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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 24 mars 2004 - Vol. 38 N° 24

Consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Arseneau): Alors, mesdames, messieurs, je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités du Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Morin (Montmagny-L'Islet) remplace Mme Delisle (Jean-Talon) et M. Soucy (Portneuf) remplace Mme Gaudet (Maskinongé).

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup. L'ordre du jour d'aujourd'hui est le suivant. Cet avant-midi, nous entendrons le Syndicat des professeurs et professeures de l'Université du Québec à Montréal, l'Association des étudiants de Polytechnique et l'Institut national de la recherche scientifique. Cet après-midi, nous poursuivrons avec la Jeune Chambre de commerce de Montréal, l'Institut économique de Montréal et le Regroupement des étudiantes et étudiants de maîtrise, de diplôme et de doctorat de l'Université de Sherbrooke.

Auditions (suite)

Alors, je demanderais aux gens qui ont des cellulaires de bien vouloir les éteindre. Et nous amorçons nos travaux avec les représentants du Syndicat des professeurs et professeures de l'Université du Québec à Montréal. Madame, messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Je comprends que c'est M. Jacques Pelletier, président, qui est avec nous. M. Pelletier, je vous demande de présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez, selon nos règles, une vingtaine de minutes pour faire votre présentation, et, après ça, on aura un échange avec les parlementaires des deux côtés de la table. À vous.

Syndicat des professeurs et professeures
de l'Université du Québec à Montréal (SPUQ)

M. Pelletier (Jacques): D'accord. Alors, merci, M. le Président. Je suis accompagné de quatre membres, enfin, de trois membres, pardon, du comité exécutif de notre syndicat: la trésorière, Chantal Viger; le deuxième vice-président, Robert Comeau; et le premier vice-président, Jacques Duchesne.

Alors, je vais vous faire lecture du texte de présentation qui est un peu différent du mémoire qui vous a été remis, mais, après, durant la période d'échange, bien j'imagine que les membres du comité exécutif pourront intervenir, et non seulement moi, j'imagine.

Alors, mesdames, messieurs, M. le Président, vous avez pris connaissance de notre mémoire ou, à tout le moins, de ses recommandations. Je m'attacherai surtout à mettre en lumière la conception de l'université qui inspire nos analyses et nos propositions et qui leur sert de fil conducteur. C'est cette conception qui anime et détermine les orientations que les universités, selon nous, devraient privilégier et qui exigent, pour devenir effectives, un certain nombre de conditions parmi lesquelles un soutien décisif des pouvoirs publics.

n (9 h 50) n

Le premier point: Pour une université publique démocratique et socialement responsable. Mettant les cartes sur table d'entrée de jeu, je dirai que nous ne partageons pas l'orientation économiste et utilitariste qui imprègne d'un bout à l'autre le document de consultation qui sert de référence aux travaux de cette commission. Cette vision de l'université comme lieu de formation de ce qu'on appelle le capital humain, qui constituerait parmi d'autres facteurs ? les matières premières, les techniques, l'argent ? une ressource au service des entreprises, nous paraît extrêmement réductrice. Elle lie de manière directe et, selon nous, trop étroite la formation aux besoins et aux demandes réelles ou présumées du marché en la ramenant à sa composante professionnelle au détriment de sa vocation plus générale et universelle. Elle correspond à l'humeur idéologique malheureusement dominante de notre époque et de notre société qui y participe dans une large mesure, mais elle contrevient à ce qui nous semble la mission authentique et première de l'université depuis ses origines, au Moyen Âge, jusqu'à la période immédiatement contemporaine.

Cette institution est pour nous d'abord et avant tout un lieu privilégié de transmission et de production des savoirs et des connaissances. En tant que réservoir de connaissances et de savoirs, l'université remplit une fonction essentielle de transmission d'un héritage scientifique, d'abord, et, plus largement, culturel et civilisationnel. Elle est en effet le truchement singulier par lequel une société connaît le monde dans sa richesse et sa complexité et se reconnaît elle-même. Elle assume ainsi, de manière plus ou moins délibérée et avec plus ou moins de conséquences, un rôle d'intellectuel collectif non seulement parce qu'elle regroupe des gens de science exerçant par définition une fonction réflective, mais parce qu'elle favorise le débat et la discussion sur des enjeux culturels et sociaux à partir d'une position qui favorise la pensée et le déploiement de l'esprit critique dans et hors l'enceinte universitaire elle-même. C'est en cela qu'elle se définit comme une institution animée par une visée et une mission universelles et civilisationnelles. C'est le modèle qui, historiquement, a présidé à l'organisation structurelle de l'université jusqu'à l'époque moderne. Depuis lors, un autre modèle, qui en est l'envers, est apparu et qui la conçoit essentiellement comme une organisation à visée d'abord instrumentale dont les orientations sont déterminées par des besoins particuliers, et notamment par le marché et ses demandes de formation très spécialisées.

Ces deux modèles s'excluent pour ainsi dire l'un, l'autre et correspondent à des moments différents du développement historique des sociétés occidentales dans lesquelles ils sont successivement apparus. Le premier modèle, institutionnel, accorde priorité à la transmission d'un héritage à la fois scientifique et culturel déterminé par le souci de former des têtes bien faites, possédant une connaissance globale de leur discipline. Le second modèle, opérationnel, vise à former des spécialistes directement préparés à satisfaire les besoins des entreprises. Son approche est d'abord et essentiellement professionnelle.

La recherche n'est ni conçue ni intégrée de la même manière dans l'un et l'autre modèle. Dans l'université à visée institutionnelle, elle fait partie intégrante de la mission fondamentale de formation que celle-ci s'assigne et elle n'existe pas ou peu en tant que domaine autonome et séparé. Dans l'université opérationnelle, elle se développe comme pratique largement indépendante de l'enseignement et dans une optique d'abord fonctionnelle et instrumentale, commandée par la demande externe ou encore par sa propre dynamique endogène de développement, ce qui est de plus en plus le cas dans ce qu'on appelle familièrement le «système de la recherche» universitaire.

Ces deux modèles ont commuté plus ou moins harmonieusement dans la même structure organisationnelle au cours des dernières décennies, réalisant des compromis plus ou moins explicites, donnant lieu à un équilibre précaire, toujours menacé par un éventuel débordement qui s'est effectivement produit. Le modèle opérationnel et professionnel a fini par avaler l'autre ou, à tout le moins, a fini par le subordonner, le vouant à un statut de plus en plus problématique dans l'université contemporaine avec ce que cela implique: recul de la formation disciplinaire et de la culture générale au profit d'une formation de plus en plus étroitement spécialisée et ajustée à la demande sociale.

Il s'est donc opéré une mutation majeure, une véritable métamorphose qui a transformé radicalement l'université et dont on n'a pas encore pris la pleine mesure. Pour certains, cette transmutation représente rien de moins qu'un naufrage, une réalité irréversible avec laquelle il faut désormais composer, un processus dont on peut, au mieux, ralentir la progression perçue comme inéluctable.

Nous ne partageons pas cette attitude fataliste et défaitiste, mais nous estimons que le diagnostic sur lequel elle repose est juste. Il est clair que l'université non seulement s'est rapprochée de l'entreprise privée à travers de multiples partenariats, mais qu'elle en a repris largement les modes de gestion pour son propre usage, à commencer par son autoreprésentation d'elle-même comme entreprise, lieu de production, de distribution et de commercialisation de savoirs diversifiés.

Le contexte général dans lequel elle se déploie aujourd'hui se traduit, comme nous le signalons dans notre mémoire, par tout un ensemble de traits qui font réseau et système et qui se manifestent par: une hiérarchisation de fait des établissements entre grandes universités de recherche et universités de second rang confinées au premier cycle; une remise en question des universités en région et de leur développement aux trois cycles d'études, les confinant essentiellement au premier cycle; la spécialisation des universités en liant leur soutien financier aux efforts de rationalisation des programmes, euphémisme masquant en réalité leur remise en question et parfois leur fermeture; le développement de programmes courts taillés sur mesure pour répondre aux besoins des entreprises; la reconnaissance d'une prétendue quatrième mission universitaire qui serait la commercialisation des résultats de l'innovation, les trois missions universellement reconnues étant l'enseignement, la recherche et le service à la collectivité; l'institution d'un statut de professeur-entrepreneur et la transformation de l'université en incubatrice d'entreprises dérivées, faisant transiter vers leurs actionnaires les fruits financiers, appropriés privément, de travaux de recherche financés par les fonds publics à travers notamment la création de chaires soutenues par les entreprises; la déréglementation des droits de scolarité par établissement et par domaine disciplinaire; l'accroissement des différenciations salariales au sein du corps professoral par l'augmentation des primes de marché et des statuts différenciés selon les domaines de compétence.

Ces traits, qui constituent des indicateurs révélateurs, relèvent d'une conception de l'université qui considère le savoir comme une marchandise, une valeur ajoutée à inscrire dans le circuit de la commercialisation sous l'impulsion d'une organisation s'inspirant de la logique des entreprises. C'est une conception largement partagée par des grandes organisations économiques internationales comme la Banque mondiale ou l'Organisation mondiale du commerce et qu'on retrouve également comme source d'inspiration des orientations de nos gouvernements. Nous refusons pour notre part cette vision et nous privilégions le modèle et l'idéal de l'université comme service public, héritage scientifique et culturel, lieu de réflexion autonome et de débat, voué par sa mission même au progrès et à l'émancipation de tous les citoyens, à commencer par les moins favorisés de nos sociétés.

Deuxième partie: Des orientations pour une université publique, démocratique et socialement responsable. Première orientation: contribuer activement à la mise en application du principe d'accessibilité aux études supérieures et à la réussite des étudiants. Il faut poursuivre résolument l'entreprise de démocratisation et d'accessibilité aux études supérieures amorcée à l'époque de la Révolution tranquille, entreprise qui a déjà donné des résultats substantiels et qu'il importe de rendre à terme.

Dans cette perspective, les universités et les pouvoirs publics doivent non seulement s'opposer à toute augmentation des droits de scolarité, mais trouver de nouveaux moyens de soutenir les étudiantes et les étudiants pour qu'ils puissent se consacrer à leur formation sans avoir à se préoccuper outre mesure de leurs conditions matérielles d'existence qui peuvent représenter un obstacle majeur à leur réussite. Cela implique de revoir l'actuel programme de prêts et de bourses et de transformer l'importance relative de ces mesures au profit des bourses en vue de réduire un endettement étudiant trop considérable qui représente pour plusieurs une énorme hypothèque au moment où ils entrent dans la vie active. Cette façon de voir suppose qu'on ne conçoit plus l'engagement dans les études comme un investissement strictement personnel, un placement devant rapporter intérêt et profit, mais bien plutôt comme une responsabilité à assumer sur le plan de l'acquisition de compétences professionnelles elle-même traversée par des préoccupations éthiques et civiques.

Sur un plan plus général, les universités et les pouvoirs publics doivent favoriser l'accès aux études supérieures aux personnes provenant des milieux économiquement et socialement défavorisés qui demeurent encore insuffisamment présentes pour des raisons en partie culturelles, mais également pour des raisons financières. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'une hausse des droits de scolarité, loin de remédier à ce phénomène, risque fort de l'aggraver. Or, nous estimons que la promotion sociale de ces milieux doit être au coeur des préoccupations et des responsabilités des universités et de l'État.

n (10 heures) n

Deuxième orientation: gérer démocratiquement l'université localement et sur le plan national. Au niveau de chacun des établissements, il faut viser l'exercice de la collégialité et de la concertation la plus large possible, notamment en reconnaissant l'importance stratégique des principaux acteurs que sont les étudiants et les professeurs dans les unités académiques d'abord et plus largement dans les instances supérieures des universités. Cette réalité connaît des applications assez différentes entre les établissements pour des raisons historiques et culturelles. Il reste qu'il s'agit d'une orientation qui devrait être généralisée et approfondie.

Sur le plan national, la gestion démocratique des universités passe aussi par leur mise en réseau, la concertation et la coordination que pourrait assumer une commission nationale des universités, recommandation que nous formulons conjointement avec la Fédération québécoise des professeurs d'université. Une telle commission, comprenant des étudiants, des professeurs, des administrateurs, des représentants de la société civile, dans des proportions à établir, serait chargée de promouvoir le développement du réseau universitaire dans sa totalité, de préserver l'intégrité de l'institution et le respect des principes qui la fondent, en particulier la liberté académique et l'autonomie institutionnelle, d'aviser et de conseiller le gouvernement et les composantes de la communauté universitaire sur toute question relative à l'enseignement, à la recherche, à la formation des étudiantes et des étudiants et au financement.

Elle aurait aussi pour mandat de délimiter les zones d'implantation des établissements et de suggérer des arbitrages entre les universités qui se livrent actuellement à des luttes coûteuses, notamment pour la conquête des effectifs étudiants. Cette concurrence s'exprime par des campagnes de publicité agressives dans les lieux publics, en particulier dans les stations du métro de Montréal, où les établissements se comportent comme des entreprises commerciales à la recherche de clients à appâter par un racolage flamboyant et tapageur donnant ainsi une image douteuse et troublante de leur mission. La voie à suivre pour éviter cette rivalité de boutiquiers est celle de la complémentarité, de la concertation et de la coopération. La commission dont nous suggérons la création pourrait être le lieu où celle-ci pourrait s'exercer et s'épanouir harmonieusement.

Troisième orientation: renforcer le statut du français comme langue d'enseignement et de travail dans les universités francophones. À l'ère de la mondialisation marchande caractérisée par la prédominance de l'anglais, il importe de maintenir et d'accentuer le caractère français des établissements universitaires francophones sollicités pour accorder davantage de place et d'importance à l'anglais dans les activités d'enseignement. Les universités pourraient et devraient se doter de politiques linguistiques exprimant cette préoccupation et cette orientation, et le gouvernement devrait les appuyer fermement dans ces initiatives.

Troisième partie: Les conditions de réalisation de la mission universitaire. Pour accomplir pleinement leur mission, les universités doivent être soutenues politiquement par les pouvoirs publics et bénéficier d'un financement adéquat en l'absence duquel elles risquent de se trouver forcées de recourir à des sources privées de financement avec les risques que cela comporte pour leur autonomie. Elles doivent donc pouvoir compter sur un soutien de base substantiel pour leurs dépenses de fonctionnement, assuré de manière régulière et récurrente. Les établissements plus récents, ce qui est le cas de l'UQAM, devraient de plus faire l'objet d'une mise à niveau qui les placerait sur un pied d'égalité avec les universités dites traditionnelles.

Les universités doivent également pouvoir compter sur un soutien gouvernemental particulier pour leurs activités de recherche qui ont connu un développement remarquable au cours des 20 dernières années. Même si nous remettons en question une survalorisation de la recherche qui s'est effectuée au prix de la relégation au deuxième plan de l'enseignement dans la tâche professorale, nous estimons que celle-ci doit être soutenue par l'État à travers un financement adéquat, notamment des fonds de recherche québécois dont le budget a été réduit récemment et qui doit, au minimum, être rétabli à son niveau antérieur. Ce n'est d'ailleurs pas tant la place et l'importance de la recherche dans l'université que nous interrogeons que le statut démesuré qui lui est accordé dans l'évaluation de la carrière professorale aux moments stratégiques de l'embauche, de l'attribution de la permanence et de la promotion.

L'accomplissement de la mission universitaire telle que nous la concevons repose enfin sur des ressources professorales en nombre suffisant pour assumer les fonctions d'enseignement et de recherche que sa mise en oeuvre exige. On sait que le nombre total des postes occupés par des professeurs réguliers a diminué dramatiquement au cours des années 1990, alors même que l'effectif étudiant connaissait une augmentation importante. Un léger redressement s'est amorcé au cours des dernières années, mais il faudra bien davantage pour que la situation soit pleinement corrigée et pour que les ratios étudiants-professeurs retrouvent un équilibre satisfaisant. À l'UQAM, au tournant des années 1990, on comptait moins de 30 étudiants en moyenne par groupe-cours au premier cycle. On en retrouve actuellement 41 en moyenne, ce qui représente une augmentation de plus de 30 %, avec les conséquences que cela entraîne pour les étudiants d'abord: classes trop nombreuses, relation pédagogique difficile, encadrement insuffisant, et pour les professeurs ensuite: obligation de recourir au cours magistral, absence des véritable contact avec les étudiants, dont ceux-ci se plaignent avec raison d'ailleurs, surcharge de corrections, etc. Seule une réduction de cette moyenne cible, pour reprendre l'appellation convenue, pourrait permettre de renouer avec une pédagogie davantage épanouissante tant pour les étudiants que pour les professeurs, et cela ne sera possible que par un réinvestissement considérable de l'État dans le réseau universitaire.

Conclusion. Nos recommandations, dont je ne donnerai pas lecture, découlent directement de notre conception de l'université comme service public, à gérer en collégialité selon des principes démocratiques, et socialement responsable, voué au progrès scientifique, culturel et social de la collectivité que forme le Québec. Cette société, en retour, doit lui assurer un appui politique et financier concret lui permettant de réaliser pleinement ses ambitions et sa mission.

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Pelletier. Alors, je comprends que nous avons quelques minutes à reprendre et peut-être qu'on pourrait faire deux blocs de 17 minutes, à moins qu'on fasse des plus petits blocs, mais je pense que... Alors, si c'est accepté, on pourrait faire deux blocs de 17 minutes.

Je voudrais simplement, avant de passer la parole à M. le ministre de l'Éducation, seulement noter... Je ne veux pas provoquer un débat, mais je sais que les parlementaires vont certainement l'aborder. J'ai noté, moi, que vous refusez par principe toute comparaison avec le reste du Canada en ce qui concerne les frais de scolarité et qu'en même temps, un peu plus loin, vous dénoncez tous les empiétements fédéraux sur les prérogatives du Québec. Alors, je ne crois pas qu'on vous ait écoutés, là, je ne sais pas si ça va être abordé, mais, quand on se fie aux journaux de ce matin... Alors, M. le ministre, peut-être que vous pourriez lancer le débat.

M. Reid: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants des professeurs et des professeures de l'UQAM et m'excuser. J'avais un événement et je n'ai pas pu faire mon discours à l'heure exactement prescrite, et donc ça m'a obligé à arriver un peu en retard, et je m'en excuse.

Je voudrais vous dire qu'il y a des éléments dans votre présentation et dans votre texte qui nous interpellent tous ici. Je pense qu'on a eu l'occasion de les entendre plusieurs fois. Quand vous parlez évidemment de préoccupations quant au fait qu'on ne veuille pas remettre en question les universités en région quant à leur statut et leur capacité, nous avons nous-mêmes posé la question, de part et d'autre à la commission, à différents intervenants, sur la recherche, la capacité et la volonté de nous assurer que les universités en région seraient des universités complètes. Je pense que là-dessus nous vibrons à l'unisson, là, tout le monde ensemble, et avec vous. Même chose au niveau de la hiérarchisation et spécialisation dans les universités. Nous n'avons pas manifesté ici rien dans ce sens-là et au contraire nous avons toujours été préoccupés de demander à toutes les personnes qui se sont prononcées là-dessus de nous assurer qu'ils pourraient, et c'était possible et qu'il y avait la volonté de faire en sorte que toutes les universités québécoises puissent avoir la même capacité de former nos jeunes.

La question que je voudrais vous poser, c'est beaucoup plus sur votre proposition que vous nous ramenez, qui avait été déposée aux états généraux, et vous le mentionnez tel quel. Vous parlez de commission nationale des universités, vous venez d'en parler, etc., qui est une proposition qui nous amènerait à aller vers, et c'est un peu... c'est mon avis, vous me détromperez si je me trompe, mais qui nous amènerait à aller vers une très forte centralisation du système universitaire. Et c'est pour ça que votre proposition avait eu, il y a un certain nombre d'années, beaucoup de réactions et qu'elle n'avait pas été retenue, et c'est ce qui est arrivé.

Vous remontez, dans votre texte même, aux hypothèses qui avaient été évoquées et discutées à la commission Parent, qui avaient donné lieu au rapport Parent, hypothèses qui n'ont pas été retenues d'ailleurs, parce que ça ne semblait pas, dès cette époque-là, correspondre à la nature du système universitaire québécois et son autonomie. Et, quand on regarde toute l'évolution qui s'est faite depuis 35 ans du rapport Parent, l'ensemble du système québécois est passé d'un système plus bureaucratique à un système moins bureaucratique, plus décentralisé, plus d'autonomie partout, les décisions se prennent plus près de là où se passent les choses, et c'est vrai pour le système universitaire qui a développé une plus grande autonomie tout en s'adaptant et en répondant aux besoins du public, autant que je puisse faire l'état de la question. C'est vrai aussi du système collégial, qu'on a décentralisé encore pendant les années quatre-vingt-dix, et, à la fin des années quatre-vingt-dix, on a procédé à une décentralisation exceptionnellement poussée du système d'éducation primaire, secondaire avec une étape où, aujourd'hui, on se rend compte que c'est même au niveau des écoles que se prennent une grande partie des décisions liées à l'éducation à ce niveau-là.

n (10 h 10) n

Ma question, je ne veux pas qu'elle soit brutale, mais est-ce que vous n'avez pas l'impression d'être un peu à contre-courant de l'évolution du Québec depuis 35 ans en ramenant aujourd'hui une proposition, alors qu'on est encore plus décentralisé comme système qu'on ne l'était lorsque ça avait été présenté aux états généraux? Est-ce que vous n'avez pas l'impression d'être un peu à contre-courant de l'évolution du Québec, évolution qui par ailleurs amène, pour ce système de décentralisation particulièrement, y compris dans les universités, des appréciations extrêmement positives un peu partout dans le monde? C'est vrai pour le niveau primaire, secondaire. J'ai entendu parler quelqu'un récemment qui parlait de rencontres qu'ils avaient eues en Chine; ils ont étudié les systèmes et ils ont beaucoup retenu ce que nous faisions au Québec. François Tavenas, le regretté François Tavenas, a fait un rapport, pas en son nom personnel, mais il a fait un rapport pour les universités européennes au niveau de la gouvernance et il a retenu pour eux beaucoup d'éléments qui étaient ceux du Québec et que les Européens ont beaucoup appréciés.

Alors, je ne sais pas, a priori, là, j'ai l'impression qu'on semble vouloir renverser ce mouvement d'autonomie qui fait de plus en plus confiance aux intervenants et aux enseignants, aux professeurs dans les universités et collèges, etc. Est-ce que je me trompe ou s'il y a effectivement une volonté de renverser ce courant de décentralisation qui anime le Québec depuis 35 ans?

Le Président (M. Arseneau): M. Pelletier.

M. Pelletier (Jacques): Oui, bien, c'est-à-dire, qu'on soit à contre-courant, ça, ça me paraît assez clair, en tout cas dans l'ensemble de l'orientation qu'on développe, je dirais, à la fois dans le mémoire et dans la présentation qu'on fait. Mais, je veux dire, être à contre-courant, ça... être à contre-courant, en tout cas, disons, j'ai tendance à dire que ça ne nous pose pas de problème très particulier, comme syndicat, on a toujours été... bon, sur un plan très général.

Maintenant, sur la question spécifique, la commission nationale des universités, on pense que, bon, c'est une proposition, une proposition qui pourrait être discutée, qui a ses avantages et ses inconvénients. Vous évoquez, vous parlez de décentralisation. C'est correct, la décentralisation, c'est bien, mais, en même temps, nous, on tient à l'unité, la cohésion, puis, je dirais, la cohérence des organisations. Ce qui fait qu'à l'UQAM, par exemple, il y a une décentralisation qui s'est faite à l'occasion de la création d'un modèle facultaire, d'ailleurs comme les autres universités, pour lequel on n'avait pas d'enthousiasme particulier à l'époque où ça s'est fait, nous, le syndicat, mais ça, c'est une autre question. Ça s'est fait. Donc, on pense qu'effectivement l'autonomie au niveau local ou au niveau des établissements, c'est une chose. On trouve qu'effectivement en soi c'est positif.

Mais, par ailleurs, qu'il y ait une unité au niveau global, qu'il y ait une cohérence d'ensemble, qu'il y ait un lieu pour lequel on puisse réaliser des arbitrages et que ce lieu-là soit un lieu peut-être plus largement représentatif que la Conférence des recteurs... La Conférence des recteurs, c'est quand même, comme le nom le dit, une sorte de club privé des recteurs. Bon. On pense que ce serait peut-être plus intéressant que ça se fasse dans un cadre plus large. Et la CSN avait des préoccupations de cet ordre-là, qu'elle n'a pas formulées dans ces termes-là dans son mémoire, soit une sorte d'interface en tout cas, quelque part, entre les universités, si on veut, et la société civile prise globalement.

La commission nationale des universités qu'on suggère, ça pourrait être une des façons de faire ça, mais ça pourrait se faire autrement, comme on n'a pas un programme non plus en disant: Ça prend exactement les représentants de tel ou tel organisme, et tout. Mais on pense que ce serait intéressant qu'une réflexion collective qui implique la société civile globalement se fasse dans le cadre d'un lieu que... Bon. On suggère que ce soit une commission nationale des universités. Ça ne s'oppose pas du tout à l'autonomie locale. Mais, quand il y a des histoires aussi idiotes ? parce que je pense qu'il faut le dire dans ces termes-là, de manière assez brutale ? que les concurrences qui se font à Montréal puis qui se traduisent non seulement dans les stations de métro, mais même sur les wagons de métro eux-mêmes, on trouve que, pour l'université, ce n'est pas particulièrement génial, là. Ce serait peut-être mieux qu'il y ait des partages qui se fassent ailleurs que dans les stations de métro.

Le Président (M. Arseneau): M. Comeau, je crois que vous auriez un complément de réponse?

M. Comeau (Robert): Oui. Pour ajouter à ça, c'est sûr que cette commission-là respecterait l'autonomie de chaque établissement. Mais il y a des problèmes sérieux nouveaux qui sont apparus, et je pense que la solution de ces problèmes-là passe par une décision qui est plus générale. Je vais vous donner deux exemples de problèmes.

La formation continue actuellement dans les universités francophones. Si, à l'UQAM par exemple, on décide, nous, de ne pas donner de formation continue en langue anglaise, eh bien, c'est la compétition de Sherbrooke ou d'ailleurs qui va le faire. Cette position-là, si on veut continuer à faire de la formation continue en anglais dans les universités francophones, on ne peut pas le faire tout seul en se tirant dans les pieds.

Un autre exemple qui a été soulevé par le président, c'est la question de la localisation. C'est complètement aberrant actuellement, les budgets qui sont mis dans la... essayer d'appeler, d'avoir des effectifs étudiants, c'est une vraie course aux clientèles, et on a l'air de vrais marchands. Ça, c'est à mon avis du gaspillage, il faudrait qu'il y ait un minimum. À la station de métro Longueuil, on annonce la station de l'Université de Sherbrooke. On est rendu, là, assez loin, M. le Président. Alors, vous voyez un peu où ça mène, cette course-là. Et actuellement on établit des campus un peu partout, alors chaque université multiplie les campus en région, c'est le cafouillis.

Alors, peut-être qu'il me semble... en tout cas, il nous semble, à nous, qu'il serait important que la décision vienne d'en haut dans des cas comme cela, baliser le terrain, mettre des règles du jeu. Actuellement, c'est complètement laissé à la liberté complète et ce n'est certainement pas dans le sens de la qualité de l'enseignement. En tout cas, nous, on aimerait bien ça qu'en haut lieu on prenne des décisions là-dessus puis qu'on prenne position.

Le Président (M. Arseneau): M. le ministre de l'Éducation.

M. Reid: Oui, M. le Président, je voudrais juste être sûr que je n'entre pas dans le débat du nom d'une station de métro, là. Tous ces choix-là se sont faits après que je sois parti de Sherbrooke.

Une question qui m'apparaît importante et que vous avez soulevée ici, dans votre mémoire, c'est la question... ce que vous appelez la différenciation salariale chez les professeurs. Mais vous êtes bien conscients aussi, on le voit dans votre mémoire, dans votre discours, qu'il y a une question du recrutement des professeurs. Et une des questions qu'on se pose comme commission, c'est: Dans quelle mesure est-ce que c'est inévitable d'avoir à vivre, d'avoir une corrélation, là, en quelque sorte entre la solution à certaines difficultés de recrutement lorsque les professeurs se font plus rares, les candidats se font plus rares, et le fait de devoir payer des salaires différenciés? La question n'est peut-être pas de savoir si on veut arriver jusqu'à la différenciation qui existe dans le hockey ou les sports, mais on voit aux États-Unis par exemple, qui ont commencé ce genre de choses avant nous, qui ont une mentalité plus commerciale que nous, au Québec, qu'il y a une différenciation extrêmement importante. Alors, votre position là-dessus, est-ce que c'est qu'il ne devrait y en avoir aucune? Est-ce que ça devrait être plus limité? Est-ce que vous avez une position là-dessus qui est plus souple ou qui est très rigoureuse, là?

M. Pelletier (Jacques): Bien, c'est-à-dire que la position que nous avons, comme syndicat, elle s'exprime à travers une disposition de la convention collective qui prévoit que, effectivement, certaines primes soient versées mais dans une limite déterminée et déterminée à la fois en pourcentage de la masse salariale et en augmentation, en chiffres d'augmentation salariale. C'est, je dirais, une position... J'aurais tendance à dire que c'est une position de compromis que le syndicat a faite il y a quelques années, avec laquelle tous n'étaient pas forcément d'accord, dont celui qui vous parle. Mais, bon, il reste que c'est une position syndicale.

La question des difficultés de recrutement, ça nous paraît un peu comme le mythe, il y a quelques années, de... ça fait partie de cette espèce de mythologie plus ou moins fondée, parce qu'on sait très bien, et le Conseil supérieur vient de le montrer dans une enquête qu'ils ont faite là-dessus, bon, qui est parue récemment, que c'est dans certains secteurs très spécifiques qu'il y a des difficultés réelles de recrutement: dans les sciences de la gestion, dans certains secteurs des sciences de l'éducation, dans le paramédical, mais qu'en gros ça ne se pose pas globalement pour l'université. De telle sorte que de justifier, je dirais, des mesures qui vont dans ce sens-là au nom de la difficulté du recrutement, ça nous paraît largement exagéré parce que ça concerne simplement certains secteurs spécifiques.

Ce que ça donne dans les faits, quand on dit que ça avantage certaines catégories, ça veut dire que, par exemple, dans certaines disciplines qui, sur le marché, disons, sont mieux cotées, mettons ça dans ces termes-là, ça introduit une sorte d'échelle attachée à, je dirais, une catégorie de professeurs. Pour être clair, chez nous, les économistes par exemple, il y a presque la moitié du département d'économie qui a des primes dites de marché, et donc qui fait le même travail que mes collègues ici et que moi-même et qui a des primes de marché, bon, soi-disant parce qu'il y a une sorte de demande qui les attirerait Dieu sait où. Bon.

Alors, c'est pour ça que... Nous, en tout cas, ce qui est clair, c'est qu'on a fait un compromis là-dessus comme syndicat, le SPUQ, mais on n'est pas très favorable, c'est le moins qu'on puisse dire, à l'existence de ce genre de choses là, parce que ça crée d'autres types de problèmes, là. Ça fait que ce n'est pas tout le monde qui est nécessairement très enthousiaste de savoir que son voisin qui fait le même travail gagne 20 000 $ ou 25 000 $ de plus parce qu'il est économiste ou parce qu'il est je ne sais pas quoi. Alors, ça crée d'autres genres de difficultés, ces dispositions-là, il faut en être clair aussi, c'est qu'on règle peut-être, je dis bien, dans certains cas, des problèmes de recrutement, parce qu'il faudrait mesurer ça, mais, en même temps, on crée des problèmes à l'interne dans le fonctionnement des universités.

Le Président (M. Arseneau): M. Duchesne, peut-être un complément de réponse.

n (10 h 20) n

M. Duchesne (Jacques): Oui. Il est clair que ces primes de marché s'inscrivent dans le modèle de concurrence entre les universités. Il y a même des pratiques qui sont connues et observées que des candidats se font engager dans une université pour aller présenter ensuite cette offre d'engagement dans une autre université pour se faire offrir davantage. Sur le fond, il y a le problème que ça pose, plus fondamental, c'est en rapport avec le but que l'on poursuit avec ça, qui n'est évidemment pas un but d'amélioration de la qualité de l'enseignement et de la recherche dans les universités. Parce que, si l'on considère seulement dans la petite UQAM les primes de marché qui sont moindres que dans l'ensemble des universités québécoises, bien, simplement avec les montants, ceux que l'on connaît, qui sont mis dans les primes de marché, on pourrait considérer l'embauche d'une dizaine ou d'une douzaine de nouveaux professeurs. Alors, ça, c'est à chaque année. Alors, ça représente un problème à la fois pour la qualité, l'accessibilité dans les universités, et cette concurrence effrénée entre les universités produit aussi ce genre de malaise.

Le Président (M. Arseneau): M. le ministre.

M. Reid: Oui, je ne sais pas si mes collègues voulaient poser une question, parce que, moi, j'en ai d'autres. Oui?

Le Président (M. Arseneau): Oui, alors M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Alors, merci, M. le Président. Moi, ce que j'aimerais entendre de votre part, c'est que... Dans ce que vous nous avez lu ce matin, vous faites état en fait d'une situation un petit peu problématique puis qui m'a quasiment l'air d'un détournement de fonds. Vous nous dites qu'on fait transiter vers les actionnaires ? il y en a qui sont des professeurs-entrepreneurs, là ? les fruits financiers, appropriés privément, de travaux de recherche financés par les fonds publics notamment à travers la création, là, de chaires soutenues par les entreprises. Évidemment que l'entente...

M. Pelletier (Jacques): Oui, ce que ça veut dire, c'est que ça veut dire qu'il y a des chaires qui sont créées avec l'appui de banques ou avec l'appui de certaines entreprises privées pour engager des professeurs qui font des recherches et dont les retombées ou dont les prolongements profitent aux organisations qui ont appuyé financièrement les chaires en question. Alors, peut-être que la formulation dans laquelle on décrit le phénomène vous apparaît peut-être un peu forte, mais on trouve que ça ressemble à quelque chose de ce genre-là. C'est-à-dire que ce n'est pas des dons, là, on est dans un système d'investissements d'une certaine façon, on appuie des chaires, mais on profite aussi des retombées des recherches des chaires en question.

Bon. On peut être d'accord ou pas avec ça, ça dépend de, je dirais, l'orientation politique qu'on a, j'imagine, ou de la conception générale qu'on a de l'université et de la société, mais, nous, on pense qu'effectivement il y a un retour sur investissement, si on peut dire, à travers les recherches qui sont effectuées. Et, bon, ça nous paraît, nous, extrêmement... en tout cas, disons qu'on peut s'interroger pas mal là-dessus dans la mesure où effectivement les universités en principe sont autonomes, sont très fières de se définir, la liberté intellectuelle, bon, tout le truc, mais, à partir du moment où ce genre, je dirais, d'initiative là a tendance à se répandre, et ça se répand fortement depuis quelques années, c'est clair que la marge d'autonomie, d'indépendance des universités peut continuer d'être extrêmement importante dans le discours, mais, dans la réalité, les marges de manoeuvre sont beaucoup moins grandes qu'avant, disons.

M. Soucy: J'en aurais une deuxième.

Le Président (M. Arseneau): Il reste 30 secondes. Si la question et la réponse peuvent rentrer là-dedans, ce serait bien.

M. Soucy: Bon, O.K., alors je vais faire ça rapidement. Ma deuxième question, c'est que vous notez un recul de la formation disciplinaire et de la culture générale au profit d'une formation de plus en plus étroitement spécialisée. Mais n'est-ce pas là une des réalités auxquelles on doit faire face? Alors, une demande de plus en plus, je vous dirais, grande de gens spécialisés, puis là, bien, c'est comme si vous n'étiez pas en accord avec la réalité qu'on vit.

M. Pelletier (Jacques): Non, ce n'est pas ce qu'on dit tout à fait, puis... En tout cas, je pense que ça pourrait être nuancé pas mal, c'est un texte assez court, là. Ce qu'on pense en tout cas, ce qu'on pense, c'est qu'il devrait y avoir, d'une certaine façon, y compris dans les formations spécialisées, une part de formation générale au sens où, je pense que c'est important, peu importe que les gens soient dans des programmes dits de formation professionnelle très stricte, que ce soit le travail social, pour donner un exemple, bon, dans le domaine des sciences sociales, ou autre chose. Mais que les gens, au-delà, je dirais, de la formation stricte à un métier, soient aussi appelés à réfléchir sur leur pratique professionnelle, bon, ça, on pense que ça doit intervenir partout. Mais sauf que, d'une part, on a... la réalité, c'est que cette... je dirais que cette tendance professionnelle générale là a tendance à s'imposer, un, et puis, deux, avec la mise entre parenthèses ou la diminution de l'importance, je dirais, de la réflexion plus générale à l'intérieur des spécialisations. Puis, plus globalement, sur le plan de l'université, bien, c'est clair qu'il y a de plus en plus des écoles, les écoles sont formées en fonction de besoins spécifiques à remplir. Enfin, il faut que je termine.

Le Président (M. Arseneau): Peut-être que vous pourrez compléter lors de la prochaine question, mais, à cause de notre règle d'alternance, je vais maintenant passer la parole à la députée de Taillon, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation. Madame, votre bloc, vous avez 17 min 30 s.

Mme Marois: Parfait. Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour au nom de ma formation politique. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire.

Je vais commencer par ce que vous abordez en conclusion de votre mémoire, à la page 10, et le président de notre commission y a fait référence tout à l'heure. Je pense qu'on ne peut pas faire fi de l'actualité, et on a vu qu'hier s'est déposé un budget à Ottawa, qui n'est pas très stimulant à bien des égards, mais qui continue d'être inquiétant à d'autres parce qu'on empiète encore dans les responsabilités et pouvoirs des provinces, et en particulier en éducation. On voit qu'on annonce une série de mesures d'aide aux études, sous toutes sortes de formes, en utilisant des mots qui camouflent en fait qu'on investit en éducation, on parle d'apprentissage, mais on sait fort bien que, pendant tout ce temps-là, on viole dans le fond la Constitution canadienne. Alors, c'est assez étonnant quand même qu'on procède de cette façon.

Et vous y faites référence plus généralement évidemment à la page 10 de votre mémoire en disant qu'il y a un énorme pouvoir de dépenser qui est actuellement concentré à Ottawa, où le gouvernement fédéral ne cesse d'empiéter sur les pouvoirs de dépenser des provinces, et donc on devrait réclamer évidemment non seulement le rapatriement de ces sommes, mais une correction plus en profondeur au niveau de la question du déséquilibre fiscal. Et vous faites référence à différentes mesures qui ont été adoptées par le fédéral il y a quelques années, puis demain... c'est-à-dire hier on a fait la même chose. Il y a quelques années, on a parlé des bourses du millénaire, on a parlé des chaires dans les universités, on a parlé de la Fondation canadienne de l'innovation, et cela continue.

Est-ce que vous seriez prêts à participer à un mouvement, à une coalition qui réunirait différents partenaires québécois et que pourrait susciter l'actuel gouvernement pour défendre cette position vis-à-vis Ottawa et aller, je dirais, au bout de cette démarche? Parce que ça devient non seulement choquant que ce soient autant d'argents sur lesquels on a sans arrêt à défendre les priorités du Québec, et, malgré tous les mécanismes qu'on a mis en place pour que ces mêmes priorités soient respectées, on réussit toujours ? quand je dis «on», je pense au fédéral ? ils réussissent toujours à passer à travers ou à côté des règles qu'on établit.

Le Président (M. Arseneau): Oui. Alors, M. Comeau peut-être, M. Pelletier.

M. Pelletier (Jacques): Bien, je vais laisser la parole à Robert Comeau là-dessus. J'aurais tendance à dire oui, mais je vais le laisser élaborer.

M. Comeau (Robert): Alors, je pense que notre mémoire est très clair là-dessus, les positions sont claires: on veut un règlement du déséquilibre fiscal et la récupération par Québec de l'ensemble du champ de financement des universités avec le transfert des moyens financiers correspondants. Alors, c'est évident que... je pense que là-dessus on peut faire un bout de chemin. Maintenant, c'est clair que, dans tout front commun, il faut retourner auprès de nos membres pour... Je ne peux pas vous répondre comme ça, mais c'est clair qu'une initiative de cet ordre-là nous sourit.

Mme Marois: D'accord. C'est important parce que c'est revenu. Plusieurs mémoires en font état et plusieurs mémoires indiquent leur intérêt à ce qu'il y ait une telle action qui soit menée par Québec. Alors, j'imagine que le ministre de l'Éducation vous entend tout aussi bien que nous et ceux et celles qui nous écoutent.

Je veux revenir maintenant sur la question qui a été abordée par le ministre dans ses premières interventions et qui, moi aussi, m'interpelle, soit cette proposition d'un réseau universitaire intégré fondé sur la concertation. D'abord, une première question, plus de fait: Est-ce que de tels réseaux existent dans d'autres États à travers le monde, qui sont des États démocratiques, avec des systèmes mixtes finalement, mais des systèmes de marché, si on veut, une économie de marché? Bon. Je vais poser la deuxième question tout de suite. Ça, c'est la première.

n (10 h 30) n

La seconde: Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction dans ce que vous proposez comme réseau et ce que vous souhaitez par ailleurs comme... dans le fond, toute la perspective du respect de la liberté de chacune des institutions, de pouvoir faire ses choix? Et, en même temps, vous dites ? et là j'ai même écouté vos réponses tout à l'heure ? qu'en haut on puisse prendre un certain nombre de décisions. Est-ce qu'il n'y a pas une apparente contradiction, à tout le moins, dans la proposition que vous faites et en même temps les orientations que vous privilégiez quant au respect de la liberté des universités?

Le Président (M. Arseneau): M. Pelletier.

M. Pelletier (Jacques): Bien, il faut dire que... La première question, je pense qu'il y a des systèmes nationaux de toute façon qui sont beaucoup plus centralisés que le nôtre, le système français pour commencer, mais, bon, je ne me suis pas préparé à des questions particulières là-dessus, mais c'est clair qu'il y a plusieurs régimes... plusieurs États, pardon, sociétés modernes démocratiques, qui ont une conception plus unifiée ou plus centralisée du système universitaire. Bon. Alors, nous, ça ne veut pas dire qu'il faut copier le système français, mais on pense que ce serait bon de toute manière qu'il y a une concertation, ça, sur un plan global, et pas seulement au niveau du réseau UQ. Il y en a une déjà dans le réseau UQ. On pense que, s'il y en avait une qui comprendrait l'ensemble des universités, ce serait, en tout cas en ce qui nous concerne, une bonne chose.

Maintenant, pour la question de l'apparente contradiction, il y a peut-être apparente contradiction. Est-ce qu'il y a contradiction réelle? Je ne suis pas sûr, moi. C'est à peu près... Si je prends des exemples dans les universités, il y a une autonomie départementale extrêmement forte dans les départements, les unités de base des universités. Bon. Ça n'empêche pas qu'il y a des questions qui se règlent au niveau des facultés puis il y en a d'autres qui se règlent au niveau des institutions. Je pense que l'autonomie n'est pas... Comment dire, donc? Il y a un premier degré d'autonomie, et de liberté, et de marge de manoeuvre des lieux à partir d'unités aussi fondamentales que celles-là, des unités que sont les établissements, c'est sûr, comme au niveau réseau UQ il y a des arbitrages qui se font. La TELUQ, là, le projet de rattachement à l'UQAM, il va toujours bien falloir que ce soit tranché un jour par quelqu'un. Bon. Apparemment, c'est le réseau UQ qui aurait comme une sorte de décision politique du gouvernement là-dessus. Mais, je veux dire, il y a un arbitrage qui va se faire quelque part.

Alors, on pense qu'une instance comme celle-là, une commission nationale de ce type-là, ou ça pourrait s'appeler autrement, mais en tout cas ce serait... Comme il y a déjà eu un conseil des universités, bon, qui a été aboli pour différentes raisons, on ne veut pas ressusciter ça nécessairement, mais on pense que ce serait intéressant qu'il y ait un lieu, en tout cas, public, centralisé, dans lequel, je dirais, des questions générales qui concernent les universités seraient débattues et qui pourrait éventuellement, sinon trancher lui-même, suggérer des arbitrages. Bon. C'est ça qui nous paraît intéressant.

Sur ce plan-là, on pense que ça rejoint aussi les préoccupations de d'autres acteurs politiques ou d'autres organisations sociales... syndicales, pardon, et tout. Donc, c'est pour ça qu'on ne voit pas de contradiction nécessaire, là. C'est parce qu'il y a toujours... C'est beaucoup des questions de degré, là. Questions de centralisation ou décentralisation, marge d'autonomie, c'est toujours relatif à autre chose. On en sait quelque chose, là. Québec par rapport à Ottawa, ça marche, mettons. Bon. Il y en a qui la veulent plus grande, mais il y en a d'autres qui sont contents dans cette marge-là. Bon.

Mais c'est ça, là. Je pense que c'est un peu dans ces termes-là qu'on le voit. C'est parce que, nous, on a une préoccupation, et c'est là-dessus. On est peut-être effectivement en partie à contre-courant dans ces positions-là, mais on tient beaucoup... et ne serait-ce qu'à l'UQAM, par exemple, je vous donne un exemple local, on serait plutôt partisans de maintenir en tout cas une structure, une unité organisationnelle assez forte, même si on est d'accord pour qu'il y ait un mouvement, une partie de transfert, dans les compétences, si on peut dire, vers les facultés, mais pas au prix de la cohérence de l'ensemble de l'organisation. Alors, c'est un peu dans cette perspective-là. Si on projette ça au niveau du Québec, pour les universités, on trouverait intéressant qu'il y ait un lieu pour ça.

Mme Marois: À ce moment-là... Oui? Je pense que M. Comeau veut ajouter...

Le Président (M. Arseneau): M. Comeau, peut-être, oui.

M. Comeau (Robert): Bien, juste dire que, dans les pays normaux, la planification, on ne laisse pas ça à des corporations privées. Parce que la CREPUQ, il faut bien se le dire, c'est une corporation privée instituée en vertu de la Loi des compagnies. D'habitude, les gouvernements, ils s'affirment un peu plus, tout en respectant l'autonomie des institutions.

Sur la question du réseau, vous avez parlé, M. le ministre, tantôt, au moment de la commission Parent, au moment de... ceux qui étaient les initiateurs avaient souhaité un grand réseau large, et c'est la résistance des universités anglophones qui a fait bloquer ça. On a commencé donc un réseau limité, mais ce n'est pas normal que, par exemple, l'UQAM pendant longtemps ait été l'université qui devait faire la péréquation pour les universités en région. Ça aurait dû être l'ensemble des universités, dans un grand réseau, qui partagent les coûts avec les régions. Parce que ce n'est pas normal qu'on fait un réseau entre pauvres puis on laisse les grandes universités riches à côté. Ah! C'est sûr qu'avec le temps ça s'est corrigé par diverses mesures, mais bien partiellement. Quand on regarde, aujourd'hui, le déséquilibre dans les fondations, c'est assez gênant de voir ça. Et là-dessus on trouve que ça ne bouge pas beaucoup en haut lieu.

En tout cas, quant à moi, la question du réseau, il serait temps d'y revenir parce que le déséquilibre s'accentue. Vous savez que les chaires du Canada viennent compliquer le problème. C'est nouveau, mais les chaires du Canada, elles sont accordées aux grandes universités. Alors, allez voir Toronto par rapport à Montréal et puis aller voir, par exemple, l'UQAM à côté de McGill, bien c'est là qu'on voit que ces chaires-là viennent déstructurer le système, accentuent les écarts, et, nous, on laisse faire, sous prétexte qu'on respecte l'autonomie des universités. Vous laissez manger les... Les gros mangent les petits, puis on laisse faire. C'est comme ça que ça marche actuellement. C'est bien pire qu'il y a 40 ans, au moment du rapport Parent. Les écarts s'accentuent, et, nous, on ne fait rien.

Mme Marois: Oui. Puis, à ce moment-là, est-ce qu'il ne revient pas au gouvernement national des Québécois de faire cependant... D'abord, un, les chaires, ça ne devrait pas être distribué par Ottawa, on en convient.

M. Comeau (Robert): C'est d'ailleurs dans le mémoire.

Mme Marois: Vous en convenez, et je suis certaine que le ministre est d'accord avec nous sur ça. C'est des sommes qui devraient d'abord, un, rester chez nous, ne même pas aller à Ottawa parce que c'est ça que corrigerait le déséquilibre fiscal. À la limite, si elles y sont, elles devraient être transférées en bloc vers le Québec, et le Québec déciderait de l'allocation de ces sommes en éducation.

Mais par ailleurs, sans que nécessairement il y ait un tel réseau que celui que vous souhaitez, est-ce que le gouvernement québécois n'est pas en mesure de faire cette correction, cette péréquation et cette allocation de ressources? Et c'est un peu le sens des discussions qu'on a à l'heure actuelle, à l'occasion de la commission, et c'est pourquoi on vous entend. C'est: Quelle sorte de mesures ou quel type de mesures on peut retenir et appliquer pour corriger ces situations où des universités, à cause de leur histoire et des sommes considérables qu'elles ont reçues dans le passé, se trouvent dans une situation plus confortable même si elles viennent nous dire ? et c'est probablement vrai, là où elles en sont aujourd'hui ? que leur situation est aussi difficile que n'importe quelle autre, en termes de disponibilité de fonds?

Le Président (M. Arseneau): M. Comeau.

M. Comeau (Robert): Le système de financement actuel, où on privilégie d'abord les étudiants des études avancées, favorise les grandes universités qui existent, hein? Et, en ce sens-là, pendant des année, l'UQAM a été défavorisée parce que le type de financement allait dans le sens déjà de favoriser les universités qui avaient développé les deuxième et troisième cycles. Alors, je pense qu'il ne faut pas accentuer, par le système de financement et... Parce que c'est un peu aberrant. Tout le monde essaie d'avoir des clientèles, comme si c'était un marché, pour avoir le plus d'étudiants pour se faire financer. Alors, il y a le type de financement. On ne l'a pas abordé de façon approfondie, mais c'est clair que le système de financement qui accentue les écarts est tout à fait à rejeter.

Le Président (M. Arseneau): M. le député de Bertrand, vous avez la parole.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Bienvenue à cette commission parlementaire. Aux pages 7 et 8, vous parlez évidemment du financement de la recherche dans les universités. Vous déplorez, à la page 7, la baisse de financement qui... lors du dernier budget national, concernant les trois fonds de recherche subventionnaires au Québec, c'est-à-dire le fonds au niveau de la santé, au niveau de la nature technologique, au niveau des sociétés et cultures. Beaucoup de groupes nous ont dit la même chose. Bon. On attend de voir le prochain budget, là, national pour voir si ces fonds-là vont être indexés puis voire même si on va rattraper les montants qu'il y avait il y a deux ans.

Donc, vous parlez du financement, vous parlez aussi... Vous mentionnez que la recherche ? à la page 8 ? c'est une arme à deux tranchants parce que, au fur et à mesure que les années ont passé, on a vu la recherche prendre tellement d'importance dans les universités que ça s'est fait au détriment de l'enseignement, surtout au premier cycle.

Ma première question... Parce que j'ai deux questions et je vais vous les donner immédiatement, vous pourrez... Ma première question, c'est: Quels sont les indicateurs qui vous démontrent clairement qu'il y a un transfert, là, vers la recherche au détriment de l'enseignement? Comment vous avez mesuré tout ça? Un. Deux, vous avez mentionné tantôt... vous avez parlé de l'entreprise privée et puis vous avez dit qu'à quelque part, bon, il peut même y avoir ? ce n'est pas ce que vous avez employé comme terme, mais je le mentionne ? un conflit d'intérêts à l'effet qu'une entreprise, comme IBM, qui subventionne la recherche dans une faculté d'informatique, la recherche en informatique, il y a quelque chose qui n'est pas correct là-dedans. Comment voyez-vous, vous, l'implication de l'entreprise privée au niveau du financement de la recherche dans les universités?

M. Pelletier (Jacques): Bien, la première...

Le Président (M. Arseneau): Le député de Bertrand vous a généreusement soumis deux questions, mais vous n'avez que deux minutes pour répondre.

M. Pelletier (Jacques): Oui. On va faire ça vite. Mais en tout cas écoutez... Bon. Bien, à ce moment-là, on ne... Bon. O.K. Alors, pour l'enseignement au premier cycle, c'est quand même assez clair, là. C'est 60 % de chargés de cours, et il y a des étudiants qui ne voient à peu près jamais de profs durant tout leur premier cycle, qui viennent me voir, moi, parce qu'ils m'ont vu une fois dans un cours. Ils n'en ont à peu près pas vu d'autres puis ils veulent une lettre de recommandation pour la maîtrise. Bon. Je pense que c'est assez général comme situation. Là où il y a un lien direct, les profs sont surtout intéressés à enseigner au deuxième, troisième cycle. On ne peut pas les en blâmer nécessairement, c'est raccroché à des... en tout cas. Bon. Je pense que ça répond en partie à la question.

La deuxième, très rapidement, sur les interférences privé-public, bien c'est-à-dire que... Comment je dirais ça? Nous, là-dessus, je pense qu'on l'est, à contre-courant, on va l'avouer, là. Je veux dire, on pense que c'est l'État qui doit massivement soutenir les universités et que le moins de privé possible, le mieux c'est, en tout cas, pour être clair, là, de manière générale. Ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y en avoir un peu, mais le moins il y en a, le mieux c'est, parce que c'est clair que, s'il y en a, il y a au moins des questions de l'articulation puis des rapports entre les deux.

Une voix: M. le Président.

n (10 h 40) n

Le Président (M. Arseneau): C'est parce que vous avez soulevé beaucoup de commentaires. Les quatre veulent parler, et il reste une minute et demie.

Une voix: Oui. Bien, O.K., je vous laisse aller, là.

Le Président (M. Arseneau): Alors, je vous demande de...

Une voix: ...

Le Président (M. Arseneau): Je vous demande, M. Pelletier, de désigner qui va parler.

M. Pelletier (Jacques): Jacques...

Le Président (M. Arseneau): Allez-y, madame.

M. Pelletier (Jacques): Bien, Chantal, peut-être, qui était...

Le Président (M. Arseneau): Allez-y, madame. Mme Viger, alors. Mme Viger.

Mme Viger (Chantal): Alors, je voudrais revenir sur la première question que vous avez soulevée: Quelle est finalement la preuve que la recherche, elle est favorisée au détriment de l'enseignement? Bien, ça, on le vit au quotidien, comme professeurs actuels, et puis on a juste à voir les messages que l'on reçoit et les messages qui sont transmis aux professeurs qu'on recrute, hein? Comme professeurs qui vivons présentement, bien, si on veut notre titulariat, si on veut notre dernière promotion, bien quel est le critère premier qu'on regarde? C'est nos publications. Nos enseignements, oui, on va les regarder, mais nos promotions, notre titulariat, on l'a sur cette base. Et puis c'est le message qu'on envoie très clairement à tous les nouveaux professeurs.

Le Président (M. Arseneau): M. Duchesne, encore 30 secondes.

M. Duchesne (Jacques): Un mot sur la dernière question, la recherche commanditée, hein? Parce que la relation entre le privé et les universités, si la recherche est réalisée dans une optique qui est celle commandée par une entreprise privée, bien on se retrouve dans une recherche orientée. Si on a une recherche commandée par Hydro-Québec actuellement, pensez-vous qu'on va être favorable à faire de la recherche sur le Suroît ou sur les éoliennes, hein? Voilà.

Le Président (M. Arseneau): Alors, madame et messieurs du Syndicat des professeurs et professeures de l'Université du Québec à Montréal, la commission vous remercie pour ces échanges, ces discussions. Et je vais suspendre nos travaux quelques instants et demander aux représentants de l'Association des étudiants de Polytechnique de bien vouloir se présenter.

(Suspension de la séance à 10 h 42)

 

(Reprise à 10 h 44)

Le Président (M. Arseneau): Alors, nous allons donc reprendre nos travaux et nous avons avec nous les représentants de l'Association des étudiants de Polytechnique. Alors, c'est le président, M. Pierre Laurent ? c'est ça? ? qui va nous présenter les gens qui l'accompagnent et aussi faire la présentation. Ça, je vous laisse le choix, mais vous avez autour de 20 minutes. Si c'était possible de vous en tenir à cela, ça permettrait des échanges plus longs. Alors, à vous, M. Laurent.

Association des étudiants
de Polytechnique (AEP)

M. Laurent (Pierre): Bien, bonjour. Bonjour, M. le Président, bonjour, M. le ministre de l'Éducation, Mme la critique en matière d'éducation, Mmes et MM. les députés. Donc, vous l'avez dit, je m'appelle Pierre Laurent. Je suis président de l'Association des étudiants de Polytechnique. L'acronyme qu'on utilise, c'est AEP. Ça se peut qu'au cours de notre présentation on utilise cet acronyme-là, donc on voulait porter ça à votre attention. À ma gauche, j'ai la joie de vous présenter Julie Fournier, vice-présidente, à l'externe, de l'association; et, à sa gauche à elle, M. François Corriveau, adjoint académique externe.

Tout d'abord, on tient à vous remercier de nous avoir invités ce matin à vous présenter notre mémoire. Notre présentation, qui, on espère, va rester dans les 20 minutes réglementaires, va s'articuler en quatre parties, autour des particularité des étudiants de Polytechnique. C'est ça qu'on est venus vous présenter. Ces quatre parties, la première, Julie Fournier va vous parler d'accessibilité aux études universitaires. Ensuite, moi, j'aborderai une question plus particulière autour des étudiants étrangers. M. Corriveau vous parlera de la qualité de la formation, et ensuite Julie Fournier vous parlera du financement des universités. Ça fait que je propose qu'on procède et donc j'invite Julie Fournier à démarrer.

Le Président (M. Arseneau): Alors, allez-y, Mme Fournier.

Mme Fournier (Julie): Merci, M. le Président. Quand on parle d'accessibilité aux études, le gel des frais de scolarité semble être une des valeurs fondamentales du peuple québécois. Plusieurs études récentes ont démontré l'appui de la population à ce concept. Pourtant, le choix de la société québécoise est souvent remis en question par les différents gouvernements, ce qui crée un climat d'insécurité chez les étudiants et les rend cyniques face à la politique. M. le Président, nous sommes heureux aujourd'hui de représenter nos étudiants en commission parlementaire, avec l'espoir de régler une fois pour toutes cette question. Nous tenons à souligner que plus de 20 % des étudiants de Polytechnique ont signé la pétition qui a été déposée par la députée de Taillon, ici présente, le 9 décembre dernier, pétition qui demandait un gel des frais de scolarité et un réinvestissement en éducation.

Premièrement, M. le Président, nous voulons briser les illusions de ceux qui pensent encore qu'il existe réellement un gel des frais de scolarité au Québec. Vous avez déjà entendu parler du problème des frais afférents et autres frais obligatoires. Cependant, un fait encore plus grave nous permet d'affirmer que le gel des frais de scolarité n'existe pas. En effet, les frais de scolarité au Québec sont fixés à 55,61 $ par crédit. À Polytechnique, ils sont de 57 $. C'est pour ça que nous pensons que le décret ministériel n'est pas une mesure suffisante pour maintenir un véritable gel des frais de scolarité. Alors, M. le Président, nous demandons une loi pour fixer ces frais et pour réglementer les autres frais afférents. Nous demandons que soient réglementés les frais afférents obligatoires parce qu'à Polytechnique nous avons une panoplie de frais qui montent à une moyenne de plus de 300 $ par année.

Ce qui menace l'accessibilité, dans ces frais, est que la majorité de ceux-ci est reliée directement au processus de formation. Par exemple, savez-vous qu'un étudiant de Polytechnique doit payer uniquement pour consulter son examen final, ce qui, selon nous, devrait faire partie de sa formation. Nous demandons que la loi réglementant les frais obligatoires et autres frais afférents stipule que tous les frais directement reliés au processus de formation doivent être couverts par les frais de scolarité, et tous les autres frais administratifs devraient être négociés avec les représentants étudiants. Ces mesures contribueront à rassurer la population et les étudiants sur l'accessibilité aux études et sur le respect de leurs choix de société.

Maintenant, pour ce qui est du retrait du Programme de prêt pour l'achat d'un micro-ordinateur, il a affecté durement les étudiants en génie. Puisque ce programme est en évaluation, nous vous proposons quelques pistes de solution à apporter pour qu'il corresponde plus aux besoins de nos étudiants polytechniciens. Pour que le Programme de prêt pour micro-ordinateur corresponde mieux à la réalité des études en génie, il faudrait augmenter le montant disponible pour le prêt. Si 2 000 $ suffisent à peine pour acheter un ordinateur, les logiciels nécessaires en génie peuvent coûter jusqu'à 1 000 $ supplémentaires, voire plus pour les cycles supérieurs. Il ne faut pas oublier que les étudiants en génie vont travailler en industrie et qu'ils doivent être familiers avec les ressources et les programmes disponibles dans un contexte de travail réel.

Aussi, le monopole de COOPSCO dans le Programme de prêt micro est à reconsidérer, puisque la majorité des étudiants en génie ont les compétences requises pour assembler eux-mêmes leur ordinateur, ce qui réduit les coûts. De plus, le monopole est néfaste pour les étudiants de génie des régions, puisqu'ils n'ont pas assez de choix disponibles pour trouver l'ordinateur qui répond à leurs besoins. Aussi, à Polytechnique, nous avons une boutique informatique indépendante sur place qui nous offre la gamme de choix dont les étudiants en génie ont besoin, considérant que notre coop ne peut vendre d'ordinateurs.

n (10 h 50) n

Ensuite, nous voudrions que le Programme de prêt micro permette de renouveler l'équipement informatique au cours des études. Imaginons qu'un étudiant en sciences pures au cégep s'achète un ordinateur grâce au programme de prêt garanti du gouvernement. Cet étudiant commence ses études à Polytechnique. Il se rend compte, au bout d'un an, que son ordinateur ne répond plus à ses besoins, puisqu'en génie nous travaillons avec des outils qui se doivent d'être à la fine pointe de la technologie et que trois ans, c'est très vieux pour un ordinateur. Aucun programme gouvernemental ne lui permet de mettre à jour son équipement. Pallier ce problème serait améliorer l'accessibilité aux outils appropriés pour nos études, surtout considérant que maintenant les études supérieures en génie sont fortement encouragées. Donc, au baccalauréat de quatre ans s'ajoutent deux ans de maîtrise et quatre ans de doctorat. Avec les deux ans de cégep, ça donne droit à un ordinateur pour 10 ans. Nous suggérons donc, au minimum, de considérer le fait d'accorder un nouveau prêt à un étudiant qui changerait de cycle d'études.

Pour conclure sur le programme de Prêt pour l'achat d'un micro-ordinateur, en tant qu'étudiants en génie, nous voyons mal la nécessité de retirer un programme pour l'évaluer. Imaginez si les ingénieurs devaient arrêter les processus pour les évaluer et les améliorer. D'ailleurs, suite au retrait de ce programme, nous sommes inquiets de la façon dont il est évalué, puisque nous n'avons pas connaissance d'efforts faits auprès des étudiants pour réellement en évaluer l'impact ni pour améliorer le programme. Cette façon de faire nous semble quelque peu inusitée, et nous nous proposons de vous aider pour que les étudiants aient le plus rapidement possible accès à un programme encore meilleur.

M. le Président, nous tenons également à remercier la commission de ne pas avoir suspendu l'enseignement universitaire pour la durée de la présente consultation.

Une voix: Alors, je suppose que c'est à...

Le Président (M. Arseneau): Allez-y. Ça revient à M. Laurent.

M. Laurent (Pierre): Merci, M. le Président. Je pense que, quand on parle d'accessibilité, il est important de tenir compte de la particularité des étudiants. Il y a certains étudiants qui ont certaines particularités, notamment les étudiants étrangers. À Polytechnique, sur une population d'environ 5 500 étudiants, on compte 1 200 étudiants étrangers, soit près de 20 %. Donc, c'est une population importante dont il faut tenir compte. Les étudiants étrangers paient plus de 12 000 $ par année en frais de scolarité, quand on compte les frais de scolarité habituels et les frais différenciés, et pourtant ces étudiants étrangers, de notre point de vue, ne bénéficient pas des mêmes droits et avantages universitaires que les étudiants québécois. Et j'aimerais articuler mon propos sur trois points.

Le premier point, c'est quand on parle de gel des frais de scolarité pour les étudiants étrangers. Alors, frais de scolarité, il faut parler des frais différenciés. Durant la dernière décennie, le gouvernement provincial a procédé à des hausses successives des frais différenciés imposés aux étudiants étrangers, en 1996 et en 2000. Les étudiants québécois ont un gel des frais de scolarité. Quant à nous, il serait juste que les étudiants étrangers bénéficient d'un gel de leurs frais différenciés. En effet, les étudiants étrangers qui s'inscrivent dans un programme d'une durée de quatre ans ont encore moins de flexibilité financière que les étudiants québécois. Ces étudiants ont énormément de difficultés à supporter une augmentation imprévue de leurs frais différenciés. En 1996, c'était 800 $ par année de plus; en 2000, c'était 600 $. Donc, c'est des choses à considérer.

Deuxième point, c'est le droit de faire des échanges. Le ministère de l'Éducation du Québec ne paie pas la subvention pour les étudiants étrangers qui souhaiteraient partir en échange comme il le fait pour les étudiants québécois. Conséquemment, Polytechnique interdit aux étudiants étrangers de partir en échange. Or, de nombreux programmes à l'École polytechnique offrent des spécialisations et des formations bidiplomantes avec des universités d'autres pays. Ainsi, notre position, à l'Association étudiante Polytechnique, c'est qu'on se rend compte que les étudiants étrangers n'ont pas accès à l'entièreté des programmes. À Polytechnique, il y a un nouveau projet de formation qui vient d'être adopté par le Conseil académique, qui veut pousser vers des programmes de plus en plus internationalisés, avec des dernière année, avec des universités prestigieuses à l'étranger. On pense que les étudiants étrangers qui s'inscrivent à Polytechnique, qui paient leurs frais différenciés, devraient avoir le droit de participer aux mêmes programmes que leurs camarades québécois.

Le dernier point, et sans doute le plus important, quand on regarde les différences entre les étudiants étrangers et les étudiants québécois, c'est le droit de travailler hors campus. Ça a, quant à nous, deux impacts majeurs. Le premier, c'est qu'il est quasiment impossible, pour un étudiant étranger, de subvenir à ses besoins de manière autonome. Ainsi, en plus des frais différenciés, ça a pour incidence d'accentuer encore plus une sélection des étudiants selon des critères financiers et non d'excellence académique. Le deuxième, c'est l'impossibilité de faire des stages facultatifs. En effet, la loi n'autorise les étudiants étrangers à faire des stages que lorsque leur programme les y oblige. Ceci est pénalisant, car il handicape les étudiants étrangers qui souhaiteraient parfaire leur formation au sein d'une entreprise, alors que son camarade québécois inscrit dans le même programme en a l'opportunité. Sur ce, l'Association étudiante Polytechnique demande de lever l'interdiction de travailler hors campus pour les étudiants étrangers. Il semble que le gouvernement fédéral ait demandé aux provinces de réaliser des projets pilotes concernant le travail hors campus. On demande que ces projets pilotes soient réalisés le plus rapidement possible et à la grandeur du Québec. On rappelle que c'est 90 % des étudiants étrangers qui sont situés dans la région de Montréal.

Ça conclut ma présentation pour les étudiants étrangers. C'est M. Corriveau qui va vous parler de qualité de la formation.

Le Président (M. Arseneau): Allez-y, M. Corriveau.

M. Corriveau (François): Merci, M. le Président. Dans son document de consultation, la commission présentait quelques questions liées à la qualité de la mission universitaire. Pour les étudiants, cette mission est essentiellement la transmission du savoir, la formation. Et elle comporte deux volets à nos yeux. Premièrement, les contenus des programmes et des cours, et, en second lieu, les moyens pédagogiques mis à la disponibilité des étudiants et des formateurs afin de transmettre ce contenu.

Une des optiques avancées par le document de consultation afin de contrôler la qualité ou du moins en obtenir garantie est l'accréditation des programmes. À Polytechnique comme partout ailleurs en génie au Canada, les programmes sont soumis à la lorgnette du Bureau canadien d'accréditation des programmes en ingénierie, sous l'égide du Conseil canadien des ingénieurs. Toutefois, l'accréditation n'a pour but que de superviser le contenu des programmes, mais le contenu pointu n'est pas garant de la présence des moyens nécessaires à la formation.

M. le Président, Polytechnique a une problématique quant aux moyens disponibles afin d'assurer une formation décente à ses étudiants. Un récent sondage, réalisé auprès des professeurs par le Comité d'évaluation, d'amélioration et de valorisation de l'enseignement à Polytechnique, a démontré que ce qui limite le plus le volet de l'enseignement et de la formation est le manque flagrant de moyens mis à la disposition des professeurs.

M. le Président, le matériel pédagogique a un besoin urgent de réflexion. La bibliothèque de Polytechnique fait figure d'enfant pauvre. La cause principale en est l'isolement de l'école. Étant école affiliée, Polytechnique reçoit une part de financement liée exclusivement à ses programmes de génie. Ma collègue Julie Fournier renchérira plus avant sur les autres défaillances que cette situation entraîne. Toutefois, la bibliothèque de l'école ne renouvelle ses rayons qu'à raison d'un maigre 0,34 livre par étudiant par année. Le manque de matériel pédagogique québécois est également une problématique. Plus de la moitié des volumes de Polytechnique, une université francophone, sont en anglais. La cause principale: le manque de support institutionnel à de telles initiatives, toujours par manque de fonds.

Sans s'éterniser sur le sujet, le matériel de laboratoire pédagogique est encore plus désuet et inadéquat. Prenons l'exemple du laboratoire didactique du Département de génie chimique, qui n'a plus de ventilation depuis près de deux mois, alors que les étudiants manipulent des produits très volatiles et souvent nocifs.

Finalement, le parc informatique essentiel et accessible aux étudiants ne comprend pas plus d'un ordinateur par cinq étudiants, pour un domaine d'études où tous les travaux doivent être informatisés, sinon effectués par ordinateur. On constate, ici encore, à quel point la suspension du Programme de prêt pour micro-ordinateur a pu avoir un impact grave à Poly.

Mais, M. le Président, l'élément clé de la formation universitaire reste inévitablement le professeur. Et, comme tous les moyens liés à la formation, il est également problématique. Les professeurs sont présentement en nombre insuffisant. On peut le constater d'un premier regard, en consultant le graphique de la page 6 du mémoire de l'AEP, puisque, afin de compenser pour le manque de professeurs, les départements sont forcés d'embaucher un nombre important de chargés de cours qui sont souvent temporaires et inexpérimentés. De plus, les professeurs balancent constamment entre leurs charges de cours et leurs charges de recherche. La problématique vise vraisemblablement le cadre institutionnel, mais, afin de faire avancer leur carrière et d'obtenir la reconnaissance de leurs pairs, les professeurs doivent inévitablement prioriser leurs travaux de recherche. Conclusion: la formation des étudiants en souffre.

À ces deux problématiques, M. le Président, les étudiants ne voient que deux solutions. La première est que le gouvernement établisse des normes minimales élevées pour la répartition des charges d'enseignement par rapport aux charges de recherche. Ce à quoi les professeurs s'opposent avec véhémence tant que leur cheminement en carrière ne trouve pas d'autres voies à emprunter. La seconde est que le gouvernement assiste les universités dans l'embauche de professeurs afin de diminuer le nombre d'étudiants par professeur au niveau institutionnel de 1994, soit le niveau précédant les coupures effectuées en éducation par le gouvernement de l'époque.

Finalement, M. le Président, autre élément essentiel à la formation des ingénieurs: les stages. Les stages en entreprise, en recherche ou au sein de sociétés d'État comme Hydro-Québec permettent aux futurs ingénieurs de mieux s'adapter à la dynamique de l'industrie et de faciliter et d'optimiser leur contribution à la société du savoir de demain. Toutefois, les stages sont systématiquement soumis à des frais obligatoires et afférents s'élevant, à Polytechnique, jusqu'à 250 $ par crédit de stage.

Autre problématique, comme le disait M. Laurent, il existe deux types de stages: les stages obligatoires, qui se trouvent à l'intérieur des cursus des programmes, et les stages facultatifs. Les stages facultatifs provoquent une autre problématique, en ce sens qu'un étudiant qui décide de faire un stage facultatif de huit mois va devoir sortir des prêts et des bourses, de l'aide financière du gouvernement, puisqu'il ne sera plus considéré comme un étudiant à temps plein. À ce moment, il va devoir commencer à rembourser ses prêts, peut-être les prêts qu'il a composés auprès d'une institution financière, et donc soit avoir le choix de détruire ou détériorer sa situation financière ou avoir le choix de ne pas faire de stage et d'ainsi diminuer la qualité de sa formation.

n (11 heures) n

Ainsi, M. le Président, il est clair, aux yeux des 3 600 futurs bacheliers de l'École polytechnique de Montréal, que, si le contenu de nos cours est complet, voire trop chargé, les moyens essentiels nécessaires afin de transmettre ce même contenu aux étudiants sont déficients. C'est seulement par l'excellence de beaucoup de nos étudiants et par les initiatives et le dévouement de quelques professeurs et membres de la direction que Polytechnique maintient encore sa réputation de formatrice de haut calibre.

En ce sens, l'AEP demande que le gouvernement assiste les universités dans l'embauche de professeurs afin de diminuer le nombre d'étudiants par professeur; que le gouvernement encourage également les initiatives de production de matériel pédagogique, aide les bibliothèques universitaires à augmenter leur inventaire et assiste les universités dans le renouvellement de leur matériel de laboratoire. Et, pour ce faire, il est essentiel que le gouvernement investisse en éducation afin de pallier au sous-financement et qu'il restaure le Programme de prêt garanti pour micro-ordinateurs en consultant les associations étudiantes concernées. Je laisse d'ailleurs Julie Fournier vous entretenir sur ces problématiques de financement.

Le Président (M. Arseneau): Il vous reste juste un petit peu plus que deux minutes, Mme Fournier.

Mme Fournier (Julie): D'accord. En fait, c'est le financement et la conclusion, donc ça devrait aller assez vite.

Membres de la commission, en parlant du financement des universités, nous ne vous apprendrons pas qu'il manque 375 millions de dollars dans le réseau universitaire québécois selon la CREPUQ, sans compter les coûts de système qui ne sont pas totalement couverts.

À l'École polytechnique, les coûts de système, c'est la ventilation des laboratoires où on manipule des produits toxiques, c'est l'entretien des outillages spécialisés, en gros c'est la santé et la sécurité des étudiants. Et malheureusement l'École polytechnique se voit contrainte, faute de fonds, par exemple de fermer la ventilation dans les laboratoires informatiques durant la nuit, alors que la majorité des ordinateurs sont utilisés 24 heures sur 24 par des étudiants qui font leurs travaux.

Quand on parle des coûts de système, on parle aussi des frais indirects de la recherche, et encore là il faut se préoccuper des conditions de travail des chercheurs, quand l'établissement est forcé de tourner les coins ronds au niveau budgétaire. On parle encore de sécurité, ici.

Et comment en sommes-nous arrivés là? Il y a deux réponses: le sous-financement des programmes de génie et le déficit zéro.

L'École polytechnique de Montréal, malgré le manque de financement public, a refusé d'aller en déficit, contrairement à d'autres universités. Ainsi, en tant que polytechniciens, nous vivons les impacts réels des coupures et du sous-financement. Et, si on parle des causes du sous-financement à Polytechnique, la première est la formule de financement selon le domaine d'études, appelée l'échelle CLARDER. Le statut d'école affiliée ne vient qu'empirer les effets pervers de cette échelle de financement.

En fait, le déficit zéro et l'impossibilité de grappiller les miettes des budgets des programmes qui ont besoin de moins de ressources sont deux facteurs qui permettent de faire des observations très intéressantes sur le financement public des universités et ses défaillances.

Première observation, l'échelle CLARDER désavantage le financement des programmes de génie de l'ordre de 26 %, selon le mémoire présenté conjointement par le Comité des doyens d'ingénierie du Québec et l'Ordre des ingénieurs du Québec hier matin. La solution à ce problème serait simplement de créer une catégorie de financement particulière au génie.

Notre seconde observation, M. le Président, est que la majorité des autres programmes gouvernementaux attribuent des ressources selon des calculs qui désavantagent les écoles affiliées et ne tiennent pas compte de leurs besoins. Un bon exemple de cette situation est l'attribution des bourses de mobilité pour les étudiants...

Le Président (M. Arseneau): Il faut conclure, si vous permettez, madame.

Mme Fournier (Julie): Ce que nous demandons, c'est une révision de l'échelle CLARDER et de l'attribution des autres ressources gouvernementales.

Et finalement nous croyons que, en plus de payer des impôts, l'ingénieur rendrait à la société plus que la valeur de sa formation. L'ingénieur joue un rôle majeur dans les PME, lesquelles sont l'épine dorsale de l'économie québécoise. Mais aussi, par son appartenance à son ordre professionnel, l'ingénieur contribue à la protection du public. En plus, une des valeurs fondamentales véhiculées par la déontologie de l'ingénieur est l'implication sociale.

Donc, si on récapitule, la formation d'ingénieur au Québec est profitable au point de vue économique, social et pour la sécurité de nos concitoyens. C'est pourquoi il faut fournir les ressources nécessaires aux universités, écoles et facultés qui forment les ingénieurs pour le bien de tous.

Le Président (M. Arseneau): Alors, sur ces belles paroles, je vous remercie beaucoup pour votre présentation très dynamique. Mais, comme on doit absolument terminer nos travaux à 12 h 30, alors il faudra se discipliner. Il n'y aura que 14 minutes de chaque côté.

Mais je ne peux m'empêcher de relever le fait que, dans votre présentation, je constate que les étudiants étrangers sont passablement nombreux à Polytechnique. Je constate aussi que vous êtes extrêmement sévères sur les conditions dans lesquelles la formation se donne en ce qui concerne les installations dans les laboratoires, et tout. Et personnellement je suis très concerné par Polytechnique puisque mon fils souhaite y aller l'an prochain. Vous lui recommandez, oui ou non, d'y aller? Oui ou non?

M. Laurent (Pierre): C'est une vraie question?

Le Président (M. Arseneau): Pardon?

M. Laurent (Pierre): Bien oui. Il y a une bonne association.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Arseneau): Oui? C'est beau. Alors, M. le ministre, à vous. Il y a 14 minutes de chaque côté.

M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants des étudiants de Polytechnique. Vous avez préparé un mémoire bien fourni. Je voudrais vous dire que, sur un certain nombre de points, votre témoignage aujourd'hui corrobore tout à fait ce qu'on a entendu de la part des représentants d'associations étudiantes en génie du Québec, d'une part, d'autre part, pas plus tard qu'hier, de la part de l'ordre et des doyens de facultés et écoles de génie concernant, entre autres, des points sur la formule de financement, etc., également sur ce qu'on a dit, vos collègues, les associations qui couvrent le Québec, sur le prêt micro. Et je vous dis également ce que je leur ai dit: que les commentaires que vous avez faits et qu'eux ont faits aussi, même de façon plus élaborée, nous permettront de terminer notre analyse là-dessus et d'en arriver à une conclusion. Vous me permettrez cependant, Mme Fournier, de douter un petit peu de votre énoncé très général comme quoi les ingénieurs n'arrêtent jamais les processus pour les évaluer, je pense qu'au contraire ça se fait régulièrement.

Au niveau des étudiants étrangers, c'est très intéressant aussi, et la problématique ? vous l'avez ressortie, ça n'a pas été fait beaucoup, ça a été fait un peu ? des conditions financières mais surtout du travail au niveau des étudiants étrangers, c'est une problématique qui, à ma compréhension, ne dépend pas que du gouvernement québécois, mais c'est quelque chose qui mérite certainement qu'on s'en occupe plus qu'on ne l'a fait depuis qu'on en parle, et ça fait longtemps qu'on en parle.

Ma question porte plus sur quelque chose que vous recommandez à la page 4, où vous demandez «que le gouvernement oblige les universités ? et ça déjà, ça part un petit peu difficilement dans notre contexte québécois parce que ça veut dire que le gouvernement impose à des universités qui ont une autonomie garantie par la loi et par tout notre système et nos traditions ? à se doter d'un système d'évaluation des professeurs performant et systématique afin de valoriser la qualité de la formation». Ce n'est pas unique par contre que le gouvernement demande et oblige... le mot est peut-être fort, mais demande aux universités, par exemple, de faire un système d'évaluation des programmes, etc.

La question là-dedans, c'est: Jusqu'où allez-vous quand vous dites ça? Est-ce que vous vous limitez à ce que le gouvernement demande, ou oblige, aux universités de se doter d'un système d'évaluation, disons, des professeurs? Il en existe déjà, donc est-ce que ça veut dire qu'il faudrait ajouter des normes? Parce que juste dire «performant et systématique», ça laisse beaucoup de place à l'interprétation. Dans votre esprit, quand vous voulez que le gouvernement intervienne dans un domaine comme celui-là, est-ce que vous mettez des normes supplémentaires ou est-ce que vous voulez normer ce type d'évaluation, des normes qui seraient gouvernementales, auquel cas vous savez bien que l'autonomie des universités en prend pour son grade? Où est-ce que vous vous situez exactement? Est-ce que vous pouvez allez un peu plus dans le détail et expliquer votre proposition?

Le Président (M. Arseneau): M. Corriveau.

M. Corriveau (François): Je vais répondre, M. le Président. Merci. Alors, je vais répondre en deux parties, la première étant: Lorsqu'on parle du gouvernement qui oblige les universités, c'est dans une lignée où le gouvernement finance les universités en grande partie. Je pense que le gouvernement peut avoir quand même ce poids-là sur le plan des universités.

n (11 h 10) n

Pour ce qui est de l'évaluation des professeurs en tant que telle, on sait que les professeurs, particulièrement à Polytechnique, représentent la plus grosse partie des masses salariales, sinon des dépenses ? je n'ai pas le chiffre exact, mais on reviendra là-dessus si le besoin est ? et en ce sens une grande partie de la charge des professeurs est présentement en recherche. Donc, le peu de temps et de ressources que le professeur peut donner à la formation est excessivement limité. Ici, quand on parle d'évaluation de professeurs, ce n'est pas pour identifier qui sont les moutons noirs, qui sont les professeurs qui n'ont pas les compétences, pour les mettre à la porte ou pour appliquer des sanctions. Toutefois, si on évalue systématiquement les professeurs, on est capable d'identifier les lacunes et aussi d'apporter des moyens de correction pour que la formation des étudiants soit au meilleur, toujours compte tenu du fait que les professeurs représentent la ressource principale pour la formation et qu'ils sont, à mon avis et à l'avis des étudiants de l'AEP, la clé pour donner une formation de qualité. Donc, c'est vraiment un moyen généralisé pour permettre aux professeurs d'avoir les meilleures compétences pour accomplir la mission universitaire.

Le Président (M. Arseneau): M. le ministre.

M. Reid: Oui. Pour poursuivre un petit peu là-dessus, votre phrase se termine, à la page 4, par «afin de valoriser la qualité de la formation». Vous savez qu'il y a des moyens différents, qui ont été faits plutôt au niveau universitaire et qu'il serait peut-être plus facile de faire au niveau national, qui sont plutôt des incitatifs ou des reconnaissances à la qualité de la formation, la qualité du travail que font certains professeurs. Je pense que ça se fait dans plusieurs universités sous la forme de prix, de médailles, parfois même des montants d'argent qui y sont associés. Est-ce que vous croyez que ces formules-là, qui sont certainement plus faciles à implanter, là, disons, par volonté gouvernementale que d'imposer des normes, par exemple, d'évaluation, est-ce que vous pensez que ces formules-là sont prometteuses ou est-ce que ça ne vise pas les mêmes objectifs de valorisation? Parce que c'est de la valorisation également. Peut-être que votre formule que vous apportez ici vise la valorisation mais d'une façon différente par l'évaluation.

Le Président (M. Arseneau): M. Corriveau.

M. Corriveau (François): En ce sens, il y a un comité, le Comité d'évaluation de l'amélioration et de valorisation de l'enseignement, qui existe à Polytechnique et qui a récemment essayé de voir ce qui permettrait de valoriser l'enseignement auprès des professeurs. Et ce n'est pas ce genre d'initiative là que les professeurs veulent voir. Ce qu'ils veulent voir, c'est une amélioration de leur cheminement, des profils de carrière intéressants. Et en ce sens ce n'est pas ces moyens-là qu'on va pouvoir institutionnaliser. De toute façon, Polytechnique n'a pas les ressources financières pour donner des bourses ou des éléments de glorification d'ampleur.

Deuxièmement, quand on parle de qualité, il faut pouvoir mesurer ce niveau de qualité là, et c'est là que les évaluations rentrent en cause. Si on est capable d'évaluer exactement où sont les lacunes des professeurs en ingénierie, on est capable d'apporter des correctifs. Et c'est vraiment dans cette optique-là que nous parlons d'évaluation.

Pour ce qui est de la valorisation, c'est que, si justement l'école apporte le support aux professeurs pour leur dire: Et voilà on vous donne les moyens de faire un travail de formation adéquat, c'est là qu'on valorise la formation. On valorise la recherche en donnant les ressources, en présentant les chercheurs comme étant des gens d'importance dans l'université et en leur donnant les moyens de faire de la recherche. On peut valoriser la formation en donnant les moyens aux professeurs et aux formateurs d'effectuer leur travail et, pour trouver ces moyens-là, il faut pouvoir l'évaluer.

Le Président (M. Arseneau): Merci. M. le ministre.

M. Reid: Oui. Je ne sais pas s'il y a des collègues qui... Moi, j'ai d'autres questions, mais il y a des collègues qui en ont sûrement aussi.

Le Président (M. Arseneau): Oui, M. le député de Charlesbourg, vous avez la parole.

M. Mercier: Très brièvement. Merci, M. le Président. Je tiens également à vous féliciter pour la qualité de votre mémoire, qui est d'une facture, je vous dirais, plus que professionnelle. Également, bienvenue ici dans la capitale et à cette commission parlementaire.

Vous dites, à la page 11 et suivantes... Vous proposez une sorte de cote R. Celle des cégeps, on l'admet, sert à l'admission à l'université. J'essaie de voir... Parce que vous l'expliquez brièvement à la page 13, mais, compte tenu de la spécificité des universités en elles-mêmes et des caractéristiques propres des programmes qu'offrent les universités, il faut quand même pouvoir comparer des comparables, et il y a des programmes qui sont uniques dans certaines universités ? je pense à l'université de Rimouski qui se spécialise dans le maritime ? et j'essaie de voir... J'aimerais que vous élaboriez davantage sur cette vision que vous avez, là, de la cote R pour les universités.

Le Président (M. Arseneau): M. Corriveau ou Mme Fournier.

M. Corriveau (François): Je vais donner en partie un élément de réponse, on complétera si le besoin en est. L'optique d'avoir des éléments de référence d'évaluation, à travers le Québec, pour les universités était dans un concept d'accessibilité aux cycles supérieurs et exclusivement dans cette optique-là. Présentement, les modes d'évaluation... Étant donné qu'il n'y a aucune norme généralisée pour, bien, la formation des professeurs qui inclut également les modes d'évaluation d'un étudiant, au Québec, l'évaluation par programme se fait sur des bases institutionnelles. En ce sens, il est très difficile de comparer l'étudiant de Polytechnique, par rapport à ses résultats académiques, par rapport à l'étudiant de Sherbrooke, l'étudiant de Chicoutimi, l'étudiant de l'Université Laval.

Donc, ce n'est pas ici vraiment de faire une cote R ou une cote Z qui existe exactement comme ce qu'il y a au cégep, en ce sens que c'est compliqué, ça nécessite des réseaux informatiques et une infrastructure informatique, et ce n'est pas exactement le moyen. La cote R est très critiquée au cégep comme par les étudiants qui sont maintenant rendus à l'université. Toutefois, l'optique ici était une solution ou du moins une piste de solution qui a été mise afin de pouvoir comparer les étudiants universitaires sur ces domaines-là. Et encore là c'est toujours dans une optique d'accessibilité, étant donné qu'un étudiant qui est évalué plus difficilement à Polytechnique, par exemple, peut avoir de la difficulté à avoir accès à des programmes de cycles supérieurs, de maîtrise, de doctorat, ailleurs au Québec, ou même à l'étranger, dans le cas d'échanges, dans le cas de stages, ou ailleurs au Canada. Voilà. Je ne sais pas si ça répond à la question?

M. Mercier: Merci.

Le Président (M. Arseneau): Alors, M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci. Alors, à mon tour, je vous souhaite la bienvenue à Québec. Je voulais vérifier... Tantôt, vous avez fait état, dans votre présentation, du fait que vous étiez en mesure d'apprécier peut-être le travail des professeurs qui vous enseignent. Est-ce que vous participez de façon formelle à l'évaluation des professeurs?

Le Président (M. Arseneau): M. Laurent.

M. Laurent (Pierre): Oui. Merci, M. le Président. Je vais me permettre de répondre. Oui, les évaluations des cours sont réalisées auprès des étudiants, et les évaluations de l'enseignement à Polytechnique, ce sont des consultations auprès des étudiants. Maintenant, ce sont des évaluations qui sont uniquement données de manière nominative aux professeurs qui les reçoivent. Donc, le professeur est le seul à avoir accès finalement à son évaluation. Je ne sais pas si vous...

M. Soucy: Ce que je comprends de votre réponse, c'est que l'évaluation que vous faites n'est pas adressée à la direction de Polytechnique mais bien aux professeurs.

M. Laurent (Pierre): C'est ça.

M. Soucy: Contrairement à ce qui se fait, exemple, à l'ENAP, ici, où, quand l'évaluation se fait, ça s'en va directement à la direction de l'ENAP.

M. Laurent (Pierre): C'est exactement ça.

M. Soucy: J'aurais une autre petite question.

Le Président (M. Arseneau): Oui, allez-y.

M. Soucy: Au niveau des frais de scolarité, vous avez dit tantôt que tout le monde avait, bref, signé une pétition, là, visant à faire un gel des frais de scolarité puis vous mettez ça en relation avec l'accessibilité à l'université. Est-ce que vous pensez que, si on baissait les frais de scolarité, il y aurait plus de jeunes qui se lanceraient dans ces études-là? Est-ce que ça aurait un impact, ou si l'accessibilité n'est pas plutôt basée sur d'autres considérations de nature académique, intellectuelle, etc.?

Le Président (M. Arseneau): Mme Fournier, vous avez deux minutes encore.

Mme Fournier (Julie): Selon nous, c'est une évidence que, pour rentrer à l'université, il faut satisfaire un certain standard académique. En fait, il y a une limitation probablement intellectuelle, ou de culture, ou tout ça, et l'autre limitation qu'on voit et qui, celle-là, selon nous est inacceptable, c'est une limitation financière, parce qu'on croit que toute personne qui a les capacités de faire des études universitaires devrait pouvoir le faire et devrait avoir le soutien de son État pour le faire.

M. Soucy: O.K. Merci.

Le Président (M. Arseneau): Oui, rapidement, M. le ministre.

M. Reid: Oui, rapidement. Je voudrais savoir si vous vous sentez concernés, comme association étudiante ou au nom de tous les étudiants de Polytechnique, par le fait que tout semble nous démontrer, d'une part, que les filles s'intéressent moins ? et on est très heureux d'avoir une femme aujourd'hui qui représente les étudiantes ? aux carrières en génie et qu'il semble y avoir également désaffection, là, au niveau de l'ensemble, même des garçons, vis-à-vis les carrières en génie. Est-ce que ça, ça vous interpelle? Est-ce que vous vous sentez concernés par ça? Est-ce que vous vous sentez interpellés à faire quelque chose, à participer à des... Ou est-ce que vous êtes ouverts à des efforts qui pourraient être faits en particulier? Parce que ça nous interpelle beaucoup, nous, au ministère de l'Éducation, et, moi, comme ministre de l'Éducation. Mais, vous, est-ce que les étudiants... Et je sais qu'il y en a qui le font, je ne voudrais pas avoir juste les exemples de ceux qui participent à Forces AVENIR, par exemple, parce qu'il y en a qui le font et qui le font très bien. Mais j'aimerais savoir est-ce que d'une façon générale il y a un sentiment où on se sent concerné par ça, à l'école?

Le Président (M. Arseneau): Rapidement, parce que vous pourriez peut-être, lors d'une autre question, compléter. Mais vous n'avez même pas une minute pour cela, une question importante pourtant.

Mme Fournier (Julie): Oui. En fait, c'est très important comme question, et, si je n'ai pas le temps de finir, j'espère que quelqu'un d'autre va me la poser aussi. Mais on voit, dans la section sur les femmes en génie de notre mémoire, que 28 % des femmes ingénieures disent avoir subi des pressions négatives quand elles ont décidé de choisir la formation en génie. Et on explique aussi le fait qu'on ne sait pas si des femmes qui auraient voulu être ingénieures et qui ne le sont pas devenues ont subi cette pression encore plus fortement. Donc, on suggère de se pencher là-dessus. Ça nous concerne beaucoup. Comme on le dit, pour nous, seuls des critères intellectuels devraient limiter l'accessibilité aux études, et tous les autres critères de sexe, de mobilité réduite, de finances, tout ça, ça devrait être totalement écarté de l'accessibilité aux études.

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup. Et je vais maintenant passer la parole à la députée de Taillon.

n (11 h 20) n

Mme Marois: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous recevoir au nom de ma formation politique. Je vous remercie aussi pour la qualité de votre mémoire. D'ailleurs, je peux vous dire, autant cela s'adresse à vous qu'à vos collègues des autres universités, qu'il y a eu, de la part des étudiants qui sont venus présenter des mémoires ici, une très grande qualité dans le contenu et la facture des mémoires qui nous ont été présentés, et c'est aussi votre cas, et je veux vous en féliciter.

Sur la question que le ministre a abordée et que vous abordez largement, c'est-à-dire en profondeur dans votre mémoire, qui est toute la question de l'accès à des outils de travail adaptés et modernes, dont évidemment la disponibilité de prêts pour les micro-ordinateurs, j'ai déjà fait un certain nombre de remarques au ministre. Je me permets de les répéter. Je trouve qu'il est un peu lent dans son processus de prise de décision. Vous n'êtes pas obligé d'être d'accord avec moi, mais un an pour réviser quelques normes de base, disons que c'est un peu long. Je pense que c'est plutôt un prétexte pour ne pas remettre le programme, ne pas rendre à nouveau le programme disponible. Alors, voilà ce que j'en pense.

Par ailleurs aussi, parce que vous soulevez cela dans votre mémoire, et c'est une chose à laquelle notre gouvernement avait été très sensible, c'est les investissements dans les infrastructures, autant les bâtisses qui ont besoin d'être rénovées que remplacées de même que tout le matériel de laboratoire et équipements. Il y a eu un effort de rattrapage qui avait été fait, mais je suis consciente qu'il y en a un autre à faire, et j'espère qu'on verra, là aussi, le plan quinquennal d'investissement du ministère le plus rapidement possible, parce que normalement il aurait dû y avoir un plan quinquennal d'investissement, et je crois qu'il n'en a produit aucun depuis qu'il a été nommé ministre de l'Éducation, et ça, ça m'inquiète. Ça m'inquiète très sérieusement parce que ça va faire un an bientôt qu'on est à la gouverne. Je trouve qu'on prend là un retard considérable.

Bon. Maintenant, je vais venir sur des questions plus... plus précises. Entre autres, à la page 4 de votre mémoire ? et c'est lié aussi avec toute la question de la formation et de l'évaluation et des approches pédagogiques ? vous parlez de l'approche pédagogique par problème, l'approche pédagogique par projet, et vous mentionnez que cela requiert une assistance accrue du professorat. Et je crois qu'on va en convenir, on est tout à fait d'accord à cet égard. En même temps que ce sont des pédagogies qui sont particulièrement intéressantes pour la formation scientifique, c'est vrai aussi pour d'autres formations.

Par ailleurs, vous vous attardez à la charge de travail et vous dites ceci: «Les charges de travail sont des artifices de répartition de temps pour les professeurs», à la page 5 de votre document. J'aimerais ça que vous m'expliquiez un petit peu ce que vous voulez nous dire par là et à quel phénomène vous faites référence.

Le Président (M. Arseneau): M. Corriveau.

M. Corriveau (François): Quand on parle de charge de travail pour les professeurs, les professeurs ont une charge qui est répartie entre leur charge de recherche, leur charge de cours et leur charge de représentation sur des comités, par exemple sur le Comité d'évaluation en amélioration et valorisation de l'enseignement, des comités d'appel, le Conseil académique, ce genre de tâche là. Donc, ces trois charges-là ont des proportions qui sont liées par rapport à ce que l'établissement évalue comme mérite pour le professeur.

Une des optiques qui avaient été proposées pour valoriser l'enseignement était ? et c'est un peu ridicule ? d'augmenter la charge de recherche par rapport à la charge d'enseignement pour les professeurs qui sont bons pédagogues. Mais en ce sens-là les professeurs ont rejeté cette optique-là, mais ces charges-là, d'attribution de temps par rapport au travail effectué, sont à notre avis beaucoup plus axées sur la recherche que sur les charges pédagogiques, des charges de cours, des charges de production de matériel pédagogique par exemple, des charges de correction d'examens, d'établissement de programmes, de... donc tout ce qui est relié à la formation de l'étudiant.

Présentement, les professeurs, principalement les nouveaux professeurs, sont poussés à avoir de plus grandes charges de recherche que de charges pédagogiques, et en ce sens-là on trouve que c'est une problématique parce que ça enligne les nouveaux professeurs à faire plus de recherche que de cours et bien entendu ça affecte la formation, ça augmente les coûts, qui ne sont plus liés à la formation mais bien à la recherche. Et c'est là une problématique qui s'étend à plus que les professeurs.

Mme Marois: Est-ce que vous avez ? parce que, plus loin, ça revient dans votre document ? le sentiment, à ce moment-là, qu'on se décharge de la charge professorale, qu'on s'en décharge, du côté des professeurs réguliers, pour la confier à des chargés de cours, par exemple? Est-ce que vous croyez que ça a ça comme effet ou vous ne faites pas nécessairement un lien? Puis je veux revenir aussi sur la question des chargés de cours.

M. Corriveau (François): On plonge en plein dans le débat entre la recherche et la formation, ici, parce que ce n'est pas nécessairement par choix que les professeurs vont faire plus de recherche que de charge pédagogique, sauf que la plupart des professeurs vont recevoir des budgets souvent plus importants que les budgets départementaux qui vont être attribués à leur recherche. La recherche a pris une ampleur tellement importante que les professeurs sont forcés de faire de la recherche pratiquement pour pouvoir avoir une carrière, un cheminement et pour pouvoir progresser. Donc, la solution qui a été trouvée institutionnellement, c'est de transférer les charges de cours à des chargés qui à notre avis n'ont pas les compétences pour faire une charge aussi bien qu'un professeur.

Mais, quand on s'attaque à ce problème-là, de recherche par rapport aux cours, le problème devient encore plus large parce que, étant donné que la recherche est le moteur principal du fonctionnement universitaire, que c'est par là que l'université gagne son mérite international, que c'est par là que l'université gagne ses subventions, il y a beaucoup, beaucoup de charges qui sont liées plus à la recherche qu'à la formation et qui vont être puisées par des fonds liés à la formation, en ce sens qu'on va charger aux étudiants le balayage des planchers des laboratoires, donc ça va être une charge qui est indirecte, qui est indirectement liée à la recherche mais qui va être chargée aux étudiants.

Dans le même sens, tous les systèmes de fonctionnement, les structures vont passer sur le dos de la formation, alors que l'objectif va être souvent de subvenir aux besoins de la recherche. Et ces charges indirectes là sont un poids qui... Il y a une problématique peut-être là encore plus lourde que la répartition des charges des professeurs. Mais c'est une problématique qui vient du fait que les universités ont un problème de financement, de sous-financement, ce qui fait que, pour pallier au manque de financement qui servirait à faire de la formation, on est obligé de faire de la recherche. C'est un mal, mais c'est un mal peut-être pour sauver un bien, mais la solution ultime serait de pallier à ce financement-là qui est général.

Mme Marois: Bien, c'est ça. Et dans le fond vous faites une recommandation aussi en disant: «Que le gouvernement établisse des normes minimales élevées pour la répartition des charges d'enseignement par rapport aux charges de recherches.» Vous souhaitez vraiment qu'il y ait à cet égard une perspective qui soit énoncée et peut-être des gestes qui soient posés aussi.

Je voudrais revenir sur la question des chargés de cours. Bon. Évidemment, moi, je crois ? mais je vous ai entendus, là, vous êtes assez critiques ? qu'on a quand même une excellente qualité de chargés de cours au Québec. Mais est-ce que le fait qu'ils vivent un statut précaire, connaissent un statut précaire, qu'ils aient peu de chances d'imaginer pouvoir passer à un poste de professeur régulier, est-ce que tous ces facteurs ne seraient pas des éléments qui sont assez démotivants finalement, pour un chargé de cours, dans la perspective de devenir un véritable, je dirais, partenaire de l'université et quelqu'un qui est vraiment engagé à l'égard de son institution? Et est-ce qu'une des solutions, ce ne serait pas qu'il y ait de véritables perspectives professionnelles qui soient ouvertes pour les chargés de cours, de telle sorte qu'ils s'inscrivent dans un cheminement qui leur permette d'imaginer un passage de leur fonction de chargé de cours à une fonction professorale régulière, sachant qu'il y a certains chargés de cours évidemment qu'on va chercher pour une connaissance très pointue, très spécifique, et que de ces chargés de cours on aura toujours besoin? Je vois qu'il y a un peu d'impatience, là, vous avez le goût de répondre, non?

n (11 h 30) n

M. Laurent (Pierre): Oui, oui, parce que... Je vais répondre à votre question, qui, je pense, va un petit peu dans le même sens que votre intervention. Le sens de notre remarque, on n'est pas critiques envers la compétence des chargés de cours. Ce qu'on a dit, dans une première partie, c'est qu'un chargé de cours n'a jamais remplacé et ne remplacera jamais un professeur qui a sa compétence propre. Par contre, quand on parle de chargés de cours, finalement retirons le mot «chargé de cours», on parle de personnes dédiées uniquement en enseignement et on pense que, pour qu'ils fassent leur travail de manière adéquate, ils manquent de reconnaissance, ils manquent de cheminement de carrière professionnelle. À Polytechnique, depuis 1998, la dernière convention collective des professeurs notamment a empêché l'embauche de ce qu'on appelle les chargés d'enseignement. Dans le nouveau projet de formation qui a été adopté dernièrement, l'École polytechnique et des professeurs, des étudiants, des responsables institutionnels ont dit que ce serait peut-être quelque chose qu'il faudrait réinstaurer. Il y a des négociations en ce moment même avec les professeurs. Nous, l'association étudiante, on pense que, oui, il faut décharger les professeurs, mais, oui, les personnels qui dédient leurs carrières en soutien finalement à l'enseignement devraient avoir des profils de carrière intéressants.

Mme Marois: Oui, d'accord, je n'ai... Une autre question sur un autre sujet, et je sais que ma collègue veut revenir aussi sur...

Le Président (M. Arseneau): Il reste trois minutes au total.

Mme Marois: Il reste trois minutes. Ah bon! Alors, je vais céder la place à ma collègue...

Le Président (M. Arseneau): Je reconnais votre générosité.

Mme Marois: ...en mentionnant que je crois que le dernier numéro de La Gazette des femmes, publiée par le Conseil du statut de la femme, porte sur les femmes et les carrières scientifiques, et particulièrement les carrières en génie. Alors, ma collègue...

Le Président (M. Arseneau): Mme la députée de Champlain. Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon.

Mme Champagne: Bienvenue. Et le député également, de Bertrand, a une question. Je vais lui laisser une minute aussi à lui. Rapidement, pour revenir sur la question du ministre, parce que vous avez manqué de temps pour répondre, j'ai été surprise de voir qu'il y a un paquet de recommandations dans votre document. Mais, concernant le travail peut-être qui serait à faire pour inciter les femmes à aller dans le domaine du génie, il n'y a pas de recommandations. Alors, il n'est jamais trop tard pour en faire, et ma question est la suivante: Est-ce que vous avez des pistes de solution pour inciter autant, je dirais, femmes qu'hommes... Comme disait le ministre tout à l'heure, même chez nos garçons, il y a un manque d'intérêt pour le génie. Alors, c'est quoi, vos pistes déjà sur lesquelles vous vous êtes penchés afin d'amener nos jeunes à avoir de l'intérêt pour une formation qui a de l'avenir, en passant?

Le Président (M. Arseneau): Alors, je fais appel à l'esprit de synthèse des étudiants en génie pour répondre à ces deux questions.

Mme Fournier (Julie): Merci, M. le Président. La première chose qu'il faut faire, c'est avoir des données précises sur qu'est-ce qui fait en sorte que les gens ne vont pas étudier en génie, et ça, on n'en a pas présentement. Donc, on ne veut pas se fonder sur une base qui n'est pas solide pour faire des recommandations. Mais ce qu'on peut recommander, par exemple... Par l'expérience des étudiants qui sont déjà en génie, la plupart d'eux ont été motivés par le fait d'avoir côtoyé des ingénieurs. Donc, si on valorise la profession d'ingénieur et on donne accès à l'ensemble de la population à savoir qu'est-ce que fait vraiment un ingénieur, je pense qu'on va motiver beaucoup de gens parce que c'est une profession très intéressante.

Mme Champagne: Je fais juste ajouter: peut-être de niveau primaire au départ, ne pas oublier les tout-petits. C'est là que ça part. Je laisse mon collègue...

Le Président (M. Arseneau): Allez-y, une minute.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Alors, une petite question très, très rapide. Tous les groupes d'étudiants qui se sont présentés devant nous ont mentionné qu'il fallait baliser l'implication de l'entreprise privée au niveau de la recherche, au niveau du financement de la recherche. C'est quoi, votre opinion, vous, rapidement, là?

Le Président (M. Arseneau): M. Laurent.

M. Laurent (Pierre): Notre opinion là-dedans, c'est que l'entreprise privée au niveau de la formation, pour répondre à votre question, là, parce que... Au niveau de la formation étudiante, l'entreprise privée, elle ne doit jamais influencer sur le contenu des cours. Jamais. Au niveau de la recherche, c'est problématique un petit peu, c'est un gros débat parce que notamment Polytechnique a beaucoup de subventions par les compagnies privées, et vous citiez le Suroît comme exemple tout à l'heure, à la dernière présentation, quand on a des subventions d'Hydro-Québec. Nous, on pense qu'il faut absolument qu'il y ait un débat sur cet enjeu-là parce que c'est quelque chose de préoccupant.

Le Président (M. Arseneau): Madame, messieurs de l'Association des étudiants de Polytechnique, la commission aura été à même d'apprécier la qualité de votre mémoire et le sérieux de nos échanges. Je vous remercie beaucoup.

Je suspends quelques instants, mais je demande à ce qu'on fasse le plus rapidement possible, de façon à pouvoir donner tout le temps qu'il faut à l'Institut national de la recherche scientifique. Alors, quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

 

(Reprise à 11 h 35)

Le Président (M. Arseneau): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vais être obligé de nommer les gens. M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre de l'Éducation, s'il vous plaît! Je suis désolé.

Alors, j'invite donc les gens de l'Institut national de la recherche scientifique à prendre place. Je veux vous souhaiter, messieurs, la bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Nous sommes très heureux de vous recevoir. Alors, c'est M. Pierre Lapointe, directeur général? Je vous demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez, si c'est possible, à l'intérieur de 20 minutes pour faire votre présentation. Allez-y, monsieur.

Institut national de la recherche
scientifique (INRS)

M. Lapointe (Pierre): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Merci de nous recevoir aujourd'hui, de nous permettre d'échanger avec vous sur l'importance de l'université dans notre société. Dans un premier temps, permettez-moi de présenter les gens qui m'accompagnent: Sinh LeQuoc, directeur scientifique de l'institut, à ma droite; Jean-Pierre Villeneuve, directeur du centre Eau, Terre, Environnement, à ma gauche; et, à ma gauche éloignée, M. Jean-Claude Kieffer, professeur-chercheur au centre Énergie, Matériaux et Télécommunications et responsable de la Chaire senior en matière de laser et de placements; en arrière, M. Jean Lavoie, directeur de l'administration des finances et Mme Michèle Gauthier, secrétaire générale.

Notre présentation se fera en trois temps: premièrement, un rappel de notre mission et de notre spécificité; dans un deuxième temps, la démonstration de notre pertinence et de notre performance; et, troisièmement, partager avec vous notre vision du devenir de la société québécoise et du rôle que l'INRS entend y jouer et du soutien financier nécessaire.

Je crois qu'il est important de rappeler que l'INRS est une université. C'est une université de recherche, c'est une université performante, c'est une université dynamique. Dans notre mémoire, nous vous avons fait part de notre approche où accessibilité, qualité et financement sont chez nous totalement intégrés à pertinence et performance. Nous y reviendrons.

Un court rappel de la mission de l'INRS, qui provient des lettres patentes qui avaient été émises en 1969 et renouvelées en 1999. Je cite: «L'INRS a pour objet la recherche fondamentale et appliquée, les études de cycles supérieurs et la formation de chercheurs. L'institut doit, de façon particulière, orienter ses activités vers le développement économique, social et culturel du Québec tout en assurant le transfert des connaissances et des technologies dans l'ensemble des secteurs où il oeuvre.» Donc, l'INRS se doit d'être un outil de développement scientifique adapté aux besoins et aux priorités du Québec.

L'INRS est spécifique à plusieurs égards. Notons que nous sommes une université de recherche qui forme des étudiants à la maîtrise, au doctorat et au postdoctorat. La recherche et la formation sont totalement intégrées. Par conséquent, la formation se fait par et pour la recherche. Nos étudiants sont intégrés à l'équipe de recherche dès leur premier jour à l'entrée à l'INRS. Nos recherches et nos formations sont thématiques, sont multidisciplinaires. Nos professeurs sont régis par une règle d'exclusivité de services et un système d'évaluation et de primes à la performance unique au Québec.

n (11 h 40) n

Au cours de la dernière décennie, l'INRS a subi des transformations majeures. Dans les années quatre-vingt-dix, l'INRS était composé de huit centres couvrant le territoire de Rimouski, en passant par Québec, Varennes et Montréal. Rappelons, en 1994, l'intégration à l'INRS de l'Institut québécois de la recherche sur la culture de Fernand Dumont, intégration qui fait aujourd'hui qu'on a conservé autant les expertises et les différents programmes, dont les histoires régionales; en 1999, le départ de l'INRS-Océanologie vers l'ISMER à l'UQAR et l'intégration de l'Institut Armand-Frappier à l'INRS. Finalement, en 2002, nos huit centres de recherche se regroupent en quatre secteurs qui sont maintenant: Eau, Terre, Environnement à Québec; Énergie, Matériaux et Télécom à Varennes et Montréal; l'Institut Armand-Frappier à ville de Laval; et Urbanisation, Culture et Société à Montréal et à Québec.

En 10 ans, l'INRS s'est complètement transformée pour faire face aux défis de demain. Lorsque l'on parle de dynamisme organisationnel, je crois que nous avons démontré notre savoir-faire. Et, comme dit la chanson, ce n'est pas fini.

Aujourd'hui, l'INRS, c'est plus de 160 chercheurs, c'est plus de 600 étudiants à la maîtrise et au doctorat, c'est plus de 60 postdoc, c'est un budget total de plus de 91 millions dont 39,4, soit 43 %, provient du ministère de l'Éducation. Notre rêve et notre défi, c'est que, dans trois ans, l'INRS ait plus de 200 professeurs et près de 1 000 étudiants. Performance et pertinence, gages d'accessibilité et de qualité.

Je voudrais rapidement vous rappeler certains éléments de comparaison en matière de recherche, d'indicateurs de recherche. Je cite pour cela RE$EARCH MONEY de novembre 2003. L'INRS se positionne 24e au Canada au niveau du volume de recherche. L'INRS se classe deuxième au Canada après McGill en matière d'intensité de recherche, soit la quantité d'argent par professeur. Et, encore plus significatif, nous nous classons cinquième au Canada en ce qui concerne la productivité totale, soit les diplômés, les publications, le volume et l'intensité de la recherche. Au concours du ministère de l'Éducation, du MDER et de la FCI, nous sommes quatrième au Québec en matière de financement d'infrastructures avec plus de 50 millions. Le but de citer ces chiffres n'est pas de dire que nous sommes bons. Non. Mon but est de vous dire qu'étant donné notre mission nous nous devons de viser et de conserver ce classement, et ce, en tout temps.

L'accessibilité et la qualité passent par un financement des infrastructures de qualité internationale et un corps professoral visant l'excellence et visant des recherches pertinentes. Mentionnons à titre d'exemple l'obtention par le professeur Jean-Claude Kieffer d'une des trois seules subventions FCI International sur le laser femtoseconde, d'une valeur de 21 millions de dollars. Le seul laser femtoseconde au monde est conçu, est construit ici, au Québec. Sept pays y participent, 16 universités, plus 70 professeurs et un nombre incroyable d'étudiants. Ce laser pourra permettre, entre autres, la greffe de la cornée de l'oeil, une utilisation plus grande en matière de mammographie et déjà fait l'objet d'un partenariat avec le CHUM à Montréal et l'Université hospitalière de Paris.

Donner accès à nos profs et à nos étudiants est fondamental, et c'est là le succès au niveau de l'accès: les travaux à Eau, Terre, Environnement sur le traitement des lisiers de porcs et la mise sur pied d'une usine pilote de traitement des eaux usées; à l'Institut Armand-Frappier, les travaux de Daniel Cyr sur la mutation sexuelle des poissons du Saint-Laurent ? la féminisation de certains de nos poissons a-t-elle une répercussion sur la nature humaine; la venue à Montréal de l'Agence mondiale antidopage grâce aux travaux de Christiane Ayotte; sans oublier les travaux sur les jeunes et les régions de l'Observatoire des jeunes avec Madeleine Gauthier et les études sur la transformation de la famille avec l'équipe d'Urbanisation, Culture et Société. L'accessibilité et la qualité chez nous, c'est de tout faire pour soutenir les professeurs et les étudiants vers l'atteinte de l'excellence.

Notons que, pour nos étudiants, nous offrons un soutien financier à tous nos étudiants réguliers. Nous leur offrons une formation par et pour la recherche, nous leur offrons un encadrement suivi. Nos taux de diplomation et nos taux de placement en sont la preuve.

L'INRS, cela signifie aussi partenariat: partenariat avec le secteur privé, avec le secteur public, avec le secteur universitaire, avec le secteur gouvernemental, avec le secteur associatif et avec les régions. Cela nous permet de jouer le rôle qui est le nôtre, c'est-à-dire d'être un noyau structurant qui attire des partenaires de tous horizons. Prenons à titre d'exemple, ici, à Québec, l'INRS est en mesure d'amener la Commission géologique du Canada, un organisme fédéral, à s'installer dans nos locaux, à créer avec l'Université Laval un des grands centres d'excellence en sciences de la terre au Canada. C'est notre rôle.

L'INRS a accompli ces performances malgré une situation extrêmement difficile de 1990 à 2000. Les contrats de performance nous ont aidés en reconnaissant notre spécificité, et nous en remercions le ministère de l'Éducation. Mais les défis des prochaines années sont énormes. Je ne réitérerai pas la position de la CREPUQ sur le sous-financement, je la fais mienne, et j'endosse aussi la position de mon collègue Béchard de Sherbrooke: Le Québec ne devrait-il pas avoir l'ambition de ses rêves et les moyens de ses ambitions?

Prenons quelques moments pour imaginer la société québécoise des années 2010. Cette société sera une société aux prises avec un population vieillissante, un taux de natalité faible, un taux d'immigration insuffisant, par contre une société inventive, créatrice, une société du savoir capable de jouer un rôle au plan mondial. Le Québec aura à faire face à plusieurs défis: comprendre, prévoir, savoir, préparer la relève. Le Québec se doit d'investir dans le monde universitaire et dans ses organismes subventionnaires.

Nous croyons que le dynamisme et la pertinence qu'a démontrés l'INRS au cours des dernières années sont garants de l'avenir. Cet avenir passe par une masse critique de professeurs de près de 200 professeurs, et cela nous permettra donc encore plus d'assumer et d'accomplir notre mission.

J'ai pris la liberté, M. le Président, de faire une présentation la plus courte possible pour avoir le maximum d'échanges avec vous. Et nous avons pris la liberté aussi de vous présenter notre rapport d'activité, rapport qui illustre les faits saillants scientifiques et académiques de l'organisation dans la dernière année. Là-dessus, M. le Président, nous sommes prêts à vos questions.

Le Président (M. Cousineau): Alors, merci pour votre présentation. Il reste, bon, 20 minutes de chaque côté... 10-10, parfait?

Une voix: Ça permet d'alterner un peu plus.

Le Président (M. Cousineau): Ça va comme ça?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Cousineau): Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Reid: D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue à la délégation de l'INRS et à son président, que je voudrais féliciter pour sa récente nomination pour un nouveau mandat de cinq ans à la tête de l'institut.

J'ai une question très générale pour commencer, M. le directeur général. Le nom de l'INRS fait penser et rappelle le CNRS en France et peut-être y avait-il plus de ressemblance lorsque l'INRS a été créé, du moins dans les statuts et la volonté, mais on sait aujourd'hui que et on entend souvent dire du moins que le CNRS en France, en concentrant la recherche scientifique française bien souvent hors des universités ou selon des approches qui ont... il semble avoir drainé un petit peu en dehors des universités ou en dehors de la formation universitaire une bonne partie de la puissance, entre guillemets, de recherche française. C'est un reproche qu'on entend aujourd'hui. Et il semble que, nous, au Québec, on est passés un peu à côté de cette problématique-là, dans ce sens où on a évité ces problèmes-là.

Et vous mentionnez le nombre d'étudiants et d'étudiantes que vous avez et que vous voulez avoir, et donc le rôle important que l'INRS, au Québec, a joué non seulement en concentrant un pouvoir, entre guillemets, de recherche, mais aussi en s'assurant qu'il y ait, du côté formation, une composante qui est extrêmement importante, de l'INRS... qui soit présente donc à l'INRS en termes de formation des cycles supérieurs.

Est-ce que vous pouvez peut-être commenter sur cette évolution-là? Est-ce que c'est quelque chose qu'on a fait en voyant venir ces problèmes-là? Est-ce que ces problématiques-là qu'on entend en France, et peut-être que c'est un peu simpliste, ce qu'on lit, mais ces problématiques-là, est-ce que ça oriente un peu l'INRS dans sa volonté d'avoir un impact plus important encore au niveau des études, du nombre d'étudiants, de la formation des diplômés d'études supérieures?

Le Président (M. Cousineau): M. Lapointe.

M. Lapointe (Pierre): Merci pour les félicitations, M. le ministre. Je suis tout à fait d'accord avec le diagnostic que vous faites. Et, depuis 10 ans, à l'intérieur de l'organisation, nous avons suivi l'évolution des organismes qui nous sont semblables. Que ce soit le CNRS, que ce soit le CNRC, au Canada ou au Vietnam, dans plusieurs pays, il y a des organismes d'études semblables. Et ce que l'on voit au niveau mondial, c'est que la tendance qui avait été mise de l'avant avec le CNRC, que nous n'avons pas suivie, a été pour nous une des meilleures décisions.

n (11 h 50) n

Et ce que l'on voit au CNRC et en France présentement est d'une tristesse incommensurable. Et, si ça vous intéresse, je pourrais vous faire parvenir une revue qui a été publiée tout dernièrement en France sur Le Canada gagne la bataille des cerveaux. Et essentiellement ce que l'on retrouve à l'intérieur de ça, c'est le modèle INRS. Ça, c'est fondamental. Et, si on regarde ce qui se passe en Angleterre et au CNRC aussi, la tendance à avoir des étudiants devient de plus en plus une problématique négative pour eux. Et donc, à la réponse à savoir où est-ce que nous allons aller dans l'avenir, il y aura effectivement, comme je l'ai dit, encore plus de formation dans notre organisation, pour notre propre relève et pour la relève des chercheurs dans tous les organismes au Québec, incluant le reste d'universités. Je ne sais pas si, Sinh, tu veux rajouter quelque chose.

M. LeQuoc (Sinh): Bien, en fait, nous... Depuis une dizaine d'années donc, nous avons mis l'accent beaucoup sur la formation des chercheurs et l'évolution pendant ces années. Donc, nos programmes... Nous continuons à développer les nouveaux programmes dans le secteur de sciences sociales, c'est un des secteurs où nous n'avions pas de programmes propres, et bientôt M. Gendreau va retrouver fort probablement, dans son bureau, des programmes en sciences sociales de l'INRS, propres à la filière INRS. Donc, pour vous démontrer que notre tendance continue vers la formation des chercheurs, et les chercheurs, ça inclut donc étudiants en maîtrise, doctorat et postdoctorat.

M. Lapointe (Pierre): Peut-être un élément complémentaire, si vous permettez. Au niveau du CNRS, ce que l'on a vu au cours des dernières années, c'est la mise sur pied des laboratoires associés du CNRS, avec le monde universitaire, où les chercheurs du CNRS ont accès à des étudiants. Et, si on regarde le succès de ces laboratoires-là versus les autres centres du CNRS, on voit que ce modèle-là, qui est un modèle semblable, c'est beaucoup plus positif comme performance.

Le Président (M. Cousineau): M. le ministre.

M. Reid: Oui. Une autre question ? et vous avez... pas abordé la question, mais vous m'avez donné l'amorce en parlant des étudiants postdoctoraux. Vous mentionnez qu'il y aurait lieu de subventionner les étudiants postdoctoraux. Bon. Il y a différentes raisons. Moi, j'aimerais connaître un petit peu votre point de vue sur l'effet que ça pourrait avoir, chez vous comme ailleurs, sur la problématique du recrutement des professeurs. Vous savez ? et ici on a eu l'occasion d'en entendre parler ? qu'on a associé fréquemment et de façon très claire les problèmes de qualité et de financement à cette question de recrutement des professeurs.

Est-ce que le fait d'avoir un meilleur financement pour les étudiants postdoctoraux peut avoir un impact? Est-ce que ça peut augmenter le nombre? Est-ce que ça peut nous donner plus de possibilités de les garder comme professeurs à l'INRS bien sûr mais aussi dans les universités québécoises? Votre appréciation globale, là, de cette problématique. Parce que je ne me rappelle pas que ça nous ait été proposé comme tel depuis le début de la commission, qu'on finance, comme si c'était des étudiants autrement dit, les postdoctoraux.

M. Lapointe (Pierre): Je vais faire un bref recul, et M. Gendreau va probablement se rappeler que, dans les années 1991 à 1994, les postdoctoraux étaient financés à l'intérieur de la formule que nous avions. En 1994, pour des raisons, je présume, de coupures, c'est qu'effectivement ça a été arrêté. Donc, il y a une situation qui avait été discutée à la CREPUQ, et finalement le ministère de l'Éducation, à l'époque, avait décidé de ne pas changer sa décision en matière de financement.

Je laisserai répondre Sinh sur l'aspect recrutement, mais il est évident que, pour nous, dans une période... dans certains secteurs, il y aura des renouvellements du corps professoral jusqu'à 50 %. De s'assurer d'avoir une relève et de s'assurer que cette relève-là est de la qualité supérieure, c'est évident que la filière postdoctorale ? et à une époque, on avait même demandé au ministère de reconnaître ça comme un quatrième cycle ? ça devient un outil fondamental pour le recrutement. Mais je vais demander à Sinh d'aller plus dans le détail.

M. LeQuoc (Sinh): Essentiellement, M. le ministre, au cours de l'année dernière, nous avons recruté une trentaine de professeurs, et je pense qu'au moins deux tiers sont recrutés de l'étranger, étant donné que nous cherchons des gens avec des compétences dans des domaines très, très spécialisés; donc à peu près deux tiers. Donc, si on peut augmenter la quantité de postdoctoraux formés ici, ça nous aiderait beaucoup parce que nous prévoyons d'ici... Comme M. Lapointe vient de mentionner, d'ici quelques années, nous devons renouveler 50 % de notre corps professoral, étant donné les départs à la retraite, et etc.

Les postdoctoraux actuellement, comment ils sont financés? Ils sont payés à même les subventions de nos professeurs, subventions et contrats. Ça tourne autour de 32 000 $ par année plus les bénéfices marginaux, donc on pourrait mettre autour de 40 000 $, et c'est financé entièrement, payé entièrement par les octrois des professeurs. C'est dans ce sens-là que, si on pouvait compter sur un certain appui financier du ministère pour pouvoir favoriser une plus grande capacité... Parce que nous avons des capacités d'infrastructure à la recherche pour recevoir plus. Nous avons aujourd'hui 70 postdoctoraux ? nous n'en avions qu'une cinquantaine jusqu'à il y a deux ans. Avec toutes les infrastructures de recherche dans le cadre du programme de FCI et MEQ, nous avons, comme M. Lapointe l'a mentionné, obtenu environ 50 millions de dollars d'équipements, et ces laboratoires-là, il faut les faire fonctionner maintenant. Et une des ressources les plus importantes, ce seraient les postdoctoraux qui peuvent faire fonctionner et en même temps former nos étudiants, maîtrise, doctorat.

Donc, c'est dans ce sens-là que nous avons une recommandation: que le ministère envisage des mesures pour encourager... pour nous faciliter finalement de pouvoir avoir plus de postdoctoraux, les former comme chercheurs pour la relève et qu'eux-mêmes aussi forment les jeunes chercheurs au niveau doctorat, et postdoctorat, et maîtrise. Voilà.

Le Président (M. Cousineau): Bien, il ne reste plus de temps sur le premier bloc.

M. Reid: Ah! D'accord. D'accord, on y reviendra.

Le Président (M. Cousineau): M. le député de Portneuf, conservez votre question pour le deuxième bloc du côté ministériel. Alors, le principe de l'alternance, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour et de vous remercier pour avoir fait un peu de formation continue avec nous. Je vous explique pourquoi, parce que, en lisant votre mémoire, vous faites référence évidemment à tous les projets de recherche sur lesquels vous travaillez, en nous les explicitant sommairement, pour ensuite conclure au besoin que vous avez de recruter de nouveaux professeurs. Alors, c'est en ce sens-là que je dis que vous avez sûrement participé à notre formation continue. En s'amusant un peu.

Effectivement, votre mémoire est d'une bonne qualité et d'une belle facture, et surtout il comprend des éléments particulièrement intéressants. Sur cette question que vous venez de discuter avec le ministre, je crois que ça fait la démonstration ? vous le faites sur les étudiants au postdoctorat et qu'il faudrait mieux soutenir au plan financier ? je crois que vous faites la démonstration, comme d'autres avant vous et d'autres plus tard le feront, sur des besoins qui sont propres à des situations particulières dans nos institutions universitaires. Et, si le ministère de l'Éducation n'était pas capable, le ministre de l'Éducation n'était pas capable de reconnaître cela, je crois qu'on passerait à côté d'un des messages majeurs qui nous ont été livrés ici. Vous avez fait une bonne démonstration, mais je crois que les Universités du Québec, entre autres en région, ont aussi été à même de nous présenter des situations tout à fait particulières à leurs réalités et, si on n'est pas capable de reconnaître cela, je crois qu'on risque de connaître des reculs dans certaines de nos institutions. Bon.

Une question d'abord très, très pointue. À la page 5 du mémoire, vous avez un petit tableau sur les revenus de l'INRS. Dans les octrois de recherche ? le tableau 3 ? subventions et contrats, est-ce qu'il y a la contribution du ministère de l'Éducation en contrepartie de la subvention reçue de la Fondation canadienne de l'innovation ou vous avez mis ces sommes dans les contributions?

Une voix: ...

Mme Marois: Pardon?

M. LeQuoc (Sinh): Les financements de la FCI et du MEQ dans les équipements, c'est dans ce qu'on appelle Autres sources.

Mme Marois: Autres sources. D'accord. Alors donc, c'est vraiment à part, mais la portion donc, c'est de l'ordre de 40 % de ce montant-là qui viendrait du ministère de l'Éducation du Québec.

M. Lapointe (Pierre): Dans la majorité des programmes de la FCI, c'est 40 % de la FCI, 40 % du MDER, du MSSS ou du ministère de l'Éducation, et 20 % de l'institution ou du secteur privé.

Mme Marois: C'est vrai. Effectivement, ça ne vient pas nécessairement de l'Éducation. Dans certains cas, oui, dans d'autres, ça peut venir de la Santé, ça peut venir d'autres ministères.

M. Lapointe (Pierre): Des deux, dépendant... Excepté...

n (12 heures) n

Mme Marois: Donc, c'est compris dans Autres sources. Bon. Moi, j'aimerais vous entendre sur un développement que vous nous présentez et qui est particulièrement intéressant sur les modes d'encadrement que vous appliquez, les suivis que vous assurez auprès des étudiants-chercheurs et auprès des étudiants inscrits soit au doctorat, à la maîtrise ou au postdoc. Parce que vous faites état de vos résultats et ? évidemment j'imagine que tous vos collègues des autres universités vous envient, à raison d'ailleurs, et à juste titre ? vous dites: «La formation par la recherche et les mesures de soutien et d'encadrement des étudiants se traduisent par des taux d'accès au diplôme de 100 % à la maîtrise professionnelle, de 80 % à la maîtrise de recherche et d'un taux variant de 66 % à 72 % au doctorat.» Alors, j'aimerais vous entendre. Je sais que vous en parlez dans votre mémoire, là, mais, pour les fins de nos débats et de nos travaux, quelle a été votre stratégie? Quelle est actuellement votre stratégie en termes d'encadrement, de suivi, de support aux gens que vous recevez et que vous supportez, que vous encadrez?

M. Lapointe (Pierre): Je vais demander à M. Villeneuve de vous répondre, étant donné qu'il a 32 ans d'encadrement et de capacité de formation et que c'est lui qui a... entre autres avec sa maîtrise professionnelle de l'eau à 100 % de diplomation, je pense qu'il est le mieux placé pour y répondre.

Le Président (M. Cousineau): M. Villeneuve.

M. Villeneuve (Jean-Pierre): Merci, M. le Président, Madame. D'abord, une des premières choses, c'est que tous les étudiants reçoivent un soutien financier qui est identique pour tout le monde. Donc, ça, c'est une politique de l'INRS, il n'y a pas personne, pas un étudiant qui est traité différemment. Ce soutien financier là est assumé à 70 % par les chercheurs ou les professeurs. Et, assurant ce financement financier là à partir d'octrois de recherche, ou de subvention, ou de contrat, les étudiants, dès leur arrivée à l'INRS, sont intégrés directement dans les équipes de recherche et dans les projets de recherche des professeurs. Donc, comme ils participent de façon entière à ces activités de recherche là, ils sont suivis pratiquement, j'oserais dire, au jour le jour, ce n'est pas tout à fait exact, là, mais presque à la semaine, et on contrôle les activités qu'ils font dans le cadre de ces projets de recherche là d'une façon continue. Donc, ce qui les amène à avoir des objectifs à court terme, à avoir des réalisations, des rapports de recherche à faire, à faire des présentations, etc. Donc, pour le suivi des étudiants, ça se fait comme ça.

Pour l'enseignement, c'est très encadré aussi. Évidemment, nous n'avons pas des classes de 70 étudiants, ça se retrouve sept, huit, 10. Moi, j'ai eu des classes jusqu'à 24, je suis peut-être le plus chanceux de la gang. Et donc on suit très bien les étudiants. On a des gens qui nous aident aussi. Les étudiants qui sont avec nous, des étudiants au doctorat, etc., ils nous accompagnent dans nos enseignements, nous aident à encadrer les étudiants, quand les étudiants ont des problèmes particuliers, si, nous, on n'a pas le temps de s'en occuper, c'est un autre étudiant qui s'en occupe. Alors, il y a une espèce de synergie, une symbiose à l'intérieur des équipes de recherche qui fait que l'étudiant est toujours en situation de progrès et en situation de contrôle et de surveillance.

J'aimerais revenir sur les étudiants postdoc. Les étudiants ? on les appelle étudiants, hein, on ne les appelle pas chercheurs postdoctoraux, on les appelle étudiants postdoctorat ? donc, c'est des personnes, quand ils arrivent chez nous, ils sont encore en formation, ils sont encore en continuité dans leur formation. Ils sont aussi intégrés dans nos équipes, mais il leur reste, à eux, une activité qui leur est propre. Il faut qu'ils finissent leurs publications, il faut qu'ils finissent de faire ce qu'ils avaient à faire dans leurs doctorats, etc. Donc, on ne peut pas les utiliser comme des personnes ou des chercheurs, disons, à plein temps.

Et, dans le cadre de mon centre, je pourrais dire que c'est moitié-moitié. Ils sont 50 % du temps en finalisation de leurs études et, 50 %, ils travaillent sur des projets de recherche. Et eux aussi sont intégrés dans nos activités de recherche. Souvent, ce qui arrive, c'est: si ces gens-là performent bien, on va les garder avec nous comme postdoc pendant deux ans, trois ans, après ils deviennent associés de recherche. Après, s'ils performent bien, ils peuvent devenir professeurs sur octroi et, après, avoir un poste régulier. Donc, quand ils rentrent chez nous et qu'ils performent bien, ils sont sur un cheminement de carrière et, en dedans de 10 ans, ils peuvent espérer être un nouveau prof régulier à l'INRS.

Le Président (M. Cousineau): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: C'est très intéressant. Est-ce qu'il me reste encore un peu...

Le Président (M. Cousineau): Ah oui! Encore deux minutes.

Mme Marois: Bon, deux minutes. Alors, je vais prendre une question plus courte, parce qu'il y a une question plus large que je voudrais aborder avec vous.

Toujours dans cette... un des constats que vous faites, là, à la page 17, vous dites: «L'INRS entend adapter et diversifier sa programmation de maîtrise professionnelle afin de répondre aux besoins accrus du Québec en termes de formation de type professionnel.» À quoi pensez-vous actuellement dans cette perspective-là ou sur quoi travaillez-vous?

M. LeQuoc (Sinh): Je reviens donc, nous sommes en train de préparer un programme de maîtrise professionnelle en sciences sociales, recherche sociale interface avec les actions publiques, avec une filière doctorale, donc essentiellement nous envisageons la formation des personnes hautement qualifiées qui peuvent faire de la recherche sociale, mais qui doit tenir compte également des actions publiques. Et cette personne doit faire l'interface entre les deux. Et nous savons qu'au niveau des organismes, des ministères, beaucoup de gens professionnels ont besoin de mise à jour ou des formations de nature professionnelle. Donc, ça, c'en est un, des programmes.

Nous avons le programme maîtrise en sciences de la terre, que nous avons adopté pour que ça devienne un programme professionnel. Et nous allons envisager aussi la mise à jour d'un programme de maîtrise professionnelle en télécommunications, que nous avons eu, mais, étant donné l'évolution du secteur de télécommunications, donc, ça fait partie des programmes que nous allons mettre sur pied.

Mme Marois: Que vous souhaitez développer. Je veux vous féliciter aussi, M. Lapointe, pour votre nomination à titre de nouveau... bien en fait pas de nouveau, dans la continuité de l'engagement que vous avez eu jusqu'à maintenant à l'égard de l'INRS, c'est une belle reconnaissance de ce que vous avez apporté à cet institut et ce que vous pourrez apporter par la suite.

Le Président (M. Cousineau): Alors, Mme la députée, nous allons passer au troisième bloc, donc le deuxième du côté ministériel. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Alors, merci, M. le Président. Si vous me permettez, considérant que ça a pris du temps avant que je puisse poser ma question, je vais revenir quand même sur votre introduction, sur la présentation de l'INRS. Vous avez fait état évidemment de vos succès puis de vos réussites, puis vous me permettrez une petite analogie avec un document que M. Charest a déposé récemment, M. le premier ministre, à l'effet qu'en vous entendant l'image qui m'est venue, c'est que vous brillez parmi les meilleurs, et puis je pensais que... C'est une image qui m'est venue en vous entendant.

Cela dit, vous avez parlé de problèmes de recrutement, de certains problèmes de recrutement au niveau des professeurs, mais maintenant qu'en est-il au niveau des élèves? Parce que, dans vos statistiques... Sinon, est-ce que c'est parce que la durée de la scolarisation est de sept, huit ans, dans certains cas? On a des statistiques qui s'arrêtent en 1998. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur l'adhésion à vos programmes. C'est quoi, l'évolution, là, dans les cinq dernières années, par exemple?

M. Lapointe (Pierre): Merci pour le comparatif. Je pense qu'il y a un phénomène d'accessibilité chez nous qu'il faut décrire, et c'est celui-là: le fait de ne pas avoir de premier cycle rend un peu plus difficile la découverte d'étudiants qui veulent venir chez nous. Ça, c'est un problème qui est fondamental.

Le deuxième problème, c'est le fait de la dispersion géographique. Il faut comprendre qu'on est un peu partout, donc l'image de l'INRS est connue, mais pas nécessairement aussi grande qu'elle devrait l'être dans le monde universitaire. Et, au niveau de l'évolution de l'organisation, étant donné que l'INRS est quand même une organisation jeune, plusieurs des programmes que nous avons, de formation sont tout récents. Celui, à titre d'exemple, en sciences de la terre date d'à peine 1994. Donc, ça explique ces différents phénomènes là.

Au niveau des cohortes, je vais demander à M. LeQuoc de vous répondre.

M. LeQuoc (Sinh): Je pense qu'au cours du contrat de performance, les trois dernières années, nous avons mis comme objectif et nous avons atteint et dépassé une augmentation de 14 % du nombre d'étudiants. Et nous avons dépassé cet objectif. Et, depuis un an, nous entreprenons des actions pour recruter les étudiants à l'étranger. Donc, nous participions aux salons d'étudiants étrangers à Paris, au mois d'octobre, ce qui a amené à l'article que M. Lapointe vous a mentionné. Les journaux français commencent à trouver que les Québécois sont très actifs, pas seulement sur le marché artistique et cinéma, mais sur le marché scientifique. Alors, c'est comme ça qu'ils sont venus chez nous pour nous demander: Comment vous faites ça?, et etc. Et actuellement, si je n'avais pas à me présenter ici aujourd'hui, je devrais être à Paris. Il y a un salon de recrutement de carrières scientifiques en France. Et c'est le bon moment parce qu'ils ont des problèmes. Alors, c'est le moment de venir chercher les meilleurs cerveaux. Alors donc, je... voilà. Donc, de ce côté-là, nous sommes assez actifs. Parce qu'on n'a pas de premier cycle, alors il faut aller avec les activités souvent internationales pour recruter les meilleurs étudiants que nous voulons avoir.

Le Président (M. Arseneau): Monsieur... du côté gouvernemental... Oui, un complément, M. Lapointe, ou...

n (12 h 10) n

M. Lapointe (Pierre): Oui, peut-être un élément, une complémentarité qui explique, c'est que nos programmes ne sont pas disciplinaires, ils sont multidisciplinaires et, dans beaucoup d'occasions, beaucoup plus exigeants de par la nature. Et donc on attire une clientèle qui est aussi différente.

Le Président (M. Arseneau): M. le ministre de l'Éducation.

M. Reid: Moi, j'aurais une question. Étant donné la nature donc un peu, là, universitaire et centre de recherche de l'INRS, on peut s'attendre, et je pense qu'on en voit les résultats bénéfiques, à un fort encadrement recherche pour les étudiants et les étudiantes des cycles supérieurs. A priori, on peut avoir l'impression que c'est difficile pour une université, dans d'autres contextes, d'offrir peut-être un encadrement aussi important. Est-ce que vous pensez que, si c'est le cas ? là, je fais des hypothèses ? à ce moment-là ça représente un défi pour l'INRS d'augmenter effectivement, de façon sensible, on parlait tantôt de 600 à 1 000, le nombre d'étudiants, d'étudiantes des cycles supérieurs et de pouvoir continuer à offrir un encadrement aussi intense que ce qui est permis de faire lorsque la proportion peut-être du centre de recherche université est ce qu'elle est aujourd'hui, donc avec encore une forte partie centre de recherche?

Le Président (M. Arseneau): M. Lapointe.

M. Lapointe (Pierre): Ce qu'il faut comprendre, M. le ministre, c'est que l'évolution de la formation à l'INRS, dans chacun des centres, s'est faite de façons différentes. Et, à titre d'exemple, à Urbanisation, Culture et Société présentement, comme M. LeQuoc vous le disait, nous n'avons pas notre programme propre, ce qui fait que la statistique, par professeur, d'étudiants est faussée par ces caractéristiques-là. Et je sais que, depuis une dizaine d'années, à l'intérieur de l'organisation, l'ayant vécu moi-même, la volonté de l'ensemble du corps professoral, c'est effectivement d'accroître ça et c'est une volonté qui nous semble réalisable.

L'autre élément qui est fondamental, et qui a changé la donne, et qui va nous aider là-dedans, c'est les succès que nous avons eus au concours ministère de l'Éducation, MDER, FCI, et je vous donne les exemples tantôt du laser femtoseconde, du Centre national de biologie expérimentale, du laboratoire de microélectronique, du laboratoire lourd en matière de formation, tous des gros équipements qui vont faire en sorte qu'ils vont nous aider à attirer autant des professeurs que des étudiants. Et donc je suis très à l'aise avec ces statistiques-là. Si on peut se doter... finir notre parc de programmes et la mise sur pied des maîtrises professionnelles, je suis très à l'aise.

Le Président (M. Arseneau): M. LeQuoc.

M. LeQuoc (Sinh): Je peux ajouter un mot, M. ministre. Le modèle de l'INRS est: un professeur, trois personnes qui supportent, donc soit professionnels, techniciens, et six étudiants. Donc, une équipe pour un noyau de recherche à l'INRS, c'est une équipe de 10 personnes, donc le professeur, trois personnes qui soutiennent, que ce soit au niveau postdoc, que ce soit au niveau professionnel ou technicien, et six étudiants. Donc, le chiffre de 1 000 étudiants vient du fait que nous voudrons atteindre le plateau de 200 professeurs; 200 professeurs par six étudiants, ça donne à peu près 1 200 et, si on parle en termes de EETP, ça ramène à peu près à 1 000 étudiants au niveau EETP. C'est le modèle donc que nous avons pratiqué depuis des années et qui a donné du succès. Donc, nous restons dans ce modèle.

M. Reid: S'il reste du temps...

Le Président (M. Arseneau): Oui, il y a encore du temps, M. le ministre.

M. Reid: On pourrait peut-être attendre, peut-être, si c'est nécessaire, plus tard, là.

Le Président (M. Arseneau): Oui. Alors donc, on pourrait aller du côté de la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Alors, je voudrais aborder une question, disons, que vous... c'est-à-dire un sujet qui comporte plusieurs illustrations des activités que vous menez à cet égard et qui concerne la valorisation des résultats de la recherche. C'est particulièrement intéressant, là, tout le chapitre qui concerne cet aspect-là. Et vous dites, bon: «La valorisation à l'INRS, c'est le transfert direct des savoirs et savoir-faire aux partenaires, c'est un rôle dynamique que l'institut assume pleinement dans le développement des entreprises et des organisations et c'est une volonté d'aller encore plus loin en se dotant des meilleurs outils en la matière.»

Il y a eu beaucoup, beaucoup de débats jusqu'à maintenant ici, à la commission, sur la valorisation de la recherche, sur le transfert technologique, sur la création d'entreprises liées aux découvertes faites dans les institutions. J'aimerais que vous me parliez de toutes les politiques que vous avez développées, parce que ça, vous ne l'abordez pas beaucoup dans le mémoire, sur la question de la propriété intellectuelle et des règles d'éthique et d'encadrement dont vous vous êtes dotés pour vous assurer qu'il y aurait équité et transparence dans ce que vous faites à cet égard, à l'institut. Et cela pourrait sûrement être utile pour beaucoup d'autres institutions qui évidemment se préoccupent de telles questions.

Le Président (M. Arseneau): M. LeQuoc.

M. LeQuoc (Sinh): Oui, Mme la députée. Essentiellement, là, lorsqu'on parle de valorisation chez nous, ça va au-delà de juste les sociétés d'essaimage, ou les «spin-off» qu'on appelle. Ça va dans le sens qu'à tous les jours on le fait, parce que, dans nos subventions de recherche, environ 50 %, ce sont des contrats et 50 %, les subventions. Ça tourne autour de là. Donc, dans les contrats, c'est ce que nous faisions avec les entreprises, c'est ce que nous faisons avec des organismes publics, parapublics. Donc, à tous les jours, il y a un transfert. Pour nous, ça fait partie de la valorisation et du transfert. D'accord?

Au niveau de valorisations qui, depuis quelques années, sont à la mode, dans le sens de création de sociétés et d'entreprises, etc., nous avons une politique qui est conventionnée et qui est transparente, qui est conventionnée depuis une dizaine d'années, qui est sur le site Web. Donc, essentiellement la propriété intellectuelle est au chercheur. Il y a une obligation de divulgation de son invention. INRS a 120 jours pour exercer une option de commercialisation. Et, si INRS exerce l'option, le professeur a le choix au niveau de redevances: 50 % au professeur, ou l'équipe de professeurs et les étudiants, bien entendu lorsque je parle de professeur, et 50 % à l'institution; ou 85 % à l'institution et 15 % au professeur, net, une fois qu'il a... il n'aura pas à... enfin, brut plutôt, il n'a pas à payer les frais. Sinon, c'est 50 % net de chaque côté.

Mme Marois: Et il partage à ce moment-là les frais.

M. LeQuoc (Sinh): Il partage des frais, voilà. Donc, cette politique est conventionnée, est appliquée donc avec les entreprises que nous avons jusqu'à date, et ça ne crée pas de problème de ce côté-là. Le problème qui demeure, c'est au niveau: Est-ce qu'une institution comme nous pourrait investir de l'argent dans les sociétés de démarrage? Ça, c'est une question, parce que ce n'est pas notre mission à nous. Donc, nous pouvons encourager nos professeurs avec les inventions, nous pouvons les aider en leur permettant à utiliser certains équipements, le temps de...

Mme Marois: Oui, d'incuber l'entreprise.

M. LeQuoc (Sinh): ...d'incuber l'entreprise, mais des fois ils en demandent plus, et nous n'avons pas de stratégie d'investissement dans les entreprises. Ça devrait être les sociétés de capital de risque ou autres.

Mme Marois: C'est ça. Est-ce que jusqu'à maintenant il y a eu des contestations à l'occasion de tout le processus, là, qui a été suivi pour l'une ou l'autre des créations d'entreprises ou des transferts?

M. LeQuoc (Sinh): Depuis les quatre dernières années que je suis à la direction scientifique, nous avons démarré quelques entreprises et puis des projets, à peu près 25 projets. À ma connaissance, il n'y avait pas de contestation, parce que c'est écrit, c'est transparent. C'est transparent, c'est écrit et c'est respecté.

Mme Marois: Oui, M. Lapointe.

Le Président (M. Arseneau): M. Lapointe.

Mme Marois: Excusez-moi, M. le Président.

M. Lapointe (Pierre): J'aimerais... Un élément d'information supplémentaire, c'est que, cette politique-là aussi, on encourage que les étudiants y adhèrent. Et à titre d'exemple, peut-être, si c'est possible, M. le Président, que M. Kieffer nous parle d'une des sociétés qui ont été essaimées dans son équipe, ça pourrait vous donner une idée du comment.

Mme Marois: ...je pense.

Le Président (M. Arseneau): Oui. Alors, M. Kieffer.

M. Kieffer (Jean-Claude): Je peux effectivement essayer d'apporter quelques éléments complémentaires, d'abord souligner que les professeurs ont une exclusivité de services à l'intérieur de l'INRS, ce qui permet d'abord de travailler et d'être dédié à la recherche et à la formation et à l'implication... à l'intrication entre la recherche et la formation.

n(12 h 20)n

Et donc un exemple, c'est qu'il y a quelques années on a développé, à l'intérieur des laboratoires, des prototypes de caméras ultrarapides, et des étudiants ont pris ces prototypes pour les transformer en produits et créer une compagnie, et de le faire de façon tout à fait transparente parce que c'était dans un cadre tout à fait conventionné et clair et en dedans des cadres de déontologie. Alors, c'est un exemple intéressant parce que c'était... il y a eu création de compagnie et il y a aujourd'hui un produit qui est diffusé dans plusieurs laboratoires internationaux et qui a des retombées au niveau des applications, en particulier de la chimie et de la biologie. Donc, c'est un... Effectivement, c'est un des grands potentiels de l'INRS que de permettre ceci en toute transparence.

Mme Marois: C'est ça. En fait, évidemment, comme ça fait partie de votre mission, c'est sûr que vous avez investi beaucoup quant à l'encadrement et à l'adoption de... Vous avez senti la nécessité d'adopter des politiques claires, et tout. Mais c'est intéressant parce que je crois que d'autres institutions pourraient s'inspirer de ce que vous avez fait jusqu'à maintenant. Vous voulez ajouter une chose?

M. Kieffer (Jean-Claude): Oui, je veux juste rajouter un petit point, c'est un autre exemple aussi de l'implication des étudiants dans tout le processus de formation, mais qui est plus large que les simples cours, c'est-à-dire que c'est l'apprentissage aussi de... c'est une intégration, si vous voulez, verticale entre les besoins et les activités du laboratoire et la capacité, pour des jeunes, de comprendre un peu ce que c'est que le milieu industriel et de créer des emplois ou de créer même leurs propres emplois au départ, à travers les retombées d'une activité de recherche qui éventuellement est purement fondamentale, mais qui peut avoir ce type de retombées. Donc ça, c'est un exemple.

Mme Marois: C'est très intéressant, oui. Une autre question, là, qui touche un autre aspect de votre mémoire, et je crois... je n'ai pas vu, dans d'autres mémoires, de telles recommandations. Vous souhaitez que le gouvernement du Québec maintienne le programme d'exemption d'impôts pour des professeurs étrangers recrutés par les universités. Évidemment, par rapport à la stratégie que vous nous avez décrite tout à l'heure, c'est particulièrement pertinent et intéressant, bien sûr. Et, plus loin, dans la même recommandation, vous indiquez que «l'INRS serait ouvert à ce qu'un engagement formel le liant au ministère vienne baliser son développement selon une formule d'imputabilité définie de concert avec le ministère de l'Éducation et s'assurant de la rencontre des objectifs institutionnels fixés conjointement». À quoi avez-vous pensé à cet égard?

Le Président (M. Arseneau): Un peu plus d'une minute, M. Lapointe.

M. Lapointe (Pierre): D'accord. C'est que, suite à l'analyse que nous avons faite de notre propre mission et de notre rôle par rapport à la société québécoise, il est très clair que l'expérience des contrats de performance nous a permis deux choses: premièrement, de sensibiliser le ministère de l'Éducation à la spécificité de notre organisation. Nous ne pouvons pas être entièrement subventionnés par des EETP, ça ne tient pas la route. Donc ça, cet élément-là est fondamental. Parallèlement, le fait que le ministère de l'Éducation ait accepté cette spécificité-là, il nous connaît mieux, il y a des objectifs qui pourraient, pour la société québécoise, être émis, et donc, dans un cadre de discussion, autant avec le MDER, le MSSS que le ministère de l'Éducation, ce type de relation là nous apparaît tout à fait acceptable et tout à fait souhaitable.

Le Président (M. Arseneau): Merci. Il reste 30 secondes.

Mme Marois: Alors, tout simplement pour vous remercier pour la qualité encore une fois de la contribution que vous nous avez apportée, parce que, évidemment, vous êtes une institution tout à fait particulière: vous avez réussi aussi à intégrer, hein, de nouveaux venus dans les dernières années ? et j'ai le sentiment que ça s'est assez bien passé ? et sans perturber la vie de chacune des nouvelles institutions que vous avez pu recevoir dans le giron de l'INRS. Alors, je veux vous féliciter pour cela et vous remercier.

Le Président (M. Arseneau): M. le ministre de l'Éducation.

M. Reid: Oui. Il resterait quelques minutes, mais je vais simplement en profiter pour féliciter encore le directeur et pas uniquement d'avoir obtenu un mandat, mais aussi d'avoir fait de l'INRS ce que l'INRS est aujourd'hui, et vous dire à vous, M. le directeur, ainsi qu'à toutes les personnes qui travaillent à l'INRS, que le Québec compte sur vous, parce que vous êtes un élément important de sa force scientifique.

Le Président (M. Arseneau): Alors, M. le directeur général, votre présentation a fait en sorte qu'on a pu échanger pendant plus de 40 minutes, presque, avec vous. Et, comme ça a été dit, votre institution est extrêmement importante pour le réseau universitaire québécois. Je vous remercie. La commission apprécie beaucoup que vous soyez venus la rencontrer.

Et, sur ces paroles, je vais suspendre nos travaux jusqu'après les affaires courantes cet après-midi. Et vous pouvez laisser vos choses ici, sur la table, il n'y a aucun problème. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

 

(Reprise à 15 h 41)

Le Président (M. Arseneau): Alors, si vous permettez, nous allons reprendre nos travaux, avec un peu de retard. Alors, j'ai déjà discuté avec les gens de la Jeune Chambre de commerce qui sont avec nous du fait que probablement qu'on va, pour tous les groupes, restreindre un peu le temps et peut-être s'entendre sur des présentations d'une quinzaine de minutes, et de laisser une quinzaine de minutes par bloc pour les trois présentations. Alors donc, pour les gens de l'Institut économique de Montréal qui suivent, disons qu'autour de 16 heures, 4 heures, 4 h 30, on devrait être avec vous. Soyez patients. Merci beaucoup.

Donc, M. Savoie, président de la Jeune Chambre de commerce de Montréal, et Mme Houpert, vice-présidente aux affaires publiques, alors bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous remercie, au nom de la commission, d'avoir accepté de participer à nos débats, et vous avez une quinzaine de minutes donc pour faire votre présentation.

Jeune Chambre de commerce
de Montréal (JCCM)

M. Savoie (Nicolas): Parfait. Bien, je vous remercie beaucoup, M. le Président. Je vais commencer peut-être d'abord en me présentant, puis je laisserai ma collègue se présenter également. Donc, Nicolas Savoie, président de la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Et je travaille pour SECOR, une firme de conseil en stratégie d'entreprise, qui accompagne d'ailleurs le gouvernement dans sa réingénierie. Catherine.

Mme Houpert (Catherine): Catherine Houpert, je suis avocate spécialisée en droit du travail. Je travaille pour la firme Langlois Kronström Desjardins à Montréal.

M. Savoie (Nicolas): Je tiens à mentionner évidemment qu'on est ici à titre de bénévoles et non pas d'employés de la Jeune Chambre.

Ma présentation est en cinq bloc: le premier, je vais vous, peut-être, rappeler ce qu'est la Jeune Chambre rapidement; pourquoi on se penche sur la question du financement des universités; quels sont les principes qui ont guidé les solutions qu'on propose au gouvernement; ensuite, quelles sont ses solutions et surtout pourquoi.

Donc, la Jeune Chambre en bref, c'est un organisme qui regroupe 1 400 jeunes gens d'affaires de tous horizons, une moyenne d'âge de 30 ans, et dont plus de 95 % d'entre eux sont des diplômés universitaires, et donc des gens pour qui c'est très frais dans leur mémoire, là, l'expérience universitaire et qui commencent à jouir des bénéfices qu'une telle éducation apporte. C'est le plus grand réseau du genre au pays. On existe depuis 73 ans. On est indépendant, on n'est pas affilié à d'autres organismes. Et notre mission est très simple: générer le succès de nos membres. Ce qu'on fait via plus de 60 activités de réseautage ou autres, mais également via des prises de position en affaires publiques, comme le mémoire qu'on a déposé devant cette commission.

Pourquoi la Jeune Chambre s'est penchée sur l'accessibilité du financement de l'enseignement supérieur? Différentes raisons. Au-delà de l'apport comme tel, là, des universités à notre société et à ses différents acteurs, par exemple les entreprises qui bénéficient de mains-d'oeuvre qualifiées, qui bénéficient d'innovations, les étudiants eux-mêmes qui bénéficient de revenus plus élevés, qui bénéficient d'un taux de chômage plus faible également, etc., au-delà de tout ça, ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est que le sous-financement actuel, qui est estimé par la CREPUQ à environ 375 millions par année, est très préoccupant et a beaucoup d'impacts, mais des impacts qui sont à long terme. Et le long terme, pour nous qui sommes un peu la génération montante, c'est ce qui nous préoccupe. Parce que c'est nous plus tard qui allons être affectés par ça, et donc on pense qu'il faut s'en préoccuper dès maintenant.

Au niveau des principes qui ont guidé nos solutions, il y en a six, et c'est les suivants.

D'abord, principe d'accessibilité. Pour nous, ce qui doit continuer à permettre à quelqu'un d'accéder aux études universitaires, ça doit être ses capacités intellectuelles, pas ses capacités financières. Donc ça, ça colore nos recommandations.

Deuxièmement, les individus, clairement, en retirent des bénéfices importants. Les gradués universitaires ont des revenus en moyenne de 47 000 $ versus des non-gradués qui ont 29 000 $. Les diplômés universitaires ont un taux de chômage d'environ 5 %, en 2002, versus 9,3 % pour les non-diplômés. Clairement, les individus retirent des bénéfices importants et donc les individus doivent également contribuer leur juste part.

La société dans sa globalité doit contribuer également, parce que, elle aussi, elle en retire des bénéfices. C'est démontré, là, notamment par une étude du ministère de l'Éducation, que le rendement fiscal, là, est supérieur de 10 % pour les gens qui ont fait un bac versus un D.E.C. Donc, la société y gagne, mais là je m'attarde aux aspects plus financiers, mais la société y gagne aussi évidemment en termes de diffusion du savoir, de la culture, etc.

Quatrième principe, il est normal et même souhaitable selon nous que le financement des universités soit affecté ou indexé, si on veut, là, par l'inflation, par le coût de la vie. Ce qui n'est pas le cas en ce moment, là, vous le savez, il y a un gel d'une partie du financement qui est significative. Pour nous, un tel gel, là, jusque dans une certaine mesure, c'est un peu une aberration, parce que les universités, comme n'importe quel autre organisme ou entreprise, font face à des augmentations de leur coût de la vie mais ont les mains un peu, là, liées pour y faire face. Et, à long terme, c'est l'ensemble de la société qui paie.

Cinquième principe, l'université, ce n'est pas seulement pour amener les gens à entrer sur le marché du travail, avoir une formation professionnelle, c'est aussi, comme je l'ai dit, un endroit où on diffuse le savoir, on développe le savoir, la culture, l'innovation, et ça, ça doit demeurer, et donc il faut tenir ça en compte également. Il ne faut pas que les universités ne soient motivées que par des motifs, là, matérialistes, par exemple.

Dernier principe, les universités doivent être efficaces. Surtout maintenant qu'on parle de mieux les financer, il ne faudrait pas qu'un meilleur financement se traduise par des inefficacités accrues. C'est bien important, là, qu'un tel financement accru s'accompagne de mesures d'encadrement, comme, par exemple, les contrats de performance qui avaient été mis en place par l'ancien gouvernement. On pense par ailleurs que c'est quelque chose à continuer.

Les recommandations maintenant. Eh bien, il y en a quatre. La première et la plus importante, la Jeune Chambre recommande une augmentation graduelle des frais de scolarité, dès l'an prochain, pour rejoindre la moyenne canadienne à terme et de prévoir également un mécanisme d'augmentation pas nécessairement automatique, mais quand même, là, moins complexe que de passer en commission parlementaire, donc un mécanisme d'augmentation par la suite.

Deuxième mesure... Après avoir énoncé les mesures, je reviendrai sur le pourquoi puis le comment. Deuxième mesure, évidemment, une charge accrue pour les étudiants, il faut que ça s'accompagne d'un ajustement proportionnel du programme d'aide financière, qui est un des plus généreux au pays, mais on propose donc d'augmenter le plafond en fonction de l'augmentation des frais de scolarité. Le plafond est à 16 000 $ en ce moment. Si on augmente les frais de 2 000 $, bon, bien il passerait à 18 000 $ ou plus, là, vu que ce serait annuel.

Troisième recommandation, ce n'est pas tout d'augmenter le plafond, il faut, on pense, rendre le régime de remboursement de l'aide financière beaucoup plus flexible, beaucoup plus adapté à la situation financière des étudiants, qui, dès la sortie de l'école, là, peut être assez difficile, là, vu qu'ils commencent à gagner des revenus. Donc, ce qu'on propose, c'est d'instaurer un régime de remboursement qui serait proportionnel aux revenus.

Ça se fait dans d'autres pays. Ça se fait en Suède notamment, où les étudiants doivent allouer 4 % de leurs revenus bruts au remboursement de leur dette. C'est plus flexible que l'approche actuelle qui ne tient pas compte en fait de la capacité de remboursement des étudiants, qui est strictement de dire: Bon, vous avez une période x pour rembourser, puis, si vous avez un prêt x, donc on divise, puis c'est ce que vous remboursez à chaque année. Donc, nous, c'est ce qu'on propose. Et ces deux mesures-là d'ailleurs, là, la hausse du plafond puis le programme de remboursement en fonction du revenu, viendraient alléger le fardeau des étudiants, qui serait augmenté à cause du dégel des frais de scolarité.

n(15 h 50)n

Quatrième recommandation, c'est d'inciter les universités à obtenir davantage de fonds du privé, des entreprises. En ce moment, le pourcentage que les universités vont chercher de leurs revenus qui vient du privé est de 3,3 %, alors qu'en Ontario, par exemple, c'est 7,7 %. Il n'y a pas de raison que nos universités ne soient pas capables d'aller chercher un 4 % additionnel, peut-être pas en un an, mais à terme. Donc, il faut inciter les universités à aller chercher cet argent. Et je ne parle pas d'une taxe imposée aux entreprises, là, je parle bien d'amener les universités à mettre en place des capacités de levée de fonds pour aller chercher ces argents.

Pourquoi ces recommandations? Bien, je vais m'attarder évidemment, d'abord, au dégel, qui est la mesure principale. Mais, d'une certaine façon, il y a... Bon. Quand on regarde les sources de financement d'une université, là, il n'y a pas 36 façons de regarder la question. Le déficit estimé, pour nous amener à la moyenne canadienne, là, quand on se compare aux autres universités, selon la CREPUQ, c'est 375 millions par année. On peut demander au gouvernement d'en faire plus, mais, bon, le gouvernement contribue... Avec les frais de scolarité, là, le gouvernement contribue déjà à 86 % des revenus des universités. C'est similaire aux autres régions du Canada, sauf que la différence, c'est que les frais de scolarité au Québec sont de loin moindres. En pourcentage, c'est 18 % pour le Québec versus 30 % moyenne canadienne, 40 % en Ontario. Donc, nous, la différence, c'est le gouvernement qui l'assume puis l'ensemble de la société, là, évidemment via ses taxes et impôts. Les frais de scolarité étant à déjà presque la moitié de la moyenne canadienne, on voit mal comment le gouvernement pourrait aller en chercher... contribuer davantage soit en augmentant les impôts ou en créant une taxe spéciale. On en fait déjà un grand bout, là, via l'État.

Au niveau du privé, j'en ai un peu parlé, effectivement on pense qu'il pourrait contribuer davantage, il s'agit que les universités s'organisent. Il faudrait peut-être qu'il y ait des incitatifs, là, pour les aider à aller chercher ces argents-là, mais... Donc, oui, il y a une possibilité, mais, même si on arrivait au fameux 7,7 % que je mentionnais tantôt, qui est ce que l'Ontario fait, on a calculé que ça amènerait quand même 100 millions, mais c'est 100 millions sur 375, ce n'est pas assez. Puis c'est 100 millions qui seraient dans le temps, ça ne se ferait pas demain matin. Donc, ça laisse quand même, là, une bonne partie du problème, là, entier.

Restent donc les étudiants, qui peuvent et doivent à notre avis en prendre plus sur eux. Et, quand on fait le calcul, là, 178 000 étudiants à temps plein, si on rejoint la moyenne canadienne, on ajoute environ 2 000 $ par étudiant, c'est 390 millions, là. Vous allez me dire: C'est un peu simple comme calcul, là. Mais ça donne une idée de l'impact. Grosso modo, on vient de régler le problème de financement. Nous, on est plus pour une approche où un peu tout le monde contribue, là: les entreprises, l'État puis les étudiants, mais les étudiants au premier chef.

Évidemment, est-ce que ça va affecter l'accessibilité? C'est une question légitime, on l'adresse dans notre mémoire. Nous, on pense que non. Les taux de participation, les taux d'accès, si vous voulez, à l'université ne sont pas nécessairement corrélés négativement avec la hausse des frais de scolarité. C'est assez inélastique en fait. Puis d'ailleurs je pense que les gens de l'Institut économique de Montréal vont pouvoir en parler davantage, on fait référence à eux dans notre mémoire.

Il faut voir aussi que l'endettement des étudiants au Québec est de loin plus faible que dans le reste du Canada: 13 000 $ versus 22 000 $. Et il y a quand même 60 % des étudiants en ce moment qui n'ont pas recours au Programme de prêts et bourses, donc ils n'ont pas nécessairement besoin d'aide financière. Ça laisse quand même un 40 % qui en ce moment a recours au Programme de prêts et bourses. C'est pour ça qu'on dit qu'il faut augmenter le plafond, pour permettre à ces gens-là d'avoir davantage accès... d'assumer, là, une partie de la hausse des frais de scolarité qu'on propose. Et surtout c'est pour ça aussi qu'on propose, là, un remboursement proportionnel de la dette d'études, ce qui étalerait dans le temps davantage, là, et ce qui serait plus en lien avec les capacités de payer des étudiants.

Je rappelle que les étudiants en moyenne vont chercher des revenus de loin supérieurs, et donc, quand on entend souvent qu'on ne peut pas augmenter les frais parce que les étudiants sont pauvres, entre guillemets, aujourd'hui, effectivement, ils ont des revenus plus faibles, ils ne travaillent pas, mais, à terme, ils ont des revenus de loin supérieurs aux autres membres de la société qui ne sont pas diplômés. Donc, c'est juste normal qu'ils paient leur juste part.

D'autant plus que différentes études le prouvent, là, mais le rendement d'un investissement universitaire pour un étudiant, au niveau canadien, c'est entre 12 % et 20 %. Considérant que les frais de scolarité sont de loin inférieurs au Québec, même si on tient compte du fait que les revenus moyens au Québec sont également un peu inférieurs, les études, là, laissent à penser que le rendement pour les étudiants au Québec est encore plus élevé que ce que c'est pour un étudiant canadien. Donc, c'est un très bon investissement, même avec des frais de scolarité un peu plus élevés, puis on parle quand même juste de 2 000 $ par année. Donc, je termine là-dessus.

En conclusion, bref, ce que la Jeune Chambre propose, c'est que l'ensemble des acteurs concernés et bénéficiaires, si vous voulez, d'un enseignement universitaire de qualité doivent contribuer, ils doivent contribuer leur juste part en fonction de leurs moyens. L'État le fait déjà grandement, et l'ensemble des contribuables, via l'État, le fait déjà grandement. L'entreprise pourrait le faire un peu davantage, et je pense que les universités peuvent s'organiser davantage, là, en ce sens. Et d'ailleurs, là... Et finalement, évidemment, comme j'ai mentionné, là, les étudiants pourraient contribuer davantage. De sorte qu'on arriverait à assurer un meilleur financement aux universités, et, à terme, c'est l'ensemble de la société qui va en gagner, les entreprises, les étudiants aussi, qui ne seront plus pénalisés par des infrastructures désuètes, un ratio de professeur-étudiants trop bas et une qualité d'enseignement globale trop faible faute de financement adéquat.

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup, M. Savoie. Vous êtes d'une très grande précision, juste 15 minutes. Alors donc, on pourrait immédiatement lancer le débat, et je vais, pour 15 minutes, laisser la parole tout d'abord au ministre de l'Éducation.

M. Reid: Merci, M. le Président. Je vais souhaiter la bienvenue à la Jeune Chambre de commerce de Montréal et vous dire, M. le président, que j'ai une attention en particulier pour les jeunes qui participent à la Chambre de commerce des jeunes, partout, parce que j'en ai entendu parler alors que j'étais en très bas âge. Quand j'avais cinq ans, mon père était président québécois de la Chambre de commerce des jeunes, et j'ai toujours été marqué par ce que ça a apporté à mon père, et à moi-même d'ailleurs, et à beaucoup de monde dans notre entourage comme développement et comme capacité de se développer et de pouvoir contribuer au Québec.

J'aurais plusieurs questions ? le document est extrêmement riche et bien fait ? et j'aurais une question évidemment ? on l'a déjà posée ici ? sur le fait qu'on recommande possiblement, et avec des nuances qu'on n'a pas vues avant, une compensation par le gouvernement ou par des fonds publics pour une période de temps où les universités auraient accès à des fonds, à des dons comme tels.

Mais il y a quelque chose dont on n'a pas beaucoup parlé et certainement pas avec le niveau de détails que vous donnez. Donc, j'aimerais peut-être plutôt poser une première question là-dessus, c'est-à-dire, vous parlez ici d'un régime de remboursement proportionnel aux revenus, le fameux RPR. Et ça a été abordé, de temps en temps mentionné ici. On a fait le parallèle avec le système anglais, avec un certain nombre de choses, avec aussi le fait qu'il y avait déjà des recommandations là-dessus. Mais je n'ai pas vu pour ma part le niveau de détails avec lequel vous nous présentez la chose à partir de la page 16, où on trouve, en dessous de la recommandation n° 3, donc d'instaurer un régime de remboursement de prêt, une analyse extrêmement bien développée.

D'abord, je voudrais vous en féliciter et faire ressortir que, là-dedans, on parle de... enfin beaucoup de détails et on sent que vous y avez réfléchi, que vous avez regardé. Vous dites, par exemple: Bon, dans d'autres pays, le remboursement se fait sur la base d'un pourcentage du revenu, comme vous avez dit dans votre présentation, comme 4 %, par exemple, en Suède. Mais vous dites aussi que ça peut se faire sur la base d'un revenu une fois que c'est garanti qu'on a assuré à la personne, au contribuable, un revenu minimum, là, qui lui revient en totalité et sur lequel on ne prend pas ce pourcentage-là.

Et vous allez aussi beaucoup plus loin. Par exemple, vous avez une longue analyse, qui m'a beaucoup impressionné, sur le fait qu'il y a moyen de ne pas perdre les prêts qui ont été faits lorsqu'un citoyen quitte le Québec pour une période plus ou moins longue, et vous avez une analyse qui est très bien poussée là-dessus. Et vous terminez d'ailleurs par une recommandation où on ne devrait pas empêcher un diplômé de rembourser le montant total de sa dette en tout moment. Et vous assurez également qu'il ne faut pas empêcher les coûts d'intérêt de pouvoir être déductibles d'impôts par ailleurs, pour ne pas qu'il y ait une double taxation, en quelque sorte.

n(16 heures)n

Ma question là-dessus, c'est de vous demander si vous voulez élaborer un tout petit peu plus mais aussi de façon plus pointue cette approche, que vous mentionnez qui existe, d'avoir par exemple un prélèvement brut... sur les revenus bruts, pardon, soit total, soit à partir d'un certain seuil ? on a déjà mentionné en quelque part, aussi, sur les revenus nets. Est-ce que vous avez une préférence parmi ces trois éléments-là, disons? C'est un revenu net, donc ça veut dire qu'on tient déjà en compte, dans le calcul du revenu net, un certain nombre de facteurs pour tous les individus et de leur situation familiale, par exemple.

Le Président (M. Arseneau): M. Savoie... Ah! Mme Houpert. Est-ce que c'est... Je le prononce exactement? Houpert? Oui?

Mme Houpert (Catherine): Oui, Houpert, c'est ça. Là-dessus, je vous dirais, ce qu'on propose est différent de ce qui a été adopté en Angleterre, un peu plus tôt cette année. En Angleterre, ce qui est proposé, c'est que les diplômés universitaires aient à payer une espèce d'impôt spécial, une espèce de taxe sur la scolarité, alors que, nous, ce qu'on propose, c'est bel et bien que l'étudiant emprunte pour payer ses études universitaires et qu'une fois diplômé il rembourse, tel que ça se fait actuellement, l'emprunt qu'il a fait pour financer ses études.

Par contre, ce remboursement-là ne serait pas étalé sur une période de temps fixe, ce remboursement-là serait fonction vraiment du revenu de l'individu. Parce que, oui, en moyenne, les diplômés universitaires ont un revenu annuel de 17 000 $, en moyenne, plus élevé que leurs concitoyens, mais il s'agit évidemment d'un revenu moyen. Le médecin, avec son doctorat en médecine, gagne beaucoup plus cher que quelqu'un, par exemple, qui aurait une maîtrise en littérature et qui serait professeur dans un cégep; cette personne-là a un revenu moindre. Donc, on trouvait que c'était plus équitable que le remboursement se fasse en fonction du revenu annuel plutôt qu'un pourcentage d'une dette x sur une période de temps donnée. Il faut également tenir compte du fait que certaines personnes, en sortant de l'université, vont mettre un certain temps avant de se trouver un emploi qui soit bien rémunéré.

Donc, pour revenir à votre question tout à l'heure, M. le ministre, nous, ce que nous prônons au premier chef, c'est que le remboursement se fasse en fonction d'un certain pourcentage du revenu brut de l'individu. On parle de 4 %, mais, bon, vous comprendrez que nous ne sommes pas des actuaires, c'est un chiffre que nous proposons. Probablement que les gens de votre ministère pourraient évaluer un chiffre qui soit le plus équitable possible. Donc, on propose 4 % du revenu brut, mais au-delà d'un certain seuil de revenu qui serait considéré comme un revenu minimal que tout individu doit avoir, en deçà duquel on ne peut exiger de lui qu'il commence à rembourser sa dette.

Ce remboursement-là se ferait sur une période de temps ayant un maximum. Nous, on parlait d'une période de 20 ans. Encore là, ça pourrait être un peu moins, ça pourrait être un peu plus. Ce qui fait que, si l'individu rembourse en cinq, six, 10 ans, tant mieux, sa dette est remboursée. Si ça lui prend 20 ans, à ce moment-là c'est que son revenu est plus faible, il rembourse en fonction de ses moyens. Et, si au bout de 20 ans il n'a toujours pas remboursé la totalité de sa dette, parce que son revenu est resté faible pendant toute cette période-là, à ce moment-là l'excédent est effacé, l'État ne lui demande pas de rembourser le reste. On trouve que c'est la méthode la plus équitable.

Le Président (M. Arseneau): M. le ministre.

M. Reid: C'est très intéressant, M. le Président. Juste une petite remarque supplémentaire. J'ai été très intéressé par quelque chose que je n'ai pas vu, pour ma part, dans aucun texte ? peut-être que je n'ai pas assez lu là-dessus, pourtant j'ai lu pas mal ? et ce qui s'est passé à l'étranger. Vous amenez un élément qui m'apparaît bien intéressant, à savoir qu'un tel système pourrait un peu jouer le rôle d'incitatif pour des jeunes à entreprendre, donc à créer des entreprises. Vous n'expliquez pas en quoi et pourquoi. Mon intuition, c'est que peut-être vous vous dites: Quand on crée une entreprise, on passe un certain nombre d'années avec des revenus faibles, et donc ça le diminuerait. Est-ce que c'est ce dont il s'agit? Ou peut-être vous pouvez nous parler un petit peu plus. Surtout venant de la Chambre de commerce... de la Jeune Chambre de commerce, c'est particulièrement intéressant.

Le Président (M. Arseneau): M. Savoie, oui.

M. Savoie (Nicolas): Effectivement, c'était très volontaire. C'est que, comme on le mentionnait, quand les jeunes sortent de l'université, ils n'ont pas forcément, là, un emploi très rémunérateur d'emblée, ça vient avec le temps. Et, comme on le sait, se lancer en affaires comporte un risque élevé. Et, quand on débute dans la vie, on a peu de revenus, on choisit en plus de se lancer en affaires et, par dessus le marché, on a des obligations financières significatives, c'est clairement un frein à l'entrepreneurship. D'ailleurs, on dit souvent que les jeunes sont plus portés à se lancer en affaires parce qu'ils ne sont pas ? excusez l'expression, là ? poignés avec une hypothèque, une famille, une voiture puis toutes les obligations qui viennent avec. Ça, c'est clairement un frein. Donc, là, pour éviter que ce soit un frein, quand on introduit la mesure de remboursement en fonction des revenus, bien, dans le fond, la charge financière est assumée... du prêt est assumée par l'État jusqu'à temps que l'individu génère des revenus soit par son emploi ou par l'entreprise qu'il aura créée. Donc, on pense qu'effectivement, là, ça pourrait permettre davantage... en tout cas, ça pourrait en permettre davantage, mais, au minimum, ça ne le freinerait pas.

M. Reid: Merci. Peut-être des collègues qui veulent... Oui?

Le Président (M. Arseneau): Alors, M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Oui. Merci. Alors, merci d'être là. Vous nous avez dit que, pour aider évidemment au financement, vous souhaitiez avoir plus d'injections de fonds du privé. Et tantôt on a fait... c'est-à-dire cet avant-midi on a fait un parallèle entre les investissements privés au niveau de la recherche puis les problèmes qu'il pouvait y avoir au niveau de l'éthique. Comment vous pensez qu'on pourrait adresser ça?

Mme Houpert (Catherine): ...la recherche de fonds auprès du privé, oui, on peut approcher l'entreprise privée pour qu'elle donne une certaine somme pour un projet de recherche donné. On peut également approcher les entreprises privées tout comme les diplômés de l'institution en question pour qu'ils donnent dans une fondation générale. L'Université de Montréal le fait depuis quelques années, sollicite des dons pour un fonds qui va permettre de financer, par exemple, des immobilisations. Donc, ce serait une façon, là, d'éviter le genre de conflit d'intérêt dont vous parlez.

M. Soucy: Et alors il n'est pas question de favoriser plus la recherche au niveau des universités, là, le financement viendrait plutôt comme un don ou contribution d'anciens des universités, là?

Mme Houpert (Catherine): Ça pourrait être surtout...

M. Savoie (Nicolas): Non, c'est effectivement d'abord ça qu'on avait à l'esprit.

M. Soucy: O.K. Merci.

Le Président (M. Arseneau): Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté... Oui, oui, alors allez-y, M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Bien non, mais je ne veux pas prendre la place de personne.

Le Président (M. Arseneau): Ah non! Pas du tout, il reste encore au moins trois minutes, même plus.

M. Soucy: Dans votre analyse, quand vous dites qu'avec un... si les frais de scolarité étaient dégelés puis qu'on en venait à la moyenne canadienne, est-ce que cette étude-là aussi tient compte du rythme scolaire qui est différent au Québec que dans le reste du Canada?

M. Savoie (Nicolas): Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut éventuellement l'amener à la moyenne canadienne ou près, parce que, bon, généralement on s'entend pour dire que les revenus des Québécois sont inférieurs à la moyenne canadienne, donc on pourrait s'ajuster en conséquence, là. Cela étant, on est flexible sur le temps qu'il faudrait pour se rendre à la moyenne. Ça, encore une fois, comme le mentionnait Catherine, c'est des calculs que sans doute le ministère de l'Éducation est plus habilité que nous à faire.

Maintenant, on pense qu'en fait, peu importe si l'étudiant québécois prend plus ou moins de temps ? je soupçonne que vous suggérez qu'en fait il prend plus de temps, là ? nous, on pense qu'en fait ça pourrait être un incitatif assez fort pour instaurer une certaine discipline.

Il faut voir que les meilleurs juges de la qualité d'enseignement, c'est souvent ceux qui sont les premiers récipiendaires, c'est-à-dire les étudiants eux-mêmes. Mais, en ce moment, avec les coûts artificiellement bas, on fait en sorte que les étudiants se préoccupent relativement moins de la qualité de l'enseignement qu'ils reçoivent parce que les bénéfices sont à très long terme. Et puis, à court terme, ils sont contents de payer moins cher puis, si le cours est plus ou moins bon ou le prof plus ou moins intéressant, bon, on s'arrange.

Là, si on augmente les frais, ça peut faire en sorte qu'ils se préoccupent davantage de la qualité de l'enseignement. Ça peut faire en sorte effectivement qu'ils se préoccupent de terminer leurs études un peu plus rapidement. Donc, ça resserre le système. On pense que c'est quelque chose qui est souhaitable, qui est sain, dans n'importe quel système, que le premier bénéficiaire contribue également, là, sa juste part.

On a vu de par nos recherches, là, que, dans les systèmes notamment européens comme allemands, ou danois, ou même français, où les étudiants en fait souvent ont la scolarité gratuite, il y a beaucoup d'excès, là, d'étudiants qui s'inscrivent pour bénéficier du «package» d'assurances qui vient avec l'inscription mais qui ne vont pas forcément aux cours, etc., mais il n'y a pas de coûts, il n'y a pas d'implication financière.

Le Président (M. Arseneau): Alors, j'aimerais préciser avec le parti gouvernemental: il reste actuellement deux minutes. Vous voulez conserver pour la fin, c'est ça que je comprends, qu'on fasse deux fois deux blocs?

M. Reid: Ou on verra, on verra s'il y a quelque chose...

Le Président (M. Arseneau): Alors, on va aller en bloc, on va alterner. Alors, je vais passer la parole maintenant à la députée de Taillon, critique de l'opposition officielle en matière d'éducation, pour, donc, une dizaine de minutes ou une douzaine de minutes, comme vous voulez.

n(16 h 10)n

Mme Marois: Pas de problème. Alors, merci beaucoup, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue et de vous saluer à mon tour, au nom de ma formation politique, de vous remercier pour la qualité de votre mémoire.

J'ai eu l'occasion de vous rencontrer déjà dans le passé et, dans un temps plus lointain, d'avoir eu des échanges avec la Jeune Chambre de commerce, entre autres, sur le congé parental, où il y avait eu une contribution particulièrement intéressante de la Jeune Chambre sur la consultation que nous avions tenue à ce moment-là et qui a permis de faire consensus, et vous en étiez, au Québec, sur l'importance d'implanter un congé parental, en particulier d'ailleurs dans le cas... Je me souviens que la Jeune Chambre était porte-parole de cette perspective ou de cette vision-là pour les personnes qui avaient des emplois précaires ou justement des emplois autonomes, et donc, comme le congé parental proposé permettait une participation des travailleurs et des travailleuses autonomes, c'était intéressant d'avoir votre appui en ce sens.

Bon. Je vais revenir maintenant sur le mémoire que vous présentez aujourd'hui, une question qui m'est venue lorsque vous avez parlé de la contribution de l'entreprise... ou en fait de l'entreprise... disons, pas de l'entreprise mais du secteur privé, en parlant entre autres des levées de fonds. Et vous dites: «Le gouvernement du Québec doit inciter les universités québécoises à lever davantage de fonds auprès du secteur privé.» Et on dit: «La générosité du secteur privé envers les universités ne vient pas sans efforts de la part de ces dernières. Elles doivent s'organiser pour convaincre leurs diplômés, les entreprises et les fondations de les inclure dans leur philanthropie.» Est-ce que vous croyez que le gouvernement devrait avoir des incitatifs supplémentaires à ceux qu'il a maintenant pour reconnaître les dons qui sont faits par des individus, des institutions ou des entreprises? Et actuellement il y a une contrepartie à hauteur de 25 %, si je ne m'abuse, pour un plafond maximum de 1 million, hein, qui est recueillie, c'est une contrepartie de 25 % qui est versée actuellement par le gouvernement. Ça, c'est ma première question.

La seconde. Et là je sais que vous représentez des gens qui vivent dans le milieu métropolitain. Un des problèmes qui sont souvent soulevés par les universités en région, c'est de nous dire d'abord que leur bassin est beaucoup plus restreint, d'une part, parce qu'ils n'ont pas eu nécessairement autant de diplômés que la grande Université de Montréal, ou l'Université du Québec à Montréal, même, ou McGill a eus, comme bassin d'étudiants qui sont passés par l'université, et, deux, aussi par le petit nombre d'entreprises qui ont les reins très solides en région, et donc leur contribution est à la hauteur évidemment de leurs capacités. Alors, je veux vous entendre sur ces questions-là.

Le Président (M. Arseneau): M Savoie.

M. Savoie (Nicolas): Merci. Tout d'abord, quant à la première question: Est-ce qu'il devrait y avoir davantage d'incitatifs, notamment fiscaux, là, pour les entreprises, pour les inciter à faire des dons, des legs?, on pense que non, pour différentes raisons. La première: il y a déjà quelque chose en place qui est un incitatif dont elles peuvent se prévaloir. Deuxièmement, comme on le mentionnait dans le mémoire, on estime que la société, et les contribuables en général, et mêmes les entreprises, là, pris au sens large, font déjà beaucoup via leurs taxes et en fait via la contribution de l'État, font déjà beaucoup pour le financement des universités. Donc, si on ajoutait un incitatif fiscal additionnel, le coût fiscal de cet incitatif serait réparti sur l'ensemble des contribuables et des autres entreprises, et là c'est une charge accrue, puis ça, on l'a déjà dit, écoutez, on contribue assez comme ça. Donc, pour ces raisons-là, on aurait tendance à l'écarter.

Nous, on pense que, si les universités y consacrent davantage d'efforts, de ressources, ils pourraient avoir des résultats plus importants. Et, pour les inciter à le faire, ce qu'on propose ? je ne l'ai pas nécessairement indiqué tantôt, là, mais c'est dans le mémoire ? c'est qu'une partie du financement de l'État aux universités soit liée à la performance des universités en levées de fonds.

Évidement, il faudrait sans doute, comme vous faisiez allusion dans la deuxième question, il faudrait sans doute s'adapter en fonction, par exemple, de la capacité des universités à lever des fonds, là, vu le bassin d'entreprises de leur région. Je pense que vous soulevez une nuance très importante. Et donc, ça, ce sera un élément, là, à apporter, là, qui nuancerait notre position à ce niveau-là. Mais on ne voit pas pourquoi les plus grandes universités du Québec ne seraient pas capables de lever les fonds, puis on pense qu'on devrait lier une partie du financement de l'État à ça.

Mme Marois: Alors, vous allez jusque-là. Oui, je l'avais lu, mais je n'étais pas certaine de le comprendre dans ce sens-là, alors c'est bien que vous le précisiez.

Il y a des associations étudiantes qui sont venues proposer une contribution systématique des entreprises en souhaitant que se constitue un fonds auquel contribueraient les entreprises en taxant la masse salariale à hauteur de 0,18 %. Et j'imagine que, sur cette question-là, étant entendu ce que vous avez dit dans votre mémoire et ce que vous me redites ici, vous seriez en désaccord avec une approche comme celle-là.

M. Savoie (Nicolas): Plutôt, effectivement.

Mme Marois: Je ne veux pas vous tirer des conclusions, mais disons...

M. Savoie (Nicolas): Non, non, mais au moins on...

Mme Marois: Je ne peux pas laisser entendre que, d'entrée de jeu, ça vous plairait, disons, avec ce que j'ai lu de votre mémoire.

M. Savoie (Nicolas): Non, non. Mais je me permettrai quand même d'élaborer sur les raisons. Bon. D'une part, c'est une taxe additionnelle qui encore une fois serait assumée par les entreprises mais aussi les contribuables, là, parce que ultimement ça se répercute sur eux en termes d'emplois, par exemple. Et on a déjà dit qu'à ce niveau-là on contribuait suffisamment, donc on l'écarterait.

Deuxièmement, c'est un peu paradoxal aussi parce que les entreprises, là, contribuent déjà de par leurs taxes... retirent un bénéfice des universités, parce que ça met à leur disposition de la main-d'oeuvre qualifiée et de l'innovation, mais ils contribuent déjà par leurs taxes, donc dans notre sens... puis on va leur demander de contribuer davantage, là, via des levées de fonds. Donc, à notre sens, la notion de contributeur et bénéficiaire, là, serait acceptable, enfin serait rencontrée, si vous voulez, dans ce contexte-là.

Et, troisièmement, il faut aussi se rappeler la structure actuelle du financement et avec la démonstration qu'on faisait, notamment, au niveau de l'apport des étudiants. Dans ce contexte-là, ça vient presque gênant de demander aux entreprises d'en faire plus, alors que clairement ce qui ressort, tant en termes de moyenne de frais de scolarité, de proportion des revenus qui viennent des frais de scolarité pour les universités, d'endettement qui est plus faible pour les Québécois que les Canadiens, de rendement sur l'investissement en études qui est plus élevé pour les Québécois que les Canadiens, ceux qui n'en font pas suffisamment, c'est les étudiants; ce n'est pas les entreprises, ce n'est pas les contribuables, ce n'est pas l'État, c'est les étudiants. Donc, une taxe spéciale, un ajout de ci... Si c'était un autre... Peut-être, le système de santé, ce serait une autre histoire, mais là on parle du système d'éducation.

Mme Marois: D'accord. Je veux venir justement sur les frais de scolarité. Je n'ai pas la référence avec moi, mais, dans un certain nombre de mémoires, on a fait état du fait que, lorsqu'on a haussé les frais de scolarité dans les autres provinces ? et d'une façon assez significative, si on pense... assez importante, si on pense à l'Ontario ? ça n'a pas eu comme effet de réduire le niveau de participation ou d'inscription des étudiants. Mais cependant, dans les statistiques qui nous étaient présentées, c'est qu'on a constaté qu'il y a un certain groupe d'étudiants, dont le revenu des parents était plus bas... a vu son nombre réduit en proportion du nombre total d'étudiants inscrits à l'université. Alors, évidemment il faut toujours être prudent, là, bien sûr, mais c'était la conclusion ou du moins une donnée qui nous était présentée dans les mémoires que l'on a eu l'occasion de lire et de recevoir ici, à la commission. Je vous le mentionne en passant, c'est une parenthèse.

Dans la proposition que vous faites d'un remboursement proportionnel au revenu, je comprends que c'est le gouvernement qui prend en charge l'ensemble de la dette et qui ne fait plus affaire donc avec des institutions financières, puisque là on va fonctionner à partir du système fiscal, hein? C'est bien ce que je comprends? Et vous dites, à ce moment-là: Il y a des économies qui permettraient même de supporter la transition nécessaire par rapport au système actuel.

n(16 h 20)n

On faisait référence, tout à l'heure, à des changements qui sont survenus en Angleterre ? enfin, qui sont en train de survenir, là, parce que ça vient d'être adopté. Est-ce que c'est une hypothèse que vous avez envisagée, qui serait, selon eux, un impôt universitaire applicable en fonction évidemment du revenu, une fois que l'étudiant se retrouve sur le marché du travail?

Le Président (M. Arseneau): M. Savoie... Ah! Mme Houpert, oui.

Mme Houpert (Catherine): Lorsqu'on a procédé à notre analyse pour la rédaction de notre mémoire, effectivement on a considéré les deux options, soit l'option anglaise, que vous venez de décrire, et l'option que je qualifierais de suédoise, que nous avons préférée pour notre mémoire. On l'a préférée, entre autres, parce que ça ressemble plus... ou c'est l'option qui ressemblait le plus au système que nous avons actuellement, où on demande à l'étudiant de payer ses frais de scolarité en ayant accès à un financement approprié et de rembourser par la suite. Toutefois, je vous dirais que le système anglais nous apparaissait également fort intéressant, et c'est une option qu'on ne rejetterait pas du revers de la main, là, si c'était quelque chose qui était envisagé par le gouvernement du Québec.

Mme Marois: D'accord.

Le Président (M. Arseneau): Si vous permettez, peut-être, puisqu'on est à 12 minutes à peu près et comme on a souhaité l'alternance, pour respecter nos règles d'alternance, j'irais du côté gouvernemental pour deux minutes.

Mme Marois: ...pour deux minutes, c'est ma collègue qui interviendra.

M. Reid: J'aurais une courte question, M. le Président. Dans la fin de la section 4.1.2, sur... Dons du secteur privé, vous recommandez, en faisant les comparaisons des pourcentages dont les universités ontariennes jouissent, par exemple, de dons privés par opposition au Québec... il y a une différence et qu'on ne comblera pas cette différence-là du jour au lendemain, même si on incite les universités à travailler davantage au niveau des levées de fonds ou à se structurer davantage au niveau des levées de fonds. Et il me semble, ce que je comprends, c'est que vous dites qu'il faudrait entre-temps combler les retards qui s'accumulent avec des fonds publics. C'est ce que je comprends de... Ce n'est pas marqué «fonds publics», mais je... Sinon, je me demande avec quoi. Vous dites, à la toute fin, dernier paragraphe, juste avant la section 4.1.3, à la page 9, vous dites: «Le fardeau serait bien trop lourd ? donc en une année pour rejoindre le niveau ontarien. Cela peut se faire graduellement, comme c'est le cas actuellement. Entre-temps, il faut combler le retard qui s'accumule.» J'avais l'impression... Et précisez-moi: Est-ce que ça veut dire de le combler avec des fonds publics, enfin avec des subventions?

Le Président (M. Arseneau): En une minute, s'il vous plaît. Oui.

M. Savoie (Nicolas): Non. Puis je pense que, si... Bon. Le sous-financement, soit dit en passant, là, existe, existait l'an dernier, mais il existait aussi les années auparavant. C'est un effort majeur de redresser la situation. Ça se peut que ça ne se comble pas en un an, que ça se comble sur un certain temps. Et donc, non, on ne pense pas qu'il faudrait accroître la subvention de l'État, là, en attendant. Non. Ce qu'on dit plutôt, c'est qu'il faut qu'une partie de la subvention de l'État soit liée au financement obtenu par le... Écoutez, c'est vous le ministre, vous avez le droit de répondre.

Le Président (M. Arseneau): ...secondes.

Mme Marois: C'est le ministre lui-même qui manque de discipline!

M. Savoie (Nicolas): C'est le monde à l'envers.

Le Président (M. Arseneau): Allez, M. Savoie, en terminant, s'il vous plaît.

Des voix: ...

Le Président (M. Arseneau): C'est bien, hein? Alors, M. Savoie, en 10 secondes.

M. Savoie (Nicolas): Juste pour terminer, donc, c'est de lier une partie... Pour inciter les universités à le faire, c'est de lier une partie du financement public de l'État à celui qu'ils vont aller chercher auprès des entreprises. Alors, c'est un peu un boni à la performance.

Le Président (M. Arseneau): J'ai gardé trois minutes pour l'opposition. Du côté de l'opposition, je voulais me mêler un peu au débat, si vous me permettez. J'ai écouté très attentivement, et les jeunes en général qui sont venus nous voir devant cette commission n'ont pas plaidé pour une augmentation, strictement une augmentation des frais de scolarité. Je pense qu'il faut reconnaître ça.

Et je regardais votre principe premier de: «L'accessibilité aux études universitaires doit dépendre uniquement des aptitudes de l'étudiant.» Vous savez, le Québec avait un rattrapage énorme à faire en ce qui concerne l'accès aux études supérieures. On a fait du chemin, on a encore du rattrapage à faire, mais, dans certaines régions, on a encore des problématiques. Je comprends que les jeunes gens d'affaires ont le goût du risque et de dire: On va s'endetter, mais on va avoir un revenu, etc. Bon. Mais est-ce que vous êtes certains que, ce faisant, le Québec ne risque pas et ses jeunes ou en région, dans certaines régions, justement de retarder ce rattrapage dont on a absolument besoin et dont les gens d'affaires ont besoin aussi? En 30 secondes, s'il vous plaît.

M. Savoie (Nicolas): Oui, certainement. Bien, je reprendrais peut-être ce que Mme la députée de Taillon avançait, c'est que les taux de participation n'ont pas fléchi suite à une augmentation des frais de scolarité, donc on ne pense pas en fait que ça va ralentir notre rattrapage ou... comme vous le mentionnez.

Le Président (M. Arseneau): C'est parce que, quand vous parlez que ce sont les jeunes concernés, ce sont les jeunes qui doivent payer, mais très souvent ce ne sont pas les jeunes qui doivent payer, ce sont les parents, dans d'autres régions. Alors, bon, le revenu québécois... Vous savez, en économie, on peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres... Mais c'est le prochain groupe. Alors, je reconnais la députée de Champlain.

Mme Champagne: Bonjour à vous deux. Écoutez, je vais dans le même sens que mon collègue des Îles; il est pratiquement entré dans le coeur de ma question. C'est que vous avez, en page 15 de votre mémoire, une affirmation, et elle est basée sur une étude faite par l'Institut économique de Montréal, que nous allons entendre tout à l'heure, et il est dit ceci: «Le taux de participation aux études universitaires augmente avec les droits de scolarité. Cette corrélation positive suggère [donc] que des frais de scolarité plus élevés engendrent une meilleure qualité du système [...] qui en retour attire un plus grand nombre d'étudiants, et ce, même si ceux-ci doivent encourir un endettement plus élevé.»

Alors, vous le savez, mon collègue l'a dit tout à l'heure, ce n'est pas partagé par tous les groupes étudiants qui sont venus nous voir. Ils sont convaincus que, dès qu'on va augmenter, on met en péril l'accès. Je veux bien croire que c'est basé sur une étude solide. Vous reprenez le tout. Est-ce que c'est parce que vous-mêmes avez poussé les études également puis que vous êtes des gens d'affaires, donc, qui venez du milieu universitaire? Où il est, le danger? Le voyez-vous? Et pourquoi nos étudiants sont si alertés par cette question-là et si inquiets de voir les frais augmenter?

Le Président (M. Arseneau): Une demi-minute.

Mme Champagne: Une demi-minute!

Mme Houpert (Catherine): Je vous dirais deux choses là-dessus. La première, c'est que, si on vous demande à vous, personnellement, de payer plus pour quelque chose, bien c'est rare que les gens vont dire: Oui, oui, on est disposés à payer plus. Donc, je ne suis pas surprise du fait que les étudiants ne soient pas disposés au premier abord de dire: Oui! Youpi! Nos frais de scolarité vont augmenter de 2 000 $ de plus par année!

Deuxième chose que je vous dirais, c'est que la décision d'aller à l'université ou de ne pas aller à l'université qui est prise par un étudiant ne dépend pas uniquement de ses capacités financières propres ou des capacités financières de ses parents. Ça dépend beaucoup aussi de l'opinion qu'il se fait de ce que vont lui rapporter des études universitaires. Ça dépend beaucoup aussi du niveau d'éducation de ses parents, de l'encouragement qu'il reçoit. Si ses parents l'ont toujours vivement encouragé à aller à l'université parce que eux-mêmes en sont issus, à ce moment-là, l'étudiant, depuis son plus jeune âge, est incité à aller vers cette voie-là, alors que quelqu'un qui vient d'un milieu plus défavorisé, bien qu'ayant possiblement les capacités nécessaires pour poursuivre des études universitaires...

Le Président (M. Arseneau): Je suis désolé de devoir... Vous devez conclure, parce que là on a dépassé le temps. Je comprends... De toute façon...

Mme Houpert (Catherine): O.K. Donc, je pense que vous avez compris mon point. La capacité financière est loin d'être le seul critère qui motive ou qui décourage un étudiant de poursuivre des études universitaires.

Le Président (M. Arseneau): Je comprends votre point de vue. Et je pense qu'on a eu des échanges très intéressants, qui ont permis justement de mettre en exergue les points de vue différents. Et je veux remercier les gens de la Jeune Chambre de commerce de Montréal d'être venus rencontrer les membres de la commission.

Et je vais, si vous permettez, ajourner quelques... suspendre quelques instants ? ajourner, ça commence juste, oui ? et demander justement aux intervenants suivants, de l'Institut économique de Montréal, de s'approcher pour que nous puissions prolonger la discussion.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

 

(Reprise à 16 h 31)

Le Président (M. Arseneau): Je pense qu'on peut maintenant reprendre nos travaux. Et nous avons avec nous l'Institut économique de Montréal, Mme Norma Kozhaya et M. Patrick Leblanc. Madame, monsieur, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. La commission vous remercie de votre participation à ses travaux. Et, selon ce qu'on a convenu, vous auriez donc une quinzaine de minutes pour faire votre présentation, et par la suite nous pourrons échanger.

Institut économique de Montréal (IEDM)

M. Leblanc (Patrick): Alors, bonjour à tous. J'aimerais d'abord remercier la commission de nous avoir invités à présenter notre mémoire. Comme vous le savez, l'Institut économique de Montréal est un institut de recherche et d'éducation économique. Nous sommes une organisation indépendante, non partisane et sans but lucratif. Nous existons depuis maintenant pratiquement cinq ans, et on intervient dans différents débats publics. Et vous nous connaissez sans doute, sûrement, entre autres, grâce à notre bulletin annuel des écoles secondaires du Québec, une publication qui revient chaque année à la fin du mois d'octobre, au début du mois de novembre, pour comparer la performance de toutes les écoles secondaires du Québec.

Alors, nous, avant même que la commission ait commencé ses travaux, donc dès le mois de janvier de cette année, on a publié un document, dans notre série de notes économiques, donc un document qui adressait justement la question du financement des universités, et c'est un document qui a circulé largement. On l'a fait parvenir à tous les députés de l'Assemblée nationale, on l'a fait parvenir à tous les recteurs des universités du Québec, aux associations étudiantes. Et ça a généré également beaucoup d'attention dans les médias. Et il y a des commentateurs, des chroniqueurs qui y ont consacré des textes, entre autres, dans le journal Les Affaires, en février, le président du Conseil du trésor du Québec, M. Joseph Facal, qui s'est inspiré des données et des conclusions de notre note pour écrire un texte. Et j'étais heureux de voir aussi, aujourd'hui, que l'organisation qui nous a précédés, la Jeune Chambre de commerce, s'est aussi inspirée de nos données et de certaines de nos conclusions dans son propre mémoire.

Et donc le mémoire qu'on a déposé à la commission se base en grande partie sur la note économique qu'on a publiée en janvier et que vous aviez déjà reçue il y a quelques semaines. Et, si j'avais à le résumer ou à résumer l'objectif de notre intervention, ce qu'on voulait faire, c'est examiner un des mythes qui sont au coeur du débat sur le financement des universités au Québec et c'est le mythe selon lequel il y a un lien entre le niveau des droits de scolarité et l'accessibilité. Et ce qu'on conclut, à la lumière des données qu'on a examinées, et Mme Kozhaya va vous expliquer ça en détail dans quelques instants, c'est qu'il n'y a pas de lien direct entre le niveau des droits de scolarité et le taux de participation aux études supérieures. Alors, je vais laisser la parole à Mme Kozhaya, qui va vous présenter les détails et qui pourra répondre à vos questions.

Mme Kozhaya (Norma): Bonjour. Merci encore de nous avoir reçus. Donc, comme mon collègue l'a mentionné, l'objet de ma présentation aujourd'hui, c'est essentiellement d'amener certains éléments d'information et d'observation au débat actuel sur le financement, l'accessibilité des études universitaires au Québec.

Donc, selon une perception, une meilleure accessibilité passe nécessairement par des droits de scolarité faibles, ou voire même nuls, de la part des étudiants. Or, il s'avère qu'il n'y a... Donc, en regardant, par exemple, les données pour le Québec et les autres provinces canadiennes, il n'y a aucune relation directe entre droits de scolarité et taux de participation aux études universitaires. Donc, peu importe la mesure qu'on prend pour le taux de participation, c'est le cas.

Nous avons pris la mesure... la proportion des jeunes de 20 à 21 ans inscrits à plein temps dans une université pour tenir compte du fait que, mettons, dans les autres provinces, les années de scolarité sont moins, alors qu'au Québec peut-être qu'il y a des jeunes de 19 ans qui sont encore au cégep, donc pour tenir compte de la particularité du Québec et de ce qui était aussi le cas de l'Ontario. Donc, en prenant juste cette classe de jeunes, on espérait avoir vraiment une idée plus claire de ce taux de participation aux études universitaires.

Donc, le Québec, malgré les droits de scolarité les plus faibles, a le taux de participation parmi les plus faibles, avec 20 % des jeunes inscrits à plein temps dans une université, alors qu'en Ontario, par exemple, où les droits de scolarité sont plus que le double, le taux de participation est plus élevé, à 25 %. En Nouvelle-Écosse, qui a les droits de scolarité les plus élevés, le taux de participation est également le plus élevé.

De plus, si on regarde seulement le Québec, pendant la période du dégel, en 1991, il ne s'en est pas suivi une diminution du taux de participation ? vous avez donc un graphique, dans le mémoire, qui montre bien cette situation ? et le gel de 1994 n'a pas non plus mené à une amélioration du taux de participation, il y a eu même une légère diminution. En Ontario, les droits de scolarité ont plus que doublé au cours des 10 dernières années, ça a augmenté de 137 %; les taux de participation ont continué d'augmenter.

Donc, c'est clair que ça ne veut pas dire qu'il faut augmenter les droits de scolarité pour améliorer l'accessibilité, mais ça ne veut pas dire l'inverse non plus. Et par ailleurs, donc, si l'augmentation des droits de scolarité sert à améliorer la qualité des universités, il peut s'ensuivre une amélioration de l'accessibilité si un éventuel dégel, une éventuelle augmentation des droits de scolarité s'accompagne d'une amélioration adéquate de l'aide financière aux étudiants. Ça, je vais revenir aussi un peu plus tard.

Par ailleurs, les faibles droits de scolarité au Québec ne bénéficient pas nécessairement aux plus pauvres. Donc, on a des faibles droits de scolarité pour aider les plus pauvres, pour améliorer l'accès à tout le monde, ceux qui n'ont pas les moyens, mais on ne les aide pas nécessairement en ayant des droits de scolarité très faibles. C'est un fait connu, la participation des jeunes issus de familles plus riches est en général plus élevée que la participation de jeunes issus de familles plus pauvres. Ça, c'est vrai au Québec, c'est vrai dans les autres provinces; dans les autres pays, c'est pareil. Et malheureusement l'explication n'a rien à voir avec des droits de scolarité ou des raisons financières, en général. C'est que les jeunes issus de familles plus pauvres sont en général moins enclins à poursuivre parce qu'ils sont peut-être moins préparés, parce que leur famille s'attend moins à ce qu'ils continuent leurs études universitaires. Donc, il y a des tas de raisons qui font que les jeunes issus de familles plus pauvres participent moins. Puis, en moyenne, il y a 40 % des jeunes issus du quartier le plus riche de la population qui avaient soit un diplôme universitaire soit été aux études universitaires, alors que ce chiffre est de 20 % pour le quartier le plus pauvre de la population.

Une étude américaine en ce sens a estimé qu'au maximum 4 % de jeunes Américains ne poursuivaient pas leurs études universitaires pour des raisons financières, alors que ce qui détermine plus l'éducation universitaire, c'est un ensemble de facteurs que cette étude-là a qualifié d'effet de famille de long terme. Donc, c'est les écoles secondaires dans lesquelles ils ont été, les attentes des parents, l'environnement global dans lequel ces étudiants ont évolué qui font que, lorsqu'ils atteignent le niveau de l'université, ils vont continuer ou non. Donc, c'est un problème beaucoup plus complexe, vous le savez sûrement mieux que moi, que les raisons financières, c'est un aspect vraiment qui est minime, si on peut dire.

Par ailleurs, dans les enquêtes de Statistique Canada auprès des jeunes Canadiens qui n'ont pas poursuivi leurs études postsecondaires, donc y compris le cégep et l'université, donc il y a 26 % des répondants qui ont mentionné les raisons financières comme principale raison pour laquelle ils n'ont pas continué leurs études postsecondaires; il y a 20 % qui ont dit que c'était parce qu'ils voulaient prendre un certain temps d'arrêt des études, prendre un certain break; d'autres qui ont dit que c'était par manque d'intérêt, ça ne les intéresse simplement pas de poursuivre des études universitaires. Et puis il y a des tas d'autres petites réponses qui comptent pour le reste des réponses, comme la volonté d'élever une famille, etc., mais c'est des réponses dans de plus faibles pourcentages.

n(16 h 40)n

Au Québec, il y avait 13 %, dans cette enquête-là, qui avaient répondu que c'était pour des raisons financières seulement, alors que 20 % avaient dit que c'était par manque d'intérêt et un autre pourcentage, la volonté de prendre un certain temps d'arrêt. Et peut-être que le faible chiffre pour le Québec provient en partie de ce qu'il y a les cégeps au Québec et qu'il y en a beaucoup qui continuent au cégep mais qui ne continuent peut-être pas plus loin pour des études universitaires plus poussées.

Par ailleurs, l'écart... Donc, je viens de mentionner qu'il y a 40 % des jeunes issus de familles plus riches qui vont en général aux universités, alors que c'est la moitié, 20 %, dans les quartiers les plus pauvres. Il y a 20 ans, c'était seulement 10 % de jeunes issus de familles plus pauvres qui y allaient. Donc, l'écart dans la participation entre riches et pauvres s'est réduit. Il y a plus de pauvres qui vont aux universités qu'avant ? et ça, c'est au niveau du Canada, je n'ai pas de chiffres pour le Québec ? et ce, malgré l'augmentation des droits de scolarité au Canada en général, si on exclut le Québec. Donc, c'est clair qu'il y a autre chose qui se passe, qu'on ne comprend malheureusement pas c'est quoi au juste.

Mais, par ailleurs, lorsqu'on dit «raisons financières», ça ne veut pas dire «droits de scolarité», parce que c'est le manque à gagner quand on étudie plutôt que de travailler, donc c'est le salaire qu'on perd en étudiant parce qu'on a besoin... Donc, c'est des coûts de logement, de subsistance, etc., et les droits de scolarité, en soi, c'est encore un pourcentage plus faible des raisons financières.

Donc, sur un autre aspect un peu, donc la question du rendement à l'éducation, qui a également été mentionné par M. Savoie auparavant, c'est connu que les diplômés universitaires ont en moyenne des revenus 60 % plus élevés que les gens qui n'ont pas de diplôme, des taux de chômage beaucoup plus faibles. Et donc les études qui ont estimé les taux de rendement à l'éducation trouvent des chiffres qui vont de 12 % à 20 %, selon les disciplines, selon que c'est un homme ou une femme, etc. Donc, c'est des taux de rendement. J'aime juste mentionner que c'est net d'impôts, et ces taux de rendement là, donc, tiennent compte de l'ensemble des coûts encourus, c'est-à-dire soit les droits de scolarité mais aussi le manque à gagner, le revenu qu'on ne gagne pas parce qu'on étudie. Donc, tout ceci, même en sacrifiant tous ces revenus-là, en faisant des dépenses reliées aux études, on a un taux de rendement net d'impôts de 12 % à 20 %.

Donc, c'est un investissement qui est effectivement très rentable, des chiffres beaucoup plus élevés que ce qu'on a pu avoir sur des marchés boursiers, par exemple. Donc, c'est un peu normal que les gens qui vont bénéficier ? c'est fini?...

Le Président (M. Arseneau): Non. Vous avez encore trois minutes.

Mme Kozhaya (Norma): ...trois minutes? merci ? de ces rendements-là contribuent un peu plus à leur éducation. De plus, en contribuant un peu plus, les étudiants seraient plus conscients du vrai coût de leurs études, ils pourraient peut-être faire de meilleurs choix et les universités auraient plus de revenus.

Par ailleurs, notre proposition, c'est que, de plus, les universités aient le choix de facturer ou non des droits plus élevés. Donc, ce n'est pas qu'automatiquement toutes les universités vont charger plus, vont exiger des droits plus élevés. Une solution pourrait être que les universités aient un certain choix, une certaine flexibilité à facturer des droits plus ou moins élevés selon le mandat qu'elles se sont fixé et selon leurs besoins, selon le type de clientèle auquel elles s'adressent. Donc, ce ne serait pas... Peut-être qu'il y a certaines universités en région qui décideraient de ne pas facturer des droits plus élevés; l'Université McGill, peut-être, pourrait faire le choix de faire payer plus les étudiants.

Donc, si on assortit un éventuel dégel des droits de scolarité d'une amélioration de l'aide financière pour s'assurer qu'aucun étudiant qui a les qualifications académiques pour entrer à l'université ne soit empêché pour des raisons financières, je crois qu'on a une partie du problème. Par ailleurs, les universités elles-mêmes, lorsqu'elles vont avoir des revenus plus élevés, pourraient elles-mêmes donner de l'aide financière aux étudiants les plus qualifiés, par des bourses. C'est ce qu'on observe, d'ailleurs, même dans les universités américaines les plus chères, les universités privées. Il y a un fort pourcentage d'étudiants issus de familles pauvres, mais parce que ces étudiants ont les qualifications académiques nécessaires et qu'ils arrivent à obtenir des bourses et de l'aide financière pour poursuivre leurs études.

Donc, je crois que ça résume un peu notre intervention. J'espère que j'ai été correcte pour le temps. Donc, là, si vous avez des questions...

Le Président (M. Arseneau): Je vous remercie beaucoup. Ça a été une présentation extrêmement intéressante. Et je ne peux résister à la tentation de demander un éclaircissement, parce qu'il y a à un moment donné où vous avez, dans votre présentation, parlé que les plus pauvres... enfin, les gens issus de familles plus pauvres vont de plus en plus à l'université dans le Canada, alors le pourcentage augmente donc. Mais vous n'avez pas de données pour le Québec. Parce que je pense que, dans les études que vous faites, moi, ce que je me disais, je disais: Ça prendrait une perspective historique, c'est-à-dire d'où le Québec est parti en regard des décisions et des moyens que, collectivement, on s'est donnés pour faciliter l'accessibilité aux études supérieures, pour comparer peut-être avec le reste de l'ensemble canadien, qui est votre point de repère. Donc, vous n'avez pas de données pour le Québec ? c'est ça que je comprends ? où on aurait pu avoir cette perspective historique.

Mme Kozhaya (Norma): Oui, effectivement, malheureusement, je n'ai pas de données pour le Québec. Je ne sais pas si ça existe, au fait. Mais, en général, les enquêtes de Statistique Canada, des fois, pour certaines questions, il y a des données pour toutes les provinces, mais sinon c'est au niveau du Canada seulement qu'on a des données détaillées.

Le Président (M. Arseneau): Alors, merci beaucoup. Ceci étant dit, alors donc il nous resterait quatre blocs de sept, huit minutes. Je commencerais immédiatement avec le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter d'abord la bienvenue aux représentants de l'Institut économique de Montréal et aborder tout de suite une question que je... Enfin, je conclus peut-être trop vite, mais il me semble, surtout si on se situe vers la fin de votre mémoire, on parle de la page, ici, 7 et 8, à la fin de la page 7, dans la section sur la flexibilité et l'adaptation aux conditions locales des universités, on dit, à la quatrième ligne: «L'Université McGill, par exemple, reçoit beaucoup d'étudiants étrangers et est en compétition directe avec d'autres institutions partout en Amérique du Nord; elle n'a pas la même mission que l'Université du Québec à Trois-Rivières ? donc, on sent une différenciation, là. [Et] elle devrait conséquemment pouvoir adapter ses droits de scolarité à ses besoins financiers et à son environnement compétitif.»

Ce que je vois ici, c'est que vous soulignez qu'il y a une différence entre une université qui se trouve à Montréal, l'autre en région, et vous dites que les droits de scolarité seraient une façon de respecter un peu l'environnement économique et donc, dans ce cas-là, l'environnement compétitif. Je me dois de dire aussi que le gouvernement ne fait pas que laisser l'économie, évidemment, il doit la réglementer, et c'est ce qui se fait jusqu'à maintenant au Québec. Vous semblez dire ici que peut-être il faudrait le faire différemment.

Et je ne peux pas m'empêcher de mettre ça en relation avec la deuxième partie du premier paragraphe de la conclusion, dans la même page, où on dit, à la quatrième ligne: «La vraie question devrait porter sur les moyens de bâtir et [de] consolider un réseau universitaire répondant aux besoins de diverses clientèles, certaines universités répondant à des besoins spécifiques et régionalement localisés ? d'une part, là, et d'autre part ? d'autres ? universités donc ? mettant l'accent sur un enseignement et une recherche de calibre national ou international.»

Ce que ça nous dit, parce qu'on a eu l'occasion de voir, à la commission, un certain nombre de fois ces discussions, on a posé la question, ça nous dit que vous proposez... enfin, vous vous opposez, devrais-je dire, dans un premier temps, vous semblez opposer ici des universités qui se donnent une mission de calibre national et international et qui pourraient être situées plutôt à Montréal, puisque les autres universités semblent répondre à des besoins plus spécifiques et régionalement localisés. On a l'impression que vous dites: À Montréal, les universités de calibre international, et les autres pour répondre à des besoins spécifiques en région.

Nous avons eu l'occasion de discuter un certain nombre de fois et de demander aux universités en région, notamment ? et je ne parle pas uniquement de l'Université de Sherbrooke, par exemple, on a demandé à l'Université du Québec à Chicoutimi, un peu partout, l'Université du Québec à Trois-Rivières, dont vous parlez ? et toutes ces universités ont effectivement l'intention et offrent des formations qui sont reconnues mondialement comme de très haute qualité, des formations de deuxième cycle, troisième cycle également, et font déjà ou veulent continuer à être certaines d'exister sur la scène internationale en recherche, parce qu'il n'y a pas d'autres façons d'exister en recherche que sur la scène internationale, puisqu'on n'invente pas dans chaque pays la même chose en parallèle.

Dans ce sens-là, pouvez-vous, disons, essayer de concilier... ou alors si votre position est très claire, pour vous, le Québec ne peut pas soutenir un système universitaire qui, partout, a ce calibre international et qui... À ce moment-là, on devrait faire ce que certaines personnes ? on a entendu des syndicats en parler, ce matin, le Syndicat des professeurs de l'UQAM ? appellent la hiérarchisation des universités, c'est-à-dire: des universités de première classe, qui, elles, sont de niveau international, et des universités de deuxième classe, qui, elles, répondent à des besoins spécifiques, un peu comme les collèges communautaires, par exemple, aux États-Unis?

Est-ce que c'est ça, votre position, ou si... Et comment, là-dedans, insérez-vous la question des droits de scolarité différenciés par institution, autrement dit libéralisation des droits de scolarité?

Le Président (M. Arseneau): Mme Kozhaya ou M. Leblanc.

n(16 h 50)n

Mme Kozhaya (Norma): Oui. Donc, au fait, il n'est pas question de hiérarchisation, mais je ne sais pas s'il est réaliste également d'envisager que toutes les universités au Québec fassent de la recherche de calibre international. Vous avez sûrement plus d'information que moi, mais des fois, de facto, même avec des droits de scolarité qui sont uniformes partout, il y a certaines universités qui vont faire plus de recherche, d'autres qui vont se concentrer plus vers des disciplines plus appliquées ou dans les mêmes disciplines. Même à Montréal, mettons, il y a des universités qui préparent plus les étudiants juste pour un bac pour aller directement sur le marché du travail, d'autres au contraire qui ont des aspects plus théoriques, donc qui préparent plus les étudiants à poursuivre des études de deuxième cycle et de troisième cycle.

Donc, je ne sais pas, il y aurait de la place pour tout le monde, et puis les universités pourraient, selon leur position géographique, selon leur type de clientèle, selon les professeurs, etc., vouloir se spécialiser dans certaines disciplines, peut-être, plutôt que dans d'autres. Même les universités en région pourraient continuer à faire de la recherche si elles ont un créneau dans lequel elles ont peut-être un avantage comparatif. Et peut-être, en choisissant de facturer moins cher, elles pourraient retenir plus d'étudiants qui viennent de ces régions, plutôt que tout le monde aille à Montréal.

Donc, je ne sais pas si ça va mener à des universités de première classe, de deuxième classe, mais, je veux dire, de facto, il y a des universités qui font plus de recherche, qui ont plus une renommée internationale, d'autres qui sont plus peut-être orientées vers plus préparer les étudiants juste pour aller directement sur le marché du travail, moins de recherche, plus des aspects un peu plus appliqués. Et donc, si on donne plus de flexibilité, c'est clair que ce n'est pas toutes les universités qui ont besoin de faire toutes la même chose et de compétitionner dans les mêmes disciplines; peut-être que ça peut amener un peu plus de concurrence, un peu plus de spécialisation dans certaines, ce qui peut être bénéfique, et également les étudiants aussi auront plus de choix de s'orienter vers des universités qui font plus la recherche ou qui font plus des disciplines plutôt appliquées.

Donc, j'imagine qu'en ce sens, de façon générale, si on a plus de flexibilité, plus de compétition, c'est mieux pour le consommateur, qui est dans ce cas l'étudiant, et la société dans son ensemble également.

M. Reid: D'accord. Parce que c'est important, M. le Président, les décisions d'ordre public, les décisions qu'un gouvernement doit prendre quand il réglemente un marché ? si on parle marché, on parle économie, là, avec vous, vous l'avez abordé sur l'aspect environnement compétitif des universités à l'interne et à l'externe. On peut réglementer de façon extraordinairement libérale, auquel cas, dans n'importe quel marché économique, il y a des entreprises qui vont manger, gruger, survivre, parce qu'il y a un avantage compétitif, et d'autres qui vont mourir.

Même sur le plan économique, en fait, au Canada et au Québec, on n'a pas cette attitude-là en général et, sur le plan des universités, il y a un parallèle qui pourrait se ressembler, et ce n'est pas non plus ce que nous avons recherché jusqu'à maintenant, au Québec, dans ce sens que... Bon. Il y a la poule et l'oeuf, c'est-à-dire que, s'il y a les ressources, la recherche peut se développer, le niveau international peut se développer partout où on met les ressources nécessaires dans les régions et dans les universités données; par contre, si on libéralise trop et que les ressources viennent uniquement du marché, il est possible qu'il y ait à ce moment-là une destruction du système en valorisant certaines universités et en détruisant peut-être ce que d'autres universités peuvent faire.

Et ce que je comprends puis ce que vous dites, dans le fond, c'est... ou enfin vous ne vous êtes pas prononcés, mais est-ce que vous... Disons, tenant compte de ce que vous avez dit, à savoir: Il est peut-être mieux d'y avoir une plus grande variété, un meilleur service à tout le monde, est-ce que le gouvernement devrait poursuivre ? globalement, j'entends, là ? dans la voie qu'il s'est donnée, et les gouvernements successifs au Québec depuis 30 ans, à savoir de s'assurer que ce marché n'est pas trop libéralisé au sens où les universités qui ont accès à un plus grand marché ou à plus de fonds, les droits de scolarité, par exemple, pourraient en arriver à bouffer ? excusez-moi l'expression ? tout ce qui existe comme marché universitaire, et tout se situerait à Montréal et à Québec, par exemple et aux dépens des régions du Québec? Est-ce que c'est dans ce sens-là, quitte à ce que... Il faut libéraliser, je comprends un petit peu plus, mais pas de façon exagérée. Est-ce que c'est ce que je comprends?

Mme Kozhaya (Norma): Oui. C'est-à-dire, il faut libéraliser un peu plus, peut-être bien sûr dans un certain cadre, ce n'est pas la privatisation complète, évidemment, il peut y avoir certaines... je veux dire, dans une certaine limite, dans un certain cadre, mais donner un peu plus de marge de manoeuvre aux universités que ce qu'est le cas actuellement. Ce serait une possibilité de solution, parce que vous avez sûrement entendu parler beaucoup de la menace à la qualité de l'enseignement et de la recherche à cause du sous-financement, etc. Donc, une solution, c'est peut-être de donner un peu plus de flexibilité aux universités dans la recherche de fonds elle-même.

Le Président (M. Arseneau): Alors, tel que convenu, je vais maintenant passer la parole à la députée de Taillon et critique de l'opposition officielle en matière d'éducation.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous souhaiter à mon tour la bienvenue à notre commission, au nom de ma formation politique.

Bon. Je n'ai pas l'habitude de faire ça depuis le début de la commission, mais ? je l'ai fait à plusieurs reprises, mais pas beaucoup ? je ne suis pas tout à fait en accord, pour ne pas dire que je suis même en désaccord avec certaines des affirmations que vous faites, et j'aimerais quand même en débattre avec vous.

D'abord, je vous dirais que d'entrée de jeu, pour moi, je mets la formation sur le même titre que la réponse aux besoins essentiels: se nourrir, se loger, s'habiller et se former. Moi, je suis persuadée que, dans nos sociétés démocratiques, dans nos sociétés riches aussi ? parce que nous sommes une société riche, là, on peut mettre toutes les nuances qu'on veut ? pour moi, l'éducation, c'est un bien public et on doit collectivement contribuer à ce que tous les citoyen et citoyennes qui en ont les talents et la volonté puissent avoir accès à une formation la plus large possible, la plus complète possible et la plus poussée possible. Évidemment, chacun a ses talents, on s'entend, et il n'y a pas de sots métiers, et ça, pour moi aussi c'est bien important. Mais il faut que, comme collectivité, comme société, on mette à la disposition des citoyens et des citoyennes les ressources nécessaires pour leur permettre d'aller au bout de leurs talents. Bon. Ça, c'est la première chose.

Et donc, en ce sens-là, c'est sûr que, plus les coûts pour avoir accès à l'enseignement supérieur vont être bas, plus on facilite l'accessibilité, et c'est un principe qui va de soi, hein? Bon. Vous dites: Oui, mais on pourrait les augmenter, les frais de scolarité, et l'impact sur les taux de participation ne sont pas si élevés que cela ou même ne le sont pas. Par contre, quand je regarde dans votre document, à la page 6, le dernier paragraphe de la page 6, vous dites, bon: «À noter que les droits de scolarité ne sont qu'une composante des "raisons financières", celles-ci comprenant également les coûts de subsistance ? logement, nourriture, etc.» Et on est d'accord. Bon. «Pour le Québec, 13 % des répondants ont choisi les raisons financières comme principale raison pour ne pas poursuivre leurs études, tandis que 18 % ont voulu prendre un temps d'arrêt [...] 17 % ont signalé leur manque d'intérêt. Pour l'Ontario, ces chiffres sont de 23 %...», pour les raisons financières, comme principale raison pour ne pas poursuivre leurs études; après ça, c'est 19 % et 7 %, là, pour les deux autres causes expliquant l'arrêt des études.

Si on prenait ces chiffres-là et simplement... et on voulait tirer une conclusion, on pourrait dire: Parce que les frais de scolarité sont plus bas au Québec, bien, dans les faits ? autant au cégep qu'à l'université, parce que, au cégep, évidemment il n'y a que les frais afférents, là ? on pourrait conclure qu'au contraire justement il n'y a que 13 %, dans ce cas-là, qui a évoqué une raison financière, parce que, les frais étant bas, ils ont plus facilement accès. En plus, ajoutez à ça qu'il y a un régime d'aide financière aux études qui est pas mal plus généreux ici qu'il ne l'est dans le reste du Canada, nous le savons. Et donc, en Ontario, où, au contraire, ils ont libéralisé les frais, on parle de 23 %.

Alors, je comprends qu'on peut faire dire n'importe quoi aux chiffres, là, mais en même temps, ici, on pourrait faire dire ce que je fais comme interprétation aux chiffres qui sont là. J'aimerais ça vous entendre sur ça. Puis je vais revenir sur la question de la libéralisation, là, des frais de scolarité.

Le Président (M. Arseneau): Mme Kozhaya.

Mme Kozhaya (Norma): D'accord. Donc, la question qui se pose, c'est: Pourquoi on n'a pas des taux de participation peut-être plus élevés au Québec, malgré le fait qu'on a un gel? Bon. Il y a eu le dégel en 1991, mais le gel, c'est depuis 40 ans, pratiquement, que ça dure, à part la courte période où il y a eu le dégel, donc. Et est-ce que... Il est incontestable qu'une meilleure éducation universitaire, c'est mieux pour tout le monde, pour les individus, pour la société, ça, on est tous d'accord, je crois, il n'y a personne qui va contester ça. Mais encore une fois le chemin pour y arriver, ça, c'est moins clair.

Et, si, comme vous le... on a des ressources limitées, malheureusement, et donc si on veut donner... Combien serait-on prêt à donner plus aux universités, plutôt qu'à la santé ou plutôt qu'à d'autres domaines? C'est ça, la question. Si le gouvernement a le moyen de financer plus, tant mieux. Sauf que, si le gel des droits de scolarité se fait un peu aux dépens de la qualité, donc si on continue que les universités ont besoin de plus, parce que le corps professoral vieillit, parce que la clientèle augmente, parce que, pour différentes raisons technologiques, on a besoin de plus de fonds et que le gouvernement n'arrive pas à combler la différence, qu'est-ce qu'on fait? On se retrouve avec des universités de moins bonne qualité qu'ailleurs? C'est un peu ça, la question.

Dans des pays européens ? comme on peut mentionner en France, en Allemagne ? on a choisi la gratuité et puis on se retrouve dans des amphithéâtres de 400 personnes, des gens qui vont là parce qu'ils n'ont rien d'autre à faire, donc le choix... ils changent de programme en programme, restent 10 ans dans une université sans avoir de bac en bout de ligne. Donc, c'est un peu ça, l'arbitrage qui se fait.

Donc, la question, c'est: Est-ce qu'en ayant des droits de scolarité plus bas on va nécessairement encourager l'accessibilité aux étudiants les plus qualifiés ou est-ce qu'on donne l'impression qu'on a une plus grande accessibilité mais que, dans la réalité, le résultat n'est pas ce qu'on espérait ou ce à quoi on s'attendrait?

n(17 heures)n

Mme Marois: C'est sûr qu'il y a d'autres facteurs que les frais de scolarité qui peuvent expliquer le fait qu'on aille ou on n'aille pas à l'université. On convient de ça, je pense que c'est évident. Il y a les facteurs culturels, il y a les facteurs de milieu d'origine, bon, etc.

Mais je veux reprendre un peu l'expression ou... dire le commentaire de mon collègue le président de la commission, qui disait: Il faut aussi faire un peu notre histoire, hein? Et le Québec part de très loin. On n'allait pas à l'école jusqu'aux années soixante. Ce n'est pas compliqué, hein, on ne finissait pas un cours primaire. Alors donc, on a un rattrapage considérable à faire.

Non, mais c'est vrai, c'est avec la Révolution tranquille qu'on a commencé à aller à l'école en masse, «en masse». Les élites y allaient bien sûr, voyons donc, mais en masse, ce n'était pas le cas. Remontons à ce moment-là puis regardons les données, là. Si quelqu'un veut me faire une démonstration inverse, je suis prête à la recevoir, et ça me fera plaisir. Donc, on avait un rattrapage à faire. C'est quoi? C'est deux générations, ce n'est pas un long moment... ce n'est pas un long temps qu'on a pris pour arriver là où on est. Alors, il y a aussi ce facteur-là qui joue dans le cas du Québec.

Bon. Je veux revenir sur un autre aspect: la discussion que vous venez d'avoir avec le ministre sur les frais différenciés dans les universités et sur le fait qu'il y a une certaine forme de hiérarchisation possible dans les universités. Moi, sur ça, je crois qu'on peut être une université de calibre international, avec une reconnaissance internationale même quand on est une toute petite université, hein? Et je donne l'exemple à cet égard de l'Université du Québec à Rimouski, qui, dans le domaine maritime, là, dans son domaine spécifique est reconnue comme une institution majeure, dans l'océanographie, etc. Alors donc, une petite université peut avoir un rayonnement tout aussi important que McGill, ou l'Université de Montréal, ou l'Université Laval, ou l'Université du Québec à Montréal. Bon. Ça, c'est la première chose.

La seconde, sur les frais différenciés, moi, je crois qu'à ce moment-là on donne les moyens à certaines universités qui ont une capacité d'attirer une clientèle internationale ou une clientèle plus fortunée, on lui donne la capacité d'avoir encore plus de moyens pour augmenter sa qualité au détriment d'autres universités qui se retrouvent en région et/ou qui desservent des populations qui ont des moyens beaucoup plus réduits, qui ne peuvent pas demander cette contribution. À ce moment-là, le système actuel, à mon point de vue, permet une équité entre les institutions. Je suis d'accord cependant avec vous qu'il faut augmenter les ressources disponibles aux universités, parce que, sans ça, on risque d'avoir un effet sur la qualité. Je ne sais pas si vous avez le goût de commenter, là, mais, moi, c'est ce que j'avais le goût de partager avec vous comme commentaires.

Mme Kozhaya (Norma): ...effectivement, et puis je pense qu'on n'est pas complètement en désaccord, sauf peut-être sur la question qu'il y ait plus... Parce que, effectivement, donc, si certaines universités se spécialisent dans certains créneaux ou dans certaines disciplines, ça ne les empêche pas d'être de calibre international quand même, même si ce sont des petites universités. Donc, au contraire, je veux dire, c'est juste que, mettons... De toute façon, même l'Université McGill ou l'Université de Montréal ne peut pas se spécialiser dans tous les créneaux. Donc, ça n'empêche pas... ça n'exclut pas d'autres universités plus petites.

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup de votre coopération. Alors, avec l'alternance, nous irions du côté gouvernemental, avec la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais revenir sur les commentaires de ma collègue la députée de Taillon relativement au taux d'universitaires qu'on a ici, au Québec, là, qui est moins élevé qu'ailleurs. De ce que je comprends de votre mémoire, puis vous n'êtes pas les seuls à nous avoir dit ça ici, ça coûte moins cher, on a un système de prêts et bourses qui est plus généreux qu'ailleurs. Et je ne partage pas l'idée de ma collègue de Taillon. Je comprends qu'au Québec on a eu un retard par rapport à la scolarisation, etc. Mais, moi... en tout cas, moi, dans mon esprit à moi, en 2004, je m'explique difficilement qu'au Québec on forme moins d'universitaires qu'ailleurs. Et j'irais même plus loin, je dirais que je ne l'accepte pas. Je trouve qu'il y a quelque chose à quelque part qu'on ne fait pas ou qu'on n'a pas réussi à faire et je trouve ça facile d'expliquer ça par un retard historique. Moi, mes enfants ont accès à Internet aujourd'hui, ils vivent sur la planète Terre, ils vivent dans le monde.

Et je m'explique mal qu'on forme moins d'universitaires ici, au Québec, pour les raisons qu'on a énoncées: ça coûte moins cher, on a des systèmes de prêts et bourses. Je le répète, mais c'est important, parce que je pense que c'est ça, les questions qu'il faut se poser. Et je vous pose la question, à vous: Quelles seraient selon vous les pistes de solution ou les avenues? Est-ce qu'on doit... Je ne sais pas, je pose la question parce que ça ne me revient pas dans la tête. Je vous le dis sincèrement, je trouve ça facile d'expliquer ça par ça. Alors, je vous pose la question.

Mme Kozhaya (Norma): C'est ça. Malheureusement, je n'ai pas de réponse miracle, comme vous vous attendez, sauf que... Et, sans pour autant porter peut-être de jugement de nature plutôt culturelle ou sociale, c'est peut-être... Bon. Peut-être qu'il faut pousser les gens à valoriser plus. D'ailleurs, c'est un autre sujet, mais, hier, je lisais que ? vous l'avez lu aussi, sans doute ? mettons, au Québec, pratiquement seulement 50 % des garçons finissent leurs études secondaires en cinq ans, donc, à part ceux qui décrochent, alors que, bon, c'est plus élevé pour les filles. Moi, je trouvais ça catastrophique, effectivement. Donc, c'est choquant. Ça veut dire qu'il y a quelque chose qui va mal dans le système, je crois. Ça ne peut pas être... Ce n'est pas la faute de ces étudiants-là, de ces élèves-là si 50 % ne finissent pas leurs études en cinq ans. Donc, peut-être que le système ne s'est pas adapté aux changements faits au niveau scolaire et que peut-être...

Également, il y avait le débat aussi sur les cégeps, les universités. En discutant un peu avec les gens, ils disent: Peut-être parce que les gens se suffisent du cégep, ne poursuivent pas aux universités. Donc, c'est un débat beaucoup plus large, sur lequel malheureusement je n'ai pas beaucoup de compétences. Mais je sais que c'est complexe et qu'il faut s'attaquer au problème beaucoup plus loin qu'au niveau de l'université et au niveau de droits de scolarité, donc au niveau de la préparation aux études secondaires, au niveau de la valorisation de l'enseignement, la perception de l'enseignement et la perception de la valeur future non seulement... Bon. D'un côté, en termes de revenus, c'est clair, tout le monde veut améliorer son potentiel de faire plus de revenus, améliorer sa situation, l'ambiance de travail, mais aussi la valeur éducative, peut-être de poursuivre plus des études universitaires. Et encore une fois, je le répète, je ne suis pas sûre que le chemin pour y arriver, c'est des droits de scolarité qui sont bas. C'est beaucoup plus complexe que ça, à mon humble avis.

Mme Perreault: Je veux simplement ajouter peut-être un petit commentaire.

Le Président (M. Arseneau): Oui. Il reste trois minutes au complet pour...

Mme Perreault: Oui.

Le Président (M. Arseneau): D'accord.

Mme Perreault: Je trouve que votre exemple des garçons est un exemple qui est flagrant à ce niveau-là. Compte tenu du fait qu'on justifie ça par un retard historique, cet exemple-là est très probant, parce que ce n'est pas un retard historique qui fait que les garçons aujourd'hui sont moins scolarisés qu'ils l'étaient il y a 20 ans. Il y a des raisons qui sont autres que ça, puis ? je le soulève comme ça ? je pense qu'il faut avoir le courage de se poser les bonnes questions puis d'aller voir à trouver des solutions qui sont peut-être différentes de ce qu'on a fait jusqu'à maintenant. C'est un commentaire. Merci.

Le Président (M. Arseneau): O.K. Alors, sur ce commentaire, je vais maintenant passer la parole au député de Portneuf.

M. Soucy: Alors, merci, M. le Président. Évidemment, je partage une partie des propos qui ont été avancés par ma collègue de Chauveau, là. En fait, si nos jeunes sont, par exemple... S'il y a une masse de jeunes Québécois qui ne sont pas capables d'atteindre l'université... Ils ne sont même pas capables de finir leur secondaire, donc on comprend qu'on n'est pas rendus là encore. Mais par contre des intervenants qui sont venus dans les jours, dans les semaines précédentes venaient nous dire qu'il y aurait peut-être lieu de réorganiser le système d'enseignement: ajouter une sixième année au secondaire, faire du cégep des collèges où vraiment on focusserait sur les aspects techniques. Enfin, il y a des modifications à apporter au système de l'éducation. Les preuves sont criantes: à chaque jour, on parle de décrochage scolaire, particulièrement chez les garçons. Donc, les frais de scolarité d'après moi n'ont rien à voir avec le fait d'aller à l'université ou pas, là.

Maintenant, je voudrais relever... C'est que vous êtes les seuls à avoir fait un parallèle au niveau de l'équité sociale, dans votre mémoire, au niveau des frais de scolarité, puis, moi, ça, ça m'interpelle au plus haut point. Puis vous faites une espèce de démonstration où finalement les gens les plus riches font étudier leurs élèves sur le dos des gens plus pauvres, qui, eux, finalement valorisent moins l'éducation. Alors, j'aimerais ça que vous m'expliquiez davantage ce point de vue là, là, qui m'apparaît tout à fait intéressant et nouveau.

Le Président (M. Arseneau): Je vous donne une minute. Je suis désolé, mais c'est comme ça.

n(17 h 10)n

Mme Kozhaya (Norma): Merci. Oui, c'est ça. Donc, c'est un fait que... Merci de l'avoir soulevé. C'est que, comme je l'ai dit, vu qu'en général ce sont des jeunes issus de familles plus riches qui vont le plus souvent à l'université et qu'aussi les gens qui vont à l'université espèrent des revenus plus élevés, donc le contribuable moyen, qui est déjà le plus taxé en Amérique du Nord, est en partie en train de financer les plus riches qui vont à l'université et les gens qui vont gagner des salaires beaucoup plus élevés dans le futur, alors que, lui, il va rester à son point de départ. Donc, c'est un peu une forme de taxation régressive que d'avoir des droits de scolarité plus bas ou que le contribuable moyen finance finalement des gens qui seront beaucoup plus riches, qui sont des fois en partant plus riches. Donc, si on veut aider les plus pauvres à avoir accès à l'université, ce n'est pas en subventionnant tout le monde, tout le monde. On peut cibler ceux qui ont besoin par des prêts et bourses, par de l'aide spécifique, mais ceux qui peuvent, qui ont les moyens, qu'ils paient plus.

Le Président (M. Arseneau): Oui. Alors donc, pour quatre minutes, je vais me tourner du côté de l'opposition officielle.

Mme Marois: Oui. Bon. Moi, je veux revenir, là, sur les propos que l'on tient de part et d'autre de cette table, M. le Président. Je vais inviter mes collègues du gouvernement à lire les documents qu'ils ont eux-mêmes publiés, là, le document de consultation, et où on dit que l'accès aux études à cet égard est effectivement beaucoup plus significatif au cours des derniers 40 ans, hein? Ça commence comme ça, là, le texte. Et, par rapport aux pays de l'OCDE, le taux d'obtention d'un diplôme est non seulement comparable, est supérieur au Québec. Ça fait que ça ne doit pas être si mal que ça quand même, hein? Ça, c'est la première chose.

Si on se souvient, les universités du Québec, les constituantes de l'Université du Québec en région et leurs représentants qui sont venus ici, dans presque tous les cas, nous ont dit: 70 % de nos jeunes ou de nos jeunes adultes qui viennent à l'université sont les premiers de leur génération à avoir accès à l'université. Alors, quand on sait qu'un des facteurs... c'est sûr que ce n'est pas seulement le facteur financier, mais qu'un des facteurs, c'est le fait que des parents qui ont eux-mêmes été à l'université sont particulièrement intéressés, vont stimuler un jeune à y aller, ça ne veut pas dire que celui qui n'est pas allé ne le fera pas, là, hein? J'ai connu, moi, un milieu familial qui était très modeste et pourtant où les cinq enfants sont allés à l'université. Bon. Mais il faut quand même constater ça.

Et les universités du Québec en région, elles se sont implantées depuis les années soixante-dix. Avant qu'elles aient une masse critique suffisamment importante, bien ça donne ce qu'on connaît maintenant comme résultat. Puis n'oublions pas que le Québec, par rapport à d'autres régions d'Amérique du Nord, a un territoire immense qu'il occupe, hein, qu'il occupe mais avec des petites populations, où il n'y avait pas d'institution supérieure. L'arrivée des cégeps et des universités du Québec en région a implanté ces outils-là. Alors, c'est normal qu'occupant ce territoire, n'ayant pas des gens qui avaient déjà un diplôme universitaire et en plus l'institution n'existant pas, on ait un rattrapage à faire. Alors...

Et qui est venu nous dire ici, soit dit en passant, qu'il ne fallait pas toucher aux frais universitaires et les geler, en dehors des étudiants et d'un certain nombre d'organismes intéressés à l'éducation? L'Université du Québec. Les constituantes, les représentants des constituantes de l'Université du Québec. Pourquoi? Parce qu'ils voient bien qui sont les gens qui fréquentent leur université. Alors, tu sais, ce n'est pas un débat facile, on en convient. Puis, même si je ne partage pas votre point de vue, je le respecte. Mais ce n'est pas un débat facile, puis je crois que le Québec a encore un certain rattrapage à faire. On en convient ensemble. Ce n'est peut-être pas le seul facteur, mais c'est un facteur qui est quand même important dans certains milieux. Je pense que ma collègue a peut-être encore une minute.

Le Président (M. Arseneau): Votre collègue, Mme la députée de Taillon, elle a une minute pour poser sa question et pour obtenir une réponse. Alors...

Mme Champagne: C'est devenu une habitude, une minute. Je vais faire un constat. Je vais faire un constat: c'est que je viens du monde de l'enseignement, et il s'est dit des vérités depuis le début des rencontres en commission, c'est que, les enfants, il faut les partir du départ. Et, quand on parlait de primaire, j'y crois de plus en plus puis aujourd'hui plus que jamais après vous avoir entendus.

Moi aussi, il y a des choses que je partage peut-être moins du fait que, bon, si on augmente les frais pour les étudiants, on va peut-être attaquer une clientèle sans le vouloir. Il faut moduler le tout ? je pense que tout le monde le dit ? quitte à faire des différences. Par contre, j'ai des ingénieurs ? vous avez vu les mêmes personnes ici ? qui sont venus dire qu'il fallait peut-être qu'on apprenne chez nos tout-petits que c'est intéressant, d'être ingénieur, avec des exemples concrets. Alors, je pense qu'il faut revoir le modèle au complet.

Et on a parlé de cégeps tout à l'heure avec M. le ministre. On a parlé également de l'importance que les passerelles soient correctement faites, parce que, si, au niveau du cégep, tu as déjà là perdu de l'intérêt, tu vas arriver au niveau universitaire et tu n'y arriveras pas non plus. Alors, partons nos jeunes même de niveau maternelle, et peut-être même avant, et là on arrivera à faire une société qui aura le goût d'aller de l'avant du côté universitaire. C'était un commentaire qui a valu une minute.

Le Président (M. Arseneau): Mme la députée de Champlain a fait un long commentaire. Est-ce qu'on peut quand même, de consentement, avoir une réaction d'au moins 30 secondes, une minute? Mme Kozhaya.

Mme Kozhaya (Norma): Merci beaucoup. Donc, effectivement, bon, on est d'accord apparemment sur plusieurs points que c'est beaucoup plus complexe. Je veux juste peut-être rajouter que, même à Montréal... Bon. Vous avez dit effectivement: En région, peut-être, ils sont partis défavorisés. Mais, même à Montréal, le taux d'obtention des diplômes est plus faible. Il y a une étude qui compare les plus grandes villes nord-américaines et qui trouve que Montréal ne se classe pas très bien à cet égard, donc, malheureusement. Donc, encore là la question se pose si c'est vraiment des frais de scolarité... qu'est-ce qu'ils ont à faire dedans?

Le Président (M. Arseneau): Mme Kozhaya, M. Leblanc, je veux vous assurer que la commission, tous les membres de la commission ont apprécié beaucoup, énormément les échanges que nous avons eus cet après-midi. Soyez assurés aussi que ce n'était pas la première fois que nous entendions de vos propos, puisque plusieurs de ceux qui sont venus devant cette commission ont utilisé vos chiffres, vos données et votre recherche. Nous vous remercions pour votre contribution, soyez assurés que nous apprécions énormément.

Alors, sur ce, je vais suspendre nos travaux quelques instants et demander au Regroupement des étudiantes et étudiants de maîtrise, de diplôme, de doctorat de l'Université de Sherbrooke de bien vouloir se présenter.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

 

(Reprise à 17 h 17)

Le Président (M. Arseneau): Si vous permettez, nous allons reprendre nos travaux et nous avons, nous recevons maintenant le Regroupement des étudiantes et étudiants de maîtrise, de diplôme et de doctorat de l'Université de Sherbrooke. Alors, je comprends que c'est M. Saint-Jacques qui est président du regroupement. M. Saint-Jacques, je vous demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent et, selon la formule que nous avons retenue, si c'était possible pour vous, à l'intérieur de 15 minutes, de faire votre présentation, ça permettrait des échanges avec les parlementaires, d'une quinzaine de minutes, de chaque côté de la Chambre, de la table.

Regroupement des étudiantes et des étudiants
de maîtrise, de diplôme et de doctorat
de l'Université de Sherbrooke (REMDUS)

M. Saint-Jacques (Alain): Merci, M. le Président. Merci à M. le ministre, Mme la députée de Taillon, Mmes, MM. les députés. On est heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler de notre mémoire. Je suis accompagné de M. Stéphane Le, qui est le vice-président aux affaires externes du REMDUS; M. Philippe Leblanc, le secrétaire général du REMDUS; et Mme Patricia Lefebvre, vice-présidente à l'information.

Notre présentation va être constituée de trois points. D'abord, je vais vous entretenir de l'accessibilité, plus particulièrement en ce qui concerne l'aide financière aux études pour les étudiants aux cycles supérieurs. M. Le va vous parler de la problématique particulière des étudiants internationaux. Et finalement Philippe va vous parler des problèmes concernant la formation continue ou plus particulièrement les maîtrises professionnelles.

Donc, je vais commencer tout de suite en vous parlant du financement des étudiants aux études supérieures. Comme vous le savez, pour les étudiants de maîtrise, diplôme et doctorat, les formules de financement sont un peu différentes des étudiants de baccalauréat, d'abord parce qu'on peut compter sur parfois des subventions de recherche de fonds subventionnaires ou de fondations privées. On peut compter aussi parfois sur de l'aide financière provenant de nos directeurs, directrices. Toutefois, malgré tout cela, une bonne proportion d'étudiants doivent s'en remettre au régime d'aide financière aux études, qui selon nous n'est pas adapté aux besoins de la clientèle des étudiants aux cycles supérieurs.

n(17 h 20)n

Je vais vous parler d'abord un peu des fonds subventionnaires. Les fonds subventionnaires sont là pour financer les étudiants et les travaux de recherche des étudiants les plus performants, les plus méritants. Ce sont des bourses très importantes qui sont données à ces étudiants-là, qui leur permettent de bien vivre. Malheureusement, les fonds subventionnaires n'ont pas suffisamment d'argent pour financer l'ensemble des étudiants qu'ils jugent méritants. Donc, on se retrouve dans une situation où des étudiants qui sont excellents... on parle d'étudiants qui ont des moyennes souvent au-delà de A, donc, vous le savez sûrement, c'est une moyenne exceptionnelle, et on n'a pas assez d'argent pour tous les subventionner. Donc, on les départage selon des critères secondaires et on fait en sorte que certains de nos meilleurs éléments ne sont pas financés à une hauteur satisfaisante.

D'autre part, pour ce qui est de l'aide financière aux études, la principale doléance qu'on a à faire face au régime, c'est concernant le nombre de sessions d'admissibilité. À la maîtrise, le régime d'aide financière reconnaît que ça prend quatre ou cinq sessions pour faire un programme de maîtrise, quatre sessions pour les maîtrises de type cours, cinq sessions pour les maîtrises de type recherche, et donc donne cinq ou six sessions d'aide financière sous forme de prêts et bourses. Toutefois, on sait que la moyenne de durée des études à la maîtrise est de 7,7 sessions. Donc, la majorité des étudiants n'ont pas assez de sessions d'aide financière sous forme de prêts et bourses pour compléter leur programme. Nous demandons donc d'ajouter une session d'admissibilité aux prêts et bourses parce que ça va contribuer à diminuer la durée des études. Car, comme vous le savez, plus un étudiant reste longtemps sur les bancs d'école, plus il coûte cher à la société et au gouvernement, étant donné que c'est l'ensemble des contribuables qui contribuent.

Vous remarquerez qu'on ne demande pas à ce que le nombre de sessions d'admissibilité rejoigne la moyenne, parce qu'on croit que l'étudiant doit faire également son bout de chemin. Toutefois, on croit qu'en ajoutant une session ça va permettre de finir les études en ayant moins recours au travail à l'extérieur, et donc de se concentrer davantage sur le travail d'étudiant, qui est d'étudier ou de faire de la recherche, et donc de terminer dans des temps plus raisonnables. Donc, pour la maîtrise, on demande une session d'admissibilité de plus et, pour le doctorat, trois sessions.

Autre problème particulier concernant l'aide financière aux études, c'est qu'il y a deux cas qui sont particulièrement problématiques, qu'on pense aux écoles professionnelles et aux sessions de propédeutique. Un étudiant qui termine un bac en droit, c'est normal qu'il, finalement, fasse son Barreau. Toutefois, s'il décide de faire son Barreau pour pouvoir exercer sa profession ? c'est essentiel ? les sessions qu'il va prendre en aide financière au Barreau vont lui être coupées sur ses éventuelles sessions d'admissibilité à la maîtrise. Ça, c'est aberrant. Parce qu'on en veut également, des juristes qui font des études supérieures, et c'est nécessaire pour eux de passer par l'école professionnelle. Donc, nous estimons qu'il faut que les sessions d'admissibilité au système de prêts et bourses, pour les écoles professionnelles, soient en plus des sessions pour les études supérieures, aux cycles supérieurs.

Et le scénario est à peu près le même pour ce qui est des propédeutiques. Quelqu'un qui fait... Et c'est particulièrement à l'Université de Sherbrooke où on a plusieurs programmes d'études de maîtrise multidisciplinaires. Vous comprendrez que, quand un programme relève de cette faculté, c'est impossible pour l'étudiant d'avoir les bases à l'intérieur d'un bac pour arriver à ce programme-là, et donc il doit compléter sa formation initiale par quelques cours de propédeutique, et la session ou les sessions qu'il prend pour compléter sa formation initiale avant d'entreprendre ses études aux cycles supérieurs sont déduites de ses sessions d'admissibilité à la maîtrise ou au doctorat.

Donc, ce sont en gros nos demandes pour ce qui concerne le régime public d'aide financière aux études. Je vais passer la parole à Stéphane, qui va vous entretenir davantage de la problématique des étudiants internationaux.

Le Président (M. Mercier): La parole est à vous, M. Le. Allez-y.

M. Le (Stéphane): Oui, bonjour, M. le Président. Alors, un des points très importants soulevés dans notre mémoire concerne les étudiants internationaux. Nous savons tous que les étudiants internationaux sont une source du savoir pour nos universités. Ils représentent environ 1/5 de l'effectif au cycle supérieur et ils apportent une expertise extérieure qui est vitale pour maintenir la qualité et le progrès de la recherche au Québec.

Par leurs activités et leurs contributions financières, les étudiants internationaux sont aussi des acteurs dans le développement économique au Québec. L'arrivée des étudiants internationaux va aussi combler les baisses d'effectifs prévues dans la plupart des universités. Cela nous permet de maintenir notre patrimoine académique et de faciliter aussi l'accessibilité aux études en région. Cependant, si on regarde la situation actuelle, peu de choses ont été réalisées pour favoriser cette mobilité internationale. En effet, le gouvernement a augmenté les frais forfaitaires chaque année, sans avertir les étudiants longtemps à l'avance pour qu'ils puissent trouver des fonds nécessaires. Je prends juste par exemple de 1990 à 2003, pour une session à plein temps de 15 crédits, les frais sont passés de 2 900 $ à 4 961 $, soit une hausse moyenne annuelle de près de 172 $. Quand on regarde ce qui se fait en Europe, à travers le programme Erasmus, l'Europe est prête à accorder environ 40 000 $ par année aux étudiants qui font un doctorat chez eux. Donc, il y a encore du chemin à faire.

Donc, par conséquent, le REMDUS demande au gouvernement du Québec de geler les frais forfaitaires et d'accorder plus de bourses d'exemption aux étudiants internationaux. Et, en ce qui concerne les bourses d'exemption, nous savons que le gouvernement les distribue de deux manières: par les universités et par les pays via les ambassades et les consulats. Cependant, les critères de sélection des candidatures dans certains pays sont très subjectifs, pour des raisons politiques ou religieuses. C'est pourquoi le REMDUS demande au gouvernement une augmentation du nombre de bourses d'exemption par université plutôt que par pays. Voilà. Sur ce point, je finis avec les étudiants internationaux. Je vais passer la parole à mon collègue Philippe.

Le Président (M. Arseneau): M. Leblanc.

M. Leblanc (Philippe): Oui, merci. Moi, je vais vous parler d'un meilleur transfert du savoir universitaire à la communauté. Alors, on sait que les programmes de formation continue sont particulièrement adaptés au contexte de travail et sont les plus à même de générer un transfert des connaissances universitaires vers le marché de l'emploi. Ce transfert est la pierre angulaire du développement technologique et humain au Québec et constitue un véritable casse-tête pour les gens du milieu de la recherche. Dans ce contexte, comment on peut encourager les chercheurs à participer à l'essor du Québec? Le REMDUS est convaincu que la formation continue est un des éléments de réponse à cette question et que le gouvernement québécois doit tout mettre en oeuvre pour inciter les travailleurs à suivre ce type de formation. Il est par conséquent indispensable que la formation continue soit offerte aux mêmes conditions que les programmes réguliers. Nous excluons de cette définition les programmes dits sur mesure, c'est-à-dire des programmes qui sont créés pour satisfaire une clientèle particulière, qui est un besoin ponctuel et non qui va être récurrent d'année en année.

De plus, les nouvelles demandes du marché du travail ont forcé les universités à redéfinir la formation qu'elles offrent. Même dans les programmes de type recherche, on a de plus en plus la préoccupation de former des étudiants prêts à réagir à des contextes pratiques diversifiés. Ainsi sont nées à l'Université de Sherbrooke de nouvelles formules: des maîtrises coopératives ou avec stage en milieu pratique, des maîtrises en partenariat, des maîtrises professionnelles, des diplômes professionnels. Les critères normalement utilisés pour différencier les deux types d'étudiants deviennent alors loin d'être exclusifs aux étudiants en éducation permanente. De plus, les étudiants qui ne sont pas sur le marché du travail prennent maintenant ces maîtrises comme formation initiale, c'est-à-dire, à la fin du baccalauréat, prennent une maîtrise professionnelle. En ce sens, le REMDUS demande que les frais de scolarité et les frais afférents soient égaux pour tous les étudiants à l'université, et ce, peu importent leurs types de formation.

Le Président (M. Arseneau): Vous avez encore quatre minutes.

M. Saint-Jacques (Alain): On vous les laisse pour les questions, on espère avoir l'occasion d'échanger avec vous.

Le Président (M. Arseneau): Bien. Alors donc, il nous resterait... Donc, on aurait 16 minutes de chaque côté. Alors donc, je vais commencer immédiatement avec M. le ministre de l'Éducation.

M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue à la délégation du REMDUS, donc étudiants de maîtrise, doctorat de l'Université de Sherbrooke. J'ai toujours beaucoup de plaisir à voir ce qui est préparé par le REMDUS. Et ça me rappelle des bons souvenirs.

n(17 h 30)n

Il y a des choses extrêmement intéressantes, une bonne analyse. Il y a cependant un ensemble de demandes, et je pense que c'est naturel que ce soit ainsi, mais on n'a pas beaucoup de mentions, en tout cas je n'ai peut-être pas bien saisi, mais pas beaucoup de mentions de la provenance, autrement dit comment le système universitaire ou le gouvernement pourrait combler les besoins dont on parle et pour lesquels il y a des recommandations de changement. Et certains sont chiffrés d'ailleurs, j'ai vu. Ça, c'est quand même intéressant que ce soit fait de façon très complète. Mais, sur ce plan-là, on a eu, de la part d'autres groupes étudiants par exemple ou de la part d'autres personnes qui ont fourni des analyses, on a eu aussi des suggestions quant à la provenance de ces fonds-là, et donc ce serait intéressant de vous entendre là-dessus.

Et, en même temps, évidemment on a aussi des demandes qui sont très globales de la part des universités, etc., par comparaison avec le financement moyen qui existe ailleurs au Canada. Est-ce que la source des fonds dont vous parlez pourrait être à même ces sommes-là dans votre esprit? Auquel cas il faut bien comprendre que c'est une tarte qui aurait un certain montant et il faut la diviser entre les universités et entre les groupes dans les universités. Est-ce que c'est de cette nature-là ou si vous pensez à quelque chose d'autre comme source de revenus?

M. Saint-Jacques (Alain): D'abord, concernant la source, nous estimons que l'éducation est un bien public et que l'ensemble de la société bénéficie des bienfaits de l'éducation. Donc, une population bien formée va donner des retombées à l'ensemble de la société, que ce soit en ayant des médecins bien formés ou même des sociologues. Peu importe la discipline, l'ensemble de la société en profite. Et donc, en ce sens, nous estimons que c'est l'ensemble des citoyens qui doivent se mettre en commun pour financer des études universitaires de qualité. Donc, on estime qu'il est possible, à même un financement public, de répondre à nos demandes et nous estimons aussi qu'il peut être... c'est un choix qu'il est possible de faire. Le gouvernement s'est engagé, en campagne électorale, à deux choses: d'abord, à augmenter le financement des étudiants au niveau postsecondaire et à diminuer les impôts. Nous croyons qu'il est possible de diminuer un peu moins les impôts que ce qu'il a été promis pour financer davantage le système d'éducation.

Concernant la moyenne canadienne, là, on parle du 275 millions, nous croyons que quelques-unes de nos demandes font partie de cette tarte-là et quelques autres peuvent être ajoutées en surplus. D'ailleurs, quand qu'on parle de recherche ? et ça, ça a été une de nos déceptions de l'année, de voir que la recherche a été coupée de l'Éducation et rattachée au ministère du Développement régional ? nous croyons que c'est un investissement qui est des plus rentables et que chaque dollar investi en recherche rapporte énormément. Et, si on veut avoir une société québécoise à la fine pointe mondiale en matière de technologies... Et on croit que ça va être le moyen de conserver le niveau de vie actuel qu'on a, parce que, si on ne réussit pas à se démarquer, on ne réussira pas à maintenir notre niveau de vie. Donc, nous croyons qu'il faut investir davantage en recherche pour pouvoir développer des technologies qui vont être à la fine pointe, qui vont nous permettre de rester les leaders mondiaux dans nos domaines d'expertise et donc de conserver le niveau de vie qu'on a présentement et éventuellement peut-être même de l'améliorer.

Le Président (M. Arseneau): M. le ministre ou...

M. Reid: Oui, bien, c'est de peut-être juste préciser un peu si vous avez réfléchi à la façon dont... une répartition à l'intérieur d'un montant qui est demandé par l'ensemble des universités. Comment est-ce que, cette répartition-là, vous la voyez? Est-ce que vous voyez que le gouvernement fait des interventions et répond à des demandes comme la vôtre et à un certain nombre de demandes, puis, ce qu'il restera après, bien les universités se le partageront? Ou si ça devrait être laissé davantage aux universités pour un certain nombre de mesures qui sont directement appliquées, dans les universités, aux étudiants et aux étudiantes de cycles supérieurs?

Le Président (M. Arseneau): M. Saint-Jacques.

M. Saint-Jacques (Alain): Bien, selon nous, la demande qui est faite par plusieurs intervenants, oui, c'est pour rattraper la moyenne canadienne. Toutefois, ce n'est pas toujours clair où elle doit être investie et comment elle doit l'être. Nous croyons que nos demandes font partie de ce 275 millions qui est demandé collectivement par plusieurs intervenants.

Le Président (M. Arseneau): Alors, j'ai le député de Portneuf.

M. Soucy: Oui, merci, M. le Président. Dans votre présentation, vous avez fait état, là, du fait que le nombre de sessions requises pour obtenir un diplôme de maîtrise, qui doit normalement... en tout cas qui est subventionné, à tout le moins, pour quatre ou cinq sessions, devrait l'être davantage. Du moins, vous vous rendez à six dans votre demande, là. Puis vous nous dites après ça que la moyenne actuelle, c'est de 7,7 sessions pour l'obtention d'un diplôme de maîtrise.

M. Saint-Jacques (Alain): La durée moyenne des études à la maîtrise.

M. Soucy: Maintenant, est-ce que vous avez vérifié pourquoi ça prenait plus de temps? Est-ce que c'est parce qu'on fait de l'alternance travail-études? Est-ce que c'est parce qu'on prend des sessions avec moins de cours parce qu'on veut alléger la tâche? Ou c'est-u parce que... En tout cas, quelles sont les raisons qui font en sorte que ça prend plus de temps, là? Moi le premier, là, j'en ai fait une, là, puis ça m'a pris, je pense, huit, neuf sessions, parce que je le faisais évidemment à temps partiel, puis ça correspondait, là, à la capacité ou au temps que je pouvais y investir. Alors, est-ce que, dans votre exemple, vous parlez de gens qui étudient à temps plein puis qui échouent? Expliquez-moi ça.

Le Président (M. Arseneau): M. Saint-Jacques.

M. Saint-Jacques (Alain): Bon, le chiffre de... D'abord, pour clarifier ça, le chiffre de 7,7, c'est la moyenne que ça prend pour compléter une maîtrise. Donc, les gens qui échouent ne complètent pas, ne sont donc pas comptés.

Concernant la raison, nous croyons que c'est par manque de financement. On sait qu'à l'Université de Sherbrooke plus de 40 % des étudiants aux cycles supérieurs ont recours au système de prêts et bourses, et donc le système demande que nous travaillions à l'extérieur pour aller chercher une certaine part de revenus. Donc, c'est des travaux qui doivent être faits à l'extérieur. Évidemment, quand qu'on a un emploi en plus de ses études, c'est du temps qu'on ne consacre pas à nos études. Donc, c'est pourquoi nous demandons une session de plus et non pas d'aller rejoindre la moyenne. On croit qu'avec une session de plus ça va nous permettre de travailler moins à l'extérieur et donc de finir dans les... et donc de diminuer la moyenne.

Le Président (M. Arseneau): Une courte question pour la députée de Chauveau, sur le même sujet, je suppose.

Mme Perreault: Oui. Bonjour à vous. C'est juste par éclaircissement. Vous dites que, si j'ai bien compris, 40 % bénéficient de prêts et bourses, ou c'est le contraire? Vous parliez tantôt, là, des étudiants, là, au deuxième cycle. C'est parce que j'essaie de comprendre, vous nous dites... Si vous avez une session de plus, ça va vous empêcher de travailler à l'extérieur. Ma question, c'est: Quand on bénéficie des prêts et bourses, règle générale on travaille moins, parce qu'on a un seuil quand même. Vous travaillez autant, c'est ça?

M. Saint-Jacques (Alain): Je me suis mal exprimé, vous faites bien de me reprendre. Donc, on a présentement cinq ou six sessions financées par les prêts et bourses, qui nécessitent de travailler un peu à l'extérieur. Toutefois, on arrive au bout de ces sessions-là, et... Par exemple, il y a des programmes où on dit: C'est minimalement six sessions, faire un programme de maîtrise. Quand qu'on arrive au bout, on a le droit seulement à des prêts, et là vous comprendrez que vivre seulement sur des prêts, ça coûte cher. Donc, les étudiants vont se prendre un emploi à l'extérieur pour réussir à manger finalement et travaillent, dans ce cas-là, bien au-delà des 15 heures qu'on suggère normalement raisonnables. Et, en travaillant 35, 40 heures à l'extérieur, c'est évident que ça laisse moins de temps pour les études, et donc ça prend plus de temps.

Le Président (M. Arseneau): Bien. Alors, en respectant nos règles, je vais maintenant me tourner vers la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Alors, merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue et de vous revoir, pour certain nombre d'entre vous. Je vous remercie pour votre mémoire, qui est effectivement assez fouillé et bien documenté. Il comporte beaucoup de demandes. Mais j'imagine que ça correspond à la réalité avec laquelle vous êtes confrontés au quotidien et, pour certains de vos camarades, où c'est peut-être plus difficile encore.

Je voudrais venir sur des recommandations, là, qui concernent le support à la recherche et la part des fonds subventionnaires. Bon. Alors, vous dites... Et ça, c'est intéressant de vous citer, parce que ? j'aime bien ? on dit: «Nos détracteurs arguent souvent que les fonds alloués à la recherche au Canada ont augmenté et que le Québec peut donc diminuer son effort financier d'autant. Nous tenons à rappeler que le succès des étudiants québécois aux concours de bourses fédéraux a considérablement augmenté au cours des dernières années et que cette hausse est attribuable au dynamisme de la recherche au Québec. Diminuer les fonds québécois de soutien à la recherche reviendrait à diminuer notre part des fonds canadiens ? j'imagine des fonds que nous pouvons aller chercher, évidemment. Investir dans la recherche est donc très rentable à court terme. Ajoutons que la philosophie québécoise en matière de développement de la recherche diffère sur plusieurs points de la philosophie canadienne, notamment quant à la part du financement accordé aux sciences humaines et sociales, et que le Québec doit garder les rênes de la recherche s'il veut conserver son identité nationale.»

Alors, je trouvais que c'était bien camper une différence qui nous, donc, caractérise puis en même temps resouligner l'importance d'investir en recherche. Vous savez, et vous l'avez mentionné, que le gouvernement réduit malheureusement les sommes attribuées aux fonds subventionnaires. J'espère que le prochain budget va lui permettre de corriger le tout.

n(17 h 40)n

Toujours relié à cette question, vous faites trois recommandations à la page 11 ? vous les reprenez à la fin, là, mais à la page 11 ? et c'est lié justement aux fonds subventionnaires québécois. On dit: «Le REMDUS maintient les demandes du Conseil national des cycles supérieurs ? qui sont venus déjà présenter leur mémoire ? et demande une fois de plus un effort conjoint des organismes subventionnaires et des universités en vue d'améliorer les mécanismes de reddition de comptes et de mesurer la part réelle des subventions servant à soutenir les étudiants.» J'aimerais que vous m'en parliez un peu, me disiez c'est quoi, vos inquiétudes sur cela.

L'autre recommandation, vous demandez aux trois fonds subventionnaires d'adopter une politique de financement tenant compte du financement étudiant, là aussi j'aimerais que vous me précisiez ce que vous voulez signifier, et vous demandez au FRSQ, là, au Fonds de recherche en santé du Québec, d'allouer une plus grande place au soutien indirect des étudiants-chercheurs. Ça se trouve à la page 11, là, de votre mémoire.

Le Président (M. Arseneau): M. Saint-Jacques.

M. Saint-Jacques (Alain): Oui. Concernant le mécanisme de reddition de comptes, c'est que présentement les chercheurs qui reçoivent des fonds des fonds subventionnaires, dans les rapports qu'ils font, ne sont pas obligés de mentionner quelle part du financement va en soutien direct aux étudiants, donc directement en bourses d'études ou, dans certains cas, en salaires pour des étudiants. Donc, c'est difficile d'évaluer à quoi servent ces fonds-là, et, nous, on aimerait justement, par souci de transparence, savoir qu'est-ce qu'il devient de cet argent-là et quelle proportion va réellement dans la poche des étudiants. Donc, ça, c'est pour répondre à la première question.

Pour répondre à la deuxième, concernant le financement tenant compte du financement étudiant, en fait c'est du financement d'étudiant donc, c'est que les fonds subventionnaires se donnent des politiques d'objectifs à atteindre en matière de financement direct aux étudiants. Donc, c'est tout simplement ça.

Puis la troisième question...

Mme Marois: Le soutien direct des étudiants-chercheurs.

M. Saint-Jacques (Alain): Bien, c'est qu'on juge que le FRSQ est probablement, des trois fonds, celui pour lequel il y a le moins d'argent qui va directement soutenir les étudiants, et c'est pourquoi on aimerait que ce soit davantage le cas.

Mme Marois: Vous avez recommandé que les sommes affectées aux fonds de recherche, que ce soit en santé, ou celui sur la nature et technologies, société, culture, soient augmentées de telle sorte qu'ils puissent couvrir l'ensemble des demandes présentées par les étudiants et étudiantes. Est-ce que vous vous êtes inspirés des documents présentés par les différents fonds pour arriver aux sommes? Parce que vous arrivez à des sommes assez précises, hein? Vous demandez qu'on augmente les fonds, là...

Une voix: Page 13.

Mme Marois: À la page 13, c'est ça, vous identifiez, là, formellement ? attends un peu, c'est ça... Vous dites, bon: 10 millions de plus au FRSQ, 19 millions... On dit: 10 millions au Fonds sur la nature et la technologie, bon, etc. Alors, je voulais savoir si vous aviez consulté d'autres documents pour arriver à ces chiffres-là ou c'est à partir d'une analyse qui vous était propre?

M. Saint-Jacques (Alain): D'abord, concernant le financement de toutes les demandes, ce n'est pas de «toutes les demandes», c'est de «toutes les demandes que les fonds jugent admissibles».

Mme Marois: On se comprend. Vous avez tout à fait raison et vous faites bien de le préciser.

M. Saint-Jacques (Alain): On met ça au clair. Parce que présentement, comme je l'ai mentionné en introduction, il y a d'excellents étudiants qui mériteraient d'avoir des bourses parce qu'ils ont des dossiers totalement impeccables et qui malheureusement ne sont pas financés. Et ça, ça a deux conséquences: soit ils cessent leurs études, ne continuent pas, et on perd certains de nos meilleurs éléments de recherche, ou soit ils sont récupérés par des universités américaines qui, elles, les financent correctement avec des bourses ou des fonds privés, donc ça contribue à l'exode des cerveaux.

Deuxièmement, concernant les chiffres, on a fait une analyse interne et on a travaillé en collaboration avec le Conseil national des cycles supérieurs, qui, eux, sont en relation directe avec les fonds et donc les chiffres.

Mme Marois: Merci, on va revenir en deuxième...

Le Président (M. Arseneau): Alors, nous allons aller du côté du ministre de l'Éducation.

M. Reid: Est-ce que mes collègues ont des questions? Oui? M. le Président...

Le Président (M. Arseneau): Oui, alors... Ah! M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Bonjour. Au niveau des étudiants internationaux, vous parlez qu'il y a eu une hausse annuelle de 172 $ par année. Pourquoi vous mentionnez ça dans votre rapport? Pourquoi cette hausse vous tracasse? Étant donné que c'est des étudiants de l'extérieur, est-ce qu'ils doivent payer le montant que ça coûte?

M. Saint-Jacques (Alain): Bien, d'abord c'est une hausse qu'on juge importante. Vous allez remarquer dans notre mémoire... Je n'ai pas le chiffre exact en tête, mais, si je me rappelle bien, c'est d'environ six point quelques pour cent par année. Donc, c'est important.

Deuxièmement, souvent ces hausses-là sont mentionnées... Les étudiants qui sont déjà ici, qui ont commencé leurs études, qui sont, par exemple, en deuxième année, apprennent au mois d'août que, pour l'année suivante, ça va leur coûter plus cher. Ils n'ont pas accès au régime de prêts et bourses, ils n'ont pas accès au travail hors campus et donc sont très limités dans les moyens d'aller chercher ce financement supplémentaire là.

Et finalement nous considérons que l'apport de ces étudiants-là est supérieur à ce qu'ils coûtent à la société. Particulièrement aux cycles supérieurs, ce sont des étudiants qui contribuent dans nos groupes de recherche, qui nous permettent d'avoir plus d'information, ce qui nous permet d'avoir... d'aller parfois chercher une expertise externe qu'ils ont eue dans le pays où ils ont fait leurs premières études. Donc, c'est un apport incroyable pour la recherche et le développement technologique au Québec.

D'autre part, il faut aussi tenir compte de l'apport économique de ces étudiants-là. Ce sont des étudiants, comme vous l'avez dit, qui viennent de l'extérieur du Québec. Ils viennent ici, ils dépensent ici, ils font vivre des commerces, des entreprises. Et donc nous croyons qu'en ce sens il est préférable d'avoir davantage de ces étudiants-là, et leur apport économique et intellectuel est plus important que les frais de scolarité qu'on peut aller leur soutirer.

Le Président (M. Arseneau): M. le ministre.

M. Reid: Une question qui ne devrait pas être très longue. Je voudrais savoir s'il y avait une position... Vous savez, quand on parle de bourses et qu'il y a... et c'est vrai aussi dans une université ? ça m'est déjà arrivé ? il y a des sommes qu'on juge disponibles pour augmenter le traitement par les bourses, le dilemme est toujours à savoir: Est-ce que ces sommes-là devraient être consacrées à l'augmentation de la valeur de chaque bourse, ou à l'augmentation du nombre de ces bourses, ou une combinaison? Est-ce que vous avez une position là-dessus, par rapport à vos demandes?

M. Saint-Jacques (Alain): Oui. Concernant les bourses des fonds subventionnaires, nous demandons une augmentation du nombre. Nous croyons que présentement le niveau de financement actuel des montants octroyés par les fonds subventionnaires permet à un étudiant de bien vivre et de faire ses études sans avoir à travailler à l'extérieur. Et donc nous croyons que la demande est clairement d'augmenter le nombre de bourses pour pouvoir financer l'ensemble des demandes admissibles sans diminuer le montant des bourses.

M. Reid: Merci.

Le Président (M. Arseneau): Oui. Alors, je vais me tourner du côté de la députée de Champlain.

Mme Champagne: Oh! Nous allons dépasser une minute. Alors, bonjour à vous quatre ? il faut avoir un petit peu d'humour en cette fin de journée. Écoutez, nous avons reçu plusieurs groupes, et, vous précédant, l'Institut économique de Montréal, dont le Conseil du patronat sont convaincus que l'augmentation des frais de scolarité ne mettra ni en péril l'étude de nos étudiants et ni en péril l'accessibilité. Je lis, en page 19 de votre document, mais évidemment vous vous doutez un peu, tout le contraire. Et vos deux paragraphes sur la contribution étudiante, monétaire ou sociale, je pense, mériteraient un petit peu plus d'explications de votre part.

Et expliquez-moi en quoi tous les groupes d'étudiants... Au-delà du fait que, quand on demande à quelqu'un une augmentation ? il nous l'a signifié tantôt ? on n'est pas d'accord à voir augmenter les frais, en quoi et sur quoi vous vous basez, de façon très, je dirais, précise... sur l'inquiétude que vous avez de voir augmenter les frais, sur la non-accessibilité et sur le danger que des étudiants laissent leur cours ou doivent travailler tellement d'heures qu'ils mettent en péril le résultat et le succès de leurs études, j'aimerais vous entendre là-dessus.

n(17 h 50)n

M. Saint-Jacques (Alain): Bien, il y a plusieurs choses pour justifier le gel des frais de scolarité. D'abord, comme on l'a mentionné et comme la FEUQ l'a mentionné également dans leur mémoire, c'est une question d'accessibilité. On considère qu'il est important que l'ensemble des jeunes Québécois qui veulent faire des études universitaires et qui ont le potentiel pour le faire puissent le faire. Et nous sommes convaincus que l'augmentation des frais de scolarité nuirait à l'accessibilité.

J'écoutais les gens de l'Institut économique de Montréal tantôt et j'ai également lu leur note économique, à laquelle on a répondu, et, quand... En fait, je vais répéter ce que la députée de Taillon a dit tantôt, quand on dit que 26 % des jeunes en Ontario ne continuent pas leurs études à cause des frais de scolarité, et c'est, si je me rappelle bien, 18 % au Québec ? 13 %? ? ça me semble clair comme de l'eau de roche que la raison, c'est parce que ça coûte plus cher on Ontario, il y a moins de jeunes qui peuvent y aller. Donc, ça, ça en est une.

L'autre chose, nous considérons, et je l'ai dit tantôt, que les jeunes Québécois qui font des études universitaires sont un investissement rentable pour la société. D'abord, oui, c'est vrai que les jeunes diplômés ont des salaires moyens en général plus élevés que les autres contribuables québécois. Toutefois, ce faisant, ils vont payer davantage d'impôts. En fait, la différence d'impôts qu'ils vont payer, c'est sept fois le coût moyen de leur formation. Donc, c'est déjà une contribution supplémentaire qu'ils vont faire à l'économie et au bien-être de la société en général. D'autre part, ils vont avoir un apport dans la société qui va être important: c'est important pour une société comme la nôtre d'avoir des enseignants bien formés, d'avoir des médecins bien formés, d'avoir des avocats bien formés. Peu importe la discipline, si on a des gens bien formés, c'est l'ensemble de la société qui en retire les bénéfices. Donc, ça nous apparaît une autre raison de maintenir l'accessibilité la plus grande possible. Donc, ce serait à peu près ça.

Mme Champagne: Merci.

Le Président (M. Arseneau): M. le député de Bertrand, vous avez tout le temps qu'il faut, comme la députée d'ailleurs, de Champlain.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Bon. Comme j'ai posé une question ce matin à un groupe d'étudiants qui nous a rencontrés, beaucoup de groupes d'étudiants nous ont parlé de la recherche universitaire puis ils ont parlé de l'implication du secteur privé dans la recherche universitaire, j'aimerais avoir votre opinion sur l'apport de l'entreprise privée au niveau du financement de la recherche, de un. J'aimerais que vous me précisiez si on doit baliser tout ça.

M. Saint-Jacques (Alain): D'abord, concernant l'apport de l'entreprise privée dans la recherche, nous considérons que c'est un bon apport. En général, c'est intéressant d'avoir des partenariats entre les universités et le privé au niveau de la recherche. Qu'on pense, par exemple, à la recherche en partenariat, en général ça permet à un étudiant de bien se former et d'avoir un contact direct avec le milieu du travail et non pas d'être complètement coupé. Ça va lui permettre, entre autres, de se placer plus facilement.

Toutefois, oui, il y a des balises à apporter, oui, il y a certaines conditions qu'il faudrait mettre, parce qu'on a vu quelques cas d'horreur et on ne veut pas que ça se reproduise. Par exemple, quand un étudiant fait une maîtrise en partenariat avec une entreprise privée et que l'entreprise considère que la recherche qu'elle fait est une recherche confidentielle, qui ne peut pas être publiée, ça fait que l'étudiant ne peut pas publier son mémoire ou sa thèse dans certains délais et ne peut donc pas être diplômé, et là, dans ce cas-là, ça va lui fermer les portes. Soit il continue de travailler pour l'entreprise en n'étant pas reconnu comme un diplômé ou soit il recommence une autre maîtrise, tout simplement. Donc, il faut que ce soit clair en partant, que les contrats qui régissent les partenariats soient clairs à ce niveau-là, que l'étudiant doit pouvoir publier ses travaux, ses résultats pour pouvoir graduer.

Autres problèmes qu'on peut voir, c'est des problèmes d'encadrement. Parce que, évidemment, l'étudiant va être encadré, dans un cas de partenariat, par un professeur, mais aussi par un supérieur en entreprise, et il faut que les tâches et les responsabilités de chacun de ces intervenants-là soient bien balisées pour éviter des problèmes et pour que l'étudiant sache à qui s'adresser et pourquoi.

Et puis finalement il faut que la rémunération de ces étudiants-là soit claire. Si un étudiant, pour faire ses recherches, se trouve à être un employé d'une entreprise en partenariat, il faut qu'il soit rémunéré comme un employé. Il n'est pas question qu'un étudiant de niveau maîtrise ou doctorat travaille à temps plein dans une entreprise pour 12 000 $ par année, là. C'est en bas du salaire minimum. Donc, il faut qu'il y ait un traitement équitable, il faut que l'entreprise qui en tire des bénéfices paie la personne en question convenablement. Donc, ce seraient les principales balises qu'on verrait à apporter dans ces cas-là.

M. Cousineau: Certains nous ont mentionné que ce serait peut-être intéressant de créer un fonds institutionnel ou un fonds national, mais un fonds institutionnel pour pouvoir recevoir les argents en provenance de l'entreprise privée, pour fins de recherche, là, afin que ces argents-là soient distribués d'une façon plus équitable à l'intérieur de l'institution, à l'intérieur de l'université. Est-ce que vous pensez que c'est une avenue qui est intéressante pour empêcher, là, les conflits d'intérêts ou empêcher que l'entreprise mette des conditions trop sévères?

Le Président (M. Arseneau): En une minute, M. Saint-Jacques.

M. Saint-Jacques (Alain): Merci. Effectivement, ça peut causer des problèmes. Pour nous, il est inadmissible qu'une entreprise vienne dicter une offre de cours. C'est clair qu'il faut que ce soit séparé, il faut que l'université garde son indépendance. Pour ce qui est de la recherche, il ne faut pas non plus que l'entreprise vienne dicter qu'est-ce qui va se faire comme recherche, qu'on développe, par exemple, des équipements ou des technologies qui vont pouvoir servir seulement à cette entreprise-là. Donc, l'idée d'un fonds ne nous apparaît pas mauvaise, mais là il faudrait voir les modalités. On ne s'est pas posé la question jusque-là.

Le Président (M. Arseneau): Alors, je pense qu'il reste encore suffisamment de temps pour permettre à la députée de Chauveau une brève question.

Mme Perreault: Je veux juste avoir un éclaircissement, là. Quand vous disiez tout à l'heure qu'il y avait des étudiants qui signaient un contrat avec une entreprise privée, je veux juste que vous précisiez davantage, parce que ça m'apparaît assez gros, là, comme allégation, là, qu'ils auraient signé, par exemple, un contrat de recherche sur une base puis qu'en cours de recherche l'entente changerait, puis là l'étudiant deviendrait comme lésé parce qu'il ne pourrait pas publier.

Je veux juste qu'on précise, parce que je pense que c'est important, là, de le préciser: Est-ce qu'à la base, quand l'entente est signée entre l'étudiant et/ou l'entreprise ou... bon, il y a une entente de non-divulgation pour des raisons économiques ou commerciales ou de développement économique, ou si ces ententes-là changent en cours de route? Parce que tout à l'heure vous avez comme laissé supposer que l'entente pouvait changer en cours de route, ce qui lésait les droits de l'étudiant, puis je pense que c'est important que vous le précisiez.

M. Saint-Jacques (Alain): Non, ce n'est pas que l'entente change en cours de route, c'est que parfois l'entente... On a vu des cas où il n'y avait pas d'entente du tout, il n'y avait pas de contrat écrit, ça, c'est quelque chose qu'on juge inadmissible, et, à la fin des études, l'étudiant arrivait pour publier sa thèse, et l'entreprise disait: Non, non, ça, c'est mon travail, c'est ma recherche, il n'est pas question que ce soit publié. Donc, ça, c'est inadmissible. Il faut qu'il y ait un contrat clair, et c'est pourquoi on suggère que l'ensemble de ces types d'intervention là passent par les bureaux de liaison entreprises-université qui existent afin que les ententes soient claires à ces sujets-là et qu'obligatoirement ces ententes-là permettent à l'étudiant de publier ses travaux, qui est une condition nécessaire à l'obtention de son diplôme.

Mme Perreault: Juste pour...

Le Président (M. Arseneau): Écoutez...

Mme Perreault: Une seconde.

Le Président (M. Arseneau): Oui, brièvement.

Mme Perreault: Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il y aurait des ententes... qu'il n'y a pas de règles finalement qui régissent ces ententes entre étudiants... Parce qu'il me semble que, quand votre recteur est venu, il nous a dit qu'il n'avait pas de problème avec ça, lui, chez eux, qu'ils bénéficiaient de contrats de recherche privés puis qu'au contraire c'était bénéfique pour l'université. Je veux juste comprendre bien, parce que c'est un élément qui est important, vous comprenez, là, non seulement pour la commission, mais pour le public en général.

Le Président (M. Arseneau): Rapidement, M. Saint-Jacques.

M. Saint-Jacques (Alain): Oui, rapidement. Effectivement, c'est très bénéfique. Toutefois, il y a eu des cas de problèmes, et c'est pour ça que nous voulons nous assurer... Nous ne sommes pas contre la recherche en partenariat, parce que, effectivement, c'est très bénéfique, et à la fois les universités, les entreprises et les étudiants en profitent. Toutefois, il y a eu des cas problèmes, des histoires d'horreur, et c'est pourquoi nous voulons qu'il y ait des protocoles d'entente très clairs qui vont protéger les étudiants.

Le Président (M. Arseneau): Alors, sur ces mots, je veux remercier Mme et MM. les représentants du Regroupement des étudiantes et étudiants de maîtrise, de diplôme et de doctorat de l'Université de Sherbrooke. Je veux vous remercier de vous être déplacés jusqu'ici pour rencontrer les gens de la commission. Bon retour chez vous. Les membres de la commission ont énormément apprécié votre disponibilité et la qualité de votre mémoire.

Alors, sur ces mots, je remercie les membres de la commission pour leur discipline, qui fait qu'on pourra ajourner nos travaux jusqu'au jeudi 25 mars, après les affaires courantes, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 17 h 59)

 

 


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