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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 25 mars 2004 - Vol. 38 N° 25

Consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures quinze minutes)

Le Président (M. Arseneau): Alors, bonjour à tous. Nous allons débuter nos travaux. Je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte. Je veux rappeler le mandat de cette commission, qui est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités du Québec.

Et je me permettrais, à ce moment-ci, de faire un bref aparté qui nous rappellera la mission première de notre commission, à savoir les étudiants et leur avenir que l'on veut tous brillant et heureux. Ce soir, après plusieurs heures de travaux, nous allons tous rentrer chacun chez nous dans nos familles, mais ce soir, pour la famille de Dany Tremblay, c'est un drame. Ce jeune homme est un étudiant de l'Université du Québec à Chicoutimi qui a été retrouvé mort dans un champ, dans des circonstances particulières. Alors, je souhaite que de pareilles tragédies ne se reproduisent plus. Alors, je souhaite, au nom de la commission, à la famille et aux amis de Dany Tremblay nos plus sincères condoléances et l'assurance de notre plein appui. Nous avons une pensée pour celles et ceux qui sont touchés par des drames injustifiés.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ouimet (Marquette) remplace M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président (M. Arseneau): Alors, l'ordre du jour, cet après-midi, est le suivant: nous entendrons d'abord la Chambre de commerce du Montréal métropolitain ? les gens sont déjà assis, en place avec nous; ensuite, le Forum des doyennes et des directrices de l'Association canadienne des écoles de sciences infirmières ? région du Québec; et enfin le troisième groupe, l'Association des étudiants et étudiantes de deuxième et troisième cycles de l'Université McGill.

Auditions (suite)

Alors, j'invite toutes les personnes présentes à éteindre leurs téléphones cellulaires. Nous avons donc déjà avec nous, en place, les représentants de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. M. Labonté, le président, alors je vous demande de présenter les gens qui sont avec vous, et vous avez une vingtaine de minutes pour faire votre présentation. Nous vous écoutons attentivement.

Chambre de commerce
du Montréal métropolitain

M. Labonté (Benoit): Merci beaucoup, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui en commission parlementaire. Vous me permettrez tout d'abord de vous présenter notre vice-présidente, stratégies, communications, Mme Isabelle Hudon, qui m'accompagne à la table aujourd'hui.

D'abord, quelques mots sur la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui représente quelque 7 000 membres, plus de 180 années d'histoire. Nous avons une mission double, à la fois de représentation et de promotion du développement économique de la région de métropolitaine de Montréal ainsi que de services à nos membres bien sûr, mais plus largement à la communauté des affaires. Je vous signale par ailleurs notre intérêt historique constant pour l'éducation, particulièrement en ce qui concerne l'enseignement supérieur, puisque la chambre a contribué à fonder, en 1910, l'École des hautes études commerciales de Montréal.

Cela dit, la perspective de la chambre évidemment, c'est celle de l'agglomération urbaine de Montréal. C'est 3,4 millions d'habitants; c'est 1,7 millions d'emplois; c'est plus de la moitié du PIB québécois; c'est 80 % des exportations de produits de haute technologie du Québec et c'est également le principal centre de recherche, d'enseignement et d'enseignement universitaire au Québec. Bref, nous le savons tous, Montréal est le moteur économique vital du Québec. Et le Québec, nous le savons également, a besoin d'un moteur économique extrêmement performant.

Dans notre mémoire et pour la présentation d'aujourd'hui, la chambre souhaite faire valoir les points suivants: d'abord, souligner la très grande importance du réseau universitaire qui est au coeur de l'innovation, de la productivité et de la compétitivité économique du Québec et de l'agglomération urbaine de Montréal, bien sûr; ensuite, nous voudrions parler des constats que nous faisons relativement au sous-financement du réseau au moment où nous avons un besoin critique à nos yeux d'universités performantes; et finalement nous parlerons de l'importance d'opérer un virage majeur en matière de financement de l'éducation supérieure.

D'abord, parlons d'innovation, de productivité et de compétitivité économique. L'économie du XXIe siècle, nous le savons tous, est une économie du haut savoir et de l'innovation. Quand on... lorsqu'on parle de haut savoir, on parle bien sûr de l'importance du capital humain, qui est lui-même tributaire de la qualité de la formation et particulièrement, je dirais, de la formation universitaire. Le XXIe siècle va être marqué également par l'importance de l'innovation, donc du savoir, pour la compétitivité de nos entreprises.

n (15 h 20) n

Or, le savoir se retrouve heureusement parmi les atouts de Montréal. Nous avons la chance, à Montréal, de pouvoir compter sur trois secteurs de haut savoir qui sont particulièrement bien développés; je parle du secteur biopharmaceutique, de l'aéronautique et de l'aérospatiale et des technologies de l'information. Ce sont, ces trois secteurs, des pôles technologiques d'envergure internationale qui, à eux trois, comptent... représentent plus de 150 000 emplois à Montréal. Et c'est également des secteurs qui ont été identifiés comme des forces par l'OCDE dans son très récent examen territorial de la région métropolitaine de Montréal qui a été publié le mois dernier, exercice qui a été coordonné par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Et finalement les trois secteurs, biopharmaceutique, aéronautique, technologies de l'information, sont des secteurs qui entretiennent des liens étroits avec les activités universitaires.

Montréal est au coeur évidemment... c'est le coeur universitaire du Québec. Il y a quatre universités sur l'île de Montréal, quatre grandes écoles, 201 centres de recherche, deux facultés de médecine. Il faut bien noter que Montréal est la seule ville canadienne à pouvoir compter sur deux facultés de médecine sur son territoire. C'est près de 120 000 étudiants équivalents temps plein, c'est-à-dire plus de la moitié des étudiants universitaires québécois; c'est 25 000 étudiants d'origine... qui originent de l'extérieur du Québec et c'est aussi 75 % de la recherche universitaire du Québec qui est réalisée dans la métropole. Et cette recherche universitaire, c'est important de le mentionner, elle a généré, en 2001, pour 2,5 milliards de retombées économiques strictement en salaires, en biens et en services. Et je ne compte pas, dans le 2,5 milliards, le milliard de dollars supplémentaires que représente la commercialisation par le secteur privé des découvertes qui ont été faites au sein des universités. Alors, l'impact économique des universités n'est vraiment plus à notre avis à démontrer.

Si on parlait maintenant de la situation financière des universités. Nos universités à notre avis sont sous-financées parce que, en partie... d'abord parce que... La concurrence des universités étant mondiale, les moyens à la disposition de nos universités sont forcément maintenant comparés aux autres institutions ailleurs dans le monde. Et cette concurrence, bien elle se fait sentir pour attirer les chercheurs, pour attirer les professeurs et pour attirer les étudiants, et surtout pour les garder. Or, les universités dans les territoires voisins du Québec ont des moyens, disposent de moyens financiers supérieurs à celles du Québec. Et il faudrait ? et, là-dessus, il y a une étude conjointe de la CREPUQ et du ministère de l'Éducation ? il faudrait 375 millions de plus par année au réseau québécois pour avoir strictement des moyens comparables aux autres universités canadiennes. Et, si on voulait pousser un petit peu plus loin en Amérique du Nord, ça prendrait environ 1,8 milliard de dollars par année pour avoir des moyens équivalents aux universités américaines.

Mais parlons du 375 millions pour commencer. Nos universités, dans ce contexte évidemment, ont un besoin critique de moyens financiers accrus parce que, sans des moyens comparables à leurs concurrentes, nos universités participent malgré elles et bien involontairement à un exode des cerveaux, un exode des cerveaux à cause de leur incapacité à retenir les meilleurs étudiants, professeurs et chercheurs qui sont attirés ailleurs par de meilleures conditions. Et ça, ce n'est certainement pas dans le mandat de nos universités, de participer bien malgré elles à l'exode des cerveaux québécois.

D'autre part, la formation et la recherche universitaires sont au coeur de la productivité et de la capacité d'innover de notre économie. Or, avec 21 % seulement de la population de 25 ans et plus qui détient un diplôme universitaire, Montréal ne se classe qu'au 20e rang sur 26 parmi les agglomérations nord-américaines, et cela, dans un contexte où nous avons besoin d'améliorer notre performance économique globale. Soulignons que nous sommes, en termes de PIB per capita, de richesse collective... nous sommes 44e sur 65 au niveau des grandes agglomérations de la zone de l'OCDE et, en Amérique du Nord, parmi les agglomérations de 2 millions et plus, nous sommes 26e sur 26 en termes de richesse collective, et ça n'a rien de particulièrement réjouissant.

Alors, ces constats étant posés, que faire maintenant? Quelles solutions s'offrent à nous? D'abord, il faut avoir en tête deux considérations principales, utiles pour guider notre réflexion. La première, c'est que personne n'a les moyens à nos yeux d'assumer seul toute la facture. Deuxièmement, les universités bénéficient à tous: au gouvernement bien sûr, aux étudiants et également aux entreprises. Considérant cela, nous estimons que tous devraient contribuer ensemble et avec créativité.

Parlons d'abord du premier bénéficiaire d'universités en santé et performantes, le gouvernement. Le maître mot qui devrait le concrétiser, c'est l'engagement. Selon nous, selon la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le gouvernement devrait combler la première moitié du 375 millions de dollars manquants annuellement, mais surtout garder en tête que, pour chaque dollar supplémentaire demandé aux étudiants, le gouvernement devra auparavant en avoir investi un. À notre avis, cela serait un signal très clair de la part du gouvernement sur l'importance stratégique qu'il accorde pour le Québec à un enseignement supérieur non seulement de très grande qualité, mais de calibre mondial. Plus précisément, la chambre souhaite que le gouvernement investisse annuellement 187 millions de dollars supplémentaires pour les universités. Cela représente une augmentation de seulement 5,4 % des dépenses gouvernementales pour l'enseignement supérieur, une augmentation de seulement 1,7 % du budget de 11 milliards de dollars alloué à l'éducation et une augmentation de seulement 0,36 % du budget total du gouvernement. Et ça, c'est extrêmement important: 0,36 % de plus du budget total du gouvernement afin d'assurer l'excellence de nos universités québécoises, 0,36 % afin de nous assurer d'un meilleur avenir collectif dans le siècle du savoir.

Deuxième groupe bénéficiaire de l'enseignement supérieur, les étudiants. Le maître mot qui doit les caractériser à notre avis, c'est investissement. Les étudiants obtiennent un taux de rendement exceptionnel sur l'investissement qu'ils font en fréquentant l'université, entre 12 % et 20 %, selon les diverses études. Or, il est intéressant de noter que les frais de scolarité représentent une part relativement peu élevée de l'ensemble des dépenses liées au fait d'être aux études au Québec, soit moins de 20 % des dépenses. D'autre part, les frais de scolarité encaissés par les universités québécoises ne représentent que 9,2 % de leurs revenus, comparativement à 26 % en Nouvelle-Écosse et 25 % en Ontario.

Le gel des frais de scolarité qui a cours depuis une dizaine d'années au Québec équivaut en fait à une baisse annuelle des frais qui est équivalente à l'inflation, et ça, à notre avis, c'est un non-sens. Aujourd'hui, il en coûte 277 $ de moins par année en dollars constants pour le paiement des frais de scolarité par rapport à ce qu'il en coûtait en 1994-1995. Et la simple indexation des frais de scolarité au coût de la vie aurait procuré, cette année seulement, aux universités 60 millions de dollars de plus, et ça aurait fourni, au cours des 10 dernières années, de façon cumulative, 251 millions de dollars aux universités.

Ainsi, pour ce qui est des étudiants, la chambre propose que les étudiants comblent la deuxième moitié du 375 millions de dollars manquant, soit 187 millions également de plus par année. Cela impliquerait une augmentation des frais de scolarité de 1 055 $, les faisant passer à 2 917 $ par année. 1 055 $ d'augmentation de frais scolaires annuellement, ça équivaut à 3 $ par jour, ça équivaut finalement à un café latté par jour.

n (15 h 30) n

Néanmoins, malgré cette augmentation que nous proposons, de tels frais, 2 900 $, seraient les deuxièmes plus bas au Canada après Terre-Neuve et demeureraient de 28 % inférieurs à la moyenne actuelle au Canada, soit 4 025 $.

Et ce qu'il est intéressant de noter également, c'est qu'une telle augmentation ne correspond qu'à une augmentation de 9,5 % des dépenses courantes, des dépenses admises pour une année typique d'études de premier cycle universitaire. Et, sur ce point, je vous invite ? on vous a passé le document ? je vous invite à consulter le tableau que nous avons tiré du logiciel de calcul de l'aide financière que le ministère de l'Éducation du Québec met à la disposition des étudiants pour évaluer l'aide financière à laquelle ils ont droit.

Cela dit, s'il faut donner aux universités les moyens financiers d'exceller, celles-ci doivent demeurer à notre avis pleinement accessibles, peu importent les moyens financiers à la disposition des étudiants. Dans la poursuite de cet objectif, nous croyons qu'il y a place pour beaucoup de créativité afin d'assurer la mise en place de mécanismes d'aide efficaces. Je vous en suggère quelques-uns, pour fins de discussion: ça pourrait être une hausse proportionnelle de l'aide financière gouvernementale aux études; nous pourrions envisager une application progressive de la hausse des frais de scolarité; cela pourrait être également une application totale ou partielle du régime britannique permettant de reporter le paiement des frais de scolarité au moment de l'arrivée sur le marché du travail; et ça pourrait finalement être la possibilité d'avoir des frais de scolarité variables pour différents domaines de formation selon le coût de la formation et le revenu moyen des gradués. Par exemple, est-il normal que des frais de scolarité soient les mêmes pour un étudiant en anthropologie qu'un étudiant en médecine?

Troisième groupe bénéficiaire finalement des universités, les entreprises. Et le maître mot qui doit les caractériser à notre avis, c'est «implication». Les entreprises contribuent déjà beaucoup au financement des universités. En fait, par exemple, en 2001-2002, les entreprises ont contribué pour plus de 200 millions de dollars aux universités: 77 millions sous forme de dons, 132 millions sous forme de subventions et de contrats. Et ce 200 millions de donné en 2001-2002 équivaut à près de 50 % de la contribution actuelle des étudiants au financement des universités. C'est une contribution qui est beaucoup plus importante par ailleurs que celle des particuliers dans une proportion de trois pour un. Alors, pour chaque dollar investi, donné à une université par un particulier, les entreprises en donnent trois, mais à notre avis, malgré cet effort important, nous croyons que les entreprises, la communauté des affaires pourraient donner encore plus de portée à leurs actions, notamment en étant davantage des partenaires des universités et des étudiants. Bref, nous incitons les entreprises que nous représentons à s'impliquer davantage afin qu'elles contribuent à valoriser l'éducation comme valeur fondamentale de notre société.

Être partenaires des universités, pour les entreprises, ça pourrait dire, par exemple, d'encourager leurs employés à suivre leur exemple et à donner également beaucoup plus à leur alma mater; ça pourrait être, pour les entreprises, également de mobiliser des entreprises d'un même secteur pour soutenir la formation universitaire et la recherche. Être partenaires maintenant... Pour les entreprises, être partenaires des étudiants, ça pourrait être pour le paiement des frais de scolarité. Par exemple, pourquoi ne pas rendre le remboursement des dettes d'études des employés par les employeurs comme étant des dépenses admissibles à la loi du 1 % sur la formation professionnelle? Ça pourrait être également de permettre... d'encourager et de permettre aux employeurs de contribuer financièrement aux régimes enregistrés d'épargne-études des enfants de leurs employés. Alors, encore là il y a énormément de créativité qui est possible.

En conclusion, M. le Président, je vous dirais qu'il y a, après lecture de tout ce qui a été dit devant la commission et tout ce que nous avons fait comme lectures de la littérature sur le sujet, je crois qu'il y a un consensus évident sur la nécessité d'augmenter les ressources financières des universités. La prochaine étape pour nous est plutôt d'en arriver à ce que les étudiants, la communauté des affaires et le gouvernement s'entendent pour dire qu'ils ont tous leur part à faire. Et, une fois cette étape franchie, la recherche et l'application de solutions pourront véritablement débuter en collaboration et avec créativité. Et, une fois cette étape franchie, en effet le gouvernement pourra faire preuve de plus d'engagement, les étudiants accepteront d'investir plus dans leur avenir et les entreprises s'impliqueront davantage encore. Parce que finalement le développement économique de la région de Montréal et par extension celui du Québec pourront se mesurer à notre capacité d'attirer, de former et surtout de retenir le talent.

Bref, la tenue de la commission parlementaire sur la qualité, l'accessibilité et le financement des universités est une occasion intéressante de relever les défis de l'innovation et de la productivité parce que, pour nous, une population éduquée égale une compétitivité assurée. Merci.

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup, M. Labonté, pour votre présentation. Vous avez été très respectueux du temps qu'on vous avait donné aussi. Les gens de la commission seront à même d'apprécier aussi l'originalité dont vous avez fait preuve en ce qui a trait, entre autres, aux modes de financement et aux moyens dont on peut... pourrait utiliser... ou le ministre pourrait utiliser pour ajouter de l'argent dans le réseau des universités.

Et je dirais que vous avez aussi un très bon plaidoyer en ce qui concerne le fait que les universités, c'est aussi important pour les retombées économiques dans les régions où se trouvent les universités. Si c'est vrai à Montréal par définition, comme nous sommes aussi des gens de région, ça peut être vrai pour les régions.

Alors, sur ce, je vais lancer les débats en disant que nous aurions du temps pour quatre blocs de huit minutes. Alors, je commence immédiatement avec le ministre de l'Éducation.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue à la Chambre de commerce de la région du Montréal métropolitain. Vous avez compris, dans l'intervention du président, que cette commission est aussi très préoccupée par l'ensemble des régions du Québec mais aussi par la région métropolitaine de Montréal, bien sûr.

Vous avez peut-être mieux que d'autres... ou de façon plus intégrée que d'autres parlé de l'accélération du développement des fondations universitaires, dont des levées de fonds, etc. Il y a deux sources généralement. Il y a les sources qui viennent des entreprises. Au Québec, c'est celle la plus développée parce qu'on n'a peut-être pas de tradition. Parce qu'ailleurs la source principale vient davantage des dons privés et des dons testamentaires. C'est donc dire que, si on veut développer pour essayer de... pour espérer atteindre un niveau que d'autres atteignent, en Amérique du Nord du moins, il faudrait peut-être travailler dans le sens des prêts privés et des dons privés, des dons testamentaires.

Croyez-vous qu'il y aurait lieu de travailler en collaboration? Et la collaboration... je parle bien sûr, là, du ministère, du gouvernement du Québec avec les chambres de commerce, avec les universités, avec peut-être d'autres groupes intéressés, peut-être l'Ordre des notaires, parce que, quand on parle de dons testamentaires, évidemment on le fait avec un notaire.

Pensez-vous qu'il y aurait lieu de faire... collaborer à un travail pour essayer d'inciter... trouver une façon d'inciter davantage des dons privés et des dons testamentaires au-delà du travail que les universités, un peu partout, commencent à faire fort bien, c'est-à-dire solliciter les entreprises pour leurs contributions?

Là où est la faiblesse du Québec, autant que je sache, c'est au niveau des dons privés, des dons testamentaires, surtout les dons qui permettent d'avoir une stabilité, c'est-à-dire des personnes qui vont donner un certain nombre de millions dont on va dépenser uniquement le fruit à chaque année. Est-ce que, là-dessus, il y a vraiment quelque chose qu'on pourrait faire, et avez-vous une idée de ce que ça pourrait être?

Le Président (M. Arseneau): M. Labonté.

M. Labonté (Benoit): Bien, il y a certainement, M. le ministre, énormément qu'on peut faire de ce côté-là pour faire preuve de créativité. Il y a d'abord, je pense, et on peut y contribuer comme chambre de commerce mais comme bien d'autres organisations au Québec... Il y a énormément de sensibilisation à faire encore pour faire comprendre à tous les individus à tous les niveaux, de bas âge jusqu'aux parents, l'importance de l'éducation dans l'économie du savoir. C'est la bouée de sauvetage, c'est par là que ça va passer.

Et pour ? je le dis avec un clin d'oeil ? pour reprendre une expression avec laquelle vous êtes familier: Si on veut briller parmi les meilleurs, il faut s'en donner les moyens. Et s'en donner les moyens, c'est aussi bien sûr pour les entreprises de participer. Et à cet égard-là la chambre a déjà fait énormément de travail de sensibilisation auprès de ses membres, auprès de la communauté d'affaires en identifiant très clairement et très souvent l'éducation, surtout l'éducation universitaire, comme étant un facteur de compétitivité incontournable.

n (15 h 40) n

Est-ce qu'on peut pousser plus loin, y aller d'actions de sensibilisation plus concrètes dans le sens que celles que vous suggérez? Absolument, et ça, nous, on est certainement ouverts parce qu'autant vous pourriez comme gouvernement bénéficier d'universités plus en santé, plus performantes, autant les entreprises vont bénéficier d'étudiants mieux formés et plus à même de répondre aux besoins de l'économie d'aujourd'hui.

Alors, nous, on est extrêmement ouverts. Je n'ai pas d'idée précise sur la forme exacte que ça pourrait prendre, mais, si vous m'offrez d'entamer les discussions aujourd'hui, j'accepte, j'accepte d'emblée. Mais je mettrais un bémol cependant, M. le ministre. Il ne faudrait pas que cet apport nécessaire, supplémentaire de la part des entreprises soit une occasion pour le gouvernement de se désengager. Il y a aussi nécessité pour le gouvernement non seulement de maintenir son engagement actuel, mais de l'accroître parce que lui aussi bénéficie, pour l'ensemble de la société, des retombées universitaires.

Alors, si les deux fonctionnent de façon concurrente, pas en opposition, mais... il n'y a pas de problème de ce côté-là. Mais il ne faudrait pas que ça devienne une excuse pour baisser non plus la contribution gouvernementale.

Le Président (M. Arseneau): M. le ministre, oui.

M. Reid: Un court commentaire là-dessus. En fait, les deux sont concurrents, comme vous dites. Et il faut comprendre que, dans les chiffres qui circulent entre la comparaison entre le Québec et le reste du Canada, il y a une proportion qui est presque le tiers qui est... qui provient d'une plus grande richesse des fondations universitaires ailleurs qu'au Québec. Et utiliser des fonds publics pour remplacer ces contributions-là, c'est peut-être un désincitatif aux entreprises privées à donner.

Et donc ce qui serait plus intéressant, c'est de trouver une façon d'inciter les Québécois, ou les universités québécoises en tout cas, à recevoir plus de ce type de don pour en arriver à un équilibre. Et c'est dans ce sens-là, et pas du tout dans le sens d'un désengagement évidemment, que la question se pose.

Je laisserais peut-être la parole à mes collègues pour revenir au deuxième bloc.

Le Président (M. Arseneau): Oui. Alors, est-ce que vous voulez immédiatement ou on peut passer du côté de Mme la députée de Maskinongé?

Mme Gaudet: Oui.

Le Président (M. Arseneau): D'accord.

Mme Gaudet: Concernant les étudiants étrangers, est-ce que vous avez une position sur les droits de scolarité majorés ou sur les bourses d'exemption pour les étudiants étrangers?

M. Labonté (Benoit): Qu'est-ce que vous entendez par bourse d'exemption?

Mme Gaudet: C'est dans votre mémoire, en page 5.

M. Labonté (Benoit): O.K. Sur les frais chargés aux étudiants étrangers, moi, je pense qu'il n'y a pas d'objection de principe à ce que ces frais-là soient plus élevés. Mais l'enjeu pour moi n'est pas vraiment: Est-ce qu'ils sont plus élevés, semblables, moins élevés? L'enjeu, c'est: Comment on va être capables d'attirer les étudiants étrangers dans nos universités, et bien les former, et surtout les inciter à rester ici, après. Et le véritable enjeu, il se trouve là. Et ces gens-là vont être intéressés à venir dans une université s'ils ont des universités de qualité, s'il y a d'excellents professeurs, des possibilités de recherche intéressantes, et tout ça pourra prendre place s'il y a un financement adéquat. Et, à ce moment-là, quand ces conditions-là vont être réunies, la question des frais de scolarité à mon avis va être beaucoup... de bien moindre importance dans leur choix de choisir une université au Québec plutôt qu'ailleurs au Canada ou aux États-Unis.

Mme Gaudet: O.K. Merci.

Le Président (M. Arseneau): Alors, je vais, avec l'alternance qui constitue notre règle, passer la parole à la députée de Taillon, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour, au nom de ma formation politique, et de vous remercier pour la qualité de votre mémoire. Et c'est un mémoire aussi qui apporte des éléments nouveaux qu'aucun autre n'avait abordés quant à la contribution des entreprises. Alors, je vais revenir sur ça.

Mais d'abord je veux vous dire que je suis tout à fait d'accord avec votre point de vue et je pense que le parti... la partie gouvernementale partage aussi cet appui-là sûrement sur l'importance que le Québec mette à accueillir des étudiants étrangers. Et vous venez d'en parler un peu avec ma collègue de Maskinongé. Mais je crois que c'est fondamental quand on sait que les économies seront... sont déjà ouvertes, le seront de plus en plus.

Et ajoutons à cela que les relations se tissent toujours plus facilement quand on se connaît pas seulement sur le plan économique, mais sur le plan des relations culturelles et pacifiques aussi. Ce n'est pas négligeable, surtout dans le contexte dans lequel on vit actuellement. Puis, à la fin de votre mémoire, en conclusion, vous dites: «À bien des égards, les deux premières sections du présent mémoire peuvent sembler énoncer des évidences», qu'entre autres le Québec a besoin de la contribution de son réseau universitaire pour faire en sorte qu'on puisse participer à l'économie mondiale et que ce réseau, comparativement aux institutions d'enseignement supérieur et de recherche d'à peu près partout ailleurs en Amérique du Nord, dispose, à ce moment-ci, de moyens insuffisants.

Je pense que c'est important de le dire aussi pour une autre raison que de souhaiter qu'il y ait un réinvestissement, mais de le dire pour qu'on soit de plus en plus nombreux à se former à l'université. On a eu un débat depuis l'ouverture des travaux de notre commission, et une des inquiétudes que nous avons ? et vous le soulignez aussi ? c'est le fait qu'il faut augmenter le taux de diplomation de nos jeunes et de nos jeunes adultes au niveau universitaire. Bon.

Je veux revenir maintenant avec des questions un petit peu plus précises et pointues sur la contribution du milieu des affaires ou de la communauté des affaires. D'abord, ce que je trouve intéressant, c'est que vous dites: Oui, les étudiants doivent contribuer, mais ça ne doit pas amener le gouvernement à se désengager; et, oui, l'entreprise doit être partie prenante à ce financement. Et une des solutions que vous proposez, c'est d'amener à ce que les entreprises d'un même secteur puissent se regrouper et même que les employés de ces mêmes entreprises, lorsqu'il s'agit de leur alma mater, puissent être amenés à contribuer.

Est-ce que vous en avez discuté à votre conseil ou avec d'autres de vos partenaires au sein de la chambre?

M. Labonté (Benoit): ...parce qu'il y a ? je vous remercie de le souligner ? il y a une préoccupation de plus en plus grande au sein des entreprises sur la qualité de l'enseignement supérieur et les retombées potentielles aussi, il y a une plus grande prise de conscience sur les importantes retombées que ça représente pour les entreprises.

On a suggéré cette piste de solution là parce qu'un des problèmes... un des défis qu'on a également, c'est d'assurer un meilleur arrimage entre les universités et les entreprises, ne serait-ce que pour la commercialisation, par exemple, des recherches universitaires. L'idée nous est venue de proposer l'amalgame dans le fond... de prendre des entreprises d'un même secteur et de mettre ensemble toutes leurs ressources financières qu'elles veulent attribuer aux universités parce qu'à notre avis ça aurait un double effet positif. Le premier, c'est de créer un incitatif pour l'ensemble des entreprises oeuvrant dans ce secteur-là d'y contribuer, ce qu'elles ne font peut-être pas individuellement, actuellement. Il y a toujours un effet d'entraînement qui est suscité. Et, deuxièmement, imaginons un peu tout cet argent ramassé dans un secteur, et là l'ensemble de ce secteur-là...

Prenons le secteur biopharmaceutique, par exemple, qui irait voir les universités et dire: Écoutez, nous, on a ramassé... on a tant de millions de dollars de disponibles pour la recherche. Ça va forcer dans le fond les chercheurs universitaires à s'arrimer beaucoup mieux aux priorités des entreprises, aux nécessités que représente le développement économique dans ce secteur-là et va permettre conséquemment au Québec d'avoir une recherche universitaire beaucoup mieux ciblée et beaucoup plus porteuse en termes de développement économique. Mais je retiens beaucoup le premier élément, c'est-à-dire l'effet d'entraînement aussi que ça pourrait avoir sur les autres entreprises de ce secteur-là qui ne sont peut-être pas sollicitées ou pas vraiment partie prenante ? pour reprendre votre expression ? au financement universitaire.

Parce que j'apprécie que vous ayez souligné l'importance qu'on accorde à l'engagement, à l'implication financière des entreprises dans les universités. C'est primordial parce qu'il y a un retour... S'il y a un retour sur l'investissement important pour les étudiants, il y a un retour sur l'investissement extrêmement important pour les entreprises, et conséquemment pour le gouvernement aussi, sous forme de taxes et d'activités économiques.

Je me permettrais, Mme la députée, de revenir sur votre question du départ, sur les commentaires sur la question des immigrants. Ça va être de plus en plus important. On connaît tous la nature de la démographie au Québec. Sachons qu'en 2026 ? et ça, c'est demain matin dans l'avenir d'une société ? 100 % de l'accroissement de la population va être dû à l'immigration ? 100 % de l'accroissement de la population. Alors, si on veut prospérer, continuer à croître, il va falloir porter une attention particulière également à ce secteur-là. Et ça, ça passe beaucoup également par des étudiants universitaires venant de l'étranger.

Le Président (M. Arseneau): Mme la députée de Taillon.

n (15 h 50) n

Mme Marois: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Et, dans les faits, la société québécoise, avec le Japon, est l'une des sociétés qui vieillit le plus vite au monde, hein; il faut savoir ça. Et donc la question démographique est un des enjeux majeurs, et, oui, il faudra ? comme nous avons compté d'ailleurs pour notre développement aussi sur l'immigration ? il faudra compter sur l'immigration. Et évidemment, quand on peut le faire au niveau de l'enseignement universitaire et de la formation universitaire, c'est particulièrement et doublement intéressant.

Une autre des idées que vous nous présentez pour amener l'entreprise à participer au financement universitaire, c'est d'inviter les entreprises à contribuer au REER d'un employé, mais un REER qui serait plutôt un régime enregistré d'épargne-études de ses employés, et que ces montants pourraient être considérés comme étant des dépenses salariales pour l'employeur. Alors, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

Avant cependant de vous entendre, juste faire un petit commentaire sur ce que vous avez mentionné tout à l'heure quant à la possibilité de regrouper les investissements d'un secteur ou la contribution d'un secteur, le biopharmaceutique, vers l'aide aux universités en disant qu'à ce moment-là aussi, ce sera peut-être plus adapté, la recherche qu'on y fera. C'est vrai, mais en même temps ça a un autre effet qui permet d'éviter la crainte qu'ont certains chercheurs et certains universitaires qui sont venus ici de trop lier la recherche dans certaines universités à une entreprise en particulier. Alors, dans le fond ça fait en sorte que, si c'est tout un secteur, on ne lie pas à une entreprise, mais on peut lier, oui, la recherche au biopharmaceutique. En tout cas, c'est intéressant, vu sous cet angle-là.

Mais je veux revenir sur cette question, là, du régime enregistré d'épargne-études, qui existe déjà mais sur le plan individuel, hein, qui n'existe pas au fédéral, en tout cas.

M. Labonté (Benoit): En fait, comme vous le mentionnez, un tel régime existe déjà. Nous, ce qu'on voudrait, c'est encourager les entreprises à contribuer au régime d'épargne... à un régime enregistré d'épargne-études des enfants de leurs employés, parce qu'une des problématiques à laquelle on devra faire face, c'est... Prenons pour acquis...

Je crois que les frais de scolarité devront augmenter pour toutes les raisons qu'on a expliquées, mais, dans le temps, ça va continuer à augmenter, ne serait-ce que par indexation, en plus des augmentations régulières. Il faut s'assurer que les futurs étudiants universitaires auront une capacité accrue de faire face à des frais de scolarité beaucoup plus élevés.

Alors, avec une telle mesure, ça permet à un employé de recevoir de l'argent de son employeur et de le diriger au bénéfice de son enfant, qui est probablement en très bas âge à compter de la naissance de l'enfant, si on veut, et ça va permettre au capital dans le fond de s'accumuler et de porter intérêt pendant 15, 16, 17, 18 ans, jusqu'au moment où l'étudiant va être prêt à accéder à l'université. Et, à ce moment-là, il aura à sa disposition un excellent montant d'argent qui va lui permettre de faire face à des frais, notamment à des frais de scolarité accrus, et à toutes les autres dépenses liées au fait d'être aux études: logement, etc., transport, etc.

Alors, c'est le sens de ce qu'on voulait et, en même temps, c'était pour nous une autre façon de sensibiliser ? et je reviens à ce que M. le ministre disait tantôt ? mais une autre façon de sensibiliser les entreprises à cette valeur fondamentale que doit être l'éducation pour le développement de notre société.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Arseneau): Et, sur ces bons mots, M. Labonté, je pense que je vais aller du côté gouvernemental, si vous permettez, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je suis tout à fait d'accord.

Le Président (M. Arseneau): Alors, je laisse la parole au ministre de l'Éducation.

M. Reid: Merci, M. le Président. Vous avez mentionné tout à l'heure, concernant les étudiants, la poursuite de cet objectif qui était liée à la participation étudiante mais aussi au fait de devoir leur donner des possibilités de rembourser dont... vous venez d'en parler dans un autre cas.

Mais ici vous avez parlé de l'application totale ou partielle du modèle britannique permettant de reporter le paiement des frais de scolarité au moment de l'arrivée sur le marché du travail. Vous mentionnez «totale ou partielle».

Est-ce que vous avez eu l'occasion de prendre des positions un peu plus ou d'y aller sur certains aspects qui pourraient éclairer la commission sur ce que vous voyez? C'est une sorte de système de prêt, de remboursement de prêt proportionnel au revenu, en quelque sorte.

M. Labonté (Benoit): Bien, écoutez, on a ? un peut comme tout le monde ici ? on a suivi avec grande attention ce qui se passait du côté de la Grande-Bretagne à cet égard-là. Je pense que c'est un principe intéressant, c'est un principe qui est bien collé à la réalité de l'investissement que représente l'éducation supérieure, c'est-à-dire... il y a une garantie presque automatique ? et ça, je pense qu'il y a énormément d'études qui le démontrent ? qu'un diplôme universitaire permet d'accroître très nettement ses revenus.

Alors, ça permet aux étudiants, à ce moment-là, d'être capables de les rembourser beaucoup plus facilement et rapidement tout en augmentant dans le fond l'accessibilité au moment des études universitaires. Le problème potentiel avec ce modèle-là, c'est qu'il vient tout juste d'être appliqué, on n'en a pas encore pleinement mesuré les effets positifs ou négatifs. Alors, il faudra quand même voir dans le temps ce que ça aura donné, mais, au départ, c'est un principe qui peut être intéressant.

Mais l'idée, je pense, ce n'est pas nécessairement de s'accrocher à un modèle plutôt qu'à un autre, mais je pense que, comme société, on peut faire preuve de créativité et de jouer sur plusieurs tableaux à la fois. Ça peut être celui-là, ça peut être les régimes enregistrés d'épargne-études, ça peut être la question du remboursement. Moi, j'aime beaucoup l'idée ? évidemment, puisqu'on l'a proposée ? mais l'idée que les employeurs puissent rembourser les prêts en partie ou en totalité, les prêts étudiants de leurs nouveaux employés et que ce soit admissible à la loi du 1 % parce que la loi du 1 % sur la formation professionnelle, c'est pour la formation continue en milieu de travail. Or, le moment où c'est le moins utilisé, c'est avec les employés qui arrivent... qui sortent de l'université, qui arrivent dans une entreprise. Les trois, quatre premières années, ce n'est pas nécessairement à ce moment-là qu'ils ont besoin d'être mieux formés ou recyclés sous quelque forme que ce soit. Et le 1 %, dans les faits, il n'est à peu près pas utilisé dans ces années-là, alors pourquoi ne pas contribuer... s'en servir pour rembourser... accélérer le remboursement des dettes d'étudiant de leurs employés? Ça va avoir à court terme deux effets importants: ça va laisser plus d'argent dans les poches des nouveaux employés, ce qui va faire rouler l'économie ? ce qui n'est jamais négligeable; et l'autre effet intéressant pour les entreprises aussi, c'est que ce n'est pas nécessairement toutes les entreprises qui l'offriraient. Ça devient un avantage... ça deviendrait un avantage qui distinguerait l'entreprise A de l'entreprise B, mais ça accroche les nouveaux employés à cette entreprise-là pendant une période de temps pour pouvoir bénéficier de ça, et ça, ça permet à ce moment-là une meilleure stabilité dans les entreprises au niveau des employés.

Alors, je pense que cette mesure-là est extrêmement intéressante, très, très, très, très, très, très peu coûteuse pour le gouvernement, puisque de toute façon le 1 % doit déjà être déboursé par les entreprises et ça permet d'atteindre plusieurs objectifs intéressants à court terme, sans coût supplémentaire.

Le Président (M. Arseneau): Oui. Alors, il y a la députée de Chauveau qui a une question pour les gens de Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Mme Perreault: Merci, M. le Président. Bienvenue à vous. Écoutez, je regarde dans votre mémoire ou dans la présentation que vous nous avez jointe, là... Je veux revenir sur les frais de scolarité. Je vois, dans votre mémoire, que vous parlez d'une augmentation de frais de scolarité qui est assez substantielle; vous parlez de 1 055 $ à 2 917 $, ce qui m'apparaît quand même assez important. Et j'aimerais vous entendre, compte tenu que, vous le savez, les étudiants sont venus nous dire que ça menacerait l'accessibilité. Actuellement, on sait qu'on a un taux de fréquentation qui est peut-être moins élevé ici qu'ailleurs, aux universités. On a une préoccupation par rapport au taux de diplomation. Il y a non seulement les étudiants qui sont venus nous dire que ça aurait des conséquences importantes sur l'accessibilité, mais il y a également le réseau des universités du Québec en région, qui nous ont dit que, pour eux, ça leur apparaissait comme problématique d'augmenter les frais de scolarité en regard de l'accessibilité. J'aimerais vous entendre... votre perception là-dessus.

M. Labonté (Benoit): Oui, bien avec grand plaisir. D'abord, je vais revenir sur votre qualificatif d'augmentation substantielle des frais de scolarité. J'ai fait la démonstration tantôt ? peut-être avec un clin d'oeil ? que ça représentait 3 $ par jour, un café latté; il faut mettre ça quand même en perspective. Mais l'autre élément qu'il est important de considérer, c'est que, malgré l'augmentation que l'on propose, si elle était appliquée, si elle était en vigueur, le coût des frais de scolarité ne représenterait que 9,5 % des coûts totaux liés au fait d'être aux études, incluant l'augmentation. Alors, ce n'est pas en soi démesuré, à notre avis, comme action.

n (16 heures) n

D'autre part, pour l'accessibilité ? c'est important de le souligner ? il n'y a absolument rien qui peut nous permettre de lier l'effet d'une hausse des frais de scolarité à une baisse de fréquentation. Deux exemples à cet égard-là: la dernière fois que les frais ont été augmentés au Québec ? en 1992, sauf erreur ? en même temps, il y a eu une augmentation de la fréquentation universitaire; d'autre part, si on regarde l'Ontario, où les frais sont de 4 923 $ par année, en moyenne, ils ont un taux de participation de 26 % à l'université, contrairement à 21 % pour le Québec. En Nouvelle-Écosse, qui n'est pas par définition la province la plus riche du Canada, les frais de scolarité sont à 5 557 $, et le taux de participation à l'université est de 33 %, alors qu'il est de 21 %...

Alors, c'est impossible d'établir une corrélation ni d'un côté ni de l'autre entre l'augmentation des frais de scolarité et la fréquentation universitaire, surtout dans le contexte où, même avec l'augmentation, je le répète, la part des frais de scolarité, dans le coût des études au total, ne serait que de 9,5 %.

Le Président (M. Arseneau): Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Oui. Alors, ça m'amène à vous poser une autre question: Qu'est-ce qui expliquerait selon vous le fait qu'ici, au Québec, on a moins de jeunes qui sont enclins à fréquenter l'université par rapport au reste du Canada ou l'Amérique? Parce qu'on a beaucoup de discussions à l'effet... Bon, les gens de l'opposition, eux, expliquent ça par un retard historique au Québec qui expliquerait qu'on fréquente moins l'université ici qu'ailleurs, une thèse à laquelle, moi, je ne souscris pas personnellement. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez une idée de...

M. Labonté (Benoit): J'ai plusieurs...

Le Président (M. Arseneau): Peut-être, M. Labonté, en une minute. Ce n'est pas que la question n'est pas intéressante, c'est que le temps est limité.

M. Labonté (Benoit): Je vais essayer d'y aller rapidement. Je pense qu'il y a des facteurs historiques, culturels aussi. Il y a eu une progression. On n'est pas arrivés à 21 % du jour au lendemain. Il y a eu une progression, et on souhaite qu'elle continue.

Mais je reviens un peu à ce que je mentionnais au début à M. le ministre. Je pense qu'il est important, comme société, qu'on valorise l'éducation, que ça devienne une valeur fondamentale pour notre avenir, et ça, je pense qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. Et peut-être ? je ne veux pas rentrer dans une grande étude sociologique dans les 30 secondes qu'il me reste ? peut-être que ça n'a pas été valorisé autant que ça aurait pu l'être dans le dernier quart de siècle, par exemple. Alors, je pense que la combinaison de ça peut expliquer en partie ce chiffre plus faible.

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup, M. Labonté. Alors, je vais aller du côté de l'opposition officielle. Il vous reste 5 min 30 s. Alors, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Je vais être chanceuse aujourd'hui ? bonjour à vous deux; c'est qu'habituellement il ne reste qu'une minute. Alors, aujourd'hui, on en a quatre de plus. Alors, je vous en remercie, M. le Président. Alors, je vais en profiter avec vous deux.

Écoutez, d'abord, et de un, le document, tel que le disait tout à l'heure ma collègue de Taillon, est fort intéressant dans ses pistes de solution. On sait pertinemment, après avoir entendu de nombreux groupes, que les étudiants d'emblée ne sont pas d'accord avec une augmentation. Puis je pense que toutes sortes de raisons pourraient expliquer leur réaction, entre autres les difficultés par contre de soutien des parents. Quand on est dans des régions surtout ? je parle d'universités en région ? où les revenus des parents sont faibles, on a beau mettre, sur un papier, que la participation financière du parent doit être de x montant d'argent, on nous a prouvé, hors de tout doute, avec plusieurs mémoires, que le parent ne participe pas nécessairement et qu'évidemment l'étudiant ne poursuivra pas nécessairement son parent. Ce que ne dit pas l'histoire, c'est que souvent le parent a de bons revenus, mais il a aussi des fois des taux d'endettement élevés.

Alors, ceci étant dit, je pense que je suis portée à croire l'étudiant qui dit: Même si ça ne me coûte que 3 $ de plus par jour ? comme vous le disiez tout à l'heure... Il ne l'a déjà pas, ce 3 $ là, là. Il a déjà de la difficulté à arriver, il a déjà de la difficulté à manger, puis ces gens-là viennent dans nos bureaux de comté et nous en parlent. Il y a une réalité; c'est un incontournable. Mais ce que j'aime dans vos pistes de solution, c'est la participation d'étudiants qui sont déjà sortis de l'école et qui parfois, naturellement, de bonne grâce, cotisent; exemple, les ordres, que ce soient ingénieurs, comptables ou autres, sont souvent très sollicités et généreusement donnent à l'institution où ils ont terminé leurs études.

Alors, moi, au niveau des chambres de commerce... Puis on en a une très active à Trois-Rivières, c'est une chambre de commerce, là, qui a été regroupée puis qui prend beaucoup de place. Ce serait quoi, l'action concrète, auprès de vos collègues, consoeurs, confrères pour les inciter à donner, à part la recommandation que vous faites au gouvernement? Je pense que vous avez possiblement un rôle de terrain très intéressant à jouer, et je vais même plus loin; je me le permets tout de suite, de vous dire que votre présence au niveau même des écoles, une fois que vous êtes sortis des universités ou des collèges... Aller dire aux étudiants l'importance des études, ça va être un des rôles, je pense, importants que vous allez avoir à jouer, puisque la mentalité, ce qu'on peut appeler même l'historique, là, de notre Québec sur parfois malheureusement le peu d'intérêt pour les études supérieures, nous cause un problème présentement.

Alors, j'aimerais vous entendre dans l'implication concrète sur le terrain des chambres de commerce à travers le Québec.

Le Président (M. Arseneau): M. Labonté.

M. Labonté (Benoit): Oui. Merci de votre question. Et je suis tout à fait d'accord avec le dynamisme que vous attribuez à la Chambre de commerce de Trois-Rivières, je la connais bien. Ils sont effectivement très dynamiques.

Comme je l'ai mentionné en début de période des questions, nous sommes déjà très actifs en termes de sensibilisation auprès de nos membres sur l'importance de l'éducation, l'importance de soutenir les universités, les cégeps aussi. Il ne faut pas les oublier, ça fait partie de l'enseignement supérieur; c'est important, les cégeps. On est déjà très actifs là-dessus.

Mais, sur l'autre volet, qui est de sensibiliser la population en général sur l'importance de l'éducation comme valeur fondamentale, je dois vous souligner que, depuis huit ans, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain est impliquée dans un programme qui s'appelle Retour à l'école. Et, à chaque année, et ce n'est pas nécessairement très spectaculaire ? on n'en fait pas nécessairement des très grandes annonces ? mais c'est nos membres, c'est les dirigeants d'entreprise, c'est des cadres supérieurs qui retournent, à chaque année, dans leur école respective ou vont dans des écoles secondaires III... des classes de secondaire IV pour aller témoigner de leur progression, des difficultés qu'ils ont eues aussi lorsqu'ils ont été étudiants, des difficultés financières. Et j'en suis, je n'avais pas de fortune personnelle, je ne venais pas d'une famille non plus aisée. Il faut travailler, il faut poursuivre, il faut surmonter les obstacles.

Et on retourne, à chaque année, expliquer ça aux jeunes étudiants pour tenter d'éviter le décrochage scolaire ? on a des taux de décrochage scolaire beaucoup trop importants ? et surtout leur faire comprendre l'importance de l'éducation, l'importance de la persévérance scolaire pour en arriver à des résultats intéressants pour eux comme individus d'abord, plus tard, mais aussi collectivement pour la société. Ça, ça fait déjà huit ans qu'on le fait, et de plus en plus, je dirais, de gens de la communauté d'affaires y participent à chaque année. Et le problème qu'on a ? c'est un heureux problème ? c'est qu'on commence à manquer de classes pour envoyer nos participants. Mais, si c'est juste ça, je pense que c'est un grand succès.

Alors, on contribue déjà à ça et on le fait également en sensibilisant les autres chambres de commerce, avec lesquelles on est en relation constante, sur l'importance de ces questions-là. Alors, on est déjà très actifs. Et je reviens à ce que je disais dans notre présentation: notre intérêt pour les questions d'éducation et de l'enseignement supérieur remonte déjà au début du siècle, avec la création des HEC. Alors, ce n'est pas d'hier qu'on est impliqués dans ce secteur-là.

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup, M. Labonté. Ça épuise malheureusement le...

Mme Marois: Je veux juste ajouter que j'ai participé à la première campagne que vous avez lancée pour inviter vos membres à aller dans les écoles. Et c'est particulièrement intéressant de voir des gens des milieux d'affaires se retrouver avec des jeunes du secondaire sur le bord de décrocher parce que c'est vraiment la perspective, et je vous en félicite.

Le Président (M. Arseneau): Alors, merci beaucoup, M. Labonté, Mme Hudon. Au nom de la commission, je vous remercie d'être venus nous rencontrer aujourd'hui, à l'Assemblée nationale du Québec. Et nous avons énormément apprécié la qualité de votre mémoire et aussi des échanges. Merci beaucoup.

Et je vais suspendre quelques instants et demander aux gens... inviter les gens du Forum des doyennes et des directrices de l'Association canadienne des écoles de sciences infirmières ? région du Québec.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 12)

Le Président (M. Arseneau): Alors, si vous permettez, nous allons reprendre nos travaux. Et nous avons avec nous les représentantes du Forum des doyennes et des directrices de l'Association canadienne des écoles de sciences infirmières ? région du Québec. Nous avons avec nous Mme Linda Lepage, présidente du Forum et doyenne de la Faculté des sciences infirmières de l'Université Laval. Bonjour, madame. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous demanderais de présenter les dames qui vous accompagnent, et vous avez environ une vingtaine de minutes pour faire votre présentation. Et par la suite nous pourrons échanger avec les parlementaires.

Forum des doyennes et des directrices
de l'Association canadienne des écoles
de sciences infirmières 
?  région du Québec

Mme Lepage (Linda): Alors, bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre de l'Éducation, Mme la députée de Taillon, critique officielle de l'opposition en matière d'éducation, Mmes et MM. les membres de la commission.

Alors, le Forum des doyennes et directrices de l'Association canadienne des écoles de sciences infirmières ? région du Québec regroupe les doyennes et directrices des facultés...

Le Président (M. Arseneau): Est-ce que vous pouvez présenter les...

Mme Lepage (Linda): Oui, j'y arrive.

Le Président (M. Arseneau): O.K., d'accord.

Mme Lepage (Linda): Départements et modules de sciences infirmières des neuf universités québécoises offrant une formation dans cette discipline.

Les personnes qui m'accompagnent sont: à ma droite, Mme Céline Goulet, doyenne de la Faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal; à ma gauche, Mme Lise Talbot, directrice du département des sciences infirmières et vice-doyenne aux sciences infirmières de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke; et, à l'extrême droite, Mme Suzanne Michaud, secrétaire du forum de l'Université Laval.

Nos collègues doyennes et directrices des six autres universités se joignent à nous pour vous remercier de nous permettre de partager les préoccupations que nous avons en regard de la formation des infirmières québécoises. Je vais prendre la peine de noter que ces six autres universités sont l'Université du Québec en Outaouais, celle de l'Abitibi-Témiscamingue, celle de Trois-Rivières, celle de Chicoutimi, celle de Rimouski et l'Université McGill.

D'entrée de jeu, je vous dirais que nous faisons face à trois défis principaux: le maintien de la qualité de la formation en sciences infirmières aux trois cycles universitaires, l'amélioration de l'accessibilité de nos programmes de formation à tous les cycles universitaires et la relève du corps professoral universitaire et du personnel enseignant en soins infirmiers au niveau collégial. Comme bien d'autres acteurs du réseau universitaire sont venus vous le dire auparavant, nous aussi, au cours des cinq dernières années, nous avons eu à utiliser et à solliciter toute notre créativité pour mettre en oeuvre des stratégies et actions qui nous ont permis jusqu'à maintenant de relever les défis qui viennent d'être mentionnés. Aujourd'hui, nous avons atteint un point de rupture. Il y a urgence d'un investissement financier majeur et d'une concertation entre les ministères et les établissements universitaires pour assurer une formation infirmière de qualité qui répondra aux besoins de santé de la population québécoise.

Le besoin d'infirmières et d'infirmiers possédant une formation universitaire a été largement reconnu au cours de la dernière décennie. Quand on se réfère au rapport du groupe de travail sur les soins infirmiers, à ceux des employeurs, dont l'Association des hôpitaux du Québec ou l'Association des CLSC et CHSLD du Québec ? ce sont des rapports de 1999 ? au rapport du Comité conseil sur la formation infirmière ? lui aussi, de 1999 ? ou au rapport et plan d'action du Forum sur la planification de la main-d'oeuvre infirmière en 2001, les constats sont les mêmes: l'infirmière doit développer davantage un rôle de responsabilité, de supervision, d'analyse des besoins, de décision sur les soins requis, d'évaluation et de suivi des résultats de soins.

Dans le réseau de la santé, le travail en interdisciplinarité est devenu incontournable pour répondre aux problématiques complexes et aux besoins très pointus des personnes malades et de leur famille. Dans ce contexte d'interdisciplinarité, de ressources limitées dans les établissements de santé et d'attentes grandissantes relativement au rôle des infirmières et infirmiers, il est reconnu que ces derniers doivent démontrer des connaissances scientifiques solides et actualisées, un jugement et des interventions cliniques sûres et surtout une capacité à transférer les connaissances issues de la recherche dans la pratique professionnelle afin d'améliorer l'efficacité et l'efficience des soins. Les employeurs du réseau de la santé et des services sociaux sont à la recherche d'infirmières et d'infirmiers compétents, bien formés et de plus en plus spécialisés pour répondre aux besoins et aux attentes spécifiques d'une population vieillissante.

Dans la dernière année, la révision de la loi régissant l'exercice professionnel a ouvert la porte à un élargissement des responsabilités liées à l'exercice infirmier et à l'intégration dans le réseau d'une nouvelle pratique, celle d'infirmière praticienne. 75 infirmières praticiennes ou infirmiers praticiens spécialisés en cardiologie et en néphrologie devraient être formés d'ici deux ans, selon les annonces du ministre de la Santé. Ce changement législatif a entraîné l'implantation de nouveaux programmes de maîtrise, niveau auquel sont formés les infirmiers et infirmières praticiennes, et une révision en profondeur de nos programmes de baccalauréat pour répondre aux exigences d'une pratique infirmière contemporaine.

À cela s'ajoute l'accueil, dès septembre 2004, d'une première cohorte d'étudiantes et d'étudiants cheminant dans un programme sur cinq ans de formation infirmière intégrée D.E.C.-bac. Ce programme a été développé à la demande du MEQ. Nous subissons également des pressions constantes allant dans le sens de poursuivre, à la maîtrise et au doctorat, le développement d'activités de formation régulière et continue en administration des services infirmiers pour préparer la relève des cadres de nos hôpitaux et CLSC.

Jusqu'à maintenant, les facultés, départements, modules de sciences infirmières ont su répondre aux attentes en raison d'un engagement professionnel irréfutable de la part de l'ensemble de notre personnel. Le nombre d'inscriptions au baccalauréat a plus que doublé depuis 1999, et ce, sans ajout significatif de ressources humaines, matérielles et financières. Au cours des mêmes périodes, le nombre de diplômés des programmes de maîtrise et de doctorat est demeuré relativement stable, rendant précaire l'avenir de la formation collégiale et l'avenir de la formation universitaire ainsi que l'efficacité et l'efficience des services de santé. Cette situation n'est plus acceptable, et le point de rupture de services sur le plan de l'accès et de la qualité de la formation est atteint.

n (16 h 20) n

La qualité de l'enseignement est menacé à différents égards. Tant au premier qu'au deuxième cycles, l'accroissement de la capacité d'accueil de stagiaires universitaires dans les établissements de santé est très limité en raison des coûts directs et indirects associés aux stages qu'ils doivent assumer et de la loi antidéficit à laquelle ils sont soumis. À cela s'ajoute la pénurie infirmière qualitative, sinon quantitative, à laquelle ils sont tous confrontés. Leurs possibilités de dégager des infirmières et infirmiers pour l'encadrement des stages universitaires se rétrécissent continuellement. La qualité de la formation au premier cycle et même au deuxième cycle est aussi menacée parce que des infrastructures, tels des laboratoires d'apprentissage et de simulation clinique, des laboratoires informatiques ainsi que des laboratoires multimédias qui permettent le développement d'habiletés et d'interventions en situation de soins critiques ou d'intervention familiale, par exemple, sont inexistantes ou requièrent un développement ou une mise à niveau importante. L'accès à ces infrastructures sur nos campus est devenu incontournable pour mieux préparer nos étudiantes et étudiants à leurs stages cliniques et diminuer la lourdeur de l'encadrement requis en cours de stage. Le fonctionnement de tels laboratoires, même équipés à la fine pointe, est cependant assujetti à un ajout de personnel enseignant et technique, qualifié et à recruter.

En sus de la formation en laboratoire, dans plusieurs cours, des approches pédagogiques, tels l'apprentissage par problème et l'apprentissage à partir de situations cliniques, impliquent une formation en petits groupes. L'utilisation de telles approches pédagogiques a depuis longtemps fait ses preuves en termes d'une meilleure intégration des connaissances, du développement plus rapide d'habiletés cliniques et intellectuelles ainsi que de l'autonomie en apprentissage, un élément essentiel à la formation continue des professionnels de la santé. L'utilisation de ces approches pédagogiques est toutefois reliée à des coûts élevés de formation qui actuellement sont compensés par des groupes-classes plus imposants dans d'autres cours.

Ces dernières années, les groupes-classes de 150 à 350 étudiants et étudiantes se sont multipliés, avec les impacts que l'on connaît sur l'apprentissage et l'encadrement. Les étudiantes et étudiants ainsi que le personnel enseignant trouvent la situation insoutenable et ne veulent plus fonctionner de cette manière, surtout en regard du type de formation qui se donne entre nos murs. Pour faire face à l'augmentation des effectifs étudiants et au développement des programmes des dernières années, l'ensemble des neuf universités comptent au total 117 professeurs équivalents temps plein, soit seulement 17 de plus qu'en 1999. Pour assurer l'enseignement au premier cycle, l'équivalent de 102 personnes supplémentaires, pour couvrir l'année académique, est requis dans l'ensemble de nos neuf universités. Ce personnel enseignant est diversifié: responsables de formation pratique, professeurs de clinique, chargés d'enseignement, chargés de cours. En sus, le nombre de superviseures et superviseurs de stage à l'emploi des établissements de santé, il va sans dire, se multiplie sans cesse. Ces personnes détiennent une maîtrise et possèdent une expertise clinique récente et reconnue. Leur contribution est essentielle au maintien de la qualité de la formation au premier cycle. Cependant, un déséquilibre s'est installé entre le nombre de professeures, professeurs faisant carrière à l'université et celui des autres personnels enseignants. Ce déséquilibre menace à court ou à moyen terme la qualité et l'accessibilité de la formation à tous les cycles universitaires.

Les professeures et professeurs sont au coeur de l'existence des facultés et départements universitaires. Ils exercent un rôle essentiel et prépondérant dans la détermination des orientations de la formation. Ce sont les gardiens de la cohérence de la formation et de la continuité dans les apprentissages. Ils se doivent d'assumer un leadership au sein de l'ensemble du réseau de personnel enseignant, de soutenir l'intégration des nouvelles recrues, d'encadrer et de soutenir le personnel enseignant diversifié, dont nous venons de parler, et de contribuer au renouvellement des pratiques de soins dans les établissements de santé. N'oublions pas que, malgré tout, les professeurs enseignent à tous les cycles de formation, ils assurent l'encadrement des étudiantes et étudiants inscrits aux études supérieures, sont actifs en recherche, un secteur qui, parallèlement à l'enseignement, a explosé au cours des cinq dernières années. Ils sont aussi sollicités continuellement pour participer à la vie universitaire, professionnelle et communautaire. Dans ce contexte, a-t-on besoin de discourir sur la lourdeur de leur tâche? La rétention de nos professeurs et de l'ensemble de notre personnel enseignant devient alors une priorité. Les stratégies pour les soutenir dans leur travail au quotidien, que l'on parle d'aide à l'enseignement, de dégagement pour l'exercice de fonctions particulières, impliquent une marge de manoeuvre financière dont nous ne disposons pas.

Comme l'indiquent les recommandations 1 à 4 ainsi que 11 et 12 de notre mémoire, le maintien de la qualité exige: un rattrapage financier urgent par l'octroi d'une enveloppe spéciale; un investissement ad hoc pour l'implantation, le développement, la mise à niveau des laboratoires d'enseignement dont il a été question tout à l'heure en tenant compte de la spécificité des programmes offerts dans chaque université; un rehaussement de la grille de financement du MEQ pour prendre en compte les coûts réels de formation, incluant les stages, notamment au baccalauréat et en pratique avancée; l'instauration de plans de carrière hospitalo-universitaires pour favoriser l'attraction et la poursuite de la contribution d'infirmières et d'infirmiers des établissements de santé à l'enseignement universitaire et à la recherche; un investissement pour favoriser la rétention des professeures et professeurs et la formation de la relève.

L'accessibilité à nos programmes, à tous les cycles universitaires, est soumise aux mêmes menaces que la qualité de la formation en plus d'être dépendante de la disponibilité d'espaces physiques. Des bureaux, des salles de classe pour accueillir les étudiantes et étudiants supplémentaires ainsi que les nouvelles ressources humaines pour les former sont nécessaires. En ce sens, les recommandations 5 à 9 incitent le ministère à revoir les normes attribuées aux sciences infirmières dans son cadre normatif des espaces après avoir réalisé une analyse qualitative et quantitative des besoins réels d'espaces requis dans chacune des universités.

En ce qui a trait à la relève du corps professoral et enseignant des universités et de celle des enseignantes et enseignants en soins infirmiers des collèges, vous aurez compris que cela devient une priorité... que cela doit devenir une priorité pour le MEQ. Au niveau universitaire, 42,5 % des professeurs ont plus de 50 ans, c'est-à-dire 51 personnes sur 120, et 60 % d'entre eux ont plus de 55 ans. Au niveau collégial, la situation est fort probablement similaire. Le recrutement de professeures et professeurs détenteurs d'un doctorat est déjà un défi. Près de 60 étudiantes et étudiants sont pourtant inscrits au doctorat, et plus de 400, à la maîtrise. Le problème actuel auquel nous faisons face est la durée des études, car ils cheminent pratiquement tous à temps partiel, et même à temps très partiel. Les attraits du marché de l'emploi, le désir de garder une certaine qualité de vie personnelle et familiale, les difficultés à concilier famille, travail, études, les conditions d'embauche dans les établissements de santé sont autant de facteurs qui expliquent cette situation.

En prenant en compte les départs à la retraite prévisibles, le nombre de postes vacants, la croissance prévue des effectifs étudiants aux trois cycles universitaires et la poursuite du développement de la recherche, les doyennes et les directrices estiment que 141 personnes, professeures, professeurs de carrière, devraient être recrutées d'ici 2009. En plus de ce qui a été énoncé sur la durée des études, le nombre d'infirmières et d'infirmiers inscrits aux études supérieures universitaires est nettement insuffisant pour répondre à la demande. Les recommandations 13 à 20 de notre mémoire présentent un plan de soutien financier aux études supérieures très précis. Le gouvernement doit donner la priorité à la mise en place de mesures d'encouragement à la poursuite des études au premier, deuxième et troisième cycles universitaires, d'une part, pour maintenir la qualité et l'accessibilité de la formation en sciences infirmières et de la formation collégiale en soins infirmiers et, d'autre part, pour assurer l'accessibilité de la population à des soins de santé sécuritaires et de qualité. Il s'agit de la relève et de l'avenir des soins de santé au Québec.

n (16 h 30) n

Le Président (M. Arseneau): Alors, je ne voulais pas vous mettre de pression d'aucune façon, Mme Lepage. Il vous restait encore un peu de temps.

Mme Lepage (Linda): Je peux en profiter, il me reste un tout petit... Alors, en conclusion...

Le Président (M. Arseneau): En conclusion.

Mme Lepage (Linda): La qualité et l'accessibilité de la formation universitaire en sciences infirmières est à risque en raison de l'augmentation soutenue de l'effectif étudiant aux trois cycles universitaires, de l'implantation de nouveaux programmes de formation sans les ressources requises résultant en un accroissement important de la charge de travail, de la difficulté à recruter des infirmières titulaires d'un doctorat par manque d'incitatifs, de nombreux départs à la retraite anticipés chez le corps professoral, de coûts reliés à la formation pratique, de la difficulté à recruter des superviseurs de stage, de l'absence de ressources pour le développement de la formation à distance.

La formation universitaire en sciences infirmières doit être une priorité de nos dirigeants politiques pour assurer la réponse aux besoins de la population et des employeurs du réseau de la santé, la qualité et la sécurité des soins de santé, le remplacement des infirmières en nombre et en qualité pour la clinique, la gestion, l'enseignement et la recherche, la formation d'infirmières et d'infirmiers dont la pratique est fondée sur des connaissances issues de la recherche, la formation d'infirmiers et d'infirmières spécialistes, cliniciens spécialisés et praticiennes, le développement, la diffusion et le transfert des connaissances, le positionnement du Québec par rapport aux autres provinces canadiennes et l'application efficace et efficiente de la loi n° 90.

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup, Mme Lepage. Effectivement, je ne voulais pas mettre de pression du tout. Je veux vous dire... début que vous pratiquez certainement le plus beau métier du monde, le plus difficile peut-être, mais certainement celui qui est le plus tourné vers le service aux gens parmi les plus démunis ou les plus fragiles de notre société. Et je vis avec une infirmière depuis assez longtemps pour le savoir.

Ceci étant dit, Mme Lepage, je voulais vous laisser conclure, puisque vous étiez au niveau des chiffres. Et, si j'ai bien compris, j'ai fait un petit calcul, vous êtes autour d'une trentaine de millions en termes de demandes.

Mme Lepage (Linda): Tout à fait.

Le Président (M. Arseneau): Est-ce que ces millions sont dans les 375 millions que la CREPUQ demande ou si M. le ministre devra encore une fois trouver des millions additionnels?

Mme Lepage (Linda): M. le ministre, je crois, est déjà bien au courant que toutes les informations que nous vous avons livrées dans notre mémoire... Il a fallu quatre mois de travail pour d'abord ramasser les données parce qu'on n'a même pas de système qui nous permet de faire ça rapidement. Donc, ça ne fait pas partie sûrement, toutes nos demandes des 375 millions de la CREPUQ.

Le Président (M. Arseneau): Ma curiosité aura coûté une minute à l'opposition officielle. Et je passe, pour le premier bloc de huit minutes, la parole au ministre de l'Éducation.

M. Reid: On reviendra, M. le Président, sur cette question du financement et des différences entre les universités. Je veux d'abord souhaiter la bienvenue bien sûr à la délégation de l'Association des écoles des sciences infirmières.

C'est une discipline qui est à la fois ancienne et neuve dans ce sens que, par exemple, quand on regarde la recherche ? et vous le mentionnez ? la difficulté effectivement qu'on rencontre d'atteindre une masse critique de recherche... et ça veut dire en même temps donc d'étudiants, d'étudiantes qui font des doctorats, en particulier.

Tout ça s'inscrit dans une problématique, et on le voit bien, on le sent bien, vous le dites. J'aimerais, si possible, que vous nous parliez davantage... que vous vous étendiez un petit peu plus sur cette problématique actuellement de difficulté de renouveler ou de combler les besoins de corps professoral, tant au cégep qu'à l'université, difficulté qui existe déjà, autant que je sache, et qui va aller croissante avec les besoins de renouvellement du corps professoral parce qu'il y a beaucoup de départs à la retraite. J'aimerais que vous nous en parliez.

Évidement, comme toutes les personnes, et en tout cas c'est mon expérience de vie... Toutes les personnes intelligentes, très intelligentes arrivent non seulement avec un problème, mais avec des solutions. Évidemment, vous avez pris la peine de les calculer, de les compter. On aura peut-être l'occasion tout à l'heure de voir quels sont les éléments de ces solutions-là qui appartiennent aux décisions universitaires plutôt qu'aux décisions gouvernementales si on respecte la nature du système québécois, mais on y reviendra plus tard. J'aimerais que vous nous expliquiez pour qu'on se rende vraiment compte, comme membres de la Commission de l'éducation, de cette problématique. Et qu'est-ce que ça veut dire, là, actuellement, comment ça se traduit concrètement?

Vous avez des solutions bien sûr, mais ce serait peut-être important pour nous et même pour le public de comprendre l'acuité du problème qui se vit actuellement dans l'enseignement des sciences infirmières et qui se traduira, si on trouve pas de solution, par évidemment une carence, un manque important de personnel dans ce secteur.

Mme Lepage (Linda): Alors, le problème qu'on vit aujourd'hui est une conséquence de décisions prises dans le passé. C'est bien évident qu'on ne peut pas changer les événements. Ne mentionnons que la mise à la retraite de 1996-1997 qui a fait que des milliers, pour ne pas dire des dizaines de milliers d'infirmières expérimentées et compétentes ont quitté les établissements de santé et les CLSC.

Cela a eu comme conséquence que, aussitôt que ça a été possible au niveau monétaire et même avant, puisqu'on a utilisé le déficit pour le faire, les établissements de santé ne pouvaient se permettre de ne pas remplacer ces personnes-là. Oui, ils les ont remplacées par des infirmières plus jeunes qui, au départ, effectivement coûtaient moins cher. Donc, ça aidait pour le budget, mais la conséquence, c'est que ces jeunes-là, exerçant dans un contexte où les ressources en établissement de santé sont très limitées, ont énormément de difficultés à poursuivre leurs études. Elles sont sollicitées, et il faut voir... c'est ça... Actuellement, même on est en période, là, d'embauche, et c'est même presque terminé, là, rendu en mars. Donc, depuis janvier, nos étudiantes et étudiants ont été très sollicités de la part des hôpitaux pour les embaucher. Les conditions qui pourraient permettre aux étudiantes de jumeler travail-études sont difficiles à mettre en place dans les établissements de santé, mais veuillez croire qu'on travaille très étroitement et, je dirais, de façon quasi hebdomadaire maintenant, avec les établissements de santé pour trouver effectivement ces solutions-là qui permettraient un «mix», là, travail-études.

Actuellement, les jeunes ? et il y en a une, jeune, c'est ça, dans la salle qui est notre présidente de l'Association des étudiantes en la maîtrise et au doctorat ? essaient, c'est ça, de trouver une façon... Donc, elles utilisent leur journée... Sur leurs deux jours de sans travail, là, durant la semaine, leurs deux jours de congé, elles en utilisent souvent une, de ces journées-là, pour venir suivre trois cours à l'université ou deux cours, et c'est sur leurs journées de congé. Et elles réussissent à travailler à temps complet et à étudier à travers ça tout en ayant, on l'espère, encore un peu, là, une vie familiale et sociale.

Donc, les solutions, oui, peuvent venir, c'est ça, des bourses effectivement dont on énonce qu'il y a un besoin immense. Il faut aussi dire que la qualité de vie des jeunes d'aujourd'hui... pour les jeunes d'aujourd'hui, la qualité de vie, elle est très importante. Les établissements de santé d'ailleurs nous en parlent fréquemment, et les jeunes ne sont plus prêts à faire des sacrifices que peut-être certaines personnes ici, alentour de la table, ont faits pour arriver à tout concilier. Et ils ne refuseront pas, c'est ça, c'est bien évident, un salaire de 40 000 $ peut-être en établissement de santé pour venir étudier sans un sou avec le système des prêts et bourses qu'on a actuellement.

Au niveau, par exemple... On a quand même des solutions, c'est ça, qui ont déjà été apportées dans un programme en particulier où les bourses qui sont offertes sont très substantielles. Et j'inviterais ma collègue, c'est ça, Mme Goulet à parler sur les bourses de...

La Présidente (Mme Champagne): Alors, Mme Goulet.

n (16 h 40) n

Mme Goulet (Céline): Bonjour, ça me fait plaisir. En regard, si vous voulez, de la difficulté... Vous avez parlé, M. le ministre, de la difficulté de combler les postes de professeurs ou d'enseignants au collège, et je vous dirais qu'un des... il y a plusieurs facteurs qui expliquent, comme le disait Mme Lepage...

Et c'est l'agencement des obligations du travail, à l'heure actuelle et, si vous voulez, aussi des obligations des études universitaires, qui sont de plus en plus complexes aussi en nature et en type, qui font en sorte que les étudiantes ont de la difficulté à jumeler les deux aspects de façon concomitante... et aussi la vie qu'elles mènent sur les unités, à l'heure actuelle, parce qu'elles font face à des situations extrêmement complexes de soins avec des situations d'urgence quasi quotidiennes aujourd'hui, des impératifs qui font en sorte que la motivation de retour aux études n'est pas toujours présente, si vous voulez. Par contre, ce qu'on voit poindre, lorsqu'elles ont le choix ? et le choix est toujours accompagné d'un incitatif financier, comme des bourses importantes d'études ? elles choisissent de poursuivre au niveau des études universitaires et, je vous dirais, de façon continue, à partir du baccalauréat, de la maîtrise et du doctorat.

Et on pense d'ailleurs à mettre, entre autres, comme élément de solution... c'est une progression beaucoup plus rapide du baccalauréat vers le programme de maîtrise et vers le programme de doctorat qui ferait en sorte que les étudiantes demeureraient étudiantes, si vous voulez, jusqu'à l'obtention d'un diplôme d'études supérieures, de façon à ce que, lorsqu'elles arrivent sur le marché du travail, elles soient extrêmement compétentes, capables de faire face aux défis que la population leur lance en réalité.

La Présidente (Mme Champagne): Alors, merci, Mme Talbot. Alors, on a fini le premier bloc de huit minutes. Alors, nous allons passer du côté de l'opposition officielle avec la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Ça me fait plaisir de vous saluer à mon tour et de vous souhaiter la bienvenue à notre commission. Je veux vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Il est particulièrement fouillé et bien documenté. Je crois qu'il n'y a aucune affirmation qui n'est pas soutenue par un tableau, une donnée ou une explication élaborée sur ce que vous voulez nous dire. Alors, c'est très éloquent.

Je voudrais revenir cependant sur un certain nombre de propositions ou d'attentes que vous exprimez dans votre mémoire et qui, je le sais, font l'objet d'une grande préoccupation de votre part. D'abord, réaffirmer avec vous que ? vous l'avez bien fait, bien dit, et le ministre l'a repris aussi ? votre profession s'est profondément transformée dans les derniers 15 ans. En fait, ce n'est pas dans les derniers 25 ou 30 ans, c'est... Puis même, je dirais, dans les derniers 10 ans, hein, où il y a eu... D'abord, un, on a transformé l'approche auprès des malades. Et ce fameux virage ambulatoire auquel on ne fait plus référence maintenant, mais qui a transformé l'ensemble de nos institutions, a amené à ce que les professions soignantes se modifient aussi, bien sûr. Alors... Et, en ce sens-là, ça demande une très grande capacité d'adaptation, et on peut constater que cette capacité, elle est présente chez les infirmières et infirmiers du Québec.

Vous mentionnez, dans votre document, qu'il y aurait des ententes ou un travail peut-être un petit peu plus étroit à faire entre le ministère de l'Éducation et le ministère de la Santé. J'ai été à même à l'occasion de vivre de telles situations où je sentais qu'il était nécessaire que l'on se parle et qu'on aille un petit peu plus en profondeur. J'essaie de retrouver la référence, là, je vais y arriver. Mais cependant j'aimerais ça que vous m'en parliez un peu.

Est-ce que vous avez encore le sentiment qu'il y a des connexions qui ne se font pas ou il y a des échanges qui ne se font pas? Et qu'est-ce que vous attendez de cette meilleure collaboration entre le ministère de l'Éducation et le ministère de la Santé et des Services sociaux?

Bon, je l'ai trouvée, ma référence. Je savais que je la trouverais. À la page 19, vous dites: «La formation pratique est à l'heure actuelle en pleine expansion. Il serait intéressant que le ministère de l'Éducation intervienne auprès du [ministère de la Santé] et qu'ensemble ils examinent les avantages et inconvénients et, s'il y a lieu, les modalités d'instauration de plans de carrière hospitalo-universitaires pour les infirmières et infirmiers titulaires d'un baccalauréat, d'une maîtrise ou d'un doctorat.»

Une voix: Mme Lepage.

Mme Lepage (Linda): ...

Mme Marois: Alors, j'aimerais vous entendre sur la situation en général et, de façon plus particulière, sur ce que vous soulevez ici.

Mme Lepage (Linda): Alors, un des aspects, je dirais, très précaires actuellement dans notre formation, c'est la formation pratique. Je vous expliquais tout à l'heure, là, au moment de l'allocution, que les hôpitaux ont de plus en plus de difficultés, c'est ça, donc à libérer des infirmières pour qu'elles assurent l'encadrement de nos étudiants.

Par ailleurs, je dois leur lever mon chapeau et je dois vous dire aussi qu'au cours des cinq dernières années, en raison de l'augmentation des cohortes qu'on a eues au baccalauréat ? on vous a dit qu'on avait doublé la clientèle ? à venir jusqu'à date, ils ont toujours réussi à répondre à la commande et, comme je l'ai dit tout à l'heure, parfois en faisant un choix d'aller en déficit au niveau de leur budget. Sauf que, de ce côté-là, c'est de plus en plus difficile au niveau financier et que, nous, on a effectivement des cohortes d'étudiantes en vue qui sont tout aussi importantes. On prévoit doubler encore d'ici quatre, cinq ans. Donc, là, il y a... les établissements de santé ne peuvent pas... commencent à être limités, c'est ça, quand on leur présente, là, les courbes de notre évolution de clientèle, les courbes de l'évolution du nombre de superviseures, superviseurs de stages que cela représente. Là, c'est... Bien là ils commencent à se poser la question à savoir s'ils vont être capables de nous suivre, et déjà il y a certains centres hospitaliers qui ne sont plus capables parce que déjà il y a des coûts qui sont... des factures qui sont acheminées des établissements de santé vers l'université.

Une fois cela dit, quand on regarde donc... Ces coûts-là de stages n'ont jamais été pris en compte dans la grille de financement du ministère. Et très souvent ce qu'on a eu pour réponse quand on s'adressait au ministère, c'était: Ah! La formation des infirmières, c'est la relève du... ça regarde la relève du ministère de la Santé; c'est lui qui devrait contribuer. Du côté de la santé, mais... on dit: C'est un programme de formation, madame, donc allez du côté de l'éducation. Et c'est ça qui se passe depuis des décennies, je dirais, depuis pratiquement que la formation universitaire existe en sciences infirmières.

Ceci étant dit, à ce moment-ci ? et je vais rajouter un autre élément, si vous permettez ? les établissements de santé et même les établissements universitaires qui ont une mission, dans la loi, de soins, enseignement, recherche, évaluation des technologies... le rôle qu'ils ont à jouer au niveau de l'enseignement n'est pas reconnu lui non plus au niveau du ministère de la Santé, sauf... Quand il y a une enveloppe, c'est pour les médecins.

Mme Marois: ...une enveloppe.

Mme Lepage (Linda): Quand il y a une enveloppe, elle est identifiée que c'est pour la formation des médecins. Les autres professionnels de la santé dont nous sommes, il faut, avec la grille de financement du ministère, qui... Et on le dit dans notre texte, c'est ça: Cette grille-là, elle est déjà pour nous autres, là, c'est un sous-financement qui est chronique.

Et ce sous-financement là, là, il s'explique. Il s'explique par le fait que, dans le réseau de nos neuf universités, aller jusqu'à il y a peut-être cinq ans, il y avait plusieurs des universités qui offraient uniquement un programme de perfectionnement, un programme de baccalauréat perfectionnement, donc un programme ouvert à des personnes qui détenaient déjà un D.E.C. en soins infirmiers. Ces programmes-là de 90 crédits étaient souvent... Et on retrouvait souvent peu de stages ou pas du tout de stage dans ces programmes-là. Donc, quand effectivement les gens du ministère établissent les coûts de la formation, ça, c'est des normes, là, c'est d'un mur à l'autre, et ce n'est pas différencié selon les types de programmes. Donc, les gens qui n'offraient pas de stage, eux autres, ça leur coûtait moins cher, puis ils faisaient baisser notre coût pour les neuf, là, notre coût moyen. Donc, depuis cinq ans, tout le monde a des stages, et pour tous les programmes de bac. Et même, comme nos programmes de maîtrise, d'infirmières cliniciennes spécialisées et même, là, d'infirmières praticiennes se développent, donc... on a en sus des coûts. Malheureusement pour les infirmières praticiennes, ça va coûter très cher puis ça ne fera pas partie des chiffres déjà que vous allez avoir dans les... avec la révision de la grille actuelle parce que c'est une... on est rendus aux stages l'an prochain. Ça fait qu'on ne peut pas vous dire exactement combien ça va coûter, mais... Donc, tout... l'ensemble des coûts n'a jamais été pris en compte, et là ce qu'on voudrait, c'est qu'il soit pris en compte.

Et il faut vraiment, là, que le MEQ et le MSSS s'entendent sur qui paie quoi, mais nous autres, il faut avoir une réponse et il faut avoir l'argent pour être capables de former décemment les infirmières qui vont avoir les compétences pour intervenir auprès de la population que nous sommes.

n(16 h 50)n

Mme Marois: En tout cas, ça a l'avantage d'être clair, madame, ce que vous nous dites.

Le Président (M. Arseneau): En respectant notre règle d'alternance, nous allons aller du côté gouvernemental avec le ministre de l'Éducation... ou la députée de Maskinongé peut-être?

Mme Gaudet: ...une petite question

Le Président (M. Arseneau): Une petite question? D'accord.

Mme Gaudet: Merci pour la présentation de votre mémoire. Bienvenue à cette commission. Vous avez, dans votre exposé, parlé, si j'ai bien compris, là... En se projetant dans l'avenir, le travail des infirmières est appelé encore à être modifié, est appelé à... Les infirmières vont être appelées à travailler davantage en interdisciplinarité, les activités nécessitant un jugement, une forme de diagnostic, et des activités d'intervention vont être demandées à nos infirmières.

Est-ce que ces activités... vous croyez qu'il y a incompatibilité avec les structures actuelles d'organisation du travail dans nos centres hospitaliers?

Mme Lepage (Linda): Pas du tout. Elles sont déjà en place pour la plupart, c'est ça, ces activités-là dont vous parlez. L'interdisciplinarité... Donc, actuellement, qu'on parle de ce qui se passe dans les centres hospitaliers ou en CLSC, on ne parle plus maintenant de travail isolé, en vase clos, chacun des professionnels. Donc, tous les professionnels forment une équipe, et je vous dirais que, plus souvent qu'autrement, pour ne pas dire dans tous les cas, c'est qui qui est au centre effectivement du fonctionnement de cette équipe? C'est l'infirmière. On l'appelle souvent l'infirmière pivot. Donc, c'est elle qui, au coeur de l'équipe, d'abord est la plus présente auprès des personnes en besoin et de leur famille, c'est elle qui va agir comme agent de liaison pour transmettre l'information entre les professionnels, coordonner le travail de chacun, évaluer, je dirais, ce que ça donne dans la... au niveau de la globalité, là, de la situation de santé de la personne et faire les suivis qui s'imposent par la suite.

Donc, l'interdisciplinarité, elle existe déjà, mais pour travailler en interdisciplinarité, il faut quand même avoir, c'est ça, donc à la fois et les connaissances, et les compétences, et les habiletés pour le faire. Donc, ce qu'on souhaite ? et les employeurs l'ont dit, c'est ça, dans les rapports, là, donc qu'on mentionnait dans la dernière décennie ? c'est qu'on souhaite qu'il y ait quand même de ces apprentissages qui soient renforcés. Et c'est pour ça, c'est ça, que la décision du D.E.C.-bac a été prise. La formation sur cinq ans au D.E.C.-bac a été prise pour amener plus d'infirmières au niveau baccalauréat, où les objectifs dans le fond, la formation de premier cycle, c'est effectivement ça: c'est développer le jugement, la capacité d'analyse critique, de synthèse, et tout. Et c'est ce que ça prend pour jouer le rôle d'infirmière dont on parlait tout à l'heure, là.

Le Président (M. Arseneau): Oui. M. le ministre de l'éducation.

M. Reid: Dans le système universitaire, d'une façon générale, l'intervention du gouvernement du Québec sur le plan financier est de fournir aux universités, selon certaines modalités, des fonds. Et l'autonomie universitaire au Québec est très forte, très bien développée, jalousement gardée, et ça a donné des bons résultats, en général. Et par contre ça veut dire qu'il est difficile de justifier, dans un contexte comme celui-là, des interventions ponctuelles, multipliées dans des secteurs particuliers. Et, aujourd'hui, quand on regarde le mémoire, quand on discute, on a l'impression que, pour beaucoup, c'est ce qui est demandé, et donc il y a une difficulté particulière.

Est-ce que ce serait parce que par ailleurs vous n'avez pas... ou vous n'êtes pas représentés, compris dans les discussions qui ont lieu à l'intérieur des universités, la CREPUQ, les discussions avec le ministère ou à l'intérieur des universités quant à la distribution des fonds qui sont mis par le gouvernement du Québec à la disposition des universités? Je pense, par exemple, aux discussions dont on a absolument fait état ici sur ce qu'on appelle la grille de répartition, qui ont déjà commencé, et qui durent depuis quelques années, et qui, espérons-le, vont aboutir... ces discussions qui se font sur chacune des disciplines ? quel est le montant, quelle est la répartition, que faudrait-il changer ? qui se font entre les universités et les universités à la CREPUQ, et la CREPUQ avec le ministère.

Et ces discussions-là devraient refléter normalement l'ensemble des difficultés, des coûts. Et vous avez parlé de coûts moyens et même de... On comprend que vous connaissez bien la mécanique que, si des coûts, à un endroit, ne comprennent pas les stages, ça fait baisser le coût moyen, et les autres n'ont pas les sommes qu'il faut pour payer. Bon.

Est-ce que les demandes très ponctuelles que vous faites finalement et très particulières d'intervention auxquelles le ministère de l'Éducation s'est toujours montré tiède parce que les universités... disons, trop d'interventions causent problème par rapport à l'autonomie des universités... Est-ce que ces demandes-là, c'est parce que par ailleurs vous n'avez pas l'impression que votre problématique que vous nous expliquez est bien comprise ou peut être bien comprise et traduite dans cette répartition par une grille qui se discute actuellement entre le ministère et les universités?

Le Président (M. Arseneau): Mme Lepage, en 1 min 30 s, deux minutes, peut-être.

Mme Lepage (Linda): Donc, en ce qui concerne la grille, nous en avons parlé tout à l'heure. C'est... En ce qui concerne la révision de la grille actuelle, lors de notre dernière conférence téléphonique donc, on s'est dit que chacune des doyennes et directrices irait voir les gens des finances dans son université pour vérifier les chiffres qui avaient été transmis.

Ceci étant dit, il reste que, même si on avait les coûts réels 2000-2003, on n'est déjà plus là, là. Ça, ça ne paraîtra jamais dans n'importe lequel chiffre que les universités vont vous transmettre, d'une part. D'autre part, la situation effectivement que ma collègue vit à l'heure actuelle plus... je dirais, à Montréal, c'est qu'elle reçoit des factures aller-retour pour les stages. Ça ne paraîtra pas, ça, non plus, là, dans les données jusqu'à 2002-2003. Donc, il y a toutes sortes de facteurs comme ça.

Et, actuellement, non, on ne fait pas partie prenante des discussions, c'est ça, sur la révision de la grille. On a établi des contacts avec la CREPUQ, donc on espère effectivement pouvoir se faire entendre, créer des liens plus forts et faire valoir notre point davantage. Par ailleurs, il y a aussi, au niveau de certaines universités, semble-t-il, des problèmes de répartition, mais c'est loin d'être le cas. Et je peux vous dire que, dans la mienne, au contraire, je reçois actuellement plus dû à un ajustement qu'on appelle la grille Laval et qui m'a permis de sauver dans les dernières années. Ceci étant dit, c'est loin d'être le cas partout. Donc, il y a des interventions, là. Il faudrait avoir les possibilités.

Mais, si on regarde du côté de la médecine, là, ils ont leur comité, MEDU, à la CREPUQ, ils ont des liens particuliers, des comités avec le ministère de la Santé. Et ces comités-là, nous autres, on n'en fait pas partie. À l'heure actuelle, par contre, on a un élément très fort qui joue en notre faveur, c'est les RUIS, les réseaux universitaires intégrés de santé, dont on fait partie, pour tout ça, toutes les trois, hein, n'est-ce pas? Donc, les quatre RUIS, on en fait partie, et ça, ça nous aide énormément à faire comprendre aussi aux établissements de santé nos besoins. Les D.G. sont là, le ministère de la Santé est là aussi, donc ça aide.

Le Président (M. Arseneau): Alors, je suis très heureux que ça aide. Et nous allons aller du côté de l'opposition officielle avec la députée de Champlain, à qui je dis qu'il lui reste au moins cinq minutes et même un peu plus.

Mme Champagne: Ça va de mieux en mieux. Alors, merci beaucoup, mesdames, d'être là. Je regardais votre mémoire, qui est effectivement fort bien fait et fort complet, et je faisais un constat, parce que je viens, comme ma collègue de Maskinongé, de la région de Trois-Rivières. Et on lisait tout dernièrement que les étudiants qui vont sortir de leur D.E.C. et qui étaient prêts à aller au niveau du bac ne peuvent pas tous être reçus parce qu'il n'y a pas ce qu'il faut comme encadrement et comme moyens. Alors, je pense qu'il y a un constat qui se fait, chacun et chacune, près de chez nous. Et on sent là qu'il y a une problématique à régler là, et ce n'est peut-être pas aujourd'hui qu'on va la régler. Mais je voulais vous dire qu'on en est fort conscients et conscientes.

Ma question. Je lis, en page 10 de votre document, que vous avez une inquiétude sur l'exode possible des professeurs parce qu'il y a des universités qui, à l'extérieur du Québec, ont la tendance et deviennent attirants. D'abord, ils ont des besoins, eux autres aussi, puis ils ont découvert peut-être le truc que, s'ils donnent l'enseignement en français, il y aura de nos étudiantes, étudiants qui vont doucement aller de l'autre côté de la clôture et ne pas revenir chez nous.

Alors, avez-vous des moyens puis vous voyez ça comment? C'est gros comment?

Le Président (M. Arseneau): Mme Lepage.

n(17 heures)n

Mme Lepage (Linda): Écoutez, vous posez deux grands défis: retenir les professeurs au Québec et retenir aussi des futurs étudiants, futures infirmières au Québec. Effectivement, je pense, vous avez bien compris ce pourquoi ils ont implanté ces programmes-là. Écoutez, je veux dire, les façons ? c'est sûr et certain ? de retenir nos professeurs ici, c'est d'abord de les aider, là; on l'écrit, hein, dans le mémoire. Donc, la rétention des professeurs, à l'heure actuelle, elle passe par un soutien. Je vous ai fait un long énoncé tout à l'heure, je pense, en trois paragraphes, de tout ce que ça fait, un professeur, dans nos facultés, et pourquoi c'est essentiel, et il faut les soutenir.

C'est sûr et certain qu'en termes de conditions salariales, et tout ça, c'est des données importantes. Mais ça, c'est des choses qui se négocient à l'interne, là, sur les conventions collectives ? chaque université. Et encore là on essaie, c'est ça, d'influencer. En ce qui concerne les étudiants, c'est... Là, ils ouvrent les programmes en français, là, mais j'allais dire: attendez de voir les bourses qu'ils vont leur mettre sur la table pour qu'ils y aillent, aux programmes en français, nos Québécois.

Donc, je pense, là, qu'il y a un signal, là, qu'il faut que le gouvernement voie et entende, peu importent les sens, mais il y a un signal clair. Si effectivement on veut garder au Québec les étudiants, étudiantes qui veulent devenir infirmiers et infirmières et pour soigner la population québécoise, il faut mettre en place un système de bourses qui va leur permettre de poursuivre leurs études, sinon ils vont y aller... le faire ailleurs.

Mme Champagne: Et l'exode est déjà commencé de façon concrète, là.

Mme Lepage (Linda): Un peu, c'est certain, chez nos diplômés même. Ça, c'est certain aussi. Les conditions de travail ne sont pas les mêmes dans d'autres provinces qu'au Québec. Donc, vous savez ce qui peut être attirant: les salaires, des primes, des conditions, là, les vacances, et tout ça. Donc, nos diplômés sont intéressés s'il y a des bourses qui sont offertes. Et le fédéral s'en vient avec des bourses qui vont pouvoir nous aider au Québec mais en 2005-2006, là, pour des bourses pour les études supérieures. C'est sûr et certain qu'on va encourager nos étudiants à aller les chercher, ces bourses-là, mais c'est certain que les autres provinces vont en avoir aussi. Et, s'ils en gardent pour les francophones, bien c'est certain que ça va attirer nos étudiants.

Mme Champagne: Vous savez très bien, Mme Lepage, que, si ces bourses-là, ces sommes d'argent là fédérales nous étaient données, remises comme il se doit, la bataille serait moins forte. Alors, c'est un message que j'avais le goût de passer, et je pense que c'est même partagé par nos amis d'en face. Ces argents-là sont à nous. On aimerait les avoir et les distribuer à nos étudiants, étudiantes, ce qu'on ne peut pas faire parce qu'on n'est pas nécessairement très riches. On a un manque à gagner important. Le gouvernement du Parti québécois l'a vendu et défendu pendant plusieurs années.

Alors, Mme Lepage, dernière petite question. Est-ce que j'ai encore une minute?

Le Président (M. Arseneau): ...le temps, oui.

Mme Champagne: J'ai ma dernière minute. Alors, c'est toujours merveilleux. Est-ce qu'au niveau de la recherche il y a un pourcentage énorme de temps chez nos infirmières professeures qui est mis pour la recherche, pour le travail de recherche? C'est quoi, le pourcentage, là, enseignement-recherche dans votre profession?

Mme Lepage (Linda): Écoutez, sur l'ensemble des 120 professeures et professeurs de carrière, là, on a actuellement 10 équivalents temps plein professeurs qui sont dégagés pour la recherche, ce qui veut dire que ces personnes-là enseignent un cours ou deux par année. Donc, c'est moins même que 10 %.

Chez l'ensemble des autres professeurs, ils sont aussi actifs en recherche, mais je vous dirais que ce qui leur permet d'être actifs en recherche, c'est le travail de soir, de nuit et de fin de semaine qu'ils font. Ce n'est pas sur du travail à 40 heures-semaine, c'est du travail de 60, 70 heures-semaine...

Mme Champagne: Le travail féminin. C'est ça.

Mme Lepage (Linda): ...c'est ce qui permet d'avoir une carrière de professeur universitaire. C'est les seules conditions.

Mme Champagne: Parce que je disais que c'est un travail féminin.

Mme Lepage (Linda): Ah, même à ça. Pour les infirmiers et infirmières, aller chercher des titres de chercheurs boursiers, des chaires de recherche, là, ça prend un dossier que, pour l'avoir, là, tu peux compter 10 ans à 60, 70 heures-semaine, sans mentir.

Mme Champagne: Et c'est important, la partie recherche, dans votre travail comme professeure?

Mme Lepage (Linda): C'est important dans notre travail. Pourquoi? Parce que c'est ce qui vient alimenter l'amélioration des soins et services à la population, c'est ce qui aide aussi à comprendre les comportements et savoir comment on doit... quelles interventions on doit utiliser en prévention ou promotion de la santé, aussi... d'évaluer les pratiques et en développer des nouvelles quand c'est rendu au niveau des soins aigus, et des soins critiques, et même des soins palliatifs. C'est par la recherche que tout ça se développe.

Mme Champagne: Merci.

Le Président (M. Arseneau): Je dois malheureusement mettre fin à ce bel échange. Et, Mme Lepage, mesdames du Forum des doyennes et des directrices de l'Association canadienne des écoles de sciences infirmières ? région du Québec, je veux transmettre les remerciements de la commission pour votre contribution importante à nos travaux. Vous avez bien fait le tour de la problématique en ce qui concerne votre profession, et je suis certain que les gens de la commission ont apprécié.

Alors, je suspens nos travaux pour quelques instants, le temps de demander à l'Association des étudiantes et étudiants des 2e et 3e cycles de l'Université McGill de bien vouloir s'approcher.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Arseneau): Alors, si vous permettez, nous allons reprendre nos travaux, puisque vous savez que nous devons ajourner à 18 heures et comme nous avons des invités alors pour échanger.

Nous avons donc avec nous l'Association des étudiantes et étudiants des 2e et 3e cycles de l'Université McGill, et le président de l'association est M. Ives Levesque. Alors, bienvenue, M. Levesque, à l'Assemblée nationale du Québec. Je vous demanderais d'abord de présenter les gens qui vous accompagnent. Et vous avez autour de 20 minutes ou, si vous prenez moins de temps, il y aura plus de temps d'échange. Eh bien voilà, c'est à vous.

Association des étudiantes et étudiants
des 2e et 3e cycles de l'Université McGill inc.

M. Levesque (Ives): Merci, M. le Président. D'abord, je vous présente ma délégation. Moi-même, Ives Levesque, je suis étudiant au doctorat en physique médicale à l'Université McGill; ensuite, à ma droite, il y a notre vice-président aux finances, Alex Bourque, qui est doctorant en physique; ensuite, Ahmed Abu Safia, à l'extrême droite, qui est candidat à la maîtrise en informatique; puis, à ma gauche, nous sommes aussi accompagnés de Mme Johanne O'Malley, qui est la coordonnatrice aux services de notre association.

n(17 h 10)n

Donc, M. le Président, M. le ministre et membres de la commission, nous tenons à remercier cette commission pour cette invitation à participer au dialogue sur les grands thèmes de l'éducation universitaire. Nous sommes heureux de participer à ce forum où furent entendus autant de propositions, d'arguments et de résultats de recherche. À la hauteur des 90 mémoires, nous reconnaissons le défi relevé par cette commission. Nous espérons un échange d'idées juste et franc. Au-delà du premier dialogue, nous espérons aussi une résolution à le poursuivre. Nous nous identifions comme faisant partie d'une cohorte étudiante unique et distincte. Nos collègues des deuxième et troisième cycles sont d'abord, oui, des étudiants mais sont aussi des chargés de cours et des chercheurs. Ce sont des jeunes adultes qui se trouvent en début de carrière, et nombre d'entre eux considèrent devenir parents et sont également de façon générale endettés. Notre association représente aussi depuis peu les chercheurs postdoctoraux, qui sont en pleine transition dans le monde académique. À ceci il nous faut ajouter que plusieurs de nos membres envisagent une carrière universitaire. Vous comprendrez que, pour eux, l'importance de la commission est d'autant plus significative.

Dans notre mémoire, nous avons présenté notre idéologie de base. Il va sans dire que les détails et les enjeux de chaque problématique méritent une articulation complète. Nous reconnaissons le travail assidu des individus et des groupes qui, possédant les ressources, ont mis les efforts nécessaires afin d'approfondir les différents aspects de ces débats. Nous voulons d'ailleurs souligner l'importance et la rigueur que nous avons retrouvées dans les journaux des débats de cette commission. En révisant ces procès-verbaux, nous avons constaté que les idéaux sont souvent répétés, parfois de manière explicite, d'autres fois, de façon plus sous-entendue, et cela, autant par les invités que par les commissaires.

Nous pensons immédiatement à l'accessibilité, ce droit à tous à une éducation postsecondaire, à la qualité, celle d'un système universitaire au service de ses participants et tributaires, et à la liberté intellectuelle, ce principe fondamental d'une éducation juste et bien fondée. Il n'aura jamais été question de délaisser ces idéaux de l'accessibilité et de la qualité au cours de cette commission. Tous témoignent même de l'inverse. Ces idéaux demeurent clairement, au premier plan de cette commission, exprimés avec justesse par M. Kelley lors du discours d'ouverture. À son tour, M. le ministre a aussi souligné, lors de son premier discours, l'importance des universités pour notre société, et ce, à une multitude de niveaux. Cet accord sur les principes d'une éducation postsecondaire accessible et de qualité est primordial, et tâchons de ne pas l'oublier au courant des travaux à venir.

Depuis quelques années, nous constatons qu'une certaine solidarité s'installe, au sein des associations étudiantes, sur les thèmes reliés au financement. Nous sommes satisfaits des propos déposés par plusieurs de nos collègues étudiants. Nous y trouvons de nombreux points en commun ainsi qu'une excellente présentation des besoins particuliers des différents campus sur l'ensemble du territoire québécois. Donc, voyant une solidarité sur les idéaux d'accessibilité et de qualité, autant au sein de la population étudiante qu'au sein de la commission, ce dialogue devient d'autant plus intéressant, voire motivant, puisqu'il permet d'entrevoir une foule d'innovations et de solutions. Donc, nous discuterons des thèmes idéologiques qui, nous espérons, porteront à des solutions.

D'abord, nous voudrions souligner le point idéologique suivant: les étudiants ne sont ni consommateurs ni produits de l'éducation universitaire mais en constituent un élément fondamental. Cette distinction importante est implicite dans l'idéal de la liberté intellectuelle. Nos universités sont-elles simplement peuplées d'universitaires? Il s'agit là d'une vision bien simplifiée de la situation. L'université existe-t-elle sans ses étudiants et ses chercheurs? Bien sûr que non. Mais, nous, étudiants, chercheurs, professeurs, administrateurs, formons la communauté universitaire, communauté qui est une partie essentielle d'une société moderne progressive et responsable. Il est clair que ce forum se préoccupe de l'enjeu majeur sur lequel repose la grande majorité des problématiques reliées à l'éducation au Québec. Certains l'estiment même comme une motivation derrière cette commission; et je parle de la crise du financement.

Les questions souvent posées à nos collègues démontrent bien cette préoccupation. Comment proposez-vous de trouver le financement nécessaire? Comment la masse étudiante réagirait-elle à un dégel des frais de scolarité? Comment combler cette crise de financement? Ce problème de sous-financement existe depuis longtemps. Au cours des années récentes, nous témoignons des efforts de la part de tous ceux impliqués directement dans le réseau universitaire pour endiguer ce problème. Nos administrateurs mènent des campagnes de financement. Nos étudiants deviennent experts à étirer les dollars qui leur restent souvent en combinant plusieurs emplois, et nos chercheurs et professeurs font de plus en plus partie d'une main-d'oeuvre utilitaire au service d'une politique d'innovation axée vers le marché et les produits plutôt que vers le développement fondamental du savoir.

L'absence d'argent dans le système universitaire n'est pas un fait récent, mais cependant doit-on croire que nous pouvons financer le réseau universitaire à travers une déréglementation des frais et d'une privatisation accrue? De façon plus précise, penchons-nous sur le dossier des frais étudiants. Même avec les gels de frais de scolarité, la facture de l'éducation universitaire ne cesse de grimper. Sur une facture étudiante typique, cette augmentation s'effectue par le biais de frais afférents, comme nous l'avons tous entendu, par exemple: les frais de technologie et d'informatique, les frais de services aux étudiants, les frais de finissant, les frais aux bibliothèques et, même pour les étudiants aux cycles supérieurs, les frais de dépôt de mémoire. Ces coûts ne cessent de croître.

L'augmentation du financement par les frais étudiants est déjà en cours. Cependant, nos universités manquent toujours d'argent. De plus, la réponse à la crise financière des étudiants est souvent la même: Augmentons les prêts. Les étudiants sont de plus en plus endettés avant même de commencer leur vie professionnelle. Certains intervenants, lors de cette commission, dont notre propre université, ont cité des statistiques démontrant que le taux de participation des jeunes à l'éducation postsecondaire ne dépend pas des frais de scolarité. Ces chiffres démontrent que la participation est même plus élevée dans certaines juridictions où les frais sont plus importants.

Cependant, évitons donc de penser qu'il s'agit là d'une mesure claire et précise de l'accessibilité. Bien qu'une augmentation au coût de l'éducation ne modifie peut-être pas le taux de participation absolu, nous pensons qu'il en résulte un impact significatif sur la composition de la population universitaire favorisant les mieux nantis. Cette démarche viendrait donc miner directement la base de la notion d'«accessibilité». Les universités survivront sans doute, mais la société québécoise en souffrira sûrement.

L'engagement du secteur privé dans le financement des universités augmente depuis bien des années. Il en résulte certainement un apport bénéfique. Et, d'un certain point de vue, cet engagement est justifié. Ce sont les entreprises privées qui bénéficient alors d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée, et il est normal de croire qu'elles devraient assumer une part des responsabilités. Malheureusement, nous devons ajouter un bémol: plusieurs cas nous ont été rapportés et sont connus de notre université, où des entreprises ont mis en péril les thèses de certains de nos membres. Cette situation préoccupante nous a même incités à mettre sur pied un comité et un fonds d'appui ainsi qu'à créer une position de commissaire à l'équité afin de soutenir les efforts de nos membres dans la défense de leurs droits académiques. À ce jour, le commissaire et son comité ne chôment pas. Dans de tels cas, l'administration universitaire et les intérêts privés disposent bien des moyens et du temps pour les négociations. Mais l'étudiant, lui?

Ceci ne représente qu'un exemple parmi tant d'autres où la participation du privé peut être problématique. Ce sont alors la liberté académique et la recherche fondamentale qui sont en jeu. Nous croyons que c'est d'abord par un financement public, ensuite par une réglementation des fonds privés, que passe le maintien de la liberté intellectuelle et de la qualité fondamentale de nos universités. Sur ce, nous nous tournons vers les propos de notre propre université. Nous croyons que le succès de l'Université McGill reflète une certaine habileté à l'autofinancement. Par contre, cela a une influence perverse sur le fonctionnement de notre université. En effet, McGill est traditionnellement une institution où la collégialité et la concertation entre les divers intervenants prévalaient. Mais récemment, nous constatons une érosion de ce modèle au profit d'un plus corporatif où les décisions sont prises par une minorité, entre autres, à travers une restructuration de notre conseil d'administration. Nous croyons que ce volte-face est dû en grande partie au besoin de l'université de faire des ententes avec l'entreprise privée, et ce, rapidement. Ceci, selon nous, a mené à l'appauvrissement de notre institution.

Nous doutons aussi des comparaisons qui se retrouvent dans le document de consultation ainsi que dans les propos de McGill par rapport aux systèmes ontarien et américain. Nous avons des doutes que l'augmentation des frais de scolarité est la panacée aux problèmes de financement, de qualité et d'accessibilité de ces universités.

n(17 h 20)n

Nous sommes bien conscients que le manque de financement dans plusieurs de ces... qu'il y a un manque de financement dans plusieurs secteurs de notre société ? la santé, le transport, l'habitation, les programmes sociaux et l'éducation ? mais ce réflexe de faire payer davantage les malades, les jeunes familles et les étudiants ne reflète pas les idéaux généralement tenus par nos citoyens. Il y a effectivement une crise, et nous soulignons alors ce que signale cette crise: le besoin d'une vision et d'un leadership.

Comme le dit l'honorable Claude Ryan, tel que cité dans la lecture d'un passage par M. Kelley, «le premier service de l'université envers la société est et doit demeurer l'exploration et la diffusion du savoir à l'abri de tout assujettissement à des intérêts extérieurs et des critères de performance étroitement utilitaires». C'est donc justement auprès de ces forums de liberté intellectuelle et académique que sont les universités que nous proposons qu'une vision soit développée.

Historiquement, plusieurs attribuent à la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval d'être le berceau de la pensée ayant influencé la société québécoise dans les années cinquante et soixante. Il en a d'ailleurs émergé, en 1964, le ministère de l'Éducation, il n'y a que 40 ans, avec, je vous le rappelle, le désir d'offrir une éducation de qualité pour tous. C'est au coeur même de nos universités qu'a pris naissance cette vision à laquelle nous en sommes ici arrivés. Renouvelons nos institutions, cultivons nos propres ressources, souvenons-nous de l'importance de nos universités et construisons ce nouveau dialogue de manière collective.

Nous sommes ravis d'avoir entendu tous les projets, les initiatives et les propositions de nos collègues. La démocratisation du savoir nous motive aussi à être au-devant de ces enjeux et de ces nouvelles questions. Nous sommes convaincus que les solutions se retrouvent dans les propositions faites au cours de ces débats. Nous lançons donc un défi à cette commission: de prendre ces propositions en considération et de nous revenir avec un plan, une vision. Une première tournée de consultations aura soulevé beaucoup d'opinions.

Comme deuxième étape, il nous faut développer, comme l'a exprimé le Conseil des syndicats du Québec, une bonne liste des besoins ainsi qu'une campagne sur les enjeux et l'importance de l'éducation postsecondaire. C'est à cette commission et à notre gouvernement que revient le leadership de développer une telle vision non seulement pour les quatre prochaines années, mais pour les prochaines générations. Après toutes ces discussions, il s'agit maintenant de se mettre à la tâche de façon résolue pour arriver à des propositions concrètes. En terminant, nous voudrions féliciter les commissaires pour leurs intérêts et pour l'attention portée au volume d'information qui déferle devant eux durant ces consultations. Nous vous remercions pour cette opportunité de participer au dialogue. Nous accueillons maintenant les discussions des commissaires.

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup pour cette présentation, M. Levesque. Et je comprends que, quand on regarde l'horloge, ça nous donne à peu près quatre blocs de huit minutes. Alors, je vais immédiatement demander au ministre de l'Éducation d'amorcer la discussion.

M. Reid: Merci, M. le Président. Vous ne m'en voudrez pas, puisque nous ne nous verrons pas avant le milieu de la semaine prochaine, de souhaiter, au nom de tous les membres de la commission, à la députée de Taillon un bon anniversaire lundi, puisque nous n'aurons pas l'occasion de nous voir d'ici là. Et donc je profite de la dernière occasion que nous avons aujourd'hui pour le faire.

Bienvenue à nos amis étudiants de McGill. Je suis très impressionné et toujours très ému quand on insiste sur la liberté académique ? c'est mon passé universitaire évidemment qui veut ça ? et qu'on insiste sur le fait que les étudiants et les étudiantes sont vraiment au coeur de l'université et de l'activité universitaire et sont la véritable raison d'être de l'université.

Maintenant, je dois vous dire que la conclusion ? il y a beaucoup de choses intéressantes ? la conclusion m'a fait sursauter ? de votre mémoire. D'abord, sa deuxième phrase, qui m'a fait sursauter. La première, c'est plus une explication que j'aimerais que vous me donniez. La deuxième phrase ? et je lis cette phrase-là: «Higher education in Québec has come to this important crossroad due to a clear disengagement of the various levels of government.» Ici, on peut évidemment arguer sur le désengagement parce que ça dit ici: À cause d'un désengagement clair des différents niveaux de gouvernement. On peut évidemment discuter sur le fait qu'il y ait désengagement ou pas, on peut avoir des avis là-dessus. Vous comprendrez que, moi, je suis tout à fait en désaccord avec le fait qu'il y aurait un désengagement, maintenant; on en a fait la preuve. Mais ce qui m'étonne, c'est le mot «clear», et il me semble que c'est loin d'être clair pour tout le monde. Et alors, peut-être, en tout cas, vous voudrez en discuter, mais je veux au moins vous faire part de cet élément-là.

Ce qui m'intéresse et ce qui attire plus ma curiosité, c'est la première phrase où vous dites: «Universities and their governance should be accountable to their students.» Donc, autrement dit, les universités et leur, disons, direction ? et plus large que ça; on parle de conseil d'administration souvent quand on parle de «governance» ? devraient être imputables à leurs étudiants. Et là vous ajoutez: «just as is the case for administrators, Faculty and reaserchers». Si je comprends bien, c'est... vous dites: C'est le cas des professeurs, des administrateurs et des chercheurs, chercheuses. Et vous dites... vous ajoutez donc que les universités et leur gouvernement, si je peux m'exprimer ainsi ? conseil d'administration, etc. ? devraient être imputables de la même façon aux étudiants.

Est-ce que c'est ça que ça veut dire? Et, si oui, qu'est-ce que ça veut dire pour vous: Les universités et leur gouvernance devraient être imputables aux étudiants?

Une voix: Très bonne question.

M. Reid: Parce que, en général, même si, moi, je crois que les étudiants sont au centre de l'université et que l'université ne peut pas exister sans étudiants, il reste quand même que les étudiants, dépendant de ce qu'on donne au mot «imputabilité», ne sont pas les boss de l'université même si c'est la raison d'être.

Le Président (M. Arseneau): M. Lévesque, oui.

M. Levesque (Ives): Je suis d'accord avec vous que les universités... que les étudiants ne sont pas les boss quand ça revient à l'université. Mais cette phrase-là fait surtout allusion à la situation que nous vivons en ce moment, à l'Université McGill, où l'université est en train de réduire le nombre de gouverneurs sur son conseil d'administration, et ce qui en résulte aussi... une réduction dans le nombre d'étudiants sur le conseil d'administration.

Pour les étudiants de McGill, c'est clair que l'accès au comité, quand ça revient au niveau académique, est là. Au niveau des études supérieures, vous savez qu'à McGill on a un très bon rapport avec notre doyenne des études supérieures. On peut consulter avec elle, jour après jour; sa porte est toujours ouverte. Au niveau académique, l'accès est là. C'est ce que je reviens à dire pour «accountability». Ils nous présentent leur projet, ils demandent du feed-back, et puis on leur donne. Ils vont implémenter ce que, eux, ils pensent qui est la meilleure décision.

C'est au niveau des décisions plutôt financières, des choix qui sont faits par la gouvernance de l'université, par l'administration centrale que les choses nous inquiètent. En ce moment, à McGill, comme je vous ai dit, il y a une réduction en cours du conseil d'administration qui va maintenir bien sûr la majorité des membres externes, qui, à McGill, proviennent de grandes corporations, de grandes institutions financières qui ? on peut argumenter ? représentent ? oui ou non ? la société qui vient profiter de l'Université McGill. Mais c'est difficile quand on ne réussit pas à avoir de réponse quant au plan et au projet de notre université au plan financier. Je pense, par exemple, au contrat des cafétérias qui est un dossier de litige en ce moment entre les étudiants et leur Université à McGill. Je parle aussi des accords qui sont faits en vitesse sans que la communauté universitaire...

Donc, nous, ce qu'on voit à McGill, c'est qu'il y a une certaine collégialité qui se fait entre les professeurs et leurs étudiants, entre les chercheurs et leurs étudiants, même aller jusqu'au décanat. Mais, quand ça revient à l'administration centrale, à la gouvernance, «when it matters most», on s'en fait souvent sortir. Je ne viens pas vous dire qu'on a toutes les réponses quand on vient à un conseil des gouverneurs. On ne veut pas non plus venir tout chambarder puis virer à l'envers. On n'est pas là pour ça. On est là pour écouter, pour donner le point de vue de nos étudiants, puis ensuite d'essayer de participer à la discussion.

Aux deuxième et troisième cycles, les étudiants universitaires, autant que les chercheurs postdoctoraux, ont une certaine expérience de vie dans les universités. Ils ont vu ce qui se passe dans les universités. Ils ont souvent même étudié dans une institution différente. Rendus à McGill ou dans n'importe quelle autre institution, ils font leurs études de deuxième et troisième cycles. On a souvent une expérience à apporter, un point de vue différent, souvent plus tranquille, plus pragmatique que les étudiants du premier cycle, mais pas pour autant de leur fermer la porte non plus. Donc, c'est à ça qu'on voulait en venir, si vous voulez, par rapport à la gouvernance.

Le Président (M. Arseneau): M. le ministre.

M. Reid: Oui. Ça m'aide à comprendre effectivement, M. le Président. Est-ce que vous avez... Est-ce que les collègues...

Le Président (M. Arseneau): Oui. Alors, le député de Chauveau aurait une question.

M. Mercier: Charlesbourg.

Le Président (M. Arseneau): ...Charlesbourg, pardon.

n(17 h 30)n

M. Mercier: C'est presque au même endroit, M. le Président. On est voisins. Merci, M. le Président. Bienvenue à tous ici, d'abord dans la capitale et à cette commission parlementaire. Très rapidement. Vous vous opposez à un système de remboursement des prêts proportionnel aux revenus, alors que plusieurs groupes d'étudiants nous ont dit le contraire, nous ont proposé le contraire. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus afin que vous élaboriez davantage cette question.

Le Président (M. Arseneau): M. Levesque.

M. Levesque (Ives): La réponse est très courte. C'est une position qui a été prise par notre association il y a quelques années puis qui a été renouvelée. C'est une mesure qui se rattache aux prêts, puis l'association, notre association, ne croit pas que les prêts sont la solution pour l'aide au financement des études supérieures. Donc, étant donné que c'est une mesure qui se rattache aux prêts, nous, on s'y oppose.

Le Président (M. Arseneau): Alors, est-ce que... Le député de Charlesbourg ou de...

M. Mercier: Je saisis mal, M. le Président. À moins que l'autre bloc veuille...

Le Président (M. Arseneau): Non, vous avez le temps pour encore une question. Oui.

M. Mercier: Je comprends mal votre argumentaire, là, à ce sujet. Je saisis mal. À moins que je sois le seul. Je ne crois pas.

M. Levesque (Ives): Bon. Je dois vous avouer que c'est une position qui a été prise avant mon arrivée. C'est une position qui a été renouvelée, puis, comme je vous ai dit, mon explication par rapport à ça, c'est vraiment que c'est une mesure qui se rattache aux prêts plutôt qu'au système de bourses.

Nous, on préconise qu'un système de bourses serait plus efficace pour aider les étudiants. Donc, si une mesure vient pour adoucir le programme de prêts, on a de la misère à appuyer un tel programme.

M. Mercier: D'accord. Là, je vous suis.

M. Levesque (Ives): Est-ce que ça répond à la question?

M. Mercier: Ça répond à ma question.

Le Président (M. Arseneau): Est-ce que ça va pour le député de Charlesbourg?

M. Mercier: M. le Président, j'aurais peut-être une autre question. Vous me permettez?

Le Président (M. Arseneau): Oui. On peut déborder sur le deuxième bloc s'il n'y a pas... Oui?

M. Mercier: Non. On peut aller à l'autre bloc, et je reviendrai tout simplement en deuxième bloc.

Le Président (M. Arseneau): D'accord. Alors, je passe maintenant la parole à la députée de Taillon, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour à notre commission. J'ai cru comprendre que vous écoutez nos propos, ou du moins lu ou vu les échanges que nous avons depuis le début de cette commission. Et, oui, on a pris ça, tout ça très au sérieux, et les gens qui viennent faire des représentations, que ce soit à titre d'étudiant ou d'enseignant ou d'administrateur, nous apportent toujours un éclairage intéressant même si parfois on peut ne pas être d'accord. Et il arrive qu'on l'exprime. Mais je crois que chaque idée mérite d'être exprimée même si elle peut amener des oppositions.

Alors, je veux vous remercier. Effectivement, vous faites des affirmations assez claires dans certains cas et par rapport à certains aspects qui touchent soit à l'accessibilité et la qualité ou le financement. Et je vous entendais tout à l'heure, dans votre présentation ? c'est repris un peu dans votre mémoire, mais moins... de façon peut-être moins claire ? sur la question de la participation du privé au financement, de la participation du secteur privé ou des entreprises au financement des universités.

Et vous faisiez référence au fait que vous étiez inquiet quant à la liberté académique et au respect de la liberté intellectuelle. Et vous avez même fait état d'un fonds d'appui que vous auriez constitué et d'un commissaire qui a été nommé, si j'ai bien compris, au niveau de la surveillance des risques encourus à cause du financement peut-être trop pointu ou trop spécifique de certains projets.

J'aimerais vous entendre sur soit des expériences concrètes vécues à votre institution ou soit la philosophie qui vous guide et la façon dont vous croyez que cette philosophie devrait amener à changer des façons de faire à l'université. Je sais que ce sont des questions complexes; on les a abordées avec beaucoup d'autres de vos collègues. À chaque présentation, c'est venu.

Le Président (M. Arseneau): M. Levesque.

M. Levesque (Ives): Oui. Ce sont des questions assez intéressantes. Pour en venir au comité spécifiquement, pour peut-être éclaircir, c'est un comité qu'on appelle le Committee for Graduate Student Support, un comité d'appui aux étudiants aux cycles supérieurs qui a été mis en place il y a peut-être une dizaine d'années dans notre association, en fait avec la formation de notre association. Et ensuite c'est un comité de bénévoles, d'étudiants aux cycles supérieurs qui se porte à l'aide de... pour faire de la recherche pour les étudiants qui sont pris dans des cas de litige avec leur superviseur, etc. Donc, ces cas-là sont confidentiels. Nous, on monte des dossiers avec l'accord de ces étudiants-là, mais c'est simplement un système de référence et d'appui à la documentation. Nous ne prétendons pas donner, comment dire, de...

Mme Marois: De conseils juridiques ou autres.

M. Levesque (Ives): ...de conseils juridiques. Exactement.

Mme Marois: D'accord. Et c'est dans la...

M. Levesque (Ives): Donc, ce comité-là travaille à aider les étudiants. Le commissaire, c'est une position élue à l'intérieur de notre association, qui a été créée il y a à peu près 3 ans, qui... Anciennement, ses responsabilités faisaient partie d'une vice-présidence à l'académique. C'est devenu un dossier trop chargé pour une personne. Donc, on a créé un commissaire à l'équité.

Ce commissaire à l'équité là s'occupe de tout ce qui est question d'équité sur le campus et ensuite de superviser le comité. Donc, vous croirez que ce commissaire-là est souvent impliqué dans des cas, par exemple... dans de tels cas. Les cas sont confidentiels, bien sûr. Donc, pour vous donner des exemples concrets, je ne peux pas le faire. Mais je peux vous donner des exemples. Vous savez, il s'agit de disputes entre étudiants et superviseurs qui vont peut-être empêcher l'étudiant ? puis ce n'est pas toujours à un sens non plus ? mais qui vont peut-être empêcher l'étudiant de finir ses études.

Mme Marois: Ce n'est pas nécessairement toujours lié au fait qu'il y ait eu un don fait par une entreprise.

M. Levesque (Ives): Non.

Mme Marois: D'accord. C'est ça que j'avais compris dans votre présentation.

M. Levesque (Ives): Le comité ne se spécialise pas sur les cas qui impliquent l'entreprise privée, mais l'entreprise privée fait en sorte qu'on reçoit des cas comme ça à la faveur de ce comité-là. C'est une partie des travaux de ce comité-là.

Mme Marois: Mais c'est plus sur le lien entre l'étudiant-chercheur et son superviseur ou l'étudiant et ses...

M. Levesque (Ives): Pas toujours parce que, de façon générale, le comité s'implique aussi à étudier les questions qui passent devant l'université quand ça vient à: Qu'est-ce qu'un contrat entre l'université puis une compagnie privée qui veut financer de la recherche devrait impliquer? Est-ce qu'on doit protéger les étudiants? Bien sûr. Comment doit-on le faire? On révise ces comités-là. Donc, ce n'est pas le seul comité qui s'en occupe, mais c'est une des instances à l'intérieur de notre association.

Mme Marois: Et est-ce qu'à ce moment-là vous avez établi des règles générales ou vous y allez plus au cas par cas?

M. Levesque (Ives): Au niveau du comité, ça travaille cas par cas. L'Université McGill s'est dotée ? et c'est une politique qui est toujours en transformation ? s'est dotée d'une politique qui dirige les ententes entre un étudiant, son superviseur et les intérêts privés qui vont peut-être financer la recherche. Ces contrats-là, malheureusement, ne mettent pas les étudiants à l'abri de tous les problèmes. Donc, c'est quelque chose qui doit progresser et s'améliorer. Donc, je pense que l'Université McGill en fait est peut-être en tête de file quand ça vient à élaborer des contrats comme ça. Puis notre doyenne aux études supérieures a été un fer de lance dans ces projets-là. Mais c'est quelque chose qui continue à être un dossier pour nous sur lequel on doit continuer à travailler.

Mme Marois: C'est très intéressant. Dans votre présentation, tout à l'heure vous parliez de l'érosion du modèle de concertation que vous aviez connue, à un certain moment, à l'université. Et le ministre l'a aussi abordée avec vous tout à l'heure. Et vous avez fait référence à la modification de la composition du conseil d'administration de l'université et vous allez aussi loin que de dire: Cela a une influence perverse ? je prends vos propres mots, là, hein; j'ai bien écouté, là ? une influence perverse sur la façon de fonctionner à l'intérieur de notre université. J'aimerais ça que vous m'en parliez un peu.

M. Levesque (Ives): Je pense que...

Le Président (M. Arseneau): M. Levesque, oui.

M. Levesque (Ives): Oui. Je pense qu'à ce niveau-là ce qui nous inquiète, c'est... On entend souvent parler de collégialité à l'Université McGill. On y dit souvent le mot «collégial». Nous aimons régler les problèmes de façon collégiale, mais, quand ça vient à des problèmes sérieux, quand ça implique soit le financement ou des décisions majeures, les décisions sont souvent prises de façon unilatérale ou même à l'avance. Ensuite, on informe la communauté. Ce n'est pas seulement les étudiants qui se retrouvent dans le noir, les professeurs, etc. On informe ensuite la communauté universitaire de la décision avant même d'avoir consulté, avant même d'avoir tâté le terrain pour voir qu'est-ce que l'université aurait à en dire. Étant donné qu'on entend toujours ça, ce terme de principe de collégialité, puis que l'université est en train de reformer son conseil des gouverneurs, on voit un contresens, essentiellement. On voit une contradiction là-dedans.

n(17 h 40)n

Si l'université est prête à nous dire qu'ils ne veulent pas utiliser le principe de collégialité puis qu'ils veulent passer à un système où ils vont prendre les décisions puis, nous, on va faire avec, qu'ils nous le disent. Mais c'est un peu en train d'être fait derrière des portes fermées, puis ensuite on nous l'annonce par un moyen quelconque. Ça fait que, vous voyez, il y a un contresens. Je ne dis pas que l'université n'a pas le pouvoir de décision. L'université, en bout de ligne, est responsable de son fonctionnement, donc va prendre les décisions qu'eux pensent sont les meilleures. Mais qu'on soit clair et transparent, qu'on nous le dise. C'est plutôt à ça que je voulais en venir.

Mme Marois: D'accord. Bien, je pense que ça précise.

Le Président (M. Arseneau): Si vous permettez, Mme la députée de Taillon, j'irais du côté gouvernemental. Et c'est le député de Charlesbourg qui souhaiterait vous poser une question.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Très brièvement. Et j'ai effectivement moi-même sursauté à la lecture de plusieurs de vos allégations, un peu comme le ministre l'a fait lors de la lecture de votre conclusion, et puisque c'est une cause qui me tient à coeur, notamment dans mon comté, c'est-à-dire celle des services que nous donnons aux personnes souffrant d'un handicap physique ou autre. Et je reviens à la page 4 de votre mémoire et je vais vous citer une petite partie de votre dernier paragraphe. Vous dites que «the institution is knowingly passing on its legal obligations». Alors là, vous me faites sursauter un petit peu, en ce sens qu'habituellement les universités ont le devoir de mettre, par exemple, leurs bâtiments aux normes, la mise aux normes des bâtiments. Alors, vous dites que c'est sûrement en ce qui concerne les services, d'après la lecture du paragraphe. Alors, j'aimerais peut-être savoir qu'est-ce qui se passe ou du moins que vous nous éclaircissiez à ce sujet.

M. Arseneau: M. Levesque.

M. Levesque (Ives): Donc, à l'intérieur de l'université, j'observe... ou nous observons deux volets, si vous voulez, de rendre l'université accessible aux gens aux besoins spéciaux, que ce soient des besoins physiques, des troubles d'apprentissage, etc. Donc, nous, on voit deux volets, et l'université voit aussi deux volets et sépare ces deux volets-là. De un, il y a l'accès physique aux édifices, que ce soient les rampes d'accès, les ascenseurs, les services adaptés. Donc, cette partie-là des services aux gens à besoins spéciaux est sous la responsabilité de l'université à travers de ses responsabilités générales, O.K.? À l'Université McGill, il y a une plainte, si vous voulez, une plainte des étudiants que ces services-là ne sont pas toujours où ils devraient être, même dans des nouveaux édifices où l'accès n'est pas assuré. Vous voyez ce que je voulais dire? Même que l'accès physique à l'édifice n'a pas été assuré. Donc, on peut comprendre que, dans un édifice de McGill qui a 150 ans, on peut comprendre qu'il y a du travail à faire. Mais, dans un nouvel édifice, on croirait que tout serait fait au début. Bon. Ça, c'est le premier volet.

Le deuxième volet, ça revient aux services qu'on donne aux gens à besoins spéciaux, aux étudiants à besoins spéciaux, que ce soit la prise de notes, les examens en différé, et j'en passe. Donc, on a à McGill un bureau, le Office of Students with Disabilities. Ce bureau fait partie des services aux étudiants à l'Université McGill, qui est traité comme un décanat, si vous voulez, comme une faculté. Donc, nous avons un doyen des services aux étudiants, non pas un administrateur ou un directeur. C'est un doyen, un professeur nommé à cette position-là qui s'occupe des services aux étudiants. Ces services aux étudiants là à McGill font une partie... forment une partie importante de notre facture étudiante et... ce qui fait en sorte que 60 % des services étudiants à l'Université McGill sont financés par les étudiants, O.K.?

Donc, ce sont des frais qui vont payer pour les services athlétiques, pour les services de psychologie, pour la clinique de santé, etc., et aussi le bureau, le Office of Students with Disabilities. Donc, nous, on a... ces frais-là de services aux étudiants augmentent à chaque année, de façon systématique, depuis des années. La proportion que les étudiants paient ? en ce moment, c'est 62 % ? augmente depuis des années. Ça n'a jamais... la proportion n'a jamais diminué, O.K.?

Donc, nous, on trouve difficile à avaler qu'un service qui est imposé à l'université... puis que ? nous, on croit qu'il est extrêmement essentiel de donner l'accessibilité à ces étudiants avec besoins spéciaux ? l'université passe ça sur la facture des étudiants à travers un frais de service qui n'est pas réglementé, si vous voulez, qui augmente à chaque année. Donc, nous, on voit là essentiellement de dire: Ah, c'est un service aux étudiants; oui, on est obligé de le faire, mais on va le faire à travers ça et on va le faire financer par un fonds qui peut augmenter sans limite, si vous voulez, O.K.? Donc, la contradiction est là pour nous, là, si vous voulez.

Le Président (M. Arseneau): Est-ce que ça va, M. le député de Charlesbourg? Alors, il y a le député de Vimont qui avait signifié son intérêt de vous interroger.

M. Auclair: Merci, M. le Président. Messieurs, madame, bonjour. Ce qui m'intéresse beaucoup, moi, c'est justement... Vous êtes des étudiants en maîtrise, postdoctorat, entre autres, vous représentez... Pouvez-vous nous parler un petit peu de la réalité des étudiants, là, des étudiants de premier cycle face à leurs professeurs qui font beaucoup de recherche? Là, il y a beaucoup de groupes qui viennent... qui sont venus d'ailleurs nous présenter... dont le Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Montréal, qui soutenaient que justement le problème de la recherche entraînait justement une relation et une présence professeur-étudiants au niveau... surtout de niveau premier cycle.

Au niveau de McGill, comment vous voyez ça, vous? Est-ce que vous voyez qu'il y a un problème à cet égard-là ou vous considérez que c'est un cheminement qui est acceptable, soit la relation professeur-recherche et étudiants?

M. Levesque (Ives): Je ne suis pas certain que je comprends exactement la question. Mais, si je peux élaborer un peu, est-ce que vous voulez dire les problèmes qui peuvent résulter du fait qu'un professeur a une charge de recherche accrue qui va faire en sorte...

M. Auclair: Ou de l'absence de temps. De l'absence de temps que le professeur peut... un professeur qui se consacre à la recherche peut donner à des étudiants de premier cycle.

M. Levesque (Ives): O.K. Je pense qu'à ce niveau-là, au premier cycle, à l'Université McGill, je préfère de laisser la réponse à nos collègues qui vont paraître devant vous la semaine prochaine, je crois.

M. Auclair: ...étudiant. Là, je vais vous demander plutôt le retour, le feeling, comme on dit en anglais, le feed-back des étudiants face à cette réalité-là.

M. Levesque (Ives): Nous, ce qu'on entend des étudiants au cycle...

Le Président (M. Arseneau): M. Levesque, oui.

M. Levesque (Ives): ...au premier cycle, pardon ? au premier cycle ? c'est que les étudiants parfois n'ont pas assez accès à leurs professeurs parce qu'ils sont trop occupés à leurs recherches. Bon. De là à dire que c'est confirmé, et tout, ça, je pense que la réponse revient vraiment à cette association-là. On a deux associations distinctes sur le campus, puis on préfère vraiment de respecter nos situations différentes.

Au niveau des cycles supérieurs, le problème ne se fait pas au niveau de ne pas avoir accès au professeur, parce qu'il fait de la recherche, mais parce qu'il supervise trop d'étudiants, des fois. Les superviseurs sont souvent contraints à avoir six, sept, huit, 10, 12 étudiants, plus des fois des employés de laboratoire, des techniciens, etc., ce qui fait en sorte que l'accès aux professeurs n'est pas toujours assuré. Souvent, même de ces professeurs-là, étant donné qu'ils font de la recherche, vont être directeurs des groupes de recherche, coordonnateurs de centres de recherche. Donc, toutes ces mesures-là font en sorte que l'accès aux professeurs, aux superviseurs de maîtrise et de doctorat n'est pas nécessairement assuré. Et c'est une situation qui est très variable, je pense, à l'intérieur de l'Université McGill. Certains professeurs vont avoir une dizaine d'étudiants, d'autres vont en avoir moins. C'est quelque chose qui est très variable, qui n'est pas uniforme, selon moi.

Donc, pour vous dire exactement c'est quoi, la situation de l'étudiant typique, je dirais que l'accès n'est peut-être pas idéal à McGill, que ça pourrait être amélioré, mais je ne peux pas vous dire s'il y a un feu ou pas, là, à ce niveau-là. Est-ce que ça répond?

Le Président (M. Arseneau): Alors, je ne sais pas si ça répond, mais, malheureusement, ça met fin au temps qu'on avait du côté gouvernemental. Je retourne du côté de l'opposition officielle, vous disant qu'il reste à peu près huit minutes... sept, huit minutes. Mme la députée de Taillon.

Mme Champagne: Non.

Mme Marois: Mme la députée de...

Mme Champagne: Champlain.

Le Président (M. Arseneau): De Champlain. Alors, vous avez huit minutes, Mme la députée de Champlain. Je pense qu'au fil...

Mme Champagne: Je vais la partager, ils peuvent en amener à...

Mme Marois: D'accord. On va peut-être la partager.

Mme Champagne: Je vais la partager.

Le Président (M. Arseneau): ...au fil de la semaine, vous avez vraiment fait des gains considérables.

Mme Champagne: Aujourd'hui, c'est...

Mme Marois: On est moins nombreux, comme vous le constatez, M. le Président.

Mme Champagne: Bien, bonjour à vous tous...

Le Président (M. Arseneau): C'est parce que la... Oui, alors...

Mme Champagne: ...madame, messieurs. C'est que vous n'êtes pas tout à fait dans le coup, alors je vais vous y mettre tout de suite. C'est que, cette semaine, depuis le début, je n'avais que la dernière minute et je la trouvais précieuse. Là, il m'en accorde huit; il est très fier, n'est-ce pas? Alors, merci à nouveau, M. le Président, mais je vais partager avec madame...

Le Président (M. Arseneau): Je suppose que vous êtes heureuse que je préside finalement, somme toute.

Mme Marois: Elle vous remercie, elle vous remercie.

Mme Champagne: C'est une fin de journée, hein, ça paraît.

Alors, écoutez, dans un premier temps, d'abord, merci de votre présence, et je vais vous faire une petite taquinerie ? prenez-la comme ça. J'ai eu un peu peur quand j'ai lu votre document unilingue, j'ai dit: Je comprends bien, je sais lire, mais l'échange peut être peut-être un peu plus difficile. Alors, je vous félicite d'abord pour votre excellent français. Vous communiquez de façon remarquable, et j'en suis fort aise. Et, si le goût vous en prend de nous le traduire, je suis convaincue que ce ne sera pas un problème pour vous autres.

n(17 h 50)n

Alors, je passe maintenant à ma question. Je crois comprendre... et, si je me trompe, mes collègues me corrigeront... Je pense que vous êtes un des premiers à nous parler que l'aide financière devrait être basée d'abord sur une bourse suivie d'un prêt, et non l'inverse. C'est sûr que, pour les étudiants, ce serait magnifique, de voir arriver une bourse en premier, là. Mais d'où ça vient? Puis êtes-vous les seules universités à avoir pensé à ça, du moins de façon concrète? Et... c'est la première fois que je l'entends en demande, là ? en demande.

Le Président (M. Arseneau): M. Levesque.

M. Levesque (Ives): Bon. Par rapport au fait français. Je dois vous indiquer que je suis un Franco-Néo-Brunswickois, je suis Acadien, donc le français, c'est ma langue première. Donc, c'est pour ça que je viens, devant vous, vous adresser en français aujourd'hui. Au niveau de notre texte en anglais, c'est simplement parce qu'on a un tout petit bureau à notre association. Donc, en faire la traduction, plutôt... Nous, on a choisi de plutôt aiguiser bien le mémoire plutôt que de le traduire, malheureusement...

Mme Champagne: Les explications ont comblé parfaitement.

M. Levesque (Ives): ...au niveau des ressources essentiellement. Je peux vous fournir une traduction aussitôt que j'aurai fini ma thèse de doctorat.

Donc, vous parliez de l'inverse, plutôt des bourses versus les prêts. C'est une proposition qu'on a faite. Ce n'est pas une position ardûment défendue de notre association, je dois vous avouer, mais c'est une proposition qu'on vous a faite en disant: Si les étudiants le méritent, pourquoi ne pas leur donner une bourse en premier, dire: Bon, vous l'avez méritée celle-là. O.K.? Ensuite, s'ils ont besoin plus d'argent, ils pourraient demander un prêt, O.K.? Parce que ce n'est pas évident de dire que tous les gens sont extrêmement bons à gérer leurs finances, par exemple. Donc, ils vont peut-être toujours en demander plus, de l'argent ? pas évident. Mais, de là à dire que la première chose devrait être un prêt où l'étudiant va s'endetter, ensuite, leur donner une bourse s'ils en ont de besoin, nous, on trouve ça un peu à l'envers, si vous voulez. C'est de dire: Vous l'avez méritée, vous êtes à l'université, voici une bourse qui va vous aider à payer vos études; on est conscient que ça ne paie pas tout, peut-être. Peut-être qu'on a une source magique d'argent quelque part qui va donner de telles bourses, mais admettons qu'on ne l'a pas. Une bourse à la base, disons... Bon. Voici, vous entrez aux études, et voilà; ensuite, un prêt s'il y a besoin de plus de financement, si les parents ne peuvent pas aider, par exemple, ou si l'étudiant n'a pas eu la chance d'amasser les fonds nécessaires, etc. Donc, ça, c'est un proposition comme ça, si vous voulez.

Mme Champagne: C'est ça. Mais, pour ce faire, évidemment il faudrait changer la vision des gouvernements, là, au-delà des couleurs de parti, sur le fait que, la bourse, ça vient aider l'étudiant qui est vraiment mal pris. Donc, d'abord le prêt, mais la suggestion sûrement conviendrait à beaucoup d'étudiants, je m'en doute.

Vous parlez également du taux d'endettement qui vous inquiète, taux d'endettement des étudiants qui vous inquiète. Est-ce que c'est pire à McGill qu'ailleurs, parce que vous insistez quand même là-dessus?

Le Président (M. Arseneau): Juste... Si vous me permettez, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Oui.

Le Président (M. Arseneau): En plus de cette question de l'endettement des étudiants au niveau de deuxième, troisième cycles, est-ce que... qu'est-ce qui fait que c'est plus compliqué? D'abord, vous êtes plus âgés, je suppose. C'est... Est-ce que l'endettement, c'est vraiment une préoccupation, puisque c'est vrai que vous faites mention dans votre mémoire... Quels sont les... Quel est votre vécu dans le fond, tiens?

M. Levesque (Ives): Bon. Mon vécu. Moi, j'ai eu la chance d'avoir des bourses, mais ça, c'est mon vécu. Le vécu de mes collègues, par exemple, peut être très différent.

Vous savez qu'après quatre ans de bac, si on dit 20 000 $ de dette, bon... ou trois ans de bac, pardon... Je suis Néo-Brunswickois, donc on dit quatre ans de bac. Ensuite, une maîtrise de deux ans qui peut être faite encore sur des prêts; on rajoute peut-être un autre 10 000 $ ou 20 000 $. L'étudiant a fait le choix de rester aux études et non pas d'aller sur le marché du travail, et s'endette encore plus. Ensuite, un étudiant qui décide: «Moi, je veux faire un doctorat» et qui n'obtient pas de bourse doit trouver les moyens de le faire. Et, rendu à la fin d'un doctorat, il peut se retrouver avec 30 000 $, 40 000 $, 50 000 $. C'est quelque chose qui est cumulatif, vous voyez, puis on ne rembourse jamais ces dettes-là. Puis, quand, à la fin, on arrive, on fait un doctorat; on se dit: Bon, je veux être professeur d'université. Qu'est-ce qu'on nous donne? Un stage postdoctoral avant de devenir professeur. Donc, on fait un salaire, mais un salaire qui n'est pas celui d'un professeur pendant deux ans, trois ans, qui peut s'éterniser même. On voit des postdoc s'éterniser parce qu'il y a un bloc en quelque part. Les dettes s'accumulent et ne sont toujours pas remboursées.

Donc, pour vous dire: Est-ce qu'il y a un problème principal à McGill? Je ne pense pas. Je pense que c'est un problème qui est répandu. Est-ce qu'il y a un problème aux cycles supérieurs? Je crois que oui, parce que c'est une dette cumulative.

Mme Champagne: Votre suggestion.

Le Président (M. Arseneau): Bon. Rapidement, vous avez 30 secondes, M. Levesque.

Mme Champagne: J'écoute religieusement.

M. Levesque (Ives): Augmenter le financement aux étudiants aux cycles supérieurs au niveau de la recherche puis augmenter aussi le niveau de financement au niveau du besoin, au niveau de la recherche, pas seulement au niveau du mérite.

Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup, M. Levesque, madame, et messieurs de l'Association des étudiants et étudiantes de deuxième cycle de l'Université McGill. Je retiens votre engagement en ce qui concerne l'accessibilité. Et aussi vous avez parlé beaucoup de vision et de leadership, et on s'est bien rendu compte, lors des échanges, que vous étiez véritablement engagés dans ces directions.

La commission vous remercie pour votre collaboration, votre coopération et votre contribution. Et, sur ces mots, je vais ajourner les travaux de la commission au mardi 30 mars, 9 h 30, dans une salle à être déterminée. Bon retour à la maison.

(Fin de la séance à 17 h 56)

 


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