvelle forme d'enseignement religieux qui pourrait ressembler à ce qu'on appelle l'enseignement culturel. Moi, je voudrais garder le pluralisme. Je ne voudrais pas qu'on perde cette tradition de pluralisme qu'on a au Québec parce que la richesse... si on veut garder notre culture, il faut baigner dans le pluralisme, sinon on va détruire nos racines religieuses et on va détruire notre culture. Et, moi, je pense que ce qu'il faut concevoir actuellement, c'est une ouverture pour qu'on ne perde pas nos racines judéo-chrétiennes.

Je pense que, depuis 35 ans, on a beaucoup perdu de nos racines judéo-chrétiennes par ce genre, déjà, de laïcisation, le fait que les communautés religieuses, il y a eu un désengagement, surtout dans le premières années de l'école que... Parce que l'enseignement, actuellement, je dirais que les écoles sont pratiquement déconfessionnalisées. Ça, il ne faut pas se... Le rapport Proulx le dit lui-même, dans son rapport, et je sais qu'il fait un effort pour essayer de ramener quelque chose à l'intérieur, un enseignement culturel, mais je pense que d'appliquer un enseignement unique, à mon sens, dans le danger des sectes, actuellement, que l'on vit, surtout dans les grands centres urbains... On voit actuellement cette prolifération de différentes religions, et je pense qu'il nous faut, à l'école, que les grands courants confessionnels soient encore présents, que cet enseignement-là soit amélioré. Il y a beaucoup de choses à faire actuellement pour... Il faut faire quelque chose, il ne faut pas faire table rase puis dire: On enlève tout.

Moi, je verrais de demander aux confessionnalités, aux Églises de peut-être faire un effort, de nous dire qu'est-ce que c'est, par exemple, qu'un enseignement religieux, qu'elles définissent qu'est-ce que c'est, une école chrétienne. Et la même chose pour les autres religions, les cinq grandes religions, comme on a dit, et qu'on ait des critères pour regarder, valider les programmes qu'on a actuellement. Je crois que les programmes, actuellement, ne sont certainement pas suffisants. Si on regarde les résultats de la génération qui a passé à travers ça, la plupart n'ont pas de convictions chrétiennes. Je sais que ce n'est pas à l'école de faire ça, c'est aux parents. Peut-être aussi les parents devraient faire un examen de conscience dans ça, participer à ça, et les Églises devraient aider aussi les parents à repenser tout cet aspect-là. Et je pense que ce n'est pas juste le gouvernement qui doit résoudre le problème, les Églises doivent résoudre le problème, les parents font partie de la solution. Alors, moi, disons que c'est ça, mon...

M. Legault: Mais, je reviens sur ma question: Qu'est-ce que vous proposez? Est-ce que vous proposez qu'on enseigne seulement la religion catholique et protestante? Est-ce que vous ouvrez aux cinq religions? Qu'est-ce que vous pensez du statut confessionnel des écoles? De façon pratique, là, qu'est-ce que vous proposez sur les grands projets, là?

M. Huot (Jean-Claude): Moi, je pense qu'il faut respecter aussi les besoins. S'il y a des besoins pour des religions autres que catholique et protestante et si le bassin de la population le demande, je pense qu'il faut répondre à ça. Je ne crois pas qu'il faille essayer de faire une lutte contre certaines religions pour d'autres religions. Il faut avoir un certain concept, mais je pense que le catholicisme est plus tolérant qu'il l'était il y a 35 ans. Il y a 35 ans, je suis sûr que je n'étais pas d'accord avec ce qui se passait où on refusait des gens, on faisait de l'exclusion. Seuls les catholiques allaient dans les écoles catholiques, et c'est normal qu'il y ait eu un changement, parce qu'on ne peut pas dire que les chrétiens, dans ce temps-là, étaient plus chrétiens que les chrétiens d'aujourd'hui.

Le catholicisme était beaucoup plus proche du pouvoir et pratiquait aussi le pouvoir, et je pense qu'aujourd'hui les catholiques ont changé. On a une nouvelle génération, disons, de catholiques qui sont plus ouverts à ces choses-là et qui sont prêts à collaborer, même, dans les écoles, à accepter toutes sortes de dénominations religieuses et à participer à ça. Je pense que c'est fini, ce temps de guerre des religions comme autrefois et je pense qu'il faut être ouvert, il faut être démocratique et appliquer tous ces concepts-là. Mais, tout de même, il ne faut pas imposer. C'est ça que, moi, je suis contre. Je suis contre d'imposer une solution drastique obligatoire, totalitaire. Ça, ce n'est pas conforme à notre démocratie québécoise.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Huot. Merci, M. le ministre. Maintenant, je demanderais à Mme la députée de Prévost.

Mme Papineau: Merci, Mme la Présidente. M. Huot, en lisant l'abrégé de votre mémoire puis en lisant votre mémoire également, on perçoit, hein, votre grande insatisfaction en regard du système scolaire public. Même, cette insatisfaction, elle est bien transmise dans votre mémoire quand vous dites en page 1: «L'État, au Québec, doit se mettre à l'écoute de l'Église et des parents chrétiens pour transmettre les valeurs chrétiennes, et pas autre chose.»

M. Huot (Jean-Claude): C'est ça.

Mme Papineau: Alors, je peux comprendre que les parents chrétiens aient des attentes en regard de l'école, mais je dois comprendre aussi que les parents non chrétiens ont aussi des attentes légitimes en regard de l'école. Alors, comment le gouvernement, soucieux du bien commun pour l'ensemble des citoyens, pourrait-il ne satisfaire que les parents chrétiens même s'ils sont majoritaires?

M. Huot (Jean-Claude): Bien, disons que je comprends tous les principes des chartes d'égalité, mais je pense que les parents chrétiens qui paient des taxes ont aussi des droits. Évidemment, je sais que la communauté juive, elle, a ses propres écoles, qu'elle les finance pratiquement elle-même. Ce serait idéal que, nous autres, les catholiques, on ait un système comme ça, mais, traditionnellement, notre système est ce qu'il est, et je pense que les chrétiens, étant donné qu'ils sont une majorité, ont aussi des droits de réclamer une éducation. Surtout, ce qu'ils réclament, c'est que, sachant que tout professeur transmet des valeurs... Que ce soit un professeur de français ou un professeur de mathématiques, il va transmettre des valeurs. Si c'est un athée, il va transmettre des valeurs athées, et ça, c'est un peu aussi l'inquiétude, c'est un peu de s'assurer qu'au moins il y a un minimum de valeurs chrétiennes qui soient transmisse dans les écoles, même en dehors de cours de religion.

Mme Papineau: Est-ce que je peux continuer ou si...

La Présidente (Mme Charest): Il reste une minute, alors il va falloir faire vite. Allez-y.

Mme Papineau: Mais ceux qui ne sont pas chrétiens. Est-ce que le gouvernement doit se soucier également du bien commun de tous les citoyens, finalement?

M. Huot (Jean-Claude): Oui, je suis d'accord, ils paient des taxes comme tout le monde.

Mme Papineau: Alors, comment il peut ne pas satisfaire aussi les parents qui ne sont pas chrétiens?

M. Huot (Jean-Claude): Bien, je n'ai pas dit qu'il fallait satisfaire les parents chrétiens au détriment des parents non chrétiens, je pense qu'il faut satisfaire les deux.

Mme Papineau: Oui. C'est parce que vous me dites: Les valeurs chrétiennes, pas autre chose.

M. Huot (Jean-Claude): Bien, dans ma tête – je vais essayer de vous l'expliquer – c'est que quelqu'un de laïc, par exemple, va transmettre des valeurs souvent antichrétiennes, c'est ça. Il s'agit de lire le livre de Baril sur les mensonges, de comprendre que ces gens-là, souvent, font la persécution des catholiques, même dans les écoles. Alors, moi, ce que je n'aime pas depuis 35 ans, c'est ce qui s'est passé dans les écoles où on a fait la persécution des valeurs chrétiennes, et c'est un peu dans ce sens-là que j'ai écrit ça.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Je suis désolée, il faut que je passe la parole au député de l'opposition. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

(12 h 20)

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Huot, bienvenue et merci pour votre mémoire. En tout cas, comme plaidoyer en faveur du rejet du rapport Proulx, je vous dirais que c'est le meilleur mémoire qu'on a eu à date. Mais je vous dirais que, effectivement, sur les solutions et les alternatives, il faut regarder comment on peut réussir, à la fois en respectant les chartes, autant québécoise, en respectant l'article 41 sur le droit des parents, à mettre en place un modèle qui est applicable. Et un des éléments qui ressort beaucoup de cette commission-ci, c'est, entre autres, sur le recours aux clauses dérogatoires, et la plupart des gens, pour ne pas dire une très grande majorité, sont d'accord pour dire que finalement peu importe de quelle école on est, où qu'on se situe, c'est-à-dire en faveur d'une laïcisation complète ou partielle ou même en faveur d'une multiconfessionnalité, il y a moyen d'arriver avec des solutions qui permettraient d'éviter le recours aux clauses dérogatoires. Est-ce que, dans votre optique, la solution, l'alternative que vous proposez pourrait éviter d'avoir recours aux clauses dérogatoires? Et est-ce que vous croyez qu'il est possible de mettre en place un modèle d'enseignement religieux à l'école, que ce soit multiconfessionnel ou de culture des religions, qui permette d'éviter le recours aux clauses dérogatoires?

M. Huot (Jean-Claude): Écoutez, je sais que beaucoup de gens ont réfléchi sur ça, j'ai essayé de réfléchir dans les derniers six mois, parce que ça, c'est un domaine dans lequel je n'étais pas, nécessairement, moi, très impliqué, dans tout ce domaine de l'éducation, comme les gens de la CEQ ou ces gens-là qui ont, depuis des années, milité dans les états généraux, ces choses-là. Je pense que les clauses dérogatoires, à mon sens, si elles sont là, c'est bien pour protéger, justement, les parents catholiques et je ne sais pas comment on pourrait trouver une solution à l'heure actuelle qui pourrait, dans le cadre actuel, éliminer les clauses dérogatoires. Moi, je pense que le fameux professeur de l'Université Laval qui est venu...

M. Béchard: M. Garant.

M. Huot (Jean-Claude): Garant. Moi, je me place dans ce que M. Garant a dit. Je suis d'accord avec lui que ces clauses-là, actuellement, ont une place à jouer et j'aimerais peut-être qu'on essaie d'améliorer tout cet aspect-là dans la juridiction. Un type comme M. Garant pourrait certainement vous aider à solutionner ce problème-là au niveau des clauses dérogatoires.

M. Béchard: Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas un tenant du statu quo, nécessairement...

M. Huot (Jean-Claude): Non. Non, absolument pas.

M. Béchard: ...vous êtes prêt à ouvrir à d'autres confessions, à la mise en place d'autres programmes. Selon vous, sur quelle base et comment pourrait-on en arriver à déterminer, par exemple dans une école X, qu'il doit y avoir de l'enseignement catholique, de l'enseignement, par exemple, protestant, de l'enseignement musulman, ou autre? Quel serait le processus ou le mécanisme qui permettrait de dire ou de décider, que ce soit par la commission scolaire, par l'école, par... Qui pourrait, en bout de ligne, décider si, oui ou non, il doit y avoir plus d'un type d'enseignement religieux dans une école?

M. Huot (Jean-Claude): Je pense que cette question-là, vous l'avez posée plusieurs fois. Je pense que vous la posez à chaque fois qu'il y a quelqu'un qui vient ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Exactement. Je suis conséquent avec moi-même, on ne pourra pas m'accuser d'incohérence.

M. Huot (Jean-Claude): Mais je pense que la réponse qu'on vous donne la plupart des fois, c'est: C'est à la commission scolaire elle-même, au comité lui-même, par consultation avec les parents, de voir à trouver une solution si le nombre le permet. Et, moi, je suis d'accord que ce problème-là doit être résolu sur place, sur le chantier. Non, je pense que c'est aux gens qui connaissent leurs besoins, comme les parents qui réclament ce droit d'être consultés, de faire partie de cette solution-là et non pas de toujours avoir la sensation qu'ils font partie du problème.

M. Béchard: Est-ce que vous croyez que l'enseignement religieux qui se donne actuellement... Et, surtout, si on y va avec de nouveaux programmes, est-ce qu'on doit avoir de meilleurs mécanismes de suivi sur la façon dont, justement, est enseignée la religion dans nos écoles, sur ce qui est inclus, sur quelle sera la formation des maîtres, les programmes, et tout ça? Quelle est votre vision là-dessus?

M. Huot (Jean-Claude): Définitivement, je pense que, il y a 35 ans, c'est là où l'erreur a été faite. C'est que, quand on a déconfessionnalisé, on a fait ça à froid, tout d'un coup, et on a réécrit des livres, on a enlevé le nom de Dieu dans les livres, on a essayé de rendre ça... Comme vous l'avez vu, il y a certains groupes qui sont venus et qui ne sont pas des religions tellement reconnues et qui, eux autres, voudraient faire partie de ça, mais je pense que les religions traditionnelles ont toujours voulu faire partie de ces choses-là, ont toujours voulu avoir un droit de regard. Autrefois, l'Église avait droit de regard. En fait, c'était peut-être un peu trop fort, parce que le ministère de l'Éducation, ça appartenait à l'Église, comme, je pense, la voirie appartenait à l'Ordre des ingénieurs au temps de Duplessis. Ça n'avait pas de sens, ce système-là. Mais c'est normal que les Églises aient un droit de regard de ça et essayer de trouver une façon d'avoir une meilleure communication avec ces gens-là. On est au siècle de la communication, la communication a remplacé le progrès, alors essayons de trouver une façon de communiquer avec ces mouvements religieux. Je ne sais pas si ça serait ce groupe interreligieux ou cette régie qui avait été proposée. Je ne sais pas, il faut trouver un mécanisme pour être capable de l'avoir, cette communication.

Et là, si on pouvait avoir une seule amélioration avec ce fameux rapport là, si on pouvait arriver à quelque chose, une seule chose qui serait ça, au moins de trouver un mécanisme pour que les parents catholiques se sentent assurés qu'au moins ceux qui s'occupent de leur religion font le contrôle de la qualité. On parle tellement du contrôle de la qualité aujourd'hui. Alors, c'est un peu ça, hein, trouver un moyen que les organismes religieux aient un peu un droit de regard et puissent essayer de donner un genre d'imprimatur ou, je ne sais pas, une façon, une approbation qui soit acceptable. Alors, on pourrait faire une amélioration sur les 35 dernières années, et ça, pas juste le faire pour les catholiques, mais pour les protestants, pour les autres.

M. Béchard: Il nous reste seulement quelques minutes. Justement, là-dessus, il y a des gens qui ont proposé d'aller jusqu'à... que ce soient les communautés religieuses elles-mêmes qui viennent donner l'enseignement ou qui viennent offrir des périodes, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur. Mais, sur l'ensemble de cette idée-là, que ce soient des communautés religieuses qui soient maintenant chargées d'assumer l'enseignement comme tel, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Huot (Jean-Claude): Bien, ça, je ne pense pas que tout le monde soit d'accord avec ça, là, c'est très délicat. Premièrement, moi, je pense qu'il faut trouver une façon de le faire. Si on pouvait avoir des laïques qui font ça... Aujourd'hui, c'est les laïques, dans la religion catholique, qui vont sauver l'Église. Ce n'est pas la hiérarchie de l'Église actuellement, ce sont les laïques. Et, si on pouvait trouver des laïques qui ont la foi et qui veulent... Il y a des professeurs d'université aujourd'hui, j'en connais, qui sont prêts à le faire, qui sont prêts à aller à l'école, aider, à aller dans leur paroisse, aider. Et je pense que ce sont des gens de même, ce sont des laïques qui ont des convictions, qui ne sont pas nécessairement des prêtres et des soeurs, dans ce sens-là, mais des gens qui auraient un certain contrôle, là, de leur communauté.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Huot. Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, aux avis des commissions parlementaires. Merci, bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

(Reprise à 15 h 15)

La Présidente (Mme Charest): J'inviterais les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à prendre place, à se présenter. Vous avez 20 minutes pour votre exposé. Merci.

Mme Houda-Pepin: Je voudrais auparavant, Mme la Présidente, demander à mes collègues la permission de siéger avec vous, de peut-être intervenir sur le mémoire de la Commission. Sachant que concurremment il y a la commission des finances publiques qui siège, dont je suis membre, je vais vous quitter après le mémoire, mais je voudrais quand même demander la permission au ministre et à mes collègues.

La Présidente (Mme Charest): Oui, il n'y a pas de problème, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Merci.

La Présidente (Mme Charest): Alors, allez-y.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJQ)

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Bonjour, je suis Jennifer Stoddart, je suis vice-présidente à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis accompagnée aujourd'hui par mon collègue, Me Pierre Bosset, directeur de la recherche de la Commission.

Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous avoir invités aujourd'hui pour vous présenter notre perspective sur la réforme de la place de la religion dans l'école. Notre présentation aurait deux volets. Moi, je vais traiter du droit à l'exercice de la religion, de la conscience, du droit à l'égalité et des conséquences qui en découlent. Mon collègue va parler de l'article 41 de la Charte, des clauses dérogatoires et du droit international.

D'abord, je veux souligner la perspective dans laquelle la Commission fait sa présentation. Je sais que vous avez tous reçu notre mémoire. Premièrement, l'importance du contexte historique québécois. On sait que le Québec est une société tolérante où coexistent différentes cultures et religions. On sait aussi que le Québec a une longue expérience dans l'adaptation à la diversité tout en maintenant une forte identité comme société à majorité francophone et catholique.

La question qui est devant nous comme société aujourd'hui est essentiellement celle du meilleur moyen de reformuler cette tradition de tolérance et de diversité tout en continuant de respecter l'héritage culturel et religieux de la majorité des Québécois. Ce n'est pas simplement une question, comme on a dit, d'une approche qui respecte le patrimoine religieux québécois contre une approche juridique qui serait stérile et désincarnée. On a donc un régime qui a fonctionné admirablement bien à travers l'histoire dans le contexte des deux grands courants religieux en présence à cette époque-là. Le défi que nous avons donc comme société est de penser à nouveau comment aménager une place pour tous, compte tenu de ces traditions importantes, la tradition de tolérance et la tradition identitaire.

Ceci m'amène au deuxième aspect de la perspective de la Commission que je veux vous souligner, c'est que la Commission parle selon les balises imparties par la Charte, la Charte des droits et libertés du Québec. Je vous rappelle, vous avez adopté la Charte en 1975. C'est un document qui s'inspire des normes internationales en matière de droits de la personne. Ce geste de l'Assemblée nationale, en 1975, signalait la volonté du Québec moderne de vivre dans une société de droit, société qui serait régie par des mécanismes démocratiques et qui respecterait les droits et libertés fondamentaux. Les implications de choix de vivre dans une société de droit sont parfois complexes et peuvent être inattendues. C'est le cas que nous avons devant nous aujourd'hui. Toutefois, étant donné cette décision du Québec, en 1975, décision qui date déjà d'une génération, il importe de voir aujourd'hui quelle place revient à la religion dans le système scolaire, dans une société moderne et démocratique.

Donc, dans le premier volet de notre présentation, on parlera de la liberté de conscience, de la liberté de religion et des principes d'égalité. Je vous rappelle brièvement les deux grands droits qui sont en jeu. Premièrement, la liberté de conscience et la liberté de religion, l'article 3 de la Charte. Bref, ces libertés qui sont au tout début de la Charte protègent les individus et les groupes: la liberté de croire, de professer ses croyances, et inversement la liberté de ne pas être endoctriné contre sa volonté ou d'être forcé d'agir contre sa conscience. Ces libertés exigent que l'État mette en place les conditions objectives de la protection de la liberté de religion et que l'État traite toutes les religions sur un pied d'égalité, et c'est tout.

Deuxième grand principe de droit qui est en jeu, c'est le droit à l'égalité qui implique le droit à la non-discrimination, mais selon un certain nombre de motifs limités dans la Charte, et notamment le motif de la religion. L'absence d'observance du droit à l'égalité peut donner lieu à la discrimination qui peut être directe ou indirecte. Indirecte, ça veut dire qu'elle peut naître malgré soi, d'une façon inattendue, de règles qui semblent à prime abord neutres.

(15 h 20)

Compte tenu de ces principes, quelle voie est-ce que la commission préconise? Je vais traiter tour à tour de quatre aspects: la question du statut de l'école, l'enseignement religieux, les structures de l'éducation et l'animation pastorale. D'abord, le statut de l'école. Je vous réfère ici aux pages 8 à 13 de notre mémoire.

Depuis 1983, la commission souligne que la possibilité de conférer un statut confessionnel à l'école publique lui confère, à l'école, un aspect qui relève quasiment de l'anomalie dans une société où autrement toutes nos institutions publiques sont laïques. Et dans la mesure où tout le programme et toute l'orientation du curriculum et même le climat peuvent s'inspirer de cette religion, il peut y avoir un effet discriminatoire sur les élèves qui ne sont pas de cette confession-là. Nos écoles publiques sont communes et doivent donc respecter toutes les croyances, y inclus l'absence de croyance religieuse, et ceci à travers tous les aspects de la vie scolaire.

Si on regarde maintenant les hypothèses explorées par le rapport Proulx, il y a d'abord l'hypothèse de l'école confessionnelle ou des écoles s'inspirant d'une religion, un projet éducatif religieux. La Commission souligne d'abord un premier problème qui est le conflit de cette option avec le principe du choix de l'école par le critère de la proximité géographique, l'école du quartier. Donc, pour les élèves, ils auraient l'option de fréquenter l'école, une école qui est contraire à leurs croyances, ou bien de faire de longues distances pour trouver l'école qui correspond à leur projet religieux, ou bien l'absence de projet religieux. Donc, il y a des possibilités importantes de cette option de conflit social autour de la question de quelle serait l'identité religieuse de différentes écoles.

Alors, multiplier les écoles publiques religieuses au Québec ne semble pas pour la Commission être la meilleure voie pour encourager le respect et la tolérance mutuelle de tous les groupes. Donc, en conclusion, la Commission suggère d'abroger la loi pour éliminer la possibilité de donner un caractère confessionnel ou religieux à une école.

Je souligne ici l'importance de ne pas confondre les projets spéciaux, qui ne relèvent pas de la Charte, par exemple des écoles sportives, des écoles internationales. Il n'y a pas de discrimination là-dedans, il ne s'agit pas de matières qui relèvent de la Charte.

Je passe ensuite à la question de l'enseignement de la religion à l'école. Actuellement, nos écoles doivent dispenser l'enseignement catholique ou protestant. Elles peuvent dispenser d'autres enseignements religieux mais il semble que dans la pratique, c'est presque inexistant. La discrimination face aux autres religions, tant chrétiennes que non chrétiennes, est évidente et je n'ai pas besoin de m'étendre là-dessus. Est-ce qu'on peut persister dans l'utilisation des clauses dérogatoires pour abriter ces pratiques de la contestation? Mon collègue Me Bosset traitera de cette question un peu plus tard.

Reste la question importante de comment reformuler cette pratique? Je vous réfère ici aux pages 15, 16 et 17 de notre mémoire, et je réfère aux hypothèses du rapport Proulx. Une première hypothèse aborde la question de l'enseignement religieux à la carte, donc le choix entre plusieurs enseignements religieux. La Commission y voit des problèmes importants qui méritent d'être soulignés: Comment reconnaître les religions qui doivent être enseignées? Est-ce qu'elles devraient être six, ou cinq, ou sept, ou 25? Comment dresser la liste? Est-ce que c'est selon le lieu géographique de l'école? Est-ce que c'est selon la composition religieuse des élèves dans chaque école – composition qui pourrait différer grandement? Comment établir les seuils minimaux pour dispenser les cours? Donc, inévitablement il y aurait des enfants oubliés qui peuvent contester judiciairement cet arrangement, d'où l'intérêt de continuer à utiliser les clauses dérogatoires. Donc, étant donné la position de la Commission, ceci n'est pas évidemment une voie à suivre.

Je passe à la deuxième hypothèse qui est la question de l'enseignement culturel des religions. La Commission voit dans cette approche un avantage, celui de renforcer la connaissance d'autrui et la connaissance d'autres conceptions du monde. Cette approche aiderait aussi à développer un espace social commun, à développer les valeurs de la tolérance et du respect d'autrui. Les désavantages cependant sont importants, ils sont pratiques: Comment concevoir et comment enseigner un tel cours sur l'enseignement culturel des religions sans inévitablement décevoir, sinon antagoniser les uns et les autres?

En conclusion, la Commission souligne que l'enseignement culturel des religions est en soi conforme à la Charte mais, dans la pratique, sa mise en oeuvre peut donner lieu à des contestations importantes.

Troisième option relevée par le rapport Proulx, c'est de ne dispenser aucun enseignement religieux à l'école. Là, on pourrait dire: Mais est-ce que l'État n'a pas certaines obligations sous l'article 41? C'est ce qu'on va voir un peu plus tard.

Quant à la question des locaux de l'école comme lieu de dispensation de l'enseignement religieux, la Commission veut souligner simplement que la location ou le prêt pour l'utilisation de ces locaux pour l'enseignement religieux doivent être faits de façon non discriminatoire.

Quant à l'animation pastorale et la position de la Commission sur les structures centrales, je vous réfère à notre mémoire. Notre position là-dessus suit passablement notre position sur les deux sujets précédents.

Je passe maintenant la parole à mon collègue, Me Bosset, pour parler des autres questions.

La Présidente (Mme Charest): Oui, monsieur.

M. Bosset (Pierre): Les deux autres questions que j'aimerais aborder sont respectivement l'utilisation des clauses dérogatoires dans ce domaine et la portée de l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

D'abord, les clauses dérogatoires. De quoi parle-t-on? On parle de deux clauses dérogatoires qui sont insérées dans chacune des lois relatives à l'éducation. Au Québec, il existe quatre lois qui touchent l'éducation et, dans chacune de ces lois, on retrouve une clause dérogatoire par rapport à la Charte québécoise ainsi – je le mentionne en passant – qu'une deuxième clause dérogatoire, celle-là par rapport à la Charte canadienne. Celle par rapport à la Charte canadienne vient d'être renouvelée pour deux ans. Celles par rapport à la Charte québécoise sont en vigueur sans limite de temps. Ces clauses dérogatoires ont essentiellement pour but d'empêcher qu'on conteste les dispositions actuelles qui créent des privilèges pour les catholiques et les protestants en se fondant soit sur le droit à l'égalité, soit sur la liberté de conscience et de religion. Et dans le courant de ce débat certains intervenants ont suggéré que l'on pouvait à l'avenir continuer à utiliser les clauses dérogatoires.

La Commission désire, si vous me passez l'expression, remettre les pendules à l'heure sur cette question. D'abord, il faut souligner que sur le plan du droit international l'usage de la clause dérogatoire est sévèrement encadré. On ne doit recourir à une clause dérogatoire qu'en cas de circonstances exceptionnelles. Par ailleurs, on ne peut non plus utiliser la clause dérogatoire pour porter atteinte aux libertés fondamentales. C'est expressément inscrit dans les conventions internationales que le Québec a ratifiées. On ne peut non plus utiliser les clauses dérogatoires pour exercer de la discrimination fondée sur la religion.

D'autre part, selon la Commission, l'usage de la clause dérogatoire doit être au service des droits et libertés de la personne. En exemple, le législateur entend assurer aux autochtones, qui sont accusés dans un procès criminel, un procès équitable et, pour ce faire, on prévoit que les jurys, une certaine proportion des jurys, dans le cas de procès contre des autochtones, devront être composés d'autochtones. L'idée est de respecter le droit des autochtones d'être jugés de façon équitable. Donc, la clause dérogatoire à laquelle on a eu recours ici, parce qu'il s'agit techniquement d'une préférence d'ordre ethnique, l'usage de la clause dérogatoire est au service d'un droit, ici. Or, dans le cas qui nous préoccupe, celui des clauses dérogatoires qu'on utilise dans le domaine de l'éducation, l'usage des clauses dérogatoires ne vise pas à protéger un droit reconnu par la Charte ou par le droit international, mais à protéger les privilèges qui sont reconnus à deux religions et non aux autres.

En conséquence, la Commission recommande, d'une part, l'abrogation des clauses dérogatoires actuelles; d'autre part, que le législateur, à l'avenir, s'abstienne de recourir à des clauses dérogatoires, sauf pendant une période de transition qui sera nécessaire à l'implantation des réformes qui vont découler des présents travaux de votre commission.

(15 h 30)

Et, quant à l'article 41 maintenant, autre élément important du débat souvent mentionné dans le courant de vos travaux, d'abord cet article 41 s'inscrit dans une mouvance internationale. Sur le plan international, le droit des parents de faire assurer à leurs enfants une éducation qui soit conforme à leurs convictions religieuses est reconnu, mais il est reconnu d'une manière différente de la Charte québécoise.

En réalité, sur le plan du droit international, la liberté des parents veut dire essentiellement deux choses: d'une part, la liberté négative, si on veut, de ne pas subir d'endoctrinement à l'école publique – au besoin, en étant dispensé, par exemple, de l'enseignement religieux – et, par ailleurs, la liberté de créer des écoles religieuses privées. C'est ce que veut dire le droit des parents sur le plan du droit international. Les instances internationales ont précisé, en passant, que cette liberté des parents ne comprenait pas le droit d'exiger le financement d'une école privée religieuse et ne permettait pas non plus d'exiger, à l'école publique, l'enseignement d'une religion.

En 1971, lorsqu'on travaillait à une première version de la Charte de droits et libertés de la personne, le ministre de la Justice de l'époque avait commandé un rapport à deux éminents juristes, c'est le rapport Scott-Crépeau, que plusieurs connaissent. Le rapport Scott-Crépeau reprenait ces principes du droit international. Le texte finalement adopté par l'Assemblée nationale, en 1975, va plus loin. Il va plus loin en ce qu'il fait obligation à l'État d'assurer à l'école publique un enseignement religieux, donc une obligation positive qui est imposée ici dans le cas de la Charte québécoise, contrairement à ce qui existe ailleurs qu'au Québec.

Or, cette mise en oeuvre de l'article 41, depuis 1975, elle se fait de façon discriminatoire, puisque actuellement uniquement les catholiques et les protestants peuvent réclamer l'enseignement de leur religion à l'école. Bien sûr, d'autres religions peuvent également les demander, mais ils n'ont pas le droit strict de l'exiger. Donc, l'application de l'article 41 est clairement discriminatoire et, selon la commission, il est temps de songer à reformuler cet article qui constitue, selon nous, un obstacle à la mise en oeuvre des deux scénarios qui seraient conformes à la Charte, c'est-à-dire l'enseignement culturel des religions ou l'absence de tout enseignement portant sur la religion. Selon nous, la modification de l'article 41 pour le mettre en harmonie avec la Charte est une condition nécessaire à l'évolution du système scolaire québécois dans ce domaine.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Merci. Donc, en conclusion...

La Présidente (Mme Charest): Oui, allez-y.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): ...j'aimerais attirer quatre choses à votre attention. Premièrement, selon la Commission, puisque le système scolaire actuel ne correspond plus aux normes énoncées par la Charte québécoise et le droit international, il faut procéder à l'abrogation du statut des structures de l'enseignement et de l'animation religieuse actuelle dans leur forme biconfessionnelle.

Deuxièmement, la Commission rappelle qu'il serait regrettable et inacceptable d'utiliser des clauses dérogatoires de façon plus que transitoire et souligne l'occasion qui est offerte actuellement d'ouvrir le système scolaire au respect des droits de tous plutôt que de continuer de tenter d'abriter certaines dispositions sous des clauses dérogatoires.

Troisièmement, tout enseignement portant sur la religion ou abordant un contenu religieux dans un but même culturel ou sociologique doit respecter la liberté de conscience, de religion et le droit à l'égalité de tous les élèves. C'est la voie qui est conforme aux préceptes de la Charte mais qui présente des défis importants d'exécution.

Et, quatrièmement, le législateur doit créer des conditions pour que l'école publique au Québec soit un lieu d'apprentissage de la tolérance, du respect de l'autre et de ses convictions et de ses pratiques religieuses. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Maintenant, je vais passer la parole au ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Legault: Oui. Mme Stoddart, Me Bosset, merci pour votre présence, merci pour votre mémoire, pour votre avis. C'est un avis comme les nombreux avis que vous nous donnez, au gouvernement, qui est toujours très clair; donc, une orientation très précise. Vous nous parlez dans votre mémoire – et je vais y revenir tantôt – d'une période de transition. Je vais y revenir. Mais vous nous parlez aussi de certains points qui vont être très utiles pour essayer de trouver ce qu'on recherche toujours, c'est-à-dire un consensus. J'aimerais peut-être que notre discussion se pose dans cet esprit-là, dans la recherche d'un consensus.

Mais il y a des éclaircissements d'abord juridiques. On a eu le constitutionnaliste Patrice Garant qui est venu en commission nous présenter un mémoire. J'ai remarqué que vous insistez beaucoup dans votre mémoire sur l'importance du respect du droit à l'égalité, sur l'importance que toutes les religions soient traitées également, alors que M. Garant nous lisait, entre autres, un extrait de la Cour suprême, et je vous le cite, où on dit: «L'égalité nécessaire pour soutenir la liberté de religion n'exige pas que toutes les religions reçoivent un traitement identique. En fait, la véritable égalité peut fort bien exiger qu'elles soient traitées différemment.»

Quelle est votre compréhension de cette affirmation de la cour?

La Présidente (Mme Charest): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Je vais demander à Me Bosset de répondre parce que ça vient, je pense, dans un contexte juridique précis.

La Présidente (Mme Charest): Me Bosset. Oui?

M. Bosset (Pierre): Cet énoncé juridique, il est vrai effectivement que la Cour suprême s'est déjà prononcée sur cette question dans les termes que vous avez utilisés. Cependant, je pense que le contexte dans lequel on l'a utilisé est un contexte bien précis qui était celui de ce qu'on appelle l'accommodement raisonnable, c'est-à-dire l'obligation pour une institution, quelle qu'elle soit, scolaire comme un employeur, par exemple, d'adapter ses règles ou ses pratiques de façon à éviter qu'elles aient un effet discriminatoire. L'exemple le plus courant qu'on peut donner, c'est celui de l'horaire de travail dans une entreprise, par exemple, horaire auquel certaines personnes ne peuvent se conformer à cause de leurs pratiques religieuses. Dans ce cas-là, on va parler d'un accommodement raisonnable qui consiste justement à traiter une personne différemment des autres à cause de sa pratique religieuse dans le but de lui permettre d'être finalement égale. Donc, on va lui permettre de s'absenter à telle ou telle heure de la journée alors qu'on ne le permet pas à d'autres. Traitement différent dans un but d'égalité. C'est, je pense, le contexte dans lequel il faut comprendre l'énoncé que vous avez cité.

Par contre, en matière scolaire, lorsqu'on parle de la place de la religion à l'école, dans le statut de l'école, dans le contenu de l'enseignement et même dans d'autres domaines, dans le projet éducatif, par exemple, je vois mal comment on pourrait prétendre que de traiter les catholiques et les protestants d'une manière plus favorable que les autres religions peut être une façon de respecter le droit à l'égalité des autres religions.

M. Legault: Mais, par exemple, à l'école, dans le domaine des fêtes, pour utiliser votre exemple, comment vous verriez son application dans le monde scolaire?

M. Bosset (Pierre): On a abordé cette question-là dans un avis il y a quelques années, qui portait justement sur le défi du pluralisme religieux, et c'était à partir d'un cas bien, bien précis qui était celui du foulard islamique à l'école publique, et on avait abordé l'ensemble de la problématique du pluralisme religieux à l'école, entre autres. Et la question des fêtes et des conflits d'horaire était un des aspects que nous avions abordés à l'occasion de notre avis. Selon nous, l'école pouvait tenir compte de certains facteurs pour, dans certains cas, refuser à un élève, disons, de s'absenter tel ou tel jour. C'est bien entendu que le fonctionnement de l'école ne doit pas être perturbé par un nombre trop grand de demandes. Ça va très bien lorsqu'on a une ou deux demandes, mais lorsqu'on a une multiplicité de confessions religieuses à l'école, donc plusieurs demandes, ça devient difficile à gérer et ça peut devenir ce qu'on appelle, dans le jargon des juristes, une contrainte excessive. Quand il y a contrainte excessive, c'est un motif raisonnable pour l'école de refuser de s'accommoder. Alors, il ne s'agit pas d'une obligation d'accommoder à tout prix, on parle bien d'un accommodement raisonnable ici.

M. Legault: D'accord. Je reviens sur le fond. Vous nous dites finalement que toute discrimination fondée sur la religion va à l'encontre du droit à l'égalité. Vous savez certainement que dans plusieurs pays, qui sont eux aussi liés par des pactes internationaux sur les droits de l'homme, dans ces pays, par exemple, en Europe, en Belgique – on a des gens ce matin qui nous ont parlé de la Belgique, on pourrait parler aussi de l'Allemagne, des Pays-Bas – on a plusieurs pays où on a trouvé des accommodements pour répondre à la demande d'un enseignement religieux à l'école. Donc, dans ces pays, par exemple, l'État défraie en tout ou en partie les coûts reliés à certains aspects de la religion à l'école. Il y a quand même un bon nombre de groupes qui sont venus ici, en commission, jusqu'à présent nous dire que, selon eux, le Québec devait s'inspirer de ce genre de pratique pour faire une place à la religion à l'école au nom de ce qu'eux appellent des droits historiques ou du respect tout simplement des traditions du Québec.

(15 h 40)

J'aimerais peut-être, pour notre bénéfice, que vous nous disiez un peu comment vous voyez les distinctions entre les droits historiques, les droits acquis, les droits fondamentaux? Comment vous voyez les distinctions entre ces différents droits?

La Présidente (Mme Charest): Me Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui, d'accord. La Commission ne peut pas se prononcer sans une étude. Ce n'est pas étendu aux différents arrangements dans différents pays. Et, pour se prononcer sur la qualité, si on veut dire, en droits et libertés de ce qui se passe dans plusieurs pays européens, je pense qu'il faudrait regarder l'ensemble de la situation dans ce pays-là parce que plusieurs pays ont été fortement critiqués et même condamnés, par exemple, en termes de la Convention européenne des droits de l'homme parce que, selon d'autres normes, justement les arrangements religieux qu'ils ont, les arrangements scolaires briment les droits des minorités. Donc, avant de conclure que dans tel pays, tel pays, etc., on a trouvé la solution, je pense qu'il faut voir l'ensemble de la jurisprudence et les normes internationales d'égalité là-dessus.

La Commission n'a pas parlé de droits historiques ou de droits acquis parce que je crois bien que ça ne donne pas un statut différent en droit entre les groupes et les individus strictement parlant. La Charte québécoise ne reconnaît pas cette notion de droits acquis ou de droits historiques. Certainement qu'il y a eu certains arrangements historiques qui ont été protégés, dans le cas du Québec, par l'article 93 de la Loi de 1867, lequel est maintenant abrogé. Dans d'autres provinces perdurent des droits acquis, des droits historiques qui sont protégés historiquement de la protection ordinaire des droits et libertés. Donc, c'est pourquoi, dans ce contexte-là, la Commission, du point de vue de la Charte, la Commission parle selon la Charte québécoise que le Québec s'est donnée en 1975, et donc les principes qui doivent s'appliquer sont contenus dans cette Charte actuellement. Peut-être que mon collègue aimerait ajouter.

M. Legault: Mais est-ce que vous pensez qu'à l'extérieur des lois ou de la Charte on peut dire quand même qu'il y a existence de droits historiques pour certains groupes ou vous niez complètement cette existence et ces droits?

M. Bosset (Pierre): Je dirais que la Charte est suffisamment large pour inclure ces droits-là, mais sous un autre vocable. Regardez l'article 9.1 de la Charte. Un article qui est très important, c'est celui qui nous dit que les libertés et les droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques de l'ordre public et du bien-être général des citoyens. Par le biais de ces grands concepts-là, on peut tenir compte de considérations d'ordre historique ou politique. On peut en tenir compte, mais il faut que ça soit toujours justifié dans le contexte contemporain et il faut également – je tiens à le souligner – mentionner que l'article 9.1 ne s'applique pas, c'est-à-dire ne permet pas de justifier des atteintes au droit à l'égalité. Le droit à l'égalité, il a préséance, si l'on veut, sur l'article 9.1 de la Charte. Alors, l'argument des droits historiques, il a un certain intérêt mais il a des limites aussi quand son application devient discriminatoire, comme elle l'est à l'heure actuelle, d'ailleurs.

M. Legault: D'accord. Maintenant, une dernière question. Vous avez parlé, dans votre mémoire, d'une transition qui était nécessaire entre le régime actuel et un régime qui est plus conforme aux dispositions justement de la Charte québécoise. Quel mécanisme, vous pensez, devrait être mis en place pour assurer cette transition et quelle devrait être l'étendue de cette période transitoire?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui. Certainement, de si grands changements requièrent une certaine période d'ajustement, et la Commission est consciente de ça. Sans dire quel est le temps nécessaire, on peut vous référer au cas de l'adoption de la clause 15 de la charte constitutionnelle, en 1982. Et, comme il s'agissait d'un bouleversement fondamental, c'est-à-dire toutes les lois de compétence fédérale devraient être maintenant mesurables à l'ombre de l'article 15, qui était quand même un test assez sévère, je pense qu'on a donné trois ans, enfin, à la compétence fédérale, toutes les compétences provinciales, pour essayer d'ajuster leurs lois. Ça, c'est juste une référence qui pourrait être pertinente. Vous pourriez donner plus de temps étant donné justement le poids des traditions historiques.

M. Legault: Maintenant, quel mécanisme vous voyez pendant cette période de transition? Disons que c'est trois ans, quels sont les mécanismes que vous voyez mis en place durant la période transitoire?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Ça dépend, je pense, M. le ministre, qu'est-ce que vous pensez mettre en place après. C'est un peu difficile pour nous de répondre.

M. Legault: Mais prenons votre proposition, qu'on passe du régime actuel à votre proposition. Durant la période transitoire que vous suggérez, qui aurait une durée de trois ans, qu'est-ce que vous proposez?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui, d'accord, mais on ne fait pas de proposition, on dit simplement: Il y a deux voies qui sont conformes à la Charte. On dit qu'il y a l'enseignement culturel des religions dans un système laïque, et ce qui en découle; il y a aussi le retrait de l'État de l'enseignement de la religion. Donc, chacun de ces scénarios-là, qui est conforme à la Charte, on vous le souligne, prend, je pense, des mécanismes de transition au niveau des structures administratives, au niveau... Enfin, c'est quand même des changements importants au niveau de l'organisation de l'école, les curriculum. Je pense qu'il y a des spécialistes mieux placés pour nous le dire exactement, quel genre de mécanismes, mais je pense que ce qui est important, c'est d'une part la participation de tous à ces mécanismes de transition et la prévisibilité, c'est-à-dire si on a un certain temps pour essayer de s'ajuster en cours de route.

La Présidente (Mme Charest): Merci.

M. Legault: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Je vais en profiter pour... Oui, vous voulez parler tout de suite? Je vais terminer le côté ministériel, Mme la députée.

Alors, à titre de députée de Rimouski, j'aimerais vous poser quelques questions. Vous êtes, comme Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, bien placés en quelque sorte pour recevoir des plaintes de la population et j'aimerais savoir, pour le sujet qui nous préoccupe, le respect des droits religieux. Est-ce que vous en avez reçues, en regard de la pratique dans les écoles, des comités de pastorale ou enfin...

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui, je vous remercie de la question, Mme la Présidente. Quand la Commission souligne la difficulté qu'il y a à essayer soit d'aborder toutes les religions, enseigner toutes les religions ou confectionner un programme d'enseignement culturel qui soit satisfaisant pour tout le monde sans recourir à des clauses dérogatoires, c'est beaucoup sur la base des différentes controverses religieuses dont la Commission a été saisie dans le cours de l'exécution de son mandat. Beaucoup du temps de la Commission est passé à l'enquête sur plaintes. Dans notre rapport annuel, vous allez voir qu'il y a moins de 2 % de plaintes sur la religion, donc ce n'est pas le nombre...

La Présidente (Mme Charest): À l'école ou à...

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Non, en général, dans la société québécoise.

La Présidente (Mme Charest): En général. O.K.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui, dont une partie à l'école. Je dirais que c'est surtout au travail où il y a des plaintes contre la religion. Cependant, en faisant nous-mêmes notre examen, nous sommes d'accord que ces plaintes-là posent des questions tellement profondes et tellement aiguës qu'elles ont pour ainsi dire une vie plus longue et plus intense que beaucoup d'autres motifs de plaintes de la Charte. Ce sont des questions, que ce soit à l'école ou au travail, qui ne sont pas faciles à résoudre. Plusieurs sont allées devant les tribunaux, un nombre disproportionnel par rapport au 1,7 % qui consiste en plaintes. La Commission est intervenue une fois devant la Cour suprême dans l'affaire Bergevin sur cette question-là. Elle est actuellement devant la Cour suprême sur la définition justement d'«accommodement raisonnable» par rapport à la question de pratique religieuse dans les lieux de travail.

Mon collègue peut ajouter, il a travaillé longuement – en fait, c'est un spécialiste sur les questions de discrimination religieuse – sur la question de l'hidjab à l'école.

La Présidente (Mme Charest): Oui, mais avant de parler à Me Bosset, 2 %, ça représente combien de cas sur l'ensemble de vos cas de plaintes?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Peut-être 25.

La Présidente (Mme Charest): Donc, 25 plaintes sur une base annuelle probablement?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Il faudrait que je voie, là.

La Présidente (Mme Charest): Est-ce que c'est ça?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): À peu près, oui.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. Bosset.

M. Bosset (Pierre): Oui. Bien, en fait, c'est simplement pour rajouter sur le type de situations qui sont portées à notre connaissance. On a nos 25 plaintes. On a aussi d'autres types d'interventions à la Commission. On n'agit pas uniquement sur plainte, mais on peut aussi faire des interventions en vertu de notre mandat de promotion de la Charte, et c'est ce qu'on a fait il y a quelques années à propos de l'exemple du foulard islamique où nous sommes intervenus pour désamorcer un conflit qui aurait pu devenir bien plus grave. Vous vous rappelez de la controverse à l'époque? Eh bien, en France, au même moment, on avait des centaines de jeunes filles expulsées de leurs écoles pour la raison qu'elles portaient le hidjab. Il y avait des manifestations d'enseignants dans les rues. On voulait éviter que le Québec se retrouve dans la même situation, nous sommes intervenus, mais vous voyez le potentiel de conflits que recèle inévitablement la question de l'aménagement de la religion à l'école.

(15 h 50)

La Présidente (Mme Charest): Est-ce que c'est dans ce sens-là qu'aux pages 11 et 13 de votre mémoire vous dites que tout projet éducatif ou toute école qui fait la promotion des valeurs religieuses compromet la cohésion sociale? Parce qu'il y a quand même des groupes, au Québec, qui veulent que l'école ait un projet éducatif religieux. L'État, bon, est responsable de l'éducation, et tout ça, et les parents, les citoyens s'attendent à ce que l'État continue de jouer un rôle par rapport à cela. Comment concilier et comment aménager tout ça?

M. Bosset (Pierre): Ce qui compromet la cohésion sociale, ce n'est pas la volonté des parents de faire assurer l'éducation religieuse de leurs enfants conformément à leurs convictions, c'est le fait d'aménager un réseau scolaire en conséquence, d'avoir, par exemple, des écoles publiques communes mais juives, musulmanes, catholiques, protestantes, bouddhistes, dans un même réseau public, avec le danger de ghetto que ça comporte. Ça, c'est un danger pour la compréhension mutuelle des groupes. Et, à terme, dans 20 ans, quand tous ces gens-là seront passés à travers le système d'éducation, ça fera des jeunes adultes qui ne se connaîtront pas beaucoup les uns les autres, avec tout ce que ça implique.

La Présidente (Mme Charest): Oui. Mais si je comprends bien – quand vous me dites «ghetto», là, je comprends très bien ce que ça veut dire – si on ne gère pas cela dans le système public, il n'y a pas lieu que, dans des systèmes parallèles, oui, on reproduise certains ghettos et qu'il n'y ait pas plus d'effets pervers de cette façon que si le système public d'éducation y voyait avec un certain encadrement et certaines facilités d'expression, tout en respectant chacune des religions qui seraient reconnues et acceptées?

M. Bosset (Pierre): Bien, je pense qu'un élément important de notre mémoire, c'est le fait que, quelle que soit la solution que vous allez retenir après vos travaux, que ce soit une plus grande confessionnalité, une absence totale de confessionnalité ou un compromis quelque part, quelle que soit l'issue de vos travaux, vous allez devoir faire en sorte que l'école continue à sensibiliser les élèves à la diversité religieuse.

Ça pourra se faire autrement – c'est important de le préciser – que par des cours de religion ou sur la religion. Il y a des cours de citoyenneté auxquels on peut penser, il y a les cours de morale qui existent déjà, les cours d'histoire peuvent servir de véhicule à cette compréhension, même les cours de géographie, à la limite, les cours de littérature. Alors, l'enseignement de la religion ou sur la religion n'est pas l'unique véhicule de ce qu'on appelle la quête de sens ni de la compréhension mutuelle.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Me Bosset. Maintenant, je vais passer la parole à Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Me Stoddart et Me Bosset, respectivement vice-présidente et directeur de la recherche et de la planification de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, c'est avec plaisir que je me suis détournée de mes travaux de la commission sur les finances publiques pour venir vous entendre. J'ai lu votre mémoire avec grand intérêt, je lis toujours les avis de la Commission des droits de la personne avec grand intérêt, même quand je ne suis pas d'accord, notamment sur le foulard islamique, pour la bonne raison qu'il n'y a pas de foulard islamique.

Le foulard est une tenue vestimentaire traditionnelle que les femmes, à travers les époques et les siècles, ont portée. Les juives ont porté le foulard et le portent toujours, les musulmanes portaient le foulard et le portent toujours, les chrétiennes de toutes les tendances. Par contre, dans un monde de turbulences, où certains éléments dans la communauté musulmane, dont on connaît les orientations et surtout l'agenda politique, se sont servis du foulard comme un porte-étendard pour leur cause... Et je regrette que la Commission des droits de la personne ait adhéré à cette interprétation du foulard islamique, d'autant plus qu'on sait dans quelles conditions il est imposé aux femmes.

Ceci étant dit, pour revenir à votre mémoire, je crois que vous adhérez à la thèse du rapport Proulx, vous le rejoignez sur l'ensemble en tout cas des propositions, et puis vous êtes d'accord avec l'idée de l'enseignement culturel des religions, vous y voyez un intérêt parce que c'est une façon d'enseigner la tolérance, l'ouverture sur le monde, et, en même temps, vous posez quand même certaines balises parce que vous vous demandez, au niveau de la mise en oeuvre de ce cours-là, comment il peut être conçu sans nécessairement donner prise à certaines contestations judiciaires pour des individus qui, dans leur religion, ne seraient pas pris en compte, et vous posez des questions très pertinentes par rapport à ça, concernant quelles sont les religions qu'on va enseigner, de quelle manière on va les enseigner et tout ça. Ce questionnement est très légitime.

Par contre, dans votre mémoire, j'ai lu à la page 1 que «l'école contribue à définir les valeurs qui transcendent la société». Et, dans le même paragraphe, vous définissez les valeurs comme étant «les valeurs fondamentales consacrées dans la Charte des droits et libertés de la personne». Et je m'attendais à voir dans votre mémoire une proposition qui irait dans le sens de l'enseignement de ces valeurs fondamentales, notamment l'éducation civique, puisque c'est ça, les valeurs telles que vous les définissez. Et ce n'est nulle part mentionné. Est-ce qu'il y a une raison pour ça, que vous ne vous prononcez pas? Pourtant, la Commission des droits fait la promotion des droits, aussi.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): D'accord. Je commencerai notre réponse en vous disant que la Commission s'efforce de d'abord répondre aux questions qui lui sont posées et de répondre en vertu de la Charte. Elle ne peut pas s'étayer sur toutes sortes de sujets et elle ne prétend pas à une compétence que sur la Charte et son application dans ces domaines de compétences. C'est pourquoi on n'a pas pris sur nous de développer une suggestion de curriculum d'enseignement culturel de la religion idéal. Nous croyons cependant – et on est revenu là-dessus tout à l'heure, j'aimerais insister encore là-dessus – que la Commission croit qu'il y a une multiplicité de façons d'enseigner d'abord le respect d'autrui, la tolérance, la compréhension des autres, la compréhension de l'autre dans toutes ses dimensions, y inclus ses dimensions spirituelles, sociologiques, etc.

Comme l'occasion de cette commission parlementaire est de commenter le rapport Proulx, on a fait nos commentaires par rapport aux suggestions du rapport Proulx. Mais, comme on l'a dit tout à l'heure, il ne faut pas, je pense, limiter l'interrogation au seul cours d'enseignement de la religion comme foi ou l'enseignement culturel de la religion. Un curriculum peut donner aux jeunes un aperçu non seulement de différentes religions mais aussi toutes les questions qui sont pour la Commission des valeurs de base de la société, valeurs essentielles qui transpirent déjà dans la Charte, qui sont la tolérance, le respect, une démarche objective vis-à-vis des démarcations, des différences, etc., une démarche rationnelle. Alors, en réponse à votre question, oui, c'est aussi des choses que nous avons considérées mais nous n'avons pas cru opportun de les aborder plus longuement dans le mémoire.

Mme Houda-Pepin: Me Bosset, vous voulez ajouter quelque chose?

La Présidente (Mme Charest): Oui, Me Bosset.

M. Bosset (Pierre): Juste une petite précision. J'aimerais simplement attirer l'attention sur le fait que, il y a deux ans, dans une présentation sur un avant-projet de loi qui visait à réformer la Loi sur l'instruction publique, la Commission a recommandé que l'éducation aux droits de la personne fasse partie de la mission de l'école telle qu'elle est énoncée, je pense, à l'article 36 de la Loi sur l'instruction publique.

Mme Houda-Pepin: Vous me rassurez. Dans vos recommandations, vous suggérez, en fait, vous recommandez d'abolir la possibilité de donner un statut confessionnel à un établissement. Et tantôt, en réponse à la question du ministre sur les droits acquis, vous avez dit que, en regard de la Charte, il n'y a pas de droits acquis. Qu'est-ce que vous faites, si on doit prendre cette avenue-là, des écoles confessionnelles existantes? Est-ce qu'il faut les abolir pour s'harmoniser avec la Charte ou est-ce que c'est quelque chose que vous pensez qui peut continuer d'exister, mais on ne pourra plus ouvrir d'écoles confessionnelles dans l'avenir? Pourriez-vous me clarifier un peu votre position là-dessus?

(16 heures)

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Quand la Commission dit qu'il faut abroger le statut des écoles confessionnelles, elle veut dire notamment ça, non pas: dorénavant, on ne fait plus d'écoles confessionnelles, mais qu'il faut repenser à mettre les écoles du Québec sous un autre signe qu'un signe religieux.

Mme Houda-Pepin: Mais celles qui existent actuellement, des écoles confessionnelles, est-ce qu'on peut les garder ou est-ce que vous suggérez qu'il faut qu'elles soient abolies aussi?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Non. On suggère que l'ensemble des écoles répondent aux mêmes principes qui sont les principes de la Charte, la liberté de la religion et l'égalité, et, donc, ça entraînerait la modification dans le statut de toutes les écoles, quoi que soit leur passé, en tant qu'établissements scolaires.

Mme Houda-Pepin: En tant qu'établissements scolaires.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui. Mais M. le ministre a invoqué une très nécessaire période de transition. La Commission elle-même parle et envisage – je pense, c'est notre recommandation 6 – qu'il y aurait une période dans laquelle il faudrait maintenir des clauses dérogatoires. Parce que c'est un vaste réaménagement public. Il faudrait vraisemblablement prolonger les clauses dérogatoires afin de mieux faire cette transition. Mais il faut viser, selon la Commission, un éventuel état de fait dans lequel les écoles ne sont pas associées, strictement parlant, à une identité religieuse.

Mme Houda-Pepin: C'était nécessaire pour moi d'avoir cette clarification parce que, au-delà de la période de transition, ce que je voulais savoir, c'est que, si, pour vous, la recommandation que vous faites implique l'abolition de toutes les écoles qui ont un statut confessionnel ou un projet confessionnel à l'école, je pense, par exemple, aux écoles juives, aux écoles musulmanes, qui sont financées en partie par les fonds publics... Et vous dites en même temps qu'il ne devrait pas y avoir de religion d'État, de religion officielle ou de religion traditionnelle. Alors, est-ce que vous pouvez peut-être me clarifier la position davantage?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui, d'accord. J'espère que ça a été assez clair dans le mémoire, la Commission ne parle que du système public. D'accord? Ici, c'est l'école publique commune que la Commission préconise. La Commission n'a aucunement abordé la question du financement d'un réseau privé dans lequel elle comprend qu'il y a des écoles à ce qu'on pourrait appeler projets religieux, des écoles confessionnelles privées, comme il y a des écoles privées bâties autour d'autres... Donc, les recommandations de la Commission ne s'étendent qu'au système du réseau public.

Mme Houda-Pepin: Mais les écoles privées d'intérêt public, je prends, par exemple, les écoles musulmanes, c'est des écoles publiques, mais elles sont gérées par la communauté, elles sont financées par les deniers publics, alors, si je vous comprends, ces écoles-là pourraient continuer d'exister, d'être financées, mais, en même temps, les autres écoles publiques qui veulent promouvoir la religion catholique ou la religion protestante ne peuvent plus continuer d'exister. C'est bien ça?

M. Bosset (Pierre): Tout ce qui est régi par la Loi sur l'enseignement privé, dont, je pense, relèvent les écoles dont vous parlez, continuerait à exister, dans notre perspective.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): C'est qu'on n'envisage, nous, dans notre mémoire, que deux statuts. Si je comprends bien, il y a ou bien l'école publique, protestante ou catholique, et l'école privée. Donc, il s'agit de voir dans quelle catégorie. Nous, nous ne parlons aujourd'hui que de l'école publique.

Mme Houda-Pepin: D'accord.

La Présidente (Mme Charest): Alors, oui, Mme la députée de La Pinière, ça va?

Mme Houda-Pepin: Ça va. Je laisse le temps aux collègues.

La Présidente (Mme Charest): Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Mme Stoddart et M. Bosset, merci et bienvenue. Je dirais que, votre mémoire, le premier commentaire, j'ai été surpris de voir que... Tantôt, vous avez mentionné que vous partez du constat, vous dites qu'il y a deux voies conformes à la Charte. Si on veut respecter l'état du droit, il y a deux voies conformes. Je suis surpris de cette affirmation-là et aussi du fait que vous voulez modifier l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés, pour respecter, je dirais, la logique de votre mémoire.

Et la question que je me demande, c'est: Est-ce que vous avez envisagé de dire: L'article 41 de la Charte des droits et libertés est là, il ne sera pas modifié, alors comment on peut adopter un modèle à cet article-là? Est-ce que vous avez envisagé ce scénario-là, dans lequel l'article 41, qui a été décrit, entre autres, par Patrice Garant, qui est venu ici, comme étant un élément de la spécificité de la Charte des droits du Québec et du caractère distinct du Québec... Pourquoi n'avez-vous pas été plus loin dans les scénarios qui auraient dit: Bien, voici, l'article 41 est intouchable, on n'y touche pas, et voici les modèles qui peuvent être mis en place suite à ça?

M. Bosset (Pierre): Ce n'est pas de gaieté de coeur que la Commission recommande de modifier un article de sa propre Charte. Nous en sommes venus à la conclusion que l'article 41 n'était appliqué actuellement que de façon discriminatoire et que la seule façon de le rendre non discriminatoire dans son application, ce serait d'enseigner à peu près toutes les religions qui existent au Québec.

L'autre hypothèse, l'autre alternative, ce serait de choisir un certain nombre de religions; trois, quatre, cinq, six, 15, peut-être, je l'ignore. Il faudrait tracer une ligne quelque part. Le critère du nombre pourrait être utilisé bien sûr, ici, mais nous avons des scrupules à faire en sorte que les droits fondamentaux d'une personne soient sujets à la loi du nombre.

Donc, qu'une personne musulmane à Montréal ait accès à un enseignement de l'islam à l'école publique, mais que la même personne à Val-d'Or ou à Rivière-du-Loup n'aurait pas accès à cet enseignement, c'est une façon de soumettre l'exercice d'une liberté fondamentale à la loi du nombre, et, nous, ça nous pose problème. Donc, soit on accepte d'enseigner tout, ce qui est impensable et même non faisable en pratique, soit on en choisit un certain nombre, et là, pour légaliser tout ça, il faut avoir recours à la clause dérogatoire.

M. Béchard: Dans votre mémoire, là-dessus et sur la présentation de projets de loi comme telle, sans vouloir remettre en question les hypothèses que vous amenez, mais cependant il y a un constat, je pense, qui s'est dégagé – et on a eu M. Garant, il y a des avis juridiques qui accompagnent le rapport Proulx – qui démontre que, que ce soit dans le cas d'une multiconfessionnalité ou que ce soit dans le cas de la mise en place du cours de culture des religions, les mêmes problèmes surviennent, c'est-à-dire sur l'identification, la délimitation, le temps comme tel, le suivi d'enseignement, la formation des maîtres.

Et pouvez-vous m'expliquer en quoi, selon vous, la mise en place d'un cours de culture des religions pourrait être plus acceptable que le fait d'ouvrir à la multiconfessionnalité? Parce qu'on nous dit que c'est les mêmes difficultés. Ça va être aussi difficile de déterminer qu'est-ce qui va aller dans le cours de culture des religions, qui on va reconnaître, quelle religion. Et aussi nous dire, à ce moment-là: Est-ce que la solution, quant à poursuivre la réflexion au complet, la solution simple ne serait pas tout simplement de dire: Sortons l'enseignement religieux comme tel du curriculum et, à ce moment-là, on n'aura plus de problème? Pourquoi s'efforcer de défendre une position qui est aussi complexe que l'autre que vous n'avez pas poussée plus loin?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Premièrement, la grande différence entre l'enseignement de différentes fois, toute la multiplicité de fois et de credos qu'il peut y avoir et l'enseignement culturel de la religion, c'est que l'enseignement culturel veut quand même être une information, se veut une information factuelle et scientifique sur les contours des différentes religions selon les normes, j'imagine, sociologiques, etc. Donc, il ne prétend pas enseigner les différentes fois. C'est peut-être un degré de facilité beaucoup plus marqué que l'enseignement de différentes religions en soi. C'est l'aperçu voulu le plus objectif possible sur la réalité et l'existence de toutes ces différentes religions.

Donc, la Commission dit: C'est conforme à la Charte, cependant il y a sûrement des problèmes, mais moins de problèmes que l'enseignement multiconfessionnel, qui, en soi, n'est pas, strictement parlant, à l'encontre de la Charte. Mais là où les difficultés d'exécution semblent tellement énormes, la possibilité de ghettoïsation et de division de la société québécoise est tellement élevée que la Commission n'a pas retenu cette possibilité. Donc, je pense qu'il y a quand même des différences importantes dans l'une et dans l'autre.

(16 h 10)

M. Béchard: Mais vous avouerez avec moi que, sur la ghettoïsation, et tout ça, il y a des groupes qui viennent puis qui disent que ce n'est pas nécessairement un problème puis qu'il ne faut pas non plus... Ils disent même que des gens se servent de ça comme épouvantail pour complexifier le débat. Mais, moi, ce que je trouve du mémoire que vous nous présentez, c'est que, d'une part, vous avez une approche juridique très stricte, mais, en même temps, ce sont des difficultés d'application qui vous font dire d'éliminer un scénario. Et c'est un peu sur ce raisonnement que j'ai de la difficulté parce que, pour moi, l'application est aussi difficile dans un cas que dans l'autre. Et, si on veut poursuivre la réflexion juridique jusqu'au bout, bien, qu'on s'en tienne à la réflexion juridique puis qu'on dise les pour et les contre de chacune des options.

Mais j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous vous êtes basés sur des problèmes d'applicabilité, selon vous. Parce qu'il y a d'autres mémoires, entre autres, de la Fédération des commissions scolaires, qui disent qu'il faut peut-être regarder cette hypothèse-là, d'autres groupes qui viennent et qui disent que l'applicabilité, dans le fond, ce n'est pas plus dur dans un cas que dans l'autre. J'ai un peu de problèmes avec ça.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Oui, oui.

M. Béchard: Pourquoi vous vous êtes basés sur des difficultés d'application pour éliminer un scénario et vous n'avez pas poussé la réflexion juridique au bout sur celui-là et que, dans l'autre, bien, vous l'avez poursuivie, alors que, selon moi, les mêmes difficultés surviennent dans l'un ou l'autre des cas?

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): D'accord. Je vous remercie de la question parce qu'elle est importante. Et je dois vous dire que les commissaires qui ont adopté l'avis ainsi que les spécialistes qui nous ont conseillé se sont posé aussi les mêmes questions. Et, finalement, qu'est-ce qui informe la Commission? Si elle n'a une expertise que sur la Charte, elle a aussi une expérience institutionnelle dans des questions de dissensions religieuses. On y a référé. Bon.

On a vu beaucoup de plaintes sur les questions religieuses. On a été approchés par beaucoup de groupes autour de dissensions. Que ça soit autour, par exemple, des Témoins de Jéhovah, en province, ou des groupes religieux tels les Musulmans ou les Juifs, dans le contexte montréalais, les problèmes sont à peu près similaires. Donc, la Commission a, dans son expérience comme organisme, beaucoup abordé les questions de conflits religieux, et, donc, c'est sur la base de ces connaissances, on pourrait dire implicites, institutionnelles, qu'on a pu se permettre de faire ces distinctions-là où vous dites effectivement: Ce n'est pas complètement juridique. Mais je pense que la Commission a quand même acquis une expérience cumulative assez importante en regard des conflits religieux au Québec, depuis 25 ans.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Me Stoddart, Me Bosset. Le temps étant écoulé, je dois vous remercier au nom des membres de la commission. Merci.

Mme Stoddart (Jennifer-Anne): Merci, Mme la Présidente.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): Alors, je vais demander à Mme Céline Garneau de venir prendre place à la table.

Alors, Mme Garneau, si vous voulez bien vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne.


Mme Céline Garneau et M. Émile Claude

Mme Garneau (Céline): Alors, moi, je suis Céline Garneau, psychologue et ex-enseignante. Je vous présente M. Émile Claude, ex-enseignant également.

La Présidente (Mme Charest): Alors, je vous rappelle que nous avons une demi-heure en tout. Alors, nous vous accordons 10 minutes pour votre exposé, et 10 minutes pour le parti ministériel et 10 minutes pour le parti de l'opposition pour procéder aux échanges avec vous après votre exposé.

Mme Garneau (Céline): Je me sentirais beaucoup plus à l'aise si vous me donniez deux, trois minutes de plus que 10 minutes parce que j'ai...

La Présidente (Mme Charest): O.K. On sera souple, Mme Garneau.

Mme Garneau (Céline): Je vous remercie. Mon compagnon va commencer.

M. Claude (Émile): O.K. À cette heure stratégique où nous, Québécois et Québécoises, détenons tous les records – indice de fécondité le plus bas, les plus hauts taux de divorce et d'avortement au Canada, le plus haut taux de suicide au monde – des décisions que prendra notre gouvernement quant à la place de la religion dans nos écoles peut dépendre notre survie comme peuple français d'Amérique.

Étant au carrefour du «to be or not to be», comme l'intuitionnent plusieurs démographes québécois, nous tenons à remercier le gouvernement pour cette commission et pour l'espoir qu'elle suscite. Merci donc à Mme la présidente de cette commission, merci à M. le ministre de l'Éducation, M. François Legault, et merci à Mmes et MM. les députés de cette Chambre. Alors, je cède maintenant la parole à Mme Céline Garneau, l'auteure du présent mémoire.

La Présidente (Mme Charest): Mme Garneau.

Mme Garneau (Céline): Le rapport Proulx, comme un puissant bolide, a explosé dans notre ciel québécois provoquant un impact qui nous rejoint. Aux recommandations du rapport nous préférons cependant la vision de Mme Marois, qui, en 1997, affirme que l'école se doit de respecter le libre choix ou le libre refus de la religion. Les auteurs du rapport ont rejeté cette vision, alléguant sa trop grande difficulté d'application. Mais n'est-ce pas Mme Marois elle-même qui ajoute que les difficultés qui paraissent insolubles en théorie deviennent surmontables dans les faits. L'approche pragmatique se révèle plus féconde que les solutions parfaitement logiques sur papier, qui résistent mal à l'épreuve du terrain.

Nous profitons donc de l'effet qu'a provoqué ce rapport pour proposer deux réseaux, l'un laïc et l'autre multiconfessionnel, où, dans un monde libre, les parents seront libres d'envoyer leur progéniture soit dans une école laïque ouverte ou soit dans une école multiconfessionnelle ouverte ou encore dans des écoles de projets particuliers.

Au cours de ce petit exposé, qui est très court, nous toucherons quelque peu à l'aspect philosophique de la question puis nous essaierons de démontrer que nos écoles catholiques actuelles sont en réalité plutôt des écoles laïques où la vision laïque a presque seule droit de cité, après quoi nous contesterons la supposée neutralité si chère à tous ceux qui réclament l'expulsion de la religion du vécu scolaire. Les notions de discrimination et de liberté de conscience nous permettrons de réclamer le droit pour les parents d'avoir des écoles correspondant à leur vision du monde, axées sur la transcendance.

Alors, pour parler un peu de philosophie, une confrontation au niveau des finalités de l'homme et de la formation des consciences tente de démontrer que les assises sur lesquelles reposent les deux systèmes de pensée sont trop différentes pour rendre possible un vécu commun au sein d'une même école. La déroute actuelle de notre jeunesse en stigmatise les conséquences. Entre la laïcité et les croyances des grandes religions traditionnelles existe un fossé difficile à franchir. Les deux visions du monde s'enlignent sur des tremplins aux trajectoires tellement disproportionnées, l'une célébrant la raison, les nourritures terrestres et ne créditant que la vie temporelle, en termes de quête de sens, et l'autre projetant l'homme dans un vécu éternel, hors du temps et de l'espace, comme si on proposait à des astronautes destinés à diriger des fusées interplanétaires de recevoir la même formation que celle offerte à des pilotes d'avions transatlantiques. Les défis, dans les deux cas, sont loin d'exiger la même discipline.

Les «aucune religion» privilégient une morale qui a pour colonne vertébrale la raison, le droit, la loi et les chartes. Pour les tenants des grandes religions, la morale repose aussi sur la raison, mais reçoit surtout ses pulsions du coeur. Le croyant court dans un aréna où la loi ne suffit pas à le faire mettre à genoux, il ne se met à genoux que devant Dieu, et c'est alors qu'il trouve une motivation pour respecter les lois humaines. D'ailleurs, dans les écoles actuelles de mentalité laïque, au moins à Montréal, les caméras ont commencé à s'installer.

(16 h 20)

Nous essaierons maintenant de démontrer le caractère laïque des écoles actuelles. Comment une école peut-elle être confessionnelle quand 80 % des directeurs et professeurs se prononcent pour l'école laïque? La vision limitée aux horizons terrestres a presque seule droit de cité dans le vécu scolaire. Le matériel scolaire, volumes, cahiers d'exercices taisent le nom de Dieu, souvent remplacé par l'astrologie, les OVNI et l'occulte.

Les objectifs socioculturels sont confiés aux professeurs de français, qui sont en grande majorité agnostiques ou athées. Ils choisissent eux-mêmes les textes pour la transmission des valeurs. Et, dans les cours de sexualité, la laïcité a imposé sa morale en effaçant évidemment les mots clés de «mariage», de «chasteté», de «fidélité» sur lesquels repose la discipline sexuelle des religions traditionnelles. Au nom du respect de tous, on n'a plus le droit de dire ce qui est bien et ce qui est mal. Ces cours sont devenus de puissants véhicules qui servent actuellement à la promotion du libertinage sexuel, de l'homosexualité et de la bisexualité. L'adolescence est de plus en plus présentée comme une phase d'expérimentation sexuelle. Ceci est très discriminatoire pour les croyants des religions traditionnelles.

L'État moderne se doit d'être laïque et neutre, et la laïcité, dans ce contexte, est désirable. Dans cet esprit, l'État n'a pas à faire la promotion d'une vision particulière de la vie. Son rôle consiste à répondre aux besoins des citoyens, qu'ils soient d'obédience laïque ou confessionnelle. C'est ainsi qu'a évolué la laïcité en France. Actuellement, en France, il y a un réseau d'écoles privées catholiques subventionnées à 90 % par l'État. Et même en Ontario, on avait un article cette semaine, dans Le Devoir , qui disait qu'il y avait un réseau très important catholique d'écoles séparées. Et c'est vraiment des écoles – pas comme on a au Québec – où toute l'ordonnance de l'école est catholique, et on y voit, les parents y voient fermement.

Maintenant, nous allons parler quelque peu des chartes et surtout du principe de neutralité dans lequel tout le monde se fourvoie, à mon avis. La Faculté de théologie des sciences religieuses a présenté ici un mémoire en septembre. Et ils écrivaient dans leur mémoire: «La philosophie de la laïcité qui est source de cette conception de la neutralité – pour l'État, ça va, mais, dans une maison d'enseignement, je pense que c'est peu possible d'avoir la neutralité: on présente soit une vision de vie, soit une autre – d'une part et lécole laïque qui en est la résultante d'autre part ne sont pas des positions neutres.» La laïcité est une religion en quelque sorte et elle fait même des miracles. Et le plus grand miracle qu'elle a réussi à faire chez nous, c'est de s'installer tranquillement dans notre vécu scolaire en arborant le masque de la neutralité et des accommodements.

La logique de tout le débat actuel repose sur un sophisme que beaucoup pointent du doigt. Les chartes reconnaissent le principe d'égalité de chaque citoyen et affirment son droit à la liberté de conscience. Nous adhérons à ces principes. Mais, comme il est impossible de satisfaire tout le monde et son père, pourquoi, lorsqu'il faut trancher entre l'une et l'autre, serait-ce la liberté de conscience d'un individu X qui l'emporterait sur la liberté de conscience d'un individu Y? Parce que ce dernier fait partie d'un groupe majoritaire, il devrait nier sa liberté de conscience afin de respecter celle de l'individu X qui fait partie d'un groupe minoritaire?

On oppose souvent dans le discours actuel, au nom du principe de l'égalité, le droit individuel par rapport à la tyrannie de la majorité. M. Proulx appelle cela des contraintes normatives auxquelles s'assujettit la majorité pour ne pas sombrer dans la tyrannie. Et, nous, nous appelons cela l'exercice abusif des droits individuels de la minorité qui opprime les mêmes droits individuels de celui qui appartient au groupe majoritaire. Au nom des contraintes normatives, on veut substituer à ce malaise un malaise beaucoup plus grand, celui de la minorité qui prive de ses droits fondamentaux l'individu Y qui a le malheur d'appartenir à la majorité. Par un rationnel abusif qui dit s'appuyer sur les chartes mais qui ne repose aucunement sur les grands principes des chartes, on boycotte la démocratie.

Dans quelques heures, l'horloge internationale pointera ses aiguilles sur Jésus-Christ et sonnera l'an 2000. Il y a 2 000 ans, a passé parmi nous un Juif, prophète pour les uns, Dieu pour les autres, qui a parcouru les routes d'Israël et a fait chavirer l'Occident par sa doctrine d'amour et de pardon, transcendant toutes les philosophies humaines. On a alors jeté calendriers et dictionnaires de l'époque pour réécrire l'histoire à son heure. Toutes les dates des dictionnaires gravitent autour de ce nom. L'Occident a reconnu qu'il était Dieu parmi nous et a construit son identité sur lui.

Nous, Québécois, qui sommes aujourd'hui réunis autour de cette commission parlementaire, serons-nous le nouveau sanhédrin qui rêve une fois de plus de lui faire échec et mat? Serons-nous assez éclairés pour reconnaître en ce Jésus la pierre d'angle sur laquelle s'est greffée l'âme de notre société? Du choix que nous ferons dépendra notre survie comme peuple français d'Amérique. Le nom de Jésus ne veut-il pas dire Sauveur?

Nous sommes confrontés ici à un défi existentiel. Jésus ne veut pas s'imposer à ceux qui le rejettent, mais il veut continuer à se proposer à ceux qui le réclament. Serons-nous capables de voir les liens qui existent entre la foi de nos ancêtres et la qualité de vie de notre coin de terre? Un peuple qui se coupe de racines aussi extraordinaires a-t-il de l'avenir? Jésus est-il un deux de pique dont la doctrine n'a rien à dire au sujet de la cohésion sociale? Pourquoi les mots chevilles de sa doctrine, le pardon, la miséricorde, l'amour des ennemis, faire du bien à ceux qui nous font du mal, faire du bien à ceux qui nous haïssent, ne pas juger les autres, n'auraient-ils pas autant de chance de soutenir la cohésion sociale que le discours légal de la laïcité?

Nous terminons en rappelant une ou deux recommandations que nous avons faites dans notre mémoire. Nous recommandons que des écoles laïques répondant au modèle suggéré par le rapport Proulx soient créées – et nous insistons sur ça – avec un enseignement culturel des religions et de la pensée séculière et une morale répondant aux critères de la modernité, indépendante du cadre des dix commandements, une morale basée sur la raison, le respect de la loi et l'étude du droit et des chartes.

Mais nous recommandons aussi que soient créées des écoles multiconfessionnelles où plusieurs religions traditionnelles pourraient vivre dans une même école avec statut multiconfessionnel où toute l'ordonnance de l'école, personnel, programmes, livres, en tous genres de disciplines, devrait reproduire une vision du monde qui respecte la sagesse et la discipline morale des grandes religions séculaires avec aboutissants dans un vécu existentiel hors du temps et de l'espace. Ces écoles pourraient être ouvertes, avec des cours de morale s'appuyant sur une vision commune de relation d'amour avec l'Être suprême.

Que l'enseignement confessionnel dans l'école multiconfessionnelle soit accordé aux diverses religions chaque fois qu'un nombre suffisant en justifie la demande. Et, pour faciliter l'aménagement des horaires, que la première demi-heure du matin soit toujours réservée soit à l'enseignement religieux lorsque le nombre le permet, soit à l'enseignement moral dans une optique qui prend ses racines dans le fondement des grandes religions traditionnelles. Que l'éducation au bon citoyen soit aussi intégrée dans cette première demi-heure. Ensuite, l'horaire scolaire pourrait sans doute se déployer avec toutes les variantes actuelles. Je vous remercie de m'avoir écoutée.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Garneau. Le temps est largement dépassé. Maintenant, je vais laisser la parole au ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Legault: D'abord, merci beaucoup, Mme Garneau et celui qui vous accompagne, M. Claude. C'est un mémoire de qualité, bien fouillé. Puis ça fait honneur à la démocratie, finalement, de voir une citoyenne qui décide de présenter un mémoire qu'elle a bien travaillé toute seule. Donc, je pense que vous avez d'autant plus de mérite.

Votre préférence va du côté, si je comprends bien, d'une option communautarienne. Vous souhaitez – et puis vos objectifs sont très nobles – que les laïcs et les religieux trouvent une façon de vivre ensemble en permettant de s'enrichir mutuellement. J'essaie de voir l'application pratique de votre proposition. Vous nous dites, là, deux systèmes, deux réseaux. En fait, vous laissez la porte ouverte à un troisième, même. Donc, il y aurait un réseau laïque, un réseau multiconfessionnel, puis vous êtes aussi ouverte à l'école à projets particuliers. J'essaie de voir, là.

(16 h 30)

Si on prend un exemple, dans un petit village du Québec où il y a une seule école, comment se ferait le choix du système par les parents? Et, s'il n'y a pas consensus, qu'est-ce qu'on ferait dans une situation comme celle-là? Parce que je peux comprendre qu'à Montréal par exemple, ou dans les grandes villes où il y a plusieurs écoles, c'est peut-être possible de dire: On a trois modèles. Mais prenons les cas, et il en existe au Québec, où on a des écoles de quartier – je pense surtout aux écoles primaires où il y aurait seulement une école dans un quartier – comment se ferait le choix du système qui serait adopté?

Mme Garneau (Céline): On pourrait peut-être...

La Présidente (Mme Charest): Mme Garneau.

Mme Garneau (Céline): C'est une très bonne question. C'est évident que, moi, je vis à Montréal et je pense tout le temps en fonction de Montréal, mais commencer à proposer des écoles multiconfessionnelles s'il y a quelques élèves qui sont de religions traditionnelles. Parce que, moi, lorsque j'enseignais dans mes classes, c'était 90 % de gens qui étaient de religions traditionnelles. Il y avait les chrétiens, les musulmans et les bouddhistes. Alors, il y avait déjà, même à Montréal, très peu de gens qui auraient été dans les écoles laïques dans le milieu où j'étais, qui auraient choisi l'école vraiment laïque. Alors, comme vous dites, dans des petits villages, le nombre doit être très limité. Si c'est un nombre vraiment très, très limité, je ne sais pas si on pourrait, mais ça serait peut-être important d'ouvrir des écoles multiconfessionnelles où le... C'est certain qu'il y aurait les cours de religion qui seraient donnés presque à tout le monde, parce que tout le monde y adhérerait, mais la vision qui serait donnée dans tout le vécu scolaire serait la vision de la transcendance sans que ce soit la vision chrétienne, où on amènerait les enfants à s'ouvrir à des beaux textes musulmans du Coran ou des beaux textes tirés de l'hindouisme ou des grandes religions qui ont des choses importantes aussi à nous apporter.

On a à accueillir des choses, on a à s'enrichir de... Je suis certaine qu'on peut vraiment apprendre beaucoup de ces religions-là si on s'ouvre. Alors, vu qu'on est dans une société qui est appelée de plus en plus à être multiculturelle, on pourrait déjà préparer les enfants dans ces écoles-là à s'ouvrir au moins aux grandes religions traditionnelles, et l'enseignement confessionnel proprement dit ne se donnerait que dans les quelques cours du matin.

M. Legault: Et, si je poursuis dans mon exemple, si on avait une majorité de parents qui souhaitaient avoir un projet particulier à consonance religieuse catholique – majoritaires, mais pas un consensus complet – est-ce qu'à ce moment-là vous les laisseriez le mettre en place, ce projet particulier ou non? Ou est-ce que ça serait défendu? Quels seraient les critères, finalement, d'application pratique, là, des choix?

Mme Garneau (Céline): Vous donnez presque la réponse que j'aurais dû donner tout à l'heure. C'est certain que ces parents-là pourraient s'enligner sur l'école à projet particulier, et à ce moment-là ça serait vraiment le... Si c'est 95 % des parents qui sont de religion catholique, je ne vois pas pourquoi on leur refuserait cette école-là, quitte à... Je disais dans mon mémoire: Engager des professeurs qui circuleraient comme des orthopédagogues pour rencontrer les enfants qui ne sont pas d'accord avec la vision de la transcendance ou la vision catholique pour essayer de leur donner du support, s'il y a des objections, pour essayer d'accueillir et de les sécuriser dans ce système-là.

M. Legault: Parfait. Merci, Mme Garneau.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Maintenant, Mme la députée de Prévost.

Mme Papineau: Merci, Mme la Présidente. Madame, monsieur. Dans votre recommandation 5 – je vais dans vos recommandations – la cinquième, vous recommandez que le ministère ajuste les comités catholique et protestant aux besoins actuels. Vous n'élaborez pas du tout sur ce point-là, hein? Et, en fonction de ce double modèle multiconfessionnel et laïque que vous proposez, qu'est-ce que ça veut dire et quel mandat devrait-on leur confier?

Mme Garneau (Céline): Bien, moi, je pense qu'actuellement, en tout cas, on devrait voir la demande, et c'est en fonction de la demande qu'on pourrait ajuster selon les besoins. Je serais favorable à ce qu'il y ait un comité multiconfessionnel des grandes religions traditionnelles et un comité laïque qui remplaceraient les comités actuels, les comités catholique et protestant.

Mme Papineau: C'est ce que vous voulez dire par ajuster.

Mme Garneau (Céline): Oui, dans ce sens qu'il y aurait une ouverture aux grandes religions et que ces gens-là pourraient apporter leur richesse. Mais tout dépend du nombre. C'est toujours en fonction du nombre.

Mme Papineau: O.K. Est-ce que je peux continuer?

La Présidente (Mme Charest): Oui, allez-y.

Mme Papineau: L'école multiconfessionnelle que vous décrivez dans votre recommandation n° 3 appelle une grande homogénéité de vue parmi le personnel de l'école. Même, vous semblez souhaiter que les manuels scolaires et les disciplines soient imprégnés de cette vision multireligieuse ouverte sur la transcendance. Il me semble que ce type d'école ne pourrait peut-être pas être très répandu. Pour vous, est-ce un modèle d'exception?

Mme Garneau (Céline): Je rêve beaucoup et je rêve très grand. Et je rêve de cohérence et je pense que, dans une école où le statut est différent de ce que les professeurs enseignent d'un cahier d'exercices à l'autre, c'est très nocif pour les enfants. Moi, je rêve vraiment d'arriver à une école où il y aurait une grande cohérence, où les enfants ne seraient pas charriés à hue et à dia dans une quête de sens qui est complètement contraire à une autre. C'est certain qu'actuellement il y aura sûrement des grandes difficultés, peut-être, à établir cette école-là, et peut-être qu'on pourrait avoir aussi des surprises au niveau des parents.

Je pense qu'il y a des parents d'autres religions que les religions chrétiennes qui n'aiment pas nos écoles catholiques actuelles, puis, des fois, ils font l'hypothèse que c'est ça, la catholicité. Mais, s'ils savaient que ce n'est pas ça puis que, nous autres, on est complètement d'accord avec eux autres pour avoir plus de discipline au niveau de la maîtrise de soi, du contrôle de soi puis d'enseigner ça à nos enfants selon... qu'on aurait la même mentalité qu'eux autres, je pense que ces écoles-là pourraient recruter beaucoup plus de personnes qu'on ne le croit.

Le problème serait peut-être au niveau de la formation des enseignants, là. C'est sûr qu'il y aurait évidemment, je crois, un problème à ce niveau-là. Actuellement, nos enseignants sont... Il y a comme une espèce de lavage de cerveau qui se fait même au niveau des universités, parce qu'on ne leur présente qu'à peu près seulement une vision, la vision laïque. Il y a seulement quelques cours obligatoires de religion, mais tout le vécu et tout ce qu'on leur enseigne, c'est dans la vision laïque.

Je pense que, si on accueille les musulmans... Il y a des musulmans, il y a bouddhistes qui sont très structurés, qui ont une très belle discipline de vie, et on pourrait recruter des immigrants, comme on en recrute actuellement pour l'enseignement religieux dans nos écoles à Montréal, parce que ces gens-là ont souffert et ils ont connu c'est quoi, se battre pour leurs valeurs et ils ont plus intégré leur foi que nous. Et on pourrait avoir un potentiel de professeurs parmi ces gens-là.

Mme Papineau: Merci, madame.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la députée. Maintenant, l'opposition officielle par M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Mme Garneau et M. Claude, bienvenue. Merci de votre présentation. On a l'occasion, en cette commission parlementaire, d'avoir à quelques reprises des individus qui viennent, en leur nom, présenter un mémoire, et je pense que quelque part c'est aussi le rôle de l'Assemblée nationale de reconnaître le travail des individus comme tels et de leur laisser une place. Non pas seulement à des groupes, mais aussi à des individus, parce que c'est la maison de la démocratie, c'est la maison de tout le monde, et nous sommes heureux de vous y accueillir.

Pour bien comprendre, la première de vos recommandations, je dirais, le squelette de votre mémoire, c'est non pas seulement de dire: On va ouvrir à la multiconfessionnalité, mais c'est vraiment la création de deux réseaux, c'est-à-dire un réseau laïque et un réseau confessionnel – ça, c'est le sens de votre première recommandation – à l'intérieur des commissions linguistiques déjà existantes. Mais, dans le fond, les objectifs que vous poursuivez, c'est d'avoir là où c'est possible, là où il y a des nombres qui le permettent, selon les accommodements raisonnables, une ouverture à la multiconfessionnalité et, dans certains cas, laisser la chance aux gens qui ne veulent pas avoir de religion qu'ils aient aussi leur place.

Mais est-ce que pour vous cette mise en place des deux réseaux est absolument nécessaire et essentielle à la suite des choses, c'est-à-dire au contenu comme tel dans les écoles ou ne serait-il pas plus simple... Ou encore de quelle forme de garantie auriez-vous besoin pour dire: On peut laisser de côté l'idée de former deux réseaux, un laïque et un confessionnel, mais d'ouvrir dans les classes et dans les écoles à la multiconfessionnalité? Est-ce que pour vous la mise en place de ces deux réseaux-là est vraiment essentielle à la suite de l'hypothèse que vous amenez?

Mme Garneau (Céline): Je vous remercie beaucoup. Premièrement, je suis très fière d'avoir l'occasion de parler ici, je dis: Quel merveilleux pays! Une personne seule peut se présenter puis être écoutée par le gouvernement, c'est vraiment...

M. Béchard: Et l'opposition.

Mme Garneau (Céline): Et l'opposition. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 h 40)

Mme Garneau (Céline): Je suis très fière. J'aime beaucoup ma province et je suis très fière d'être ici. Et, j'essaie de répondre à votre question, pour moi, oui, c'est essentiel pour avoir vécu dans les écoles actuelles où... Les laïques, au Québec, sont des gens intellectuels, en général, très, très bien organisés et qui réclament et exigent leurs droits, et ils ont le droit. Mais, dans les écoles multiconfessionnelles, ils arrivent à nous faire taire, vraiment, au nom du respect. On n'a plus le droit de proposer notre vision de vie et de transcendance au nom du respect, et, à ce moment-là, c'est la vision de la laïcité, qui est temporelle, qui ne répond pas à la quête de sens que les parents veulent, pour les croyants. Et, moi, je fais l'hypothèse que la grande difficulté des jeunes, actuelle, est un peu due à ce cafouillage-là qu'ils ont dans nos écoles où... À la maison on leur propose une vision de vie, et à l'école c'est complètement différent. Et on sait que, pour les adolescents, l'école est très importante et a souvent gain de cause sur la famille.

M. Béchard: Oui, mais, Mme Garneau, est-ce qu'on ne pourrait pas avoir le même type d'assurance ou de choix qui pourrait être fait – on a eu différents modèles de présentés à date – sans nécessairement remettre en place deux réseaux, un laïc et un confessionnel? Parce que imaginez les... On n'est pas même pas au statut de l'école comme tel, on est à un réseau. Il y a des gens qui disent: Peu importe le statut de l'école, si on a la garantie qu'à l'intérieur de l'école il y aura de l'enseignement pour d'autres religions que les religions catholique ou protestante, on est prêts à aller dans ce sens-là. Mais, vous, vous arrivez avec une proposition qui met la mise en place d'un réseau, est-ce que vous seriez prête à laisser de côté cette hypothèse-là de réseau? Et, si oui, de quelle garantie auriez-vous besoin pour être capable de dire: Bon, écoutez, on laisse de côté le réseau, on peut même laisser le statut de l'école? Parce que, dans le fond, ce qui est aussi important, c'est le contenu comme tel, ce qu'on enseigne à l'intérieur. Et je vous dirais que, moi, une de mes craintes, c'est qu'on prenne tellement de temps et qu'on ait tellement de craintes face aux structures, face au réseau comme tel, comme celui que vous voulez mettre en place, ou encore au statut de l'école et que ça soit tellement le lieu, je dirais, de conflits ou de zones grises qu'on oublie que, dans le fond, ce que les gens recherchent, c'est ce qui se passe à l'intérieur de la classe et de l'école.

Mme Garneau (Céline): Alors, j'espère que je comprends votre question et je vous remercie beaucoup de me la reposer. Moi, c'est parce que je voulais accorder une grande importance aux laïques, parce que je sais que c'est des gens qui sont bien articulés, qui défendent leurs droits et je voulais leur montrer qu'ils étaient sur un pied égal à nous. Mais ce que vous dites, je trouve ça plein de bon sens. C'est certain que, si on avait...

M. Béchard: Merci.

Mme Garneau (Céline): Ha, ha, ha! Si on avait des écoles... Excusez mon langage.

M. Béchard: Vous pouvez revenir quand vous voulez.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Garneau (Céline): Si on avait des écoles laïques... Moi, ce que je veux absolument, absolument et absolument, c'est des écoles laïques qui répondent aux besoins de ceux qui réclament la laïcité, parce que ces gens-là ne sont pas très intéressés à avoir ces écoles-là. Si on regarde l'opinion de M. Baril, il parle beaucoup contre ça. Il appelle ça des écoles ghettos, il se dévalorise, il dit qu'on va cracher sur lui, alors que c'est complètement faux. Moi, je respecte beaucoup quelqu'un qui a un cheminement en dehors de la religion. J'en ai eu un moi-même, et mon compagnon aussi. Alors, on a le droit, dans la vie, de bifurquer et puis d'aller tenter quelque chose ailleurs, et c'est dans ce sens-là que je voudrais qu'il y ait des écoles vraiment laïques. Mais ce n'est pas nécessaire que ce soit un réseau établi. De toute façon, ça compliquerait, comme vous dites, peut-être beaucoup l'existence, parce que le nombre n'est peut-être pas si nombreux que ça de gens qui désirent avoir ces écoles-là.

M. Béchard: Oui. Il y a un autre élément, votre recommandation 4, où vous proposez un modèle vraiment...

La Présidente (Mme Charest): Trois minutes.

M. Béchard: Oui. Trois minutes, je vais poser deux questions dans la même. Vous proposez vraiment un modèle spécifique, que l'enseignement religieux ait sa case horaire chaque matin et que ceux qui n'en veulent pas aient d'autres activités, sans doute. Pourquoi vous voulez un espace réservé comme ça, précis dans l'horaire, le matin, comme tel? Est-ce qu'il y a des raisons particulières derrière ça? Et l'autre question, c'est en rapport à votre recommandation 6, c'est-à-dire de donner le même budget et un temps égal à ceux accordés au rapport Proulx pour une nouvelle ou une autre étude concernant la mise en place d'un réseau multiconfessionnel. Est-ce que c'est parce que vous jugez que le rapport Proulx n'a pas été assez loin à date et qu'on n'est pas prêt à prendre une décision tant qu'on n'aura pas vraiment l'autre côté, je dirais, de la médaille?

Mme Garneau (Céline): Alors, pour la première question, le numéro 4, la recommandation du numéro 4, c'est parce que j'ai pensé aux problèmes que les directions d'école auraient pour l'organisation des horaires. C'est déjà difficile avec l'enseignement religieux et la morale. Alors, si on ajoute l'enseignement des musulmans, l'enseignement des bouddhistes, ça va compliquer l'existence, alors que, si on mettait dans la plage horaire quelque chose de fixe puis, ensuite, on pourrait jouer dans l'horaire, comme on joue actuellement, là, en satisfaisant les besoins particuliers de chacun des élèves, ça faciliterait les choses. Mon objectif, c'était de faciliter les choses.

Et, pour la réponse à l'autre recommandation, c'est certain que je recommande vraiment de ne pas utiliser la précipitation dans un débat comme ça. C'est des choses qui sont très importantes, et, si on précipite les choses, on risque de se casser le cou. Et je serais ravie si on pouvait avoir des gens, des tenants de la laïcité qui se mettraient à table avec des gens qui défendent aussi les positions des religions traditionnelles pour étudier, pour articuler quelque chose qui serait faisable pour établir des écoles multiconfessionnelles. Et là je termine en disant: La question du bon scolaire serait peut-être quelque chose de très, très intéressant à étudier dans ce sens-là.

M. Béchard: Du bon scolaire?

Mme Garneau (Céline): Oui. Ça éviterait de faire des pressions sur les gens. Ça se ferait directement entre le gouvernement et la maison, et les parents feraient un choix sans subir des pressions ou des influences de l'extérieur.

M. Béchard: Des pressions. Merci.

La Présidente (Mme Charest): Alors, je vous remercie, Mme Garneau ainsi que M. Claude. Bonne fin de journée.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): Alors, je demanderais à la Faculté de théologie de l'Université de Montréal de prendre place.

Ce ne sera pas long, M. le ministre va revenir.

(16 h 50)

Je vais demander à la Faculté de théologie de l'Université de Montréal de bien se présenter. Vous avez 20 minutes pour votre mémoire. S'ensuivra un échange, avec la partie ministérielle, de 20 minutes et, avec l'opposition officielle, de 20 minutes également. Alors, nous vous écoutons.


Faculté de théologie de l'Université de Montréal

M. Charron (Jean-Marc): Merci. Alors, je me présente: Jean-Marc Charron, doyen de la Faculté de théologie de l'Université de Montréal. Je suis accompagné, pour la présentation de cet après-midi, de Mme Solange Lefebvre, qui est professeur agrégée à la Faculté, et de M. Jean-François Roussel, qui est professeur adjoint à la Faculté.

Alors, Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés membres de la commission, dans les mois qui viennent, le gouvernement aura à établir sa politique eu égard à la place de la religion à l'école. Il le fera en tenant compte de l'évolution de la société québécoise en la matière et, en particulier, de la réalité croissante du pluralisme religieux, lequel se caractérise tant par la diversité des références religieuses que par la pluralité interne aux diverses traditions.

Cette réalité, que nous partageons avec la plupart des sociétés occidentales, nous semble être au coeur du débat qui nous occupe. La question est de savoir, au-delà des seules limites du territoire scolaire, comment nous allons collectivement gérer la cohabitation d'individus et de communautés qui s'inspirent de croyances religieuses diverses. En d'autres termes, le défi politique consiste à trouver un modèle d'organisation qui serait le plus susceptible de favoriser tant l'harmonie sociale et politique que le développement de citoyens responsables, et ce, dans le respect tant des droits que de la spécificité de l'expérience religieuse. À cet effet, notre conviction est que les solutions les plus viables vont dans le sens d'une prise en compte du religieux dans l'espace public et non dans celui d'un refoulement de celui-ci dans la seule sphère de la vie privée.

Quelles sont les incidences d'une telle prise en compte dans l'aménagement de l'école? Toutes les sociétés occidentales assurent une place pour le religieux dans la sphère publique pour des raisons culturelles, historiques, politiques ou éducatives. En lien avec ces postulats, permettez-moi de vous rappeler ici les quatre principes directeurs qui ont guidé notre réflexion et fondé les propositions que vous retrouvez dans le mémoire que nous avons présenté à votre commission.

Premièrement, dans le débat sur la place de la religion à l'école, plusieurs opposent tradition religieuse et modernité. Sont-elles exclusives l'une de l'autre? En fait, au sein de la modernité, on assiste plutôt à des recompositions du religieux. Et qu'en est-il du Québec? On ne saurait trop insister sur cette dynamique sociale, culturelle, religieuse, politique et économique qui repose sur une tension féconde entre tradition et modernité. Par ailleurs, dans la plupart des grandes communautés culturelles – au Québec comme ailleurs – très dynamiques au plan socioéconomique persiste un attachement à la tradition religieuse. Plus généralement, conserver un horizon religieux traditionnel comme référence pour situer la pluralité des croyances qui s'offrent à nous est une option assez répandue en Occident, que ce soit dans la famille, dans la communauté ou à l'école. En ce sens, notons que le rapport Proulx reconnaît d'emblée l'importance de la référence religieuse pour beaucoup de Québécois, que ce soit au plan croyant ou identitaire. À propos de la laïcité, il nous semble évident que l'État ne peut éviter, malgré sa neutralité, d'organiser et de gérer de manière toujours spécifique les relations qu'il établit avec des institutions ecclésiales et les autres traditions religieuses. L'idée centrale de la laïcité dans la pratique de tous les États modernes nous paraît être guidée par un art du compromis. Voilà pour le premier principe.

Le second principe concerne le rapport entre la sphère publique et la sphère privée, souvent évoqué par les acteurs du débat. Dans la modernité, la religion est-elle évacuée dans la sphère publique pour ne se vivre et ne se transmettre en toute légitimité que dans la sphère privée ou dans les institutions religieuses, par exemple la famille ou l'église? En fait, la réalité des rapports entre État, société civile et religion résiste à cette thèse de la privatisation totale de la religion dans la modernité. Les sujets modernes demeurent préoccupés par cette inscription pertinente des traditions religieuses dans la sphère publique. C'est le cas, notamment, des juifs, des catholiques, des chrétiens orthodoxes et des musulmans.

Notre troisième principe concerne l'articulation entre identité et altérité, qui a pour enjeu la socialisation des jeunes, la cohésion sociale et le dialogue interreligieux. Nous sommes tous d'accord pour dire que le contexte actuel requiert l'éducation à la tolérance. Le problème véritable réside dans le fait que l'éducation à la tolérance ne peut se fonder uniquement sur la dimension de l'altérité, mais qu'elle doit prendre en compte le développement de l'identité. En fait, un enfant, un jeune, s'il ne s'approprie pas son propre univers de croyances et d'incroyances, ne peut que difficilement s'ouvrir à l'altérité. À défaut d'ancrage identitaire, l'ouverture à l'autre s'avère plutôt un pluralisme d'addition ou d'indifférence. Or, indifférence n'est pas tolérance. La condition d'un véritable dialogue interreligieux ouvert au pluralisme est la fidélité à soi-même. L'inattention au rapport entre identité et altérité est, nous semble-t-il, l'une des failles principales du rapport Proulx. En lien avec cette question, notre observation et notre étude du phénomène religieux dans le monde nous amènent à conclure ceci: Nos sociétés modernisées commencent à peine à réaliser l'ampleur du défi du dialogue interreligieux.

Le quatrième et dernier principe consiste à mettre de l'avant un modèle de type communautarien pour penser l'inscription de la religion dans l'école. Si, dans le débat actuel on cite souvent l'exemple belge comme mise en pratique d'un tel modèle, nos propositions s'en distinguent par la régulation étatique que nous conservons et par la notion d'ouverture interconfessionnelle que nous mettons en relief, car il nous paraît essentiel de baliser l'application du modèle communautarien pour que celui-ci soit gérable et vécu sans cloisonnement. Le rapport Proulx, quant à lui, affiche une préférence pour la neutralité républicaine dans le système scolaire public qui faciliterait davantage l'intégration sociale des immigrants, la religion à l'école n'étant plus associée aux traditions religieuses particulières. Pourtant, rien n'indique que l'option communautarienne nuirait à la cohésion sociale. Bien plus, cette option correspond à la philosophie de décentralisation qui rallie le gouvernement et l'ensemble de la population.

Ces quatre principes orientent nos propositions suivantes. Nous souhaitons que soit établi un système de neutralité communautarienne là où le nombre le justifie selon des paramètres les plus pragmatiques possible.

Deuxièmement, nous proposons l'élargissement du droit de recevoir un enseignement religieux confessionnel à des confessions autres que chrétiennes sous réserve de certains critères limitatifs valables pour tous, critères à déterminer, encore une fois, par le législateur. Nous avons suggéré dans notre mémoire quelques critères envisageables qui permettraient, entre autres, de prévenir une démultiplication à l'infini des enseignements religieux et la ghettoïsation des populations scolaires. Nous préconisons une approche de confessionnalité ouverte à la diversité religieuse. Rappelons d'ailleurs que le nombre de traditions religieuses éprouvées au Québec est limité.

Troisièmement, pour que l'enseignement soit adapté au développement psychologique des enfants et des adolescents, nous proposons une différence d'accent, du primaire au secondaire, entre l'éducation religieuse misant sur l'identité au primaire et une éducation religieuse favorisant une ouverture à l'altérité au secondaire. Rappelons qu'il s'agit ici d'accent et non d'options exclusives l'une de l'autre. Déjà, au primaire, une ouverture à la diversité religieuse devrait être faite, tout comme les programmes du secondaire devraient présupposer comme point de départ une situation religieuse particulière.

Quatrièmement, nous souhaitons aussi que le ministère de l'Éducation convie les communautés religieuses catholiques, protestantes et chrétiennes orthodoxes à une réflexion en vue d'un remplacement des actuels cours d'enseignement religieux catholique et protestant par un cours unique d'enseignement religieux oecuménique chrétien. Nous croyons que l'actuelle séparation des confessions catholique et protestante reflète une époque révolue de l'histoire socioreligieuse du Québec. Les contenus actuels des programmes d'enseignement religieux catholique et protestant montrent si peu de divergences doctrinales qu'il est permis de croire que la détermination des contenus des cours serait assez aisée.

(17 heures)

Cinquièmement, à l'heure actuelle, les programmes d'enseignement moral dispensent une formation religieuse rudimentaire et insuffisante pour inculquer une bonne compréhension des univers religieux. Nous souhaitons donc l'intégration aux programmes actuels d'enseignement moral, de la première année du primaire à la troisième année du secondaire, de contenus substantiels de culture religieuse non confessionnelle pour répondre au besoin de formation religieuse et respecter la liberté religieuse des élèves qui n'appartiennent à aucune religion.

Sixièmement, pour préparer les élèves de manière plus immédiate au niveau collégial, leur permettre une distance critique par rapport à leur tradition, favoriser chez eux une synthèse éthicoreligieuse et les confronter pleinement à l'altérité, nous souhaitons l'instauration d'un cours commun et obligatoire pour tous les élèves, inspiré des méthodes des sciences humaines des religions, et qui porterait sur les rapports entre éthique, religions et société, aux quatrième et cinquième secondaires.

Septièmement, nous souhaitons que, dès le primaire, l'enseignement religieux fasse l'objet d'une spécialisation. Cette mesure permettrait de résoudre pour une bonne part les problèmes reliés aux demandes d'exemption adressées par les enseignants, des généralistes, qui désirent ne pas enseigner cette matière pour des raisons de convictions personnelles. Elle ferait en sorte que les enseignantes et les enseignants soient mieux préparés à dispenser cet enseignement qui s'avère parfois délicat. Sur le plan administratif, elle permettrait aussi une affectation de chaque enseignant ou enseignante à plus d'une école. Cela pourrait s'avérer judicieux pour les cas d'enseignement religieux de communautés minoritaires.

Huitièmement, nous préconisons l'abolition du statut confessionnel des écoles, l'abolition des fonctions de sous-ministres délégués de foi catholique et de foi protestante, de même que le remplacement des directions de l'enseignement catholique et de l'enseignement protestant par une direction de l'enseignement religieux. Au Conseil supérieur de l'éducation, nous souhaitons que les comités catholique et protestant soient remplacés par un comité interdénominationnel. Ces réformes devraient être étalées dans le temps de manière à garantir une transition harmonieuse.

Enfin, nous recommandons le maintien d'un service d'animation religieuse et spirituelle, élargi à toutes les grandes confessions religieuses, selon les mêmes modalités que pour l'enseignement religieux confessionnel, de manière à tenir compte des besoins et des possibilités des milieux. Ce service serait assumé par des personnes compétentes, formées à la compréhension de leur propre identité religieuse et au dialogue interreligieux.

Voici rappelés et expliqués les traits essentiels du mémoire que nous avons présenté à la commission parlementaire. Notre contribution au présent débat est menée dans un esprit de prise en compte des critères auxquels nous sommes tous tenus de répondre, entre autres les critères juridiques. En outre, elle comporte des propositions pour une solution durable, pragmatique et conforme aux voeux de la vaste majorité des citoyennes et des citoyens du Québec.

En terminant, Mme la Présidente, je voudrais remercier les membres de la commission d'avoir pris le temps de lire notre mémoire et d'avoir accepté de nous recevoir aujourd'hui. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Charron. Maintenant, je laisse la parole au ministre de l'Éducation.

M. Legault: Oui. D'abord, M. Charron, Mme Lefebvre et M. Roussel, merci beaucoup pour votre mémoire, merci d'être présents aujourd'hui. C'est un mémoire très étoffé que vous nous présentez aujourd'hui, avec une bonne connaissance de la réalité socioreligieuse du Québec, comme votre faculté nous y a habitués. D'ailleurs, je ne peux pas passer sous silence le fait que vous participez souvent aux débats de société au Québec, incluant votre illustre professeur Jacques Grand'maison, qui nous inspire beaucoup pour la préparation du Sommet du Québec et de la jeunesse. Donc, je veux souligner votre participation constante aux débats de société.

Je pense que la qualité, encore une fois, de votre mémoire est à souligner. Vous nous proposez un regard nouveau, peut-être même, je dirais, agressif, qui s'appuie sur l'héritage identitaire québécois, dans lequel on retrouve depuis longtemps la diversité, mais, aussi, où on retrouve et on tient compte donc de la tradition chrétienne qui est toujours prédominante au Québec. Vous nous faites des propositions concrètes d'aménagement de l'enseignement religieux. Vous proposez d'abord aussi l'abolition du statut confessionnel des écoles et vous nous dites que c'est comme une suite, pour vous, normale à la déconfessionnalisation récente des commissions scolaires.

J'aimerais peut-être vous entendre un peu plus sur votre lecture, justement, de la société québécoise. Vous nous dites que vos recommandations sont plus collectivement recevables, pour reprendre vos mots, que les recommandations du rapport Proulx. J'aimerais vous entendre peut-être élaborer en quoi vous percevez... quelle lecture vous faites de la société pour arriver à cette conclusion?

M. Charron (Jean-Marc): Je pourrais commencer à répondre puis, après ça, laisser mes collègues compléter, s'ils le souhaitent.

Il y a plusieurs niveaux de lecture par rapport à la réalité religieuse du Québec. La première, c'est peut-être de se dire que malgré... bon, personne n'est dupe ou naïf par rapport à la recomposition du religieux, par rapport à la révolution religieuse qui a accompagné la Révolution tranquille au Québec. Il y a plein d'indices qui nous laissent entendre que les Québécois et Québécoises ont pris une certaine distance par rapport aux institutions ou aux pratiques religieuses traditionnelles. Par ailleurs, ce serait rapide et hasardeux de croire que la prise de distance se traduit nécessairement par une indifférence, et notre conviction, c'est que la référence religieuse demeure une référence importante, fondatrice, pour beaucoup de Québécois et de Québécoises, la référence religieuse, et pensons à la tradition chrétienne dans ses versions catholique et protestante et, pour la majorité des Québécois, pensons à la tradition catholique. Alors, ne pas escamoter trop rapidement la réalité religieuse profonde malgré les apparences.

L'autre aspect, c'est bien sûr la question de la diversité religieuse, et la diversité religieuse, on l'entend à deux niveaux. Bien sûr, le premier, c'est: on est tous conscients, avec le fait de l'immigration, de la présence de nouvelles traditions religieuses dans le paysage québécois, mais aussi la diversité religieuse à l'intérieur même des traditions. Bref, la situation religieuse, elle est d'abord très réelle et elle est plus complexe que ce que certains pourraient laisser entendre.

Le défi de la société québécoise, c'est celui de la cohabitation de ces diverses appartenances. À ce défi de cohabitation, on peut répondre en disant: La question religieuse, ça relève de la sphère du privé ou ça appartient aux communautés religieuses respectives, et ce n'est pas à l'État de gérer ces réalités-là, et on n'a pas à gérer ou à se poser la question en termes de place de la religion dans l'espace public. Nous, on croit plutôt que, pour répondre au défi de la cohabitation, il faut absolument trouver des aménagements pour que le religieux trouve sa place dans l'espace public et il y a un rôle de l'État par rapport à la chose religieuse. D'un simple point de vue d'éducation à la citoyenneté, être un citoyen responsable, c'est aussi être capable d'assumer ses options idéologiques, et entre autres religieuses, et être capable de débattre avec des gens qui ne partagent pas les mêmes points de vue que nous. C'est le rôle de l'État de prendre en compte cette dimension-là. C'est le rôle de l'école aussi de poursuivre un objectif de socialisation et, dans l'objectif de socialisation, d'éducation à la vie en société, on ne peut pas passer à côté de la dimension religieuse.

J'ajouterais rapidement que cette prise en compte de la dimension religieuse, elle ne peut pas se limiter uniquement à la dimension culturelle. Pour dire les choses assez rapidement et bêtement, la chose religieuse, ce n'est pas quelque chose qui se passe uniquement entre les deux oreilles. Et une approche uniquement culturaliste ou phénoménologique du fait religieux met l'accent uniquement sur la dimension cognitive de l'expérience religieuse, ce qui n'est pas rien, mais laisse en plan la dimension expériencielle, la dimension subjective, et ça, dans un travail d'éducation et de socialisation, ça nous semble un point majeur. Je ne sais pas si Solange et Jean-François...

La Présidente (Mme Charest): Mme Lefebvre.

(17 h 10)

Mme Lefebvre (Solange): Oui, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, mesdames, messieurs. Un petit trait à ajouter à ce développement, c'est que nous avons été frappés par le paradoxe suivant: le rapport Proulx présente une solution mur à mur, c'est-à-dire une solution unique pour tous, alors que le Québec est en voie de décentralisation en bien des domaines. Alors, nous avons tenté de présenter une solution plus flexible qui tenait compte d'une plus grande diversité, et je crois que les débats en témoignent depuis la parution du rapport Proulx dont, en passant, nous ne nions aucunement la qualité de l'argumentation qui nous permet justement de faire le point sur cette situation qui est fort complexe au Québec, bien sûr. C'est tout ce que je voulais ajouter.

La Présidente (Mme Charest): M. Roussel.

M. Roussel (Jean-François): Moi, ce que je voudrais ajouter un peu dans le prolongement de ce que Mme Lefebvre vient d'ajouter, c'est que, dans le débat sur le rapport Proulx, on a vu une grande disparité entre... en tout cas, c'est apparu beaucoup, cette disparité entre la région montréalaise et les régions. Dans les aménagements que nous proposons, ce sont les milieux qui demandent l'établissement d'un programme d'enseignement religieux d'une confession quelconque. Ce qui voudrait dire à toutes fins pratiques qu'on pourrait s'attendre à ce que, dans la région montréalaise par exemple, certains programmes d'enseignement religieux soient demandés et établis sans que pour autant sur la Côte-Nord, ou en Abitibi, ou au Lac-Saint-Jean, on soit obligé de mettre sur pied un programme qui ne correspondrait pas à une demande, finalement, de ces milieux-là.

M. Legault: Peut-être une dernière question puis je vais laisser la parole à mon collègue. Vous avez parlé de la diversité religieuse puis vous faites une proposition d'une certaine ouverture aux autres religions. J'aimerais peut-être vous entendre élaborer. Selon votre expertise, comment vous voyez les critères? Vous nous parlez de critères limitatifs pour accepter ou non les autres religions qui seraient enseignées. Quels seraient ces critères? Puis comment vous voyez le fonctionnement pour admettre ou non une nouvelle religion dans nos écoles?

M. Charron (Jean-Marc): En fait, il y en a deux importants. Peut-être que Solange pourrait rafraîchir ma mémoire sur les détails, mais les deux importants, le premier, c'est «là où le nombre le justifie». Alors, ça prendrait une certaine représentativité d'une tradition religieuse pour qu'on accepte d'offrir dans une école donnée ou dans un milieu donné un enseignement pour cette tradition. D'autre part, on a parlé de tradition religieuse qui a apporté et a contribué au patrimoine spirituel de l'humanité. Alors, il s'agit des grandes traditions religieuses reconnues à travers le monde. Bien sûr, ça met de côté, disons, ce qu'on appelle les nouvelles religions ou les nouveaux mouvements religieux. Alors, c'est les deux critères importants.

M. Legault: O.K. Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Lefebvre, M. Charron, M. Roussel, bienvenue parmi nous. Merci d'être là et félicitations pour la qualité d'un mémoire qui, sans être un essai, porte bien sûr à la réflexion.

On vous sent bien sûr très soucieux d'établir un équilibre entre l'identité et l'altérité, pour reprendre vos propres expressions, qui jalonnent l'ensemble de votre mémoire. Pour autant, on vous sent un peu rébarbatifs à l'idée d'introduire des programmes d'enseignement au contenu neutre et sans ancrage identitaire, pour reprendre votre expression. Cela, en fait, témoigne, à mon avis, du fait que – et le ministre y faisait référence – pour vous, le lien entre l'identité québécoise et l'identité religieuse, c'est très fort. C'est sans doute une des idées maîtresses de votre mémoire.

Et pour nous en convaincre, en page 9, vous citez le Groupe international d'analyse comparative de changement social, qui porte un regard sur de nombreuses sociétés, notamment la nôtre, et permettez-moi de la citer parce que je la trouve très belle, je trouve ce passage très beau. Vous dites: «Les catholiques, les musulmans, les protestants et les juifs – c'est en page 9, hein, c'est ça – qui ne pratiquent pas ne refusent pas pour autant leur héritage culturel, ils le revendiquent même: la tradition religieuse familiale est un facteur primordial d'identité que chacun tient à entretenir. Les catholiques "identitaires" rejettent le magistère de l'Église mais se disent et se veulent de tradition catholique. Les musulmans qui ne pratiquent pas les rites religieux sont très attachés à la culture musulmane et en respectent les interdits. Il en va de même pour les juifs...» Donc, la citation se poursuit. Marek Halter, dans son tout dernier volume, Le judaïsme raconté à mes filleuls , reprend un peu la même iée-force, qu'on peut s'identifier à une religion sans pour autant la pratiquer.

Donc, pour vous, il semble très clair et très net que la connaissance de nos racines identitaires sur le plan religieux, c'est incontournable. Et pourtant – et je trouve ça un peu paradoxal et je vais vous demander pourquoi – vous nous dites, en page 2 du sommaire de votre présentation, que vous voudriez en quelque sorte fondre l'enseignement protestant et catholique en une espèce d'enseignement religieux oecuménique chrétien. Or, vous ne voyez pas une contradiction entre votre proposition et le texte?

M. Charron (Jean-Marc): Oui...

La Présidente (Mme Charest): M. Lefebvre... Excusez, pardon, M. Charron.

M. Charron (Jean-Marc): Ça peut paraître paradoxal. En même temps, quand on réfère aux racines profondes en ce qui concerne la tradition catholique et protestante au Québec, moi, je dirais que les racines profondes renvoient plus aux références chrétiennes en général qu'aux spécificités de la tradition catholique et protestante. Et je pense qu'à l'heure actuelle il y a suffisamment... Sans vous refaire un peu l'histoire de l'oecuménisme en Occident depuis la fin des années cinquante, je pense qu'il y a suffisamment de points de rencontre entre les traditions catholique et protestante pour qu'on puisse, autant au niveau de la théologie qu'au niveau des pratiques et des mentalités, penser à un tronc commun de formation. Ce tronc commun là pourrait suffire aux objectifs poursuivis par l'éducation religieuse à l'école, restant à chacune des traditions religieuses particulières de marquer la spécificité de sa tradition.

Mais, pour prendre des exemples très concrets, à la Faculté de théologie, chez nous, qui est pourtant une faculté de théologie catholique, donc qui, au plan formel, a une identité bien campée, cohabitent ensemble, autant dans le corps professoral que dans la clientèle étudiante, des gens de diverses dénominations chrétiennes. Et, sur l'essentiel du patrimoine religieux de l'héritage chrétien, aujourd'hui, catholiques et protestants, à part quelques groupes marginaux de part et d'autre, se retrouvent facilement. Alors, c'est sur la base de ce constat pratique d'une part, la cohabitation effective de catholiques et protestants, et sur la base de l'évolution tant des institutions, des Églises que de la théologie et catholique et protestante. Alors, ça peut effectivement paraître paradoxal, surtout quand on se souvient que, dans un passé pas si lointain au Québec, catholiques et protestants avaient de la misère à cohabiter ensemble.

M. Simard (Montmorency): Je ne sais pas s'il me reste un petit peu de temps, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Charest): Oui, allez-y. Il n'y a pas de problème.

M. Simard (Montmorency): ...mais j'aurais peut-être voulu savoir, pour reprendre cette idée d'enseignement religieux oecuménique chrétien... Parce qu'on me dit – évidemment, je suis sorti de l'école primaire et secondaire depuis quand même un certain temps – que, depuis quelques années, l'enseignement religieux catholique s'est beaucoup oecuménisé, si vous me permettez l'expression. Alors, j'aimerais savoir quelle est la différence entre l'enseignement actuel... l'enseignement catholique religieux actuel par rapport à cet enseignement religieux oecuménique chrétien que vous proposez?

M. Charron (Jean-Marc): Jean-François peut-être.

La Présidente (Mme Charest): M. Roussel.

M. Roussel (Jean-François): Oui, d'accord.

La Présidente (Mme Charest): Il reste trois minutes.

M. Roussel (Jean-François): On va faire ça bref. Au plan du contenu, les différences ne sont pas très marquées entre l'enseignement religieux protestant et l'enseignement religieux catholique, surtout depuis 1984, époque où, finalement, l'initiation sacramentelle a été transférée dans les paroisses. Au plan, je dirais, des structures administratives, par contre, là où ça change finalement, c'est qu'on se retrouve avec un comité interdénominationnel plutôt qu'avec un comité catholique d'une part, comité protestant d'autre part. Alors, je crois qu'il s'agirait d'adapter l'enseignement et les structures à un état de fait.

M. Simard (Montmorency): Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Charest): Ça va? Oui. Alors, merci. M. le critique de l'opposition officielle, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

(17 h 20)

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Charron, Mme Lefebvre, M. Roussel, bienvenue. Merci pour votre mémoire qui est très, très impressionnant par son contenu, je dirais autant sociologique qu'historique, à la limite je dirais un peu aussi juridique, et qui amène la réflexion à un certain niveau, notamment en ce qui a trait à tout l'aspect que vous amenez à la page 6 et au lien que vous faites avec la modernité et la tradition. Et la citation que vous soulevez de M. Touraine sur comment lui-même définit l'espace québécois, «c'est-à-dire dans l'évitement des extrêmes, nationaliste ou néo-libéral, traditionaliste ou moderniste. Le Québec serait un laboratoire privilégié de vie sociale, en particulier sur les rapports entre tradition et modernité, et entre identité, universalisme et particularisme.» Je dirais que c'est le but, je pense, que cette commission-là recherche dans l'élaboration des solutions et des alternatives qui peuvent être mises en place.

Et dans cet esprit-là, quand on parle du lien entre la modernité et la tradition, il y a des gens qui sont venus ici parler de l'article 41 de la Charte des droits et libertés du Québec sur le libre choix des parents. Et il y en a même qui ont fait le lien avec le fait que, si on touchait à cet article-là, on touchait aussi à la spécificité du Québec à certaines de ses particularités. Est-ce que vous pensez que cette interprétation-là, cet aspect-là de notre Charte des droits et libertés représente aussi un élément à sauvegarder qui pourrait être un bel exemple de ce lien entre la modernité et la tradition et que ça ne serait pas le pivot, justement, de ces éléments-là qui démontrent que, oui, on peut être à la fois moderne mais respecter certaines traditions? Et face à ceux qui veulent modifier cet article 41 pour le rendre, je dirais, plus universel et moins identitaire au niveau du Québec, qu'est-ce que vous répondriez face au débat qui s'amorce présentement?

M. Charron (Jean-Marc): Je laisserais mon collègue Roussel répondre à la question.

M. Roussel (Jean-François): D'accord. Bon, évidemment, nous ne sommes pas des juristes, mais nous nous sommes quand même penchés sur cette question-là. L'article 41, finalement, dans son énoncé – et j'y vais de mémoire – c'est l'article qui spécifie, qui stipule que les parents ont le droit d'envoyer leurs enfants dans une école où leurs enfants vont recevoir un enseignement religieux conforme à leurs convictions dans le cadre des programmes prévus par la loi. On peut constater que les aménagements actuels, évidemment, respectent l'article 41, ça va de soi, mais que les aménagements que nous proposons le respecteraient tout autant, sauf erreur de notre part, tout en n'ouvrant aucunement la porte, nous semble-t-il, à un privilège indu ou à une discrimination à l'égard de certains groupes religieux. Alors, en ce sens-là, je ne crois pas que les aménagements que nous proposons impliquent que nous devions toucher à l'article 41. Par ailleurs, ils n'impliquent pas – et là ça nous paraît très avantageux – que nous devions recourir à tous les cinq ans aux clauses dérogatoires.

M. Béchard: Selon vous, le modèle que vous proposez est assez respectueux des textes et de l'esprit des chartes pour justement éviter le recours aux clauses dérogatoires, et justement dans le respect qu'on appelle l'égalité, tout le phénomène de la reconnaissance comme tel, des phénomènes religieux, des religions et de ce qui va être enseigné. Il y a eu le Conseil supérieur de l'éducation, ce matin, la partie catholique, qui a proposé que, pour justement la reconnaissance comme telle des religions qui pourraient être enseignées, oui, «là où le nombre le justifie», des accommodements raisonnables, mais une espèce d'étape préalable, c'est-à-dire que le ministère doit d'abord et avant tout reconnaître les religions qui pourraient être enseignées. Parce que ce n'est pas tout que 20 personnes quelque part au Québec demandent un enseignement religieux. Mais, eux, ils présentaient une espèce d'étape préalable, c'est-à-dire que les communautés devraient d'abord faire une demande au ministère, être reconnues, répondre à certains critères, et vous les abordez un petit peu dans votre mémoire aussi, cet aspect-là de critères de reconnaissance. J'aimerais que vous nous disiez, vous élaboriez davantage sur justement qu'est-ce qui, selon vous, serait le mécanisme le plus favorable, dans le respect des chartes, dans le respect des lois, à la mise en place d'un modèle comme ça qui reconnaît quelles religions ont le droit de cité, et à partir de quel moment on dit oui, s'il y a un nombre qui le justifie, avec des accommodements raisonnables, que telle, ou telle, ou telle religion peuvent être enseignées.

M. Roussel (Jean-François): Alors, je demande à répondre. Bon, évidemment, on a énoncé certains critères, puis ce sont des suggestions et il y a un réalisme politique et administratif aussi éventuellement, il faut que ça passe par l'épure de la perspective un peu administrative et, je dirais, du pragmatisme de ce côté-là.

En ce qui concerne le critère du «nombre qui le justifie», un nombre suffisant pour nous, ce n'est pas uniquement un nombre suffisant, appelons ça, d'adeptes ou de membres d'une communauté religieuse dans un lieu particulier, un quartier de Montréal ou une région de la Montérégie, par exemple. Le nombre suffisant, c'est bien sûr en partie, oui, à l'échelle locale que ça se joue, mais il nous semble que ça devrait être aussi à l'échelle du Québec, à l'échelle de la population. On va mettre en oeuvre des ressources gouvernementales, ministérielles pour construire des programmes. Donc, à ce niveau-là, il y a un critère de réalisme. On passe difficilement à côté de ça.

D'autre part, en ce qui concerne la question de savoir quelles sont les religions qui devraient être reconnues comme telles, comme ayant droit à un enseignement religieux à l'école, au fond, on parle de critères limitatifs. Il ne faudrait pas qu'on voie ça bêtement comme des critères limitatifs, uniquement comme des critères limitatifs, mais il faut se demander: Qu'est-ce que l'enseignement de la religion vient faire à l'école? Il vient s'inscrire dans la perspective d'une formation à une culture générale. Dans ce sens-là, il nous paraît important que, dans ce cadre d'une formation à la culture générale, l'élève soit mis au contact des traditions musulmanes, hindoues, bouddhiques, chrétiennes, juives. Il nous paraît moins justifiable qu'il soit mis en contact avec tous les discours religieux qui circulent dans notre société. De toute façon, ce serait impossible et, dans la perspective d'une culture générale, ça nous paraît inutile.

D'autre part, en ce qui concerne les autres critères, on en a énoncé un certain nombre dans le mémoire.

Mme Lefebvre (Solange): Ce qu'on se disait, c'est qu'il fallait assurer des critères, de telle sorte qu'il n'y ait pas seulement une question de droit, mais aussi une question de tamisage des diverses religions intéressées à recevoir une tribune dans les écoles. Alors, si les programmes doivent être approuvés par le ministère de l'Éducation, si les enseignants doivent passer par une formation universitaire et donc être confrontés aussi au pluralisme, déjà là, on aligne des critères très pratiques qui vont faire en sorte que des petits mouvements religieux y trouveront certainement peu d'intérêt. Alors donc, il faut que tout groupe de religion intéressé non seulement satisfasse à certains critères de nombre, mais aussi à des critères de régulation extérieure à lui. Et ça, pour les nouveaux mouvements religieux, c'est très important.

Par ailleurs, nous avons aussi énoncé des critères de l'ordre culturel mais aussi spirituel, dans la mesure où on se dit que, pour admettre des groupes religieux dans l'espace public, il faut que ces religions aient eu un apport au patrimoine mondial, donc aient eu l'épreuve de la durée et du temps, hein. Les grandes traditions religieuses, c'est ce qui est arrivé. Ce n'est pas le cas de tous, ce qui n'exclut pas que, dans les cours, éventuellement, il soit fait mention de la réalité des nouveaux mouvements religieux et pas de façon hostile, bien sûr. Vous savez que les universitaires sont très prudents à l'égard des approches antisectes ou anticultistes qui ne tiennent pas compte de la richesse et de la complexité du phénomène religieux dans les sociétés contemporaines.

(17 h 30)

M. Béchard: Merci. À la page 19 de votre mémoire, vous amenez un élément qui est extrêmement intéressant quand vous mentionnez que «la pédagogie proposée par le rapport Proulx pèche par inconséquence. D'un côté, on espère amener l'élève à développer une perspective critique sur les religions; de l'autre, on propose une présentation des religions marquée par la plus stricte neutralité de l'enseignant.» Et plus loin, vous ajoutez: «Or, en matière religieuse, un individu n'est jamais neutre à la manière d'un État.» Par cette affirmation, pour vous, il semble à peu près impossible qu'un cours de culture des religions ou un cours qui pourrait s'y apparenter, mais avec vraiment un ensemble de la connaissance... au-delà du contenu, un des éléments importants à prendre en considération avant la mise en place d'un tel cours, c'est la formation et la neutralité des individus. Est-ce que, pour vous, c'est un obstacle insurmontable à la mise en place, par exemple, d'un cours de culture des religions?

Et, en lien avec ça, quand vous parlez dans votre proposition du cursus terminal, en quatrième et cinquième secondaire, sur un thème, Éthique, religions et société , dans l'esprit des sciences humaines et des religions, la différence entre les deux... à partir du moment où on dit qu'un individu n'est pas neutre au niveau de la religion, est-ce que ce même individu là peut arriver en secondaire IV et V et donner un cours qui, à ce moment-là, j'imagine, ne serait vraiment pas relié à la culture comme telle des religions, mais beaucoup plus une perspective, comme vous le mentionnez, d'éthique? J'ai un petit peu de difficultés à voir comment on peut, d'un côté, dire qu'on ne peut pas le mettre en place et, de l'autre côté, secondaire IV et V, le même individu, à ce moment-là, ne serait toujours pas neutre.

M. Charron (Jean-Marc): En fait, tout tourne – puis j'y reviendrai – autour de la question identité et altérité. À notre avis, le problème du rapport Proulx quant à la question de la neutralité, c'est qu'on a glissé facilement, dans le rapport Proulx, de la question de la neutralité de l'État en matière de religion à la neutralité de l'objet de l'enseignement, qui est la question religieuse, à une neutralité de l'intervenant ou de l'intervenante, une neutralité de l'enseignant, en matière de religion. Notre critique par rapport à ça, c'est que, en même temps que le rapport Proulx préconise la neutralité, il souhaite développer le sens critique. Nous, ce qu'on dit par rapport à cette question-là, c'est que, et pas uniquement en matière de religion, puis là, il y a un beau débat de philosophie de la connaissance et d'épistémologie – on n'entrera pas là-dedans cet après-midi... mais développer le sens critique, ça ne se fait pas à partir d'une position neutre. Ça n'existe jamais. Le développement du sens critique se fait à partir d'un point de vue qu'on assume. Et on trouve que c'est cet aspect-là que le rapport Proulx a assez complètement escamoté. La question de l'inscription subjective n'est pas du tout prise en compte dans le développement de la question religieuse et dans le développement de la pédagogie religieuse.

Alors, nous, on dit: Oui, développer le sens critique, mais on va développer le sens critique chez les enfants et les adolescents à partir d'abord d'une inscription dans une tradition particulière, d'où nos développements sur la question de l'identité. La meilleure façon de développer le sens de l'altérité chez un individu, c'est d'abord de prendre en compte son inscription identitaire. Une fois cela acquis, on pense que le point de vue critique sur un autre objet, une autre tradition religieuse, est possible, d'où notre proposition d'un enseignement culturel des religions au niveau de quatrième et cinquième secondaire, faisant l'hypothèse que, rendus à ce stade-là, les adolescents ont suffisamment d'inscription subjective, d'une part, et, d'autre part, ont suffisamment d'outils intellectuels pour aborder l'objet religieux ou tout autre objet de façon plus critique. Je ne sais pas si ça répond à votre question?

M. Béchard: Oui, oui. Toujours dans la suite des individus comme tels, vous êtes des spécialistes dans la formation des maîtres et vous mentionnez qu'il devrait y avoir une spécialisation des maîtres qui dispensent les différents enseignements religieux, et cela, dès le primaire. Je vous dirais que ça répond en partie à une des critiques que nous avons eue souvent à cette commission, c'est-à-dire que, oui, présentement, il y a des cours d'enseignement religieux, mais, souvent, les gens les donnent sans trop de conviction parce que c'est pour compléter une tâche ou essayer d'avoir quelques enseignements à quelque part. Selon vous – première question – quelle est la place que vous croyez qu'on devrait réserver aux différentes communautés religieuses dans le développement des nouveaux programmes d'autres confessionnalités ou des nouveaux programmes même catholiques et protestants? Et, en même temps, quelle est la place qu'on doit laisser à l'interprétation, justement, des maîtres? Vu qu'on dit qu'un individu n'est jamais neutre, quelle est la place qu'on doit laisser, la marge de manoeuvre comme telle qu'on doit laisser à l'enseignant dans, je dirais, l'enseignement religieux, de quelque confessionnalité que ce soit?

M. Charron (Jean-Marc): Je ne suis pas sûr de bien comprendre le sens de la première partie de votre question sur la place qu'on doit laisser aux...

M. Béchard: C'est parce qu'il y a différents représentants de groupes confessionnels et d'autres religions qui sont venus nous dire: Dans l'élaboration des programmes, nous voulons être consultés; on ne veut pas, par exemple, qu'il y ait un programme musulman qui soit élaboré sans qu'on ne consulte les communautés musulmanes.

M. Charron (Jean-Marc): Tout à fait, oui.

M. Béchard: Selon vous, quelle est la place qu'on doit laisser à ces communautés-là dans l'élaboration des programmes? Et, deuxièmement, en contrepartie de ça, il y a toujours le risque de la critique. La personne qui va donner le cours, quelle est la place qu'on lui donne justement pour faire le lien autant entre la formation comme telle des maîtres, la formation du programme des communautés qui y sont reliées, mais aussi en même temps de l'individu qui va leur donner? Comment vous voyez toute cette relation-là entre les trois composantes?

M. Charron (Jean-Marc): Peut-être que Solange aurait des choses à ajouter là-dessus. Ce que je vous dirais dans un premier temps, c'est que, bon, pour nous, ça va de soi, et c'est pour ça qu'on propose, au lieu du comité catholique et du comité protestant et au lieu de la direction de l'enseignement catholique et de la direction de l'enseignement protestant, une direction de l'enseignement religieux et un comité interdénominationnel. Il nous apparaît évident que, dans la confection des programmes propres à chacune des traditions religieuses, qui seraient reconnues pour un enseignement approuvé par le ministère, soient associés à la confection de ces programmes-là, à la production de ces programmes-là, des gens issus de ces traditions religieuses, d'une part.

D'autre part, notre proposition par rapport à la responsabilité de l'enseignement, peut-être que notre proposition n'est pas assez explicite là, mais la recommandation est à l'effet que, pour un enseignement religieux musulman, cet enseignement religieux musulman soit assumé par quelqu'un issu de la tradition musulmane, et non pas que l'enseignement soit fait par un enseignant qui soit d'une tradition religieuse puis qui enseignerait les diverses autres traditions. Alors, si on accepte dans un milieu qu'il y ait un enseignement religieux musulman, cet enseignement devrait, en principe, se faire – enfin, selon notre proposition – par des gens issus de cette tradition-là, et la même chose par les gens de la tradition juive et des diverses traditions chrétiennes.

M. Béchard: Mais qui se situent à l'intérieur du corps professoral.

M. Charron (Jean-Marc): Oui.

M. Béchard: Vous n'ouvrez pas la porte en disant: Bien, ce sera les communautés qui... C'est vraiment quelqu'un du corps professoral, issu de tel ou tel groupe religieux qui viendrait.

M. Charron (Jean-Marc): Oui. Juste avant...

M. Béchard: O.K. Oui.

Mme Lefebvre (Solange): Nous avons entrevu par ailleurs...

La Présidente (Mme Charest): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre (Solange): Je m'excuse. Nous avons entrevu par ailleurs la possibilité que, à l'école primaire notamment, il y ait des spécialistes de l'enseignement religieux qui ne soient pas partie prenante du corps professoral pour éviter que cet enseignement repose sur des gens qui connaissent mal la question et qui ne se sentent pas à l'aise pour donner le cours en question. Il peut se trouver des enseignants tout à fait à l'aise, mais aussi ça peut être le contraire. Au secondaire, c'est davantage spécialisé.

Par ailleurs, il est certain qu'on propose que les gens des diverses dénominations religieuses soient mis à profit, bien sûr, mais des gens capables de reconnaître le pluralisme interne à leurs traditions, ça, c'est tout à fait fondamental, et de même pour les enseignants. Parce que, si des enseignants sont capables d'assumer le pluralisme interne à leurs traditions, ils seront capables de permettre aux enfants de se situer de façon libre et critique à l'intérieur de cet enseignement-là et seront capables aussi de se situer eux-mêmes de façon critique. Et c'est pourquoi nous suggérons aussi qu'il y ait le tiers universitaire. Vous savez, l'enseignement des maîtres doit se faire à l'université, dans des départements ou facultés de théologie, science des religions, capables de donner des outils critiques justement par rapport à ces grandes traditions religieuses pour ne pas que ce soit purement et simplement de la catéchèse, hein. On essaie de s'en distancer depuis un bon moment. Il me semble que ce que nous suggérons permettrait de faire en sorte que la distance soit réelle.

La Présidente (Mme Charest): M. Charron.

(17 h 40)

M. Charron (Jean-Marc): Oui. J'ajouterais rapidement et sous un mode analogique... on le mentionne dans notre mémoire concernant l'animation religieuse et spirituelle, bien, ça existe déjà. Dans le milieu carcéral, on offre, en ce qui concerne l'animation, les services de ce qu'on appelait jadis les services d'aumônerie. Les services de pastorale en milieu carcéral, on permet qu'il y ait une présence d'un représentant d'une tradition religieuse, si le nombre le justifie, et pour accompagner les détenus qui appartiennent à cette tradition-là. Sur une base analogique, on pourrait penser quelque chose – et c'est le sens de nos propositions – de semblable pour l'enseignement.

M. Béchard: Les aménagements que vous proposez amènent des changements importants, amènent des changements assez fondamentaux dans la vision comme telle et dans le système actuel d'enseignement religieux. Quel serait, selon vous, un échéancier réaliste pour vraiment mettre en place les propositions que vous amenez, autant au niveau de la formation des maîtres, du contenu des programmes, je dirais de la mise en place et de l'acceptation sociale comme telle de ce modèle-là? Est-ce que vous avez réfléchi au type d'échéancier qui pourrait être mis sur la table? Est-ce qu'on peut penser à six mois, deux ans, cinq ans? Quelle est la perspective qu'on doit avoir dans l'échéancier du changement que vous proposez?

M. Charron (Jean-Marc): Pour être honnête, ce n'est pas une question qu'on a considérée. Mais, spontanément, moi, je vous dirais qu'un délai de cinq ans pour établir une transition, ce n'est pas déraisonnable, dans la mesure où il y a des changements de structure, mais il y a des changements de programmes. Pour avoir travaillé dans la production de matériel didactique et de programmes pour l'enseignement religieux dans le passé, ce n'est pas quelque chose qui se fait en six mois sur le coin de la table de cuisine. Et, bon, changement de structure, production de programmes, production de matériel didactique et formation des maîtres, moi, je pense que, de façon réaliste – je ne sais pas ce qu'en pensent mes collègues – on ne s'en sort pas facilement en bas d'un délai de cinq ans.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Je voudrais remercier également Mme Lefebvre, M. Charron et M. Roussel, de la Faculté de théologie de l'Université de Montréal, au nom des membres de la commission. L'ordre du jour étant épuisé, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 43)


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