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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 24 février 2004 - Vol. 38 N° 14

Consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, je constate le quorum des membres de la Commission de l'éducation. Donc, je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte.

Je rappelle que le mandat de la commission est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gabias (Trois-Rivières) remplace M. Auclair (Vimont) et M. Bourdeau (Berthier) remplace M. Cousineau (Bertrand).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. O.K. Alors, c'est parfait. Je vais faire une lecture assez rapidement de l'ordre du jour. Nous entendrons l'Université Laval, la Fédération étudiante universitaire du Québec et le Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études. Et, cet après-midi, nous poursuivrons avec l'Université du Québec à Trois-Rivières, le Parti québécois et le Comité national des jeunes, l'Association francophone pour le savoir et enfin l'Union des forces progressistes.

Auditions (suite)

Je pense que nous avons des habitués qui sont devant nous, mais juste pour rappeler qu'on va procéder avec une période de présentation de 20 minutes, suivie par un échange avec les parlementaires. Peut-être, on va procéder encore une fois avec 10 minutes à ma droite, 10 minutes à ma gauche, 10 minutes à ma droite et 10 minutes à ma gauche.

Alors, à ce stade, je vous invite, M. Pigeon, à lancer la balle ce matin. Bienvenue.

Université Laval (UL)

M. Pigeon (Michel): Merci. M. le Président de la commission parlementaire, M. le ministre de l'Éducation, Mmes et MM. les députés membres de cette commission, merci de nous recevoir aujourd'hui et de nous entendre à propos de la qualité, de l'accessibilité et du financement des universités québécoises.

Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce matin. Il s'agit de M. Claude Godbout, vice-recteur exécutif et vice-recteur à l'administration et aux finances; Mme Christiane Piché, vice-rectrice aux études; et M. Raymond Leblanc, vice-recteur à la recherche.

En tout premier lieu, je veux vous remercier, au nom de son épouse, de sa famille et de ses enfants, des bons mots que vous avez tous et toutes eus la semaine dernière à l'égard du regretté François Tavenas. La lettre qu'il vous a fait parvenir, M. le ministre, est une illustration on ne peut plus éloquente de la perte immense que nous avons tous subie en raison de son décès prématuré.

Deuxièmement, je veux dire que l'Université Laval appuie sans réserve le mémoire de la CREPUQ et les demandes pressantes de refinancement qu'il contient. Même si, selon François Tavenas, et je cite, «les universités québécoises sont remarquablement performantes», fin de la citation, le gouvernement québécois doit se fixer comme objectif de permettre aux établissements québécois de rejoindre le niveau de financement des universités des autres provinces canadiennes.

Nous en sommes maintenant rendus à un point où nous devons impérativement nous préoccuper du maintien de la qualité de la formation dans nos établissements. Comme vous avez pris connaissance de notre mémoire et que nous n'avons qu'une petite heure à passer ensemble, je limiterai donc le plus possible mon intervention d'ouverture pour laisser plus de temps aux échanges entre nous.

n (9 h 40) n

Le ministre de l'Éducation déclarait la semaine dernière ce qui suit, et je cite: «Nous n'avons surtout pas à confisquer le terrain de la discussion en y formulant des prises de position qui auraient pour effet de rétrécir ou de freiner le débat.» Fin de la citation. C'est la vision qui a guidé notre réflexion pendant la préparation de notre mémoire.

Dans notre document, les premiers chapitres s'attachent directement au thème du document de consultation et à la question du sous-financement spécifique à l'Université Laval. Ces chapitres sur l'enseignement, la recherche, le financement des universités et la situation particulière de l'Université Laval s'inscrivent dans une perspective d'action et mettent en relief le besoin très réel de financement des universités comme de notre établissement.

Le dernier chapitre de notre mémoire, conçu dans une perspective de long terme, se veut le fruit d'une réflexion ouverte où nous tentons de sortir d'un certain cadre établi qu'en général on n'ose pas ou on ne pense pas remettre en question. Par cette section à la fin de notre mémoire, nous espérons simplement susciter une réflexion afin que le réseau universitaire québécois serve encore mieux la collectivité.

Les membres de notre conseil universitaire réunis pour commenter le document de consultation, de même que les nombreux groupes et personnes rencontrés systématiquement dans notre communauté depuis des mois, ont largement alimenté ce mémoire. Celui-ci reflète donc les grandes préoccupations de la communauté universitaire de Laval, incluant cette question de la course au recrutement étudiant imposée à tous les établissements par une formule de financement dont certains effets sont devenus malsains. En un mot, l'Université Laval souhaite davantage de collaboration entre les établissements d'enseignement supérieur.

Au sujet de l'enseignement, nous affirmons, à l'instar du Conseil de la science et de la technologie, que la qualité de la formation universitaire repose, entre autres éléments, sur un meilleur arrimage entre les collèges et l'université.

En recherche, nos propos découlent de notre conviction que toutes les universités québécoises et peut-être plus particulièrement les trois grandes universités de recherche que sont McGill, Montréal et Laval sont très proches d'un seuil critique au-delà duquel leur performance, remarquable jusqu'ici, commencera à souffrir d'un financement nettement inadéquat. Faire toujours plus avec toujours moins est une formule facile qui comporte d'évidentes limites.

Du côté du financement, c'est notre devoir de mettre en relief que l'Université Laval ? qui n'est ni à Montréal, où la démographie favorise l'accroissement des populations universitaires, ni en région, où existent déjà des mesures particulières de soutien aux établissements ? subit des sous-financements qui lui sont propres. Nous demandons au gouvernement québécois une correction de 11 millions de dollars de ce sous-financement dès l'année 2004-2005.

Nous signalons aussi dans notre mémoire que le gel actuel des droits de scolarité signifie en réalité que ces droits diminuent annuellement en dollars constants. Nous proposons donc de mettre fin au tabou sur cette question en indexant les droits de scolarité actuels au coût de la vie et en rattrapant l'inflation survenue depuis 1995. Nous ne suggérons pas toutefois de rejoindre la moyenne canadienne des droits de scolarité afin de ne pas nuire à l'accessibilité.

Enfin, nous croyons qu'après plus de 30 ans de développement il serait bon de jeter sur le système lui-même un regard critique afin d'en améliorer la cohérence dans l'organisation, d'en accroître l'efficacité au service de la société et surtout d'y insérer des mécanismes favorisant à tous égards, y compris dans le financement, beaucoup plus de collaboration et de concertation entre tous les établissements universitaires du Québec. Il y a, bien évidemment, de nombreuses façons d'examiner cette question. Nous en avons proposé une, il appartiendra à l'ensemble des intervenants de choisir la plus appropriée. Mais nous tenions à faire cette réflexion afin de sensibiliser les autorités du ministère de l'Éducation à certaines préoccupations, en particulier les contraintes liées à la course au recrutement exprimées par la communauté universitaire de Laval.

Voilà donc, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, les principaux éléments de notre mémoire que je désirais présenter en début de rencontre. Je disais, à cette même commission, en septembre dernier, ce qui suit: «Les universités au Québec sont fortes, soyez-en fiers, mais elles ont besoin d'aide.» Je reprends cette phrase aujourd'hui en pensant à tous les établissements universitaires du Québec, qui réalisent un travail remarquable dans un contexte particulièrement ardu et qui sont des institutions essentielles non seulement au progrès de leur coin de pays, mais de tout le Québec. Je dois malheureusement ajouter que, si un refinancement substantiel n'est pas bientôt au rendez-vous, comme le rappelle la CREPUQ et les intervenants qui se sont exprimés ici la semaine dernière, c'est tout le réseau universitaire qui en pâtira en termes de qualité et d'accessibilité, donc le Québec tout entier. Je m'arrête ici et, en compagnie de mes collègues, je suis disposé à répondre à vos questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour la présentation. Et je cède maintenant la parole au ministre. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Reid: Merci beaucoup. Bienvenue aux membres de la direction de l'Université Laval. Il y a, dans votre mémoire, beaucoup d'éléments qui sont intéressants. Il y a des éléments qui de toute évidence font partie et auxquels, comme le recteur vient de le dire, je pense, il voudrait sensibiliser la direction du ministère et la commission parlementaire mais qui font partie de discussions qui, je pense, sont déjà en cours ? et on en parle dans la presse de ce matin d'ailleurs, dans les médias, ce matin ? concernant les financements, les modes de financement, les grilles de financement, etc.

Moi, j'aimerais peut-être commencer par une question que vous soulevez ? et vous venez d'en parler encore, M. le recteur ? sur le mode de financement dans sa nature même au Québec, qui a été jusqu'à maintenant en grande partie lié au nombre d'étudiants et d'étudiantes qui choisissent les programmes que l'université va offrir. C'est un système qui, jusqu'à un certain point, est un système qui obéit à des règles de marché, très réglementé par ailleurs parce que les prix sont fixés par le gouvernement en quelque sorte, si on veut parler en termes d'économie. Mais j'aimerais vous entendre un petit peu parce que, finalement, quand on regarde, vous suggérez des changements ou que vous suggérez qu'on regarde des changements qui sont quand même très profonds et qui visent, comme vous le dites, là, davantage de collaboration plutôt que, disons, une approche trop strictement celle de marché: Je veux avoir le plus d'étudiants possible pour avoir le plus d'argent possible. C'est ce que je comprends de votre intervention. Et simplement c'est que je me demande ? parce que c'est louable: Mais de quelle façon est-ce que cette question-là peut être abordée?

Vous soulevez peut-être une suggestion, qui est celle d'avoir une base forfaitaire par programme, mais en même temps ça soulève la question à ce moment-là: Sur quelle base est-ce qu'on va... sur quels règles, normes, critères est-ce que le gouvernement financerait un programme ou offrirait, pour un programme, une base et, pour un autre, non? Évidemment, on se demande si ça va jusqu'à remettre en question le fait qu'au Québec ce sont les étudiants et les étudiantes qui, par leur choix d'aller dans un programme ou non, gardent les programmes en vie ou les font se développer. Et jusqu'à maintenant on l'a fait par le financement. Autrement dit, un étudiant qui choisit un programme, ça amène à ce programme-là un financement qui peut servir à faire fonctionner le programme, et, si le programme n'est plus choisi par les étudiants du Québec ? je simplifie évidemment, là ? ça veut dire qu'en principe ce programme-là n'aurait plus les fonds pour continuer à exister. Est-ce que vous allez jusqu'à remettre en question complètement ce principe-là?

Le Président (M. Kelley): M. Pigeon.

M. Pigeon (Michel): Oui. M. le ministre, comme vous savez, je suis un jeune recteur et j'en suis à mon deuxième cycle budgétaire. Nous sommes en préparation du budget 2004-2005. Et ce qui m'a frappé entre autres, c'est que, pour assurer qu'on ait l'an prochain un budget équilibré ? et vous comprendrez que c'est fort souhaitable ? non seulement nous devons encore faire subir en quelque sorte à la communauté universitaire certaines coupures, que je pourrais détailler, mais en plus nous devons impérativement obtenir une augmentation de nos effectifs étudiants. Et nous sommes donc liés... Et là évidemment je parle de l'Université Laval et je pense que la situation de Laval est particulièrement bien décrite dans le mémoire.

n (9 h 50) n

Nous sommes donc en présence d'un système qui fait en sorte que, si notre bureau d'information et de promotion, notre bureau de recrutement n'est pas extrêmement efficace, on risque un déficit encore l'an prochain. Et, bien que je comprenne la formule telle qu'elle existe et qu'il soit raisonnable de penser qu'on soit financés par... par tête de pipe peut-être, pour employer une mauvaise expression, je crois que ça nous amène, nous, l'Université Laval et peut-être inévitablement, dans le futur, même à Montréal ? parce que la croissance des populations étudiantes ne sera pas toujours au rendez-vous ? bien, j'ai l'impression que ça nous amène à des comportements où on est obligés de poser des actions qui m'apparaissent peu de type universitaire.

Et, d'autre part, on vit, à l'université, dans le fond, deux sortes d'universités. On a les écoles professionnelles et on a aussi ce qu'on pourrait peut-être appeler la formation culturelle. Et, si on veut, tel que c'est spécifié dans le mémoire, garder ? et je pense que c'est nécessaire pour la société ? de la philosophie, de la musique, et ainsi de suite, des lettres, je pense qu'il faudrait peut-être avoir des formules modulées, modulées en fonction des secteurs, modulées en fonction des nombres. Je n'ai pas de formule précise à vous donner, mais je demeure convaincu ? et vous êtes mathématicien, vous allez être meilleur que moi pour inventer une formule, j'imagine...

M. Reid: Formé à Laval.

M. Pigeon (Michel): Mais je pense qu'on pourrait imaginer certaines formules où une certaine croissance, par exemple, donnerait lieu à des augmentations, je dirais, de financement plus fortes, puis ça pourrait être décroissant. On peut penser à une somme de modèles. Je ne blâme pas... Le modèle a été mis en route au moment où on croyait que c'était le bon, et je pense que c'est tout à fait raisonnable. Dans la vie, on agit avec les informations du moment, que nous avons. Et à ce moment-là on croyait que c'était bon. Je pense qu'on s'est rendu compte que, dans une situation où le financement était difficile, ça a peut-être donné lieu à une course au recrutement beaucoup plus forte que ce qu'on aurait pu imaginer avec ? et je pense que je n'ai pas besoin de donner les exemples, là, il y en a plusieurs de cités dans le mémoire ? avec une course au recrutement où... Peut-être que chaque université doit le faire. Et nous le faisons, je dirais, nous agissons de la même façon. Mais est-ce que c'est la meilleure formule pour la société québécoise? Je me pose véritablement la question. Mais je n'annonce pas que j'ai toutes les réponses, mais c'est pour ça que je suggère que, ensemble, on y pense.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: M. le Président, ce que je comprends finalement, c'est que ? dites-moi si je comprends bien ? vous ne remettez pas en question l'existence d'une formule liée aux choix des étudiants et des étudiantes du Québec, sauf que ce que vous dites, c'est que, les temps changeant, les conditions changeant, il est peut-être temps, si je comprends bien ce que vous dites, de raffiner cette formule et de tenir compte d'éléments qui actuellement la rendent trop unique et peut-être créent une situation où la concurrence se fait tous azimuts et qu'on en arrive à des situations où, pour certains programmes, il y aurait peut-être lieu de nous assurer qu'on ne les perde pas, si je comprends bien. Mais ce que je comprends, c'est surtout un raffinement des formules existantes plutôt que de... Parce que, moi, j'avais l'impression que vous suggérez peut-être que les programmes soient subventionnés sur la base d'un programme, peu importe le nombre d'étudiants qu'il y a à l'intérieur du programme. Mais je ne pense pas que ça va jusque-là, si j'ai bien compris.

Le Président (M. Kelley): M. Pigeon.

M. Pigeon (Michel): Je dirais, on pourrait imaginer, par exemple, des seuils, hein? Je pense que c'est clair. On ne maintiendra pas, et ce ne serait pas efficace pour la société québécoise, on ne maintiendra pas en vie des programmes qui auraient uniquement quelques élèves. Je pense que c'est fort raisonnable de dire ça. Mais, comment dirais-je, si la formule de financement... On peut parler d'ajustement, on peut parler de remise en cause, là, je pense que c'est une question de vocabulaire. Mais on pourrait imaginer aussi des mécanismes de financement qui seraient incitatifs à la collaboration universitaire. Alors, comme vous le savez, parce que vous êtes et vous étiez recteur de l'Université de Sherbrooke, j'ai fait beaucoup de collaboration avec l'Université de Sherbrooke, et c'était dans le domaine de la recherche. Et, comme vous le savez, dans le domaine de la recherche, c'est beaucoup plus facile, même si on commence à voir que, bon, si l'étudiant qui est codirigé est à telle université plutôt qu'à telle autre... Mais j'aimerais qu'on se penche avec un peu plus d'imagination sur la possibilité, par exemple, que ce soit, entre guillemets, payant pour les universités de travailler en collaboration plutôt qu'en compétition, là, du point de vue recrutement, et donc ça pourrait être des ajouts à la formule.

M. Reid: Est-ce que j'ai encore un peu de temps?

Le Président (M. Kelley): Oui, M. le ministre.

M. Reid: Parce que j'aimerais poursuivre sur la même lignée. C'est que vous parlez de collaboration, et, dans le mémoire, on parle d'augmenter la collaboration entre les universités et avec les collèges, ce que, je dois vous avouer, me sourit beaucoup. Mais j'aimerais peut-être voir un peu si vous pouvez élaborer un petit peu plus que ce qu'il y a dans le mémoire sur ce type de formule ou, dans le contexte de l'Université Laval, avec des partenaires, peut-être des choses que vous voyez, que vous faites ou que vous voudriez faire.

Le Président (M. Kelley): M. Pigeon.

M. Pigeon (Michel): Écoutez, du point de vue des financements qui pourraient être incitatifs à la collaboration, je pense que, comme disent les Anglais, «money talks» et je pense que, actuellement, chaque université est dans un système où elle doit, j'imagine, comme nous, maximiser le nombre d'étudiants. Et je pense que certaines universités sont en compétition forte; d'autres, moins évidemment. Et il me semble qu'on pourrait imaginer des formules de financement, comme je le disais, qui favoriseraient la collaboration.

On pourrait imaginer, par exemple, je ne le sais pas, moi, si deux universités offrent le même programme, bien, que, si elles l'offrent conjointement, il y aurait un certain financement additionnel qui serait donné par le ministère et qui impliquerait que les deux universités en question en quelque sorte sont récompensées plutôt que de mettre des énergies à des recrutements extrêmement intensifs d'un côté et de l'autre.

Alors, il y a, je pense, aussi, là... Comment je dirais, donc? On a pensé, par exemple, aux formules D.E.C.-bac, hein, on en a beaucoup parlé, et nous sommes des pionniers, je pense, à l'Université Laval, dans ce domaine-là. Mais les D.E.C.-bacs, c'est une forme de collaboration qui fait que dans le fond l'université ne maximise pas son rendement. On a accepté de ne pas maximiser le rendement. Le collège va donner, par exemple, trois années, et la personne qui vient faire, disons, son cours de quatre ans à l'université peut le faire en trois ans et demi ou en trois ans. Je pense qu'il y a là... Je dirais, on l'a fait sans incitatifs financiers, mais je pense que... Et c'est important pour la société québécoise qui n'a pas besoin de payer un trimestre ou deux trimestres additionnels, mais je pense qu'on pourrait avoir beaucoup plus de ces collaborations.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre, en terminant.

M. Reid: Juste pour terminer, ce que je comprends, c'est que vous dites là-dessus, dans ce cas précis: La société québécoise économise une session d'études pour l'étudiant, l'étudiante qui économise une session, mais l'université là-dessus n'a pas le revenu qu'elle aurait normalement, puis ça ne diminue pas son nombre de professeurs pour autant, là, c'est ça.

M. Pigeon (Michel): Et elle s'est privée d'une session, en fait, hein? Clairement, c'est ça.

M. Reid: C'est ça. C'est ça. O.K.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue au nom de ma formation politique et de mes collègues, qui sûrement auront un certain nombre de questions à soulever à votre endroit.

Quant au mémoire que vous nous présentez, un peu dans la foulée de ce que le ministre a soulevé comme questions, vous allez très loin en fait dans votre mémoire, en disant, bon: Un nouveau modèle de financement est nécessaire. Mais vous dépassez cela en parlant quasiment d'un nouveau modèle d'organisation universitaire où vous indiquez, entre autres, qu'«il est essentiel de revoir la formule de financement, non nécessairement pour la changer radicalement, mais pour mieux l'adapter à la réalité nouvelle. Cette nouvelle formule devrait, à notre avis, comporter des incitatifs importants à la concertation et à la collaboration entre les établissements universitaires. Nous croyons qu'une formule de financement révisée est la piste obligée pour une nouvelle convergence et une meilleure concertation dans l'enseignement supérieur québécois.»

Et vous faites référence aux nombreux programmes différents qui existent d'une université à l'autre, malgré le fait qu'il y ait eu un travail de fait par la Conférence des recteurs à cet effet-là, à savoir de revoir, pas la carte des programmes, je n'oserais dire cela, mais revoir l'ensemble des programmes qui existent. Ce que vous nous dites, c'est que cela n'a pas été... c'est-à-dire cette démarche n'a pas permis d'aller au bout et de donner tous les résultats escomptés. Et vous revenez sur cette question de formule de financement incitative.

Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples un petit peu plus précis par rapport à la question qu'a soulevée le ministre à cet égard, comme Université Laval qui êtes évidemment en contact, pour ne pas dire en concurrence avec d'autres universités sur le territoire?

n(10 heures)n

M. Pigeon (Michel): Bien, je pense que le mémoire effectivement est plein d'exemples à ce sujet-là. Et la première remarque que j'aimerais faire, c'est que... Je vais donner quelques exemples, mais je ne voudrais pas que les gens voient ça comme, je dirais, un reproche quelconque à quelque université que ce soit. Je pense que chaque recteur ou chaque rectrice, dans chaque université, fait ce qu'il faut pour son université. Et c'est pourquoi je pense que le système, lui, pourrait être modifié pour éviter, par exemple, qu'il y ait trop de duplication, par exemple Québec-Lévis, mais on pourrait voir aussi de la duplication avec, par exemple, l'Université du Québec à Chicoutimi, qui veut implanter un programme de travail social, et à Québec, et ainsi de suite. Et des exemples comme ça, je pense qu'il y en a, il y a de la concurrence ? pour employer le mot, là ? sur les MBA, et ainsi de suite.

Et ce qu'on dit, à la fin de notre mémoire, c'est que l'important, c'est d'avoir une concurrence sur la qualité, nous sommes d'accord avec ça, mais la concurrence trop exacerbée sur le nombre peut avoir des effets nocifs sur la qualité. Et on n'a pas de mesure de ça, j'en suis très conscient. Mais je pense que de vouloir à tout prix, parce qu'on n'a pas le choix, parce qu'il faut vivre et, comme je disais tout à l'heure, parce qu'on risque de faire un déficit, bien, je ne pense pas qu'on serve bien la communauté québécoise.

Mme Marois: Quand on lit votre mémoire, on a l'impression que vous enviez un peu le modèle de l'Université du Québec qui a... non, je vous tire la pipe un peu, mais dans le sens où vous dites: Il y a une coordination intéressante qu'on peut constater à ce niveau-là, et les autres universités, que ce soit Sherbrooke, que ce soit Laval, que ce soit Montréal, se trouvent dans un sens un peu isolées les unes par rapport aux autres, ajoutez McGill, ajoutez Concordia. Et est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir un autre lieu de concertation ou de souhaiter à ce moment-là que ce soit peut-être la CREPUQ qui l'assume? Mais enfin je vous pose la question, puisque vous le soulevez dans votre mémoire.

M. Pigeon (Michel): Bien, je pense que vous avez raison. Je dirais, là... c'est délicat de dire: Est-ce que j'envie ou est-ce que nous envions l'Université du Québec? Mais d'une certaine façon nous constatons que l'Université du Québec dispose d'une mécanique intéressante, et effectivement cette mécanique intéressante, c'est comme un canal bien organisé pour permettre des collaborations. Et nous trouvons que le Québec serait mieux servi avec un système qui mettrait toutes les universités en collaboration. Et je pense que l'Université du Québec a eu de grands succès, ils ont bien rempli leur mission régionale, je pense que c'est extrêmement clair. Et on peut imaginer que l'organisation en réseau a été positive.

Et vous avez vu que, dans les dernières pages du mémoire, on dit qu'à la limite on pourrait réorganiser le réseau de nos universités de toutes sortes de façons différentes. Et en fait on pourrait se demander: Si le réseau universitaire québécois n'existait pas, qu'est-ce qu'on créerait? Et, à partir de ça, il y aurait différents modèles possibles. L'Université Laval ne tient pas à prendre position, mais elle se dit qu'on a actuellement le vécu de l'histoire, en quelque sorte. On hérite toujours un peu du passé.

Le gouvernement nous conviant à une commission parlementaire et à une réflexion, est-ce que ce n'est pas le temps maintenant de faire cette réflexion plutôt que d'attendre encore cinq, 10, 15 ans? Je pense que l'idée, c'était ça, c'était d'appeler les gens à la réflexion. Et le modèle de l'Université du Québec, oui, est très bien.

Mme Marois: C'est intéressant comme perspective. Je vais revenir maintenant sur un élément plus précis et plus pointu, et c'est tout cet arrimage entre les collèges et l'université. Alors, il y a deux recommandations formelles dans votre mémoire. Vous dites, bon: On propose d'étendre le plus possible les ententes D.E.C. plus bac pour le secteur de formation technique des collèges. Je sais que vous avez un grand nombre d'ententes. D'ailleurs, ici, on le mentionne, quand vous parlez de 33 ententes qui existeraient déjà.

Moi, j'aimerais que vous me parliez un petit peu du processus que vous avez suivi pour en arriver à cela. Parce qu'on sait que, dans certaines universités, c'est ardu, et on n'en est pas encore à cela, un. Et, deux, vous proposez, à votre deuxième recommandation, un arrimage amélioré et continu des programmes entre la formation collégiale préuniversitaire et l'université par l'implication directe des professeurs des deux niveaux d'enseignement supérieur. Est-ce que, sur cela aussi, il y a des exemples que vous pourriez nous donner dans cette perspective, qui s'inscrivent dans cette perspective?

Le Président (M. Kelley): M. Pigeon.

M. Pigeon (Michel): Si vous me permettez, je vais dire quelques mots puis je passerai ensuite la parole à la vice-rectrice aux études. Sur les ententes D.E.C.-bac, j'aimerais dire que, encore tout récemment, là, dans le secteur de l'agronomie, on vient d'en signer huit autres. Et le processus, en fait, suppose qu'on établit un lien de confiance. Moi, c'est comme ça que je le vois. Et l'Université Laval, il y a déjà, là... je dirais, à la fin du mandat de M. Gervais puis au début du mandat de M. Tavenas, avec celui qui était alors directeur général du premier cycle, M. Kirouac, l'Université Laval a établi énormément de liens avec les collèges et là on a commencé à se concerter et à partir la ronde des D.E.C. plus bac.

Maintenant, vous savez que, dans certains secteurs du génie, c'est plus difficile à cause des demandes du Bureau canadien d'accréditation des programmes d'ingénierie. On a poussé dans ce sens-là et on devrait aboutir bientôt, je pense, à d'autres ententes dans ce domaine. Et je laisserai tout à l'heure Mme Piché continuer à ce sujet-là.

Pour ce qui est de la deuxième question concernant l'implication directe des professeurs des deux niveaux d'enseignement supérieur, quand j'étais vice-doyen à la Faculté des sciences et de génie ? je vais vous donner un exemple ? j'ai été amené à réfléchir au chevauchement possible de l'enseignement des mathématiques, M. le ministre. Et vous savez que l'enseignement des mathématiques, ça change beaucoup et que maintenant on fait ça beaucoup par ordinateur. Et, quand nous étions jeunes, on disait: Différencie qui veut, intègre qui peut, hein? Le calcul intégral, c'est difficile. Maintenant, il y a des magnifiques ordinateurs qui font tout. Et se pose donc la question, en fait, de l'enseignement des mathématiques. Les programmes d'ordinateur comme Maple et Mathlab, qui font énormément de calcul différentiel, intégral, et tout ça, est-ce que ça s'enseigne au cégep? Est-ce qu'on recommence à l'université? Où on tranche?

Et j'avais présidé à une réunion de profs de collèges de la région de Québec avec les profs de maths de chez nous puis là j'avais vu qu'à un moment donné, bien, ils se sont dit: Bon, bien, au collège ? nous, en tout cas, dans le collège où on était ? nous, on va vous laisser Maple puis Mathlab puis, nous, on va insister sur certains principes, et ainsi de suite. Alors, quand on se met à se parler, là, c'est incroyable le nombre de problèmes qu'on peut régler. Et je pense que, si les universités ont beaucoup d'ouverture et, je dirais... Les mots ne sont pas innocents, si je puis dire. Et, si vous lisez la recommandation 2, vous allez voir qu'elle se termine par «l'implication directe des professeurs des deux niveaux d'enseignement supérieur». Alors, si les universités considèrent bien que le cégep fait partie de l'enseignement supérieur et qu'on se parle, vous allez voir qu'on va pouvoir faire beaucoup, beaucoup, beaucoup de chemin. Et j'aimerais peut-être laisser Mme Piché compléter.

Mme Piché (Christiane): J'ajouterais simplement que les passerelles et les ententes D.E.C.-bac reposent essentiellement sur la reconnaissance des acquis et ça vise à éviter finalement les dédoublements des connaissances aux deux ordres d'enseignement. Alors, ce que ça présuppose, c'est que les professeurs des deux ordres se concertent et examinent de façon très attentive les enseignements qui sont donnés dans les deux ordres respectifs. Alors donc c'est ainsi qu'on est arrivé à mettre sur pied 42 ententes D.E.C...

Une voix: ...

Mme Piché (Christiane): Oui. Et ça date de 1997. Et étonnamment le premier secteur où nous avons établi ce type d'entente, c'était dans le secteur de la musique et non pas, je dirais, dans les...

Mme Marois: Et non pas dans les sciences infirmières, où on a commencé, généralement. Oui, c'est ça.

Mme Piché (Christiane): Exactement, et non pas dans les... Oui. Mais actuellement nous avons des ententes dans les secteurs d'aménagement, architecture et arts visuels, les sciences de l'administration, les sciences de l'agriculture, en sciences et génie aussi. Alors, nous, on considère que c'est une façon fort intéressante, je dirais, de sensibiliser les jeunes, et de leur faire découvrir le monde universitaire, et de leur faire découvrir la perspective d'une formation universitaire. Alors, nous pensons que c'est un excellent moyen d'atteindre l'objectif de rehausser le nombre de diplômés de baccalauréats au Québec, comme tel.

Et l'autre avantage, c'est que les professeurs qui se parlent en viennent à, je dirais, échanger au niveau des équipements de haute technologie. Alors, de notre point de vue, aussi ça permet certaines économies où il y aurait partage au niveau des équipements de certains laboratoires qui sont à la fine pointe et qui se retrouvent tant au niveau collégial qu'à l'université.

Mme Marois: Optimisant ainsi les ressources et leur utilisation.

Mme Piché (Christiane): Tout à fait.

Le Président (M. Kelley): Peut-être un mot de la fin sur l'échange à M. Pigeon, et on va revenir après. M. Pigeon.

M. Pigeon (Michel): Je me serais simplement permis, M. le Président, pour détendre l'atmosphère, de dire que, comme on a commencé par la musique, on a tout fait en harmonie.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va retourner maintenant à ma droite. La semaine passée, Mme la députée de Jean-Talon s'est identifiée comme chauvine de l'Université Laval, alors ce n'est pas surprenant qu'elle ait demandé la parole. Alors, la parole est à vous, Mme la députée de Jean-Talon.

n(10 h 10)n

Mme Delisle: Oui. Alors, bonjour, bienvenue à vous tous de l'Université Laval. J'ai beaucoup aimé ma lecture du mémoire de l'Université Laval, non pas que je n'ai pas apprécié les autres mémoires qui nous ont été déposés, mais j'ai cru retrouver dans ce mémoire-là une grande volonté de changement. Mme la députée de Taillon tout à l'heure parlait d'un nouveau mode d'organisation. Moi aussi, je m'inscris dans cette réaction que j'ai eue. Je me suis même plu à penser que, si l'ensemble des propositions ? je dis bien l'ensemble, peut-être pas toutes mais l'ensemble des propositions ? étaient en partie retenues, nos enfants, nos petits-enfants surtout auraient certainement accès à une université de qualité, à des études supérieures auxquelles ils auront droit, de la même manière que, nous, on a eu droit à cette qualité-là.

Je retiens évidemment plusieurs éléments. Je réalise que vous avez... il n'y a aucun tabou qui vous a arrêtés ou a freiné votre réflexion. Je pense que c'est important de faire cette démarche-là. On ne se retrouvera pas en commission parlementaire pour réfléchir à nouveau sur le financement puis l'accessibilité aux études supérieures l'an prochain ou dans deux ans, donc je pense que c'est un exercice qui doit être fait, il doit être très bien fait.

Je vais vous amener sur deux sujets, un qui est beaucoup plus tabou que l'autre, celui qui touche à l'indexation des frais de scolarité, qui est votre proposition n° 3. J'aimerais que vous nous en parliez. Il y a évidemment, comme vous le savez, toutes sortes de débats sur la question. Et j'aimerais que vous nous exposiez ce qui vous a amenés plus précisément... Je voudrais avoir des exemples. Je l'ai lu, le mémoire, mais je voudrais avoir des exemples là-dessus.

Puis il y a un autre élément qui m'a accrochée beaucoup, c'est celui de la formation continue, où vous disez... pardon, vous dites ? qu'est-ce que je raconte là? ? où vous proposez que, si on ne fait pas attention au financement, on peut se ramasser ? vous l'avez dit bien gentiment ? avec une petite TELUQ à l'intérieur de chacune des universités. Alors, comme on s'en va de plus en plus vers la formation continue, qui doit payer? De quelle manière on doit s'organiser avec ça? J'aimerais vous entendre, M. le recteur, sur ces deux sujets, s'il vous plaît.

Le Président (M. Kelley): M. Pigeon.

M. Pigeon (Michel): Merci, Mme la députée. Sur la question de l'indexation, il y a déjà plusieurs années, quand j'ai fait la course au rectorat, en 1997, que j'ai refaite en 2002 ? comme vous savez, on a un collège électoral, on rencontre les membres du collège électoral et en particulier, bien sûr, les étudiants ? j'ai eu l'occasion d'avoir de nombreuses discussions à ce sujet-là. Et la position du mémoire reflète la position que je tiens depuis fort longtemps, en fait. Et ce que j'ai dit à de nombreuses reprises, et ma position est connue là-dessus, c'est que, si on avait indexé les frais de scolarité en 1994, on aurait actuellement... le système, je pense, à 2 % par année, se serait bien ajusté. Je ne crois pas que ça aurait créé de dysfonctionnement ou de problème d'accessibilité et je pense que les universités n'en seraient que mieux.

Et mon point de vue est aussi que tout ce qui gèle dégèle, et, j'allais ajouter, plus c'est gelé longtemps, plus ça fait mal quand ça dégèle. Et je vais hasarder une prédiction, bien que la futurologie, ce soit une science difficile et inexacte, mais je puis vous dire que les frais de scolarité, un jour, ils vont monter. Est-ce que ce sera dans trois ans, dans cinq ans, dans 10 ans? Je ne le sais pas, mais ça va monter. Et ma prédiction est que plus on attend, plus ça va monter vite et fort, et là ça risque de créer des dysfonctionnements importants et de nuire à une certaine génération.

À mon avis, si, en 1994, le gouvernement d'alors, ou en 1995, a considéré que la part que devaient payer les étudiants était celle-là, je pense qu'on peut considérer, 10 ans après, que cette fraction-là est toujours valable. Mais évidemment, quand on a une position, je dirais, un peu mitoyenne comme celle-là, elle est souvent plus difficile à défendre qu'une position idéologique forte. Et bien sûr on pourrait défendre la position idéologique forte de la gratuité, on pourrait défendre la position idéologique forte de l'utilisateur-payeur. Le gouvernement du Québec, dans sa grande sagesse, a décidé qu'une certaine fraction serait assumée par l'utilisateur-payeur. On l'a fixée à une certaine valeur en 1994. Je pense que ce serait raisonnable de retrouver ce niveau de financement mais suffisamment doucement pour éviter les heurts.

Et, d'autre part, bien sûr, on pourrait, mais ça, c'est un argument que vous avez entendu et que ceux qui vont me suivre vont contester, mais je pense que c'est encore... Il y a encore plus de fréquentation universitaire par les couches plus aisées de la population que par les couches moyennes ou moins aisées. Et il m'apparaît que, en ayant des frais de scolarité très bas, bien, évidemment, ceux qui auraient les moyens de payer plus ne paient pas autant. Et ça se fait bien sûr par les taxes qui sont payées par la majorité des citoyens.

Alors, il y a un jugement de valeur à poser, qui n'est pas facile, qui revient au gouvernement parce que le gouvernement représente l'ensemble de la société et doit trancher. Et l'Université Laval évidemment a cette proposition qui apparaît empreinte de ce que je me permettrais de dire, de gros bon sens, c'est-à-dire de se replacer au niveau de 1994, de le faire suffisamment correctement pour éviter les dérapages et les difficultés, mais d'autre part de ne pas tenter brutalement de rejoindre la moyenne canadienne, ce qui pourrait être dommageable. L'Université Laval croit profondément à l'accessibilité et elle ne croit pas que la proposition qui est faite nuit à l'accessibilité.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée, il vous reste 10 minutes, et votre collègue d'Orford veut peut-être poser une question complémentaire.

Mme Delisle: Oui, allez-y. Avec grand plaisir, M. le ministre.

M. Reid: Juste peut-être un éclaircissement sur la recommandation n° 4. Vous interpellez le gouvernement pour les contrats de recherche qu'il attribue à des chercheurs d'universités. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu la problématique, très rapidement, ici, et quel est le sens, la nature de votre recommandation par rapport à cette problématique-là, et si c'est un phénomène qui représente un certain volume?

M. Pigeon (Michel): Bien, en fait, le gouvernement du Québec a choisi la politique de l'utilisateur-payeur dans le cas des frais indirects de recherche, et nous croyons que c'est extrêmement sain. Nous croyons que les frais indirects de recherche représentent un coût réel élevé et qu'il a été trop longtemps négligé, et donc c'est à même la masse des subventions universitaires et donc à même l'argent dévolu à l'enseignement qu'on payait les frais indirects de recherche, même si le gouvernement du Québec faisait un effort de mettre 15 %. Mais, lorsqu'on est rendu que l'activité, aux deuxième et troisième cycles, de recherche représente près de la moitié, ce n'est plus marginal, là, et donc on ne peut plus penser financer à coût marginal. Et nous souhaitons donc la politique de l'utilisateur-payeur.

Le gouvernement du Québec a décidé que, pour ce qui est des subventions, il accorderait, je pense, 50 % ou 65 %, en fonction des secteurs. Mais il y a des contrats de recherche par des ministères qui souvent ne représentent pas des sommes immenses, mais souvent il s'agit de contrats de recherche dans des secteurs des sciences humaines, par exemple, où là il s'agit de petits montants et où les chercheurs trouvent que la difficulté de négocier un contrat de 18 000 $ qui se voit amputé par la méchante université de frais indirects... Je pense que d'inciter tous les ministères ? parce que plusieurs en paient des frais indirects mais d'autres n'en paient pas ? je pense que ce serait une très bonne idée, ce serait une certaine justice et ça pourrait aider les chercheurs en sciences humaines en particulier. Mais nous croyons que la politique du gouvernement à ce sujet est bonne et qu'elle devrait inciter le gouvernement fédéral à faire de même. Le gouvernement fédéral a mis de l'argent, mais il faudra qu'il en mette plus parce que les coûts indirects de recherche, vous le savez, sont très élevés.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Taillon, il vous reste huit minutes pour votre formation politique.

Mme Marois: Très brièvement. Et j'ai un collègue qui veut soulever aussi une question. Je voulais aussi soulever cette question des frais indirects. Je crois que le Québec a fait quand même sa part depuis un certain temps, là, ajoutant la proposition que vous faites chaque fois qu'il y a un contrat de recherche qui est signé avec l'université. Mais je crois que, du côté d'Ottawa, il y a encore un effort considérable à faire, surtout qu'ils ont décidé d'investir des sommes importantes par la Fondation canadienne, entre autres, de l'innovation, nous obligeant à une contrepartie. Bon. Et évidemment on ne reviendra pas sur les débats, on les a déjà faits, mais je crois qu'il faut être très clair là-dessus, que leur contribution doit être au niveau où les coûts sont réellement consentis en termes de frais indirects.

n(10 h 20)n

Une question plus pointue. Vous souhaitez qu'on encourage les efforts philanthropiques. Et je sais que l'Université Laval, de ce côté-là, va chercher dans sa communauté des sommes considérables. Quelle avenue vous privilégieriez de façon particulière? Vous faites référence à des mesures fiscales ou autres dans votre mémoire. Quelle avenue vous privilégiez aussi, en excluant la subvention de contrepartie? Ce serait de quel ordre, de quel...

M. Pigeon (Michel): Bien, écoutez...

Le Président (M. Kelley): M. Pigeon.

M. Pigeon (Michel): Oui. Merci, M. le Président. Ce qu'on a voulu dire, en fait, c'est qu'on souhaitait, tout comme nous souhaiterions que, si jamais, dans quelques années, le gouvernement décide de dégeler les frais de scolarité et il n'en profite pas pour se désengager et donner moins de subventions, nous souhaitons ça, n'est-ce pas, très profondément, que l'augmentation, si elle arrivait, des frais de scolarité ne soit pas, je dirais, compensée en quelque sorte par une perte de subventions. Nous souhaitons un appariement.

De la même façon, si les universités développent l'aspect philanthropique, nous souhaitons que ça ne nuise pas au financement gouvernemental. Vous savez que de plus en plus les philanthropes souhaitent donner pour des projets précis. Ils ne donnent pas, dans le fond, à la base de l'université mais à des projets précis qui ajoutent à l'université mais qui n'enlèvent rien à la nécessité du financement de base. Donc, nous voulions simplement, par cette section de notre mémoire, signaler, un, l'importance qu'a prise la philanthropie et, deux, que nous ne souhaitions pas que ce soit prétexte à un désengagement quelconque du gouvernement.

Que l'Université Laval, par exemple, ait décidé de capitaliser certains fonds et de créer des chaires capitalisées, et des choses comme ça, c'est un choix qui a été fait, là. D'autres choisissent de dépenser immédiatement l'argent de la philanthropie. Il y a différentes façons de faire. Mais ce que nous voulons dire, c'est qu'il ne s'agit pas là d'une richesse qu'on peut appliquer de façon directe à l'université. Et nous souhaitons que le gouvernement maintienne, je dirais, ses subventions.

Mme Marois: Avec évidemment, j'imagine, aussi la perspective du respect de la liberté académique. Il y a toujours tous ces débats-là autour des dons qui parfois sont liés. Une toute courte question, et mon collègue viendra sur autre chose. Bon. Je sais que vous vivez actuellement un conflit avec les chargés de cours. Je ne veux pas revenir sur ça, mais comment ceux-ci s'inscrivent-ils, entre autres, dans votre stratégie de recrutement au niveau professoral?

Le Président (M. Kelley): M. Pigeon.

M. Pigeon (Michel): Actuellement, je dirais, pour en parler 30 secondes, on a, je dirais, une situation difficile avec les chargés de cours. Je pense que nous tentons tous les efforts pour la régler, mais évidemment, comme toujours, à l'intérieur des limites financières qui sont les nôtres. Et c'est sûr que nos limites financières sont évidemment une partie, je dirais, de ce qui se produit actuellement.

Et, d'autre part, dans la question du recrutement des professeurs, on peut le voir de différentes façons, dans la question du recrutement des professeurs, il y a eu, je dirais... il y a trois opinions fortes qui ont été émises. Il y a l'AUCC qui a émis une opinion très forte, il y a le Conseil supérieur de l'éducation et il y a récemment la CREPUQ.

Je pense que le recrutement des professeurs est difficile et devient de plus en plus difficile mais dans des secteurs en fait ciblés. Mais ce qui est clair, c'est que de plus en plus, dans les secteurs des sciences naturelles et de génie par exemple, l'industrie absorbe de plus en plus de gens qui ont un doctorat et évidemment la compétition devient de plus en plus forte. Et évidemment je ne vous cacherai pas que ça tire les salaires par le haut et que de plus en plus il faut songer à des primes pour des professeurs qu'on souhaite retenir, et ainsi de suite. Puis là je ne vous parle pas des salaires qu'on offre aux États-Unis, en Ontario, etc. Donc, il y a une situation qui est actuellement, là, en voie de devenir pas facile pour les universités, je pense.

Le Président (M. Kelley): Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, en rappelant que vous avez à peu près trois minutes.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je vais tâcher d'être bref. Mais je suis heureux de pouvoir interroger les gens de l'Université Laval sur leur mémoire, un mémoire très complet, qui parle d'organisation et de financement. Je voudrais revenir sur la question importante de la députée de Jean-Talon en ce qui concerne la formation continue. Vous abordez, dans votre mémoire, de façon très importante cet aspect du financement et la formation continue, mais aussi la formation sur mesure qui va devenir de plus en plus importante. Et vous soulevez, dans votre mémoire, à la page 24, je crois, le fait que, dans les autres pays, ce n'est pas financé de la même façon qu'au Québec, alors qu'au Québec tout est financé de la même façon, justement. Et j'aimerais que vous nous éclairiez un peu sur la façon dont c'est financé ailleurs. Est-ce que, au Québec, c'est financé de la même façon qu'ailleurs pour les autres universités canadiennes? Et quelle serait selon vous la formule idéale de financement de la formation continue?

Le Président (M. Kelley): M. Pigeon.

M. Arseneau: Je me suis amélioré, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Bien fait. M. Pigeon.

M. Pigeon (Michel): En fait, ce qu'on a voulu soulever dans ça, c'est que souvent... L'université a changé, hein? L'université, avant, c'était: on vient chercher une formation, on s'en va, c'est terminé. Maintenant, de plus en plus, l'université développe la formation continue. Il faut faire attention, hein, ça recoupe toutes sortes de choses, la formation continue. Mais la réflexion que, nous, on a faite ou que nous avons faite, c'est de dire: Si des employeurs, par exemple, veulent des formations sur mesure, est-ce que ça ne serait pas raisonnable, puisque c'est l'employeur qui paie, de demander une contribution un peu plus forte? Et actuellement, comme tout est financé exactement de la même façon, nous, on pense qu'il y a peut-être là une source d'argent additionnelle.

On parle beaucoup de partenariat public-privé, bon, etc. Est-ce qu'il n'y a pas là un aspect où je pense que la collectivité québécoise pourrait s'entendre, que, si telle ou telle entreprise ou organisme a besoin de formation, est-ce qu'elle ne pourrait pas mettre la main un peu plus profondément à la poche et ne pas recevoir autant de subventions que ce que le gouvernement donne pour pouvoir plus en donner ailleurs? Donc, on y a vu en fait l'idée de base de peut-être commencer à rééquilibrer le financement des universités entre les étudiants et les étudiantes, le gouvernement et le secteur privé. Et je pense que c'est ça qui a guidé, là, notre réflexion.

Et je ne sais pas si M. Godbout a des précisions là-dessus, mais ce que nous savons, c'est qu'en Europe en particulier évidemment, bien, comme en France, les universités sont gratuites, mais, quand il y a de la formation continue, ce n'est véritablement pas gratuit. Je l'ai vu, là, parce que j'ai moi-même participé à des cours de formation continue, et ainsi de suite.

Le Président (M. Kelley): Je ne sais pas, M. Godbout, avez-vous un mot de la fin ou...

M. Godbout (Claude): Non, je n'ai pas vraiment de choses à ajouter, sauf le fait que ce que le recteur a mentionné, ça permettrait d'avoir une contribution du secteur privé, des entreprises, à la mesure de leurs besoins, et aussi de pouvoir équilibrer les contributions de chacun des acteurs de la société, le gouvernement, les étudiants, pour la formation initiale, et les entreprises, pour la formation sur mesure.

M. Arseneau: Dans les universités canadiennes, ailleurs, est-ce que c'est la même chose qu'au Québec?

M. Godbout (Claude): Je n'ai pas de précision là-dessus, monsieur, je vais vous dire, au niveau des universités canadiennes. Je pense que, ailleurs au Canada, c'est à peu près le même mode de financement qu'ici. On n'est pas rendu encore à différencier tout à fait cette formule-là.

Le Président (M. Kelley): M. Pigeon?

M. Pigeon (Michel): Oui. Mais j'allais ajouter: Ailleurs au Canada, les frais de scolarité sont plus élevés, comme chacun sait. Non, si, M. le Président, vous me le permettez, j'aimerais simplement dire que le message qu'apporte ce matin l'Université Laval par la voix de son recteur, c'est un message, je pense, important et profond. La communauté universitaire de Laval, je l'ai rencontrée beaucoup, j'ai fait la tournée de toutes les unités d'enseignement et de recherche, cet automne, avec mes collègues, j'ai rencontré un très grand nombre d'intervenants. Nous sommes actuellement dans une tournée des services, on a eu des rencontres avec les associations étudiantes. L'Université Laval croit profondément que... Et c'est le message que je voudrais vous laisser ce matin, c'est la communauté universitaire de Laval qui vous dit: Réfléchissons à deux choses, réfléchissons à mieux financer l'université, réfléchissons aussi à le faire de telle sorte que ça se fasse dans une collaboration très profitable.

Et mon expérience avec l'Université de Sherbrooke, j'aimerais avoir l'occasion d'en parler plus, mais je sais que le domaine du béton vous intéresse peu, mais j'aimerais dire à quel point, quand ça fonctionne, c'est absolument extraordinaire, la collaboration entre universités. Et donc, si on peut trouver une façon, par la réorganisation du réseau, par des modes de financement différents, si on peut trouver la façon d'inciter à la collaboration plutôt qu'à une espèce de compétition qui est vraiment devenue pas très saine, je pense que le Québec en entier sera gagnant.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et, sur ce, il me reste à vous remercier. Mais, avant de le faire, il y avait une magnifique citation, dans votre mémoire, d'une déclaration de Glion, qui était l'affaire d'un colloque sur l'université à l'aube du millénaire. Je ne peux pas tout citer, mais, je pense, la dernière phrase est magnifique. Alors, je vais la citer en guise de conclusion: «L'université constitue l'une des inventions majeures de ce millénaire; bien que créée il y a plus de neuf siècles, elle demeure l'une des splendeurs des aspirations de l'homme et l'un des triomphes du pouvoir de l'imagination.»

Alors, sur ça, merci beaucoup, M. Pigeon et les autres représentants de l'Université Laval, pour votre présence ici ce matin. Je vais suspendre nos travaux quelques instants. Et j'invite les représentants de la Fédération étudiante universitaire du Québec de s'approcher.

(Suspension de la séance à 10 h 30)

 

(Reprise à 10 h 35)

Le Président (M. Kelley): Je demande aux membres de la commission de prendre place, s'il vous plaît. Et j'invite maintenant M. Nicolas Brisson, le président de la Fédération étudiante universitaire du Québec, de prendre la parole. La parole est à vous, M. Brisson, et bienvenue.

Fédération étudiante
universitaire du Québec (FEUQ)

M. Brisson (Nicolas): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mme la critique de l'opposition officielle en matière d'éducation, messieurs dames les députés, il me fait plaisir de venir vous présenter le mémoire de la Fédération étudiante universitaire du Québec.

La FEUQ est un regroupement de 19 associations étudiantes provenant de toutes les régions du Québec et représentant près de 145 000 étudiants. Établie depuis 1989, elle a pour mandat de défendre une éducation humaniste comme choix de société. De plus, elle s'attarde particulièrement à défendre ses membres avant, pendant et après leur passage à l'université en revendiquant en particulier une éducation accessible, de qualité, qui favorise le développement du savoir-faire et du savoir-être.

J'aimerais préciser que, parmi ces associations, il y a des associations qui représentent des étudiants de cycles supérieurs, et vous aurez l'occasion demain d'en discuter avec leur instance, qui est autonome au sein de la Fédération, le Conseil national des cycles supérieurs. Donc, c'est pour ça que le mémoire de la FEUQ ne traite pas des questions relatives aux étudiants des cycles supérieurs et à la recherche universitaire.

Donc, avant d'en venir aux aspects... à nos demandes, on aimerait rappeler à cette commission parlementaire les visions et les valeurs qui doivent guider notre système universitaire. Pour nous, la finalité d'une université, c'est de transférer des connaissances. Une fois qu'elle a su développer le savoir essentiel au bien commun, elle doit s'assurer de transférer des connaissances. En ce sens-là, nous croyons que l'université est d'abord et avant tout un bien public et que son financement doit, de façon prépondérante, provenir de l'État. Nous ne sommes pas opposés au financement du secteur privé dans la mesure où celui-ci ne vient pas modifier l'indépendance de la mission universitaire et qu'il soit encadré par des mesures fiscales. C'est pourquoi nous demandons à ce que le gouvernement oblige les universités à se doter de politiques encadrant le financement privé à l'intérieur de leurs murs.

Sur la question de la contribution étudiante, pour nous, c'est clair, vous l'avez constaté dans notre mémoire, dans nos interventions publiques, pour nous, c'est une question d'accessibilité aux études et de principe d'équité sociale. D'ailleurs, nous nous inquiétons grandement du débat, qui non seulement a cours au Québec mais aussi partout dans le monde, sur la remise en question de ce choix de société essentiel qui est l'accessibilité aux études. C'est pourquoi je vous dépose à cette commission des lettres d'associations étudiantes nationales de partout à travers le monde qui demandent au Québec de continuer de respecter son choix de société, de maintenir l'accessibilité aux études, financière.

D'abord, définition. Qu'est-ce qu'on entend par «accessibilité aux études»? Pour nous, c'est un principe qui sous-tend que l'accès à l'université est une affaire de volonté et non de capacité financière. Autrement dit, nul ne devrait s'abstenir de fréquenter l'université pour des raisons financières. Or, dans le Canada, un jeune sur quatre ne fait pas d'études postsecondaires pour des raisons financières. Aux États-Unis, c'est un jeune sur deux. Comme par hasard, au Québec ? et on pense que c'est en raison... du fait que les frais de scolarité sont deux fois moins élevés ? il y a deux fois moins de jeunes qui invoquent les raisons financières pour ne pas faire d'études universitaires.

D'autre part, je vous rappelle que, autant dans le reste du Canada que dans les États-Unis, il y a aussi des programmes d'aide financière. Donc, il est faux de prétendre que des ajustements aux différents régimes ou programmes de prêts et bourses peuvent maintenir l'accessibilité aux études lorsqu'on augmente les frais de scolarité. D'ailleurs, on constate, tant aux États-Unis que dans le reste du Canada, qu'il y a une diminution de la proportion des jeunes sur les bancs des universités, évidemment des jeunes provenant de familles à faibles revenus. Ça démontre très clairement, quand on définit bien ce que c'est, l'accessibilité aux études, qu'une hausse du coût des études par le biais des frais de scolarité fait en sorte qu'il y a moins de jeunes issus des milieux modestes sur les bancs des universités.

n(10 h 40)n

Une autre façon d'augmenter les frais de scolarité, que certains groupes en font la promotion, c'est de déréglementer carrément les frais de scolarité. On parle même que déréglementer les frais de scolarité, ça deviendrait une question d'équité sociale parce que chacune des universités, en fonction du coût par programme, pourrait augmenter leurs frais de scolarité comme bon leur semble. Pourtant, on sait très bien que les diplômés universitaires, bien qu'ils font un meilleur salaire, vont payer, au cours de leur vie active, beaucoup plus d'impôts. On parle de un-demi million de plus d'impôts, en moyenne, au cours de la vie active, qu'un non-diplômé. De la même façon qu'un diplômé en médecine va payer cinq fois plus d'impôts qu'un diplômé en sciences sociales.

Donc, pour nous, ce qui est inéquitable socialement, c'est qu'un jeune issu d'un milieu modeste ne puisse pas faire d'études postsecondaires. Ce qui est inéquitable socialement, pour nous, c'est qu'un jeune, qu'il décide d'aller étudier en médecine, en sciences sociales, en sociologie, peu importe, soit endetté parce qu'il est issu d'un milieu modeste. Donc, pour nous, l'équité sociale, ce n'est pas le fait qu'il en coûte plus cher à l'État de former un étudiant parce qu'il s'en va dans une discipline plutôt qu'une autre; pour nous, l'équité sociale, c'est qu'un jeune, peu importe son origine socioéconomique, puisse aller à l'université. C'est là, selon nous, le rôle de l'éducation, c'est-à-dire de favoriser la mobilité sociale.

Alors, qu'est-ce que le gouvernement doit faire en matière de frais de scolarité? Pour nous, c'est clair, on le dit depuis que le gouvernement a pris le pouvoir, c'est qu'il respecte ses engagements électoraux, c'est-à-dire d'abord maintenir le gel des droits de scolarité. Et vous pouvez être assurés qu'en ce qui a trait à la contribution étudiante le mouvement étudiant sera encore là pour les prochaines élections.

Deuxième des choses, faire adopter une loi-cadre sur l'accessibilité aux études. Parce qu'on le sait très bien, même si les droits de scolarité sont gelés, il existe, surtout depuis 1996, une multitude de frais obligatoires facturés aux étudiants par les établissements universitaires. Et, pour nous, il est essentiel que le gouvernement respecte son engagement pour qu'il y ait une réglementation qui fasse en sorte que tous les frais obligatoires soient plafonnés. Dans le projet de loi qu'on vous a soumis, évidemment... Et on comprend qu'il y a des frais qui sont liés à des services auxiliaires aux étudiants. Et à ce moment-là ça devra faire l'objet d'une entente entre les associations étudiantes reconnues par l'établissement et les établissements universitaires.

On demande également qu'à l'intérieur de cette loi-cadre soient gelés les frais de scolarité pour les étudiants internationaux et canadiens hors Québec. On sait dans quelle conjoncture démographique évolue le Québec. Le ministère de l'Éducation a même déjà rendu publiques des études qui laisseraient entrevoir des décroissances d'effectifs étudiants dans certaines universités. Donc, pour nous, ces étudiants-là constituent un atout. Et on pense qu'il serait maintenant temps de maintenir... d'assurer le gel des frais de scolarité pour les étudiants internationaux, de même que, parce qu'il y a des frais différenciés, le gouvernement pourrait augmenter le nombre de bourses d'exemption pour les étudiants internationaux.

Si le gouvernement tient à améliorer l'accessibilité aux études, on l'invite fortement à apporter des réformes au régime d'aide financière, première des choses, parce que l'aide financière aux études, ce n'est pas seulement d'augmenter l'accessibilité, mais aussi l'accès à la réussite d'un projet d'études. On se rend compte qu'il y a environ un jeune sur deux qui ne reçoit aucune contribution parentale, qu'il y a 60 % des étudiants qui, pendant leur études, travaillent plus de 15 heures par semaine à l'extérieur. Il y a 25 % maintenant des étudiants qui font appel à du crédit bancaire pour financer des études. Tous ces chiffres nous indiquent qu'il y a des lacunes importantes au régime d'aide financière.

D'abord, au niveau des dépenses admissibles, celles-ci n'ont pas été indexées pendant des années, au cours des années quatre-vingt-dix. Encore cette année, il n'y a pas eu d'indexation des dépenses admises. Il y a une étude du ministère de l'Éducation et de la FEUQ qui a été rendue publique l'année dernière, qui démontre que les dépenses admissibles, c'est-à-dire logement, nourriture, matériel scolaire, ne sont pas conformes au coût réel des études, ce qui fait en sorte que, selon les calculs d'aide financière, un étudiant devrait être en mesure de se nourrir avec seulement 5 $ par jour. Nous demandons également que soit abolie la contribution minimale de l'étudiant pour la simple et unique raison que, si un étudiant n'arrive pas à faire un certain niveau de revenus, on ne voit pas pourquoi, dans le calcul de la bourse qui lui est octroyée ou du prêt, on mettrait d'avance un montant.

On demande également, comme je l'ai indiqué tantôt, que, afin que les parents puissent contribuer réellement au financement des études de leurs enfants, qu'il y ait un réalignement de la grille de contribution parentale, réalignement qu'on propose qui se rapproche de celle du Canada.

On veut également que soit abolie, comme l'a fait le ministère du Revenu, la prise en compte de la pension alimentaire dans le revenu des étudiants.

On demande également, pour ce qui concerne l'endettement étudiant, des améliorations au régime, au Programme de remise de dette qui est à peu près inaccessible. Donc, nous, on demande qu'il passe de 15 % à 25 % et qu'il soit alloué à n'importe quel étudiant qui aurait pu contracter un prêt à chaque année dans le cadre de ses études.

On demande également, parce qu'il y a 15 % à 20 % des ex-étudiants qui sont incapables de rembourser leurs dettes d'études, que soit amélioré le Programme de remboursement différé, ce programme qui a grimpé en popularité au cours des dernières années, pour la simple et unique raison qu'avec la précarité du marché du travail ? et on l'explique bien dans notre mémoire ? il y a de nombreux jeunes pour qui l'endettement étudiant nuit à leur insertion sociale et professionnelle et qu'ils puissent bénéficier d'un remboursement différé, ça les aide à s'insérer socialement et professionnellement dans la société.

Enfin, on demande la levée de la suspension du Programme de garantie de prêt pour l'achat d'un micro-ordinateur. On ne sait toujours pas pourquoi ce programme-là a été suspendu. C'est un programme qui n'est pas très onéreux, mais qui touchait 8 000 jeunes. Surtout qu'aujourd'hui je pense qu'il ne fait plus de doute que l'accès à Internet, l'accès à l'ordinateur est essentiel dans le cadre de la poursuite des études et que jusqu'à maintenant les universités n'ont pas assez de ressources pour fournir des ordinateurs à tous les étudiants qui en feraient la demande dans le cadre de leurs études.

Maintenant, une fois qu'on a rendu accessible le système universitaire, pour la FEUQ, il est très important que l'enseignement dans les universités soit de qualité. Pour nous, un peu comme la plupart des groupes qui sont venus présenter un mémoire, il y a un sous-financement des universités non seulement en comparaison avec les autres universités du Canada, mais également parce qu'il y a des besoins à combler. Quand on parle de sous-financement, nous, ce qui est important: c'est quoi, les besoins qu'il faut combler. Et, nous, on en a identifié trois qui sont prioritaires.

D'abord, le renouvellement du corps professoral. Il y a une étude récente de la CREPUQ qui faisait état de la nécessité d'augmenter le nombre de professeurs au niveau de 1 000 par année d'ici 2012. Dans le processus menant à l'embauche de professeurs, il est important pour la fédération étudiante que les étudiants soient impliqués. Parce qu'on se rend compte de plus en plus que certains professeurs sont embauchés uniquement pour le rayonnement qu'ils peuvent apporter à l'université et on oublie souvent les qualités nécessaires à l'enseignement. Et c'est pour ça qu'on demande que les étudiants participent à l'embauche des professeurs.

Au niveau des infrastructures, là aussi il ne fait pas de doute, avec les nombreux reports des projets de rénovation, qui s'expliquent parce que 70 % des infrastructures ont été construites avant 1980... Et, pour nous, c'est une question de salubrité aussi, là, de s'assurer que les étudiants puissent travailler avec les professeurs dans des endroits qui ont du bon sens. Et, pour ça, nous, on pense que ça doit faire l'objet d'une priorité en matière de réinvestissement.

Au niveau des bibliothèques, on note une diminution des ressources humaines et documentaires. Et il est clair que, pour maintenir à jour les connaissances, il faut que, dans le réinvestissement, il y ait une grande part qui soit allouée aux bibliothèques universitaires.

Comment on va y arriver? Comme les recteurs, nous, on demande à ce qu'il y ait 375 millions de réinvestis dans les universités. On vous dépose... on vous a déposé, dans notre mémoire, un plan de financement réaliste et équitable pour la jeunesse, de réinvestissement qui comporte les éléments suivants. D'abord, 261 millions doit provenir du gouvernement du Québec, et on vous dira, on vous expliquera tout à l'heure comment il peut y arriver. C'est simple, il a les moyens. Et 114 millions doit provenir de la création d'un fonds pour le savoir universitaire qui serait pris à même le bénéfice... une cotisation sur le bénéfice net des entreprises, un peu comme ça s'est fait dans le cas du Fonds Jeunesse Québec, les cotisations qui ont pris fin cette année. C'est pour nous la meilleure façon d'aller chercher une contribution du privé pour le financement des universités, en vous rappelant qu'on demande également que tout ce qu'il y a partenariat privé-public dans la recherche soit encadré par une politique que se dotent... que pourraient se doter les universités.

n(10 h 50)n

Pour y arriver, également on note que la part du fédéral est très importante. Depuis 1995, il y a eu des coupures dans les paiements de transfert qui ont affecté la capacité des gouvernements provinciaux de financer adéquatement l'éducation postsecondaire. On évalue le manque à gagner en éducation postsecondaire à 4 milliards par année. Nous, on demande qu'il y ait un transfert aux provinces spécifiquement pour l'éducation postsecondaire qui soit de l'ordre de 4 milliards.

En plus de ça, on demande au gouvernement du Québec ? et surtout avec les annonces qui ont été faites lors du dernier discours du trône, au gouvernement fédéral ? qu'il y ait une négociation pour aller chercher, d'une part, les dépenses fiscales qui ne sont pas allouées aux contribuables québécois parce que les frais de scolarité sont beaucoup moins élevés ici mais, d'autre part, aussi l'argent qui va être investi par le fédéral en éducation postsecondaire, notamment dans les programmes de prêts canadiens et un nouveau programme de bourses, là, qui va être annoncé, j'imagine, au prochain budget.

Enfin, puisqu'on demande en grande partie que le réinvestissement provienne des fonds publics, il est important de renforcir l'imputabilité des universités. Pour nous, ça passe par un renforcement de la loi sur les établissements de niveau universitaire et non par des contrats de performance. Pourquoi? Parce que selon nous les indicateurs inclus dans les contrats de performance ne visaient pas l'amélioration de la qualité de l'enseignement, mais plutôt des critères en matière de taux de diplomation ou d'équilibre budgétaire qui pouvaient inciter ? je ne dis pas qu'ils l'ont fait, mais qui pouvaient inciter ? les universités à diminuer leurs standards en matière de qualité de l'enseignement.

Finalement, on vous dépose également à cette commission une étude sur les finances publiques qui démontre que le gouvernement du Québec a la marge de manoeuvre pour investir dans cette grande priorité que sont les universités. Pour nous, c'est une question de choix. Il y a une marge de manoeuvre de 4,6 milliards d'ici 2007-2008. Jusqu'à maintenant, le gouvernement a pris la décision, ou en fait a annoncé ses intentions d'utiliser cette marge-là pour réduire les impôts. Nous, on pense qu'il devrait renoncer à une partie de ces baisses d'impôts pour financer adéquatement les universités. Ça permettrait, dans le cadre d'une société axée sur le savoir, en concurrence à l'échelle mondiale, qui a à vivre aussi une conjoncture en raison du choc démographique, de pénurie de main-d'oeuvre hautement qualifiée, ça permettrait au gouvernement d'avoir, d'une part, un système universitaire des plus accessibles, donc être en mesure de former un plus grand nombre de diplômés et, d'autre part, d'avoir des universités qui soient financées adéquatement, donc que ces diplômés-là aient des diplômes qui soient de grande qualité.

L'autre scénario, qui a été évoqué par plusieurs groupes, pour nous, c'est une question non seulement d'accessibilité aux études, d'équité sociale, mais aussi une question d'équité intergénérationnelle. On vous le dit, nous, on pense que, s'il y a une hausse des frais de scolarité, ce ne sera pas alloué pour le financement des universités. Quand on a une perspective globale de la gestion du financement des services publics, on se rend bien compte que toute hausse de tarifs servirait à financer les soins de santé et à financer des baisses d'impôts, et, pour nous, c'est une question d'équité intergénérationnelle. C'est pourquoi on a trouvé important d'indiquer dans notre mémoire notre vision de la gestion des finances publiques, parce que notre génération, on aura à supporter, en plus du fardeau de la dette, un financement croissant des coûts de santé en étant de moins en moins nombreux pour financer ces soins-là. Et c'est pour ça qu'on demande que le gouvernement, comme M. Charest le disait quand il était chef de l'opposition officielle, qu'il fasse les bons choix, et, pour nous, faire les bons choix, c'est qu'il investisse dans les universités. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Brisson.

M. Brisson (Nicolas): Donc, j'aurais, M. le Président, un document, Étude sur les finances publiques...

Documents déposés

Le Président (M. Kelley): O.K. Parfait. Ce document est également déposé. La parole est maintenant à vous, M. le ministre.

M. Reid: Oui, merci. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de mes collègues et au nom du gouvernement. Votre mémoire est très riche et votre présentation est également très dense. J'aurai beaucoup de questions. J'imagine qu'on ne pourra peut-être pas arriver à toutes les faire.

Je voudrais commencer par une question sur la politique d'encadrement du financement privé. J'aimerais savoir si... Dans cette optique-là, il y a des éléments qui sont plus généraux. Mais quels sont les impacts que vous voyez et quels sont les éléments qui pourraient, au-delà de ce qui se fait déjà ou peut-être de répandre plus généralement ce qui existe dans certaines universités pour nous assurer de protéger le développement de la formation étudiante, d'étudiants notamment... on en parle peut-être plus que les autres, mais au niveau de ceux qui font de la recherche pendant leur formation de deuxième, troisième cycle et qui souvent, cette recherche-là, peut avoir des incidences de financement par du privé, mais aussi peut-être d'autres étudiants...

J'aimerais vous entendre plus spécifiquement, si vous avez des suggestions ou... pour bien faire comprendre les enjeux que vous nous soumettez sur la qualité du développement de la formation étudiante, la formation des étudiants, étudiantes qui effectivement côtoient d'une façon ou d'une autre le privé. Dans ce sens, qu'est-ce que cette politique-là devrait avoir comme enjeu principal?

M. Brisson (Nicolas): Bien, d'abord, demain, le Conseil national des cycles supérieurs, là, pourra élaborer en ce qui a trait à la recherche, aux étudiants des cycles supérieurs. Rapidement, nous, les risques qu'on voit au partenariat de la recherche privé-public, c'est par rapport à la propriété intellectuelle et aussi à l'orientation de la recherche, et demain le CNCS, là, pourra vous expliquer tous les tenants et aboutissants de cette problématique-là.

Plus largement, ce qu'on indique, c'est que, bon, pour nous, la FEUQ, les universités sont autonomes. C'est un principe qui est important pour nous. Ceci dit, les politiques qui devraient être adoptées devraient respecter deux principes, c'est-à-dire la polyvalence des qualifications. Donc, quand le privé décide de contribuer au financement des universités, c'est pour des raisons strictement utilitaires, puis c'est normal, on comprend ça. Ceci dit, ça fait en sorte que certaines disciplines qui ne sont pas payantes à court terme pour l'entreprise privée manqueraient ou auraient moins de financement provenant du privé. Donc, nous, on pense que c'est un premier principe qui doit être mis de l'avant dans ces politiques-là, c'est-à-dire assurer que, malgré le financement privé, il y ait une polyvalence des qualifications.

Et le deuxième grand principe, bien, c'est l'orientation des programmes, l'orientation de la recherche, donc c'est vraiment la protection de l'autonomie des universités, donc. Parce que les universités vont chercher une contribution du privé, elles modifient en conséquence leur offre de programmes ou même le contenu des programmes. Pour nous, il est très important de maintenir une certaine distance entre la société et les universités parce que les universités sont là pour réfléchir, pour développer du savoir qui peut permettre aussi à long terme aux sociétés de se développer, pas juste à court terme. Ceci dit, et on l'a indiqué dans notre mémoire, on reconnaît aussi que l'université doit former des gens qui vont aller travailler. Ce n'est pas ce qu'on est en train de dire, mais il doit y avoir une certaine distance. Et, pour le reste, bien, ce sera aux établissements universitaires à se doter d'une politique qui est plus conforme aussi à leur problématique par rapport au financement privé.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Juste là-dessus, pour être bien sûr que je comprenne, est-ce que vous vous en tenez ce matin à parler de l'objet d'une telle politique, qui est sur des principes assez généraux, et non pas sur des éléments bien précis de protection effectivement de l'étudiant, de l'étudiante qui étudie et qui peut être confronté ou qui peut être en contact avec du financement qui origine du privé? Est-ce que je comprends que c'est plutôt demain qu'on aura des détails ou si cette politique-là devrait se limiter à des grands enjeux sans regarder spécifiquement les situations étudiantes?

M. Brisson (Nicolas): Non, c'est que, nous, on a fixé les grands principes qui devraient orienter ces politiques-là en se disant que les établissements, avec la collaboration des professeurs et des étudiants, allaient aller sur des problèmes plus précis. Par exemple, la publicité dans une université, j'imagine que ça ferait l'objet d'une réglementation dans une telle politique. Jusqu'où on peut permettre que l'entreprise privée publicise ou commandite, fasse de la commandite à l'intérieur d'universités? Bon, il y a des campus sur lesquels il y a eu des ententes sur Pepsi, par exemple. Puis, si eux le veulent ainsi, c'est leur droit. D'autres ont refusé. Donc, il faut faire attention aussi à ce qu'un regroupement national comme nous arrive avec une position très stricte sur chaque détail ou «détaux» qui doit être inclus à l'intérieur d'une telle politique d'encadrement du privé.

Aux HEC, ils ont décidé de financer des salles de cours... de commanditer des salles de cours. Bon. J'imagine qu'eux auront aussi une politique qui serait différente de celle de l'Université Laval ou de l'UQAM. Mais ce qui est important, nous, ce qu'on dit, au-delà des éléments plus précis, nous, ce qu'on dit, c'est que jamais la contribution du privé ne doit orienter la recherche et l'offre de programmes et, d'autre part, que les universités doivent maintenir une offre de cours variée, c'est-à-dire assurer la polyvalence des qualifications.

M. Reid: Je ne veux pas m'étendre là-dessus. Je pensais ? puis j'imagine que j'aurai les réponses demain ? à des éléments comme par exemple le fait que des étudiants, étudiantes de deuxième, troisième cycle soient empêchés de publier leur thèse parce qu'un contrat, etc. Donc, on va en parler plutôt demain, j'imagine.

M. Brisson (Nicolas): La propriété intellectuelle, oui, on va en parler demain.

n(11 heures)n

M. Reid: O.K. Oui, c'est ça. Parfait, ça marche. Il y a une position que vous prenez qui, pour certaines personnes, pourrait paraître contradictoire, et je suis sûr que vous allez nous éclairer là-dessus, c'est celle concernant le maintien de droits de scolarité très faibles, en tout cas au niveau québécois, là, pour les étudiants étrangers mais dans une optique résolument visant à garder ici les étudiants étrangers qu'on attirerait. Ce qui paraît contradictoire, c'est que ceux qui proposent généralement d'augmenter et de libéraliser les droits de scolarité pour les étudiants étrangers disent généralement que les étrangers qui sont prêts à payer un prix élevé en termes de droits de scolarité le font aux États-Unis, un peu partout, viendraient au Québec, et c'est peut-être ceux-là qu'on pourrait garder et qu'on pourrait garder sans problème d'éthique. Parce qu'ils soulignent par ailleurs que les étudiants étrangers qu'on attire en payant une bonne partie des coûts des droits de scolarité sont ceux qui ne sont pas nécessairement riches et dont les pays, en fait, ont besoin. On attire des étudiants de cette façon-là, de pays qui n'ont pas un niveau très élevé de scolarité, et que, en le faisant... Et, c'est là qu'il y a peut-être une contradiction apparente dans votre position, c'est qu'en attirant les étudiants talentueux mais de pays qui ont un niveau de scolarité peu élevé, donc peu de diplômés universitaires, et en le faisant de façon systématique pour les garder ici par la suite, est-ce qu'on ne se crée pas un problème éthique, alors que jusqu'à maintenant la politique était davantage pour attirer ces gens-là, leur donner une bonne formation et leur permettre par la suite de répandre la bonne nouvelle dans leur pays?

M. Brisson (Nicolas): Bien, vous avez tout à fait raison. Je pense que vouloir attirer des étudiants internationaux, c'est aussi dans une optique de coopération internationale, pour aider les pays en voie de développement. Et, nous, on ne veut pas revenir sur ce choix-là qu'on a fait d'aider les pays qui ont un niveau de scolarité moins élevé en formant des gens qui vont retourner dans leur pays contribuer au développement de leur société. Là-dessus, ça, nous, on ne revient pas sur cette décision-là. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a 20 % à 25 % des étudiants internationaux qui, eux, veulent rester au Québec par la suite, dont une bonne partie restent et, nous, ce qu'on dit, c'est que, plus il y aura d'étudiants internationaux au Québec, plus il y aura un plus grand nombre, dû à cette proportion-là, qui sera des travailleurs hautement qualifiés, qu'on a grandement besoin au Québec.

Donc, on ne voit pas nécessairement une contradiction. Nous, ce qu'on demande, c'est d'abord et avant tout que les frais n'augmentent plus. On pense qu'ils ont suffisamment augmenté et que ce à quoi on est confronté ? et ça, nos associations étudiantes nous le disent assez fréquemment ? c'est de la pauvreté. Les conditions de vie dans lesquelles vivent certains étudiants internationaux, c'est lamentable, d'autant plus qu'ils n'ont pas le droit de travailler hors du campus, donc ce qui crée des problèmes assez importants. Et, nous, on dit: Pensez à ces étudiants-là. Et la meilleure façon... en tout cas, ce qu'ils nous disent, c'est que, s'ils avaient des frais de scolarité moins élevés, ils pourraient arriver. Pour une autre partie, bien, ils ont déjà des bourses d'exemption. Donc, ça, c'est réglé.

Donc, nous, ce qu'on dit, là, c'est d'aller chercher plus de bourses d'exemption, notamment pour des étudiants qui décideraient d'aller étudier en région. Surtout, comme je l'expliquais, que se pointe à l'horizon une baisse d'effectif étudiant dans les universités en région, donc ça permettrait de combler cette baisse d'effectif étudiant prévue, mais aussi, s'il y a une portion qui veut rester, de permettre aux régions d'avoir une main-d'oeuvre hautement qualifiée et d'attirer de l'immigration en région. Parce qu'on sait qu'un étudiant étranger qui décide de rester au Québec est déjà intégré à la société après son bac et par après il peut amener de la famille, donc il peut permettre d'augmenter le nombre d'immigrants qui vont en région. Donc, c'est ça, l'essentiel de notre position sur cette question-là.

M. Reid: Bien, je voudrais juste comprendre, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): Très courte, oui.

M. Reid: Très rapidement, pour être sûr de comprendre la totalité, c'est-à-dire qu'est-ce que... Votre position semble aller jusqu'à dire que ce qui a été avancé par certaines universités ou certains groupes, où on pourrait aller chercher beaucoup d'étudiants étrangers qui vont aux États-Unis, qui pourraient venir ici, par exemple en anglais, ou même en français, et au-delà de ça, et qui pourraient payer le prix que coûte leur formation au complet, donc payer des prix internationaux, entre guillemets... Votre position, c'est qu'on ne devrait pas aller dans ce sens-là. C'est ça?

M. Brisson (Nicolas): Non, on ne devrait pas augmenter les frais de scolarité. Et, nous... Évidemment, là, qu'il y a des étudiants aux États-Unis qui seraient prêts à payer ce que ça coûte à Harvard, comme au Québec, si on dégelait les frais de scolarité, il y aurait une très faible, faible minorité de gens qui seraient capables de l'absorber. Mais, nous, on veut que les universités québécoises soient non seulement accessibles aux étudiants d'ici, mais aussi aux étudiants des classes moyennes et plus pauvres dans le reste du monde. Et la pire erreur qu'on pourrait faire, c'est d'augmenter encore leurs frais de scolarité.

Mais, bon, c'est sûr que, bon, l'Université McGill va vous dire: Il y a des étudiants américains qui seraient prêts à payer plus. Bien, peut-être, mais c'est une très, très faible minorité. Et, nous, on pense que, dans un souci d'équité et surtout dans un souci de faire face au choc démographique, on doit aller chercher un maximum d'étudiants internationaux, et ils ne se trouvent pas dans les classes les plus riches à l'étranger.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci. Alors, je vous souhaite à mon tour la bienvenue au nom de ma formation politique. Je pense que vous avez un mémoire très... On constate que vous avez un mémoire très fouillé et qui en balaie très large, effectivement. Et c'est intéressant parce que cela fait référence à beaucoup d'expériences que vous vivez au quotidien et aussi de propositions concrètes que vous nous faites.

Je veux revenir sur la question bien sûr sur laquelle on débat actuellement, qui est le rehaussement du financement universitaire. Et je conclus, de votre mémoire, qu'il y a en fait trois avenues que vous suggérez. Vous dites: Nous ne touchons pas aux frais de scolarité. Bon. Parce qu'on a eu une discussion là aussi où vous nous démontrez que vous ne souhaitez pas que, du côté des étudiants venant de l'extérieur du Québec, on rehausse leur contribution, pour différentes raisons.

Alors, vous dites: Il y a trois avenues. Il y en a une qui est un fonds du savoir, c'est-à-dire une contribution qu'on demanderait à l'entreprise privée. Et là vous faites référence à cette contribution qu'elle a déjà apportée, que ce secteur a déjà apportée par l'intermédiaire du Fonds Jeunesse. Vous dites: Il y a une somme qu'on pourrait aller chercher là. Vous l'évaluez à environ 114 millions, là. Mais, au-delà de la somme, ce que j'aimerais comprendre, c'est les mécanismes de cela, la hauteur de la contribution en termes de proportion, etc.

La deuxième avenue, vous dites: Le gouvernement a prévu des baisses d'impôts et il pourrait renoncer à une certaine partie de ces baisses d'impôts. Et là ça fait partie du document, là, assez élaboré que vous avez déposé sur les finances publiques.

Et un troisième volet, où vous dites: Ottawa a réduit les transferts aux provinces pour l'enseignement postsecondaire, comme il l'a fait pour la santé et pour la sécurité sociale, là, pour l'aide sociale, mais, vous dites, on devrait, de ce côté-là, réclamer des sommes substantielles en rehaussement de transferts mais qui seraient directement orientées vers l'éducation. Il y a un autre aspect de la politique fiscale canadienne que vous touchez, où vous indiquez bien que, parce que les frais de scolarité au Québec sont moins élevés, les contribuables Québécois réclament moins de crédits d'impôt et de crédits fiscaux parce qu'ils paient moins cher, alors que les autres contribuables canadiens ont des avantages, et donc que ça devrait être aussi une avenue à explorer.

Alors, moi, ce que j'aimerais entendre de vous, c'est: Est-ce que vous avez évalué dans quelle proportion chacune de ces sources-là devrait être utilisée? Et, dans le cas plus particulier, là, du Fonds du savoir ? j'essaie de revenir, je crois que c'est à la page 34, si mon souvenir est bon; c'est ça ? Fonds pour le savoir universitaire, vous parlez d'un fonds qui s'instituerait sur une durée de quatre ans. Comment serait géré ce fonds-là? Est-ce qu'il serait sous la responsabilité du gouvernement, des partenaires? Quelle est l'avenue que vous privilégiez en ce sens-là?

M. Brisson (Nicolas): O.K. Bien, d'abord, sur la contribution étudiante, nous, on considère que les étudiants, comme contribuables, une fois diplômés, vont financer plus que leur part, on parle de sept fois le coût de leur formation. Donc, pour nous, ça, c'est réglé, ils contribuent davantage. Puis, si on demande une renonciation de 10 % aux baisses d'impôts, parce qu'on est des contribuables qui payons plus d'impôts, donc on renonce à des revenus futurs.

Sur le Fonds du savoir universitaire, bien, nous, sur la mécanique comme telle, on avait calculé que c'est à peu près 0,056 % sur le bénéfice net des entreprises. Deuxième chose, la composition, bon, ça devrait être un peu comme le Fonds Jeunesse, là. Mais ça, ça devrait faire l'objet d'une négociation entre le gouvernement, les représentants du privé et les universités pour savoir comment on gère ça, comment on forme le conseil d'administration. L'important, pour nous, c'est que cet argent-là soit redistribué en fonction des priorités des universités.

n(11 h 10)n

Et, sur les transferts fédéraux, bien, effectivement on juge que les contribuables québécois sont pénalisés par le gouvernement fédéral dans leurs choix en matière d'éducation, qui est une juridiction provinciale. Bon. Le gouvernement fédéral, il a décidé de couper dans les transferts aux provinces, il a... Pour réagir à leur manque à gagner, plusieurs provinces, en fait toutes les provinces à l'exception du Québec ont augmenté drastiquement leurs frais de scolarité. Par la suite, quand le gouvernement fédéral s'est rendu compte de sa gaffe, a décidé de mettre des programmes. Là, on parle maintenant de, bon, Fondation des bourses du millénaire, bon, Programme de prêt canadien. Ça, il y a déjà une entente avec le Québec, donc là-dessus on reçoit les sommes. Il y a également les dépenses fiscales, les crédits d'impôt pour frais de scolarité et pour le coût des études. C'est 1,7 milliard. Ça a passé, en cinq ans, de 800 millions à 1,7 milliard. La disparité avec le Québec est passée du simple au double. Donc, pour nous, il est clair qu'on invite le gouvernement du Québec à négocier avec le fédéral pour aller chercher une part de ces sommes-là parce que les contribuables québécois n'ont pas à être pénalisés s'ils font le choix de l'accessibilité aux études. C'est aussi simple que ça. En plus, on apprend qu'il devrait y avoir un nouveau programme de bourses.

Donc, nous, il y a un débat à faire au Québec pour savoir où on va mettre cet argent-là. Mais il est clair que ça doit aller en éducation. Et, au sein même de nos associations, prochainement, il va y avoir un débat suite au budget fédéral. Parce qu'on va attendre de voir aussi les sommes qui sont en jeu, là. Est-ce qu'on devrait affecter cet argent-là à l'aide financière, au financement des universités? Donc, il y aura un débat au sein de la FEUQ, comme il y a eu pour les bourses du millénaire, et on avisera le gouvernement à ce moment-là. Mais, pour nous, ce qui est important, c'est que le gouvernement du Québec aille négocier avec le gouvernement fédéral pour rapatrier au Québec ces sommes-là.

Mme Marois: Merci. Je me souviens de batailles qui ont quand même été assez difficiles, hein, sur ce front-là. Je pense qu'on se souviendra tous de la question des bourses du millénaire, alors que ça semblait tellement évident, compte tenu que le régime d'aide financière aux études existait déjà, que ce transfert aurait pu venir avec une grande simplicité et l'argent réinvesti en éducation. Mais on sait les énergies importantes et considérables qu'il a fallu déployer pour arriver à une entente relativement convenable sur l'utilisation des bourses du millénaire. C'est toujours le problème quand on se retrouve vis-à-vis Ottawa qui veut prendre une place dans l'éducation qui n'est pas de sa responsabilité. Ils ont des ressources par ailleurs et ils devraient les transférer. Il me semble que ce serait plus simple. Bon.

Je reviens sur une question un petit peu plus pointue mais qui est très importante pour le Québec. Vous dites, à la page 31 de votre mémoire, que... En fait, vous demandez qu'une priorité soit reconnue au rôle joué par les universités en région pour le développement régional. Est-ce que, dans votre perspective, ça devrait se traduire par des mesures spécifiques en termes de financement? De quel ordre ça pourrait être? Et avez-vous pensé à des mesures particulières en ce sens-là?

M. Brisson (Nicolas): Oui. Bien, l'année dernière, à l'occasion du Rendez-vous national des régions, avec aussi les recteurs en région du réseau UQ... établi un montant d'environ 15 millions de dollars qui pourrait par ailleurs provenir d'autres ministères. On parlait à l'époque du ministère des Régions, ce qui est aujourd'hui le ministère du Développement économique et régional, parce qu'on se rend compte que, avec l'économie du savoir, les universités jouent et joueront encore plus un très grand rôle dans le développement régional. Donc, ça ne devrait pas seulement provenir du ministère de l'Éducation, parce que c'est un moteur de développement économique. Et on a évalué ce montant-là à une quinzaine de millions.

L'autre aspect qu'on demande sur les universités en région, c'est les bourses d'exemption pour attirer plus d'étudiants internationaux. On le sait, très peu d'étudiants internationaux vont dans des universités en région. Pour nous, c'est important, et on pense que... Au Rendez-vous des régions, il y a eu un consensus à l'effet de créer des bourses d'exemption pour les étudiants qui vont en région. Jusqu'à maintenant, très peu de ces bourses ont été octroyées, et, nous, on pense qu'il devrait y en avoir beaucoup plus.

Sur les universités en région, il faut également rappeler que ça reste un des meilleurs outils de rétention des jeunes en région. On parle beaucoup d'exode des jeunes. Il y a plusieurs initiatives, autant des gouvernements que des acteurs régionaux, qui sont mises en place pour retenir les jeunes en région ou attirer les jeunes qui sont partis. Mais il y a une statistique qui ne ment pas, qui dit que trois jeunes sur quatre qui ont étudié en région y habitent par la suite. Et, quand ils vont étudier à l'extérieur, donc 50 % des jeunes qui quittent la région pour aller à l'extérieur, trois sur quatre ne reviennent jamais. Donc, pour nous, il faut non seulement un financement spécifique pour les universités en région parce que c'est des gens qui promouvoient le développement régional, mais aussi s'assurer que les régions puissent maintenir un patrimoine académique de base dans le but de combattre l'exode des jeunes, même si ça coûte plus cher de former un étudiant en région qu'à l'extérieur parce qu'il y a moins d'étudiants. Pour nous, c'est faire le choix de l'occupation du territoire, et ce choix-là implique un financement supplémentaire.

Mme Marois: Alors, je pense qu'il y a des collègues qui viennent, hein, réunis en association, là, je dirais, conjoncturelle pour présenter un mémoire sur l'importance de l'investissement dans les universités en région. Est-ce qu'il me reste encore un peu...

Le Président (M. Kelley): Peut-être si on peut revenir?

Mme Marois: Oui. Bien, je vais revenir, à ce moment-là. Mais je sais qu'il y a un collègue qui veut intervenir. Alors, je vais revenir sur une question majeure puis après j'ai des collègues qui interviendront. Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Peut-être quelques autres questions. J'en avais annoncé plusieurs, je ne pense pas qu'on puisse toutes les faire, mais quelques-unes. Vous parlez de... donc, j'imagine, sous le thème de la qualité, vous suggérez l'implication étudiante dans l'embauche des professeurs pour les raisons que vous avez mentionnées. Juste un détail: Est-ce que vous voyez que c'est une implication qui s'insère dans le processus décisionnel, avec un pouvoir décisionnel, ou si c'est une implication de type... au moins une consultation sous une forme ou sous une autre? Dans ce sens-là, évidemment, on sait la difficulté et que ces processus d'embauche sont des processus de collégialité de professeurs, en principe. Alors, comment est-ce que vous voyez cette implication?

M. Brisson (Nicolas): Bien, d'abord, ça existe déjà à l'Université McGill, notamment. À l'Université de Montréal, on nous dit que dans... Laval, on m'a dit que, dans certaines facultés, ça se fait. Donc, au moins conseil, donc que les étudiants participent au comité d'embauche pour entendre les gens qui postulent pour un poste de professeur. Et idéalement, évidemment, décisionnel, c'est-à-dire que le rôle de l'étudiant étant de s'assurer que le professeur qui sera embauché ait les qualités liées à la transmission de connaissances, donc à la capacité d'enseigner dans une salle de cours.

Si, bon, on sait qu'il y a, bon, un débat là-dessus, mais on peut craindre une pénurie de professeurs, à ce moment-là, bien il pourrait aussi, l'étudiant, conseiller au comité d'offrir de la formation pour les professeurs, pour que ça fasse des meilleurs enseignants. Mais l'important, pour nous, c'est que les étudiants participent au processus d'embauche. Et, tout dépendant des facultés, j'imagine que les étudiants voudront, à ce moment-là, que leur rôle soit décisionnel.

M. Reid: Je comprends bien que vous vous intéressez, dans cette proposition-là, essentiellement à l'aspect de l'acte d'enseigner, autrement dit, la capacité de se retrouver devant un groupe et d'être capable de pouvoir avoir une animation. D'accord.

Une autre question qui touche, j'imagine... et que vous faites sous l'article Accessibilité et qualité, c'est quand vous parlez de la loi sur l'imputabilité des universités et que vous dites: On pourrait rehausser peut-être ou améliorer cette loi-là, par opposition à renouveler l'opération contrat de performance. Est-ce que vous pourriez être un petit peu plus précis? Parce que les universités ont souvent dit que cette loi-là était déjà ce qu'il y a de plus avancé au monde probablement en termes d'imputabilité et de transparence des universités. Quels genres d'améliorations pensez-vous, là, qui pourraient y être apportées qui visent l'amélioration globale de la qualité du système universitaire et qui visent aussi donc l'accessibilité?

M. Brisson (Nicolas): Bien, nous, la première des choses, c'est que les universités déposent un rapport à chaque année, hein, ce qui n'est pas le cas actuellement. Cette année, à moins que je ne me trompe pas, il y a seulement cinq universités qui ont...

Une voix: Six.

M. Brisson (Nicolas): ...six universités qui ont déposé un rapport. Donc, nous, ça devrait se faire sur une base annuelle.

La deuxième, c'est l'uniformité des indicateurs en fonction de la qualité de l'enseignement. Donc, où sont allés les fonds publics? Dans l'embauche de professeurs, dans les bibliothèques. Donc, s'assurer que les choix budgétaires des universités reflètent la volonté de la population, que ces argents-là soient affectés à améliorer la qualité de l'enseignement. Donc, ce sera à la Commission de l'éducation à ce moment-là à se pencher sur des indicateurs uniformes pour qu'on modifie par la suite la loi et s'assurer que les rapports des universités soient faits en fonction de ces indicateurs-là. Et, pour nous, c'est très important.

n(11 h 20)n

On a fait une recherche il y a trois ans sur la course à la clientèle, les sommes qui étaient investies, il n'y a pas eu moyen d'avoir les budgets des universités pour ça. Je comprends que les universités nous répondent: Bien, écoutez, ce n'est pas juste des fonds publics, c'est nos campagnes de financement. Sauf que, quand on crie famine, bien, moi, ça me dérange toujours un peu de voir les métros de la ville de Montréal tapissés de pubs de l'Université Laval, l'Université de Montréal, l'UQAM. Il y a même l'Université de Sherbrooke qui a maintenant son nom avec une station de métro.

Donc, où doit aller la priorité? On ne dit pas que les universités ne doivent pas se faire connaître des jeunes. Mais jusqu'où ils peuvent investir, parce qu'ils sont financés en grande partie par le public, dans leur taux de notoriété? Je pense que les étudiants, quand ils sont au secondaire, au collégial, doivent s'assurer de connaître les programmes qui sont offerts, doivent être en mesure de connaître les différentes universités, mais, de là à ce qu'il y ait de la pub à la télévision, dans les métros, un peu partout, nous, on dit: Il y a des limites. Et, pour ça, bien, il faudrait que la Loi sur les établissements puisse dire aux universités ? puis c'est pour ça qu'on parle même de sanctions ? dire: Bien là ça fait un an qu'on vous dit que c'est trop d'argent investi dans la pub, puis quitte à en faire un indicateur.

M. Reid: Là-dessus, peut-être, ce n'est pas la première fois qu'on en entend parler même aujourd'hui de cette question des coûts qui seraient dédiés à du marketing, en quelque sorte. Mais est-ce que... Parce que, quand on pense à changer une loi, faire des indicateurs, etc., un, c'est complexe. Deux, j'imagine que vous avez pu tester l'eau un peu avec les universités parce qu'on touche rapidement à l'autonomie, des choses comme ça, alors que peut-être...

Est-ce que vous voyez beaucoup d'autres problèmes, en termes d'indicateurs que vous souhaitez, que celui dont vous parlez? Parce que celui-là, il y a plusieurs personnes qui en parlent. Parce que, si c'est le principal problème qu'on veut résoudre en termes de transparence de la provenance des sommes et des montants, des sommes d'argent qui sont dépensées pour du marketing, entre guillemets, est-ce que faire un changement à une loi, qui est quand même une grosse opération, est-ce que ce n'est pas quelque chose qui est très gros? Et est-ce qu'il n'y a pas d'autres moyens d'aller chercher la transparence pour un ou deux indicateurs que vous identifiez, en tout cas, certainement un ici aujourd'hui, là, en termes de la provenance et la quantité d'argent dépensé pour le marketing? Autrement dit, dans quelle mesure la proposition de faire une loi n'est-elle pas une grosse proposition pour peut-être un problème qui existe mais qui pourrait peut-être être résolu par d'autres façons? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Brisson (Nicolas): Oui. Bien, je comprends qu'il peut y avoir plusieurs mécanismes, puis peut-être que certains mécanismes ne feraient pas l'objet d'une modification à une loi, mais, nous, on pense que les députés ont un rôle à jouer dans la reddition des comptes, et c'est pour ça qu'on demande une modification à la loi. On pense que c'est aux députés, qui sont responsables de la gestion des fonds publics en bout de piste, de pouvoir intervenir puis de dire: Bien, écoutez, il y a 70 % de vos subventions qui proviennent des contribuables, puis, nous, on vous demande, en fonction de tel indicateur ? là, c'est quand même transparent aussi en fonction des universités ? en fonction de tel indicateur qui... vous demande de ne plus dépenser de l'argent de cette façon-là.

Et autre chose que j'aimerais mentionner, parce que vous m'avez dit si on a testé l'eau, pas besoin de la tester, on n'a pas d'appui du côté des recteurs sur cet aspect-là. Mais ce qu'on se rend compte souvent, c'est que des fois il y a des dépenses qui, pour le public, sont jugées inacceptables pour les universités. J'ai quelques exemples, mais je ne les nommerai pas pour ne pas froisser indûment certaines universités. Mais on a, par exemple ? puis c'est arrivé aussi au gouvernement ? des fois, des programmes informatiques, etc. Et, dans un optique de transparence, il serait tout à fait sain que ces gens-là déposent rapport puis expliquent pourquoi il y a eu telle dépense d'effectuée, que les députés puissent, si l'erreur se répète, même sanctionner l'université en question.

Et il ne faut pas oublier que, pour nous, il n'y a pas de contradiction entre reddition des comptes d'une institution publique et l'autonomie de cette institution-là. Pour nous, il n'y a pas de contradiction entre les deux, là. L'université va pouvoir embaucher le professeur qu'elle juge le mieux, va pouvoir encore avoir beaucoup de marge de manoeuvre dans ses programmes, dans ses choix institutionnels. Ce qu'on dit, par exemple, parce qu'on demande à ce que les contribuables mettent davantage d'argent dans les universités: Il faut augmenter la reddition des comptes pour que les contribuables, par le biais des députés, puissent s'assurer que cet argent-là est bien investi. Puis là je pourrais aller loin, là. Comme je vous dis, je pourrais même vous dire: Y a-tu des appels d'offres de faits par les universités pour différents contrats de communication, de fournisseurs, etc.? Donc, dans la gestion. Ça n'a rien à voir avec l'autonomie des universités, ça, je m'excuse, là, c'est une question de bonne gestion des fonds publics.

Donc, il y a une série de questions qu'on a à se poser sur le financement des universités. Et, nous, ce qu'on demande, c'est que ça passe par une loi avec des indicateurs très clairs pour les universités. Et on ne voit pas en quoi ça nuirait à l'autonomie des universités. Même que ça faciliterait les demandes de réinvestissement des universités parce que le public pourrait être assuré que ces sommes-là sont investies dans la qualité de l'enseignement.

M. Reid: Juste une précision qui va prendre quelques secondes.

Le Président (M. Kelley): Très rapidement parce que le temps est épuisé.

M. Reid: Je comprends, de votre intervention, qu'une loi sur l'imputabilité, dans ce cas-là, inclurait également des sanctions. C'est ça?

M. Brisson (Nicolas): Elle pourrait inclure des sanctions, effectivement.

M. Reid: O.K.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: C'est une question très, très pointue, parce que mon collègue veut revenir: Est-ce que je comprends qu'il n'y a jamais eu de contre-projet de présenté sur la question des micro-ordinateurs, alors qu'il devait y avoir une proposition de faite pour qu'au moins les étudiants les plus mal pris puissent y avoir accès? Je comprends qu'il n'y a jamais eu de proposition...

M. Reid: ...il y en a qui en ont bénéficié, d'ailleurs, oui, oui.

Mme Marois: Il y en a qui en ont bénéficié? C'est un programme qui est connu?

M. Reid: Oui, oui. Oui, c'est un programme qui est connu, qui existe effectivement et que... Les bénéficiaires ont trouvé la porte, hein? Donc, ça existe.

Mme Marois: Alors, vous allez nous en informer ou nous donner les éléments qui le concernent, j'imagine, aux membres de la commission.

M. Reid: Bien, j'imagine qu'en temps et lieu il y aura des statistiques qui vont être faites pour savoir combien qu'il y a d'étudiants qui en profitent, etc.

Mme Marois: Non, ce n'est pas les statistiques, là, mais c'est les éléments du programme. Je pense, c'est ça qui devient pertinent. C'est une donnée qui devrait être publique.

M. Reid: Mais tout a été dit là-dessus, Mme la députée.

Mme Marois: Bien, enfin, tout a été dit, mais les étudiants qui sont ici n'ont pas l'air très satisfaits. Alors, il doit y avoir un petit problème quand même, hein? Alors, c'était la question que je voulais poser là-dessus.

M. Brisson (Nicolas): Bien, nous, on s'est fait passer pour des étudiants puis on a appelé dans différentes banques. Et, d'une part, parce qu'on sait que le Programme de prêt pour l'achat d'un micro-ordinateur, c'était uniquement dévolu pour les étudiants qui sont bénéficiaires de l'aide financière, donc la plupart des banques nous ont dit qu'il n'était pas question qu'elles fassent des prêts à des bénéficiaires de l'aide financière, qu'on a appelé, la plupart... la totalité, si je ne me trompe pas, la totalité des banques.

La deuxième chose qu'on se rend compte, c'est qu'il y a une grande partie des bénéficiaires de l'aide financière dont les parents ne sont pas solvables. Et là il serait intéressant de voir combien d'étudiants ont, d'une part, comme vous l'avez si bien dit, bénéficié de l'information pour avoir été aidés par le gouvernement dans ces cas-là. Et, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il serait beaucoup plus simple de lever la suspension de ce programme-là, d'autant plus que ça revient pratiquement au même. Donc, nous, que le gouvernement, une fois...

Parce qu'il y a des raisons pourquoi ce programme-là a été mis en place, là, puis on vient de les dire. Les banques ne sont pas intéressées à faire d'autres prêts pour les bénéficiaires de l'aide financière. Puis il y a une grande partie des bénéficiaires dont les parents n'ont pas beaucoup de revenus et ont déjà d'autres emprunts. Donc, c'est difficile, à ce moment-là, de contracter un prêt. Et, nous, ce qu'on dit, c'est de rétablir ce programme-là. Il n'y a aucune raison pour ne pas le rétablir.

Maintenant, s'il y a un nombre très, très élevé, c'est-à-dire entre 8 000 et 9 000 étudiants, qui sont allés voir le ministère de l'Éducation, qui ont dit: Bien là le ministre nous a demandé... nous a permis de pouvoir bénéficier de ce qu'était le programme, bien on va dire: Ça ne donne rien parce que ça s'adresse aux mêmes bénéficiaires. Mais, compte tenu de l'information, je pense qu'il n'y en a sûrement pas beaucoup qui ont dû faire ou qui ont dû entreprendre ces démarches-là. Et la façon la plus simple pour un gouvernement qui veut rendre service à ses citoyens, c'est de mettre en place un programme qui est annoncé sur Internet, etc.

Mme Marois: Mon collègue souhaite intervenir.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci, M. le Président. Ma collègue et moi, je crois qu'on est sur la même longueur d'onde. C'est une partie d'une question que je voulais poser en partant, puis on avait la même idée. Moi, ce que je voulais voir aussi, par rapport à l'aide financière, c'est toutes les demandes que vous faites, là, depuis tout à l'heure, là. Vous avez expliqué, là, toutes les mesures qui devraient être faites pour améliorer l'aide financière. À combien ça se chiffre environ, là, selon vos études, les modifications?

M. Brisson (Nicolas): C'est environ une centaine de millions. Juste après nous, il y a le Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études qui va vous parler d'une série de mesures, de modifications à l'aide financière aux études. Tout dépendant de jusqu'où on va dans les modifications, ça peut varier entre 100 et 200 millions. Et c'est des travaux qui ont été effectués par l'Aide financière elle-même, mais, nous, on l'a chiffré à environ à une centaine de millions.

M. Bourdeau: Et, de là, vous augmentez aussi, là, le nombre d'étudiants qui vont être admissibles à l'aide financière, un peu comme le comité, là. C'est la même position que vous avez de ce côté-là.

M. Brisson (Nicolas): Oui. Si on augmente le niveau des dépenses admises, c'est clair que ça rend plus accessible à une catégorie de gens l'aide financière aux études.

M. Bourdeau: J'aimerais vous entendre, parce que plusieurs intervenants sont venus nous voir pour nous dire qu'il y avait un lien direct entre la hausse des frais de scolarité puis la qualité de l'éducation. Je pense, moi, a priori, que c'est une fausse prémisse parce que ce n'est pas la hausse des frais de scolarité qui va amener une meilleure qualité, mais c'est hausse du financement au total. On prend la décision de les faire payer soit par les étudiants ou par la société.

n(11 h 30)n

Vous avez dans votre mémoire... vous parlez, entre autres, de l'exemple de l'Ontario qui a connu une hausse des frais de scolarité incroyable, de 123 %, puis que le ratio étudiants-professeur est le plus élevé. Est-ce que vous avez d'autres exemples de ce type-là ou d'autres conséquences qui feraient en sorte de démontrer que la hausse des frais de scolarité, ce n'est pas un corollaire de l'augmentation de la qualité?

M. Brisson (Nicolas): Bien, toutes les expériences passées nous démontrent qu'à chaque fois qu'il y a eu des hausses de frais de scolarité il y a eu désengagement de l'État dans le financement. Ça a été vrai au Québec entre 1989 et 1994, ça a été aussi vrai dans le reste du Canada, aux États-Unis puis ça va l'être aussi dans le cas du Royaume-Uni. Par exemple en Nouvelle-Écosse, le ratio étudiants-professeur est le deuxième plus élevé au Canada. Pourtant, c'est l'endroit où les frais de scolarité sont les plus élevés.

Pour nous, quand on regarde la pression qui est faite pour une hausse des frais de scolarité, on se rend compte que ce n'est pas lié au financement des universités comme tel, c'est lié au financement des coûts de santé qui augmentent d'année en année puis au fait qu'il y aura de moins en moins de contribuables ? donc, c'est essentiellement ça ? et qu'une des façons que les gouvernements qui ont à vivre les mêmes problèmes ont trouvé, c'est d'augmenter les tarifs, que ce soit en garderie, que ce soit pour d'autres services publics comme les frais de scolarité. Et, nous, on est convaincus que, s'il y a des baisses d'impôts et qu'ils haussent les frais de scolarité, bien, la hausse des frais de scolarité va avoir été utilisée pour réduire les impôts.

Quand on a une marge de manoeuvre, on fait des choix. Si l'éducation, c'est une priorité, bien, qu'il y ait une partie des baisses d'impôts promises qui soit allouée au financement de l'éducation. Et, pour nous, c'est une question d'équité intergénérationnelle, d'autant plus que, baisser les impôts aujourd'hui, c'est diminuer la capacité à long terme de l'État de financer adéquatement l'éducation et la santé. C'est pour ça qu'on demande qu'il y ait aussi la création d'une caisse santé, pour permettre aux générations futures de contribuables de pouvoir bénéficier de la même qualité de services, sinon meilleure à un coût qui est équivalent à ce que les Québécois paient aujourd'hui.

Je prends l'exemple du Régime des rentes. Le Régime des rentes au Québec, on a refusé de l'augmenter pour toutes sortes de raisons. Et, à un certain moment donné, à la fin des années quatre-vingt-dix, je crois, il y a eu une augmentation assez importante des cotisations au Régime des rentes. Si on avait fait le choix dans les années soixante-dix de hausser les cotisations, bien, peut-être qu'aujourd'hui on serait concurrentiels, beaucoup plus concurrentiels avec l'Ontario au niveau du fardeau fiscal parce que nos cotisations seraient moins élevées aujourd'hui. Et c'est le même principe en ce qui a trait aux baisses d'impôts. Peut-être que, si on décide de ne pas baisser... pas peut-être, si on décide de ne pas baisser les impôts aujourd'hui, bien, l'Ontario sera forcé de les monter dans 10 ou 15 ans, puis, nous, bien, nos impôts seront moins élevés.

De toute façon, l'argument de la concurrence fiscale, on n'embarque pas là-dedans. On a juste à prendre l'écart entre les tarifs d'électricité puis il n'y en a plus de différence de fardeau fiscal, là. Et là je ne vous ai pas parlé des frais de garde, des frais de scolarité, donc de plusieurs services essentiels à la population auxquels les gens de l'Ontario doivent payer beaucoup plus.

Donc, pour nous, c'est une question d'équité intergénérationnelle. Nous sommes convaincus, avec l'histoire, avec la gestion et le financement des services publics futurs, que toute hausse de frais de scolarité ne sera pas allouée à un accroissement de revenus des universités, on est convaincus de ça. Et la deuxième chose, c'est que diminuer les impôts réduit la capacité fiscale des contribuables de demain de financer adéquatement la santé et l'éducation. Et, pour nous, c'est clair que c'est une grande priorité de la FEUQ, toute la problématique du financement des services publics par rapport au choc démographique.

M. Bourdeau: Là-dessus, on s'entend tout à fait. C'est malheureux que le gouvernement ait refusé de faire une commission parlementaire justement sur le choc démographique. Je pense que c'est le plus grand défi que nos générations vont connaître dans les prochaines années. Mais encore une fois on se met la tête dans le sable. On met en place des politiques qui auront des conséquences à long terme. On pense simplement à court terme, à se faire réélire dans quatre ans, et ça, ça va être très dommageable pour le Québec de demain.

Je peux vous dire que, moi, en tant que jeune, j'ai les mêmes problématiques que vous, les mêmes questionnements. Puis je pense qu'il est temps que l'Assemblée nationale, qui est le représentant du peuple du Québec, de la société québécoise, arrête de se mettre la tête dans le sable, se la sorte puis parle du choc démographique. Parce qu'il va falloir parler du Régime des rentes, il va falloir parler des différentes façons de financer nos systèmes publics, puis, tant qu'on n'en parlera pas puis qu'on essaiera de tasser ça de côté puis de dire: Non, non, il n'y a pas de problème, puis on va continuer à baisser nos impôts, bien, on va avoir des problèmes au Québec dans 20 ans, puis c'est nous autres qui vont payer la note.

Une dernière question au niveau de la qualité de l'éducation. On parle souvent aussi de l'évaluation des professeurs, soit formative ou sommative. C'est quoi, la réalité de la plupart des universités? Moi, bon, je sais que certaines universités, certains départements ont ce type d'évaluation là qui fait en sorte, là, d'améliorer un peu la qualité des cours. Parce que l'Université du Québec est venue nous voir puis on a dit: Oui, oui, l'évaluation, c'est important, surtout pour les jeunes professeurs, ceux qui arrivent parce qu'il faut leur donner une formation pédagogique. Moi, je serais allé encore plus loin parce que, au-delà des jeunes professeurs, il y a aussi des fois des professeurs émérites qui auraient peut-être besoin aussi de certaines formations et pas simplement pédagogique, mais au niveau de la langue d'apprentissage qu'est le français. Parfois, ce n'est pas toujours évident. De votre côté, là, c'est quoi, votre position, par rapport à ça?

M. Brisson (Nicolas): Bien, nous, c'est une...

Le Président (M. Kelley): Rapidement, M. Brisson.

M. Brisson (Nicolas): Oui. Bien, nous, c'est une réflexion en tout cas depuis au moins les deux dernières années, là, qui a lieu à la FEUQ. Ce qu'on constate, en fait, ce que nous disent nos associations étudiantes, c'est le manque de suivi par rapport aux politiques d'évaluation de l'enseignement. La FEUQ n'est pas pour, une fois qu'un professeur a eu une mauvaise évaluation, qu'il soit congédié. On est pour qu'il y ait de la formation qui soit donnée au professeur, de l'aide. Mais il faut d'abord s'assurer qu'il y ait une bonne évaluation et par la suite qu'il y ait un réel suivi, ce qui ne semble pas être le cas dans la plupart des universités. Et ça va être un dossier très important, l'année prochaine, à la fédération, qui va aussi avec les objectifs d'imputabilité des universités. C'est un indicateur qui pourrait faire partie d'une révision de la loi sur les établissements de niveau universitaire.

Donc, en conclusion, je dirais que la façon plus réaliste de financer l'éducation reste encore par l'augmentation du financement de l'État pour les universités. C'est non seulement réaliste, mais c'est aussi plus équitable socialement et entre les générations. Et, nous, ce qu'on demande au gouvernement, c'est de faire les bons choix. Et on espère que, dès le prochain budget, nous pourrons voir que ces choix-là seront effectifs. Et d'ailleurs on a rencontré le ministre des Finances, la semaine dernière, qui nous a confirmé qu'il existait une marge de manoeuvre, là, que ce qu'on a déposé comme étude, ça se tenait fort bien. Ceci dit, il reste à faire les bons choix, et c'est d'investir en éducation, encore une fois.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Brisson. Juste en terminant, le président a noté vos commentaires sur l'imputabilité. On n'a pas vraiment eu l'occasion de faire un échange élaboré, mais soit par écrit ou si vous voulez rencontrer le président peut-être avec le vice-président pour les recommandations plus précises sur le fonctionnement de nos audiences avec les universités, je ne veux pas parler au nom de mon collègue, mais je pense qu'on est disponibles pour le faire, pour avoir une meilleure... pour s'assurer que ces séances sont le plus utiles possible.

Alors, sur ça, je vais ajourner nos travaux quelques instants, juste pour permettre aux représentants du Conseil...

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): ...le Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

 

(Reprise à 11 h 42)

Le Président (M. Kelley): Je demande aux collègues de prendre place, s'il vous plaît.

Alors, avant de donner la parole aux représentants du Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études, je vais demander aux membres de la commission la permission de légèrement déroger 12 h 30 pour donner le temps qu'il faut au comité. Alors, je demande préalablement votre consentement pour la gestion du temps. Et c'est accordé.

Alors, sur ça, je cède la parole à M. Roger Côté, qui est le président du comité. M. Côté.

Comité consultatif sur l'accessibilité
financière aux études (CCAFE)

M. Côté (Roger): Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames, messieurs, je voudrais vous présenter mon collègue, M. Paul Vigneau, qui m'accompagne aujourd'hui. M. Vigneau est le coordonnateur du Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études.

D'entrée de jeu, je voudrais vous remercier de nous inviter à présenter notre vision de l'accessibilité financière aux études dans le cadre des travaux que vous menez sur l'accessibilité et sur les universités. Mon propos est plutôt centré sur le volet accessibilité.

Il est possible que certains d'entre vous ne connaissent pas l'existence de notre comité. Créé en 1999, le Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études est chargé de conseiller le ministre de l'Éducation sur toutes les questions relatives au Programme d'aide financière aux études et aux différents droits d'admission, d'inscription et de scolarité. Le comité peut aussi saisir le ministre d'autres questions reliées à son champ de compétence. Le comité se compose de 17 membres, dont sept étudiants. Et je voudrais saluer la présence dans la salle de quelques membres, tous des bénévoles, qui se dévouent à l'amélioration de l'accessibilité financière des étudiantes et des étudiants aux études professionnelles, collégiales et universitaires.

Je voudrais vous soumettre quelques réflexions, regroupées en quatre messages. Le premier message: il faut préserver les acquis sociaux en matière d'accessibilité financière aux études, en particulier le Programme des prêts et bourses. Au Québec, le système public d'aide financière aux études universitaires se caractérise par la réglementation des droits de scolarité, par divers programmes d'aide financière, le principal étant le Programme de prêts et bourses, ainsi que par des déductions fiscales accordées aux étudiants, ex-étudiants et à leurs parents. Ce système, mis en place progressivement, a permis à un nombre très important de Québécoises et de Québécois d'accéder à des études universitaires et de les réussir, tout en terminant leurs études avec un niveau d'endettement inférieur à ce qu'on observe ailleurs au Canada. Sans l'aide financière qui leur a été consentie, plusieurs d'entre eux n'auraient jamais eu accès à l'université. Le Programme des prêts et bourses est la pierre angulaire du dispositif mis en place pour garantir l'accessibilité aux études universitaires et il doit en conséquence être à l'abri d'éventuelles compressions budgétaires.

En somme, le Québec s'est donné un ensemble de mesures visant à lever les obstacles financiers entravant l'accès aux études. C'est un acquis de société qui favorise la démocratisation des études. Nous devons continuer à adapter cet ensemble de mesures pour tenir compte de l'évolution des besoins des étudiants, de même que la hausse des coûts des études. De plus, l'importance grandissante de l'innovation et de la production des connaissances au sein de notre société ne fera que renforcer l'importance stratégique des universités et de l'accès aux diplômes universitaires, notamment aux cycles supérieurs. Le déclin démographique auquel nous devons faire face nous oblige aussi à compter sur tout notre monde et à amener chaque individu à développer son plein potentiel. Aucun talent ne doit être perdu, et tous ceux et celles qui ont les aptitudes et la volonté nécessaires pour réussir des études universitaires doivent être soutenus s'ils n'ont pas les ressources financières requises pour le faire. En conséquence, nous croyons qu'il faut maintenir l'accessibilité financière aux études au rang des priorités de la société québécoise.

Deuxième message: il faut adopter une vision élargie de l'accessibilité financière aux études. Nous avons procédé à l'examen des programmes d'aide financière aux études en niant les notions d'accessibilité et de réussite. L'accessibilité aux études concerne la possibilité de franchir une distance entre le milieu familial, terrain de la culture première, et le milieu universitaire, lieu de la culture seconde. Cette distance varie selon les milieux et semble presque infranchissable pour plusieurs personnes des milieux les plus défavorisés. Elle est tout autant socioculturelle, c'est-à-dire question de scolarité, profession des parents, que socioéconomique, de revenu familial.

En effet, toutes les études consultées font état d'un accès différencié à l'université selon la scolarité, la profession et le revenu des parents. Par exemple, une récente étude canadienne citée dans le document de consultation de la commission indique que la probabilité d'accéder à l'université est deux fois plus faible chez les personnes issues de familles à revenus bas, c'est-à-dire sous 25 000 $ par an, que chez celles des familles dont le revenu est élevé, à plus de 100 000 $ par an. Les mesures d'aide financière sont donc indispensables.

L'examen qui a été fait des obstacles entravant le parcours scolaire menant à la réussite permet de proposer diverses mesures qui devraient améliorer l'accessibilité financière à la réussite d'un projet d'études pour les étudiants du Québec. Ces mesures font l'objet du message suivant: il est nécessaire d'adapter les programmes d'aide financière aux études en vue d'améliorer l'accessibilité financière à la réussite d'un projet d'études. Les mesures proposées ciblent trois catégories d'étudiants: les bénéficiaires du Programme des prêts et bourses, les jeunes de milieux défavorisés qui ont le potentiel nécessaire pour accéder à l'université et les étudiants des cycles supérieurs bénéficiaires ou non du programme.

Voyons maintenant quelques propositions pour chacun de ces groupes. Commençons par les bénéficiaires du Programme de prêts et bourses. Une première série de mesures vise à ce que les bénéficiaires du programme puissent se consacrer en priorité à leurs études à temps plein afin d'obtenir le diplôme visé le plus rapidement possible. Les personnes qui peuvent se consacrer en priorité à leurs études à temps plein présentent un meilleur taux de diplomation et prennent moins de temps que les autres pour parvenir au diplôme. Notons qu'il ne s'agit pas d'interdire le travail à temps partiel durant la période d'études, surtout s'il ne dépasse pas une quinzaine d'heures par semaine et s'effectue sur le campus, mais bien de fournir à ces personnes les ressources financières suffisantes pour que leur préoccupation première soit les études.

Dans cette perspective, il faut revoir à la hausse les paramètres du Programme des prêts et bourses, c'est-à-dire aux frais de subsistance. Il y a lieu aussi de réviser, pour certains programmes d'études, le montant accordé au matériel scolaire. Pour soulager les familles de la classe moyenne inférieure, il est nécessaire de diminuer la contribution parentale exigée, par exemple, en ajustant la grille de cette contribution à celle qui est en vigueur dans le reste du Canada, laquelle exige une contribution financière des seules familles dont le revenu excède 45 000 $ par année. Le seuil est d'environ 25 000 $ au Québec. D'autres mesures sont nécessaires pour améliorer le sort des personnes qui effectuent un retour aux études ainsi que celui des parents étudiants. Par exemple, on ne devrait plus tenir compte de la pension alimentaire versée pour des enfants dans le calcul de revenu des parents étudiants.

n(11 h 50)n

Passons au deuxième groupe, les étudiants des milieux défavorisés. On a vu que les jeunes des milieux les moins favorisés sont aussi ceux qui ont la plus grande distance à franchir pour accéder à l'université. Il faut les aider davantage en mettant en place une stratégie d'accessibilité comprenant des actions coordonnées commençant tôt au secondaire. Les actions à mettre en oeuvre devraient viser à accroître l'intérêt pour les études, la préparation à ces dernières, l'information sur les programmes d'études offerts ainsi que le soutien dans l'élaboration d'un projet d'études réaliste. Elles devraient être suivies de mesures particulières destinées à ceux et celles qui atteignent les études universitaires.

Nous proposons une mesure incitative applicable tout au long du secondaire. On permettrait aux jeunes de ces milieux d'accumuler une somme pouvant servir à financer une partie de leurs cours au postsecondaire. Au terme de chaque année réussie au secondaire, les jeunes pourraient accumuler un crédit et le montant annuel serait croissant pour maintenir leur motivation aux études. Ces élèves pourraient accumuler, par exemple, une somme de l'ordre de 3 000 $. Cette mesure devrait contribuer à accroître la valorisation de l'éducation en milieu familial. De plus, afin d'encourager les élèves à entreprendre des études universitaires, on pourrait changer la répartition de l'aide en l'accordant sous forme de bourses en première année puis progressivement sous forme de prêts et bourses. Enfin, pour améliorer leur intégration à l'université tout en leur permettant d'obtenir des ressources financières supplémentaires, il faudrait bonifier financièrement le Programme études-travail.

Terminons avec les étudiants des cycles supérieurs. Si elle veut continuer à prospérer, notre société est appelée à se démarquer sur le plan de l'innovation et de la production des connaissances. C'est une exigence de la société du savoir. Il faut donc accroître le nombre d'étudiants universitaires, en particulier aux cycles supérieurs, tout en les soutenant financièrement jusqu'à l'obtention d'un diplôme.

L'un des défis à relever est en effet d'augmenter à la fois le taux de participation et le taux de diplomation aux cycles supérieurs. À cet égard, il est important de maintenir l'éventail des mesures déjà mises en place, notamment l'aide au mérite provenant des organismes subventionnaires. Dorénavant, ceux-ci devraient non seulement être exemptés des compressions budgétaires, mais disposer d'un meilleur financement.

D'autres mesures sont proposées par le comité, par exemple le Programme études-travail spécifique pour les étudiants des cycles supérieurs, avec comme particularité l'offre d'emplois reliés au domaine d'étude des personnes embauchées. Afin de contrer l'abandon des études en fin de parcours, il serait approprié d'implanter un programme de bourses pour des activités particulières, comme la rédaction d'articles ou la présentation de conférences. Nous avons la conviction que ces mesures permettront à la fois d'améliorer l'accessibilité financière à la réussite scolaire et de réduire la durée moyenne des études.

Quatrième message: il faut faire preuve de prudence en matière des droits de scolarité et procéder à l'examen des mesures fiscales relatives aux études. Les membres du comité invitent le gouvernement et le ministre de l'Éducation à faire preuve d'une grande prudence avant de modifier l'équilibre actuel entre les trois composantes du système d'aide financière aux études, à savoir la réglementation des droits de scolarité, les programmes d'aide financière aux études et les mesures fiscales reliées aux études.

La question des droits de scolarité fait l'objet d'une attention démesurée par rapport à la nécessité d'accroître l'accessibilité aux études universitaires, en particulier chez les personnes des milieux défavorisés. La notion d'accessibilité recouvre en effet une réalité complexe, multifactorielle. L'accès aux études universitaires demeure relié aux revenus des parents, à leur profession ainsi qu'à leur niveau de scolarité. Plus largement, la notion de distance socioculturelle ouvre la voie à des analyses qui ne sont pas exclusivement fondées sur des données financières mais sur les autres facteurs en cause. Ainsi, même en maintenant le niveau actuel des droits de scolarité, la priorité devrait plutôt être mise sur les programmes d'aide financière destinés aux personnes qui n'ont pas les ressources nécessaires pour assumer le coût de leurs études.

Voici quelques pistes de réflexion proposées par le comité. Si on adopte le point de vue des étudiants des milieux défavorisés et d'une partie de la classe moyenne, il est clair que le coût des études doit demeurer abordable et être perçu comme tel. On remarque en effet que les gens des milieux défavorisés qui côtoient généralement peu d'universitaires ont tendance à surestimer les coûts des études universitaires, ce qui représente déjà un obstacle à l'accès. Parmi les dépenses qu'ils entraînent, les droits de scolarité font partie des dépenses incompressibles en comparaison à celles affectées, par exemple, au logement ou à la nourriture. Ainsi, on peut partager un logement avec d'autres personnes. Les bénéficiaires du Programme des prêts et bourses le font déjà en grand nombre et se placent dans des conditions qui ne sont pas idéales pour la réussite des études. Il n'est pas donc surprenant que toute hausse des droits de scolarité soit perçue, surtout chez les plus démunis, comme une barrière supplémentaire au regard de l'accès aux études universitaires. Une hausse, en particulier si elle est substantielle, pourrait avoir des conséquences significatives sur la participation déjà relativement faible des gens des milieux défavorisés même si l'on maintient ou adapte les programmes d'aide financière aux études.

Les étudiants doivent être en mesure de planifier le coût de leurs études de manière réaliste. Il est donc essentiel que les diverses composantes de ce coût soient connues à l'avance, à savoir les droits de scolarité et les autres frais obligatoires. Par ailleurs, il faut considérer les droits de scolarité et les frais obligatoires comme un tout, soit la facture totale payée à l'université ou la part relative du coût de la formation assumée par l'étudiant.

Il est irréaliste de croire que le problème de financement des universités sera réglé avec les seuls droits de scolarité, compte tenu du fait qu'il faudra qu'une importante partie du produit d'une éventuelle hausse serve à soutenir ceux et celles qui n'auraient pas les moyens de l'absorber. En effet, sans changer les programmes actuels, 25 % du produit de toute hausse des droits de scolarité s'ajoutera au coût du Programme de prêts et bourses. Si l'augmentation des droits de scolarité est très importante, le nombre d'étudiants admissibles sera à la hausse, ce qui entraînera forcément des coûts additionnels. De plus, l'État devrait assumer un coût supérieur pour les mesures fiscales reliées aux études. En conséquence, le résultat financier net pour l'État risque d'être grandement atténué. Enfin, peu importent les décisions futures en la matière, il serait utile de prévoir un mécanisme protégeant les étudiants d'éventuelles hausses soudaines et importantes des droits de scolarité et des autres frais obligatoires.

Nous avons aussi procédé à un examen sommaire des mesures fiscales fédérales-provinciales relativement aux études. Au Québec, ces mesures s'appliquent principalement aux exemptions à l'égard des bourses, au crédit d'impôt pour les frais de scolarité, à celui pour les intérêts appliqués au remboursement du prêt et aux montants pour enfants aux études. Le coût des mesures québécoises est stable depuis quelques années à 150 millions de dollars, et le produit de ces mesures revient davantage aux étudiants et aux ex-étudiants qu'à leurs familles.

Par contre, le coût des mesures fiscales fédérales augmente d'année en année. Sa croissance a été de 60 % entre 1998 et 2003, soit plus du double de celle observée au Québec au cours de la même période. La croissance du coût des mesures fiscales fédérales est reliée au coût des dépenses d'études, notamment les droits de scolarité, qui ont été augmentés régulièrement dans la plupart des autres provinces canadiennes au cours de la période étudiée. Plus ces droits sont élevés, plus le gouvernement fédéral remet de l'argent aux particuliers. Les Québécois sont traités de la même manière que les autres Canadiens, mais ils sont en quelque sorte pénalisés parce qu'ils fournissent collectivement un effort plus grand pour maintenir des droits de scolarité abordables à l'université, sans oublier la gratuité au collégial. Au lieu de recourir à des transferts aux individus, le gouvernement fédéral pourrait par exemple mieux soutenir financièrement les provinces en matière d'enseignement supérieur en bonifiant le transfert canadien en matière de santé et des programmes sociaux.

Il serait également souhaitable de donner une marge de manoeuvre accrue aux établissements d'enseignement en matière d'aide financière aux études. Plusieurs organismes que nous avons consultés ont rappelé que les universités interviennent déjà auprès des étudiants qui ont des problèmes financiers persistants ou ponctuels. Il faudrait accroître les ressources à cette fin, par exemple en encourageant la levée de fonds provenant de sources privées qui seraient dédiés à l'aide aux étudiants. Actuellement, le ministère accorde aux établissements un montant déterminé pour chaque dollar recueilli par leur fondation. Ce modèle pourrait s'appliquer dans le cas de fonds recueillis spécifiquement pour l'aide financière aux étudiants.

En conclusion, il est impératif de préserver les acquis sociaux en matière d'accessibilité financière aux études, en particulier le Programme des prêts et bourses. Le moment est venu d'adopter une vision élargie de l'accessibilité financière aux études et d'adapter les programmes d'aide en vue d'améliorer l'accessibilité financière à la réussite du projet d'études universitaires pour les étudiantes et les étudiants. Enfin, il faut faire preuve de prudence en matière des droits de scolarité et procéder à l'examen des mesures fiscales relatives aux études. Merci, M. le Président. Nous espérons que nos propos pourront vous être utiles.

n(12 heures)n

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Côté. Maintenant, la parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom des membres de notre formation, au niveau donc du gouvernement, et vous remercier de votre contribution qui est extrêmement intéressante. Et je voudrais souligner d'abord cette contribution où vous regroupez, où vous mettez l'accessibilité comme étant un résultant de trois facettes, trois dimensions ? et je pense que j'ai dû reprendre vos mots ? trois composantes en fait du système d'aide financière aux études, à savoir la réglementation des droits de scolarité, les programmes d'aide financière comme tels et les mesures fiscales reliées aux études. Et c'est intéressant de voir un peu qu'il y a jusqu'à un certain point peut-être une certaine fluidité, une certaine transférabilité d'une composante à l'autre éventuellement.

Et ça me fait poser une question: Est-ce que, par exemple, le fait qu'on gèle les frais de droits de scolarité depuis un bon nombre d'années, disons, est-ce que ça ne joue pas au niveau de la possibilité de hausser ou de baisser et par ailleurs d'aller mettre des sommes d'argent équivalentes dans le système d'aide financière ou par des mesures fiscales? J'aimerais vous entendre un peu sur l'espèce de... Est-ce qu'il existe vraiment une fluidité entre les trois composantes ou si les trois composantes sont assez rigides chacune dans leur coin?

Le Président (M. Kelley): M. Côté.

M. Côté (Roger): Oui, merci. Bien, il est certain que le choix qu'on a fait de maintenir les frais scolaires bas au Québec représente un investissement rentable pour la société et aussi pour les individus. Nous sommes toujours à la recherche de cet équilibre entre la répartition des coûts entre l'ensemble de la société et les individus. C'est toujours un débat qui est toujours passionné, peu importent les juridictions dans lesquelles il a lieu.

La question du besoin ou de la nécessité d'augmenter les frais scolaires est souvent invoquée comme étant une mesure de financement du réseau universitaire, des établissements d'enseignement ou de d'autres mesures. Dans ce contexte-là, il est important que l'État fasse des choix soit dans la répartition de l'ensemble des ressources pour pouvoir les attribuer à un programme plutôt qu'à un autre. Et nous pensons que cet investissement-là, ce choix-là qui a été fait doit être maintenu.

En ce qui a trait... Sur la question des relations entre ces variables-là, je ferais la démonstration que, pour chaque dollar d'augmentation de frais de scolarité, il y aurait une augmentation de 25 % au niveau du coût de l'aide financière. À ça, il faudrait peut-être voir aussi un ajout, là, d'autres mesures, c'est-à-dire, sur le plan fiscal, il y aurait des coûts associés à ça, une plus grande participation aussi, un plus grand nombre de bénéficiaires. Alors, les relations entre ces variables-là sont importantes. On pourrait penser que, pour chaque dollar d'augmentation de frais scolaires, on pourrait voir possiblement jusqu'à 40 % d'augmentation du coût. Alors, il faudrait évaluer de façon approfondie les bénéfices nets qu'on pourrait retirer d'une augmentation des frais.

Maintenant, on affirme aussi dans nos propos qu'il faut faire attention à la question de... le lien entre l'accessibilité et les frais scolaires. Nous, on n'a pas identifié de recherches qui ont fait ce lien direct en isolant particulièrement le facteur frais scolaires. On a mentionné que c'est une dynamique multifactorielle. Il y a plusieurs facteurs interreliés qui ont une incidence sur l'accès.

Il faudrait aussi prendre connaissance de l'effet des frais scolaires dans différents pays. On peut penser à des pays comme l'Allemagne, l'Irlande, la Suède, la Norvège, où il n'y a pas de frais scolaires, et comparer la représentation ou la participation des étudiants provenant de milieux les plus démunis ou les plus défavorisés, et en effet on retrouve une sous-représentation des gens provenant de milieux défavorisés pratiquement partout, peu importe le régime de frais de scolarité existant, en place, que ce soit dans un régime où les coûts sont plus élevés ou sont moindres.

Par contre, l'effet, comme on l'indique, peut être assez significatif sur les gens de milieux plus défavorisés, dans le sens qu'ils ont déjà une perception biaisée du coût de l'éducation. On surestime déjà dans ces milieux-là le coût d'aller à l'université et aussi on sous-estime les bénéfices d'une formation universitaire. Alors, dans ce concept de notion de distance à franchir entre la culture première de la famille et la culture seconde, dans ce cas-ci, du milieu universitaire, ça vient ajouter... c'est une dimension très importante, et une augmentation de frais scolaires pour ces gens-là pourrait ajouter une distance ou un fardeau additionnel. Alors, il va falloir agir de façon très prudente auprès de ces regroupements-là.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Oui, je voudrais souligner aussi ? j'ai oublié de le faire tout à l'heure ? l'intérêt de cette perspective de la perception de l'accessibilité. Parce qu'on parle toujours de l'accessibilité, mais vous amenez une perspective qu'on n'entend pas souvent, celle de la perception de l'accessibilité et donc de l'équation coûts-bénéfices de la formation universitaire.

Parlant de milieux défavorisés, il est souvent relativement facile de faire une étude statistique, d'établir une corrélation, etc. C'est beaucoup plus difficile d'identifier ce qu'on entend par «milieux défavorisés» quand on veut avoir des mesures qui sont faites pour des gens de milieux défavorisés et qui donc en excluent d'autres. Ça veut dire que, là, il faut aller dans un niveau de détail tel que, évidemment, on puisse dire à une personne: Oui, tu as accès à cette mesure-là, ou non, tu n'as pas accès à cette mesure-là. Et, dans ce sens-là, il y a des mesures que vous dites qui seraient accessibles à des gens d'origine de milieux défavorisés. Est-ce que vous avez une définition simple qui pourrait être opérationnelle quand viendra le temps de faire... de mettre en application des mesures semblables?

M. Côté (Roger): Je vais laisser mon collègue intervenir, pour commencer, oui.

M. Vigneau (Paul): Alors, Paul Vigneau. Là-dessus, j'aimerais faire, disons, tracer une toile de fond des courants de recherche sur l'accessibilité financière aux études. En gros, on s'appuie, dans un premier temps, sur des sondages. C'est un peu des photographies. On constate, par exemple, que la distribution varie selon le revenu familial, qu'elle varie aussi selon la scolarité des parents, et de plus en plus au Québec ? c'est le cas au Canada, mais pas dans tous les pays de l'OCDE ? ça varie selon le sexe. Ça, on le constate partout qu'il y a, surtout pour l'accès à l'université, vraiment un accès différencié. Pour ce qui est du collégial, par exemple, dans l'ensemble canadien, en fonction du revenu, il n'y a pas vraiment... la distribution est à peu près équivalente.

Au Québec, on le voit, il y a peut-être des différences entre ceux qui sont au secteur collégial technique, ceux qui sont au secteur préuniversitaire. Parce que, préuniversitaire, dans le fond, on reproduit un petit peu la distribution de l'université. Alors donc, ça, c'est... On a donc un portrait de la situation. Et les décideurs publics se disent: Bon, qu'est-ce qu'on peut faire pour éventuellement modifier cette distribution-là, pour élargir l'accès des gens qui viennent des milieux, disons, défavorisés? Puis je reviendrai sur une définition qui pourrait, je pense, s'appliquer très, très bien et très facilement au Québec.

Une fois qu'on a ça comme portrait... Eh bien, je pourrais vous dire aussi que, au Canada, depuis quelques années, il y a un programme de recherche qui a été mis sur pied par la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire et qui a fait beaucoup pour faire avancer, disons, la connaissance du phénomène de l'accessibilité aux études. Ils ont notamment, bon, fait le portrait de la situation au Canada. On réalise effectivement que le facteur financier joue. Par exemple, ceux qui ont terminé les études secondaires, on a essayé de voir pourquoi certains d'entre eux ne se rendent pas à des études postsecondaires. Et le facteur financier, c'est le premier qui apparaît.

En même temps, on a fait, toujours avec la fondation, des sondages, et c'est là qu'on a vraiment constaté que le phénomène de perception joue. Et c'était très, très clair, puis au Québec aussi... Je vous donnerais un exemple. Au Québec ? ça m'avait vraiment frappé, dans ce cas-là ? les gens vraiment surestiment le coût et ils sous-estiment les bénéfices. Tu sais, finalement, c'est du monde qui n'ont pas d'argent, alors c'est des gens qui envoient leurs enfants souvent dans des écoles où le taux de décrochage est beaucoup plus élevé que dans les milieux aisés et où l'espérance de diplomation est très faible par rapport aux milieux aisés. Alors, comme combinaison gagnante, entre guillemets, c'est difficile de trouver mieux.

Au Québec, par exemple, les gens qui ont des revenus, disons, inférieurs à la moyenne estimaient les droits de scolarité trois fois plus élevés qu'ils sont, de l'ordre de 6 000 $. Puis c'est des gens qui très souvent connaissent très peu d'universitaires, très peu de personnes qui sont allées à l'université. Alors, déjà ils s'imaginent que ça coûte beaucoup plus cher qu'en réalité. Ils ne sont pas du tout conscients ou très peu... enfin ils sous-estiment les bénéfices de telles études. Alors, c'est sûr que ça fait un frein pour l'accès, c'est évident.

n(12 h 10)n

Alors, la Fondation canadienne des bourses du millénaire a notamment mis l'accent sur dire: Bien, il faut intervenir avant et le plus tôt possible. Alors là on a fait notamment une recension de toutes sortes d'interventions qui ont été tentées dans les États... surtout aux États-Unis, dans plusieurs États américains, pour essayer de modifier un peu cette dynamique-là. Alors, en gros, on essaie de contrer le phénomène de la perception biaisée, donc une meilleure information sur, d'une part, c'est quoi, les études, c'est quoi, les bienfaits des études universitaires ou postsecondaires et qu'est-ce qu'on peut avoir comme aide. Aux États-Unis, les formes d'aide sont beaucoup plus variées qu'ici, mais en tout cas déjà être informé qu'on peut être aidé quand on n'a pas d'argent.

Alors, on a donc fait la recension de plusieurs projets. On s'aperçoit que, dans plusieurs États, on a fait différents essais, donc l'information, aussi sur la fonction conseil, parce qu'il faut que les gens puissent se donner aussi un projet d'études réaliste et réalisable. On a aussi mis l'accent sur les compétences des étudiants. Alors, beaucoup de programmes aux États-Unis. Dans le fond, c'est d'ajouter un plus à la formation qui est déjà donnée au secondaire, alors là, dans le fond, mieux outiller.

Il y a une expérience qui est tout à fait formidable qui a déjà... C'est au début des années quatre-vingt. Ça a démarré à San Diego. Et on a ciblé des étudiants qui avaient, dans le fond, un potentiel assez élevé. On a donc fait carrément des tests pour essayer d'évaluer, disons, le potentiel de l'individu. Et on faisait le lien avec les résultats scolaires. Ceux qu'on a ciblé: un potentiel assez élevé, moyen ou supérieur et des notes à peine moyennes. Puis là on a fait un programme pour essayer, d'une part, de les informer sur l'université ? ce n'est pas des extraterrestres qui vont là. Et aussi on a fait des activités supplémentaires à l'école, on les a fait pratiquer, dans le fond, pour faire la préparation aux examens. On a consolidé beaucoup la capacité de rédaction. Et c'était donc à San Diego. La clientèle cible, c'était dans les milieux latino-américains et c'était aussi afro-américains, donc du côté des minorités, avec des parents qui n'avaient pas atteint l'université. En fait, la plupart c'étaient des parents qui n'avaient pas leur secondaire et des gens qui avaient des revenus beaucoup plus faibles que la moyenne. Donc, on s'est dit: On va cibler des gens avec du potentiel puis des gens qu'on peut mieux outiller pour aller à l'université. Et les résultats sont assez fantastiques. Ils ont un taux d'accès à l'université beaucoup plus élevé que la moyenne. Et ceux qui font trois ans dans ce programme-là, c'est pratiquement assuré qu'ils vont se rendre à l'université et qu'ils vont vraiment être parmi, dans le fond, les meilleurs.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Vigneau.

M. Vigneau (Paul): Et c'était un site. On est rendus avec 800 sites aux États-Unis, et 14 États reprennent ce programme-là. Donc, c'est un modèle d'intervention précoce. Maintenant, je vais essayer de terminer...

Le Président (M. Kelley): Oui, juste essayer, parce qu'il faut respecter l'alternance aussi.

M. Vigneau (Paul): Maintenant, on est rendus à mettre sur pied des modèles un peu sur la base d'une expérience qu'on veut mesurer, on veut vraiment appliquer pratiquement le modèle expérimental. La Fondation canadienne des bourses du millénaire à cet effet va démarrer des projets au Nouveau-Brunswick, Manitoba, Colombie-Britannique, entre autres, en jouant sur le stimulant des bourses et sur le stimulant du renforcement de la préparation des individus et on va essayer de mesurer les résultats en termes d'accessibilité. Pour terminer avec votre... de manière plus spécifique, on pourrait utiliser la carte scolaire du Québec avec les indices de défavorisation puis commencer peut-être une expérience pilote dans les écoles 10-10.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire. Je vous accueille aussi, au nom de ma formation politique, avec plaisir au sein de cette commission pour continuer nos échanges un peu plus en profondeur sur l'avenir de nos universités et surtout le support à apporter aux étudiants pour qu'ils aillent au bout de leurs projets. Ce qui est intéressant dans ce que vous nous présentez, dans le fond, c'est de dire: Il faut travailler sur d'autres paramètres qu'essentiellement la question des frais de scolarité. Bon. Vous dites d'être prudent aussi, là; je comprends bien ça et très clairement. Vous dites donc: Travaillons sur d'autres paramètres. Et là vous nous donnez des exemples d'expériences vécues ailleurs qui semblent donner de bons résultats.

Est-ce qu'il n'y a pas eu ici aussi, au Québec, dans des milieux défavorisés, entre autres avec la collaboration de certains groupes socioéconomiques... Je pense, à Montréal, à la Chambre de commerce, qui avaient permis, en fait qui avaient demandé à leurs membres d'aller dans les écoles secondaires pour présenter des modèles de gens qui étaient partis de milieux souvent modestes pour ensuite arriver à des réussites scolaires assez remarquables et des réussites éventuellement, là, au plan professionnel ou autres. Et est-ce que ces modèles-là ne s'inspirent pas des mêmes prémisses ou des mêmes analyses? Et est-ce qu'il y en a d'autres qui existent au Québec, à cet égard-là? Et, moi, je suis très convaincue de ce que... la démonstration que vous venez de faire, là, dans le sens où il faut agir sur d'autres éléments pour amener une motivation supplémentaire à aller au bout de son projet.

M. Vigneau (Paul): Je pourrais vous donner un exemple...

Le Président (M. Kelley): M. Vigneau.

M. Vigneau (Paul): ...qui me plaît particulièrement. C'est des gens de l'Université de Montréal qui ont démarré ce projet-là. De mémoire, je crois que c'est un professeur en biochimie, et c'est essentiellement des étudiants qui sont les maîtres d'oeuvre de ce programme-là. Alors, il s'appelle le Programme de sensibilisation aux études et à la recherche, SEUR, S-E-U-R. Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on a ciblé dans ce cas-là des élèves de troisième, quatrième, cinquième secondaire dans des écoles des milieux défavorisés, mais pas exclusivement des écoles des milieux défavorisés, mais on en a effectivement... certaines ont été retenues, un certain nombre.

Alors, ce projet-là a trois volets. Et le premier volet, c'est vraiment des gens qui sont en train de faire des études de cycle supérieur qui s'en vont dans les écoles, et c'est des conférences puis c'est, dans le fond, sous forme de débats-midi. Alors, ils viennent tout simplement faire état de leurs recherches. Idéalement, dans beaucoup de programmes semblables, on essaie aussi d'avoir des personnes qui sont issues de ces milieux-là, ça donne justement une référence, un modèle et ça a un effet palpable, concret.

Le deuxième volet, c'est qu'on a mis sur pied un site Internet. Alors là c'est les jeunes des écoles qui peuvent poser des questions à des gens à l'université notamment: Bon, qu'est-ce que vous allez organiser? Bon, etc. Moi, je suis intéressé peut-être par telle carrière. Donc, on va donner de l'information sur les possibilités.

Le troisième volet ? et c'est là que c'est très intéressant aussi ? c'est un séjour d'immersion. Donc, c'est des gens de ces écoles-là qui, durant l'été, vont passer une semaine à l'Université de Montréal, sur le campus. Et on a à peu près une capacité d'à peu près 600 élèves pour un été. C'est six semaines environ, une centaine d'élèves par semaine. Et il y avait, d'après ce qu'on m'avait dit, une quarantaine de départements de l'université qui avaient participé à ça. Alors, ce qu'on veut faire, c'est faire un suivi à long terme, parce qu'on a touché à peu près 10 % des élèves des écoles qu'on avait identifiées, et on veut voir si effectivement ça va avoir stimulé et fait cheminer ces élèves-là pour qu'ils se retrouvent effectivement à l'université. Alors, moi, je crois personnellement en tout cas qu'il faut multiplier ce genre d'expérience là, en tout cas encourager celles qui existent et les multiplier.

Le Président (M. Kelley): M. Côté, pour ajouter.

M. Côté (Roger): Oui, peut-être pour ajouter. On peut parler de groupes sociaux. Un autre exemple qui me vient en tête, c'est un programme qui s'appelle Toujours Ensemble dans la ville de Verdun, qui intervient au niveau de la valorisation de l'éducation, de l'encadrement des jeunes dès l'élémentaire. Ce sont des jeunes de milieux défavorisés aussi. Ils développent déjà des partenariats avec des universités pour pouvoir déjà initier les jeunes aux études.

Mme Marois: Est-ce que ce n'est pas dans ce projet-là où l'École de technologie supérieure était engagée aussi par rapport aux jeunes de Verdun?

M. Côté (Roger): Je ne pourrais pas vous dire si c'est celui-là en particulier, mais je sais que le programme de Toujours Ensemble cherche des partenariats avec différents établissements d'enseignement et dans le but justement de valoriser.

n(12 h 20)n

Maintenant, il faut intervenir aussi auprès des jeunes, des élèves, mais aussi au niveau familial parce que, ces jeunes-là, il faut qu'il y ait une valorisation qui se fasse dans le milieu familial pour l'éducation. Alors, il va falloir aussi développer des mesures qui vont encourager les familles. D'ailleurs, nous en avons proposé avec une mesure de bourses pour les étudiants au niveau secondaire. L'objectif premier de cette proposition-là, de ce programme-là, c'est évidemment de donner de l'aide, un soutien tangible aux étudiants de milieux défavorisés, mais aussi d'encourager les familles à valoriser, à discuter d'un avenir qui comprend une éducation au niveau tertiaire. Alors, c'est ce qui est souhaité et c'est de cette façon qu'on pense qu'on peut intervenir peut-être avec plus d'effet sur l'accessibilité aux études.

Mme Marois: Est-ce que le comité du conseil supérieur que vous représentez se penche sur ces stratégies-là pour éventuellement faire des représentations ou des recommandations au gouvernement?

M. Côté (Roger): Le comité consultatif est dans la production et dans les phases finales de production d'un avis d'initiative qui sera soumis au ministre d'ici peu. Et on essaie de faire état de l'importance d'intervenir sur ces dimensions-là et on inclura des dimensions ou des exemples de tels programmes, oui, effectivement.

Mme Marois: C'est particulièrement intéressant. Bon. Maintenant, une question un petit peu plus pointue. À la page 7 de votre document, vous dites: «Les étudiantes et les étudiants doivent être en mesure de planifier le coût de leurs études de manière réaliste. Il est donc essentiel que les diverses composantes [...] soient connues à l'avance, à savoir les droits de scolarité et les autres frais obligatoires.» Ça, vous êtes en fait les premiers, là, qui l'indiquez aussi clairement. Parce que, effectivement, on met beaucoup le focus sur les frais universitaires, mais on oublie les autres frais, qui dans certains cas sont plus élevés finalement que les frais universitaires. On l'a vu, là, dans les différents mémoires qui nous ont été proposés.

Il y a une autre proposition aussi qui nous est venue, c'est la question d'une loi-cadre pour indiquer... ou pour faire en sorte que l'on plafonne d'une part les frais de scolarité, qui sont pour l'instant gelés, qu'on les garde à ce niveau-là et qu'on plafonne aussi les autres frais, de telle sorte qu'il n'y ait pas de mauvaise surprise à quelque moment que ce soit, là, dans la vie d'un étudiant et qu'il soit un petit peu pris au dépourvu. Est-ce que votre proposition va aussi dans ce sens-là ou vous proposez une autre avenue que celle-là?

M. Côté (Roger): On n'a pas été aussi loin que de proposer ou de définir le mécanisme comme tel. Ce qui nous importait, pour nous, c'était que l'étudiant puisse prévoir d'avance quels seraient ces coûts-là, que ça peut se faire tout simplement par un engagement des gouvernements d'annoncer les modifications des coûts des frais scolaires au moins un an ou deux à l'avance pour que l'étudiant puisse se préparer ou essayer de voir, les étudiants qui sont déjà en parcours de programme, un étudiant qui a déjà planifié un projet d'études, qui s'engage dans un projet d'études, de planifier ses ressources financières pour les trois ou quatre prochaines années, qu'on puisse assurer une certaine stabilité ou permettre à cet étudiant-là de mener à terme son projet d'études dans le cadre, dans la planification financière qui sera donnée.

Alors, s'il y a des modulations importantes des frais, que ce soient des frais scolaires ou des frais afférents, il faudrait permettre aux étudiants de savoir ça longtemps d'avance. En fait, c'est le message qu'on veut donner aux étudiants. On veut les préparer longtemps d'avance à développer un projet d'études réaliste, les motiver, les engager vers un tel projet, mais aussi il faut qu'ils aient un plan de financement pour assumer ces coûts-là. Et, plus les ressources nécessaires vont être connues, tant du côté de l'aide accordée par l'État que des coûts que les étudiants vont devoir engendrer, mieux ce sera. Alors, on n'a pas une proposition ferme à vous faire, là, aujourd'hui, si ça peut être une loi-cadre ou un autre mécanisme en particulier.

Mme Marois: D'accord. Ça va. J'ai d'autres collègues qui viendront poser d'autres questions.

Le Président (M. Kelley): O.K. Dans votre deuxième bloc? M. le ministre, en indiquant que, sur votre côté, il ne reste que cinq minutes.

M. Reid: O.K. Alors, peut-être pourrez-vous avoir une réponse rapide. J'ai un petit peu de difficultés à saisir, là, la dynamique liée à l'accumulation de crédits au secondaire, parce que, je me dis, quand on arrive au collège, mettons, et qu'on a le droit aux prêts-bourses, lorsqu'on peut dépenser cet argent, autrement dit, bien, c'est l'époque où les prêts-bourses vont... a priori ils devraient en tenir compte, sinon ça veut dire que c'est de l'argent qui va au-delà de ce que sont les dépenses admissibles, en quelque sorte. Ça voudrait dire aussi que, pour l'étudiant dont les parents ont les moyens de payer l'ensemble des frais, etc., que ces argents-là s'ajouteraient au-delà de... Donc, autrement dit, ce serait un bénéfice pour les gens qui auraient plus de revenus, un bénéfice direct, alors que, pour ceux qui sont au niveau prêts-bourses, bien, ça ne ferait pas une différence majeure, sauf peut-être ? et c'est ce que je me posais comme question ? au niveau de la perception que tu as accumulé des points que tu vas perdre si tu ne vas pas, disons, continuer tes études au collège ou à l'université. Est-ce que vous pouvez m'éclairer un peu là-dessus? J'ai de la difficulté à saisir la dynamique.

Le Président (M. Kelley): M. Côté.

M. Côté (Roger): Oui, ça me fait plaisir. La proposition, telle qu'elle est formulée ici, s'adresse aux étudiants de milieux défavorisés en premier, elle ne s'adresse pas à l'ensemble de la clientèle du réseau secondaire. Alors, ce qu'on voulait faire, c'est vraiment de soutenir les étudiants qui sont dans une situation ? je reviens toujours à cette question de distance à franchir la culture première ? où la culture familiale est de telle sorte qu'il est plus difficile pour cet étudiant-là de franchir cette distance-là. Alors, la mesure qui est proposée, elle s'adressait particulièrement aux jeunes qui sont issus de milieux défavorisés.

En ce qui a trait à: Est-ce que ces sommes-là s'ajouteraient à l'aide accordée une fois que l'étudiant atteindrait le niveau universitaire?, notre proposition, c'est oui, que cette somme-là s'ajouterait. Il y a des programmes qui sont déjà de cet ordre, aujourd'hui. On peut penser aux programmes de bourses au mérite ou de bourses de recherche qui s'ajoutent à l'aide accordée aux étudiants. Et il y a des montants exemptés de l'ordre de 5 000 $, où ces sommes-là ne sont pas prises en considération dans le calcul de l'aide. On peut penser au Programme études-travail aussi qui ne vient pas pénaliser les étudiants qui sont bénéficiaires de prêts-bourses.

Donc, oui, la mesure, c'est vraiment de bonifier l'aide accordée à des clientèles qui sont issues particulièrement des milieux défavorisés. Alors, ça ne s'adresserait pas essentiellement à tous les bénéficiaires du réseau secondaire. Si une mesure comme ça pourrait s'appliquer au niveau collégial? Possiblement. Mais, nous, on s'inscrit dans le contexte de la commission et on a fait cette proposition-là pour l'accès au milieu universitaire.

Le Président (M. Kelley): Dernière question?

M. Reid: Rapidement. Avez-vous réfléchi un peu à l'effet que ça pourrait avoir sur la difficulté qu'ont beaucoup d'étudiants actuellement d'avoir l'adhésion de leurs parents pour aller à la formation professionnelle, la formation technique? Autrement dit, on insiste beaucoup pour le monde universitaire, on veut favoriser les possibilités, mais le fait d'avoir une mesure aussi visible que d'avoir de l'argent dans un compte de banque, même si l'étudiant, l'étudiante, ce n'est pas vraiment son goût, est-ce que la décision actuelle, pour un étudiant, une étudiante qui aime la formation professionnelle d'y aller... Souvent, on sait que les obstacles, c'est les parents, c'est les professeurs, etc. Est-ce qu'on n'irait pas ajouter, là, à cette difficulté?

M. Côté (Roger): Bien, je pense que ce qu'il doit être important de faire, c'est de s'assurer que les projets d'études que chaque étudiant développe soient réalistes et à la mesure de leurs capacités, à la mesure de leur intérêt et de la motivation qu'ils ont. Ces projets d'études là peuvent mener à différents parcours. Ce ne sont pas des parcours qui mènent exclusivement au milieu universitaire ou au niveau universitaire. Il ne faut pas non plus... Il faut aussi soutenir ceux qui auraient des projets qui mèneraient autre qu'à l'université.

Alors, si on aurait à contrer différentes perceptions familiales en ce que devrait être le projet d'études et celui de l'étudiant, bien, je pense que c'est un autre ordre d'intervention qu'il faudrait prendre, soit au niveau de l'encadrement scolaire et de l'encadrement de l'orientation professionnelle des individus et évidemment des projets d'études qui devraient en découler.

Le Président (M. Kelley): Ça va, M. le ministre?

M. Reid: Oui. Est-ce que j'ai encore une petite seconde ou... Non?

Le Président (M. Kelley): Un dernier commentaire.

M. Reid: Peut-être juste une question. Quand vous parlez d'augmenter les taux de diplomation aux cycles supérieurs, est-ce que vous allez aussi loin que de parler de moyens? Par exemple, vous savez que les contrats de performance visaient des augmentations de taux et donc imposaient des cibles d'augmentation à atteindre. Est-ce que vous allez dans le même sens ou si vous avez d'autres suggestions?

M. Côté (Roger): L'intérêt qu'on porte sur cette question-là, c'était plutôt l'observation qu'on a faite du taux de décrochage, si on peut appeler, pour les étudiants de deuxième ou des cycles supérieurs, qui est particulier à la fin de la période de scolarité ou en début de période de rédaction de mémoire de thèse ou de d'autres mémoires. Alors, ce sont habituellement des étudiants plus âgés avec des responsabilités autres ou différentes. Et on trouvait important de développer une panoplie de mesures pour mieux soutenir les étudiants à ce niveau-là. On n'a pas...

M. Reid: Alors, c'est plus incitatif, autrement dit.

M. Côté (Roger): C'est plus incitatif et non au niveau des mesures qui pourraient être contrôlées au niveau des...

M. Reid: Des universités comme telles.

M. Côté (Roger): ...des statistiques du nombre d'étudiants qui diplôment.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Alors, bonjour, M. Côté, M. Vigneau. Écoutez, votre approche avec les trois catégories d'étudiants et d'étudiantes me plaît énormément, ça rejoint un paquet d'exemples que j'ai en tête. Mais j'ai également des questionnements. Et je pense qu'on est tous un peu, là, sur la catégorie des jeunes de milieux les moins favorisés, là, où vous arrivez avec des propositions qui sont particulières puis fort intéressantes.

Alors, quand vous dites qu'il faut commencer au secondaire, je fais partie de celles qui y croient depuis longtemps, comme beaucoup d'autres peut-être, là. Et, si tu ne cibles pas comme il faut l'intérêt que tu as dans tes études supérieures, bien là ce n'est pas juste l'accessibilité qui peut peut-être te questionner, mais bien l'intérêt à aller vers des études supérieures. Alors, si tu as les sous, mais, comme on dit en bon québécois, tu te plantes la première année, comme plusieurs le font au niveau collégial, c'est une erreur grande, à mon avis, parce que l'étudiant n'est pas bien orienté.

n(12 h 30)n

Et vous en parlez quand vous dites qu'il faut que l'étudiant soit placé en face d'un projet d'études réaliste. Or, tout le travail que vous prévoyez ou que vous proposez de faire avec ces milieux-là particulièrement, ce serait, au niveau financier, avantageux, peu importent les gouvernements, parce qu'il y aurait moins de gaspillage de sous et moins d'étudiants déçus face à une mauvaise réalité. Et là il y a du décrochage énorme. Il y a sûrement des statistiques là-dessus qui viennent expliquer le décrochage à ce niveau-là, pas seulement au niveau secondaire, je parle d'étudiants qui entrent au niveau collégial.

Or, tout à l'heure j'ai entendu M. Vigneau dire que, au niveau du programme des bourses du millénaire, ils ciblaient quelques autres provinces, là, à qui on voulait accorder peut-être... ou faire des projets pilotes. Alors, est-ce qu'on exclut le Québec volontairement ou est-ce qu'on est inclus? Alors, votre approche m'intéresse. Peu importe d'où vient l'argent, il est à nous de toute façon. Alors, je me dis, si le Québec veut avoir accès à ce genre de programme là, mais pourquoi pas? Alors, c'est ma question relative à ce programme-là.

Le Président (M. Kelley): M. Vigneau.

M. Vigneau (Paul): Il faudrait demander la question, j'imagine, aux gens de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Mais j'ai eu la chance de participer à plusieurs forums qui ont été organisés par la fondation, et c'est vraiment progressivement que ces gens-là se sont dit: Il faut expérimenter quasiment sur une base scientifique des modèles, différents modèles pour essayer de trouver les facteurs ou la combinaison de facteurs qui pourraient effectivement permettre d'améliorer l'accessibilité aux études, en particulier à l'université, dans ce cas-là.

Dans le fond, je suis convaincu que le Québec n'est pas exclu puis je suis convaincu qu'ils seraient même probablement très heureux de mettre sur pied une telle expérimentation au Québec. La fondation a fait, moi, je trouve, des recherches tout à fait pertinentes sur le phénomène d'accessibilité aux études. La fondation d'ailleurs a son siège social à Montréal. Il y aurait sans doute des collaborations qui seraient très, très intéressantes.

Mais, pour revenir à ce mode expérimental sur lequel on veut mettre l'accent, c'est qu'on s'est dit... Même la fondation récemment, après quelques années de fonctionnement, a évalué son impact, et un des objectifs... enfin, l'objectif de base de la fondation, c'est d'améliorer l'accessibilité aux études. Alors, malgré tous les fonds investis, ce qu'ils réalisent finalement, c'est qu'ils ont contribué à réduire la dette des étudiants au Canada, mais que ça n'a pas eu d'effet dans le fond sur l'accessibilité. C'est pour ça que le programme qui a été mis sur pied, ce serait une façon de contribuer. Si on peut trouver les leviers puis qu'on a mesuré l'effet de ces leviers-là pour améliorer l'accessibilité, bien là, voilà, ça va être une piste, je pense, fort intéressante pour tous les gouvernements de toutes les provinces au Canada puis ça pourrait même, j'imagine, servir de modèle ailleurs.

Alors, c'est sûr que ça va se faire sur quelques années. Avant qu'on puisse mesurer, il va falloir qu'il y ait justement l'expérimentation sur un certain nombre d'années. Et je pense qu'il y a quelque chose là d'intéressant. Et, j'imagine, s'il y a des gens au Québec qui sont intéressés à participer, il faudrait voir avec les gens de la fondation.

Mme Champagne: Une autre question?

Le Président (M. Kelley): Oui.

Mme Champagne: Est-ce que c'est possible, dans votre approche au niveau de votre comité ? en tout cas, je le vois à l'intérieur de ce que je lis là ? la suggestion que le Québec lui-même parte au niveau de l'initiative et la mette en place, puisqu'on a une problématique évidente, là? Il y a un accès difficile, mais également un taux de réussite également qui n'est pas là. Il y a les deux éléments qui me font me questionner. Alors, si on est conscient qu'on a cette problématique-là, pourquoi on n'irait pas vers un projet pilote semblable chez nous, sans nécessairement passer... ou être accrochés à une fondation qui, pour le moment, ne nous retient pas?

M. Côté (Roger): Vous avez tout à fait raison. Les propositions qui sont faites dans notre mémoire sont en fait des propositions pour agir nous-mêmes au Québec de différentes façons. Nous avons déjà mis en place plusieurs mesures qui ont eu... de très bonnes mesures, avec beaucoup de succès, et on doit continuer à agir de cette façon. Québec a innové en matière d'aide financière et continue aujourd'hui. Et je pense qu'on a des pistes à suivre et on devrait s'engager dans ces pistes-là afin d'atteindre les objectifs de société qu'on a au niveau de l'accessibilité aux études supérieures.

Mme Champagne: Il y a peut-être une petite dernière question concernant... Également, vous faites une approche, bon, pour les transferts fédéraux. On parle un petit peu aussi du déséquilibre fiscal. On est moins bien servis qu'on le devrait. Bon, bien, je pense que le discours, tout le monde le tient et le porte, là, et avec preuve à l'appui. Donc, le débat a été fait, se continue, mais il a quand même été fait largement. Alors, le privé, lui, à l'intérieur de ça, est-ce que vous en parlez en quelque part autre que dans votre document, aller chercher autrement que par des transferts fédéraux les sommes d'argent pour aider à mettre en place ce genre de système là?

M. Côté (Roger): La mesure qu'on a soulevée dans notre mémoire relève du fait de mettre sur pied un mécanisme où le gouvernement pourrait aider les levées de fonds par des fondations universitaires. Ça se fait déjà dans le moment, où, pour un montant investi, de source privée, dans les universités, l'État ou le gouvernement procure une somme ? dans le moment, je crois que c'est de l'ordre de 25 % ? une contribution.

Nous, ce qu'on propose, c'est qu'il existe de tels appuis pour des fonds qui pourraient venir de sources privées, mais ciblés pour l'aide aux étudiants en particulier, sous forme de bourses au besoin, par exemple. Alors, si les fondations universitaires sont dans une position où elles peuvent solliciter ? et elles le font ? des dons privés pour aider les étudiants avec des besoins ponctuels spécifiques auxquels les établissements peuvent répondre rapidement parce qu'ils sont près de la réalité de ces étudiants-là, bien, nous, on invite le gouvernement, de la même façon que ça se fait présentement, d'amener une contribution à ces fonds-là qui seraient sollicités de sources privées par les fondations universitaires.

Mme Champagne: Merci. Une petite dernière question?

Le Président (M. Kelley): O.K. Une dernière. Vous avez trois minutes.

Mme Champagne: Une petite dernière question très rapide. Je sais qu'au niveau de certains groupes de chercheurs dans les universités, ils font un travail remarquable, au niveau du secondaire, dans l'approche, l'étude de l'intérêt des étudiants pour le monde universitaire, tout en tenant compte également des milieux familiaux, qui jouent un rôle important, vous en faites mention. Si tu pars d'une famille pour qui l'intérêt universitaire n'est pas là du tout, bien, l'intérêt de l'enfant en tout cas, il est moins sollicité, si on peut utiliser cette expression-là.

Or, est-ce que, dans les études qui ont été faites, qui vous ont permis de rédiger votre document et peut-être bien d'autres avant, il est... vous vous êtes servis de ce genre d'études là, faites par nos chercheurs d'universités, qui font un travail... Particulièrement, là, je veux citer l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui vont être ici après midi, qui sont en recherche dans les écoles secondaires pour travailler des méthodes, des moyens d'approche pour faire que nos étudiants aient le goût d'aller plus loin et de se développer. Est-ce que vous vous êtes servis de ce genre d'études là pour proposer ce que vous proposez ici?

Le Président (M. Kelley): M. Côté, en conclusion.

M. Côté (Roger): Les sources d'information que nous avons puisées étaient plutôt de l'ordre de l'encadrement socioéconomique des étudiants et plus par rapport, en comparaison, à l'encadrement pédagogique. Nous reconnaissons que parmi les mesures... les endroits à intervenir, il faut inclure l'encadrement pédagogique et le soutien, les modes d'apprentissage des jeunes, peu importent les milieux d'où ils sont issus. Mais l'accent mis par notre comité a été particulièrement sur l'aspect ou l'encadrement socioéconomique et socioculturel des étudiants. Donc, les sources d'information et d'études ont été puisées plus dans ce champ d'études là plutôt que dans celui de l'encadrement, de l'apprentissage pédagogique des étudiants, malgré que l'on reconnaît évidemment l'importance, la très grande importance de ces informations-là pour soutenir les étudiants dans leur réussite scolaire.

Mme Champagne: Vous vous êtes basés beaucoup sur le rapport Dumont. C'est ça? Merci.

Le Président (M. Kelley): Alors, c'est ça, merci beaucoup à M. Côté et M. Vigneau, au nom du Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études.

Sur ce, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures. La salle va être barrée, alors les députés peuvent laisser leurs documents sur la table, s'ils veulent.

(Suspension de la séance à 12 h 40)

 

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Kelley): Veuillez prendre place, s'il vous plaît. Si on veut respecter l'heure, on est aussi bien de commencer.

Alors, je rappelle aux membres de la commission que le mandat de la commission est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec.

Maintenant, c'est l'Université du Québec à Trois-Rivières qui est le prochain intervenant, représentée par Mme Claire de la Durantaye, qui était parmi nous au mois d'octobre. J'ai noté dans votre mémoire que vous êtes à la veille de fêter le 35e anniversaire de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Alors, à trois semaines d'avance, bon anniversaire à l'université. Et c'est maintenant à vous la parole.

Université du Québec à
Trois-Rivières (UQTR)

Mme V. de la Durantaye (Claire): Merci, M. le Président. Je voudrais vous présenter les collègues de l'équipe de direction. Alors, il y a M. André Paradis, vice-recteur aux services administratifs et aux technologies; M. René Garneau, vice-recteur à l'administration et aux finances; M. René-Paul Fournier, vice-recteur enseignement, recherche; et M. André G. Roy, vice-recteur ressources humaines.

Alors, M. le Président, M. le ministre de l'Éducation, distingués Mmes et MM. les députés, il nous fait grand plaisir d'être parmi vous cet après-midi pour participer à ces travaux qui sont d'une grande importance pour l'avenir des universités québécoises et particulièrement pour nous, à l'UQTR. Mes collègues de la direction et moi remercions très sincèrement la commission de nous accorder cette audience.

Comme vous avez pu le constater, notre mémoire expose un ensemble de considérations sur la réalité que vit notre université et sur les nouveaux défis qui se posent à elle 35 ans après sa fondation. Nous sommes dans un Québec qui a fait des pas de géant tant en ce qui concerne la scolarisation universitaire de la population que l'affirmation de nos forces collectives en recherche, mais le contexte ne permet guère de répit à ce chapitre. Si vous me le permettez, je m'en tiendrai, dans mon exposé, aux grandes observations découlant de mon mémoire, attendu que nous pourrons, lors de la période des questions, retourner à un passage ou l'autre qui intéresserait particulièrement les membres de la commission.

La réflexion que nous voulons partager avec vous est la suivante. L'évolution que nous connaissons comme société modifie significativement, depuis quelques années, la nature de nos interventions comme université, et nous aurons des exemples concrets pour le démontrer. Ce sont en particulier nos rapports qui changent et qui se diversifient avec les autres acteurs du monde de l'éducation ainsi qu'avec nos partenaires socioéconomiques. Nous vivons une période très compétitive, très créative et porteuse de changement, mais, en même temps, il s'agit d'une période qui impose des choix.

Aussi, nous voulons témoigner qu'il devient de plus en plus crucial pour une université comme l'UQTR de bien cibler ses forces et de faire des choix. Deux raisons en particulier en sont responsables, l'étau des finances publiques qui s'est grandement resserré et la compétition de plus en plus vive à l'échelle nationale et internationale pour une formation de très haute qualité, car ce qui caractérise la société actuelle, c'est l'économie du savoir, et la société est en droit d'attendre de ses universités qu'elles soient les meilleures dans les champs de formation et de recherche qu'elles offrent. Pour que l'équation de l'excellence et du financement des universités québécoises s'harmonise, un réinvestissement rigoureux est nécessaire à la hauteur minimalement du montant de 375 millions avancé par la CREPUQ. Il faut aussi pouvoir, comme société, reconnaître la priorité de l'éducation et de porter une grande attention à la façon de soutenir les régions au Québec, qui sont au coeur du développement qu'a connu le Québec depuis 40 ans.

Afin d'illustrer mes propos, j'aborderai rapidement six points: le premier, rappeler les données sur la fréquentation de notre université; le deuxième, donner des exemples sur les nouveaux leviers d'accessibilité que se donne notre université; troisièmement, le modèle d'université auquel l'UQTR veut tendre; quatrièmement, les priorités de réinvestissement; cinquièmement, les solutions de financement qui peuvent être envisagées; et, sixièmement, le nouveau mode d'échange que nous souhaiterions entre les universités et le ministère de l'Éducation.

Alors, en premier lieu, sur la fréquentation étudiante, question de camper la situation de l'UQTR, je voudrais vous dire que la part d'étudiants de l'UQTR dans le système universitaire québécois est de 5 % des inscriptions aux études de premier cycle, de 3 % aux études de maîtrise et de 2 % aux études de doctorat. L'UQTR accueille annuellement 10 000 étudiants, ce qui correspond à 6 900 étudiants équivalents temps plein, ce qu'on peut considérer comme une université de taille moyenne. La proportion de nos étudiants à temps partiel est de l'ordre de 40 %, il s'agit d'étudiants inscrits dans les programmes réguliers de l'université aux trois cycles d'études. En outre, en formation continue, l'UQTR rejoint annuellement 2 000 personnes dans le cadre d'une centaine d'activités. Une faible proportion d'entre elles sont en formation continue créditée, qui représente chez nous environ 100 étudiants équivalents temps plein par année.

n(14 h 10)n

L'UQTR recrute des étudiants dans toutes les régions du Québec, notamment: 52 % en Mauricie et au Centre-du-Québec, qui sont nos deux régions naturelles; 11,7 % dans Lanaudière; 10,7 % en Montérégie; 5,7 % en Beauce; 6,3 % dans la région de la Capitale-Nationale; et 3,6 % à Montréal. Parmi les résidents de la Mauricie recensés dans les universités québécoises en l'année 2000, 51,7 %, donc à peu près la même proportion, se sont inscrits à l'UQTR et, chez les résidents du Centre-du-Québec, c'est 29 % qui ont choisi l'UQTR. Notre université accueille 710 étudiants de nationalités étrangères, pour une proportion de 7 % de la population étudiante totale. Les deux tiers de ces étudiants de nationalités étrangères sont inscrits à temps plein à l'un ou l'autre des trois cycles d'études. Au cours des dernières années, l'UQTR a émis 58 805 diplômes à 48 388 étudiants, dont 92 % au baccalauréat, 7 % à la maîtrise et 1 % au doctorat. Elle maintient un taux de diplomation aux études de premier cycle qui s'approche des 80 %. La moitié de ces diplômés originent de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

Nos préoccupations à l'égard de la fréquentation étudiante sont les suivantes. Dans un contexte de baisse démographique en région, des universités comme l'UQTR doivent pouvoir maintenir et attirer un nombre accru d'étudiants en offrant des formations et des recherches distinctives et de très haute qualité. Deuxième préoccupation, les universités ont un rôle important à jouer afin de former à la maîtrise et éventuellement au doctorat l'important bassin de bacheliers qu'elles ont contribué à diplômer depuis 35 ans. La présence d'un nombre accru d'étudiants étrangers à l'UQTR peut faire contrepoids en partie à la baisse démographique qui affecte notre région. En s'installant dans la région, ces étudiants peuvent apporter une contribution importante au développement économique, social et culturel de notre région. Et, dernière considération, l'importante proportion d'étudiants à temps partiel à l'UQTR reflète l'importance de la formation continue. Ces étudiants se situent majoritairement dans les programmes réguliers de l'université, car le développement d'activités de formation continue est encore très récent à l'UQTR, particulièrement en formation continue créditée. Il y a donc place dans l'avenir pour un réel développement à l'UQTR à ce chapitre, celui de la formation continue.

Le deuxième point de ma présentation: illustrer à l'aide d'exemples les nouveaux leviers d'accessibilité pour notre université. L'UQTR a déjà commencé à changer ses modes d'intervention afin d'être davantage accessible et davantage adaptée aux besoins des gens de la région et du Québec. À ce chapitre, nous pouvons citer plusieurs exemples qui démontrent, d'une part, qu'elle sait se rendre plus distinctive, se personnaliser dans ses champs de formation et de recherche et, d'autre part, qu'elle diversifie son mode de présence dans son milieu en diversifiant et en augmentant ses collaborations avec tous les acteurs éducatifs, particulièrement avec les collèges.

Sur l'affirmation de secteurs distinctifs, nous avons, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, développé, au fil des ans, le seul créneau de formation universitaire francophone pertinent aux soins de santé à caractère non médical. Je rappelle rapidement la percée en chiropratique en 1993, en pratique sage-femme en 1999 puis en podiatrie, récemment cet automne. L'UQTR a aussi développé un réel leadership au Québec en soins infirmiers cliniques et ses activités de formation en sciences de l'activité physique ont pris l'orientation de l'approche préventive en santé.

Également, débutera bientôt sur le campus de l'UQTR la construction du premier centre de recherche et développement et de formation francophone au Canada dans le domaine des pâtes et papiers, le Centre intégré de formation et de recherche en pâtes et papiers, qui met en synergie les ressources de deux établissements fondateurs, le cégep de Trois-Rivières et l'UQTR, avec celles de l'industrie papetière. Par ailleurs, c'est à l'UQTR qu'a été érigé en 1995 l'Institut de recherche sur l'hydrogène, à vocation unique pour tout l'Est du Canada en matière de stockage, de transport et de sécurité de l'hydrogène, sur lequel je reviendrai un petit peu plus tard. L'UQTR abrite aussi un institut de recherche sur les PME qui fait partie des chefs de file dans le domaine à l'échelle internationale.

L'UQTR agit également comme tête de réseau au Québec en ce moment dans le domaine de la recherche sur les écosystèmes aquatiques du fleuve Saint-Laurent, ayant acquis, par le biais de la Fondation canadienne sur l'innovation, un navire laboratoire qu'elle partagera avec les autres universités québécoises du Québec. L'UQTR également s'est vu reconnaître au milieu des années quatre-vingt un pôle exclusif de formation doctorale interdisciplinaire en études québécoises. Voilà, M. le Président, des secteurs uniques, des secteurs forts à notre université dont le rayonnement est certain et pour lequel, dans les prochaines années, notre université souhaiterait ardemment accroître le support financier.

Deuxième tendance de la diversification de nos interventions, soit celle des collaborations. L'UQTR a été une pionnière dans la création au Québec de la formule du D.E.C.-bac, s'associant à un cégep de la région de Québec pour accélérer et accroître la persévérance des étudiants à l'université dans leur formation en sciences comptables. Elle a aussi développé par la suite un D.E.C.-bac dans le même domaine avec le cégep de Trois-Rivières puis en biologie médicale avec le collège Ahuntsic de Montréal, le cégep Saint-Jean-sur-le-Richelieu et le cégep de Lévis-Lauzon. Elle a réalisé un consortium en formation initiale en sciences infirmières avec les collèges de son milieu régional. Plusieurs autres universités ont aussi adhéré à la formule du D.E.C.-bac dans cette foulée.

Grâce aux efforts conjoints de l'UQTR et de l'École nationale de police du Québec, un nouveau programme de Baccalauréat en sécurité publique est sur le point de voir le jour au Québec et l'ensemble des universités québécoises y seront associées afin d'étendre cette formation à tout le territoire.

Également, la médiatisation de l'enseignement à l'aide des technologies de l'information et des communications est devenue un secteur d'expertise à l'UQTR. L'année 2003 a marqué l'échéance d'un deuxième plan directeur triennal sur l'exploitation des technologies à des fins pédagogiques et administratives. Parmi les réalisations, mentionnons notamment la production de cours en ligne, matière où l'expertise de l'UQTR est de plus en plus recherchée au Québec. L'UQTR vient d'ailleurs de lancer en janvier 2003 trois cours en ligne en pâtes et papiers issus d'un partenariat avec le Bureau Amérique du Nord de l'Agence universitaire de la Francophonie. Plus tôt dans l'année, elle complétait un portail en sciences de l'éducation, renforçant la collaboration avec les commissions scolaires du milieu régional. L'UQTR a établi un partenariat privilégié avec une société de valorisation de recherche dans son milieu régional même, à savoir la Technopole Vallée du Saint-Maurice, qui a d'ailleurs élu domicile sur le campus en septembre 2003.

Le troisième point que je souhaite aborder ici, c'est la vision de l'université. Comme nous venons de l'illustrer, l'UQTR s'adapte pour mieux relever le défi de la concurrence et de l'accessibilité aux études universitaires en région. Une telle adaptation est nécessaire car il y a un écart grandissant entre les universités de grande taille, situées dans les grands centres urbains et celles de taille plus petite, aussi les plus jeunes du réseau universitaire québécois. C'est là un phénomène de masse critique, les grands centres permettant aux universités qui s'y trouvent de s'alimenter à un plus grand bassin de population et d'être ainsi au coeur d'une activité économique très dense qui favorise leur positionnement dans les grands réseaux scientifiques et économiques.

Mais ce que nous observons également, c'est que les politiques gouvernementales et celles des organismes subventionnaires ont conduit ou vont conduire irrémédiablement à une disparité encore plus grande entre nos universités. En effet, les indicateurs de volume et de masse critique prennent de plus en plus d'importance dans l'attribution des fonds divers. C'est pourquoi l'UQTR a choisi, au printemps 2003, de recourir à un comité international d'experts pour éclairer son positionnement à plus long terme. À notre connaissance, il s'agit d'une première dans les universités au Québec.

Ce comité international d'experts a déposé en décembre dernier son rapport. Deux observations des experts méritent d'être soulignées ici. En tout premier lieu, les experts considèrent que, contrairement à d'autres universités émergentes en recherche, l'UQTR présente déjà des foyers d'excellence dont le rayonnement est incontesté, la réputation internationale établie et qui pourraient conférer à notre université un caractère hautement distinctif dans chacun de ces domaines. Et le comité fait des remarques similaires à l'égard des formations professionnelles que notre université offre. Mais les mêmes experts notent aussi que l'UQTR dispose d'une programmation trop large pour une université de cette taille. Et leur recommandation principale est que l'UQTR adopte une stratégie de distinction en resserrant ses activités pour les faire converger vers les secteurs où elle est en mesure d'assumer un réel leadership au Québec.

n(14 h 20)n

L'UQTR a reçu cette recommandation avec grand intérêt, tant et si bien que, dans le cadre des orientations que l'UQTR est appelée à se donner dans le cadre de son prochain plan de développement 2004-2007, orientations que le conseil d'administration de l'université a adoptées à sa réunion d'hier soir, une telle stratégie de différenciation est retenue. Il y aura donc, au cours des prochains mois et des prochaines années, à l'UQTR, une mobilisation importante pour établir des plans de développement qui vont dans le sens d'un resserrement de sa programmation et d'une personnalité distinctive. Il s'agira d'affirmer un certain nombre de secteurs d'excellence qui seront chapeautés par une thématique multidisciplinaire de formation et de recherche et autour desquels nous procéderons à un exercice de cohérence et de convergence de nos programmes et de nos ressources.

Pour l'illustrer, je me permets de prendre l'exemple du secteur de l'hydrogène. J'ai dit tout à l'heure que l'UQTR peut tabler sur la position très concurrentielle de son Institut de recherche sur l'hydrogène sur la scène canadienne et internationale pour mettre en place sur son campus une importante infrastructure de formation et de recherche, de développement et de transfert technologique. Ce créneau peut favoriser la convergence de plusieurs disciplines, que ce soit la physique, la chimie, l'ingénierie, les spécialistes en PME, et activer ainsi des contributions massives d'agences externes comme le Centre national de recherche du Canada. Un tel secteur d'excellence pourra générer des retombées économiques significatives pour la région, pour notre université, pour le Québec et pour le Canada par le biais de l'émergence et de l'implantation en Mauricie de plusieurs entreprises qui mettront en valeur les brevets ou les technologies qui auront été développés au sein de ce complexe scientifique. Voilà un bel exemple d'une contribution majeure qu'une université en région comme la nôtre, malgré sa taille relativement modeste, peut apporter au développement scientifique et économique du pays. Ce projet nécessitera bien sûr une forte concertation entre les deux paliers de gouvernement pour lui assurer un développement soutenu.

Quatrième point, nos besoins de réinvestissement. Nous avons apporté une grande attention dans notre mémoire au réinvestissement financier nécessaire à l'UQTR pour s'adapter et répondre adéquatement à ces nouveaux défis d'accessibilité, d'excellence et de personnalisation. Je les regroupe ici en cinq priorités dont l'incidence financière sur notre université peut être estimée à un apport annuel nouveau d'environ 8,5 millions de dollars. Il faut considérer à cet égard que le réinvestissement réalisé dans les universités depuis l'année 2000 a permis à peine à celles-ci de recouvrer le niveau de financement dont elles bénéficiaient avant les compressions budgétaires gouvernementales de la période 1994-1999.

Premier élément de ce réinvestissement. Pour notre université, un financement différencié pour tenir compte de l'absence d'économie d'échelle chez les universités de plus petite taille est certes essentiel. Dans le cadre des travaux amorcés au cours de la dernière année par un comité conjoint MEQ-CREPUQ, travaux qui ont fait l'objet de débats ici même, vous avez eu l'occasion de comprendre que, chez les petites universités, le coût moyen est supérieur au coût moyen des grandes universités.

Deuxième élément, les facteurs région et éloignement. L'actuelle politique de financement des universités consacre une somme de 23,5 millions de dollars à cinq constituantes de l'Université du Québec pour tenir compte du facteur éloignement et région. Nous souhaitons que ces sommes soient accrues et que l'UQTR puisse bénéficier d'une somme de 3 millions additionnels à ce chapitre.

Le Président (M. Kelley): Je sais que vous avez deux autres points. On n'est pas loin de 20 minutes déjà.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Oui.

Le Président (M. Kelley): Alors, si vous pouvez résumer les derniers deux points pour laisser le temps pour les parlementaires de poser les questions.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Oui. Alors, M. le Président, je me contenterai à ce moment-là d'aborder la question du mécanisme d'échange entre les universités et le ministère. Nous sommes dans une année, en 2004, que l'on peut qualifier de transitoire. Les contrats de performance qui ont encadré l'activité universitaire au cours de la période 2002-2003 ont terminé leur cycle. Avec le recul, on peut se demander si le contrôle des indicateurs dont ces contrats de performance ont été assortis n'a pas pris le pas sur la vision prospective et le dialogue ministère-université.

L'UQTR, pour les prochaines années, souhaiterait avoir des échanges soutenus avec le ministère de l'Éducation, voire avoir une entente réciproque de développement concernant des objectifs de développement que nous nous fixerions, et qui feraient l'approbation du ministère, et qui permettraient d'assurer, sur une période de cinq ans, un financement stable pour réaliser les objectifs que nous aurions communément convenus. Voilà ce qu'on appelle une entente de développement avec le ministère de l'Éducation. Et j'arrêterais là, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour la conclusion. Je vais passer la parole maintenant au ministre de l'Éducation et député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Vous savez certainement... D'abord, bienvenue à toute l'équipe de l'UQTR, la délégation, au nom du gouvernement et de notre formation politique. Vous savez que je m'intéresse et notre gouvernement s'intéresse beaucoup au rôle des universités... de l'éducation en général, mais des universités en particulier dans les régions, dans le développement des régions.

Évidemment, l'Université du Québec à Trois-Rivières est un exemple extrêmement intéressant d'une université qui a réussi à prendre sa place en très peu d'années, si on considère surtout les développements plus récents dans une région, et à faire bien comprendre, je pense, à toute la population régionale de la capacité et de la force que ça représente pour cette région d'avoir une université qui est dynamique et qui, comme vous l'avez montré, là, à bien des égards, se compare avantageusement à des universités ailleurs au Québec et même sur la planète.

Maintenant, dans votre mémoire et dans votre présentation, vous avez parlé d'éléments qui touchent justement au développement des universités en région. Et une première chose qui me frappe, c'est cette demande, qui a priori est très intéressante, d'un coût moyen d'ETP différencié entre les universités de petit taille et de plus grande taille. Mais par ailleurs vous dites: Il faut continuer et augmenter les mesures compensatoires liées aux régions, et tout ça. Est-ce qu'il n'y a pas un peu, a priori en tout cas, une espèce de double emploi, là? Autrement dit, est-ce que ce n'était pas un peu pour ça qu'il y avait des sommes ? je pense que, chez vous, c'est 4 millions de dollars, ou quelque chose comme ça ? qui ont été réinvesties, qui ont été amenées pour justement compenser le fait que, dans des universités en région, généralement de plus petite taille, on n'a effectivement pas toujours les mêmes économies d'échelle? Et on a l'impression a priori, à la lecture de votre mémoire, que vous demandez deux fois la même chose. Est-ce que vous pourriez nous éclairer là-dessus un petit peu?

Le Président (M. Kelley): Mme de la Durantaye.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Notre université obtient 2 millions de dollars au chapitre du facteur taille et du facteur éloignement, étant entendu que, au niveau de l'enseignement en région, dans certains programmes qu'on considère être des besoins particuliers au niveau de la région, on a à l'occasion des cohortes étudiantes qui ne nous permettent pas d'amortir, en fait, le coût du programme. Alors, ce que nous disons, c'est que le 2 millions que nous avons actuellement au chapitre région, qui comprend le facteur taille et éloignement, est insuffisant. Nous pensons qu'il y a dans notre situation régionale des éléments qui auraient dû être pris davantage en compte et de bonifier.

Maintenant, au niveau de la formule de la différence des coûts moyens, il est certain que, lorsqu'on est une université de grande taille et qu'on peut asseoir davantage d'étudiants dans une classe, l'effet est de baisser le coût moyen de la formation, ce que nous ne pouvons pas faire, nous, dans tous nos programmes, puisque nous n'avons pas toujours la masse critique. Alors, le problème du coût moyen supérieur dans les universités en région a été démontré clairement par les études conjointes CREPUQ-MEQ et nous souhaitons beaucoup que la nouvelle formule en tienne compte.

n(14 h 30)n

Il n'y a pas de dédoublement, si je peux me permettre, il n'y a pas de dédoublement entre un coût moyen supérieur encouru dans nos institutions et le facteur éloignement et le facteur taille. Nos étudiants... Je prends l'exemple de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Nous avons des centres de cours, nous desservons Drummondville, nous desservons Victoriaville, nous desservons Saint-Hyacinthe, nous sommes très présents à Joliette. Il y a là une accessibilité que nous offrons le plus possible à la population, dont les coûts ne sont pas pris en compte en ce moment dans le facteur région et le facteur éloignement. Donc, ce n'est pas la même chose que de parler d'un coût moyen dans nos universités avec moins d'étudiants, différent de ceux des grandes universités, et le facteur région, le facteur éloignement. Nous sommes l'université... et je pense à mes collègues de Chicoutimi aussi ou de Rimouski, nous desservons un très vaste territoire et nous permettons à des centaines d'étudiants, à chaque année, d'avoir accès à des formations qui leur permettent par la suite soit de trouver un emploi ou soit de progresser dans leur emploi.

M. Reid: Si je comprends bien, M. le Président, quand vous parlez d'éloignement, ce n'est pas l'éloignement, par exemple, du siège social de l'université de grands centres urbains, plus grands, là, comme on parle de la région métropolitaine, par exemple, mais c'est plutôt l'éloignement de la clientèle qui... Est-ce que ça, c'est pris en compte? Parce que les 2 millions dont vous parlez, vous dites: C'est à ça que ça nous sert. Mais est-ce que ce ne serait pas intéressant ? on parle de financement aussi dans cette commission parlementaire ? est-ce que ce ne serait pas un élément intéressant que d'identifier formellement cette mission que certaines universités doivent se donner? Parce que ça fait partie de la mission de l'UQ en particulier ou même d'autres universités qui sont sises dans les régions ou qui desservent les populations qui sont plus loin de leurs locaux habituels. Est-ce que ce ne serait pas plus intéressant ? et je pose la question tout bonnement ? d'identifier plus directement ces besoins-là plutôt que de dire simplement... d'augmenter l'effet région, entre guillemets, là?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Bien, écoutez, nous, on est prêts à regarder certainement avec le ministère, là, la forme qui pourrait convenir le plus. Ce qui est important aujourd'hui, c'est de souligner que ce sont des besoins que nous avons. Nos universités en région, l'Université du Québec à Trois-Rivières, quand on parle d'accessibilité aujourd'hui, en 2003, elle comprend deux volets maintenant, l'accessibilité. Il y a effectivement l'accessibilité à la formation, peu importe où se trouve la clientèle, et il y a aussi l'accessibilité, ce qu'on a appelé dans le mémoire les services à la collectivité.

Nous sommes fortement sollicités maintenant par le milieu pour les supporter dans des initiatives de création d'entreprises ou de développement économique. Cela sollicite beaucoup nos professeurs. Et nous n'avons pas, pour dire la vérité, tous les moyens financiers nécessaires pour répondre à l'ensemble des demandes, ce qui crée dans certains cas des insatisfactions. Et on pense qu'aujourd'hui il est important de sensibiliser la commission parlementaire à ce phénomène-là. L'accessibilité aux études universitaires veut aussi dire aujourd'hui l'accessibilité à des services offerts par des universités pour appuyer la promotion économique des régions, leur développement et soutenir les initiatives du milieu pour générer de l'emploi et du développement.

M. Reid: Je voudrais bien comprendre ? parce que c'était une de mes questions et puisque vous en parlez ? la question du service à la collectivité. Est-ce que vous parlez de financer... Parce que vous parlez que ce financement-là n'est pas identifié. Est-ce que vous parlez de financer les professeurs qui font le service à la collectivité ou vous pensez financer, par exemple, dans un cas qui est plus particulier d'universités en région qui ont à desservir une plus vaste clientèle qui est répartie géographiquement et qu'il y a des coûts qui sont encourus dans un cas comme celui-là, par exemple coûts de transport, etc., est-ce que vous parlez de ça ou vous parlez de toute la question, qui, elle, n'est pas une problématique nouvelle, là, de financement identifié au niveau de salaires de professeurs?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Il s'agit de nous supporter financièrement pour qu'on puisse répondre aux besoins du milieu. Si le besoin du milieu passe par les services d'un expert en marketing ou par les services d'un expert au niveau de l'organisation, par exemple, et que nous pouvons, nous, à l'intérieur de nos universités, offrir ces services-là, bien, pendant que le professeur va supporter l'organisme, l'organisme, lui, n'est pas toujours en mesure de payer le coût de cette ressource-là. Alors, c'est pour avoir les moyens, disons, financiers de pouvoir appuyer nos initiatives avec nos partenaires en région. Ça ne vise pas directement le salaire du professeur, mais ça vise, je dirais, à permettre à l'université de dégager des ressources pour rendre réellement ce service-là à la collectivité sans qu'on soit privé ou pénalisé financièrement par ces activités-là, ce que nous faisons actuellement, je dirais, sur le bras, avec les budgets que nous avons, du mieux qu'on peut.

M. Reid: Toujours sur les régions, si vous me permettez, vous avez une recommandation où on parle de renforcer le système de prêts-bourses pour celles et ceux qui étudient en région. A priori, on va trouver des gens pour dire que ça pourrait être le contraire, puisque la vie en région coûte moins cher que la vie en région métropolitaine, par exemple. Donc, il y a un apparent paradoxe, là. Est-ce que vous pourriez nous résoudre ça avec la grâce avec laquelle vous avez répondu à mes autres questions?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Oui. Je sais que la commission a interrogé le président de l'Université du Québec sur le programme MOBILUQ, qui est un programme qui vise à faciliter les échanges d'étudiants. Alors, vous êtes bien conscient qu'il y a une capacité, un pouvoir d'attraction des grands centres urbains même de nos jeunes dans nos régions, qui vont se transporter à Montréal pour faire leurs études ou se transporter à Québec. Et ce qu'on souhaite, c'est d'avoir un appui sous forme de bourses pour être davantage incitatifs auprès des étudiants à choisir les universités en région, ce qui leur fait découvrir aussi la réalité des régions qui est très importante dans la réalité québécoise. Alors, c'est d'avoir un incitatif qui permette, si je puis dire, de garder ou d'attirer en région des étudiants qui, sans cela, choisiraient le grand pôle urbain montréalais ou de Québec.

M. Reid: Une sorte de bonus.

Mme V. de la Durantaye (Claire): C'est-à-dire que c'est très important... On sait que les étudiants, ce qui fait en sorte qu'ils vont à un endroit ou à un autre, c'est beaucoup le support financier qu'ils reçoivent. D'ailleurs, ça fait l'objet d'un élément de notre mémoire de supporter les fondations universitaires lorsque le privé contribue ou nous fait confiance. Comme, nous, à l'UQTR, là, on vient de terminer une campagne majeure de financement où on a récolté 18,3 millions. Vous savez que cette campagne-là nous a permis de démarrer, dès le mois de janvier de cette année, un programme de soutien financier pour les étudiants de deuxième ou troisième cycle. C'est vraiment l'élément qui fait qu'on attire ou pas. Alors, c'est évident qu'un bonus, comme vous dites, M. le ministre, serait certainement incitatif à des étudiants et des étudiantes de choisir les régions.

Le Président (M. Kelley): Je vais passer maintenant, pour l'alternance, la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Je vais vous souhaiter la bienvenue, à mon tour, au nom de ma formation politique et vous féliciter pour la qualité de votre mémoire qui est particulièrement fouillé et bien documenté. Je veux revenir sur les questions que soulevait le ministre parce que, dans plusieurs parties de votre mémoire, vous revenez sur le fait qu'il y a nécessité d'avoir un financement propre et particulier, répondant aux besoins des universités en région, dont, entre autres, l'Université du Québec à Trois-Rivières. Bon. Vous y revenez dans le cadre des coûts moyens par équivalent temps plein, vous y revenez sur la formation continue ? ça, je reposerai une question sur ça ? les services à la collectivité. Bon. J'ai eu la chance de rencontrer les représentants de l'université lors d'une tournée, il y a quelques semaines, et on a longuement parlé de cette question.

Il y a actuellement un travail qui a été engagé avec le ministère de l'Éducation pour arriver à définir, je dirais, un programme ou un plan qui permettrait de mieux reconnaître cette différence-là. Est-ce que, actuellement, tous les éléments que vous soulevez ici sont pris en compte dans les débats, les discussions, les échanges que vous avez avec le ministère de l'Éducation? Et est-ce que vous avez le sentiment que vous allez pouvoir arriver à des conclusions vous permettant d'être reconnus comme tels avec vos particularités?

Mme V. de la Durantaye (Claire): C'est certain que la question du financement des universités en région, d'un support particulier, la question des services à la collectivité même que l'on doit mener font partie depuis au moins deux ans des discussions que nous avons avec le ministère, c'est bien évident. Et je comprends aussi que la démarche du ministère d'avoir demandé cette commission à laquelle on participe aujourd'hui fait partie de cet effort de réflexion.

L'Université du Québec à Trois-Rivières, pour poursuivre son développement, a besoin d'un soutien financier accru. Qu'on le prenne par le biais des coûts moyens différents, qu'on le prenne par justement ce que la commission appelle cette évolution des sollicitations de la communauté envers les universités ? oui, nos rôles changent, oui, notre rôle se transforme ? qu'on le prenne dans un sens ou dans l'autre, les universités sont devenues des clés du développement, que ce soit social, culturel ou économique, et les universités en région, de surcroît, je dirais, ont une responsabilité plus grande.

n(14 h 40)n

Ce que nous avons exprimé dans le mémoire, c'est que l'Université du Québec à Trois-Rivières s'oriente désormais vers un modèle où elle va se concentrer sur un certain nombre de créneaux, donc une action de restructuration pour lui permettre d'appuyer davantage ses secteurs d'excellence et pour lui permettre donc de devenir une entité distinctive dans le réseau des universités et, par là, drainer de partout, que ce soit du Québec, du Canada ou du monde, des étudiants vers ces pôles d'excellence. Mais, pour faire cela, effectivement nous avons besoin, bien au-delà, je dirais, de la formule coût moyen, petites universités et grande taille, nous avons vraiment besoin d'un contrat, d'une entente avec le ministère de l'Éducation.

Je pense qu'au Québec le réseau universitaire québécois, qui est excellent, a atteint sa maturité et qu'il est peut-être temps que nous ayons désormais, chacune des universités, des ententes de moyen terme avec le ministère qui vont au-delà, je dirais, des bases de financement, qui permettraient une reddition de comptes à partir d'ententes de développement, mais une reddition de comptes, je dirais, intelligente, dans le sens où il y a un dialogue constant entre le ministère et les universités. Nous avons chacune nos personnalités. Qu'on soit d'accord ou pas, les forces de développement qui s'exercent sur les universités depuis une dizaine d'années font en sorte que le financement n'est jamais suffisant, disons, est insuffisant et aussi que les forces renforcent les grandes universités, les tendances de recherche, les tendances de l'internationalisation de l'éducation renforcent finalement chacune des universités dans une personnalité qui leur est propre.

Alors, je dirais, par ordre de priorité, c'est évident que nous avons besoin d'un réinvestissement très important dans le système universitaire parce qu'il devient l'épine dorsale du développement économique et du développement social du Québec, mais nous avons, au-delà de ça, aussi besoin d'un lien, je dirais, plus intense en termes d'appui à notre développement. Parce que vous comprenez que, depuis 1994, les subventions générales que nous recevons n'ont jamais cessé de varier et nous sommes, depuis quatre, cinq ans, probablement à la troisième formule de financement. Une université, c'est du long terme. Alors, autant, je dirais, tisser ces liens étroits avec le ministère, convenir aux cinq ans d'objectifs de développement et d'avoir, je pense, pour le ministère, cette reddition de comptes que demande la société, et qui est compréhensible, et, pour l'université, cette stabilité du financement. Je ne sais pas, Mme Marois, si...

Mme Marois: Non, c'est très éloquent. Et je trouve que ça fait une synthèse remarquable de ce qu'on retrouve à différents moments dans votre mémoire et qui plaide en faveur de cette reconnaissance particulière. Quand on a reçu la Conférence des recteurs, j'ai compris ? et je vous pose la question ? j'ai compris que vous aviez un appui indéfectible à cet égard de la part de la Conférence des recteurs pour appuyer votre démarche d'un traitement et d'un financement différenciés, finalement. Il faut bien convenir que c'est là qu'on va aboutir si tant est que vos recommandations sont entendues et retenues.

Mme V. de la Durantaye (Claire): La Conférence des recteurs s'est prononcée effectivement sur le besoin de réinvestissement et elle s'est prononcée aussi sur l'importance de tenir compte du facteur régional dans la formule. Maintenant, l'approche que nous proposons quant à des ententes de moyen terme avec le ministère, dans mes connaissances actuelles, je ne pourrais pas dire, là, si ça fait l'unanimité. Je sais que certaines universités québécoises partagent cette vision-là, mais je ne pourrais pas dire que c'est un des éléments qui fait consensus à la CREPUQ, là.

Mme Marois: D'accord. Je reviens maintenant sur une question un petit peu plus pointue, mais qui se situe toujours dans cette perspective. Vous proposez l'ajout d'une nouvelle mesure pour l'aide au démarrage de programmes qui vont contribuer aux secteurs d'excellence. Bon. On a vu de vos collègues qui sont venus, là, dans les derniers jours, la semaine dernière et encore ce matin, nous dire qu'ils avaient peut-être besoin encore de sinon rationaliser les programmes, du moins s'assurer qu'on allait en faire un développement ordonné. Vous pensez à quoi en termes de mesures pour l'aide au démarrage dans le cas particulier, là, qui vous concerne?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Oui. Bien, un exemple, c'est le programme de podiatrie, par exemple. C'est certain que, quand nous développons des programmes uniques, qui n'existent pas dans le réseau universitaire québécois, voire dans le réseau universitaire canadien, dans une université comme la nôtre, il est certain qu'une subvention au démarrage de nouveaux programmes est extrêmement importante et serait bienvenue. Ça, c'est certain. Maintenant, cette aide au démarrage de programmes, nous pourrions également l'associer à une aide à la restructuration, par exemple.

Alors, ou bien on nous supporte quand on développe des créneaux relativement uniques qui nous caractérisent, ou bien on nous supporte dans nos efforts de restructuration de notre programmation de façon encore une fois à améliorer l'efficience de notre système et à être présents, lorsqu'on est présents, avec l'excellence incontestable.

Mme Marois: D'accord. Ça va, M. le Président, pour l'instant.

Le Président (M. Kelley): Monsieur... Quelle surprise, M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que ma question va comporter un préambule, mais, soyez sans crainte, il y aura une question. D'abord, Mme la rectrice, M. Roy, M. Fournier, M. Garneau et M. Paradis, bienvenue, très heureux de vous voir. Je salue également la présence de M. Jacques Plamondon, qui est vice-président de l'Université du Québec, qui a été recteur à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Et je salue également M. Pierre Moreau, nouveau président de l'Université du Québec.

On a évoqué tout à l'heure le 35e anniversaire de l'Université du Québec à Trois-Rivières, et je peux vous dire que ce qui me relie à l'Université du Québec à Trois-Rivières date de 25 ans. Je dois vous dire, M. le Président, que j'ai assisté, moi, à la naissance de l'Université du Québec à Trois-Rivières dans le salon, chez moi. Mon père était à l'époque député de Trois-Rivières, et je me rappelle très bien la situation de cette époque-là. Il y avait deux éléments importants. Et, si on allait voir, j'imagine, les minutes même du cabinet de l'époque, il y avait deux éléments importants. D'abord, l'université, le réseau de l'Université du Québec voulait être présent en région ? et je ne dirai pas région éloignée, mais en région ? et Trois-Rivières ne correspondait pas nécessairement à cette idée-là parce que Trois-Rivières était entre deux pôles majeurs, Québec et Montréal, et il y avait des objections à ce moment-là à ce que l'Université du Québec à Trois-Rivières naisse.

Dans le milieu, à ce moment-là, vous vous rappelez sans doute, il y a 35 ans, l'épine dorsale économique de la région de la Mauricie était les pâtes et papiers. Et ce secteur-là a subi des difficultés dans les dernières années, puis, aussi curieusement que cela puisse être, c'est grâce à l'université beaucoup si les pâtes et papiers demeurent une activité économique importante dans la région de la Mauricie, pour tout le Québec et le Canada. Alors, cette décision-là d'il y a 35 ans est aussi actuelle aujourd'hui parce que le Centre intégré de formation de pâtes et papiers, qui, je l'espère, sera annoncé très bientôt, consacre cette nécessité-là du mariage entre l'industrie, le milieu et le monde universitaire. En tout cas, c'est le cas dans la région de Trois-Rivières. Et vous savez sans doute que l'Université du Québec à Trois-Rivières n'est pas l'université d'une seule région, mais de deux régions, hein, la Mauricie et le Centre-du-Québec, d'autant, il est important de le considérer.

J'arrive maintenant sur la question du financement. Parce qu'il y a deux éléments qui ont été évoqués dans le mémoire de l'Université du Québec à Trois-Rivières: d'abord, la situation géographique, qui pose difficulté d'une certaine façon, et aussi le besoin d'accompagnement du milieu. Et je cite, à la page 14 du mémoire, on dit: «Au moment où l'UQTR s'apprête à se définir une stratégie pour se différencier par l'excellence dans un nombre plus restreint de secteurs, elle doit pouvoir consolider ses champs d'expertise et assurer un renouvellement de ressources professorales dans le même sens. Il faut réfléchir très sérieusement à ce que la disparité entre les universités n'engendre pas un déplacement de ses expertises vers les grands centres, ce qui se répercuterait sur la qualité en région et par conséquent sur l'accessibilité. Il est donc très important de soutenir la compétitivité des universités en région dans le renouvellement de leurs ressources professorales.»

Et j'attire l'attention de la commission sur un article de La Presse du 3 février dernier qui rapporte évidemment des investissements à l'ETS. On parle d'un investissement total de 105 millions. Et vous me permettrez de citer un passage de l'article, qui dit: «Après des travaux de 45 millions entrepris le printemps dernier, l'institution affiliée à l'Université du Québec doublera ainsi de taille mais demeurera toujours trop à l'étroit. Sa capacité d'accueil passera en effet de 2 350 à 3 250 étudiants, mais elle en compte déjà 3 850 cette année. Alors, Yves Beauchamp planifie un troisième pavillon de 25 000 [...] carrés également qui coûtera 60 millions dont il souhaite la construction en 2005-2006», etc.

n(14 h 50)n

Je fais référence à ça parce que ça repose la question du positionnement des universités en région et particulièrement celle de Trois-Rivières, de l'investissement important qui se passe dans la région de Montréal, du pouvoir d'attraction que ça comporte face aux universités en région. Et, premier exemple, l'Université de Montréal et l'Université du Québec à Trois-Rivières parlent d'un... non parlent, mais ont même convenu d'une entente pour favoriser la venue de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal à Trois-Rivières, l'Université du Québec assumant une première année de cours, évidemment, si le tout se concrétise. C'est là un exemple de partenariat qui assure une présence en région du corps professoral et aussi des étudiants, ce qui est très important.

Sur ce qui est annoncé ou sur ce qu'on entrevoit, est-ce que c'est possible également de penser, toujours en termes de développement en région et particulièrement à Trois-Rivières, des ententes qui feraient en sorte que l'immobilisation ne serait pas concentrée dans les deux grands pôles que sont Québec et Montréal, mais pourrait se retrouver en région, dont Trois-Rivières, et assurer un échange de qualité professoral sur le territoire du Québec, et faire en sorte qu'on ne vide pas des régions de ces étudiants, de ces professeurs pour les concentrer dans les deux grands pôles et, j'oserais ajouter, le troisième grand pôle qu'est Sherbrooke? Alors, est-ce que vous ne voyez pas là une possibilité? Et est-ce qu'il y a une volonté de partenariat avec les autres universités de façon à assurer une présence sur tout le territoire du Québec, particulièrement à Trois-Rivières?

Le Président (M. Kelley): Le député avait raison, il y avait tout un préambule à sa question.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Alors, maintenant, c'est à vous de devoir lui répondre.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Peut-être, M. le Président, dans un premier temps, dire que M. le député exprime là une opinion sincère, mais qui illustre bien toute la difficulté que rencontre certainement le ministère de l'Éducation, à savoir: Est-ce qu'on oblige un étalement ou bien... Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on oblige donc l'étalement des infrastructures ou l'étalement du corps professoral?

Comme je vous l'ai dit d'entrée de jeu, notre université a fait un choix. Nous pensons que, si nous offrons l'excellence et si nous offrons des créneaux de formation et de recherche qui sont uniques ou qui se distinguent, nous allons attirer naturellement vers nous et les ressources professorales et les étudiants. C'est le modèle que nous avons choisi, nous. Et c'est évident que les ressources professorales vont se déplacer en région si les salaires sont compétitifs et ils vont se déplacer en région si l'infrastructure de recherche qu'on leur offre est suffisante. Et, dans les deux cas, évidemment, c'est une question financière.

Alors, je ne pense pas que le système universitaire québécois serait gagnant d'avoir une approche qui consiste, disons, à étaler ou à obliger un peu l'étalement ou la répartition. Je pense que les universités doivent faire la preuve qu'elles excellent dans des domaines, et le ministère ? enfin, c'est ce qu'on souhaite ? qu'il puisse nous appuyer dans ces choix-là pour faire en sorte que ce que nous avons à offrir est tout à fait compétitif avec ce que des jeunes peuvent trouver aux États-Unis ou peuvent trouver en Europe. Ce serait ma réponse. Je ne sais pas si René-Paul veut...

Le Président (M. Kelley): M. Fournier.

M. Fournier (René-Paul): Merci, M. le Président. Je pense que, essentiellement, Mme la rectrice a fait le tour de la problématique, mais j'aimerais peut-être rajouter que la stratégie que l'Université du Québec à Trois-Rivières a décidé de se donner pour la nouvelle période 2004-2007 est justement une stratégie de renforcement de nos secteurs de pointe, là où on espère pouvoir devenir attrayants et attractifs au niveau des étudiants et des professeurs. Vous savez, notre université, lorsque nous sommes en recrutement, nous sommes en compétition avec toutes les grandes universités, qui ont à plusieurs égards beaucoup plus de moyens que nous, et à ce moment-là ça devient doublement difficile. Parfois, on doit recruter des gens dont la formation n'est pas totalement complétée. On doit donc permettre des périodes de perfectionnement à nos professeurs pour pouvoir aller chercher un doctorat ou un postdoctorat. Et, de temps en temps, il s'avère que les grandes universités nous voient un peu comme les clubs-écoles. Une fois que le professeur est bien formé et que sa recherche est bien lancée, on a les moyens de venir le chercher et, nous, donc, on est obligés de recommencer.

Ce que l'on souhaiterait pouvoir faire, c'est de sortir de cet esprit de club-école et de dire: Chez nous, il y a des choses importantes qui se font, c'est là que l'excellence vraiment se pratique, et les étudiants, d'où qu'ils soient, vont choisir de venir chez nous, et les professeurs seront heureux de continuer à rester chez nous pour y travailler et faire une carrière intéressante.

Le Président (M. Kelley): Le temps alloué au côté ministériel est épuisé. Et, quelle surprise, Mme la députée de Champlain, maintenant, veut poser une question. Alors...

Mme Champagne: C'est que, nous, on est un peu... Bien, bonjour à tous.

Le Président (M. Kelley): C'est le moment Mauricie.

Mme Champagne: Je vais essayer de faire un préambule un petit peu moins long que le député de Trois-Rivières, mais c'était très intéressant.

M. Gabias: Vous êtes capable de faire plus long.

Mme Champagne: Je suis capable de faire même plus long, effectivement, et mieux peut-être. Alors, écoutez, au-delà du document comme tel, sur lequel, je pense, on s'est tous penchés avec beaucoup d'intérêt, sur le fait également qu'on a eu le plaisir de se rencontrer récemment et d'échanger également sur l'avenir de l'Université du Québec à Trois-Rivières et des universités du Québec en région, je pense que le tableau est présenté de façon très... C'était précis et c'est très explicatif.

Mais il y a un domaine qui m'interpelle régulièrement et qui m'interpelle également, là, dans votre document, c'est tout le rapport que vous faites avec les partenaires du milieu, avec le côté social. Vous avez un rôle excessivement important à jouer. On vous reproche même à l'occasion de ne pas le jouer assez fortement, on vous dit: Vous devriez être davantage présents dans le milieu. Et, en page 8 de votre document, il y a un paragraphe, là, qui dit exactement, là, l'essentiel de mon propos. On dit que l'UQTR s'est associée en 2003 à des partenaires de divers ordres, là, et qu'elle participe à une action concertée pour contrer le décrochage scolaire tant en Montérégie qu'en Mauricie, et que vous vous préparez également à faire une troisième action concertée sur la réussite éducative au Centre-du-Québec. Alors, j'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu là-dessus, à savoir où ça va.

Et ça rejoint également une deuxième question, sur laquelle vous pourrez glisser, là. C'est qu'on sait que ça prend un encadrement financier structuré si on veut arriver à intervenir dans la société. Beaucoup peuvent faire affaire avec vous, mais ils n'ont pas nécessairement d'argent pour payer les chercheurs et les gens qui vont aller dans le milieu. Alors, c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre et le créneau particulier que ça pourrait nous donner également en région et nous démarquer, là, particulièrement.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Effectivement, une des difficultés que nous avons, c'est que ces organismes-là souvent n'ont pas l'argent nécessaire pour monnayer des services, disons, avec notre institution. Donc, il ressort de ça une certaine frustration de la part de ces milieux-là. Mais cependant nous faisons des choses, et l'implication de l'université concernant le décrochage scolaire est un exemple. Nous travaillons en étroite collaboration avec les tables régionales d'éducation, celle de la Mauricie et celle du Centre-du-Québec. Nous avons, en Mauricie, deux projets majeurs auxquels l'université participe de façon étroite.

Nous partageons la préoccupation du décrochage scolaire. Parce que nous parlons de baisse démographique, mais il ne faut pas oublier que tous les jeunes qui décrochent avant le secondaire sont autant d'étudiants perdus pour le niveau collégial et par la suite pour le niveau universitaire. Il y a là une préoccupation très importante. Alors, de concert avec les collèges et avec les commissions scolaires de notre région, avec l'appui des CRD dans les deux régions, nous avons donc développé des programmes d'action pour tenter de supporter les intervenants au milieu scolaire afin d'améliorer la rétention ou d'améliorer la réussite.

Du côté de la Mauricie, l'université a pris à sa charge, par rapport à la table, là, en lien avec la table, un observatoire sur l'insertion professionnelle des jeunes. L'objectif est de suivre nos jeunes de notre région du secondaire jusqu'à l'université en se préoccupant de savoir quel emploi ils occupent, à supposer qu'ils terminent avec un diplôme, est-ce que c'est dans notre région, est-ce que c'est à l'extérieur. L'objectif est d'essayer de mettre ensemble l'information que possède Emploi-Québec sur les emplois disponibles dans nos régions, sur les formations qui sont en demande avec le réseau scolaire collégial et universitaire pour tenter de répondre à ces besoins de formation là exprimés par le marché du travail, par les entreprises, mais aussi de suivre les décrocheurs, pourquoi ils décrochent, à quel moment ils décrochent, et pour suivre nos diplômés de façon à nous assurer que la région met en place tous les moyens concrets d'action possibles pour suivre les jeunes de notre région et s'assurer qu'ils trouvent un emploi. C'est le projet que nous avons.

Mme Champagne: Et ce travail-là, évidemment, il y a des coûts au bout de ça. Êtes-vous capables même de dire à peu près à quoi ça peut ressembler dans une année, le coût que vous êtes obligés d'établir pour... ou évaluer un coût, là, qui va avec ce genre de travail là sur le terrain? Ça peut ressembler à quoi?

n(15 heures)n

Mme V. de la Durantaye (Claire): Bien, écoutez, le CRD, le CRDM donc, de la Mauricie, subventionne ce projet-là, de mémoire, à la hauteur d'environ 200 000 $ sur trois ans, et cela, bien évidemment ne comprend pas de salaires pour les ressources professorales qui travaillent là-dessus et pour les personnes qui participent à ce projet-là. Alors...

Mme Champagne: Le projet dont vous parlez se termine quand, là? Vous parliez de trois ans?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Oui, c'est ça. C'est un projet d'une durée de trois ans que nous avons débuté à l'automne dernier tant sur le décrochage que sur l'observatoire. Et ce qu'on souhaite, c'est que les résultats soient suffisamment probants pour impliquer les entreprises, le milieu régional et les trois niveaux d'éducation pour le supporter pour les autres années parce qu'on a besoin d'un organisme qui supervise ou qui surveille et qui informe les décideurs de la situation des jeunes, des besoins en termes de programmes de formation, voyez-vous. Parce que ces informations-là existent, mais elles ne sont jamais mises ensemble, et il n'y a jamais de portrait régional qui est diffusé tant dans le milieu éducation que dans le milieu de l'emploi. Alors, c'est le défi qu'on s'est donné, à la Table éducation de la Mauricie, puis je suis très fière d'en parler aux membres de la commission, ici. Les cégeps sont très impliqués, les commissions scolaires aussi.

Mme Champagne: Et je pense que c'est un plus pour notre région, évidemment. J'aurais une autre petite question, on a un petit peu de temps. Je sais qu'on a beaucoup d'étudiants étrangers à l'Université du Québec à Trois-Rivières, et c'est un peu notre fierté. Vous souhaitez que ces étudiants-là soient... en tout cas, qu'on puisse les retenir. Et, pour pouvoir les retenir, ces étudiants-là... Et on a des cas dans nos bureaux de comté là-dessus. Les étudiants, tant qu'ils ne sont pas reconnus comme étudiants résidents, ne peuvent pas travailler, ne peuvent pas gagner des sous. Est-ce qu'il y a un travail fait par les universités à ce niveau-là afin d'obtenir ce plus-là, afin de permettre à nos étudiants qu'on veut vraiment retenir, là, qu'ils puissent y gagner un peu leur vie? Sinon, on échappe cette clientèle-là encore une fois pour les grands centres comme Montréal et Québec, pour toutes sortes de raisons, parce qu'ils se retrouvent entre eux et c'est plus facile pour eux. Alors, en région, présentement, on l'a, le problème. Et on en entend parler dans nos bureaux de comté régulièrement. Alors, quel est l'effort fait par l'université pour aider ces étudiants-là financièrement?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Bien, écoutez, l'université a fait une représentation auprès du ministère de l'Immigration, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, pour supporter un projet pilote que nous avons, qui...

Mme Champagne: Particulièrement à l'Université du Québec à Trois-Rivières, le projet pilote?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Particulièrement à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Parce que c'est sûr que, si on parle du point de vue général des universités, bon, ce que je peux en dire est certainement très parcellaire. Et j'espère ne pas dire de faussetés, mais il faut dire que les universités forment des étudiants étrangers qui, lorsqu'ils obtiennent leur diplôme, en général, retournent dans leur pays.

Mme Champagne: Oui, tout à fait.

Mme V. de la Durantaye (Claire): En fait, notre fonction première bien sûr est de former à l'enseignement et à la recherche, que les gens viennent du Québec ou d'ailleurs. Ce qui est nouveau depuis deux ans ? et ça vient expliquer le projet pilote que nous avons soumis au ministère de l'Immigration ? c'est que, dans nos régions, où on sait qu'il y aura des problèmes de pénurie de main-d'oeuvre, on sait aussi que, chez certains étudiants étrangers, ils ont un désir d'être résidents et de demeurer au Canada, de demeurer au Québec.

Alors, avec ces étudiants-là qui manifesteraient la volonté de demeurer et qui obtiendraient toutes les conditions requises ? à savoir, il faut qu'ils soient résidents ? avec ces étudiants-là, nous souhaitons avoir un projet pilote d'insertion professionnelle. Il y aura des conditions évidemment à respecter, et l'une très importante, c'est qu'il doit terminer son diplôme. Mais nous allons, à l'université, développer des liens avec certaines entreprises dont les besoins correspondent à nos programmes ou enfin à certains de nos programmes.

Et nous souhaitons, avec cette expérience pilote là, en apprendre davantage sur, disons, les obstacles que nous rencontrons ou que les étudiants diplômés rencontrent dans leur insertion. Et, avec cette expérience pilote là, nous espérons donc développer un système un peu plus, je dirais, rigoureux et d'encadrement de ces étudiants-là qui souhaiteraient, après avoir obtenu leur diplôme, travailler dans la région. Ce n'est pas des quantités... Il ne faut pas imaginer, là, qu'on peut trouver un emploi à 200, 300 diplômés étrangers, là, ce n'est pas du tout de cet ordre de grandeur là. Mais, s'il s'agit peut-être de quatre, cinq, six diplômés au départ et que l'expérience s'avère heureuse ? bien, notre Service aux étudiants, qui est déjà très impliqué dans l'accueil des étudiants étrangers, a senti que c'était un besoin ? alors, on pourra peut-être le systématiser.

Mme Champagne: Donc, la demande est présentement sur la table de la ministre de l'Immigration. C'est ça?

Mme V. de la Durantaye (Claire): C'est exact.

Mme Champagne: O.K. Est-ce que vous avez même passé au niveau de la commission, là, sur l'immigration qui se tient présentement sur ce dossier-là? Pas nécessairement?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Non. Je dois vous dire que nous avons dû faire des choix concernant les commissions qui se tiennent à ce moment-ci.

Mme Champagne: Vous nous avez choisis.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Nos personnels qui travaillent à monter les dossiers ne sont pas aussi nombreux qu'on le souhaiterait, hein? Je ne veux pas revenir sur le sujet principal de cette rencontre.

Mme Champagne: On a une heure. On a une heure.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Alors, on a dû malheureusement faire un choix. Nous ne nous sommes pas présentés, mais nous avons écrit, cependant.

Mme Champagne: O.K. Donc, il y a un mémoire de déposé.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Voilà.

Le Président (M. Kelley): Alors, il me reste à dire merci beaucoup encore une fois de souligner l'importance que l'université joue dans les régions du Québec et notamment la région de la Mauricie et le Centre-du-Québec. Alors, merci beaucoup encore une fois aux représentants de l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Je vais suspendre très rapidement et je vais demander aux représentants du Parti québécois de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 6)

 

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Kelley): Mmes et MM. les membres de la commission, s'il vous plaît, si on veut terminer avant minuit, à l'ordre, s'il vous plaît! Je demande aux représentants de l'Université du Québec à Trois-Rivières... C'était fort intéressant, mais peut-être qu'ils peuvent continuer leurs discussions à l'extérieur. Et peut-être leurs deux députés peuvent montrer l'exemple.

Alors, on est maintenant aux représentants du Parti québécois et le Comité national des jeunes du Parti québécois. Et je vais céder la parole à une ancienne membre de l'Assemblée nationale, Mme Marie Malavoy. La parole est à vous.

Parti québécois (PQ) et Comité national
des jeunes du Parti québécois (CNJPQ)

Mme Malavoy (Marie): Merci et bonjour, M. le Président. Ça me fait plaisir d'être ici et de retrouver ces lieux qu'effectivement j'ai fréquentés avec beaucoup de bonheur. M. le ministre et Mmes et MM. les députés. M. le ministre, avec qui je conversais tout à l'heure et qui est comme moi, dans son histoire, un collègue de l'Université de Sherbrooke, alors je me sens en terrain connu. Je suis ici comme première vice-présidente du Parti québécois et je suis accompagnée de Sébastien Cloutier, qui est le président du Comité national des jeunes du Parti québécois, de même que de Françoise Montambeault, qui est du même Comité national des jeunes. Alors, merci de nous accueillir, merci de nous donner une place, de nous écouter quelques instants dans ce vaste dossier important de l'accessibilité et de la qualité du financement des universités.

n(15 h 10)n

Vous me permettrez, d'entrée de jeu, de rappeler à quel point, pour le parti que je représente aujourd'hui, l'investissement dans les universités est un investissement crucial, pas simplement pour les personnes qui les fréquentent, mais pour l'ensemble de la société. Et je me permets de rappeler, parce que je me souviens d'avoir eu à en débattre dans ma région, à Sherbrooke, durant la dernière campagne électorale, je me permets de rappeler que le Parti québécois souhaitait bel et bien réinvestir à terme 240 millions d'argent neuf dans les universités québécoises, sachant que cette somme n'était pas tout à fait suffisante pour remplir tous les besoins, mais qu'elle était tout de même substantielle. Et il nous semble, il nous semblait à l'époque et il nous semble toujours aujourd'hui que ce que le Parti libéral est prêt à faire, c'est beaucoup moins, c'est un investissement de l'ordre de 60 millions à terme, et bien évidemment cela nous semble insuffisant.

Ce que j'aimerais peut-être aussi dire, en commençant, et puis je laisserai largement la parole aux représentants du Comité national des jeunes, mais ce que j'aimerais dire, c'est que l'éducation ou l'investissement en éducation, ça n'a rien à voir avec un investissement personnel dans l'achat de quelque chose que l'on achète ou que l'on fait pour soi. À chaque fois qu'il y a un jeune ou une jeune qui s'engage sur cette voie, et qui obtient un diplôme, et qui devient dans notre société quelqu'un de compétent, quelqu'un qui pourra travailler dans des secteurs intéressants, quelqu'un dont le travail aura des retombées pour toute la société, c'est vraiment collectivement que nous en profitons.

Et j'ai entendu, pour ma part, récemment, parmi les gens qui sont venus au même endroit présenter des mémoires, j'ai entendu un lien comme celui-là entre, si je me souviens bien, d'ailleurs, l'achat d'une voiture et puis ce que coûte de financer des études universitaires. Moi, ce que je tiens à vous dire, c'est que, pour nous, cela n'a rien à voir. Quand on paie pour étudier, on ne paie pas pour s'acheter quelque chose pour soi-même, on investit dans quelque chose qui bien sûr, et c'est bien tant mieux, va nous rapporter ? tant mieux si nous-mêmes, et nos enfants, et nos petits-enfants étudient ? mais on investit d'abord parce qu'on croit que, dans une société, il y a des hommes et des femmes qui doivent participer. Et c'est avec cet esprit-là donc qu'aujourd'hui nous venons vous faire quelques commentaires sur la qualité, l'accessibilité et le financement des universités. Je me permets de céder la parole tout de suite à Sébastien Cloutier qui va vous donner aussi le cadre général de notre présentation.

M. Cloutier (Sébastien): Merci beaucoup. Bonjour, chers membres de la commission parlementaire. Comme vous avez pu le constater, notre mémoire contient deux principales sections, la première, la plus importante pour nous, portant sur l'accessibilité aux études. On pourrait diviser, si vous voulez bien, cette section en deux sous-sections.

La première, l'accessibilité financière. Pour nous, ce que nous voulons prouver, c'est bien clair: jamais le talent, l'effort et la persévérance ne doivent être freinés par l'argent dans la poursuite d'études. Placer l'argent avant le talent, c'est retourner, pour nous, 50 ans en arrière, et jamais ça ne doit être possible. Deuxième sous-section de l'accessibilité aux études, l'accessibilité au territoire. L'occupation dynamique du territoire québécois passe par des universités fortes, et c'est pour ça qu'on demande un réinvestissement, ce qui constitue notre deuxième partie. Pour nous, il y a un sous-financement.

Nous proposons, comme beaucoup d'acteurs qui sont passés devant vous, un réinvestissement public de 375 millions, principalement parce que c'est une question de priorités politiques, il y a des choix à faire entre des baisses d'impôts et un réinvestissement public. Et, en deuxième lieu, on va vous présenter pourquoi cette question-là demeure encore d'actualité, puisque le déséquilibre fiscal n'a pas été réglé encore. Alors, voici l'ensemble de la présentation. Je laisserais Françoise Montambeault vous présenter notre section sur l'accessibilité aux études.

Mme Montambeault (Françoise): Bonjour, chers membres de la commission. En fait, pour nous, d'entrée de jeu, il faut rappeler que l'accessibilité, c'est la valeur fondamentale qui sous-tend toutes les propositions que l'on fait, et cette accessibilité-là passe définitivement par le maintien du gel des droits de scolarité. Donc, voilà d'entrée de jeu la prémisse sur laquelle on part. Bon.

Pourquoi l'accessibilité? L'accessibilité parce que les institutions postsecondaires et leur qualité constituent un gage pour le développement du Québec comme société du savoir. Le Québec d'il y a 40 ans n'était pas le même que celui dans lequel on vit aujourd'hui, et ça, c'est en grande partie grâce à l'accès démocratisé aux études universitaires. Par exemple, en 1963-1964, on avait seulement 23 000 étudiants dans les universités québécoises et, en 2003-2004, on en a 250 000. Donc, c'est une augmentation de 1 000 % qui est liée directement avec l'amélioration des conditions socioéconomiques au Québec. Or, on a toujours un rattrapage historique à faire au Québec, puisque le taux de diplomation n'est toujours pas assez élevé. On n'a toujours pas atteint l'objectif de 30 % dont on s'était doté en 1996, lors du sommet. On est actuellement à 21,6 % de diplomation... de diplômés universitaires au Québec.

Le maintien du gel des droits de scolarité, pourquoi? Parce que, selon nous... Et on nous dira que les hausses de frais de scolarité n'ont pas d'impact sur l'accessibilité. Bon, soit, en chiffres absolus, probablement pas, les riches auront toujours l'argent pour aller dans les universités, peu importe combien ça coûtera. Or, c'est sur les milieux plus défavorisés qu'il y a une pénalité par les hausses des droits de scolarité, les milieux qui sont déjà d'avance moins présents dans les institutions universitaires québécoises. On constate que 83 % des jeunes dont les parents gagnent plus de 80 000 $ fréquentent les institutions postsecondaires, alors que ça diminue de la moitié pour ce qui est des étudiants dont les parents gagneraient moins de 55 000 $.

Donc, c'est exactement cette catégorie de personnes que les hausses des droits de scolarité pénaliseraient. Et ça crée, de la même manière, une homogénéité parmi les diplômés, ce qui nous amène à un système de reproduction sociale, et je ne pense pas que c'est ce qu'on veut pour notre société québécoise. Le maintien du gel, c'est donc, pour nous, une façon de redonner aux pauvres... bien, de donner aux pauvres en fait les moyens de prendre leur droit à l'éducation, droit qui fait partie même de la Charte québécoise des droits et libertés qui dit à ce sujet que tous ont droit à une instruction publique gratuite. Donc, voilà.

D'ailleurs, l'accessibilité est aussi affectée par le haut niveau d'endettement des étudiants. L'étudiant moyen qui sort de son bac a environ 11 000 $... bien, près de 12 000 $ de dettes contractées aux prêts et bourses. Et, avec une maîtrise, il sort avec environ 16 000 $ de dettes. Donc, c'est assez considérable. Ce taux d'endettement là a un impact certain sur la poursuite d'études supérieures, d'autant plus qu'on nous a annoncé des diminutions de 7 % des fonds de recherche pour les études supérieures, et ça, dans un contexte de pénurie annoncée, ou prétendue, ou, bon, de professeurs, ça risque d'avoir un impact important. Et, en plus, il nous apparaît que ce taux d'endettement là a un impact sur la politique familiale. En fait, un couple de bacheliers qui sort d'études de premier cycle aurait environ 22 000 $ de dettes. Donc, ça retardera probablement le moment de fonder une famille, ce qui n'est pas de très bon augure dans le contexte de choc démographique qui s'annonce pour le Québec. Donc, une augmentation des droits ne fera qu'exacerber ce phénomène-là, parce que les étudiants n'auront toujours pas plus de moyens pour financer leurs études, auront recours encore plus aux prêts et bourses et verront leur fardeau de dettes augmenter.

Finalement, l'accessibilité... le maintien du gel des droits de scolarité, est-ce que ça affecte la qualité de l'éducation? À notre avis, non. Bon, la FEUQ l'a mentionné ce matin, avec l'exemple de l'Ontario. Mais aussi à notre avis il s'agit... il faut aussi considérer la qualité des étudiants parce que, pour nous, la qualité de la formation, c'est constitué à 50 % de la qualité des étudiants qui sont assis dans les salles de cours. Or, avec les étudiants qui travaillent... Plus de 80 % des jeunes universitaires travaillent, et 60 % de ce 80 % travaillent plus de 15 heures-semaine. C'est assez difficile pour eux de rester concentrés dans les cours, d'être à 100 % à leurs études. On est en train de passer d'une génération d'étudiants qui travaillent pour payer leurs études à un monde de travailleurs qui étudient pour passer le temps ou pour avoir un diplôme éventuellement. Donc, c'est une situation dans laquelle on n'a pas nécessairement envie, au Parti québécois, de se retrouver. On ne voit pas le Québec de demain de cette manière-là.

n(15 h 20)n

Deuxième chose, l'accessibilité territoriale. Donc, pour nous, l'accessibilité territoriale, ça passe évidemment par le développement d'un réseau... bien, le maintien et la contribution au développement du réseau universitaire en région, réseau qui est indispensable pour l'accessibilité aux études. On voit que 70 % de la clientèle des universités en région est de première génération, donc dont les parents ne sont pas allés... n'ont pas fréquenté les institutions universitaires. C'est une donnée assez intéressante pour nous montrer que les universités en région ouvrent la porte à des gens qui n'iraient pas nécessairement dans les universités si ces universités-là n'étaient pas présentes.

D'autre part, les universités en région, c'est un pilier important pour les régions, un pilier de développement économique bien sûr, puisque les universités en région contribuent à la formation de spécialistes pour répondre à des problématiques typiques des régions, par exemple à Rimouski avec l'océanologie, à Rouyn avec les programmes... plutôt sur les mines, etc. Donc, ça, c'est un pilier important. C'est aussi un pilier important de développement culturel et social. Les universités sont souvent le foyer d'accueil de plusieurs activités culturelles, des spectacles, etc., le lieu de rencontre pour les groupes communautaires, etc. Et finalement ça contribue à la rétention des jeunes dans les régions, phénomène qui est très important et qui doit nous préoccuper dans le Québec d'aujourd'hui.

L'accessibilité régionale est donc tout aussi importante que l'accessibilité financière et elle en est le corollaire immédiat. Bien sûr, il est plus cher pour l'État de payer un cours à une quinzaine d'étudiants à Rimouski ou à Chicoutimi, mais combien d'entre eux viendraient étudier à Montréal ou à Québec pour obtenir leur diplôme? Ça ouvre donc les portes de l'université à des personnes qui sont encore sous-représentées et ça permet, par le fait même, de dynamiser l'occupation du territoire québécois. Je passe la parole à Sébastien.

M. Cloutier (Sébastien): Merci. Donc, comme on vous disait un peu plus tôt, à notre égard, il y a un sous-financement qu'on reconnaît, comme l'ensemble des autres groupes qui sont venus vous rencontrer, de 375 millions de dollars, un sous-financement qui à notre avis est structurel afin de bonifier l'éducation supérieure, afin qu'elle soit accessible et de qualité, afin d'avoir des budgets de recherche suffisants et afin de renouveler les équipements et les infrastructures de façon adéquate.

C'est une question, à notre avis, qui est un choix politique. Certains disent que le gouvernement actuel est pris avec sa promesse sur le gel des frais de scolarité. Bien, à mon avis, il est pris avec sa promesse des baisses d'impôts. Souvent, on peut comparer le fait que, dans un contexte budgétaire ou une situation économique, c'est un choix politique, en bout de ligne, de décider de réinvestir dans des programmes sociaux ou d'accorder des baisses d'impôts. Le réinvestissement proposé de 375 millions représente moins de 10 % des baisses d'impôts promises. Pour nous, il est clair qu'en aucun moment les étudiants et les étudiantes ne doivent faire les frais des baisses d'impôts sur la simple base d'une question idéologique. Ce n'est pas le temps des baisses d'impôts, et je crois que le ministre des Finances est à même de le constater dans ces rencontres prébudgétaires là et surtout avec les dernières annonces des dernières semaines où on a vu les transferts fédéraux être encore coupés de plusieurs centaines de millions de dollars.

La question du déséquilibre fiscal demeure une bataille, je crois, que l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale reconnaissent suite au consensus qu'il y a eu justement par le rapport Séguin, suite au déséquilibre fiscal: 2,5 milliards de dollars par an provenant de surplus honteux à Ottawa, d'une hausse des dépenses de 39 % en cinq ans qui diminue un peu encore ces surplus-là. Et surtout, en termes de crédits d'impôt non utilisés ou non réclamés par les étudiants à cause du choix collectif des frais de scolarité plus bas ici, au Québec, eh bien, dans les dernières années, on a vu ce crédit d'impôt là passer de 800 millions de dollars à 1,3 milliard, ce qui veut donc dire qu'il y a 500 millions de dollars qui ont été alloués aux étudiants des autres provinces canadiennes sans qu'aucun étudiant québécois ne puisse en bénéficier. 500 millions de dollars, c'est énorme, et notre système en a besoin. Il est le devoir du gouvernement et de l'Assemblée nationale de voir à résoudre cette question-là, ça, c'est très important, et ce, dans les plus brefs délais.

L'arrivée de Paul Martin à Ottawa ne nous permet pas de croire que la situation va changer. Et d'ailleurs le dernier discours du trône nous a permis de constater qu'il voulait revenir à la charge avec un nouveau programme de prêts envers les étudiants. Ces programmes-là, on s'en souvient, mais je crois qu'il est bon de le rappeler, proviennent du fait que justement il y a eu désengagement des autres provinces canadiennes, à qui on aime bien nous comparer malheureusement. Alors, ce désengagement-là fait en sorte que les frais de scolarité ont monté de façon presque exponentielle, ce qui a causé un énorme problème d'endettement étudiant, ce à quoi le fédéral a proposé sa solution avec un programme très inadéquat pour le Québec, puisque nous avions déjà le programme de prêts et bourses le plus généreux de tout le Canada. Alors, au lieu d'investir ces sommes-là dans les livres, dans les salles de cours, dans des professeurs supplémentaires, dans des budgets de recherche, eh bien, on a encore une fois bonifié un programme qui était déjà le plus généreux.

Alors, je crois que le gouvernement est bien conscient de cette problématique et en temps de consultation prébudgétaire encore plus. Mais nous croyons fermement qu'il serait déplorable de hausser les contributions des étudiants sans avoir réduit le déséquilibre fiscal, comme le premier ministre s'y était engagé lors de la dernière campagne électorale. L'éducation est une mission fondamentale de tout gouvernement. C'est sa responsabilité de la financer adéquatement afin que les universités puissent développer le Québec tout entier. Merci.

Mme Malavoy (Marie): Si vous me permettez, je vais prendre juste un petit moment pour conclure en essayant de bien situer cette question-là dans toute son ampleur. Bien sûr, pour vous présenter nos propos, on fait référence à des chiffres, à des pourcentages, c'est important. Mais, au-delà de ça, nous avons l'impression d'être en plein dans un débat planétaire. Il y a une tendance actuellement dans le monde ? c'est vrai pour l'éducation, c'est vrai pour la culture, c'est vrai pour la santé ? il y a une tendance dans le monde, sous l'influence de l'Organisation mondiale du commerce et de ses règles de commerce international, à vouloir ? je le mets entre guillemets ? «marchandiser», c'est-à-dire faire que tout soit objet de commerce, tout soit objet d'échange et de libre-échange entre les pays et entre les cultures. Et il nous semble que toute approche de l'éducation qui se rapprocherait de ça, qui verrait l'éducation comme étant une marchandise, qui verrait l'investissement en éducation comme étant une relation d'affaires, c'est-à-dire relation d'affaires où il doit y avoir des gens qui en ont pour leur argent, pour prendre une expression populaire, il nous semble que ça nous ferait tomber de plain-pied dans ce piège-là.

Or, le Québec, dans d'autres domaines, dans le domaine de la culture, par exemple, je pense, s'en sort bien en combattant l'idée que la culture est une marchandise. Et, nous, ce qu'on aimerait vous laisser peut-être comme dernier message, c'est: Combattons aussi l'idée que l'éducation est une marchandise et qu'investir en éducation, c'est comme investir dans un objet. Ce n'est pas le cas. L'éducation, c'est investir dans l'esprit d'un peuple. Et, nous, on souhaite que ça se fasse le plus largement, avec la plus grande accessibilité possible. J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Parfait, merci beaucoup, Mme Malavoy. Maintenant, c'est à vous la parole, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. J'ai l'intention de poser quelques questions sur des éléments dont certains me paraissent assez surprenants dans le texte, mais pas sans avoir peut-être mentionné certains éléments qu'on a déjà entendus dans la commission et qui sont un peu surprenants par rapport à ce que Mme Malavoy nous a mentionné. Je pense que Mme Malavoy joue son rôle, et c'est tout à fait correct, et je pense que, si on a décidé de faire une commission parlementaire, c'est pour respecter justement le fait que notre gouvernement a des partis politiques différents... Elle joue bien son rôle sans doute de première vice-présidente en essayant de montrer que la position et les actions de son parti, lorsqu'il était au pouvoir, avaient été exceptionnellement bonnes, c'est ce que j'ai cru comprendre, et que ce qui a été annoncé de notre côté, du côté de notre gouvernement, n'était pas à la hauteur.

Il faut quand même se rappeler que, pendant cette même commission, est-il utile de le dire, on nous a répété ? je pense que je l'ai entendu au moins deux fois pendant la commission et plusieurs fois en dehors ? qu'on regrette ce manque à gagner d'au-delà de 2 milliards de dollars qui proviennent des actions qui ont été prises par le gouvernement précédent pendant les années 1990 et donc... Et je pense qu'on ne nous demande pas d'ailleurs formellement de le faire. On souligne que ça a porté des blessures à des universités, c'est le mot qu'on a employé dans un cas au moins. Et, dans ce sens-là, je pense qu'il faut regarder vers l'avenir, c'est ce que tout le monde semble vouloir faire, et non pas, peut-être, commencer à essayer de détruire ce qui est en train de se faire et qui va effectivement réussir peut-être à mettre un baume sur certaines de ces blessures.

n(15 h 30)n

M. le Président, ce qui me surprend un peu plus dans le texte, et j'aimerais bien qu'on l'explique, et on ne l'a pas expliqué dans la présentation, en tout premier lieu, c'est les références que l'on fait au privé. Mme Malavoy vient d'en glisser un petit mot. Maintenant, dans le texte, dès la première page, et ensuite vers la fin, à la 14e page, il y a des choses qui sont un petit peu surprenantes et que je ne comprends pas. J'aimerais qu'on explique comment on arrive à une telle affirmation. On dit, deuxième paragraphe, troisième ligne, un peu après le milieu: «De plus, il est transparent, à la lecture du document de consultation, que l'intégrité et l'indépendance de notre réseau public seront vraisemblablement menacées par la plus grande place qui sera laissée aux sources de financement privé. Les objectifs sont clairs, il ne manque que les munitions. Nous ne serons pas dupes et nous ne jouerons donc pas le jeu de ce gouvernement conservateur en centrant le débat sur la seule question du financement.»

Ça me surprend un petit peu parce que le débat jusqu'à maintenant n'a pas évité la question du financement, mais le débat a bien poursuivi ses objectifs sur l'accessibilité et sur la qualité, me semble-t-il. Mais surtout c'est que, si on fait le lien entre cette première affirmation et une demande en fait à la page 14, où on exhorte le gouvernement actuel... Alors, à la page 14, le paragraphe... le deuxième paragraphe après le titre Pour un réinvestissement!, à la cinquième ligne... pardon, à la fin de la quatrième ligne, on dit: «Par conséquent, le Parti québécois exhorte l'actuel gouvernement de résister à la tentation d'ouvrir toutes grandes et sans restrictions les portes de nos maisons d'enseignement à l'entreprise privée.»

Je reçois l'exhortation et je vous assure que je vais faire tout mon possible, mais j'aimerais ça comprendre de quoi il s'agit quand on dit d'ouvrir toutes grandes les portes. Et, en quelque sorte, si j'examine, il semble qu'il y ait un danger, puisque ce danger a été annoncé dans la première page. J'aimerais ça savoir de quoi on parle quand on parle d'ouvrir toutes grandes les portes de nos maisons d'enseignement à l'entreprise privée. Et ça semble être un danger tel qu'on nous exhorte à ne pas le faire. J'aimerais qu'on l'explique un petit peu.

Mme Malavoy (Marie): Si vous permettez, je vais répondre à votre première partie puis je vais laisser Sébastien Cloutier répondre à cette question précise. Ce à quoi j'ai fait référence en introduction, c'est aux engagements électoraux. Mettons que, quand on est en période électorale, on remet le compteur à zéro puis on dit: Qu'est-ce que chacun des partis politiques a à offrir? Ce que je maintiens, c'est que nous avions la ferme intention de réinvestir 240 millions de dollars à terme. Ça veut dire, à la fin d'un mandat, ça veut dire de façon progressive jusqu'à ce qu'il y ait, à la fin d'un mandat, 240 millions de dollars.

Je me suis, pour ma part, battue ? battue élégamment, comme on se bat en campagne électorale ? dans le comté de Sherbrooke, pour prétendre, et je pense que j'avais raison, que, du côté du Parti libéral, ce n'était pas la même somme et il s'agissait d'un investissement de 60 millions à terme, que ce 60 millions était progressif mais qu'au total il y avait un investissement moindre.

Et je rappelle simplement qu'il est curieux qu'un parti qui a parlé de santé et d'éducation comme priorités n'ait pas, dans ses engagements électoraux, pensé réinvestir plus. Tant mieux si, dans les faits, peu importent les engagements de l'époque, l'investissement est plus important. Mais, à ce moment-là, je me souviens fort bien d'avoir eu à en débattre et je me permettais de le rappeler. Sur la question plus pointue et effectivement qui revient dans notre mémoire, de l'entreprise privée, je vais laisser Sébastien préciser notre pensée.

M. Cloutier (Sébastien): Bien, cette question-là a été présentée de cette façon dans le mémoire afin justement de s'assurer que l'éducation demeure un engagement complet de l'État, qu'il n'y ait pas un désengagement afin de justement laisser la place au privé afin qu'il puisse financer davantage la recherche, les immobilisations ou d'autres choses de cette façon-là.

Pour nous, il est clair que, comme on l'a dit dans notre présentation ? je croyais que c'était clair à ce moment-là ? que l'éducation est une priorité, on maintient l'engagement de l'État. Et de hausser justement soit les frais de scolarité ou de laisser une plus grande place au privé ou à d'autres sources de financement extérieures au gouvernement, c'est que ça provoque un désengagement de l'État, alors que c'est une mission fondamentale. Alors, nous, c'est de cette façon-là que nous avons amené cette question-là afin de garder cet engagement de l'État envers l'éducation au Québec, tel qu'on vous l'a présenté.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Si je reviens à la page 14, j'aimerais mieux comprendre ce que ça veut dire. Parce que, en termes concrets, comment cela se traduit-il? On a un système parlementaire, de notre côté gouvernemental, on a une obligation, je pense, à tous points de vue d'écouter ce que l'opposition, une partie de l'opposition a à nous dire. Et j'aimerais comprendre ce que vous nous dites quand vous dites que vous nous exhortez à «résister à la tentation d'ouvrir toutes grandes et sans restrictions les portes de nos maisons d'enseignement à l'entreprise privée».

Bien, on a déjà eu des gens qui nous ont donné des éléments concrets, et c'est peut-être un petit peu là-dessus que j'aimerais que vous nous aidiez. Parce qu'on a parlé, bon, des ententes Coca-Cola, etc. Bon, ça, c'est un élément. On a parlé de contrats de recherche, certaines précautions à prendre, et peut-être avez-vous des choses à nous dire un peu plus là-dessus. Est-ce qu'il y a d'autres éléments? Parce que...

Et ce n'est pas neutre, hein? On dit «ouvrir toutes grandes et sans restrictions les portes de nos maisons d'enseignement», et vous utilisez le mot «exhorter». Autrement dit, ça veut dire qu'il y a comme un danger imminent. Et j'aimerais comprendre exactement ce que vous nous dites, là.

M. Cloutier (Sébastien): Bien, c'est en continuité avec ce que vous dites, justement. Déjà, il y a des choses qui ont été présentées par d'autres groupes. Nous, ce qu'on dit, c'est essentiellement la même chose, de dire: Bon, toutes ces questions de recherches dirigées par des entreprises qui financent des recherches appliquées, par exemple, dans le domaine scientifique, dans d'autres facultés, par exemple, où on pourrait accepter des contrats ou des cours dirigés de la part des entreprises, que ce soit aussi toute la question de la publicité qui tend à faire de plus en plus de place dans nos universités, que ce soit l'exemple des HEC qui nomment des salles au nom d'entreprises, ou qu'on parle de Zoom Media dans les différentes toilettes, ou de différentes autres places à la sous-traitance qu'il peut y avoir aussi... Je parle de sous-traitance en termes, là, de services offerts aux étudiants qui nécessairement affectent la qualité de ces services-là, à notre avis.

Donc, c'est ce spectre-là qu'on veut s'assurer, en tant qu'opposition, que parti politique, que jamais justement on n'ouvrira davantage la porte au secteur privé à ce qu'on connaît déjà en termes d'exemples concrets de comment le privé peut rentrer dans le monde de l'éducation mais aussi à d'autres façons que peut-être plus tard on va prévoir. Alors, c'est pour ça qu'on a mis ça vraiment... En disant «les portes toutes grandes ouvertes», c'est pour prévoir ce qu'on connaît déjà, qu'on ne veut pas que ça agrandisse, on ne veut pas qu'il y en ait davantage, et toute autre lubie de l'entreprise privée qu'elle pourrait avoir afin de jeter son grain de sel dans notre système d'éducation et avoir un mot à dire en ce sens-là.

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire, oui.

M. Reid: Oui, pour terminer, là-dessus. Est-ce que ça touche aussi... On en a parlé un peu ce matin avec la Fédération étudiante universitaire du Québec et on nous a dit qu'on en reparlerait demain. Mais est-ce que ça touche aussi ces précautions, qui existent parfois mais que vous voudriez voir étendues davantage, concernant, par exemple, la propriété intellectuelle de ce que les étudiants vont faire, et des choses comme ça? Est-ce que c'est aussi de ça dont vous parlez quand vous parlez de ça?

M. Cloutier (Sébastien): Bien, c'est de voir justement comment l'ensemble... Puis ça, c'en est un, bon exemple. Je sais que la FEUQ en a présenté. On ne s'est pas spécifié... Sur cette question-là de la propriété intellectuelle qui, bon, a des questions plus éthiques que financières, à mon avis, là, donc, sur cette question-là, je vous dirais, on le voit plus d'un angle éthique, la propriété intellectuelle, et on n'a pas spécifié... Nous, c'est vraiment les incursions de l'entreprise en termes de visibilité, contenu des programmes pédagogiques, etc., plus que sur la production intellectuelle, sur lesquelles on voulait apporter une attention particulière.

Mme Malavoy (Marie): Si je peux ajouter juste un petit mot, une des inquiétudes, qui n'est pas uniquement de notre côté mais, je pense, que des gens partagent, c'est cette inquiétude, à un moment donné, que carrément des établissements d'études supérieures de l'étranger viennent s'installer des campus chez nous, entièrement privés. Et, si on laissait aller certaines règles justement de libre-échange en cette matière ? si je reviens à cette idée d'éducation marchandise ? ça pourrait être possible. Heureusement, ça ne l'est pas à l'heure actuelle. Mais, quand on dit «exhorte», il y a derrière ça l'inquiétude qu'à un moment donné ça devienne un vaste marché et dans lequel on ne s'y retrouve peut-être plus comme culture très particulière, culture québécoise en Amérique du Nord.

M. Reid: ...un danger imminent, mais vous dites: Attention à ça. O.K.

Le Président (M. Kelley): Ça va, pour le moment? Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue à notre commission. Ça nous fait plaisir de vous recevoir, bien sûr. Je pense que les positions sont assez clairement énoncées quant à votre appui à un gel des frais de scolarité et quant au fait qu'on doive réinvestir dans nos universités. Je conviens que nous avons dû faire des efforts considérables, depuis un certain nombre d'années, pour assainir nos finances publiques. Cette phase est derrière nous, heureusement.

Cependant, le ministre conviendra que, si cet effort a été demandé tant aux universités qu'au milieu de la santé ou qu'à l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec, nous avons recommencé à investir de façon significative dans nos universités, et nous croyons qu'il est nécessaire de continuer en ce sens-là, et que ce qui est prévu au cadre financier du gouvernement, tel qu'il l'a pris comme engagement électoral, est insuffisant, puisque 60 millions de dollars n'est même pas le tiers du rattrapage. En fait, c'est 20 % du rattrapage que les universités demandent. Donc, on a loin de la coupe aux lèvres. Donc, on a un petit travail à faire, je pense, à cet égard-là, ensemble.

Je veux maintenant revenir sur des éléments de votre mémoire, entre autres sur la question du travail des étudiants et des étudiantes. Je pense que vous avez fait un peu de recherche sur ça. Vous le documentez sommairement ici, dans le mémoire. Particulièrement, à la page 6, vous dites ceci: «Même en conservant le gel des droits de scolarité, les étudiantes et les étudiants admissibles à l'aide financière aux études s'appauvrissent d'année en année, puisque le montant accordé à ce titre n'est pas indexé au coût de la vie en constante progression. Le système d'aide financière est [...] insuffisant, puisque près de 75 % des étudiantes et étudiants considèrent leur revenu comme indispensable à la poursuite de leurs études.» Et on dit, bon: «Nous passons donc d'un objectif d'étudiant à temps plein à une réalité de travailleur qui étudie.»

n(15 h 40)n

J'aimerais ça que vous reveniez un peu sur cela et sur ce que vous pensez qui devrait être fait pour mieux soutenir les étudiants qui décident de se consacrer à plein temps à leurs études.

Mme Malavoy (Marie): Je pense que Mme Montambeault pourrait répondre à cette question.

Mme Montambeault (Françoise): Oui. En fait, effectivement, on constate que près de 60 % des étudiants qui étudient à temps plein travaillent aussi soit à temps presque plein ou à temps partiel et 60 % de ces étudiants-là travaillent plus de 15 heures, ce qui est normalement l'objectif qu'on s'est fixé comme étant maximal pour avoir la pleine capacité d'étudier, là, en même temps.

Pour nous, ça affecte définitivement la qualité de la formation qu'on peut recevoir dans les universités parce que le rapport entre la personne qui est assise en classe est aussi important... le rapport avec le professeur est aussi important que la qualité du corps professoral en tant que tel. Donc, la qualité des échanges, la qualité des travaux, la qualité de la réflexion, etc., est atteinte de par le travail des étudiants. Bien sûr, plusieurs étudiants nous diront: Oui, mais les prêts et bourses, c'est non seulement insuffisant, mais, pour la plupart d'entre nous, on préfère avoir une certaine autonomie, et ci, et ça. Donc, évidemment, tout le monde veut travailler un petit peu. Ce qui est alarmant, en fait, c'est vraiment que les gens travaillent plus que 15 heures-semaine.

Ce qu'on peut faire à ce niveau-là? Bon, bien sûr, on dit: Le système d'aide financière n'est pas indexé au coût de la vie qui augmente, lui, chaque année. Ça, c'est déjà une première problématique. Ensuite, on le voit aux études supérieures avec les... il y a de moins en moins de bourses disponibles. Ça aussi, c'est un gros problème dans la poursuite d'études supérieures. Il est difficile de mener des recherches et de travailler en même temps. Donc, en diminuant de 7 % les bourses accordées par les fonds québécois de la recherche, ça affecte grandement donc l'accès aux études supérieures. Donc, principalement, je dirais que c'est les deux points, là, mais...

M. Cloutier (Sébastien): Bien, je peux compléter rapidement. Aussi, une question peut-être un peu plus large, une question de société où, bon, je crois que, dans les dernières années, il s'est créé la catégorie qu'on appelle des emplois étudiants. Souvent, les étudiants vont occuper des emplois qui sont souvent moins bien rémunérés pour le même type d'emploi que d'autres. Je prends un autre exemple. Par exemple, dans la fonction publique ou dans beaucoup d'autres entreprises, on a ce problème-là également, que souvent, à cause de salaires moins élevés puis auxquels normalement un salaire égal aurait droit, bien, les étudiants sont obligés de travailler davantage justement pour récupérer, là, et avoir autant d'argent qu'ils en auraient besoin pour encourir les frais de subsistance dont ils font face. Donc, cette question-là de société fait partie un peu aussi de la problématique globale où c'est difficile d'avoir une réponse précise à cette question-là précisément.

Mme Marois: Mais qui est quand même une préoccupation majeure, évidemment.

M. Cloutier (Sébastien): Oui.

Mme Marois: Parce que, si on veut consacrer la majorité de son temps à étudier puis qu'on doit aller gagner sa croûte, c'est évident que ça a un impact, qu'on le veuille ou non. Dans la proposition que vous faites... Ah oui! j'aurais pu revenir aussi, soit dit en passant, M. le Président, sur un autre fait que le ministre a oublié d'évoquer, c'est qu'on avait un déficit de 5,7 milliards lorsqu'on est arrivés. Alors, nous, on a laissé l'équilibre budgétaire. Lorsque le gouvernement est arrivé, c'est à l'équilibre budgétaire que le gouvernement a été confronté et non pas tout ce qu'il pourrait raconter pour le reste.

Je veux revenir sur la question du gel des droits et de la loi-cadre. Une des propositions que vous faites, c'est, bien sûr: gel. Mais vous dites aussi: Il faudrait qu'on travaille dans le sens d'encadrer le risque de progression des droits ou éventuellement les autres frais. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur ça, sur la façon dont vous voyez ça et sur les mécanismes auxquels vous avez songé pour qu'on y arrive.

M. Cloutier (Sébastien): Bien, sur l'encadrement des frais afférents, justement, je pense que c'est une question qui demeure un peu épineuse, puisqu'il y a des écarts extrêmes entre les universités qui en ont très peu comparé à d'autres universités, comme à McGill, où ils sont énormes. Alors, je crois que la difficulté ici repose à trouver un mécanisme pour encadrer l'ensemble de ces frais-là, que ce soit géré par le ministère de l'Éducation, mais pour permettre aussi un équilibrage de ces frais-là à l'ensemble. Je pense qu'à terme l'objectif devrait arriver au fait que l'ensemble des étudiants québécois paient les mêmes droits de scolarité et les mêmes frais afférents.

Mais je pense que, dès le départ, de mettre en place un système équivalent, ça pourrait être mis en place de façon graduelle compte tenu de ces écarts-là, il devrait y avoir un mécanisme quelconque afin d'égaliser l'ensemble de ces frais afférents là. Je ne verrais pas pourquoi les frais afférents, justement, en termes d'une réforme comme ça, seraient différents si on étudie à l'Université du Québec en Outaouais, à McGill ou à l'UQAR, à Rimouski. Donc, sur cette question-là, je crois que d'encadrer l'ensemble des frais afférents au sein du ministère de l'Éducation afin justement que ce soit un dossier géré au même titre que les droits de scolarité, comme ça l'est actuellement...

Mme Marois: Vous parlez, un petit peu plus loin dans le mémoire, du fait qu'on pourrait songer éventuellement à une contribution après que les études soient terminées. Ça fait un petit moment que ça se débat. Il y a d'autres groupes qui viennent avec une telle possibilité. Bon. Vous dites, vous, une option à étudier, évidemment, mais j'aimerais vous entendre sur cela.

M. Cloutier (Sébastien): Bien, cette option qui est présentée, comme on le dit, c'est vraiment si, par l'ensemble des travaux de la commission, vous en arrivez au résultat que malheureusement ? et ce serait très dommageable pour les étudiants québécois ? nous devons augmenter les frais de scolarité afin de refinancer le système. Ce qu'on vous propose, c'est une option justement à étudier.

Il y a eu des débats longuement faits, là, au sein du Parti québécois, sur la question de l'impôt postuniversitaire, non pas l'impôt postuniversitaire à la Tony Blair, mais une forme d'impôt postuniversitaire qui garantirait l'accessibilité ultime, si on peut dire, puisque, pour nous, ce serait d'éliminer les frais de scolarité au cours du temps d'études et de mettre en place un mécanisme proportionnel au revenu ou quelconque autre aménagement afin de refinancer le système universitaire.

Par contre, je mets une grande mise en garde face à cette proposition-là, où on dit justement: On vous la fait, cette proposition-là, un peu par dépit, si jamais on hausse les frais de scolarité, mais que cette question-là est très épineuse dans la mesure où c'est un changement de philosophie complète du système de financement dans la contribution des étudiants au système universitaire. Alors, on devra étudier ça dans une autre commission parlementaire afin de voir c'est quoi, les impacts un peu de la mise en place de telles mesures, quels seront les comportements des étudiants aussi face à ça, quel sera le comportement aussi sur les finances entourant le financement des universités.

Alors, il y a énormément d'interrogations. C'est pour ça qu'on n'en fait pas une proposition formelle, qu'on vous dit simplement... par ouverture, on vous dit simplement: Bien, il y a cette possibilité-là qui mérite d'être étudiée dans le cadre d'une autre commission parlementaire, compte tenu qu'il y a énormément de questions et d'hypothèses entourant la mise en place d'une telle mesure.

Mme Marois: D'accord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Alors, je vais retourner la parole au ministre, en signalant qu'il reste neuf minutes pour le parti ministériel et deux autres demandes, de vos collègues, d'intervention. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Reid: Je vais aller très, très vite, M. le Président. C'est que peut-être la fibre universitaire qui vit encore un peu en moi a été très surprise de voir qu'on parle de «l'expérience connue par le passé ? à la page 12, tout en bas ? avec l'augmentation constante des frais afférents par les universités dans le but avoué de contourner le gel des droits de scolarité». Et on dit qu'on demande le maintien, etc. Mais on dit aussi «qui ne permettrait plus aux universités de contourner la volonté du législateur».

La fibre qui se rebiffe un peu en moi, disons, d'ancien universitaire, c'est que je vois ici ? et dites-moi si je me trompe ? un grand parti politique québécois qui dit aux recteurs et aux directions universitaires qu'elles sont de mauvaise foi et qu'elles contournent la volonté du législateur. Je suis un peu surpris de ça. Et honnêtement je pense que, même si je ne suis plus là, j'ai l'impression qu'on est en train de parler ou de traiter des gens qui consacrent leur vie à faire avancer notre système d'être de mauvaise foi.

Le Président (M. Kelley): M. Cloutier.

n(15 h 50)n

M. Cloutier (Sébastien): Oui. Je ne crois pas qu'on dit ici que les recteurs sont de mauvaise foi, loin de là. Par contre, justement, on voit, dans le cas, par exemple, de l'Université Laval qui, par un déficit appréhendé, a haussé les frais afférents de 180 $, il y a à peu près un an et demi... Alors, ce qu'on dit, comme j'en ai parlé lors de la précédente question, ce qu'on veut, c'est un encadrement de l'ensemble de ces frais-là afin de justement... les universités, prévoyant ou voyant venir un budget déficitaire, ne pourraient pas moduler l'ensemble des frais afférents pour justement faire en sorte que leur problématique de sous-financement soit répercutée directement aux étudiants et que justement il y ait une équité, une égalité, une universalité dans l'ensemble de ces frais afférents là. C'est pour ça qu'on demande qu'elles soient intégrées à l'ensemble du ministère de l'Éducation.

Mme Malavoy (Marie): J'ajouterais que les recteurs sont coincés, dans le fond. Je veux dire, ils souhaitent avoir un enseignement de qualité. J'entendais tout à l'heure la rectrice de l'Université du Québec à Trois-Rivières parler de la difficulté de recrutement de professeurs. Et, bon, on sait très bien que les universités sont coincées. Le problème, c'est que, s'il n'y a pas d'ajout par l'État de financement dans les universités, elles se débrouillent comme elles peuvent, et là il y a un certain flottement possible autour des frais afférents. Je pense bien qu'elles seraient les plus heureuses de ne pas être obligées d'utiliser cette poche-là en la faisant grossir, là, artificiellement et seraient bien plus heureuses d'avoir un financement récurrent de base qui soit plus important.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci. Alors, bonjour. Un commentaire et ensuite une question. Je voudrais rassurer Mme Malavoy ? que je salue particulièrement ? le Parti québécois a parfaitement raison de dire que l'éducation n'est pas une marchandise. J'aimerais lui dire que non seulement je partage son opinion, mais, si son propre parti avait investi davantage en éducation plutôt que de perdre des millions, des centaines et des centaines de millions dans des entreprises, Cité multimédia, Métaforia, Montréal Mode et combien d'autres, on aurait aujourd'hui l'argent pour investir en éducation et ailleurs et on n'aurait pas à rattraper 7 milliards de dollars en un an. Ça, c'est mon... Je ne pensais pas qu'on ferait de la surenchère politique, mais, puisque la teneur du mémoire en fait et qu'il y a eu des commentaires de faits par l'ex-ministre du gouvernement du Parti québécois, je me sens obligée de quand même ramener les choses. Donc, il faut quand même les dire telles qu'elles sont.

Je voudrais vous ramener à la page 4 de votre mémoire, le troisième paragraphe, qui commence par: «Enfin, l'alarmisme récent des recteurs relativement à une crise au niveau du recrutement des professeures et des professeurs a été clairement dénoncé par le Conseil supérieur de l'éducation.»

Je m'interroge et je voudrais savoir si vous avez des données que vous pourriez nous transmettre ici, à la commission. Je lis, dans cette phrase-là, que vous ne croyez pas ou en tout cas vous mettez en doute ? puis je ne vous mets pas de mots dans la bouche, là, vous pouvez me corriger, sentez-vous très à l'aise, on est ici pour ça ? que vous ne semblez pas croire qu'il y a un manque de professeurs dans les universités. Si c'est ce que je comprends bien de cette phrase-là, moi, j'aimerais ça qu'on puisse nous soumettre les données sur lesquelles vous vous êtes basés pour venir affirmer à la commission parlementaire qui entend justement votre mémoire aujourd'hui que c'est faux de croire qu'il manque des professeurs.

Moi, je vis dans un comté où il y a une université, quatre cégeps, 25 établissements d'enseignement scolaire, des établissements scolaires primaires et secondaires. Quand je parle avec les étudiants, puis je ne parle pas juste des associations d'étudiants, là, je parle avec d'autres étudiants, je parle avec des professeurs, ça, ça fait partie de mon quotidien, et tout le monde me dit que, oui, il manque des professeurs. À quelle hauteur? Bon. Moi, je suis mal placée pour en parler, je ne suis pas directement impliquée dans ce milieu-là. Mais il en manque. Cette phrase, cette simple phrase, à la page 4, semble dire que vous êtes d'accord avec le Conseil supérieur de l'éducation qui ne reconnaît pas finalement qu'il y a une crise au niveau du recrutement des professeures et des professeurs. Vous vous êtes sûrement basés sur quelque chose. J'aimerais savoir sur quoi. Et, si vous avez des données, j'aimerais qu'on en prenne connaissance ici, à la commission, pour qu'on puisse alimenter notre réflexion.

Le Président (M. Kelley): M. Cloutier.

M. Cloutier (Sébastien): Merci. Je ne crois pas qu'on met en doute, si on veut, le problème du manque de professeurs. Ce qu'on dénonce, c'est le ton alarmiste face au recrutement, et c'est justement là la différence. Il y a effectivement... Et, comme tout système, des professeurs, avec l'avancement du temps, on en a toujours besoin davantage, et ça, on s'entend là-dessus, certain. Mais c'est qu'à notre avis la situation n'est pas aussi alarmiste que présentée par les recteurs face au recrutement. Et c'est pour ça qu'on mettait justement la référence au Conseil supérieur de l'éducation, qui, à notre avis, venait un peu tempérer justement cette question-là où les positions de chaque partie était très... un peu alarmistes, mais chacun...

De l'autre côté, ce qu'on dit, c'est: La situation est quand même bien en main. Et c'est pour ça qu'on reprend immédiatement avec une citation prise dans un document qui émane du Parti libéral, où vous aussi d'ailleurs avez affirmé que dans le fond la situation est quand même contrôlée et que, oui, on doit faire des efforts, mais la situation n'est pas alarmiste. C'est cette intention-là que nous avons voulu présenter dans notre mémoire.

Mme Delisle: Donc, vous ne vous appuyez pas sur des données, vous vous appuyez simplement sur le rapport du Conseil supérieur de l'éducation. Je vous remercie.

Le Président (M. Kelley): Il reste deux minutes, Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Alors, bienvenue à vous. Je vous dirais d'emblée que je suis heureuse de voir qu'on partage la même préoccupation par rapport à la valeur de l'éducation, qui ne se marchande pas en termes de biens mais au niveau de l'importance que ça a. C'est une préoccupation qu'on a aussi, au gouvernement, que je partage sûrement avec mon collègue le ministre de l'Éducation. Je voulais vous entendre...

Je vois qu'il y a un certain nombre de similitudes avec le mémoire qui a été déposé ce matin par la Fédération des étudiants universitaires du Québec. Et à cet égard j'aurais aimé vous entendre sur la position de la FEUQ quant à l'accessibilité au gel, pour les étudiants étrangers, des montants forfaitaires, à savoir si vous partagez cette vision-là en fonction de cette importance-là qu'il y aurait, là, notamment pour la démographie, selon la FEUQ. Alors, j'aurais aimé ça vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Kelley): Rapidement, M. Cloutier, en terminant.

M. Cloutier (Sébastien): Bien, on n'a pas de position officielle sur cette question-là, mais je vous dis que, bon, à la base, c'est une proposition qui émane de Jean-François Lisée qui avait déjà proposé cette question-là afin justement de ramener à un certain niveau l'immigration étudiante. Donc, on disait: On cible les pays francophones de gens qui veulent venir ici. Donc, je pense, sur ce principe-là, favoriser l'immigration via l'éducation, c'est quelque chose avec lequel on souscrit totalement.

Sur la question du niveau des frais de scolarité, je ne pourrais pas... je pourrais difficilement prendre position, puisque le débat n'a pas été fait. Chose certaine, c'est une belle possibilité justement, que, sur le principe de fond, nous souscrivons entièrement à cette question-là de favoriser l'immigration via les universités justement. Simplement pour des questions d'intégration à la communauté, je crois que c'est primordial. Et les gens qui passent trois ans dans le système universitaire, lorsqu'ils débutent et fondent leur vie ici, sont beaucoup mieux intégrés à la société québécoise que quelqu'un d'autre qui peut arriver et tout de suite commencer à se rechercher un emploi. Donc, sur ce principe-là, oui, nous partageons les visées de la FEUQ.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Berthier, si j'ai bien compris.

M. Bourdeau: Merci, M. le Président. Bonjour. Je trouve ça un peu dommage, le débat, là, la façon que ça s'orientait, là, au niveau de la commission, je peux vous le dire, là. On peut se lancer la balle longtemps, M. le ministre, savoir qui a raison, qui a tort, des choses comme ça. Vous êtes au gouvernement, vous avez à prendre des responsabilités. Les premières décisions que le gouvernement a prises, c'est de couper les prêts micro-ordinateurs, c'est de ne pas réinvestir en éducation. Aujourd'hui, on est en commission justement pour vous écouter...

Des voix: ...

M. Bourdeau: Est-ce que je peux terminer ce que j'ai à dire? Est-ce que la parole est à moi?

Le Président (M. Kelley): O.K. La parole est donnée au député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député, je vous invite à adresser à la présidence, si vous voulez...

M. Bourdeau: Parfait. M. le Président a tout à fait raison. Merci. Là où vous aviez amené des points assez intéressants dont celui... Parce qu'on regarde souvent l'accessibilité à l'éducation et les frais de scolarité au début de notre année scolaire. On ne pense pas à l'endettement, les conséquences réelles de l'endettement.

Vous avez amené un point, moi, que je trouve très intéressant, qui est par rapport à la famille, puis j'aimerais ça vous entendre de ce côté-là. Vous amenez comme position que l'endettement étudiant ferait en sorte de nuire à la famille. Et j'aimerais vraiment vous entendre plus profondément sur ce sujet-là.

Le Président (M. Kelley): M. Cloutier.

M. Cloutier (Sébastien): Merci. Bon. Bien, justement, l'éducation étant comme pierre d'assise du développement, ce qu'on veut favoriser aussi en gelant les frais de scolarité justement, c'est une réduction du fardeau d'endettement des étudiants, qui... Bon. Lorsqu'un couple de finissants universitaires, lorsqu'il arrive sur le marché du travail, ils veulent démarrer leur vie, et on parle de projet d'achat de maison. Avec notre natalité qui est basse, on ne peut pas se permettre de retarder bien, bien longtemps le projet d'avoir des enfants. Donc, cette question-là, c'est un peu de cette façon-là qu'on l'aborde, où pour nous la problématique grandissante de l'endettement étudiant vient affecter un peu le démarrage dans la vie après la fin de nos études pour une grande majorité de jeunes Québécois et jeunes Québécoises.

n(16 heures)n

Donc, sur cet aspect-là, je vous dirais que pour nous la réduction du fardeau d'endettement vient directement donner un coup de pouce, si on veut, au développement de politiques familiales, compte tenu que nous avons un taux de natalité extrêmement faible. Alors, on se joint à cette question-là. Parce que souvent les gens scolarisés ont un meilleur emploi qui permettrait justement de mieux subvenir et d'avoir des familles plus nombreuses. On parle peut-être de trois, quatre enfants, si on veut. Mais des fois ce projet-là peut être retardé, compte tenu qu'on sort des études. Avec l'inflation dans l'immobilier qu'on connaît présentement, avec une dette d'un couple de 15 000 $ à 20 000 $, ce n'est pas une situation idéale pour nous pour fonder une famille en sortant des études. Alors, c'est un élément très important que vous avez soulevé.

M. Bourdeau: Vous avez aussi, dans votre mémoire, marqué le pas par rapport aux possibilités, là, de privatisation... ou plutôt, là, de négociation de l'éducation dans des marchés. C'est une question, moi, qui me touche personnellement. Dans le passé, je me suis occupé, entre autres, de ces questions-là. Et, entre autres, vous le savez, voilà deux ans environ, les étudiants avaient sorti justement pour dire que, dans les traités de la ZLEA, il ne fallait pas que l'éducation se retrouve là parce que sinon c'était une des pires choses qu'on pouvait faire, une des pires erreurs. Et vous êtes revenu tout à l'heure avec ça. Et vous démontrez encore une fois le fait que le Québec, étant une petite province comme les autres, n'a pas vraiment de moyens d'action par rapport aux traités internationaux et négociations et que cette possibilité-là, même si le ministre peut nous dire que lui est contre ce fait-là, ce n'est pas nous qui négocions, ce sont d'autres.

Et ces personnes qui négocient pour nous, entre autres, comme Pierre Pettigrew, nous avaient dit, lorsqu'on était sortis, qu'on était des étudiants qui avaient été manipulés et qui ne savaient de pas quoi qu'ils disaient. Quand j'entends de tels commentaires, je suis comme vous, j'ai cette crainte-là qu'un jour dans la ZLEA qui se négocie présentement... et que le seul moyen d'action qu'on a au Québec, c'est de se faire gazer en arrière d'une clôture parce qu'on n'a pas le droit d'être à l'intérieur même quand ils sont chez nous. Je suis comme vous, j'ai cette crainte-là par rapport à cette possibilité de marchandisation de l'éducation.

Mais, moi, j'aimerais ça aussi vous entendre peut-être plus spécifiquement sur l'investissement du privé directement dans les universités. Est-ce que vous avez regardé la possibilité, là, d'encadrer ce type de financement là qui, on le sait, se concentre beaucoup dans certaines universités et que d'autres universités n'ont pas accès aussi facilement à cet investissement-là? Et, qui plus est, ça peut amener beaucoup de problématiques ? vous en avez noté quelques-unes, là ? par rapport à la direction qu'on donnerait dans le curriculum des cours.

Le Président (M. Kelley): M. Cloutier.

M. Cloutier (Sébastien): Oui, merci. Bon, justement, comme on le disait un petit peu plus tôt, outre la question de la mondialisation, là, qui est un danger pour le système québécois en termes d'investissements privés, je prendrai rapidement comme exemple, puis c'est presque aléatoire, mais, bon... À l'Université de Montréal, il y a eu des investissements massifs de la part de grandes entreprises qui ont fait financer la construction d'édifices. Je dirais, je pense, qu'on ne peut pas être contre la vertu, le fait qu'un grand donateur ? on parle ici de Jean Coutu ? qu'il contribue à quelque chose afin de développer une faculté, mais ça demeure encore que, bon, des fois... Les moyens psychologiques, un peu, de faire en sorte que Jean Coutu finance une faculté de pharmacie à l'Université de Montréal dans un contexte où on sait qu'il y a pénurie de pharmaciens ou presque dans les pharmacies, bien, quel impact ça a? C'est très difficilement quantifiable, on peut difficilement mettre ça sur papier de faire en sorte de voir que tous les étudiants à l'Université de Montréal vont à cette faculté-là.

Alors, oui, il y a possibilité d'encadrement, mais je pense que les effets un peu de ces investissements-là du privé, bon, sont difficiles à prévoir, difficiles à analyser. Alors, je crois que, si on a de la difficulté à prévoir un peu le comportement des gens suite à cet investissement-là, bien, aussi bien le laisser tomber au complet et que l'État prenne son rôle au complet, comme il se doit.

M. Bourdeau: En fin de compte, pour le privé... Parce qu'on ne l'a pas vu encore, là, mais ma collègue de Taillon en avait parlé d'entrée de jeu du 0,018 %, je crois, là, qu'on pourrait faire une ponction au niveau des entreprises. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être une idée qui pourrait faire en sorte... de faire en sorte que, en plus, que le financement privé ne soit pas dédié? Parce que, en fin de compte, tout le monde aurait accès. Que tu sois à l'Université de Rimouski ou à l'Université de Montréal, tout le monde aurait accès. Est-ce que c'est une position que vous trouvez bonne?

M. Cloutier (Sébastien): Oui. On s'entend, un mécanisme similaire au Fonds jeunesse Québec, par exemple, pourrait être une solution pour refinancer, si telles étaient les conclusions, là, de la commission.

M. Bourdeau: Peut-être, en terminant, une dernière petite question, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Oui. Il vous reste trois minutes.

M. Bourdeau: Ah, parfait. Vous avez parlé tout à l'heure du programme de prêts, le programme de prêts aux étudiants que le gouvernement veut mettre en place, le gouvernement fédéral. Encore une fois, on voit que ça va complètement à l'encontre de la vision du gouvernement du Québec, de la société québécoise parce qu'on donne un chèque à l'endettement étudiant. On sait que, dans le temps des bourses du millénaire, on avait rapatrié cet argent-là pour mettre justement... baisser le plafond des prêts pour justement réduire cet endettement étudiant là.

Est-ce que vous pensez que ce programme-là de prêts aux étudiants, connaissant la hauteur des surplus qu'il y a à Ottawa, est-ce que vous pensez qu'on devrait plutôt comme faire dans le temps des bourses du millénaire, aller chercher cet argent-là et le réinvestir peut-être aussi au niveau de l'aide financière? Vous avez parlé des bibliothèques, ces choses-là, où les réalités sont très criantes. Mais est-ce que vous pensez que ce ne serait pas une bonne idée aussi?

Le Président (M. Kelley): M. Cloutier.

M. Cloutier (Sébastien): Merci. C'est certain que, s'il y a mise en place d'un programme comme ça ? et, je pense, c'est la volonté, là, du gouvernement fédéral de mettre en place un nouveau système de prêts et bourses aux étudiants ? eh bien, à mon avis, pour le Québec, le gouvernement doit aller chercher un peu un droit de retrait, si on veut, et une compensation pleine, financière pour financer ce système-là. Il est clair qu'un autre programme qu'on peut appeler, là, de bourses du millénaire pour le Québec serait encore une fois inadéquat pour les besoins des Québécois.

Et, à ce titre, je vous donnerais un exemple pour voir, là, les deux visions qu'on peut avoir au Canada sur le financement et l'intrusion du fédéral dans le champ de compétence strictement et exclusivement provincial. Vous connaissez tous l'exemple de la Colombie-Britannique qui a augmenté d'à peu près de 90 % ses frais de scolarité au cours des trois dernières années. Donc, désengagement de l'État, hausse des frais de scolarité. Et ce qu'ils annoncent tout récemment, qu'ils vont abolir, lors du premier budget, ils vont complètement abolir le système de prêts et bourses. Pourquoi? Parce qu'ils savent que justement le fédéral va pouvoir financer ce secteur-là, puisqu'il y aura désengagement de la part du gouvernement de la Colombie-Britannique. Alors, c'est peut-être l'extrême, mais on peut voir jusqu'où ça peut déraper, ce désengagement-là de l'État, et laisser la porte ouverte, si on veut, au financement du fédéral quand on met en place des programmes qui ne sont pas du tout adéquats pour le Québec.

Mme Malavoy (Marie): S'il reste...

Le Président (M. Kelley): Un commentaire, Mme Malavoy?

Mme Malavoy (Marie): Bien, c'est-à-dire s'il reste très peu de temps, j'aimerais juste conclure.

Le Président (M. Kelley): Il vous reste 45 secondes.

Mme Malavoy (Marie): Bon, bien, c'est parfait, c'est tout à fait suffisant. J'aimerais conclure sur une simple question. Enfin, elle n'est pas simple, mais c'est bien entendu que, si on se situe dans l'ordre des valeurs, on va tous se dire que l'éducation, c'est important. Ce n'est pas sur nos valeurs qu'on va être jugés, c'est sur nos actes. C'est nos actes précis qui vont faire qu'on aura ou non respecté des engagements, on aura ou non été dans le sens de nos valeurs.

Or, pour moi, ce qui va être important dans les prochains mois, c'est de voir concrètement quel sera l'investissement de l'État québécois dans le système de l'enseignement supérieur. Qu'est-ce qu'on va demander aux personnes? Quelle contribution on va demander aux personnes? Nous pensons qu'on doit leur demander le moins possible et que la société doit collectivement contribuer. Quelle bataille allons-nous mener et gagner face au gouvernement fédéral, d'une part, pour qu'il n'empiète pas sur notre territoire et, d'autre part, qu'il nous permette de financer correctement le réseau de l'éducation? C'est là-dessus que nous serons jugés. Et je ne voudrais pas croire que simplement on partage ici des orientations théoriques. Ce qu'on est venus vous dire, c'est que, nous, on va juger l'actuel gouvernement sur ses actes et sur les résultats de ses choix politiques. Je vous remercie.

Le Président (M. Kelley): Et, sur ça, ce n'est pas surprenant, devant trois militants d'une formation politique, que le débat ait une saveur partisane. Mais je vais dire merci beaucoup aux représentants du Parti québécois et le Comité national des jeunes du Parti québécois pour leur contribution à notre réflexion.

Je vais suspendre nos travaux pour quelques instants. Et j'invite l'Association francophone pour le savoir de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

 

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Kelley): ...de prendre place, s'il vous plaît.

Alors, bienvenue aux représentants de l'Association francophone pour le savoir. M. Sirard, la parole est à vous.

Association francophone
pour le savoir (ACFAS)

M. Sirard (Marc-André): Alors, merci de nous recevoir. Je vais parler, pour la première partie de la présentation, au nom de l'ACFAS. Mais je vais tout de suite, d'emblée, vous faire une brève présentation de ce qu'est l'ACFAS en deux mots. Avant, on a changé de nom, l'ACFAS est maintenant devenue l'Association francophone pour le savoir. C'est un regroupement de plus de 7 000 membres dont la plupart sont liés de près où de loin au monde universitaire. L'ACFAS est riche de 80 ans d'histoire, donc on est quelque chose qui dure depuis longtemps. Et, si nous existons encore, c'est parce que nous avons un rôle à jouer, dont la défense des intérêts de la science dans notre société, et ceci englobe le rôle des universités.

L'ACFAS est aussi un pont entre les intervenants du milieu scientifique à tous les niveaux, primaire, secondaire, cégep, université. Et l'ACFAS joue un rôle de catalyseur pour aider au développement scientifique, par ses études, ses analyses, ses rapports sur la formation scientifique au Québec. L'ACFAS est aussi un lieu d'échange par ses congrès, ses événements de nature scientifique et donc un lieu privilégié pour parler de l'avenir de la science dans notre société.

On est ici aujourd'hui pour parler du financement des universités. Ces institutions, sans en avoir le monopole, sont la principale source du savoir nouveau et le principal lieu de la transmission du savoir acquis. En quoi les savoirs nouveaux et les savoirs acquis sont-ils indispensables pour notre société? La science permet de mieux comprendre, de mieux gérer nos ressources, mieux soigner nos malades, mieux développer notre économie ou encore notre tissu social. La science a toujours représenté un investissement. Aujourd'hui plus que jamais, l'économie dépend des technologies et du savoir. Le savoir nouveau, quant à lui, dépend en grande partie de la recherche fondamentale, et la technologie, elle, de la recherche appliquée. La recherche est reconnue comme essentielle à l'émergence du savoir et de la technologie. Et, comme on le sait tous, ce savoir et ces technologies sont en train de devenir le moteur principal de la nouvelle économie.

Parlant d'économie, les spécialistes s'entendent rarement sur les tendances futures ou sur les effets de telle ou telle mesure, mais ils sont d'accord sur un point: le savoir est une valeur sûre et le meilleur placement à long terme. Oui, le savoir devrait être géré à long terme, un peu comme un REER. Le savoir est notre REER collectif, notre assurance d'une prospérité future, et les universités sont le véhicule ou le support de cet investissement. On est en février, c'est le temps des REER et, comme tous les contribuables, nous avons un choix: dépenser tout de suite, aller dans le Sud, ou mettre l'argent dans notre avenir. Les argentiers du gouvernement connaissent le coût réel du crédit ou de la dette et ils savent que c'est beaucoup plus facile de garder un budget équilibré que de miser sur la croissance. L'économie du savoir obéit aux mêmes lois. Collectivement, la société québécoise a réalisé un bon placement dans son système universitaire et collégial pour le soutien à la recherche. Si on retire cet investissement avant terme, la perte est énorme. Si on retire seulement les intérêts, le rendement chute et l'inflation mange le capital. Qui conseillerait à un salarié de toucher à son REER alors qu'il gagne encore un salaire?

Le gouvernement a le même choix: investir pour plus tard ou dépenser tout de suite. Dépenser tout de suite, c'est un peu comme baisser les impôts, ça mène à un gain immédiat, mais cela n'assure en rien notre avenir. Investir dans nos universités, c'est investir dans la prochaine génération, dans la compétitivité de notre société dans 10 ou 20 ans. Si on prend comme exemple les Américains, qui sont en général des bons entrepreneurs, 83 % de la recherche universitaire américaine est financée par des fonds publics. Au Canada, c'est 66 % de la recherche universitaire qui est financée par des fonds publics, et 17 % par l'industrie.

On sait qu'un des effets attendus de la mondialisation est un nivellement des niveaux de vie. M. Audet disait dernièrement, en février, que la concurrence des pays de l'Asie comme la Chine représentait une menace sérieuse à notre économie et à notre niveau de vie à long terme. Nous n'avons pas autant de main d'oeuvre à bon marché que les gens de la Chine, c'est évident, mais nous avons des universités capables de créer de la valeur, de la valeur technologique, et c'est cette valeur ajoutée qui crée la richesse. Si on prend l'exemple des Suédois, on a l'impression qu'ils ont compris le système depuis longtemps et on voit bien qu'ils exportent des Volvo et pas nécessairement de l'aluminium brut. Si l'on reconnaît que le savoir, l'innovation et la main-d'oeuvre qualifiée sont des prérequis pour la qualité de notre avenir, pourquoi ne pas mettre la recherche universitaire où se fait l'essentiel de la recherche publique, au coeur de notre stratégie d'avenir?

L'analyse que je vous présente aujourd'hui a déjà été faite avec beaucoup de rigueur dans ce qu'on a appelé la politique scientifique du Québec. Et on sait tous que c'est important, on en est tous convaincus. Mais, comme pour les REER, il faut maintenant se discipliner, en février, et investir dès aujourd'hui pour le long terme. Le document préélectoral du Parti libéral du Québec intitulé Innover pour mieux prospérer reprend plusieurs éléments de cette logique. M. Charest signe un texte qui stipule que, pour garder nos emplois et notre niveau de vie, il devient prioritaire de développer une culture de l'innovation à l'échelle de tout le Québec. Et cette culture de l'innovation passe par la formation du capital humain, de nos salariés actuels, de nos jeunes qui seront les innovateurs de demain et par l'appui à nos jeunes professeurs.

n(16 h 20)n

Parlant de relève, les jeunes professeurs qui ont aujourd'hui 30 ans seront les développeurs de demain pour autant qu'on leur donne une chance de développer leurs talents. Un prof qui débute aujourd'hui dans mon département ne reçoit qu'un ordinateur comme support. Dans mon secteur, la génomique, comme dans plusieurs autres secteurs, la recherche demande des outils mais, encore plus important, des fonds pour utiliser ces outils-là. Ailleurs au Canada, les universités donnent souvent des subventions de démarrage qui peuvent atteindre jusqu'à 100 000 $ pour un nouveau professeur afin qu'il puisse développer des programmes de recherche compétitifs. Ici, les universités n'ont même pas les moyens souvent de payer des chaises dans les bureaux des profs pour que les étudiants puissent s'asseoir lorsqu'ils viennent les visiter. Alors, qu'attend-on?

Ceux qui parviennent à terminer leurs études doctorales vont souvent parfaire leur formation aux États-Unis. Cette situation a deux conséquences fâcheuses: un, les Américains empochent les bonnes années de productivité de nos jeunes chercheurs; et, deux, ils retiennent chez eux par des moyens financiers et autres ceux qu'ils trouvent les plus... les meilleurs. Heureusement, on a un attrait culturel majeur au Québec, les Québécois aiment le Québec. Cet attrait permet de récupérer un bon nombre malgré le faible soutien aux nouveaux professeurs dans les conditions d'emploi dans nos universités qui sont peu compétitives avec le reste du Canada et encore moins avec les États-Unis. Une ignorance de ces variables aujourd'hui et au cours des prochaines années correspond à un désinvestissement dangereux. Plusieurs d'entre nous seront à la retraite dans 20 ans, et ce sont ceux qui ont 20 ans aujourd'hui qui seront aux commandes. On doit investir en eux en leur donnant des outils, dont plusieurs pour une formation universitaire et même pour une formation de deuxième et troisième cycle. Parce que innover, ce n'est pas seulement avoir des bonnes idées, c'est la capacité de les réaliser.

Pour assurer la relève et donc continuer à faire fructifier cet investissement, il faut penser à la prochaine génération. Trop de nos jeunes se désintéressent de la science. On ne leur dit pas que leur succès en mathématiques en deuxième secondaire leur ouvre ou leur ferme les portes de carrières scientifiques à l'université. Trop de jeunes sont attirés par une entrée rapide sur la marché du travail. Et, si les universités ne peuvent plus les attirer avec de bons programmes et des bourses intéressantes, notre scolarité globale risque de ne pas monter rapidement ou même, pire, de diminuer. Aujourd'hui, San Francisco, 38 % des habitants ont un bac; Montréal, 19,9 %, c'est la moitié. On a beaucoup de rattrapage à faire.

Quel sera le coût de retirer un salarié du marché du travail dans 10 ans pour lui donner les deux, trois années de formation qu'il lui manque afin qu'il puisse occuper un emploi de haute technologie beaucoup plus rentable pour lui et pour la société? Quel sera le coût de l'attente pour l'entreprise qui a besoin de lui? Choisira-t-elle de demeurer au Québec et d'attendre? Plusieurs de nos brillants étudiants n'ont même pas de bourse pour continuer leurs études après le bac, moment auquel les parents veulent souvent diminuer leur contribution. Quand l'étudiant est rendu à 22, 23, évidemment, les parents, ils trouvent que ça commence à être assez. C'est malheureux, car les emplois de haute technologie demandent de plus en plus une maîtrise ou un doctorat. Si les universités des autres provinces peuvent compter sur des fondations et des donateurs qui leur permettent d'offrir des bourses à presque tous les candidats aux études graduées, la situation est très différente au Québec. Pour 33 500 étudiants gradués en 2003, seulement 1 327 ont obtenu un support fédéral et 2 544 un des trois fonds québécois. Donc, un ou deux sur 10 reçoivent un support.

Au FRSQ, par exemple, 59 % des demandes reçoivent la cote d'excellence, alors que seulement 38 % sont financées. Ce ratio tombe à 27 % pour le FQRNT et le FQRSC. Je parle des fonds québécois. Allons un petit peu plus loin à propos des fonds québécois. Si le soutien direct à la recherche universitaire dépend en partie du gouvernement fédéral, le soutien aux réseaux, centres de recherche, équipes sectorielles ou transdisciplinaires dépend des trois grands fonds québécois. Le Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies, le Fonds québécois sur la recherche sur la société et la culture et le Fonds de la recherche en santé du Québec maximisent les efforts de nos chercheurs tout en augmentant leur taux de succès aux concours fédéraux. Pendant qu'on assiste à un effritement du soutien du Québec à ces fonds, les autres provinces planifient de copier notre système tant il nous avantage sur la scène fédérale. Cet outil unique sert de levier financier pour aider les chercheurs à mieux profiter des programmes fédéraux en recherche. Chaque dollar investi par le gouvernement du Québec dans les programmes d'infrastructures soutenus par les fonds attire cinq autres dollars. Avec un poids démographique de 24 % au Canada, le Québec récolte en moyenne 32 % des fonds octroyés par les organismes fédéraux.

Par contre, il y a des leviers qu'on contrôle peu et qu'il faut reprendre en main. Par exemple, les sommes colossales investies par la FCI et le Québec ont permis de rajeunir nos infrastructures mais ont obligé le gouvernement... les gouvernements provinciaux à y mettre un appariement en bonne partie et de perdre leur capacité d'investissement. Il importe donc maintenant de concentrer nos ressources au développement de nos cerveaux et de notre capital humain afin de faire fructifier ces infrastructures. Depuis 1998, c'est 500 millions qui ont été investis par le fédéral et donc 500 millions aussi par le gouvernement du Québec, sans compter les dizaines de millions que les universités ont puisés dans leurs propres budgets pour profiter de cette manne. Bravo! Ces équipements seront possiblement très utiles si maintenant on se donne les moyens de les utiliser.

Soyons opportunistes, investissons notre marge dans nos jeunes et préparons notre développement. Au lieu d'attendre que le fédéral nous prépare une autre série de programmes, soumettons-lui un plan de développement à notre mesure et selon nos besoins. Sur une base annuelle, alors, si on compte les 100 millions du provincial, les 100 millions du fédéral et presque les 50 millions des universités et autres partenaires qui deviennent disponibles, pourquoi ne pas utiliser une partie de ces fonds-là pour doubler le portefeuille des fonds de recherche québécois? Le reste irait bien sûr aux universités en support à l'infrastructure. Avec ce 160 millions, donc, si on doublait les fonds québécois pour la recherche, on pourrait pleinement valoriser le système de recherche du Québec. On pourrait garder les succès importants enregistrés dans les réseaux soutenus par VRQ, Valorisation-Recherche Québec, qui est un très bon programme mais dont la pérennité est loin d'être assurée.

Les fonds possèdent cet effet multiplicateur ou de levier parce que ce sont des organisations coordonnées qui mettent en réseau tous les acteurs de la recherche, qu'ils soient du public, du privé, de la santé, du génie, de la culture et du social. Cet effet multiplicateur aide à soutenir la formation des étudiants aussi. Les fonds soutiennent les centres de recherche, qui sont des lieux très efficaces de formation et d'ouverture à l'emploi. Quand un étudiant fait partie d'un centre de recherche, il termine ses études plus rapidement, il profite d'expertises diversifiées et plus complètes, il profite de la supervision de plusieurs professeurs, il est mieux financé, il peut plus facilement publier et se trouver un emploi. Cet effet multiplicateur aide aussi indirectement au financement des universités. 13 millions investis par les fonds dans les projets en partenariat en 2003 ont permis aux universités d'aller chercher 49 millions auprès de partenaires non universitaires.

Parlant de partenariats, la recherche connaît depuis plusieurs années un intense mouvement de mise en réseau et de partenariat entre les universités, entre les entreprises, entre les ministères, et ce mouvement est encore dans sa lancée, et c'est maintenant qu'il faut le soutenir. Le partenariat améliore la pertinence de la recherche. On peut ainsi combiner les expertises transdisciplinaires et donc apporter des solutions beaucoup plus fines et beaucoup plus adaptées aux besoins de tous. Si on consulte tout le monde avant de partir les projets, c'est beaucoup plus sûr qu'on va arriver avec des besoins adaptés.

Partenariats entre les universités. Les partenariats assurent que les efforts de recherche dans les domaines spécifiques sont coordonnés pour tout le Québec, et les fonds subventionnaires du Québec ont travaillé fort à créer ce contexte-là.

Partenariats avec les entreprises. Les universités doivent pouvoir aider au développement technologique des entreprises sans nécessairement être à leur service. Le partenariat prend ainsi tout son sens, et il faut que les deux parties y gagnent.

Université et rentabilité sociale. Les universités ne produisent pas que des retombées technologiques, elles permettent de mieux gérer le développement de notre société en dévoilant toute la complexité des relations entre les humains. Ce savoir social est possiblement beaucoup plus difficile à chiffrer mais si fondamentalement important.

Partenariats avec le citoyen. L'université est un investissement collectif et un outil collectif. Pour que tous en apprécient la valeur, il faut en publiciser les avantages et expliquer aux gens l'importance de développer notre économie du savoir afin de protéger nos emplois, nos valeurs et notre niveau de vie.

Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas que, dans 20 ans, on va dépendre de ce qu'on découvre aujourd'hui. À cet égard, l'ACFAS peut et veut jouer un rôle important dans la valorisation du savoir. Ses 7 000 membres y croient et espèrent que le gouvernement fera les bons choix. L'ACFAS s'engage à développer cet arrimage entre les chercheurs et le public, à favoriser le débat public afin de développer une recherche pouvant s'ajuster le plus finement possible à l'ensemble des besoins de notre société. D'ailleurs, le programme du Parti libéral proposait que 1 % des efforts de recherche aillent à la vulgarisation. Et l'ACFAS est très bien positionnée, par sa revue, ses colloques et ses différentes activités, pour jouer un rôle actif dans cet objectif.

n(16 h 30)n

Alors, M. le Président, en conclusion, les baby-boomers doivent réaliser aujourd'hui que, s'ils veulent une société prospère dans 20 ans afin de leur assurer une retraite sereine, ils ont avantage à donner à leurs enfants les outils de prospérité qui permettront au Québec de participer pleinement au développement de la nouvelle économie du savoir. Ces outils passent par le savoir et le développement de la culture scientifique, et cela représente une des seules certitudes sur laquelle s'entendent les économistes.

La formation des chercheurs et la recherche universitaire sont notre responsabilité collective. À l'heure où notre avenir dépend de notre capacité à innover, à partager le savoir et à tirer profit d'un monde en mutation, nous devons absolument protéger et même accroître notre support à la recherche et aux efforts des chercheurs québécois. Dans un contexte de restrictions budgétaires, il faut mettre les ressources là où c'est essentiel, là où l'impact est maximisé ? cinq pour un ? là où le rendement est assuré. L'histoire et les experts le disent, le savoir vaut plus que l'or.

Alors, pour terminer, on demande donc au gouvernement trois points plus particuliers, donc: influencer l'investissement fédéral en infrastructures, ce que j'appelle dans mes mots prendre le contrôle de la FCI; doubler les budgets des trois fonds; et évidemment accorder aux universités les budgets qu'elles demandent parce que leur mission est tout simplement fondamentale. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Sirard. C'est à vous la parole maintenant, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue, au nom de notre gouvernement, à nos invités, M. Sirard, Mme Tanguay, Mme Martel.

Je voudrais profiter de l'occasion pour dire aussi toute mon admiration pour M. Sirard, qui est un chercheur de très haute renommée. Quand on dit «des chercheurs de catégorie mondiale», là je pense qu'il ne faut pas se gêner pour le dire. Il y en a d'autres qui l'ont dit, même au gouvernement du Québec. Le gouvernement du Canada s'est dit souvent très fier de compter au Canada un chercheur de ce calibre-là. Et ce n'est pas uniquement pour vous dire mon admiration là-dessus, mais c'est pour vous dire aussi, M. Sirard, que, au-delà d'une carrière en recherche qui est bien satisfaisante, vous n'avez pas hésité à travailler pour faire de l'innovation, faire en sorte que votre recherche puisse se traduire par des emplois au Québec. Mais, encore plus, vous avez décidé de vous investir dans l'ACFAS, ce qui est vraiment du bénévolat à tous points de vue, et ceci, avec des idées très claires de faire en sorte qu'au Québec on augmente notre culture scientifique et à tous les niveaux.

Et j'aimerais vous entendre un peu sur des éléments dont vous avez parlé mais votre vision qui part de très loin ? parce que vous m'avez déjà dit que ça partait des parents même, je pense ? qu'il faut atteindre pour faire en sorte qu'on se retrouve avec cet effort à assez long terme bien sûr, mais qu'on se retrouve avec ce dont vous avez parlé, c'est-à-dire une qualité d'étudiants, de chercheurs, de professeurs, de chercheuses aussi, à l'université. Alors, j'aimerais vous entendre un petit peu plus sur... élaborer sur ces questions donc de renouvellement du corps professoral ? vous en parlez. Mais d'où part-on pour s'assurer qu'au Québec on aura ces compétences scientifiques? Et on s'entend bien que, scientifiques, ce n'est pas uniquement la microbiologie, c'est aussi des sciences humaines, c'est aussi l'innovation sociale.

M. Sirard (Marc-André): Eh bien, je pense que mon implication dans l'ACFAS est un peu une démonstration de l'importance que j'accorde à ces valeurs-là parce que l'ACFAS, c'est des valeurs qu'elle véhicule, et ce, ça va depuis Marie-Victorin, développer une appréciation de la science, pas juste entre les scientifiques, mais par la société en général. Si, en tant que gestionnaires, je dirais, des grandes décisions à prendre en société, on est convaincus que la science est un moteur, que la science développe l'économie, il faut transmettre cette opinion-là, il faut transmettre cet amour-là de la science à toute la société, et ça, on a un défi à relever. Les gens ont pris la science comme acquise, c'était automatique, ça se développait, ils n'ont pas besoin d'y porter une grande attention, et on est en train d'avoir une sorte de désintéressement de la science, si on se compare aux années soixante ou soixante-dix. C'est vrai que la technologie n'a pas toujours eu réponse à tout, mais on est... on reste tout à fait conscients que la science et le savoir sont un moteur important.

Alors, comment aller donner aux jeunes le goût du savoir? Il faut passer par ce que j'appelle, moi, l'influence transgénérationnelle. Lorsqu'on a voulu conscientiser les gens que l'environnement, c'était important, bien, ça a pris 20 ans, ça a pris une génération pour que maintenant les gens qui sont en place dans les différents organismes, les jeunes sont conscientisés de l'importance de l'environnement et intègrent ça naturellement dans leur façon de traiter des valeurs puis de mettre les priorités. Bien, il faut faire la même chose avec la science, il faut expliquer pourquoi c'est important. Les gens voient la science comme des gadgets, voient la science comme des technologies, voient les sciences humaines comme des fois des gens qui rêvent et qui n'ont pas nécessairement de solutions pratiques. Mais on a juste à regarder la façon dont on gère, je ne sais pas, moi, le vieillissement de la population. On a besoin des gens en sciences humaines pour nous aider, on a besoin de recherche sur la façon de gérer ça.

Comment on informe le public que toute cette recherche-là qui se fait en sciences humaines, en technologie, sur l'eau, sur les banquises, que ça a un impact, peut-être pas court terme ? ça ne leur donnera pas un nouveau vidéo ou un nouveau gadget dans leur salon le lendemain matin ? mais que c'est cette science-là qui fait que le Canada est prospère, que le Québec se développe... Québec est sorti des années soixante avec un très bon investissement de ce côté-là, mais on dirait qu'on perd le momentum, que, les gens, c'est comme de l'acquis, ce n'est plus important. Donc, l'ACFAS veut jouer un rôle pour remettre la science à l'agenda des familles, des jeunes, des parents. Et tout l'ACFAS, c'est-à-dire tous les membres, tous les professeurs universitaires qui voient arriver ces étudiants-là, on fait tous le même constat: il est temps qu'on remette la science à la bonne place.

M. Reid: Merci beaucoup. Une deuxième question. Nous avons entendu parler pendant la commission mais aussi, je pense, assez souvent dans les journaux et dans les médias, nous entendons parler du rapport qui, selon certains, pourrait être très difficile, et qui l'est parfois, mais entre le privé et l'université. Et nous avons eu la possibilité d'entendre un certain nombre de craintes qui ont été présentées à ce sujet-là.

Vous qui, à la fois, êtes donc en pleine recherche dans sa partie la plus scientifique et la plus pure aussi, et qui faites l'ensemble de l'éventail, finalement, innovation, et qui êtes à ce moment-ci, là, et, à ce titre, aujourd'hui au niveau de l'ACFAS et donc en termes d'une vision sociale des choses et de la recherche aussi, vous nous avez dit tout à l'heure que le partenariat avec le privé, là, je le mets dans mes mots, là, mais est quelque chose qu'on est en train de faire et qu'il faut développer et qu'il est possible d'aider les entreprises privées sans être à leur service. Et j'ai pris ces mots-là, en tout cas, je les ai pris en note. Pourriez-vous un petit peu élaborer là-dessus pour peut-être nous aider ou aider ceux qui ont émis des craintes là-dessus à peut-être avoir un point de vue différent?

M. Sirard (Marc-André): Oui. Je vais commencer, et Geneviève, qui travaille avec un centre de liaison, pourra peut-être rajouter à mes propos. J'ai bénéficié dans ma carrière de beaucoup de support de l'entreprise et j'ai eu des chaires industrielles de l'entreprise. Donc, c'est l'entreprise qui payait mon salaire avec le CRSNG pendant des années. Et je crois, pour l'avoir vécu, qu'il y a énormément de place pour un partenariat. Les recherches qui ont été développées avec les fonds du CRSNG et de l'entreprise ont permis non pas seulement de faire bénéficier l'entreprise, mais de faire bénéficier, dans mon cas, tous les éleveurs du Québec. Je travaille dans un domaine de reproduction des gros animaux, des vaches en particulier. Et donc ça a bénéficié énormément à l'agriculture et à notre capacité d'exporter. Alors, ça, c'est un premier bénéfice. L'entreprise était contente, les agriculteurs, les producteurs sont contents, ils exportent.

La connaissance qu'on a gagnée là-dessus maintenant on s'en sert en clinique de fécondation in vitro chez l'humain, cette connaissance-là qu'on est allé chercher chez l'animal. Donc, on a pris un investissement qui venait pallier à un besoin de recherche, l'entreprise a mis un petit peu d'argent, elle a récolté les fruits un peu de ce qu'elle avait mis, mais la recherche fondamentale a évolué. J'ai pu former une quinzaine d'étudiants gradués juste sur ce projet-là, ce programme-là de chaire industrielle. Et ces étudiants-là maintenant, ils sont... Entre autres, il y en a un qui est rendu V.P. recherche pour cette compagnie-là, donc, qui permet ce transfert technologique là. On crée, je dirais, le savoir utile et on crée les étudiants gradués ou les nouveaux dirigeants pour être capables d'aller l'appliquer. Donc, c'est possible d'avoir un bon partenariat avec l'université.

n(16 h 40)n

Où ça devient un petit peu dangereux, c'est lorsqu'on travaille à contrat seulement et que l'université devient dépendante, pour l'entretien de ses laboratoires et le paiement de son personnel d'assistants de recherche, d'une part de contrat qui est trop importante. Alors, il faut donc garder un équilibre où l'entreprise privée ne pourra pas remplacer l'effort gouvernemental en recherche. Donc, les fonds subventionnaires, on en a besoin, et on a besoin d'eux pas juste pour la recherche en partenariat, même si c'est très important, on a besoin d'eux aussi pour la recherche fondamentale parce que c'est elle en tout premier lieu qui vient alimenter les différentes applications. Donc, il faut avoir un équilibre. Moi, je pense qu'il faut juger les cas un par un en fonction du contexte et garder un équilibre serein dans ce système-là. Geneviève?

Mme Tanguay (Geneviève): Moi, je vous dirais que j'ajouterais à ça que... Tout à l'heure, Marc-André vous parlait du fait que 82 % du financement de la recherche universitaire aux États-Unis dépend du gouvernement fédéral ou étatique américain. On est encore loin de ça au Québec ou au Canada, quoique les entreprises investissent, bon an mal an, de plus en plus et de mieux en mieux. Alors, tout le monde s'accorde pour dire qu'il y a énormément d'entreprises encore, de nos jours, à faible intensité technologique qui auraient avantage à bénéficier du transfert technologique universitaire. Il y a des entreprises qui n'ont pas même commencé à embaucher des universitaires, il y en a plusieurs comme ça au Québec.

Et c'est peut-être par un premier contrat avec une université que ces entreprises-là vont finir qu'à comprendre les bénéfices d'adopter des technologies en leur sein, qu'elles vont par la suite penser à embaucher quelqu'un pour développer leur propre capacité de R & D. On est loin de tout ça encore, on a beaucoup d'efforts à faire. Je travaille pour un centre de liaison et de transfert et je peux vous dire qu'il y a encore beaucoup d'étapes à franchir avant de convaincre les entrepreneurs, qui ne sont pas du tout sensibilisés à cette question-là, aux bienfaits du transfert technologique, aux bienfaits de la recherche et du développement scientifiques faits dans les universités et dans les centres collégiaux de transfert technologique aussi.

M. Reid: Est-ce que j'ai encore un peu de temps?

Le Président (M. Kelley): Oui. On peut revenir, parce que...

M. Reid: Oui? Oui.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Tanguay. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Je vais intervenir brièvement parce que mon collègue va intervenir à son tour. Mais bienvenue, au nom de ma formation politique, ça me fait plaisir de vous retrouver là. Vous avez effectivement un mémoire court mais très complet et très intéressant. Je voudrais dire à notre collègue, par ailleurs, de Jean-Talon que, s'il s'est remis un peu d'argent dans l'éducation, disons qu'en recherche on a réduit les sommes, hein? Alors, il faudrait être de bon compte, là.

Dans le mémoire, d'ailleurs, on rappelle que, en juin 2003, les fonds de recherche ont subi des coupures de 7 %, une baisse appréciable de 10 millions, et que c'est une première en 20 ans. Et cela représente, je cite, «un recul très important qui risque de se traduire en retards très coûteux et difficilement rattrapables». Alors, je pense qu'avec le plaidoyer qu'on vient d'avoir on est conscients que c'est plutôt l'inverse, la situation inverse vers laquelle il faut aller. Vous indiquez d'ailleurs dans votre mémoire que ? en fait, et vous terminez avec ça ? vous croyez qu'il faudrait doubler les trois... c'est-à-dire les sommes affectées aux trois fonds qui, soit, traitent de la santé, culture, société, nature ou technologie.

À partir de quelle analyse arrivez-vous à cette conclusion? Parce que, effectivement, on sait qu'il y a de plus en plus de demandes qui sont présentées aux fonds, que malheureusement ces demandes ne sont pas actuellement accueillies favorablement parce que les sommes ne sont pas disponibles. Mais est-ce que c'est à partir d'une connaissance concrète du terrain et de ce que vous avez pu constater dans les différents secteurs d'intervention?

M. Sirard (Marc-André): Oui. Eh bien...

Le Président (M. Kelley): M. Sirard.

M. Sirard (Marc-André): Merci. Pour faire un peu le bilan, là, d'à quel endroit les fonds sont nécessaires, il est évident qu'au niveau des bourses il y a un manque à gagner d'une quarantaine de millions juste pour répondre aux... pas à toutes les demandes évidemment, mais augmenter à un taux de support satisfaisant. Je prends aussi l'exemple du VRQ, que vous connaissez bien...

Mme Marois: Oui.

M. Sirard (Marc-André): ...parce que vous étiez en poste lorsque ça a été mis en place. Et le VRQ avait une enveloppe, je crois, de 55 millions. Et les fonds, je crois, et les chercheurs, on espérait que cette enveloppe-là serait récurrente, et même on pensait qu'une partie de cette enveloppe-là irait à l'établissement de la politique scientifique du Québec qui demandait aussi ces fonds-là.

Présentement, le VRQ est en train de s'essouffler, est en train de, je vous dirais, débuter une réaction de panique. On a développé des beaux réseaux depuis trois, quatre ans, on a fait un très bon maillage de nos équipes et nos centres de recherche à travers le Québec, puis là les subventions vont terminer. Et qu'est-ce qu'on va faire avec ça? Est-ce que ça va être reconduit? Et là les gens du VRQ se retournent vers les fonds subventionnaires, retournent vers les programmes de regroupement stratégique, entre autres au FQRNT, pour aller récupérer un support. On n'est pas pour laisser tomber ça, on vient de mettre une couple de millions, ça va très bien, on est réseautés, on est rendus les plus forts. On s'en va au Canada pour chercher la manne, puis là, d'un coup, on n'aura plus de support ici. Donc, un 55 millions doit aller nécessairement là.

Les fonds, les coupures. Les fonds, présentement, subissent des coupures. Alors, pour la FQRNT, deux coupures qui nous font très mal. Les équipes de recherche ont été annulées pour cette année, pas de demande d'équipes de recherche. Alors, pour moi, c'est un étudiant gradué, c'est un projet avec l'Université de Montréal, c'est une... de médecine vétérinaire qui va tomber, qui ne se fera pas. Ce n'est pas la fin du monde, mais c'est désagréable parce que l'étudiant qui a profité de ce régime-là il y a quelques années, il est rendu agent de brevet, il est rendu... Et là il ne sera plus là, on vient de l'échapper, cet étudiant-là, il ne pourra pas jouer ce rôle-là dans la société.

Les équipes de recherche, c'est un programme important parce qu'il ne donne pas beaucoup de fonds à la recherche, on va chercher le fonds au fédéral, il met les gens du Québec ensemble sur les mêmes sujets pour qu'on ne se compétitionne pas mais qu'on travaille de façon concertée. Ça ne prend pas beaucoup d'argent, la concertation, moins que de développer le projet. Et, cet argent-là, je vous l'expliquais, il a un effet levier de cinq pour un.

Revenons aux regroupements stratégiques, c'est le programme qui remplace les centres de recherche. On est en train de voir mourir plusieurs centres de recherche. Lorsque le programme a été mis en place, on espérait le 55 millions, je crois, pour la politique scientifique du Québec. Lorsque la loi a divisé les trois fonds, je dirais, elle a renouvelé leurs mandats, et là, tout d'un coup, on n'a pas les ressources pour faire ce qui avait été prévu. Le programme a été mis en branle puis les fonds n'ont pas d'argent pour le mettre en place. Donc, présentement, on assiste, depuis un an ? ce n'est pas dans le futur, depuis un an, là ? on assiste à la mort de plusieurs centres de recherche au Québec, puis pas des centres sous-performants, mais parce que le programme n'a pas les moyens de ses ambitions, c'est tout. Donc, au niveau de ce programme-là, ce n'est pas seulement le VRQ qu'il faut reconduire de 55 millions, mais attribuer ce 55 millions aux fonds, aux trois fonds subventionnaires. Donc, si on additionne ça, ça fait 160.

Mme Marois: D'accord. Mon collègue va prendre la relève, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): ...

Mme Marois: Merci. En fait, je pourrais vous parler longuement sur Valorisation Québec, là, Valorisation-Recherche Québec parce que, effectivement, c'est des sommes qui s'étaient dégagées de surplus qu'on a eus autour de 1999-2000 et on avait dégagé donc des sommes considérables. Certains trouvaient que c'étaient des organismes sans but lucratif qui n'avaient pas d'allure, mais disons que ça avait une certaine allure, comme on peut le constater. Et il faudrait, vous avez tout à fait raison, remettre de l'argent dans ces fonds-là qui ont quand même été efficaces sur une période de, quoi, trois ans et demi, presque quatre ans...

M. Sirard (Marc-André): Exact.

Mme Marois: ...ce qui veut dire que, si on était capables de donner un... de procéder à un investissement supplémentaire, c'est évident qu'on réussirait à répondre à beaucoup de besoins auxquels vous avez fait référence. Je ferme ma parenthèse.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour de saluer M. Sirard, Mme Tanguay et Mme Martel, en particulier Mme Tanguay, puisque son père a rendu des services incommensurables à la communauté des Îles-de-la-Madeleine.

M. le Président, je veux faire une intervention. Je sais que... Et je ne veux surtout pas relancer le débat, mais je pense que le ministre a parti le bal, d'une certaine façon, et je veux profiter du mémoire qui est devant nous, puisqu'il est très explicite et très complet, pour faire en sorte de revenir sur ce sujet. Je sais que parfois on peut être partisan, mais je pense que, là, le ministre, en voulant discréditer le parti qui était devant nous il y a quelques instants, je pense qu'il est allé un peu loin.

Comme professeur d'histoire, M. le Président, je peux vous dire que, lorsque le ministre parle de blessures qui ont été infligées à certaines universités qui sont venues nous parler de cela, je pense qu'effectivement la société québécoise a dû consentir des efforts considérables pour redresser une situation financière où on était dans une situation de déficit chronique, et, à ce moment-là, la situation le commandait. Je pense, par exemple, que le ministre va reconnaître et tous les gens qui sont dans la commission que le gouvernement précédent a consenti, dans l'année 2002-2003, un réinvestissement sensible. D'ailleurs, les gens des universités nous l'ont mentionné devant cette commission.

Alors, je pense qu'il est important de mentionner, pour la députée de Jean-Talon en particulier ? et je veux citer ce mémoire qui nous est présenté par les bénévoles de l'ACFAS ? que, malgré ces efforts, malgré ces efforts qui ont été demandés à la société québécoise, notre gouvernement avait tablé sur l'importance à accorder à la recherche, à l'économie du savoir, à la recherche et au développement. Pour la députée de Jean-Talon, je citerais le mémoire des gens de l'ACFAS, à la page 4, M. le Président: «Jusqu'à maintenant, l'économie québécoise s'est fort bien adaptée à la "nouvelle" économie.» La nouvelle économie, c'est l'économie du savoir.

n(16 h 50)n

«En 2000, par exemple ? je sais que la députée de Jean-Talon est chauvine quand il s'agit de l'Université de Montréal... de Laval, mais, quand même, M. le Président ? Montréal se situait au quatrième rang pour le plus grand nombre d'entreprises du haut savoir per capita parmi les villes canadiennes et américaines de plus de 3 millions d'habitants. Tout juste après San Francisco, Seattle, Boston ? on ne parle pas des autres villes canadiennes, M. le Président. En aérospatiale, elle se classait deuxième; en biopharmaceutique, troisième; et en technologies de l'information, quatrième.»

À l'autre page, M. le Président, à la page 5: «On note aussi que la nécessité d'innover amène bon nombre d'entreprises de haut savoir à vouloir se localiser dans les villes "universitaires". En 2000, Montréal ? et je cite toujours le mémoire qui est devant nous ? s'est positionnée comme la 12e technopole mondiale, et ses quatre universités étaient une donnée essentielle à cette performance.» Et, M. le Président, votre fille fréquente une de ces universités. Dans les universités québécoises, entre 1993 et 2001 ? ça correspond à une époque, M. le ministre, où il y avait un gouvernement d'un autre parti politique ? le montant des subventions en partenariat avec le milieu non universitaire a augmenté de près de 500 %. Il est passé de 8 millions à 42 millions.

Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que, la semaine dernière, on a rendu hommage à un ancien ministre de l'Éducation, que vous avez bien connu, qui a travaillé pour Le Devoir, dont la devise est: Fais ce que dois. Alors, je pense que les gouvernements prennent des décisions en fonction des responsabilités qu'ils ont devant eux. Alors, M. le Président, je pense qu'il appartient au ministre de prendre des décisions, et les gens sont venus lui dire quelles décisions il était préférable qu'il prenne pour l'avancement de la science et le développement des universités québécoises.

Alors, je reviens à l'excellent mémoire que nous avons devant nous, M. le Président. C'est tout à fait normal, compte tenu de votre mission même et du bénévolat que vous faites, de faire l'apologie de la recherche, du développement qu'il y a au Québec au cours des années récentes. D'ailleurs, vous faites une démonstration impressionnante de la pertinence et de l'efficacité des fonds de recherche du Québec dans le développement des partenariats aussi.

Alors, lorsque vous demandez de doubler les fonds de recherche, est-ce que vous avez une idée des impacts réels, concrets que ça pourrait avoir dans l'ensemble du réseau universitaire? Est-ce que ça pourrait faire en sorte qu'on n'ait pas besoin d'augmenter les frais de scolarité, des choses comme ça? Parce que vous n'en parlez pas trop dans votre mémoire.

Le Président (M. Kelley): Alors, rapidement, parce que, après ça, je vais me tourner à ma droite. Alors, M. Sirard, la parole est à vous.

M. Sirard (Marc-André): Oui. Alors, rapidement aussi. Donc, je dirais, le développement du partenariat avec les entreprises, on l'a évoqué tantôt, est une façon de voir, je dirais, une source d'appariement de fonds, mais l'augmentation qu'on veut pour les fonds subventionnaires va aller beaucoup plus servir, je dirais, de levier principal pour aller chercher de l'argent à Ottawa. Tout le monde le sait qu'il y en a un petit peu plus là qu'ailleurs.

Et ce qui semble vrai sur la scène canadienne, c'est que les groupes qui s'organisent, que ce soit en Saskatchewan, en Colombie-Britannique, à Toronto, à Guelph, les groupes qui sont capables de s'organiser, de monter des demandes structurées, de monter des demandes où il y a une adéquation avec l'entreprise, il y a une réponse, un besoin de la société, où tous les fils sont bien attachés et on sait que la recherche va servir, servir pas juste l'entreprise, mais servir la société en général, ces regroupements-là, les réseaux entre autres, ont beaucoup de succès pour aller chercher des fonds fédéraux. Les fonds québécois servent principalement ou particulièrement à créer ces réseaux-là, à créer les équipes, à les structurer. Les autres provinces sont jalouses de nous autres, pour l'instant. Ils sont en train d'essayer de nous copier, puis, nous autres, de l'autre côté, on diminue les fonds puis on diminue à des endroits où ça fait excessivement mal.

Donc, 160 millions, évidemment, c'est énorme, j'en conçois, je suis un payeur de taxes moi aussi, mais, si on regarde par rapport à ce qui est émis par la FCI ou pour d'autres types d'investissements, ce n'est pas si grand que ça. Et on parle d'investissement qui va servir à monter notre nouvelle génération de chercheurs. Dans les années soixante, soixante-dix, les universités au Québec se sont développées et on a formé beaucoup de chercheurs et il y a beaucoup de ces chercheurs-là qui sont revenus. C'est le temps d'encaisser, c'est le temps de profiter de cette manne-là de recherche et de développer l'économie du savoir. Et, pour ça, il faut être compétitif parce que l'argent est au fédéral, puis, pour ça, on a besoin des fonds subventionnaires. Ça fait que, ce qu'on demande, c'est un effet de levier. Alors, c'est du cinq pour un. Il n'y a pas un REER qui donne ça, du cinq pour un.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Oui. M. Sirard, je voudrais qu'on revienne et vous épargner un peu cette... une intervention de politique partisane. Nous aurons bien l'occasion, à l'Assemblée nationale, de reparler de ces éléments-là, et j'aurai l'occasion de souligner, comme je l'ai déjà fait, chiffres en main, que l'éducation, et en particulier le financement des universités, n'a jamais été une priorité pour le gouvernement précédent.

Je voudrais revenir à des éléments qui nous permettront d'avoir votre éclairage, et en particulier toute cette question du développement de la recherche dans les universités qui ont une courte tradition de recherche parce qu'elles sont plus jeunes. Je pense aux universités en particulier qui se trouvent en région, à l'extérieur des centres, Québec, Montréal. Le président de l'Université du Québec nous a mentionné qu'il était très clair pour l'Université du Québec que, quitte à faire des choix de créneaux, etc., l'Université du Québec et ses constituantes allaient se développer et allaient développer la recherche dans le sens que vous mentionnez, étant aussi conscients du rôle que cette recherche-là doit jouer dans l'innovation et le développement de la région sur le plan des entreprises et aussi évidemment sur le plan social et culturel.

Vous qui avez quand même, à l'ACFAS, l'occasion de parler avec tous ces chercheurs et toutes ces chercheuses de l'ensemble des universités du Québec, comment vous recevez cette vision d'un futur où la recherche va se développer partout au Québec?

Le Président (M. Kelley): M. Sirard.

M. Sirard (Marc-André): Merci. Évidemment, avec le réseautage dont je parlais tantôt, c'est de plus en plus facile pour les chercheurs d'embarquer dans les regroupements et, même s'ils sont éloignés ou dans une université qui n'est pas centrale, de participer activement à la recherche. Dans notre centre de recherche, on a des gens de l'UQTR, de l'Université du Québec à Rimouski, à Trois-Rivières. Et, si on n'avait pas une subvention de centre ou de réseau de recherche, on ne pourrait pas aller chercher ces chercheurs-là dans les universités périphériques et les impliquer dans nos programmes de recherche.

Il y a des secteurs qui s'y prêtent plus que d'autres, si on parle des secteurs où il y a des impacts un petit peu plus localisés ou, je dirais, hors grandes villes. Parlons de la foresterie, par exemple, où l'Université du Québec à Chicoutimi a beaucoup de chercheurs qui sont très actifs dans les réseaux en collaboration avec l'Université Laval. Si chacune des universités jouait son rôle toute seule dans son coin puis on n'avait pas les fonds pour nous mailler, pour faire nos actions concertées, pour faire nos réseaux de recherche, bien là peut-être qu'on aurait un genre de positionnement. Alors, l'Université du Québec à Chicoutimi pourrait revendiquer: Nous, on ramasse le monopole de, je ne sais pas, moi, la recherche en foresterie, alors qu'avec les réseaux l'éloignement n'a pas beaucoup d'impact tant que la recherche peut être réseautée et faite en partenariat. Donc, les universités du Québec se servent peut-être encore plus que les autres universités des fonds pour se réseauter.

M. Reid: J'ai l'impression qu'on avance, là, M. le Président, sur les éléments de la politique de développement régional. Donc, ce réseautage de groupes de recherche, pour vous, c'est un élément fondamental du développement de la recherche en région et aussi du développement, j'imagine, de façon équivalente, du développement de la recherche même dans les grandes universités où il y a des nouveaux créneaux qui se développent, par exemple.

M. Sirard (Marc-André): Particulièrement aussi, pour les nouveaux professeurs ou les nouveaux secteurs en développement, que ce soit la nanotechnologie ou des choses qui sont en émergence, c'est rare qu'on peut créer, à partir de deux, trois professeurs, un secteur de recherche. Et, maintenant, avec l'Internet, vous savez, on est tout de suite à travers le monde. Donc, si on veut atteindre une certaine masse critique, avoir un certain nombre de gens alentour de la table lorsqu'on veut partir des projets, bien, les fonds subventionnaires nous donnent les outils, par les équipes de recherche, les centres de recherche, pour faire ça rapidement.

Donc, un secteur qui se développe, qui va... Rapidement, les gens vont être maillés ensemble, vont être aussi invités à aller contacter l'industrie qui pourrait avoir des intérêts, voir si, dans leurs programmes de recherche, ils ne peuvent pas, en plus de la recherche fondamentale, inclure ces aspects-là, et donc créer l'effet de pertinence dont je parlais tantôt, qui fait en sorte que l'argent est bien dépensé.

Mme Tanguay (Geneviève): J'ajouterais à ça, si vous le permettez, qu'on est en train de voir aussi des clusters régionaux qui se forment par rapport à ces forces de recherche situées principalement en région. Si on regarde ce qui se passe à l'Université du Québec à Rimouski, avec tout ce qu'il y a autour des biomolécules marines, le Centre de recherche en biomolécules marines qui est situé là aussi, on commence à voir des entreprises émergentes dans ce secteur-là. Même chose à Sherbrooke, en environnement, vous le savez, et aussi dans le biomédical, dans le pharmaceutique. À Trois-Rivières, on parle de bioprocédés industriels. Bien, je vous parle de biotechnologies parce que c'est mon dada, mais ça se répercute aussi dans d'autres secteurs.

La valorisation forestière, comme le disait Marc-André Sirard, à Chicoutimi, il y a déjà une entreprise, STL Pharma, qui vient d'ouvrir ses portes. Donc, on voit que ces réseaux de recherche là, qui sont maillés à travers tout le Québec, ont un impact économique très important, un développement économique, des emplois à très haute valeur ajoutée en région.

M. Reid: Est-ce que j'ai encore un peu de temps?

Le Président (M. Kelley): Oui.

n(17 heures)n

M. Reid: Oui. J'aimerais revenir un peu sur la question des frais indirects. Nous avons pris une décision de donner l'exemple et de concentrer les frais indirects sur les subventions du Québec à hauteur de 55 % à 65 %. Évidemment, il n'y a pas de nouvel argent, mais c'est une façon de les identifier très clairement à la hauteur de ce que doivent être les frais indirects. Comment vous voyez qu'on pourrait inciter... D'abord, je ne sais pas si vous pensez que c'est la bonne chose à faire. Mais comment vous pensez qu'on pourrait inciter les autres subventionneurs, dont principalement le gouvernement fédéral, à atteindre aussi ou à payer également les frais indirects à la hauteur des coûts qui sont reconnus comme étant les coûts réels? Et sinon quels sont les impacts que vous voyez que ça crée dans la recherche québécoise?

M. Sirard (Marc-André): Merci. Je veux être sûr de bien positionner, là, ce que je vais répondre. Ce qu'il faut éviter, c'est que les frais indirects aient payer l'épicerie, dans le sens que les universités sont présentement en déficit ou en manque de besoins évident à tout point de vue. Si les frais indirects sont immédiatement réabsorbés dans le fonctionnement et que, je dirais, le monde de la recherche ne peut en bénéficier, je pense qu'on manque une belle occasion de promouvoir le développement du savoir dans nos universités.

Alors, la façon de faire pour que ces frais-là ne soient pas réabsorbés sur l'épicerie, c'est de donner aux universités le soutien financier dont elles ont besoin pour que les frais indirects à la recherche puissent servir à aller en partie payer ces fonctions-là d'aide à la recherche. C'est un argument qui serait sûrement important à servir au fédéral et aussi important à servir aux entreprises, qui paient aussi des frais de recherche indirects. Et, lorsqu'on a à négocier avec une entreprise, on dit: Bon, vous faites de la recherche à l'université, c'est 30 %, 40 % que vous devez payer. Puis là les gens nous demandent: À quoi ça sert, cet argent-là? Et, si on dit que ça sert à payer la peinture sur les murs, c'est moins motivant pour eux autres que si on dit que ça permet de payer des techniciens qui s'occupent des animaux, ça permet de payer l'entretien des équipements de recherche dont on a besoin pour faire leur projet. Donc, ils ont l'impression d'avoir un meilleur retour sur leur contribution au support universitaire lorsqu'ils paient ces frais indirects là. Donc, c'est peut-être des pistes de solution pour des arguments à servir au fédéral ou dans les industries.

Mais évidemment on pense, on espère que le fédéral va aussi augmenter sa contribution des frais indirects parce que, c'est une réalité, faire de la recherche entraîne des coûts pour les universités et ces coûts-là ne doivent pas être retournés directement aux chercheurs, mais plutôt l'université doit apporter un support maximal aux chercheurs qui essaient de livrer le livrable, c'est-à-dire qui essaient de livrer la marchandise, donc le savoir produit.

Mme Tanguay (Geneviève): Il pourrait y avoir, si vous permettez...

Le Président (M. Kelley): Mme Tanguay.

Mme Tanguay (Geneviève): ...aussi un effet, un impact négatif si éventuellement le fédéral n'emboîtait pas le pas. C'est qu'on va voir les centres décisionnels, des réseaux de centres d'excellence quitter le Québec et aller ailleurs, là où peut-être ils pourront être en mesure d'obtenir des frais indirects pour couvrir ces dépenses-là.

Vous le savez, les réseaux de centres d'excellence, c'est de l'infrastructure, en grande partie, mais ça ne couvre pas les frais indirects, ça ne couvre pas plusieurs postes budgétaires, d'entretien, d'étudiants, tout ça. Alors, si on ne veut pas voir ces centres d'excellence là migrer à l'extérieur du Québec, si on ne veut pas que les prochaines demandes proviennent de l'extérieur du Québec et que nous ne soyons que des petits acteurs minoritaires, je crois qu'il faut s'assurer qu'on appuie nos chercheurs québécois.

Le Président (M. Kelley): Ça va?

M. Reid: Oui. Il ne reste plus de temps, là?

Le Président (M. Kelley): Non, il ne reste plus de temps. Mme la députée de Taillon, en signalant qu'il vous reste sept minutes pour votre formation politique.

Mme Marois: Ah bon! Ça va, très bien. Alors, merci, M. le Président. Je veux revenir sur une des dernières interventions que vous avez faites sur la Fondation canadienne de l'innovation. Bon. Je pense que le Québec est allé chercher plus que sa part, on le sait, là. Je cherchais les chiffres, mais je crois qu'on ne les a pas dans le cahier, là, par rapport à la...

Une voix: 32 %...

Mme Marois: C'est ça, 32 % versus 24 % qu'on représente comme population. Bon. On ne regardera pas le PIB, là, on va s'arrêter là. Bon. Évidemment, je n'ai pas besoin de vous faire de longues démonstrations sur le fait que je crois que ça devrait être chez nous, cet argent, et puis on devrait établir nous-mêmes nos priorités, etc.

On a choisi un modèle pour s'assurer qu'à tout le moins les priorités québécoises allaient être ordonnées, hein, et je pense que vous connaissez assez bien le modèle. Alors, les ministères concernés, que ce soit la Santé, que ce soit l'Éducation ou Recherche, Science et Technologie, avaient un comité ministériel, les projets étaient évalués par les pairs, ensuite on les ordonnait. Et puis évidemment c'est des sommes considérables, parce qu'on met notre part, là, hein, notre 40 %. Puis, dans l'argent qui vient de la Fondation canadienne, bien, il y a au moins notre part aussi, hein, comme citoyens, on l'a quand même versée comme contribuables. Et ils ont respecté l'ordre des priorités, généralement; pas tout le temps. Il y a eu des fois où on a dû batailler un peu ferme parce qu'ils passaient à côté puis, bon, etc., en fonction de d'autres intérêts qu'ils avaient, etc.

Qu'est-ce qu'on devrait faire de plus ou de différent, qu'est-ce que le ministère, le gouvernement du Québec devrait faire autrement que ce qu'il a fait jusqu'à maintenant pour aller chercher toute sa part et puis s'assurer que l'ordre des priorités va être notre ordre de priorités? Parce que vous avez terminé votre intervention en parlant de cet aspect-là en particulier, hein?

Le Président (M. Kelley): M. Sirard.

M. Sirard (Marc-André): Oui. Je pense qu'il faut prendre le leadership. Lorsque l'argent est arrivé, tout le monde a salué cette arrivée-là. Évidemment, on a tout de suite réalisé qu'il fallait investir nous autres aussi, et je pense que l'investissement, à date, a été très profitable. Le 500 millions qui a été mis, ce n'est pas de l'argent gaspillé. Au contraire, les universités en avaient besoin, les équipements étaient rendus vétustes et souvent les bâtiments ou les conditions de travail l'étaient aussi.

Mais là il faut trouver de l'argent pour les utiliser, ces équipements-là. Et là le besoin en équipements neufs devient beaucoup plus modeste... ou modéré plutôt.

Mme Marois: ...marginal.

M. Sirard (Marc-André): Et comment prendre le contrôle? Alors, je crois qu'on doit féliciter les gens du gouvernement du Québec qui ont su manœuvrer pour avoir un droit de regard sur les dépenses de la FCI au Québec, ce qui n'est pas vraiment le cas ailleurs. Donc, on a vraiment bien joué nos cartes de ce côté-là. Mais là j'irais un petit peu plus loin, j'irais à prendre le leadership en proposant avec... en consultant les universités, en proposant la nouvelle façon dont, nous autres, on aimerait que ces formes-là soient... ces argents-là, c'est-à-dire, soient dépensés ou soient alloués. Et ça, il s'agit juste de la prendre, l'initiative.

On arrive, on dépose un document au fédéral: Nous, on aimerait que tant d'argent aille à l'infrastructure des universités, tant d'argent aille aux «operatings», qu'on appelle, c'est-à-dire aux fonds de recherche qui permettent d'utiliser les équipements, et que ce soit donné au prorata des fonds fédéraux obtenus, comme c'était le cas pour la FCI, et que, nous, on ait notre agenda, que, nous, on propose. Et, que les autres provinces fassent pareil par la suite, ça ne me dérange pas, pas de problème. Mais, si on ne le fait pas, qu'est-ce qui va arriver? Quelqu'un d'autre, probablement pas du Québec, va décider à notre place comment ces argents-là doivent être dépensés.

Le Président (M. Kelley): Alors, il reste trois minutes au député des Îles.

Mme Marois: Je pense que le ministre a compris.

M. Arseneau: Oui, M. le Président. Bien, d'abord, vous savez, je ne suis pas étonné, je suis agréablement surpris d'entendre l'association de chercheurs venir nous parler de recherche appliquée, de partenariat, de développement dans les régions ? on n'est pas loin des créneaux dont nous parlions, puis c'est tout à fait exact, Mme Tanguay, ce qui se passe dans les régions du Québec, à l'est comme à l'ouest, un peu partout ? et d'ententes de partenariats à développer. Et je pense que c'est de cette façon-là qu'on va non seulement développer la recherche, mais qu'on va être justement en mesure de développer des produits, de créer des emplois dans les régions du Québec.

Il y a quelque chose qui m'a surpris aussi dans votre mémoire, puis c'est parce que c'est la première fois que j'entends cet aspect-là, puis j'aimerais que vous me donniez une définition, parce que vous dites: «C'est en étroite coopération entre le politique, l'économique et le communautaire que nous proposons d'engager la recherche.» Alors donc il y a la recherche, le secteur universitaire, puis vous parlez du communautaire. Comment vous définissez le communautaire? Et quelle est la place que vous lui faites, là, dans la recherche? Puis l'université puis le communautaire...

Le Président (M. Kelley): M. Sirard.

M. Sirard (Marc-André): Merci. Alors, je l'ai dit tantôt, un petit peu, la science doit se développer en particulier pour les aspects culturels, il faut donner une culture de la science. Si on veut que tout le monde participe aux profits mais aussi participe à l'effort que va être l'investissement en recherche, il faut convaincre de l'importance que ça peut avoir. Et les gens voient la science comme quelque chose de plus utile à leur quotidien, mais ils ne se rendent pas compte de tout ce qu'ils utilisent qui vient de... thermos, de n'importe quoi qu'on utilise à chaque jour, c'est comme acquis. Alors, comment la communauté scientifique peut faire les ponts entre les applications économiques, leurs recherches et aussi l'utilisateur, le consommateur, les gens qui vont en profiter? Ça, c'est un premier aspect où on doit valoriser l'impact ou l'apport de la science dans notre société.

n(17 h 10)n

Un autre point. On doit faire maintenant la recherche plus de façon transdisciplinaire. Je sais que c'est un mot galvaudé, là, mais je vais essayer de vous donner un peu ce que j'en pense du transdisciplinaire. On doit arriver à s'entendre au moins entre les universitaires sur les valeurs qui sont à développer. Tout le monde est d'accord que l'environnement est important, mais on arrive avec des programmes de centrale ou avec des programmes de différentes choses, et là on voit même entre les universitaires qu'il n'y a pas nécessairement soit un consensus mais au moins une perception concertée des problèmes.

D'où l'importance d'avoir des forums ? comme l'ACFAS, notre congrès annuel ? où on met ensemble des spécialistes de différents domaines, sciences humaines et sciences exactes. On parle de traitements médicaux, mais on ne pense pas souvent à l'infirmière qui est obligée de le donner puis à celle qui est obligée d'aller reconduire la madame à sa maison. Il faut avoir des gens de sciences humaines qui ne vont pas juste... qui font plus que regarder ça, mais donner un conseil, faire une étude approfondie comment ces changements-là, ces technologies-là sont imbriqués dans notre société, dans notre environnement, dans notre quotidien. Et, si on ne fait pas ce travail-là, les gens ne comprendront pas les scientifiques, ne comprendront pas l'apport que les scientifiques peuvent faire à la société, ils ne le verront pas.

Le Président (M. Kelley): On vous demanderait de conclure, s'il vous plaît.

Mme Martel (Christine): M. le Président, si vous permettez, juste donner un exemple des activités que l'ACFAS... le programme d'activités avec l'aide du gouvernement. Une des activités les plus populaires en ce moment s'appelle Science et société, qui, avec le consulat français et avec le gouvernement du Québec, organise des week-ends dans les cégeps entre des chercheurs, mais de renommée, qui viennent tout le week-end passer leur temps, échanger avec des jeunes qui s'intéressent à la science. L'ACFAS organise un certain nombre d'activités de ce type-là, des concours de vulgarisation scientifique, des concours de communicateurs scientifiques qui sont capables de parler de la science au grand public.

Quand on parlait de communautaire, on parlait, oui, de la communauté, de la société. Et on se doit d'être au coeur, nous, l'ACFAS, parce qu'on a la chance d'avoir comme membres des grands scientifiques, on se doit d'être au coeur de cette société-là pour dire aux jeunes: Écoutez, il y a des choses intéressantes à faire en science, et ce n'est pas si compliqué que ça, de faire de la science ou de faire de la recherche. Et donc, quand ils ont cette chance-là...

On fait des sondages. Si vous voyiez le résultat des sondages des jeunes, à quel point ils sont emballés. Ce n'est pas très cher. Le gouvernement nous donne un petit coup de main, le consul de France... le consulat français aussi, ça ne nous coûte pas très cher. Les cégeps sont emballés. Et c'est en train... Je pense qu'on est en train d'être victimes de notre succès parce que chaque année ça grossit, il y a de plus en plus de cégeps qui veulent embarquer. Ce que je vous donne, c'est simplement un petit exemple, là, de ce que l'ACFAS fait en termes de vulgarisation et aussi de rapprochement avec la société.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Martel. Malheureusement, je dois mettre fin à l'échange, mais vos paroles me font penser... Je pense que c'était le recteur de l'Université du Québec à Rimouski, qui a parlé de ces dîners transdisciplinaires ou interdisciplinaires, mais tout l'effort qu'ils ont mis entre leurs professeurs et leurs étudiants d'avoir des échanges. Alors, merci beaucoup pour le témoignage cet après-midi à la fois d'une chercheure de renommée mais également d'une bénévole qui est dévouée à la cause de la recherche au Québec. Alors, au nom de tous les membres de la commission, merci beaucoup pour votre présentation aujourd'hui.

Je vais suspendre nos travaux quelques instants. Et j'invite les représentants de l'Union des forces progressistes à prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

(Reprise à 17 h 17)

Le Président (M. Kelley): J'invite, si possible, les représentants de l'Union des forces progressistes à prendre place. Et, peut-être, si le ministre veut terminer sa journée, il faut commencer avec le dernier groupe.

Alors, bienvenue aux représentants de l'Union des forces progressistes. Vous avez une vingtaine de minutes. Je vais demander aux membres dès maintenant le consentement pour un léger dépassement de 18 heures parce qu'on va accorder aux représentants de l'union tout le temps qu'il faut à la fois pour présenter leur point de vue et échanger avec les parlementaires. Alors, il y a consentement? Alors, sur ça, je passe la parole... C'est bien vous, M. Dostie? À vous la parole, M. Dostie.

Union des forces progressistes (UFP)

M. Dostie (Pierre): Je vais la passer tout de suite à mon collègue.

Le Président (M. Kelley): Le pouvoir de délégation.

M. Dostie (Pierre): La collégialité.

M. Casgrain (Antoine): Donc, simplement, avant de commencer, on voulait juste faire un remerciement. Pierre et moi, on souhaitait remercier Magali Paquin, qui est la coordonnatrice du mémoire. Elle était supposée être avec nous aujourd'hui, mais, pour cause de maladie, elle a dû se désister. Donc, nous la remercions pour son travail exceptionnel sans lequel, là, notre présentation ici aurait été impossible. Je repasse la parole à Pierre Dostie.

M. Dostie (Pierre): Je présenterai la première partie, et Antoine complétera la deuxième partie. D'abord, je voulais vous remercier de nous avoir invités à présenter notre point de vue sur ces enjeux importants, ces enjeux centraux pour le développement du Québec que sont la qualité, l'accessibilité et le financement des universités.

Nous voulons vous partager notre préoccupation quant à ce que nous percevons comme étant une mutation importante que nous observons dans le monde universitaire québécois. Cette mutation est profonde, et nous percevons qu'elle dessine une orientation de plus en plus dirigée vers, si vous voulez, la compétitivité et les règles du jeu de l'économie actuelle, délaissant en bonne partie la mission première de l'université, qui est celle d'apprendre, apprendre à apprendre, apprendre à être ensemble et aussi d'avoir une vision critique également de ce que nous enseignons, des savoirs que nous transmettons.

n(17 h 20)n

Il y a un recentrage des activités d'enseignement et de recherche que nous observons autour principalement des besoins des entreprises et des marchés. On comprend que c'est beaucoup valorisé dans le discours dominant actuel. Mais il faut sonner l'alarme sur l'importance de préserver d'autres missions, comme celle de l'enseignement et aussi celle des besoins, de tout l'ensemble des besoins de notre société.

C'est bien reconnu maintenant par tous et toutes que le sous-financement des universités est une réalité. Ce sous-financement-là nous vient en partie de la contribution qu'on a exigée des universités à l'atteinte du déficit zéro. On aurait pu utiliser d'autres stratégies. On a remarqué un certain désengagement de l'État, pendant qu'on a vu émerger de plus en plus une place qu'on a accordée au privé, dans l'insertion de plus en plus visible du privé dans le monde de l'éducation et en particulier dans le monde universitaire, ce qui nous mène à nous interroger sur ce que nous avons fait de l'héritage du rapport Parent qui disait que l'éducation, c'est la richesse d'un peuple. Et un des grands acquis du rapport Parent, c'est une accessibilité beaucoup plus grande de l'éducation pour tous les Québécois et pour toutes les Québécoises.

On voit donc qu'il y a des formations, il y a des compétences plus rentables que d'autres qui sont encouragées. Il y a d'autres compétences qui sont moins rentables, moins vendables, comme la philosophie, l'histoire, les lettres, les arts, qui en font les frais. On voit aussi... On a parlé beaucoup de la recherche, dans la dernière heure. On n'a pas beaucoup parlé de son objet, on n'a pas beaucoup parlé de qui profite des résultats de ces recherches principalement. Mais nous voulons insister sur l'importance du bien commun, de faire en sorte que toutes les recherches non seulement ne soient pas uniquement centrées ou principalement centrées sur les besoins économiques, mais aussi sur les besoins sociaux, philosophiques de la société québécoise, mais aussi qu'elles ne prennent pas le pas sur l'enseignement. On est convaincus que l'enseignement, c'est le parent pauvre de l'université. On ne parle pas beaucoup de pédagogie, il n'y a pas beaucoup de concours pour amener une certaine émulation dans le monde de l'enseignement pour faire en sorte que les professeurs, par exemple, et les chargés de cours développent des stratégies pédagogiques plus variées, plus intégrées. On pense que ça devrait être encouragé.

On pense aussi qu'il y a un contexte mondial, comme celui des accords de l'OMC, qui vont prendre effet en janvier prochain, comme l'Accord de libre-échange nord-américain, comme le projet de ZLEA. Ces accords ou ces projets d'accords amènent des changements très importants dans la structure de nos sociétés et vont faire en sorte que... et ont déjà commencé à faire en sorte que ce que nous avons jusqu'ici toujours considéré comme étant un bien commun va être mis au jeu dans ce marché des marchandises. Et évidemment cette incursion du privé dans ces nouvelles marchandises que sont les services publics, l'éducation, va contribuer à mettre en danger l'universalité des programmes, l'accessibilité, par exemple, à l'universalité, va changer l'orientation, entre autres, de l'université. Le Québec doit affirmer sans nuances le caractère public de l'éducation et s'opposer à ces traités internationaux ou aux clauses qui mettent en danger le bien commun à travers la mise au jeu de ces biens publics que sont l'éducation et la santé.

Nous croyons que c'est l'être humain dans sa globalité, comme individu, comme société, comme espèce, qui devrait être le vecteur de l'activité universitaire, tant en enseignement qu'en recherche. La mission de contribuer à l'esprit critique et à l'éthique a besoin d'être renforcée chez l'université en ces temps de discours unique de marché mondialisé. Seul l'État peut préserver cette mission et faire en sorte que l'université contribue à la paix mondiale et non l'inverse en brevetant le vivant ou en participant à la recherche sur l'armement. Il faut donc investir massivement dans les programmes universitaires, prévoir aussi une pénurie prochaine de professeurs et davantage reconnaître, intégrer et rémunérer les chargés de cours, qui ont un énorme rattrapage à faire, si on compare les seules activités de l'enseignement, comparativement aux professeurs.

M. Casgrain (Antoine): Donc, la prochaine partie va traiter plus spécifiquement des enjeux liés à l'accessibilité de l'éducation universitaire. Récemment, il y a eu des débats concernant les frais de scolarité. La position de l'UFP quant à ce dossier-là est claire, pour l'UFP, c'est la gratuité scolaire qui devrait exister au Québec, dans les universités. C'est une position qui est essentielle à l'UFP puis qu'elle n'est pas seule à défendre. L'Association pour une solidarité syndicale étudiante la défend aussi mais également certains syndicats, ça fait partie de leurs objectif à moyen terme. La gratuité à l'université, c'est une mesure qui est possible, qui est souhaitable et nécessaire.

Il y a différents modèles évidemment par rapport aux frais de scolarité, le modèle nord-américain, canadien-anglais, états-unien, où on s'aperçoit que, même si... dans les personnes qui viennent de milieux modestes et qui terminent leurs études secondaires, il y a à peu près la moitié qui arrivent réellement. Tandis que, si on va de l'autre côté du spectre social, dans les gens qui viennent de milieux les plus aisés, de l'élite, au contraire, dans ceux qui finissent leurs études supérieures et qui veulent faire des... qui planifient de faire des études universitaires, bien, ils réussissent dans une proportion de 87 %. Bien, pour l'UFP, il est inacceptable que la poursuite des études au niveau universitaire soit irréalisable à cause de la capacité de payer. D'un autre côté, il y a d'autres modèles sur lesquels, au Québec, on pourrait s'inspirer. Il y a des pays qui l'ont fait le choix de la gratuité scolaire, comme ? bon, vous le savez sûrement ? la Suède, le Danemark ou l'Allemagne, et je pense qu'il faudrait s'en inspirer.

Et, concernant justement les derniers débats, il y a certaines personnes, il y a certaines études qui ont tenté de démontrer que des frais élevés, ça n'influençait pas nécessairement la proportion de jeunes qui allaient à l'université. Par exemple, ce qui est certain, selon nous, c'est que ça influence sur la proportion de personnes des classes défavorisées d'accéder à l'université. Il y a des associations canadiennes de dentistes, de médecine et de droit qui s'inquiètent des hausses dans les autres provinces, parce qu'ils s'inquiètent que, dans les prochaines années, il y ait de moins en moins de minorités ethniques ou des gens qui viennent de milieux plus populaires qui aient accès à une formation puis qui deviennent dentistes, avocats ou médecins.

Non, l'UFP ne croit pas que la gratuité scolaire est le seul facteur qui va amener les jeunes à fréquenter l'université. Mais, de faire le pas puis de dire que ce n'est pas un facteur du tout, nous croyons que c'est de la démagogie. Il y a plusieurs facteurs qui font en sorte que les jeunes vont à l'université, et la capacité de payer en est un. Et, pour l'UFP, en fait, ça ne devrait pas... ça devrait être un facteur à éliminer complètement.

D'autre part, nous encourageons le gouvernement à étudier tout le cheminement scolaire d'un jeune à partir du primaire, du secondaire et dans le collégial et à encourager toutes les mesures qui vont faire en sorte que les jeunes qui ont de la misère à suivre le parcours académique, on puisse les encourager à avoir un soutien académique qui va faire en sorte que, à long terme, ils vont pouvoir avoir le capital culturel et le goût de faire des études universitaires.

Donc, sur ce point et à plus court terme, l'UFP s'oppose à tout dégel des frais de scolarité. Puis nous proposons l'étude sérieuse de la proposition de la FEUQ, la Fédération étudiante universitaire du Québec, à l'effet d'encadrer les droits de scolarité et les frais obligatoires dans une loi sur l'accessibilité aux études. Cette mesure doit être envisagée, selon nous, transitoire par la gratuité scolaire à plus long terme.

n(17 h 30)n

Et ce n'est pas uniquement ça, ce n'est pas uniquement une question de frais, il y a évidemment tout ce qui a rapport avec l'aide financière aux études. On s'inquiète ? et toutes les études l'attestent ? que le travail à temps partiel chez les étudiants et les étudiantes universitaires, c'était vraiment un fléau. Ça augmente non seulement le nombre de personnes qui travaillent, mais les heures d'emploi. Je connais plusieurs cas, plusieurs amis de personnes qui travaillent plus de 20 heures par semaine alors qu'ils ont des études à temps plein. C'est inacceptable.

Pour ce qui est de l'aide financière et de l'endettement étudiant, les associations étudiantes ont des travaux, ont des très bonnes idées pour juguler l'endettement étudiant, pour améliorer l'aide financière aux études. Puis nous invitons le gouvernement à tendre l'oreille vers les associations étudiantes.

Comment financer les universités, maintenant? C'est un questionnement évidemment qui est au centre de cette commission parlementaire. L'UFP fait confiance à l'étude, qui a été maintes fois citée, du CREPUQ et du MEQ, comme quoi il manquait 375 millions dans le réseau universitaire québécois. Nous aimerions aujourd'hui faire un petit survol des possibilités qui s'offrent au gouvernement ou à l'État québécois pour subventionner les universités et peut-être voir les pour et les contre de chacune de ces mesures.

Bon. Évidemment, il y a l'option d'augmenter les frais de scolarité. Évidemment, vous savez qu'on est tout à fait contre. Ici, je voulais faire une petite considération. L'histoire de la dernière décennie au Canada invite à nous méfier, une hausse des frais de scolarité n'entraîne pas automatiquement une hausse des budgets disponibles pour l'éducation universitaire. Plus tôt, j'étais à la présentation, encore une fois, de la FEUQ ce matin. Puis je ne reviendrai pas là-dessus parce que je pense qu'elle a très bien dit ses points.

Dans les dernières années, les universités ont emprunté toutes sortes d'avenues pour essayer d'aller chercher des dollars à gauche et à droite. Entre autres, il y avait... on a commencé à avoir des contacts avec des compagnies d'affichage publicitaire, dont le Zoom Média, des compagnies de boissons gazeuses qui demandaient l'exclusivité sur les campus, Pepsi, Coke. Puis beaucoup d'étudiants et d'étudiantes se sont demandé à juste titre où on traçait la limite entre le centre d'achats et l'université. Je pense que l'épisode Pepsi, à l'Université de Montréal, devrait nous inviter à réfléchir là-dessus pour les quelques... des dollars qui ne représentent pas du tout quelque chose qui remplace le financement public. Tout le scandale n'en valait pas la peine, en fait. Donc, l'UFP souhaite le bannissement dans les universités de tout contrat commercial qui aurait pour effet la distribution exclusive d'un produit sur le campus ou bien l'incitation à la consommation.

Il y a la question très délicate des fondations, des dons privés, de la philanthropie privée pour aider les universités. La première remarque qu'on peut faire à ce niveau-là, c'est qu'il y a une inégalité entre les universités. Il y a des universités qui ont des très fortes traditions philanthropiques, qui ont des fondations qui marchent très bien. Ici, au Québec, dans le milieu francophone, ce n'est pas le cas. Par exemple, entre 1997 et 2000, l'UQAM prévoyait amasser 20 millions sur cinq ans; une autre université, l'Université McGill, prévoyait en ramasser 200 millions. Dans la nouvelle campagne, l'UQAM a un meilleur... de grands objectifs mais est encore loin de rejoindre les montants qui sont visés, d'un autre côté, par les autres universités.

On se questionne beaucoup aussi sur l'intérêt de certaines entreprises de financer les fondations ou de faire des partenariats avec les universités. On croit difficilement au désintérêt des compagnies qui investissent. On sait que ça donne une bonne image. On veut maintenant donner des noms à des salles de classe, à des pavillons. Je pense que la collectivité québécoise a beaucoup, beaucoup d'intellectuels, de chercheurs, de chercheuses, d'écrivains et d'écrivaines qu'on pourrait leur accorder justement une mémoire en leur donnant le titre de pavillons plutôt qu'à des entreprises privées. Puis ça, c'est sans compter la tentation de mettre sur pied des programmes puis d'orienter la recherche, qui, d'un point de vue éthique, est tout à fait inacceptable.

On questionne aussi, sur les fondations, l'énergie considérable que les universités mettent de plus en plus dans la gestion de portefeuilles boursiers puis de fonds de dotation. L'énergie des universités devrait aller ailleurs, pas dans le marketing puis la compétition entre elles, pour attirer soit des étudiants et étudiants ou de l'investissement des compagnies privées. Donc, d'un point de vue éthique, il est essentiel d'assurer l'indépendance des universités face aux acteurs privés donateurs dans les fondations. Puis l'UFP questionne aussi la pertinence de certaines déductions fiscales accordées par l'État aux entreprises qui font des dons aux fondations des universités. Il serait beaucoup plus approprié que l'État assure un financement public adéquat par l'impôt plutôt que d'encourager la philanthropie privée.

Au sujet maintenant du partenariat. Il y a plusieurs types de partenariats, puis l'UFP trouve que le partenariat est une pratique souhaitable dans les universités, dans le milieu de la recherche. Par exemple, il faut différencier les différents partenaires. Dans certaines lectures que j'ai faites de divers documents des ministères, on tend à amalgamer toutes sortes de partenaires. C'est bien sûr qu'une revue scientifique ou une autre université, un groupe communautaire, c'est des partenaires mais qui vont avoir des impacts très différents sur des groupes de recherche. Puis particulièrement on ne peut pas comparer encore une fois des recherches orientées qui sont directement appuyées par des compagnies privées à d'autres partenariats avec des groupes sans but lucratif.

Donc, ce que nous proposons, c'est plutôt une fiscalité progressiste. À l'UFP, il y a plusieurs voies qu'on veut établir. On n'a pas encore défini, on est en constant travail sur les propositions fiscales qu'on va proposer à la collectivité québécoise. Mais on juge que certains contribuables ne contribuent pas équitablement à la collectivité québécoise puis aux universités. Donc, nous suggérons au gouvernement d'aller voir du côté de certaines déductions fiscales ou de certains côtés de bénéfices que certains particuliers font ou que certaines compagnies font pour financer l'ensemble des programmes sociaux.

Donc, en terminant, comme le disait Pierre Dostie, l'université doit être considérée comme un bien commun et non pas comme une entreprise qui s'insère dans un marché privé international ou national. Face à la globalisation de l'économie puis l'érosion des droits sociaux qu'elle entraîne, l'une des contre-attaques possibles au mouvement mondial, c'est de considérer l'éducation comme un bien commun, comme plusieurs autres services publics, et ça, ça demande une démocratie participative qui intégrerait à l'université les professeurs, les chargés de cours, les étudiants et étudiantes, les employés de soutien. Ces personnes-là doivent, en fait, orienter l'université. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Casgrain. Alors, on va passer maintenant à la période des échanges. La parole est à vous, M. le ministre et député d'Orford.

M. Reid: Merci beaucoup. Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à la délégation, les deux personnes qui sont ici, avec nous. Il y a, dans votre mémoire, des choses qui méritent certainement de s'y pencher un peu. Et j'aurai des questions pour mieux comprendre les recommandations que vous faites. Mais il y a un élément qui m'intrigue beaucoup dans cette suggestion, ou proposition, ou réclamation d'avoir une gratuité au niveau des droits de scolarité. Ce que je voudrais savoir, c'est comment vous voulez traiter les conséquences. Parce que ça a des conséquences.

Je prendrais un exemple. Évidemment, les droits de scolarité ne sont pas les seuls coûts pour aller à l'université. On pense à facilement 10 000 $, 12 000 $ pour un étudiant qui n'habite pas chez ses parents ou une étudiante qui n'habite pas chez ses parents. Et, normalement, bon, il y en a qui arrivent à payer ces choses-là et il y en a d'autres qui ? beaucoup au Québec ? ont besoin de l'aide financière, prêts-bourses.

Advenant le cas où il y aurait une gratuité, on peut facilement comprendre que, pour ceux et celles qui paient eux-mêmes ces 10 000 $, 12 000 $, bien, évidemment, ça leur fait autour de 2 000 $ par année, là, d'argents disponibles ? on comprend ça ? donc qui ne sont pas nécessairement reliés uniquement à l'éducation. Pour les autres, qu'est-ce qui se passerait, à ce moment-là? Est-ce que la formule de prêts-bourses en tiendrait compte, auquel cas ça ne changerait rien pour eux? Autrement dit, ils auraient les mêmes montants nets pour payer ce dont ils ont besoin pour vivre, moins les droits de scolarité, puisque ce ne serait plus une dépense et donc qui ne serait plus couverte par la formule. Ou alors ce serait un bonus qui reste en plus, et les prêts-bourses doivent continuer à payer des droits de scolarité qui n'existeraient plus. J'aimerais comprendre comment vous traiteriez les conséquences d'une gratuité.

n(17 h 40)n

Le Président (M. Kelley): M. Casgrain? Dostie? M. Casgrain.

M. Casgrain (Antoine): Bien, à cet effet, c'est évident que les étudiants et étudiantes ont justement... qui ont des problèmes financiers puis que ça nuit à leurs études doivent avoir un soutien d'une aide financière aux études, doivent avoir un soutien de l'État. Donc, si on enlève, en ce moment, les frais de scolarité, bon, 9 500 $... La plupart des associations étudiantes demandent de toute manière une augmentation puis une révision des coûts, des subventions qui sont données, donc, aux étudiants universitaires, donc que ce soit donc réaligné pour faire en sorte que ça réponde aux exigences des associations étudiantes puis aux exigences des besoins minimaux qu'un étudiant, une étudiante doit avoir pour survivre durant ses études sans avoir l'obligation ultime de devoir travailler durant ses études.

M. Reid: Autrement dit, si je comprends bien, votre position serait que l'équivalent des droits de scolarité continuerait d'être versé en prêts-bourses. C'est ça?

M. Casgrain (Antoine): Oui.

M. Reid: O.K. Merci. J'ai des questions.... aussi une question concernant... quand vous dites... Jusqu'où ça va, votre affirmation, quand vous dites que ce serait intéressant pour le renouvellement du corps professoral de donner une priorité... Et je pense que vous dites que ça passerait... qu'on fasse d'abord une place ou je ne sais trop, là, par la promotion des chargés de cours. Est-ce que ça, c'est quelque chose qui... ce sont des mesures incitatives ou si on pense, là, à un système de, entre guillemets, discrimination positive, comme ce qui existe dans d'autres pays, pour soit des catégories de personnes ou ce qu'on a vu aussi, masculin, féminin, une question d'origine ethnique, des choses comme ça? Est-ce que ce serait une discrimination positive où il y aurait une certaine obligation, par opposition, disons... Autrement dit, quand on a à choisir entre quelqu'un qui est déjà chargé de cours et une autre personne qui a fait ses études doctorales et qui a tout ce qu'il faut, il faudrait avoir un biais en faveur de la personne qui serait chargée de cours ou si vous pensez plutôt à des mesures incitatives moins rigides?

M. Dostie (Pierre): Bien, d'abord...

Le Président (M. Kelley): M. Dostie.

M. Dostie (Pierre): Oui. Excusez-moi, monsieur. Il existe déjà certaines mesures qui sont intéressantes et qu'on aurait avantage à développer encore plus, comme, par exemple, les mesures d'intégration. Il y a, dans l'Université du Québec, par exemple, dans le réseau de l'Université du Québec, la possibilité pour les chargés de cours de présenter des projets qu'on dit d'intégration. Ce sont des sommes qui vont en s'accroissant mais qui demeurent quand même relativement modestes, dans le sens qu'elles ne répondent que très peu aux innombrables demandes qui sont formulées. Et ces projets d'intégration visent souvent l'encadrement des étudiants, la confection d'outils pédagogiques, la recherche sur les stratégies pédagogiques intégrées, transversales, etc., et même l'évaluation des programmes. C'est une chose. Donc, on pourrait d'abord augmenter ces mesures-là.

On pourrait aussi poursuivre la reconnaissance par un salaire plus décent. On sait qu'il y a un rattrapage extraordinaire à faire quand on compare le salaire des chargés de cours. Si on isole la fonction enseignement des professeurs ? parce qu'on sait qu'ils ont aussi des fonctions de recherche et de services à la communauté, si vous voulez ? la comparaison ne tient pas, il y a une proportion... une disproportion qui est flagrante. Donc, il y a une récupération au niveau simplement de la justice qui doit être faite pour mieux reconnaître les chargés de cours.

D'autre part, il y a certaines dispositions dans les conventions collectives qui pourraient faire en sorte que, lorsqu'il y a des postes de professeurs qui s'ouvrent, si le chargé de cours remplit les autres exigences... comme par exemple détenir un doctorat pourrait être considéré comme étant en priorité et son ancienneté pourrait compter. Je pense qu'il faut penser à des mesures comme celles-là, dans le sens que les chargés de cours font partie prenante de la vie universitaire, dispensent, dans beaucoup de cas, près de ou même plus de 50 % des cours et puis sont principalement consacrés à l'enseignement, une dimension qu'on déplorait tout à l'heure, qui est secondarisée en grande partie.

M. Reid: Merci. Est-ce que j'ai encore un peu de temps?

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Reid: Un autre élément intéressant, vous mentionnez que les universités devraient jouer un rôle primordial ? attendez, je pense que c'est à la page 10: «L'UFP croit que les universités devraient jouer un rôle primordial pour favoriser le développement de l'esprit critique, l'ouverture au monde et la sensibilité éthique chez les étudiants. La formation obligatoire devrait tenir compte de ces objectifs.»

Je vais vous poser une question très large, finalement. C'est que, dans le cheminement de nos étudiants, nos étudiantes québécois, on passe par le primaire, le secondaire mais ensuite par le collégial et on peut s'arrêter là, en formation technique. Mais, si on passe par le collégial pour aller à l'université, est-ce que ce n'est pas quelque chose auquel on devrait s'attendre, que le collégial soit peut-être l'endroit privilégié, étant donné qu'on a des cours de philosophie, etc., pour le développement de cet esprit critique? Je vous dis ça aussi parce que, depuis de nombreuses années, des professeurs d'université soulignent que l'esprit critique, qu'on doit développer bien sûr à l'université... mais il y a une base qui n'est peut-être pas suffisante.

Alors, la question est très large évidemment, là. Mais, puisque vous abordez cette question de l'université, et, j'imagine, c'est sous l'item de qualité de la formation ? parce que la formation n'est pas uniquement une formation technique ? est-ce que cette qualité-là... Autrement dit, la question du cégep et du collège et du rôle qu'il a à jouer dans cette question de favoriser le développement de l'esprit critique et l'ouverture au monde, la sensibilité éthique chez les étudiants, est-ce qu'on ne pourrait pas s'attendre, dans notre système québécois... Je ne parle pas d'un autre système ailleurs, parce qu'ils n'ont pas de collèges. Mais, au niveau des collèges, est-ce que ça ne devrait pas être là où on devrait s'attendre à trouver cette formation-là ou en tout cas l'accent, là, important lié à ça, cette formation-là?

Le Président (M. Kelley): M. Casgrain.

M. Casgrain (Antoine): Écoutez, je crois que vous avez parfaitement raison de mentionner qu'effectivement dans les cégeps c'est un lieu où, à cause de la formation générale, on vise à développer un esprit critique. Ce que nous pensons, c'est qu'on ne doit pas contenir, là, je ne crois pas qu'il y ait des paliers d'éducation où on doit dire: Bon, là, on va former leur esprit critique, mais ensuite, bien, à l'université, ils vont avoir... Je crois qu'effectivement c'est un lieu, le cégep, où l'esprit critique est développé, mais il ne faudrait pas que, rendu à l'université, on vise à orienter directement les étudiants et les étudiantes vers directement un secteur d'utilité sociale et de rendement à court terme ou de placement... Ils doivent conserver un aspect d'enseignement très large et ne pas oublier que c'est tout au long de l'enseignement, que ça doit être une priorité de l'enseignement de conserver l'esprit critique.

M. Reid: Merci, c'est très clair.

Le Président (M. Kelley): Et, M. Dostie, complément de réponse?

M. Dostie (Pierre): Juste brièvement ajouter également là-dessus que la formation générale au cégep mène nécessairement à l'université. Et les formations universitaires, quand on les compare aux formations collégiales, dans un même domaine, souvent ce qui distingue la formation universitaire, c'est sa capacité d'évaluer, de porter un jugement même critique ou éthique sur l'objet de la profession ou de la discipline. Mais aussi l'université, en tant qu'institution, doit être un phare aussi face, par exemple, à tous les bouleversements ou les changements qui se déroulent dans la société. Et évidemment, si elle est principalement détournée vers des besoins utilitaires de certains acteurs sociaux et dont les profits aboutissent, si vous voulez, dans les intérêts particuliers davantage que pour l'intérêt général, eh bien, on se retrouve avec des universités qui sont moins le phare de la société et qui pourraient même, jusqu'à un certain point, avoir les facultés affaiblies.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue au nom de ma formation politique. D'abord, une première question peut-être plus brève. Un des premiers énoncés que vous faites, c'est concernant le fait que «le Québec doit affirmer sans nuance le caractère public de l'éducation ? c'est à la page 6 de votre mémoire ? et s'opposer aux traités internationaux encourageant la déréglementation et la privatisation des services publics». Et là vous faites référence aux traités comme l'ALENA, la ZLEA et autres.

Il me semble que, sur cette question-là, il y a eu des positions assez claires jusqu'à maintenant. Est-ce qu'elles ne vous sont pas apparues claires, en ce sens-là, pour que vous sentiez le besoin de le redire ici? Parce que, dans les négos qu'il y a eu au niveau des accords de libre-échange, autant aux différentes tables de discussion, on a exclu... on a souhaité et on a exclu les services publics comme la santé, l'éducation, bon, fait une bataille sur la culture. Et ça ne vous apparaît pas suffisamment clair encore à cet égard-là, ou c'est de la part du gouvernement actuel, ou... Quelle est votre crainte à ce niveau-là?

n(17 h 50)n

Le Président (M. Kelley): M. Casgrain.

M. Casgrain (Antoine): Bien, si c'est la question si l'engagement est clair, pour nous, c'est non. Le fait qu'on en parle très peu, qu'on ne le mentionne pas dans le document, par exemple, de consultation, par exemple, de cette commission parlementaire... Je pense qu'on ne peut pas penser à l'éducation universitaire au Québec sans parler de ces accords-là. Pour nous, la dynamique de ces accords-là, elle n'est jamais close. Ce n'est pas, bon, parce qu'on a exclu un certain nombre d'accords que ça l'est pour tout le temps. Or, il y a une pression internationale extrêmement forte de certains milieux financiers, il y a des négociations qui se font. Puis, par plusieurs reprises... bon, là, ce n'est pas le gouvernement québécois, mais le gouvernement canadien a tenu secrètes certaines des négociations. Donc, c'est encore très nébuleux. Puis il y a des articles, par exemple, dans l'OMC ou dans l'ALENA, qui visent à une négociation perpétuelle et justement rajouter certains domaines dans le milieu des services, et ça, ça inclut aussi les tribunaux qui peuvent juger des États dans certains secteurs.

Le Président (M. Kelley): M. Dostie.

M. Dostie (Pierre): Un négociateur canadien pour le traité de l'ALENA a même clairement lui-même affirmé ? j'ai oublié son nom, là, il est cité dans le volume de M. Gélinas ? que, pour lui, c'était très clair que l'ensemble de ces services étaient inclus dans l'Accord de libre-échange. Et ce sont des questions qui vont revenir lorsque va venir le temps de confier aux tribunaux administratifs ? qui vont avoir force de loi, d'ailleurs ? le soin d'en juger, et ça, c'est extrêmement dangereux. Et les déclarations des politiciens ne nous rassurent pas, non, à cet effet. Et en particulier, lorsque, par exemple, ils ont déclaré que l'eau ne serait pas une marchandise, on a bien compris qu'ils parlaient de l'eau qu'il y avait dans les rivières mais pas de l'eau qu'on mettrait dans les bouteilles.

Mme Marois: D'accord. Mais il reste que, sur l'éducation, enfin, qui est un bien public, à mon point de vue, effectivement, ça ne devrait pas être inclus dans les négociations d'aucune façon à cet égard-là et ça reste sous la responsabilité des États et leur financement, que ce financement vienne de d'autres sources que l'État, mais c'est l'État qui l'encadre. En tout cas, c'est du moins le point de vue que j'ai à cet égard.

Bon. Je veux revenir maintenant aux pages 26 et 27 de votre mémoire, où vous revenez sur toute la question de la subvention qui viendrait du privé ou d'une forme de partenariat avec le privé. Et vous dites par exemple: «Le partenariat ne devrait pas accorder au partenaire privé le monopole des résultats de recherche ? on s'entend. Des politiques "éthiques" devraient être mises en place pour éviter que le privé ait du pouvoir et de l'influence sur la recherche universitaire.» On questionne la pertinence des déductions fiscales accordées par l'État aux entreprises qui font des dons aux fondations des universités. Il serait plus approprié que l'État assure le financement public adéquat par l'impôt, bon, etc.

En fait, vous excluez tous les contrats des universités qui ont pour but la consommation. Vous n'êtes pas d'accord avec les crédits d'impôt aux entreprises. Est-ce qu'il y a des formes d'apport par le privé qui vous sembleraient acceptables si elles sont balisées par des codes d'éthique, par des obligations de respecter la liberté intellectuelle, bon, et autres éléments de cet ordre? Parce qu'il reste que c'est une façon d'aller chercher une contribution de l'entreprise qui bénéficie grandement, nous le savons, des retombées, des gestes posés, des investissements faits collectivement à l'université.

Le Président (M. Kelley): M. Casgrain.

M. Casgrain (Antoine): Oui. Effectivement, à notre avis, nous sommes extrêmement critiques par rapport à ce type de financement. En fait, pour nous, l'université n'est pas un lieu qui doit développer des techniques ou des technologies commercialisables et vendables dans l'immédiat. L'université doit en fait faire des recherches sur le savoir. Effectivement que le savoir va permettre ? et on n'est pas contre ? des avancées technologiques, des avancées économiques dans beaucoup de secteurs. Cependant, il y a, en ce moment, à notre avis ? et plusieurs questionnent cette tendance-là ? de plus en plus une course vers des recherches beaucoup plus appliquées, beaucoup plus orientées puis un délaissement vers... de la part des recherches fondamentales, puis c'est ça qu'on questionne, puis c'est ça qu'on trouve inquiétant.

Est-ce qu'on est contre toute forme de financement privé? Si on est capable de vraiment s'assurer qu'il n'y a aucun mot à dire dans les programmes de recherche et que les résultats vont demeurer à l'ensemble de la collectivité, oui, mais ça reste encore à être questionné. Et il y a encore beaucoup, beaucoup de débats qui doivent être faits sur ce sujet-là, il ne faut pas escamoter cette question-là.

Mme Marois: D'accord.

M. Casgrain (Antoine): Bien, je pourrais aussi donner juste comme quelques exemples qui font en sorte qu'il y a des millions de dollars en ce moment qui sont accordés à la recherche dans des secteurs, par exemple, comme la génétique. Si on compare les millions de dollars qui sont donnés en génétique par rapport à ce qui est donné au FQRSC, en sciences humaines, c'est indécent. Il y a une question qu'on doit se poser sur l'allocation des ressources.

Quand on considère que des compagnies qui font des recherches en génétique visent le brevetage, visent le brevetage du vivant et que c'est par ça qu'ils souhaitent se commercialiser, est-ce qu'on va encourager... Est-ce que l'État québécois doit encourager le brevetage du vivant? Pour nous, c'est non. Que la recherche sur la santé en général et sur la génétique puisse profiter à l'ensemble de la société, mais dans une perspective intégrée, transdisciplinaire, qui inclut des impacts sociologiques, de la prévention, c'est surtout ça qui à notre avis va améliorer la santé des Québécois et des Québécoises.

Mme Marois: Au fond, je vous suis assez, là, quand vous parlez de recherche aussi sensible. Mais, quand on parle de la recherche sur les matériaux par exemple, on a des universités qui ont développé dans les écoles technologiques... ou les pâtes et papiers, un exemple. Bon. C'est sûr que ça peut servir à une entreprise, mais il reste qu'à un moment donné un secteur industriel pourrait souhaiter contribuer finalement et qu'il y ait de la recherche qui ne lie pas le chercheur, et par ailleurs ça permettra à des gens d'aller à fond dans certaines questions qui sont des avancées technologiques particulièrement intéressantes.

Le Président (M. Kelley): M. Dostie.

M. Dostie (Pierre): Oui. Mais ces questions-là, oui, effectivement, mais elles doivent être considérées dans la mesure où, en bout de course, c'est l'intérêt commun qui est préservé et que tout cela est fait dans l'intérêt commun. Jusqu'à présent, comment pouvons-nous dire si les comités d'éthique font vraiment leur travail? On n'a pas cette certitude. On n'est pas sûr non plus...

Par exemple, moi, je suis au Saguenay?Lac-Saint-Jean. Il y existe des consortiums de recherche, entre l'Université du Québec à Chicoutimi et certaines entreprises pour la forêt, pour le développement de l'aluminium. Ce qu'il est important de préserver, c'est l'utilisation des résultats de ces recherches au niveau de qui va pouvoir profiter de cette utilisation-là et de faire générer des profits avec ça. Si on est capable de garantir que c'est dans l'intérêt de la collectivité québécoise puis qu'on est capable de faire en sorte qu'il y ait un leadership, et d'ailleurs pas seulement de l'État québécois mais aussi des régions, parce que les régions réclament de plus en plus une implication à ce titre-là ? et mon université, l'Université du Québec à Chicoutimi, dans son schéma directeur, affirme qu'elle est un acteur dans le développement régional ? il faudrait... Et ça, je pense que les gens de la région considèrent que c'est intéressant, mais c'est beaucoup trop peu encore, et il n'y a pas suffisamment de pouvoirs publics qui exercent un leadership suffisamment puissant pour s'assurer que l'intérêt commun, le bien commun soit préservé.

n(18 heures)n

C'est sûr que les jonctions doivent être faites dans toutes les sphères de l'activité humaine, les entreprises y compris, mais c'est sûr qu'on serait beaucoup plus à l'aise dans un environnement où les entreprises privilégiaient le bien commun et où le fruit de leurs activités profitait à la majorité de la population. On peut se questionner là-dessus, présentement.

Mme Marois: D'accord. Est-ce que j'ai encore une petite question?

Le Président (M. Kelley): On va faire l'alternance et on va revenir...

Mme Marois: Moi, c'est sur une question plus pointue, là, que vous abordez, c'est la question de la cote R, la cote R. Vous suggérez de revoir toute la question de la cote R, hein? Je pense qu'on connaît tous, là, ce qu'est la cote R, qui est un système d'évaluation censément objectif, là, et qui mesure les capacités des étudiants en vue qu'ils puissent être acceptés ou non dans les cours contingentés en vertu, là, d'un calcul assez complexe, mais assez complet aussi.

J'ai rencontré beaucoup d'étudiants dernièrement qui souhaitaient, oui, des modifications au calcul de la cote R. Pas nécessairement sa remise en question, mais certaines modifications. Est-ce que, dans votre cas, vous suggérez carrément qu'on mette de côté cette cote? Et, à ce moment-là, on la remplacerait par quoi en termes de mesure ou d'évaluation qui soit un peu objective? Est-ce que seule l'entrevue deviendrait la façon de procéder à la sélection ou... Je soulève la question.

Le Président (M. Kelley): M. Casgrain.

M. Casgrain (Antoine): Effectivement, c'est une question extrêmement sensible. C'est encore en débat au sein... bon, au sein des gens qui oeuvrent pour travailler à la plateforme de l'éducation à l'UFP, et la question n'a pas été close. Donc, je ne pourrais pas m'avancer pour vous donner une réponse sûre et certaine. Ce qui est plus certain, par exemple, c'est que régulièrement il y a des étudiants, des étudiantes des collèges et des universités qui la remettent en question, qui posent des questions, qui... Donc, on entend ces critiques-là. Et, en fait, c'est à cause de ces questionnements-là des associations étudiantes que l'UFP a décidé de proposer d'autres alternatives.

Donc, effectivement qu'on ne peut pas revenir simplement à l'entrevue parce qu'il y a un côté subjectif qui ne serait pas équitable. On propose quelque chose de mixte. Et on questionne beaucoup le fait que la cote R suive les étudiants jusqu'au secondaire. Ça, dans les discussions qu'on a avec les étudiants et les étudiantes, on remet beaucoup ça en question parce que ça vise à comme hiérarchiser un peu les cégeps entre eux puis à leur... à faire compétition des étudiants, étudiantes aussi entre eux.

Donc, il faudrait arriver comme avec quelque chose de mixte, dans le fond, qui tiendrait à la fois compte d'un rendement académique, mais pas exclusivement. Et je pense que, encore une fois, le ministère de l'Éducation pourrait exercer... bien, en tout cas, continuer ses devoirs sur cette question-là et proposer certaines alternatives aux universités puis aux programmes contingentés.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: Merci. J'aurais quelques... j'aimerais poser un petit peu... poser une question sur la philanthropie. J'ai l'impression que, un dans l'autre, là, vous trouvez que ce n'est pas une bonne idée, la philanthropie au niveau des universités, au niveau des fondations. Est-ce à dire que, par exemple, un citoyen du Saguenay à qui j'expliquais récemment que, sur son testament, il a un peu d'argent et que ce serait peut-être une bonne idée d'en laisser un peu à son université régionale à laquelle il croit, que finalement ce n'est peut-être pas nécessaire, ce n'est peut-être pas quelque chose d'utile? Parce que finalement vous semblez dire que la solution n'est pas celle-là; la solution, c'est qu'il faut que l'argent vienne du gouvernement, donc directement des taxes de tout un chacun et que, si quelqu'un veut donner de son argent après avoir payé toutes les taxes, etc., que ce n'est pas vraiment ça qu'on veut comme tel.

Et on dit «quelqu'un», parfois c'est quelqu'un qui est assez connu. Et il y a des noms qui ont circulé déjà en commission parlementaire. Et c'est la même chose, là, que quelqu'un de moins connu au Saguenay, mais c'est quelqu'un de connu dont le don a fait l'objet de nouvelles médiatiques, là, mais qui reste quand même un don de quelqu'un qui a ramassé son argent après avoir payé ses impôts. Mais on dit: Non, non, non, c'est mieux de le faire par les impôts. J'aimerais comprendre un peu.

Puis ça a des conséquences aussi évidemment parce que ça veut dire que, si on dit à l'Université McGill: Bon, bien, vous avez un certain montant d'argent, nous, on voudrait que l'UQAM en ait autant, donc on va prendre des impôts et on va les mettre à l'UQAM, et, par contre, vous, bien, vous continuerez à essayer d'avoir de l'argent des donateurs. Bien, il faut se demander s'ils vont continuer à en donner, les donateurs, puisque, s'ils n'en donnent pas, c'est le gouvernement qui en donne avec les impôts de tout le monde. J'aimerais voir, là, si je comprends bien votre position ou si j'ai manqué quelque chose, là.

Le Président (M. Kelley): M. Casgrain.

M. Casgrain (Antoine): Je crois que vous comprenez en partie la position, ce que... Par exemple, je voudrais mettre une nuance. Je ne crois pas qu'on puisse empêcher un individu de vouloir contribuer à la prospérité de l'université puis la remercier en lui donnant des fonds. Je pense que ça peut être, bon, des legs qui soient tout à fait acceptables.

Le point sur lequel on veut attirer l'attention, c'est, à notre avis, que, quand c'est fait par le biais des fondations pour attirer, il y a comme... on soulève un voile qui ne devrait pas être soulevé, c'est-à-dire qu'on ne devrait pas identifier aussi clairement certains donateurs puis, bon, en particulier des donateurs qui sont des personnes morales ou des grandes corporations. Qu'ils veuillent donner par geste de charité, pourquoi pas? Bien sûr, on ne peut pas empêcher ça, vous avez raison. Mais, là où est-ce qu'on se questionne, c'est des compagnies qui font un profit substantiel, puis régulièrement il y a des comptables dans certaines universités qui démontrent qu'ils ne paient pas le taux officiel d'impôt, et qui, en plus, font des campagnes pour dire qu'on a un fardeau fiscal trop élevé, et qui veulent encore et encore des déductions fiscales et des baisses d'impôts, puis que, de l'autre côté, ils disent: Bien, on a de l'argent, on en fait de l'argent, on peut en donner aux universités. Il y a... Pourquoi ils font ça? Pour nous, il n'y a pas un désintérêt, on ne pense pas que... S'ils ne veulent pas en payer pour faire en sorte que l'argent soit distribué mais selon les besoins définis par les élus, les étudiants, étudiantes, les professeurs, mais que, d'un autre côté, s'ils donnent pour des intérêts qu'ils veulent faire avancer, là c'est correct, bien, c'est ça qu'on remet en question et c'est ça qu'on critique.

Et finalement je veux juste dire que, au niveau des fonds de dotation, et tout ça, on ne propose pas nécessairement l'abolition, mais, pour nous, ça doit rester une source de financement marginale pour les universités, et ça ne doit vraiment pas influencer la qualité de l'éducation, puis la principale source devrait rester publique.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Bonsoir à vous deux, messieurs. Quand même rafraîchissant, votre mémoire, ça me rappelle quelques principes qu'on survolait en sciences politiques et qui méritent plus souvent qu'autrement d'être approfondis. Une petite remarque cependant. Vous vous présentez comme étant un mouvement écologiste ou du moins à vocation écologique. Moi, j'ai comme adage qu'il faut prôner ce que l'on prêche. Et c'est vraiment rien qu'une petite constatation, là, de ma part, là, ce n'est pas une critique, c'est plutôt juste un simple commentaire. Moi, je pense qu'il aurait été délicat, et sage, et prudent de votre part peut-être d'imprimer votre mémoire sur papier recyclé. Étant un homme des communications et des relations publiques, souvent c'est un petit détail, honnêtement, qui doit être considéré. Néanmoins, néanmoins, farce à part...

Une voix: ...

M. Mercier: Farce à part, certains principes que vous avez évoqués, comme je vous le disais tout à l'heure, là, qui sont de nature plutôt politico-philosophique, philanthropique, comme le mentionnait le ministre, écologique également, sociohumanistique, éthique, vous... Moi, je pense que... et ça, c'est vraiment encore un commentaire de ma part, là, je pense que vous écorchez un petit peu l'aspect socioéconomique. C'est-à-dire qu'au-delà des principes, et que pour certains j'endosse effectivement parce qu'ils ont leur raison d'être dans votre mémoire, quelle est vraiment la dynamique ? ça, vous l'avez dit tout à l'heure, un de vous deux l'a dit tout à l'heure ? quelle est la dynamique mais vraiment économique sur laquelle reposent, dans le fond, toutes vos hypothèses et principes avancés, notamment ? et ça, je reviens à un commentaire du ministre tout à l'heure ? sur la gratuité scolaire? Et là je veux vraiment savoir comment est-ce que vous proposez de financer la gratuité dans les universités pour les étudiants. C'est-à-dire quel est le principe économique ou fiscal, hormis, si je comprends bien, si je comprends bien, peut-être une augmentation des impôts... Mais y a-t-il une autre sortie ou une autre approche que vous préconisez?

Le Président (M. Kelley): M. Dostie.

n(18 h 10)n

M. Dostie (Pierre): C'est clair que ça prendrait, au Québec, une réforme très importante de la fiscalité, qui est la principale façon finalement de recueillir la richesse ou certains fruits de la richesse produite et de la redistribuer. La philosophie qui tend à dominer, ces années-ci, dans nos sociétés occidentales, c'est de traiter les problèmes de façon parcellaire en clientélisant ou en faisant payer certaines clientèles pour les services qu'elles reçoivent et en remettant ainsi en question des principes importants comme ceux de l'universalité, par exemple, des programmes sociaux et en oubliant que, pour financer ces programmes-là, eh bien, évidemment, on fait payer plus lourdement sur les épaules de certains contribuables, et généralement la classe moyenne en descendant, et on établit toutes sortes de taxes régressives déguisées pour financer ces programmes-là. Alors, évidemment, c'est contraire à la justice sociale la plus élémentaire, en ce qui nous concerne. Et il faudrait revoir toute la fiscalité au Québec. La TVQ, c'est très régressif. L'augmentation des tarifs à l'Hydro-Québec, c'est une taxe très régressive. Il faut penser qu'il y a des contribuables qui ne paient pas leur juste part d'impôts au Québec. Puis je vous renverrais au mémoire de la Chaire socioéconomique de l'UQAM, sur cette question, qui a proposé des alternatives fort intéressantes.

Le Président (M. Kelley): Dernière remarque. Il vous reste une minute, M. le ministre.

M. Reid: Oui. C'est très intéressé, comme ministre de l'Éducation, que je vais vous poser ma question. Vous avez réfléchi sur l'insertion sociale et professionnelle des diplômés, vous avez fait état de certaines situations tristes, ma foi, même si elles ne sont pas générales. Est-ce que vous avez... Est-ce que votre réflexion vous permet de me proposer un certain nombre de choses? Parce que vous avez des propositions qui sont très globales au niveau gouvernemental, mais, pour le ministre de l'Éducation, pour les universités, pour ceux et celles qui s'intéressent à cette intégration, à cette insertion sociale et professionnelle, est-ce que vous avez des éléments concrets à suggérer sur lesquels on pourrait travailler ou faire travailler du monde?

Le Président (M. Kelley): M. Casgrain.

M. Casgrain (Antoine): Je ne comprends pas exactement la question. C'est au niveau de l'insertion...

M. Reid: C'est que vous avez, à la page 9, là, vous parlez de... «La qualité de la formation, des services offerts et de l'encadrement est primordiale pour ce qui est de la persévérance et de la réussite des étudiants universitaires. Selon l'UFP, l'État devrait d'abord assurer la sécurité d'emploi et de bonnes conditions de travail ? c'est des choses assez générales qui ne relèvent pas nécessairement de moi, et vos recommandations sont entendues ? s'il désire réellement améliorer l'insertion sociale et professionnelle des diplômés.»

Moi, comme ministre de l'Éducation, je voudrais qu'on travaille là-dessus avec les universités, etc., avec le ministère. Est-ce que vous avez des suggestions qui vont un petit peu plus loin que de souhaiter qu'on s'y intéresse en termes de moyens d'insertion ou de façons de préparer l'insertion ou de faciliter l'insertion?

M. Casgrain (Antoine): Écoutez, bien, au niveau tel quel de l'insertion, je crois qu'il existe déjà des moyens dans les universités. Je crois que... Mais, quand on abordait cet aspect-là, effectivement que c'était de manière plus générale parce que, pour nous, la qualité, puis la qualité d'emploi, puis l'insertion sociale dépendent beaucoup plus de l'activité socioéconomique du Québec plutôt que de l'effort, nécessairement, des universités à placer... Entre autres, par exemple, en faisant certaines lois qui visent à enlever... à réduire la syndicalisation au Québec ou à encourager la sous-traitance, c'est encore de manière générale, mais, selon nous, ça baisse la qualité d'emploi de l'ensemble de la population. Et c'est sur ces principes-là qu'on voulait attirer l'attention.

Effectivement, je n'ai pas d'autres... vraiment de propositions plus concrètes à dire là-dessus, mais simplement, en terminant, que je voulais dire aussi que nous ne sommes pas les seuls à demander une révision de la fiscalité. Et peut-être parce que, bon, nous avons le nom, peut-être que nous avons le discours qui met les choses en place, qui veut dire les choses, mais d'autres acteurs, je pense à des associations étudiantes, des fédérations étudiantes proposent, elles aussi, de percevoir de l'argent sur les bénéfices des entreprises, et donc ce n'est pas une proposition qui est illuminée et que nous sommes les seuls à défendre. Voilà.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Dernier cinq minutes qui reste à l'opposition, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Alors, bonjour à vous deux. Écoutez, moi, je me questionne sur... Dans votre mémoire, vous parlez d'endettement des étudiants et vous avez diverses propositions. Entre autres, j'en soulève trois, là. Il y a la contribution proportionnelle. Vous parlez également de révision de la table de calcul. Vous parlez également de la... Vous parlez de transformer les prêts en bourses. De quelle façon vous voyez ça? C'est les trois points, là, que j'ai retenus. Il y en a plusieurs. C'est votre façon de voir l'allégement, en fin de compte, de l'endettement étudiant. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Kelley): M. Casgrain.

M. Casgrain (Antoine): Bien, encore une fois, les propositions qu'on avance sont des propositions qui sont beaucoup inspirées par les réflexions qui ont lieu dans les associations étudiantes. Quand on parle de gratuité scolaire, c'est un principe qui contient l'aide financière aux études puis qui contient le fait qu'on ne doit pas... les étudiants, étudiantes ne doivent pas, à la sortie des universités, être endettés et être forcés, bon, de travailler à gauche, à droite inutilement pour rembourser des dettes qui sont trop élevées. Donc, changer certains alignements de l'aide financière aux études, c'est pour aider des étudiants et étudiantes qui, en ce moment, n'ont pas accès pour diverses raisons, parce que les critères sont sévères, parce que les critères ne conviennent pas à la situation, parce que etc. Et c'est ça qu'on voudrait, en fait, changer, faire en sorte que, lorsqu'on s'implique... lorsqu'on entreprend un cheminement universitaire, on puisse le faire dans un cadre économique confortable. Puis ce n'est pas le cas si on se fie aux conditions économiques actuelles des étudiants et étudiantes puis si on se fie aux rapports qu'en font régulièrement les associations étudiantes.

Mme Champagne: ...transformer une bourse en... un prêt, c'est-à-dire, en bourse, tu le vois comment, concrètement? À une hauteur d'un pourcentage de? En lien avec la réussite ou l'échec? C'est intéressant comme avenue, mais ça veut dire quoi dans le concret, là?

M. Dostie (Pierre): Un autre...

Le Président (M. Kelley): ...

M. Dostie (Pierre): Un principe que nous avançons face à ces différentes solutions, c'est qu'elles pourraient être examinées avec les associations étudiantes elles-mêmes ou les gens qui connaissent bien la situation de ces étudiants ou de ces ex-étudiants endettés. Ce que nous connaissons, c'est qu'il y a beaucoup d'étudiants et d'ex-étudiants qui ont contracté des dettes importantes qui sont dans l'incapacité de les rembourser. J'entendais hier quelqu'un qui me disait qu'il allait faire faillite, en fin de compte, donc ce qui veut dire que, de toute manière, l'État ne pourra pas, ou les institutions financières impliquées, le récupérer. Il faut qu'il y ait des barèmes de convenus, bien entendu. Mais le principe est de... pour alléger l'endettement, disons, excessif de certaines catégories de personnes qui ont eu de la difficulté à se trouver de l'emploi, O.K., avec lequel emploi ils pourraient payer des impôts et rembourser leurs prêts, bien qu'on envisage cette solution-là dans ces cas-là particuliers.

Mme Champagne: Merci.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, je veux dire merci beaucoup aux représentants de l'Union des forces progressistes pour votre présentation, qui est très originale, à la réflexion des membres de la commission.

Sur ça, je vais ajourner nos travaux à demain, mercredi le 25 février, à 9 h 30, dans la salle Louis-Joseph-Papineau, alors l'autre salle. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 19)


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