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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le vendredi 14 juin 1974 - Vol. 15 N° 94

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22 Loi sur la langue officielle

Séance du vendredi 14 juin 1974

(Onze heures trois minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs! Je voudrais d'abord faire part des changements dont on m'a avisé. M. Kennedy (Châteauguay) remplace M. Bérard (Saint-Maurice); M. Springate (Sainte-Anne) remplace M. Déom (Laporte); M. Bonnier (Taschereau) remplace M. Hardy (Terrebonne); M. Tardif (Anjou) remplace M. L'Allier (Deux-Montagnes); M. Fraser (Huntingdon) remplace M. Parent (Prévost); M. Beauregard (Gouin) remplace M. Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges); M. Séguin (Pointe-Claire) remplace M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Vallières (Richmond) remplace M. Veilleux (Saint-Jean).

Aujourd'hui, trois organismes avaient été convoqués, à savoir le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, l'Association des manufacturiers canadiens, division de Québec, et la Société de philosophie du Québec.

L'Association des manufacturiers canadiens, division de Québec, nous a avisés qu'elle ne se présenterait pas devant la commission.

Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, voulez-vous dire qu'elle ne se présenterait pas aujourd'hui, ou qu'elle ne se présentera en aucun temps?

Procédure

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour le moment, c'est aujourd'hui. Evidemment, je ne peux pas présumer si une association ne voudrait pas se présenter plus tard. C'est toujours le même problème, en vous référant à l'article 6 des règles de pratique. Il ne m'appartient pas de décider moi-même quelle procédure prendre, sauf de vous rappeler ce point. Lors de l'appel, si les intéressés ne sont pas présentés ou ne sont pas prêts à procéder, ils perdent leur droit de se faire entendre, à moins que la commission n'en décide autrement.

M. MORIN: M. le Président, dans le cas d'un organisme important comme l'Association des manufacturiers canadiens, il nous paraît essentiel que cette commission puisse l'entendre. Il y a dans leur mémoire plusieurs points sur lesquels l'Opposition, pour sa part, voudrait revenir et interroger à fond les représentants de cette association. Il y a des choses excellentes dans ce mémoire. Il y a aussi des erreurs énormes sur lesquelles nous aurions aimé obtenir des éclaircissements.

Alors, une fois de plus, nous nous trouvons devant ce problème de la difficulté de convoquer des associations à deux jours d'avis. Tout le processus, M. le Président, est trop hâtif. On mesure les conséquences de la hâte avec laquelle cette commission a été improvisée. Ilaurait fallu prévoir plusieurs semaines pour que les associations puissent rédiger leur mémoire. Il aurait fallu prévoir, à mon avis, de longues semaines d'audition qui auraient permis d'établir un calendrier qui convienne à tout le monde. Puisque je suis sur le sujet, M. le Président, j'aimerais demander au ministre, qui m'a laissé entendre qu'il me la fournirait ce matin, la liste complète des personnes qui ont annoncé leur désir de comparaître.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, il y a, dans l'intervention du chef de l'Opposition, deux éléments. Le premier élément est une critique de la motion qui a été acceptée par l'Assemblée nationale, à savoir que les délais de convocation seraient raccourcis de sept jours à 48 heures. J'aurais souhaité que le chef de l'Oppsoition fasse entendre ce point de vue au moment où la motion a été débattue et non maintenant. Parce que je me souviens très bien que l'Opposition a applaudi à ce geste du gouvernement.

M. BURNS: Est-ce que je peux amener une précision parce que j'ai été partie à la négociation préliminaire de cette motion?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Pour rétablir les faits, d'une façon claire, il nous a paru, dans les discussions que nous avons eues avec le premier ministre et avec le leader du gouvernement, qu'il était impossible, pour des raisons que j'ignore — ce sont des questions que le premier ministre et le ministre de l'Education peuvent avoir décidé sur le plan stratégique, je n'ai pas à les interpréter — mais il nous a paru évident que, pour obtenir que les parties intéressées à se faire entendre se fassent entendre avant la deuxième lecture, ce qui était selon nous absolument normal, il fallait accepter de réduire les délais. C'est uniquement dans ce sens, et cela ne veut pas dire que nous étions d'accord sur l'idée. Je maintiens que c'était une question de stratégie à laquelle je n'ai pas participé puisque je ne suis pas membre du caucus libéral ni du conseil des ministres, mais c'était évident que le premier ministre voulait que ces délais soient raccourcis. Alors, même si ce n'est pas parfait, on a accepté cette chose parce qu'on trouvait que c'était un plus grand bien d'entendre les parties avant la deuxième lecture qu'après la deuxième lecture.

M. CLOUTIER: Quoi qu'il en soit, M. le Président, nous sommes en présence d'une décision de l'Assemblée nationale et, à partir de maintenant, je ne crois pas que cette décision crée de difficultés aux organismes, étant donné que nous pouvons les convoquer beaucoup plus que 48 heures avant. La plupart des organismes se trouveront à être prévenus plusieurs jours avant, dans un certain nombre de cas, même une semaine avant. En revanche, il y a eu cette période de transition qui a fait que quelques organismes n'ont pas reçu le télégramme dans la période de 48 heures. Comme c'est le cas de l'Association des manufacturiers canadiens, nous allons les reconvoquer. Je crois que je réponds, de cette façon, à la demande du chef de l'Opposition. Vous voyez que nous essayons d'être le plus large possible, mais il est évident qu'il faut aussi comprendre que la commission parlementaire ne peut pas se soumettre entièrement aux volontés des divers organismes. C'est un peu comme un tribunal qui convoque ses témoins et, si les témoins ne se présentent pas, il ne peut que prendre acte. Dans la limite du possible, nous essayons d'être souple, mais le secrétaire des commissions m'informe qu'il a des limites à cette souplesse. Deuxième point...

M. MORIN: M. le Président, la métaphore du tribunal me laisse un peu sceptique. Quand un tribunal convoque des témoins, il a autorité pour ce faire et les témoins sont soumis au tribunal. Ce n'est pas la même chose quand nous parlons d'une commission parlementaire dont le but n'est pas de juger les comparaissants, mais de s'informer auprès des comparaissants. Dans le cas du tribunal, c'est une question d'autorité; dans le cas qui nous occupe, qui est le fondement même de cet exercice que nous traversons ces jours-ci, c'est la coopération entre les citoyens et la commission. J'irais même plus loin, c'est le droit des citoyens et des groupes de se faire entendre devant cette commission. La proposition devrait être inversée. Dans le cas du tribunal, les citoyens sont forcés de comparaître. Ici, ils nous font l'honneur de comparaître, ce n'est pas la même chose.

M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai bien l'impression que le chef de l'Opposition cherche actuellement à allonger les débats.

M. MORIN: Non, pas du tout, pas du tout.

M. CLOUTIER: Alors, je suis très heureux d'en prendre acte et je dirais simplement...

M. MORIN: Je pourrais être beaucoup plus long si je voulais développer des points comme ceux-là.

M. CLOUTIER: J'en prends acte, mais je vous dis simplement que le secrétaire des commissions, qui relève de l'Assemblée nationa- le, m'a fait part de la difficulté des convocations, il va essayer d'être le plus souple possible.

J'en arrive maintenant au deuxième élément de la demande du chef de l'Opposition, à savoir le dépôt de la liste des organismes qui ont demandé à se faire entendre. Le secrétaire des commissions m'informe que cette liste finale ne peut pas être préparée avant l'expiration que l'Assemblée nationale, lors de la même motion, a accepté, l'expiration du délai de dépôt des mémoires. Et ce délai, si je ne me trompe, se termine mardi à 16 heures. Le secrétaire des commissions m'informe, à ce moment, qu'il aura une liste définitive.

L'article 3 de notre règlement permet le dépôt d'une telle liste une fois que l'expiration des délais est intervenue. Article 3.

M. BURNS: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu quand même, M. le ministre — je comprends les raisons juridiques derrière la remarque du ministre — pour une certaine planification possible de la part de l'Opposition, d'avoir au moins la liste provisoire? C'est un document de travail, dans le fond, qu'on vous demande, c'est beaucoup plus cela qu'autre chose.

M. CLOUTIER: Je le sais bien, mais le secrétaire des commissions m'informe qu'il ne peut pas faire de liste complète avant l'expiration des délais et le règlement est clair à ce sujet.

M. BURNS: Complète, d'accord. Mais provisoire, si c'était le voeu de la commission, je suis convaincu que le secrétaire des commissions serait en mesure de nous donner au moins la liste provisoire, quitte à la compléter avec un addendum après mardi.

M. CLOUTIER: II est difficile de faire une liste provisoire, parce que certains organismes qui se sont inscrits n'ont pas encore fait parvenir leur mémoire. Ces mémoires doivent être enregistrés, doivent être numérotés. Je pense qu'il faut quand même permettre au secrétariat de la commission de travailler à l'intérieur d'un règlement et d'un certain cadre. Après tout, vous aurez la liste au moment où elle sera disponible et au moment où les règlements nous imposent de la déposer, c'est-à-dire mardi.

M. BURNS: Alors, pouvez-vous nous assurer qu'on l'aura mardi, au moins?

M. CLOUTIER: Bien sûr! Il n'y a aucune raison de vous cacher quoi que ce soit. La commission travaille en tant que commission. Mais il faut tout de même comprendre que le secrétariat a une responsabilité très lourde.

M. MORIN: M. le ministre, si nous sommes revenus sur la question, c'est parce qu'hier vous nous avez laissé entendre qu'il serait possible de l'avoir ce matin. Si nous l'avons mardi, cela ira toujours.

M. CLOUTIER: Ce que j'ai dit exactement hier, M. le Président, c'est que j'allais en discuter avec le secrétaire des commissions et que si c'était possible, vous l'auriez dès ce matin. J'en ai discuté avec le secrétaire des commissions et celui-ci m'a informé qu'il lui était impossible d'avoir une liste avant l'expiration des délais.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'inviterais...

M. ROY: Tous les membres de la commission auront la liste?

M. CLOUTIER: Bien sûr, c'est le président qui en prendra la responsabilité.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je relis l'article pour le bénéfice de ceux qui n'ont pas les règles de pratique: "Après l'expiration de la date où les mémoires douvent être présentés, soit mardi, 4 heures, le secrétaire des commissions en dresse la liste qu'il fait parvenir à chaque membre, accompagnée des mémoires et des résumés". Donc, ce travail parviendra à tous les membres de la commission à compter de mardi après-midi.

M. CLOUTIER: Cela vous va? Parce qu'autrement, ce ne serait pas logique, vous n'auriez pas de mémoire.

M. ROY: Question additionnelle. Si un organisme fait parvenir un avis au ministère qu'il désire se faire entendre ou présenter un mémoire, est-ce que le mémoire peut arriver une journée, deux ou trois plus tard?

M. CLOUTIER: D'abord une fois pour toutes...

M. ROY: Ceci, pourvu que l'organisme ait donné son nom et ait donné avis avant quatre heures?

M. CLOUTIER: Une fois pour toutes, M. le Président, je voudrais qu'il soit bien compris que ce n'est pas le ministère de l'Education, c'est le secrétariat des commissions. Ceci étant établi, je suis obligé de rappeler au député que l'inscription est terminée. Elle s'est terminée, si je ne me trompe, lundi à seize heures.

A la suite d'une motion, et je crois même que le député créditiste a voté en faveur de cette motion...

M. ROY: C'est vrai.

M. CLOUTIER: ... il a été permis non pas d'allonger la période d'inscription, mais d'accorder un délai supplémentaire d'une semaine, de sept jours, pour les mémoires, parce qu'un certain nombre d'organismes n'avaient pas eu le temps de fournir leur mémoire.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'inviterais maintenant le Syndicat des Fonctionnaires provinciaux du Québec à la barre.

Pour le bénéfice des membres de la commission et du journal des Débats, j'apprécierais que vous présentiez ceux qui se présentent devant la commission.

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec

M. HARGUINDEGUY: Jean-Louis Harguin-deguy, président général du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. A ma gauche, Denise Tardif, qui est déléguée syndicale à l'Office de la langue française, et à ma droite, Marcel Ledoux, vice-président de l'exécutif provincial.

M. le Président, je tiens à vous remercier tout d'abord du privilège que vous nous avez accordé de nous faire entendre ce matin. Sachant que votre temps est précieux, je me contenterai strictement de résumer le mémoire que nous vous avons soumis et qui se résume quand même dans quelques points.

Au point de départ, nous ne croyons pas que le bill 22, dans sa forme actuelle, modifie quoi que ce soit dans le bill 63, car, pour nous en tout cas, il tient à reconnaître de façon égale la langue française et la langue anglaise. Nous avions tenté, lors des dernières négociations, en 1972, de faire en sorte que la langue française soit la langue officielle au point de vue du travail dans la fonction publique et dans l'administration publique.

Cependant, nous avons constaté que le gouvernement n'a même pas appliqué, en fait, les modalités d'une clause de la convention collective qui prévoyait pour les fonctionnaires qui ne parlaient que la langue anglaise des cours de recyclage pour leur permettre d'apprendre le français.

De plus, la Loi de la fonction publique prévoit également qu'aucun fonctionnaire ne peut être engagé s'il ne possède une connaissance suffisante du français. Malheureusement, cet article également n'est pas appliqué, car, même actuellement, le gouvernement procède à l'engagement et au recrutement d'employés ne parlant que la langue anglaise.

Nous doutons fort, compte tenu de ces expériences, que le bill 22 modifie quoi que ce soit à la situation présente ou à la coutume qui semble être établie au gouvernement.

Nous avons tenté, de toute façon, de laisser de côté le problème de la langue d'éducation concernant les immigrants, sachant fort bien qu'il y a d'autres organismes qui sont plus habilités que nous à statuer sur ces matières. Cependant, nous doutons fort également que la Régie de la langue française puisse régler quoi que ce soit, advenant le cas où le gouvernement adopterait une réelle politique linguistique au Québec. Etant donné ce qui prévaut actuelle-

ment à l'Office de la langue française, nous doutons fort que la régie, si elle est organisée de la même façon que l'office, puisse atteindre les objectifs que le gouvernement pourrait se fixer. On n'a qu'à penser que, d'abord, compte tenu des locaux dans lesquels travaille l'office, compte tenu de la situation également concernant les employés, je pense qu'il est inadmissible qu'un office de cette importance soit constitué en majorité d'employés occasionnels. Sur à peu près 170 employés, au-dessus de 100 sont des employés occasionnels qui travaillent, bien entendu, de façon permanente. Les autres sont des employés permanents. Nous pensons que si, réellement, le gouvernement veut quand même assurer une certaine stabilité, il est urgent et nécessaire que ces employés deviennent des employés permanents et que des postes soient créés à l'Office de la langue française. De plus, à compter du 1er juillet prochain, l'office a l'intention d'engager quinze employés occasionnels additionnels pour la banque de terminologie du Québec.

Nous voyons mal, en fait, si la régie fonctionne de la même façon, qu'elle aura plus de succès que l'Office de la langue française qui, actuellement, se limite peut-être à publier strictement des dictionnaires et des lexiques, n'ayant pas de mandat ni de budget pour pouvoir aller plus loin dans cette matière.

Les principaux points que nous voulons toucher, cependant, en tant que syndicat, c'est quand même de faire valoir les droits de nos membres que nous venons représenter ici ce matin. Nous touchons en particulier trois articles du bill 22. A l'article 77, nous vous demandons de faire en sorte que le siège social de la régie soit à Québec uniquement, qu'il ne puisse pas être possible de le transférer éventuellement, car ceci pourrait aller à l'encontre de certaines clauses de la convention collective.

Nous voulons que, quand même, les principes qui ont été adoptés soient maintenus concernant tant la sécurité d'emploi que les transferts.

Au niveau de l'article 103, où le bill prévoit des sanctions, des amendes aux fonctionnaires uniquement, nous trouvons un peu ahurissant de constater que les seules personnes qui peuvent être pénalisées par le bill 22, si ces personnes outrepassent, en fait, leur devoir, ce sont les fonctionnaires de la régie et les membres de la régie, alors que d'autres entreprises pourraient fort bien passer outre et n'avoir aucune amende.

Nous tenons également à souligner à la commission parlementaire que déjà la Loi de la fonction publique prévoit une obligation pour les fonctionnaires de prêter un serment d'office ou, en fait, une affirmation solennelle et qu'un employé peut donc être destitué s'il commet des infractions.

D'ailleurs, la convention collective prévoit aussi la possibilité pour l'employeur d'appliquer des mesures disciplinaires. Nous voyons mal pourquoi la loi prévoirait, pour les fonctionnaires qui seraient éventuellement, si la régie est créée, attitrés à cette régie, la possibilité d'avoir des amendes en plus, parce que l'on prévoit des amendes en plus de tout autre recours, ce qui pourrait laisser présumer qu'ils pourraient être congédiés en plus d'avoir une amende additionnelle.

Nous sommes donc opposés, à l'article 103, tout au moins pour les fonctionnaires de la régie, à ce que les membres aient des pénalités, étant donné qu'ils ne sont pas nommés par là Loi de la fonction publique et que les stipulations de la loi ne seront pas applicables.

Un autre article sur lequel nous tenons à porter à votre attention, c'est l'article 121, qui laisse actuellement au ministre, qui serait titulaire de cette régie ou responsable de cette régie, le libre choix des employés qui oeuvreraient à la Régie de la langue française. Nous croyons que les membres qui travaillent actuellement à l'Office de la langue française devraient être mutés obligatoirement à la nouvelle régie. Si réellement il y a d'autres motifs pour ne pas transférer ces employés, je pense que le gouvernement aurait pu, à l'heure actuelle déjà, prendre les dispositions nécessaires pour affecter ces employés à d'autres services à l'intérieur du ministère de l'Education.

Il y a un point auquel les membres, en fait, tiennent particulièrement, c'est d'être mutés automatiquement advenant le cas où la régie serait créée.

Il y a un point également pour régulariser une situation, celle des occasionnels. Nous demandons que le gouvernement, par une modification au bill 22, procède à la nomination à titre temporaire de ces employés. D'ailleurs, le gouvernement a déjà créé un certain précédent dans cette matière lorsqu'il a créé la Régie de l'assurance-maladie du Québec. A ce moment-là, il avait éliminé, en fait, l'application à la convention collective et à la Loi de la fonction publique pour permettre à la régie de procéder à son propre recrutement selon ses propres règles, pour permettre à ces employés d'être engagés sans avoir satisfait aux conditions de la Commission de la fonction publique, ainsi que le délai assez grand qui intervient lors des recrutements éventuels. Nous demandons que le gouvernement prenne, en fait, ses responabili-tés. Il y a des employés qui y travaillent à titre d'occasionnels depuis plus de deux ans. Nous pensons qu'il serait justifié, pour ces personnes, qu'on leur assure quand même une certaine stabilité d'emploi, alors qu'actuellement elles sont à la merci du ministère ou du gouvernement comme tel.

En bref, ce sont à peu près les points sur lesquels nous tenons à vous faire des représentations.

Nous croyons cependant qu'il y aurait lieu d'apporter des modifications assez importantes au bill dans sa forme actuelle parce que nous croyons que cela ne changera pas grand-chose

si le bill est adopté tel qu'il est actuellement, car les expériences antérieures nous ont prouvé que, bien souvent, certaines choses que nous avions négociées ou que nous avions convenu d'appliquer n'ont pas été mises en application par le gouvernement. Si on accorde les mêmes possibilités à la régie à qui ont été accordés les mêmes budgets qui ont été accordés à l'Office de la langue française, j'ai l'impression que ce n'est pas encore en 1975 qu'on aura réellement une politique linguistique au Québec.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Merci beaucoup. Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le représentant du Syndicat des fonctionnaires provinciaux de nous avoir fait part de ses différents points de vue. Nous allons en prendre bonne note. Il y a très certainement des critiques qui devront être considérées par rapport aux conventions collectives. Je n'ai pas l'intention de les relever. Je pense que ces explications sont suffisamment claires. Cependant, j'attire son attention sur le fait que ce que nous discutons en ce moment, c'est une loi telle qu'elle est rédigée et on ne peut pas présumer, par exemple, des résultats qu'elle donnera en disant: Les budgets, s'ils ne sont pas supérieurs à ce qu'ils sont actuellement, il n'y aura pas de résultat. Je souhaiterais que son attention se porte peut-être davantage sur le texte de la loi en essayant de voir jusqu'à quel point ce texte correspond à ses conceptions.

Ceci dit, je me bornerai à une seule question. Dans ses explications, le président du syndicat a dit que la loi 22 donnait exactement le même traitement ou la même importance à la langue française et à la langue anglaise. Je ne crois pas que ce soit là l'esprit de la loi. Surtout si on se réfère comme il l'a fait au chapitre 1, qui est le chapitre qui traite de la langue de l'administration publique. J'aimerais qu'il m'indique à quel endroit il voit que la langue française et la langue anglaise reçoivent un traitement égal, autrement dit que ce chapitre consacre une espèce de bilinguisme.

M. HARGUINDEGUY: M. le Président, je peux peut-être répondre à au moins plusieurs interventions du ministre de l'Education. C'est que d'abord, pour répondre à son affirmation que l'on ne peut pas présumer de ce que pourra faire la régie, c'est que, quand même, les devoirs et les pouvoirs de la régie actuelle sont similaires ou quasi identiques aux pouvoirs et devoirs de l'Office de la langue française. Il y a seulement quelques petits ajoutés. On n'a pas pu accorder à l'office des possibilités tant financières que physiques et même techniques pour assumer ses responsabilités antérieurement. C'est ce qui nous fait douter de la possibilité ou que le gouvernement mettra réellement, en fait, ce qui est nécessaire pour donner à la régie la possibilité d'assumer ses devoirs.

Quand le ministre, également, nous fait allusion que ce n'est pas l'esprit de la loi, étant quand même impliqué de façon directe avec des applications de conventions collectives, il s'avère assez régulièrement que bien souvent l'esprit des négociations ne se retrouve pas dans le texte et qu'on applique à ce moment le texte et non plus l'esprit.

Pour répondre directement à la question, à savoir où nous nous retrouvons, c'est qu'on laisse dans le bill 22 des possibilités, à des organismes ou, en fait, à certaines catégories de personnes, de choisir les documents, s'ils doivent être publiés dans la langue française ou dans la langue anglaise, notamment, dans le domaine des conventions collectives qui nous touchent. Si le syndicat décide d'avoir des copies anglaises, je pense qu'on lui laisse le libre choix d'avoir des copies anglaises. Nous estimons que, pour le domaine de la langue du travail et dans l'administration publique, nécessairement, tout devrait être fait en français. Il n'est pas nécessaire, quant à nous, que l'on donne cette possibilité d'avoir des textes anglais.

D'ailleurs, dans l'esprit de la dernière négociation, l'article 43 de la convention collective avait fait en sorte qu'on avait prévu, pour les personnes anglaises ne parlant pas le français, des cours de recyclage pour qu'elles puissent comprendre la convention collective qui est imprimée strictement en français, même si le code du travail permettait d'avoir des copies anglaises. Je pense que le gouvernement ne s'est jamais donné la peine, comme tel, de faire suite aux demandes de certains membres qui ont voulu avoir des copies anglaises. Donc, si le gouvernement n'y donne pas suite, je ne vois pas pourquoi aujourd'hui il pourrait donner la possibilité à d'autres organismes d'avoir des copies anglaises. C'est cela qui nous incite à mettre en doute la possibilité pour le gouvernement de donner suite à l'esprit que vous semblez trouver dans le bill 22.

M. CLOUTIER: Mais il me semble, M. le Président, que jusqu'ici on ne m'a pas indiqué que la loi 22 consacrait le principe du bilinguisme, bien au contraire. Les explications que vous me donnez semblent justement manifester que le bill 22 donne une priorité très nette au français parce que le seul exemple que vous me donnez concerne la possibilité d'avoir des copies anglaises. Alors, je crois — j'aimerais connaître votre opinion là-dessus — qu'avec une étude un peu plus approfondie, vous en viendriez peut-être à la conclusion que la priorité est vraiment donnée au français, et particulièrement dans le chapitre 1 qui traite de la langue de l'administration publique et dans le chapitre des relations de travail, même si l'anglais compte tenu de notre minorité, peut apparaître.

M. HARGUINDEGUY: C'est vrai, M. le Président, qu'on déclare que le français est la langue officielle, mais il y a tellement d'exceptions qui suivent dans plusieurs articles qu'on fait en sorte que cela ne change pas grand-chose.

M. CLOUTIER: Quelles exceptions?

M. HARGUINDEGUY: Je me souviens également d'une déclaration qui aurait été faite — il est vrai que les journalistes, on peut les interpréter de bien des façons, j'en ai vécu l'expérience — il semblerait que vous ayez déclaré à la population anglaise que le bill 22-ne lui enlevait absolument aucun droit par rapport au bill 63.

M. CLOUTIER: Je n'ai jamais déclaré rien de tel.

M. HARGUINDEGUY: Ce sont peut-être les journalistes qui rapportent mal les faits alors.

M. CLOUTIER: Cela arrive parfois, vous savez.

M. MORIN: Je pense que peut-être on faisait allusion à l'article 133.

M. CLOUTIER: Ah! Bien sûr.

M. MORIN: Je pense que le ministre sera obligé de convenir à ce moment-là que les personnes qui comparaissent ont parfaitement raison de parler de bilinguisme.

M. CLOUTIER: Ah! pardon. L'article 133 n'est pas modifié, mais ceci ne consacre pas le bilinguisme au Québec. Ceci statue uniquement dans deux domaines qui sont des domaines où les libertés individuelles ont une importance considérable à savoir le Parlement et les cours de justice. Mais ceci nous éloigne peut-être un peu du sens ou de l'esprit de notre règlement.

M. CHARRON: Je crois, M. Harguindeguy, que vous faisiez allusion aux articles mêmes du projet de loi. Par exemple, il y a un groupe qui vous a précédés hier, à la table où vous êtes actuellement, qui nous signalait, par exemple, que dans les 55 premiers articles du bill, jusqu'à ce qu'on arrive au chapitre de la Régie de la langue française, il y a au moins 22 articles, nous a-t-on signalé, qui se trouvent à ajouter, à coup de "toutefois", de "néanmoins" ou de "quoique", un statut à la langue anglaise qu'elle n'occupait aucunement dans nos droits législatifs auparavant. Je pense que c'est de cela que vous parliez quand, dans le premier paragraphe de votre mémoire, vous mentionnez que le bilinguisme se trouve consacré par le projet de loi. Est-ce exact?

M. HARGUINDEGUY: C'est exactement cela. A la lecture, c'est vrai que le premier article établit que la langue française est la langue officielle. Cependant, il y a tellement d'exceptions qui permettent à des groupes de maintenir la situation actuelle où ils sont, strictement unilingues anglais. C'est quand même cela que le gouvernement devrait s'efforcer de faire en sorte qu'au moins tout le monde au Québec puisse parler le français.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre a terminé?

M. CLOUTIER: Oui.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. Harguindeguy, je vous remercie d'abord de la précision que vous venez d'apporter. Vous avez quand même, dans la présentation de votre mémoire, ajouté des informations supplémentaires au contenu que je trouve excellent de votre mémoire, qui m'inciteraient à vous poser quelques questions.

D'abord, vous avez mentionné, dans votre convention collective, l'article 43.04, que vous explicitez ici; mais peut-être, pour l'intérêt de la commission vous me permettrez de le reprendre. Tel qu'il a été convenu, effectivement, l'article 43 qui porte sur la langue de travail disait, au paragraphe 04: "Des cours de recyclage sont organisés à l'intention des employés qui sont dans l'impossibilité d'utiliser la langue française dans leurs communications orales ou écrites. Ces cours sont aux frais de l'employeur." Vous avez affirmé dans le texte, et encore ce matin dans la présentation de votre texte, que l'employeur, l'Etat québécois, n'avait pas respecté cette disposition, enfin jusqu'à présent, comme il se devait. Pourriez-vous expliciter, pour l'intérêt des membres de la commission, cette affirmation?

M. HARGUINDEGUY: C'est que nous avons quand même parmi nos membres environ 2,500 fonctionnaires qui sont unilingues anglais, notamment dans la région de Gatineau, dans l'Estrie et dans la Gaspésie; également à Montréal.

M. CHARRON: 2,500 sur combien?

M. HARGUINDEGUY: Sur 32,000 membres que nous représentons.

M. CLOUTIER: Point de règlement, M. le Président.

M. HARGUINDEGUY: II était assez difficile, pour le gouvernement, de mettre en application l'article 43.04, étant donné qu'il n'existe pas actuellement de direction générale de perfectionnement qui soit stable.

M. CLOUTIER: Point de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education, sur un point de règlement.

M. CLOUTIER: Je serai bref, je ne veux surtout pas tenter de restreindre les discussions. Mais, je crois que c'est la loi 22 que nous discutons et non pas l'application d'une autre loi. Je suis prêt à admettre que l'application d'une autre loi n'est peut-être pas satisfaisante. Mais je ne vois pas comment on peut tirer une conclusion par rapport à la loi 22 telle que rédigée.

M. CHARRON: Ecoutez, M. le Président, au contraire, on a le témoignage du Syndicat des fonctionnaires provinciaux. Le gouvernement veut que nous endossions ce projet de loi où il nous dit qu'il fera le français prioritaire, tout en conservant les droits intégraux, tels qu'ils sont, des anglophones. Pour juger de la crédibilité du gouvernement en cette matière, je pense qu'il n'y a personne de mieux placé que M. Harguin-deguy pour nous dire aujourd'hui que la toute petite disposition qu'il y avait de contenue déjà dans les lois actuelles n'a pas été respectée. Cela nous permet d'envisager comment la suite pourrait venir de ce gouvernement et je pense que c'est une information dont tous les membres de la commission ont besoin.

M. CLOUTIER: Allez-y, moi, je n'ai pas objection. Moi, je voulais tout simplement signaler cela pour bien indiquer ce que nous discutions.

M. CHARRON: Nous allons entrer dans la loi 22, ne vous en faites pas. C'est simplement pour vérifier le degré de crédibilité qu'il vous reste.

M. HARGUINDEGUY: Si M. le Président me permet: quand même, n'ayant pas de direction générale de perfectionnement, parce que son directeur est parti depuis plus d'un an et demi, n'ayant pas été remplacé encore, il est clair qu'à ce moment-là des cours de recyclage et de perfectionnement ne peuvent pas être préparés. C'est d'ailleurs pour ça que, dans notre mémoire, nous doutons que réellement le bill 22 n'atteigne les objectifs, étant donné que la convention collective, qui est quand même signée par le syndicat et le gouvernement, prévoyait une telle possibilité ou même une obligation pour l'employeur d'organiser ces cours. Lorsqu'on prévoit la même chose ou sensiblement la même chose dans le bill 22, on doute fort qu'à ce moment-là le gouvernement puisse y apporter une attention plus particulière. C'est uniquement pour ça.

M. CHARRON: Et vous affirmez dans un paragraphe, le troisième qui est très court, qu'encore aujourd'hui le gouvernement procéderait à l'engagement d'employés dont la seule langue parlée est l'anglais?

M. HARGUINDEGUY: Oui.

M. CHARRON: Au cours de l'année actuelle?

M. HARGUINDEGUY: Le dernier employé, à ma connaissance, qui ne parle strictement que l'anglais, a été engagé le 22 novembre 1973. Il travaille dans une cour de justice, dans la région de Gatineau. Je pourrais vous fournir le nom, si c'était nécessaire.

M. CHARRON: Non, je ne vous demande pas cela.

M. HARGUINDEGUY: Et le classement aussi.

M. CHARRON: Maintenant, je crois que l'essentiel de la discussion que nous devons avoir avec vous ce matin porte sur le chapitre de l'administration publique, ce qu'elle serait le jour où la loi 22 serait appliquée, parce que je crois que votre témoignage là-dessus sera extrêmement important pour le reste des travaux de la commission.

Je crois même avoir compris que vous avez fait allusion, dans vos commentaires du début, au fait que certaines dispositions de la loi actuelle, non seulement consacreraient le statu quo, mais augmenteraient certains privilèges de l'anglais actuel. Vous avez vous-même fait mention, je crois — je vous prie de me corriger si je me suis trompé — que cette convention collective, qui est appliquée actuellement jusqu'en 1975, n'a été publiée qu'en français.

M. HARGUINDEGUY: Oui.

M. CHARRON: Par le gouvernement.

M. HARGUINDEGUY: Cest cela.

M. CHARRON: Donc, nos dispositions du chapitre de l'administration publique qui disent que la convention collective devra comporter également une version anglaise deviendraient un acquis de plus au privilège de l'anglais, puisque actuellement, sans la loi 22, le gouvernement n'a même pas procédé à une version officielle anglaise de la convention collective de ses employés. Est-ce exact?

M. HARGUINDEGUY: C'est exact. C'est la troisième convention que nous signons. Il n'y a eu que des copies françaises depuis 1966.

M. CHARRON: Autrement dit, un "droit", encore une fois, on emploie ce mot entre guillemets parce que nous n'en reconnaissons guère actuellement, mais un privilège de plus se trouverait accordé à l'anglais dans la loi 22, selon votre témoignage. Est-ce exact?

M. HARGUINDEGUY: Selon au moins l'habitude actuelle, oui.

M. CHARRON: C'est une information précieuse en tout cas. Ensuite, vous avez mentionné ces articles, que d'autres témoins avant vous ont identifiés plus clairement — cje ne vous reproche pas de ne pas le faire parce que cela a déjà été fait — concernant les "quoique", les "néanmoins" qu'on retrouve. Est-ce qu'il y a d'autres endroits, dans le chapitre de l'administration publique et de la langue des entreprises d'utilité publique — c'est-à-dire tout le secteur parapublic qui ne relève pas de vous, j'en conviens, mais qui doit vivre dans la même modalité que vous au Québec — est-ce qu'il y a d'autres endroits où on vous paraît consacrer un état de fait actuel ou encore pire, comme vous venez de le signaler, c'est-à-dire ajouter des privilèges à la langue anglaise dans le secteur de l'administration publique?

M. HARGUINDEGUY: Non, je ne le pense pas. Disons que nous n'avons pas tellement poussé plus loin l'étude dans ce domaine-là. Comme dans le domaine de l'enseignement, nous n'avons pas voulu y toucher pour des motifs bien particuliers, étant donné que nous voulons quand même nous en tenir à notre mandat de syndicat et non pas faire, ce que peut-être d'autres reprochent, de l'action politique. Alors, nous nous sommes abstenus de faire une telle recherche.

M. CHARRON: M. Harguindeguy, quand l'article 8 dit que les textes et les documents officiels pourront désormais être accompagnés d'une version anglaise, est-ce que c'est la pratique actuelle dans l'administration publique?

M. HARGUINDEGUY: A l'heure actuelle, les textes officiels, à ma connaissance, sont en français. Il se peut que, dans certains cas, il y ait des copies anglaises, quoique ce soit assez rare. Tous les fonctionnaires travaillent habituellement sur des copies françaises.

M. CHARRON: Ce qui veut dire que l'article 8 étendrait à l'ensemble des textes et documents officiels ce qui, actuellement, n'est qu'exceptionnel.

M. HARGUINDEGUY: Fort possible. Actuellement, il est peut-être clair que, sur demande, certains groupes peuvent sûrement obtenir des copies anglaises.

M. CHARRON: Est-ce qu'actuellement, M. Harguindeguy, l'article 11 de la loi 22 est effectivement en application, à savoir que toute personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais?

Est-ce qu'actuellement vos syndiqués qui travaillent dans l'administration publique ont effectivement à recevoir des communications de personnes physiques ou morales de langue anglaise?

M. HARGUINDEGUY: Actuellement, oui, dans certains domaines particuliers. Prenez l'exemple de l'émission des plaques d'automobiles. Les personnes qui sont strictement unilin-gues anglaises font leur demande en anglais, il y a également d'autres domaines, comme la justice.

M. CHARRON: L'article 11 est donc le statu quo?

M. HARGUINDEGUY: Actuellement, oui.

M. CHARRON: L'article 12 dit que la langue officielle est la langue de communication interne de l'administration publique. Est-ce que c'est vrai actuellement?

M. HARGUINDEGUY: Actuellement, c'est cela qui doit se faire.

M. CHARRON: Quant l'article 13 dit que le français et l'anglais sont les langues de communication interne des organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise, je sais que c'est peut-être à l'extérieur de votre syndicat, mais, à votre connaissance, est-ce que c'est déjà ce qui est appliqué?

M. HARGUINDEGUY: Disons que je peux peut-être me servir de mon expérience personnelle en tant que fonctionnaire aux Affaires municipales.

M. CHARRON: Oui.

M. HARGUINDEGUY: Travaillant, à ce moment-là, avec des commissions scolaires pour l'approbation de leur budget de construction ou d'immobilisation, je sais qu'il devait y avoir des commissions scolaires où le français n'était sûrement pas la langue de communication interne, car nous ne recevions que des communications en anglais.

M. CHARRON: Bien. C'est encore le statu quo.

Au quatorzième article, qui vous concerne peut-être plus directement, on dit que nul ne peut être admis ou promu à une fonction administrative dans l'administration publique, s'il n'a de la langue officielle — entendons la nôtre, parce qu'il y en a deux — une connaissance appropriée à l'emploi qu'il postule.

M. HARGUINDEGUY: C'est déjà prévu par la Loi de la fonction publique également.

M CHARRON: C'est le statu quo.

Continuons, si vous le voulez. Est-ce qu'en assemblée délibérante dans l'administration publique, selon l'article 15 actuel du projet de loi 22, les interventions dans les débats officiels

peuvent être faites en langue française ou en langue anglaise, au choix de ceux qui interviennent? Est-ce que c'est déjà la pratique habituelle?

M. HARGUINDEGUY: Je ne pourrai pas vous répondre, n'ayant pas participé à des séances de l'administration publique comme telle.

M. CHARRON: Est-ce que des personnes qui vous accompagnent peuvent témoigner là-dessus?

M. HARGUINDEGUY: Non, je ne le pense pas.

M. CHARRON: Savez-vous si l'article 17 qui dit que les contrats conclus au Québec par l'administration publique, ainsi que les sous-contrats qui s'y rattachent, sont actuellement rédigés en français et savez-vous s'ils peuvent aussi, actuellement, être rédigés à la fois en français et en anglais ou, lorsque l'administration publique contracte avec l'étranger, à la fois en français et dans la langue du pays intéressé?

M. HARGUINDEGUY: Actuellement, il y a des contrats qui sont strictement en anglais, qui sont signés à certaines occasions. C'est assez rare que les deux versions se retrouvent.

M. CHARRON: Donc, l'article 17 consacrerait les deux versions?

M. HARGUINDEGUY: Oui.

M. CHARRON: II pourrait porter peut-être même, ce qui est exceptionnel, à être généralisé et apparaître, comme vous l'avez affirmé dans votre premier paragraphe, comme une mesure de bilinguisme.

M. HARGUINDEGUY: Oui, c'est à partir de cela qu'on constate qu'on conserve ce qui existe actuellement...

M. CHARRON: J'aurais aussi...

M. HARGUINDEGUY: ... sans vouloir aller au fond du bill 22, parce qu'on laisse cela à des personnes plus compétentes que nous, c'est-à-dire l'Assemblée nationale.

M. CHARRON: Sans vous donner plus d'importance que vous-même vous voulez en assumer ce matin, je crois quand même que, sur ce chapitre que nous sommes à vérifier, votre témoignage sera peut-être plus important que bien d'autres, en tout cas, qui viendront.

J'aurais probablement des questions à vous poser également sur le chapitre 2, qui porte sur la langue des entreprises dites d'utilité publique, qui sont définies en annexe, mais je préfère plutôt, pour ne pas vous mettre dans une situation embarrassante, attendre le témoignage d'autres parties syndicales qui, je crois, se sont déjà inscrites de toute façon, qui représentent ces employés et qui pourront nous informer, comme vous venez de le faire, sur la pratique habituelle.

Je crois quand même que ce que vous venez de nous dire comme information aidera les membres de la commission parlementaire à se faire une idée sur cette innovation que prétend être le projet de loi 22, dans le domaine de la consécration prioritaire du français, quand vous venez nous confirmer que, si ce n'est pas déjà une obligation à certains endroits, ce sont même des privilèges ajoutés à la langue anglaise. M. Harguindeguy, je voudrais aborder avec vous le deuxième chapitre de votre mémoire, votre position sur la Régie de la langue française. Vous êtes le premier groupe, je dois dire, qui prend une position aussi claire que vous le faites dans le premier paragraphe, au moment où vous dites que vous ne voyez pas la nécessité de créer une Régie de la langue française. La plupart des autres groupes qui sont venus, si ma mémoire est fidèle, du côté francophone, ne se sont pas prononcés contre l'existence de cette régie. Ils ont plutôt demandé, encore une fois, si j'interprète bien le mémoire, que, contrairement à ce que la loi prévoit, cette régie soit rattachée au ministre de l'Education, soit rattachée à l'Assemblée nationale.

Certains groupes ont demandé cela. Vous, vous proposez simplement que l'Office de la langue française soit maintenu tel qu'il est avec des améliorations quant au statut de ses employés. Je discuterai de cela tout à l'heure avec Mlle Tardif, si vous me permettez.

J'aimerais que vous explicitiez encore plus, pour l'intérêt des membres de la commission, votre objection à la création de la Régie de la langue française.

M. HARGUINDEGUY: A toutes fins pratiques, la régie a les mêmes devoirs et pouvoirs que possède l'Office de la langue française. Donc, il nous semble que, plutôt que de créer une régie, on va nommer un président, ainsi que neuf membres. Même si cette régie va être sous la responsabilité d'un ministre nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil il aurait été possible de réellement structurer l'Office de la langue française, lui donner peut-être des structures stables de personnes qui soient assurées d'avoir une certaine possibilité de travail, et également d'avoir des locaux adéquats pour pouvoir faire le travail qu'elles doivent faire, sans avoir à créer une régie qui ne changera absolument rien, si ce n'est peut-être d'accorder des postes à des personnes peut-être en remerciement comme cela se fait particulièrement lorsqu'on procède à des nominations à des postes de directeurs ou d'administration assez élevés. On ne voit pas la nécessité comme telle, cela ne changera absolument rien si on ne donne pas plus de possibilités tant financières

que physiques à la nouvelle régie, qu'on en a données à l'Office de la langue française.

Au point de vue des employés aussi, cela crée quand même un certain impact de dépendre d'une régie, qui est peut-être un peu plus autonome, par rapport à la dépendance qu'ils ont actuellement d'un ministre. C'est que, quand même, la convention collective et la Loi de la fonction publique prévoient de façon bien précise des mécanismes de négociations et permettent des moyens de représentation par l'entremise du ministère de la Fonction publique.

On a, malheureusement actuellement... d'ailleurs aux prochaines négociations, on veut aussi y voir. Vous allez certainement en entendre parler. C'est de prévoir quand même un mécanisme qui soit un mécanisme directeur au point de vue de l'application de la convention collective, ce qui régit les conditions de travail. Plus on crée d'organismes nouveaux qui sont quasiment autonomes, plus cela crée des difficultés aux employés qui sont en place. Parce qu'on multiplie le nombre de directeurs, donc on multiplie le nombre d'interprétations de conventions collectives, et cela crée nécessairement un sentiment d'insécurité parmi nos membres.

On aurait préféré que l'office demeure tel quel, on le structure réellement de façon adéquate, et qu'on lui donne des moyens pour pouvoir atteindre ses objectifs.

M. CHARRON: Si vous me permettez de devancer un peu votre mémoire, puisque vous venez de parler de l'Office de la langue française, je crois que Mlle Tardif est déléguée syndicale à l'Office de la langue française.

M. HARGUINDEGUY: C'est cela.

M. CHARRON: Quelle est la situation actuelle, à votre avis, de l'Office de la langue française?

MLLE TARDIF: La situation actuelle, c'est que plusieurs employés, étant dans l'insécurité, fournissent un travail qui est quand même très bon, mais qui ne peut pas être très valable, étant donné qu'ils sont occasionnels. Ils peuvent être remerciés du jour au lendemain. Cela crée un climat d'insécurité. La plupart de ces employés sont des techniciens en information. C'est-à-dire qu'ils relèvent directement des agents culturels qui, eux, doivent préparer soit les lexiques ou tout ce qui a rapport à la terminologie. Alors, ces gens ont besoin de personnes qui travaillent pour eux, et cela prend quand même un certain temps avant d'être habilité à ce travail. Lorsque ces occasionnels sont intéressants, c'est-à-dire lorsqu'ils peuvent fournir quelque chose de vraiment valable, il y a toujours ce climat qui existe à savoir si on va les garder. Puis aussi, cela devrait être beaucoup plus structuré. De ces employés, il y en a à la banque de terminologie, par exemple, tout est porté là-dessus. Le plus gros, présentement, est porté sur la banque de terminologie. On emploie des gens, comme cela. Tous les responsables des secteurs sont des occasionnels.

M. CHARRON: Diriez-vous qu'à l'Office de la langue française, actuellement, il y a, ce qu'on appelle dans la fonction publique, des occasionnels permanents?

MLLE TARDIF: Exactement. Il y a des gens qui y sont depuis deux ans, trois ans. Je suis d'accord qu'il y a certains postes qui, vraiment, sont occasionnels. Quant à la banque de terminologie, c'est sûr, elle commence. Alors, il y a beaucoup de travail. Dans peut-être quatre ou cinq ans, oui sûrement quatre ou cinq ans, cela diminuera parce que le gros du travail aura été fait à la base. De toute façon, cela va changer. Ces gens pourront être utilisés quand même.

Cela va changer un peu l'organisation, mais on en aura besoin. Il reste certain qu'à la banque de terminologie telle qu'elle est présentement, on a besoin de personnel, on en aura toujours besoin. Elle est composée, à peu près, je crois, de 60 membres et sur cela il y a cinq permanents.

M. BONNIER: M. le Président, si vous me permettez. Tout de même, lorsque l'on parle de la régie dans la loi 22, est-ce que vous concevez que la régie va avoir un rôle beaucoup plus important que l'Office de la langue française, ce qui peut déplacer, dans le fond, un peu le fonctionnement même au niveau du personnel? Une question qui m'intéresserait tout particulièrement, serait de revenir sur la question qui a été posée aussi par rapport à votre objection, par exemple. Certains groupes disaient que cela devrait devenir beaucoup plus sous l'autorité de l'Assemblée nationale que d'un ministre; mais à ce moment-là...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ecoutez, mon collègue, vous aurez votre tour, si vous le désirez, mais...

M. BONNIER: C'est parce que je voulais seulement apporter une précision.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous voulez conserver vos questions pour tout à l'heure, parce que l'honorable député de Beauce-Sud et l'honorable député de Richmond ont demandé la parole.

Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Je n'ai pas d'objection à la question du député de Taschereau. Peut-être qu'il voudra revenir sur le sujet de l'Office de la langue française.

Dans ce refus de voir la régie assumer, en fin de compte, ce que vous considérez comme étant les pouvoirs et devoirs actuels de l'Office

de la langue française et comme vous vous expliquez mal la création de cette régie autrement que pour donner, comme vous l'avez affirmé, des emplois à ceux qui en mériteraient, de l'avis du gouvernement, je pense qu'il y a un ancien président d'une commission royale d'enquête sur la langue française qui doit certainement espérer un poste quelconque à la suite du revirement spectaculaire et quasi télécommandé qu'il a fait concernant sa position sur le bill 63. Je pense que M. Gendron doit être un des postulants les plus envisageables actuellement par le gouvernement, suite au merveilleux service qu'il lui a rendu, de contredire une position qu'il avait affirmée à la suite de trois ans d'enquête. Peu importe.

Vous affirmez, concernant l'article 77, qui porte sur la Régie de la langue française, que si le siège de cette régie, dût-elle être créée, était ailleurs qu'à Québec, que dans la ville de Québec, cela pourrait entrer en conflit avec la convention collective. Est-ce exact, serait-ce en conflit avec la convention collective?

M. HARGUINDEGUY: Oui. Le bill 22 prévoit que le siège social est à Québec. Cependant il peut aussi être déplacé dans une autre municipalité. A ce moment-là, il y a des clauses dans la convention collective, notamment à l'article 41, à l'article 4 aussi, qui prévoient que si l'employé a un manque de travail, il y a une question de sécurité d'emploi. Si la régie est déménagée, disons, à Montréal, parce que les régisseurs sont tous de Montréal et qu'ils n'aiment pas voyager à Québec, cela pourrait impliquer que les fonctionnaires seraient aussi dans l'obligation, pour conserver leur emploi à l'Office de la langue française, de déménager à Montréal, ce qui crée quand même passablement de difficultés et qui a des conséquences sur certains de nos fonctionnaires qui ne veulent pas, à ce moment-là, déménager. C'est donc pour cela que nous demandons que le siège social soit à Québec; d'ailleurs, l'Assemblée nationale est à Québec et je pense bien que tous les sièges sociaux des ministères se trouvent aussi à Québec et les principales régies également. Je pense donc qu'il est normal que ce soit dans la capitale provinciale que la Régie de la langue française soit située.

M. CHARRON: M. Harguindeguy, il y a un groupe qui nous a dit — je ne me souviens plus lequel, je crois que c'est la chambre de commerce — que le siège devrait être à Montréal puisque, là où il y a des problèmes linguistiques actuellement et où les devoirs d'intervention de la Régie de la langue française auraient plus de raisons géographiques, je dirais, d'exister, c'est à Montréal. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. HARGUINDEGUY: C'est sûr que c'est une ville cosmopolite, peut-être beaucoup plus que Québec; cependant si on compare ce milieu avec un qui est peut-être strictement anglais, il faudrait l'envoyer dans la Gatineau. A Hull aussi, il y aurait un besoin.

M. CHARRON: M. Harguindeguy, vous en avez aussi contre l'article 103 de la loi 22 et je ne peux qu'endosser votre position là-dessus. Je vous cite: "II est également assez stupéfiant de constater que le seul groupe d'individus qui tombe sous la menace d'une peine assez élevée, dans quelques cas prévus par le projet de loi 22, est précisément celui des employés de l'Etat, alors qu'aucune amende n'est prévue pour quiconque ne se conformerait pas aux exigences de la loi."

Vous avez invoqué, contre cet article 103, le fait que d'autres dispositions existaient déjà dans la convention collective dans le cas des écarts que certains fonctionnaires pourraient avoir quant à une éthique reconnue et négociée, je dirais, à la fois par la partie patronale et la partie syndicale. Savez-vous s'il existe dans d'autres ministères, en plus de la disposition générale qui s'applique à tous les fonctionnaires et auxquels vous avez fait allusion, des dispositions précises, par exemple, je dirais pour les fonctionnaires du ministère du Revenu, chez qui, je pense, le devoir de confidentialité est peut-être encore plus grand que chez un fonctionnaire du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, je ne sais pas? Savez-vous si cette disposition de l'article 103 que vous refusez, est un droit supplémentaire, que se réserve le patron, d'intervention sur ses fonctionnaires, qui n'existerait ailleurs?

M. HARGUINDEGUY: A notre idée, oui. Il est clair qu'au ministère du Revenu, les employés doivent obtenir l'autorisation du ministre avant de pouvoir occuper un emploi à temps partiel qui pourrait entrer en contradiction avec leurs devoirs en tant que fonctionnaires.

M. CHARRON: C'est la seule disposition supplémentaire à la convention collective?

M. HARGUINDEGUY: A la loi...

M. CHARRON: Aux fonctionnaires du ministère du Revenu...

M. HARGUINDEGUY: C'est cela.

M. CHARRON: Mais il n'y a pas d'amende supplémentaire aux fonctionnaires du ministère du Revenu...

M. HARGUINDEGUY: S'ils outrepassent, en fait, la loi du Revenu, le bill 38, ils peuvent être sujets à des mesures disciplinaires, soit suspension, congédiement, ou ainsi de suite.

M. CHARRON: II n'y a pas d'amende, com-

me l'article 103 le voudrait pour les fonctionnaires de la Régie de la langue française?

M. HARGUINDEGUY: C'est cela, aucune amende.

M. CHARRON: Je pense que c'est une remarque bien fondée que vous faites là. La dernière question que j'aurais envie de vous poser, c'est de vous demander si les autres dispositions de la loi 22 ont également été étudiées par votre syndicat avant d'apporter son mémoire et que ce serait par choix délibéré qu'on aurait décidé de n'aborder que cette question où vous êtes professionnellement intéressé, celle de l'administration publique, et que vous n'avez pas voulu vous prononcer sur d'autres dispositions?

M. HARGUINDEGUY: C'est exact. C'est délibéremment que nous nous en sommes tenus au droit de nos membres, en fait, de façon particulière, sans vouloir approfondir les autres problèmes que nous avons rencontrés dans le domaine des immigrants, de la langue, de l'éducation ou le reste.

M. CHARRON: Alors, M. Harguindeguy, quant à moi — je sais que le chef de l'Opposition aura peut-être d'autres questions à vous poser — je veux vous remercier immédiatement de cet témoignage que vous venez de nous apporter. Je pense que vous êtes le premier à nous affirmer que plusieurs des dispositions présentées avec tambour et trompette par le ministre comme étant innovatrices et consacrant le caractère prioritaire du français, sont, à toutes fins pratiques, le statu quo, et qu'à certains endroits il y a malheureusement, comme certains l'ont prétendu, avancement du bilinguisme et de la bilinguisation dans l'administration publique québécoise. Je pense que tous les membres de la commission, avant de se prononcer sur le principe du projet de loi, devront tenir compte de cette information que vous nous avez apportée. Je vous remercie beaucoup.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, dans votre mémoire, au troisième paragraphe — celui qui m'a précédé en a fait allusion — lorsque vous ayez déclaré que dans la fonction publique, le gouvernement procédait actuellement à l'engagement de fonctionnaires anglophones unilingues, est-ce que vous nous avez donné comme exemple qu'il y avait eu un cas au ministère de la Justice? Sans donner de cas particulier, est-ce qu'à votre connaissance vous pourriez citer d'autres ministères qui ont fait cette pratique au cours de la dernière année?

M. HARGUINDEGUY: Au ministère des

Transports également dans la région de Montréal.

M. ROY: Le ministère des Transports?

M. HARGUINDEGUY: Dans le domaine particulièrement du bureau des véhicules automobiles.

M. ROY: Est-ce qu'il y a d'autres ministères, comme le ministère du Revenu, où vous auriez des cas?

M. HARGUINDEGUY: Non, ce sont à peu près les seuls ministères à notre connaissance, à l'heure actuelle.

M. ROY: Mais vous n'avez pas été en mesure de tout vérifier?

M. HARGUINDEGUY: Non, on n'a pas procédé à des vérifications approfondies pour cela.

M. ROY: Cela veut dire que c'est fort possible qu'il y en ait dans d'autres ministères également?

M. HARGUINDEGUY: Fort possible.

M. ROY: Vous avez dit également que le gouvernement, dans sa loi, d'ailleurs suite à une réponse qui a été donnée tantôt également aux questions qui ont été posées par le député de Saint-Jacques, avait accordé des gains qui sont consacrés par la loi actuelle, la loi 22. On a donné comme exemple la publication de la convention collective de la fonction publique qui, actuellement, a été publiée uniquement en français, et qu'à l'avenir, si la loi est adoptée telle quelle, serait publiée dans les deux langues. Est-ce que vous pourriez nous donner d'autres exemples aussi de gains que la loi 22 accorde à la langue anglaise?

M. HARGUINDEGUY: Des gains, peut-être pas, mais le statu quo demeure, si on regarde des syndicats actuellement qui peuvent négocier en anglais. Le bill 22 permet aussi que sur vote de l'assemblée syndicale, les négociations peuvent également se faire en anglais, alors qu'on précise quand même que la langue du travail, ce devrait être le français.

M. ROY: J'ai cru comprendre que vous aviez dit que des cas d'exception, que nous voyons actuellement, deviendraient des généralités advenant l'adoption de la loi.

M. HARGUINDEGUY: C'est possible si le bill est adopté tel quel.

M. ROY: Est-ce que vous préféreriez tout simplement que le bill soit retiré, compte tenu du fait qu'il y a légalisation du statu quo, compte tenu du fait également qu'il y a des

avantages marqués, des choses qui deviennent légales et qui à l'heure actuelle ne sont que facultatives, est-ce que vous préféreriez, plutôt que de voir le bill 22 adopté tel quel, le voir tout simplement rejeté?

M. HARGUINDEGUY: Oui, c'est exactement la demande que nous faisons au premier paragraphe et nous souhaitons que le gouvernement adopte une réelle politique linguistique au Québec qui soit le français et qu'il en fasse une langue prioritaire.

M. ROY: D'ailleurs, ce n'est pas, M. le Président, le premier groupe qui demande le retrait de la loi. J'ai remarqué les rires étouffés du ministre lorsque j'avais demandé le retrait de la loi. Je pense que les rires sont passablement disparus depuis le début de la semaine à ce sujet. Etant donné que le ministre avait pris la peine de nous dire au début qu'il serait intraitable sur la question de la loi, ce qui fait qu'à l'heure actuelle...

M. CLOUTIER: Intraitable sur le plan des principes, M. le Président, souple sur le plan des modalités. Qu'on me cite exactement.

M. ROY: Le principe de votre loi, qu'est-ce que c'est?

M. CLOUTIER: Ce n'est pas le moment. J'en ai parlé vingt fois. J'y reviendrai lors du débat.

M. ROY: C'est parce que nous cherchons toujours le principe.

M. CLOUTIER: ...aux gens que nous voulons...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que votre période de questions...

M. ROY: Non. Ma période de questions n'est pas terminée, M. le Président. Je me suis permis de faire un commentaire.

M. CLOUTIER: Vous voyez le résultat. C'est mieux de ne pas en faire.

M. ROY: M. le Président, le ministre en a...

M. CLOUTIER: Que ceux qui nous font le plaisir de venir nous rencontrer aient l'occasion de s'exprimer.

M. ROY: Le ministre a assez fait de commentaires lui-même. On a permis à l'Opposition officielle de faire des commentaires, je ne verrais pas pour quelle raison on ne me permettrait pas de faire les mêmes commentaires, compte tenu du fait...

M. CLOUTIER: Allez-y.

M. ROY: ...que le retrait de la loi, plutôt que son adoption telle quelle, est demandé encore par ce groupe ce matin, ce que j'approuve, M. le Président.

J'aurais une autre question concernant le transfert du bureau à Montréal. Vous êtes de ceux qui désirent que le bureau soit maintenu à Québec. Vous avez dit tout à l'heure que la première raison, ce serait la question de la convention collective, si ma mémoire est bonne; la deuxième raison, c'est qu'il y a une question de déménagement de personnel qui cause des problèmes aux personnes qui sont actuellement à l'emploi de l'Office de la langue française. Est-ce que vous auriez d'autres raisons, en plus des deux que je viens de mentionner, pour justifier que l'on exige que le bureau de la régie ou le bureau de l'Office de la langue française soit maintenu à Québec?

M. HARGUINDEGUY: Je pense que c'est normal que le siège social de la régie soit dans la capitale provinciale. Tous les sièges sociaux des ministères, des principales régies sont également à Québec. L'Assemblée nationale siège également à Québec. Je pense qu'à toutes fins pratiques c'est Québec qui devrait être le lieu où devrait se situer le siège social.

M. ROY: C'est une question additionnelle que je vous pose. Etant donné que Montréal se trouve dans la grande région bilingue, si on regarde les statistiques, vous ne pensez pas que le fait que le bureau de la régie ou le bureau de l'office soit situé à Montréal — je ne prends pas position pour une place ou pour l'autre, je vous pose la question — cela permettrait d'avoir une meilleure efficacité et un meilleur rendement et de rendre de meilleurs services?

M. HARGUINDEGUY: II y a déjà un bureau de l'office qui existe à Montréal et je ne pense pas que le fait d'implanter la régie à Montréal fera en sorte que Montréal va devenir unilingue français.

M. ROY: Mais vous seriez toujours d'accord pour le maintien d'un bon bureau à Montréal?

M. HARGUINDEGUY: Oui. On veut conserver, si la régie était créée, ce que nous ne souhaitons pas, quand même la situation actuelle, excepté que le siège social sera à Québec. Cela n'empêche pas que toutes les régies qui ont une certaine importance au gouvernement ont des bureaux régionaux, soit à Montréal ou dans d'autres régions administratives du Québec.

M. ROY: Dans la deuxième page de votre paragraphe, vis-à-vis de l'article 103, vous avez mentionné, et je cite le paragraphe pour pouvoir formuler ma question: "II est également assez stupéfiant de constater que le seul groupe d'individus qui tombe sous la menace d'une peine assez élevée dans quelques cas prévus par

le projet de loi no 22 est précisément celui des employés de l'Etat alors qu'aucune amende n'est prévue pour quiconque ne se conformerait pas aux exigences de la loi." Est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'il devrait y avoir des sanctions prévues dans la loi contre les organismes, les institutions qui ne se conformeraient pas aux exigences de la loi? Parce que la seule place où l'on parle de sanctions, c'est dans l'article 103.

M. HARGUINDEGUY: Habituellement, lorsqu'il y a une loi, on prévoit certaines sanctions pour ceux qui ne s'y conforment pas. Je pense quand même que nous, dans le domaine syndical, chaque fois qu'on a eu des lois, on a eu des lois qui ont eu quelques dents et qui nous ont fait assez mal à certaines occasions. Nous croyons raisonnable qu'il y ait des sanctions prévues pour tous les autres organismes également.

M. ROY: En somme, vous ne voudriez pas être les seuls susceptibles de sanctions.

M.HARGUINDEGUY: Non.

M. ROY: Je pense que c'est normal et, là-dessus, nous vous approuvons. Dans la troisième page, vous dites en guise de conclusion: "Compte tenu d'une expérience de douze ans, nous devons constater que les mouvements successifs, en dépit des promesses électorales, ne se sont jamais donné la peine de commencer par le commencement en matière de politique linguistique, c'est-à-dire de faire de l'Office de la langue française l'instrument efficace de toute application d'une politique linguistique cohérente." Selon vous, quelles sont les recommandations que vous feriez à ce niveau pour corriger les lacunes qui ont existé dans le passé?

M. HARGUINDEGUY: D'abord, ce serait de restructurer l'office et de prévoir des postes à caractère permanent, les combler. Au moins si on veut assurer une certaine continuité, je pense qu'il est normal que les employés soient assurés de pouvoir continuer à travailler là. Par contre, comme on vous l'a démontré, plus de deux fois, des employés permanents sont des occasionnels et parmi les employés permanents, on dirait également, que cela a été le refuge du ministère de l'Education; c'est que, lorsque le ministère de l'Education a fermé les collèges classiques, il y a eu un surplus de personnel. Les professeurs dans d'autres corps de métiers, soit la mécanique, l'électricité ou le reste, sont devenus surnuméraires, ont été réintégrés à la fonction publique et ont été affectés à l'office. On a pris l'office, je pense qu'on ne lui a pas donné l'importance qu'on aurait dû y apporter, et on se pose la question que si la régie, éventuellement, qui a été créée, avait exactement les mêmes devoirs, les mêmes pouvoirs et les mêmes possibilités, tant physiques, budgétaires que tout le reste, ça ne donnerait rien de plus que ce que donne l'office actuellement. Parce que l'expérience nous prouve que l'office n'a pas pu progresser n'ayant pas eu les moyens nécessaires.

M. ROY: En somme, il y a eu la question budgétaire aussi. Est-ce que vous n'avez jamais eu, du moins si je me réfère aux discussions qui ont eu lieu lors de l'adoption des crédits, le budget qui aurait été nécessaire pour vous permettre d'assumer pleinement votre rôle?

M. HARGUINDEGUY: C'est quand même au gouvernement d'y voir. Mais il n'y a sûrement pas eu les budgets qui ont permis à l'office de pouvoir progresser.

M. ROY: En somme, si le gouvernement n'a pas de meilleures intentions d'accorder plus de budget à l'office ou à la régie, vous serez pris dans la même situation?

M. HARGUINDEGUY: Oui. Je pense que le Québec sera dans la même situation en 1975 qu'il l'était en 1973.

M. ROY: Peut-être un peu plus anglicisé?

M. HARGUINDEGUY: Peut-être, fort possiblement.

M. ROY: Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Richmond.

M. VALLIERES: Je vous remercie, M. le Président, mes questions ont été posées tout à l'heure par l'honorable député de l'Opposition, alors, je laisse mon droit de parole à quelqu'un d'autre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Laurentides-Labelle.

M. LAPOINTE: M. le Président, j'ai une ou deux questions brèves. A la lecture de la première partie de votre mémoire, suite aux explications que vous avez apportées, doit-on conclure que vous proposez l'unilinguisme?

M. HARGUINDEGUY: Sans nécessairement prôner l'unilinguisme français, nous voulons que le français soit la langue officielle, tant dans le domaine du travail que dans l'administration publique. Si on fait en sorte que tout le monde ait l'obligation de parler le français, ce qui est quand même normal dans une province québécoise comme c'est normal en France et dans d'autres pays, je pense que, inévitablement, il y a des mécanismes qui seront nécessaires pour pouvoir faire en sorte que tout le monde, tant les immigrants que les étudiants, puisse apprendre le français. C'est ça que nous voulons.

M. LAPOINTE: Est-ce que, d'après vous, il existe des droits acquis pour les minorités au Québec?

M. HARGUINDEGUY: Oui, mais je pense que, même le fait de créer ou de faire en sorte que le français soit langue officielle, c'est normal que, dans le contexte nord-américain, la deuxième langue, comme cela existe en Europe, où il y a une obligation à l'école d'apprendre une deuxième langue, ce soit l'anglais. Il est clair que si les gens vont en Ontario ou aux Etats-Unis, ils vont apprendre l'anglais. Comme en France, les gens sont dans l'obligation d'apprendre une deuxième langue.

M. CLOUTIER: Est-ce que vous souhaiteriez qu'on mette ça dans la loi, l'obligation d'apprendre une langue seconde qui serait l'anglais?

M. HARGUINDEGUY: L'obligation d'apprendre l'anglais, non, mais qu'on fixe une deuxième langue au choix de l'individu.

M. CLOUTIER: Vous seriez d'accord pour qu'on mette ça dans la loi?

M. HARGUINDEGUY: Non, pas l'anglais, qu'on mette l'obligation d'avoir une deuxième langue, ça je pense qu'on pourrait le faire, mais que la deuxième langue soit au choix de l'individu. Il y a peut-être des gens qui voudraient apprendre l'espagnol ou l'italien.

UNE VOIX: Le chinois.

M. LAPOINTE: Une autre question, M. le Président, est-ce que vous liez la question linguistique à l'indépendance économique du Québec?

M. HARGUINDEGUY: Non, je ne suis pas lancé dans ce débat et le Syndicat des fonctionnaires provinciaux n'a pas non plus l'intention de se lancer dans ce débat. On laisse ça à d'autres.

M. LAPOINTE: Merci.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Taschereau avait indiqué qu'il... Non?

M. BONNIER: Non.

M. CLOUTIER: Je voudrais peut-être intervenir, M. le Président. Je voulais simplement poser une question, mais que le député de Pointe-Claire...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Pointe-Claire.

M. SEGUIN: Je vais poser la même question. Non pas que j'aie le moindre doute sur votre responsabilité ou les responsabilités de représentativité de votre organisation, mais je veux très brièvement, avant de poser la question, simplement avoir certains éclaircissements sur des commentaires qui ont été faits au préalable. Vous avez dit que vous représentiez 32,000 fonctionnaires. Est-ce juste?

M. HARGUINDEGUY: C'est cela. Il y a environ 19,000 fonctionnaires et 13,000 ouvriers.

M. SEGUIN: Le tout serait...

M. HARGUINDEGUY: Ce serait 32,000 en tout.

M. SEGUIN: 32,000. Vous avez aussi indiqué qu'il y avait eu des embauchages très récents, c'est-à-dire au mois de novembre, d'une, deux ou de dix personnes qui seraient des unilingues de langue anglaise. Pourriez-vous me dire, et je n'exige pas de précision, globalement, le pourcentage de vos membres, soit parmi les 32,000, qu'on pourrait reconnaître comme des unilingues anglais, présentement?

M. HARGUINDEGUY: Environ 2,500 sur les 32,000.

M. SEGUIN: Sur les 32,000, qui sont...

M. HARGUINDEGUY: Cela représente 8 p.c. environ.

M. SEGUIN: ... unilingues anglais?

M. HARGUINDEGUY: C'est cela. Dans les régions de la Gatineau, de l'Estrie et de la Gaspésie particulièrement et à Montréal aussi.

M. SEGUIN: Je vous remercie de ces précisions. Pouvez-vous aussi me donner un pourcentage ou un nombre de personnes, de fonctionnaires, parmi vos membres, qui soient bilingues ou que vous pourriez reconnaître comme bilingues présentement?

M. HARGUINDEGUY: C'est peut-être assez difficile, mais je suis pas mal positif qu'une grosse majorité est bilingue.

M. SEGUIN: Une majorité des employés serait bilingue?

M. HARGUINDEGUY: Oui, elle serait bilingue.

M. SEGUIN: Maintenant, pour arriver à la question de représentativité, est-ce que vos membres ont été consultés sur la teneur ou le contenu de votre mémoire? Si oui, de quelle façon?

M. HARGUINDEGUY: Ils ont été consultés par l'entremise des officiers et également ce

matin, avant de venir ici à 11 heures, le mémoire tel que vous l'avez là a été adopté à l'unanimité par le conseil syndical qui, selon nos structures, représente, par voie de délégation, des personnes de toutes les régions de la province, tant de la Gatineau, de l'Abitibi, de la Gaspésie, que des Iles-de-la-Madeleine. Chaque section locale qui regroupe les fonctionnaires travaillant dans ces régions est ici à Québec aujourd'hui, demain et dimanche, pour une réunion du conseil syndical et ce matin, à l'ouverture, nous avons étudié le bill 22 et le mémoire que nous avions soumis et celui-ci a été adopté à l'unanimité. Ce n'est pas uniquement un mémoire présenté par deux ou trois individus, c'est le syndicat comme tel qui le soumet.

M. SEGUIN: Parmi les officiers du syndicat qui ont fait l'étude et préparé le mémoire, est-ce qu'il y avait un représentant venant de la minorité des 2,500 que vous avez mentionnés tout à l'heure?

M. HARGUINDEGUY: Oui, il y a des représentants de la Gatineau dont les membres, à 80 p.c., sont unilingues anglais. Nous avons aussi des représentants de la Gaspésie, même que le président de la section est un Irlandais. Il y en a d'autres aussi de la région de Montréal et de l'Estrie également qui étaient là ce matin.

M. SEGUIN: Comme Irlandais, il est sans doute tout à fait à part.

M. HARGUINDEGUY: Non, il s'est intégré totalement dans le Syndicat des fonctionnaires.

M. SEGUIN: Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, une dernière question de la part du parti ministériel. Vous avez prononcé un jugement qui peut paraître sévère sur l'Office de la langue française. J'aimerais savoir si vous êtes au courant du fait que l'Office de la langue française, depuis 1970, a vu son budget tripler, ses effectifs tripler, que l'Office de la langue française a été complètement réorganisé et que l'on a créé un service de relations avec le monde du travail, ce qui semblerait aller un peu à l'encontre de votre jugement, à savoir que ses seules fonctions sont des fonctions terminologiques.

J'aimerais également savoir si vous êtes au courant que l'Office de la langue française, depuis 1970, c'est-à-dire depuis que le gouvernement s'en occupe, a pénétré les entreprises, a travaillé dans une vingtaine d'entreprises, a mis au point toute une méthodologie d'analyse des communications à l'intérieur des entreprises dans le cadre de son programme de refrancisation du français.

J'aimerais également savoir si, compte tenu de ce qui existe et de ce qui a fait l'état d'une discussion lors de la discussion des crédits, vous considérez qu'il n'y a vraiment aucun changement par rapport au passé.

M. HARGUINDEGUY: Je dois reconnaître, M. le ministre, qu'il est vrai que le seul organisme où réellement des effectifs permanents ont été établis, c'est dans le domaine des relations avec le domaine du travail.

Au niveau de l'office, c'est peut-être le seul organisme où réellement il y a eu des effectifs stables. Lorsque vous prétendez que les budgets ont été triplés, c'est fort possible, que les effectifs ont été triplés, c'est vrai aussi, mais ils ont été triplés par des occasionnels qui n'assurent pas, à ce moment-là, une certaine stabilité, je pense, à l'office.

Si on tient compte que, selon ce que le gouvernement a adopté au point de vue des occasionnels, ce sont quand même des postes non permanents qui sont occupés pour des périodes variant jusqu'à quatre mois, je pense que ce n'est quand même pas en engageant de nouveaux employés tous les quatre mois, si on applique, bien entendu, à la lettre l'arrêté en conseil qui prévoit l'engagement des occasionnels, qu'on peut assurer une stabilité à l'office.

M. CLOUTIER: Mais vous ne niez pas le programme de travail de l'office, comme je viens de l'énoncer. Je l'ai énoncé très sobrement, vous ne le niez pas. Votre critique porte surtout sur le fait qu'il y a des occasionnels d'engagés et que vous souhaiteriez qu'on y fasse le moins possible appel et elle porte sur le fait que les locaux ne vous paraissent peut-être pas — surtout à Québec, parce qu'il y a de nouveaux locaux à Montréal — adéquats, c'est bien cela?

M. HARGUINDEGUY: II y a particulièrement cela.

M. CLOUTIER: Je suis entièrement de votre avis en ce qui concerne les occasionnels et en ce qui concerne les locaux, parce que je considère, moi aussi, que si dans une période de transition il était acceptable que l'on procède ainsi, parce qu'il fallait faire démarrer les programmes, il faut, dans une période de consolidation que la régie devrait apporter, que l'on sorte de ce système. J'approuve donc votre point de vue et je suis très content que vous approuviez également le programme de travail de l'office tel que je l'ai énoncé.

M. HARGUINDEGUY: C'est sûr que l'office essaie de faire un travail avec les moyens qu'on lui a accordés jusqu'à présent, mais nous estimons que ce n'est pas suffisant. En fait, le mémoire comporte que, si la régie a les mêmes moyens et a les mêmes pouvoirs, cela n'ira pas mieux.

M. CLOUTIER: Bien sûr, moi aussi, je trouve que l'office n'a pas des moyens suffisants. Je trouve simplement qu'il fallait commencer et que nous avons réussi, au niveau de l'office, contrairement à ce que votre remarque un peu rapide de tout à l'heure laissait entendre, à faire un grand nombre de choses en vue de la refrancisation. Mais il est bien évident que ceci ne constituait qu'une étape et que l'étape suivante est justement permise par la loi 22.

Il est bien évident aussi que, si la loi 22 n'était pas appliquée comme elle devra être appliquée et si on ne donne pas les moyens nécessaires à la régie, à ce moment, vous avez raison. Je ne crois pas qu'on puisse présumer qu'en soi, la loi 22 ne permet pas cela.

M. HARGUINDEGUY: C'est que le passé est toujours garant de l'avenir.

MLLE TARDIF: Mais, M. le ministre, lorsque vous dites qu'on est allé dans les entreprises, je suis bien d'accord avec vous, mais... Entre autres, comme exemple, on pourrait citer Aigle D'Or. Il y a un gros travail qui a été fait chez Aigle D'Or. Cela a pris presque au moins huit mois de travail. Mais est-ce que vous êtes allé faire un tour à Aigle D'Or pour voir si cela a donné quelque chose de valable?

M. CLOUTIER: Oui, considérable. Etes-vous allée faire un tour à General Electric ici à Québec.

MLLE TARDIF: Disons qu'à General Electric, il y a plusieurs choses qui se font...

M. CLOUTIER: Etes-vous allée faire un tour à la Banque de Montréal?

MLLE TARDIF: Mais étant donné qu'on ne prévoit aucune sanction et qu'on n'oblige pas les compagnies ou les industries à faire vraiment du français la langue de travail, qu'on francise les termes, qu'on dise, par exemple: Tu dois employer tel mot ou tel mot, mais l'administration n'est pas capable de communiquer avec ces gens en français, c'est seulement au niveau théorique, je pense.

M. CLOUTIER: Mais...

MLLE TARDIF: Au niveau pratique, qu'est-ce que cela donne réellement?

M. CLOUTIER: Je pense que...

MLLE TARDIF: Si on ne les oblige pas à parler et à franciser complètement...

M. CLOUTIER: Mademoiselle...

MLLE TARDIF: ... et si on ne les pénalise pas, je pense qu'on ne sera pas tellement intéressé à l'appliquer.

M. CLOUTIER: Mademoiselle, je ne crois pas... Je m'excuse. C'est moi qui ai ouvert le débat...

MLLE TARDIF: Oui.

M. CLOUTIER: ... avec ma question, mais je voulais simplement aller à l'encontre du jugement un peu rapide — comme je l'ai qualifié — qui laissait entendre que l'office n'avait peut-être rien fait. Il est bien évident que l'office n'a pas tout fait. La loi 22 donne précisément à un office transformé la possibilité de faire des programmes de refrancisation qui comportent des contraintes économiques et qui permettront de franchir une dernière étape qui est une étape comme celle dont vous rêvez.

MLLE TARDIF: Je pense que cela ne change pas tellement. On donnait à l'office la possibilité d'aller dans les industries. D'accord! Il va encore dans les industries, mais qu'est-ce qui... Bien oui, toujours...

M. CLOUTIER: Qu'est-ce que je viens de vous dire, mademoiselle?

MLLE TARDIF: Mais...

M. CLOUTIER: Je viens de vous dire de lire soigneusement la loi 22.

MLLE TARDIF: Oui, mais nous l'avons lue.

M. CLOUTIER: Vous avez étudié... Bon! Vous avez vu ce qu'il y a dans la loi 22...

MLLE TARDIF: Oui.

M. CLOUTIER: ... concernant la refrancisation de l'entreprise, les contraintes économiques qui s'accompagnent et qui n'existaient pas auparavant. C'est justement l'instrument que nous utilisons pour franchir une nouvelle étape après avoir mis en place, à l'office, tous les éléments dont on avait besoin pour agir. Mais il est certain que l'office, s'il n'y avait pas de loi 22, ne pourrait pas faire plus que ce qu'il a fait actuellement. Pour aller plus loin, il nous faut justement une législation, et l'option gouvernementale est celle de la loi 22 par le biais des conventions collectives et par le biais des certificats de refrancisation.

M. le Président, je crois qu'il faut s'arrêter là. Je m'excuse d'avoir peut-être ouvert le débat pour apporter une précision.

M. ROY: J'aurais une petite question additionnelle à poser sur le même sujet.

Est-ce que la compagnie General Electric ou la compagnie Aigle D'Or auraient reçu des subventions du gouvernement dans leur campagne de refrancisation?

MLLE TARDIF: Je ne suis pas habilitée à répondre à cela.

M. ROY: Ah bon ! Je m'excuse.

MLLE TARDIF: II y a une enquête qui a été faite, mais on pourrait faire des recherches et vous répondre.

M. ROY: Je pourrais poser ma question au ministre.

M. CLOUTIER: Posez-la-moi. M. ROY: Je la pose au ministre. MLLE TARDIF: Disons que...

M. CLOUTIER: Non. D'ailleurs, c'est peut-être le moment de le dire, parce qu'il y a plusieurs personnes qui ont critiqué cet article qui parle de subventions. Le gouvernement n'y tient pas, à cet article.

Il a été mis dans la loi uniquement parce qu'il est utile de se conserver certains pouvoirs pour faire face à certaines situations très exceptionnelles. Lorsque nous serons en commission élue pour discuter article par article, nous pourrons avoir un débat là-dessus et nous tiendrons compte non seulement des mémoires qui nous ont été présentés, mais également des remarques certainement pertinentes de l'Opposition.

M. ROY: Je reviendrai là-dessus, parce qu'il y a des subventions directes et des subventions indirectes également.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le ministre, l'un des points qui me semblent ressortir des dernières interventions est le suivant: II n'y a pas de sanction véritable lorsqu'une compagnie choisit tout simplement de ne pas adopter un programme en francisation et c'est là que se trouvent les limites les plus évidentes de la loi. Je pense que vous avez constaté, mademoiselle, si je vous ai bien comprise, que sous l'empire de l'office actuel, il n'y a pas de sanction et cela ne produit donc à peu près aucun résultat autre que des résultats théoriques. C'est bien ce que vous avez dit?

MLLE TARDIF: Oui, c'est cela.

M. MORIN: Bien, c'est ce que j'avais cru comprendre. Dans le cas d'Aigle d'Or, est-ce que vous pourriez peut-être élaborer un peu? Ce que vous avez laissé entendre m'intéresse beaucoup, parce que l'absence de sanctions est une des caractéristiques de cette loi, j'entends, de sanctions véritables, et c'est pour cela que . j'aimerais vous entendre sur un cas comme celui d'Aigle d'Or.

MLLE TARDIF: Ce que je peux dire, c'est ce que j'ai su des rencontres qui ont été faites, mais il y a un comité qui a travaillé là-dessus. Lui pourrait peut-être vous donner exactement les données. Chose certaine, c'est que les gens qui ont pu revérifier, par après, au niveau de tout l'affichage, cela avait été refait. C'est bien beau d'afficher en français, c'est beau de leur donner les termes, mais est-ce qu'ils les emploient? C'est là!

D'après les consultations faites par après, ce que l'on a su, en tout cas, il y a des chiffres qui pourraient vous donner clairement le compte rendu. Cela a été fait, une étude a été faite.

M. MORIN: Est-ce que c'est un document officiel de l'Office, ce compte rendu?

MLLE TARDIF: C'est un document, oui c'est-à-dire que je pense qu'il n'a pas encore paru. C'est une étude qui a été faite sur différentes opérations au niveau des industries, on a fait des études, mais je pense que cela n'a pas encore été divulgué, ce n'est pas terminé.

M. MORIN: C'est encore un document interne?

MLLE TARDIF: Oui.

M. MORIN: II y a donc eu des études de faites sur les résultats des programmes de francisation à Aigle d'Or?

MLLE TARDIF: Disons que les résultats sont sur ce qui se présente actuellement, la situation actuelle. Il faudrait peut-être demander des informations...

M. MORIN: Est-ce que le ministre serait disposé à déposer ces documents pour éclairer la commission sur les résultats obtenus jusqu'ici?

M. CLOUTIER: M. le Président, je m'excuse, je n'ai pas assisté à tous les commentaires du témoin, pour une raison très simple, parce que j'ai parfois certaines instructions à donner. Il y a des journaux qui ont dit que je marmottais pendant les réunions. C'est absolument faux. En tant que responsable tout de même de la commission, je suis parfois obligé de vérifier si tel mémoire peut être présenté à temps, etc.

M. MORIN: M. le ministre, je tiens à vous donner mon appui là-dessus.

M. CLOUTIER: .. cette précision... Merci.

M. MORIN: Je trouve que vous avez le droit de marmotter et même de grommeler, si vous voulez, pendant les auditions. C'est le droit du ministre. Là-dessus, je trouve que les journalistes ont bien tort de vous faire un tel reproche.

M. CLOUTIER: J'en suis d'autant plus heu-

reux que j'ai constaté que le chef de l'Opposition faisait exactement la même chose et, défendant mes droits, il défend les siens en même temps. M. le Président, je n'ai aucune objection à rendre publics certains documents lorsque le moment sera venu. J'ai des réserves quand il s'agit de documents internes qui sont souvent des documents inachevés ou des documents qui sont faits pour une fin particulière. Dans le cas que l'on cite, je n'ai pas l'intention de rendre ces documents publics.

M. MORIN: M. le Président, l'expérience du passé nous enseigne que, quand un rapport est défavorable, il demeure indéfiniment inachevé.

M. CLOUTIER: C'est faux.

M. MORIN: Tandis que, lorsque le rapport est favorable, on le publie à grand renfort de publicité.

M. CLOUTIER: Nommez le rapport défavorable.

M. MORIN: Celui que vous avez refusé, il y a quelques semaines à peine, de rendre public.

M. CLOUTIER: Quel rapport?

M. MORIN: Vous vous souvenez? Celui dont vous avez déposé la première page en Chambre.

M. CLOUTIER: Ecoutez. C'était un rapport apocryphe.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. CLOUTIER: C'était un rapport préfonctionnel.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je peux m'informer auprès du chef de l'Oppsoition...

M. CLOUTIER: II y a eu une erreur administrative qui aurait dû être sanctionnée.

M. MORIN: Oui, j'ai des questions à poser, M. le Président. Je constate que, lorsqu'un rapport est défavorable au gouvernement, non seulement il est inachevé, mais il demeure apocryphe.

Madame, messieurs, j'aimerais vous poser une ou deux questions très précises avant que nous nous quittions. A l'article 28 du projet de loi, il est dit que les griefs peuvent être formulés par les salariés en français ou en anglais et que, si le grief donne lieu à l'arbitrage, les actes de procédure sont rédigés, les séances tenues et les décisions rendues en français. Pourriez-vous nous dire d'abord quelle est la pratique actuelle en matière de grief dans votre syndicat?

M. HARGUINDEGUY: Les griefs peuvent être présentés autant en français qu'en anglais, compte tenu de la langue maternelle du membre. Ceux qui sont unilingues anglais les présentent en anglais. Il y a eu également, à ma connaissance, un arbitrage qui s'est tenu strictement en anglais.

M. MORIN : En somme, si je comprends bien, l'article 28 consacre plus ou moins dans ce paragraphe ce qui existe déjà?

M. HARGUINDEGUY: C'est cela.

Le seul changement qu'il pourrait y avoir, c'est au niveau de l'arbitrage, mais si je prends l'exemple de l'arbitrage que nous avons tenu, il s'est tenu strictement en anglais, c'est parce que les témoins et même le plaignant ne parlaient pas le français. Alors pour le faire en français, il faudrait d'abord appliquer l'article 43.04, leur donner des cours de recyclage.

M. BONNIER: Selon 28, par exemple, dans l'avenir ce serait fait en français. Ce qui n'est pas le statu quo.

M. MORIN: Attention, il faut lire 29 maintenant, parce qu'il y a toujours le "toutefois" qui suit. Il suffit que cette loi énonce un principe pour qu'on y trouve immédiatement par la suite: cependant, toutefois, néanmoins, quoique, sauf que, excepté que, etc.

M. BONNIER: II s'agit tout simplement du dépôt, cependant, M. le Président et non pas de la discussion.

M. CHARRON: Je m'excuse auprès du chef de l'Opposition, mais quand vous dites qu'en vertu de 28, il serait obligatoirement français...

M. BONNIER: Les discussions du tribunal d'arbitrage se font en français.

M. CHARRON: Où cela?

M. BONNIER: Si le grief donne lieu à l'arbitrage, les actes de procédure sont rédigés, les séances tenues et les décisions rendues en français.

M. CHARRON: C'est la pratique habituelle à une exception près.

M. BONNIER: Non, ce n'est pas cela...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous aurez l'occasion ultérieurement de discuter de cette question article par article. Je voudrais que les questions se complètent.

M. BONNIER: Je voulais juste souligner...

M. HARGUINDEGUY: Si M. le Président me le permet, c'est quand même l'article 29 qui pourrait permettre... Je prends l'exemple du cas précis où tous les témoins et le plai-

gnant étaient anglais, on serait forcé d'appliquer l'article 29 pour dire: Les procédures, les matières, même la rédaction seront en anglais, cependant il faudrait qu'il y ait une version française du jugement qui serait déposée en même temps que la copie anglaise. C'est pour cela que je disais tout à l'heure qu'il faudrait nécessairement, au point de départ, donner des cours de français pour pouvoir faire les plaidoiries en français.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais passer à l'article 121 du projet de loi? Est-ce que vous l'avez devant vous, messieurs? Il se lit comme ceci: "Les membres du personnel du ministère de l'Education affectés à l'Office de la langue française demeurent en fonction au ministère de l'Education, à moins que le lieutenant-gouverneur en conseil ne décide de les muter à la Régie de la langue française".

Je voudrais vous demander quel est le point de vue de votre syndicat sur ces dispositions. Est-ce que vous n'avez pas déjà été muté dans le passé d'un ministère à un autre? Je crois des Affaires culturelles à l'Education. Que s'est-il passé quand cette mutation a eu lieu?

M. HARGUINDEGUY: Lorsque l'office a été créé, les employés des Affaires culturelles avaient été mutés au ministère de l'Education. Comme habituellement dans toutes les lois qui créent des régies ou des commissions, les employés sont affectés ou sont mutés de façon directe. Nous demandons aussi, dans le cas des employés de l'office, qu'ils deviennent éventuellement, si la régie était créée, des employés de la Régie de la langue française, contrairement à l'article où on laisse un choix au lieutenant-gouverneur en conseil.

M. MORIN: Est-ce que cela représente des inconvénients pour les membres de votre syndicat que ce choix soit laissé entre la mutation à la régie ou le maintien en fonction au ministère de l'Education?

M. HARGUINDEGUY: Oui, certains craignent qu'à ce moment-là, ils ne seraient pas choisis et seraient transférés dans d'autres services à l'intérieur du ministère de l'Education, alors qu'ils oeuvrent déjà à l'intérieur de l'office depuis un certain nombre d'années.

M. MORIN: Et qu'est-ce que vous verriez comme solution? Une mutation automatique?

M. HARGUINDEGUY: On pourrait dire que les membres du personnel, actuellement à l'Office de la langue française, deviennent des employés de la Régie de la langue française, si la régie était créée. Les termes juridiques, n'étant pas avocat, je laisse ça à d'autres. Mais c'est ça que nous demandons.

M. MORIN: Bien, M. le Président, l'Opposition a terminé ses questions. Je désire remercier le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec de nous avoir éclairé ce matin de façon très concrète sur l'application éventuelle du projet de loi qui est devant nous. Je remercie également madame qui est membre de l'Office de la langue française de nous avoir éclairé aussi sur le fonctionnement de cet organisme.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission. La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

Reprise de la séance à 14 h 3

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

J'inviterais maintenant le représentant de la Société de philosophie du Québec.

M. MORIN: M. le Président, avons-nous quorum, compte tenu des remplacements?

M. CLOUTIER: Oui, on a le quorum de sept.

M. MORIN: Est-ce qu'il y a eu des remplacements cet après-midi, M. le Président?

M. CHARRON: ... en fait, le député de Dorion dont nous saluons l'exceptionnel passage, soit membre de la commission.

M. BOSSE: Ah bon!

M. CHARRON: C'est la troisième fois que vous venez depuis le début de la session?

M. BOSSE: Est-ce que c'est systématique votre affaire? Est-ce que vous regrettez d'avoir perdu votre chef spirituel? Cela vous fait mal au coeur. Arrêtez donc d'écoeurer le monde. Strictement comme député de Dorion, je suis représentant et je n'aimerais pas me faire baver par le député de Saint-Jacques.

M.MORIN: Le député de Dorion... il a le droit d'être là.

M. BOSSE: Si vous voulez philosopher...

M. CLOUTIER: Nous allons entendre des philosophes.

M. BOSSE: Philosophez donc, sur...

M. CLOUTIER: Commençons dans le calme.

M. MORIN: Le député de Saint-Jacques, M. le Président, voulait simplement savoir si nous avons quorum.

UNE VOIX: N'ayant pas encore quorum...

M. BOSSE: Le député de Saint-Jacques voulait savoir si nous avions quorum. Nous allons vérifier cela. D'abord, c'est ce que vous avez demandé, comme chef de l'Opposition...

M.MORIN: C'est ça! Si nous avons quorum?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous n'avons pas quorum.

M. CLOUTIER: ...les règlements nous le permettent, nous pouvons considérer que nous avons quorum.

M. CHARRON: Non, certainement pas.

M. CLOUTIER: Ah bon! Où est cette belle ouverture d'esprit, cet...

M. CHARRON: Je vous fais remarquer que c'est le parti ministériel qui...

M. CLOUTIER: ...impératif que vous manifestiez d'accélérer les discussions...

M. CHARRON: Pas quand vous êtes 102 et que vous n'êtes même pas capable de fournir une commission.

M. MORIN: M. le ministre, nous avons devant nous un organisme qui a des choses importantes...

M. BOSSE: Un autre...

M. MORIN: ...À dire et nous pensons que ses représentants ont le droit, par considération pour eux, d'avoir un quorum devant eux.

M. CLOUTIER: Remarquez que j'ai simplement fait une suggestion que nous permet le règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Maintenant, messieurs, si vous voulez vous identifier pour le bénéfice des membres de la commission et du journal des Débats. S'il vous plaît vous identifier ainsi que tous ceux qui sont avec vous.

Société de philosophie du Québec

M. QUINTIN: Mon nom est Paul-André Quintin. Je suis professeur et directeur du module de philosophie à l'Université du Québec à Trois-Rivières et président de la Société de philosophie du Québec. A ma gauche, M. Pierre Gravel, professeur à l'Université de Montréal et trésorier de la société.

A ma droite, M. Claude Panaccio, professeur de philosophie aussi au CEGEP de Maisonneuve qui est secrétaire de la société.

Le projet de loi 22 traite d'un sujet qui, par sa nature même, engage l'avenir de la nation. La Société de philosophie du Québec se devait de formuler et de rendre publique sa position face audit projet.

Avant d'exprimer cette position, la Société de philosophie du Québec tient cependant à se joindre à tous les individus et à tous les organismes qui ont déjà dénoncé les conditions dans lesquelles s'effectue cette consultation. Le moment de l'année est mal choisi et la période de consultation trop courte. Un projet de loi qui comporte des implications aussi importan-

tes mériterait certes d'être étudié plus longuement et, au moment où nous rédigions ces lignes, et à ce moment même où nous parlons, la population n'est pas suffisamment informée pour pouvoir mesurer l'impact de cette loi sur sa vie collective.

Nonobstant ces difficultés et ces réserves, la Société de philosophie du Québec a procédé à l'analyse du projet de loi et en arrive à des conclusions nettement négatives quant à la pertinence et à la valeur de cette loi.

En effet, les principes et les postulats qui sont déterminés dans le préambule même de la loi ne sont pas respectés dans le texte même de la loi. Pour bien mettre en évidence cette faiblesse du projet, nous tenterons d'abord de formuler ce que la population du Québec est en droit d'attendre d'une loi sur la langue officielle. Dans un deuxième moment, nous procéderons à l'analyse du texte même de la loi pour en faire voir les déficiences les plus flagrantes eu égard aux attentes légitimes de la population du Québec.

Au terme de cette analyse, nous nous croyons justifiés d'affirmer que ce projet de loi sur la langue officielle trahit les objectifs qu'il devait atteindre et, en conséquence, nous en demandons le retrait pur et simple.

Dans un premier moment, nous avons tenté de formuler les conditions de pertinence d'une loi sur la langue française. Pour ce faire, nous avons d'abord établi ce que nous sommes en droit d'attendre d'une loi. Nous utilisons, ici, une grille d'analyse simple basée sur deux principes généraux qui permettent de définir les conditions de pertinence d'une loi en général.

Premièrement, toute loi vise à la réalisation, à court et à long terme d'objectifs définis.

Deuxièmement, afin d'atteindre ces objectifs, toute loi institue des contraintes ou pour stimuler ou favoriser des forces susceptibles de concourir à la réalisation des objectifs définis; ou/et en même temps, pour neutraliser des forces adverses qui, laissées à elles-mêmes, compromettraient la réalisation des objectifs visés.

Si l'on accepte ces deux principes, on doit conclure d'une façon générale: qu'une loi, qui prétend susciter ou favoriser des forces positives, mais qui n'établit pas les contraintes suffisantes, est strictement inutile et verbale; qu'une loi qui prétend réagir contre une tendance adverse et qui néanmoins ne change rien au statu quo, n'est pas à la limite une loi, mais une pure et simple consécration de la tendance existante; et finalement, que plus les tendances à neutraliser sont puissantes, plus la législation doit être ferme si elle prétend concourir effectivement à la réalisation des objectifs déjà définis.

Ce code d'analyse nous permet maintenant de déterminer, de façon plus précise, les exigences que, dans la situation actuelle, la popu- lation du Québec est en droit de formuler à l'égard d'une législation d'ensemble sur la langue française au Québec.

La première étape, disions-nous, consiste à définir clairement les objectifs que la loi poursuit. Ce point ne semble soulever aucune difficulté puisque nous souscrivons entièrement aux objectifs que le législateur a formulés dans son préambule: il s'agit de préserver un patrimoine national qu'on considère en péril, d'assurer la prééminence et de favoriser l'épanouissement et la qualité de la langue française au Québec

Notons seulement ici au passage que la pratique de la traduction anglaise adoptée par le gouvernement québécois ne semble pas toujours avoir des résultats heureux. Il est plutôt surprenant de constater que les obligations inscrites dans ce préambule (la langue française doit être...; les entreprises... doivent) se transforment en souhaits lorsqu'elles sont formulées en langue anglaise (... should be). N'existe-t-il pas en anglais un verbe "must"?

M. MORIN: Shall.

M. QUINTIN: Et si je me souviens bien — je ne suis pas un linguiste — "whereas" signifiant "considérant", demande l'indicatif, de sorte que ce n'est sûrement pas un hasard si on retrouve là un conditionnel.

Conformément à ce code d'analyse que nous venons de définir, la deuxième étape de l'instauration de la loi, dans le cas où il s'agit de préserver la langue française, exige l'identification des obstacles qui sont susceptibles d'empêcher la langue française d'occuper au Québec la place qu'on veut lui attribuer.

Dans le cas présent, il semble évident que ces forces adverses prennent la forme d'un mouvement d'anglicisation massive de la nation. Le gouvernement actuel reconnaît de fait que la langue française est menacée au Québec. Il est certes très important de ne pas sous-estimer cette menace.

Largement majoritaire en Amérique du Nord, les anglophones constituent en même temps une proportion croissante de la population québécoise. En outre, ils exercent un rôle déterminant au sein de la classe dominante de cette même population.

S'il est vrai, comme le suggère notre code d'analyse, que le conflit linguistique doit être compris en termes de rapports de forces ou en termes d'intérêts qui s'affrontent ouvertement, les forces adverses qui s'opposent ou peuvent s'opposer à la réalisation des objectifs susmentionnés sont énormes.

Aussi considérons-nous qu'une législation linguistique faisant du français la langue officielle ne peut être utile que si elle est l'occasion pour le législateur de prendre parti de façon résolue en faveur des intérêts de ceux qu'il prétend vouloir défendre, à savoir les intérêts de la majorité francophones du Québec.

Le législateur doit le faire dans une loi ferme et vigoureuse qui mette fin au processus d'angli-cisation progressive qui a motivé l'intervention de l'Etat. Une telle loi, pour être utile, devrait donc mettre en place des mécanismes qui, indépendamment de tout pouvoir discrétionnaire du ministre ou des officiers chargés de son application, préservent réellement la langue française, permettent son plein épanouissement et mettent un terme aux pratiques contraires à ces objectifs avoués.

Nous venons de réclamer une loi ferme et vigoureuse permettant de réaliser les objectifs de la loi tels que formulés dans son préambule. Des objections surgiront aussitôt: A-t-on le droit de brimer les libertés individuelles ou les libertés de la minorité anglophone ou des autres minorités?

Ces objections sont, à notre avis, vides de sens du moins dans leurs formulations habituelles.

Il faut reconnaître clairement que, par définition, toute loi brime une liberté quelconque et, deuxièmement, dans certains cas, que l'absence de loi laisse durer des situations dans lesquelles des libertés individuelles ou collectives sont éventuellement plus brimées qu'elles ne le seraient par des lois.

Sauf dans des cas de droits réputés inalinéables, nul ne peut donc abstraitement faire appel à une liberté quelconque pour s'opposer à une législation. Ce qui est à chaque fois requis, c'est une analyse concrète de la situation qui permette d'évaluer et de confronter les libertés qui seraient brimées par la loi et celles qui sont brimées par suite de l'absence de loi.

Or, dans le cas présent, il nous semble que l'absence d'une loi conduirait à l'anglicisation. Se trouvent donc confrontées d'une part la liberté de la majorité du peuple québécois à pouvoir travailler en français, s'éduquer en français, s'administrer en français et, d'autre part, la liberté de la minorité anglophone d'utiliser la langue anglaise lorsqu'elle le désire.

Il faut donc choisir: ou laisser les Québécois s'angliciser, ou établir des contraintes qui permettent au peuple québécois francophone de vivre et de se développer.

Et dès qu'on se donne comme objectif de tout mettre en oeuvre pour assurer la prééminence de la langue française au Québec et pour en favoriser l'épanouissement et la qualité, le choix est fait et il faut en assumer les conséquences: la langue française doit, par contrainte législative et, bien sûr au détriment de certaines libertés, devenir au Québec la langue de l'administration, la langue de travail et la langue d'enseignement.

Certaines libertés, disions-nous, seront peut-être brimées si l'on applique de façon conséquente la décision de faire du français la langue officielle du Québec.

Mais ce qu'il faut cependant ajouter tout de suite, c'est que ces libertés ne font pas partie des droits dits inaliénables. Le droit individuel à travailler et à s'éduquer dans la langue de son choix dans une société donnée est une hypothèse farfelue qu'aucune société n'a jamais retenue, du moins à notre connaissance. Et accorder ce droit à la minorité anglophone du Québec, c'est lui accorder un net privilège par rapport aux autres minorités ethniques.

Reste finalement l'argument des droits acquis de la minorité anglophone. Certains droits, dira-t-on, ont été consacrés par la pratique et ne peuvent être rétroactivement enlevés. Cet argument est aussi tout à fait abstrait, pour ne pas dire fallacieux. Pris à la lettre, il consisterait finalement à affirmer que tout groupe qui prend le pouvoir dans une communauté quelconque peut s'octroyer pour l'éternité des privilèges intangibles pourvu qu'il demeure au pouvoir suffisamment longtemps pour créer des coutumes.

Dans le cas du Québec, le droit acquis de la langue anglaise a été imposé et continue de l'être d'une certaine façon, par une domination coloniale et économique contre laquelle la population québécoise commence à réagir. S'il est dans la l'intention du gouvernement de maintenir ces privilèges par ailleurs incompatibles avec la prééminence et l'épanouissement de la langue française au Québec, on ne voit pas pourquoi il a pensé légiférer sur la langue, à moins que ses motifs soient plus d'ordre électoral que politique.

De l'analyse qui précède, nous concluons que la seule législation linguistique qui soit acceptable pour le Québec dans la mesure où l'on veut assurer la prééminence du français, c'est une législation ferme qui réagisse vigoureusement contre la tendance à l'anglicisation et à laquelle aucune liberté individuelle, aucun droit inaliénable, aucun privilège acquis ne puissent légitimement s'opposer pour contrer le but, le motif essentiel ou la raison d'être même de la loi.

Dans un deuxième moment, nous avons passé ensuite à une analyse du projet de loi 22.

Evidemment, il n'est pas dans nos intentions de commenter en détail les articles du projet de loi ni de traiter de tous les domaines qu'il prétend couvrir. Qu'il nous suffise de montrer: premièrement, que le projet de loi ne neutralise pas de façon suffisante et de façon satisfaisante les forces d'anglicisation; deuxièmement, que ce projet de loi favorise très peu les forces de francisation et, troisièmement, qu'en accordant dans ses modalités d'application, une large place aux pouvoirs discrétionnaires, il renvoie à d'autres instances le soin de définir concrètement sa propre orientation.

Pour réaliser les objectifs définis dans son préambule, le projet de loi sur la langue officielle devait contrer ce que nous avons appelé certaines forces adverses. Or, à l'analyse, nous constatons que bien loin de contrer ces forces, il les favorise plutôt puisqu'il reconnaît même à la langue anglaise un grand

nombre de droits nouveaux. Voyons quelques exemples.

Dans le domaine de l'administration publique, le projet de loi 22 impose aux organismes municipaux et scolaires dont au moins 10 p. c. des administrés sont anglophones et qui utilisent déjà l'anglais l'obligation nouvelle de continuer à le faire et cela même dans les cas de fusion. Qui plus est, l'anglais devient même langue officielle au même titre que le français dans les organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité anglophones.

Enfin, la langue anglaise peut être légalement utilisée non plus seulement à l'Assemblée nationale mais aussi dans n'importe quelle assemblée délibérante de l'administration publique.

Dans les domaines du travail et des affaires, tout groupe d'employés, même francophones, se voit reconnaître le droit de négocier en anglais, de rédiger sa convention collective en anglais et de formuler ses griefs en anglais. Par ailleurs, tout commerçant et tout consommateur, même francophone, a le droit d'exiger une rédaction en langue anglaise de ses contrats d'achat ou d'adhésion. Peut-on alors parler de mesures visant à faire de la langue française la langue du travail, la langue des affaires?

Dans le domaine de l'enseignement, enfin, le projet de loi 22 consacre le droit de toute commission scolaire et de toute corporation de syndics à donner l'enseignement en langue anglaise et laisse à ces dernières le soin de déterminer qui pourra ou non y être admis. La connaissance suffisante de l'anglais est ici le seul critère outre l'autorisation du ministre. Ce critère insuffisant est une porte grande ouverte à ceux qui souhaitent s'angliciser ou angliciser les Québécois francophones.

En fin de compte, nous constatons que, bien loin de chercher à neutraliser les forces d'angli-cisation au Québec, le projet de loi 22 vise au contraire à les "officialiser", à leur conférer un statut officiel, Or, conformément à notre code d'analyse, une telle législation sur des pratiques qui, par ailleurs, dans la plupart des cas, existent déjà, ne peut avoir comme fonction que d'encourager ces pratiques et de les préserver contre d'éventuelles menaces. On pourrait et on peut donc croire que, contrairement à ce qui est défini dans le préambule de la loi, le projet vise plutôt à contrer les forces de francisation. Le projet de loi 22 sur le français langue officielle a-t-il finalement comme objectif réel de protéger la langue anglaise au Québec et de permettre aux anglophones de continuer à vivre au Québec sans avoir à connaître un seul mot de français?

Le projet de loi 22 est l'occasion pour le législateur d'étendre considérablement les droits de la langue anglaise. Cependant, ce même législateur ne semble pas être aussi généreux quand vient le moment d'appuyer les forces de francisation. En effet, se bornant, à toutes fins pratiques, à légiférer pour rendre le français officiel dans des domaines où il est déjà la langue d'usage, le promoteur de la loi renonce à en établir, au-delà de tout doute, la prééminence dans des domaines où, précisément, le français ne saurait souffrir de concurrence.

Le projet de loi no 22 rend effectivement officiel l'usage du français dans des domaines où la chose allait de soi: devront dorénavant être rédigés en français les documents de l'administration publique et les documents des institutions municipales et scolaires comprenant plus de 90 p.c. de francophones; devront faire l'objet d'une traduction en français les jugements prononcés en anglais. A ce niveau, on peut d'emblée conclure qu'en aucune manière la vie des citoyens du Québec ne se trouvera changée par une telle législation.

En outre, la langue française ne saurait être prééminente au Québec que si le statut qui lui est accordé la place au tout premier rang, c'est-à-dire que la loi qui en fait la langue officielle du Québec doit lui réserver des privilèges qui ne pourront être simultanément partagés par d'autres langues. Sur ce point, il est manifeste que le projet de loi no 22 n'accorde aucune prééminence à la langue française, si ce n'est que, dans les cas où il y aura un conflit d'interprétation engendré par la coexistence d'une version française et d'une version anglaise d'un texte de loi ou d'un texte de l'administration publique, c'est, nous dit-on, la version française qui sera considérée comme seule authentique.

Dans les cas où le législateur devrait rendre exclusif l'usage de la langue française pour assurer l'épanouissement de cette dernière, il ne fait qu'exiger que la version française figure aussi avantageusement que sa concurrente, l'anglaise. Dans d'autres cas, le législateur se contente d'exiger simplement une version bilingue des textes, pourvu que le français y soit lisiblement rédigé. Encore ici, il est facile de conclure que le projet de loi numéro 22 ne réalise pas son objectif fondamental qui est d'assurer que la nation puisse mieux vivre en français que par le passé.

En ce qui concerne enfin la langue d'enseignement, le projet de loi numéro 22 ne fait que ramener la population du Québec à la situation d'avant 1969, année de la loi 63, pour promouvoir la langue française au Québec. En fait, l'actuel projet de loi n'est rien moins qu'une incitation à l'anglicisation massive, sauf pour les immigrants qui, à leur arrivée au pays, ne connaîtront pas déjà l'anglais.

Que reste-t-il, en conclusion, pour promouvoir des forces de francisation réelle? Le projet de loi numéro 22 confère au ministre la tâche de développer la recherche en matière linguistique. Il donne au lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir d'instituer des commissions de terminologie et il crée une régie de la langue française dont le rôle de surveillance, semble-

t-il, sera beaucoup plus important que le rôle d'implantation générale du français sur tout le territoire du Québec et dans toutes les sphères d'activité. Tout compte fait, le projet de loi numéro 22 prétend rendre officielle la langue française au Québec, mais ne lui ouvre jamais l'espace de jeu qui serait nécessaire à sa prééminence et à son épanouissement.

Les mesures qui favorisent la francisation ou celles qui prétendent contrer les forces d'angli-cisation sont insuffisantes, disions-nous ci-dessus. Mais elles sont aussi insuffisamment définies quant à leurs modalités d'application.

En effet, le projet de loi 22 contient un grand nombre d'articles dans lesquels des décisions essentielles à une application cohérente et conséquente de la loi renvoient soit à des règlements jusqu'ici inconnus, soit à un pouvoir discrétionnaire du ministre qui sera désigné par le lieutenant-gouverneur pour voir à l'application de la loi.

Plusieurs commentateurs du texte de la loi ont déjà mis en évidence le fait que ce type de réglementation dénotait l'érosion du pouvoir législatif des représentants du peuple en faveur du pouvoir exécutif de l'équipe ministérielle chargée de façon plus immédiate de la responsabilité de gouverner.

Pour notre part, nous considérons qu'adopter un tel type de législation comporte deux inconvénients majeurs suffisants pour annuler les effets bénéfiques qu'on serait en droit d'attendre d'une loi.

En premier lieu, les modalités d'application de la loi telles que prévues, par exemple, dans les articles 31, 48, 51, 56, 65, 66, 87, supposent une intervention personnelle du ministre selon des critères qui ne sont pas explicitement déterminés dans la loi même. Le ministre peut accorder des subventions aux entreprises qui adoptent et appliquent un programme de francisation; les commissions scolaires peuvent donner l'enseignement en langue anglaise, avec l'autorisation préalable du ministre; le ministre de l'Education ou le ministre chargé de l'application de la loi peut imposer des tests, il peut exiger qu'une commission scolaire révise l'intégration de ses élèves, etc.

Toutes ces modalités comportent un inconvénient majeur: celui de laisser un seul homme, et un homme politique, à la merci des pressions de toutes parts et, plus particulièrement, à la merci des pressions politiques du moment. Une loi ainsi formulée ne peut être appliquée de façon satisfaisante. Elle risque de créer plus de problèmes qu'elle n'en résout. Elle risque surtout, disons-le franchement, de devenir méconnaissable selon les circonstances, précisément parce que son premier visage n'était pas suffisamment défini.

Ce premier inconvénient, lié aux modalités d'application de la loi, entraîne ainsi une conséquence qui risque d'être désastreuse. Comme nous l'avons déjà indiqué, la force et la pertinence d'une loi doivent pouvoir être mesurées aux effets que la loi entraîne dans une direction déterminée. Si les décisions essentielles qui servent à définir cette direction relèvent d'un homme livré aux pressions politiques du moment, il est fort probable et peut-être même inévitable que l'orientation de la loi changera selon les circonstances et que cette loi créera manifestement au jour le jour ses heureux et ses mécontents tout en demeurant par ailleurs stérile quant à ses objectifs fondamentaux.

Tout compte fait, l'analyse de ce projet de loi nous laisse perplexes.

Comment se fait-il qu'un projet de loi ayant pour objectif d'assurer la prééminence du français accorde finalement dans bon nombre d'articles des droits, et des droits nouveaux, à la langue anglaise et cela, dans des domaines où elle n'a jamais été menacée?

Comment se fait-il qu'un projet de loi ayant pour objectif d'assurer la prééminence du français comporte peu ou pas de contraintes à l'égard des anglophones mais oblige plutôt l'ensemble de la population à payer pour la francisation d'entreprises qui sont depuis longtemps au Québec et qui sont devenues prospères grâce à cette même population?

Comment se fait-il qu'un projet de loi ayant pour objectif d'assurer la prééminence du français permette à toute personne ayant quelque connaissance de l'anglais de s'intégrer à la minorité anglophone mais ne prévoit pas, par contre, ni d'intégrer à la majorité francophone les anglophones ou autres immigrants ayant une certaine connaissance du français, ni d'assurer et aux anglophones et aux autres groupes linguistiques les moyens d'acquérir cette connaissance du français pour qu'ils puissent ensuite s'intégrer à cette majorité francophone?

Comment se fait-il qu'un projet de loi d'une telle importance ne comprend pas en lui-même les règles de son orientation mais dépend plutôt du bon vouloir du ministre et des officiers qui seront chargés de l'appliquer?

Finalement, et après l'analyse du texte, il semble bien que le plus important quant à l'évaluation et à la portée de ce projet de loi n'est pas dans le texte même de la loi mais plutôt dans la curieuse situation politique actuelle dont il est le reflet, situation dans laquelle une majorité francophone est dépendante de la minorité anglophone qui sert d'assise électorale au parti qui forme le gouvernement.

Notre position est alors claire: Nous refusons de proposer quelque amendement que ce soit à ce projet de loi dont seul le préambule et peut-être l'article 1 répondent à ce que la population du Québec est en droit d'attendre d'une loi sur la langue française.

Nous demandons donc le retrait pur et simple de cette loi, dans sa totalité, si ce n'est à l'exception d'un seul article qui, à notre avis, correspond à un besoin urgent de la population du Québec: L'article 118.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Merci beaucoup. Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai écouté avec énormément d'intérêt le mémoire de la Société de philosophie du Québec, et je l'en félicite. C'est un bon texte, et c'est un texte couché dans un language philosophique tout à fait valable.

Avant de faire quelques commentaires généraux, je voudrais simplement établir quelle est la représentativité de la Société de philosophie. Combien de membres compte-t-elle? Et de quelle façon ce mémoire a-t-il été préparé?

M. QUINTIN: La société regroupe actuellement près de 300 professeurs de philosophie du Québec et aussi d'autres milieux francophones hors du Québec. Par exemple, le Nou-veau-Brunswick ou Sudbury. Elle compte aussi, à titre de membres institutionnels, 25 membres, dont la Société de philosophie de Montréal; le Cercle de philosophie de Trois-Rivières; les départements de philosophie des Universités de Montréal, Trois-Rivières, Québec, Sherbrooke, et même le département de philosophie de l'Université de Victoria, Colombie-Britannique. Elle est aussi ouverte à des étudiants ou autres personnes intéressées par le développement de la philosophie au Québec.

Lors de l'assemblée générale de la société dans le cadre de l'ACFAS, le congrès de l'ACFAS, dont la société est membre, l'Association canadienne française pour l'avancement des sciences, lors de cette assemblée générale, dis-je, les membres ont voté la proposition suivante: "La Société de philosophie du Québec donne son entier appui à la lutte entreprise par le Mouvement du Québec français pour faire de la langue française au Québec la langue officielle de l'Etat, la langue d'enseignement et la langue de travail".

M. CLOUTIER: Je pense, M. le Président, que c'est tout à fait clair. Je vous remercie d'avoir répondu à ma question.

Je voudrais maintenant, quitte à vous étonner, vous dire que je suis entièrement d'accord avec ce que vous appelez les "conditions de pertinence" d'une loi sur la langue française, et ce que vous appelez votre "code d'analyse". En fait, le mot "grille" serait probablement préférable, et vous l'utilisez dans le corps du texte.

Je me ferais fort, si c'était le lieu, à partir de cette même grille, d'arriver à des conclusions diamétralement opposées. Cependant j'ai l'impression que ce serait un exercice peut-être tout aussi théorique que celui que vous avez fait devant nous. Je vais donc plutôt, vous poser deux questions précises.

H y a, par-delà une grille d'analyse, par-delà une méthodologie, ce que l'on appelle des prémisses.

J'avais l'intention, avant d'entendre vos commentaires sur la résolution que vous avez passée pour appuyer le Mouvement du Québec français, de vous demander dans quelle pres-pective vous vous situiez. Autrement dit, quelles étaient vos prémisses? Sont-elles celles d'un Québec indépendant, d'un Québec souverain, ou sont-elles celles d'un Québec qui fait partie d'un pays fédéral, et qui comprend le type de population qu'il comprend?

Remarquez que je ne vous pose pas du tout cette question parce que je ne partage pas une opinion, mais c'est uniquement pour tenter de savoir comment vous vous êtes situés par rapport aux conclusions que vous faites sortir de votre méthodologie?

M. QUINTIN: Je crois que cette question n'intervient pas dans les prémisses qui nous ont servi pour faire l'analyse du projet de loi. Nous sommes partis simplement des objectifs tels que formulés par la loi. Nous avons essayé de voir si, à l'intérieur même du texte on pouvait retrouver une cohérence conséquente avec ces mêmes objectifs, de sorte que la question de savoir si nous appuyons un parti plutôt que tel autre ou si nous sommes créditistes ou libéraux me semble non pertinente quant à l'analyse que nous avons faite.

M. CLOUTIER: Je ne suis pas de cet avis parce que, malheureusement, dans vos conclusions, il y a des éléments politiques qui doivent quand même sortir, en stricte doctrine philosophique, de certaines prémisses. C'est ainsi, par exemple, qu'il y a un jugement de valeur où l'on parle de la situation dans laquelle une majorité francophone est dépendante de la minorité anglophone qui sert d'assises électorales au parti qui forme le gouvernement.

M. QUINTIN: II s'agit là d'une hypothèse, M. le ministre, simplement parce que, si on considère les objectifs du texte et si on considère ce qui, à notre avis, est une contradiction des objectifs inscrite même dans le texte, on a raison de se demander ce qui se passe. Le texte ne s'explique pas par lui-même. C'est une simple hypothèse, mais je voudrais terminer, s'il vous plaît, sur la question de la prémisse de tout à l'heure.

M. CLOUTIER: Je vous en prie.

M. QUINTIN: Ce qui nous intéresse, même en tant que philosophes, c'est d'avoir un milieu qui assure une sécurité intellectuelle ou une sécurité linguistique de base qui puisse permettre aux gens de travailler de façon positive. On perd énormément de temps à se battre pour dire aux gens que l'on parle français au Québec et depuis des années et on en a marre.

M. CLOUTIER: C'est un objectif que partage entièrement le gouvernement, même s'il diffère sur les moyens pour l'obtenir et je prends votre réponse comme étant votre réponse à savoir qu'il n'y avait aucune prémisse sous-jacente à la méthodologie et aux conclu-

sions que vous en tirez et je répète que, dans mon cas à moi, il y aurait très certainement des prémisses parce que mes conclusions seraient diamétralement opposées. Espérons que si sophisme il y a, l'électorat tranchera, à un moment donné, et la majorité s'exprimera.

Je m'excuse de vous voler un peu votre langage, mais je suis sûr que vous ne m'en voudrez pas.

Voilà maintenant ma deuxième question: A la page 5, et je me limiterai là parce que, encore une fois, je ne veux pas engager de débat et je veux laisser la parole à mes collègues de la commission, vous dites: "Aussi, considérons-nous qu'une législation linguistique ne peut être utile que si elle est l'occasion pour le législateur de prendre parti de façon résolue en faveur des intérêts de ceux qu'il prétend vouloir défendre, à savoir les intérêts de la majorité francophone du Québec".

Ma question est la suivante: Ne croyez-vous pas qu'un gouvernement, quel qu'il soit, représente la totalité de la population, c'est-à-dire la majorité et la minorité? C'est là ma question et j'aimerais avoir une réponse précise.

M. QUINTIN: Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point, mais il faut resituer cette phrase dans son contexte et le contexte dit qu'une législation linguistique prétendant être le lieu de définir le français comme langue officielle au Québec ne peut avoir de valeur que si le législateur inscrit vraiment dans le texte de loi ce qu'il prétend vouloir faire. C'est tout ce qui est dit ici.

Je sais qu'il y a des problèmes, pas nécessairement des problèmes, je sais que c'est une situation de fait, qu'il faut tenir compte de la présence des anglophones. C'est aussi un point sur lequel on pourrait revenir. Ce que nous disons ici, simplement, c'est que, quand on prétend faire une loi pour promouvoir la langue française au Québec, on a droit d'espérer que la loi protège la langue française au Québec. C'est simplement cela qu'il y a dans ce texte.

M. CLOUTIER: J'ai l'impression que vous ne répondez peut-être pas directement à ma question, parce que vous incitez, en somme, le gouvernement à légiférer uniquement pour la majorité. Ce que j'aimerais savoir, c'est: Que faites-vous de la minorité que doit représenter normalement un gouvernement?

M. PANACCIO: Est-ce que je peux répondre à cette question?

M. CLOUTIER: Oui, bien sûr.

M. PANACCIO: II est clair qu'en bonne philosophie politique démocratique, tout gouvernement représente non seulement une majorité, mais une minorité. Seulement, en cas de conflit d'intérêts entre une minorité et une majorité, le gouvernement représente la majori- té. Toute notre analyse est basée sur la constatation qu'il y a actuellement conflit entre les intérêts de la langue française et les intérêts de la langue anglaise au Québec. Dans ce cas, il nous semble clair que le devoir du gouvernement est de protéger les intérêts de la langue majoritaire au Québec, à savoir le français.

M. CLOUTIER: Alors, je pense que je comprends mieux maintenant le sens de la résolution qui approuvait le programme du Mouvement Québec français. Je vous en remercie.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je veux également remercier les porte-parole de la Société de philosophie du Québec pour le mémoire d'une excellente qualité qu'ils viennent de nous présenter. J'ai l'impression que, peut-être sans le savoir, la clarté en même temps que le réalisme du texte produit par la Société de philosophie contribuera à faire disparaître les préjugés peut-être entretenus par certains membres de cette assemblée voulant que les philosophes ne savent être autre chose que nébuleux ou alors ésotériques quant à la qualité de leur raisonnement. Je crois que la grille que vous avez prise et que nous ne pouvons pas vous refuser, surtout en tant que législateurs, d'analyser ce projet de loi d'abord sous l'angle de ce qu'est une intervention législative dans un domaine quelconque, et que vous ayez choisi de le faire dès le début en posant ce que vous appelez les conditions de pertinence d'une loi sur la langue française... Je vous signale, parce que peut-être n'étiez-vous pas avec nous depuis les débuts des travaux de cette commission, que vous êtes le premier groupe à le faire. Effectivement, dans plusieurs témoignages, d'ailleurs qui ont tous été à l'encontre du projet de loi 22, à l'exception de notre fidèle chambre de commerce, on sentait chez chacun la volonté de poser ce que sont les conditions de pertinence d'une loi sur la langue française. Je crois que vous êtes le groupe jusqu'ici qui a réussi le mieux à poser ce qu'est une loi effectivement, lorsqu'un gouvernement se décide à en poser une. Surtout ce que j'ai bien aimé, vous êtes encore une fois le premier groupe à le faire, c'est que, indépendamment de toute intervention ou considération politique extérieure au projet de loi, vous rabattant même et vous limitant au projet de loi peut-être plus que n'importe quel groupe auparavant qui est venu nous faire état de l'histoire de la confédération ou des droits du français en Colombie-Britannique, vous limitant strictement à une participation à une commission parlementaire qui étudie le projet de loi, vous avez analysé le problème sous l'angle: Est-ce que le gouvernement est fidèle dans ces articles à ce qu'il annonce dans son préambule?

Je pense qu'aucun membre de la commission

ne pourra vous reprocher d'avoir fait intervenir d'autres considérations que celle du projet de loi 22. La démonstration que vous avez fournie, non seulement en mettant en contradiction, comme d'ailleurs le député de Sainte-Anne l'avait fait à l'occasion avec moi à une émission radiophonique concernant les contradictions possibles entre la version anglaise et la version française, le député de Sainte-Anne qui a été qualifié d'orangiste par le chef du gouvernement... Plus que cela, vous avez voulu vérifier si le préambule a vraiment été respecté dans les articles de la loi. Cela, c'est une façon nouvelle d'analyser ce projet de loi, je pense, qui ne nous avait pas été donnée. Cela ne rend que plus croyables et plus, je dirais, officielles les conclusions que vous apportez et la demande de retrait pur et simple que vous formulez comme tous les autres groupes que nous avons entendus, à l'exception d'un seul, de ce projet de loi. Je veux vous demander — j'ai très peu de chose en fin de compte à vous demander tellement cette analyse est logique et lucide — ou vous inviter peut-être à revenir pour préciser certains des aspects de votre texte. A la page 7, lorsque vous parlez des droits inaliénables et des droits acquis, vous affirmez que ces libertés que l'histoire et que la géographie ont données à notre minorité de 13.1 p.c. d'anglophones au Québec, ne font pas partie du droit dit inaliénable. J'aurais aimé, surtout en votre qualité de membre de la Société de philosophie du Québec, que cette affirmation soit précédée d'une définition, à votre avis, de ce que serait ou ce qu'est un droit inaliénable pour qu'ensuite vous puissiez dire que les libertés dont a joui la minorité anglophone du Québec, depuis le début de son existence ici, ne sont pas de ces droits inaliénables. Je ne sais pas si vous comprenez le sens de ma question. J'aimerais cette précision pour les membres de la commission.

M. PANACCIO: Par définition, les droits qui sont reconnus inaliénables dans la philosophie politique dominante en Occident depuis particulièrement le XVTIe siècle, sont des droits qu'on reconnaît soit à des individus, soit à des groupes de personnes et qu'on ne pourra pas leur enlever sous peine d'illégitimité. Habituellement, on classe parmi ces droits des choses comme la liberté de religion, particulièrement maintenant au XXe siècle, la liberté de parole ou de pensée...

M. MORIN: Le droit à la vie, à la sûreté de la personne.

M. PANACCIO: Des choses de ce genre-là. Notre affirmation de base, dans le texte, est qu'il est certain qu'aucune société n'a jamais reconnu le droit à ses membres de choisir individuellement la langue de travail et la langue d'enseignement de leur choix. Il n'y a jamais aucune société européenne qui aurait permis à un groupe extrêmement minoritaire de choisir le chinois, par exemple, et de financer un système d'éducation en chinois ou en n'importe quelle autre langue. C'est donc un fait que cela n'est pas reconnu dans la philosophie politique occidentale comme un droit inaliénable que le droit de choisir, au hasard de sa fantaisie, au hasard de ses origines, la langue de travail et la langue d'enseignement. Il y a peut-être lieu de préciser aussi la notion de droit acquis. Parce que tout le monde s'entendra assez facilement sur ce que je viens de dire, je pense. Là où cela accroche, c'est lorsque des gens disent: Bien sûr, au départ, ce ne sont pas des droits inaliénables, mais vient un moment dans l'histoire d'un peuple où certaines pratiques ont été consacrées par la coutume et cela devient des droits acquis même s'ils ne sont pas "officialisés" et on ne peut plus les retirer. Nous pensons que se limiter à une argumentation de telle sorte relève d'une espèce de supercherie intellectuelle. C'est une argumentation extrêmement abstraite. Qu'est-ce qu'un droit acquis? Est-ce qu'il suffit qu'une pratique ait été coutumière pendant un certain temps pour qu'elle devienne un droit acquis?

M. CHARRON: Et souvent imposé par la force.

M. PANACCIO: Et imposé par la force. Est-ce que le droit de polluer est un droit acquis par la minorité des pollueurs? Est-ce que le droit d'exploiter...

M. MORIN: II y en a qui le soutienne.

M. BOSSE: Cela aide beaucoup entre copains.

M. MORIN: Je suis très flatté de la remarque du député de Dorion, je crois. Je suis très flatté, parce que, bien que je n'aie pas la prétention d'être philosophe...

M. BOSSE: Vous ne croyez pas, vous le savez. Vous le savez depuis le mois d'octobre.

M. MORIN: ...mais je dois dire que ces questions m'intéressent comme d'ailleurs le ministre lui-même au plus haut point. Je ne sais pas si le député suit la conversation depuis tout à l'heure.

M. BOSSE: Non seulement il suit la conversation, mais imaginez-vous qu'il suit la philosophie aussi, aussi bien francophone qu'anglophone.

M. MORIN: Bien! Alors, écoutez donc ce qu'ils ont à dire.

M. BOSSE: C'est ce que je fais aussi.

M. MORIN: Intervenez aussi, mais intelligemment dans le débat.

M. BOSSE: Cela aide beaucoup entre petits copains, je me répète.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Prenons cette intervention pour une pause nécessaire.

M. PANACCIO: Merci beaucoup. De toute façon je termine là-dessus. Ce que je voulais dire, c'est que l'acquisition de certains droits coutumiers ne peuvent jamais se déduire automatiquement d'une pratique et particulièrement lorsque cette pratique a été imposée par la force. Je pense que la doctrine des droits acquis doit être interprétée de la façon suivante. Lorsqu'une certaine coutume est consacrée, on ne doit pas normalement l'empêcher, à moins d'avoir des raisons sérieuses.

Et si on découvre, par exemple, qu'elle met en danger la société dans laquelle on vit, par exemple la pollution, par exemple: Est-ce que le droit au patronage est un droit acquis? si on découvre que ça met en danger certaines institutions, on peut très bien, légitimement, retirer cette coutume et ne pas la considérer comme droit acquis. Il nous semble que, dans cette situation-ci au Québec, en 1974, les droits ou les coutumes consacrés par une certaine pratique de la langue anglaise mettent en danger la langue française au Québec et qu'il y a donc lieu de revenir sur ces coutumes et de ne pas les considérer comme des droits acquis pour l'éternité.

M. CHARRON: Cette dimension que vous venez d'apporter est nouvelle dans les témoignages que nous avons entendus et ce chapitre de votre mémoire, qui traite des droits dits inaliénables et des droits dits acquis, nous apportera un éclairage très nouveau qui va certainement nous aider à nous former une opinion encore plus claire sur un projet de loi qui, lui, est loin de l'être.

Egalement, à la page 11, lorsque vous affirmez ce qui était sous-entendu par plusieurs témoins, mais de façon tellement claire cette fois, dans le dernier paragraphe, je cite: "En outre, la langue française" — si on doit vouloir être fidèle aux attendus qu'a posés le gouvernement dans son préambule, c'est toujours dans ce rapport que nous nous tenons, entre les affirmations du préambule et les décisions contenues dans les articles — "la langue française ne saurait être prééminente au Québec que si le statut qui lui est accordé la place au tout premier rang, c'est-à-dire que la loi qui en fait la langue officielle du Québec doit lui réserver des privilèges qui ne pourront être simultanément partagés par d'autres langues." Au fond, ce que vous nous invitez à reprendre en considération dans notre analyse, c'est qu'il ne suffit pas d'affirmer une chose et de la contredire dans les faits par la suite. Si elle est vraiment officielle, elle ne doit, à plusieurs occasions, partager en rien ce privilège qui lui est donné par cette officialité et le malheur est que, dans un projet de loi — le ministre actuel n'en sera pas à sa première contradiction — nous allons souvent d'une affirmation de principe mise à l'article 1 à des considérations par la suite. En ce sens, nous serions peut-être le premier... Est-ce qu'au cours de la rédaction de ce mémoire vous avez pris connaissance de certaines autres pratiques dans certaines autres sociétés, je serais même tenté de dire dans certaines autres provinces canadiennes où l'officialité de la loi, le décret d'une langue officielle a effectivement signifié que cette langue la plaçait au tout premier rang, c'est-à-dire lui réservait des privilèges qui ne pouvaient être, en aucune occasion, partagés par d'autres langues? On a souvent fait état — mais pourquoi ne pas le refaire à nouveau : — de cette loi sur la langue officielle du Manitoba qui se limite à deux articles, le premier disant que l'anglais devient la langue officielle du Manitoba et le deuxième article disant que la loi entre en vigueur aujourd'hui. Je ne propose pas ce modèle pour la société québécoise parce que nous avons à faire face à une situation particulière, mais il aurait certainement pu inspirer davantage notre aimable gouvernement qu'il ne semble l'avoir fait actuellement. Est-ce qu'à votre avis... pardon?

M. BONNIER: En quelle année?

M. CHARRON: 1890. Je vous signale que la loi du Manitoba faisait du fait même sauter une disposition de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique comme le Québec aurait le droit de le faire s'il décidait de faire sauter l'article 133.

M. MORIN: C'est-à-dire qu'elle ne le faisait pas sauter, elle allait en contradiction directe avec une disposition constitutionnelle qui existe d'ailleurs encore aujourd'hui dans les livres.

M. BONNIER: II y a eu toutes sortes de... En tout cas.

M. CHARRON: D'accord. Cette parenthèse manitobaine étant fermée, je voudrais vous demander si...

M. BOSSE: M. le Président, est-ce que le député de Saint-Jacques me permettrait une question?

M. CHARRON: A moi au aux...

M. BOSSE: Au député de Saint-Jacques évidemment, je m'excuse de l'interrompre, si le député de Saint-Jacques permet...

M. ROY: Remarquez bien...

M. MORIN: Est-ce qu'elle est de nature philosophique?

M. BOSSE: Elle est de nature très philosophique et très pratique.

M. MORIN: Nous allons voir la philosophie dont se nourrit le député.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de permettre une question de règlement que je vous accorderai, je me permets de rappeler pour la septième fois, je pense, depuis trois jours, que je permets des brefs préambules à des questions posées à nos invités.

Je ne voudrais pas qu'on s'en serve, à toutes les fois, pour faire une thèse politique, quel que soit le parti politique., pour bien exprimer au journal des Débats, à tout le monde, ce que l'on pense du projet de loi 22.

Nous avons des invités, nous avons un bref préambule, c'est normal et ensuite la période des questions. Le débat est en deuxième lecture et à la commission plénière.

M. CHARRON: J'ai encore une question, M. le Président. Je vous remercie du rappel à vos directives. A la page 12, vous affirmez à la fin du deuxième paragraphe: "En fait l'actuel projet de loi n'est rien moins qu'une incitation à l'anglicisation massive sauf pour les immigrants qui, à leur arrivée au pays, ne connaf-tront pas déjà l'anglais".

J'ai une question sur cette exception que vous semblez avoir remarquée dans le projet de loi. Effectivement, à la lettre, le projet de loi affirme que, dans son article 49, si les immigrants n'ont une connaissance ni de l'anglais ni du français, ils seront acheminés à l'école française. C'est la seule disposition aussi claire que nous ayons dans le projet de loi.

Mais, avant d'endosser cette affirmation, est-ce que vous avez analysé la portée réelle de cet article que j'affirme être le plus clair du projet de loi? Il est possible — et je voudrais vous entendre vous prononcer sur cette hypothèse — qu'un immigrant qui arrive au Québec n'ait aucune connaissance de l'anglais ni du français. Par exemple, une famille allemande déménage au Québec. Si ces immigrants sont en mesure, au moment de l'inscription scolaire, de faire la preuve d'une connaissance suffisante de l'anglais, même si le père et la mère n'ont aucune connaissance de l'anglais et du français, si l'enfant a une connaissance suffisante de l'anglais — et on s'entend pour un enfant de cinq ou six ans — il lui sera permis de faire... Avez-vous envisagé la possibilité que les différents groupes d'immigrants déjà rendus au Québec — et qui la plupart, neuf sur dix, sont anglicisés — possèdent déjà des réseaux d'intégration très fortement marqués par la culture anglaise en plus de la culture maternelle, qui permettraient, par exemple, à la German Association de Montréal ou à d'autres groupes d'origine étrangère au Québec, mais qui se sont anglicisés ici...

M. BEAUREGARD: Question de règle- ment, M. le Président. Je note que le préambule du député de Saint-Jacques dure depuis déjà dix minutes.

M. CHARRON: Ce n'est pas un préambule, c'est une question...

M. BEAUREAGRD: J'aimerais que... M. CHARRON: Partagez-vous.

M. BEAUREGARD: Si c'est une question, M. le Président, j'aimerais que vous laissiez à la Société de philosophie le loisir de répondre.

M. CHARRON: Je n'ai aucunement l'intention de les empêcher de répondre. C'est vous qui le faites actuellement.

M. BOSSE: Ce n'est pas philosophique, c'est un discours politique comme au Plateau.

M. CHARRON: Je vous demandais uniquement si vous aviez envisagé cette hypothèse que les groupes québécois déjà ici soient suffisamment anglicisés et préparés à accepter des immigrants de même langue maternelle qu'eux pour leur donner cette connaissance suffisante de l'anglais avant même l'inscription scolaire et que donc, la loi devienne très facilement contournable?

M. BOSSE: Laissez les philosophes penser quelquefois, il ne faut pas leur suggérer seulement les réponses.

M. QUENTIN: Est-ce que vous me permettriez de répondre d'abord par une blague? C'est qu'il nous a semblé que ces articles auront au moins l'avantage de créer de nouveaux emplois pour les anglophones du Québec, à savoir des écoles privées qui permettront le plus rapidement possible à un enfant d'avoir une connaissance suffisante de l'anglais pour pouvoir passer à l'école anglaise.

Mais de façon plus sérieuse, je dirais que ce qui nous semble inacceptable dans ce texte, c'est que le texte ne prévoit pas de mode d'intégration des immigrants, quels qu'ils soient. Que je sache, le fait qu'un immigrant vienne d'Angleterre, n'est pas une raison suffisante pour qu'il ne s'intègre pas à la majorité francophone du Québec. Tout autre immigrant connaissant ou non l'anglais, je ne vois pas pour quelle raison il ne serait pas intégré à la majorité francophone du Québec. C'est ce point qui nous semble vraiment inacceptable, et au lieu de créer une situation qui fera vivre des écoles privées ou des écoles temporaires ou des années de probation hors du système scolaire ordinaire, avant d'entrer dans l'école anglaise, pourquoi, de façon directe, le gouvernement n'organise-t-il pas un système d'accueil pour les immigrants quels qu'ils soient, et ne leur donne-t-il pas cette connaissance suffisante du français pour qu'ils puissent s'intégrer ensuite dans le régime francophone?

A long terme — et je reviens sur une question qu'avait posée tout à l'heure M. le ministre et à laquelle je n'ai peut-être pas répondu d'une façon suffisante — notre idée est que la minorité anglophone ne doit pas, au Québec, demeurer isolée et qu'elle doit savoir qu'elle est dans un milieu en majorité francophone et qu'à long terme c'est dans ce milieu qu'elle doit s'intégrer.

Or, les mécanismes qui doivent permettre cette intégration progressive — nous ne sommes pas non plus pour des lois à la matraque — doivent être mis en oeuvre tout de suite à l'occasion d'une loi comme celle que nous avons maintenant. Il est évident que pour faire cesser cette anglicisation, la loi doit aussi prévenir toute augmentation du nombre d'anglophones, en intégrant les immigrants, dès leur arrivée au Québec dans la majorité francophone.

M. PANACCIO: M. le Président, est-ce que vous nous permettriez d'ajouter quelque chose à cette réponse? On a, dans l'article soumis par le député de Saint-Jacques, un très bel exemple de ce que j'appelais tantôt les conflits d'intérêts entre les deux groupes.

En lui-même, cet article constitue quelque chose de positif, c'est sûr, mais il ne constitue pas une incitation aux immigrants à s'angliciser, pris en lui-même. Seulement, dans la mesure où on laisse subsister des cas d'exception, à savoir ceux qui parlent déjà anglais, on ouvre la porte toute grande à l'anglicisation de n'importe qui. Cela me paraît parfaitement contradictoire avec les intérêts de la langue française au Québec.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président...

M. QUINTIN: M. le Président, c'est simplement une question. De toute façon, j'y reviendrai tout à l'heure.

M. ROY: ... je veux remercier la Société de philosophie du mémoire qu'elle nous a présenté. Je tiens à la féliciter d'une façon particulière pour la grille qu'elle a choisie, de façon à nous présenter un mémoire et à organiser une discussion objective qui se fasse sans partisanerie politique.

M. le Président, l'attitude du ministre m'inquiète. Je dois dire tout suite qu'elle m'inquiète, parce qu'on tente d'identifier ce débat à une option politique constitutionnelle globale. Je dis, en ce qui me concerne, qu'il serait extrêmement malheureux et préjudiciable pour le Québec et les Québécois que ce débat sur la question linguistique soit identifié à une option politique globale. C'est le point que je veux souligner.

M. CLOUTIER: Est-ce que le député me permettrait une question, puisqu'il a prononcé mon nom?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous permettez, parce que moi, je...

M. CLOUTIER: Je vous demande la permission.

M. ROY: Permission accordée.

M. CLOUTIER: Je voudrais simplement rappeler au député pour mémoire que, dans le discours inaugural du député de Saint-Jacques, qui parlait au nom du PQ, on liait de façon très étroite la question de l'indépendance avec le règlement de la question linguistique.

M. ROY: M. le Président, je pense bien que c'est le droit de chaque député d'interpréter la question comme il l'entend, mais je dis que, globalement, dans l'intérêt du Québec et des Québécois, cette question doit être faite dans ce sens de façon objective. Il serait malheureux qu'elle se fasse d'une autre façon. C'est le commentaire très court que je tenais à faire.

M. CLOUTIER: Et un commentaire général.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous n'avez pas de question?

M. ROY: Non, je regrette, les questions que j'avais à poser ont été posées.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Gouin.

M. BEAUREGARD: Merci, M. le Président. J'ai lu également avec beaucoup d'intérêt le mémoire de la Société de philosophie et je trouve que c'est un mémoire qui est très bien fouillé et très bien articulé. Il y a certainement une démarche rationnelle. Les conclusions découlent logiquement, il me semble, des prémisses qui sont posées.

Toutefois, malgré ce que je viens de dire, je trouve qu'il y a un paragraphe, qui est l'avant-dernier paragraphe auquel on a déjà fait allusion, qui me semble détonner considérablement sur l'ensemble du mémoire.

Je me permets de relire le paragraphe brièvement. M. le Président, mon préambule sera moins long que celui que vous avez permis au député de Saint-Jacques. On dit: "H semble bien que le plus important, quant à l'évaluation et à la portée du projet de loi, n'est pas dans le texte même de la loi mais bien plutôt dans la curieuse situation politique actuelle dont il est le reflet, situation dans laquelle une majorité francophone est dépendante de la minorité anglophone qui sert d'assise électorale au parti qui forme le gouvernement".

M. le Président, j'aimerais consigner, pour les fins du journal des Débats, qu'il s'agit, dans

mon opinion, d'une affirmation qui est à la fois gratuite, tendancieuse et fausse.

M. MORIN: Ce sont les faits. Vous n'allez tout de même pas dire que les anglophones appuient le Parti québécois.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais accorder...

M. BEAUREGARD : M. le Président, je peux faire la démonstration de ce que je viens de dire. Par exemple, dans mon propre comté, où au-delà de 95 p.c. des électeurs sont des francophones, où moins de 1 p.c. des électeurs sont des anglophones, les électeurs ont décidé de ne plus accorder leur confiance à un ancien député du Parti québécois pour la placer dans un candidat du parti gouvernemental.

M. MORIN: C'est une autre partie de la philosophie politique, c'est celle de l'honnêteté du scrutin. C'est une tout autre...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que le député...

M. BEAUREGARD: M. le Président, je pense que...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

UNE VOIX: C'est très dangereux surtout...

M. CLOUTIER: C'est dangereux... Le président de la commission...

M. ROY: M. le Président, je tiens à dire que les remarques que j'ai faites tout à l'heure s'appliquent également au député qui vient de parler.

M. BEAUREGARD: Je pense qu'il est important, pour la question que j'ai l'intention de poser, d'établir ces faits. J'ajouterai même, pour le bénéfice du chef de l'Opposition, que si vous prenez l'ensemble des comtés du Québec et que vous exceptez tous les comtés à majorité francophone ou même à faible minorité francophone, vous allez avoir comme résultat de la soustraction une majorité encore confortable du parti gouvernemental à l'Assemblée nationale.

M. ROY: M. le Président, je m'inscris en faux sur cette question. C'est justement le point pour lequel tantôt j'ai cru nécessaire de faire cette remarque. Je vois que le ministre est d'accord avec moi sur ce plan.

M. BEAUREGARD: M. le Président, j'aimerais justifier sur cette question de règlement...

M. ROY: M. le Président, j'inviterais quand même...

M. CLOUTIER: Le député de Beauce-Sud interprète mes pensées.

M. ROY: ... du côté des Italiennes...

M. BEAUREGARD: M. le Président, j'aimerais justifier, sur cette question de règlement...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Bon! Mais avant de justifier cette question de règlement...

M. ROY: Si vous voulez un débat politique, on va en faire un.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... permettez-moi de vous inviter à un bref préambule sur les questions...

M. BEAUREGARD: M. le Président, mon préambule n'a duré que quatre minutes.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais sur les questions pertinentes au projet de loi 22.

M. BEAUREGARD: M. le Président, j'ai confiance, et je crois qu'il est important que, dans notre société, nous ayons un groupe de philosophes qui soient capables de raisonner et de présenter des vues sur notre société en dehors de considérations partisanes, des vues qui ne soient pas biaisées par des considérations partisanes. Le point que j'essaie d'établir — c'est mon opinion — je ne demande pas aux autres membres de la commission de la partager, c'est que j'essaie simplement d'établir que le paragraphe 47 du mémoire de la Société de philosophie détonne sur l'ensemble. J'ajouterai que, puisque la Société de philosophie dit qu'il s'agit là de la considération la plus importante, on dit: Le plus important quant à l'évaluation du projet de loi n'est pas dans le texte même, mais bien dans la situation politique qui vient du fait qu'une minorité anglophone sert d'assise électorale au parti gouvernemental.

Je pose la question à la Société de philosophie. S'il est vrai, comme on l'a dit tout à l'heure, que les considérations partisanes n'ont pas influé sur le mémoire, est-ce que vraiment, lorsqu'on dit que c'est le plus important, c'est le plus important?

M. QUINTIN: M. le Président, je suis content que cette question soit soulevée, mais cela me permet aussi, encore une fois, de resituer ce paragraphe dans son contexte.

Lorsqu'un texte contient certains objectifs et ensuite toute une série d'articles qui ne semblent pas répondre à ces objectifs, lorsque ce texte, dis-je, ne contient pas en lui-même une clé d'interprétation, il est normal qu'on soit amené à formuler d'autres hypothèses. Le paragraphe qui est là, à la fin, semble et ne fait que suggérer comme hypothèse que le texte de loi est peut-être aussi lui-même d'une certaine

façon partisan. Peut-être que la formulation de ce paragraphe n'est pas agréable pour certains membres de l'assemblée, mais je considère qu'après avoir vu les contradictions internes du texte par rapport aux objectifs qu'il s'est donnés, il est normal qu'on se demande comment il se fait qu'on en soit là. Il s'agit ici simplement d'une hypothèse qui, à notre avis, peut avoir influencé la rédaction du texte et qui permet peut-être de comprendre pourquoi la lutte contre l'anglicisation n'est pas suffisante dans le texte, et pourquoi l'appui aux forces de francisation n'est pas suffisant dans le texte.

M. BEAUREGARD: M. le Président, le sens de mon intervention est que, s'il s'agit d'une hypothèse, comme le président de la Société de philosophie le dit, qui est basée sur une affirmation tout à fait fausse, la seule question que je me pose personnellement, ici, est la suivante: Est-ce que nous devons accorder au reste du mémoire, la crédibilité... Pardon?

M. QUINTIN: Est-ce qu'il y a des affirmations fausses dans ce paragraphe?

M. BEAUREGARD: Certainement. J'ai essayé de le démontrer tout à l'heure. Quand vous dites que la minorité anglophone sert d'assise électorale au parti au pouvoir, il me semble que j'ai assez bien démontré... Vous n'avez qu'à prendre la carte électorale du Québec, enlever tous les comtés à majorité francophone et vous allez rester avec une forte majorité du parti gouvernemental au pouvoir. Même si, en fin de compte, vous preniez tous ces comtés à majorité anglophone et vous ajoutiez tous les comtés du parti de l'Opposition actuelle — le député de Saint-Jacques disait tout à l'heure qu'il s'était allié à la minorité francophone qui présente peut-être à l'occasion du projet de loi 22, une position extrême — même alors, vous auriez une forte majorité francophone. Tout ce que j'essaie de dire, c'est que le parti gouvernemental actuel représente l'immense majorité, la majorité des francophones québécois.

M. ROY: Est-ce que le député me permettrait une question?

UNE VOIX: Attendez votre tour.

M. BEAUREGARD: Moi, je veux bien, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Moi, je ne veux pas, mais s'il le veut.

M. ROY: Est-ce que la loi 22 était dans votre programme?

M. GRAVEL: M. le Président, j'aimerais simplement dire, si vous me le permettez, que ce paragraphe peut être pris pour un commentaire de l'opinion du solliciteur général York de 1766 que je me permets de lire: Il n'y a pas une maxime de droits coutumiers plus certaine que celle qui déclare qu'un peuple conquis conserve ses anciennes coutumes jusqu'à ce que le conquérant introduise de nouvelles lois.

Ce qui nous a semblé remarquable dans l'analyse du texte de loi, c'est que ce n'est pas le conquérant qui établit les lois, c'est nous-mêmes.

M. BEAUREGARD: Cest l'histoire, M. le Président; le conquérant, cela fait quand même quelques années.

M. GRAVEL: Bien oui, justement.

M. BEAUREGARD: J'ai plusieurs questions, en fait, à poser à la Société de philosophie. Je ne veux pas monopoliser le débat, mais si on prenait, par exemple, je crois que c'est à la page 8 où il est question des droits acquis... Excusez-moi. A la page 7, M. le Président. En somme, une des charnières importantes de votre mémoire, pour pouvoir, en fait, réfuter l'argument des droits acquis de la minorité anglophone, est que, ce que l'on pourrait appeler entre parenthèses ou entre guillemets des privilèges ou des droits acquis ne peuvent être considérés comme tels lorsqu'ils ont été imposés par un conquérant, comme vous venez de le lire.

J'aimerais peut-être poser une question à la Société de philosophie: Est-ce que vous considérez que, dans l'état actuel des choses, disons, constitutionnellement, le gouvernement du Québec pourrait ne pas tenir compte de certains droits acquis, en tout cas, de la minorité anglophone du Québec?

M. PANACCIO: II n'est pas question de droits acquis. Ce que l'on veut éliminer de la discussion, c'est ce terme de "droits acquis". Par ailleurs, cela ne veut pas dire...

M. BEAUREGARD: Vous voulez l'éliminer de la discussion; maintenant, il y a d'autres personnes qui le placent dans la discussion. On essaie donc d'analyser votre position vis-à-vis de la question des droits acquis. On ne peut pas l'éliminer de la discussion tout de même.

M. PANACCIO: Oui. Tantôt, j'ai proposé une analyse de cette notion de droit acquis pour montrer qu'en elle-même elle ne signifiait pas grand-chose. Par ailleurs, il est clair que toute politique linguistique ne peut pas ne pas tenir compte de la minorité anglophone, mais ce n'est pas la même chose que de tenir compte de la minorité anglophone et de tenir compte de droits acquis de la minorité anglophone. Cette distinction me paraît extrêmement importante à faire.

M. BEAUREGARD: Est-ce que une minorité sans droit, d'après vous, peut rester une minorité?

M. PANACCIO: Les droits d'une minorité sont de différents ordres. H y a un certain nombre de droits inaliénables que j'ai mentionnés tantôt et il y a un certain nombre de privilèges...

M. BEAUREGARD: Quels droits reconnaissez-vous aux anglophones?

M. PANACCIO: Comme inaliénables?

M. BEAUREGARD: Non, les droits que vous reconnaissez aux anglophones dans le contexte de votre conceptualisation, ici?

M. PANACCIO: Ecoutez, ce n'est pas à moi de le dire. Quel droit on reconnaît à une minorité anglophone, c'est à un gouvernement élu de le faire.

M. BOSSE: Vous êtes là pour vous exprimer.

M. PANACCIO: Quel droit on reconnaît à n'importe quelle personne, à l'exception des droits inaliénables que le gouvernement n'a pas le droit...

M. BEAUREGARD: Monsieur, je m'excuse, ce qui arrive...

M. PANACCIO: J'aimerais pouvoir répondre à la question, si vous permettez.

M. BEAUREGARD: Oui, est-ce que vous pouvez y répondre. Enfin, la question est la suivante. Dans votre mémoire, vous dites qu'on ne doit pas tenir compte des droits acquis. Il est évident que c'est un terme qui peut couvrir quand même passablement de cas particuliers. Maintenant, je vous pose la question à savoir quels droits acquis reconnaîtriez-vous aux anglophones dans le contexte actuel du Québec? C'est cela ma question.

M. QUINTIN: Je pense qu'on devrait formuler une réponse, parce qu'il s'agit, d'une certaine façon, d'opinion dans un domaine sur lequel on est en train de discuter maintenant. Je pense que de façon négative,je formulerais cela ainsi. On ne peut pas accorder aux anglophones des droits qui risquent de mener, disons, à la désagrégation de la majorité francophone québécoise. Je la formulerais ainsi de façon négative.

Maintenant, il y a des domaines ou des secteurs ou des habitudes déjà prises ici au Québec et qui, à mon avis, n'ont jamais été menacées. Même si une loi faisait du français la langue officielle, le gouvernement aurait sûrement la courtoisie de répondre en anglais à quelqu'un qui lui écrit en anglais. Il y a une différence entre...

M. BEAUREGARD: Vous reconnaissez les droits acquis de la minorité anglophone.

M. QUINTIN: Ce n'est pas une question de droit.

M. BEAUREGARD: Ce n'est pas une question de droit. C'est un privilège...

M. QUINTIN: Privilège, je dirais de courtoisie.

M. BEAUREGARD: ... que vous laisseriez au bon vouloir d'un fonctionnaire, par exemple, de n'importe quel gouvernement qui...

M. QUINTIN: II y a moyen d'avoir des règles ou des règlements de régie interne à l'intérieur du gouvernement.

M. BEAUREGARD: Donc, vous favorisez la réglementation sur ce point, plutôt que la loi?

M. QUINTIN: Ecoutez, à court terme, il est évident que les anglophones, c'est-à-dire qu'on doit tenir compte de leur présence et leur laisser certaines facilités. A long terme, il me semble qu'une loi faisant du français la langue officielle, doit viser à l'intégration progressive de la minorité anglophone.

M. BEAUREGARD: Est-ce que vous voulez dire que vous avez comme objectif d'assimiler la minorité anglophone du Québec à la majorité francophone éventuellement? Est-ce cela votre objectif?

M. QUINTIN: Pourquoi pas?

M. BEAUREGARD: Je vous le demande. Ce n'est pas que ce n'est pas louable. Est-ce que vous êtes d'avis, si j'ai bien compris, que le projet de loi 22, ou enfin une loi sur la langue au Québec, ne devrait comporter aucune espèce de garantie pour la minorité anglophone? Si je vous ai bien compris, est-ce que c'est cela que vous avez dit?

M. QUINTIN: Ecoutez, il faudrait avoir un texte et une formulation plus précise sur lesquels on puisse discuter.

M. BEAUREGARD: Nous en avons déjà un, monsieur, nous avons déjà ce projet de loi.

M. QUINTIN: Oui, mais justement, à partir de celui-là, on ne réussit pas à entrer dedans et à y retrouver une logique valable.

M. BEAUREGARD: Maintenant, j'essaie de retrouver...

M. QUINTIN: Il est évident que d'abord, avant de régler cette question, il faut d'abord régler la question de la francisation progressive du Québec. Ensuite, on verra en fonction du type de lois qui auront été mises en oeuvre pour cela. Alors, à l'intérieur de cela, maintenant, est-ce qu'il y a une place pour les Anglais?

M. BEAUREGARD: Monsieur, vous dites que vous essayez de voir la logique du projet de loi...

M. QUINTIN: C'est très clair.

M. BEAUREGARD: ... nous, on essaie de voir la vôtre. Par exemple, lorsque vous dites que, pour finir sur la question des droits acquis que vous avez soulevée, lorsque vous dites que les droits acquis, enfin, ne peuvent pas être considérés comme acquis, à toutes fins pratiques, lorsqu'ils ont été imposés par un conquérant et que la coutume a été acquise, en fait, puisque acceptés par la majorité, est-ce que vous ne croyez pas, puisque nous avons fêté ou laissé passer, selon le cas, le centenaire de la confédération canadienne, il y a sept ans, qu'en 107 ans de pouvoir québécois, on n'aurait pas pu avant aujourd'hui nier les droits de la minorité anglophone? Si on ne les a pas niés à l'heure actuelle, est-ce que vous ne croyez pas qu'on pourrait dire que les droits qui ont été "acquis" l'ont été beaucoup plus par la coutume, par l'acceptation d'une situation de faits par la majorité, plutôt qu'imposés par le conquérant?

M. QUINTIN: II me semble que ce point, encore une fois, n'est pas pertinent au texte du projet de loi qui est là...

M. BEAUREGARD: Monsieur, vous niez aux anglophones les droits acquis.

M. QUINTIN: ... nous entrafne simplement dans un domaine d'opinions où, je crois, la pertinence du débat m'échappe, en ce sens que si vous voulez...

M. BEAUREGARD: M. le Président, la Société de philosophie ne répond pas à la question. Je pose une question sur la négation des droits acquis à une minorité anglophone, qui est une des charnières...

M. QUINTIN: Ce que nous avons dit...

M. MORIN: Le député est juriste et sait que les droits acquis n'existent pas en droit constitutionnel. Pourquoi tend-il un traquenard comme celui-là à nos invités?

M. BEAUREGARD: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je crois qu'il est établi que tout membre de la commission et tout député pouvaient poser les questions qu'ils désiraient à nos invités, libres à eux de répondre ou non, c'est leur droit le plus strict. Mais je pense que tous se sont permis, de la façon la plus libre possible, de poser toutes les questions qu'ils voulaient aux invités. Par contre, on ne peut pas les obliger à répondre.

M. BEAUREGARD: M. le Président, je ne veux pas obliger nos invités à répondre. Je note seulement que, sur un point extrêmement important du mémoire qui constitue une charnière essentielle entre les prémisses et les conclusions, nos invités nous disent, pour éviter de répondre à la question, que ce débat n'est pas pertinent. Je le note simplement.

M. QUINTIN: M. le Président, ce que nous avons dit, c'est qu'il n'y avait pas de droits acquis et que, si l'on voulait situer les anglophones ou les coutumes ou les possibilités de droit des anglophones, si on voulait situer cela, il nous fallait d'abord un contexte valable de lois sur le français langue officielle et que c'est à l'intérieur de ce contexte valable qu'on sera capable de reprendre la discussion sur le statut de la langue anglaise ou des anglophones. C'est cela que nous voulons dire. Sinon, on s'en va dans un domaine d'hypothèses qui n'est absolument pas fondé sur un texte quelconque ou sur un contexte clair.

M. BEAUREGARD: M. le Président, j'aurais une dernière question. En fait, je ne reviens pas sur certains aspects du mémoire que je trouve excellent. Je vous pose seulement les questions sur lesquelles, je crois, à mon humble opinion, il y a flagrante contradiction. M. le ministre, vous a posé une question sur la représentativité de votre organisme par rapport aux philosophes québécois. Je répère ici que je crois qu'il est essentiel, dans une société comme la nôtre, qu'il y ait des gens qui se penchent sur les principes essentiels, comme les philosophes le font. Vous avez dit que la Société des philosophes québécois comportait en son sein, comme membres institutionnels — vous me corrigerez si j'ai mal compris — le département de philosophie de l'Université de Victoria. Vous avez dit également que le principe d'une présentation d'un mémoire présenté à cette commission avait été adopté au congrès de l'ACFAS. Est-ce que je peux vous demander si le département de philosophie de l'Université de Victoria était présent au congrès de l'ACFAS et, s'il y était, est-ce qu'il a voté en faveur du principe qui a été adopté au congrès de l'ACFAS?

M. QUINTIN: Je peux vous répondre, très simplement, qu'il n'était pas là. Mais je dois ajouter quelque chose de façon très précise maintenant. Le premier article des statuts de la Société de philosophie du Québec dit que le français est la langue de la Société de philosophie du Québec et les articles suivants ne sont pas des cependant, des toutefois et tout, mais définissent le cadre dans lequel la société de philosophie fonctionne, c'est-à-dire, stimuler la recherche, l'enseignement, la production philosophique chez les francophones.

M. BEAUREGARD: Uniquement.

M. QUINTIN: De sorte que les gens, même les anglophones, qui veulent devenir membres

de la société savent à l'avance qu'ils s'intègrent dans un noyau qui est d'abord francophone, québécois. S'ils veulent faire de la philosophie avec nous, ils sont tout à fait les bienvenus.

M. BEAUREGARD: D'accord, je vous remercie. C'est une précision. Vous représentez, en somme, la majorité des philosophes québécois qui sont, en fait, d'expression française. Est-ce que je peux vous demander également combien de personnes étaient présentes — vous me répondrez si vous voulez — au congrès de l'ACFAS, dans la section philosophie, au moment où le principe de la présentation du mémoire a été approuvé et est-ce que cela a été approuvé à l'unanimité des voix des personnes présentes?

M. QUINTIN: Le nombre de personnes présentes à l'assemblée générale était d'environ 150. Le principe de vote pour appuyer le Mouvement du Québec français a été pris à l'unanimité moins une voix. Je tiens cependant à ajouter quelque chose. Vous insistez énormément — et j'ai vu aussi dans les journaux que vous l'avez fait quelques jours auparavant — pour savoir si les gens ont consulté tous leurs membres. Comment voulez-vous, dans les délais que vous nous avez donnés, que nous puissions consulter tous nos membres? Ce qui a été fait, c'est une série de coups de téléphone aux gens du conseil d'administration et c'est une série de coups de téléphone aux gens de l'exécutif pour savoir s'ils étaient d'accord pour la présentation et les orientations générales. Nous n'avons pas eu le temps de faire plus et c'est strictement impossible dans les conditions dans lesquelles vous nous avez mis.

M. BEAUREGARD: M. le Président, je voudrais répéter que la question que je posais au président de la Société de philosophie, ce n'est pas sur le principe d'appuyer une revendication du Mouvement du Québec français. Peut-être pour éclaircir le débat, je retire ma question. Est-ce que vous pourriez relire, si vous voulez bien, la résolution qui a été adoptée par vos 150 membres?

M. QUINTIN: La Société de philosophie du Québec donne son entier appui à la lutte entreprise par le Mouvement du Québec français pour faire de la langue française au Québec la langue officielle de l'Etat, la langue d'enseignement et la langue de travail.

M. BEAUREGARD: D'accord! Nous sommes d'accord sur ces objectifs. Je vous le signale en passant. Combien de personnes, à partir d'un objectif aussi général, sur lequel le parti gouvernemental est certainement d'accord, ont contribué à la rédaction de votre mémoire?

M. QUINTIN: Nous avions formé un comité de cinq et nous avons travaillé à quatre pour la simple raison que nous devions faire le travail en une semaine et le faire imprimer.

M. BEAUREGARD: En somme, c'est vraiment le produit de quatre philosophes du Québec?

M. QUINTIN: C'est le produit de quatre philosophes québécois qui ont été élus pour une tâche précise, qui ont un mandat défini par les statuts de la société et qui ont ensuite l'appui d'une résolution qui a été votée pour appuyer le Québec français.

M. BEAUREGARD: D'accord! Je comprends que vous ayez été pressés par le temps.

M. PANACCIO: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose? On présume qu'une fois que l'assemblée générale a adopté le principe du français, langue officielle, comme la langue de travail et la langue d'enseignement, l'assemblée générale sera ensuite logique avec elle-même.

M. BEAUREGARD: M. le Président, j'aurais une dernière intervention, si vous me le permettez. A la page 6, particulièrement, vous dites au paragraphe 3: ... "de la majorité du peuple québécois à pouvoir travailler en français", et par la suite, au paragraphe suivant, vous dites: "II faut donc choisir ou laisser les Québécois s'angliciser, ou établir des contraintes qui permettent au peuple québécois de vivre". Il me semble y avoir une contradiction entre ces deux paragraphes dans le sens suivant. Lorsque vous parlez de la majorité du peuple québécois, au troisième paragraphe, vous parlez sans doute de la majorité francophone, est-ce que je me trompe?

M. QUINTIN: Actuellement francophone mais pourquoi pas, très bientôt, cette majorité ne s'agrandirait-elle pas?

M. BEAUREGARD: Alors, je note que le "très bientôt" est arrivé très vite dans l'esprit des personnes qui ont rédigé ce mémoire puisque dès le paragraphe suivant, on parle du peuple québécois, de vivre et de se développer et je pense qu'il est impossible de lire ce paragraphe, à moins d'entendre par les mots "peuple québécois", uniquement les francophones du Québec.

M. QUINTIN: Je ne vois pas très bien dans quel sens vous insistez.

M. BEAUREGARD: Voulez-vous que je reprenne? Je dis que, lorsque vous parlez du peuple québécois au troisième paragraphe, vous parlez de la majorité du peuple québécois, donc vous parlez des francophones du Québec, par rapport à la minorité francophone et vous me dites verbalement que vous espérez que la minorité anglophone se francise et s'assimile à la majorité francophone?

M. QUINTIN: Oui.

M. BEAUREGARD: Vous êtes arrivé très rapidement à cette conclusion puisque, dès le paragraphe suivant, vous dites: "Ou laisser les Québécois s'angliciser, ou établir des contraintes qui permettent au peuple québécois de vivre", je ne pense pas qu'on puisse lire ce paragraphe autrement que de donner aux mots "peuple québécois", au mot "Québécois", le sens de Québécois francophone?

M. QUINTIN: Je m'excuse...

M. BEAUREGARD: Vous éliminez totalement...

M. QUINTIN: ... les contraintes dont nous parlons s'adressent autant aux francophones qu'aux anglophones.

Nous l'avons dit, nous l'avons noté et c'est peut-être l'occasion de revenir sur un point que nous n'avons pas élaboré. Il est évident que, pour nous, la première contrainte s'adressant aux francophones, c'est de ne pas avoir le droit d'aller étudier en anglais. C'est une contrainte pour les francophones. La contrainte pour les anglophones, serait d'aller, eux, étudier en français.

M. BEAUREGARD: Donc, quand vous employez le mot québécois et peuple québécois, dans le dernier paragraphe, vous voulez dire les Québécois francophones et anglophones?

M. QUINTIN: Oui.

M. BEAUREGARD: Pourquoi dites-vous alors: Ou laisser les québécois s'angliciser? Est-ce que vous voulez dire que les Québécois anglophones ne sont pas déjà anglicisés?

M. QUINTIN: Ils le sont déjà, mais les laisser s'angliciser, c'est simplement faire une unité anglophone. Il est évident qu'ici...

M. BEAUREGARD: Pourquoi utiliser le mot "Québécois" alors?

M. QUINTIN: Ecoutez. Ou laisser les Québé-coirs s'angliciser ou demeurer Anglais. Vous pouvez mettre cela entre parenthèses au bout. Ou laisser les Québécois francophones s'angliciser ou laisser les Québécois anglophones demeurer anglophones, ou établir des contraintes qui permettent à ces deux communautés de vivre et de se développer, mais en français.

M. BEAUREGARD: M. le Président, j'aurais d'autres points à soulever, mais, étant donné que je voudrais laisser à mes collègues l'occasion de poser quelques questions, je m'arrêterai là.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le Président, j'estime que le mémoire nous propose un cheminement extrêmement fructueux et que la Société de philosophie s'est placée sur un terrain très sûr en partant des prémisses du projet de loi, pour ensuite en analyser le contenu.

Le gouvernement sait que la langue française est menacée au Québec. Je pense que le ministre lui-même, à plusieurs reprises, a reconnu ce fait. Aussi parle-t-il dans le préambule d'omniprésence, de prééminence. Il faudrait d'ailleurs voir comment le mot "omniprésence" est traduit dans la version anglaise pour se rendre compte que le préambule est surtout destiné à ce qu'on pourrait appeler la consommation francophone.

Mais ces prolégomènes qui n'ont pas force de loi, les juristes qui sont présents ici savent que les préambules dans les lois d'inspiration britannique n'ont pas force de loi, ces prolégomènes ne connaissent effectivement pas de suite dans le reste du projet de loi, si ce n'est dans quelques articles comme le premier, qui sont immédiatement suivis de leur contraire, avec pour charnière des mots comme toutefois, néanmoins, cependant, excepté que, sauf que, etc.

Je crois que le bill pèche effectivement, comme vous venez de le démontrer très brillamment, je crois, par son manque de logique. Les prolégomènes, les prémisses du bill sont excellents, la suite nous fait penser par moments que nous sommes en présence non pas d'un, mais de deux projets de loi.

Mais peut-être le ministre a-t-il laissé percer tout à l'heure la logique dont s'inspire le gouvernement. Le ministre nous a dit: La population sera appelée à trancher, je ne pense pas le citer incorrectement. Je pense que là se trouve la clé de ce petit dilemme. La logique dont s'inspire ce bill, ce n'est pas la logique stricte dont les philosophes ont l'habitude, c'est la logique électorale. Ce n'est pas la même chose.

M. BOSSE: Pas électorale, pragmatique.

M. MORIN: Oui, que le député de Dorion qualifie exactement de pragmatique, c'est-à-dire pragmatique par rapport aux forces de domination traditionnelle...

M. BOSSE: Cela est votre interprétation, par exemple.

M. MORIN: Alors, je voudrais ajouter que cette logique électorale, je le dis en tout respect pour le ministre, ce n'est pas la logique des responsabilités qui est sûrement celle qui devrait résulter de l'excellente formation dont lui-même, vous-mêmes, messieurs, moi-même et quelques autres avons bénéficié aux dépens de la collectivité, d'ailleurs. Cette logique des responsabilités...

M. BOSSE: Ce sont eux qui font la majorité.

M. MORIN: ... messieurs, ce n'est pas celle que nous trouvons dans le bill.

M. BEAUREGARD: Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Gouin, question de règlement.

M. BEAUREGARD: M. le Président, je vous demanderais de demander au chef de l'Opposition d'éviter les allusions insultantes à certains membres de notre commission parlementaire.

M. MORIN: M. le Président, je m'excuse. Je ne pense pas avoir utilisé le moindre mot qui soit blessant; j'essaie d'analyser la situation dans laquelle nous place ce projet de loi et j'essaie d'analyser sa logique interne, car il a une logique interne, comme je viens de l'indiquer. Ce n'est pas la logique, hélas, des juristes ou des philosophes, c'est une logique pragmatique, comme l'a indiqué si brillamment le député de Dorion, d'un pragmatisme empirique qui s'inspire beaucoup plus des forces qui dominent le Québec que des nouvelles forces vives que vous représentez et je suis heureux de le dire en passant.

La logique électorale veut que l'on rédige un préambule qui n'a pas d'effet juridique pour proclamer de façon ronflante la prééminence, l'omniprésence du français. La logique électorale veut également que, par la suite, les conséquences ne découlent pas de ces prémisses et que la loi elle-même soit une sorte de calque plus ou moins conforme de la réalité pénible dans laquelle vivent les Québécois.

La loi elle-même — je ne parle pas du préambule — le dispositif de la loi, comme nous l'appelons en termes techniques, s'en tient aux forces de domination traditionnelle. Il y a donc une double logique dans ce projet de loi. Quand on a compris la charnière, on a compris exactement pourquoi il est rédigé comme il l'est.

Je voudrais maintenant me pencher rapidement sur la question des droits acquis qui est une notion juridique beaucoup plus qu'une notion philosophique. Je vous fais le compliment, messieurs, que vous ayez tenté de comprendre ce que c'était qu'un droit acquis. Les philosophes doivent intégrer plusieurs disciplines. Certainement, vous avez correctement interprété le droit, lorsque vous avez dit dans votre mémoire que la notion de droits acquis n'est pas une notion qui tienne en droit.

Je voudrais ajouter que cela est vrai, aussi bien sur le plan du droit constitutionnel que sur le plan du droit international.

Sur le plan du droit constitutionnel — et le député de Gouin, qui a fait ses études à McGill devrait le savoir...

M. BEAUREGARD: Comme d'ailleurs le chef de l'Opposition, sauf que je ne suis pas allé étudier en Angleterre, à Cambridge.

M. MORIN: Oui. C'est en Angleterre et c'est à McGill qu'on peut apprendre, comme il aurait dû l'apprendre, que les droits acquis...

M. BOSSE: M. le Président, c'est à croire que tout le monde va à McGill.

M. MORIN: ... n'existent pas en droit constitutionnel d'inspiration britannique. C'est la souveraineté du Parlement qui est la notion dominante en droit constitutionnel britannique. Or, le Parlement britannique, pas plus que le Parlement canadien...

LE PRESIDENT (M. Lamontange): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. MORIN: M. le Président, j'ai laissé aller très volontiers le député de Gouin pendant vingt minutes et cela ne fait pas dix minutes...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais j'apprécierais au moins que vous indiquiez que vous voudriez poser une question. Je ne peux pas vous permettre...

M. MORIN: Oui, je me dirige vers une question.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense que le chef de l'Opposition connaît la largeur de mon point de vue là-dessus, mais il ne faut pas abuser, j'ai une limite également à ma patience.

M. MORIN: Mais je me demande pourquoi M. le président n'a pas rappelé le député de Gouin à l'ordre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai été obligé... Cela fait...

M. BEAUREGARD: J'ai posé un très grand nombre de questions à la Société de philosophie et j'ai...

M. MORIN: J'ai l'intention de faire de même.

M. BOSSE: Un discours politique!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai toujours mentionné un bref préambule, que je permets, mais si je ne vous avais pas arrêté, je pense que vous seriez parti pour ne plus revenir.

M. MORIN: Bon. La question que je voulais poser à nos invités est celle-ci: Quand ils parlent de droits acquis dans leur mémoire, est-ce qu'ils s'inspirent de la notion au sens juridique ou s'ils lui donnaient également un sens philosophique?

M. PANACCIO: Un sens philosophique. On

n'a pas basé les affirmations qui sont ici sur une étude du droit britannique par opposition à d'autres droits. On est parti de cette notion non pas en elle-même, mais telle qu'elle est utilisée dans les débats actuels.

Il nous a semblé que, tant qu'elle était utilisée comme telle, en elle-même, sans autre spécification, sans justification, comme ayant par elle-même une espèce de portée miraculeuse qui résoudrait un problème, on avait encore rien dit, puisqu'il était clair que dans toute société, toute loi brime ce qu'on pourrait appeler toujours des droits acquis. Toute nouvelle loi empêche la possibilité de certaines choses qui étaient possibles auparavant.

M. MORIN: Bien sûr. On pourrait mentionner de multiples exemples. Par exemple, les lois sur l'expropriation briment les droits acquis. S'il en est qui les briment, c'est bien celles-là. Les gens de Sainte-Scholastique en savent quelque chose. Toute loi qui enlève un droit préexistant brime les droits acquis. C'est très facile à comprendre. Sur ce plan, le droit rejoint la philosophie. Il n'y a pas, malgré tout ce qu'ont pu soutenir ici un certain nombre de groupes, il n'y a pas, en droit constitutionnel d'inspiration britannique, de droits acquis. M. le Président, je voudrais le mentionner. En passant, le ministre connaît très bien cette question d'ailleurs, et il est d'accord sur ce point. Les juristes de la commission Gen-dron ont été du même avis, et un expert aussi versé dans la question que mon collègue, le professeur McWhinney, autrefois de McGill, et maintenant de l'université Simon Fraser, en Colombie-Britannique, est également de cet avis. Ils l'ont dit en toutes lettres dans le rapport de la commission Gendron.

M. BEAUREGARD: C'est une question d'opinion.

M. MORIN: D'ailleurs, c'est vrai aussi en droit international, M. le Président. En guise de parenthèse, c'est en droit international que cette notion de droits acquis a connu la plus grande extension, parce que les puissances colonisatrices qui avaient des investissements dans les anciennes colonies ont toujours plaidé les droits acquis au moment où les nouveaux Etats souverains ont voulu nationaliser ou ont voulu, si l'on veut, "chiliniser", par exemple, dans le cas du cuivre au Chili, les matières premières, les richesses naturelles.

M. SAINDON: M. le Président, est-ce que le député de Taschereau me permettrait une question?

M. MORIN: Le député de Taschereau? Il doit y avoir erreur sur la personne.

M. SAINDON: C'est Sauvé que je veux dire. Comment se fait-il...

M. MORIN: Je lui permettrais une question.

M. SAINDON: ... qu'au Nouveau-Brunswick il fut un temps où il n'y avait absolument pas de français dans les écoles? Aujourd'hui ces écoles sont bilingues. A ce moment, les francophones du Nouveau-Brunswick étaient minoritaires. Aujourd'hui...

M. MORIN: Voulez-vous, nous allons examiner...

M. SAINDON: ... la province est bilingue.

M. MORIN: ... cette situation par le détail. Parce que vous avez quand même en une phrase accumulé deux inexactitudes.

LE PRÉSIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais si vous voulez, nous allons revenir au Québec. J'espère toujours entendre votre première question.

M. MORIN: D'ailleurs, je vais simplement répondre une chose rapidement au député.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Bien, écoutez...

M. MORIN: C'est que, quand les Acadiens ont tenté d'avoir des écoles...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous... A l'ordre!

M. MORIN: ... on leur a dit que les droits acquis n'existaient pas.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! L'abus de ma confiance... Il va peut-être falloir que, la semaine prochaine, je sois plus sévère. Si vous abusez des préambules ne vous surprenez pas si, la semaine prochaine, je respecte le règlement à la lettre. Je ne le veux pas, mais je tiens tout de même que tout se déroule dans un climat normal. Court préambule, mais comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, j'apprécierais que vous posiez votre première question après exactement treize minutes de préambule.

M. MORIN: J'ai déjà posé une question, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.

M. MORIN: Pour ce qui est donc du droit international, le droit vivant, le droit tel qu'il se développe en ce moment, le droit concret d'aujourd'hui ne reconnaît pas non plus les droits acquis. Toutes les décisions les plus récentes vont à l'encontre de notions qui étaient affirmées au XIXe siècle, surtout par les puissances dominantes, les puissances colonisa-

trices. Cette petite parenthèse juridique étant close, je voudrais maintenant me pencher sur les aspects phylosophiques du mémoire et interroger nos invités.

M. BOSSE: M. le Président, sur la question des droits acquis, pour revenir un peu sur terre...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Laissez le chef de l'Opposition officielle poser sa question.

M. BOSSE: Je voudrais lui citer un exemple des droits acquis...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Tout à l'heure.

M. BOSSE: ... qui sont invoqués et respectés en droit ouvrier, par exemple.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je ne permets pas cette question.

M. MORIN: J'aimerais bien que le député intervienne, mais il n'est pas de droit, même en droit ouvrier, que le Parlement ne puisse pas modifier. C'est la doctrine inéluctable du droit d'inspiration britannique.

M. BOSSE: Cependant, dans la pratique, je pense que le...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. BOSSE: ... chef de l'Opposition sait très bien que des droits acquis sont invoqués et aussi négociés généralement du côté syndical.

M. MORIN: M. le Président, c'est une...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Peut-être avec humour, je voudrais mentionner à celui que nous avons le privilège de recevoir aujourd'hui, notre collègue de Dorion...

M. BOSSE: Et d'ailleurs, d'être ici constamment.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... que je lui ferai parvenir les règles de la pratique la semaine prochaine.

M. MORIN: M. le Président, je tiens à dire que c'est une bonne question du député de Dorion.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est peut-être une bonne question, mais c'est là qu'il faut les poser.

M. MORIN: C'était une excellente question, mais il confondait droits acquis et droits récla- més par un groupe, comme étant justifiés par l'équité. Ce n'est pas la même chose.

M. BEAUREGARD: M. le Président, est-ce que je peux poser une question au député de Sauvé?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, je ne le permets pas cette fois-là.

Je permettrai des questions si l'honorable député de Dorion veut poser des questions à nos invités. Ce sont tout de même eux que nous recevons cet après-midi.

M. MORIN: Revenons à nos invités. Puisqu'ils nous ont entretenus des aspects philosophiques des droits de l'homme, je voudrais leur demander de préciser quelque peu la façon dont ils recherchent l'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. Est-ce qu'ils pourraient d'abord — je crois que cela doit être de leur compétence puisque j'ai cru comprendre qu'ils s'intéressaient à la philosophie politique — nous indiquer brièvement les origines des droits individuels et ensuite les origines des droits collectifs, montrer l'interrelation qui existe entre les deux et la recherche de l'équilibre entre ces deux notions, surtout au XXe siècle?

M. QUENTIN: Très brièvement, parce que je ne voudrais pas faire une thèse philosophique. Je me contenterais d'une remarque là-dessus, c'est que si, pendant des siècles et suite à la tradition instaurée et suivie par le thomisme et venant d'Aristote, on a insisté sur la dimension individuelle ou personnelle des droits, il est sûr qu'actuellement la dimension sociale de la personne, la dimension collective des droits est beaucoup plus mise en évidence. Je me contenterais de cette simple remarque que les droits que l'on considère être des droits individuels comportent toujours une dimension sociale et que les intérêts collectifs doivent toujours avoir prédominance sur des intérêts individuels. Ceci étant une remarque vraiment d'ordre général.

M. MORIN: Vous êtes d'accord sur cette idée que l'on ne peut juger de ces choses dans l'abstrait, mais que toujours on doit en juger dans un contexte concret et qu'il faut naturellement appliquer la recherche de cet équilibre entre droits collectifs et droits individuels à des situations vécues pour pouvoir trancher, à partir de cette situation, quels droits doivent l'emporter.

M. PANACCIO: Dans la philosophie politique occidentale, la dominante dans les systèmes politiques occidentaux, en dehors de droits réputés inaliénables, aucune liberté individuelle ne va de soi. Ce qui est requis, c'est une analyse des effets d'une liberté individuelle donnée sur, soit d'autres individus, soit une collectivité. Une collectivité étant souvent un

ensemble d'individus aussi. Par conséquent, reconnaître une liberté individuelle, mais, en la reconnaissant, brimer d'autres libertés, doit faire l'objet d'une analyse où on met dans un plateau, ce qui, d'une part, est brimé, ce qui, d'autre part, est brimé, et on fait un choix ensuite.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais terminer en disant que je trouve tout à fait remarquable que, dans nos écoles de philosophie, l'on discute aujourd'hui de ces questions qui, autrefois, étaient malheureusement passées presque toujours sous silence. Je me félicite de ce que le Québec possède maintenant un nombre sans doute inférieur aux besoins, mais un nombre suffisant de philosophes pour que ces questions soient portées sur la place publique et pour qu'on puisse enfin au Québec parler en termes d'idées.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous avez une question?

M. BEAUREGARD: M. le Président, j'aurais une question qui risque de soulever peut-être un débat avec le chef de l'Opposition. Je la retire.

M. MORIN: Ce n'est pas moi qui m'y oppose, M. le Président. Un bon débat, surtout d'ordre philosophique, c'est toujours intéressant.

M. CLOUTIER: Le moment viendra.

M. BOSSE: On aura du "fun" à un moment donné. On fera un "party" et on philosophera.

M. MORIN: Je vois que le député de Dorion a une philosophie différente.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Est-ce qu'on me permettrait une très courte question au ministre, avec la permission de la présidence?

M. CLOUTIER: Je ne le sais pas, vous m'impliquez.

M. ROY: Je vais la poser, en tout cas, on verra si je vais avoir une réponse. Au terme d'une semaine bien remplie et compte tenu du fait que tous les organismes, sauf deux, ont demandé le retrait de la loi, j'aimerais demander au ministre comment on peut interpréter le sondage qui a paru la fin de semaine dernière et qui semblait donner un appui quasi inconditionnel au projet de loi.

M. CLOUTIER: M. le Président, je pense qu'il serait de mauvais goût de ma part, en plus d'être assez grossier, de porter des jugements avant d'avoir entendu un nombre plus considérable d'organismes et avant que la commission, collectivement, se considère suffisamment informée. Nous avons voulu cette commission parlementaire après la première lecture pour donner la parole à des représentants de groupes. Nous établissons leur représentativité chaque fois. Il y en a d'importance inégale, mais pour autant qu'ils sont devant la commission, ils sont tous importants. Ils ont tous le droit d'être entendus. Je crois qu'il est prématuré de tirer des conclusions à ce stade-ci.

M. ROY: Mais, quand même, les conclusions peuvent être assez significatives au terme d'une semaine.

M. MORIN: M. le Président, puis-je vous demander qui nous entendrons lundi prochain?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense que chaque parti politique a la liste actuellement de tous les organismes. Vous l'avez en main.

M. CHARRON: Simplement la nomenclature.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui. La Fédération des associations italiennes du Québec; Québec Association of Protestant School Boards; l'Association des mines de métaux du Québec; The United Church of Canada; le Conseil des fédérations ethniques de la province de Québec et la Corporation des enseignants du Québec.

Là, c'est la liste officielle de convocation. Je sais que la majorité des organismes ont déjà répondu affirmativement, quelques-uns n'ont pas encore répondu, mais je ne sais pas lesquels.

M. MORIN: Le ministre a dit qu'il y a deux erreurs. Est-ce que nous pourrions les connaître?

M. CLOUTIER: Pas des erreurs, des modifications.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cela fait tout de même une nomenclature. Je ne peux pas prendre votre avis, vous n'êtes pas le secrétaire des commissions.

Là-dessus, je voudrais vous remercier d'être venus nous voir en ce vendredi après-midi un peu chaud. Vous avez pu prendre conscience un peu du climat parfois surchauffé que nous connaissons, mais nous avons été très heureux de vous rencontrer cet après-midi. Merci beaucoup.

Là-dessus, la commission ajourne ses travaux à lundi après-midi 14 heures.

(Fin de la séance à 15 h 53)

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