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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le vendredi 29 novembre 2002 - Vol. 37 N° 44

Consultations particulières sur le projet de loi n° 123 - Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures treize minutes)

Le Président (M. Paquin): Nous avons quorum. En conséquence, la commission de l'éducation va entreprendre des consultations particulières sur le projet de loi n° 123, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial.

Maintenant, je vais... Est-ce que vous avez des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marcoux (Vaudreuil) est remplacé par M. Chagnon (Westmount? Saint-Louis).

Le Président (M. Paquin): D'accord.

M. Chagnon: Si on m'accepte, bien sûr.

Le Président (M. Paquin): Oui, je pense qu'on va accepter ça. On est content que vous soyez arrivé de toute façon.

Alors, concernant l'ordre du jour d'aujourd'hui, entre 15 heures, normalement, et 17 h 45, nous avons les remarques préliminaires suivies de la Fédération des enseignants et enseignantes de cégep, la Fédération du personnel professionnel des collèges et la Fédération du personnel de soutien de l'enseignement supérieur en un seul groupe, suivi de la Fédération des cégeps et de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec.

En soirée, entre 20 heures et 23 h 45, nous avons les groupes suivants: Association des collèges privés du Québec, Coalition des cégeps des régions, Fédération étudiante collégiale du Québec, Fédération autonome du collégial, Commission d'évaluation de l'enseignement collégial et, de 23 h 45 à 0 heure, les remarques finales.

Remarques préliminaires

Alors, j'inviterais d'abord le groupe parlementaire formant le gouvernement à faire des remarques préliminaires. M. le ministre.

M. Sylvain Simard

M. Simard (Richelieu): M. le Président, Mme, MM. les membres de la commission, chers invités, je désire tout d'abord, M. le Président, souhaiter la plus cordiale bienvenue à toutes les personnes qui se joignent à nous aujourd'hui, et jusqu'à tard ce soir, afin de contribuer à bonifier le projet de loi n° 123. Sans aucun doute, et que ce soit très clair, vos commentaires, vos observations viendront alimenter notre réflexion.

Avant d'entreprendre les consultations particulières sur le projet de loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel ainsi que la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, j'aimerais rappeler brièvement en quoi consiste les principales modifications envisagées et dans quel contexte elles s'inscrivent.

D'abord, l'objectif principal du présent projet de loi est simple, il consiste à rendre obligatoire pour les cégeps l'établissement d'un plan stratégique intégrant un plan de réussite, ainsi qu'à élargir et à consolider la mission de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial.

Au Sommet du Québec et de la jeunesse, au printemps de l'an 2000, le gouvernement du Québec s'est résolument engagé à maintenir l'éducation au coeur de ses priorités et à viser la réussite pour chaque élève. Dans la foulée du Sommet, le ministre de l'Éducation de l'époque a demandé aux collèges de se mettre à l'oeuvre et d'élaborer des plans de réussite. Que devaient contenir ces plans? D'abord, les établissements devaient identifier les obstacles à surmonter, les écueils à éviter. Ensuite, ils étaient tenus de se fixer des objectifs de réussite et de persévérance dans les études ainsi qu'une cible à atteindre en matière de diplomation. Enfin, il leur fallait choisir les stratégies et les moyens d'aide à la réussite pour améliorer leur situation, tout cela à l'intérieur d'un échéancier. Tous les établissements visés ont élaboré et mis en oeuvre leur plan de réussite. Cela a permis aux collèges de recentrer davantage leurs efforts sur leur mission éducative et de développer des moyens adaptés, souvent d'ailleurs novateurs, pour favoriser la réussite et l'obtention d'un diplôme. Nous devons maintenant, et c'est le but de ce projet de loi, nous assurer de la pérennité de cette entreprise.

Le projet de loi consiste en premier lieu à modifier la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel de manière à rendre obligatoires l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan stratégique comportant l'ensemble des objectifs et des moyens prévus pour réaliser la mission des cégeps. Ce plan stratégique devra intégrer un plan de réussite, ce dernier constituant une planification particulière en vue de l'amélioration de la réussite des élèves. En exigeant l'élaboration d'un plan stratégique, nous demandons aux établissements de procéder par le fait même à l'examen de l'ensemble de la gestion éducative. Tous les collèges sont actuellement engagés dans une démarche importante d'évaluation institutionnelle. C'est pourquoi, dans un souci d'assurer une transition harmonieuse vers ces nouvelles exigences, l'obligation d'adopter un plan stratégique sera effective à compter de l'année scolaire 2004-2005.

Depuis l'automne 2001, la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial évalue la qualité, la mise en oeuvre de plans de réussite et des rapports annuels de suivi produits par les cégeps et les collèges privés agréés aux fins de subvention. Elle doit principalement évaluer la manière dont les collèges s'acquittent de leurs responsabilités pour certaines questions relatives aux apprentissages des élèves et aux programmes d'études.

La Commission a adopté une démarche d'évaluation continue et concertée d'analyse et d'appréciation de la réalisation de la mission éducative des établissements. Elle a alors défini des critères très précis qui doivent être appliqués par chacun des établissements.

Nous devons aujourd'hui, au cours des prochains jours, élargir sa mission afin de lui permettre d'évaluer la mise en oeuvre des activités reliées à la mission éducative des collèges. C'est pourquoi le projet de loi prévoit des modifications à la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Cette évaluation englobe celle du plan stratégique des cégeps. À cet égard, la Commission d'évaluation pourrait recommander dans son rapport des mesures concernant notamment sa planification.

n (15 h 20) n

Cette modification implique une plus grande transparence de la part des établissements, car l'évaluation qui sera faite par la Commission et qui sera rendue publique les amènera par le fait même à rendre compte de leur gestion. Les cégeps auront donc l'obligation de faire connaître leur plan stratégique et leur résultat quant à l'atteinte de leurs objectifs, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Il en découle une plus grande imputabilité.

Par ailleurs, dans le respect de l'esprit de la Loi sur l'enseignement privé qui ne cherche pas à encadrer l'ensemble des activités des collèges, les établissements privés agréés aux fins de subvention n'auraient pas l'obligation d'élaborer une planification stratégique. Cependant, la Commission d'évaluation évaluera la réalisation de la mission éducative de même que les plans qui nous seront soumis par les collèges privés.

Comme la mission de la Commission sera passablement élargie, il est prévu de porter de trois à quatre le nombre de commissaires.

Avec la tenue de ces consultations particulières toute la journée jusqu'à ce soir, nous souhaitons élargir le débat sur le projet de loi n° 123 et multiplier les éclairages sur ses implications. L'expérience, l'expertise des personnes qui viennent nous voir aujourd'hui nous permettront assurément de bonifier les changements que nous entendons apporter à la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et à la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Je souligne à ce propos, et je l'ai fait pour la loi n° 124, le député de D'Arcy-McGee le sait, que vous pouvez compter sur l'entière ouverture du ministre de l'Éducation afin de recevoir toute proposition, suggestion, qu'elles viennent des membres de la commission du côté ministériel ou de l'opposition, nous permettant d'intégrer, dans le respect évidemment des objectifs du projet de loi qui ont été approuvés par les deux partis en seconde lecture, nous permettant d'améliorer, de bonifier, d'intégrer les meilleurs commentaires qui nous permettraient d'avoir un projet de loi qui serait le plus près possible de ce que nous souhaitons comme législateurs. Nous avons fait le pari d'accompagner tous les élèves québécois sur le chemin de la réussite. Avec le présent projet de loi, nous donnons un moyen de plus pour atteindre cet objectif.

Voilà, M. le Président, l'essentiel des points que je voulais aborder avant de commencer ces consultations particulières. Je réitère donc mon ouverture aux commentaires qui nous seront présentés. Leurs suggestions pour améliorer ce projet de loi seront accueillies d'ailleurs, soyez-en certains, avec grand plaisir.

Et je veux remercier les personnes, en terminant, qui m'accompagnent et qui sont, M. le Président, à ma droite, la sous-ministre responsable de l'enseignement supérieur, Mme Marie-France Germain; à ma gauche, M. Jacques Turgeon, de mon cabinet, responsable aussi de l'enseignement supérieur; et vous aurez reconnu certains de nos collaborateurs juristes, M. Demers, de la Direction de l'enseignement collégial qui sont derrière nous. Ils sont en appui, silencieux la plupart du temps mais oh! combien nécessaires.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre, d'avoir été succinct. Ça nous permet de rattraper un peu du temps de retard. M. le critique de l'opposition, est-ce que vous désirez faire des remarques?

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Bien sûr, M. le Président. Je serai aussi rapide compte tenu que j'ai provoqué moi-même un court délai à cette commission. Alors, sine die, je m'en accuse. Maintenant, je voudrais, M. le Président, vous saluer et saluer M. le ministre, saluer les membres de cette commission, Mme la sous-ministre et les gens qui accompagnent M. le ministre, et surtout et aussi évidemment tous nos invités qui vont nous suivre et faire en sorte d'attirer notre attention sur le projet de loi n° 123 jusqu'à minuit ce soir.

Dans le fond, on devrait peut-être être reconnaissants vis-à-vis nos invités puisqu'ils nous empêchent, en tout cas à tous ceux qui ne sont pas exactement de la région de Québec, d'être obligés de s'en retourner chez nous par un temps qui semble moins clément que ce qu'il avait l'air ce matin, qui nous invite à la prudence, nous oblige à la prudence. Ce n'est pas une invitation tellement, une obligation à la prudence.

Je voudrais vous dire, M. le Président, que le ministre ? qui nous le dit d'ailleurs aimablement qu'il reprend ni plus ni moins le flambeau de son prédécesseur en déposant ce projet de loi là, 123, et le précédent, 124, qui a été étudié hier ? me surprend un peu. Dans un sens, le projet de loi n° 123, puisque c'est celui-là qui nous occupe aujourd'hui, nous commande, comme le ministre l'a soulevé, de faire en sorte que nous ayons un plan stratégique, éventuellement des plans de réussite.

Et je sais parce qu'on visite pas mal les mêmes places, le ministre et moi, on se promène pas mal. Le ministre va souvent dans des collèges et fait plusieurs rencontres, ce que je fais aussi. Je sais... lui, en tout cas, le sait ? peut-être son prédécesseur le savait-il moins mais lui le sait ? des plans stratégiques dans les collèges, je ne connais pas de collèges qui n'en ont pas au moment où on se parle. Or, l'obligation qui est faite dans le projet de loi, c'est d'en avoir pour 2004-2005. Je suis porté à penser que, ou bien on est en retard ou bien non on cherche à créer une vertu qui, de toute façon, on le sait déjà, évertuer à se rendre... facilitante pour le commun des mortels qui veut s'y intéresser.

Quant au plan de réussite évidemment, le ministre, et je partage son point de vue, il y a sûrement des carences du niveau de réussite au niveau collégial, tant au niveau technique qu'au niveau régulier, au niveau du secteur général et, par ce biais-là, cherche à peut-être essayer évidemment ? et, là-dessus nous sommes en concordance d'idées et de points de vue ? cherche à tenter d'améliorer le niveau de plan de réussite.

Est-ce que la législation est le bon moyen? Enfin, ce sera à nos invités de nous soulever la question, s'ils le jugent à propos. Moi, je pense, en tout cas je doute que ce soit par le biais de la législation comme telle que nous puissions y arriver. Il y a d'autres moyens. Pensons, par exemple à ce que le Conseil supérieur de l'éducation nous avait proposé. Nous en avions discuté le printemps dernier, le député de Richelieu s'en rappelle, lorsque le Conseil supérieur de l'éducation, dans son document Orientation au niveau collégial, nous avait démontré noir sur blanc qu'il y avait des carences énormes au niveau, entre autres, justement, des facilités d'orientation pour les étudiants au niveau collégial, en termes d'orienteurs, en termes d'API, en termes de plusieurs niveaux de personnels qui sont manquants dans l'organisation du collégial au moment où on se parle, qui ont été laminés dans les dernières années et qui sont manquants et qui servent et qui desservent, je dirais, la population étudiante au moment où on se parle.

Quant à un autre aspect de ce projet de loi là, consolider la mission de la Commission d'évaluation, c'est intéressant que le ministre le soulève. Le ministre suggère d'ajouter un membre. Peut-être a-t-il raison. Évidemment, lorsqu'on enrichit le travail d'une commission, il y a peut-être lieu, peut-être pas non plus, mais il y a peut-être lieu d'ajouter un membre à la commission.

Mais j'avoue que je m'inquiète un peu du rôle que le ministre joue ou jouera, si le projet de loi est adopté tel qu'il est. Maintenant, je tiens compte et je prends avis de l'ouverture du ministre quant à sa volonté de vouloir faire des changements, et je la loue, parce que je sais que le ministre est généralement ouvert à ce genre de discussion là. Je l'ai vu. On a nous-mêmes ensemble corrigé des projets de loi antérieurement et je sais que, quand il le dit, je le crois. Il est ouvert à cette possibilité de modifier un projet de loi.

Mais mon questionnement, pour le moins, est à peu près le suivant: la Commission de l'évaluation qui a été créée il y a une dizaine d'années, a été créée justement dans un but d'être... elle est, sur le plan organisationnel, protégée des possibilités de recevoir des ordres ministériels. Et je pense qu'avec l'approche que le projet de loi nous amène, le ministre se crée une poignée, une porte d'entrée permettant éventuellement d'avoir un certain recours sur les orientations de la Commission d'évaluation, ce que je déplore. Je pense que ça pourrait peut-être être écrit différemment mais que la Commission d'évaluation devrait conserver sa totale liberté par rapport au ministre. Moi, je souhaite ça, en tout cas. On pourra en discuter, le ministre, je sais que c'est un grand garçon, on pourra toujours discuter de ça sur le fond.

Mais ce sont là, M. le Président, mes remarques préliminaires. Il s'agit quand même d'un projet de loi relativement court mais significatif pour le monde collégial. Il y aurait peut-être eu lieu d'utiliser d'autres moyens, peut-être par voie réglementaire ou autrement, essayer de faire en sorte d'améliorer le niveau de réussite non seulement par voie réglementaire, voie réglementaire pour se forcer d'investir davantage dans le réseau de façon à ce qu'on ait, comme je le disais tout à l'heure, plus de conseillers, plus de services aux étudiants pour leur permettre de s'orienter plus rapidement.

n (15 h 30) n

Et, à ce moment-là, évidemment, ça nous permettrait de mieux comprendre, de mieux aider, je pense bien, la clientèle étudiante parce que, quant au plan stratégique, je le répète, tous les 48 collèges en ont maintenant un, à peu près tous. En tout cas, je n'en connais pas qui n'en ont pas. Et, à ce moment-là, évidemment nos invités pourront toujours nous faire des propositions à ce sujet-là. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Alors, nous avons récupéré l'essentiel du temps que nous avions perdu. Est-ce que d'autres membres de cette commission désirent faire des remarques préliminaires? Alors, je constate qu'il n'y a pas de demandes.

Auditions

Donc, je prierai les représentants de la CSQ, de la FEC, de la FPPC, de la FPSES de se présenter à table.

Fédération des enseignantes et enseignants
de cégep (FEC), Fédération du personnel
professionnel des collèges (FPPC) et
Fédération du personnel de soutien
de l'enseignement supérieur (FPSES)

Le Président (M. Paquin): Alors, nous allons passer les trois prochains quarts d'heure à prendre en considération vos propos. D'abord, un exposé puis un échange par des questions. Et qui est-ce qui fait la présentation?

M. Sorel (Réginald): Je vais d'abord vous présenter les gens qui sont à la table.

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît.

M. Sorel (Réginald): M. le Président, M. le ministre et MM. et Mmes les députés, merci de cette invitation et surtout merci d'avoir élargi l'invitation à l'ensemble des groupes du collégial de la CSQ. C'est la pratique à la CSQ, quand on présente un mémoire à un niveau... que ce mémoire-là représente l'ensemble des syndiqués, peu importe le corps d'emploi.

Alors, je suis Réginald Sorel, je suis le président de la Fédération des enseignants de cégep, affiliée à la CSQ. À ma droite, il y a Normand Hébert, qui est de la Fédération du personnel d'enseignement supérieur. Au bout de la table à la gauche, il y a Jean Ouellet, qui est de la Fédération du personnel professionnel des collèges, et Mme Jocelyne Wheelhouse, la première vice-présidente de la CSQ.

Comme c'est la pratique à la CSQ aussi, quand on présente un mémoire pour l'ensemble des groupes, c'est généralement une personne de la CSQ qui présente le mémoire. Alors, si vous n'avez pas d'objection, je vais demander à Mme Wheelhouse de présenter le mémoire et, pour les questions, bien, on se passera le tour sur les questions.

Le Président (M. Paquin): Qu'il en soit ainsi.

M. Sorel (Réginald): Merci. Elle est peut être un peu essoufflée parce que, compte tenu du temps qu'il fait, elle vient tout juste d'arriver par avion de...

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Oui. Alors, je pense que je devais être le dernier avion en partance de Montréal pour Québec. C'est rare que les températures sont plus exécrables à Montréal qu'à Québec, mais aujourd'hui c'est comme ça. Alors, merci beaucoup.

Vous dire qu'on a regardé très, très sérieusement les modifications qui sont apportées au projet de loi, d'abord qu'on l'a regardé aussi en collégialité avec nos collègues du primaire et secondaire qui ont eu à s'exprimer hier devant cette commission. Alors, à la CSQ, nous sommes dans 38 établissements au collège, soit par du personnel enseignant que nous représentons, du personnel professionnel ou du personnel de soutien.

Alors, pour passer au vif du sujet, il y a deux choses, deux thèmes majeurs que nous allons souhaiter aborder à cette commission. D'abord, le premier et non le moindre, ça concerne notre approche de la réussite éducative, approche qui ne correspond pas du tout à ce qu'on retrouve dans l'approche qui est préconisée dans les modifications du projet de loi n° 123. Et le deuxième thème que nous souhaiterons aborder, c'est notre appréciation de la mission de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial et le changement de dynamique entre le ministère, les collèges et la Commission.

Alors, notre approche de la réussite éducative, je pense que M. Chagnon a introduit, dans les quelques remarques qui ont été faites en préalable, le fait que déjà le Conseil supérieur de l'éducation, dans le document L'orientation au coeur de la réussite, disait que le système éducatif avait tendance à privilégier la réussite scolaire, qui mesure le taux de diplomation, le taux de réussite aux examens, au détriment de la réussite éducative, qui couvre, elle, une réalité beaucoup plus large et qui tient compte du développement de l'individu et de son insertion sociale. Alors, effectivement, quand on regarde l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, il questionnait l'approche qui était privilégiée dans le contexte actuel. Et d'ailleurs, quand on souligne simplement qu'on s'attarde au taux de diplomation, il y a énormément d'effets pervers qui peuvent être créés par une vision comme celle-là, et on a suffisamment de preuves actuellement, même sans la modification à la loi, que ces effets pervers là sont là.

Alors, déjà, on parlait d'orientation, parce que vous savez que la mission des collèges, la mission des institutions d'enseignement, c'est une mission aussi d'insertion sociale. Et je calcule qu'à l'heure actuelle le gouvernement fait beaucoup d'efforts pour s'attaquer à la pauvreté: il y a eu une consultation sur la Loi sur l'élimination de la pauvreté; la semaine prochaine, on sera dans une consultation sur les normes minimales de travail, mais, moi, j'estime que l'éducation est au coeur de l'intégration et d'une façon de s'en sortir des populations.

Alors, si on axe la Loi des collèges sur une obligation de résultat... Et vous allez comprendre que, quand on s'attaque à un projet de loi, on regarde le sens des mots, ça a une extrême importance. Alors, si on s'attaque à une obligation de résultat quantifiable ? et c'est ça qui nous préoccupe ? alors la tentation va être très, très forte de délaisser une clientèle qui, pour toutes sortes de raisons, psychologiques, issue de milieux qui sont défavorisés, ne s'oriente pas définitivement dans un premier choix, sont obligés de regarder davantage et puis, après ça, se réorienter, ont besoin de soutien, ont besoin d'un appui pour être capables de cheminer. Alors, on pense que c'est une clientèle... Si on place...

Parce que déjà, quand on est venus en consultation sur les fluctuations de clientèles, on vous a déjà fait observer que les enseignements... Depuis toute l'autonomie qu'ils ont gagnée, les collèges sont en compétition les uns avec les autres. On a fait observer quelles difficultés ça entraînait pour les cégeps des régions. Alors, cette compétition-là, dans une course à une atteinte de résultats, risque de s'exacerber, et il y a une clientèle qui risque d'en être pénalisée.

Alors, vous permettez que je mette mes lunettes pour...

Une voix: Je comprends ça.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Et puis, quand on vous dit qu'actuellement... Vous comprenez ça, ça va bien, merci. Alors, quand on vous dit qu'actuellement le fait de vouloir à tout prix fixer des objectifs quantifiables... C'est sûr qu'il y a une approche qui a été développée par le gouvernement pour l'ensemble de ses ministères, mais là on travaille avec du monde. Et puis il y a plein de considérants qui font que, avec des gens avec qui on travaille, on ne peut pas déterminer, on ne peut pas décréter qu'ils ne seront pas pauvres, on ne peut pas décréter qu'ils vont réussir à tout prix. Il y a un ensemble de conditions qui doit être mis pour être capable de réussir, et c'est à ça qu'il faut s'attaquer.

Alors, déjà, dans deux collèges, vous dire qu'on a, à Sainte-Foy, deux griefs qui sont faits par des enseignants sur des pressions qui ont été faites sur la révision de notes, et on a aussi, pour vous dire comment déjà cette tendance-là est là... au Cégep de Victoriaville, l'assemblée syndicale des enseignants a réussi à faire retirer une phrase de la politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages qui précisait que le directeur des études, au besoin, demande à l'enseignant ou à l'enseignante de remédier aux distorsions dans les résultats. Alors, la pression sera pour avoir une clientèle qui chemine bien puis la pression sera aussi pour avoir des résultats. Et donc, on a une crainte, et cette crainte-là est aussi exprimée par le Conseil supérieur de l'éducation, à l'effet qu'il risque d'y avoir un abaissement de l'évaluation pour être capable de répondre à des critères.

Et puis vous aurez, dans notre mémoire, des cibles à atteindre. Et ça, ça nous montre très, très bien qu'il y a un objectif qui est ambitieux puis que, il n'y a pas de pensée magique là-dedans, il y a des mesures qui doivent être amenées en soutien aux enseignants pour être capable d'arriver à la réussite. Puis vous dire que la réussite aussi, c'est notre deuxième paie, ça. C'est notre motivation profonde en tant qu'enseignante, enseignant, en tant que professionnel, en tant que personnel de soutien, parce que, dans un collège, on parle d'une équipe qui travaille en collaboration, que ça fait longtemps qu'on s'occupe de ça, qu'on l'a déjà démontré. D'ailleurs, on a fait des efforts particuliers quand on a observé qu'il y avait des difficultés au niveau de la réussite. On a travaillé ensemble à créer des centres d'aide en français, en mathématiques, pour tenter de donner aux jeunes qui sont dans nos collèges des méthodes de travail. On a amené des activités de tutorat, soit faites par les enseignants ou par des pairs, et puis on a vraiment eu un travail de collaboration très étroite avec les personnels professionnels et le personnel de soutien. Et ces efforts-là, au moment où on les a faits, ont porté fruit. On se situe en 1993-1994, le taux de diplomation atteignait 43,6 %.

n (15 h 40) n

Alors, je vais passer rapidement parce que je vois toujours que le temps est compté dans une présentation comme celle-là, mais je ne reviendrai pas sur... qu'à partir de... entre 1994 et 1999, 260 millions ont été coupés et que, dans ces 260 millions là, c'est beaucoup, beaucoup du personnel professionnel et de soutien qui a été coupé. Vous avez des tableaux là-dessus: 880 postes abolis très, très majoritairement dans le personnel de soutien. Puis le personnel de soutien, des fois on figure mal quel appui ils peuvent avoir à la réussite des jeunes dans un établissement collégial, mais je vous dirais que le personnel de soutien, d'abord, il a travaillé activement à la création des centres d'aide en français. Techniciens en travaux pratiques, c'est des gens qui aident les étudiants à travailler, maintenant, les techniciens en travail social, il y a des problèmes dans le milieu, puis les travailleurs de corridor. Alors, tous ces personnels-là sont excessivement utiles à l'atteinte de la réussite.

C'est vrai qu'il a été réinjecté un 32 millions. Ça nous a remis encore au travail sur la question des plans de réussite, puis je vous rappellerai qu'on a travaillé très fort sur les plans de réussite. J'ai à mes côtés des collègues, surtout les collègues issus des professionnels dans les collèges, qui ont travaillé très, très fort alentour des plans de réussite. Mais vous dire que depuis le début, depuis la vision que M. Legault avait donné au plan de réussite, avec des objectifs qui étaient chiffrables, et tout ça, on a déjà indiqué comment c'est une vision qu'on ne partage pas. Et actuellement, ce que vous nous proposez dans la loi, de modification des collèges, vient inclure dans la loi cette façon de faire là. Et, moi, j'espère que le gouvernement va regarder ça sérieusement, compte tenu des effets pervers déjà observables.

Alors, nous, on dit, à l'obligation de résultat: Donnons-nous l'obligation des moyens. On doit avoir des moyens pour soutenir la réussite éducative dans nos collèges, et ça, on est prêts à collaborer là-dessus.

Alors, vous allez regarder dans les modifications qu'on propose. Dans l'article 1 du projet de loi n° 123, il est dit que les collèges établissent un plan stratégique en tenant compte des orientations du plan stratégique établies par le ministère. Alors...

Une voix: ...

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Ça, c'est l'article 1 du projet de loi n° 123.

M. Chagnon: C'est votre page 13, hein?

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Moi, je marche avec une présentation abrégée, mais vous allez le retrouver... En fait, on s'attarde aux termes «en tenant compte de», alors...

M. Chagnon: Proposition 1, proposition 2, c'est de ça que vous nous parlez.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Oui, absolument. Absolument.

M. Chagnon: O.K. Parfait.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Alors, quand on dit «en tenant compte», ça veut dire qu'il faut accorder une importance particulière aux cibles qui sont établies par le ministère. Et les cibles établies par le ministère, elles sont en termes de taux de diplomation à atteindre. Vous allez retrouver encore un tableau là-dessus et vous allez voir que, pour certains éléments, les cibles sont ambitieuses. Et puis je réitère le fait qu'on est prêts à collaborer et à travailler très fort à la réussite des élèves mais que le chemin de l'obligation des résultats est une piste qui est piégée.

Maintenant, à l'article 1, on dit également que le plan stratégique du collège «comporte l'ensemble des objectifs et des moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour réaliser la mission du collège». Et là c'est sur «objectifs» qu'on s'est attardé. Et, je vais vous dire, c'est en regardant les exemples qui ont été apportés sur ce que c'était qu'un objectif dans la loi qui va régir la Loi de l'instruction publique, pour le primaire, secondaire, que ce qu'on voyait, c'était... Les objectifs, c'étaient des résultats à atteindre au cours d'une période spécifique, et ils sont précis et mesurables, tout en spécifiant que ces objectifs sont traduits en cibles précises et normalement quantifiables. Et il était donné un exemple. Exemple, augmentation de 2 % du taux de diplomation par année, jusqu'à, bon, jusqu'à l'atteinte de 85 % au primaire-secondaire, qu'on s'était donné. Alors donc, j'imagine qu'on a la même signification.

Maintenant, dans le rapport annuel des collèges, l'article 2, du projet de loi n° 123 toujours, dit que le rapport annuel des collèges doit faire état des résultats obtenus en regard des objectifs fixés dans le plan stratégique. Alors, toujours la même chose: Est-ce qu'on doit craindre que, si on n'atteint pas ces objectifs-là, il y a un risque d'avoir des problèmes de financement, qu'il y ait un financement qui soit conditionnel à ça? D'autant plus que c'est quelque chose qui existe déjà dans le secteur universitaire. Je vois M. Simard qui fait signe que non. Tant mieux, on aura une chance de s'en reparler.

Alors, monsieur m'indique qu'il nous reste trois minutes. Je vais tout de suite m'attarder au deuxième terme, c'est-à-dire la Commission d'évaluation, les modifications qui sont proposées. Alors, vous dire que la Commission de l'évaluation, c'est une commission qui est appréciée par nos gens dans le milieu, qui a établi une crédibilité. Elle a fait preuve d'objectivité, de neutralité et d'autonomie. Ce qui nous inquiète actuellement, c'est le changement à cette mission de la Commission d'évaluation et que la Commission a toujours travaillé dans une perspective, je dirais, d'évaluation formative, en regardant comment, en posant des diagnostics, en soutenant les collèges à identifier des pistes pour être capable de mieux travailler. Et là-dessus ils ont reçu toute la collaboration.

Maintenant, en changeant...

Une voix: ...

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Oui. Bien on pourra avoir la chance... Alors, quand on met l'accent sur un processus, on a plus de chances d'avoir les gens du milieu qui travaillent en collaboration. Si maintenant on demande d'évaluer, si on stipule que la Commission devra évaluer la réalisation des activités reliées à la mission des collèges ? alors, quand on dit «réaliser», bien, ça veut dire à la fois l'objectif et son résultat ? alors on pense que, là, on va passer dans une évaluation qui va être beaucoup plus sommative que formative.

Et je vais terminer en disant que, quand vous introduisez aussi le fait que le ministre... «sur demande du ministre», je pense que ça vient jouer sur un équilibre, là, qui fait qu'il y a moins d'autonomie de la part de la Commission. Alors, est-ce qu'il y a un danger que la collaboration... que la Commission soit maintenant vue comme ? je vais dire ça comme ça ? comme le gendarme du ministre? On a demandé l'intervention du ministre dans certains collèges quand il y avait des situations qui étaient problématiques. Mais il n'a pas à être collé à la mission de la Commission d'évaluation des collèges. Alors, finalement, bien, on vous demande de regarder attentivement, parce que cette modification-là, nous, nous allons proposer de ne pas retenir le fait que, sous demande du ministre... de ne pas retenir ce fait-là.

Mais je reviens sur l'essentiel, je crois, des préoccupations qu'on a. C'est qu'il est après se faire, dans la conjoncture actuelle, des bons coups. L'éducation est un lieu majeur d'intégration sociale, ne plaçons pas le système d'éducation dans une logique marchande et qui fait qu'on a des comptes à rendre quand il y a un tas d'éléments qui nous échappent. Soyez assurés qu'on fera tous les efforts, tant les professionnels que les enseignantes et les enseignants et le personnel de soutien ? je vous disais: C'est notre deuxième paie ? pour travailler ardemment sur les plans de réussite dans une perspective de réussite éducative. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup. Avant de passer aux échanges, il y a le député de Roberval qui s'est joint à nous. Alors, s'il désire prendre la parole, il n'y aura pas de problème? Il y a consentement? Alors, ce consentement étant acquis, du côté de la formation gouvernementale, M. le ministre, ou...

M. Simard (Richelieu): Oui. Merci beaucoup. J'aimerais d'abord remercier la Centrale des syndicats du Québec de son mémoire, d'avoir pris le temps nécessaire pour analyser en profondeur tous les aspects d'un petit projet de loi mais dont les conséquences ? vous avez raison ? ne sont pas négligeables. Et il fallait faire cette opération, vous l'avez faite.

Je suis heureux de saluer évidemment tous ceux qui sont ici, plus particulièrement évidemment M. Sorel, avec qui nous avons des liens étroits, et particulièrement Mme Wheelhouse, qui est une...

M. Chagnon: ...Sorel, c'est normal.

M. Simard (Richelieu): C'est absolument ça. Sorel est un nom qui est très cher à mes oreilles. Mme Wheelhouse, qui est ici presque chez elle tellement elle vient souvent présenter des mémoires, nous avons fait encore le Forum sur le déséquilibre fiscal il y a quelques semaines ensemble, mais surtout la saluer comme une des membres les plus actives, les plus importantes ? je le dis, je pèse mes mots ? des partenaires du marché du travail. Je pense que vous avez pu faire évoluer ces dernières années, par votre contribution, un formidable outil de concertation patronale-syndicale-milieu communautaire dont nous sommes extrêmement fiers.

D'ailleurs, c'est un petit peu sur cet aspect-là que je vais vous accrocher, parce que je sais que vous êtes extrêmement, extrêmement sensible à ce que nous arrivions, dans les prochaines années, le plus tôt possible, à former une main-d'oeuvre de qualité, à permettre à tous les jeunes Québécois et Québécoises de se qualifier de façon à pouvoir avoir accès à un marché de travail, vous le savez bien, puisque vous connaissez bien nos statistiques, de plus en plus extraordinairement ouvert. On parle de 600 000 emplois nouveaux d'ici trois ans dont 360 000 exigeront une formation professionnelle et technique. Vous savez également que, avec la prospérité économique qui est maintenant la nôtre, nous aurons besoin, dans tous les secteurs d'activité, de gens compétents. Et les cégeps sont au coeur de cette formation. Quand je dis «formation professionnelle et technique», vous savez bien que «technique» est très important.

n (15 h 50) n

Malheureusement, il faut admettre aussi que nous sommes loin de la perfection dans ce domaine. Au moment où on se parle, 50 % des jeunes en formation technique n'atteignent pas le diplôme pour lequel ils se sont inscrits. C'est une réalité dont il faut être conscient. Nous avons un excellent système d'éducation au Québec dont nous pouvons être fiers. Il rayonne à travers le monde, si on le compare, mais il faut aussi avoir la conscience de ses faiblesses et de ses difficultés, et donc l'obligation qui nous est faite de tenter de l'améliorer. Alors, ça, nous partageons ça, j'en suis convaincu. Il nous faut l'améliorer. Si c'était parfait, on n'aurait pas besoin de brasser la cage, pour employer l'expression connue, on n'aurait pas besoin de transformer, on ne serait pas ici, cet après-midi, à discuter de ça. C'est parce qu'il y a un vrai besoin.

Par ailleurs, dans la vie, je dirais depuis toujours mais c'est de plus en plus vrai ces dernières années, particulièrement dans l'administration publique où nous sommes dotés, par la loi 192, d'une obligation de transparence, de gestion par objectifs, de reddition de comptes, dans la vie de tous les jours, chaque individu et chaque collectivité et chaque groupe fonctionnent mieux lorsqu'ils se fixent des objectifs. Lorsque nous allons au fil des jours, au fil de l'eau, nous laissons simplement aller à notre travail quotidien, nous perdons parfois de vue certaines réalités, nous oublions certaines priorités, nous ne faisons pas les changements nécessaires, et c'est pour ça que tout organisme doit se doter d'un minimum d'objectifs, des objectifs qui ne sont pas fixés de l'extérieur, qui sont sans doute mesurables dans certains cas, non mesurables dans d'autres. La réussite, c'est un concept qui est beaucoup plus global que simplement l'atteinte de telle note à tel examen, on le sait, c'est une formation beaucoup plus intégrée, beaucoup plus complète de l'individu, mais certains de ses aspects sont quantifiables et sont mesurables.

Je vais vous en donner, des chiffres, que vous connaissez très bien d'ailleurs. Quelles sont les chances de trouver un emploi selon le diplôme que l'on a? Pour les diplômes d'études postsecondaires partielles, le taux de chômage est de 11,2 % actuellement, taux d'emploi de 62 %, mais, dans le cas des diplômes d'études postsecondaires, le taux de chômage baisse à 7,5 %. Moi, je suis convaincu que, quelle que soit son origine sociale, riches, pauvres, tous nos jeunes ont le droit à la réussite, ont le droit de faire partie de ceux qui ont un emploi, donc qui ont une qualification.

Et, si l'un des moyens pour nos organismes, pour nos cégeps, dans le cas présent, de mieux cibler leur travail, de mieux fixer leurs objectifs, de se doter parfois d'une mobilisation, d'une concertation, de moyens nouveaux, imaginatifs pour bouger davantage vers l'atteinte de ces objectifs... s'il nous faut nous fixer des objectifs, fixons-en-nous. Il n'y a pas de péché là-dedans. Il y aurait péché si c'était... Il y aurait vraiment une conception étriquée, diminuante si c'était uniquement des objectifs purement quantitatifs. Mais c'est beaucoup plus que ça. Qualifier des gens, c'est important. On dit que la mission d'éducation, c'est de qualifier, instruire et socialiser: trois missions essentielles que nos cégeps doivent remplir, et l'éducation, ça va encore bien au-delà de ça.

Je vous avoue, madame et messieurs, que, pour moi, il n'y a aucune contradiction entre la qualité et l'atteinte d'objectifs mesurables, mais il y aurait certainement un grand défaut à ne retenir que les objectifs mesurables. Et, de toute façon, ces objectifs mesurables, ils sont fixés par les collèges par rapport à eux-mêmes. Mon voisin de Westmount?Saint-Louis, je pense, est un amateur de golf. C'est son objectif personnel qu'il essaie de battre chaque année, c'est sa moyenne à lui. Ce n'est pas celle du chef de l'opposition ou de la ministre des Relations internationales, c'est contre lui. On se fixe des objectifs dans la vie et il n'y a pas de mal à le faire. Le projet de loi vise à pérenniser cette opération.

Je suis sûr que je ne vous convaincrai pas, je sais que c'est un débat qui progresse, qui a avancé au cours des dernières années. Vos arguments ne sont pas dénués d'impact, il y a eu une réduction trop grande à des aspects chiffrés et quantitatifs. On a pensé que, si on alignait tout le monde selon des indicateurs nationaux précis, ça permettrait de régler tous les problèmes. Vous savez que la Commission d'évaluation ? j'aperçois son président dans la salle ? qui a fait le tour des cégeps cette année, s'est aperçu qu'il se faisait un travail formidable dans les cégeps, qu'il y a beaucoup d'imagination au pouvoir, mais qui s'est aperçu aussi que les objectifs que les gens se donnaient étaient une formidable motivation pour changer les choses et améliorer les choses.

Je m'excuse d'avoir fait un plaidoyer aussi long pour vous. C'est que, évidemment, vous comprendrez que vous êtes le premier groupe et que d'autres arriveront avec la même argumentation ou, en tout cas, un aspect semblable. Je tenais à justifier la base philosophique qui est la mienne: pour moi, la qualité va avec la réussite et n'est pas contradictoire.

Le Président (M. Geoffrion): Est-ce que quelqu'un veut réagir à ce plaidoyer? M. Sorel, peut-être?

M. Sorel (Réginald): Oui. Je pense que M. le ministre a raison de dire que le débat évolue de part et d'autre, on se comprend mieux probablement sur cette question-là. On voit une évolution chez vous, je dirais, là, par rapport à ce que M. Legault, par exemple, préconisait, bien d'accord. Et, oui, on peut échanger sur la base philosophique de l'orientation et, oui, on peut être d'accord probablement avec les raisons qui vous motivent à le faire, à fixer les objectifs avec toute l'argumentation que vous avez développée qui soutient. Mais il y a la réalité dans les collèges aussi, là, et je vous dis que ce n'est pas toujours un débat philosophique quand ça arrive dans les collèges, quand ça arrive chez les administrateurs. Quand on va lire cette obligation de fixer des objectifs chiffrés, on va vouloir en fixer des ambitieux, pour utiliser un terme qui n'est peut-être plus là, et on va certainement mettre de la pression, et on le fait déjà, pour atteindre ces objectifs-là. Et notre crainte, notre crainte, c'est que le focus devient sur l'atteinte des objectifs fixés plutôt que le processus. C'est aussi simple que ça, notre crainte.

Nous, on dit oui, on dit oui à des plans stratégiques, on dit oui bien sûr à des plans de réussite, on dit oui à l'évaluation institutionnelle, tout le mécanisme, là, qui peut nous aider dans les collèges à mieux faire ce qu'on fait. Parce que personne ne peut se contenter du taux de diplomation, du taux de réussite actuel. Oui. Mais la crainte qu'on a, c'est que tout ce focus-là se déplace autour de l'atteinte d'un chiffre. Et on le voit, on le voit dans la pratique, on le voit dans le quotidien. Et il nous semble qu'on peut atteindre l'objectif poursuivi par tout le monde dans cette pièce, c'est-à-dire augmenter la réussite, améliorer les conditions de réussite, en ne passant pas par ce chemin-là mais en se donnant, oui, des obligations, mais des obligations de moyens avec une reddition de comptes, oui, conseils d'administration des collèges, bon. Mais c'est un pas trop loin, et on ne peut pas suivre là-dedans. Avec une réflexion philosophique.

Le Président (M. Geoffrion): Oui, M. le ministre.

M. Simard (Richelieu): Je pense que M. Sorel vient de résumer de façon tout à fait correcte l'état de la situation. Il y a eu évolution de toute part, au cours des derniers mois et des dernières années. Nous ne sommes pas encore tout à fait rendus à la même lecture des choses, mais nous sommes tous sensibles aux dangers, je l'ai entendu hier et je l'ai réentendu tout à l'heure de la bouche de Mme Wheelhouse, des effets pervers potentiels.

n (16 heures) n

Moi, je compte beaucoup sur le professionnalisme des enseignants, des directions collégiales, des professionnels pour éviter ces effets qui me semblent un peu caricaturaux. Il n'y a, dans mon esprit, jamais d'opposition entre quantité et qualité. Des objectifs, c'est à la fois quantitatif et qualitatif. Et, pour éviter que certains à l'esprit un peu mal tourné se mettent à interpréter de façon mesquine et bête des objectifs et transforment l'opération et lui font perdre leur sens, je pense que, moi, j'ai trop confiance, je connais trop l'enseignement, je connais trop les professeurs de cégep, je connais trop le milieu pour savoir que l'immense majorité, sinon la quasi-totalité de vos membres sont des gens qui associent quantité et qualité, qui ne feront jamais de compromis, qui ne baisseront pas les critères d'évaluation soi-disant parce qu'on cherche à améliorer le nombre... la persévérance scolaire... je suis convaincu de ça. Ce serait pour moi une découverte tout à fait renversante que de m'apercevoir que ce n'est pas ça, le monde de l'éducation.

Alors, je vois que nous ne sommes pas si loin que ça. Mais vos mises en garde vont être prises en compte, je peux vous le dire. Dans la rédaction même, il y a des éléments de prudence. J'ai écouté attentivement certains éléments pour les articles précis, notamment sur le mandat de la Commission, sur votre crainte d'instrumentalisation par le ministre. Déjà, mon collègue de l'opposition m'en a parlé tout à l'heure. Je suis tout à fait ouvert à une reformulation qui permettrait à tout le monde de se sentir à l'aise sur cette question. D'accord?

Le Président (M. Geoffrion): Il y a M. Ouellet qui aimerait réagir, mais le temps file. M. Ouellet.

M. Ouellet (Jean): Moi, j'aimerais...

Le Président (M. Geoffrion): Oui, mais c'est par bloc, là.

Une voix: ...bloc?

Le Président (M. Geoffrion): Oui, oui, absolument. Il reste deux minutes. Patience, patience!

M. Chagnon: O.K. Je pensais que ça finissait à 16 heures, j'étais inquiet.

Le Président (M. Geoffrion): Non, non, non, pas du tout, pas du tout. Allez-y, M. Ouellet.

M. Ouellet (Jean): Alors, moi, je suis président d'une fédération qui représente 34 syndicats de professionnels de collège, 800 membres. Et, nous autres, on était plutôt favorables quand est arrivée toute la question des plans de réussite. Ça fait longtemps qu'on réclamait davantage de concertation et de planification au niveau de l'aide à la réussite dans les collèges. Il se faisait beaucoup de choses mais on disait: Plus de planification et de concertation, ce serait bien. Et on était favorables. On est des gens qui sont en mesure d'évaluer que le fait de se fixer des objectifs dans la vie ? on a des psychologues, des conseillers d'orientation chez nous ? on sait que ça peut être un élément positif.

Par contre, quand on voit que, là, on s'oriente beaucoup vers des objectifs chiffrés et on doit rendre publics, on doit rendre publics quels objectifs on poursuit et où on est dans l'atteinte de ces objectifs-là, on trouve qu'il y a une porte, là, ouverte, puis elle est très grande, à augmenter la compétition entre les collèges qui existe déjà et qui est déjà, à notre avis, trop forte, et il y a des effets pervers. On le sait, on l'a déjà constaté.

Et c'est facile après ça pour des gens qui sont à l'extérieur du milieu de dresser des palmarès ou des rangs entre les collèges, et on a vu que ça a déjà été fait avec des résultats de la Commission d'évaluation dans la région de Québec. Pourtant, c'était une évaluation formative et ça a tombé entre les mains de journalistes qui ont rendu des résultats qui mettaient des collèges en ordre, et ça a nui à des collèges. Et on pense que ça peut... Même si ce n'est pas l'intention, on fournit des chiffres à des gens qui, par la suite, peuvent s'en servir dans une optique qui, à notre avis, peut être dangereuse. Et on l'a vu, l'année passée, avec un collège qui a fait beaucoup de publicité, le collège de Sainte-Foy, pour publiciser son plan de réussite, ses objectifs et sa poursuite des objectifs et, à ce moment-là, on pense que l'autre collège va se mettre à faire la même chose, et on s'en va dans un contexte de surenchère. On pense que c'est quelque chose qui peut être dangereux même si ce n'est pas... Donc, c'est ça qu'on appelle une obligation de résultat. Pour nous, une obligation de résultat, ce n'est pas nécessairement un financement conditionnel, il s'agit de mettre... d'être dans une démarche où la table est mise pour que, par la suite, ça puisse devenir une obligation de résultat parce que la sanction de l'opinion publique du recrutement de la clientèle est très importante et il va falloir atteindre ces résultats.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. M. le député de... M. le ministre, oui, allez-y.

M. Simard (Richelieu): ...rapidement mentionner là mon désaccord profond avec ces commentaires. Nous sommes, nous, des députés convaincus, ici, à l'Assemblée nationale, que la transparence, la connaissance du public, l'imputabilité sont des règles de base du fonctionnement démocratique.

Monsieur, tous les membres de votre syndicat reçoivent des salaires versés par le public à même les impôts et les taxes du public, et les citoyens du Québec ont tout à fait le droit de savoir ce que vous avez l'intention de faire au cours des prochaines années et quels sont les moyens que vous allez mettre en oeuvre pour y arriver. Si nous ne le faisons pas, hein, si nous mettons la tête dans le sable, il arrive justement ces malheureux palmarès qui comparent des pommes et des tomates qui courent actuellement d'une revue à l'autre. Pourquoi? Parce que trop longtemps on a refusé nous-mêmes cette transparence, et je permets d'enregistrer mon total désaccord avec vos propos. Mais je passe la parole, si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Geoffrion): M. le député, pour un court commentaire, là.

M. Laprise: Juste une question: Le voir par en haut, le problème, et le voir par en bas par les étudiants, est-ce que vous avez pressenti, face à ces objectifs-là, une démobilisation des étudiants face à un objectif de réussite, sur le terrain, dans le collège là? J'en ai des enfants qui sont passés au cégep, j'en ai huit, puis j'aimais ça qu'ils réussissent.

Le Président (M. Geoffrion): Madame.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): C'est une question qui est difficile à répondre, mais moi, je vous dirai que, dépendant des clientèles étudiantes et du type d'étudiants qu'on a, il y a des étudiants qui cheminent sans aucun service de soutien alentour, bon, très, très motivés et très autonomes et... Bon, je ne dis pas qu'ils n'ont pas besoin d'avoir de l'aide pédagogique pour les conseiller et tout ça...

Une voix: ...

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Mais, même quand. Le gouvernement a conduit sa politique de formation continue, il s'est dit ouvert à mettre des services à des adultes qui ont de la misère à se réintégrer. Alors donc, il y a une nécessité alentour d'avoir des moyens pour aider à la réussite.

Il y a des jeunes que, tout seuls, juste les envoyer assister à un cours, s'il n'y a pas de soutien, s'ils ne se sentent pas épaulés, ils n'arriveront pas à être capables d'atteindre des objectifs.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de la FPSES qui sont avec nous, particulièrement Mme Wheelhouse qui est pratiquement une permanente. Vous devriez être députée, quasiment, vous, de l'Assemblée nationale. Vous venez aussi souvent que nous autres, ici. Ha, ha, ha! Et ça nous fait toujours un plaisir de vous rencontrer. En tout cas, moi, je ne vous connaissais pas il y a quelques mois avant que vous commenciez à nous fréquenter régulièrement sur cette base-là. On voit quel dynamisme puis quel «go ahead», pour utiliser une expression anglaise, que vous avez. C'est toujours intéressant de vous voir. On peut avoir une excellente discussion ensemble.

M. Simard (Richelieu): ...il manque l'ADQ.

M. Chagnon: Oui! Ha, ha, ha! On vous voit plus souvent que l'ADQ, c'est étonnant.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

M. Chagnon: Bien, enfin, ce n'est peut-être aussi important pour eux que pour nous.

Mais bref, dans votre mémoire, il y a quelques points. Je voudrais y revenir. Je vais vous parler évidemment de philosophie pendant un bout temps puis on sent que... C'était intéressant, l'échange que vous avez eu entre le ministre et vous tout à l'heure.

Moi, j'ai été le premier président de la commission de l'administration publique, ici, qui a pour mandat... qui a été la première commission qui avait pour mandat justement de faire l'analyse de la qualité de l'administration de chacun des ministères, de chacun des organismes publics et qui a tenté puis qui tente encore... Puis je suis encore membre de cette commission-là. Comme vous avez vu, tout à l'heure, on m'a coopté pour venir ici parce que je ne suis pas membre de la commission, ici. Je viens souvent mais je suis comme coopté. Mais dans l'autre commission budget, administration, j'ai travaillé sur des indicateurs de performance, travaillé sur des façons de pouvoir être capable de regarder jusqu'à quel point les gens en ont pour leur argent quand ils investissent, par exemple, dans le tourisme ou dans un autre domaine. C'est la même chose, ici, en santé, puis c'est la même chose aussi dans l'éducation: on peut regarder jusqu'à quel point non seulement en termes d'argent mais comment on peut faire pour améliorer notre performance les uns, les autres.

Et je remarque, dans votre mémoire, que vous avez une crainte particulière de l'obligation de résultats. Comment on fait pour avoir une crainte régulière d'une obligation de résultats? Il faut aussi réclamer une obligation de moyens. Mais si vous jugez que vous avez des moyens, on peut être en attente, nous, pour que vous ayez des résultats. S'il y a un problème de moyens, on va regarder le problème de moyens, mais une fois qu'on a les moyens... puis, encore là, il faut éviter de tomber dans une... Il ne faut pas virer fou non plus, on est une société qui a des moyens relativement limités, nos moyens ne sont pas illimités. Mais en autant qu'on a des moyens qui soient considérés comme étant raisonnables, on doit, comme société, en principe, s'assurer qu'on a des résultats qui devraient, en principe aussi, être raisonnables.

Et tout à l'heure, votre collègue mentionnait qu'il avait une sainte horreur de la compétition. Vous êtes les premiers à compétitionner. On va recevoir, d'ici à minuit ce soir, de vos compétiteurs: on va recevoir la FAC, on va recevoir la Fédération nationale... la FNEEQ, la FAC. C'est tous des compétiteurs. Vous vivez dans un monde de compétition, et puis ça ne nuit pas, j'imagine, au monde syndical qu'il y ait de la compétition. Je ne sais pas. Vous pouvez me dire le contraire, je ne suis pas spécialiste de cette question-là. Mais, strictement, en un sens... La journée où vos membres, là ? puis leur indicateur de performance peut être de toutes sortes de niveaux ? la journée où vos membres décident que vous ne les représentez plus bien, bien, ils vont avoir une tendance à aller dans l'un ou l'autre des autres syndicats. Puis leurs membres, dans les autres syndicats, c'est la même chose: ils doivent avoir une tendance à aller chez vous pour les mêmes raisons.

Dans le fond, un étudiant au cégep, c'est un peu comme ça aussi. Il se dit: Je vais aller dans un cégep où je vais avoir une chance de réussir qui va être la plus grande.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Bien, je pense que ce que vous soulevez comme question, M. Chagnon, vous retrouvez les mêmes préoccupations dans l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, en disant que... Nous, là, l'opposition de fond qu'on a, sur des objectifs chiffrés, c'est de faire qu'on s'enligne vers une réussite en tenant compte prioritairement du taux de diplomation et des non-retards scolaires, et qu'on ne regarde pas la mission, qui est beaucoup plus large.

n (16 h 10) n

Je vais prendre un exemple; j'ai envie de prendre cet exemple-là même si je suis une enseignante qui a travaillé au secondaire. Moi, j'ai vu, des fois recevoir des étudiants dans ma classe ben gelés, puis que je me disais: Bon, je les mets-u dehors? Je suis sûre qu'ils ne passeront pas leur année, mais, que je me disais: Moi, ma réussite, là, c'est qu'ils soient ici, dans la classe, plutôt que dans la rue, même s'ils me donnent bien du trouble ? hein? Alors, on est dans une approche de mission éducative. Et puis, ce n'est pas vrai qu'on a peur des chiffres, puis ce n'est pas vrai que le ministère n'a pas à se fixer des objectifs puis à regarder. Puis on a toujours marché avec des indicateurs qu'on s'est donnés, on a regardé les taux de... qui sont intéressants, quand on soulève la comparaison entre le taux de diplomation des filles et le taux de diplomation des garçons. Alors, c'est des cibles. Mais c'est de se fixer a priori des objectifs qui sont quantifiables.

Moi, j'ai vu passer sous mes yeux une lettre ? c'est encore un exemple qui est du primaire-secondaire, mais qui pourrait se reproduire au collégial ? d'une direction d'école qui disait au ministre Legault, dans le temps: On vous a envoyé un plan de réussite incroyable, on s'est fait un plan de match extraordinaire, on a regardé comment qu'on pouvait faire pour améliorer la réussite. Puis il manquait la page du dessus avec les chiffres, puis c'est ça qui vous a fait boguer. Bien, tout le travail qui a mis tout le monde dans le milieu à travailler pour être capable de dire, bien: Comment est-ce qu'on améliore notre affaire? Il semblait que la question des chiffres était comme plus préoccupante. Bien, je vous dis, ça, c'est vraiment quelque chose qui est au ras des pâquerettes, qu'on a pu observer. Alors, je ne pense pas que ce qu'on vous amène aujourd'hui, comme préoccupation, est déconnecté aussi de l'observation qu'on fait.

M. Chagnon: Ce n'est pas ça que je veux dire non plus, mais, regardez, page 13, vous nous dites: «nous porte à croire que». Enfin, on s'élève contre l'obligation de résultats. Puis, en page 19, vous nous dites: «Nous ne nous opposons pas à la reddition de comptes et à l'évaluation institutionnelle. Nous sommes conscients qu'il s'agit là de mécanismes nécessaires dans toute institution publique.» Enfin, un bout, on s'accorde, un bout, on ne s'accorde pas. Mais quand on arrive, par exemple, comme votre collègue M. Ouellet nous disait... Puis peut-être que c'est ça, qu'il veut dire, puis si c'est ça qu'il veut dire, on va tous s'accorder avec lui, je suis certain. Si, pour lui, l'évaluation institutionnelle ou la compétition dans les collèges, c'est d'éviter de faire en sorte qu'on dise que l'API dans le cégep... De quel cégep vous êtes, vous? Quel cégep?

M. Ouellet (Jean): J'étais à Garneau, je viens de Garneau. Cégep François-Xavier-Garneau.

M. Chagnon: Garneau? O.K. Alors, que les API, au cégep Garneau, au lieu de rencontrer 160 étudiants par semaine, en rencontrent 250, on va tous être ensemble pour dire: C'est fou, ça n'a pas d'allure. Mais ce n'est donc pas ça qu'on cherche à avoir, ce n'est pas ça qui est important.

Ce qui est important dans le fond, c'est que la relation que chaque API ou chaque orienteur aura avec un élève, un étudiant en avant de lui, soit suffisamment profonde, suffisamment adéquate pour permettre à l'étudiante ou à l'étudiant d'avoir une orientation qui soit adaptée à ses besoins propres. Ça, c'est nécessaire. Mais c'est pour ça qu'il ne faut pas perdre de vue l'essentiel. Il ne faut pas perdre de vue, dans le fond, ce que le monde ordinaire, moindrement organisé et ayant un peu de bon sens, peut penser dans ces conditions-là. Ce n'est pas la fin du monde, ce qui est en train d'être recherché là-dessus, j'ai l'impression. En tout cas, moi, je vois ça comme ça.

Le Président (M. Geoffrion): Oui. M. Sorel, vous voulez intervenir?

M. Sorel (Réginald): Bien, je vais m'accrocher à la dernière phrase que... «ne pas perdre l'essentiel de vue». C'est justement notre crainte. L'essentiel, pour nous, c'est la mission éducative. C'est bien sûr que la réussite... Et quand vous semblez opposer notre page... je ne sais pas, à la page 19, il n'y a pas d'opposition. Et quand on se dit: On veut se donner... On veut «se» donner, on ne veut pas... Quand on dit: l'obligation de moyens, ce n'est pas une plaidoirie pour davantage de ressources, bon, tout ça... Ça l'est aussi, mais c'est...

M. Chagnon: Ha, ha, ha!

M. Sorel (Réginald): Bien, quand on coupe 260 millions puis on en remet 32, c'est un peu comme nos salles d'attente... En tout cas. Mais c'est se donner nous-mêmes, dans les collèges, des obligations de prendre les moyens, de mettre les moyens en place pour favoriser la réussite. Quand on parle d'obligation de moyens, c'est de se donner nous-mêmes les moyens de le faire. Et que la reddition de comptes et que la transparence... le focus soit sur ces moyens-là.

Et bien sûr qu'on a des comptes à rendre, de par les conseils d'administration. On a des comptes à rendre au ministre et on fait évaluer ces moyens-là, qu'on va se donner collectivement dans les collèges, par la commission d'évaluation, qui va jeter un regard; puis ce regard est public, là. On est d'accord avec ça, quand on parle d'obligation de moyens. On veut que le focus soit là-dessus et on se dit: Donnons-nous la responsabilité collectivement de prendre les moyens pour favoriser la réussite, hausser le taux de diplomation, ainsi de suite. C'est ça qu'on veut dire, et donc, il n'y a pas de contradiction là-dedans pour nous, là.

M. Chagnon: Alors, je vais passer à un autre sujet, parce que le temps file et...

Le Président (M. Geoffrion): Oui, c'est ça, M. le ministre... M. le député.

M. Chagnon: M. le ministre, pas encore, ça viendra.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Geoffrion): Est-ce que c'était, M. Ouellet, sur le même sujet?

M. Chagnon: Mon collègue le ministre n'est pas pressé, c'est évident, mais...

Le Président (M. Geoffrion): M. Ouellet voulait intervenir sur le même sujet.

M. Ouellet (Jean): Je vois que mon intervention a suscité des réactions; je veux dire que la compétition entre les collèges pour la clientèle, pour nous, ce n'est pas souhaitable. On a vu les effets dans les cégeps en région et dans certains cégeps. C'est ça que j'ai dit, c'est ça que je maintiens, que la compétition, pour la clientèle, ce n'est pas souhaitable. J'ai dit très clairement: On n'est pas contre les objectifs, on est contre des objectifs chiffrés qui deviennent, d'après nous, à l'intérieur de ce qu'on voit, quelque chose qu'on peut appeler sans se tromper «une obligation de résultats». Et c'est là-dessus qu'on en a, qu'il y ait des obligations de résultats pour les collèges en termes de diplomation et de taux de réussite, on trouve qu'il y a plus de dangers là que d'avantages. On ne dit pas qu'il n'y en a pas du tout, peut-être, des avantages, mais on pense qu'il y a plus de dangers que d'avantages.

Le Président (M. Geoffrion): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: J'allais dire que j'étais pour passer à un autre sujet, à la Commission d'évaluation. La Commission d'évaluation, vous avez une opinion que nous semblons partager en tout cas, puis, je comprends, que le ministre semble aussi partager à l'effet que la Commission doit demeurer ? vous avez dit «autonome», moi, je dirais «à l'abri» ? à l'abri du ministre, quel qu'il soit, là, puis dans quelque circonstance que ce soit.

Je suis très heureux, j'avoue bien franchement, je suis très heureux d'avoir entendu tous les bons mots que vous avez eus à l'occasion pour cette Commission d'évaluation à laquelle vous n'avez pas toujours beaucoup participé, à laquelle la participation des enseignants dans les cégeps n'a pas toujours grandement facilité leur capacité de pouvoir faire l'évaluation, si tant est qu'elle a eu quelques années de retard un bout de temps.

M. Simard (Richelieu): ...

M. Chagnon: La CSQ a participé mais il y a eu d'autres syndicats d'enseignants qui y ont moins participé et d'autres...

M. Simard (Richelieu): ...

M. Sorel (Réginald): La compétition.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard (Richelieu): ...mon objectif.

M. Chagnon: Mais, dans ce cadre-là, de toute façon, il y aurait moyen peut-être de regarder ce que d'autres ont suggéré. Vous, vous nous suggérez, en ce qui concerne l'élément que je soulève, que l'article 8 soit retiré du projet de loi n° 123. Dans d'autres mémoires, celui de la Fédération des... pas des... Une chance que je me tourne la langue sept fois dans la bouche. La Fédération des cégeps mentionne qu'ils voudraient voir modifier le mot «doit» par «peut» et faire en sorte de corriger cette espèce de situation que vous considérez comme étant potentiellement abusive. Est-ce que vous accepteriez ce genre de modification là?

Enfin, là, je ne veux pas tomber dans de la négociation de texte, là, ce n'est pas la place non plus, mais c'est quand même une suggestion qui est faite par la Fédération. Et j'imagine que vous avez lu les autres mémoires.

Le Président (M. Geoffrion): Madame.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Je pense que l'information que je donnais tantôt à l'effet que, quand il y a une situation qui est problématique, on se réfère au ministre puis on lui demande d'intervenir, c'est tout à fait là et ça n'a pas besoin d'être présent dans la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement.

M. Chagnon: Alors, vous n'élargiriez pas le rôle de la Commission?

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Non.

M. Chagnon: Vous n'engageriez pas une quatrième personne, un quatrième commissaire? O.K.

Le Président (M. Geoffrion): D'autres questions de la part de l'opposition? Ça va?

M. Chagnon: Ça va aller.

Le Président (M. Geoffrion): Bien. Alors, madame, messieurs, merci de votre présence à la commission.

Alors, j'appelle la Fédération des cégeps et son président-directeur général, M. Gaëtan Boucher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Geoffrion): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonjour, M. Boucher. Si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît.

Fédération des cégeps

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Juste une seconde. Oui. Alors, je suis accompagné par...

Le Président (M. Geoffrion): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

n (16 h 20) n

M. Boucher (Gaëtan): M. le Président, M. Geoffrion, je suis accompagné par Mme Dominique Arnaud, qui est conseillère politique à la Fédération.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, M. Boucher, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Boucher (Gaëtan): Que j'espère ne pas prendre. Je ne croirais pas.

M. le ministre, Mmes, MM. les députés, alors, je vous remercie, la commission, pour l'invitation à commenter le projet de loi n° 123. Vous avez déjà reçu l'avis de la Fédération. Je vais donc vous en résumer l'essentiel de façon à pouvoir échanger plus longuement avec vous.

Cependant, je vous informe qu'on a déposé, il y a quelques minutes, une version finale parce qu'il y avait un erratum dans le mémoire que nous avions déposé en début de semaine. On l'a déposé au Secrétariat de la commission. Alors, c'est un erratum qui est dans un argumentaire que je pourrai vous indiquer en cours de route, comme on dit. Vous allez voir. Mais la recommandation demeure toujours la même, mais la base sur laquelle elle repose n'est pas exacte.

En tout premier lieu ? et c'est ce qui m'apparaît le plus important ? je voudrais vous indiquer, au nom du réseau collégial public que nous représentons, que la Fédération accueille favorablement le projet de loi n° 123. La Fédération est en effet d'accord avec les principes directeurs qui sous-tendent le projet de loi et qui s'inscrivent dans le cadre de la modernisation de l'appareil d'État. Elle souscrit à la volonté de l'État d'enchâsser ses pratiques dans les textes de loi, notamment en ce qui concerne l'établissement d'un plan stratégique intégrant un plan de réussite et son évaluation par la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial.

Cependant, la Fédération des cégeps voudrait vous faire part de quelques réserves qui ont trait notamment à certaines dispositions des articles 1, 2 et 8 du projet de loi et de plusieurs recommandations pour l'enrichir et faire en sorte qu'il s'ajuste mieux aux réalités des collèges.

Avant de vous présenter ces recommandations, je voudrais tout d'abord vous faire brièvement état de ce que font déjà les collèges en matière d'imputabilité, de performance et de transparence. Ce n'est pas d'hier en effet que les collèges se sont donné des mécanismes de reddition de comptes et d'imputabilité. Chaque collège possède une politique d'évaluation des apprentissages, une politique d'évaluation des programmes, une politique de gestion des ressources humaines, le tout prescrit par règlement et, depuis l'an 2000, un plan additionnel de réussite dont les paramètres se retrouvent dans le régime budgétaire et financier des collèges.

Il faut également noter qu'on est soumis, en vertu de l'article 27 de la loi, à soumettre un rapport financier annuel et que nous sommes soumis au regard de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial et que nous sommes les seuls d'ailleurs à avoir ce regard externe sur l'ensemble de nos activités. On peut donc affirmer, de notre point de vue, hors de tout doute, que le réseau collégial répond déjà largement aux exigences de l'État et aux attentes de la société québécoise en matière de qualité des services, de résultats, d'imputabilité et de transparence, et cela, dans le respect de la mission première que la loi lui confie.

Je voudrais aborder maintenant les quelques recommandations que nous formulons à l'égard du projet de loi n° 123. Alors, mon premier commentaire vise l'article 1 du projet de loi. Les collèges sont d'accord pour établir un plan stratégique qui couvre une période de plusieurs années comportant l'ensemble des objectifs et des moyens que chaque collège compte mettre en oeuvre pour réaliser sa mission et intégrant un plan de réussite. Ils sont également d'accord pour tenir compte des orientations du plan stratégique établi par le ministère de l'Éducation. Mais il nous apparaît que le plan stratégique doit d'abord et avant tout être établi en fonction de la réalité et de l'environnement du collège et en tenant compte de sa situation particulière.

En conséquence, nous recommandons au gouvernement que le libellé de l'article 1 du projet de loi, qui ajoute à l'article 16.1 de la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, mentionne clairement la priorité accordée à la situation du collège qui doit primer sur le plan stratégique du ministère. Et, en conséquence, on suggère même une formulation qui serait la suivante, c'est que: Chaque conseil établit, en tenant compte prioritairement de la situation du collège et, par la suite, des orientations du plan stratégique du ministère, un plan stratégique couvrant une période de plusieurs années. La même remarque, en termes d'adéquation, devrait se faire, de notre point de vue, pour le collège régional de Lanaudière.

Notre deuxième recommandation, elle, concerne le troisième paragraphe de l'article 16.1 de la Loi sur les collèges qui stipule: Le conseil de chaque établissement transmet chaque année au ministre et à la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial une copie de son plan stratégique et le rend public. De notre point de vue, un plan stratégique est généralement fixé dans un horizon de trois à cinq ans, et on se dit effectivement que de transmettre chaque année une copie du plan nous apparaît excessif. Alors, ce que nous suggérons davantage, ça se lirait comme ceci: Le conseil de chaque établissement transmet au ministre et à la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial une copie de son plan stratégique et le rend public. Et, effectivement, en termes de concordance, au troisième paragraphe, on dit que si le plan stratégique du collège doit être actualisé en cours de route, à ce moment-là, on en transmettrait une copie. Il nous apparaît excessif, autrement dit, de devoir transmettre à chaque année le plan stratégique. Puis, dans le fond, un plan stratégique, c'est habituellement adopté sur un horizon de trois à cinq ans, comme ça se fait dans toutes les grandes organisations, et on voulait, dans le fond, pouvoir s'ajuster aux réalités des collèges. Et on se dit: Si, effectivement, il est actualisé, bien, on en transmettra une copie au ministre et à la Commission.

Troisième recommandation: les collèges prévoiront certainement des mises à jour. Alors, effectivement, ce que nous disons, c'est qu'on pense que c'est à ce moment-là que ça devrait faire l'objet d'un rapport d'étape. Ce que nous suggérons... À l'article 2, on dirait ceci: Aux deux ans, le collège remet au ministre de l'Éducation et à la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, pour information, un rapport d'étape faisant état des résultats obtenus au regard des objectifs fixés dans le plan stratégique.

Enfin, quatrième recommandation, en ce qui concerne l'article 8, vous l'avez abordé... M. le député de Westmount?Saint-Louis l'a abordé avec les gens de la CSQ. Alors, effectivement, cette disposition prévoit que la Commission doit, sur demande du ministre, évaluer un ou plusieurs aspects de l'enseignement dispensé par un ou plusieurs établissements. Alors, d'une part, la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial a été conçue comme un organisme indépendant, les commissaires étant nommés par le gouvernement. Et, de notre point de vue, il ne faudrait pas que la Commission devienne le bras séculier du ministre. Au contraire, une certaine distance entre la Commission et le ministre doit être préservée afin que la Commission puisse continuer à exercer son jugement avec un regard externe indépendant et objectif. D'autre part, de notre point de vue, la Commission doit conserver le choix de ses moyens pour atteindre les résultats relativement à une demande qui pourrait être formulée par le ministre. C'est la raison pour laquelle nous suggérons une modification à l'article 8, pour se lire ainsi: Elle peut ? en parlant de la Commission ? sur demande du ministre, fournir un avis sur un ou plusieurs aspects de l'enseignement dispensé par un ou plusieurs établissements.

En terminant, je voudrais faire part aux membres de la commission de quelques réflexions sur l'exercice d'une véritable imputabilité qui doit être, de notre point de vue, partagée à tous les niveaux. L'ensemble du personnel d'un collègue, notamment le personnel enseignant, de façon individuelle et collective, doit être en mesure de garantir la qualité de ses interventions et d'en rendre compte. De plus, la reddition de comptes passe par des mécanismes de suivi et de mesure des résultats. C'est pourquoi la Fédération estime qu'une condition essentielle à l'imputabilité est la modernisation et le renouvellement de l'organisation du travail dans les collèges. Celle-ci doit être adaptée aux attentes de la société québécoise, plus souple et centrée sur une contribution optimale de toutes les catégories de personnel à la réalisation de la mission du collège. Elle doit en outre permettre à chacun de témoigner publiquement et de façon transparente de sa contribution à la vie collégiale. La Fédération estime par conséquent qu'il faut demander une plus grande imputabilité à l'ensemble du personnel des collèges, et particulièrement aux enseignants et aux coordinations départementales. L'enjeu est d'une importance majeure, car il faut que les collèges détiennent vraiment tous les leviers pour garantir la qualité des services et des programmes offerts aux étudiants jeunes et adultes du réseau collégial.

n (16 h 30) n

Par ailleurs, les seuls taux de diplomation ne donnent pas une juste image de l'ensemble des réalisations des collèges pour répondre aux exigences de la société québécoise en matière d'enseignement supérieur. Et j'aborde un sujet que vous venez d'aborder également avec la CSQ. Nous, comme Fédération et comme organisation, nous sommes prêts à aller encore plus loin. Nous recommandons l'utilisation d'indicateurs additionnels, taux de placement, satisfaction des employeurs, taux de réussite à la première année à l'université notamment, afin de mesurer la performance des collèges, comme cela se fait par ailleurs au pays, en Colombie-Britannique, en Ontario, en Alberta et dans les grands pays de la Communauté européenne. La Fédération des cégeps indique au ministre et au ministère qu'elle est prête à collaborer avec le ministre et le ministère pour établir de nouveaux indicateurs susceptibles de donner un portrait plus complet des résultats du réseau collégial.

Pour conclure, je vous dirai que le projet de loi n° 123 s'inscrit pour nous dans la continuité de ce que font déjà les collèges pour assurer la qualité de leur programme et de leurs services et pour répondre aux attentes de la société québécoise à leur égard. Ils sont prêts à faire un pas de plus. Il faut cependant tenir compte de leurs recommandations pour ajuster encore mieux le projet de loi n° 123 à leur réalité. Voilà, M. le Président, les quelques commentaires que j'avais à formuler.

Le Président (M. Geoffrion): Merci beaucoup, M. Boucher. M. le ministre de l'Éducation.

M. Simard (Richelieu): Merci, M. le Président. D'abord saluer la contribution extrêmement positive et fouillée de la Fédération des cégeps. Si nous avons salué tout à l'heure Mme Wheelhouse comme une partenaire habituelle de nos travaux, que dire de M. Boucher avec qui nous avons le plaisir de collaborer tout au long de l'année dans l'atteinte des objectifs éducatifs du Québec?

Les propos que vous tenez, l'analyse que vous faites vont tous dans le sens des objectifs de la loi. Vous avez fait certains commentaires, et j'y reviendrai dans quelques instants, sur certains aspects particuliers que vous souhaiteriez voir améliorés. Mais je constate avec très grande satisfaction au point de départ ? et je suis sûr que tous les parlementaires autour de cette table font le même constat ? je constate avec grande satisfaction votre adhésion à toute cette opération de reddition de comptes, de fixation d'objectifs, de plan stratégique, d'une ouverture à une amélioration concertée des moyens afin d'atteindre des résultats intéressants.

Vous n'êtes pas sans savoir, M. le président, qu'il y a place à amélioration, mais qu'il y a aussi des réalisations remarquables. Il y a un travail qui est fait, et qui est fait présentement dans la plupart des cégeps du Québec, qui va nécessairement apporter une amélioration des résultats. Mais on peut d'ores et déjà dire que, sur l'ensemble du territoire du Québec ? parce que c'est ça aussi, les collèges, les cégeps, c'est l'accessibilité sur l'ensemble du territoire du Québec ? nous disposons d'un réseau remarquable qui permet la transition vers les études supérieures, vers les études universitaires ou qui permet l'obtention de diplômes techniques qui mènent à des emplois de plus en plus intéressants.

Là où vous nous interpellez, ce sont parfois sur des nuances, parfois sur des choses assez importantes auxquelles vous semblez tenir particulièrement. Si vous me permettez, je vais rapidement avec vous les rappeler et vous donnez mon sentiment.

Vous dites que le plan stratégique devra être établi prioritairement en fonction de la réalité de l'environnement du collège. D'abord, «prioritairement», dans les projets de loi, dans le langage de rédaction législative, ce n'est pas une formule que l'on utilise facilement, puisque c'est rarement un fonctionnement par choix multiple, les législations. Alors, il faudrait arriver à une formulation plus précise que ça.

Mais l'esprit que vous donnez, c'est d'arriver à donner priorité, c'est-à-dire à considérer d'abord l'environnement du collège par rapport aux objectifs que le ministre, que le ministère fixent pour l'ensemble du réseau collégial. Vous croyez que l'objectif doit émaner d'abord de la réalité de chacun des collèges. Ne craignez-vous pas que cela amène des objectifs qui soient parfois bien timides et qui manquent d'ambition?

Le Président (M. Geoffrion): M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Il faut voir ce que c'est qu'un plan stratégique, hein, au départ. Un plan stratégique, c'est... En fait, il manque un mot, c'est un plan stratégique de développement. Alors, dans le fond, c'est un collège, dans sa communauté, qui cherche à planifier, dans le fond, son développement, sur un horizon de trois à cinq ans. Et là-dedans, il y a toutes sortes de paramètres qui peuvent passer par le développement de programmes, qui peuvent passer par des constructions, une bibliothèque en jonction avec la municipalité, et je n'en sais trop rien. Donc, ça dépend très nettement, je dirais, de la dimension pédagogique. Sur la dimension pédagogique, M. le ministre, il faut voir que le projet de loi dit: Faudrait inclure le plan de réussite. Alors, les plans de réussite, les collèges ont établi leur cible qui doit nous amener... passer de 62 % à 76 %, à l'horizon de 2010. Et donc, dans le fond, d'une certaine manière, les collèges sont liés, ils ne peuvent pas aller en deçà de ça.

Au contraire, et je vous l'ai indiqué tout à l'heure, nous, nous sommes favorables à ce qu'il y ait d'autres indicateurs. Et, en tout cas, j'étais dans un collège, dans la mesure où c'est un sentiment partagé par beaucoup de directions générales de collèges, directions des études, présidents et présidentes de conseils d'administration que je représente, c'est, dans la mesure où tes taux de diplomation ne représentent pas la vraie réalité, donc, les gens seront obligés, en tout cas voudront s'engager dans d'autres avenues pour avoir un meilleur reflet de ce qu'ils sont: taux de placement, taux de rétention, taux de passage en première, deuxième session, deuxième et troisième, succès à l'université, taux de... En fait, vous pouvez imaginer toutes sortes de choses.

Je vous dis, très certainement, là, que les collèges sont conscients que nos concitoyens et concitoyennes mettent pour 1,3 milliard de leurs taxes dans un fonctionnement d'un réseau collégial public. Ce réseau comporte d'immenses forces, mais il reste encore des pas considérables à faire, ne serait-ce que la diplomation en formation technique. Et donc, les collèges veulent pouvoir se donner des objectifs, des manières de faire, pour rendre compte à leur communauté de ce qu'ils sont et de ce qu'ils font. Et quand je vous plaide, tout à l'heure, pour l'introduction de nouveaux indicateurs, c'est parce que le message que je vous envoie, au nom des membres, est très clair dans ce sens-là. Et donc, je n'ai aucune réserve à vous répondre que les collèges ne s'inscriront pas dans une dynamique d'objectifs timides. Au contraire, je ne croirais pas.

M. Simard (Richelieu): Très, très heureux d'entendre ça, d'autant plus que je suis parfaitement d'accord. D'ailleurs, vous le savez, le travail est commencé, il faut augmenter le nombre d'indicateurs, et ceux que vous avez cités sont extrêmement pertinents. Il y a ceux-là, il y en a d'autres, parfois plus qualitatifs. Il faut améliorer, donc, cet aspect des choses, et je vois que nous entendons sur l'essentiel.

Lorsque vous nous dites que vous souhaiteriez que les plans stratégiques soient sur cinq ans, je pense que, dans toutes les organisations actuellement, on rend compte quand même annuellement de son travail. Il me semble qu'il s'agit là d'un simple remaniement de votre rapport annuel, et ce n'est pas... ça ne me semble pas poser un obstacle majeur. Je ne comprends pas très bien votre objection là-dessus.

n (16 h 40) n

M. Boucher (Gaëtan): Bien, c'est-à-dire que... Dans le fond, écoutez, là, ce que je vous dirais bien simplement, c'est que, normalement, dans une organisation comme dans un collège ? bon, tous les députés autour de cette Chambre ont des collèges dans leurs circonscriptions ? bon, les gens travaillent dans un horizon de trois à cinq ans. Ce qui nous apparaissait, je vous dirais, un petit peu exagéré ? un mot peut-être un peu trop fort ? c'est ce que, je dirais, d'une mise à jour annuelle. Il m'apparaissait que, de travailler sur un horizon de deux ans, avec un rapport d'étape, m'apparaissait plus conforme aux réalités.

Je pense qu'il ne faut pas, moi, je dirais... il faut éviter la tentation de bureaucratiser une opération pour dire: Tiens, tiens, tiens, la loi nous oblige à transmettre un rapport au ministre, on va lui en transmettre un. Alors, si, effectivement... Si on demeure toujours dans un horizon qui... une manière d'affaire qui soit crédible, il m'apparaît qu'un rapport aux deux ans nous apparaissait plus conforme aux manières de faire actuelles parce que, M. le député de Westmount?Saint-Louis l'a évoqué tout à l'heure, tous les collègues ou à peu près ont des plans de développement, projets éducatifs, et ainsi de suite... Bon. En tout cas, notre commentaire, notre recommandation allait dans ce sens-là.

Je vous dirais que le point préalable, la question sur la formulation de «prioritairement» par rapport au plan stratégique m'apparaît de ce point de vue là plus essentielle, et on va certainement vous revenir avec une autre formulation.

M. Simard (Richelieu): J'ai bien entendu vos commentaires sur la Commission d'évaluation. Vous faites une proposition de reformulation, nous la prendrons en compte lorsqu'il s'agira d'arriver à une version finale. Mais votre préoccupation est aussi la nôtre, je veux vous rassurer là-dessus, et j'espère bien que le texte final vous satisfasse.

Vous avez glissé ? glissé, mortel, n'appuyez pas ? rapidement sur l'une des conditions essentielles de l'imputabilité, la modernisation et le renouvellement de l'organisation du travail. Est-ce qu'on peut vous entendre? Certains de vos partenaires sont assis derrière vous et seront aussi intéressés, je pense, à vous entendre.

M. Boucher (Gaëtan): Ils sont toujours intéressés d'ailleurs à entendre pareils propos. J'ai eu l'occasion de les tenir le 25 septembre dernier dans cette même salle, je peux vous les retenir encore aujourd'hui.

La première chose, elle part d'une condition. C'est que la reddition de comptes, l'imputabilité n'est pas l'apanage d'une direction générale de collège uniquement ni celle d'une direction des études. C'est celle d'un collectif et d'une communauté qui, à bien des égards, ont été appelés, ont été consultés à travers l'un ou l'autre forum, et les plans stratégiques des collèges sont adoptés par les conseils d'administration où toutes ces entités...

M. Simard (Richelieu): Siègent.

M. Boucher (Gaëtan): ...le personnel de soutien, les professionnels et enseignant y siègent. Donc, tout le monde, dans un large débat effectivement, a eu l'occasion de témoigner.

Ce que je dis, c'est qu'une fois qu'on se met en mouvement il faut pouvoir faire en sorte que chacun et chacune puissent témoigner de ce qu'ils font à tous égards, et que, de ce point de vue là, le modèle de relation de travail qui est le nôtre et, à bien des égards, tout ce qui entoure, je l'ai évoqué tout à l'heure, la coordination départementale, il y a comme une difficulté, je dirais, au niveau de la reddition de comptes et de l'imputabilité. Et, nous, le souhait que nos membres expriment, c'est que lors de la prochaine ronde de négociations, on puisse regarder attentivement cette question pour faire en sorte que collectivement et individuellement on devienne tous imputable de ce qui se passe dans nos collèges, de ce qui se passe dans les classes, de ce qui se passe dans la relation avec les étudiants et les étudiantes, qu'ils soient jeunes ou adultes et que, dans le fond, on en devienne tous responsable.

De ce point de vue là, notre point de vue, il est clair. Nous avons un rendez-vous lors de la prochaine ronde de négociations. Nous estimons que le régime, ou l'organisation du travail, qui est le nôtre d'une certaine manière a vécu, il faut véritablement regarder la manière dont les choses se font. Nous, nous sommes prêts à en discuter et ça nous apparaît un rendez-vous inévitable.

Le Président (M. Geoffrion): M. le ministre.

M. Simard (Richelieu): Ce sont, voilà, les questions que j'aimais poser à M. Boucher. Je veux à nouveau évidemment remercier la Fédération des cégeps pour sa contribution à cette commission parlementaire.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: À l'instar de M. le ministre, je voudrais saluer les représentants de la Fédération des cégeps et, en même temps, leur poser quelques questions.

Pour aller sur le vif du sujet, j'ai remarqué aussi que vous avez adhéré au principe du projet de loi, mais pour taquiner un peu notre collègue le député de Richelieu, je pourrais lui faire valoir que c'est une adhésion qui, d'un autre point de vue, pourrait être aussi calculée si on regardait un indicateur de performance comme le nombre d'amendements qui est suggéré par rapport au nombre d'articles qu'il y a dans le projet de loi. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Quatre sur huit, ça a du bien, ça devient un niveau où on devrait peut-être regarder le projet en entier.

Ceci étant dit ? c'était, vous l'avez bien deviné, une taquinerie ? vous avez, dans les... D'abord, un, l'article 2, lorsque vous suggériez deux ans plutôt qu'un, le ministre choisira au bout de la ligne, mais j'incline à penser que, effectivement, si on fait un plan stratégique et qu'on le ramène à tous les ans, on risque d'avoir au ministère le même plan qui revient à tous les ans. Il faudrait peut-être mieux attendre d'avoir suffisamment d'espace dans le temps ? puis c'est peut-être trois ans au lieu de deux, dans le fond ? qui permettrait d'avoir des modifications au plan stratégique, parce que, dans le fond, l'intérêt, c'est de savoir ce qui change, ce n'est pas de savoir ce qui reste. Enfin, c'est un point de vue personnel.

Et là-dessus, je répète que, évidemment, le milieu n'a pas attendu d'avoir un projet de loi, vous l'avez dit, et je vous aurais questionné là-dessus: Connaissez vous bien des cégeps qui n'ont pas de plan stratégique au moment où on se parle? Moi, je n'en connais pas. Il n'y en a pas? Bon.

Et quant aux autres suggestions que vous faites, de modifications, parce que nous sommes là non pas à une étude article par article, mais, justement, on vous a demandé de venir nous donner votre opinion sur le projet de loi. Il y a deux articles qui sont les articles 16.1, où vous faites une suggestion de modification et à l'article... 16.1 de la Loi des collèges d'enseignement, j'entends, C'est l'article 1, en fait, et l'article 4 du projet de loi de M. le ministre, le projet de loi n° 123. À l'article 1, vous suggérez une modification. Vous en suggérez une autre à l'article 5.1. C'était une coquille d'ailleurs du projet de loi: 51, c'est 5.1. Mais tout tourne autour d'un concept: la situation du collège. Vous allez nous parler de ça un peu. Qu'est-ce que vous voulez dire par «la situation du collège»? Parce que le projet de loi, lui, se réfère à, par exemple, la stratégie du ministère, effectivement comme le souligne le ministre. Expliquez-nous exactement ce que vous voulez dire, et définir... comment vous définissez la situation du collège.

M. Boucher (Gaëtan): Oui. En fait, si vous lisez le 16.1, on dit... je vais reprendre ça comme ça: «Le conseil de chaque collège établit, en tenant compte de la situation du collège et des orientations du plan stratégique...» Bon. Alors, M. le ministre m'a un petit peu répondu tout à l'heure: On va travailler sur une autre formulation. C'est de ne pas mettre sur un pied d'égalité la situation du collège et le plan stratégique du ministère. Ce que le texte de loi, de mon point de vue, de notre point de vue, fait. Dans le fond, quand on fait un plan stratégique dans une organisation, on tient compte de son environnement, on tient compte de sa réalité, on tient compte de là où nous sommes, on tient compte de là où on veut aller. Lanaudière, Saint-Félicien, Sorel-Tracy, Vieux-Montréal, F.-X.-Garneau, John Abbott, on regarde où nous sommes, notre communauté, puis on se dit, bon, etc.

Il y a par ailleurs un environnement externe qui dit: Whoopelaïe! Le ministère de l'Éducation a un plan stratégique 2003-2006 et, effectivement, le ministre au gouvernement a adopté des cibles, par exemple, de diplomation ou des cibles de développement et ainsi de suite. Comment je m'inscris dans cette dynamique-là? Comment maintenant je vais pouvoir m'inscrire? Mais il me semble que, c'est le bon sens même qui le dit, la première chose qui doit commander un plan stratégique d'un collège, c'est sa situation, sa situation dans son milieu, son environnement, par carte des programmes, son état de développement, sa clientèle est en augmentation, elle diminue, elle baisse, et il y a son environnement, il y a un élément qui s'appelle le ministère de l'Éducation et son plan stratégique. Je dis: Certes, il faut en tenir compte, mais il me semble ? et c'est pour ça qu'on parlait de «prioritairement», je comprends que les juristes n'aiment pas ça ? ce qu'on veut mettre en relief, c'est qu'il me semble que c'est de ça qu'on doit tenir compte de façon prioritaire puis, après ça, du plan stratégique du ministère, alors que le texte de loi les mets sur un pied d'égalité. C'est juste ça.

M. Chagnon: Je vous remercie. Dans un autre ordre d'idées, vos prédécesseurs, nos autres invités avant vous, nous ont parlé de leur crainte concernant la compétition entre les collègues, la compétition pour la recherche de clientèle, la compétition aux fins de comparaison sur le plan des résultats, de la compétition qui pourrait amener évidemment des difficultés peut-être à certains collèges par rapport à d'autres. Vous réagissez comment à cela?

n (16 h 50) n

M. Boucher (Gaëtan): La première chose, c'est qu'il faut voir... Écoutez, moi, ça fait 15 ans que je suis à la tête de cette organisation. Ça fait 15 ans que j'entends parler de la compétition.

M. Chagnon: Vous n'avez pas peur de la compétition, vous?

M. Boucher (Gaëtan): Non, du tout. Il faut voir qu'elle existe. Sur l'île de Montréal, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, vous avez 11 cégeps accessibles par le métro. Il y en a 23 dans la couronne nord et sud de l'île de Montréal. Il n'y a pas de territoire pour les collèges. Donc, les étudiants et étudiantes ont le choix de leur collège, n'est-ce pas, et évidemment les collèges peuvent faire de la promotion. Mais, on le sait bien, c'est les parents, c'est les étudiants qui ont finalement... C'est le choix des amis qui s'amène autour de ça.

Par ailleurs, en région, ça se place tout à fait différemment, les statistiques le démontrent bien. En Gaspé?Les Îles, là, la compétition, ça n'existe pas. 95 % des étudiants qui font le passage du secondaire au collégial vont au cégep de Gaspé; en Abitibi-Témiscamingue, 85 %. Donc, cette compétition-là, elle existe et il m'apparaît que ce n'est pas autour d'un plan stratégique que ça va exacerber... que ça va changer quoi que ce soit.

L'autre chose, je vous le dis, moi, tel que je le pense, et c'est pour ça qu'on plaide pour d'autres indicateurs, un jour, je ne sais pas quand, nos concitoyens, concitoyennes ont le droit de savoir ce qui se passe dans nos établissements. Bon. Je n'aime pas la notion de palmarès. Je n'aime pas ça plus que d'autres mais, un jour, nos concitoyens et concitoyennes qui mettent 1,3 milliard de leurs taxes, ils ont le droit de savoir si, effectivement, ça fonctionne, si ça se passe bien. Il peut y avoir toutes sortes d'explications.

Et je vous dis: En Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario, ils ne sont pas plus fins que nous autres, effectivement, il y a, pour les collèges, comme montant, des indicateurs de performance. En Ontario, il y en a juste cinq; en Alberta, il y en a 12 puis en Colombie, il y en a 23. Nous disons au ministre: On est prêt à travailler là-dessus mais ça m'apparaît être quelque chose d'inévitable. On ne peut pas demander à nos concitoyens de mettre inévitablement toujours, toujours plus d'argent sans qu'en même temps quelqu'un puisse venir nous dire: Y a-tu moyen de poser deux questions pour savoir comment ça marche cette histoire-là, puis si ça fonctionne?

Moi, je vous dis: Nos gens, les gens que je représente, sont tout à fait dans cette lignée-là. Moi, ça m'apparaît absolument évident et, de ce point de vue là, je pense qu'on s'en va vers un rendez-vous incontournable.

M. Chagnon: Bien, dans la poursuite de cet argumentation ou de cette vision des choses, il y a, dans d'autres mémoire que nous avons reçus ? et je pense entre autres à celui de la FECQ, la Fédération des étudiants ? une crainte par rapport à l'habilitation.

Est-ce que, pour vous, c'est un problème qui pourrait découler de, par exemple, l'adoption de la loi 101 ou pas? Bon. En tout cas, je dis «un problème», je devrais dire une question plus qu'un problème.

M. Boucher (Gaëtan): Bon. Oui. Je vous dirais assez simplement ceci: Il y a dix ans, le Parti libéral était au pouvoir, c'est à ce moment-là que la Commission d'évaluation a été créée et, nous en avions fait la suggestion. M. L'Écuyer, qui est derrière moi, à ce moment-là, était vice-recteur à l'enseignement et à la recherche à l'UQ, effectivement, il a évoqué devant Mme Robillard, à l'époque, la notion d'«habilitation» en prenant l'exemple sur la Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne, en 1970, a créé tout un réseau supérieur d'écoles polytechniques, centralisé, contrôlé par l'État et, au fur et à mesure que ces institutions d'enseignement supérieur ont atteint une certaine maturité, la Grande-Bretagne leur a décerné la possibilité de pouvoir décerner leur propres diplômes, d'où cette idée qu'on a inscrite dans la loi il y a 10 ans.

Par ailleurs, il faut bien constater une chose, M. Legault, et M. le ministre actuel, a dit qu'à ce moment-ci cette maturité-là n'était pas atteinte et que le ministre n'avait pas l'intention d'aller en cette direction. Un. Le président de la Commission d'évaluation, à Jonquière l'an dernier au colloque de l'AQPC, a déclaré publiquement qu'il n'était pas de l'intention de la Commission d'aller de son propre chef dans cette direction-là. Et, troisièmement, les collèges que je représente n'ont jamais fait le débat sur le sens et la portée de l'habilitation.

Donc, dans les faits, nous retrouvons dans un moratoire de faits. Personne n'en veut à ce moment-ci parce que, effectivement, cette maturité qu'on y estimait il y a 10 ans un jour être présente, elle n'est pas là 10 ans plus tard. Donc, dans le fond, il n'y a aucune chaumière du Québec que ça fait trembler. Il n'y a pas de problème devant nous.

M. Chagnon: Les gens ne se battent pas dans les autobus sur cette question-là.

M. Boucher (Gaëtan): Non, dans les autobus, ce soir, ni à Montréal ni à Québec, ça va parler de l'habilitation. Donc, ça n'énerve personne et, moi, je dis tout simplement et je vais plaider publiquement: On est dans la situation de moratoire de faits, laissons porter les choses. Quand on aura atteint collectivement cette maturité, entre guillemets, comme réseau, comme société, bien on verra si le chemin à parcourir, on est prêt à l'emprunter. Puis, ma foi, les Anglais ne sont pas plus fous que nous autres, ils ont peut-être pris 25 ans pour le faire. Si ça prend 25 ans, on prendra 25 ans pour pouvoir le faire.

Ça m'apparaît à ce moment-ci, par rapport au projet de loi n° 123, certainement pas dans...

M. Chagnon: Il n'y a pas de lien de cause à effet.

M. Boucher (Gaëtan): Non. Il n'y a aucun lien de mon point de vue. Je connais évidemment les représentations que font les étudiants, les centrales syndicales pour que les dispositions de la loi soient... disparaissent, mais j'estime que...

M. Chagnon: Pardon?

M. Boucher (Gaëtan): Je connais les représentations, je connais le discours d'un certain nombre d'intervenants qui voudraient que le pouvoir habilitant disparaisse de la loi de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Mais, à ce moment-ci, ça ne m'apparaît pas une direction qui devrait être empruntée, puisque, dans le fond, le débat ne porte pas là-dessus, il porte sur 123.

M. Chagnon: O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Geoffrion): Est-ce que ça va? Pas d'autres questions? Alors, madame, monsieur, merci beaucoup de votre présence. Nous allons suspendre une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 56)

 

(Reprise à 16 h 59)

Le Président (M. Geoffrion): J'appelle la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

Alors, M. Patry, Mme Côté, c'est ça? Alors, est-ce que c'est M. Patry qui va faire la présentation?

Fédération nationale des enseignantes
et des enseignants du Québec (FNEEQ)

M. Patry (Pierre): On va la faire à deux.

Le Président (M. Geoffrion): Ensemble. Alors, M. Pierre Patry et Mme Marjolaine Côté, on vous écoute.

Mme Côté (Marjolaine): Alors, M. le ministre, Mmes les députées, Mm. les députés, la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec et la Fédération des employées et employés de services publics remercient les membres de la commission de l'éducation de leur permettre de participer à cette consultation portant sur le projet de loi n° 123.

n (17 heures) n

La FNEEQ et la FEESP sont affiliés à la Confédération des syndicats nationaux qui regroupent 270 000 membres. Parmi ces derniers, plus de 50 000 proviennent du secteur de l'éducation. La Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec compte 14 000 enseignantes et enseignants de cégep. La Fédération des employées et employés de services publics regroupe la majorité des employés de soutien des cégeps, soit plus de 4 000 membres. Ce mémoire est présenté par la FNEEQ, au nom des enseignantes et enseignants de cégeps et de collèges privés qu'elle représente, et par la FEESP, au nom des employés de soutien des collèges membres de cette Fédération.

Les enseignantes et les enseignants et les employés de soutien ont à coeur la réussite des jeunes et des adultes et travaillent dans la perspective qu'ils puissent connaître le succès, le multiplier et obtenir un diplôme. Les sujets de l'heure les préoccupent grandement, et, comme intervenantes et intervenants dans le milieu scolaire, ils tentent par différents moyens d'aider et de supporter les étudiantes et les étudiants. Les enseignantes et les enseignants souhaitent leur succès et leur réussite. Ils investissent au quotidien efforts et énergie tout en ayant développé au fil des ans une grande expertise et une connaissance approfondie des étudiantes et des étudiants et de leurs besoins.

Si le travail des enseignantes et des enseignants est davantage connu, on sous-estime grandement celui accompli par l'ensemble des employés de soutien. La majorité d'entre eux sont en contact étroit avec les étudiantes et les étudiants, de façon formelle ou informelle. Ils sont à l'écoute; à l'occasion, des confidents. Ils apportent aide et support. Ils servent aussi de soupape au stress et aux inquiétudes et valorisent les bons coups. Ils jouent un rôle important auprès des étudiantes et des étudiants et ils contribuent aussi au succès et à la réussite. Pourtant, dans les officines gouvernementales, on reste muet sur leur contribution.

L'éducation occupe une place importante dans les préoccupations des Québécoises et des Québécois. Les médias écrits et électroniques nous rappellent quotidiennement les problèmes rencontrés par les établissements d'enseignement. Par contre, on consacre très peu d'espace aux projets novateurs, aux étudiantes et aux étudiants, jeunes et adultes, à leurs initiatives, leur enthousiasme pour certaines disciplines, leur succès et leur réussite. De plus, force est de constater que les critiques à l'égard du système d'éducation se sont multipliées au cours des ans. D'ailleurs, le collégial a été interpellé et remis en question par plusieurs, tout particulièrement dans le cadre de la réforme Robillard mais aussi dans le cadre des travaux de la Commission des états généraux sur l'éducation. De façon générale, les critiques sont souvent porteuses d'inquiétudes et d'appréhensions au sujet de l'avenir des étudiantes et des étudiants. Tous reconnaissent que les conséquences de l'abandon et de l'échec scolaires sont dramatiques pour les individus, leur famille et la société.

Devant cet état de fait, différentes mesures ont été implantées, tant au niveau national que local, afin de contrer ce phénomène et modifier cette donne. La CSN et sa fédération de l'éducation ont toujours été en faveur que l'on se fixe, comme société, d'ambitieux objectifs de diplomation et de qualification. Dans cette perspective, le gouvernement et le ministère de l'Éducation ont mis en place divers mécanismes pour venir en aide aux étudiantes et aux étudiants en difficulté et favoriser l'accès à la réussite. L'implantation de ces mécanismes doit se faire à certaines conditions. Cependant, la FNEEQ et la FEESP émettent des réserves quant aux effets possibles du projet de loi n° 123. Elles souhaitent aussi alerter les membres de la commission de l'éducation sur le danger d'inscrire dans une loi l'obligation de produire des plans stratégiques et des plans de réussite, craignant que l'on s'éloigne des objectifs poursuivis.

Les questions relatives à l'évaluation des résultats et à la reddition de comptes ne sont pas nouvelles. On a pu observer, au cours de la dernière décennie, un engouement qui s'est concrétisé par un foisonnement de mesures et de mécanismes d'évaluation aux appellations plus ou moins évocatrices, privilégiant souvent le processus au détriment des objectifs poursuivis. Ces approches sont venues alimenter l'inquiétude et les critiques de plusieurs qui n'y voient qu'un objet supplémentaire de contrôle, de sanction, de comparaison, de concurrence et de compétition.

En 1997, lors du lancement de la réforme de l'éducation, on annonçait, dans le plan d'action ministériel, le transfert de certaines responsabilités du ministère vers les collèges. Ces mesures s'inscrivaient en continuité avec la réforme de la ministre Robillard de 1993. Dans la foulée de cette réforme, on créait la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, organisme indépendant qui, on se rappelle, a été mis en place en contrepartie de pouvoirs accrus dévolus aux collèges.

Suite au Sommet du Québec et de la jeunesse, le ministre de l'Éducation annonce, au printemps 2000, une série de mesures à l'égard de la réussite et demande, entre autres, à chaque collège de produire un plan de réussite, de voir à sa réalisation et à son évaluation. L'ensemble des établissements répond à cette exigence et dépose au ministre, à l'automne 2000, un premier plan de réussite. Suite à ce dépôt, le ministre de l'Éducation demande à la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial d'évaluer les plans de réussite produits par les collèges.

Ce bref rappel permet de constater que des actions ont réellement été entreprises jusqu'à maintenant par les collèges et que la démarche a produit des résultats sans que cette obligation soit enchâssée dans une loi. Nous sommes profondément convaincus qu'une loi ne sera jamais garante de la responsabilisation et de l'engagement des individus et des établissements. L'éducation est un service public financé à même les fonds publics et, dans ce contexte, soumis à des mécanismes d'évaluation, de reddition de comptes et d'imputabilité. Ces mécanismes peuvent facilement être considérés exclusivement du point de vue comptable et mathématique.

La FNEEQ et la FEESP considèrent que leur premier objectif est de supporter les établissements dans la réalisation de leur mission éducative. Nous considérons que les besoins de l'étudiant doivent être au coeur du système d'éducation. Nous sommes favorables à la mise en place de plans de réussite. Ceux-ci doivent viser à ce que le plus grand nombre de jeunes et d'adultes atteignent leurs objectifs de formation et accèdent à la réussite de leur apprentissage. C'est pourquoi toute mesure d'évaluation se doit d'être significative, formative et orientée vers l'avenir. Le plan stratégique élaboré par chaque collège doit s'arrimer aux plans stratégique du ministère de l'Éducation de façon intelligente. Il doit tenir compte de la dynamique du milieu. Quant au plan de réussite, il se doit d'être spécifique à chaque collège.

Cette démarche doit être portée non pas par une conception étroite et mécanique, mais bien par une vision laissant place à l'innovation, la créativité, l'initiative, la capacité de résoudre des problèmes et de faire des choix éclairés. Une pression s'exercera sur quelques collèges dont l'effectif scolaire éprouve des difficultés importantes. Il est aussi fort probable que certains d'entre eux ne pourront répondre aux attentes du plan stratégique ministériel. Par contre, d'autres collèges vivent des situations fort différentes. La sélection des étudiantes et des étudiants fait en sorte qu'ils se retrouvent avec un effectif scolaire beaucoup plus performant. À la ligne de départ, ces collèges ont donc une longueur d'avance, en termes de réussite et de diplomation, sur les autres. La vigilance sera donc de mise pour s'assurer que l'obsession de la réussite ne pousse les collèges éprouvant des difficultés à niveler vers le bas leurs exigences.

La réussite est multifactorielle. Les éléments d'ordre économique, social, familial, affectif, éducatif et individuel sont en interaction étroite. Plusieurs étudiantes et étudiants portent leur lot de difficultés. Certains sont issus d'un milieu défavorisé, vivent dans la pauvreté, se questionnent sur leur choix vocationnel, travaillent un grand nombre d'heures pour subvenir à leurs besoins, ont des problèmes de consommation, de comportement, des idées suicidaires. On se doit aussi de reconnaître que le collège a une obligation de moyens, mais on ne peut le contraindre à une obligation de résultat, les formules gagnantes étant trop aléatoires. Ne l'oublions pas: le collège n'est pas l'unique responsable du succès et de la réussite. Alors, je passe maintenant la parole à M. Patry.

Le Président (M. Geoffrion): M. Patry.

M. Patry (Pierre): La FEESP et la FNEEQ émettent des réserves quant à la pertinence d'insérer l'obligation de produire des plans stratégiques et des plans de réussite dans une législation. Nous appréhendons certains effets néfastes d'une obligation légale. Par exemple, le risque est grand que, suite à l'adoption de cette loi, le processus devienne plus rigide, plus complexe, que les exigences soient multipliées. Le ministère pourrait installer un contrôle excessif, multiplier les sanctions et même installer un financement conditionnel à l'atteinte de résultats, ce qui serait tout à fait contraire, à notre avis, à l'esprit des plans stratégiques et des plans de réussite.

D'autres effets nuisibles sont à craindre. Pour performer, certains cégeps pourraient, par exemple, diminuer leurs exigences, rehausser les résultats des plans de réussite par un maquillage savant et, surtout, produire des données statistiques présentant aux acteurs extérieurs une évaluation du système d'éducation québécois qui relève du miroir aux alouettes ? on ne parle pas de football, ici, même si c'est un peu dans l'air du temps. L'ensemble du réseau de l'éducation se retrouve déjà dans une dynamique malsaine de concurrence et de compétition accentuée par la baisse des effectifs scolaires. Certains bilans déposés au ministère pourraient alors être le reflet de ce que le cégep ou le ministre souhaite entendre et non le véritable portrait de la situation.

De plus, n'y a-t-il pas danger de se retrouver en présence d'attentes irréalistes en matière de résultats? N'y a-t-il pas danger que certains acteurs extérieurs s'approprient les rapports déposés au MEQ pour élaborer de nouveaux palmarès, classifier les établissements et comparer, sans nuances, ce qui n'est pas comparable? N'y a-t-il pas danger que certains établissements s'en servent pour faire la promotion de leur fondation ou obtenir des commandites? N'y a-t-il pas danger de consolider l'ascendant que certaines directions d'établissement veulent se donner par rapport aux autres? Soyons clairs, pour la FNEEQ et la FEESP, ce n'est pas un projet de loi qui viendra corriger la situation actuelle mais bien la volonté de toutes et tous de faire de l'éducation une priorité.

Le gouvernement se doit d'assumer ses responsabilités et assurer au réseau collégial les ressources humaines, financières et matérielles nécessaires. De 1994 à 1999, le gouvernement a imposé des compressions de 250 millions de dollars aux cégeps. Les impacts de ces compressions sont encore fortement ressentis dans le milieu. Il est urgent que le gouvernement procède à un plus grand rehaussement du financement général en éducation, condition essentielle pour assurer la réussite. Ce rehaussement se doit d'être supérieur aux sommes consenties par le gouvernement lors du Sommet du Québec et de la jeunesse. D'ailleurs, dans les suites de ce Sommet, les cégeps sont demeurés les parents pauvres du réseau de l'éducation.

On va faire maintenant quelques commentaires spécifiques et propositions concernant les articles du projet de loi. On ne reprendra pas l'ensemble des articles du projet de loi, on va s'attarder sur certaines modifications que la FNEEQ et la FEESP souhaitent voir intégrées.

Donc, d'abord, pour ce qui est de la loi d'enseignement général et professionnel, l'article 1 sur les responsabilités du conseil de chaque collège, cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 16, d'un nouvel article. Aucun processus de consultation n'accompagne l'élaboration du plan stratégique. Tout peut se faire en vase clos, sans aucune participation des membres des différents groupes du collège. Pourtant, ils y sont tous associés directement et jouent un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre et la réalisation de ces plans.

n (17 h 10) n

Nous demandons que, dans le cadre du processus d'élaboration du plan stratégique du cégep, le conseil d'administration mandate la Commission des études pour procéder à une consultation large auprès des personnels ? enseignantes et enseignants, professionnels, personnel de soutien ? et les étudiantes et étudiants afin de lui soumettre un avis. Les modalités de cette consultation seront définies avec les représentants des différents groupes siégeant à la Commission des études et devront prévoir un délai suffisant pour qu'une véritable consultation puisse se tenir. Nous exigeons que l'obligation de consulter soit inscrite dans la loi et que l'article 1 du projet de loi soit modifié en ce sens.

L'article 2 maintenant, concernant le rapport annuel. Donc, l'article 27.1 de cette loi, qui se lit comme suit: «Un collège doit, au plus tard le 1er décembre de chaque année, faire au ministre un rapport de ses activités pour son exercice financier précédent», est modifié par l'ajout suivant: «Ce rapport doit faire état des résultats obtenus en regard des objectifs fixés dans le plan stratégique.»

La tentation pourra être forte pour certains d'installer ici un lien entre le rapport financier et les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés dans le plan stratégique. Peut-on penser voir apparaître un rapport direct entre le financement et l'atteinte des résultats et les objectifs poursuivis dans le plan stratégique? Nous demandons que cet ajout soit retiré de l'article et nous proposons l'ajout d'un nouvel article afin de clarifier les intentions du ministre. Il se lirait ainsi: «Aucune mesure de financement conditionnelle n'est associée à l'atteinte des résultats basés sur la réussite ou la diplomation des étudiantes et des étudiants. Aucune mesure ne pourra avoir comme impact de pénaliser, en termes de financement, les établissements d'enseignement général qui n'ont pas atteint les résultats souhaités.»

Maintenant, concernant la Loi de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial donc, à l'article 7, où on modifie l'article 13 de la Loi de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, c'est modifié par l'addition d'un nouvel alinéa. Dans le cadre de ce projet de loi, la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial se voit élargir sa mission et confier de nouveaux mandats. On peut se questionner ici sur les motifs de ce choix. N'est-ce pas un retour au temps d'Émilie Bordeleau, où elle accueillait annuellement M. l'inspecteur qui venait vérifier la qualité de l'enseignement et les apprentissages des élèves. Le ministère n'a quand même pas attendu l'adoption de cet article pour demander à la Commission de procéder à l'examen de la qualité des plans de réussite produits par les collèges.

Il nous semble que l'article 13 de la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial est déjà fort explicite quant à son rôle. Celui-ci est complété par l'article 16 de la même loi, qui stipule que la Commission a un mandat d'initiative. Nous sommes en désaccord avec l'inclusion de cet ajout au projet de loi, car nous évaluons que la loi actuelle donne plein pouvoir à la Commission pour procéder à des mandats d'initiative. Nous demandons donc le retrait de cet article.

À l'article 8, parallèlement à l'attribution de nouvelles responsabilités à la Commission, tel qu'énoncé à l'article précédent, on accorde, à l'article 8, un nouveau pouvoir au ministre, soit celui d'exiger que la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial procède à l'évaluation d'un ou plusieurs aspects de l'enseignement dispensé par un ou plusieurs établissements.

Nous tenons fortement à rappeler que lors de la création de cette Commission, plusieurs avaient exigé et s'étaient réjouis du fait que la Commission soit un organisme indépendant qui pouvait avoir des mandats d'initiative. N'y a-t-il pas danger que la Commission devienne assujettie aux demandes du ministre et limitée dans l'accomplissement de ses mandats? Nous souhaitons que le ministre fasse confiance à la Commission dans l'accomplissement des responsabilités qui lui sont dévolues et qu'il se consacre davantage à assurer un suivi systématique de l'utilisation des sommes allouées aux cégeps afin de favoriser la réussite.

Suite à une enquête que nous avons effectuée en 2001-2002, nous avons été à même de constater que l'utilisation de ces argents demeure nébuleuse. Certaines directions refusent de transmettre les informations aux syndicats, d'autres consacrent très peu de ces sommes aux acteurs principaux de la réussite que sont les enseignantes et enseignants, le reste étant employé à d'autres fins. Nous demandons que le ministre exige des rapports sur l'utilisation de ces budgets et sur les moyens mis en place et qu'il rende ces informations publiques.

Enfin, les questions relatives à l'habilitation. Nous sommes fort déçus que ce projet de loi ne traite pas des questions relatives à l'habilitation dans le réseau collégial. La FNEEQ et la FEESP se sont toujours opposées à la mise en oeuvre de l'habilitation. On a beau épiloguer et apporter toutes les nuances sur l'habilitation, l'enjeu est de taille pour le maintien du réseau collégial et sa survie.

Le concept de l'habilitation se situe en continuité avec la réforme Robillard qui a touché le collégial. Pour la FNEEQ et la FEESP, le transfert de cette responsabilité signifie le morcellement du réseau collégial et la transformation progressive des établissements publics en établissements indépendants les uns des autres. L'habilitation va mettre en cause la crédibilité du diplôme, la cohérence du réseau, les programmes nationaux et vient réduire la mobilité, pour les étudiantes et les étudiants, d'un établissement à l'autre. Elle fragilise l'accessibilité et l'équité d'accès, tout particulièrement en région, et consolide l'autonomie des cégeps en leur permettant de procéder à une sélection plus serrée des étudiantes et des étudiants les plus performants. C'est pourquoi...

Le Président (M. Geoffrion): Allez-y. Il reste 30 secondes, allez-y.

M. Patry (Pierre): Oui, je conclus. Deux minutes.

Le Président (M. Geoffrion): Oui. Allez-y.

M. Patry (Pierre): C'est pourquoi nous réitérons notre demande, à savoir que le ministre retire de la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel ainsi que la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial toute référence à l'habilitation.

En concordance, il faudra aussi modifier l'article 32 du Règlement sur le régime des études collégiales, c'est-à-dire le RREC. Là-dessus, j'étais en instance ce matin, et il y a eu une intention forte des représentantes et représentants des syndicats que je représente pour que tout soit fait, d'ici Noël, pour qu'on puisse procéder au retrait de l'habilitation et que ce soit inscrit au niveau du projet de loi n° 123, même si la FNEEQ était la seule fédération enseignante du collégial à souscrire à une entente avec le ministre de l'Éducation sur la question. Je rappelle au ministre que nous représentons le deux tiers des enseignantes et des enseignants de cégep, ce qui n'est pas peu dire.

En terminant, nous tenons à rappeler que la réussite et la qualité des services ne sont pas uniquement en fonction de ce qui est évaluable. L'écoute, la disponibilité, l'attention, l'empathie, l'encouragement, le support, la tape dans le dos, tous ces gestes gratuits qui se vivent au quotidien dans les cégeps ne sont pas et ne seront jamais mesurables. Pourtant, pour plusieurs étudiantes et étudiants, jeunes et adultes, ces gestes ont été le coup de pouce ou le coup de coeur à leur persistance scolaire et à leur réussite.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, M. Patry. Merci, Mme Côté. M. le ministre.

M. Simard (Richelieu): Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, saluer nos invités, la FNEEQ et la FEESP, qui sont des partenaires très importants. Je ne me trompe pas, M. Patry, 30 cégeps sont représentés chez vous?

M. Patry (Pierre): Chez nous, 35.

M. Simard (Richelieu): Au niveau des enseignants?

M. Patry (Pierre): Trente-cinq.

M. Simard (Richelieu): Trente-cinq.

M. Patry (Pierre): Puis Marjolaine, c'est...

Mme Côté (Marjolaine): Trente-trois.

M. Simard (Richelieu): Donc, vous voyez, c'est une proportion très importante, mais malheureusement ce n'est pas tous les cégeps pour le dernier sujet que vous avez abordé. Mais on aura l'occasion d'y revenir.

Vous abordez beaucoup d'éléments dans votre présentation. Pour ce qui est de l'inscription dans une loi du processus de plan stratégique et de plan de réussite, écoutez, nous sommes là pour l'étudier, cette loi. Le gouvernement a décidé, a fait son lit là-dessus, et, pour assurer la pérennité, l'inscription dans le temps, sécuriser ce processus, le rendre plus facilement... l'inscrire plus facilement dans le processus normal de la vie des collèges et du ministère de l'Éducation, nous avons jugé que c'était nécessaire.

Quant aux changements dont on peut discuter mais sur le mandat de la Commission d'habilitation, permettez-moi de vous rappeler qu'effectivement, à la demande du ministre, depuis deux ans, ils ont regardé les plans de réussite mais sans que la loi ne leur en fasse aucunement l'obligation. C'était strictement une interprétation bona fide de leur base législative qui les a incités à le faire et très bien le faire.

Il est normal que, lorsque l'on fait... lorsqu'on touche à la loi, on s'assure que le mandat de la Commission d'évaluation soit adapté à cette nouvelle réalité, ce qui ne présume pas évidemment de l'autonomie recherchée et souhaitable quant aux intentions ministérielles. Je suis aussi d'accord avec vous qu'il faut faire ce qu'il faut pour permettre à la Commission de faire son travail avec la plus grande autonomie possible. Et, s'il y a des modifications nécessaires pour nous en assurer, au texte actuel, nous les ferons.

Je suis très sensible à un aspect important de ce que vous nous dites, c'est la consultation. Il n'y a pas un seul plan stratégique, et encore moins sa traduction dans l'action immédiate, qui est un plan de réussite, qui ne puisse exister de façon sérieuse sans une base de consultation. Il s'agit de mobiliser les acteurs, il s'agit de faire un bon diagnostic, il s'agit de se fixer une série de moyens. Il est important que tous les acteurs soient mobilisés, consultés.

Je vais donc regarder avec attention s'il n'y aurait pas, du côté de l'article 17, qui fixe les mandats de la Commission des études, qui sont d'ailleurs assez larges... La Commission des études étudie les projets de politiques institutionnelles d'évaluation, par décision du Conseil, les projets de politiques institutionnelles relatives aux programmes d'études, les projets de programmes d'études du collège. Je pense qu'il serait assez facile de préciser à l'article 17.2 ce mandat de consultation dont vous nous parlez dans votre mémoire. Enfin, nous allons le regarder attentivement. Je ne vois pas d'obstacle a priori, mais je veux m'assurer qu'il n'y en ait pas. Mais je pense que vous soulevez là un aspect important.

n(17 h 20)n.

Si ces plans de réussite, ces plans stratégiques, ces plans de réussite sont là pour exister, pour faire partie dorénavant d'une culture de la gestion, ces plans doivent aller chercher leur légitimité dans une vaste consultation et la mobilisation de tous les personnels. Je souligne à madame que, effectivement, ce sont tous les personnels qui sont consultés, on a trop tendance à l'oublier. Un collège, c'est un ensemble de gens qui, chacun dans son domaine, contribuent à la réussite des élèves, et il ne faut jamais le négliger. Alors, là-dessus, je serais assez d'accord.

Maintenant, je veux vous rassurer, il n'est nullement question dans ce projet de loi, et encore certainement pas dans l'intention du ministre, de lier de quelque façon que ce soit le financement des collèges à l'atteinte des objectifs fixés. Si c'était le cas, on le dirait, ce serait dans la loi. Si ce n'est pas le cas, ce n'est pas dans la loi et ce n'est pas notre intention.

Écoutez, je le répète, les contribuables québécois, le directeur de la Fédération des cégeps l'a rappelé tout à l'heure, investissent 1,3 milliard, bon an, mal an, au niveau collégial, 11 milliards dans le réseau de l'éducation. Ils ont droit de s'attendre à ce qu'il y ait une imputabilité, une reddition de comptes, une transparence. Et cela ne veut pas dire que chaque collège va se voir attribuer son financement en fonction de l'atteinte immédiate des résultats. Parfois, même, ça pourrait être une incitation à mettre en place les mesures remédiatrices nécessaires, dans certains cas, qui apparaîtraient nécessaires. Ça peut arriver, comme vous le savez. Donc, je ne vois vraiment pas l'inquiétude que vous avez à ce sujet, en tout cas, je ne la partage pas. Je voulais vous le dire. Alors, j'ai eu quelques réactions, je vais peut-être demander à nos invités de réagir à mes réactions.

Le Président (M. Geoffrion): M. Patry.

M. Patry (Pierre): Oui, je peux réagir. Bien, d'abord, je suis heureux de constater que nous ne sommes pas loin, quant aux objectifs poursuivis. Sur la question de l'article 17, concernant le mandat de la Commission des études, c'est effectivement dans le sens où vous l'avez signalé. Étant donné que la Commission des études a un mandat large sur toute question relevant, là, des affaires pédagogiques, des affaires éducatives, il nous semblait normal que, à partir du moment où un collège veut élaborer un plan de réussite ou un plan stratégique, la Commission des études soit consultée.

D'ailleurs, dans des discussions qu'on a eues avec votre ministère, vous souhaitiez l'engagement des enseignantes et des enseignants dans le développement des plans de réussite. Bien, pour nous, l'engagement auquel on souscrit, c'est qu'on veut être consultés, et ça passe par les mécanismes qui existent déjà au niveau des collèges. Et, pour faire en sorte que les plans de réussite soient un succès, étant donné que la Commission des études regroupe toutes les catégories de personnels, bien, il nous semble que, si on transite par là et qu'on permet de réelles consultations dans le milieu, bien, les gens vont s'accaparer de cette question-là, vont se mobiliser autour de cela puis ils vont adhérer finalement au plan de réussite auquel ils auront travaillé, à condition bien sûr que ce qui sera convenu en bout de course, bien, qu'ils s'y retrouvent effectivement en fonction des objets de la consultation. Donc, très heureux de retrouver ça.

Même chose au niveau du financement conditionnel. La coïncidence de date nous tracassait, entre les rapports financiers et ce qu'on va demander comme nouveau rapport. Donc, on veut s'assurer qu'il n'y ait pas de financement lié à l'atteinte de résultats. Vous nous l'avez réaffirmé à plusieurs reprises, heureux de vous l'entendre encore, mais, si c'était inscrit au niveau de la loi n° 123, ça nous rassurerait encore beaucoup plus.

Enfin, sur la question de la reddition de comptes, je veux être très clair, et on l'a dit dans notre mémoire aussi, c'est clair qu'à partir du moment où il y a un financement public ça demande une reddition de comptes publique. Mais, par ailleurs, il faut faire attention sur ce qu'on entend par reddition de comptes et de la façon de rendre les comptes. Par exemple, dans les collèges, je ne souscris pas aux propos de la Fédération des cégeps tantôt, quand ils disaient: Les coordinations départementales, on ne sait pas ce qu'ils font. Il y a l'obligation de produire un rapport annuel, il y a l'obligation d'avoir un plan de travail, il y a une série d'obligations. On a revu l'organisation du travail, puis il y a régulièrement des rapports entre les enseignantes, les enseignants puis les directions d'études. Donc, pour nous, ces mécanismes existent bien sûr. Il faut bien sûr assurer l'autonomie des institutions, mais il faut aussi assurer l'autonomie professionnelle des gens qui oeuvrent à l'intérieur des établissements. Puis c'est dans ce sens-là qu'on voyait des craintes par rapport aux mandats supplémentaires dévolus à la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial.

Le Président (M. Geoffrion): Mme Côté.

Mme Côté (Marjolaine): Oui. Alors, M. le ministre, bien, je suis très contente de l'accueil que vous faites à notre mémoire et surtout quand vous nous dites que vous êtes sensible à un aspect, la consultation, et que cette consultation-là doit comprendre l'ensemble des personnels. Trop souvent, on est oublié, le personnel de soutien. Et, quand vous parlez de l'article 17 de la Commission des études, je veux juste vous rappeler qu'en 1993, lorsqu'il y a eu une modification à la Loi des collèges, dans les mandats de la Commission, les représentants de la Commission des études, on est disparus de la loi. On avait fait des représentations à cet effet-là, pour qu'il y ait un représentant du personnel de soutien qui fasse partie de la Commission des études. Alors, nous ne sommes plus là mais dans les faits, quand même, dans les cégeps, on constate qu'il y a au moins un représentant du personnel de soutien qui siège à la Commission des études. La ministre m'avait assurée, à l'époque ? c'était Mme Robillard ? que ça se ferait. Alors, ça se fait, mais au moins juste vous rappeler que nous ne sommes pas nommément nommés dans l'article 17. Alors...

M. Chagnon: Les ministres passent mais, vous autres, vous restez.

Mme Côté (Marjolaine): Pardon?

M. Chagnon: Les ministres passent mais, vous, vous restez.

Mme Côté (Marjolaine): Eh oui! Eh oui! Pour assurer la réussite.

M. Simard (Richelieu): Je suis très heureux, je pense, de la qualité de l'échange, parce que je pense que nous sommes maintenant presque totalement sur la même longueur d'onde. Je rappelle cependant que les conseils d'administration vous réunissent tous. Vous êtes... Les plans stratégiques ne peuvent, par définition, pas se faire sans la participation au moins d'un représentant à la fois du personnel de soutien, parce que, dans un conseil d'administration, il y a deux enseignants, un professionnel non enseignant, un membre du personnel de soutien du collège, respectivement élus par leurs pairs. Donc, ce n'est pas en catimini, à huis clos, hors... mais il est vrai qu'une consultation plus approfondie, plus systématique, par l'intermédiaire de la Commission des études, nous semblerait tout à fait valable, souhaitable et de nature à rendre, je dirais, plus dynamique le plan stratégique, parce que impliquant dès la base, au point de départ, tous les acteurs de la vie du collège. Et je pense que ça peut se faire de façon tout à fait correcte. Évidemment, je ne m'engage pas encore formellement à le faire mais je vais consulter, au cours des prochains jours, nos vis-à-vis collégiaux, les gens du ministère, pour voir comment on va l'articuler exactement, mais l'esprit de ce que vous souhaitez, je l'espère, se retrouvera dans le projet de loi final. Merci beaucoup.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je souhaite aussi la bienvenue au président de la FNEEQ et à la présidente de la FEESP, et... Bien, effectivement, vous posez des questions dans votre mémoire que j'ai un peu soulevées moi-même, d'abord sur l'opportunité d'avoir une loi pour arriver à ces fins-là. Le choix gouvernemental est un choix qui veut prendre la route législative. Ce n'est pas mauvais en soi, remarquez, c'est une autre avenue. Je ne suis pas sûr que ce soit l'avenue la plus facilitante, mais c'est une avenue qui risque d'être contraignante, au bout du compte, au bout d'un certain temps.

Je ne crois pas non plus que l'on veuille se servir de ce processus-là pour tenter de faire un contrepoids financier sur les objectifs de réussite en tant que tels. Ce serait même un peu contre-productif, peu importe quelque ministre que ce soit. Si vous aviez un problème d'ordre de succès en termes de diplomation ou de niveau de réussite, enlevez l'argent, comme vient de le souligner le ministre, ne serait pas vous rendre service. Ce serait, au contraire, ne faire en sorte que d'aggraver une situation qui finalement mériterait d'être corrigée. Alors, je ne vois pas vraiment la relation de cause à effet que vous y voyiez au départ.

J'aimerais, puisque vous en avez parlé à quelques reprises, la Commission d'évaluation dont vous parlez évidemment à la page 15 de votre mémoire, et lorsque vous érigez, un peu comme les autres organismes... En fait, c'est un des dénominateurs communs que l'on retrouve ici, cet après-midi, puis qu'on retrouvera ce soir, c'est cette volonté conjointe de tout le monde ? et, je pense, le ministre est sensible à ça, il a semblé très ouvert à cette question-là ? cette volonté de conserver à la Commission d'évaluation son rôle d'indépendance qui a été le sien depuis sa création il y a 10 ans. J'aimerais vous entendre un peu parler sur les bénéfices de cette Commission d'évaluation pour le réseau puis pour le système. J'aimerais vous en entendre parler.

n(17 h 30)n

Le Président (M. Geoffrion): M. Patry.

M. Patry (Pierre): Bien, les expériences sont variables, hein. On va convenir de ça. Par ailleurs, la Commission, c'est une commission qui a mandat large, hein, elle doit évaluer une série de politiques à l'intérieur des collèges: politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages, politique institutionnelle d'évaluation de programmes, politique de gestion des ressources humaines. Et, pour une bonne partie, ce fut fait puis ça a permis aux collèges de réajuster le tir sur un certain nombre de choses, certainement des bénéfices positifs.

Par contre, et, ça, je veux être clair avec vous, M. Chagnon, quand il y a eu des opérations plus en lien avec des évaluations de programmes et qu'on a rendus disponibles, par exemple, des taux de succès dans tel programme ou tel autre ou des taux d'échec dans tel programme, ça a eu des effets négatifs sur un certain nombre de cégeps. Parce que, bien souvent, des gens malavisés à l'extérieur de la Commission prenaient seulement les chiffres rendus disponibles par la Commission, pouvaient élaborer des sortes de palmarès puis indiquer que dans tel cégep, en sciences humaines, le taux de réussite est faible sans tenir compte de ce qui influence la réussite des étudiantes, des étudiants, les antécédents en termes de dossier scolaire. Et ça a eu des effets pernicieux sur, par exemple, la recherche d'effectifs étudiantes, étudiants, et c'est pour ça que, en termes de mandat supplémentaire au niveau de l'évaluation de l'enseignement à proprement dit, on parle même d'évaluer, là, plusieurs aspects de l'enseignement dispensé par un ou plusieurs établissements d'enseignement. On est plus craintif sur ces objets-là.

M. Chagnon: Est-ce que c'étaient les raisons qui vous motivaient, ou qui motivaient les enseignants pendant un bout de temps en tout cas, à boycotter les travaux de la Commission d'évaluation?

M. Patry (Pierre): Bien, les enseignants, on n'a pas boycotté les travaux de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Dernièrement, ce que l'on a boycotté, c'est le processus d'évaluation institutionnel. Essentiellement... M. L'Écuyer s'est déjà expliqué, il pourra se réexpliquer. Parce que, dans un document rendu public par la Commission, je pense en juin 2001 je ne suis pas sûr, on faisait le lien entre l'évaluation institutionnelle et le pouvoir de recommandation de la Commission concernant le pouvoir qu'un collège puisse habiliter, puisse émettre ses propres diplômes.

Comme, nous, on était contre que les collèges puissent émettre leurs propres diplômes, on ne voulait pas participer à l'évaluation institutionnelle sur ces seules bases-là. Si on réglait la question de l'habilitation ? ça, je l'ai réaffirmé à plusieurs reprises au ministère de l'Éducation ? si on réglait la question de l'habilitation, pour nous, il est clair que nous participerions au processus d'évaluation institutionnelle, y compris aux visites que la Commission fait sur cette question-là, dans les prochaines semaines.

M. Chagnon: Ça m'apparaît être un faux problème à partir du moment où le président de la Commission d'évaluation, à partir du moment où le ministre, à partir du moment où la Fédération des cégeps dit: Pour nous, il y a un moratoire de facto sur cette question-là, en quoi ça vous dérange?

M. Patry (Pierre): Bien, écoutez, ça, c'est une... Premièrement, c'est une interprétation de la Fédération de cégeps à l'effet qu'il y a un moratoire de facto.

M. Chagnon: Non, mais, je pense que vous pouvez aussi interpréter les dires du président de la Commission d'évaluation dont on a évoqué le fait à Jonquière l'an dernier.

M. Patry (Pierre): Oui, d'accord. Mais, écoutez, c'est parce que, pour nous, permettre aux collèges d'émettre leurs propres diplômes, ça constitue un morcellement du réseau collégial.

M. Chagnon: Non, mais, il n'y a personne qui parle de ça, là, à part vous, là.

M. Patry (Pierre): Bien, non. Bien, vous, vous en avez parlé en 1993 dans une loi, en tout cas.

M. Chagnon: Voyons, la...

M. Patry (Pierre): Votre gouvernement, quand il y a eu réforme des cégeps en 1993, vous avez, dans la Loi des cégeps, prévu qu'un collège puisse arriver à émettre son...

M. Chagnon: Pourrait, pourrait...

M. Patry (Pierre): Oui, oui, pourrait. Mais, nous, on ne veut pas ça.

M. Chagnon: Tout le monde s'entend pour dire que ce n'est pas prêt puis ce n'est mûr que cette idée-là, alors.

M. Patry (Pierre): Oui. Mais, nous, ce n'est pas une question de prêt ou mûr, nous croyons que ça avoir un effet déstructurant sur le réseaux collégial parce que ça va renforcer la concurrence entre les établissements.

M. Chagnon: Aïe! Vous êtes tout seul à en parler.

M. Patry (Pierre): Plutôt que d'avoir un diplôme d'État, nous aurons des diplômes d'institutions que l'on peut faire dans les nuances sur ces questions-là. Et, nous, on pense que ce n'est pas sain pour le réseau d'enseignement collégial qui, même s'il fait partie de l'enseignement supérieur, ça ne constitue pas... ce n'est pas un diplôme terminal, là, le diplôme d'études collégiales, y compris pour les étudiantes et les étudiants en formation technique. Plus de 25 %, à l'heure actuelle, des jeunes qui finissent en formation technique vont à l'université. Donc, on pense qu'on doit conserver des programmes nationaux et, en conséquence, il doit y avoir des diplômes nationaux. On ne veut pas de ces aspects déstructurants que constituerait l'habilitation.

Et, même si on n'était pas chaud à ce qu'il y ait un projet de loi sur la réussite, on a mentionné quand même un certain nombre de choses concernant, là, des... c'est-à-dire pas sur la réussite, mais sur l'obligation qu'il y ait des plans de réussite, on a quand même mentionné des choses où on veut que la loi soit amendée. Bien, tant qu'à amender la loi on souhaiterait qu'elle soit amendée pour retirer le pouvoir d'habilitation aux collèges, parce qu'on pense que ce n'est pas une question de maturité, on pense que ce n'est pas bon pour le réseau collégial, et ce ne sera pas bon dans cinq ans, et ce ne sera pas bon dans 10 ans.

M. Chagnon: Je pense que notre collègue de Richelieu a une petite question de précision à demander.

Le Président (M. Geoffrion): Oui, M. le ministre.

M. Simard (Richelieu): Pour préciser quelque chose. Vous avez fait allusion au discours de M. L'Écuyer ? il est là à nous entendre ? au 21e colloque annuel de l'Association québécoise de pédagogie collégiale, c'était le 8 juin 2001 à Jonquière, donc il s'agit bien du même discours. Et M. L'Écuyer disait: J'espère qu'il sera maintenant clair pour tous que la Commission n'établit pas de liens directs entre l'évaluation institutionnelle et l'habilitation. Je veux juste mettre ça au clair, faire cette précision. Ce n'était pas l'intention ? en tout cas, c'était très clair ? de la part du président de la Commission. Vous connaissez le point de vue du ministre là-dessus évidemment.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Alors, si le ministre, si le président de la Commission d'évaluation, si la méchante Fédération des collèges sont tous du même avis, il n'y a que vous qui êtes en train de vous faire peur, dans le fond.

M. Patry (Pierre): Bien, si nous sommes tous du même avis, procédons à l'amendement à la loi.

M. Chagnon: On n'a pas de raison de le faire, puisque ce n'est pas dérangeant.

M. Patry (Pierre): Écoutez, pourquoi prévoir dans la loi des choses qu'on ne veut pas voir appliquées? En tout cas, moi, j'ai toujours appris que le législateur n'écrivait pas pour ne rien dire. Donc, s'il n'écrit pas pour ne rien dire puis c'est l'intention de personne de procéder à l'habilitation, bien, je ne vois pas d'obstacles à procéder à amender la loi, de sorte à ce qu'on retire ces pouvoirs-là au niveau de la Loi des collèges et aussi, par concordance, au niveau de la Loi de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Et ça clarifierait toute la question de l'évaluation institutionnelle. J'ai entendu les propos de M. L'Écuyer en juin 2001, Nous étions, d'ailleurs, partenaires de table lors de cette rencontre-là. Mais, malgré les propos qu'a tenus M. L'Écuyer ? puis ce n'est pas pour remettre sa parole en cause ? c'est que, étant donné que le pouvoir était toujours prévu au niveau de la loi, nous voulions faire pression pour que l'habilitation soit retirée de la loi. C'est dans ce sens-là qu'on a agi au niveau de l'évaluation additionnelle, non parce qu'on s'y oppose par principe.

M. Chagnon: M. le Président.

Le Président (M. Geoffrion): Oui, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Vous nous avez dit tout à l'heure dans vos propos d'entrée que les établissements ne peuvent pas se comparer. Est-ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi les établissements ne peuvent pas se comparer?

M. Patry (Pierre): Bien, écoutez, juste sur l'île de Montréal ? je vais prendre les syndicats chez nous pour ne pas qu'il y ait de comparaisons avec... ? les étudiantes et les étudiants qui fréquentent le cégep du Vieux Montréal, ce n'est pas le même tissu social que les étudiantes et les étudiants du cégep de Maisonneuve. Au niveau du cégep de Maisonneuve, c'est principalement du préuniversitaire. C'est un cégep qui fait le plein au premier tour, comme on dit dans le milieu, du service régional d'admission de Montréal, qui se permet de refuser des étudiantes et des étudiants, alors que, au Vieux Montréal, ce n'est pas la situation. Ce n'est pas la situation non plus au cégep de Saint-Laurent, et, en conséquence, malheureusement pour le personnel de ces établissements-là, ils se retrouvent avec des étudiantes et des étudiants qui ont des dossiers scolaires moins avantageux que ceux du cégep de Maisonneuve ou ceux du cégep de Bois-de-Boulogne ou même d'Ahuntsic et, en conséquence, ça fait en sorte que les comparaisons deviennent forcément boiteuses.

M. Chagnon: Selon vous, les étudiants du secteur général d'un collège ne doivent pas se comparer avec les étudiants d'un secteur général d'un autre collège?

M. Patry (Pierre): Pas plus. Pas plus, parce que, par exemple, dans un cégep comme à Maisonneuve ou au cégep Bois-de-Boulogne, en sciences humaines, on sélectionne, alors qu'au cégep Saint-Laurent on a encore des gens au troisième tour qui s'inscrivent au programme de sciences humaines et, forcément, les étudiants au cégep, globalement, en moyenne, les étudiants au cégep de Saint-Laurent sont plus faibles que ceux du cégep de Maisonneuve ou du cégep de Bois-de-Boulogne et les comparaisons deviennent aussi boiteuses à ce niveau-là.

M. Chagnon: Remarquez que vous m'apprenez ces choses-là. Mais les universités n'ont-elles pas inventé elles aussi une cote Z, à un moment donné, une cote R aujourd'hui? Pourquoi elles ont fait ça?

M. Patry (Pierre): Bien ça, c'est une question qui m'appartient peu. Je pense que les universités...

M. Chagnon: Non, mais, comme citoyen, ça doit vous préoccuper, comme prof de cégep.

M. Patry (Pierre): Bien, ça me préoccupe, comme président d'une fédération syndicale également. Les universités ont pondéré les cotes R pour faire en sorte d'évaluer le dossier des étudiantes et des étudiants pour permettre la sélection. Mais nous ne croyons pas, nous, que c'est une bonne façon de sélectionner les étudiantes et les étudiants en pondérant des moyennes en fonction de là où l'on provient, ou encore on défavorise encore plus les étudiantes et les étudiants qui ont étudié dans des cégeps où les étudiantes et les étudiants avaient des dossiers scolaires plus faibles. On pense qu'il n'y a pas là d'avenir, là.

n(17 h 40)n

M. Chagnon: Bien, ce que je veux dire tout simplement, c'est que, dans la vraie vie, là, la sélection, ça existe. Dans la vraie vie, la compétition, ça existe. Dans la vraie vie, les universités, pour des raisons qu'on peut accepter, pas accepter, pas aimer, aimer, bien, ils font une certaines sélection de leurs étudiants, par ces cotes-là, effectivement. Et on s'aperçoit des choses très étonnantes et, en même temps, très rafraîchissantes qui permettent, entre autres, de situer les choses qui vont un peu dans le sens de ce que vous venez de dire.

C'est vrai que tous les cégeps ne sont pas identiques, tous les cégeps ne sont pas pareils, puis on ne peut pas tous les comparer de la même façon. Mais il est étonnant de constater que, par exemple, les facultés de médecine vont rechercher, toutes proportions gardées, un nombre extraordinairement intéressant d'étudiants qui viennent, par exemple, des sciences de la santé du cégep de Rimouski. Et, ça, c'est un cégep en région puis c'est un cégep, donc, qui doit avoir une performance un peu particulière. Je ne sais pas si c'est un de vos membres, là, quand je vous dis ça. Ha, ha, ha!

M. Patry (Pierre): Non, non, non.

M. Chagnon: Ah bon, ce n'est pas un de vos membres. Je m'excuse du fait que ce ne soit pas un de vos membres. Mais, c'est...

M. Patry (Pierre): Mais la question demeure la même.

M. Chagnon: Mais la question demeure la même, sauf qu'il y a quelque chose qui se passe à Rimouski qui ne se passe pas ailleurs, qui est intéressant pour le commun des mortels qui s'intéresse justement au succès de l'ensemble des étudiants du Québec.

M. Patry (Pierre): Oui. Mais, écoutez, la question n'est pas de nier le fait qu'il y ait concurrence, de nier le fait qu'il y ait compétition entre les établissements. La question fondamentale, ici, c'est: À quel point on veut encourager cette concurrence-là et cette compétition? Et, nous, on pense qu'à partir d'un certain niveau, à partir de certaines mesures ça entraîne plus d'effets pervers que d'effets positifs. Je ne sais pas pourquoi on favorise les étudiants à Rimouski plutôt qu'au Vieux Montréal. Il y a peut-être une question de tissu social. Je l'ignore.

M. Chagnon: Bien, en tout cas, chose certaine, c'est que c'est intéressant comme situation qui mérite une analyse. Et, pour être capable de l'analyser, il faut être capable de le définir.

Un autre point, M. le Président.

Le Président (M. Geoffrion): Oui, rapidement.

M. Chagnon: Oui. Vous avez parlé beaucoup d'assurer l'autonomie des institutions, puis, j'imagine, d'assurer l'autonomie des institutions collégiales. On a parlé, un petit peu plus tôt, de cette possibilité de réforme dans les relations de travail. Vous êtes, tous les deux, conscrits dans le domaine des relations de travail. L'idée d'avoir justement... d'assurer l'autonomie des établissements en faisant en sorte que la négociation se fasse de plus en plus localement dans les institutions doit être une idée que vous privilégiez?

M. Patry (Pierre): Non. Non.

M. Chagnon: Mais comment vous recherchez l'autonomie puis pas l'autonomie?

M. Patry (Pierre): Bien, c'est parce que toutes ces questions-là ne se tranchent pas au couteau, hein, ce n'est pas noir et blanc.

C'est toute une question d'équilibre entre ce qui doit s'établir, là où on veut l'autonomie des établissements, là où on veut maintenir des dispositions dites «nationales» et chacun des objets est objet de débat.

Ce que je veux souligner sur la question de l'organisation du travail, ce qui a été mentionné par M. Boucher tantôt, moi, je veux rappeler ? minimalement pour ce qui est des enseignantes et enseignants, puis je suis persuadé que c'est la même chose pour les employés de soutien, Marjolaine pourra compléter ? que l'organisation du travail a été revue substantiellement dans les 10 dernières années. Compte tenu de la réforme qui a eu cours depuis 1993 où on a dévolu de nouvelles responsabilités aux collèges, où on a obligé les enseignantes et les enseignants à se concerter selon une approche dite «programme» qui vient se superposer au département qui existe déjà ? on a d'ailleurs même circonscrit des dispositions dans la dernière convention collective ? donc, l'organisation du travail a été fondamentalement retouchée dans la dernière convention collective sans pour autant qu'on ait besoin de négocier localement, là, les dispositions de la convention collective.

Et, quand on regarde l'évolution des cégeps puis qu'on les compare les uns par rapport aux autres, il s'est développé des cultures locales malgré le fait qu'il y ait une convention dite «nationale». Donc, il n'y a pas de contradiction entre les deux et, pour nous, s'il y a des retouches possibles à l'organisation du travail, on va effectivement regarder les choses.

Mais on pense qu'on a fait de grands, grands bouts de chemin dans les dernières années et ce n'est pas la question fondamentale à laquelle les cégeps sont confrontés maintenant, c'est le financement, et en particulier pour les cégeps de région, compte tenu des baisses d'étudiantes et étudiants, puis on a déjà fait des représentations au ministre sur la question.

M. Chagnon: Et vous ne considérez pas que l'hypothèse de décentraliser des relations de travail au niveau des collèges ne pourrait pas être une bonne idée justement dans le cadre de l'autonomie de ces collèges-là?

Le Président (M. Geoffrion): Mme Côté, rapidement.

Mme Côté (Marjolaine): Bien, je voudrais juste rappeler, je ne sais pas si M. Boucher est en arrière ou s'il est parti, mais en 1995, nous avions inséré dans notre convention collective un processus qui prévoyait la révision de l'organisation du travail. Alors, on avait mis des choses en place, il y a des syndicats qui s'étaient préoccupés de ça et nos vis-à-vis à la table nationale n'avaient pas du tout de volonté de revoir l'organisation du travail. Alors, ce qui a fait en sorte qu'en 1999 on a retiré ça de notre convention collective parce qu'on n'arrivait pas nulle part.

Les compressions qui ont eu cours au cours des années 1994 à 1999 ont fait en sorte qu'il y a eu beaucoup de personnel de soutien dont les postes ont été abolis. Alors, forcément il y a un manque de ressources au niveau du personnel de soutien. Alors, il y a eu une réorganisation du travail qui s'est faite parce qu'il fallait donner les mêmes services mais avec le moins de monde. Donc, les parties locales se sont parlé pour tenter de refaire les choses localement. Alors, je vous dirais ça là-dessus, sur l'organisation du travail.

M. Chagnon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. Merci, Mme Côté, merci, M. Patry.

Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 46)

 

(Reprise à 20 h 15)

Le Président (M. Geoffrion): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux.

Association des collèges privés
du Québec (ACPQ)

Alors, nous recevons l'Association des collèges privés du Québec, M. Gilles Lévesque. C'est ça?

M. Lévesque (Gilles): C'est ça.

Le Président (M. Geoffrion): Bien. Alors, M. Lévesque, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Lévesque (Gilles): Merci beaucoup. Et je tiens en commençant à excuser M. Marchand, qui est le nouveau président de l'Association, et également M. André Lapré, qui est le président du Regroupement des directeurs des études de l'Association. Donc, les deux étant à Montréal n'ont pas osé affronter la neige. Donc, ils se réfugient sur une personne de Québec.

Donc, de tout temps, les collèges privés subventionnés se sont préoccupés de la réussite de leurs étudiants et également ont dû se préoccuper de leur propre développement pour assurer leur survie. Et nous tenons à remercier la commission de l'éducation de les entendre sur le projet de loi n° 123 qui traite des sujets qui nous tiennent à coeur, et même un vendredi soir.

En guise de présentation donc, l'Association des collèges privés subventionnés regroupe 25 collèges privés répartis dans cinq régions, et nous avons une tradition pédagogique qui s'est souvent transmise d'une génération à l'autre à l'intérieur des différents collèges. Et nous avons dans le mémoire donc une citation de la commission qui relate une description de l'ensemble des collèges privés subventionnés. On adopte également, en termes de réussite, la définition du Conseil supérieur de l'éducation sur la réussite éducative qui couvre plus que la réussite simplement des cours ou la réussite d'un diplôme. Et l'Association d'ailleurs a toujours accueilli favorablement toute action qui visait à améliorer la réussite éducative pour l'ensemble des étudiants et étudiantes de l'ordre collégial.

La culture des établissements privés subventionnés a de tout temps comporté une partie de reddition de comptes. Les collèges donc sont acquis à la reddition, celle qui entraîne particulièrement l'imputabilité de ses actions et de ses résultats, dans des limites qui ne mettront pas en péril leur plan de développement en rendant publiques certaines stratégies relevant du développement d'une entreprise qui doit assurer sa propre survie sans compter entièrement sur les deniers publics pour ce faire.

Les plans de réussite donc dont on parle à l'intérieur du projet de loi n° 123, d'ailleurs qui comporte peu d'articles, mais qui a... ces articles ont tout de même une très grande portée pour les collèges privés subventionnés. Il assurera en effet la pérennité de l'établissement des plans de réussite, ce projet de loi, et obligera les institutions collégiales à élaborer un plan stratégique et à le rendre public. Il élargit également le mandat de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial et, pour nous, les collèges privés agréés à des fins de subventions, on est donc ouverts à une évaluation qui englobe pratiquement toutes ces activités sauf celles qui ne seraient nullement reliées à notre mission éducative.

Malgré la portée très large du projet de loi et les exigences importantes qui en découlent pour les collèges privés, l'Association souscrit entièrement à ces modifications législatives. En effet, les collèges membres de l'ACPQ ont toujours eu les plus grandes exigences pour leurs institutions et se sont donné des moyens pour favoriser la réussite de leurs étudiants et étudiantes, pour assurer la qualité de la formation dispensée dans leurs établissements et pour planifier leur développement en fonction des besoins de la clientèle, seules façons de garantir notre propre survie.

n(20 h 20)n

Les plans institutionnels de réussite, comme planification de résultats souhaités, constituent donc un complément à nos politiques institutionnelles d'évaluation des apprentissages et à celle d'évaluation des programmes de formation dont doivent se doter tous les établissements de niveau collégial. Ces outils contribuent donc au dynamisme des établissements et touchent d'abord la manière dont chacun s'acquitte de sa mission éducative première. Compte tenu des forts taux de décrochage scolaire et des faibles taux de réussite engendrés dans le réseau scolaire québécois, ces outils sont donc incontournables et donc incontestables pour toute institution sérieuse.

Les plans stratégiques, pour nous, sont des plans qui sont reliés à la survie des institutions et ces plans donc, dans un contexte où toute institution responsable doit poser un diagnostic sur sa situation, sur le contexte dans lequel elle évolue et élaborer les pistes de développement qui vont assurer son avenir... Le financement public ne justifie pas de faire l'économie d'une telle réflexion. Aussi, nous appuyons entièrement le projet de loi qui obligera désormais les collèges publics à élaborer un plan stratégique couvrant une période de plusieurs années et intégrant un plan de réussite visant particulièrement l'amélioration de la réussite des étudiants et étudiantes.

Les collèges privés subventionnés, pour leur part, ne sont pas soumis à une loi qui détermine leur mission et assure leur maintien. En effet, chacun des collèges privés a à définir ses propres orientations et à définir sa propre mission. Nous avons donc des obligations spécifiques de gestionnaire dont nous avons à répondre à nos conseils d'administration, notamment en matière de résultats financiers annuels, de taux de réussite des étudiants, de financement et de relations de travail. Nous avons également à rendre des comptes non seulement à l'État et à la population, mais aussi à d'autres entités telles que ces clientèles avec lesquelles nous avons, de par la loi, à conclure des contrats de services; on doit rendre des comptes également à nos bailleurs de fonds, pour ne nommer que ceux-là. Nous ne bénéficions pas de la protection gouvernementale pour éponger d'éventuels déficits budgétaires. Nous devons également contrer le danger de la disparition et assurer notre propre survie. À cet égard-là donc, les plans de développement sont pour nous une question de survie, et on a eu à en rédiger de façon constante.

L'Association également est satisfaite de constater que le ministre de l'Éducation a reconnu les obligations particulières de ses collèges membres et n'a pas jugé utile de modifier la Loi sur l'enseignement privé pour y inclure ces nouvelles obligations qui, de toute manière, sont très présentes dans nos propres modes de fonctionnement. Nous pouvons l'assurer que les collèges privés continueront à collaborer avec le ministère et avec la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial en ces matières et en toute matière qui, de toute façon, viseront la qualité de l'enseignement collégial et la réussite des étudiants et étudiantes. Il ne faut pas s'en surprendre, le réseau collégial privé subventionné, ne serait-ce que pour se maintenir, doit offrir une formation de qualité à ceux qui le choisissent et doit tout mettre en oeuvre pour soutenir la réussite.

Nous avons également toujours affirmé que nous favorisions un rôle de premier plan pour la Commission d'évaluation dans l'évaluation et le suivi des plans institutionnels de réussite. La Commission a développé une expertise à cet égard et il nous semble approprié de regrouper l'ensemble des évaluations portant sur le réseau collégial dans le même organisme afin de favoriser une vision cohérente et de limiter les exigences administratives reliées aux nombreux rapports similaires à fournir à différents organismes lorsque les évaluations ne sont pas centralisées. Nous invitons d'ailleurs le ministère et la Commission à coordonner les demandes d'information aux collèges afin d'éviter les dédoublements et la prolifération des rapports à produire.

Nous invitons également la Commission à tenir compte de la situation particulière des collèges privés dans l'évaluation de leurs plans stratégiques, mais surtout de se rappeler le tort que pourrait leur causer le fait de les rendre publics, ne serait-ce que certains éléments stratégiques qui seraient révélés dans le cadre d'un rapport d'évaluation qui serait, lui, rendu public. Alors, il est normal que le plan stratégique d'un organisme public soit rendu public.

Face à la préoccupation évidente du ministre pour la réussite éducative, l'Association désire profiter de l'occasion pour signaler que la rigidité du système collégial devient parfois un obstacle à la réussite tant désirée. Il y aurait lieu de favoriser plus de souplesse et d'accorder progressivement une autonomie responsable aux établissements de cet ordre d'enseignement supérieur dans la gestion des programmes d'études.

Tout au moins ? et le ministre n'en sera pas surpris ? faudrait-il favoriser des expérimentations particulières en dehors du carcan actuel pour mieux soutenir la réussite des étudiants et des étudiantes. Les collèges membres de l'ACPQ sont prêts à participer de près à cette évolution et à ces expérimentations. Ils pourraient, par exemple, implanter des cours-année dans certains cas, expérimenter l'adaptation de la formation générale à la formation technique et ainsi réorganiser des cours qui sont actuellement figés. Les collèges privés subventionnés ont le dynamisme pour innover et l'expertise pour le faire de manière responsable. Ils n'ont pas les contraintes organisationnelles des collèges publics, ils ont simplement les contraintes du système collégial.

Enfin, dans un document adopté par la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial à sa première réunion, on peut y lire que «la Commission espère que les établissements d'enseignement collégial développeront graduellement leur propre culture évaluative et que, par le biais de leur autoévaluation, ils seront mieux en mesure d'assurer eux-mêmes la qualité de la formation et la fiabilité des diplômes».

Les collèges privés subventionnés avaient développé depuis longtemps déjà une culture d'autoévaluation. On l'a dit tout à l'heure, pour nous, c'est une question de survie basée sur la qualité de la formation et sur la fiabilité des diplômes que nous délivrons. Cette planification, et cette survie, ne peut se faire que par un système d'autoévaluation et nous devons donc répondre à tous les critères sur lesquels la Commission se fonde pour recommander au ministre d'autoriser un établissement à délivrer le diplôme d'études collégiales.

Le projet de loi n° 123 s'inscrit tout à fait dans la culture des collèges privés subventionnés et, par la voie de l'Association qui les regroupe, ils signifient leur accord avec le projet de loi et assurent le ministre et la Commission d'évaluation de leur entière collaboration pour son application.

Rappelons que les lettres patentes constituant l'Association des collèges avaient comme premier objet de faire progresser l'enseignement collégial et les institutions membres. Ce premier objet de regroupement des collèges privés subventionnés demeure toujours d'actualité pour l'Association. Et fidèles à nos premiers objectifs, l'ACPQ invite le ministre à favoriser les expérimentations que pourraient faire les collèges privés subventionnés pour faire progresser l'enseignement collégial et la réussite des étudiants et étudiantes.

L'Association invite également le ministère à laisser plus de place aux collèges privés subventionnés pour répondre notamment aux besoins de formation de niveau collégial de la clientèle régulière et à ceux de la clientèle adulte. Il semble profitable donc de laisser libre cours à l'entrepreneurship naturel et maintes fois démontré des collèges privés subventionnés. Une offre de service plus diversifiée rejoint un plus grand nombre de personnes et entraîne également la réussite éducative d'un plus grand nombre de personnes, ce qui est l'objectif visé tant par le ministre que par les collèges privés subventionnés. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Merci, monsieur. Alors, M. le ministre.

M. Simard (Richelieu): Merci, M. le Président. Merci, M. Lévesque, vous, d'avoir affronté la tempête et d'être venu nous livrer le message de l'Association des collèges privés.

n(20 h 30)n

Votre adhésion aux principes qui sous-tendent le projet de loi ne me surprend pas. Nous avons eu l'occasion d'échanger à plusieurs reprises, et je sais qu'il est de pratique courante dans la plupart des collèges depuis très longtemps de se doter d'instruments d'évaluation qui sont pertinents et qui vous ont aidés dans la plupart des cas à atteindre un certain nombre d'objectifs. Cependant, vous y faites, je dirais, allusion tout au long de votre mémoire, nous sommes placés devant une situation un petit peu particulière ce soir. Vous venez témoigner, vous venez éclairer la commission sur un projet de loi qui ne vous touche pas ou qui a pris soin d'éviter de vous toucher, pour plusieurs raisons, et vous en évoquez un certain nombre. J'aimerais que vous me précisiez, parce que, vous le rappelez à plusieurs reprises, vous êtes des collèges privés subventionnés, il y a aussi l'ensemble des contribuables québécois qui contribuent à l'existence de vos collèges et qui doivent savoir ce que vous faites des deniers publics qui y sont dépensés. Alors, pourquoi, selon vous, avons-nous décidé ? je vais essayer de prendre cette formule ? de vous exclure du champ d'application de la loi n° 123? Et j'aimerais avoir des exemples assez précis de l'effet négatif qu'aurait pu avoir une inclusion.

M. Lévesque (Gilles): Oui. On n'est pas tout à fait exclu de ce projet de loi, puisque indirectement on est visé par la modification de la Loi de la Commission d'évaluation. Le principe, je pense, c'est: pourquoi on a... Il est intéressant que l'on soit exclu. Et principalement, chaque collège privé a à définir sa propre mission et a une certaine autonomie à cet égard, puisque nous sommes des organismes à but non lucratif, d'une part. D'autre part, la mission des cégeps est définie par le ministère, et je pense qu'il y a une reddition de comptes qui doit se faire de l'évolution de chacun des collèges, d'une part.

D'autre part, en modifiant la Loi de l'enseignement privé, on vient toucher à beaucoup d'éléments qui touchent l'enseignement privé de niveau collégial, mais, en même temps, l'enseignement privé de niveau secondaire et de niveau primaire, puisque la Loi de l'enseignement privé, actuellement, regroupe l'ensemble de ces trois niveaux d'enseignement, et même plus.

Troisièmement, chacun des collèges privés a déjà, dans un premier temps, à faire un plan, comme je le disais, de développement, un plan de développement stratégique. C'est ce qui assure sa survie et son développement.

Et le fait également qu'on ait à rendre des comptes à la clientèle... On n'a pas de subvention ? et je le dis ainsi ? qui vient pourvoir à une baisse de clientèle que nous aurions, si nous n'avions pas un plan de développement stratégique et si nous n'avions pas également un système de recrutement de clientèle et d'assurance de la réussite de cette clientèle-là, puisque les élèves ne s'inscriraient pas chez nous et les collèges mourraient l'un après l'autre. Donc, je pense que la démonstration que nous devons faire de cette assurance de la réussite est un élément qui justifie le fait qu'on soit exclu, tout au moins, de la modification de la Loi de l'enseignement privé.

M. Simard (Richelieu): Je ne demandais qu'à être convaincu, alors ça ne pose pas trop de problème.

Dans votre mémoire, un des aspects les plus intéressants, c'est votre appel à servir l'expérimentation, être un lieu d'expérimentation. Nous en avons déjà... nous en sommes déjà entretenus. Vous nous donnez quelques exemples. Est-ce que, de la propre initiative des collèges, il y a actuellement des types d'expérimentation qui pourraient être l'objet d'extension à l'ensemble du réseau?

M. Lévesque (Gilles): Je reprends l'exemple que nous mentionnons dans le mémoire, qui est celui de l'adaptation de la formation générale à la formation technique, qui démontre réellement que nous agissons à ce moment-là sur la réussite des élèves en formation technique, et particulièrement, dans ce cas-ci, au niveau des garçons. D'ailleurs, la Commission d'évaluation, lorsqu'elle a évalué certains programmes et l'application des politiques institutionnelles d'évaluation de programmes, a souligné, au moins dans trois collèges privés, comment ces collèges avaient adapté la formation générale à la formation technique.

Il faut mentionner également qu'en, je pense, 1997 nous avions demandé une dérogation, selon l'article 13 du régime, pour expérimenter des projets qui avaient été présentés au ministère à ce moment-là, des projets spécifiques d'expérimentation, d'adaptation de la formation générale à la formation technique. Et, ici, on parle, par exemple, d'application dans des programmes très spécifiques, par exemple, des cours propres de philosophie, des cours propres en français, des cours également d'éducation physique, même des cours de langues, donc les cours de la formation générale, d'une part.

D'autre part, également, la façon d'organiser les programmes ? on l'expérimente dans certains collèges ? par exemple, d'expérimenter un cours sur deux sessions, particulièrement en français, permettant de consolider et de favoriser la réussite des étudiants en français, et les résultats de l'épreuve ministérielle de français sont loin de démontrer l'échec de cette situation. Une autre façon d'expérimenter, et on le voit dans certains collèges, est le fait également d'avoir, par exemple, le cours propre au programme en toute première session, et ce changement dans l'ordre des cours permet de favoriser la réussite des élèves dans les programmes de formation technique.

Donc, au moins trois exemples ici où il y a déjà des expérimentations, naturellement, et ici, le renforcement que devrait faire le ministère ? je le mets au conditionnel ? favorisant ici une meilleure adaptation de la formation générale à la formation technique permettrait d'alléger cette expérimentation.

M. Simard (Richelieu): Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député responsable de l'opposition pour ce dossier.

M. Chagnon: De Westmount?Saint-Louis. Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, je voudrais saluer M. Lévesque et le remercier d'être venu ce soir. Bien, il n'a pas franchi le mur du son, là, pour s'en venir ici, là. Il est à peu près à quatre coins de rue. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Mais, malgré tout, on est bien heureux de l'avoir, hein, malgré tout, on est bien heureux de l'avoir avec nous.

On en parlait un peu plus tôt, de la Commission d'évaluation, de son rôle et de sa relation avec le secteur des écoles, des collèges privés. J'avais mentionné un peu plus tôt que, dans les collèges publics, les plans stratégiques ont été faits à peu près partout. Est-ce que c'est vrai aussi des collèges privés?

M. Lévesque (Gilles): Dans les collèges privés, oui, les plans stratégiques ont dû être faits par obligation de survie.

M. Chagnon: Bien, en dehors de.... Il faut faire la différence entre un plan stratégique puis un plan d'affaires, là.

M. Lévesque (Gilles): Oui. Et, à escient, j'utilise le terme «planification stratégique», et un plan stratégique de développement, dans un contexte où on a une baisse démographique, dans un contexte également où, quand un collège privé développe un programme de formation, parfois dans une même région, on voit apparaître cette même offre de formation dans un cégep, avec une idéologie qu'il faut rendre accessible à l'ensemble de la population les programmes ou le programme de formation qui est donné. Donc, c'est une planification stratégique qui est inévitable et essentielle pour la survie de chacun des 25 collèges privés actuellement, et c'est d'autant plus vrai au cours des dernières années, puisqu'on doit recruter la clientèle, maintenir le niveau de vie de chacun des collèges et, on le disait d'entrée de jeu, parfois dans des collèges dont les infrastructures sont vieillissantes, parce que c'étaient des collèges classiques, et ces infrastructures doivent être rajeunies.

M. Chagnon: Vous êtes un peu moins frileux à l'égard de la compétition que certains de vos prédécesseurs qui sont passés ici...

M. Lévesque (Gilles): Frileux, c'est peut-être un bon soir pour en parler. Ha, ha, ha! Mais frileux... on demeure frileux dans l'optique où il y a toujours des menaces, d'où la planification stratégique qui permet de faire une analyse de ces menaces et des conditions favorables de développement, ce qui a amené les collèges privés, par exemple, à faire du recrutement de clientèle, oui, au niveau local, au niveau provincial, au niveau canadien et également au niveau international. Et actuellement, le nombre d'étudiants étrangers est parfois, dans certains collèges, à un niveau assez élevé, ce qui fait partie justement des plans de développement stratégique des collèges privés subventionnés.

n(20 h 40)n

M. Chagnon: Tant qu'à vos plans de réussite, j'imagine qu'il y a une relation intrinsèque entre le fait que vos étudiants réussissent puis le fait qu'ils aillent chez vous, parce que, en plus, ils paient chez vous. Est-ce que je me trompe?

M. Lévesque (Gilles): Effectivement, ils paient pour réussir. Ha, ha, ha!

M. Chagnon: En tout cas, je ne sais pas s'ils paient pour réussir. Ce serait un peu court de dire qu'ils paient, puis ils vont réussir parce qu'ils paient. J'espère que ce n'est pas le cas.

M. Lévesque (Gilles): Non. Je pense qu'il en va de la réputation propre des collèges privés. Si les élèves terminaient... ou ne terminaient pas leurs études à un niveau important dans un collège, on verrait assez rapidement la baisse d'inscriptions dans ce collège-là, et le collège n'aurait pas d'autres revenus pour compenser cette baisse de clientèle. C'est pourquoi, je pense, l'ensemble des 25 collèges ont mis en oeuvre... a mis en oeuvre des moyens pour favoriser la réussite des élèves, et de l'encadrement.

M. Chagnon: Si je prends votre collège en particulier, qui n'est pas un collège qui recrute nécessairement ce que des étudiants du secondaire appellent les «bolés», nécessairement, parce que votre collège, c'est un collège d'abord technique... Mais ce n'est pas parce qu'on n'est pas «bolé» qu'on est au technique; on peut être «bolé» et au technique. Mais, dans votre secteur, vous avez beaucoup, beaucoup, si je me souviens bien, de cours qui se donnent vers le tourisme.

M. Lévesque (Gilles): Une partie de la clientèle, oui.

M. Simard (Richelieu): Hôtellerie.

M. Chagnon: Hôtellerie et tourisme.

M. Lévesque (Gilles): Hôtellerie, en effet.

M. Chagnon: Et on va chez vous et on paie pour aller chez vous. Puis votre taux de réussite est de combien?

M. Lévesque (Gilles): Je n'ai pas cette donnée précise. En termes d'insertion sur le marché du travail, on est autour de 90 % d'insertion sur le marché du travail. Je n'ai pas la donnée très, très précise quant au niveau de réussite.

M. Chagnon: Mais, disons, «réussite», si j'appelais ça «diplomation», ce serait quoi?

M. Lévesque (Gilles): Le niveau de diplomation en tourisme? Je n'entre pas dans la définition d'un élève qui provient seulement du secondaire. On a un niveau de diplomation dans le temps prévu qui doit tourner autour de 80 ou 85 %, particulièrement dans le domaine du tourisme.

M. Chagnon: Est-ce que c'est 80, 85 % dans le temps prescrit par le règlement ou c'est 80, 85 % dans un temps plus grand que le règlement?

M. Lévesque (Gilles): Normalement, les études collégiales sont sur trois ans, donc on ajoute une année. Ça se situe à l'intérieur de ces quatre ans-là.

M. Chagnon: Vous avez 80, 85 % de taux de diplomation de vos étudiants dans ce secteur précis qu'est le tourisme ou l'hôtellerie dans quatre ans. Qu'est-ce que vous faites à vos étudiants pour qu'ils réussissent à 80, 85 %? Parce que c'est un taux qui est anormalement élevé par rapport au secteur public. On aura beau dire que, dans certains cas, on choisit les étudiants, c'est moins votre cas.

Une voix: ...

M. Chagnon: Oui, O.K.

M. Lévesque (Gilles): On a mis en oeuvre toute une série...

M. Chagnon: Dans le quatre ans? Je ne m'en rappelle pas, moi.

M. Lévesque (Gilles): On a mis en oeuvre toute une série de mesures d'encadrement pour les étudiants, et particulièrement pour les étudiants en tourisme et en hôtellerie...

Des voix: ...

M. Chagnon: Je m'excuse.

M. Lévesque (Gilles): Oui. Donc, on a mis une série de mesures d'encadrement, et particulièrement depuis quelques années l'encadrement au niveau de la première session au collégial, d'une part, qui vient favoriser et consolider le choix professionnel et favoriser également la réussite. Je parlais tout à l'heure du cours de français propre au programme qui est donné dès la première session, qui vient renforcer également la base en français de nos étudiants.

M. Chagnon: Votre expérience, c'est que le premier semestre, dans le fond, est un semestre capital, et vous mettez un accent particulier sur l'encadrement des étudiants qui sont dans le premier semestre.

M. Lévesque (Gilles): Effectivement. On a deux périodes critiques que nous constatons dans nos programmes techniques particulièrement, le premier semestre et, ensuite, la deuxième année. En cours de deuxième année, il y a souvent des étudiants qui reviennent sur leur choix professionnel, et donc il y a des mesures qui sont prises à cet effet-là.

M. Chagnon: Merci.

M. Lévesque (Gilles): Mais ce n'est pas exceptionnel à Mérici, puisque l'ensemble des collèges ont pris différentes mesures pour favoriser cette réussite.

M. Chagnon: En fait, évidemment, ce que vous nous dites, c'est que, si votre taux de réussite était plus bas, vous auriez moins d'inscriptions, donc, au bout de la ligne, vous disparaîtriez.

M. Lévesque (Gilles): On peut l'affirmer de façon linéaire de cette façon-là.

M. Chagnon: Ça va. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): D'autres questions? Oui, M. le ministre.

M. Simard (Richelieu): Peut-être vous refaire parler sur cet élément d'adaptation de la formation professionnelle à la formation technique. Il faut voir ce dont il s'agit ici. Il s'agit de cours de français qui tiennent compte de la particularité technique. Pouvez-vous nous donner quelques exemples?

M. Lévesque (Gilles): Oui. Je dirais, si vous me permettez, c'est plus que des cours de français qui tiennent compte des particularités physiques... des particularités du domaine technique. C'est vraiment une adaptation où un cours de français...

M. Simard (Richelieu): Une intégration.

M. Lévesque (Gilles): ...va se donner conjointement avec un ou des cours du programme du secteur technique et consolider donc les apprentissages à même des activités pédagogiques qui sont reliées au cours technique. On a la même chose en philosophie, par exemple. Et, actuellement, il y a trois collèges qui expérimentent différents volets de cette façon.

M. Simard (Richelieu): Je peux vous dire que je suis très attentivement, et on va vous demander de collaborer avec nous parce que, effectivement, dans la réponse aux difficultés que nous connaissons au niveau technique de cette difficile passation des matières de culture générale, vous explorez là des voies qui peuvent être généralisées, et nous allons être très attentifs à ce que vos collèges font parce que le besoin est là, les difficultés sont là. Et je citais tout à l'heure l'ITHQ. Je sais qu'en français, à l'ITH, par exemple, on fait le même type d'expérimentation. On apprend à rédiger des menus, à préparer des livres de recettes pour apprendre le français. Et c'est lié..

M. Chagnon: ...

M. Simard (Richelieu): Et c'est loin d'être bête, et ça fonctionne parce que la motivation... ça fonctionne dans les deux sens, pour la technique elle-même et pour l'apprentissage linguistique qui mène à cette technique. Alors, il faut aller de plus en plus loin et échanger les expériences. L'ennui, souvent, dans nos réseaux, c'est que des expériences extraordinaires sont faites et ne sont pas connues des autres. Il faut...

M. Chagnon: C'est fait en silo.

M. Simard (Richelieu): Et c'est souvent en silo. Alors, nous allons être très attentifs à ce qui se fait parce qu'il y a, particulièrement dans le domaine justement des matières de base et de la technique, il y a des expériences très intéressantes.

M. Chagnon: Je partage d'autant plus...

Le Président (M. Paquin): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Je partage d'autant plus ce point de vue là que je suis personnellement convaincu que c'est probablement une des clés pour faire en sorte d'améliorer les passages entre le secondaire, la formation professionnelle et la formation technique au collégial et, éventuellement, la formation universitaire. Et c'est autour de ça qu'il nous faut travailler dans les années... dans les mois, dans les années à venir de façon tout à fait pressante, je dirais.

Le Président (M. Paquin): M. Lévesque.

M. Lévesque (Gilles): Oui. Et, à cet égard donc, on constate qu'au niveau particulièrement technique on a de plus en plus d'étudiants qui continuent à l'université, et les collèges actuellement, justement dans la foulée des plans de réussite...

M. Chagnon: ...j'imagine, en bac puis en maîtrise, oui.

M. Lévesque (Gilles): ...assurent un suivi de la réussite de ces étudiants-là à l'université et surtout quand on fait des adaptations particulières.

Le Président (M. Paquin): D'autres questions, commentaires, remarques? M. Lévesque, je vous remercie beaucoup.

Et je vais demander à Mme Nellie Rioux de s'approcher, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Alors, Mme Nellie Rioux, de la Coalition des cégeps des régions, bienvenue. La parole est à vous.

M. Chagnon: ...

Mme Rioux (Nellie): Pardon?

M. Chagnon: ...abandonner? Ha, ha, ha!

Mme Rioux (Nellie): Pas du tout. Je suis venue de Charlevoix comme une grande fille. J'ai passé les caps dans la neige, mais c'est le fun.

M. Chagnon: Vos collègues étaient ici plus tôt. Vous aviez quelques-uns de vos collègues...

Mme Rioux (Nellie): Non.

M. Chagnon: Non?

n(20 h 50)n

M. Simard (Richelieu): ...

Mme Rioux (Nellie): Il y en a qui sont supposés y être plus tard, en tout cas.

Le Président (M. Paquin): La parole est toujours à vous.

Coalition des cégeps des régions

Mme Rioux (Nellie): Donc, je vous remercie de nous recevoir à ces auditions. Donc, je me présente, Nellie Rioux, je suis enseignante en mathématiques, d'abord enseignante en mathématiques au Centre d'études collégiales en Charlevoix et, deuxièmement, porte-parole de la Coalition des cégeps des régions.

Je voudrais commencer par un bref rappel concernant la Coalition. Donc, notre groupe est un groupe qui regroupe ? ça fait un groupe, hein ? qui regroupe 24 syndicats d'enseignants et d'enseignantes qui sont membres des trois fédérations syndicales collégiales et qui ont senti le besoin de se serrer les coudes autour des problèmes qu'on a vécus particulièrement en région, autour des problèmes de financement, liés évidemment à la baisse démographique en région.

Si on a accepté l'invitation de la commission de l'éducation, c'est essentiellement dans le but de continuer les actions qu'on a entreprises depuis deux ans. Donc, en ce sens-là, notre mémoire n'est pas forcément très exhaustif, ne fait pas nécessairement de lien entre plusieurs aspects qui sont proposés dans la loi, mais a été surtout bâti en conformité avec nos deux grands mandats, en fait, qui sont de sensibiliser et d'informer le plus d'intervenants possible des difficultés qu'on rencontre en région dans l'enseignement collégial et d'intervenir aussi à différents niveaux pour maintenir l'accessibilité aux études collégiales, évidemment, dans des conditions équitables partout au Québec. Donc, en conséquence, comme je vous le disais, notre avis n'est pas exhaustif relativement à toutes les facettes du projet de loi, à toutes les implications qui peuvent en découler, mais on est convaincus que nos fédérations syndicales respectives vont assumer ce rôle-là, comme elles l'assument toujours bien habituellement.

Donc, dans un premier temps, on voulait vous parler du mode de gestion par objectif qui est privilégié, finalement, qui est sous-tendu par le projet de loi qui nous est proposé. Donc, à notre avis, au niveau de l'enseignement public, dans le secteur de l'éducation, ça pose un certain problème, cette façon de voir. On prétend, en tout cas on dit, on fait la constatation que, présentement, les collèges élaborent déjà des plans de travail annuels et ils rendent des comptes au ministre de leurs activités. Donc, on s'est posé la question: Pourquoi inscrire dans la loi l'obligation d'élaborer un plan stratégique, puisque les collèges le font déjà et qu'ils rendent déjà des comptes au ministre? On a deux éléments de réponse qu'on croit bien plausibles.

Donc, premièrement, c'est que le ministère va pouvoir en prescrire les éléments de contenu. Il le fait d'ailleurs déjà avec le plan de réussite. Donc, quand on considère aussi un écrit, un document qui a été publié en 1999, Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique, du gouvernement, on dit aussi que les plans stratégiques pourraient comprendre la mission, le contexte, les orientations, les axes d'intervention, les objectifs retenus, les résultats visés aux termes de la durée du plan et les indicateurs de performance. On a là un menu assez copieux qui n'est pas nécessairement évident, en tout cas dans le projet de loi. Donc, on pense qu'il y a beaucoup plus que ce que le projet annonce.

D'autre part, on pense aussi que, dans le fond, le collège va être obligé de tenir compte du plan stratégique du ministère. Donc, qu'est-ce que ça veut dire, de tenir compte? Ça veut dire que ce sera le ministère qui va fixer les objectifs, mesurables, quantifiables. Ce sera aussi le ministère qui imposera les objectifs du plan de travail aux collèges. On se pose un certain nombre de questions, en tout cas.

Notre conclusion relativement à ce modèle de gestion là qui est privilégié, c'est que, finalement... Bon, évidemment, le modèle a certaines qualités. Il a déjà fait ses preuves dans certains domaines, Mais on pense que ce modèle-là, finalement, c'est un modèle où celui qui détermine les objectifs en détermine aussi les contenus puis évidemment, par la suite, tout ce qui s'ensuit. Donc, on se pose des questions, dans un contexte où on parle beaucoup de décentralisation, du rôle du ministère, puisque, à notre avis, le processus en est peut-être un de décentralisation dans le nom, mais, dans les effets, il risque d'être contrôlé beaucoup par le ministère de l'Éducation.

Évidemment, notre position particulière, je vous l'ai rappelée tantôt ? on cible relativement nos mandats qu'on s'est donnés, nous, comme Coalition ? donc, on pense qu'une décentralisation, ça devrait permettre une plus grande autonomie aux collèges, particulièrement dans le cas de l'élaboration des objectifs de leur plan de travail. Évidemment, nous, comme Coalition, avec les objectifs qu'on poursuit, on souhaite que les collèges s'attaquent ardemment au problème d'effectifs étudiants puis à l'offre de programmes.

Si on revient plus spécifiquement aux plans de la réussite, d'abord je pense qu'il y a une chose qui est importante de noter, on est pour que les collèges soient obligés de produire des plans... en tout cas, que les collèges se dotent d'objectifs en termes de réussite et puis qu'ils prévoient des moyens pour les réaliser, on est d'accord pour cette façon de faire, sauf qu'on n'est pas d'accord avec des objectifs qui sont quantifiés, on ne veut pas de quotas de réussite. Donc, nos craintes relativement à cette approche-là en fait, c'est... la principale, avec plusieurs éléments qui en découlent, c'est l'élaboration de palmarès, c'est la compétition ou la concurrence entre les institutions.

Donc, on sait, puis on vous l'a dit à quelques reprises, que les institutions collégiales vivent des réalités qui sont très variables et on ne voudrait pas qu'elles soient comparées à partir de critères qui soient communs. Particulièrement en région, on a un financement qui nous défavorise présentement, donc on ne peut pas être mis en compétition avec les collèges des régions urbaines ou, du moins, des régions plus favorisées parce que, pour nous autres, déjà, dans un contexte de baisse démographique, si on ajoute cet aspect compétition là, bien, il est clair que nos petits collèges de région vont perdre leur potentiel d'attraction auprès du bassin de la région, du bassin de recrutement possible de la région. Et puis, évidemment, on sait qu'est-ce que ça fait, ces palmarès-là, on le voit avec l'enseignement...

M. Chagnon: ...qu'on connaît, le 15 millions qui a été ajouté aux budgets de régions?

Mme Rioux (Nellie): Je vous dirais que... on pourrait en parler durant la période de questions, mais, essentiellement, ça n'a pas nécessairement changé le quotidien des collèges des régions. En tout cas, je peux vous parler de notre collège à nous en particulier, puis de certains autres ou... ce n'est pas ce qui a fait la... ce n'est pas le médicament miracle, en tout cas. Donc, évidemment, bien, il y a toujours le danger d'aller vers les centres les plus performants, c'est toujours vendeur, c'est toujours attirant.

On nous disait dernièrement, au Rendez-vous national des régions, dans l'atelier sur la vitalité des milieux... Il y a plusieurs personnes qui ont émis à plusieurs reprises le souhait que plusieurs moyens soient mis en oeuvre pour développer un sentiment d'appartenance et de fierté dans nos régions. Alors, nous, on ne croit pas que la concurrence... des palmarès, soit forcément un élément qui soit très garant de ce sentiment d'appartenance là. On croit, par contre, que les collèges, de la façon dont ils sont installés dans leur région, autant le point de vue évidemment éducation, développement économique, culturel et social, qui peuvent être des bons éléments, qui peuvent être des véhicules intéressants pour contribuer à l'émergence du sentiment de fierté et d'appartenance, mais bien sûr à condition qu'il y ait des moyens qui puissent leur permettre d'assumer cette mission-là.

Parlant des moyens, évidemment notre mission deviendrait la loi, deviendrait force de loi plus ou moins, donc on se pose des questions, à savoir: Qu'est-ce que fera le ministère ou le ministre ? je ne sais pas qui... ? le ministère, disons, quand les objectifs ne seront pas atteints? Est-ce qu'on analysera les raisons? À notre avis, quand on analyse des résultats, il faut aussi analyser les moyens. Donc, est-ce que, éventuellement, dans le cas où des résultats ne seraient pas atteints, est-ce qu'il y aura moyen d'ajouter des moyens ou est-ce que, simplement, le ministère se contentera de sanctionner? Est-ce que l'évaluation sera formative? Est-ce qu'elle sera administrative? Il n'y a rien qui le dit encore dans la loi de la façon dont elle est rédigée.

n(21 heures)n

Dans un contexte où, particulièrement en région, on vit une situation défavorable relativement au financement de l'enseignement, dans un contexte aussi où, contrairement à nos collègues du privé, on ne sélectionne pas nos étudiants, on prend ceux qu'on a dans notre bassin régional, considérant aussi que c'est souvent dans les régions qu'on a un milieu socioéconomique qui est plus faible et que le niveau socioéconomique est un élément qui est majeur en termes de réussite puis de persévérance aux études ? en tout cas, on vit ça plus particulièrement dans nos régions ? donc les soucis qu'on a, nous, c'est de dire: Si on a une obligation par la loi, il faudra aussi avoir une obligation des moyens. Donc, il faudra qu'on ait des moyens qui nous permettent de tenir compte de nos réalités, qui nous permettent aussi de tenir compte des étudiants et des dossiers des étudiants qu'on admet dans nos régions. Et dans tous les collèges en fait, parce qu'il y a certains collèges urbains qui vivent les mêmes réalités. Donc, ce serait un plus pour les régions, mais ce serait un plus pour tous les collèges.

Finalement, un élément qui est très important pour nous, c'est qu'il est clair qu'en termes de financement jamais on ne cautionnera un financement des collèges qui soit conditionnel à des atteintes de réussite chiffrée, en aucun cas, même pas chiffrée, le financement doit être là sans qu'il y ait de conditions en termes de réussite éducative.

Donc, finalement, au sujet des modifications à la Loi de la Commission d'enseignement collégial, on a deux remarques. Évidemment, l'élargissement du mandat à l'évaluation des plans stratégiques nous apparaît comme une suite logique de l'évaluation institutionnelle, et, si l'évaluation institutionnelle est une occasion pour la Commission d'évaluation de pouvoir recommander des ajouts de ressources au ministre, bien, évidemment, on ne pourra pas être contre.

Dans un deuxième temps, on comprend plutôt mal la nécessité d'élargir le mandat de la Commission de l'éducation à l'enseignement, c'est un nouveau mot qui apparaît dans la loi, c'est un mot qui n'apparaissait pas dans les lois sur l'enseignement collégial jusqu'ici. Donc, nous, on a la prétention que la Commission d'évaluation évalue déjà les enseignements via les programmes, via les politiques institutionnelles d'évaluation des apprentissages, les politiques institutionnelles d'évaluation de programmes, elle fait ses recommandations, donc l'élargissement aux enseignements comme tels, nommément, on ne comprend pas tout à fait.

En somme, ce qu'on comprend, c'est que le projet de loi nous crée beaucoup d'obligations, mais on n'a aucune garantie de moyens. Donc, c'est un peu un chèque en blanc qu'on ferait en adoptant cette position-là. Voilà.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup. M. le député de Richelieu.

M. Simard (Richelieu): Le député de Richelieu est très heureux, M. le Président et député de Saint-Jean, de prendre la parole.

Le Président (M. Paquin): ...

M. Simard (Richelieu): Absolument, nous sommes même presque voisins. D'abord, remercier Mme Rioux d'être venue ce soir nous présenter le point de vue de cette Coalition. Chacun des syndicats coalisés est venu nous présenter des mémoires, mais il s'agit d'une coalition d'un certain nombre de syndicats d'enseignement regroupés par des centrales et qui se trouvent en région.

La préoccupation des collèges en région est une préoccupation, évidemment, très importante, elle a été au coeur de nos préoccupations au cours des dernières années, particulièrement cette année où nous avons apporté une série de mesures d'amélioration du financement de façon à aider les cégeps en région.

Je vais parler tout de suite de financement parce que c'est presque sous-jacent à plusieurs, à presque toutes vos interventions. Alors, aussi bien affronter tout de suite cette réalité. Lorsque vous dites à plusieurs reprises, mais à plusieurs reprises, que le mode de financement des cégeps en région les défavorise par rapport aux autres, vous allez m'expliquer cela. D'autant plus que, moi, si je regarde le coût moyen d'un étudiant, prenons au cégep de Baie-Comeau ou au cégep de Gaspé?Les Îles, autour de 11 700 $ par élève, alors qu'il est environ, au cégep du Vieux Montréal, moins de 4 000 $, autour de 4 000 $? J'ai beaucoup de difficultés à...

Une voix: Cinq mille.

M. Simard (Richelieu): 5 000 $? J'ai beaucoup de difficultés à voir comment le mode de financement défavorise. Il ne favorise peut-être pas suffisamment, ça, c'est une chose, mais qu'il défavorise les cégeps en région par rapport aux autres, puisque, si c'est une défavorisation, c'est par rapport à d'autres... J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Rioux (Nellie): Bien, d'ailleurs, la Coalition avait déposé un mémoire dans le cadre du Comité de concertation Germain-Boucher à l'effet... expliquant cette position-là, on pourra vous en ressortir un. Mais, essentiellement... je ne m'attendais pas du tout de parler de financement, mais, essentiellement...

M. Simard (Richelieu): Vous ne parlez que... presque que de ça.

Mme Rioux (Nellie): Mais, en fait, quand on a des obligations, il faut aussi avoir les moyens pour les réaliser, les obligations. Alors, nous, c'est la garantie qu'on veut avoir finalement, et on ne la lit pas, nulle part. Donc, en termes de financement, au lieu de parler du financement actuel, je vais revenir au financement antécédent, avant, quand l'enseignement ? puis là, je parle vraiment juste de la partie enseignement, là, ce qui paie les profs dans les classes ? donc, quand le modèle de financement était lié aux fonctions, qu'il était plus lié aux fonctions de l'enseignement, c'est-à-dire qu'on avait... le modèle finançait un groupe à partir du moment où il y avait un minimum prescrit. Donc, je pense, à ce moment-là, c'était cinq étudiants, si je ne me trompe pas. À partir du moment où on avait cinq étudiants dans un groupe, le groupe... le professeur ? on va le prendre comme ça ? était complètement payé pour toute la tâche qu'il allait assumer relativement à ce groupe-là. Donc, le prof était... Donc, finalement, que le prof donne l'enseignement à un groupe de cinq ou qu'il donne l'enseignement à un groupe de 15 ou 20, il était complètement payé. À ce moment-là, on avait une cote, un numéro qui était associé à chacun des cours qui s'appelaient les NEJ, qui n'existent plus ou sauf un rare dinosaure quelque part, là... à partir du moment où on avait atteint... Je m'excuse, je vais recommencer avec un exemple précis puis je vais parler des cas des mathématiques que je connais mieux.

Supposons qu'on était dans un collège, par exemple, un collège comme chez nous dans Charlevoix, où on avait cinq étudiants, ce que j'ai déjà fait dans un cours. Donc, à partir du moment où les cinq étudiants étaient inscrits dans le cours, le cours était complètement financé. Si j'avais 25 étudiants, je n'avais pas besoin d'être payée plus, j'avais les mêmes étudiants, j'avais le même travail. Bien, évidemment, la correction, il y a un certain nombre de paramètres qui variaient, mais, en termes de financement de l'enseignement pour la classe, c'était complet. À partir du moment où on avait le NEJ dont je vous parlais tantôt, qui était 37 pour les cours de mathématiques, à partir du moment où on avait un 38e étudiant, il y avait forcément un deuxième groupe qui était complètement payé. Donc, un enseignant était, à partir du 38e étudiant, payé complètement pour assumer l'enseignement à deux groupes. Donc, tout le financement se faisait de cette façon-là. Pour tous les cours, il y avait un nombre qui faisait qu'à un moment donné on ajoutait des groupes. À chaque tranche de 37, on avait un financement de groupe qui était complet.

Maintenant, la façon...

M. Chagnon: ...là, mais il n'y aurait pas la situation des cégeps en région actuellement?

Mme Rioux (Nellie): Non, ça, c'était avant.

M. Chagnon: Oui, je sais.

Mme Rioux (Nellie): Avant, on n'avait pas forcément de problème...

M. Chagnon: Bien, vous en aviez parce que...

Mme Rioux (Nellie): ...en termes de financement.

M. Chagnon: ...vous n'aviez pas toujours 37 élèves ou 38 élèves.

Mme Rioux (Nellie): Non. C'est parce que, avant, quand on avait cinq étudiants, le prof qu'il fallait... qui devait assumer la tâche relative à ce cours-là, il était complètement payé. Sa tâche était payée. C'était prévu. Il donnait un cours, il... On l'avait payé. Mais, évidemment, s'il y avait 25 étudiants, on ne le payait pas deux fois. Jusqu'à concurrence de 37, rendu au 38e étudiant, on repayait des groupes. Donc, on payait des groupes par tranche de x inscriptions, selon le cours.

Maintenant, le modèle qui prévaut maintenant en termes de financement, c'est un modèle de droit de programme, donc un modèle statistique avec des nuages de points qui ont été collectés ? je vais dire ça comme ça ? dont les données ont été emmagasinées dans un temps où le réseau collégial était en hausse de clientèle. Donc, ce qu'on faisait, c'est que, chaque fois qu'il y avait... Pour tous les collèges qui offraient un même programme dans le réseau, pendant huit ans, on a fixé, pour un nombre d'inscriptions donné d'étudiants, les ressources que le collège utilisait. Donc, avec ça, on a fait un nuage de points, on a appliqué la méthode de régression linéaire et on est arrivé avec une norme qui est la même pour tout le monde. Maintenant, au lieu d'être payé pour... d'être assuré du financement pour un groupe à partir d'un nombre d'étudiants, on est payé pour le nombre d'étudiants qui sont inscrits dans nos cours. Or, vous comprendrez que, dans des collèges comme le Centre d'études collégiales en Charlevoix, comme les Îles-de-la-Madeleine, comme tous les collèges qui ont des petits centres, qui ont des petits satellites, Carleton, Chibougamau, des endroits comme ça, on n'a pas forcément le seuil qui, statistiquement, est autour de 60 pour trois ans dans les programmes techniques. On n'a pas le seuil, on n'atteint pas ce seuil-là pour se financer globalement.

J'avoue que la question est un peu... Pour un prof de maths, j'aimerais mieux me retrouver avec un tableau et je pourrais vous expliquer ça beaucoup plus intelligemment.

M. Simard (Richelieu): Mais rappelons-nous que ce seuil a été baissé lors des décisions... justement, à la suite du rapport Boucher-Germain.

Mme Rioux (Nellie): Pour certains programmes, pour certains programmes en difficulté pour une certaine période de temps.

M. Simard (Richelieu): Oui.

n(21 h 10)n

M. Chagnon: Vous nous disiez tout à l'heure que même le 15 millions de dollars qui a été investi suite au rapport Boucher-Germain n'a pas corrigé cette situation-là chez vous?

Mme Rioux (Nellie): Bien, chez nous, pour un programme, il l'a corrigé. Bien, en tout cas, je vais dire qu'il l'a corrigé, parce qu'on avait un problème avec les doublons quelque part, comme on était dans la même région administrative que Québec et qu'on était à 149 km du collège de Limoilou, dépendamment de la porte où on entre... si on choisit les portes les plus éloignées géographiquement, on est peut-être correct pour 150; les plus proches, ça ne fonctionnait pas. Finalement, des représentations ont été faites, et on va recevoir un financement spécial dans le cadre de cette annexe-là. Ça, je ne dis pas que ce n'est pas... que ça n'a pas aidé.

M. Chagnon: Ça n'a pas nui.

Mme Rioux (Nellie): Bien non.

M. Chagnon: Sûrement que ça a aidé.

Mme Rioux (Nellie): Écoutez, je ne suis quand même pas naïve à ce point-là. Rajouter de l'argent, ça ne fera pas de différence, là...

M. Chagnon: Non, non, c'est évident. Mais vous sembliez nous dire tout à l'heure que ça n'avait pas eu les effets que vous escomptiez.

Mme Rioux (Nellie): Mais, en termes... ce n'est pas... Vous savez, quand on parle des programmes... Je suis plus en train d'intervenir dans un autre ordre d'idées que dans l'ordre du projet de loi, mais, quand on parle des programmes dans une région, en tout cas, les demandes qu'on avait faites, entre autres, puis qu'on a réitérées aussi au moment où il y a eu la commission de l'éducation sur la situation des clientèles, c'est de tenir compte justement, quand on veut faire vivre une région... Bien, peut-être qu'une région comme celle de Charlevoix sera capable d'assumer ou de former, je ne sais pas, moi, six étudiants en techniques administratives. Ce sera peut-être six étudiants qui sortiront chaque année en techniques administratives. Mais, si ces étudiants-là se trouvent toujours un emploi, qu'il y a une nécessité, qu'ils réussissent bien, pourquoi on ne favoriserait pas cette modalité-là?

J'entends régulièrement des interventions de différents ministres qu'il faut bannir le mur-à-mur. Je l'ai entendu quelquefois au Rendez-vous des régions. Alors, on est tout à fait dans le bannissement du mur-à-mur quand on fait ces demandes-là. Et, de plus, quand je vous disais que, nous, on voudrait avoir plus d'autonomie pour nos collèges pour qu'ils fixent leurs objectifs eux-mêmes... quand on parle des programmes, bien, on a fait aussi des demandes relativement à l'offre de programmes. On a fait la preuve, je pense, qu'il y avait une compétition qui n'était pas nécessairement toujours saine en termes d'offre de programmes, et on ne se sent pas... Avec les moyens... les demandes, c'est-à-dire, qui risquent de ressortir de la loi en termes de réussite, on va être juste placés encore plus en compétition avec les institutions qui vivent bien et qui ont des moyens.

Vous me parlez des moyens, mais je peux vous dire que, comme enseignante, j'ai enseigné à deux centres d'études collégiaux. C'est ma carrière au collégial. J'ai enseigné aux Îles-de-la-Madeleine et j'ai enseigné dans Charlevoix. Donc, ça fait depuis 1991 que j'enseigne. Et je peux vous dire que, particulièrement pour le Centre d'études collégiales en Charlevoix, on est né, en 1994, au moment de l'application de la réforme de l'éducation et dans un contexte où tout était coupé. Alors, nous, on n'a pas eu besoin d'être coupés de quoi que ce soit, on ne l'a jamais eu. Un secrétariat pédagogique, on n'en a pas. Venez voir nos enseignants chez nous, c'est eux autres qui font leur plan de cours, qui tapent leurs examens, qui font tout. J'entends que, dans un autre collège, une enseignante disait: Ah! bien, nous, pour 11 profs de psycho, on a un secrétariat pédagogique. Il y a des ressources qu'on n'a pas. On ne les a pas. On n'est même pas minimalement capables de se développer.

M. Simard (Richelieu): Combien d'étudiants au Centre de Charlevoix?

Mme Rioux (Nellie): 225, 230. Et il faut faire des pieds et des mains pour avoir des ressources, pour avoir quelqu'un. On a récemment, puis ça, à cause de certaines annexes particulières, quelqu'un qui est formé pour ça à la bibliothèque. Alors, ce n'est pas un luxe, là.

M. Simard (Richelieu): Bon, revenons, si vous me le permettez...

Mme Rioux (Nellie): C'est vous qui menez.

M. Simard (Richelieu): ...aux éléments du projet de loi. Qu'est-ce qui vous fait dire à quelques reprises que, avec ce projet de loi, il y aura évaluation par le ministère des plans de réussite et des plans stratégiques des collèges? Où voyez-vous ça dans la loi?

Mme Rioux (Nellie): Bien, le ministère... Écoutez, la Commission d'évaluation se voit confier le rôle d'évaluer les plans stratégiques.

M. Simard (Richelieu): Mais ce n'est pas le ministère.

Mme Rioux (Nellie): Bon, je vous concède ça. Ça va. Mais elle fait rapport à quelqu'un, la Commission d'évaluation. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui entende ses recommandations, qu'il y ait quelqu'un qui en prenne note et qui prenne des décisions qui sont conséquentes à ses recommandations.

M. Simard (Richelieu): Parce que vous faites le lien à plusieurs reprises entre ça et le financement. Si je comprends bien, ce serait bon si ça augmentait le financement, mais vous avez peur que ça diminue le financement.

Mme Rioux (Nellie): Non, écoutez, ce n'est pas si simpliste que ça, là. Je pense que vous comprenez très bien ce que je vous raconte. Vous savez ? je l'ai vu clairement, je pense ? quand on évalue les résultats, on ne peut pas faire abstraction des moyens, ça va de soi. Je suis certaine que c'est dans vos politiques de gestion par objectifs, c'est clair. C'est nécessaire. Donc, il faut regarder le contexte. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on veut s'assurer que le contexte sera considéré, et plus que considéré, qu'on puisse agir dessus...

M. Simard (Richelieu): Mais la première phrase...

Mme Rioux (Nellie): ...qu'on puisse faire des recommandations dessus.

M. Simard (Richelieu): Mme Rioux, la première phrase du projet de loi: «en tenant compte de la situation du collège». Comment préciser davantage le contexte que de dire, d'entrée de jeu, «en tenant compte de la situation du collège»?

Mme Rioux (Nellie): Alors, ce que vous me dites, c'est que c'est la garantie...

M. Simard (Richelieu): Et c'est le collège lui-même qui établit en fonction de sa situation. Ce n'est pas de l'extérieur, ça.

Mme Rioux (Nellie): Mais écoutez. Écoutez, est-ce que c'est le collège en fonction de sa situation qui réclame le financement aussi pour ses moyens?

M. Simard (Richelieu): Mais là «qui établit». On parle ici d'un projet de loi sur les plans stratégiques et les plans de réussite.

Mme Rioux (Nellie): Alors, c'est ce que je vous dis. Le collège, lui, en tenant compte de sa situation... Qu'est-ce qu'on est en train de se dire, c'est que, s'il n'a pas de moyens, il ne pourra pas mettre en place beaucoup de stratégies et il va être de toute manière défavorisé? Je ne comprends pas votre argumentation.

M. Simard (Richelieu): Moi, je n'ai pas d'argumentation, là. Je vous demande pourquoi vous nous dites ici ce soir que cela nous amènerait dans une situation où on ne tiendrait pas compte de la situation du collège, alors que le projet de loi vise le collège lui-même. C'est lui qui se dote d'un plan stratégique en tenant compte d'abord de sa situation.

Mme Rioux (Nellie): Et du plan stratégique du ministère.

M. Simard (Richelieu): Je suis absolument incapable de suivre votre logique ici.

Mme Rioux (Nellie): Et du plan stratégique du ministère.

M. Simard (Richelieu): Oui.

Mme Rioux (Nellie): Et, si le ministère nous dit que ça lui prend... il faut que les quotas de réussite augmentent d'un certain niveau et que le collège n'est pas en moyen, selon sa réalité, de le faire, qu'est-ce qu'on fait? C'est les questions que je pose. Dans le cas où on n'est pas capable, avec la réalité, avec les moyens qu'on a, d'assumer ce mandat-là, qu'est-ce qu'on fait? C'est des garanties que je demande finalement, rien d'autre.

M. Simard (Richelieu): Enfin, le projet de loi, lui, ne parle que d'orientations du plan stratégique du ministère et parle du collège qui établit son plan stratégique en fonction de sa situation. J'ai beaucoup de difficultés à chercher... à trouver la difficulté.

Mme Rioux (Nellie): M. Simard, vous me dites, et je suis bien d'accord avec vous, que c'est la Commission d'évaluation qui va évaluer les plans stratégiques et qui va les rendre publics. Alors, comment un collège qui n'a pas de moyens va rendre public un plan stratégique qui dit que: Bien, avec les petits moyens du bord, c'est ça qu'on vous promet, les amis? Comment on gère ça? Puis vous me dites qu'il n'y aura pas une compétition qui va s'installer dans tout ça?

M. Simard (Richelieu): Est-ce que vous êtes en train de me dire que le collège de Rimouski, que le collège de Chicoutimi, de Jonquière n'ont pas d'ambitions, n'ont pas de projets éducatifs ambitieux, n'ont pas de moyens pour réussir? Et ce sont d'excellents collèges qui sont absolument... qui arrivent à des résultats remarquables. Êtes-vous en train de me dire que c'est impossible pour ces collèges-là, en fonction de leur situation, d'arriver à des résultats qui tiennent compte des orientations du ministère et des besoins de leur milieu?

Mme Rioux (Nellie): M. Simard, ça frôle la démagogie, là, quand vous me dites que les collèges ne sont pas ambitieux. Je pense que c'est justement ce que le projet de loi suscite. On va être ambitieux, on va se compétitionner, on va être bons, on va se le dire...

M. Simard (Richelieu): Ils le sont déjà, hein.

Mme Rioux (Nellie): ...puis il va y en avoir des meilleurs, puis on va établir la ligne avec cette règle-là. Ça m'apparaît ce qui est sous-tendu dans tout le projet de loi. Or, c'est ce qu'on vous dit. On vous dit que, si c'est ce qui est sous-jacent à ce projet de loi là, il faudra que le ministère, que le gouvernement, qu'appelé... Il y a quelqu'un à quelque part qui décide, là, à partir des recommandations des commissions d'évaluation; de quelles que soient les commissions il y a des gens qui décident, il y en a 30 et quelques au Parlement, là, régulièrement. Donc, c'est ces gens-là qui vont décider qu'est-ce qu'on va faire des demandes dans le contexte. Alors, je ne peux pas vous dire. La seule chose que je peux vous dire, c'est que vous venez juste de me confirmer que c'est la compétition que ce projet de loi met en branle, et c'est ce qu'on vous disait. Or, nous, on vous dit: Au nom de tous les Québécois...

M. Simard (Richelieu): Restons petits et médiocres.

Mme Rioux (Nellie): ...au nom de mes enfants, au nom de tout le monde qui est en droit d'avoir une éducation de qualité au Québec, il faut qu'on s'assure qu'on a des moyens de jouer ce jeu-là si vous voulez qu'on le joue.

n(21 h 20)n

M. Simard (Richelieu): Et vous prenez pour acquis que les cégeps en région n'ont pas le moyen de jouer le jeu de la qualité et de la réussite?

Mme Rioux (Nellie): M. Simard, je vous invite à venir passer une semaine au Centre d'études collégiales en Charlevoix, je vous accompagne toute la semaine et je vous raconte tout ce qu'on a vécu depuis deux, trois ans.

M. Simard (Richelieu): Je vais aller faire un tour. Je suis sûr que Rosaire va être partant.

Le Président (M. Paquin): ...je demanderais au député de Westmount?Saint-Louis s'il a des questions.

M. Chagnon: Oui, bien sûr. Avez-vous terminé? Merci beaucoup.

Mme Rioux (Nellie): Puis ce n'est pas par faute d'ambition, hein. Je m'excuse, on n'a pas de problème d'ambition. On travaille beaucoup. Et ce n'est pas parce qu'on ne travaille pas, mais on n'a pas toujours les moyens pour faire tout ce qu'on voudrait faire.

M. Simard (Richelieu): Mais qui a les moyens sur terre de faire tout ce qu'il voudrait faire?

Mme Rioux (Nellie): Bien là, encore là...

Le Président (M. Paquin): Ce serait peut-être une autre commission parlementaire. Entre-temps...

Mme Rioux (Nellie): Ce ne sera pas de ce monde, ces moyens-là.

Le Président (M. Paquin): ...M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup. M. le Président, Je voudrais saluer Mme Rioux, qui est une fidèle aussi de nos commissions parlementaires. Ça fait quelques fois que je la rencontre.

Une voix: Deux fois.

M. Chagnon: Deux fois? Bien, c'est une fidèle, c'est une forme de fidélité, deux fois, et la Coalition des cégeps en région... J'avoue que la première fois, vous m'aviez... je me rappelle bien de la première fois où vous étiez passée. J'apprécie l'aspect, le type de raisonnement que vous faites, et vous êtes prof de maths, vous, hein?

Mme Rioux (Nellie): Oui.

M. Chagnon: Oui. Et c'est bien, très bien.

Mme Rioux (Nellie): Pas de comptabilité.

M. Chagnon: Non, non, de maths.

Mme Rioux (Nellie): C'est ça.

M. Chagnon: De maths, maths pures.

Mme Rioux (Nellie): Je pense qu'il y en a plusieurs qui confondent les deux. Ce n'est pas du tout la même chose.

M. Chagnon: Non, non, maths pures, c'est ça qui est le plus... c'est bien plus drôle, les maths pures, que la comptabilité, tant qu'à moi.

Mme Rioux (Nellie): Je ne vous contredirai sûrement pas là-dessus.

M. Chagnon: Ha, ha, ha! Mais, dans votre mémoire, il y a des éléments qui sont intéressants, plusieurs éléments qui sont intéressants. Bon, vous faites une remise en question du pourquoi il y a un projet de loi. Bien, il y a un projet de loi parce que, effectivement... pas parce que les cégeps ne font pas de plans stratégiques. Je pense qu'on a tous réalisé que les cégeps font des plans stratégiques, ont déjà leurs plans stratégiques de faits, devrais-je dire. Plans de réussite, oui, plusieurs cégeps ont des plans de réussite, et plusieurs cégeps ont certainement comme objectif, puis je suis certain ? c'est la deuxième fois qu'on se rencontre, vous dites, j'ai eu cette conviction-là la première fois, elle se renforcit aujourd'hui ? je suis certain que vous êtes la première à vouloir faire en sorte que tous vos étudiants réussissent. Mais il n'en demeure pas moins que la réalité est la suivante. Il y a 31, 32, 33 % d'étudiants au secteur général ou dans le secteur technique qui réussissent dans le temps prescrit par le règlement, soit deux ans ou trois ans. Et, comme société, on se pose des questions, puis vous-même, parce que vous êtes membre ? vous ne sortez pas des nues ? vous-même, comme membre de cette société-là, vous posez ces mêmes questions là que nous et vous dites: Bien, au lieu d'être 30, ce serait mieux si c'était 50, 60, dans le temps prescrit. D'autant plus que, quand vous avez fait votre cégep, vous, puis, moi aussi, quand j'ai fait mon cégep, vous n'avez pas dû prendre quatre ans pour faire votre cégep?

Mme Rioux (Nellie): Si vous connaissiez mon dossier, je suis de toutes les mauvaises statistiques.

M. Chagnon: Ah! bien, moi aussi, mais au secondaire pas au cégep.

Mme Rioux (Nellie): Ah! moi...

M. Chagnon: Vous avez tout fait, vous?

Mme Rioux (Nellie): Tout le long du parcours.

M. Chagnon: O.K. Ah bon! Ça se peut. On a tous nos moments faibles.

Mme Rioux (Nellie): Pourtant, je ne suis pas vraiment délinquante, là.

M. Chagnon: Moi non plus.

Mme Rioux (Nellie): Mais je n'ai pas des statistiques très reluisantes de ce côté-là.

M. Chagnon: Je suis toujours un peu délinquant, moi. Je ne peux pas dire que je ne le suis pas, je le suis encore un peu.

Mme Rioux (Nellie): Mais vous voyez où ça mène, hein, finalement.

M. Chagnon: Voilà. On n'a pas à se cacher de rien.

Mme Rioux (Nellie): C'est peut-être pas si mal.

M. Chagnon: C'est votre point de vue. Je vous en remercie.

Mme Rioux (Nellie): Je parle autant pour moi que pour vous, vous savez.

M. Chagnon: Ha, ha, ha! Ceci étant dit, il est normal qu'une société cherche à faire en sorte qu'on ait des taux de réussite ou... puis la réussite n'est pas nécessairement diplomation, vous allez me dire.

Mme Rioux (Nellie): Effectivement.

M. Chagnon: Mais la diplomation est une batèche de belle forme de réussite.

Mme Rioux (Nellie): Je suis d'accord avec vous.

M. Chagnon: Inévitablement, on va faire en sorte de regarder la diplomation... Non, ça ne devrait pas être le seul critère de réussite, mais c'est un critère extrêmement important, et de voir à faire en sorte d'augmenter nos niveaux de diplomation, c'est un objectif que toute société un peu raisonnable doit regarder. Je soupçonne que le ministre tire ce genre de conclusion là et apporte ce projet de loi là pour ces raisons-ci. J'ai mentionné plus tôt que je ne crains pas qu'il y ait des effets financiers au modèle qui n'amèneraient pas le niveau de diplomation ou le niveau de réussite que vous souhaiteriez, que je souhaiterais et que le ministre souhaiterait pour la bonne et simple raison, c'est qu'on se retrouverait dans un cercle vicieux. Si on n'avait pas le financement qui nous amenait à avoir une diminution de notre niveau de diplomation, s'il fallait couper davantage, on ne ferait pas en sorte d'améliorer notre situation, mais on ferait en sorte de juste... la rendre plus mauvaise.

Mme Rioux (Nellie): ...par quelqu'un d'autre, ça.

M. Chagnon: Mais, moi, je vous le dis, là. Et je ne pourrais pas comprendre en tout cas, je ne pourrais pas comprendre qu'on puisse tenter de modifier le FABES pour dire en sorte que, si vous avez, par exemple, un taux de diplomation qui n'est pas celui de la moyenne de votre région, de votre ci ou de votre ça, on va vous couper dans vos subventions. Ce serait un peu imbécile. Dans le fond, c'est peut-être le contraire qu'il faudrait faire, vous donner des moyens supplémentaires pour vous permettre d'améliorer votre niveau de diplomation.

Mme Rioux (Nellie): Je pense que vous aviez bien compris ce que je suis venue vous dire.

M. Chagnon: Mais tout ne se résume pas non plus en termes de moyens. Ce n'est pas la seule chose. Vous dites que vous avez une certaine appréhension de la compétition, et je peux comprendre. Parce que, si on reste dans le milieu, l'antenne de Charlevoix peut difficilement se comparer avec le cégep de Sainte-Foy, ou le cégep de Limoilou, ou le cégep Garneau, ou du Vieux Montréal, ou ? on a dit quoi? Édouard-Montpetit, et il n'y a pas de commune mesure. Peut-être, vous qui avez l'expérience d'avoir enseigné et aux Îles-de-la-Madeleine et dans Charlevoix, vous pouvez peut-être... capable de comparer et Charlevoix et les Îles-de-la-Madeleine. Peut-être que c'est des choses qui sont comparables. Peut-être, je ne le sais pas. Peut-être. Mais c'est certainement... On ne pourra pas comparer ni les Îles-de-la-Madeleine ni Charlevoix avec les cégeps que je viens de mentionner.

Mme Rioux (Nellie): Absolument.

M. Chagnon: Mais, à ce moment-là, le rôle de la Commission d'évaluation n'est-il pas central? Vous n'en parlez pas beaucoup dans votre document. Puis, moi, il me semble que la Commission d'évaluation, à ce moment-là, a une importance extrêmement grande. Vous ne mentionnez pas non plus, contrairement à tous ceux qui ont passé devant vous... avant vous, une volonté de conserver à la Commission d'évaluation une capacité de fonctionnement d'une autonomie qui lui permette d'être un peu plus éloignée du ministre que le projet de loi le prévoit. Vous n'en parlez pas.

Mme Rioux (Nellie): Écoutez, je pense que je vous ai dit d'entrée de jeu que le cadre dans lequel on a travaillé au niveau de la Coalition, puis ça, je pense que c'est important de le comprendre, je vous l'ai dit, ce n'est pas dans toutes les facettes qu'on est allé, puis c'est intentionnellement. On a fait ce choix-là. Alors là je n'engagerais que moi-même si j'allais plus loin que ça. Mais il n'en reste pas moins qu'on vous a dit que, par exemple, au niveau de la... Je ne dis pas qu'on est contre la Commission d'évaluation, et tout ça, puis je pense qu'il faut qu'il y ait une certaine distance entre la Commission d'évaluation et le ministre de l'Éducation effectivement, mais pas assez de distance pour qu'ils ne s'entendent pas l'un l'autre. Il faut qu'un entende les recommandations de l'autre.

Mais, je veux dire, on n'est pas ? comment dire?... On a dit que, par exemple... Que la Commission d'évaluation se voit confier le mandat d'évaluer les plans stratégiques, ça va dans la suite de l'évaluation institutionnelle. On n'est pas contre l'évaluation institutionnelle, au contraire, on pense que cette opération-là, si elle a des oreilles qui écoutent les recommandations, s'il y a des recommandations que la Commission d'évaluation fait au pouvoir de décisions qui vont... d'accroître des moyens dans certaines régions, ce qu'on pense qui devrait arriver, bien, on ne peut pas être contre ça, là. Je pense que, ça, le fait que la Commission d'évaluation évalue les plans stratégiques dans ce sens-là, relativement à l'évaluation institutionnelle, ça peut être une façon justement d'assurer une plus grande équitabilité dans le réseau collégial, là. Alors, on n'a pas dit qu'on était contre, là.

Le Président (M. Paquin): Il vous reste une minute. Oui, brève question, M. le ministre.

n(21 h 30)n

M. Simard (Richelieu): Simplement une petite remarque sur un commentaire que vous avez fait; elle est très, très appropriée, puisque vous avez participé au Rendez-vous national des régions. Il y a effectivement là... Nous sommes en train actuellement de faire le sommaire et préparer les réalisations à partir des décisions qui ont été prises. Il y a des ouvertures justement pour arriver à des mesures différenciées très importantes qui auront des impacts sur non seulement la survie, mais sur tout le développement de plusieurs cégeps en région.

Le Président (M. Paquin): Dernier mot.

Mme Rioux (Nellie): Bien, c'est ça. Il est clair qu'on travaille aussi du côté du Rendez-vous des régions, puis on va travailler aussi à s'impliquer au niveau du processus qui va mener à la mise en place de ces différents moyens là dans nos régions. Mais, évidemment, il fallait circonscrire notre propos.

M. Simard (Richelieu): Vous en aviez parlé.

Mme Rioux (Nellie): Merci.

Le Président (M. Paquin): Mme Rioux, je vous remercie.

J'appelle maintenant Mme Clémence Fauteux-Lefebvre.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Alors, Mme Fauteux-Lefebvre, la parole est à vous.

Fédération étudiante collégiale
du Québec (FECQ)

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. et Mmes les députés, on est bien heureux d'être ici ce soir, bien entendu, la FECQ qui représente 80 000 étudiants qui désirent réussir leur cégep. Donc, on va venir vous parler de la façon dont on voit cette réussite. Effectivement, l'analyse qu'on fait du projet de loi, on l'a beaucoup portée sur les plans de réussite, donc je vais tout d'abord vous démontrer comment nous voyons la réussite puis, ensuite, de quelle façon, selon nous, les plans de réussite devraient être mis en place tant au niveau local que national, ensuite le financement qui est relié à ces plans-là, et je vais finir avec le projet de loi.

Tout d'abord, toutefois, je vais aborder la question de l'habilitation. Pour nous, il est inconcevable que cette mesure-là soit encore dans la loi. Ce n'est pas la première fois que la Fédération étudiante collégiale du Québec le dit, elle le répète, puis on croit que l'ensemble de la communauté collégiale s'entend sur ce point. Donc, pour nous, il est impossible de promouvoir la réussite dans l'ensemble du réseau en laissant cette mesure-là qui ne fait que défavoriser les plus petits cégeps, les cégeps en région. Donc, c'est bien simple, le cheminement que l'on fait: les plus gros vont avoir plus de moyens, les meilleurs étudiants, donc, pour eux, c'est sûr que ça fait une augmentation du taux de réussite, une augmentation puis un meilleur diplôme. Mais c'est l'inverse pour les cégeps qui ont une plus petite densité d'étudiants. Puis ça nous amène ensuite soit à une course à la clientèle ou à ce phénomène que l'on nomme «course à la clientèle», donc dans le réseau, qui est, pour nous, néfaste pour la réussite des étudiants.

Donc, outre cette brève parenthèse sur l'habilitation, je vais y aller avec notre définition de la réussite. Pour nous, l'augmentation de la réussite ne passe pas nécessairement par l'augmentation du taux de réussite. Ce n'est pas seulement cela. Ça comprend beaucoup d'autres sphères pour l'étudiant. Ce n'est pas juste l'atteinte du diplôme qui est symbole de réussite des études collégiales. Puis, ensuite, on regarde... Si on regarde, premièrement, pour le temps, donc, on sait que, parfois, l'orientation... En arrivant, à 17 ans, au cégep, ce n'est pas nécessairement certain qu'on sait ce qu'on veut faire exactement dans la vie. Oui, il peut y avoir des erreurs de parcours. En technique, bon, la première année, ce n'est pas nécessairement ce qu'on voulait; alors, on s'en va en sciences de la nature pour ne pas se fermer de portes, mais on se rend compte dès la première session que, non, ça ne convient pas à ce qu'on voulait. Donc, à ce niveau-là, on croit qu'on ne peut pas encadrer ça exactement dans le temps. Ensuite, on sait qu'il y a des étudiants qui préfèrent prendre moins de cours pour pouvoir se permettre de travailler, d'amasser des sous. Ensuite, donc, pour nous, la réussite des études collégiales, ça passe par de l'implication dans son milieu. Donc, on considère que ça devrait être compris dans la réussite par les collèges.

Pour ce qui est des plans de réussite, pour nous, le seul but que pourraient avoir les plans de réussite, c'est aider les étudiants à réussir. Donc, c'est simple, puis ça passe par faire tout d'abord un état de situation, trouver des solutions préconisées, en faire la mise en application, puis aussi aller chercher les ressources nécessaires pour arriver à augmenter la réussite des étudiants. Il faut donc se doter de moyens, et c'est sur cela qu'on doit mettre l'accent. Donc, les moyens qui doivent être mis en place pour améliorer la réussite des étudiants et non pas des objectifs de taux de réussite.

On croit aussi que ça doit se faire par programme, pour la spécificité, pas selon un processus très, très lourd, donc qui implique une évaluation complète selon la PIEP, qui est politiques institutionnelles d'évaluation des programmes, mais selon quand même un certain cadre qui nous permettrait d'évaluer le programme donc, puis d'évaluer la réussite dans le programme. On ne veut pas que ça prenne 10 ans à mettre en place le plan de réussite pour l'ensemble du collège.

Puis, une fois que tout ça est fait, on croit donc qu'on peut implanter des mesures. Pour nous, des mesures qui peuvent aider la réussite des étudiants, c'est soit l'encadrement des étudiants qui arrivent au cégep ou qui sont en difficulté, l'implantation des centres d'aide. Bon, il y a beaucoup, beaucoup de centres d'aide en français dans l'ensemble du réseau collégial, mais ça peut se faire dans d'autres matières. Ça peut se faire aussi par tutorat, par les pairs qu'on appelle parfois, donc les étudiants qui sont plus forts qui aident les plus faibles, dans l'ensemble des matières.

Les services d'orientation. Pour nous, c'est très important de mettre tout en oeuvre pour pouvoir orienter l'étudiant. On sait que ça doit s'implanter dès le secondaire très, très fort, mais, en arrivant au cégep, ça doit être encore très présent.

Plus de périodes d'encadrement pour les professeurs, donc plus de ressources mises à la disponibilité des professeurs pour qu'ils puissent encadrer les étudiants hors cours.

Aussi, l'installation des locaux disponibles pour les étudiants. Ça peut paraître simple, mais, souvent, il n'y a pas beaucoup de locaux nécessairement dans les cégeps. Nous, ce qu'on croit, c'est que c'est important pour les étudiants d'avoir un endroit pour se réunir par programme, donc où ils peuvent échanger, faire leurs travaux ensemble, s'entraider.

Ensuite, faire des sondages auprès des étudiants en difficulté pour savoir c'est où qu'ils ont accroché: Est-ce que c'est un problème d'orientation? Est-ce que c'est un problème de gestion de temps? Est-ce que... Bon, il y a plusieurs choses qui entrent en ligne de compte.

Les services de psychologie pour les cas de crise.

De l'encadrement pour permettre aux étudiants en technique... bien, permettre... les inciter à finir leurs cours généraux avant de quitter le cégep, on considère que c'est très important. Il y a beaucoup d'étudiants en technique qui, une fois qu'ils ont fini l'ensemble de leurs cours spécifiques, quittent le collège, sont recrutés par les entreprises. Donc, nous, on croit qu'il faut mettre des mesures pour qu'ils finissent leurs cours généraux.

Et finalement, l'installation de tables de réussite et de diplomation dans les collèges, donc des comités regroupant les enseignants, les étudiants, du monde de la direction, le personnel, donc qui vont se pencher sur la réussite dans le collège, donc que ce soit vraiment implanté dans l'ensemble du réseau.

Finalement, ce qu'on considérerait qui serait une mesure intéressante à faire, c'est que les collèges s'échangent un petit peu les listes de matériels ou de ressources qu'ils vont mettre à la disponibilité des étudiants afin qu'il y ait une propagation des meilleures idées entre les cégeps pour faire les meilleurs plans de réussite à l'ensemble du collégial.

Au niveau plus national, on considère qu'on devrait se pencher sur le ratio des professeurs-élèves. Donc, des classes de 40, pour nous, ce n'est pas une bonne façon pour réussir ses cours. Ça ne permet pas une approche très, très personnalisée. Puis c'est sûr qu'on est conscient que ça dépend des cours, ça dépend des programmes, ça ne peut pas être partout la même chose, de la même façon. Toutefois, on croit qu'il devrait y avoir un barème qui soit établi un peu plus bas pour éviter que des étudiants se retrouvent vraiment à beaucoup dans des classes, donc qu'il y ait des limites imposées. Ce n'est pas agréable de se retrouver à 42 dans une classe, ce n'est pas nécessairement la meilleure chose à faire. Lorsqu'il y a des périodes pratiques, souvent ça cause des problèmes, il y a des manques de matériel. Donc, là-dessus, on croit qu'il y aurait un travail à faire dans l'ensemble du réseau.

Ensuite, on demande un comité national sur la réussite, donc au niveau vraiment national. Ça a déjà existé, donc on demande que ce soit remis en oeuvre et que ça regroupe l'ensemble des acteurs au niveau collégial, donc autant des enseignants, le ministère, des étudiants, puis des directions de collèges.

Finalement, on considère que les plans devraient être revus aux trois ans, donc vraiment refaits aux trois ans pour s'adapter, mais, quand même, qu'il y ait des révisions annuelles. Donc, selon la table de réussite et de diplomation qu'il y aurait dans les collèges, donc, qu'il y ait une révision, évaluation, mais que, aux trois ans, ce soit vraiment revu en entier.

Pour ce qui est de la mise en application, on a beaucoup de peurs à ce niveau-là. On a peur que les collèges, au lieu de mettre des plans en place... bien, on sait que les plans sont déjà en place, mais... donc, qu'en mettant les plans en place il y ait une guerre pour aller attirer les meilleurs étudiants, donc avoir des meilleurs taux de réussite, et non pas que ça passe par l'amélioration globale des taux de réussite dans l'ensemble du réseau collégial. Donc, on ne veut pas que les collèges se fassent de la compétition, on veut qu'ils aident leurs étudiants à réussir, les étudiants qui évoluent dans leur milieu. Donc, pour cela, on se dit: Les collèges ne devraient pas se comparer au réseau mais bien à eux-mêmes, pour améliorer, puis pas juste au niveau du taux de réussite mais vraiment au niveau de la réussite de leurs étudiants, de leur implication dans leurs études. Donc, là-dessus, on croit qu'il ne devrait pas y avoir des campagnes de publicité des cégeps, des campagnes de recrutement, de promotion, mais bien que c'est un travail qui est fait par les orienteurs, d'orienter les étudiants vers le programme qu'ils doivent aller, puis que les informations devraient se faire plutôt sur les programmes, donc pour éviter vraiment que les cégeps aillent rechercher un bassin de clientèle très, très fort, ce qui augmenterait leur taux de réussite, puis que d'autres cégeps aillent chercher vraiment un bassin des effectifs étudiants plus faible.

n(21 h 40)n

Au niveau du financement, pour nous donc, on ne croit pas que ça doit être un financement qui est conditionnel à l'atteinte des objectifs. On croit que le financement doit seulement être là pour aider les cégeps à mettre en place leurs moyens, donc non conditionnel. Mettre une version conditionnelle, ça ne fait qu'amener pour nous une disparité dans le réseau, donc les collèges qui vont réussir à atteindre les objectifs vont avoir plus de financement, donc ça crée automatiquement un débalancement. Donc, ça doit être non conditionnel, ça ne doit que se baser sur les moyens que les collèges mettent en place. Puis, ensuite, bon, on croit qu'il faut donner le plus de moyens possible aux collèges pour pouvoir mettre en place ces moyens-là, c'est évident, donc de leur donner les ressources nécessaires.

Pour ce qui est du projet de loi en tant que tel, c'est sûr qu'on est en accord avec les plans, le principe des plans de réussite. Toutefois, on espère que les collèges seront dans l'obligation de produire des plans de réussite qui vont vraiment convenir aux besoins des étudiants, donc non pas à se valoriser qu'ils ont augmenté leur taux de réussite, mais vraiment qu'ils vont aller encadrer les étudiants, les aider à mieux réussir. On trouve que le projet de loi est quand même large, donc on espère qu'il va y avoir un suivi serré pour s'assurer que les projets de loi qui sont mis en place conviennent vraiment réellement à ce qu'on a de besoin à l'ensemble du réseau.

Donc, en conclusion, je rappellerai qu'il est important de tabler sur les moyens et non pas sur les résultats à prime abord. Par contre, donc, l'incorporation dans la loi, selon nous, devrait avoir un cadre réglementaire plus précis et avec un financement non conditionnel. Puis je vais finir sur une petite note, que, pour nous, il est vraiment important à prime abord d'enlever l'habilitation de la loi en même temps que de promouvoir la réussite, ça se fait très bien selon nous. Donc, on croit que l'ensemble de la communauté collégiale s'entend sur ce point que le petit pas à faire n'est vraiment pas grand. Voilà, ça termine.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Simard (Richelieu): Oui. Je ne parlerai pas de l'habilitation en commençant ni en terminant parce que ça n'a pas beaucoup de chose à faire avec ce qu'on fait ce soir. Je vous signale en passant que l'habilitation existe peut-être théoriquement; légalement, il est une possibilité, mais qu'il n'y a aucune habilitation de faite au Québec, qu'il n'y en aura pas. Et revenons au plan de réussite.

J'ai beaucoup apprécié non seulement le point de vue très rafraîchissant que vous avez présenté, mais également les propositions de mesures et surtout ce souci constant que tout cela se fasse en fonction de la réussite des élèves. Votre souci à vous, c'est que ça aide à la réussite des élèves. Il ne faut pas limiter la réussite ? vous avez raison ? simplement à la diplomation, mais vous êtes d'accord avec nous pour dire que diplômé c'est bien pratique aussi. Et tous ces étudiants qui n'arrivent pas à la diplomation, ce n'est quand même pas l'idéal... ce n'est quand même pas leur rêve de ne pas diplômer. Il faut introduire également ? vous avez raison ? dans les plans stratégiques, les plans de réussite d'autres dimensions que les notes, d'autres dimensions que la diplomation. Il y en a plusieurs dont vous avez parlé qui sont importants. Et je crois que votre apport, votre approbation des grands principes du projet de loi et vos suggestions viennent nous confirmer que c'est une bonne piste.

Là où j'aimerais avoir peut-être davantage vos lumières, c'est au sujet de ce que vous... Non, peut-être vous poser une question. Vous dites: L'augmentation de la réussite ne passe pas exclusivement par un meilleur taux de diplomation; les étudiants non diplômés acquièrent aussi des compétences ? personne n'en doute. Mais est-ce que vous ne pensez pas que le diplôme, c'est quand même un passeport assez important pour une vie professionnelle qu'il faille s'y intéresser aussi et de façon sensible?

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Oui, on est d'accord que le diplôme, bon, ça, ça rentre dans le cheminement, puis que les étudiants ne rentrent pas au cégep en disant: Je ne veux pas obtenir mon diplôme. Toutefois, ce qu'on dit, c'est que... souvent, on a l'impression que les cégeps s'accordent là: mon taux de réussite, mon taux de réussite, mon taux de réussite, puis qu'il y a rien que ça qui compte. Toutefois, dans le cheminement de l'étudiant, oui, parfois, il y en a qui ont des parcours différents, puis on croit qu'il ne faut pas seulement regarder ceux qui vont, tu sais, avoir comme seul objectif que tous les étudiants diplôment en deux ans, aient tous leurs cours. Il y a autre chose qui rentre dans la réussite des études collégiales, selon nous. En fait, ce n'est pas vraiment que le diplôme n'est pas important, c'est que tout ce qui est autour est aussi important, donc s'impliquer dans son milieu, il y a des périodes d'orientation. Ça compte dans le cheminement. Ça compte dans le cheminement d'un jeune, d'un étudiant qui est au cégep. Donc, oui, il y a le passage sur les cours, les devoirs, puis tout ça, mais il y a aussi tout le parascolaire qui peut entourer ça, toute l'implication dans son milieu, puis tout le cheminement personnel qui peut se faire pendant qu'on est au cégep, puis on croit qu'il ne faut pas le dévaloriser par rapport au taux de réussite.

M. Simard (Richelieu): Vous suggérez la création d'un comité national sur la réussite avec la Fédération des cégeps, les fédérations enseignantes, le MEQ, la FECQ évidemment. Il y a une expérience comme celle-là qui a déjà été tentée, mais ça n'a pas eu beaucoup de succès. Ici, l'accent est mis dans le projet de loi ? et, dans notre perspective en tout cas, ça devrait être ça ? sur chacun des collèges, hein, sur la réalité, la première phrase du projet de loi, sur «la situation du collège». Il est difficile... Plusieurs intervenants dans une autre perspective ont dit qu'il fallait évidemment avoir des orientations nationales, mais c'est d'abord un travail local, c'est face à soi-même, face aux moyens dont on dispose, aux objectifs du milieu, aux ressources que l'on a entre les mains qu'un collège peut se fixer des objectifs qui ont quelque chance d'être réalisés, atteints. Alors, pour vous, qu'est-ce que ça apporterait de plus, cette table, ce comité national sur la réussite?

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Bien, en fait, on veut la même chose ? peut-être pour répondre tout d'abord au point de décentraliser des plans de réussite ? on veut la même chose au niveau local justement parce qu'on croit que les plans de réussite doivent vraiment se coller à la réalité de chaque collège. Toutefois, on croit que ce serait une bonne piste de se pencher vraiment au niveau national. Les cégeps, c'est quand même un réseau. Ce n'est pas 48 petits points totalement différents dans l'ensemble du Québec. Il y a des particularités pour chacun des cégeps, il y a des choses qui se ressemblent, là. Quand on parle justement des taux de diplomation, puis tout, ça se ressemble un peu partout. Puis il y a des raisons qui sont quand même semblables pourquoi les étudiants ne réussissent pas nécessairement dans l'ensemble du réseau. C'est pour ça qu'on pense qu'au niveau national on peut y réfléchir, à des solutions plus globales, pour l'ensemble du réseau, donc des solutions pour permettre aux étudiants de réussir dans l'ensemble des cégeps de la province puis que le même travail doit se faire au niveau local, de façon plus spécifique.

M. Simard (Richelieu): Au printemps, il y aura, vous le savez, un colloque sur la réussite. Je pense que cette idée que vous proposez, ce serait bon de la tester auprès des participants de ce colloque-là, puisque vous serez évidemment invités à participer à ce colloque sur la réussite. Alors, ça pourrait être intéressant. Nous, on aura notre... peut-être... Je ne sais pas, mais, nous aussi, on se donnera un test de réussite à ce moment-là, j'ai l'impression. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

n(21 h 50)n

M. Simard (Richelieu): En tout cas, dans notre plan stratégique, il y a quelque part dans cette période-là peut-être quelque chose.

M. Chagnon: Parce que, plus le temps avance, plus les choses deviennent intéressantes.

M. Simard (Richelieu): C'est ce que je trouve aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard (Richelieu): Écoutez, moi, c'est les questions que je voulais vous poser.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): D'accord.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que quelqu'un d'autre de ce côté-là a des questions? M. le député de Westmount?Saint-Louis, vous avez des questions?

M. Chagnon: Oui. Bien, c'est toujours un plaisir de recevoir Mme Fauteux-Lefebvre ici, ce n'est pas la première fois. C'est comme Mme Rioux tout à l'heure, Mme Rioux me disait que c'était la deuxième fois qu'elle venait. Mais, vous, au moins, ça fait au moins deux fois, peut-être trois, ici.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): À la commission de l'éducation, c'est la deuxième fois.

M. Chagnon: La deuxième fois. Bon, c'est la deuxième fois aussi. C'est toujours plaisant de vous recevoir.

M. le député de Richelieu disait: C'est rafraîchissant d'avoir cette étudiante ? si je me souviens bien, du cégep de Trois-Rivières ? qui vient nous dire ce qu'elle pense et ce que pense son organisation, aujourd'hui, du plan de réussite, du projet de loi n° 123 qui touche le plan de réussite et aussi le plan stratégique des collèges. Mais dites, vous êtes... Dans votre collège à Trois-Rivières, une des questions qui a été posée, c'était... Puis c'était intéressant, on pourrait peut-être se servir de vous un peu comme cobaye, si vous nous le permettez un peu. On a parlé à un moment donné de la consultation. Et, vous, dans le cégep de Trois-Rivières, est-ce que vous avez été consultée pour le plan stratégique du collège de Trois-Rivières?

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Lorsque j'étais... Bon, c'est sûr que, maintenant, je ne suis plus vraiment au cégep de Trois-Rivières, là.

M. Chagnon: Ah! vous êtes partout, là, si je comprends bien, là. Je vous vois partout, moi, en tout cas.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Ha, ha, ha! Lorsque j'étais, auparavant, au cégep de Trois-Rivières, que je m'impliquais localement, je me souviens que, en commission des études, on a pu voir passer à un moment donné une partie de plan de réussite, mais je ne me souviens pas... je n'ai pas souvenance d'avoir été consultée, là, sur la mise en place du plan de réussite comme tel. Ça a passé, ça a dû être adopté, ça a passé, mais une fois que c'était pratiquement tout fait puis seulement sur un programme.

M. Chagnon: Est-ce qu'il y a des étudiants du... Il y a évidemment des étudiants du cégep de Trois-Rivières qui sont membres du conseil d'administration du cégep. Votre relation, vous, comme FECQ, avec les étudiants qui sont membres des conseils d'administration pour justement, par exemple, s'assurer de ce que vous considérez comme étant important dans un plan stratégique, c'est quoi, cette relation-là? Comment ça se passe?

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Bien, en fait, c'est sûr que tous nos membres, on les rencontre. On rencontre les exécutifs des associations étudiantes. Puis les positions qu'on vous amène là, c'est des positions qui viennent directement des étudiants, donc directement des associations étudiantes, puis ça se propage.

M. Chagnon: Ce n'est pas l'osmose qui vous amène ici? Ma question, c'est: Par rapport à vos collègues qui sont sur des conseils d'administration de cégeps puis qui ont eu à vivre sur les conseils d'administration ces questions-là qui touchent d'abord l'adoption d'un plan stratégique ou, éventuellement, d'un plan de réussite, ils ont dus être consultés, ils ont été plus à même...

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Oui.

M. Chagnon: Ils ont pris la décision, donc ils ont été plus que consultés, ils ont pris la décision.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Mais, souvent, lorsque ça arrive en conseil d'administration, le gros du travail a été fait là. Ça arrive en conseil d'administration, oui, à ce moment-là, souvent en commission des études, soit en conseil d'administration, les étudiants qui y siègent peuvent dire leur avis. Ça ne veut pas dire qu'ils vont pouvoir nécessairement aussi faire changer la balance de bord, là. On sait que c'est deux...

M. Chagnon: Comment on devrait faire ça, une consultation d'étudiants dans un cégep sur le plan de réussite ou sur le plan stratégique?

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Moi, je me souviens d'avoir participé à celle sur, mettons, la PIEA, dans mon cégep.

M. Chagnon: Oui, je me rappelle.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Donc, c'est simple, c'est de former un comité avec des étudiants. Ce n'est pas compliqué, on forme un comité, on prend, bon, deux étudiants, deux professeurs, deux membres de la direction, des fois il y a du personnel...

M. Chagnon: C'est l'arche de Noé.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Ha, ha, ha!

M. Chagnon: C'est le principe de l'arche de Noé.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Oui, ou ça peut être un. Donc, c'est des comités qui se réunissent puis qui évaluent de quelle façon un plan de réussite pourrait être mis en place, qui évaluent un peu les problématiques. Les étudiants peuvent amener un côté étudiant. Le corps professoral amène du côté des enseignants, eux, comment ils voient ça, puis, ensemble, bien, on croit que ces petits comités là peuvent établir d'ailleurs un plan.

M. Chagnon: Vous étiez plusieurs centaines... et vous êtes encore plusieurs centaines d'étudiants au cégep de Trois-Rivières. Si vous faites une consultation, j'imagine que vous cherchez à regrouper le plus grand nombre d'étudiants possible.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Oui.

M. Chagnon: Comment vous faites ça?

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): On a des processus qui s'appellent les assemblées générales puis les référendums.

M. Chagnon: Oui, ça, c'est bien beau, mais, pour faire un plan...

M. Simard (Richelieu): ...

M. Chagnon: ...pour faire un plan stratégique, ce n'est pas évident comme formule.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): C'est pour ça que les associations étudiantes ont des exécutifs élus, elles ont plusieurs... Ça dépend. Bon. Vous me ramenez beaucoup au cégep de Trois-Rivières. Je peux vous ramener exactement comment on fonctionnait dans mon...

M. Chagnon: Amenez-moi où vous voulez, remarquez.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Dans mon association étudiante locale, ce n'était pas compliqué: on avait des représentants de chaque concentration qui siégeaient sur un conseil d'administration de l'association étudiante, puis, pour aller chercher ce genre d'avis là, de type... bien, ces avis-là, on fonctionnait en les consultant, eux, qui consultaient directement leurs pairs dans leur classe. Donc, ça pouvait se passer comme ça. On pouvait faire des sondages aussi, ça se fait beaucoup, des sondages, au niveau des associations étudiantes. Donc, on passe dans l'ensemble des classes, on fait des tournées de classes. Un exécutif d'association étudiante, ça, c'est son travail au jour le jour.

M. Chagnon: Est-ce que des associations étudiantes font une consultation sur le niveau de satisfaction des étudiants quant à la qualité de leurs cours, quant à leur formation, quant à ce qu'ils reçoivent ou ce qu'ils attendent comme services d'un collège, puis ce qu'ils reçoivent?

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Je ne peux pas vous dire actuellement l'ensemble des sondages qui peuvent être faits par les associations étudiantes dans les cégeps. C'est des démarches, des fois, qui sont entreprises. Souvent, je vais vous dire que les associations étudiantes consultent leurs étudiants sur qu'est-ce qui ne fait pas leur affaire dans leur cégep, qu'est-ce qu'elles pourraient faire pour les aider. Donc, ça concerne tant l'éducation qui leur est donnée, donc les cours, mais surtout beaucoup les services administratifs souvent parce que c'est là-dessus que les associations étudiantes travaillent souvent, avec la direction, à améliorer les services. Donc, on travaille là-dessus. Si on revient au plan de réussite, c'est assez simple d'aller consulter les étudiants, puis c'est aux exécutifs des associations étudiantes locales, donc, à représenter les intérêts de leurs étudiants puis à aller chercher ce que eux veulent.

M. Chagnon: Est-ce que, vous, comme étudiante, vous êtes satisfaite du niveau de diplomation ? on va aller directement à cette question-là ? diplomation que l'on retrouve dans les collèges?

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Bien, c'est sûr qu'on ne peut pas dire que c'est l'idéal. On sait que les taux de diplomation ne sont pas nécessairement élevés. C'est sûr qu'il y a un barème, mais dire qu'est-ce qui est élevé, qu'est-ce qui est bas. Ce qu'on croit, c'est que les plans de réussite donc doivent être instaurés. On y croit, aux plans de réussite, on croit qu'il faut améliorer la réussite des étudiants. Les étudiants qui sont au cégep sont là pour réussir, selon nous, puis, oui, au bout du compte, pour avoir un diplôme la majorité du temps. Je ne connais pas beaucoup d'étudiants qui sont entrés au cégep en se disant qu'ils n'auraient jamais leur diplôme. Donc, nous, on croit à l'importance des plans de réussite, mais surtout à l'importance d'établir des moyens pour aider les étudiants à réussir. Donc, il y a vraiment à mettre en place des moyens dans l'ensemble du réseau collégial, tant au niveau de l'orientation... On ne croit pas qu'un étudiant... qu'il est anormal qu'un étudiant se trompe en début de parcours. Donc, à 17 ans, on croit que c'est une chose normale, puis on ne croit pas que tout passe par la diplomation. D'ailleurs, on voit beaucoup que les étudiants s'impliquent dans leur milieu, donc tout ce qui concerne l'implication étudiante tant au niveau parascolaire, en dehors des cours, en dehors même du cégep, dans la communauté de leur ville.

M. Chagnon: Est-ce qu'il y a parfois chez les étudiants un raisonnement qui se fait quant à l'importance du réinvestissement qui pourrait être fait dans le milieu des collèges si on réussissait, par exemple, à assumer une diplomation plus rapide? En prenant pour acquis qu'il y a, quoi, 1,3 milliard qui est investi dans les collèges, si on avait une diplomation plus rapide, est-ce que ça pourrait avoir un effet pour amener plus de services aux étudiants qui sont déjà là? Parce que, évidemment, si vous prenez trois, quatre ans pour faire un cours qui, en principe, devrait en prendre deux, ou cinq, qui pourrait en prendre deux, ça coûte plus cher. Si ça coûte plus cher... si vous le faisiez... En fait, c'est une forme de charité chrétienne, pour reprendre une vieille expression. Si vous utilisiez moins de temps, il y aurait plus d'argent pour tout le monde.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Je considère que l'éducation, c'est un service public...

M. Chagnon: Oui, oui.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): ...donc qui est offert à l'ensemble de la population et qu'il ne faudrait surtout pas pénaliser les étudiants qui peuvent prendre plus de temps.

M. Chagnon: Non, mais l'idée, c'est le contraire; c'est les étudiants qui prennent plus de temps qui pénalisent ceux qui en prennent moins ou qui, finalement, pourraient en prendre moins.

n(22 heures)n

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Il faudrait faire les calculs vraiment, là. Un étudiant qui... Bon, c'est sûr qu'un étudiant qui est dans le réseau...

M. Chagnon: Je vois que... j'ai des réactions... Ha, ha, ha! Mais il faudrait le calculer, il faudrait s'amuser à... le prof de maths, justement, pourrait s'amuser à calculer ça.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Le milieu collégial, selon nous...

Une voix: ...

M. Chagnon: C'est vrai, c'est en plein ça. Tu as raison.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Le milieu collégial, selon nous... l'étudiant est là pour apprendre, donc on doit mettre toutes les ressources disponibles pour ça. L'éducation, l'ensemble des citoyens du Québec s'entendent pour dire souvent que c'est un des services publics qui est important. Donc, oui, il faut investir.

M. Chagnon: Mon exemple n'était pas bon. Et j'avoue tout de suite que... j'en ai vu quelques-uns qui avaient raison de... Mais vous mentionniez tout à l'heure que, des ratios, vous aimeriez voir moins d'étudiants par prof puis avoir, au lieu de 1-40, 1-42 dans certains cours... C'est une règle de trois là, puis ce n'est pas une question de comptabilité, uniquement de comptabilité. Si on avait plus d'étudiants qui réussissaient plus vite, on aurait probablement plus de chances d'avoir moins d'étudiants par prof parce qu'on aurait plus d'argent à investir.

Mme Fauteux-Lefebvre(Clémence): C'est très mathématique là, mais je vous dirais...

M. Chagnon: C'est le syndrome Hygrade, hein.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Oui, c'est sûr que je ne peux pas vous contredire, que, s'il y a plus... Mais, toutefois, ce qui est important, c'est sûr que... Comme je vous l'ai dit, nous, on croit qu'il faut promouvoir la réussite. On ne croit pas qu'il faut promouvoir que les étudiants restent six ans au collégial, ce n'est pas nécessairement... Toutefois, on est conscient qu'il y a des erreurs de parcours, puis tout, mais, toutefois, un étudiant qui reste cinq ans, ce qu'on croit, nous, c'est qu'il y a eu un problème dans son cheminement, et ce cheminement-là, bien, il faut l'améliorer, il faut y mettre plus de service d'orientation, plus de moyens, plus de ressources, plus d'encadrement.

M. Chagnon: ...qu'il ne faut pas l'abandonner là, hein, on s'entend là-dessus.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): C'est ça. Donc, en y mettant plus de ressources, l'étudiant va arriver à ses fins plus facilement, mais... plus facilement, non, pas nécessairement plus facilement. Personnellement, il va peut-être avoir plus d'effort à y mettre, toutefois il risque d'arriver à ses fins. Puis, de cette façon-là, bien, on va y arriver.

M. Chagnon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquin): Alors, est-ce que ça complète? Merci beaucoup, Mme la représentante de la Fédération étudiante collégiale du Québec.

Nous allons suspendre les travaux pour cinq minutes afin de permettre de délier les jambes un peu, puis on va recommencer. Et je recommencerai dans cinq minutes, le chronomètre commence.

(Suspension de la séance à 22 h 3)

 

(Reprise à 22 h 7)

Le Président (M. Paquin): Alors, nous reprenons nos travaux. À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite maintenant la Fédération autonome du collégial, MM. Daniel Lauzon, Jean-Claude Drapeau, Alain Dion, s'il vous plaît. Alors, si vous voulez m'indiquer qui est qui, et la parole est à vous.

Fédération autonome du collégial (FAC)

M. Lauzon (Daniel): Oui. Alors, M. le Président, Mmes, MM. les députés, M. le ministre. Mon nom est Daniel Lauzon, je suis président de la Fédération autonome du collégial. Je suis accompagné ce soir de Jean-Claude Drapeau, qui est à ma gauche, et de M. Alain Dion, qui est vice-président communications, chez nous. M. Drapeau est vice-président pédagogie.

Alors, assez rapidement, une présentation de notre Fédération, et on l'a déjà fait ici, dans la commission parlementaire. Notre Fédération représente 4 000 enseignants partout sur le territoire québécois, 18 syndicats dans toutes les régions du Québec, à Montréal aussi, dans la grande métropole de Montréal, et un syndicat qui a été fondé il y a 15 ans et qui a toujours cherché à représenter ses membres dans ses positions, mais aussi par ses élus, alors les gens qui représentent les membres de la Fédération sont toujours des élus professeurs qui sont libérés de leur enseignement pour une période maximale de quatre ans pour occuper des postes à la Fédération et qui, au bout de ces quatre années, retournent à l'enseignement. Alors, M. Dion est là pour une première année, M. Drapeau pour une troisième, et moi pour une quatrième, alors, c'est ma dernière année à la tête de la Fédération.

Et ça me fait plaisir de pouvoir être ici aujourd'hui pour venir vous entretenir du projet de loi n° 123. C'est toujours un plaisir de répondre à une invitation de venir discuter d'éducation. Nos membres ? vous le comprendrez ? sont toujours friands de ces discussions-là, au local comme au national. Et, lorsqu'on est invité à venir discuter d'un sujet aussi important pour nos membres que la réussite, on y répond, on y répond même si le temps qui nous est donné pour préparer ce genre de mémoire est un peu court. Quand même, sur ce dossier-là, il y a évidemment beaucoup de boulot déjà accompli chez nos membres.

n(22 h 10)n

Alors, la FAC est toujours reconnue aussi, je pense, pour ses positions très claires, ses positions sans détour, et, encore une fois, dans le mémoire qu'on vous a déposé, c'est ce qu'on a fait. Ce mémoire-là témoigne bien aussi de l'implication de nos membres comme professionnels de l'enseignement, comme citoyens, comme parents, comme contribuables aussi, et on espère pouvoir en discuter avec vous dans les prochaines minutes.

Avant de céder la parole à mon collègue Drapeau pour la présentation du mémoire, la FAC voudrait poser à ce moment-ci un geste symbolique en remettant au ministre et à M. Chagnon ainsi qu'aux membres de la commission une copie du manifeste sur l'éducation adopté par nos membres et publicisé dans... rendu public dans les derniers mois. Donc, on a, pour tous les membres de cette commission, un document, un manifeste sur l'éducation, la position des membres de la FAC sur l'éducation comme bien commun, ainsi qu'une affiche pour tous les membres. On en remettra des copies à Mme Léonard pour tous les membres de la commission.

Le Président (M. Paquin): Question: Est-ce que...

Une voix: Vous le faites en novembre?

M. Lauzon (Daniel): C'est Noël, on n'arrive jamais les mains vides à la FAC dans le temps des fêtes.

Le Président (M. Paquin): Alors, question: Est-ce que c'est un document que vous déposez à la commission ou est-ce que c'est simplement un présent pour chacun des membres qui y sont présents?

M. Lauzon (Daniel): C'est une vision dont on fait cadeau aux membres de la commission et qu'on aura le plaisir de discuter avec eux simplement lorsqu'on nous en offrira l'occasion.

Le Président (M. Paquin): Alors, vous avez fait deux cadeaux: d'abord, vous avez donné à chaque membre la chose en question, mais vous avez surtout soulagé notre secrétaire qui ne voyait pas très bien comment elle pouvait prendre ce document et le placer dans les registres.

M. Lauzon (Daniel): Je comprends que tout le monde est content.

Le Président (M. Paquin): Voilà.

M. Lauzon (Daniel): Bravo! Alors, on a rendu des gens heureux. Alors, Jean-Claude.

M. Drapeau (Jean-Claude): Alors, à mon tour d'amener des éléments qui, me semble-t-il, doivent tenir compte nécessairement du fait qu'on a trouvé important d'être présents dès le départ cet après-midi. Dès le départ de la commission, on a pu entendre les propos de M. Simard cet après-midi et on a trouvé ça important de pouvoir entendre chacun des groupes qui se présentaient aujourd'hui, parce que, s'il y a quelque chose qui nous apparaît fondamental, c'est de parler de ce qu'on fait comme travail de tous les jours comme profs, se préoccuper de la réussite, de la diplomation, du succès, de l'éducation et de la formation.

Donc, je pense que... important de préciser une chose ce soir, dans notre présence, il y a comme une espèce de joute qui se joue, au sens sportif du terme, puisqu'on a parlé de compétition aujourd'hui, et donc c'est une joute, selon nous, qui se joue où l'initiateur, comme ministre, vous avez choisi le projet de loi n° 123 pour nous mettre la table, et, nous, en regard de ça, on a des remarques qui sont importantes dans cette joute, et vous serez les juges autour de cette table de la valeur de nos propos.

Cependant, d'entrée de jeu, je vais mentionner ceci. Peut-être que je n'ai pas les propos exacts que vous avez donnés, M. le ministre, mais c'est important, je pense, que je les dise. Vous avez mentionné que l'évolution qui est concernée par le projet de loi n° 123, c'est quelque chose de fondamental en termes d'amélioration. Nous, on est d'accord qu'il faut chercher à améliorer la diplomation. On n'est pas d'accord avec le moyen, on va vous préciser tout à fait pourquoi tout à l'heure. Mais vous avez mentionné que c'est important de tenir compte des effets pervers, mais il ne faudrait pas tomber d'une certaine façon dans la caricature puis avoir un esprit mal tourné puis qui ferait perdre de vue le sens des propos.

Nous, on veut vous dire qu'on ne sait pas à qui ces propos s'adressaient, mais on ne les reçoit pas à notre égard. En tout cas, on veut vous le dire. Notre objectif, même si on n'a pas la même vision que vous sur la finalité de l'éducation et de l'enseignement collégial sous-tendue par le projet de loi, on partage entièrement les préoccupations de la commission et du ministre de l'Éducation en regard de la réussite, de la diplomation et du contexte de travail que doit être une maison d'enseignement que sont les cégeps. Et c'est à cet égard-là que nous avons des choses qui nous motivent à rejeter ce projet de loi.

D'ailleurs, je prendrai juste une phrase du document qu'on vous a remis tout à l'heure, notre manifeste, où on cite Riccardo Petrella dans L'éducation, victime de cinq pièges, où on dit: «Loin d'être une arme au service de la conquête des marchés et de l'élimination des concurrents, l'éducation doit être un moyen de promouvoir la création d'une richesse commune mondiale.» Vous allez nous dire: Où est-ce qu'on prend ça? Bien, au Comité national des programmes, le CNPEPT, ce matin, on nous avait déposé préalablement la planification stratégique 2003-2006 qui est en réflexion présentement au ministère de l'Éducation, et une des premières orientations qu'on y trouve, c'est d'assurer le positionnement du Québec dans le peloton de tête des sociétés développées en favorisant chez les individus l'acquisition de connaissances et de compétences essentielles à une participation dynamique à la société du savoir et au marché du travail. Nous en sommes, mais ça ne peut pas être la finalité de notre travail de tous les jours, et on sent, derrière le projet de loi n° 123, que c'est vers ça qu'on veut nous amener ou nous orienter beaucoup trop.

L'autre élément aussi qu'on voudrait vous dire en regard de ce projet de loi là, c'est que, selon nous, il ne permet pas de nous donner les moyens concrets pour améliorer l'enseignement, et c'est ce dont on voudrait parler plus particulièrement ce soir, de toute cette dimension de l'enseignement qui fait la nuance entre la réussite d'un cours et la diplomation en bout de piste, et on va y revenir tout à l'heure. Donc, nous, ce qu'on vous mentionne, c'est que la FAC s'oppose à l'élargissement du mandat de la Commission de l'évaluation en regard de l'enseignement. Du plus, la FAC s'oppose, dans le contexte d'obligation de résultat, à ce que les plans de réussite autant que les plans stratégiques soient intégrés dans la loi dans leurs visées actuelles.

Un dernier élément avant d'aller plus spécifiquement dans notre argumentaire, en regard de la compétition. Je vais me permettre de faire comme Nellie tout à l'heure qui référait à son domaine d'expertise, je vais référer à mon domaine d'expertise comme prof où, en quelque part, on a à travailler... où j'ai à travailler avec les jeunes en regard du concept de la compétition, de la coopération et de la compétition-coopération qui est espèce de point central qui permet, en bout de piste, l'émulation, qui est ce que tout le monde, je crois, souhaite, et c'est ce qui vise par... cette forme de compétition-coopération partenariale, c'est ça qu'on sent qui est visé. Ce que, nous, malheureusement, on retrouve avec ce qu'on instaure comme système avec le projet de loi n° 123, c'est la compétition, jugement, domination, contrôle, culpabilisation.

Vous allez nous dire peut-être qu'on charrie. On voit des choses. On ne demande pas mieux que d'être rassurés. Cependant, on va vous dire tout de suite que la côte est déjà à remonter parce que, depuis qu'on parle des plans de réussite puis qu'on a des plans de réussite dans nos collèges, il y a des comportements de nos administrations de collèges qui ont changé, qui nous obligent à changer nos notes et qui nous obligent à avoir des comportements en fonction de l'image qu'on projette. Alors, si ça, ça ne remet pas en question la qualité de notre acte professionnel, si ça, ça ne remet pas en question la qualité de la diplomation qui va aboutir en lien avec ça à terme, là on a des questions sérieuses.

Plus particulièrement, en regard du projet de loi qui concerne la modification à la Loi des collèges, on veut vous dire d'entrée de jeu qu'on n'est pas contre des plans de réussite. Ils n'ont pas besoin d'être légiférés. Mais on est contre les plans de réussite tels qu'ils sont présentement et c'est ceux-là qu'on va légiférer. Pourquoi on est contre? Pour deux raisons en particulier. La première, ces plans-là, les cibles de diplomation qui sont à l'intérieur, on les appelle, dans notre jargon, les cibles Legault. On va se rappeler comment s'est faite l'opération des premiers plans de réussite. Les collèges ont voulu faire, comme M. Boucher a dit, se fixer des objectifs qui étaient réalistes selon ce qu'ils connaissaient de leur milieu. C'est venu au ministère. Le ministère et le ministre ont dit: Ce n'est pas assez ambitieux; ça prend de l'ambition dans la vie, donc donnez-vous des cibles plus réalistes, et il a fixé la hauteur de la barre.

M. Chagnon: Vous n'êtes pas contre l'ambition.

M. Drapeau (Jean-Claude): D'aucune façon. On est pour l'émulation, M. le mi... M. Chagnon...

M. Chagnon: ...un lapsus intéressant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drapeau (Jean-Claude): J'ai dit à mes copains que j'en aurais un puis qui ferait sourire. Mais je me permettrai juste de dire là-dessus que, quand je fais un marathon, je me fixe un objectif qui va me donner la chance d'en faire un deuxième puis un troisième plus tard. Si je me fixe un objectif qui est trop ambitieux, c'est la meilleure façon que j'arrête d'en faire.

n(22 h 20)n

Donc, à cet égard-là, on est pour l'émulation. On est pour des objectifs réalistes. On ne peut pas demander à nos étudiantes et nos étudiants de réussir là où ils ne peuvent pas réussir quand ils arrivent dans nos classes. C'est pour ça qu'on a créé des sessions d'accueil et d'intégration. On a 10 % de nos étudiants qui rentrent maintenant qui sont à ce niveau-là.

Donc, à cet égard-là, il y a des choses qui sont fondamentales par rapport à ça qui se placent actuellement, avec les cibles Legault. On est d'accord avec des plans de réussite. Des plans stratégiques, c'est relatif. La Commission de l'évaluation de l'enseignement collégial ? on va tout de suite anticiper une des questions qui a été présentée ? nous, on a pris position pour la Commission de l'évaluation de l'enseignement collégial qui rend compte à l'Assemblée nationale plutôt qu'au ministre de l'Éducation et donc qui n'a pas à avoir de lien légal avec le ministère de l'Éducation à cet égard, qui joue son rôle-conseil, comme elle le fait présentement et même si des fois ça ne fait pas toujours notre affaire, sur la divulgation, mais on se parle. Mais il y a une chose qui est sûre, on n'a jamais boycotté la Commission de l'évaluation. On a boycotté des choses qui étaient évaluées à ce moment-là par la Commission dans nos collèges pour moyens de pression dans nos négos. On a boycotté l'évaluation institutionnelle, tout le monde sait pourquoi, Et ce n'est pas la Commission qu'on a boycottée, c'est ce processus-là.

Donc, dernier élément pour terminer. Nous, on vous dit, en regard de la réussite et de la diplomation, on pense qu'il y en a, des pistes qu'on n'a pas besoin de légiférer. L'approche-programme... et, pour donner appui à mon propos, je vous dirai que, quand la Commission de l'évaluation de l'enseignement collégial a fait le cumul des plans de réussite, c'est un mandat que le ministre a confié et que la Commission n'avait même pas, et elle l'a fait pourtant. Et, quand on regarde les quatre pages du communiqué produit par la Commission de l'évaluation de l'enseignement collégial, on a une mine d'or extraordinaire, et on découvre les principales causes sur lesquelles il faut travailler pour améliorer la diplomation. La réussite, ça va. La diplomation. Puis amener les étudiantes et le étudiants à rester dans les cours qu'ils ne peuvent pas échouer parce qu'ils ne restent pas dedans. La diplomation.

Et curieusement, on regarde dans les solutions et on y parle de la nécessité de l'approche-programme, pas administrative, pédagogique. Et, nous, on vous dit: Donnez-nous le temps et les moyens de faire du travail interdisciplinaire, donnez-nous ces possibilités-là, on va en faire. On l'a demandé lors de la dernière négociation, d'inclure l'approche-programme dans nos contrats de travail. C'est nous, les fédérations syndicales, qui l'avons demandé sans...

M. Chagnon: Ça veut dire quoi, l'approche-programme?

M. Drapeau (Jean-Claude): L'approche-programme, très simplement, ça veut dire deux choses. D'abord, des programmes qui sont conçus davantage au niveau national pour éviter les tracasseries qu'on a au niveau local après dans l'implantation puis dans la division entre les profs des matières, puis tout ça. Parce que, après, les séquelles pour travailler ensemble, en équipe, là, c'est un effet pervers évident. Puis, deuxièmement, ça veut dire pouvoir s'asseoir ensemble, les profs, pas juste les coordonnateurs de département, là, les profs de ces disciplines-là. Mais, pour être capables de faire ça, ça prend du temps. Et actuellement, et, dans notre avis, vous le trouvez, quand on regarde depuis 1993 tout ce que les profs ont eu à faire, ils vous arrivent présentement puis ils vous disent: Si on ne retrouve pas le temps de revenir à l'essentiel, c'est-à-dire enseigner, bien, on a un problème majeur puis on ne sera pas capables d'améliorer grand-chose. Si on veut être capables d'améliorer des choses... Les profs sont prêts à faire des choses. On a parlé d'une table nationale, nous aussi, pour parler de la réussite et de la diplomation. On est prêts. On est prêts à travailler au local également, sur la réussite et la diplomation, dans un contexte de collégialité, mais, actuellement, on n'a pas ces contextes-là. On en avait parlé en septembre, et on ne les a pas.

Alors, pour conclure, si vous permettez.

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît.

M. Drapeau (Jean-Claude): Nous, les profs, on trouve que, dans ce projet de loi n° 123, nous sommes ciblés directement dans le contrôle à l'égard des profs, ce qui fait de la peine à bien des gens. Et M. Gaëtan Boucher, cet après-midi, vous l'a dit également, et vous l'avez dans le verbatim: L'imputabilité doit être à la fois pas juste des administrations de collèges, mais aussi des profs, y compris dans leurs classes. Alors, c'est ce que M. Boucher a dit cet après-midi. Alors, c'est ça que, nous, on sent que sont les intentions en quelque part derrière ce projet de loi là et, si ce n'est pas ça, on ne demande pas mieux que d'être rassurés.

Le Président (M. Paquin): Alors, bien que vous ayez déjà entamé votre temps de questions, M. le député de Westmount?Saint-Louis, je vais demander au ministre s'il veut poser des questions pour commencer, sinon je vais vous donner la parole.

M. Simard (Richelieu): Non, non, je vais quand même poser des questions, si vous me permettez de poser des questions.

Le Président (M. Paquin): Oui, oui. Je vous demande si vous voulez commencer.

M. Simard (Richelieu): Vous me rassurez.

Le Président (M. Paquin): Oui, oui, je vous...

M. Simard (Richelieu): À moins que mon collègue...

Le Président (M. Paquin): Non, mais on est là pour se rassurer, tout le monde, hein.

M. Simard (Richelieu): Je ne voudrais pas vous culpabiliser...

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le ministre, allez-y.

M. Simard (Richelieu): ...provoquer chez vous de l'angoisse professionnelle ? je cite des passages du mémoire.

Écoutez, je vous ai entendus et ce que vous nous avez exprimé est intéressant et, en tout cas, au niveau du contenu, quelques crans au-dessous de certaines des expressions qui émaillent votre mémoire. Je veux en citer quelques-unes pour rappeler ce que vous avez écrit. Vous parlez d'un système «induisant par la bande un système de...», une reddition de comptes qui, «induisant par la bande un système de culpabilité». Vous parlez ? un instant, je vais trouver ? d'«anxiété professionnelle», d'«ingérence amorcée par nos administrateurs». Il y a beaucoup de procès d'intention, M. Drapeau, dans votre texte. Ici: «L'école est-elle au service de l'entreprise et du marché?» Des «faiseux de palmarès». Ici, on a une seule règle de conduite. La joute dans laquelle on est confronté continuellement... on a une joute permanente, qui est la joute parlementaire, mais on essaie, quand c'est possible, de ne pas trop prêter de motifs. Je vois surtout des motifs, c'est-à-dire une méfiance fondamentale à l'égard de tout ce qui est direction...

Une voix: ...

M. Simard (Richelieu): Oui, 35.5, à l'égard de tout ce qui est direction des collèges, ministère de l'Éducation. Il me semble ? c'est une question préalable avant qu'on tombe dans le contenu ? mais il me semble que, derrière votre point de vue sur les plans de réussite, il y a une profonde méfiance à l'égard de tout ce qui est la structure de l'enseignement et particulièrement de l'enseignement collégial.

M. Drapeau (Jean-Claude): Alors, effectivement, il y a une méfiance qui, comme on l'a exprimé dans notre propos ? je vais laisser faire la page à ce moment-ci... Mais on va revenir à 1992-1993 et...

M. Simard (Richelieu): Ah! là, vous pouvez frapper pour ces années-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drapeau (Jean-Claude): Bien sûr, mais on va poursuivre par la suite. Mais, fondamentalement, en 1992...

M. Chagnon: Ça, c'est dans le temps où vous étiez financés comme du monde.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drapeau (Jean-Claude): J'ai les chiffres, je peux vous parler du ratio de professeurs qu'on avait à cette époque-là qui, effectivement, était plus élevé que ce qu'on a présentement. Mais on a eu un autre problème. Le problème qu'on a eu à ce moment-là, c'est le problème d'une remise en question des cégeps qui a conduit à les maintenir et, une fois maintenus, à nous placer dans un système, qui s'amorçait, de reddition de comptes et de contrôle. La Commission de l'évaluation de l'enseignement collégial, elle est née pour ça, on ne se le cachera pas. Puis on vous a dit tout à l'heure que, malgré tout, on y croit à la Commission. Pour quelle raison qu'on y croit? Parce que, enfin, on a un organisme externe qui a une certaine crédibilité dans la manière qu'il fait les choses, avec certaines limites, mais ça fait partie de la joute, et qui rend compte à l'Assemblée nationale. Alors, ça, on est le seul réseau d'enseignement qui est soumis à tous ces contrôles-là. Selon nous, par le plan national, on est le seul. Les PIEA, les PIEP, on vous en a parlé cet après-midi de ça, les plans de réussite, les PGRH et la Commission de l'évaluation de l'enseignement collégial et tous les autres encadrements législatifs.

Donc, à cet égard-là, en 1993 est arrivée cette réforme, et les profs, dans cette réforme-là, ont été profondément divisés, parce qu'il y en a, initiateurs derrière le Conseil des collèges, qui étaient d'accord avec certaines de ces évolutions-là. On pouvait être d'accord avec, mais, dans le comment ça s'est fait, on s'est fait heurter professionnellement à l'époque. On s'était fait heurter professionnellement, mais pour d'autres raisons, précédemment, mais là on s'est fait heurter. Et, par la suite, aujourd'hui, quand on regarde comment se sont placées les choses après, sont arrivées les compressions budgétaires, est arrivée une étape où même les profs, en 1997, ont choisi, plutôt que de couper des profs... on s'est coupé notre salaire de 2,5 %, 3,5, 3,7 à la FNEEQ, 2, et quelques peut-être à la FEC. On s'est coupé des salaires pour garder des profs à l'emploi, pour éviter que les compressions budgétaires nous fassent trop mal dans le réseau collégial, et ça a continué. La réforme du primaire-secondaire est arrivée, grand bien lui fasse, et ils ont des moyens pour arriver à faire cette réforme-là. Nous, on nous a obligés à revoir tout notre enseignement par l'entrée en jeu de l'approche par compétence. On s'est mis à douter de notre compétence parce qu'on n'avait pas de formation psychopédagogique et, encore aujourd'hui, ça dure. Et, dans ce sillon-là, on a développé toujours un ciblage, qu'il y a un modèle de prof idéal, mais ce modèle de prof idéal là, si je vous le décrivais ce soir, ça prendrait un clone parce que, après, on n'en trouverait plus.

n(22 h 30)n

Donc, on a ça comme problème. Est-ce que c'est de l'anxiété professionnelle? Je ne crois pas que ce soit de l'anxiété professionnelle. J'appellerais ça plutôt une analyse systémique de la situation dans laquelle on est placé actuellement. Et pour conclure cette dimension-là, j'inviterais mon ami Alain Dion à témoigner de comment ça se place, pas plus tard que l'année dernière, dans un cégep qui a été cité plus d'une fois ici même aujourd'hui pour l'excellence de ce qui se passe et de la qualité de ses diplômés.

Le Président (M. Paquin): M. Dion.

M. Dion (Alain): Cet après-midi, vous avez parlé de Rimouski comme un collège modèle où on va chercher les étudiants en médecine, entre autres. Bien, peut-être qu'on va vous parler de méfiance ou... on est très inquiet face au projet de loi. Un exemple. À Rimouski, l'année dernière, il y a des décisions... des profs qui donnaient des notes à des élèves, et les élèves allaient se plaindre à la direction des études, et la direction des études redescendait pour faire changer des notes. Et c'est allé tellement loin que c'est devenu des mesures disciplinaires à ces profs-là, parce que les profs disaient: Voyons donc, on a mis une note, on a tenu un comité de révision de notes qui a maintenu la note, et la direction des études s'en mêlait après ça. Donc, on peut être assez méfiant par rapport à des mesures comme celle-là qui vont augmenter le contrôle sur l'enseignement, qui vont augmenter l'ingérence des directions des études dans notre enseignement. Donc, il y a quelque chose là qui n'a pas d'allure. Donc, quand on parle de méfiance, ça vient de là aussi.

Puis je vous dirai qu'on peut être méfiant aussi quand... et là, en tout cas, je l'amène, mais on peut être aussi méfiant quand une fédération patronale utilise la commission de l'éducation pour faire des revendications patronales. On peut aussi être méfiant, et la sortie que M. Boucher a faite cet après-midi, je vous dirai que c'est assez inquiétant de la part des syndicats de profs.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Simard (Richelieu): Oui. Quelque part dans votre texte ? j'essaie de le retrouver depuis quelques minutes ? vous insurgez contre le fait que le système prépare les gens pour le marché du travail. Moi, je suis député de Richelieu, c'est-à-dire à Sorel-Tracy, d'ailleurs un collège qui est représenté par votre centrale, et j'aurais beaucoup de difficultés à aller expliquer aux étudiants de mon collège, dans une région qui a eu son lot de difficultés, que, dorénavant, on changeait la politique et qu'il s'agit non pas de préparer les gens pour le marché du travail mais pour autre chose. C'est à la page... enfin la phrase suivante, c'est: Ce qui nous conduit à poser la question: «L'école est-elle au service de l'entreprise et du marché du travail en priorité?» Moi, j'ai beaucoup de difficultés, parce que je suis près... ce sont des gens dont je suis très près, j'aurais beaucoup de difficultés à expliquer aux parents et aux élèves de mon collège que nous ne sommes pas là pour les préparer au marché du travail, eux qui rêvent de travailler, eux qui veulent le développement de leur région, eux qui veulent, par le diplôme, par un apprentissage, des études qui les mènent à des emplois intéressants, qui veulent justement se préparer au marché du travail. C'est une phrase qui m'a un petit peu choqué, je dois vous le dire, et j'aimerais bien que vous en expliquiez.

M. Drapeau (Jean-Claude): Tout à fait. Je pense qu'on est réellement au coeur de quelque chose qui est fondamental. On est au niveau des perceptions ici. Nous, ce qu'on exprime derrière ce propos, c'est que la perception qu'on a comme professionnels dans le travail qu'on fait avec les étudiantes et les étudiants, quand on regarde le système qui se place en regard d'orienter, de fixer une cible de diplomation telle, et notre référent est toujours ces cibles à une hauteur irréaliste, ça dégage une perception qui nous amène à conclure qu'il y a une seule chose qui devient importante maintenant pour le ministre de l'Éducation, c'est la diplomation en fonction du marché du travail.

Nous, on vous dit: C'est essentiel, la diplomation, en fonction du marché du travail, et on y est. Mais on vous dit du même coup: On est pour la vision qui vous a été présentée par le Conseil supérieur de l'éducation, dans son avis du printemps dernier sur L'orientation au coeur de la réussite, quand il a dit: C'est d'abord une réussite éducative qui est englobante de la réussite scolaire, et non pas l'inverse. Et des fois, et, encore une fois, je m'excuse, M. le ministre, mais je vais être obligé de référer à un document de travail qui nous a été déposé ce matin au CNPEPT, et, quand je regarde une couple d'autres des éléments qui sont là, comme des orientations du futur plan stratégique 2003-2006, j'ai l'impression qu'à rebours on veut repositionner l'importance de l'éducation au secteur technique, l'importance de la formation citoyenne. Là, on a un problème de fond.

Nous, on pense qu'actuellement, de manière systémique, en regard des programmes d'études... Parce que, quand on parle de diplomation, on parle de diplomation dans un programme d'études. Alors, on va prendre un programme d'études, on va l'appeler «technique administrative». Dans ce programme d'études là, regardez comment ça se place. Au niveau national, il y a eu d'un côté, et, au ministère, c'est organisé comme ça d'ailleurs, au niveau structurel... il y a d'un côté le secteur qui s'occupe de la révision, des compétences, de... objectifs et standards en formation générale, puis, de l'autre, il y a la structure qui touche les programmes qu'on appelle programmes de formation professionnelle et technique. Mais là il y a tout de suite quelque chose qui ne marche pas, on fait une révision de programmes en technique administrative, ce n'est pas vrai, on fait une révision du programme volet spécifique en technique administrative, parce que, dans notre compréhension à nous, le programme, puis le ministre, quand vous le signez, vous le savez que ce n'est pas juste ça, le programme, vous additionnez à côté le volet général, et c'est comme ça que vous signez le programme que vous envoyez dans les collèges. Mais c'est fait en addition. Quand c'est fait en addition puis, après ça, vous voulez qu'au niveau local les profs soient capables de travailler dans un rapprochement de la formation générale et de la formation technique, alors qu'au niveau national on n'a pas placé ça comme processus, comme possibilité de se parler des... on a un problème, nous, au niveau local par après. Et, une fois qu'on est rendu dans cette révision de programmes là, c'est là qu'on arrive avec des effets de système qui sont du type de ceux présentement qui disent qu'il faut... Et là on a des profs dans nos collèges, dans les journées pédagogiques, cet automne, qui ont fait des sorties au micro pour dire: Quand est-ce que, la direction, vous allez mettre ce qu'il faut pour être les leaders dans cette boîte-là puis forcer les profs de la formation générale à ajuster, à adapter leur enseignement général à nos programmes?

Nos programmes? Le programme est un programme qui inclut une vision large, formation générale et formation spécifique. On a un problème avec ça rendu sur le plancher des vaches. Ça, ça en est un autre élément du système, et c'est pour ça qu'on vous dit que la perception qu'on a, c'est qu'il faut faire arriver les choses en fonction du volet spécifique du programme, en fonction des besoins de main-d'oeuvre. Et, au CNPEPT, ce matin, on nous a bien dit encore une fois, avec les indicateurs à l'appui, la relance et le top 50, et l'adéquation formation-emploi programme par programme, on nous a bien dit qu'il allait falloir orienter les jeunes vers des programmes plus prometteurs. On y est. Mais ça donne l'impression que c'est toujours des mesures qui placent les choses en fonction de faire arriver pour l'emploi immédiat de demain. On dit: Il y a d'autres choses qu'il faut considérer aussi. C'est correct, ça, mais il faut considérer d'autres choses aussi. Il faut les voir, les autres problèmes qu'on vit, et personne ne veut écouter nos arguments là-dessus. Vous avez à juger si on a une prise avec ça ou si on n'en a pas.

M. Simard (Richelieu): Bon!

Le Président (M. Paquin): En une minute.

M. Simard (Richelieu): Oui, en une minute. Je pense que...

Le Président (M. Paquin): En une demie...

M. Simard (Richelieu): Je vais peut-être abandonner. Mais, lorsque vous parlez de cibles, c'est toujours à des hauteurs irréalistes. Pourtant, ces cibles, elles sont fixées localement par les collèges eux-mêmes. Pourquoi seraient-elles systématiquement fixées à des hauteurs irréalistes? Est-ce que ça n'existe pas, des cibles fixées à des hauteurs réalistes, stimulantes qui pourraient avancer et permettre d'améliorer la réussite? Pour vous, les cibles, c'est toujours à une hauteur irréaliste? Je ne vous ai entendu associer le mot «cible» depuis le début qu'à l'expression «à une hauteur irréaliste».

n(22 h 40)n

M. Drapeau (Jean-Claude): Alors, très rapidement, M. le ministre. Je suis obligé de référer à ce que je connais dans mon travail présentement comme prof de cégep et, depuis qu'on a mis en place les plans de réussite... au début, on a amorcé ça d'une manière vertueuse avec votre prédécesseur, et les collèges, de bonne foi, ont identifié des cibles qui leur semblaient ambitieuses à leur niveau, qui leur semblaient par contre aussi réalisables compte tenu de l'histoire des 30 dernières années du réseau collégial en regard de l'augmentation des taux de diplomation. Et c'est revenu du ministère avec une directive du ministre comme quoi les collèges devaient hausser leurs ambitions parce que, s'ils ne haussaient pas leurs ambitions, ça ne donnerait pas soit l'effet de choc, soit la perception que c'est quelque chose de significatif qu'on veut faire par ça. Nous, c'est comme ça qu'on a compris les choses. Et le problème qu'on en a, c'est qu'à partir du moment où on a initié des plans de réussite avec de telles cibles qu'on sait qu'on ne peut pas atteindre... Ça ne se peut pas, augmenter ce taux de diplomation là en moins de 10 ans. L'ampleur que ça représente par rapport à ce qu'on a réussi au cours des 30 dernières années, ça ne se peut pas. Faites-nous la preuve que ça se peut avec les moyens qu'on a là. Il n'y a personne qui a réussi à nous faire les preuves avec les moyens qu'on a là. Puis, même si on avait tous les moyens, on le sait que ça ne pourrait pas marcher parce qu'on travaille avec des personnes. On aurait un problème de fond. J'ai beau dire à mes étudiantes et à mes étudiants dans mon cours quand ils rentrent: Je te regarde, toi, je suis sûr que tu es capable d'avoir 90; toi, c'est 70. J'ai beau penser que ça devrait être ça, ce n'est pas comme ça que ça arrive en bout de piste. Et c'est là qu'on a un problème de fond.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens à saluer les représentants de la FAC qui sont ici avec nous ce soir. Par quel bout on prend ça?

Une voix: Par la gauche.

M. Chagnon: Oui, on est aussi bien de prendre ça par la gauche, effectivement. Alors, on pourrait référer au manifeste... vous rappelez-vous du manifeste de la CEQ, L'école au service de la classe dominante, 1972? C'était un peu particulier aussi, ça. Puis, quand vous tirez des conclusions, vous ne les tirez pas à moitié. Vous l'avez dit d'ailleurs: Nous autres, on veut déranger. Pour déranger, je ne suis pas sûr que vous dérangez bien, bien, mais c'est assez particulier: «Ne mâchons pas nos mots: nous déduisons que les modifications prévues à la Loi de la CEEC ? ça, c'est vous, ça ? visent à permettre au ministre de l'Éducation une ingérence totale ? totale ? dans l'enseignement offert par les enseignantes et enseignants du collégial. Une telle affirmation mérite d'être démontrée.» Ce n'est pas bête. Démontrez-moi donc ça en quelques mots, s'il vous plaît.

M. Drapeau (Jean-Claude): Oui. Alors... Bien, je pense que vous avez touché à un aspect qui est fondamental, parce que, nous, on vous l'a dit, en regard de la Commission de l'évaluation de l'enseignement collégial, ça va. D'ailleurs, elle a fait des opérations. Elle fait, entre autres, des opérations d'évaluation de programmes. Elle a fait aussi la mise en place des politiques institutionnelles d'évaluation de programmes, puis on y dit là-dedans, dans le guide que la Commission a produit, qu'une politique institutionnelle d'évaluation des programmes d'études, c'est un outil pour permettre d'apporter d'une façon continue les ajustements requis à la mise en oeuvre des programmes, pour améliorer les problématiques puis évaluer en profondeur les programmes, ceci devant permettre de mieux assurer la qualité des programmes, témoigner aux jeunes et à l'ensemble de la population du Québec qu'ils dispensent un enseignement collégial d'un calibre et d'une qualité qui leur permettent de se mesurer aux meilleurs standards de compétence.

Nous, on dit: Déjà, la Commission a la possibilité d'aller vérifier ce qui est normal de vérifier en regard des programmes d'études. Ce qui est nouveau, c'est le mot «enseignement». Et là c'est important qu'on soit au clair parce que c'est là-dessus qu'en bout de piste on accroche toute notre réflexion qu'on vous présente ce soir. L'enseignement... quand on regarde qui est responsable de l'enseignement, qui fait des services éducatifs, qui regarde l'organisation scolaire, ça, c'est des choses. Mais l'enseignement, l'enseignement, ça se passe dans la classe, dans le laboratoire, dans le bureau dans la rencontre avec l'étudiante ou l'étudiant ou à la cafétéria. L'enseignement, c'est les profs. Alors, nous, on pose la question: Pourquoi la Commission doit-elle aller, sur demande du ministre, évaluer tout aspect de l'enseignement qu'il demande, qu'il trouve à propos d'aller évaluer?

M. Chagnon: ...bien du monde ont passé en arrière de vous puis qui l'ont dit ? je l'ai repris quelques fois ? c'est-à-dire que la Commission demeure autonome, tout à fait autonome. C'est ça que vous demandez, là?

M. Drapeau (Jean-Claude): On rejette, en regard du projet de loi n° 123, tout ce qui est demandé à la Commission là-dedans.

M. Chagnon: Remarquez, votre approche est un peu terrifiante, là, mais c'est...

M. Drapeau (Jean-Claude): Ouais, il y a des styles comme ça.

M. Chagnon: Oui, oui, oui, oui, oui, mais, chez vous, ça a de l'air un peu parano, là.

M. Drapeau (Jean-Claude): Oui, oui, c'est mon style.

M. Simard (Richelieu): M. le député...

M. Chagnon: Oui, oui, bien sûr.

M. Simard (Richelieu): ...juste à titre informatif pour confirmer peut-être le côté légèrement, je ne dirai pas parano mais méfiant de nos interlocuteurs. En fait, la première expression que nous avions utilisée dans la rédaction du texte, c'était «la gestion académique de l'établissement», mais les légistes nous ont fait valoir... la correction linguistique nous a fait valoir que le terme «académique» utilisé dans ce sens-là n'était pas juste et qu'il fallait mettre «enseignement». Je ne pense pas qu'on ait changé beaucoup l'équilibre et accru les pouvoirs extrêmes de la Commission en faisant cette adaptation linguistique. Enfin, je fais ce commentaire ici, là. Mais voilà, c'est ce que je voulais préciser.

Le Président (M. Paquin): Bien, il y a une différence entre la gestion académique et l'enseignement. Il faudrait peut-être en parler à vos légistes. En tout cas, dans mon esprit, ça ne veut pas dire la même chose.

M. Drapeau (Jean-Claude): Si vous me permettez...

Le Président (M. Paquin): ...à quelque chose, l'anglais semble bon.

M. Drapeau (Jean-Claude): Si vous me permettez là-dessus, c'est quand même fondamental parce que les seules personnes engagées dans un collège pour faire de l'enseignement, ce sont les profs. Alors, qu'on se soit senti directement visé par ça, il n'y avait qu'un pas. Et le deuxième pas a été franchi cet après-midi quand on a entendu et qu'on relira dans le verbatim les propos du président-directeur général de la Fédé des cégeps qui nous a parlé de l'imputabilité individuelle jusque dans la classe. Je veux bien qu'on soit considérés comme des paranoïaques, mais on entend des choses et on traduit ces choses-là avec nos réalités.

M. Chagnon: O.K. Reprenons ça, prenons ce bout-là, l'imputabilité. C'est normal ou anormal que tout le monde soit... On est tous imputables devant quelque chose: t'enseignes dans un cégep, t'es imputable; t'es directeur d'un cégep, t'es imputable; t'es ministre, t'es imputable; t'es député, t'es imputable; t'es président de la Commission d'évaluation, t'es imputable; t'es étudiant, t'es imputable. Non? Je me trompe ou...

M. Drapeau (Jean-Claude): L'imputabilité... Le problème, ce n'est pas l'imputabilité, c'est comment on est imputable et à quoi ça porte à conséquence.

M. Chagnon: Bon, O.K., on encadre ça un peu. Alors, si on est prof, là, comment est-ce qu'on rend ça imputable à un prof? Dites-moi donc ça, vous.

M. Drapeau (Jean-Claude): Bien, un frappeur de relève,

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Elle est bonne!

Une voix: Ça va prendre des notes.

M. Chagnon: Elle est bonne! Elle est bonne!

M. Drapeau (Jean-Claude): ...

M. Chagnon: Mais il ne prend pas n'importe qui comme frappeur de relève, il prend le prof...

M. Drapeau (Jean-Claude): ...

M. Chagnon: ...il prend le prof d'éducation physique qui arrive d'Abitibi.

M. Drapeau (Jean-Claude): De technique administrative.

M. Lauzon (Daniel): Technique administrative. Je vous corrige, technique administrative.

M. Chagnon: Ah oui! excusez-moi. C'est vrai.

M. Lauzon (Daniel): Bien, je pense que l'imputabilité... Quand on veut évaluer un système dans le fond, ce qu'on est en train de discuter à l'heure actuelle, puis où on est rendu de plus en plus au niveau de la fonction publique dans l'imputabilité, c'est de s'assurer que le système fonctionne bien et qu'il peut rendre des comptes de comment il fonctionne bien. Alors, si on veut mesurer un système, on doit tout d'abord fixer des objectifs et, à l'heure actuelle, on ne revient pas vraiment aux objectifs qui ont été les... Ceux qui ont servi à élaborer le concept des cégeps au départ ont cherché à faire quoi? Ont cherché à rendre l'éducation supérieure disponible à un maximum de Québécois partout sur le territoire. On cherchait à former des jeunes pour le marché du travail, on cherchait à former des jeunes pour aller à l'université, on cherchait à donner un lieu aussi à des gens pour apprendre, pour comprendre, pour approfondir des choses. Donc, c'était un endroit ouvert où on cherchait à donner une place pour des jeunes pour aller à l'école et apprendre des choses. Bon.

Maintenant, ce qu'on nous dit, c'est que l'imputabilité et la reddition de comptes tournent autour de la réussite et de la diplomation. Il n'y a pas d'autres façons d'évaluer le système que d'arriver au bout et de dire: Combien de jeunes réussissent des cours et combien des jeunes...

n(22 h 50)n

M. Chagnon: Vous suggérez quoi?

M. Lauzon (Daniel): Ce qu'on vous dit, nous, c'est que les 4 000 membres chez nous... Moi, j'ai enseigné à Val-d'Or, j'ai enseigné à Amos, 450, 250 élèves, et l'implication des profs dans la réussite, elle est permanente, une préoccupation constante. Les jeunes sont là, on est là, on ne cherche qu'à faire une chose, à les faire réussir. Ce qu'on a l'impression dans le système actuel qu'on met de l'avant, c'est que, pour se faire dire que ce système-là marche bien, il faudrait qu'on atteigne des chiffres, que, si on n'atteint pas ces chiffres-là, le travail qui est fait dans la boîte, l'implication des profs dans la boîte ne vaut à peu près rien, si on n'atteint pas des chiffres. Et, nous, on vous dit: Du côté des plans de réussite, on en est. Nos profs sont d'accord avec ça. Ils travaillent dans la réussite. S'il faut travailler ensemble encore plus pour avoir plus de chances de faire réussir nos jeunes, on va être là. C'est ça qui est formidable dans toute cette commission parlementaire aujourd'hui, c'est que, finalement, on ne se chicane pas sur la réussite, on se chicane sur le bout de comment évaluer si nos profs sont là et si le système marche bien.

Vous savez combien de nos jeunes réussissent les cours? 85 % des jeunes qui sont dans les cours réussissent le cours. 85 %. On peut bien faire tout ce qu'on veut, on arrivera à 88, 89, à un moment donné quelqu'un va nous expliquer qu'en psychopédagogie, quelque part, il y a des jeunes qui vont échouer. Pour toutes sortes de raisons, il y a des jeunes qui vont échouer un cours. Ça se peut. Par ailleurs, il n'en diplôme pas assez.

M. Chagnon: Oui, mais, s'il y a 85 % des étudiants qui réussissent leurs cours, comment ça se fait qu'il n'y en a rien que 33 % qui diplôment dans le temps prescrit?

M. Lauzon (Daniel): Bon, il y a ça.

M. Simard (Richelieu): 50 % qui ne diplôment jamais.

M. Lauzon (Daniel): Donc, ce qu'on est en train de se dire, c'est que... Par exemple, Mme Rioux tantôt, vous lui prêtiez évidemment le fait qu'elle avait suivi un parcours parfait et qu'elle avait diplômé dans les temps requis.

M. Chagnon: Ah! j'essayais... Mais ce n'était pas vrai. Moi non plus.

M. Lauzon (Daniel): Mais, malheureusement, vous avez trouvé le mauvais exemple. Et, malheureusement, vous en avez un autre devant vous, parce que, moi, je n'ai pas fait ma technique dans les temps requis. Pourtant, je suis allé à l'université après, j'ai gradué, j'enseigne au cégep. Je suis quand même un citoyen correct, je pense. Je fais mon travail. Donc, là, on est en train de se dire: Si l'étudiant ne le fait pas dans le temps requis... Alors que, si on regarde les objectifs du système, c'était peut-être de permettre aussi qu'un jeune flâne un peu de temps, qu'il regarde les choses aller, puis qu'à un moment donné il se place et qu'il termine quand même, ou qu'il ne termine pas mais qu'il ait appris quelque chose et qu'on ait formé là un citoyen. La réussite du système, est-ce que ça peut être de former un citoyen aussi?

M. Chagnon: Ah! oui, oui.

M. Lauzon (Daniel): De s'apercevoir que quelqu'un... Je prendrai l'exemple de l'histoire de M. Bureau, à Radio-Canada, qui n'a à peu près aucun diplôme ? à ce que je sache ? et qui, pourtant, a réussi à faire des choses assez incroyables pourtant. Si on lui parle, il a réussi à apprendre de toutes sortes de façons. Et, moi, j'ai des jeunes que j'ai revus, à qui j'ai enseigné, qui n'ont pas eu leur technique administrative, qui ont fondé une entreprise par après et qui, avec deux ans de technique administrative, ont trouvé qu'ils avaient des compétences intéressantes et qui ont trouvé toutes sortes de façons de s'éduquer.

M. Simard (Richelieu): ...pas besoin d'aller à l'école là, dans la logique de ce que vous nous dites.

M. Lauzon (Daniel): C'est difficile d'entendre ça du ministre de l'Éducation quand même.

M. Simard (Richelieu): Non, non, mais c'est quand même incroyable, vous nous faites l'éloge de l'échec.

M. Lauzon (Daniel): Pas du tout. On vous dit que des jeunes... On veut que les jeunes réussissent. Ce qu'on vous dit, c'est que, en ce moment, on est en train de se dire que, si ce n'est pas fait parfaitement dans les règles, en dedans de deux ans pour le pré-u et trois ans pour la technique, il y a échec du système.

M. Simard (Richelieu): ...en techniques ne diplôment jamais. C'est correct, ça?

M. Lauzon (Daniel): Mais est-ce que vous leur avez demandé pourquoi? Qu'est-ce qu'ils font, ces jeunes-là? Mais est-ce que le ministre de l'Éducation peut me dire où est le 50 % qui ne diplôme pas? Est-ce qu'on sait où est-ce qu'ils sont, ces jeunes-là? Qu'est-ce qu'ils font? Je n'ai pas de réponse. Moi, je vous dis que les jeunes qui sont dans ma classe, on les encadre du mieux qu'on peut et on est prêt à faire plus.

M. Simard (Richelieu): ...il n'y a rien d'autre à faire...

M. Lauzon (Daniel): Mais non!

M. Simard (Richelieu): ...c'est parfait, 50 % d'échec, c'est parfait.

M. Lauzon (Daniel): Du tout. Je vous dis qu'on est prêt à en faire... Je vous ai dit tantôt, ce qui est formidable de ce qui se passe à l'heure actuelle, c'est qu'on est en commission parlementaire et on est tous pour la réussite. Je vais vous le dire en mots simples, M. le ministre, très simplement. Ce que je vais vous dire là, c'est que nos profs sont d'accord pour la réussite. Ils sont tellement engagés dedans, ce qu'ils ont besoin, c'est d'un projet rassembleur pour être capables peut-être d'en faire plus. Ils ont besoin d'un projet rassembleur. Ce que vous leur mettez sur la table, ils font juste dire que ce n'est pas un projet, pour eux, rassembleur et qu'ils sont prêts à envisager autre chose. On vous a proposé il n'y a pas si longtemps un comité national pour réfléchir sur la réussite. On est là, on est prêt à le faire. On veut réfléchir sur la réussite. Tout ce qu'on vous dit à ce moment-ci... Vous allez dire: Vous avez utilisé des gros mots dans votre mémoire pour dire ce que vous venez de me dire, là... Nos profs sont prêts à la réussite, ils sont là-dedans à temps plein; donnez-leur un projet rassembleur; et ils sont prêts à en concevoir un, autant au local qu'au national; donnons-nous la chance d'en concevoir un rassembleur. Celui que vous mettez sur la table: la réussite, la diplomation, les chiffres, l'atteinte des chiffres, peut-être un financement conditionnel, on ne le sait pas, des comparaisons, un palmarès, ça, c'est une vision qui ne va pas...

M. Simard (Richelieu): Où est le palmarès dans le projet de loi?

M. Lauzon (Daniel): ...et pas pour M. Dion, et M. Drapeau, et moi, pour les 4 000 membres de notre Fédération qui ne sont pas paranoïaques, qui sont des profs qui veulent travailler, qui veulent être capables d'aller dans le milieu et dire à leurs concitoyens: On est dans la réussite, on est là, on fait un maximum pour vos jeunes.

M. Chagnon: D'ailleurs, vous dites: «Comprenons-nous bien, nous ne nous opposons pas à l'augmentation des taux de diplomation, au contraire», page 8, dans votre mémoire. Mais, bon, un projet... Je ne suis pas certain, moi, qu'on peut demander au ministre de l'Éducation ou au ministère de l'Éducation de dire: Amenez-nous un projet. Le projet, il doit essentiellement... C'est un peu l'osmose. Il doit avoir une origine locale, il doit avoir une volonté locale...

M. Lauzon (Daniel): Elle est là.

M. Chagnon: ...de faire en sorte qu'on améliore les taux de diplomation, entre autres. Le ministre n'a pas tort quand il dit: 50 % de diplomation en technique, ce n'est pas suffisant, parce qu'on doit aller plus loin que ça. Peut-être que notre façon d'y arriver n'est pas bonne. Si c'est notre façon d'y arriver qui n'est pas bonne... en tout cas, on est bon pour 50 %, mais ce n'est pas assez, c'est sûr.

M. Lauzon (Daniel): M. Chagnon, si vous me permettez, je vous donne un exemple où on dit qu'on veut travailler tous ensemble à la réussite puis on est prêt à travailler en comité, etc. Tout le monde doit faire sa part. Dans les cégeps, à l'heure actuelle... On a beaucoup parlé tantôt de financement. Une donnée très, très simple au niveau du financement. Le financement des cégeps pour un semestre, pour une classe, le financement est calculé au 20 septembre et au 20 février. C'est un peu bête à dire. Ça prend, par exemple, dans un cours de philo, 30 élèves pour avoir... Bien, vous savez comment ça fonctionne... par tête de pipe, on multiplie par un chiffre et on obtient ce que ça génère comme allocation. Donc, ça prend 30 élèves en philo dans un groupe pour pouvoir avoir le salaire du prof payé finalement pour ce groupe-là. Le ministère finance au 20 septembre. Entre le 20 août et le 20 septembre, qu'est-ce qui se passe? Le collège, sachant que ça prend 30 élèves au 20 septembre présents dans la classe pour avoir son financement total, pour pouvoir avoir assez de financement pour payer le prof, qu'est-ce qu'il fait au 15 août? Bien, il met 38 ou 40 élèves dans le cours parce qu'il sait qu'il va en perdre en chemin pour qu'il en reste minimalement 30 pour générer le financement qu'il faut pour payer le prof. Est-ce que ça, c'est des mesures d'aide à la réussite? Quand, moi, je me présente dans une classe où il y a 32 chaises puis il y a 38 élèves, et là je dis: Bien, on va essayer de faire ce qu'on peut; les plus grands, pourriez-vous vous tenir debout derrière, puis ceux qui sont plus en forme aussi, parce que, si vous n'êtes pas en forme, on va vous permettre de vous asseoir devant? Alors, est-ce que ça, c'est des mesures d'aide à la réussite? On parle toujours du local, comment on peut faire le travail local. Mais, si c'est ça, donc donnons-nous un financement. Alors, les profs disent: Bien, moi, j'essaie d'en garder le maximum dans la classe, j'essaie d'en diplômer un maximum puis de les garder, mais je sais que, quand j'en ai 38 ou 39 et qu'il y a 32 chaises, il y en a au moins sept qui vont partir. Et je devrais choisir ça.

Le Président (M. Paquin): Alors, sur cet élément de... on va clore notre rencontre. On vous remercie beaucoup de votre participation. Et je vais maintenant demander à M. L'Écuyer et à M. Roy, de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, de prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Alors, messieurs, la parole est à vous.

Commission d'évaluation
de l'enseignement collégial

M. L'Écuyer (Jacques): Alors, je suis Jacques L'Écuyer, de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, et mon collègue, M. Roy, qui m'accompagne... Louis Roy qui m'accompagne ce soir.

n(23 heures)n

La Commission d'évaluation, comme vous le savez, a été créée en 1993 avec le mandat d'évaluer les politiques de nature pédagogique et les programmes d'études des établissements d'enseignement collégial publics et privés. Dès le point de départ ? et je pense que c'est important de le rappeler ? la Commission a décidé de s'acquitter de ce mandat dans la triple perspective de contribuer à l'amélioration de la qualité de l'enseignement collégial, de témoigner de la qualité des programmes offerts et de susciter le développement d'une culture de l'évaluation dans les collèges. C'est important de le rappeler parce que c'est l'approche que nous avons toujours préconisée et que nous entendons continuer à préconiser.

Dans le cadre de ces opérations, la Commission a réalisé quelques 325 visites d'établissements ? c'est-à-dire dans le cadre des opérations d'évaluation de programmes particulièrement ? et chacune de ces visites s'est déroulée en compagnie d'experts issus du milieu des collèges, des universités et du monde du travail. Chacune de ces visites, chacune de ces évaluations a donné lieu à un rapport détaillé pouvant comporter des recommandations et des suggestions d'amélioration, et ces recommandations et suggestions sont faites directement à l'établissement.

Les premières, les recommandations, visent à corriger les faiblesses plus importantes et elles appellent un suivi qui doit être transmis à la Commission. Au total, la Commission a formulé près de 700 recommandations, lesquelles ont déjà donné lieu à des suites jugées satisfaisantes par la Commission dans les deux tiers des cas. Il faut dire que c'est un travail qui se poursuit continuellement, et pour ce qui est du tiers restant, c'est des choses qui sont à venir. Cela, je pense, témoigne de l'impact des actions de la Commission.

Par ailleurs, lorsqu'elle évalue un programme offert par un établissement, la Commission commence toujours par lui demander de procéder à son autoévaluation à partir d'un guide qu'elle lui transmet et, ce faisant, les collèges ont développé des pratiques d'évaluation, et la plupart des collèges ont intégré ces pratiques d'évaluation dans leurs propres politiques d'évaluation des programmes. Et récemment, en fait, nous venons tout juste de terminer une opération d'évaluation de l'application de ces politiques d'évaluation de programmes et, dans le cadre de cette évaluation, nous sommes rendus... la Commission s'est rendue dans les quelque 70 collèges qui ont participé à l'opération pour examiner avec quelle rigueur ces collèges avaient réalisé leur évaluation. Les résultats seront bientôt rendus publics, et ce qu'on peut dire déjà, c'est qu'ils montrent que les collèges sont en bonne voie de développer les mécanismes efficaces d'évaluation de leurs programmes, ce qui devrait contribuer à assurer la qualité de leur enseignement.

Par ailleurs, dans le cadre des opérations précédentes, la Commission a noté que certains problèmes fréquemment soulevés ne relevaient pas de façon spécifique de l'un ou l'autre des programmes mais plutôt du fonctionnement d'ensemble du collège. À titre d'exemple, l'absence de mécanismes de concertation entre les professeurs des différentes disciplines contribuant à un programme entraîne souvent un manque de cohérence dans leurs enseignements, dans leurs interventions pédagogiques. De même, l'impact des mesures d'aide aux élèves est grandement diminué lorsqu'il n'y a pas de coordination entre les divers intervenants, et tout cela ça nous a amenés à envisager une évaluation plus globale du fonctionnement d'un collège et, dès 1999, la Commission mettait sur pied un groupe de travail pour développer la méthodologie et élaborer un guide pour aider les collèges à réaliser leur autoévaluation. Et sur ce groupe de travail, il y avait des dirigeants d'établissements, des professeurs et même une représentante de la Fédération des étudiants. Les collèges ont donc commencé à réaliser leur autoévaluation. Certains ont déjà remis leur rapport et quelques visites ont déjà été effectuées ? nous en avons quatre d'effectuées, une cinquième le sera très bientôt.

L'évaluation institutionnelle prend comme point de départ la mission et les objectifs éducatifs d'un collège. Elle vise à déterminer si ces objectifs sont clairs et pertinents, si le collège dispose d'un mode d'organisation et de gestion qui lui permet d'atteindre raisonnablement bien ses objectifs, s'il utilise des moyens appropriés pour assurer son développement et, enfin, s'il fait preuve d'intégrité et de transparence dans ses pratiques de communication. Et parmi les thèmes que le collège doit aborder dans le cadre de son autoévaluation, on note des choses telles que l'efficacité des instances pédagogiques du collège, des mécanismes de gestion pédagogique, l'atteinte des objectifs liés à la formation et au rendement des élèves ? c'est-à-dire la diplomation aussi, la réussite puis la diplomation ? et l'efficacité des processus d'évaluation et de planification.

Alors, vous comprenez que, compte tenu du travail que nous avons déjà amorcé, la Commission accueille favorablement les modifications que le projet de loi n° 123 apporte à la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et à l'article 13 de la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Ces modifications rejoignent les préoccupations de la Commission et les nouveaux mandats s'intègrent bien au processus d'évaluation institutionnelle qui est actuellement en cours. C'est donc dire que la Commission entend s'acquitter principalement, dans le cadre des évaluations institutionnelles qu'elle mènera périodiquement auprès de l'établissement d'enseignement collégial, elle compte s'acquitter de ses nouveaux mandats. Ce qui n'exclut cependant pas que des procédures de suivi plus simples soient mises au point de façon à s'assurer d'un suivi régulier à l'intérieur des collèges.

Sans être en désaccord avec la modification proposée à l'article 16 de la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, la Commission serait plus à l'aise avec un libellé qui lui laisserait plus de marge de manoeuvre pour répondre à une demande du ministre. La Commission est satisfaite de ce que les demandes du ministre portent sur l'enseignement, et nous n'avons jamais imaginé qu'on voudrait nous voir évaluer l'enseignement classe par classe. Pour nous, c'était plus la gestion effectivement que l'aspect pédagogique, si vous voulez, du fonctionnement des collèges que nous avions compris que cela voulait dire. De toute façon, si la précision doit être apportée, je pense qu'il faudra l'apporter. Mais la Commission apprécierait un libellé moins contraignant qui lui laisse la liberté de déterminer si la réponse requiert ou non une évaluation formelle, en ce sens que nous serions beaucoup plus d'accord avec une formulation telle que celle qui a été proposée par la Fédération des collèges cet après-midi.

Les nouveaux mandats attribués à la Commission auront pour objet d'accroître substantiellement son travail, car la Commission n'entend pas cesser d'évaluer des programmes d'études. L'évaluation des programmes d'études, pour nous, c'est un instrument essentiel et nous entendons bien continuer cette évaluation. La raison en est très simple, c'est que, pour nous, l'évaluation des programmes d'études est une façon d'interagir directement avec les professeurs dans le cadre de ce qui est vraiment le coeur de la mission des collèges, c'est-à-dire les programmes d'enseignement.

Donc, nous n'entendons certainement pas cesser d'évaluer les programmes d'études, et, dans ce sens-là, nous sommes satisfaits des modifications proposées aux articles 2 et 8 de la loi, qui prévoient l'ajout d'un commissaire. La raison en est que l'évaluation des plans de réussite, et nous avons pu nous en rendre compte l'an dernier, est une opération difficile, difficile en ce sens que l'expertise qui est requise pour évaluer les plans de réussite n'est pas disponible de façon immédiate. C'est des choses qu'il va falloir développer graduellement avec l'aide des collèges eux-mêmes. Il va falloir graduellement, par exemple, mesurer ou vérifier les mesures qui sont vraiment efficaces pour augmenter non seulement le taux de réussite, parce que, le taux de réussite, on le sait quand même assez bien par des mesures d'aide, mais le taux de diplomation, c'est une tout autre chose. Le taux de diplomation, ça requiert un travail beaucoup plus soutenu, un travail d'équipe des professeurs, ça requiert des mesures qui sont quelquefois tout à fait nouvelles, j'en ai vu quelques-unes dans des cégeps; des nouvelles façons de présenter les programmes, par exemple, programme par objectif, programme par étude de cas, par exemple, comme ça se fait.

Ça demande des mesures particulières pour aider à la motivation des étudiants, et, ces choses-là, nous n'avons pas vraiment d'experts et d'expertises là-dedans. Et, dans ce sens-là, la Commission estime que c'est un travail qui sera très considérable, l'évaluation et le suivi de ces plans de réussite. Et, dans cette perspective, nous estimons que l'ajout d'un commissaire n'est sûrement pas une mesure inopportune.

Alors, voilà pour l'essentiel de mes propos.

Le Président (M. Paquin): Alors, ça complète votre présentation? M. le ministre.

M. Simard (Richelieu): D'abord, je veux remercier la Commission et M. L'Écuyer, qui vient de nous faire lecture de ce mémoire, d'avoir bien voulu prendre le temps nécessaire pour analyser le projet de loi et nous faire valoir leurs commentaires. Vous savez toute l'admiration que j'ai pour le travail que vous faites, et ce, depuis de très nombreuses années, enfin depuis que vous existez. Je sais que non seulement vous avez fait un travail remarquable, mais ce travail vous est reconnu par tout le monde, et, même, des gens qui, dans cette salle, ne sont pas des admirateurs de tout processus d'évaluation sont obligés de reconnaître que vous avez gagné une formidable crédibilité au cours des années. J'ai eu la chance de constater que votre réputation allait au-delà des frontières. Vous avez été appelés à dénouer des cas extrêmement complexes par une évaluation institutionnelle, et vous en êtes tirés magnifiquement. Et c'est une chance pour le Québec d'avoir une Commission d'évaluation qui fonctionne à ce haut niveau.

n(23 h 10)n

Je vous dis tout de suite que les demandes que vous faites ? vous l'aurez compris puisque j'avais fait la même réponse à M. Boucher cet après-midi concernant la relation entre le mandat... votre mandat et les demandes éventuelles du ministre ? seront précisées de façon à vous satisfaire. Pour ce qui est du dernier point, évidemment, j'ai compris que, en ajoutant un membre, un commissaire, cela permettrait de mieux spécialiser l'un des membres de la Commission dans cette nouvelle réalité des plans de réussite, et vous apporterait une aide importante. Donc, là-dessus, je pense que tout le monde s'entend.

Et comme il est 23 h 10, je voudrais vous poser une seule question, vous pouvez y passer au besoin trois minutes ou une heure: Selon vous ? et vous avez tout à l'heure parlé des taux de diplomation et les taux de réussite ? selon vous, y a-t-il actuellement ? c'est une évaluation à partir du travail que vous venez de faire au cours de l'année ? y a-t-il actuellement un mouvement, sentez-vous une volonté, sentez-vous une mobilisation dans l'ensemble des cégeps vers la mise en oeuvre des moyens nécessaires à l'amélioration des taux de réussite et de diplomation?

M. L'Écuyer (Jacques): Bien, écoutez, ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, c'est l'évaluation des plans de réussite sur papier. Alors, nous n'avons pas débuté encore l'évaluation comme telle de ce qui se passe dans les collèges. Et je pense que votre question m'amène à apporter une précision à ce sujet-là. Il est évident que, si nous faisons le suivi des plans de réussite, ça ne sera pas uniquement sur la base des cibles comme telles. Ce qui va nous intéresser beaucoup plus, je dirais, c'est de regarder ce qui se passe dans les collèges et de repérer... et déjà, nous avons commencé, cette année, en demandant aux collèges de nous identifier ce qui, à leur avis, fonctionne bien comme mesures d'aide à la réussite.

Et j'ai déjà commencé à recevoir quelques éléments de réponse. Et on voit des choses, par exemple, le tutorat par les pairs qui est une mesure qui a été implantée dans les dernières années, il y a des collèges qui nous disent: Bien, ça, ça fonctionne et ça fonctionne très bien. Il y en a d'autres qui vont... que j'ai déjà vues dans les collèges où, par exemple, les activités parascolaires... c'est curieux de le dire, mais les sportifs, ils réussissent bien, beaucoup mieux en moyenne que les autres, et sans doute ça agit sur la motivation, ça agit sur des choses comme ça.

Alors, je ne peux pas répondre pour l'ensemble des collèges. Ce que je peux dire, cependant, c'est ce que nous voyons, c'est qu'il y a une mobilisation, il y a réellement, à travers l'ensemble des collèges, une préoccupation nouvelle pour la réussite. Je dis nouvelle, parce que, mon collègue et moi, quand nous avons commencé à faire l'évaluation dans les collèges, ça n'était pas une préoccupation, pas par mauvaise volonté. On n'avait pas les statistiques, pourtant, elles existaient, mais plutôt, en rétrospective, on n'avait pas de moyen de diffuser l'information au niveau des professeurs eux-mêmes. Et, très souvent, on nous disait, quand on faisait l'évaluation de l'informatique, qui était un des premiers programmes, on nous disait: Bien oui, notre taux de diplomation, ce n'est pas 10 %, ce n'est pas 15 % dans le temps prévu. On disait: Écoutez, c'est des chiffres officiels de votre collège. Mais les gens, les professeurs ne savaient pas ce qui se passait, par exemple, en formation générale. Alors, ce n'était pas, à ce moment-là, quelque chose qui était présent, si je peux dire, dans l'ensemble des collèges.

Aujourd'hui, effectivement, la réussite, c'est devenu une préoccupation pour tout le monde. Il reste à voir si les mesures mises en oeuvre, quelle efficacité elles auront et dans quelle mesure ça agira réellement sur le taux de diplomation, parce qu'il ne faut quand même pas se leurrer, c'est quand même un défi important. Ce sont des cibles ambitieuses. Dans certains cas elles sont très ambitieuses, mais il y a réellement, je pense, une préoccupation, une préoccupation qui est importante. Jusqu'à quel point elle a diffusé. au niveau de chacun des professeurs, de chacun des programmes? Pour nous, c'est encore difficile de donner un avis à ce sujet-là. Il faudra attendre d'avoir un petit plus de recul pour être en mesure de... Mais certainement que la préoccupation, maintenant, est présente.

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Merci. M. L'Écuyer, j'aimerais une précision, parce que, depuis deux jours, on a parlé beaucoup de réussite, réussite en termes de réussite scolaire, réussite en termes de taux de diplomation, mais je pense que nous étions tous entendus pour dire que la réussite, c'était beaucoup plus englobant et que ça devait comprendre les trois missions. De votre dernière réponse, quand vous nous dites qu'il n'y avait pas, dans les institutions, dans les cégeps, la préoccupation de la réussite, bien, là, je pense que c'est de la réduire quand vous exprimez votre réponse au niveau du taux de diplomation. Peut-être qu'effectivement, dans les cégeps, les enseignants ne connaissaient pas nécessairement le taux de diplomation globale dans telle ou telle branche, mais je ne mets pas en doute et absolument pas qu'ils avaient à coeur et qu'ils travaillent chaque jour pour une réussite des étudiants et des étudiantes au sens qu'on doit entendre la réussite, c'est-à-dire une réussite éducative englobante.

M. L'Écuyer (Jacques): Oui. Mais il faut faire attention là-dessus. Ce qui est important ? et vous avez parfaitement raison de le dire ? le professeur qui est dans sa classe avec ses élèves, il a à coeur la réussite de ses élèves dans sa classe. Ma réponse ? je m'excuse s'il y a eu ce malentendu ? ma réponse concernait essentiellement la diplomation, parce que, la diplomation, c'est autre chose que la réussite cours par cours et d'ailleurs...

Mme Caron: ...

M. L'Écuyer (Jacques): C'est quand même une découverte que les gens, d'une certaine manière, ont faite. Il y a des collèges qui ont dit: On a amélioré notre taux de réussite. On est passé de 80 à 85 %, mais notre taux de diplomation n'a pas bougé. Ah! Pourquoi? Bien, c'est que la diplomation, c'est autre chose que la réussite cours par cours. Mais vous avez parfaitement raison de dire que, au niveau des professeurs individuellement, ils ont, dans une très, très large majorité, la préoccupation de faire réussir leurs élèves dans leurs cours. Mais le processus éducatif, ça ne se résume pas à une addition de cours et c'est là...

Mme Caron: Mais même comme équipe-école, ils avaient à coeur d'avoir la réussite globale pour les étudiants. Il faut faire une nuance effectivement entre la réussite et le taux de diplomation. Merci.

Le Président (M. Paquin): Ça va? M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Ça va bien. Ça va, M. le Président. D'abord, je voudrais saluer et souhaiter la bienvenue à la Commission d'évaluation. Ça change un peu, hein! les groupes changent puis ce n'est pas le même ton. Nos amis précédents nous avaient dit qu'ils étaient pour nous déranger un peu. Vous, vous faites plutôt dans la diplomatie. Si je me fie à la page 3 de votre document: «Sans être en désaccord avec la modification proposée à l'article 16 de la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, la Commission serait plus à l'aise avec un libellé qui lui laisserait plus de marge de manoeuvre pour répondre à une demande du ministre.» N'est-ce pas bien dit, M. le ministre?

M. Simard (Richelieu): Absolument et la réponse a été immédiate.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(23 h 20)n

M. Chagnon: Alors, tout ça pour dire: oui, je pense que tout le monde convient effectivement que la Commission doit conserver... J'ai compris que le ministre a compris ça aussi. Et tout le monde convient, en fait, qu'effectivement il faut protéger l'«arm's length» pour utiliser l'expression anglaise ou la capacité d'autonomie de la Commission comme telle. Pour y arriver, bien, il y aura les amendements qui devront faire en sorte justement de protéger cette autonomie-là.

Moi, une des inquiétudes que j'ai, là, puis qui touche un peu... qui sort un peu du caractère stricte de la loi n° 123, mais vous suggérez qu'il y ait un quatrième représentant. Mais, moi, j'ai un problème qui devrait préoccuper le ministre. Sauf erreur, on est en 2003 bientôt et, sauf erreur, la loi constitutive de la Commission d'évaluation prévoit que les commissaires ? puis vous êtes trois, il y a Mme Chené, M. Roy puis vous ? avez droit... En fait, vous avez un mandat de cinq ans qui peut être répété un autre cinq ans, ce qui a été le cas pour vous trois. Donc, vos mandats finissent en septembre 2003, tous les trois ensemble. Ça fait que, moi, j'ai une inquiétude là-dessus, M. le ministre. Je vous répète ce que je viens de dire. Un des problèmes que je vois avec la Commission d'évaluation, c'est que les trois commissaires, le président puis les deux commissaires, Mme Chené, M. Roy et M. L'Écuyer, voient leur mandat terminer en septembre 2003. C'est la fin du mandat là; c'est leur deuxième mandat et la loi ne prévoit pas qu'il puisse y en avoir un troisième. Mais de toute façon, il y aurait peut-être lieu de penser à étaler dans le temps le moment où les gens sortent parce que, moi, je trouve que c'est malsain que la Commission d'évaluation se trouve décapitée de ses trois membres qui ont 10 ans d'expérience, du jour au lendemain. Je vous dis ça parce que je le pense.

M. Simard (Richelieu): Une précision légale: la formule, c'est: «La durée totale des mandats successifs d'un membre et de toute période pendant laquelle il demeure en fonction entre deux de ses mandats ne peut excéder 10 ans. Au terme d'une telle période de 10 ans, un membre demeure en fonction jusqu'à ce qu'il soit remplacé.» M. L'Écuyer est là pour encore 20 ans.

M. Chagnon: Oui, oui. Ha, ha, ha! Ce n'est pas un cadeau que vous lui faites là. Je ne suis pas sûr.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Mais, ceci étant dit, en tout cas, je manifeste mon inquiétude quant à cette question-là. Et, en même temps... D'ailleurs, les profs, dans les cégeps, on en a vu quelques-uns aujourd'hui, mais il y a une autre problématique qui va se réaliser dans les cégeps, là: le remplacement des profs dans les cégeps dans les cinq prochaines années, là, ça va demander 600, 700 profs de philo, 7, 8, 900 profs de littérature française. Ça va demander des profs de maths, ça va demander des profs... On va les trouver où? En tout cas, il y a un problème qui va se poser. Tout à l'heure, on parlait des 600 000 emplois, mais le problème, un des problèmes que je vois, moi, c'est... Puis un des prochains problèmes, ils ont beau parler de... On ne fait pas des choses inutiles, là, sur la question de la réussite scolaire puis de la réussite des plans stratégiques puis de la diplomation.

Mais demain matin on va se réveiller avec un problème. Moi, quand on était au cégep, on était du même âge que nos profs ou à peu près, mais on va avoir une autre génération qui va se trouver dans cette même situation-là dans quatre, cinq, six ans, et on va arriver avec un tas de jeunes, jeunes profs qui pourront avoir aussi à expérimenter sur les lieux de travail, c'est le cas de le dire, dans le cégep, leur apprentissage de la vie, leur apprentissage du travail, leur apprentissage de l'enseignement en même temps que... comme on a vécu en 1968, 1969, 1970. Et ça, ça va demander... ça va être une problématique en tout cas importante à venir dans le secteur collégial. Et je pense qu'il faut tout de suite commencer à penser à ça, tout de suite prévoir des choses qui vont arriver avec ça.

C'est un peu le même phénomène qui se passe pour la Commission d'évaluation dans le fond. Si tu étêtes la Commission d'évaluation, d'avoir un quatrième personnage qui va arriver dedans, le quatrième personnage va avoir six mois d'expérience quand, en principe ou en théorie, vous devriez tous sortir. Ça ne fait pas de sens beaucoup. Enfin, je voulais quand même soulever cette question-là parce que je pense qu'elle est quand même importante. Et là-dessus, moi, je n'aurai pas d'autre chose, M. le Président.

M. L'Écuyer (Jacques): Juste une remarque à ce sujet-là. Effectivement, c'est une préoccupation. Et la semaine dernière, je pilotais une visite d'évaluation institutionnelle dans un cégep de région, et ça fait partie, dans le fond, de leur analyse de situations de... et je pense que ça va faire partie ou, en tout cas, si ça ne le fait pas, on sera là probablement pour le rappeler, ça fera partie des préoccupations des... On peut imaginer les plans stratégiques de chacun des collègues. Parce qu'effectivement, c'est une préoccupation, le renouvellement, et ce n'est pas simplement une question, je pense, de matières mais c'est beaucoup aussi la culture d'un établissement qui peut changer assez radicalement dans...

M. Chagnon: Je soulève la problématique des matières pour une raison bien simple, c'est que je regarde même l'organisation de nos cours, par exemple, en philo, à l'université. C'est Trois-Rivières qui vient de se délester de son programme en philo; il y a quelques universités qui se sont délestées de leur programme en philo. Vous me dites non...

M. Simard (Richelieu): Et de théologie.

M. Chagnon: Théologie.

M. Simard (Richelieu): Ce n'est pas la même chose.

M. Chagnon: Non, pas tout à fait, mais pas loin. Mais, bref, il y a eu un mouvement en tout cas de délestage de ces cours de philo là dans les universités et, bref, si on veut avoir 800 profs de philo, il faut qu'ils aient été formés à quelque part. Il faut avoir au moins 800 détenteurs de maîtrise qui sont dans le paysage quelque part.

M. L'Écuyer (Jacques): Vous avez raison. Vous avez tout à fait raison. Ça doit être une préoccupation, et par matière et... Je mentionnais l'autre aspect parce que c'était aussi une chose qui préoccupait l'établissement que j'ai visité. Les deux sont des éléments importants pour assurer une bonne continuité, pour assurer le développement des régions aussi à ce point de vue là.

M. Chagnon: En tout cas, d'ici septembre 2003, bien, je vais vous souhaiter un septième ministre puis...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Eh bien, merci beaucoup, merci.

M. L'Écuyer (Jacques): Bien, merci.

M. Simard (Richelieu): Toujours sympathique.

M. Chagnon: Toujours sympathique. Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier de votre participation à ce forum.

Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. le ministre et les membres de la commission aussi.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui désirent se prévaloir de questions ou de commentaires à ce moment-ci avec nos invités? Alors, dans ce cas-là, M. L'écuyer, M. Roy, nous vous remercions.

Remarques finales

M. Roger Paquin

Je voudrais connaître les membres qui désirent faire des remarques de clôture. Alors, je désire faire des remarques de clôture et, j'imagine, un de chaque côté.

Alors, je voudrais mentionner quatre points que je dégage de l'ensemble des auditions sur le projet de loi n° 123. D'abord, je pense qu'il est très important que l'on campe le projet de loi dans sa première phrase, au bout du compte: «Le conseil de chaque collège établit, en tenant compte de la situation du collège et des orientations...» Et ça, je pense qu'il y a une volonté des deux côtés de la table ? je l'ai lue à travers les questions qui ont été posées ? de ne pas faire de mur-à-mur et de s'assurer que l'on tienne compte des situations particulières des institutions, de leur localisation, de leur contexte et de leur situation pécuniaire aussi.

Deuxième point que je voudrais remarquer, c'est que j'ai vu que beaucoup de craintes, lorsqu'elles ont été exprimées par des intervenants, venaient du fait qu'il y avait eu soit des mésaventures ou, en tout cas, des mésinterprétations dues à des événements passés qu'ils avaient trouvés malencontreux, comme des palmarès, par exemple, et de leurs craintes que, éventuellement, les données recueillies au cours de ces évaluations des plans de réussite ou des plans stratégiques se traduisent en des données, des cotes qui permettent des dérapages différents dont le moindre ne serait pas de mettre une compétition entre des institutions de milieux différents vivant des situations différentes, et ainsi de suite. Je pense que cette dimension d'essayer de trouver des instruments qui nous permettent d'évaluer ou de se donner des repaires quant à la qualité des plans, quant à la qualité des réussites, ça peut verser vers des notes ou des cotes et des annotations qui pourraient effectivement, si elles ne concernaient que certaines dimensions plus facilement mesurables, au détriment de d'autres dimensions tout aussi importantes mais moins facilement mesurables, comporter des risques. Et je pense qu'il faut qu'on soit attentif à ça au moment de l'étude article par article, bien s'assurer que l'on fera ce qu'il faut pour que l'ensemble des dimensions soient examinées.

Il y a un mot, troisième remarque, qui porte à équivoque parce qu'il est vrai que l'enseignement peut être pris dans le sens de l'ensemble des activités académiques, au sens de ce qui se passe dans l'institution, des activités institutionnelles sur le plan de la dispensation des cours et tout ça, mais c'est aussi le plus souvent associé au fait, pour un enseignant, de faire son travail que l'enseignement. Et il y a là une équivoque. Je pense, qu'il faudra qu'on lui fasse attention et je pense que, si on veut que le langage soit châtié et aussi respectueux du langage juridique, il faut néanmoins qu'on ne crée pas une situation où un mésusage catégoriel devient inévitable et qu'on comprenne ce que le législateur ne voulait pas dire. Donc, est-ce qu'on peut parler de gestion d'enseignement ou de gestion académique? Il faudrait y voir mais, en tout cas, il me semble imprudent d'utiliser le mot surtout lorsqu'on sait ce que le ministre voulait qu'il veuille dire.

n(23 h 30)n

Et le dernier point que je voudrais mentionner est le suivant: c'est que, de mon point de vue, et là je le décante en partie de ce que j'ai entendu ici, il est plus facile de compter le nombre de personnes qui obtient un diplôme que de savoir, par exemple, combien des étudiants sont devenus des réalisateurs autonomes à la suite de leur formation. Et il est vrai donc que l'institution collégiale vise à former des travailleurs qualifiés, une main-d'oeuvre compétente et obtenir que les étudiants soient diplômés. Mais il arrive aussi qu'ils soient tellement compétents et qu'ils soient déjà tellement qualifiés lorsqu'ils ont terminé certains cours que des entrepreneurs s'empressent d'aller les recruter avant qu'ils n'aient terminé d'autres cours, auquel cas il n'y a pas de diplôme mais il y a un travailleur qualifié. Et il y a d'autres situations.

Je sais que les entrepreneurs font de plus en plus attention à cette dimension-là et même, en recrutant de mieux en mieux, accompagnent les personnes qu'ils recrutent, de façon à ce qu'elles complètent leurs cours, et que la responsabilité civique des entrepreneurs en général est de plus en plus consciente de cette dimension-là.

Il demeure que, donc, le simple fait de comptabiliser numériquement combien de personnes obtiennent le diplôme, ça ne révèle pas toute la dimension de la réussite, d'autant plus que, à quelque part, réussir sa formation au niveau d'une institution collégiale, c'est à la fois être instruit, formé, éduqué, mais être... Et c'est une prétention que l'on a toujours voulu voir se réaliser auprès des étudiants en formation dans les cégeps, c'est de faire en sorte qu'ils deviennent des réalisateurs autonomes, c'est de faire en sorte qu'ils deviennent des personnes accomplies, des adultes éduqués, des citoyens responsables aussi, et ça, c'est plus difficile à mesurer.

Alors, il demeure donc que, comme la réussite ? et ça a été bien distingué par plusieurs intervenants ? n'est pas seulement la diplomation, c'est aussi la diplomation mais ce n'est pas que la diplomation, il faut que l'on fasse en sorte que le projet de loi, quand il aura sa forme finale, ne laisse pas d'équivoque sur le fait que le législateur trouve aussi importante, d'abord, la réussite de la personne dans son cheminement et bien sûr cette façon de le voir de façon très objective au niveau de la diplomation. Mais je constate que plusieurs ont aussi indiqué que la Commission d'évaluation est particulièrement compétente, de ce fait que, au-delà de la simple diplomation, elle continue de prendre en compte les dimensions de la réussite qui sont au-delà de la diplomation, celles des étudiants bien formés.

Alors, ces quatre considérations m'apparaissent importantes au moment où on fera l'étude article par article et c'est pourquoi je pense que je nous invite, comme commission, à être attentifs à ces paramètres-là. Et je crois que le projet sera d'autant meilleur que l'on saura bien camper qu'on tient compte des situations de chaque institution, qu'on ne perd pas de vue que la réussite n'est pas que la diplomation, qu'on ne perd pas de vue que la diplomation est importante et qu'on ne perd pas de vue non plus que les gens qui auront à fonctionner dans ce système-là, qui sont très engagés auprès de la réussite scolaire et la réussite personnelle de leurs étudiants ont des préoccupations qui viennent de certaines mésaventures et de certains dérapages potentiels.

Voilà l'essentiel, donc, de mes remarques à ce moment-ci, et je donnerais la parole au député de Westmount?Saint-Louis.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je fais mienne une bonne partie de l'argumentation, du commentaire que vous avez fait. J'ajouterai que, dans le projet de loi que nous avons devant nous, bien, il y a des corrections qui devront être faites. Le ministre nous en parlera un peu plus tard. Il y a des propositions d'amendements qui ont été suggérées et qui devront être regardées, que cela concerne soit la consultation, que cela concerne sans équivoque la question de l'autonomie de la Commission d'évaluation. Il y aura donc éventuellement... Je me posais la question, je sens que, j'ai évolué, je sens que, probablement et effectivement, il faudra ajouter un quatrième membre à la Commission d'évaluation, entre autres. C'est un des articles, un des huit ou neuf articles du projet de loi qui ont de la substance. Et j'ai foi, je fais un acte de foi dans la Commission d'évaluation afin qu'elle fasse justement la part des choses dans le raisonnement que vous avez fait, M. le Président, parce que, dans le fond, c'est ça que vous demandez. Les trois premiers de vos quatre arguments, de vos quatre points, sont des points qui font référence au jugement qui devrait être exercé par la Commission d'évaluation pour justement faire en sorte que le travail qu'elle fasse corresponde davantage aux besoins réels non seulement des lieux, aussi de la réussite scolaire en général, puis de la diplomation aussi, de surcroît ce n'est pas péché.

Et éventuellement la Commission d'évaluation elle-même devra faire l'objet d'une évaluation. C'est bien beau de parler de l'imputabilité tout un chacun des profs, des directeurs, des... Elle devra faire son plan, et elle devra aussi s'évaluer et puis se laisser évaluer par peut-être cette commission-ci, M. le Président, que vous présidez. Et éventuellement je pense que, dans le fond... La conclusion, c'est que plus nous avançons dans le temps, plus nous allons comme... plus les pouvoirs publics vont faire en sorte de chercher à mieux conscrire, à mieux cerner la qualité des efforts qui sont investis par tout un chacun, et des efforts financiers, des efforts physiques et des efforts humains, qui sont investis dans des objectifs et qui verront à faire en sorte de mieux évaluer la qualité de ce qu'on a pour les efforts qu'on a investis.

Et cela, je pense qu'il n'y a rien qui va faire en sorte... Ce n'est pas un phénomène passager. Ce n'est pas un phénomène qui va, par hasard, nous approcher puis se sauver pas la suite. C'est un phénomène avec lequel on va devoir apprendre à vivre et apprendre à vivre tout le temps. Ce n'est pas une mauvaise chose en soi. On n'est pas toujours prêt à y arriver, on n'est pas toujours prêt à se laisser... à rentrer dans ce moule-là, mais je sens que c'est incontournable pour les années à venir et je sens que les pouvoirs publics, quels qu'ils soient, où qu'ils soient, vont chercher à tenter de s'améliorer, conditionnés d'ailleurs par l'opinion, conditionnés par l'opinion qui cherche davantage à avoir un meilleur service, et c'est normal. Ce sont mes conclusions, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Sylvain Simard

M. Simard (Richelieu): M. le Président, je vais essayer de m'inscrire dans cette ligne de commentaires sages que vous avez initiés et dans laquelle s'est engouffré mon collègue de Westmount?Saint-Louis.

Je voudrais d'abord remercier tous les organismes qui ont participé et qui ont présenté le fruit de leur réflexion sur le projet de loi n° 123. Je le sais, leur engagement envers l'éducation est sans réserve, et ils témoignent de leur vif intérêt envers un enseignement collégial de grande qualité, qui intègre l'objectif crucial de la réussite de tous les élèves.

Si nous sommes ici, c'est que la réussite, c'est l'une des principales priorités de ce gouvernement. Nous ne voulons plus perdre d'élèves en chemin. Nous voulons nous assurer que le plus grand nombre atteigne à terme la clé de toute réussite, c'est-à-dire la pleine réalisation de leur potentiel. Nous souhaitons que tous les jeunes Québécois et Québécoises puissent s'évanouir, s'épanouir ? s'évanouir, c'est nous, bientôt ? et se donner les moyens de leurs aspirations. Déjà, et M. L'Écuyer l'a rappelé tout à l'heure, les cégeps sont à pied d'oeuvre. Ils ont élaboré des stratégies adaptées à leur milieu pour favoriser la réussite du plus grand nombre. Le projet de loi n'arrive pas au point de départ, ne réinvente pas la roue, le travail est déjà enclenché.

n(23 h 40)n

Aujourd'hui, nous avons écouté, discuté, échangé, et souvent les commentaires que nous avons entendus ont permis de jeter un éclairage nouveau sur le projet de loi n° 123 et ses conséquences pour l'enseignement collégial. Nous allons donc tenir compte évidemment des commentaires que nous avons entendus, des éclairages que nous avons entendus. Vous avez souligné vous-même quatre points très clairs dans votre tentative de synthèse du départ, et je me rallie facilement aux points que vous avez soulignés. Je crois que, dans le travail que nous ferons en commission, article par article, nous tenterons de formaliser ces constats, de les rendre... de faire en sorte que la loi réalise ses objectifs avec le plus de précision possible, en tenant compte de tous les éclairages que nous avons entendus.

Je suis très heureux d'ailleurs de la collaboration de tous les membres de cette commission et du travail de partenariat que nous avons fait des deux côtés de cette commission de façon à mieux comprendre aujourd'hui les enjeux. Et cela me fait croire, à partir d'ailleurs des discussions que nous avons eues en Chambre précédemment, lors de l'adoption de principe, que nous allons ensemble réussir à rédiger, et approuver ensuite, et faire adopter ensuite un projet de loi qui corresponde vraiment aujourd'hui aux besoins des élèves québécois.

Il faut bien comprendre ici qu'il ne s'agit pas d'un nivellement par le bas, il ne s'agit pas de réduire la réussite à l'une ou l'autre de ses composantes. C'est beaucoup plus complexe, nous le savons tous. La vie, l'apprentissage de la vie, c'est beaucoup plus complexe que la simple diplomation. Cependant, l'immense majorité des jeunes québécois ont le droit de recevoir tout l'appui nécessaire du milieu éducatif pour atteindre cette réussite complète. Alors, j'en appelle évidemment à votre collaboration pour la suite des choses.

À 11 h 43, je pense que nous pouvons remercier ceux qui sont venus nous éclairer et nous féliciter du climat dans lequel ces débats ont eu lieu aujourd'hui. Merci, M. le Président. Je veux remercier également les collaborateurs, tous les membres de la commission, les collaborateurs qui nous ont appuyés et vous souhaiter, pour ce qu'il en reste, une excellente nuit.

Le Président (M. Paquin): Alors, merci aux intervenants, merci aux parlementaires, merci à mes collaboratrices, et, la commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 43)


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