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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le jeudi 4 juillet 1974 - Vol. 15 N° 123

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22 Loi sur la langue officielle

Séance du jeudi 4 juillet 1974

(Onze heures neuf minutes)

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Ce matin, les membres qui composeront la commission sont: M. Brown (Brome-Missisquoi), M. Charron (Saint-Jacques), M. Déom (Laporte), M. Cloutier (L'Acadie), M. Hardy (Terrebonne), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Tardif (Anjou), M. Morin (Sauvé), M. Bonnier (Taschereau), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Veilleux (Saint-Jean).

Les organismes que nous entendrons aujourd'hui seront les suivants dans l'ordre: le Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy, le Comité anglophone de Verdun, le Groupe de citoyens de Limoilou, M. Louis-Paul Chenier, à titre personnel, la Société nationale des Québécois du Saguenay-Lac-Saint-Jean et l'Institut politique de Trois-Rivières.

J'invite immédiatement le Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy à prendre place à la table. Est-ce que vous êtes M. Jean Primeau, le porte-parole?

M. GUERTIN: Jean Primeau est le secrétaire du syndicat. Je suis le président du syndicat, Pierre-Louis Guertin.

M. CHARRON: M. le Président, avant d'entendre les représentants du syndicat, j'aurais un point de règlement à soulever, si vous me le permettez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques, sur un point de règlement.

Motion de M. Charron

M. CHARRON: En fait, ce n'est peut-être pas un point de règlement, c'est un éclaircissement que j'aimerais obtenir de la part du ministre de l'Education. Il y a déjà quelque temps, nous recevions le Comité protestant du conseil supérieur de l'éducation à cette table qui nous faisait part de son avis quant au projet de loi. A la même occasion, le comité protestant nous signalait que cet organisme extrêmement respectable qu'est le Conseil supérieur de l'éducation était à préparer un avis dont il saisirait le ministre de l'Education avant, l'espérions-nous, la deuxième lecture. Il semble que ce soit maintenant chose faite, que le ministre de l'Education a entre les mains l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, en particulier sur le chapitre vital de la langue d'enseignement et je voudrais ce matin demander au ministre, premièrement, quand il déposera, à la commission parlementaire, le texte de cet avis, deuxièmement, s'il est dans son intention d'ajouter à la liste des comparants le conseil supérieur de l'éducation pour que nous ayons l'occasion de le questionner et d'envisager avec lui certaines des modifications qu'il propose ou qu'il entend proposer, au texte de loi.

M. CLOUTIER: M. le Président, je dois rappeler au député de St-Jacques qui ne l'ignore d'ailleurs pas que le Conseil supérieur de l'éducation est un organisme indépendant. Il est créé par la Loi du ministère de l'Education, mais il n'est pas sous l'autorité immédiate du ministre. Par conséquent, il ne m'appartient pas de déposer l'avis qui m'a été transmis hier après-midi. Il appartient au Conseil supérieur de le rendre public, ce que le Conseil supérieur fait d'habitude. Je n'ai certainement pas l'intention de dicter à cet organisme sa conduite.

Pour ce qui concerne le deuxième point, le Conseil supérieur de l'éducation aurait pu demander à être entendu devant cette commission. Un de ses comités, comme le député de Saint-Jacques l'a signalé, le comité protestant, l'a fait. Le conseil n'a pas jugé bon de le faire. Je crois que c'est une décision qui lui revient. N'ayant pas demandé à être entendu et n'ayant pas présenté de mémoire, il n'est certainement pas question de le convoquer devant cet organisme.

D'ailleurs, je peux peut-être ajouter que si le Conseil supérieur a jugé à propos de ne pas procéder ainsi, c'est parce que la loi lui permet de procéder de façon différente, c'est-à-dire de faire des avis sur les législations gouvernementales, en particulier, dans la matière qui l'intéresse, l'éducation. Je crois avoir répondu de façon claire aux deux points de ces questions.

M. CHARRON: M. le Président, me prévalant toujours de ce règlement, je ferai donc motion immédiatement pour que cette commission se prononce sur l'opportunité d'entendre et d'ajouter, de notre gré, à la liste des comparants volontaires, le témoignage du Conseil supérieur de l'éducation.

Je vais lire immédiatement le libellé de la motion que vous me permettrez d'expliquer par la suite, M. le Président: Que cette commission est d'avis que l'importance de la position du Conseil supérieur de l'éducation, quant au chapitre de la langue d'enseignement du projet de loi 22, mérite que les dirigeants du Conseil supérieur de l'éducation se présentent devant cette commission le mardi, 9 juillet 1974.

M. le Président, je fais cette motion parce qu'au moment où nous sommes rendus à entendre des témoignages individuels, comme

ce fut le cas, hier, avec M. White, et comme nous poursuivrons aujourd'hui, puisque nous sommes à entendre des organismes dont certains ont été créés — je n'en fais aucun reproche — sur le projet de loi 22 lui-même, un témoignage aussi important du Conseil supérieur de l'éducation, sans en connaître encore toute la réelle portée, passe à peu près inaperçu aux travaux d'une commission parlementaire qui, depuis le début, est submergée d'appels d'un côté comme de l'autre.

Cette voie de bons sens, de progrès et de justice, en quelque sorte, qu'a toujours fait entendre le Conseil supérieur de l'éducation sur chacun des projets majeurs du ministère de l'Education, je pense qu'elle ne doit pas se contenter d'être dans les journaux ou, encore une fois, extrapolée et interprétée par chacun des partis politiques, à sa guise ou à sa façon.

Elle a tellement d'importance, elle peut avoir tellement de poids, surtout, dans les décisions que les députés seront appelés à prendre et à voter dans les jours qui viennent, que cette position, il me semble, doit être présentée, défendue et expliquée clairement par ses auteurs, pour ne laisser ni au ministre de l'Education, et je dirais même M. le Président, ni aux critiques officielles de l'Opposition, le loisir d'interpréter à sa guise et de tirer les marrons du feu d'une position qui a certainement été élaborée avec toute l'application, toute la justesse et le temps que mettent, la plupart du temps, les membres du Conseil supérieur de l'éducation à développer cette position.

Nous avons assisté, il y a quelques semaines, à l'arrivée de sondages qui ont été interprétés — vous en conviendrez avec moi, M. le Président — de différentes façons, par qui voulait bien l'entendre, à sa façon particulière. Certains y ont vu un appui au projet de loi 22, d'autres les ont dénoncés comme étant une situation de confusion. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire un tel maraudage d'opinions sur une contribution aussi importante au débat que celle du Conseil supérieur de l'éducation.

Je ne voudrais pas, si la motion devait être adoptée, que les membres du Conseil supérieur de l'éducation voient dans cette motion un subpoena ou une obligation juridique de comparaître, un peu comme à une autre commission, qui ne siégera pas tellement loin de la nôtre, où on convoquera bientôt certains témoins.

C'est une convocation en bonne et due forme et j'ai d'avance l'intuition comme la conviction que les membres du Conseil supérieur de l'éducation verront — même si le libellé de la motion est formel — une invitation pressante de la commission à venir défendre et expliquer leur position.

Ils devront comprendre — et je tiens à le dire au moment où je présente cette motion — qu'elle est faite avec toute la déférence et tout le respect que, personnellement comme critique de l'éducation pour mon parti, depuis cinq ans, j'ai appris à développer à l'égard du Conseil supérieur de l'éducation.

Ce n'est donc pas parce que je crains que le Conseil supérieur de l'éducation veuille se défiler. Ce n'est pas le cas. Il a émis son avis, à ce que je sache, au moment où il le jugeait opportun. C'était parfaitement son droit. C'est simplement parce que j'ai extrêmement de considération pour la portée de ce mémoire que j'aimerais voir le président du Conseil supérieur de l'éducation et les officiers supérieurs venir nous le présenter et avoir avec nous un dialogue que j'espère le plus honnête et le plus fructueux possible pour la commission.

J'ai l'impression que si nous devions entendre, dans les prochains jours, le Conseil supérieur de l'éducation, particulièrement à un moment où le gouvernement s'apprête — c'est maintenant un secret de polichinelle — à mettre fin aux travaux de la commission aussitôt que nous aurons un nouveau gouvernement au Canada et à procéder le plus rapidement possible à l'adoption, sous l'empire de la motion de dix heures à minuit qui occupe maintenant les travaux de l'Assemblée nationale — toute cette stratégie gouvernementale est un secret de polichinelle — il me semble que cette stratégie ne doit pas bousculer et encore moins refouler aux pages des journaux ou aux colonnes que voudront bien lui donner les journaux un avis aussi important que celui du Conseil supérieur de l'éducation.

M. le Président, je n'ai pas la connaissance de l'avis de ce Conseil supérieur de l'éducation. Je parle donc en toute liberté. Je m'inspire quand même de certaines positions qu'ont déjà prises les dirigeants du Conseil supérieur de l'éducation, surtout les principes qu'ils ont toujours défendus, pour savoir et pour deviner à l'avance que, quelles que soient les conditions et les modifications précises discutables — sans même les connaître, à l'avance je les affirme discutables — qu'ils proposeront à chacun des articles du projet de loi, l'ensemble de leur mémoire et de leur opinion, et surtout l'explication de la réflexion et de la discussion qui les ont conduits à faire le consensus sur ce mémoire, méritent que les membres de la commission parlementaire de l'éducation les interrogent et s'entretiennent avec eux le plus rapidement possible.

C'est donc dans cet esprit que j'ai présenté cette motion qui invite le Conseil supérieur de l'éducation à nous rencontrer mardi prochain, le 9 juillet 1974.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education, sur la motion du député de Saint-Jacques.

M. CLOUTIER: M. le Président, je pense que la motion du député de Saint-Jacques est une motion qui mérite certainement d'être considérée. J'aimerais que le député de Saint-Jacques m'écoute. Je disais que c'est une motion qui mérite certainement d'être considérée. Cepen-

dant, en répondant à sa première question, j'ai indiqué quel était le statut du Conseil supérieur de l'éducation. A la lumière de ces explications, je ne vous cache pas que j'hésiterais à ce que cet organisme soit soumis à ce qui, inévitablement, devient un contre-interrogatoire. Le Conseil supérieur de l'éducation fournit des avis depuis sa fondation, des avis certainement fort importants qui ne lient pas le ministre de l'Education, mais dont le ministre de l'Education tient toujours compte.

On m'apprend, à l'instant, que cet avis sera rendu public dans le courant de la journée, probablement en soirée. Je signale également que, contrairement à ce que le député de Saint-Jacques croit — il n'avait pas l'information nécessaire pour croire autre chose — il ne s'agit pas d'un rapport qui a fait le consensus. Il s'agit d'un rapport qui a été voté sur division et il y a d'ailleurs trois dissidences, ce qui complique encore peut-être une comparution du Conseil supérieur de l'éducation.

Voici ce que je proposerais au député de Saint-Jacques. Je veux bien y réfléchir. Plutôt que de faire un débat maintenant, je suggère que nous écoutions les groupes qui sont devant nous. Etant donné que l'avis sera rendu public dans la soirée, d'après les informations qu'on m'a fait parvenir, nous pourrions reprendre le débat sur la motion, ce qui nous donnera le temps de voir de quelle façon la traiter.

Si nous sommes amenés à en disposer immédiatement, je dois dire, à la lumière de toutes mes explications qui sont très objectives, que le parti gouvernemental n'aura pas d'autre choix que de voter contre la motion. En revanche, si le député de Saint-Jacques veut bien me donner le temps d'y penser, d'en voir toutes les implications sur le plan des précédents, sur le plan de l'avenir, sur le plan du rôle que joue cet organisme dans l'économie même des organismes de l'éducation, nous pourrons peut-être revoir alors la question dans un autre climat. Ceci permettrait aux organismes que nous avons convoqués de se faire entendre immédiatement.

M. CHARRON: Voulez-vous dire que si je vous accordais ce que vous me demandez, soit accepter que la motion que j'ai soumise à la commission soit différée... pouvez-vous me dire quand nous reprendrions cette discussion?

M. CLOUTIER: Nous pourrions la reprendre aujourd'hui même, en fin de soirée, alors que le rapport aura été rendu public.

Il y a une question de déférence aussi envers cet organisme qui n'a même pas rendu son rapport public. Je l'ai reçu hier après-midi, je l'ai lu, mais je ne l'ai pas étudié dans tous ses détails et il me semble que précipiter cette discussion n'est peut-être pas souhaitable. A cause de l'importance de la motion du député de Saint-Jacques, je suggère cette façon de procéder. Entendons nos groupes. Depuis deux ou trois jours, nous avons toujours eu du jeu à la fin de nos sessions. Reprenons la discussion ce soir, nous mettrons la motion aux voix et nous pourrons faire valoir nos arguments. Ceci me donnera le temps d'essayer d'évaluer un peu l'importance du geste que nous posons, parce que, encore une fois, il ne s'agit pas simplement d'informer. Il s'agit de faire comparaître un organisme qui est dans une situation très spéciale et je veux vraiment m'assurer que, ce faisant, ceci ne risquerait pas de créer de difficultés pour l'avenir.

Cependant, je ne m'engage pas du tout à accepter. Je suggère simplement que la discussion soit remise, que nous entendions nos organismes et que nous prenions le temps de réfléchir plutôt que de disposer rapidement d'une motion, compte tenu de toutes les implications dont j'ai parlé.

M. LEGER: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si le député de Lafontaine me permet, j'aimerais peut-être demander au député de Saint-Jacques s'il a l'intention de demander qu'on vote sur sa motion ce matin ou s'il accepte la suggestion du ministre d'attendre à ce soir.

M. LEGER: Avant que le député de Saint-Jacques ne dispose peut-être ou change ou accepte certains changements dans sa motion, je ne détesterais pas donner mon point de vue sur cette motion.

M. CLOUTIER: Bien non! C'est précisément pour cela. C'est pour éviter de faire perdre du temps aux organismes...

M. LEGER: Ce n'est pas une question de perdre du temps.

M. CLOUTIER: ... que j'ai souhaité faire ma proposition. Si nous faisons le débat maintenant...

M. LEGER: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président? Je pense que chaque membre de la commission a le droit de s'exprimer et ce que j'ai à dire actuellement touche la motion et l'amendement que peut apporter le ministre ou le député de Saint-Jacques ne changera rien dans le contenu.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas un amendement. C'est un arrangement et, si vous n'en voulez pas, nous allons en disposer immédiatement et nous allons faire le débat immédiatement. J'ai fait cela par déférence envers un organisme important et également dans l'esprit de collaboration que j'ai toujours manifesté au sein de cette commission.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs...

M. CHARRON: Attendez une minute.

M. CLOUTIER: S'ils veulent faire un débat, on va le faire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: D'accord, M. le Président, nous allons reprendre ce soir à la fin des auditions la discussion sur cette motion, mais je tiens à affirmer immédiatement qu'il n'est pas question que je retire cette motion, elle n'est que retardée à ce soir. La position que j'ai exprimée et que reprendra ce soir le député de Lafontaine quant à la nécessité de convoquer le Conseil supérieur de l'éducation, je suis encore parfaitement décidé à demander cette convocation. J'espère que la journée portera conseil au ministre.

M. CLOUTIER: Justement, je ne veux pas que le député de Saint-Jacques la retire. Si j'avais voulu qu'il la retire, je me serais arrangé pour qu'on la mette aux voix immédiatement et elle aurait été défaite. Je crois que le député de Saint-Jacques prend une décision sage et admet qu'il y a tout de même intérêt, lorsqu'une recommandation importante est faite, à ce qu'on se donne la peine d'y réfléchir. Alors, je l'en remercie.

M. le Président, si vous êtes d'accord, nous pouvons procéder, et, à la fin de la séance de ce soir, nous verrons à voter sur la motion, après en avoir reparlé, si vous êtes d'accord.

M. CHARRON: M. le Président, qu'est-ce qu'il arrive avec ma motion? Est-ce qu'elle reste en suspens ou si je dois la retirer et la présenter à nouveau?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Disons qu'on pourrait considérer qu'avis a été donné ce matin, que la motion — vous pourrez déposer le texte durant la séance de ce matin — sera certainement réintroduite ce soir à la fin des auditions.

M. CHARRON: Bien.

M. CLOUTIER: Nous pourrons avoir le texte également.

M. CHARRON: Très bien.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors je m'adresse maintenant au Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy. Je vous invite, s'il vous plaît, premièrement, à nous présenter les gens qui vous accompagnent, M. Guertin. Egalement, de noter que vous disposez de 20 minutes pour faire votre présentation, compte tenu de ce qui s'est passé jusqu'à maintenant, vous comprendrez qu'il nous sera nécessaire de limiter très strictement à une heure la période d'audition pour chaque organisme, puisque nous en avons six à entendre aujourd'hui. Alors, M. Guertin.

Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy

M. GUERTIN: Je vous présente deux travailleurs syndiqués de l'enseignement au CEGEP de Sainte-Foy, Mme Pierrette Plourde, professeur de français, et M. Jacques Martineau, professeur de français. Vous pouvez lire sur la couverture le titre du mémoire "Une loi sur la langue sans politique linguistique". Nous allons voir rapidement dans ce mémoire en quatre chapitres la situation du français au Québec qui malheureusement ou heureusement plutôt, a été abondamment décrite ici.

Les contradictions internes du projet de loi 22, les faiblesses juridiques de ce même projet de loi et ses insuffisances. C'est en tant qu'enseignants, en tant que travailleurs syndiqués, mais surtout en tant que citoyens d'une nation en péril que nous venons aujourd'hui vous crier: C'est scandaleux. Tout est scandaleux. Le contenu du projet de loi que nous étudions plus loin, dérisoire et scandaleux. Le moment choisi pour sa présentation en fin de session à l'Assemblée nationale, lâche et scandaleux. Le temps accordé pour faire des représentations en excluant à toutes fins pratiques les citoyens ordinaires, révoltant et scandaleux.

Comment le gouvernement québécois —j'aimerais bien qu'on m'écoute, d'ailleurs je ne sais pas si c'est un droit que les présentateurs de mémoire ont ici —...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous inviterais à faire votre présentation.

M. GUERTIN: Comment le gouvernement québécois ose-t-il procéder de façon aussi ouvertement mesquine pour présenter ce qui devrait constituer la politique linguistique du Québec? Comment ose-t-il choisir la période de l'année qui correspond aux vacances, à la dispersion, à la démobilisation pour tenter de régler à la sauvette la plus grave des questions, celle dont dépendent l'avenir et la survie même de la nation québécoise? Anciennement, c'est en juillet qu'on augmentait les impôts et les tarifs de transport en commun. Faudra-t-il ajouter que c'est en juillet qu'on trahit le plus bassement la patrie? Nous avons honte de venir en cette période de l'année vous dire: Halte! Ce que vous faites est déshonorant et scandaleux.

Nous allons passer rapidement sur une situation qui a été abondamment décrite, celle du français au Québec et au Canada; tous les Québécois honnêtes et conscients savent que la situation du français chez nous est gravement menacée, et d'abord dans l'ensemble canadien où le Québec, on le sait par le nombre de

députés qu'on élit à Ottawa — c'est déjà révélateur — devient de plus en plus minoritaire.

Or, le Québec est le dernier bastion de la francophonie en Amérique. S'il tombe, c'en est fini de la culture et de la langue française sur ce continent. Trois ordres de faits viennent affaiblir notre position dans notre forteresse même. D'une part, la chute de natalité dont nous avons déjà parlé abondamment, d'autre part, l'assimilation massive des immigrants au groupe minoritaire anglophone, enfin, la proportion croissante de parents canadiens-français qui vont inscrire leurs enfants dans des écoles anglaises. S'ajoutent à cela la pratique du bilinguisme, la pratique forcée du bilinguisme et la toute-puissance de l'environnement américain, qui précipitent la détérioration de la langue et de la culture française au Québec. Cette détérioration a été accélérée par l'industrialisation du Québec, qui a mis les Canadiens français sous la direction — les manoeuvres canadiens-français — de patrons unilingues anglais. Et puis, c'est par ce processus que les tournures anglaises sont entrées dans le parler quotidien. Ce phénomène s'est amplifié jusqu'à donner naissance à cet idiome particulier qu'on appelle le "jouai" et qui n'est rien d'autre qu'un anglais, qu'un québécois, qu'un Québec anglicisé.

La plupart des linguistes craignent que ce "jouai" ne soit pas une étape de transition entre le français et l'anglais; en tout cas, il est l'expression d'une maladie de la parole déchirée entre deux systèmes concurrentiels d'expression. L'anglais en est arrivé — et ça, vous en êtes tous conscients — à être au Québec une source de prestige, une nécessité pour accéder, en quelque sorte, à un certain statut social. Et, conséquence de cette situation, le français, inutile, est dévalorisé. Il est illusoire de croire que dans une situation de bilinguisme forcé, il est possible de maintenir l'intégrité et la vitalité de la langue maternelle. L'être humain tend au moindre effort, même dans le domaine de la langue. Dans une situation où deux systèmes d'expression sont en concurrence, il finit par délaisser l'un au profit de l'autre. Or, dans le contexte québécois, il est à craindre que le choix se fasse de plus en plus en faveur de l'anglais, car on a laissé se constituer un environnement, que ce soit le travail, l'enseignement et les loisirs, auquel la loi n'apporte aucun remède et qui est une invitation constante à utiliser la langue seconde.

Pour terminer cette présentation de la situation du français au Québec, je voudrais parler de la grande misère de l'enseignement du français dans les écoles. Tous les professeurs, mais à un degré plus aigu les professeurs de français, sentent, chez la plupart de leurs étudiants, une faible motivation à l'égard du français, particulièrement chez ceux qui s'orientent dans le domaine des affaires et du commerce. Ces étudiants comprennent mal qu'on consacre du temps et de l'énergie au perfectionnement d'une langue qui leur servira peu dans leur travail. Par ailleurs, la pauvreté de la langue qu'on leur a généralement transmise rend plus difficile encore pour eux le perfectionnement qu'ils pourraient y prendre. Dans de pareilles conditions, la tâche d'enseigner le français paraît par moment absurde et don quichottes-que. On oriente toute sa vie sur l'apprentissage d'un outil dont on ne sait pas s'il servira encore dans vingt ans. Un sondage nous a confirmé, d'ailleurs, l'inquiétude d'une partie importante de la population à ce sujet.

Se construire à l'intérieur d'une langue et d'une culture est une entreprise qui demande un investissement si considérable qu'on ne peut consentir à s'y engager à fond et sérieusement que si on a des garanties de durée. Or, ces garanties n'existent pas à l'heure actuelle. Il faudrait aménager un contexte socio-culturel qui soit le lieu privilégié de l'apprentissage de la langue et de la culture franco-québécoise pour les jeunes. L'école est un lieu relativement artificiel. Elle ne peut, à elle seule, porter toute la responsabilité de l'éducation linguistique de l'enfant. Il faut que notre société devienne un milieu où le jeune respire sa langue aussi naturellement qu'il respire l'air. Si, chez nous, la langue maternelle est si mal assurée, c'est que les trop nombreuses interférences d'une langue étrangère en embrouillent la juste perception.

Les démographes ont démontré clairement la mauvaise position dans laquelle se trouve la nation québécoise et la très nette tendance à une dégradation continue qui est inscrite dans l'évolution des dernières décennies. Les économistes et les politicologues n'éprouvent aujourd'hui aucune difficulté à démontrer, d'une part, l'absence de contrôle des Québécois sur l'économie de leur pays et sur le développement (affreusement anarchique) de ses ressources et, d'autre part, l'érosion progressive et accélérée, sous le gouvernement actuel, du pouvoir politique québécois. Les linguistes et les professeurs de français nous démontrent continuellement l'abâtardissement du français québécois qui résulte de sa situation de langue dominée.

Mais les experts aujourd'hui ne sont pas les seuls à avoir pris connaissance de ce phénomène accablant. Un sondage publié au début de l'audition des mémoires devant cette commission parlementaire nous a indiqué qu'une partie importante de la population croyait que la situation du français au Québec allait continuer à se détériorer au cours des prochaines années.

Alors que 40 p.c. de mes compatriotes faisaient cette triste réponse, le chef du gouvernement québécois et le ministre parrain de cette loi honteuse ont eu l'indécence et le cynisme de tenter d'utiliser les résultats de ce sondage pour élire un appui à leur absence de politique linguistique.

Quand tout un peuple se met à désespérer et à se résigner à entrer en agonie, MM. Cloutier et Bourassa se réjouissent; c'est macabre.

La situation du français étant schématisée de cette façon-là, nous allons maintenant nous attacher à étudier le contenu du projet de

loi 22. Nous voulons d'abord souligner les contradictions internes du projet de loi. A côté d'un certain nombre d'articles qui semblent vigoureux, nous retrouvons continuellement, en particulier dans le titre III, des articles qui viennent détruire ce que l'article vigoureux avait affirmé. Nous citons à ce sujet six articles: Les articles 6, 10, 12, 18, 19 et 25, auxquels on pourrait ajouter 28, ce qui ferait sept articles. Et chacun de ces articles voit ensuite ses effets anéantis par une disposition qui le suit.

L'article 6, par exemple, au sujet des documents officiels, voit sa portée restreinte par les articles 8 et 11.

L'article 10 voit sa portée restreinte par l'article 11.

L'article 12, sur la langue officielle de communication interne de l'administration publique voit ses effets, en quelque sorte, détruits par les articles 13 et 15.

L'article 18 sur les entreprises d'utilité publique et les corps professionnels, l'usage du français, voit ses effets diminués ou anéantis par les articles 22 et 23.

L'article 19 est également affaibli par les articles 11 et 14.

L'article 25, au sujet des conventions collectives, vient immédiatement d'être contrecarré, dans des circonstances nombreuses, par l'article 26 et la même analogie se retrouve entre l'article 28 et l'article 29.

Nous voudrions souligner plus précisément certaines contradictions que nous voyons entre des articles. Là, nous parlions d'articles qui affaiblissaient la portée générale, articles qui, eux, se voulaient vigoureux. Mais d'autres, à notre point de vue, se contredisent. Par exemple, les articles 14 et 13. L'article 14 dit qu'il faut le français pour une fonction administrative dans l'administration publique et que certaines fonctions pourront être unilingues anglaises — il y a le pouvoir réglementaire du ministre derrière cela d'ailleurs — et l'article 13 met une exception pour les administrations municipales et scolaires. A quoi bon affirmer en 14 ce qu'on nie en 14 même et encore plus en 13?

L'article 12 se voit contredit par l'article 15. L'article 12 dit que la langue officielle est la langue des communications internes de l'administration publique.

Mais, à l'article 15, on parle de l'anglais dans les assemblées délibérantes, à l'intérieur de la fonction publique et à l'article 14 il peut y avoir des unilingues anglais dans la fonction publique.

L'article 10 est contredit par l'article 11. L'article 10 parle de la langue externe qui est le français, mais l'article 11 accorde à tout citoyen le droit de s'adresser en anglais à l'administration publique.

On peut également voir une contradiction entre l'article 1 et l'article 49. L'article 1 instaure une langue officielle alors que l'article 49, très clairement, instaure deux langues d'enseignement. Il suffit de la lire attentivement.

Par ailleurs, que deviennent les articles 1, 6, 10 et 12 et leurs grandes affirmations par rapport à l'article 16 où les jugements peuvent être prononcés en anglais, où les juges peuvent être unilingues anglais, où les plaidoiries peuvent se faire en conséquence en anglais et où les textes officiels et le jugement seront en anglais.

On pourrait souligner des contradictions entre des articles, des articles qui en affaiblissent d'autres, mais cela a été abondamment souligné par d'autres déjà jusqu'ici.

Nous allons passer à une étude rapide des faiblesses juridiques du projet de loi 22. Quelle que soit l'optique de l'observateur ou du lecteur, il se dégage toujours de ce projet de loi un dénominateur commun: la faiblesse.

Celui-ci illustre d'abord une évidence que chacun doit reconnaître: la faiblesse d'un peuple qui en est réduit à élaborer une loi sur la langue officielle pour obtenir le respect et l'utilisation de sa langue nationale dans son propre pays.

Mais la faiblesse ne se manifeste malheureusement pas seulement à ce niveau, et l'on cherche en vain dans le projet de loi 22 la législation forte qui serait nécessaire pour redresser la situation.

Tant à cause des contradictions soulignées plus haut, ou des insuffisances en regard de la situation dramatique du français et des concessions et imprécisions du texte même, c'est une loi juridiquement et politiquement très faible qui témoigne de la faiblesse réelle d'un gouvernement soutenu par le capital étranger et la minorité privilégiée.

Bilinguisme et unilinguisme anglais reconnus, car en aucun de ses chapitres, cette Loi sur la langue officielle ne cherche ou n'a pour effet d'imposer l'usage du français aux anglophones. Alors que les Québécois francophones, travaillant dans une entreprise anglophone, continueront de se voir imposer l'anglais comme langue de travail, aucune sanction n'étant prévue pour empêcher cette situation. D'ailleurs, on ne parle même pas de la langue parlée à l'intérieur des entreprises. L'anglophone vivant au Québec pourra se prévaloir de nombreuses dispositions de la loi pour exiger l'usage de l'anglais. Ce dernier pourra de plus exercer une activité publique uniquement en anglais — l'article 22 laisse la porte ouverte — et même imposer l'unilinguisme anglais à des travailleurs francophones minoritaires dans une unité d'accréditation pour les fins de la négociation, de la conciliation et de la rédaction de la convention collective. Je fais allusion aux articles 26 et 29 qui prévoient que tout peut se dérouler uniquement en anglais et que la traduction française n'arrivera qu'au moment du dépôt, de l'arbitrage ou de la convention. Ces mêmes articles consacrent d'ailleurs la subsistance de textes publics en version officielle anglaise avec simple traduction française ultérieure.

Ce sont là quelques articles un peu scanda-

leux que les autres au sein d'une multitude qui tendent nettement, en dépit du titre de la loi et des attendus, à ériger le bilinguisme en droit au Québec. Je cite une série d'articles à ce sujet: les articles 2, 8, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 20, 22, 23, 24, 26, 28, 29, 36, 38, 39, 40, 41, 43, 45, 48, '49, 50, 51, 52, 54, 67. Tous ces articles tendent à ériger des pratiques de bilinguisme qu'il est absolument nécessaire de restreindre en droit.

Comment imaginer plus grande faiblesse puisque l'on consacre ce qui empêche le Québec d'être français.

Nous avons souligné, dans ce chapitre — je suis obligé d'accélérer — la très grande faiblesse de la loi au sujet du pouvoir réglementaire absolument incroyable qui était réservé au ministre dans, en tout, 27 articles sur 130.

Est-ce que c'est bien là ce qu'on appelle la technique française des décrets-lois que l'on prétend singer? Car une loi-cadre, à compléter par des règlements d'application, doit énoncer clairement la politique que le gouvernement entend suivre. Rien de ce genre ici. Incapable de définir sa politique linguistique, le gouvernement remet à demain ce qu'il ne sera jamais capable de faire: légiférer pour le public, pour le peuple plutôt que pour les grandes corporations.

Pour influencer le ministre dans son pouvoir discrétionnaire contenu dans 27 articles, combien de milliers de manifestants seront nécessaires pour équilibrer un don de $100,000 de ITT?

Sur ce plan, vous avez là, M. le ministre, un projet de loi comportant 130 articles. La question qu'on a envie de vous poser pourtant, après l'avoir lu, c'est: Quelle est votre politique linguistique?

Nous soulignons très brièvement les insuffisances du projet de loi, en particulier dans le domaine du travail où absolument rien n'est prévu pour imposer l'usage du français. Mais surtout — cela vient de l'aveu du ministre lui-même — en ce qui concerne la langue d'enseignement où les tests, peut-être fantaisistes qu'on pourra soumettre discrétionnairement, pourront — on l'a dit — être facilement déjoués. Comment peut-on corriger une évolution aussi grave en faisant, justement, des contraintes aussi vagues qu'on avoue, au point de départ, être faciles à déjouer?

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Guertin, vous m'excuserez. Le temps est écoulé. Pour-riez-vous, s'il vous plaît, conclure assez brièvement.

M. GUERTIN: En deux mots, je vais essayer de conclure. D'abord, pour parler du sondage. Cest un reproche que je ferais même à l'Opposition ici. C'est que ce sondage a été interprété d'une façon qu'on trouvait absolument inacceptable. Il y avait 56 p.c. des Québécois — si on ajoute ceux qui se sont prononcés en faveur de l'unilinguisme français et les autres qui se sont prononcés pour le français prioritaire et l'anglais, langue seconde — donc, 56 p.c. des Québécois dans ce sondage, qu'on a eu l'outrecuidance d'invoquer pour appuyer le projet de loi, se sont prononcés contre une loi qui instaure le bilinguisme dans tous les articles qu'on a mentionnés tout à l'heure.

Nous voudrions quand même apporter une conclusion en ce qui concerne les institutions. On connaît nos recommandations, mais, pour ce qui est des institutions, on aimerait dire un mot. Ce que nous remarquons, c'est le mépris le plus complet face aux institutions qui devraient fonder la légitimité du pouvoir politique, et que vous avez la charge de protéger.

Non satisfait d'un système électoral qui caricature grossièrement la volonté des citoyens, non satisfait de profiter de l'affaiblissement universel des parlementaires au sein des Parlements, qui n'exercent à peu près plus leur droit d'initiative des lois, non satisfait d'utiliser de nouvelles techniques législatives, telle la loi-cadre dont une partie du contenu est déterminée hors du Parlement par le seul gouvernement, le gouvernement ne fait rien pour remédier à cet affaiblissement des Parlements dont beaucoup d'hommes politiques à travers le monde se soucient de plus en plus, mais au contraire, le gouvernement en ajoute.

Vous créez ce qui devrait être le projet de loi le plus important des dernières années. Vous créez à cette occasion un précédent déshonorant en bouleversant les règlements habituellement appliqués, en bafouant les droits sacrés de l'Opposition et en écrasant les huit députés qui représentent 45 p.c. de la population et 60 p.c. des Québécois francophones par un horaire épouventable. Est-ce encore là du parlementarisme?

Plutôt que de vous renforcer, on découvre progressivement que les 102 font votre faiblesse. C'est sans doute là du parlementarisme néo-duplessiste à la mode du Parti libéral. Votez. Votez à la sauvette cette loi indécente. Vous avez été appuyé par votre minorité...

M. SAINT-GERMAIN: Je soulève un point de règlement.

M. GUERTIN: II me reste deux phrases.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Le temps est déjà écoulé. Je crois que notre invité se limite à faire un discours politique. Alors, je crois que nous devrions être justes pour nos invités suivants et leur permettre de nous donner leur idée relativement au bill 22. Cela serait certainement positif de le faire, je crois.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je retiens la remarque du député de Jacques-Cartier et je

vous inviterais, M. Guertin, s'il vous plaît, à vous prêter aux questions.

M. GUERTIN: J'ai une phrase... Est-ce que vous voulez l'entendre?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pardon?

M. GUERTIN: J'ai une phrase pour terminer. Est-ce que vous voulez l'entendre?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous en prie.

M. CLOUTIER: Certainement.

M. GUERTIN: Votez. Votez à la sauvette cette loi qui n'a été appuyée que par la minorité privilégiée qui profite de notre situation d'aliénation, mais comme Ti-Cul Lachance, pour terminer, je dis : A semer du vent de cette force, tu prépares une joyeuse tempête et cela, tu t'en apercevras.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, M. Guertin. J'invite maintenant le ministre de l'Education à poser la première question.

M. CLOUTIER: Je remercie le Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy pour la présentation de son mémoire. Je pense que le mémoire est très clair, qu'il exprime sans ambages les opinions de ce groupe. J'en conclus que je suis suffisamment informé et que je n'ai pas d'éclaircissement à demander. Par conséquent, je ne poserai pas de question.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Je remercie également le Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy, un autre groupe du monde de l'éducation, qui se joint à tous les autres groupes du monde de l'éducation sans aucune exception, venus à cette commission et qui ont jugé inacceptable le projet de loi 22, en particulier dans le chapitre de la langue d'enseignement.

M. Guertin, j'ai des questions à vous poser sur ce chapitre de la langue d'enseignement dont vous traitez dans votre mémoire et également sur le chapitre qui concerne la langue de travail.

J'aimerais que vous m'expliquiez d'abord la position du Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy sur une politique de rechange quant à l'éducation. Vous jugez inacceptable ce qui est contenu dans le projet de loi 22. Encore une fois, je vous le répète, vous rejoignez bien du monde là-dessus, mais quelle est la solution que vous aimeriez voir adopter par le législateur à la place de ce fouillis qu'est le chapitre 5 du projet de loi 22.

M. GUERTIN: II y a deux aspects dans la réponse que je vais donner. Tout d'abord, c'est contenu dans la feuille de recommandations, ce qu'on peut appeler le chapitre V. Mettre un terme à cette absurdité unique, dans le monde entier, d'accorder le libre choix de la langue d'enseignement au Québec et instaurer... c'est une recommandation, la quatrième: "Nous exigeons que le français soit la langue de l'enseignement au Québec et que soit instauré un réseau scolaire francophone unifié."

Nous croyons que de faire durer une situation qui concrétise notre infériorité, qui est une démonstration de notre aliénation, cette situation de choix de langue qui ne s'exerce nulle part dans le monde est absolument incompatible avec la situation qu'on prétend redresser.

On ne peut pas redresser la situation au Québec de cette façon parce que les causes sont ailleurs, les causes de l'affaiblissement du français, les causes démographiques, les causes sur l'immigration que nous soulignons dans le chapitre IV, par exemple, où le gouvernement n'avait et n'aura aucun contrôle, on le sait. Beaucoup d'autres domaines ne sont pas touchés, comme la radio, la télévision, les communications. Comment voulez-vous, par une loi qui ne dit rien dans le domaine de l'enseignement, corriger en ne faisant même pas allusion à ces autres domaines qui, eux, sont des facteurs d'anglicisation? Evidemment, on dira: Hors de notre compétence.

Dans le domaine de l'enseignement, on croit que le choix instauré par le bill 63, prolongé par le projet de loi 22, est inacceptable. Une nation qui se tient debout ne peut pas procéder de cette façon. Nous croyons, en conséquence, qu'il faut instaurer au Québec un réseau scolaire francophone unifié.

M. CHARRON: Quand vous dites un réseau scolaire francophone unifié, voulez-vous dire que les structures scolaires devraient être unifiées, mais qu'elles pourraient dispenser à ceux qui sont de langue maternelle anglaise un enseignement dans leur langue ou si vous préconisez que la seule langue d'enseignement, y compris pour ceux qui sont de langue maternelle anglaise, devrait être le français?

M. GUERTIN: Spontanément, je suis porté à répondre qu'il faut maintenir des écoles anglaises pour la minorité qui en a eu le privilège depuis de très nombreuses années. Mais j'attends les études qui me démontreront — ce n'est pas exclu, je crois, aujourd'hui — que le simple maintien de ce secteur pourrait continuer de constituer un risque pour la langue française au Québec. Mais notre position à l'heure actuelle, telle qu'on peut la lire dans notre mémoire, c'est, après avoir procédé à une évaluation du nombre maximum de places auxquelles les anglophones du Québec ont droit, leur maintenir ce droit et ne pas accorder à qui que ce soit qui entre au Québec ou à qui que ce soit qui est de langue française le droit

de fréquenter des écoles qui ne font pas partie du secteur francophone unifié.

M. CHARRON: Autrement dit, pour reprendre l'expression de l'Association des démographes qui était à cette place que vous occupez, vous préconisez pour le secteur anglophone un contingentement à la taille actuelle avec, évidemment, une régression progressive vers la taille qu'ils occupent réellement dans la société québécoise, parce qu'actuellement la place qu'ils occupent est artificiellement gonflée de francophones et d'immigrants qu'ils assimilent à notre place. Ce que vous préconisez, c'est qu'une fois que les francophones qui sont inscrits à l'intérieur de ce système scolaire anglais, actuellement, et les immigrants qui y vont, neuf sur dix, à peu près, une fois que ces deux sources d'approvisionnement seront coupées, vous maintenez à la taille de la minorité existante, pour reprendre encore une expression de la CECM, le secteur anglophone.

M. GUERTIN: Si tout est fait dans les autres domaines qui sont soulignés à la fin du chapitre IV, en particulier, l'immigration et les communications, pour vraiment assurer la position des francophones au Québec, notre position est de maintenir les écoles anglaises pour la population qui en a eu le privilège depuis la confédération.

M. CHARRON: Bien. Au chapitre de la langue de travail, à la page 14, vous avez une phrase que j'aimerais vous entendre expliquer. Vous avez dit, en critiquant les nombreux pouvoirs discrétionnaires que s'est réservés le ministre: Pour influencer le ministre dans son pouvoir discrétionnaire, combien de milliers de manifestants seront nécessaires pour équilibrer un don de $100,000 de ITT? La formule représente quelle position politique exactement?

M. GUERTIN: II y a certains députés qui ont vu tout à l'heure dans ces phrases une position politique. Il est évident qu'il est difficile de dissocier dans notre activité de tous les jours — les enseignants affiliés à la Centrale de l'enseignement québécois — politique et travail quotidien. A ce sujet, nous sommes portés nécessairement, comme tout autre citoyen, à faire des réflexions sur le mode de financement du parti politique qui a le gouvernement du Québec entre les mains actuellement.

Ces questions, si vous ne vous les posez pas, vous trouverez normal qu'une grande partie des citoyens se les posent. Quand ce n'est pas public, c'est caché. Il n'y a pas d'autre option. Donc, c'est caché. Quand c'est caché, cela peut venir de n'importe où, mais habituellement un gouvernement, qui légifère de cette façon et qui est appuyé ici devant cette commission par les organismes qu'on a vus, doit certainement être financé par ceux qui l'appuient ici.

Nous, nous disons que cette situation, qui est une pratique ancienne, semble-t-il, dans le Parti libéral d'aller chercher le financement à des sources de privilégiés, à des sources qui le compromettent et lui enlèvent sa liberté d'action à notre point de vue, que cette pratique va se continuer et que le projet de loi 22 ouvre la porte à de nouvelles pratiques encore plus dangereuses. Nous n'avons pas eu le temps de mentionner le risque énorme de violence qui était contenu dans le projet de loi 22, autour de l'orientation vers l'école française ou anglaise avec ces tests et tout ce que vous savez, mais, par contre, nous savons que cette violence risque de se manifester. Il y a des gens qui vous l'ont annoncée ici. Peut-être ce projet de loi ouvre-t-il, s'il est adopté, une période de violence au Québec? On se pose la question à ce moment-là. Mais étant donné les appuis habituels dont semble profiter ce parti, combien de milliers de manifestants pourront équilibrer le don des compagnies multinationales qui veulent maintenir leur fonctionnement en anglais? La question se pose nécessairement.

M. CHARRON: Mais, est-ce que vous voyez — comme unique contrepoids à la puissance qu'ont ces entreprises privées par le biais de la caisse électorale du parti qui occupe le pouvoir actuellement — des manifestations publiques ou si vous présupposez qu'une organisation rationnelle, efficace de citoyens dans des cadres politiques, syndicaux, de partis politiques ou ailleurs, peut par son influence, établir ce contrepoids sans que nécessairement il y ait une manifestation publique dans les rues comme vous le signalez là-dedans?

M. GERTIN: Là, c'est une évaluation...

M. CHARRON: Je vais poser ma question plus clairement. C'est peut-être le temps de la poser à la date où nous sommes rendus, où nous en sommes dans les travaux de la commission, nous avons entendu une soixantaine de groupes qui sont venus, je crois que vous êtes le 65e. Chez les francophones, à l'exception des milieux d'affaires — et encore ils étaient d'accord avec le projet de loi, sauf pour la partie qui les concernait, et Comité Canada pour ce que cela vaut — à part cela, il n'y a eu aucun appui total, fondamental au projet de loi 22 venant des groupes francophones. Au contraire, tout le monde a demandé son retrait. Tout le monde a parlé contre le chapitre sur le libre choix de la langue d'enseignement. Ces groupes organisés qui essaient de structurer l'opinion publique pour justement faire contrepoids — qui se sont déplacés à Québec depuis quatre semaines, comme vous l'avez fait à la suite d'un congrès qui vous a retenu, j'imagine, jusqu'à hier soir à Rivière-du-Loup et d'autres qui viendront encore — c'est parce qu'ils croyaient que la possibilité d'une organisation politique et une défense de leur position jusqu'au sein de l'Assem-

blée nationale, pouvaient être un contrepoids. Mais si le gouvernement décidait de s'entêter contre l'avis de tous ces groupes qui se sont déplacés jusqu'ici et qu'il décidait de ne rien modifier au chapitre de la langue d'enseignement ou de s'en tenir à ces tests qui ont été dénoncés par tout le monde et de bousculer l'Assemblée nationale jusqu'à la fin de juillet pour nous faire avaler encore une fois la loi 22, contrairement à toutes les opinions qui ont été émises à la table même où vous êtes encore, quelle serait, selon vous, la réaction de ces groupes organisés, les syndicats, groupes d'allégeance nationaliste ou encore tous les groupes qui sont venus à cette table? Est-ce qu'ils n'en viendraient pas à prendre comme solution celle que vous suggérez dans la phrase que je vous ai citée et de se dire qu'il ne reste plus — après l'effort rationnel de conviction d'un ministre intraitable — comme unique solution, que la violence, comme vous l'avez souligné ou — soyons plus modérés si nous le pouvions — les manifestations que vous signalez dans la phrase que je vous ai citée? Est-ce parce que vous estimez que les forces organisées publiques, qui défendent des positions ici, sont maintenant sans contrepoids possible aux autres forces cachées et influentes qui jouent à l'intérieur du gouvernement et qu'il ne resterait donc que cela par la suite?

M. GUERTIN: Après le défilé auquel on a assisté ici, on avait presque le sentiment, dès le point de départ... Remarquez que quand j'ai vu à quelle date on présentait ça, on voyait déjà l'intention. Mais je me disais: Quand même, si le défilé est important, peut-être que le gouvernement se laissera influencer par autre chose que le Conseil du patronat et la chambre de commerce qui ont appuyé le ministre ici. Mais, après le défilé auquel on a assisté, cette espèce d'inflexibilité butée du gouvernement sur cette question, malgré le fait que des tas d'organismes qui représentaient des milliers et des centaines de milliers de membres sont venus souvent, par des mémoires très fouillés, dire ce qu'ils pensaient — moi, je doute, parce que je suis obligé de revenir à ce que je disais tout à l'heure — il y a nécessairement une évaluation politique qui se fait à un moment donné et la population entière va être appelée à faire cette évaluation politique.

Mais on se dit: Diable, s'il n'écoute personne, il doit écouter quelqu'un de plus riche, il doit écouter quelqu'un de plus payant quelque part, ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible qu'on ignore ce que disent des organismes représentatifs de toutes les couches de la population et qu'on écoute seulement leurs représentations de minorités privilégiées. Il faut qu'il y ait un lien, qu'il y ait un contact quelque part. Déjà, ce contact s'était vu dans le passé par le financement caché, mais maintenant, on sait de quoi est constitué le financement caché, si vraiment le gouvernement continue de main- tenir une position qui va à l'encontre des intérêts des Québécois et des intérêts exprimés devant cette commission par les Québécois eux-mêmes, en dépit du délai absolument absurde qu'on nous a accordé pour venir présenter un mémoire ici. Cela, c'était ridicule, la façon dont on a été obligé de se lancer pour rédiger un mémoire, réfléchir sur une loi qu'on avait eu des années pour élaborer et trois semaines pour étudier, nous, de notre côté, alors que des gens ont avoué du côté du Conseil du patronat qu'ils avaient vu le canevas depuis des mois et des mois, eux, et avaient même pu donner leurs suggestions en cours d'élaboration. Ce sont des choses qu'on a trouvées. Il y a eu une étude faite par un politicologue à ce sujet, qui n'était pas très reluisante.

Après tout ça, moi, je doute. Je pense que le gouvernement va rester buté jusqu'au bout et la violence qui est dans l'air risque de se concrétiser. On a des situations analogues dans d'autres pays. On a déjà eu de la violence au Québec, elle s'est calmée temporairement. Mais, actuellement, ce qu'on fait concernant les droits de l'Opposition, ce qu'on fait actuellement comme procédure parlementaire pour voter cette loi en fin de session, en profitant de la démobilisation des gens, à la sauvette pour essayer d'éviter les manifestations de force de la population pour empêcher cette loi de passer, essayer d'éviter qu'elles se produisent, me laissent croire que cette loi sera adoptée telle qu'elle. De toute façon, je pense que cette loi est probablement un miroir très fidèle de ce qu'est ce gouvernement.

M. CHARRON: Merci, M. Guertin.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Cela fait deux fois, M. le Président, que vous faites erreur sur ma personne, hier soir, à la commission parlementaire sur la justice et ce matin.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Un saint ou l'autre.

M. VEILLEUX: J'aurais aimé, M. le Président, poser des questions au représentant du Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy, notamment en ce qui regarde la langue d'enseignement. Compte tenu de l'attitude qu'a prise le représentant de ce syndicat devant la commission parlementaire, un peu à l'image de celle du milieu anglophone qui est venu la semaine passée et auquel organisme j'ai dit ce que je pensais de lui, je vous réfère tout simplement au journal des Débats pour savoir ce que je peux penser de vous. Ce que je dis en terminant, c'est que moi, je n'accepte pas de faire partie d'un gouvernement qui accepterait de fonctionner par chantage, que ce chantage vienne du milieu francophone ou qu'il vienne du milieu anglophone.

M. GUERTIN: Est-ce qu'il y a une réponse?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Sinon, je remercie le Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy pour sa présentation. J'invite immédiatement le Comité anglophone de Verdun et son porte-parole, Mme Maureen Rankin, à prendre place à la table, s'il vous plaît.

C'est bien Mme Rankin qui est le porte-parole du comité.

Comité anglophone de Verdun

MME RANKIN: Maureen Rankin and Mr McKeffrey will speak for us.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez bien nous présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

M. MCKEFREY: Mr President, this is a group composed of anglophone parents, protestant and catholic, of Verdun. On my right is Mrs Maureen Rankin, the leader of the catholic parents, and seated beside her is Mrs Sally Gumbley, the leader of the protestant parents. Mrs Orr, the school committee representative, and Mr Brendan Deegan is a representative from St. Thomas school.

Mr President, the circumstances of this appearance are quite unique, as far as I can see, and I understand, in the last half-hour or so, that the committee has not got copies of this letter in which the presentation is to be made. Oh! you have. Thank you very much. I thought you had not.

May I ask you, Mr President, if you would delete paragraph d) ans paragraph e) as I have advised the committee that they have absolutely nothing to do with bill 22.

M. CLOUTIER: Merci.

M. MCKEEFREY: I explained to the committee that paragraph d), the Official Language Act, only refers to those things within federal jurisdiction. Paragraph e), of course, is not a law at all, but a declaration which Canada has not signed.

If you have copies then, perhaps it would not be necessary for me to read through the letter or would it, Mr President?

M. CLOUTIER: Non, M. le Président. LE PRESIDENT (M. Gratton): Eh...

M. MCKEEFREY: No, because I know that you are pushed for time. But there are some remarks based on these that we would like to make.

First of all, I think it should be pointed out, Mr President, that Verdun, with its neighbours in Pointe-Saint-Charles and Saint-Henri, is one of the less affluent societies in Quebec. Therefore, we are inclined to look on all these things from a socio-economic point of view and we wonder why really there is a necessity for such a bill at the present time. Our people, because the poor have long memories, remember the hungry 30's, the sombre 40's, the dark night of the 50's, they remember the time when a colossus bestrode Quebec, and sold out our natural resources to foreign corporations with the lure of cheap labor — and it is this point of cheap labor that we are afraid — may very well happen again. We are concerned primarily with the right of the parent to choose the language of instruction for his child. We do not think that our people, our English-speaking people, nor our French-speaking compatriots should be deprived of the opportunity of being conversant in both languages.

Not only in both languages, but we would go much further, because Quebec is a very rich province with tremendous resources, with infinite potential, in the opinion of some of us, able in the future to sustain a population of 20 million people. We hope that our people will have relations with the Spanish-American countries, with Mexico, Cuba, Venezuela, Argentina, with Portuguese Brazil, etc. and that opportunities will be given for our technicians, our engineers, our chemists, our physicists to serve these countries and, at the same time, serve Quebec.

We remember the time when Quebec education turned out doctors, lawyers, nuns, priests, many of whom would have made, if they had had the opportunity, probably, they would have made better physicists, better chemists, better engineers than the job they did take, but then we were living in a static society and this is what I wish to point out, coercive measures which might have — and we see an element of coercion in this bill — worked in the static society of the thirties, forties and fifties, we do not think will work in a dynamic society of the sixties and the seventies and the eighties, on our approach of the 21st Century.

There are several matters of concern. We think bill 22 opens their way. Once you start chipping away at rights, on the right of the parent to choose the language of instruction for his child is now the law of Quebec. Once you start chipping away at any existing right, there is no knowing where it will stop and maybe, in ten years time, a very appropriate date, 1984, we may get an extremist government in power and the anglophone population may find themselves without either rights or privileges of any description. Who knows?

We will come to a situation, perhaps in the province, where we can say: Oh! Oh! citizens of Quebec are equal but some are more equal than others. Therefore we are quite concerned with this repeal of bill 63 and taking away the right of the parent because the causes which led to the passing of bill 63 are still there. We are not satisfied with the situation in St. Leonard. St. Leonard's situation has not been cleared up.

And who knows but that the passage of this bill lead to a dozen St. Leonards.

Also, we are quite concerned by an announcement on a radio station by the head of the governement, that the Anglophones are in favour of bill 22. This, I think, is a supreme example of double thinking. I have followed very closely the debates of the Anglophone peoples that have appeared here. In fact, I followed the debates of all in the English papers and in the French papers and I have not found any single group that has appeared before this committee which is totally and wholly in favour of the bill. There are objections for various reasons.

We are also concerned that the announcement is made even before these parliamentary hearings that this bill was going to be passed before the summer recess. Why then the hearings? If the hearings show that the population of Quebec was against this bill, then how could the bill be passed, unless the government is quite oblivious to the feelings of the people of this province? One of the fundamental things about politics, I think, which all politics should learn, as well as military strategists, is the golden rule "always leave your lines of retreat open". It seems to me that the government has no lines of retreat open.

This is the main trust of the Anglophones, Catholics and Protestants...

M. BOURASSA: If I could interrupt you just a moment.

J'ai entendu tantôt que vous aviez dit que j'avais dit à la radio que la majorité des anglophones approuvait le bill 22. Je me référais — et je pense que la plupart du temps ils se révèlent exacts — à des sondages qui disaient que 54 p.c. des anglophones étaient d'accord, beaucoup plus parmi les francophones, mais 54 p.c. des anglophones étaient d'accord pour que le gouvernement prenne des mesures coerci-tives pour qu'il y ait plus de francophones dans l'administration supérieure.

Ils étaient d'accord pour des mesures qui vont plus loin que le bill 22, parce que le bill 22 n'impose pas des mesures coercitives pour qu'il y ait plus de francophones dans l'administration supérieure, il impose des mesures incitatives, alors qu'il y avait 54 p.c.

Disons qu'il y a une erreur de 4 p.c. ou 5 p.c, c'est à peu près l'erreur maximale dans les sondages, cela veut dire qu'il y a une majorité ou presque une majorité de la part des anglophones qui veulent aller plus loin dans ce secteur particulier que le bill 22 lui-même.

M. CHARRON: Où avez-vous vu ce sondage, M. le premier ministre?

M. BOURASSA: Je peux vous en fournir une copie, M. le député. C'était écrit textuellement... D'ici une demi-heure, je pourrai vous donner le résultat du sondage.

M. CHARRON: Très bien.

M. BOURASSA: Cela a été rendu public.

M. MCKEEFREY: Mr President, Mr Prime Minister...

M. CHARRON: C'est parce que je me méfie de votre façon d'interpréter les sondages.

M. BOURASSA: Non, mais vous verrez que ce sont des chiffres... C'est 54.75 p.c. pour être précis.

M. CHARRON: Ah bon!

M. MCKEEFREY: The soundings must have been made in the wrong areas. Because I am quite sure...

M. BOURASSA: In the province of Quebec, I do not think it is in the wrong area.

M. MCKEEFREY: Well, they certainly were not made in Verdun or Pointe-Saint-Charles or Saint-Henri. I have no doubt that you will... I would like to meet them too, because I have no doubt that you will hear, if you ever hear anything from the more affluent areas of Outremont, the Town of Mount Royal and Montreal West, etc., I think it will be quite different from what you hear in Verdun.

Our other concern is in the language of work as it affects big corporations. You know, Mr President, they will get through any rule that you can put in to bill 22. They will have expensive company lawyers who will drive trucks through this bill. They will go through the motions. They will promote a few French-speakind people and they will satisfy you.

The other point that we do not like about the bill is the setting up, in our opinion, of a system of spies, people who can make complaints to the department. It is quite true that there are measures in the bill for the bureau that is set up to investigate these affairs. But we still do not like the idea of somebody pointing the finger. This is another road on the pathway to 1984, as far as we are concerned. I regret if the language is too strong. It has to be, because we are quite concerned that this bill is being rushed through, not enough consideration has been given to its socio-economic effects. We see in Verdun that there are more important things in the province: poverty, bad housing, malnutrition, inadequate medical care, etc. And many people have said, and I am relaying this to you because I happen to be a public representative in the city of Verdun, I am a school commissioner, lots of people phone me, talk to me, give me their soudings, I regret to say to you that they have said : This is like the days of ancient Rome, when the people asked for bread and they were given circuses.

Thank you, Mr President.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci. J'invite...

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai retrouvé le sondage en question, pour répondre au député de Saint-Jacques. C'est le sondage qui a été publié dans le Devoir. Pour donner le jour exact, c'était quand?

M. CHARRON: Le 9 juin.

M. BOURASSA: Le 9 juin. C'est là que vous aviez paru décontenancé à la radio après ce sondage.

M. CHARRON: Oui.

M. BOURASSA: C'est 53.5 p.c, la majorité des anglophones qui considèrent que le gouvernement devrait obliger, obliger les entreprises...

M. CHARRON: Ce n'est pas ce que fait le gouvernement.

M. BOURASSA: Non. C'est pour cela que je dis que cela va plus loin que le bill 22. Il y a 53.5 p.c. des anglophones qui disent que le gouvernement devrait obliger les entreprises privées installées au Québec à nommer un certain nombre de Canadiens français à des postes de direction. C'est pour cela que j'affirme que quand je disais que la majorité des anglophones étaient d'accord sur le bill 22... Certains de mes collègues ont peut-être une impression différente...

M. CHARRON: C'est vrai... Dans le même sondage, sur la même question, il y avait 71 p.c. des Québécois interrogés qui disaient que le gouvernement du Québec devrait obliger les entreprises à nommer un certain nombre de cadres francophones...

M. BOURASSA: II reste à voir si cela se fait en pratique.

M. CHARRON: Ce n'est pas ce que fait la loi 22.

M. BOURASSA: Non, mais c'est parce qu'il y a des problèmes...

M. CHARRON: Je me demande comment vous avez pu, le même jour, prétendre que c'était un appui au projet de loi 22.

M. BOURASSA: Non, mais c'est parce qu'on fait beaucoup et il y a plusieurs de nos collègues qui se posent des questions là-dessus, des collègues anglophones qui disent: On paie des taxes comme tout le monde. Comment cela se fait-il qu'on n'est pas sur le même pied que tout le monde dans ces choses? Evidemment, si le gouvernement n'agit pas là-dessus pour rétablir l'équilibre, pour corriger le déséquilibre actuel, quand on sait qu'il y a 80 p.c. des postes de cadres supérieurs ou intermédiaires qui sont détenus par des non francophones, si le gouvernement n'agit pas, même si je comprends très bien la question de plusieurs de mes collègues qui disent: Nous sommes des citoyens de première classe pour payer les impôts, pourquoi ne pourrait-on pas en bénéficier comme tout le monde, dans le contexte nord américain, si le gouvernement, avec la responsabilité très particulière qu'il a vis-à-vis de cette question, s'il ne fait rien, qui va le faire?

C'est ce qui nous justifie de prendre des mesures incitatives très fortes. Mais, concrètement, pour appliquer l'obligation, il y a des problèmes concrets d'application qui nous empêchent de proposer... Qu'est-ce qu'un francophone? En tout cas, on pourra en parler à l'occasion du débat en commission plénière. Le député de Saint-Jacques va probablement arriver avec des amendements. Je suis convaincu qu'on pourra démontrer que son amendement est inapplicable. Mais je veux simplement dire qu'on va quand même très loin et qu'une majorité d'anglophones sur cette question serait d'accord pour qu'on aille plus loin si cela pouvait se faire en pratique.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Je remercie The English Parents of Verdun pour la présentation de leur mémoire. J'ai écouté cette présentation avec beaucoup de sympathie, avec autant de sympathie que j'ai écouté la présentation précédente qui arrivait avec des vues diamétralement opposées. Je pense que je retrouve dans ce mémoire les prises de position qui ont été faites par plusieurs groupes anglophones et je me considère, là encore, et pour les mêmes raisons que dans le cas du groupe précédent, suffisamment informé. Je n'ai pas, pour le moment du moins, d'éclaircissement particulier à demander.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Je remercie également The English Parents of Verdun. J'ai deux questions à vous poser avant d'entrer dans le contenu de votre mémoire. Est-ce que ce groupe qui s'appelle English Parents of Verdun a été constitué pour et aux fins de faire entendre une position unique sur le projet de loi 22? Est-ce que c'est un groupe qui a été créé parce que vous sentiez le besoin de venir vous expliquer?

M. MCKEEFREY: Mr President, it is an ad hoc committee, actually, to present a "mémoire".

M. CHARRON: Je ne vous en fais aucun reproche. Au contraire. Hier, au moment où des gens de la ville de Saint-Laurent s'étaient

regroupés pour faire entendre leur position, nous avons salué ce phénomène. C'est normal que, lorsqu'on a quelque chose à dire sur un projet de loi, on se regroupe avec des gens pour faire entendre des opinions plutôt que de rester isolé chez soi.

La deuxième question que j'ai à vous poser est la suivante. Votre mémoire prend la forme d'une lettre, à votre député, M. Lucien Caron, 3572 Wellington, à Verdun, datée du 10 juin. Est-ce que votre député vous a répondu?

M. MCKEEFREY: Yes.

M. CHARRON: Est-ce qu'il a pris position sur vos demandes ou ne s'agissait-il que d'un accusé de réception poli et courtois?

M. MCKEEFREY: No. Mr Garon invited the parents to present their position before this committee.

M. CHARRON: Est-ce que M. Caron vous a dit s'il appuyait vos demandes ou s'il s'engageait à les défendre à l'Assemblée nationale au moment du débat sur le projet de loi?

M. MCKEEFREY: Mr Caron listened to the presentation of the parents. He said he understood their position but, naturally, he did not give his own position. He invited us to appear before the Parliamentary Committee.

M. CHARRON: Pourquoi dites-vous que, "naturally", il n'a pas donné sa position?

M. MCKEEFREY: Naturally is my word. I am sorry. I withdraw it. I was once a politician.

M. CHARRON: C'est parce que le député de Verdun est pris entre deux feux actuellement et je me demandais lequel le brûlait le plus. C'était exactement pour savoir... Enfin, peut-être aurons-nous des surprises au moment de l'étude en deuxième lecture.

Vous avez retiré de votre mémoire les paragraphes d) et e) qui, vous vous en souvenez, ont été démolis à certaines occasions. Vous avez bien fait. Dans le paragraphe a), vous reprochez au bill 22 de... Vous nous dites: "It assumes (in preamble) that "it is incumbent" on the Quebec Government to ensure the pre-eminence of the French language". Est-ce que vous contestez cette affirmation dans le préambule... Je ne sais pas comment... Il faut vérifier parce que ce n'est pas la même traduction en français et en anglais dans le préambule. Alors, aussi bien voir comment on a essayé de rendre cela en français. On dit: "Attendu que la langue française constitue un patrimoine national... et qu'il incombe..." — c'est la traduction littérale cette fois — "... au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour en assurer la prééminence et pour en favoriser l'épanouissement et la qualité". C'est plus fort encore en français qu'en anglais. C'est normal aussi.

Est-ce que vous contestez cela? Est-ce que vous contestez le fait qu'il incombe au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour assurer la prééminence du français?

M. MCKEEFREY: Mr President, I can answer, first of all, point 1 : It is incumbent on the government of Quebec to protect the rights of all its citizens. It is the government of all the citizens of Quebec. Number 2: We would agree as, I believe all the anglophones, who have appeared before this committee, have agreed, that there should be two official languages in Quebec. But Quebec is a French province... No doubt about that, therefore French is a priority language. And there is no doubt about that. But to the general tone of the question, I say it is incumbent on the Government to look after all its citizens.

M. CHARRON: D'accord, il est le gouvernement de tous les Québécois, mais puisque nous traitons d'un problème bien particulier, c'est la sécurité culturelle des francophones, ce n'est pas la vôtre qui est mise en danger. Vous avez le continent pour vous appuyer. C'est la nôtre. Est-ce que vous contestez le fait que de tous les outils politiques dont peuvent se prévaloir les francophones du Québec, le plus important, de qui il doit attendre une action vigoureuse et ferme, c'est son propre gouvernement, le seul qu'il puisse espérer contrôler et qu'il contrôle effectivement en majorité, alors qu'avec l'autre, nous serons perpétuellement une minorité.

M. MCKEEFREY: Mr Charron, the difficulty is, of course, over the interpretation of how it should be done. We do not think it could be done, the preservation of French culture and language is best done by coercion. We think there are plenty of measures that the Government could take in order to strenghthen the French language and culture.

M. CHARRON: Oui. Même ces mesures que vous souhaitez non coercitives, proprement incitatives, mettons, est-ce que vous admettez quand même que de toutes les autorités imaginables, c'est d'abord du gouvernement du Québec qu'on doit attendre ces mesures? Qu'elles soient coercitives ou incitatives, c'est une discussion que nous pouvons avoir après, mais est-ce que vous ne reconnaissez pas que c'est de ce gouvernement que la majorité peut espérer une action, de ce seul gouvernement, je dirais, que la majorité peut espérer une action?

M. MCKEEFREY: Well, you are posing actually a legal question, which I do not think I am competent to answer. I could answer with all the sympathy in the world, but I cannot answer legally, but I would give you an example of what happened in a country which regained its independence of semi-indepedence from England, they have started to revive the nation-

al language by coercion. In other words, you could not get a job in the civil service, so in the schools — I am talking about Ireland — unless you learned Gaelic. This is all very fine, you see, because in the first clutch of independence, the people there did away with the symbols of the monarchy, they painted their mailboxes green, instead of red. They introduced the language, they put up all the road signs in Gaelic. But then the harsh reality dawned on them after a few years that their best customer, was England. So, there had to be second thoughts on that. And in the past couple of years, that provision of compulsary Gaelic has now been repealed. I remember when I was at school, we had three languages to learn, English, French and Gaelic. French, because of course, of our associations all through the history of France. But we had the three languages.

M. CHARRON: J'ai une dernière question. Vous m'avez donné l'occasion de vérifier une chose. A l'article 36 du projet de loi 22, le gouvernement affirme que la personnalité juridique ne peut être conférée, à moins que la raison sociale adoptée ne soit en langue française. Il y a, bien sûr, l'exception traditionnelle à chacun des articles. Les raisons sociales peuvent néanmoins être accompagnées d'une version anglaise. Quand même, le ministre a défendu cet article, à d'autres occasions, en disant que c'était la primauté du français et que le gouvernement favorisait les raisons sociales françaises. Pourtant vous nous faites remarquer au paragraphe f), de votre mémoire, quelque chose d'à peu près invraisemblable. L'article 61 dit en français: il est institué une régie de la langue française. L'article 61 en anglais dit: A French language board is established. Le gouvernement n'a même pas jugé bon de s'en tenir à l'unilinguisme français comme l'article 36 le lui permettait pour que la Régie de la langue française n'ait qu'un nom, et en français "la Régie de la langue française".

Voyez-vous cela à Montréal un panneau-réclame avec un néon: Régie de la langue française, French Language Board en dessous? Le gouvernement est allé à l'absurdité jusqu'à inscrire à l'article 61, une version, un titre anglais, une raison sociale anglaise pour la Régie de la langue française. C'est le bout du bout. Après cela, il ne reste plus grand-chose.

M. MCKEFFREY: M. Charron, we look on the subsidies to these firms, many of whom will not need them. We look on them as bribery. I would rather see the English students in the schools bribed in order to become more professional in the French language.

M. CHARRON: Merci, monsieur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Sainte-Anne.

M. SPRINGATE: Mr Speaker, I would like to welcome the group this morning and thank them for participating in democracy as parents. I know the procedures that they went through to gather their information and to be before us this morning and I would like to compliment them and once again congratulate them for having participated. There are a few points, however, that I would like to mention. Number one, I think like you, I would like to see that 53.3 p.c. that my leader spoke off, also — I do not want to get into any debate here with him but I thought it was quite noteworthy that that was the only article of the survey that he managed to hit upon and I have not seen any of those 53.3 p.c. —. We will not get into that here.

Things that bother me about bill 22 seem to hit you in exactly the same fashion. I too worry about the lack of mobility that possibly this bill could create and I would like you to explain, if you could, what you mean by your paragraph P).

M. MCKEEFREY: What we mean by that paragraph p) is this will be one of the effects of the bill that since many and particularly the French-speaking population, will not have the resources to have their children instructed in English; this will be a privilege of the rich who could still send their children to private schools to English or American universities, they will be all right. This bill will not faze them one bit. But what about the guy who has to live on $100 or $120 a week? How is he going to get the resources to have his child educated in English and if he is unilingual he is a captive in the province of Quebec. If he wants to move south to Vermont or New York or West, then he is unable to do so. He will not even be able to read at the announcement of jobs that are available and openings that are available to him in his own particular skill or technique in order to take advantage of this. Now, since he will be a captive in the province of Quebec, the big corporations will say: Ah! We now have plenty of cheap labor. We are back to what we were in the fourties and fifties. And this, of course, will be reflected in more trouble in the province, more labor trouble, more problems in the construction and other medium skilled industries because, as I pointed out, what we could do in the thirties, we could keep the people quiet because it was a static society. It is no longer a static society, it is a dynamic society. This has been proved by events all over the world.

M. SPRINGATE: One of the things you are talking about, the lack of mobility facing a certain sector of this population, do you find right now, that in your schools, and we can also add the schools of Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri, Little Burgundy, that French is being taught in a sufficient manner or with a

certain quality which permits children graduating from the schools to compete in a Quebec market which more and more, if bill 22 is passed, will have basically one official language.

My fears, and I would like to hear your views on this, is that because of the lack of adequate teaching of French in English schools, English-speaking children will be at a terrible disadvantage.

M. MCKEEFREY: Well, I have had, of course, a long experience in education and I can say that the teaching of French in English schools could not be at a lower stand as it is and has been, for the past, thirty years, anyway. Oh, yes, our children are more provisioned in passing an examination in French grammar, they can conjugate, they know the rules of syntax but they cannot speak French. My own children, after spending eight years in English-speaking schools, cannot speak a word of French. Now, of course, there is something wrong with this system. Therefore, the children in the English language schools will certainly be at a state of disadvantage, should there be only one official language in Quebec.

M. SPRINGATE: I take it from your presentation and from the area where we come from, that you have no hesitation in stating that Quebec is a predominantly French province.

M. MCKEEFREY: Oh no, not at all!

M. SPRINGATE: No hesitation in that, you find no hesitation either in admitting that the French language must be protected; the way we disagree, I think, is in the manner in which the protection has been brought above that. Fine. Could you then explain what you mean by article c) in your recommendations, please?

M. MCKEEFREY: Yes, I read this last night when I saw this paragraphe and here it says: "It is the function of each school board, regional school board and corporation trustees to determine to what class, etc., the child is assigned." Article 41 says: "The minister of Education may, however" —this word, however, is very significant here, as cancelling out the previous paragraph — "in accordance with regulations sets tests to ascertain that the peoples have sufficient knowledge of the language". Now, either this is the function of the school board or is it the function of the minister of Education? And as a member of school board, I can say that the powers of the school boards are being gradually whittled down until that... well, they are practically non existant at the present time.

M. SPRINGATE: No, I do not want to get into article c) of your letter but article c) of your recommendation. You and I are on the same wave-lengths on article c) of your letter. I do not think that we have to get into that.

One of the worries that I have is that because Quebec more and more, is becoming a French province and I have not found too many English-speaking people basically to deny that fact or to disagree with that, but the disagreement comes in, that proper opportunities are not being given for English-speaking people to become bilingual. We are shooting a bundle according to certain people in the schools and not doing the job, but what about those who have to compete in the French market and they are not given an opportunity because they graduated from school five or ten years ago and there is no place for them to go save private institutions and that means that unless they have the funds, they cannot go? Is that what you mean by article c)?

M. MCKEEFREY: Yes. This is but you see, government crash courses is in French. There would be a great deal of planning that has to be done there because crash courses again, are not always, sometimes, of permanent value. The best course in French and I found this because I was privileged to meet — with my job of secretary general of Provincial Association of Catholic Teachers — many school commissionners through the province, it is a part of my job to talk to them, and quite the majority of them spoke English very well.

I was very interested as to where they learn English and, on a number of occasions — I think in six or seven school commissions I asked each of the members — I pointed out what I want to know, I said: Did you learn your English at school or did you learn it on the street? And I can tell you that everyone of them said: We learned it on the street, through association with English-speaking people.

I have always advocated that there should be a greater association with English-speaking students; there is no reason why there should not be exchange of classes between English school and French school for certain periods, that the English kids meet the French kids, vice versa, and talked to them. And I think that is the only way in which you can be professional in spoken language.

M. SPRINGATE: Just the last point, you mentioned that you have discussed your presentation with the member from Verdun. As you know, I also represent ward number I of Verdun and I can assure the member from Saint-Jacques that the member from Verdun and I will certainly represent the views of this group that we have heard this morning before, not only the Liberal caucus, but in the House when need be, and I know this group knows, as does every resident of Verdun, that their local member in the other wards of Verdun

represents them to the Nth degree, I would like to thank you, once again, for your presentation; I enjoyed your views and rest assured that they will be defended.

M. CHARRON: Cela en fait un de plus.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Sinon, au nom de la commission, je vous remercie mesdames et messieurs de votre présentation.

M. MCKEEFREY: Thank you, Mr President, for your courtesy and consideration.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je demanderais aux membres, et à tous ceux que cela intéresse, de noter que la commission siégera cet après-midi à compter de trois heures, c'est-à-dire quinze heures, et que les groupes que nous avons nommés ce matin comparaîtront dans l'ordre et le premier sera le Groupe des citoyens de Limoilou.

La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

Reprise de la séance à 15 h 10

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

J'invite le groupe de citoyens de Limoilou, et leur porte-parole, M. Paul-Edmond Lalancette. Vous êtes bien M. Lalancette?

M. LALANCETTE: Oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous invite à nous présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît. Je vous prie de noter que vous disposez de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, après quoi suivra une période de questions de 40 minutes.

Groupe de citoyens de Limoilou

M. LALANCETTE: Merci. Je vous présente à ma droite, Mlle Christiane Simard, et, à ma gauche, M. Pierre Roberge.

Nous avons décidé de présenter un mémoire, après quelques lectures du projet de loi 22, parce que nous trouvions qu'il ne tenait pas tellement compte de résultats antécédents tirés de statistiques du rapport Gendron et du recensement de 1971 que nous avions lus dans la plupart des journaux. Nous avons donc touché seulement à quelques articles qui nous frappaient le plus et qui semblaient d'un grand illogisme.

Le projet de loi 22, ou la loi sur le "bilingriffe". Ce que contient la tordeuse. Une incohérence flagrante entre le premier attendu et les articles de la loi. Le premier attendu se lit comme suit: Attendu que la langue française constitue un patrimoine national que l'Etat a le devoir de préserver et qu'il incombe au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour en assurer la prééminence, etc. L'article 9: Les organismes municipaux et scolaires, dont au moins 10 p.c. des administrés sont de langue anglaise et qui rédigent déjà leurs textes et documents officiels à la fois en français et en anglais, doivent continuer à le faire. En pareil cas, les deux versions sont authentiques.

L'article 54: La version française des textes et documents visés par la présente loi doit ressortir ou à tout le moins figurer d'une manière aussi avantageuse que toute version dans une autre langue.

Où est la prééminence, quand seulement 10 p.c. d'administrés anglophones ont autant de droit que les 90 p.c. de francophones et quand la version française n'est pas tout aussi avantageuse? On retrouve encore la même formulation à l'article 38, qui parle des raisons sociales. 2. Des services professionnels indirects, comme les formulaires et les lettres, pourront être effectués toujours en anglais, par des professionnels non québécois, car la loi leur

permet d'exercer dans des fonctions n'entraf-nant pas de contacts directs avec le public. C'est ce que permet l'article 23. 3. Dans la langue de travail, domaine qui nous touche de plus près et plus souvent, la loi permet que les conventions collectives et les négociations s'effectuent exclusivement en anglais pour un groupe de syndiqués bien que les membres de l'association soient en majorité francophones puisqu'il suffit qu'une assemblée "paquetée" en décide ainsi en la majorité de ceux qui sont présents.

Les articles 26 et 29. Il en est de même pour les griefs en arbitrage et les actes de procédure à l'article 29. 4. De plus, on y trouve un irrespect flagrant des contribuables puisque l'article 35 b) ne précise même pas le pourcentage de la présence des francophones que toute entreprise devrait accepter dans son administration, bien que le rapport Gendron — il y a une correction à faire, ici, j'ai écrit le rapport Parent, mais c'est une erreur — ait démontré, par une enquête coûteuse que plus de 70 p.c. du personnel des sièges sociaux de Montréal sont anglophones. 5. Quant au certificat que peut exiger d'une entreprise, à l'article 33, le lieutenant-gouverneur en conseil, qu'est-ce qui nous garantit que les règlements non dévoilés seront adéquats et que les compagnies ne feront pas de marchandage, de chantage et de patronage auprès du cabinet des ministres? Il en est de même pour les subventions que le ministre peut accorder aux entreprises à l'article 31 : II suffit que ces dernières menacent de retirer leur contribution à la caisse électorale ou d'annuler un projet d'implantation d'usine pour que cette loi ne soit que des voeux pieux. 6. Quant à la langue d'enseignement, tout est encore entre les mains du ministre. Où est l'autonomie des commissions scolaires et des corporations de syndics? Ils ne peuvent cependant ni commencer, ni cesser l'enseignement en cette langue sans l'autorisation préalable du ministre de l'Education. C'est ce que dit l'article 48. 7. Quand va-t-on cesser d'accorder des privilèges individuels aux parents en leur permettant d'envoyer leurs enfants à l'école de leur choix, alors que les droits de la collectivité francophone ne sont même pas sauvegardés? Pour se convaincre de la menace de survie de français au Québec, il suffit de regarder les conclusions tirées depuis la mise en application du bill 63 et de se référer aux statistiques du recensement de 1971. Le bilan des transferts linguistiques se lit comme suit: 99,000 anglophones de plus contre seulement 3,700 francophones. En outre, la zone d'anglicisation renfermait en 1971, 63 p.c. de la population québécoise alors que celle de la francisation, seulement 37 p.c.

L'article 49 laisse autant de choix qu'avant, puisqu'une connaissance suffisante de la langue d'enseignement peut facilement s'acquérir en jouant dans la rue.

Nous voudrions ajouter une constatation encore plus frappante. Aux articles 26 et 29, les griefs en arbitrage et les négociations pourront s'effectuer en anglais, pourvu qu'un groupe de gens assistent à une assemblée et en décident ainsi, bien que peut-être 60 p.c. ou 70 p.c. de l'association accréditée pourra être formée de francophones. Ceci veut dire que non seulement la loi officialise l'anglais plutôt que le français, comme elle le dit. A l'article 9, elle officialise l'anglais, en ce sens que seulement 10 p.c. d'anglophones peuvent, dans les organismes municipaux et scolaires, avoir le choix entre les deux langues.. Tandis qu'une association accréditée n'a même pas le choix, bien qu'elle soit formée de membres en majorité de langue française, il faut qu'elle soit en majorité lors des assemblées. Ce qui veut dire que loin d'officialiser le français, on officialise plutôt l'anglais.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que cela complète votre présentation? Je vous remercie et j'invite le ministre de l'Education à prendre la parole.

M. CLOUTIER: Je remercie le Groupe de citoyens de Limoilou de la présentation de son mémoire. Je note d'ailleurs que ce mémoire est présenté sur un ton pondéré et qu'il tente de faire une critique positive du projet de loi, même s'il n'y a pas un accord de principe au départ. Je tiens à le souligner, parce que je crois que c'est justement de cette façon qu'on peut avoir un dialogue dans une démocratie. Est-ce que je pourrais savoir tout d'abord combien de citoyens vous représentez? A peu près?

M. LALANCETTE: Nous étions un groupe d'amis et de voisins lorsque nous avons fait le mémoire. Nous étions six. Nous n'avons pas honte de le dire. Les six ont signé.

M. CLOUTIER: Six. Le Christ en avait douze. Six, c'est aussi important que d'autres. Je ne vous demande pas cela pour tenter de diminuer la valeur de votre témoignage.

Vous étiez donc six. Parfait. Je ne commenterai pas chacun des points que vous soulevez, parce que beaucoup de ces points sont intéressants. Je crois que, lors du véritable débat qui aura lieu, comme il se doit, à l'Assemblée nationale, je pourrai vous apporter des assurances de ce point de vue. J'ai déjà dit d'ailleurs que l'article qui touchait les subventions serait supprimé. J'ai déjà fait état de plusieurs amendements.

Je vais faire un seul commentaire parce qu'il porte sur l'interprétation que vous donnez justement, dans la rédaction actuelle, sur les griefs. Ce texte a été négocié avec le conseil consultatif du travail et il y aura une modification qui va faire en sorte que c'est l'association accréditée qui va choisir la langue et non la majorité de l'assemblée. Vous avez parfaitement raison. Il y avait là quelque chose qui n'était certainement pas dans la logique du projet de

loi, mais comme il ne s'agissait pas là de décisions gouvernementales, il s'agissait de négociations, c'est la raison pour laquelle le premier texte a été fait de cette façon. Mais lors de la discussion, article par article, ces dispositions, qui apparaîtront dans le code du travail, seront dans le sens que je viens de vous indiquer. C'est simplement le commentaire que je voulais faire. Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Roberge.

M. ROBERGE: Un simple commentaire sur ce que vous venez de dire. Même si c'est l'association, plutôt que les membres de l'assemblée générale, qui choisit la langue de négociations, de griefs ou autres, cette association pourra choisir la langue anglaise et elle pourra représenter 15 p.c, 20 p.c., 25 p.c, 40 p.c., 45 p.c. ou même 50 p.c. de francophones qui devront avoir des négociations, une convention collective en anglais même si on leur assure, par rapport à la convention collective, une version.

M. CLOUTIER: Je crois qu'il faudra attendre le débat et la façon dont nous voyons les choses, c'est que le débat se fera lors de la présentation des amendements du code du travail. Je suis convaincu qu'on pourra vous apporter tous les éclaircissements nécessaires. Il est bien évident que, s'il y a une majorité d'anglophones, à ce moment-là, c'est le choix de la langue anglaise qui a des chances de prédominer et, s'il y a une majorité de francophones, ce sera la langue française qui prédominera.

Je me suis donc contenté — ce que je ne fais pas d'habitude, parce que, encore une fois nous sommes là pour vous écouter et vous demander des éclaircissements — de faire simplement une remarque générale parce que je trouvais que vos critiques étaient constructives.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Merci également au groupe de nous avoir présenté ce mémoire. Votre remarque sur l'amendement que le ministre entend apporter est aussi très constructive, il me semble, autant que l'ensemble du mémoire. Vous avez parfaitement raison de dire que l'injustice que vous dénonciez dans la rédaction actuelle de l'article 29, ne sera que partiellement disparue avec l'amendement annoncé par le ministre puisque effectivement l'association, même si elle compte jusqu'à 49 p.c. de francophones à l'occasion, pourra décider de négocier et de ne le faire qu'en anglais. Alors, vous avez parfaitement raison de souligner qu'on a pris toutes les précautions voulues à l'article 9 pour s'assurer que, dans les municipalités, 10 p.c. d'anglophones suffiront à exiger que la municipalité soit bilingue.

M. CLOUTIER: M. le Président, ce n'est pas exact. Là encore, cela montre bien le danger de commencer une discussion. Il s'agit là d'un régime particulier qui porte uniquement sur les documents parce que ceci relève des communications individuelles. Ces municipalités ne seront pas bilingues du tout, mais elles devront publier leurs documents et communications officielles aussi en anglais, à cause du fait qu'une minorité a droit à des communications individuelles dans sa langue, étant donné l'approche que nous avons choisie. Il y a une différence, parce que c'est ce qui se produit au niveau de l'ensemble du Québec, actuellement. Les documents, les lois sont publiés en français et en anglais parce qu'il y a une minorité importante d'anglophones et la seule raison de ce régime particulier dans des municipalités est de rendre justice aux individus. Cela n'en fait pas des municipalités bilingues.

M. CHARRON: Oui, encore une fois, cette précision n'éclaire en rien l'article 9. Bien sûr, il s'agit des documents officiels, des communications qu'une municipalité pourra entretenir avec chacun de ses citoyens, mais il suffira, par exemple, qu'une municipalité de Montréal, toutes les municipalités de l'île de Montréal, à l'exception de Saint-Jean-de-Dieu, aient ces 10 p.c. d'anglophones. Ce qui veut dire — et vous avez raison de le souligner à l'article 9 — que pour tous les documents émanants des municipalités, comptes de taxes, avis d'élection au poste de conseiller, convocation à une assemblée ou à un référendum, explication d'une politique municipale, s'il se trouve un anglophone pour dix francophones, cela suffira pour mettre sa langue égale à celle du français dans les textes qui vous seront communiqués. Bien sûr que nous parlions des documents officiels, mais il y a aussi une autre disposition de la loi 22 qui dit que la délibération pourra se faire dans les deux langues, ce qui veut dire que les séances du conseil de ville, si vous êtes unilingue francophone, vous allez en manquer des bons bouts parce qu'il est permis, dans les délibérations, à chacun... S'il se trouve, comme dans Westmount, une majorité de citoyens anglophones, ils travailleront dans leur langue, ils auront le droit de fonctionner dans leur langue parfaitement et, si, vous, vous êtes unilingue francophone, vous allez vous rendre aux séances du conseil de ville, vous pourrez ne pas comprendre un traître mot. Vous êtes pourtant chez vous, au Québec. Vous avez raison de souligner cet article 9.

Le ministre a souligné que c'était le statu quo, en fait, que cela existe dans les municipalités, et c'est vrai. En vertu de l'article 391 de la Loi des cités et villes, la réglementation de toutes les cités et villes doit être rédigée et promulguée dans une seule des deux langues officielles, mais la situation des petites municipalités régies par le code municipal est différente. L'article 129 stipule que dans toute municipalité pour laquelle il n'existe pas d'arrêté en conseil à cet effet, les règlements

devraient être publiés dans les deux langues, sans exemption, la publication d'un règlement en une seule langue la rendrait illégale. Ceci a d'ailleurs été ratifié.

Selon le ministère des Affaires municipales, sur un total de 1,459 municipalités rurales de comté, 827, dont 807 municipalités rurales et 20 municipalités de comté, avaient obtenu une dispense de publication de leurs avis en anglais, 87, dont 81 municipalités rurales et 6 municipalités de comté avaient obtenu l'autorisation de n'utiliser que l'anglais. Il reste 545 municipalités qui, n'ayant pas obtenu de dispense, devaient publier leurs règlements dans les deux langues. Quant aux cités et villes, les chiffres ne sont pas disponibles, mais à Montréal, tous les règlements sont publiés dans les deux langues.

Ces 545 municipalités, vous avez raison de le souligner, en vertu de l'article 9 puisqu'elles le font déjà, devront continuer à le faire.

Je voulais vous demander si votre groupe s'est penché sur la question de la langue d'enseignement, lorsque vous avez eu vos discussions et quelle solution — j'imagine que vous, comme bien d'autres, trouvez inacceptable le chapitre V de la loi 22 — ou quelle recommandation vous pourriez nous faire avant que nous entreprenions l'étude, à l'Assemblée nationale, du projet de loi, sur ce chapitre.

M. ROBERGE: D'abord, on peut partir de la constatation que j'ai eu à faire cette année, en tant qu'enseignant — je suis professeur de religion à Québec — au sujet du passage de francophones au secteur anglophone à Québec, à la Commission des écoles catholiques de Québec, qui mentionnait qu'en septembre 1969, à l'école secondaire Saint-Patrick de Québec, il y avait 37 p.c. de francophones, c'est-à-dire d'enfants qui déclaraient comme langue maternelle le français. En septembre 1973, cette année, il y en avait 61 p.c. de ces enfants qui déclaraient avoir comme langue maternelle le français. Cette hémorragie vers le secteur anglophone, selon nous, doit être limitée le plus possible au point de départ. De quelle façon? On s'est dit, entre autres, puisque l'Opposition, actuellement, prône une limitation du nombre de places dans le secteur anglophone, que, certainement, dans un premier temps, il valait mieux se rallier, afin d'avoir une opposition qui se tienne, qui ne soit pas divisée, qui soit unifiée à cette position, afin de limiter le plus possible les transfuges. Par la suite, bien sûr, si ce n'est pas suffisant, il s'agira peut-être de voir ce qu'on pourra faire.

M. CHARRON: Quand vous signalez cette position que le Parti québécois a défendue, je vous demande, tout simplement: Est-ce que c'est la vôtre également ou si vous favorisez plutôt la disparition du secteur public anglophone?

M. ROBERGE: A l'heure actuelle, c'est l'opinion qu'on partage.

M. CHARRON: Vous faites allusion également, à un autre endroit de votre mémoire, à la possibilité — vous n'êtes pas non plus le premier groupe à le faire — de patronage, de marchandage qui pourrait exister quant à l'application de la loi qui concerne le monde des affaires, le monde du travail. J'aimerais que vous explicitiez plus que vous ne l'avez fait dans votre mémoire cette indication que vous nous donnez.

M. LALANCETTE: Disons que nous n'avons pas de preuve explicite que ça se produit, quoiqu'il y ait eu une enquête approfondie effectuée en février — ç'a été publié en février dernier — dans le Soleil, à propos de Place Royale. On a vu jusqu'où le patronage pouvait aller parce qu'on avait révélé, dans cette enquête, qu'il y avait eu pour $4 millions de contrats donnés à des protégés, à des entrepreneurs, etc. Peut-être même que ça permettrait au député qui disait ce matin que, s'il savait que son parti politique était à ce point financé par les autres, il démissionnerait... Ce serait peut-être le temps qu'il démissionne s'il a pensé à ça ou s'il l'a lu. Je parle de M. Veilleux qui est député de Saint-Jean.

M. CLOUTIER: Répétez donc ce que vous venez de dire.

M. SAMSON: L'heure est venue!

M. VEILLEUX: Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Je n'ai pas du tout dit ça ce matin. J'ai tout simplement dit à un représentant qui était ici, qui employait le genre chantage et menace, que moi, je n'accepterais pas de faire partie d'un gouvernement qui agirait ou qui gouvernerait par menace ou par chantage, que ça vienne du milieu francophone ou du milieu anglophone. C'est ce que j'ai dit et je le répète.

M. LALANCETTE: Pourquoi donne-t-on des contrats à des protégés des ministres? Est-ce que ce ne serait pas parce que les compagnies, quand vous ne leur donnez pas suffisamment de contrats, s'organisent pour vous talonner?

M. VEILLEUX: Le point que vous soulevez n'est pas pertinent au débat.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! J'invite le député de Saint-Jean, non pas à répondre aux questions, mais à en poser quand ce sera son tour. Pour le moment, c'est le député de Saint-Jacques.

M. VEILLEUX: M. le Président, je voulais tout simplement dire que ce n'est pas pertinent

au débat, mais que ça me ferait plaisir d'en discuter n'importe quand avec monsieur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Je m'excuse d'interrompre une conversation aussi intéressante. J'aimerais vous demander, vous êtes des citoyens de la ville de Québec, si, pour vous, les dispositions de la loi qui concernent l'affichage dans les deux langues, comme citoyens de la ville de Québec qui est indubitablement française, vous apparaissent acceptables ou si vous souhaiteriez, dans le domaine de l'affichace et de l'environnement culturel des Québécois, un unilinguisme français?

MLLE SIMARD: Je peux répondre à cette question. Moi, je trouve que si l'affichage est dans les deux langues, ça crée tout de suite une ambiance de ville bilingue, donc non pas de ville française uniquement, en tout cas, à tendance française. Quand on va dans un endroit, on voit les affiches en anglais et en français, on dit tout de suite: On peut parler en anglais, tout est bilingue au pays.Moi, je préférerais de beaucoup avoir un affichage, etc., en français uniquement.

M. CHARRON: C'est une ville qui vit beaucoup du tourisme, on le sait.

MLLE SIMARD: Oui, mais s'ils viennent au Québec, c'est parce que c'est français, à ce moment-là.

M. CHARRON: Voilà, il y a des gens qui ont prétendu...

MLLE SIMARD: Sans ça, ils iraient en Ontario ou ailleurs.

M. CHARRON: ... et même du côté ministériel, que ça pourrait nuire économiquement aux villes que de s'adonner à un unilinguisme français. Comme on a beaucoup de touristes, il faut littéralement se vendre aux touristes et afficher le plus possible en anglais pour les dépayser le moins possible. Est-ce que vous considérez, vous, comme Québécoise, de la capitale des Québécois, que ça pourrait porter un tort à votre ville et à l'essor économique de la région de Québec si l'Assemblée nationale décidait que, désormais, il n'y a que de l'affichage en français?

MLLE SIMARD: Je ne suis pas économiste, mais je ne le penserais pas. Ce que les touristes recherchent, c'est quelque chose de typiquement québécois français. Sans ça, mon doux Seigneur, ils se visiteraient entre villes aux Etats- Unis ou ils iraient dans le Canada anglais. Il me semble qu'ils cherchent quelque chose de particulier, je ne pense pas que ça nuirait au tourisme. Je n'ai jamais vu quelqu'un me dire:

Bon, je veux l'affichage en anglais, sans ça, je ne viens pas au Québec.

M. CHARRON: Croyez-vous que si le Hilton était annoncé en français, ça ferait baisser les affaires de Hilton?

M. LALANCETTE: Je voudrais répondre là-dessus, parce qu'il y a eu une autre étude faite par le gouvernement du Québec, très récemment, sur l'apport touristique et quelle est la valeur de notre industrie touristique. Cette étude donnait les deux principales causes qui attiraient les gens — surtout les Américains et les anglophones des autres provinces — le paysage de notre province et la culture unique en Amérique du Nord. Cela a paru dans le Soleil, je ne me souviens pas quel jour.

M. CHARRON: Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais, à mon tour, remercier les membres du Comité des citoyens de Limoilou d'avoir présenté à cette commission un mémoire. A une question du ministre tantôt, vous avez répondu que vous étiez six lorsque vous avez préparé le mémoire. Est-ce que je dois comprendre que votre comité est composé seulement de six membres ou s'il y en a d'autres et que vous étiez six au moment où vous avez fait la rédaction?

M. ROBERGE: Justement, il serait peut-être bon, tout de suite, d'enlever une équivoque. Lorsque le mémoire a été porté ici, je ne sais pas si c'est Paul-Edmond lui-même qui a demandé qu'on inscrive les citoyens de Limoilou ou si c'est le secrétariat qui a préparé les documents que vous avez reçus.

M. LALANCETTE: On avait écrit: Un groupe du populo de Limoilou.

M. SAMSON: Ah bon!

M. ROBERGE: Mais justement, il ne s'agit pas d'association, il ne s'agit pas de groupe officiel ou officieux, on est des voisins, des amis qui se sont réunis comme on a l'habitude de le faire, mais un soir, entre autres, pour étudier le projet de loi 22. Et nous avons envoyé ça. Nous sommes tous de Limoilou, nous sommes tous des citoyens. Nous sommes des citoyens de Limoilou, mais non pas un groupe de citoyens.

M. SAMSON: D'accord si je pose la question, c'est parce qu'on vous a inscrit comme un groupe de citoyens et ça pourrait prêter à confusion.

M. ROBERGE: Exact.

M. SAMSON: A la page 3 de votre mémoire, vous dites, à l'article 6: "Quant à la langue d'enseignement, tout est entre les mains du ministre." Cela, si je comprends bien, fait référence au pouvoir de réglementation qui est donné au ministre en vertu de la présente loi. Est-ce que vous considérez que le ministre devrait déposer sa réglementation avant l'adoption de la loi?

M. ROBERGE: On est obligé, peut-être, de répéter ce qui se disait d'ailleurs ce matin par les professeurs du CEGEP de Sainte-Foy. Ils disaient, entre autres, qu'il y avait 27 articles du projet de loi qui laissaient entre les mains du ministre ces décisions, ces règlements qui faisaient, évidemment, que le projet de loi sur la langue officielle n'était pas un projet de loi de politique linguistique.

M. SAMSON: Mais cela ne répond pas tout à fait à ma question parce que, ce que je voudrais savoir de vous, c'est si vous prétendez qu'il vaudrait mieux que la réglementation soit connue. Parce que, dans le contexte actuel, évidemment, pour mieux vous faire comprendre ma pensée, le gouvernement nous soumet souvent des lois avec un pouvoir de réglementation, qui est donné au ministre, et c'est de plus en plus la mode. Ce n'est pas parce que c'est le projet de loi 22, on retrouve cela dans d'autres lois aussi. Il y a eu un mémoire de la chambre de commerce provinciale, d'ailleurs, là-dessus, qui dénonçait ce fait. Mais, pour le moment, devant la situation de fait que nous vivons, est-ce que vos préférences ne seraient pas quand même que cette réglementation soit connue avant que le projet soit adopté, de façon définitive, en troisième lecture?

M. ROBERGE: Le Québec aurait tendance, ces dernières années, à changer assez souvent de ministres. Il serait peut-être avantageux d'avoir, dans le projet de loi, les règlements. Peut-être, en même temps, que plusieurs groupes de citoyens ou plusieurs citoyens, individuellement, comme plusieurs associations, devant les règlements écrits dans le projet de loi, n'auraient pas eu besoin de venir se plaindre de ce qui pouvait s'en venir. Parce que, bien souvent, on ne sait absolument pas ce qui peut arriver.

M. SAMSON: Alors, si je comprends bien, prioritairement, vous préférez voir un texte de loi plus clair et moins de réglementation. Faute d'un texte de loi plus clair et moins de réglementation, vous préférez voir la réglementation avant. Mais, évidemment, je rejoins peut-être un peu l'opinion que vous venez d'émettre. Quand ça change de ministre, il y a toujours une possibilité de changement de réglementation sans que cela revienne devant l'Assemblée nationale comme telle. A ce chapitre-là, je vous dis tout de suite que je duis d'accord avec vous.

M. ROBERGE: M. le député...

M. SAMSON: Oui.

M. ROBERGE: ... vous avez dit prioritairement. Prioritairement, pour nous, puisque le projet de loi s'intitule Loi sur la langue officielle, cela aurait été d'inscrire seulement les quelques articles où on annonce que le français soit la langue officielle...

M. SAMSON: Cela se limitait à l'article 1.

M. ROBERGE: ... — c'est limité à l'article 1 ou à... Enfin, il y en a trois ou quatre qui le répètent dans chacun des secteurs — sans avoir à officialiser, à "légaliser, dans un texte sur la langue officielle, la langue anglaise, puisque c'est ça, à savoir pas nécessairement, évidemment, enlever les droits aux anglophones qui peuvent avoir besoin d'une certaine protection, mais sur un projet de loi aussi important que celui-là, mentionner que la langue française est la langue officielle, point.

M. SAMSON: Tel qu'il est là, le projet de loi, à votre point de vue, s'il n'y a pas de changement majeur, est-ce que vous préférez le voir retirer? Il y a un signe affirmatif à ma gauche, en tout cas.

M. ROBERGE: Oui, c'est affirmatif, à moins de penser une politique du pire.

M. SAMSON: De?

M. ROBERGE: Une politique du pire.

M. SAMSON: Oui.

M. ROBERGE: Ou encore, si on préfère, voir se produire, pour le gouvernement actuel, ce qui a pu se produire pour le gouvernement qui a présenté la loi 63. A ce moment-là, il vaut peut-être mieux — je pense que le gouvernement est suffisamment engagé dans le processus, il s'est suffisamment annoncé comme étant pour le passer, coûte que coûte, et le plus rapidement possible — d'un autre côté, qu'il passe, avec le moins d'amendements possible pour que cela aide à entraîner la chute du gouvernement actuel. Mais c'est ce que j'appelle la politique du pire. Parce que, quand même, on serait obligé de subir le projet de loi pendant une dizaine d'années.

M. SAMSON: Bon. Si je comprends bien, vous considérez que, si ce projet de loi est adopté tel qu'il est là, cela favoriserait une contestation organisée. Est-ce que je vous comprends bien lorsque je comprends ça?

M. ROBERGE: Pas nécessairement. C'est-à-dire pas nécessairement une manifestation organisée puisque je ne me souviens pas, après l'adoption de la loi 63, qu'il y ait eu énormément de manifestations dans les rues, après. Il

pourrait très bien se produire la même chose avec le projet de loi 22.

M. SAMSON: Bon.

M. ROBERGE: Alors, qu'il n'y ait pas de manifestation après, mais que, dans une décade peut-être, cela en arrive à la chute du gouvernement et, à ce moment-là, on pourra avoir des lois sur la langue officielle qui fassent réellement du français la langue officielle.

M. SAMSON: Une toute dernière question, M. le Président. Est-ce que votre groupement a considéré les possibilités de prôner certaines nuances en ce qui concerne les sièges sociaux internationaux au Québec et leurs besoins? Je m'explique. Certains groupements qui sont venus devant nous nous ont dit que, en ce qui concerne leurs sièges sociaux, ils étaient dans l'obligation d'engager des personnes au moins bilingues et, dans certains cas, faire venir de l'extérieur du Québec des gens qui, avec certaines qualifications, pouvaient prendre des emplois au siège social parce que ces gens ne pouvaient pas se recruter au Québec. On nous justifiait, par ces demandes, le besoin d'un système d'enseignement en langue anglaise pour répondre aux besoins des enfants de ces personnes qui devaient venir au Québec dans ces circonstances.

Est-ce que vous avez considéré comme possibilité d'évaluer des nuances de ce côté? Parce que, dans votre mémoire, évidemment, il n'en est pas question, si je comprends bien.

M. LALANCETTE: Là-dessus, il y a au moins... Je pense qu'il y aurait une solution, c'est-à-dire qu'il y a peut-être quelques spécialistes qui manquent au Québec. Mais il y a aussi beaucoup de chômeurs diplômés au Québec, j'en ai même à ma droite.

A ce moment-là, je ne suis pas du tout convaincu...

M. SAMSON: Si vous en manquez, vous me le direz, je pourrai vous en fournir! Je sais où il y en a.

M. LALANCETTE: Des spécialistes?

M. SAMSON: Non, non, des chômeurs diplômés.

M. LALANCETTE: Ah oui! Bon, on pourrait donner un exemple, qui est tiré pas loin d'ici, à Arvida, où deux ingénieurs anglophones en mécanique ont été engagés par la compagnie Alcan alors qu'ils ne parlaient pas un traître mot de français, bien que des ingénieurs en mécanique, au Québec, on en produit suffisamment. Je pourrais donner aussi quelle est la position qu'on adopte là-dessus. C'est que vu qu'il y a 80 p.c. de la population du Québec qui est francophone, on ne voit pas du tout pourquoi il n'y aurait pas 80 p.c. du personnel-cadre dans les entreprises qui serait francophone, d'autant plus que cela réglerait en même temps le problème...

M. SAMSON: Je m'excuse...

M. LALANCETTE: ... des chômeurs diplômés...

M. SAMSON: ... M. le Président, mais peut-être que je devrais ouvrir une parenthèse. Je n'ai pas voulu parler des compagnies, des entreprises comme telles. Je parle des sièges sociaux qui nous ont fait valoir — je vous répète ce qu'on nous a dit — que les employés-cadres des sièges sociaux devaient communiquer régulièrement avec l'extérieur, soit en Ontario ou ailleurs au Canada, ou aux Etats-Unis, ou ailleurs dans le monde. Alors, je vous parle uniquement, pour les besoins de la cause présente, en tout cas, des sièges sociaux.

M. LALANCETTE: Là-dessus, je ne puis que me référer aux statistiques du rapport Gendron qui disait — je me pose une question là-dessus — qu'un unilingue anglais était aussi bien payé qu'un bilingue francophone dans les sièges sociaux de Montréal.

Alors, selon la façon habituelle de procéder, ce sont des mesures incitatives, peut-être qui font que... C'est-à-dire que, s'ils paient le même prix pour un bilingue francophone que pour un unilingue anglais, je ne pense pas que cela incite les francophones à vouloir des promotions.

M. SAMSON: Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: J'aimerais revenir sur les deux derniers points de votre mémoire, les points six et sept. Quand vous dites, au septième: "Quand va-t-on cesser d'accorder des privilèges individuels aux parents en leur permettant d'envoyer leurs enfants, etc.", est-ce que, dans votre esprit, lorsque vous en avez discuté au point de vue de l'enseignement, vous en êtes arrivé à la conclusion d'un réseau d'enseignement francophone unique ou si, dans votre esprit, on doit conserver un réseau d'enseignement anglophone?

M. ROBERGE: On devrait au moins, parce que j'ai donné tout à l'heure le cas de la Commission des écoles catholiques de Québec, essayer de se limiter pour que la majorité des enfants qui sont inscrits dans ces écoles soient anglophones, alors qu'actuellement on s'aperçoit qu'il y a 61 p.c. des enfants qui sont de langue maternelle française.

M. VEILLEUX: Vous auriez, dans votre esprit, un réseau d'enseignement anglophone

pour les anglophones et le réseau d'enseignement francophone pour tous les francophones déjà au Québec et pour tous les immigrés ou les futurs immigrants, c'est ça.

M. ROBERGE: Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Taschereau.

M. BONNIER: M. le Président, je pense qu'on doit féliciter ce groupe-là d'avoir pris la peine, en tout cas, de se réunir pour réfléchir autour du projet de loi 22. Je ne voudrais pas revenir sur l'exemple de Place Royale, parce que ça se trouve à être dans mon comté. Je n'étais pas le député dans ce temps-là. Je pourrais vous donner certaines explications, mais je ne reviens pas là-dessus. Ce n'est certainement pas, en tout cas, une des preuves que vous voulez apporter.

Ce qui me frappe dans votre témoignage, c'est que vous examinez le projet de loi d'une façon, je dirais assez objective, mais dans les questions, après, vous avez certains énoncés qui vont beaucoup plus loin que votre témoignage dans votre mémoire. Vous semblez, d'un côté, dire: Ecoutez, on est bien d'accord qu'il y ait une loi qui insère le fait français au Québec, qui statue sur cela d'une façon très officielle, mais qui, par ailleurs, reconnaisse les libertés de l'élément anglo-saxon. Il me semble que vous avez dit ça dans un de vos témoignages. Si ce n'est pas vrai, vous me le direz, là. Par ailleurs, vous dites: Ce projet de loi, il me semble qu'il n'est pas logique; ça va causer la chute du gouvernement, tout ça.

C'est drôle, moi, j'ai parlé à plusieurs personnes, j'ai entendu beaucoup de témoignages. Il me semble que ce projet, ça peut dépendre aussi de la façon dont on le lit parfois. C'est un fait qu'il y a une insistance sur le fait français, le français est la langue officielle, mais, malgré tout ce que vous dites, on n'augmente pas le nombre de libertés à l'élément anglo-saxon. On conserve un certain nombre de libertés acquises, de façon générale. Je voudrais, en second lieu, vous demander une précision quant aux professionnels: Etes-vous d'accord sur les recommandations du projet de loi dans ce domaine, puisque vous avez soulevé la question des employés-cadres dans le camp, qui étaient unilingues apparemment. Mais vous savez que les professionnels, d'après le projet de loi 22, devront maîtriser le français.

M. ROBERGE: Les droits des anglophones par le projet de loi, vous dites qu'ils ne sont pas augmentés. Ils sont légalisés, puisqu'ils passent dans la loi.

M. BONNIER: J'ai parlé surtout de libertés, mais en tout cas, on pourrait...

M. ROBERGE: La loi les rend, de fait, légaux, alors qu'avant c'était un privilège; c'est un droit qui pouvait être laissé par la communauté, par le groupe. Cette fois-ci, ils auront une loi. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas, dans ses règlements, laissé des clauses dont il aurait pu se servir à certains moments pour accorder certains privilèges encore aux anglophones, plutôt que de les inscrire directement dans la loi et de nous annoncer que, par règlement, il réglera certains petits problèmes?

M. BONNIER: Ce serait fort discriminatoire, à ce moment-là, je pense, en plus ou en moins.

M. ROBERGE: Oui, mais la discrimination aurait été pour le secteur anglophone plutôt que pour les francophones.

M. BONNIER: Non, cela aurait pu être l'inverse aussi. C'est parce que, par ailleurs, vous dites qu'il ne faut quand même pas laisser trop de pouvoirs de réglementation, mais les préciser dans la loi ça rejoint un certain nombre de recommandations. Tout de même, si vous laissez trop de discrimination ou de discrétion, ou de réglementation, vous pouvez aller trop loin.

M. ROBERGE: Mais justement c'est ce qu'on dit: Le gouvernement peut actuellement...

M. BONNIER: II y a quand même un certain nombre de libertés.

M. ROBERGE: ... avec son projet de loi, aller trop loin contre la majorité francophone.

M. BONNIER: Non, mais je pense qu'honnêtement il augmente les pouvoirs des francophones.

MLLE SIMARD: ... vous disiez tout à l'heure que la loi, tout dépend de la manière qu'on la lit. On peut la voir de différentes façons.

M. BONNIER: Bien si ça vous donne cette impression-là.

MLLE SIMARD: Bien alors, moi aussi. Justement je pense que c'est une erreur. Une loi, les gens devraient la lire puis la comprendre tout de suite. Là il y a des groupes anglais qui l'interprètent d'une certaine manière; les groupes français, d'une autre manière. Cela veut dire qu'elle n'est pas assez précise, trop floue. Quelqu'un lit un article...

M. BONNIER: Vous admettrez avec moi qu'on est dans un domaine un peu...

MLLE SIMARD: Oui, oui, où c'est sujet à émotion, etc.

M. BONNIER: ... émotif et relatif.

MLLE SIMARD: II reste que moi, si je lis un article, sur la liberté de choix, moi je suis Québécoise française, si je lis, j'interprète ça, je regarde les dangers qu'il peut y avoir. Les Anglais vont regarder ce qu'il y a comme dangers aussi; ça veut dire que ce n'est pas assez précis. S'ils disaient: Bien, c'est français, point, supposons. Là je saurais à quoi m'en tenir, les Anglais aussi. Mais là il y en a qui viennent ici disant: Nous, on a peur de ci; nous autres, on a peur de ça. Cela veut dire que c'est trop flou...

M. BONNIER: Je vous fais remarquer que c'est tout à fait normal, d'ailleurs, que les groupements qui viennent ici défendent leur propre point de vue. Ils ne sont pas le législateur puis ils n'ont pas à établir les modalités, les subtiliés. Ils disent: Nous, on voit ça de même. C'est très bien.

MLLE SIMARD: C'est ça. Ce que je vous dis, c'est que ça prête à plusieurs interprétations. C'est peut-être parce que ce n'est pas assez clair ou si...

M. BONNIER: Non mais c'est pour ça que ça renforce le fait qu'il faudrait peut-être des fois préciser. On va trop loin?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je trouve que l'échange prend l'allure d'un débat, j'inviterais le député à poser des questions s'il n'a pas terminé. Je demanderais s'il y a d'autres questions. Sinon, je remercierais, au nom de la commission, les gens du groupe de citoyens de Limoilou de leur présentation.

M. LALANCETTE: Je voudrais ajouter quelque chose sur la remarque de M. Cloutier, quand il dit qu'il permet à l'article 9, seulement sur les écrits; c'est que l'article 26 aussi permet à une minorité anglophone, seulement sur les écrits, sur les textes de négociation, d'avoir tout en anglais.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci. J'invite maintenant M. Louis-Paul Chénier à prendre place à la table, s'il vous plaît.

M. Chénier, je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour faire votre présentation. Je vous invite à y aller.

M. Louis-Paul Chénier

M. CHENIER: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdemoiselles, madames et messieurs. Je remercie d'abord cette commission parlementaire pour l'occasion qu'elle me fournit de présenter ce mémoire, qui ne tiendra pas de l'exposé raciste, chauviniste ou hautement enflammé. Au contraire, l'exposé que j'ai soumis à cette commission à titre privé repose sur des conclusions auxquelles je suis arrivé à la suite de calculs mathématiques et statistiques simples; il s'agira donc d'un mémoire plutôt froid. D'autres avant moi ont rapporté des études de transferts linguistiques. Cependant leurs études portaient sur des populations occupant d'assez vastes territoires, au Québec ou au Canada.

Le présent travail a été entrepris dans le but d'étudier les transferts linguistiques qui se produisaient dans la population de la région métropolitaine de Montréal. En 1971, l'agglomération de Montréal comprenait 2,743,240 résidants, soit 45.5 p.c. de la population de tout le Québec. Le territoire, appelé ici le Montréal métropolitain, comprend les îles de Montréal, l'île Bizard, l'île Jésus et également tout un chapelet de municipalités autour de ces îles. Le bloc entier a été étudié, évidemment, et quatre de ses composantes, dont l'île de Montréal et l'île Jésus extraites de ce bloc, puis le reste, le résidu, la périphérie, enfin la ville de Montréal, la plus importante de ces villes, et la ville de Laval, la deuxième en importance.

Les données utilisées pour ces calculs proviennent du recensement canadien de 1971. Cette documentation comprend des informations précises et précieuses sur chacune des municipalités ou groupe de municipalités de l'agglomération de Montréal, et ce pour jusqu'à dix groupes d'âges et pour différentes langues maternelles ou langues d'usage.

Les taux d'attraction auxquels je voudrais m'arrêter d'abord ont été calculés comme ceux de Castonguay et Marion. Ils peuvent être définis comme étant le rapport entre le nombre d'habitants d'une langue maternelle donnée, mais ayant maintenant adopté une autre langue comme langue d'usage, et la population totale employant cette langue d'usage, le tout exprimé en pourcentage.

Je vous fais grâce des colonnes de chiffres, des tableaux que j'ai soumis. Cependant il y a toute une série de règles générales qui peuvent être dégagées des résultats observés pour ces cinq agglomérations telles que je les ai décrites un peu plus haut.

Une première constatation, c'est que les immigrants sont massivement attirés vers l'anglophonie et représentent la source majeure des gains de la langue anglaise. Ce n'est pas nouveau, bien d'autres l'ont dit avant moi.

Deuxièmement, les francophones de la région métropolitaine de Montréal contribuent environ au tiers de ceux qui enrichissent la marche vers l'anglophonie.

Troisièmement, les taux d'attraction vers l'anglophonie ou la francophonie ne sont pas constants. Ils varient avec l'âge des sujets et atteignent un maximum chez les citoyens arrivant à la quarantaine ou la dépassant.

Quatrièmement, les taux d'attraction des Anglais de naissance vers la francophonie sont supérieurs aux taux d'attraction des immigrés vers le français chez les jeunes résidants. L'inverse se produit dès qu'ils atteignent l'âge de 25 ans, c'est-à-dire dès qu'ils entrent sur le marché du travail. Ils iront travailler en anglais.

Cinquièmement, les troisième et quatrième conclusions ci-haut démontrent la prépondérance de l'anglais comme langue de travail. Dans la région périphérique à l'archipel Montréal-Bizard-Jésus, où il y a une faible concentration d'immigrants, il y a, pour tout âge, deux fois plus de citoyens de langue maternelle anglaise qui passent au français qu'il y a d'immigrants d'autres langues maternelles qui adoptent notre langue.

Sixièmement, les taux d'attraction des francophones vers l'anglophonie sont toujours supérieurs aux taux d'attraction des nés anglais vers la francophonie.

Septièmement, et c'est l'évidence, les immigrants sont faiblement attirés vers la francophonie quel que soit leur âge.

Huitièmement, les taux d'attraction totaux, comme par exemple la tendance vers l'anglophonie de tous ceux qui ne sont pas de langue maternelle anglaise, sont invariablement toujours en faveur de l'anglophonie. Et ceci, par un facteur variant entre 6 à 10 fois.

Les taux nets d'attraction, c'est-à-dire les taux calculés sur l'ensemble d'une population parlant ou le français ou l'anglais, comme langue d'usage, suggèrent quelques autres conclusions.

Dans les cinq agglomérations étudiées, il y a numériquement plus de transferts linguistiques qui se font en faveur de l'anglais qu'il y en a en faveur du français, et ceci est une règle immuable. Selon l'âge, ce taux peut s'élever jusqu'à 4.3 p.c. de la somme des individus utilisant l'une ou l'autre des deux langues officielles. Ce sont les citoyens du groupe d'âge 45-64 ans des travailleurs bien conditionnés à l'usage de l'anglais, qui sont les plus affectés. Dans l'agglomération périphérique de Montréal, ce phénomène se produit plus tôt. Il atteint son sommet dans le groupe d'âge précédent. On peut se demander pourquoi ces citoyens de petites villes, ruraux ou semi-ruraux, sont plus pressés de s'assimiler à l'élément anglophone.

Les taux net d'attraction vers l'anglophonie auquel participent les francophones de naissance est toujours moindre. Il s'établit entre 0.5 p.c. et 0.8 p.c. pour l'ensemble des populations de chaque agglomération.

Enfin, ces taux pour l'agglomération périphérique de Montréal sont maintenus quant à la participation des francophones de naissance que l'on pourrait croire plus conservateurs de leur langue.

Je passe maintenant au taux de domination, que je définirais comme le reflet de l'excédent, calculé toujours en pourcentage, du nombre de citoyens utilisant une langue sur le nombre de citoyens dont cette langue est la langue maternelle. Je m'empresse de donner un exemple.

S'il y avait, dans une population donnée, 125 personnes utilisant la langue française, alors qu'il n'y aurait que 100 personnes qui soient de langue maternelle française, le taux de domination serait 25 p.c. C'est un exemple absurde parce qu'on n'atteint jamais ce genre de pourcentage.

Cette emprise de la langue anglaise sur la langue française dans un pays qui n'est pas le sien, dans le Québec que l'on dit français, est encore plus flagrante quand on évalue les gains numériques de la langue anglaise parlée par rapport à la population issue de cette langue.

Ainsi si on considère, pour un moment, l'ensemble des cinq agglomérations sans égard aux groupes d'âge, on remarque qu'il y a, dans l'agglomération périphérique de Montréal, 10p.c. et, dans la ville de Montréal qui est le maximum pour les cinq agglomérations, 21.6 p.c. plus d'usagers de la langue anglaise qu'il n'y a de résidants de langue maternelle anglaise. Par contre, les gains de la langue française, langue de la majorité, sont de l'ordre de moins de 1 p.c. Pis encore, le Montréal métropolitain périphérique possède le douteux mérite d'un bilan négatif. En effet, il y avait en 1971, chez ces ruraux et semi-ruraux, moins d'usagers de la langue française qu'il n'y avait de citoyens nés "canayens" de parents de langue française, et ce pour tous les groupes d'âges. Je dis pour tous les groupes d'âges, mais 11 faut faire exception pour celui de 65 ans et plus. Heureusement, nos parents et nos grands-parents sont encore là pour sauver l'honneur de la race, mais ils n'y seront pas pour longtemps encore.

Ici, les immigrants sont en si minime proportion, 3.2 p.c. pour l'ensemble de cette population périphérique, qu'ils ne peuvent pas être entièrement blâmés. Ce sont surtout, et malheureusement, nos bons Québécois, 9,700 d'entre eux, qui laissent nos rangs pour aller manger le plum-pudding, alors qu'il n'y en a que 5,400 de descendance anglaise qui s'assimilent à notre langue. Seuls les 25-34 ans et les 35-44 de la ville de Montréal ont pu atteindre un taux maximum de domination d'au-delà de 1 p.c. Ville de Laval y va aussi de matière à scandale. La nouvelle vogue en 1971 était que, chez les moins de 25 ans, il y avait également moins d'usagers de la langue française qu'il n'y avait de citoyens de langue maternelle française. Pour ajouter la blessure à l'insulte, c'est également à Laval que les gains anglais d'un groupe d'âges, les 35-44, atteignent leur plus haut niveau, au-delà de 30 p.c. Cependant, ce sont les immigrants de cette ville, et, parmi ceux-ci surtout des non italiens, qui tournent le dos au français.

Faute de temps, je n'ai pu soumettre des résultats semblables portant sur chacune des municipalités de l'île de Montréal. Cependant, je puis vous assurer et quiconque voudrait consulter ces données que partout la langue anglaise fait des gains qui sont invariablement supérieurs à ceux de la langue française numériquement et proportionnellement.

J'ai dit partout, mais il y a une exception, une seule exception à cet avancé, et je me dois de vous la signaler: il s'agit de l'agglomération

de Saint-Jean-de-Dieu. Vous me pardonnerez, messieurs, ces paroles indignes, mais il semble que ce soit chez les fous que la langue anglaise soit en régression et c'est également chez les fous que la langue française voit un taux réel de domination de 3.5 p.c, le plus élevé de tous. Il faut,' tout de même, admettre qu'il s'agit là d'une population plutôt captive.

Je viens de rapporter que 3.5 p.c. est le plus fort taux de domination de la langue française d'une agglomération de la région métropolitaine de Montréal. En contrepartie, le plus faible taux de domination de la langue anglaise pour cette région est celui de la ville de Pointe-aux-Trembles qui est de 2.4 p.c, alors que le plus fort taux de domination, qui est de 55 p.c, est pour la ville de Saint-Léonard. Par groupe d'âges, ce sont les 15-19 ans de cette ville, Saint-Léonard, qui contribuent au plus fort taux de domination de la langue anglaise, soit 82.8 p.c.

Il y a donc à Saint-Léonard, 82.8 p.c, près du double plus de Néo-Québécois parlant anglais qu'il y a d'Anglais de naissance. Peut-on rappeler en passant que c'était pour régler les problèmes scolaires de cette municipalité que la loi 63 a été votée en 1969, c'est le succès qu'on y connaît.

Enfin, des calculs de corrélation statistique ont aussi été entrepris et, effectivement, il existe deux corrélations très intéressantes. La première est la corrélation qui existe entre le taux de domination de la langue anglaise et le pourcentage d'éléments immigrants de ces 33 municipalités. C'est-à-dire que plus le pourcentage de citoyens de langue maternelle autre que l'anglais ou le français est élevé, plus il y a d'immigrants, plus grand est le taux de domination de la langue anglaise. Cela se conçoit puisque la plupart de ces immigrants s'orientent vers la langue anglaise.

La deuxième corrélation est celle qui existe entre le taux de domination de la langue française qui est inversement proportionnel au pourcentage d'éléments de langue maternelle anglaise. Plus il y a dans une population d'éléments de langue maternelle anglaise, plus le taux de domination — ne nous fourvoyons pas quand on dit taux de domination il y a plus de la moitié où ce taux est négatif — de la langue française est grand.

Ceci permet de prédire avec une certaine exactitude quel est le taux de domination de la langue française, taux positif ou taux négatif, pour une population de langue maternelle anglaise donnée.

Il nous fait voir également que, si la population de langue maternelle anglaise d'une agglomération est supérieure à 21.8 p.c, la langue française est en régression. Castonguay et Ma-rion avaient établi ce pourcentage à 18 p.c.

En langage statistique, ces deux corrélations sont hautement significatives, parce que leur coefficient de corrélation se rapproche de un, c'est-à-dire en langage plus ordinaire, que la probabilité statistique que ces conclusions soient fausses équivaut à moins d'une chance sur 10,000 ou encore, il y a 9,999 chances sur 10,000 que des conclusions soient vraies.

La langue française est en perdition, les chiffres le prouvent. A notre connaissance, l'équivalent de données utilisées pour ces calculs n'existe malheureusement pas pour une période antérieure. Ceci nous aurait permis d'établir un taux de dégradation du français, langue d'usage.

Je propose cependant de faire ces mêmes calculs avec les données du prochain recensement, espérant que d'ici-là le progrès alarmant de la langue anglaise sur la langue française ne sera pas irréversible.

La contribution des francophones québébois aux échanges linguistiques en faveur de l'anglais sont de l'ordre de 1 à 3 par rapport au tiers groupe, c'est ce qu'a rapporté Castonguay pour la région métropolitaine de Montréal. Ce rapport devient malheureusement plus douloureux pour la francophonie dans la sous-région périphérique du Montréal métropolitain alors qu'il est de 5 à 8. Le tiers groupe n'est donc pas seul à être à blâmé, nos compatriotes francophones n'échappent pas eux non plus à cette force d'attraction que possède la langue anglaise.

Avec Castonguay, nous avons remarqué que les transferts linguistiques se font surtout chez les personnes en âge de travailler et ce, jusqu'à l'âge de la retraite. C'est cependant de l'analyse des composantes de la population des régions métropolitaines de Montréal que notre étude se distingue et, parmi ces composantes, le comportement linguistique de la périphérie des îles de Montréal et Jésus nous intéressait particulièrement.

Nous avons également été amenés au calcul du taux de domination des deux principales langues, c'est-à-dire du taux de croissance de leur usage. Ceci nous a conduits à la découverte que c'est dans les deux composantes à plus fort pourcentage d'éléments de langue maternelle française, agglomération périphérique de Montréal et ville de Laval que le français était maintenant en domination négative, soit en régression. En 1971, il y avait dans ces deux agglomérations, moins d'usagers de la langue française qu'il y avait de citoyens nés dans cette langue.

Partout ailleurs l'anglais se porte très bien merci, atteignant jusqu'à un gain de croissance de son usage de 30 p.c.

Les 30 p.c. ne s'appliquent qu'aux cinq agglomérations d'abord étudiées et non pas à d'autres municipalités de l'île de Montréal où nous avons vu qu'elle atteignait 55 p.c.

La loi 63 a été affublée d'un titre mensonger de Loi pour la protection de la langue française. La loi 22 que le gouvernement du Québec se propose maintenant d'adopter ne sera pas, dans sa forme actuelle, plus protectrice de la langue française, à notre humble avis.

Quand la région de Montréal, qui représente près de la moitié de la population de tout le

Québec, passera le point critique de non-retour vers la francophonie, il sera trop tard. Les efforts de deux siècles pour maintenir la survivance de la langue française en terre d'Amérique auront été vains et il ne faudra plus que quelques décennies pour que le reste du Québec soit aussi conquis. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement de ne pas présenter cette loi, mais plutôt : 1-De proclamer la langue française seule langue officielle au Québec et sans restriction; 2-D'abroger la loi 63; 3-De n'admettre au secteur scolaire anglais que les enfants de langue maternelle anglaise résidant déjà au Québec ainsi que les enfants d'autre langue maternelle déjà engagés dans le secteur anglais, mais ceci, seulement pour des raisons pédagogiques; 4-D'obliger tous les enfants de nouveaux immigrants, de quelque langue maternelle qu'ils soient, de fréquenter le secteur de la majorité, c'est-à-dire le secteur français (ce qui est normal dans tous les pays du monde); 5-De promulguer des décrets visant les mêmes buts, c'est-à-dire la revalorisation de la langue française dans le secteur du travail, des affaires, de l'affichage, de l'économie, bref, dans tous les secteurs qu'un pays normal connaît.

Messieurs de cette commission, je vous remercie de m'avoir écouté et d'avoir compris les indications de cette recherche.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Chénier, nous vous remercions. L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Je désire remercier M. Louis-Paul Chénier pour la présentation de son mémoire. Je n'ai pas l'intention de poser de question et je n'ai pas l'intention d'en discuter parce qu'il s'agit d'un mémoire extrêmement technique. Le débat devra avoir lieu à l'Assemblée nationale, comme il se doit. En revanche, je voudrais tout simplement assurer M. Chénier que cet élément important sera versé au dossier que nous constituons en ce moment. J'aimerais également, avant de passer la parole à quelqu'un d'autre, établir à quel titre vous avez bien voulu préparer ce mémoire et vous présenter devant la commission. Je sais que c'est à titre personnel, mais j'aimerais savoir quelle est votre formation et si vous êtes là en tant que démographe ou si vous êtes là en tant qu'individu qui s'intéresse à ce secteur particulier.

M. CHENIER: J'ai une formation professionnelle et deux titres universitaires dans le domaine de la biologie. J'ai fait passablement de statistiques dans ma vie, au moins assez pour pouvoir établir les choses très simples que j'ai présentées ici et c'est par amour de mon pays, quand j'ai d'abord commencé à jouer avec ces chiffres, c'était peut-être par curiosité, mais ma conscience m'a tôt dicté que je devais présenter un mémoire sur les choses que j'avais trouvées dans cette région métropolitaine de Montréal.

M. CLOUTIER: Vous comprenez dans quel esprit je vous pose cette question. Comme il s'agit tout de même d'un sujet extrêmement technique, il me parait essentiel de savoir si vous êtes ici à titre de démographe professionnel ou simplement à titre d'un individu qui a une formation et qui s'intéresse à ce secteur. J'en conclus que c'est à ce titre que vous êtes là et que vos diplômes en biologie... Vous êtes universitaire, si je comprends bien?

M. CHENIER: Oui.

M. CLOUTIER: Et que faites-vous en ce moment?

M. CHENIER: Je suis agronome de formation.

M..CLOUTIER: Vous êtes agronome de formation?

M. CHENIER: Mais je n'ai jamais pratiqué l'agronomie, j'ai toujours fait de la recherche toute ma vie. Je suis maintenant attaché au vice-rectorat à la recherche de l'Université de Montréal.

M. CLOUTIER: De l'Université de Montréal? Et ces titres en biologie, c'est votre diplôme d'agronome?

M. CHENIER: Oui, j'ai un doctorat en sciences.

M. CLOUTIER: Vous avez un doctorat en sciences? D'ailleurs, l'agronomie est une excellente voie pour accéder au secteur de la recherche. C'est certainement une voie privilégiée. Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. Chénier, je veux vous remercier beaucoup pour la contribution que vous faites et que vous avez pris le temps de faire pour l'information de la commission. Effectivement, à part quelques chiffres que nous avait donnés la commission Gendron et que nous utilisions du mieux que vous pouvions et l'apport de l'Association des démographes également qui est venue témoigner, il y a une semaine ou deux.

Nous n'avions pas eu l'occasion, depuis fort longtemps, d'avoir un exposé aussi technique, mais dont la portée est aussi politique que celle que vous nous signalez. Bien des organismes sont venus parler d'un phénomène qu'ils ressentaient, qu'ils vivaient, celui, par exemple, d'une anglicisation dans la région métropolitaine de Montréal. C'est tellement ressenti que personne

ne pouvait mettre en doute ce fait. Voilà que vous nous avez aidés à le "mathématiser", si vous voulez, ce qui, pour les esprits les plus rationnels et les moins émotifs, devraient certainement être un objet d'attention.

Je sais qu'il y a bien des membres de la commission, peut-être, ou enfin des députés pour qui les exposés à caractère plutôt émotif sont vite renvoyés parce qu'on n'ose pas se pencher, on n'aime pas se pencher sur ces questions.

Quand le phénomène est expliqué d'une façon aussi mathématique que celle-là, atrocement mathématique, je devrais dire, je pense que les esprits les plus sévères devraient quand même être touchés par un phénomène qui est rendu indéniable.

J'ai quelques questions à vous poser sur ces statistiques. Mais, auparavant, je voudrais vous demander si vous avez eu l'occasion de comparer... Si je comprends bien, la totalité de vos chiffres, taux d'anglicisation, taux d'attraction, taux de domination, etc., que vous avez développés, se sont faits à partir du recensement de 1971.

M. CHENIER: Oui.

M. CHARRON: Pour établir une comparaison avec les années précédentes...

M. CLOUTIER: Hélas!

M. CHARRON: ... quant au taux d'anglicisation, avez-vous procédé plus loin, par exemple, pour voir si la situation révélée en 1971, que vous avez fort bien analysée quant aux taux d'attraction et de domination d'une langue par rapport à l'autre, constitue une amélioration ou bien si cela va plus mal que cela allait, par rapport aux années 1960-1961 au dernier recensement?

M. CHENIER: Je ne crois pas que ces données existent, parce que les recensements précédents ne recherchaient pas ce genre de renseignements. Je crois que c'est nouveau. Si cela existe, je ne suis pas au courant.

M. CHARRON: Je sais que cela n'existe pas pour le recensement de 1961, quant à la langue d'usage, mais il est possible de travailler avec les chiffres que M. Maheux, le démographe, a présentés quant à l'état de la langue et les taux que vous nous mentionnez à la commission Gendron.

J'aimerais demander au ministre, pendant que nous sommes à discuter, s'il a l'intention de déposer à la commission une étude faite par le ministère de l'Education quant à l'évolution des transferts linguistiques entre 1961 et 1971.

M. CLOUTIER: M. le Président, je vais certainement déposer tous les documents utiles. Je me demande même si cela ne l'a pas déjà été.

Je me demande si l'étude n'a pas été rendue publique. Je vais vérifier.

M. CHARRON: L'étude date de juin 1974.

M. CLOUTIER: Je vais vérifier. Il n'y a pas de problème. Tout ce que nous souhaitons, c'est que toutes les données soient disponibles, parce que c'est à partir de données que nous pouvons former un jugement. Et d'ailleurs, la loi 22 est basée sur des données et des données claires. Là où il peut y avoir des divergences, c'est sur l'interprétation et les modalités qui sont choisies par un gouvernement.

M. CHENIER: C'est difficile d'avoir bien des interprétations quand il y a 5,000 personnes qui passent de la langue française à la langue anglaise, un exemple dans une population donnée, alors qu'il y en a peut-être 2,000 qui passent de la langue anglaise à la langue française. L'interprétation n'est pas difficile à faire. C'est une différence de 3,000. C'est aussi simple que cela.

M. CLOUTIER: Hélas! Hélas! Je ne veux pas entreprendre de débat, c'est pour cela que je vous ai demandé si vous étiez démographe. Mais — je dis cela simplement, en passant — on ne peut pas tenir compte d'un seul facteur. Il y a au moins quatre facteurs qui doivent être évalués de manière respective lorsqu'on essaie de tenir compte des transferts. Il y a le facteur de la natalité. Il y a le facteur des décès. Il y a le facteur de la migration. C'est donc là quelque chose d'extrêmement complexe. Ce n'est pas le moment d'entrer dans le détail, mais je crois qu'il était utile que j'attire votre attention là-dessus.

M. CHARRON: Mais les facteurs que vient de mentionner le ministre ne sont pas faits pour évaluer les transferts qui, eux, comme vous le dites, M. Chénier, sont mathématiques et visibles à l'oeil nu. Ils sont faits pour analyser d'autres dimensions de la question linguistique. J'ai en main une étude sur l'accroissement des groupes linguistiques de 1961 à 1971, que je vous inviterais à commenter, M. Chénier.

Population francophone au Québec. En 1961, il y en avait 4,262,000. Depuis ce temps, l'accroissement a été de 607,150. Je dirai simplement les chiffres ronds, si vous me permettez, quoique je dispose des chiffres à l'unité près. Environ 600,000 d'accroissement entre 1961 et 1971 de francophones, ce qui représente 14 p.c. d'accroissement.

Le groupe francophone s'est trouvé à attirer chez lui, du secteur anglophone ou de l'autre secteur, chez les immigrants, 10,439 personnes dans ces dix années. La proportion des transferts par rapport à l'accroissement total représente 1.7 p.c. Autrement dit, 10,000 sur 600,000 représentent à peu près 1.7 p.c. de son augmentation en vertu des transferts.

Si on regarde le côté anglophone maintenant, en 1961, il y avait 744,000 anglophones au Québec. Pendant la décennie 1961 à 1971, ce groupe s'est augmenté de 142,000, ce qui veut dire une augmentation de près de 20 p.c, 19.2 p.c. Sur ces 142,000, bien sûr, il y avait l'accroissement naturel des anglophones, qui se reproduisent comme tout le monde, mais aussi, sur ces 142,000 d'accroissement de nouveaux Anglais au Québec, 51,457 sur ces 142,000 provenaient d'une source autre que la fécondité naturelle des anglophones. C'est-à-dire que c'était fait par transfert, soit assimilation de francophones, soit assimilation d'immigrants. Cela représente donc 36 p.c, plus d'un tiers de l'accroissement. Autrement dit, plus d'un tiers des nouveaux anglophones au Québec depuis 1961 ne sont pas des Anglais de langue maternelle. Ils sont des francophones assimilés ou des immigrants assimilés. Autrement dit — si je me permets de reprendre le vocabulaire technique que vous nous avez donné, avec toutes les permissions que vous me donnerez — le taux d'attraction de l'anglais est à ce point fort que ce groupe augmente son nombre de deux tiers par ses propres forces, et d'un tiers simplement par la puissance de sa langue. Le taux de transfert, par rapport à l'accroissement des francophones, est de 1.7 p.c. et celui des anglophones de 36 p.c.

Les chiffres que je vous donne proviennent du ministère de l'Education. C'est une étude menée par la direction générale de la planification du ministère de l'Education, faite par M. André L'espérance; c'est un document hors-série en primeur, de démographie scolaire qui s'appelle "Les transferts linguistiques au Québec de 1961 à 1971".

J'aimerais que vous commentiez ces chiffres, M. Chénier, et que vous me disiez en même temps si, à votre avis, l'endroit par excellence où un groupe assimile des gens extérieurs à ce groupe, une langue assimile les gens extérieurs à ces groupes, c'est l'école. C'est à cet endroit que le transfert se fait.

M. CHENIER: Ce n'est pas à l'école. Je crois que c'est plutôt dans le milieu du travail, quand, pour monter dans l'échelle sociale, un employé doit absolument acquérir une deuxième langue et travailler dans cette langue. Voilà ce qui l'incite à apprendre une autre langue et éventuellement, c'est très dangereux, à l'adopter. Quand il l'a adoptée, c'est bien difficile à ce moment de faire étudier ses enfants dans la langue maternelle que ces parents avaient au départ. C'est presque, je ne dirais pas infaillible, mais plus que tentant de les faire glisser dans la nouvelle langue, la langue d'usage, et c'est là que survient le deuxième palier, le deuxième niveau de danger, c'est-à-dire que ces enfants vont être envoyés à l'école anglaise. Ils passeront simplement du secteur français sans plus de cérémonie au secteur anglais.

M. CHARRON: Vous voulez dire que le facteur premier qui aiderait ce transfert serait l'expérience que vivent les parents dans le monde du travail.

M. CHENIER: Si cela a amené le succès aux parents, ils voudront bien faire passer ce succès à leurs enfants et, de là, la tentation est tellement grande de les envoyer simplement à l'école anglaise que cela se fera presque sans scrupule, automatiquement. Je crois que c'est d'abord dans le milieu du travail, sans négliger en même temps, simultanément, l'école, la langue d'éducation, que la législation devrait être dirigée.

M. CHARRON: Etiez-vous au courant de cette statistique qui est contenue dans le document du ministère de l'Education auquel je vous référais tout à l'heure?

M. CHENIER: C'est inédit, je n'étais pas au courant.

M. CHARRON: Peut-être l'avez-vous découvert vous-même dans vos propres études? Cette statistique que j'ai retrouvée là-dedans dit que la proportion d'anglophones, dans les classes anglaises, au Québec, a encore diminué de près de 1 p.c. en 1973/74, pour s'établir à 68.3 p.c. Cela voudrait dire qu'il y aurait près d'un tiers des étudiants, qui sont dans les écoles anglaises actuellement, qui ne sont pas de langue maternelle anglaise.

M. CHENIER: J'y crois, oui. C'est le cas à Anjou. Je crois que le pourcentage qui a été établi était de l'ordre de 82 p.c.

M. CHARRON: L'étude...

M. CHENIER: Je mentionne Anjou, parce que c'est là que je demeure.

M. CHARRON: ... dont je vous fais mention a été faite pour le compte du ministère de l'Education par M. L'Espérance, comme je vous l'ai dit, et a également été faite dans tout le Québec, ce qui veut dire que vous, qui vous êtes concentré sur la région métropolitaine, si vous aviez eu cette donnée en main, auriez probablement trouvé une proportion encore plus élevée, je crois, dans les écoles anglaises.

M. CHENIER: C'est possible, parce que la population anglaise est surtout concentrée autour de Montréal.

M. CHARRON: Egalement, j'ai aussi découvert dans ce document, qui tombe à point, une autre statistique selon laquelle, dans ces classes anglaises, en 1973/74, donc pour l'année scolaire qui vient de s'achever, ce n'est pas, comme a dit le ministre de l'Education au début des

travaux de la commission, 23,500 francophones que l'on retrouve, mais, selon le document même du ministère de l'Education, 25,230. Donc...

M. CLOUTIER: C'est exact. Je corrige ces chiffres. C'est que nous avons, dans ce document, pu tenir compte des résultats que nous a donné SIMEQ, c'est-à-dire les dernières inscriptions. C'est environ 25,000.

M. CHARRON: Monsieur, j'ai une dernière question, parce que, de toutes les statistiques que vous nous avez données et que nous retiendrons, soyez-en certain, parce que nous nous engagerons bientôt dans un très long débat et que toutes les statistiques à l'appui seront nécessaires, vous mentionnez la situation curieuse de la ville de Laval où l'attraction prendrait des proportions assez considérables. Pouvez-vous développer cette partie de votre mémoire qui concerne la ville de Laval où les transferts linguistiques se feraient avec...

M. CHENIER: Je peux faire quelques commentaires et, si vous voulez les orienter dans une autre direction, veuillez me l'indiquer.

A Laval, la population de langue maternelle anglaise est de l'ordre de 13.2 p.c; de langue maternelle française, de 80.8 p.c, donc, au-delà de 80 p.c. de francophones à Laval. Les immigrants n'existent qu'à 6 p.c.

Le taux d'attraction des francophones... Incidemment, M. le député de Saint-Jacques, vous retrouverez tous ces chiffres dans le dernier tableau de mon mémoire. Je les rapporte textuellement.

M. CHARRON: D'accord.

M. CHENIER: Est-ce que vous voulez que je les commente davantage ou si vous les avez?

M. CHARRON: Oui.

M. CHENIER: On remarque, si vous voulez voir à la toute dernière ligne — et c'est cela qui est peut-être le plus frappant — des taux de domination de la langue française qui sont négatifs, c'est-à-dire que, chez les jeunes, jusqu'à l'âge de 24 ans, il y a maintenant — c'est la nouvelle vogue, c'est le terme que j'employais tantôt — moins de parlant français qu'il y avait de citoyens nés dans la langue maternelle française. Dès le bas âge, on les fait passer — probablement pas volontairement, jusqu'à l'âge de dix ou de quinze ans — mais les parents les font passer à une autre langue. Ils sont nés dans la langue maternelle française, mais, pour des raisons que j'ignore les parents adoptent maintenant une autre langue et ils sont passés au secteur anglais. Je ne vois vraiment pas d'explication.

M. CHARRON: Le premier groupe d'âges dont vous nous parlez, c'est le groupe de 0 à 14 ans, et même dans ce groupe d'âge, les toutes premières années, en fin de compte, de l'existence d'un citoyen, le taux de domination est négatif, il est de 0.1 p.c. C'est donc dire que, si on prend 14 ans, on est en 1974, de tous les petits francophones nés en 1960, comme francophones dans une famille de langue maternelle française, il en reste moins en 1974. Déjà l'érosion s'est fait sentir.

M. CHENIER: En 1971.

M. CHARRON: En 1971, c'est vrai.

M. CHENIER: Oui, ce n'est pas terriblement négatif, c'est 0.1 de 1 p.c. moins, mais cela veut dire que, loin de faire des progrès nous allons en régression, à Laval. La même chose se produit, j'ai laissé tomber les deuxième et troisième décimales parce qu'elles ne voudraient rien dire, mais au pourcentage de moins un dixième pour cent, la même chose se produit chez les 15-19 ans et chez les 20-24 ans. Par contre, si vous regardez la quatrième avant-dernière ligne et chez les 35-44 ans, les 30.6 p.c. qu'on voit là, est le plus fort pourcentage que l'on rencontre de ces cinq groupes, c'est-à-dire que chez les anglophones de 35 à 44 ans, il y a 30.6 p.c. plus de citoyens qui parlent maintenant la langue anglaise qu'il y en avait qui étaient nés dans la langue maternelle anglaise. Eux progressent donc à un taux plutôt effarant alors que nous, essentiellement, nous piétinons puisque si vous regardez la dernière colonne...

M. CHARRON: C'est 0.7 p.c.

M. CHENIER: ... qui représente toute la population sans égard d'âge, notre gain est de 0.2 p.c. alors que le gain des Anglais est de 17 p.c.

M. CHARRON: Je vous pose une dernière question à laquelle vous répondrez si vous voulez. Cette situation de la ville de Laval nous a intéressés plus particulièrement cette semaine puisque nous avons eu des représentants de comités de citoyens, de commissaires d'écoles de ce coin, c'est pour cela que je vous posais la question. Est-ce que vous diriez que ce phénomène où le taux de domination de la langue anglaise est de 17 p.c. et celui du français de 0.2 p.c. est essentiellement dû à des conditions socio-économiques de la banlieue?

M. CHENIER: C'est fort possible. A Montréal ou dans la région de Montréal, je crois avoir fait un commentaire et d'ailleurs on peut l'observer dans le premier de ces tableaux, la population anglaise de Montréal habite habituellement la banlieue — je crois que c'est plutôt le deuxième tableau — ou les municipalités plus cossues et délaisse le centre de Montréal qui est plus densément habité et possiblement plus pauvrement...

M. CHARRON: Si je me réfère au tableau IV qui concerne la seule ville de Montréal, celle que j'habite et que je représente en partie ici, le taux de domination de la langue anglaise est également très fort.

M. CHENIER: Egalement, oui.

M. CHARRON: De 21.6 p.c, alors que le taux de domination de la langue française est de 0.9 p.c. Bon, je pense que j'ai fini mon temps. Je vous remercie beaucoup et je vous promets une utilisation abondante de ce que vous nous avez donné.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, je désire également remercier M. Chénier pour sa participation très positive. Je n'aurai pas de question sauf que je voudrais souligner que je considère qu'à la suite du magnifique exposé que vous avez fait vous en arrivez à des conclusions, à des recommandations qui sont très intéressantes, notamment lorsque vous nous expliquez à l'article 3 de vos recommandations qu'il est important de n'admettre au secteur scolaire anglais que les enfants de langue maternelle anglaise résidant déjà au Québec ainsi que ceux qui y sont déjà engagés. C'est conforme aux opinions que nous partageons. A l'article 4 également: obliger les enfants de nouveaux immigrants de quelque langue maternelle qu'ils soient de fréquenter le secteur scolaire français.

Comme vous, nous trouvons que c'est absolument normal. Bien que je n'aie pas de question, je serai peut-être tenté de vous en poser une petite. Est-ce que vous trouvez que, concernant l'article 4, si on en vient à exiger de tous les nouveaux immigrants qu'ils se joignent au secteur scolaire français, il ne serait pas très important que nos services d'immigration à l'étranger le fassent connaître aux immigrants avant de les intéresser à venir demeurer au Québec?

M. CHENIER: Qu'est-ce que vous entendez pas "nos services d'immigration", celui du Canada ou celui du Québec?

M. SAMSON: Peut-être que je devrais dire les services d'immigration, parce que nos services québécois d'immigration ne sont pas aussi complets qu'ils le devraient, je pense, à l'étranger, mais il demeure que nous utilisons les services de l'immigration canadienne. C'est un fait. C'est dans ce sens que je vous demande si vous trouvez qu'il serait important et peut-être même nécessaire que tous les services, canadiens ou québécois, pour mieux se faire comprendre de l'immigration à l'étranger fassent bien comprendre à tous les immigrants qui désirent venir demeurer au Québec que leurs enfants devront fréquenter les écoles de langue française?

M. CHENIER: Je crois que c'est non seulement essentiel, mais c'est primordial, c'est le bon sens même. Il faudrait évidemment pour cela qu'une loi établisse le fait. Le fait, aujourd'hui, n'est pas établi et je ne crois pas que ce soit avec le projet de loi 22 qu'on réglera tellement ce problème, mais si on devait en venir à cela, ce serait tout à fait normal qu'on le fasse. Comme, si j'avais à déménager en Espagne, j'imagine qu'on m'avertirait que mes enfants devraient être éduqués dans la langue espagnole.

M. SAMSON: La question évidemment de la nécessité de concordance entre les lois, cette présente loi et les lois du ministère de l'Immigration...

M. CHENIER: Evidemment, l'autre devrait être amendée en conséquence.

M. SAMSON: Merci beaucoup.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Peut-être une dernière petite question avant de libérer M. Chenier. Je ne veux pas porter de jugement pour l'instant sur la valeur de votre étude. J'ai simplement souligné le fait que les interprétations démographiques sont toujours très délicates. Ne seriez-vous pas d'accord sur l'impression qui se dégage de la lecture de votre mémoire, à savoir qu'il y a là un problème de population?

M. CHENIER: Dans quel sens?

M. CLOUTIER: Une population qui diminue.

M. CHENIER: Les chiffres que j'ai utilisés, ceux de recensement de 1971, ont été pris à un point mort. C'est dans l'espace d'une semaine, je crois, que le recensement a été fait et c'est à un point arrêté de l'histoire que ce recensement a été fait.

M. CLOUTIER: Parce que, ce que je veux faire ressortir, c'est surtout le fait qu'il ne faut peut-être pas confondre un problème de population avec un problème linguistique. Un problème de population qui doit reconnaître des politiques déterminées, c'est-à-dire des politiques visant à augmenter la natalité, des politiques visant à augmenter l'immigration de manière qu'un nombre devienne plus croissant qu'il ne l'était, et, une législation linguistique qui vise à donner la prédominance à une langue et à présenter des règles d'usage d'une langue. Je me demandais simplement si vous étiez conscient de cette distinction.

M. CHENIER: J'en suis conscient, enfin, je suis très conscient que je douterais de l'effi-

cacité d'une loi qui voudrait faire en sorte qu'on augmenterait le taux de naissance.

M. CLOUTIER: Vous avez tout à fait raison d'ailleurs. Il est extrêmement difficile d'agir sur cet élément démographique qu'est la fécondité qui est un élément essentiel parmi les quatre éléments dont je parlais tout à l'heure; mais ce qu'il est peut-être important de saisir, c'est la distinction entre le problème de population et un problème linguistique. Avez-vous l'impression qu'il n'y a pas de distinction ou s'il y en a une?

M. CHENIER: Je crois que c'est tellement attaché l'un à l'autre qu'on ne peut pas les dissocier entièrement. S'il n'y avait pas de population, il n'y aurait pas de problème linguistique. S'il n'y avait qu'une seule langue, il n'y aurait pas de problème linguistique, évidemment...

M. CLOUTIER: Bien sûr.

M. CHENIER: ... mais ce à quoi je veux en venir, c'est que, à un moment... voici les chiffres... Malheureusement...

M. CLOUTIER: Mais vous conviendrez qu'il y a moyen d'en tirer différentes conclusions. On peut tirer la conclusion que ces chiffres montrent: il y a effectivement un problème de population, un problème de minorisation dans un ensemble démographique. Il est moins sûr qu'on puisse...

M. CHENIER: Oui.

M. CLOUTIER: ... en tirer la conclusion que c'est par des lois linguistiques qu'un tel problème doit recevoir sa solution unique.

M. CHENIER: Oui, je suis d'accord jusqu'à un certain point, avec vous. Puisque la population change — je pense à la population francophone qui était plus élevée il y a quelques années dans la région de Montréal et qui est descendue pour le Montréal métropolitain à moins des deux tiers, juste au-dessous des deux tiers — et, connaissant la tendance peut-être non palpable, (parce que je n'ai pas les chiffres), de l'anglicisation constante et systématique, je ne crois pas qu'on puisse tellement... Je ne dis pas que c'est un facteur à négliger, mais, par contre, je dis qu'on ne doit pas les dissocier totalement.

M. CLOUTIER: Ce n'est qu'un facteur, parmi les quatre facteurs que les démographes reconnaissent, à savoir: la fécondité, la migration et le taux des décès.

M. CHENIER: Je suis d'accord. M. CLOUTIER: Parfait, merci.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Je vous remercie, M. Chénier.

J'inviterais maintenant la Société nationale des Québécois du Saguenay-Lac-Saint-Jean à venir présenter leur mémoire.

M. CHARRON: Pourriez-vous vous informer si le dernier comparant d'aujourd'hui, l'Institut politique de Trois-Rivières, est avec nous?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A la demande du député de Saint-Jacques, est-ce que M. Thérien, porte-parole de l'Institut politique de Trois-Rivières est présent dans la salle présentement?

M. CLOUTIER: M. le Président, le secrétariat des commissions m'informe que ce groupe sera ici à 8 h 15 pour la séance du soir, étant donné que, avec le nombre de groupes que nous avions, on a pensé qu'il serait peut-être difficile de l'entendre avant, compte tenu du rythme de travail jusqu'ici.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): La Société nationale des Québécois du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Que le porte-parole veuille bien s'identifier et présenter ses collègues.

Société nationale des Québécois du Saguenay-Lac-Saint-Jean

MME PARADIS: Mme Ruth Paradis, présidente de la Société nationale des Québécois du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je désirerais, M. le Président, vous présenter les personnes qui m'accompagnent. A mon extrême droite, M. Georges Perron qui est directeur général à la société; à ma droite, M. Gérard Claveau qui est vice-président; à mon extrême gauche, M. Laurier Renaud qui est membre de la SNQ; également, M. Lucien Bergeron qui est vice-président à la SNQ.

M. le Président, si vous me le permettez, nous vous avons expédié, dans les délais réguliers, le mémoire de notre société. Je demanderais, à ce moment-ci, de nous épargner la lecture du document. Plutôt, j'essaierai d'expliquer brièvement ce qu'est un peu notre organisme.

Notre organisme compte, dans la région, environ 10,000 membres. Depuis 1962, la SNQ demande l'unilinguisme au Québec. Je voudrais aussi préciser, maintenant, de quelle façon nous faisons la consultation à la Société nationale. On la fait par des congrès, des journées d'information, des colloques, des carrefours, etc. C'est de cette façon que notre mémoire s'est préparé, à la suite des différentes résolutions adoptées lors de ces congrès.

Voici brièvement la position de la Société nationale des Québécois du Saguenay-Lac-Saint-Jean:

Attendu que tous les arguments contenus

dans notre mémoire sont d'une évidence qui saute aux yeux et n'ont pas à être développés davantage;

Attendu que l'Etat du Québec est l'expression de la nation française en Amérique et seul gardien des intérêts de cette même nation;

Attendu que nous ne voulons plus cautionner un gouvernement qui, par sa dictature d'assemblée, se cache sous la couverture de la consultation et camoufle ainsi sa faiblesse chronique derrière les sondages les plus farfelus;

Attendu que notre action s'inscrit dans la suite des efforts de plusieurs générations de nationalistes;

Attendu que ce qui tient lieu de gouvernement au Québec se plaît à jeter le discrédit sur ses propres concitoyens nationalistes, les faisant passer ainsi pour des extrémistes;

Attendu que la majorité de cette commission parlementaire est davantage à l'écoute de la minorité ethnique locale, grassement favorisée par tout le contexte nord-américain, alors que c'est la majorité française qui est en instance d'assimilation;

Attendu que ce gouvernement a décidé de consommer ce que nous estimons être une trahison nationale;

En conséquence, nous, de la Société nationale des Québécois du Saguenay-Lac-Saint-Jean, jugeons ne pas avoir à discuter, ni avec les auteurs de cette lâcheté, ni avec les collaborateurs de l'occupant. Nous ne tenons surtout pas à cautionner "l'aplatventrisme" des irrémédiables colonisés qui sabotent sans vergogne notre patrimoine collectif.

M. le ministre, messieurs, merci de votre attention; pour nous, c'est terminé.

M. CLOUTIER: Je pense, M. le Président, que c'est terminé aussi pour nous. Etant donné qu'il n'y a pas d'autre groupe, je me demande s'il ne faudrait pas considérer la possibilité d'un ajournement.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Etant donné qu'il y a un autre mémoire à entendre et qu'il avait été entendu que le témoin serait ici à 20 h 15, ce soir, la commission suspend ses travaux à ce soir, à 20 heures.

M. CLOUTIER: Cela va. Ce serait peut-être mieux à 20 h 15.

M. CHARRON: A 20 h 15.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Pour se soumettre aux voeux des membres de la commission, cette dernière suspend ses travaux à ce soir, à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 16 h 48)

Reprise de la séance à 20 h 25

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Ce soir, nous entendrons M. Marcel Thérien, porte-parole de l'Institut politique de Trois-Rivières.

Avant de procéder, je voudrais mentionner le nom des membres de la commission: M. Brown (Brome-Missisquoi), M. Charron (Saint-Jacques), M. Déom (Laporte), M. Cloutier (L'Acadie), M. Ostiguy (Verchères) remplace M. Hardy (Terrebonne); M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Tardif (Anjou), M. Morin (Sauvé), M. Bonnier (Taschereau), M. Beauregard (Gouin), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Veilleux (Saint-Jean); M. Larivière (Pontiac) remplace M. Lapointe (Laurentides-Labelle).

M. Thérien, vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire. Le parti ministériel a vingt minutes pour vous poser des questions ainsi que l'Opposition officielle, qui a également vingt minutes pour vous poser des questions. La parole est à M. Thérien.

Institut politique de Trois-Rivières

M. THERIEN: M. le Président, messieurs, nous sommes heureux d'avoir été invités devant la commission parlementaire chargée d'étudier un projet de loi que beaucoup de gens croient important. Nous savons que vous avez entendu de nombreux mémoires et je comprends très bien le premier ministre, ainsi que le ministre de l'Education, entre autres, d'être harassés et de vouloir que cela finisse au plus tôt.

Nous comprenons également que les honorables membres de l'Opposition souhaiteraient non pas en finir, mais faire durer le supplice du gouvernement, en reportant en septembre la discussion du projet de loi, en espérant peut-être trouver d'autres arguments pour faire triompher leur thèse.

Quant à nous, vous connaissez notre opinion dans le mémoire que vous avez entre les mains, profondément attachés à la langue française, et venant d'une ville qui est l'une des plus francophones au monde et qui veut créer, avec l'aide du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral, le plus grand centre pour l'enseignement du français en Amérique, nous sommes pour toutes les mesures justes et honnêtes, susceptibles d'assurer l'épanouissement de la collectivité francophone et de la langue française.

Ceci dit, avec toute la conviction et la fierté que nous possédons, nous nous permettons de faire quelques remarques seulement, qui se retrouvent dans notre mémoire, mais que nous préciserons, afin de présenter quelques points de vue que nous croyons originaux. La première

de ces affirmations, c'est que la collectivité anglophone est vouée à décliner au Québec. Quel que soit le gouvernement du Québec, quel que soit l'avenir constitutionnel du Québec, quelle que soit l'attitude personnelle ou collective des francophones, et quelle que soit la loi que nous adopterons, l'influence anglophone au Québec est destinée à baisser.

Comme vous le voyez, nous sommes loin du pessimisme de certains qui s'opposent à l'adoption du projet de loi 22, parce que, selon eux, il marquera ou la fin de la langue française, ou la fin de la langue anglaise. Pour notre part, et en toute lucidité, nous constatons que les anglophones ont perdu du terrain partout au Québec, depuis 40 ans, y compris dans la région de Montréal, qui doit cependant, à notre avis, rester bilingue, et nous voulons qu'elle demeure la métropole d'un pays officiellement bilingue.

Expliquer comment cela s'est produit est simple. Une collectivité qui n'a pas de classe moyenne ou populaire ne peut survivre. C'est le cas de la collectivité anglophone au Québec. L'éducation poussée des francophones permettra à ceux-ci de prendre les emplois de cadre dans la grande entreprise multinationale ou canadienne. Un ancien président de l'Association des manufacturiers, M. Gérard Filion, vous a dit la même chose récemment. Une collectivité qui n'a pas de paysannerie pour se renouveler est appelée à disparaître, parce que la vie urbaine est désastreuse pour une collectivité qui a besoin de se "ressourcer".

La fierté des francophones d'affirmer le fait français oblige les entreprises de Montréal à se franciser ou à se "bilinguiser". L'apport des immigrants est presque nul depuis quelques années, et de plus en plus, ils préfèrent l'Ontario et l'Ouest au Québec. Les jeunes anglophones qui ne seront pas bilingues n'ont aucun avenir au Québec, et déjà ils quittent en grand nombre les petites villes où ils sont nés et la province de Québec où ils ne voient plus d'espoir.

Les sièges sociaux des grandes entreprises canadiennes, dont le gros des affaires se fait avec l'Amérique du Nord, iront s'installer dans une autre province si on leur crée des difficultés qu'elles jugeront exagérées.

Les anglophones des Maritimes qui venaient faire carrière à Montréal se rendront directement à Toronto qui n'est plus qu'à une heure de vol de leur province natale.

Seul, le génocide que les Québécois francophones peuvent déclencher — et le ministre de l'Education l'a déjà signalé — par une natalité qui est sur le point d'atteindre une croissance négative pourrait enrayer la marche irréversible de l'affaiblissement de la collectivité anglophone au Québec.

Le deuxième point que je voudrais faire ressortir est le suivant. La liberté de choix pour tous les Québécois nous paraît normale et essentielle. Nous sommes certains que des gens qui chérissent la liberté comme les Québécois n'accepteront pas facilement d'être soumis à une loi qui les privera pratiquement d'un choix qui était dans le passé beaucoup plus théorique que pratique. Quand on constate que les pays socialistes accordent par leur constitution le droit d'épanouissement collectif à leurs différents groupes ethniques, lorsqu'ils sont dans des situations analogues à celles que l'on retrouve au Québec, on peut s'étonner qu'un peuple aux longues traditions démocratiques veuille porter atteinte à l'épanouissement d'une collectivité qui représente près de 40 p.c. de l'agglomération montréalaise.

Pour le bénéfice de ceux que la chose intéresse, je les invite à consulter les constitutions de l'URSS, celles de la Tchécoslovaquie, de la Hongrie, de la Roumanie et de la Bulgarie que j'ai ici, en rapport avec les droits des minorités.

On peut se demander sérieusement si certains députés ne pousseraient pas un jour les bornes jusqu'à interdire les mariages entre les membres de deux collectivités linguistiques, qui sont probablement, comme vous le savez tous, la source la plus importante des transferts linguistiques.

Le troisième point est le suivant. Qu'est-ce qu'un francophone? Pouvons-nous nous passer de l'anglais? Nous savons que, ni le premier ministre, ni le ministre de l'Education qui parle un admirable français, de même que les membres de la loyale Opposition, comme M. Charron que j'ai eu le plaisir d'entendre récemment à la télévision, vous ne voudriez pas empêcher les Québécois francophones de connaître la langue anglaise pour communiquer avec le reste de l'Amérique du Nord. Mais nous savons qu'il y a des gens au Québec qui voudraient reculer le plus tard possible l'enseignement de l'anglais et ne pas rendre obligatoire la connaissance de cette langue pour obtenir les diplômes nécessaires à la pratique des professions et essentiels pour tous ceux qui veulent pratiquer une profession à l'échelle du Canada.

Nous croyons que, si le Québec et les Québécois doivent assumer leur rôle au Canada, un pays où les deux langues, le français et l'anglais, sont officielles, s'ils veulent assurer leur progrès économique, social et même culturel, il faut que la langue anglaise ait un statut particulier. Nulle part dans le projet de loi on définit un francophone.

Nous soumettons respectueusement qu'un citoyen québécois qui vit au Québec depuis 200 ans et qui parle français, tout en étant d'origine anglophone, peut et doit être considéré comme un Québécois authentique.

En terminant ce court exposé qui résume notre mémoire et qui fournit quelques explications additionnelles, nous réitérons nos félicitations au gouvernement actuel ainsi qu'aux autres gouvernements qui se sont succédé à la direction de la province de Québec pour le travail qu'ils ont accompli afin de développer la fierté des francophones, non seulement au Québec, mais partout au Canada.

Nous favorisons la liberté du choix de la langue et nous sommes convaincus que cela n'entravera pas le progrès irréversible de la communauté linguistique francophone. Nous voulons que les francophones prennent leur place partout au Canada et en Amérique du Nord et c'est pour cela que nous devons être fiers d'avoir accès à la langue anglaise et à la culture canadienne d'expression anglaise, comme nos compatriotes de langue anglaise, conscients de notre richesse culturelle, apprécient de plus en plus la langue française, la langue de ceux qui, avec eux, ont bâti le Québec et le Canada.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le représentant de l'Institut politique de Trois-Rivières pour la présentation de son mémoire. Je le félicite d'ailleurs de manifester de l'optimisme en ce qui concerne la survie de la collectivité canadienne-française. Effectivement, il y a beaucoup trop de gens qui se laissent entraîner par le pessimisme. Je suis de ceux qui croient que nous ne sommes pas du tout en voie d'assimilation, je suis de ceux qui croient qu'il n'y a pas de baisse de population ici, au Québec, à moins que l'on triture les chiffres ou que l'on utilise des méthodologies douteuses dans leur interprétation. Je dois dire, même si je ne suis pas d'accord sur tous les aspects de ce mémoire, qu'il est quand même rafraîchissant d'avoir un point de vue empreint de bon sens.

Ceci dit, j'aimerais que vous me parliez, avant de poser mon unique question, de ce qu'est votre institut et de ce que vous représentez.

M. THERIEN: Avec plaisir. L'Institut politique est un organisme qui a été fondé en 1966 à Trois-Rivières par des représentants des différents partis politiques qui ont pensé que des hommes politiques, même s'ils appartenaient à des factions différentes, opposées lors des élections, pouvaient être des amis, se rencontrer, s'estimer et discuter ensemble.

M. CLOUTIER: Quand vous parlez des différents partis politiques, est-ce que vous pensez également au PQ?

M. THERIEN: A l'époque où l'institut a été constitué, le PQ n'existait pas, il n'y avait que les partis libéraux, fédéral et provincial, et le Parti conservateur, l'Union Nationale et le Crédit social. Cependant, je dirai que nous avons fréquemment reçu des membres du PQ à des réunions. Nous les invitons avec sympathie à nos manifestations et nous prévoyons même une modification à la constitution de façon que le Parti québécois, le benjamin de nos partis politiques importants, puisse accéder au conseil d'administration de notre institut.

M. CLOUTIER: Vous représentez combien de membres, à peu près?

M. THERIEN: Notre institut est à caractère assez spécial. Nous avons des membres qui sont actifs et des membres adhérents. Nous avons des membres actifs, et ce sont ceux-là seulement qui ont le droit de voter, et nous ne voulons pas qu'un parti puisse avoir trop d'influence. Nous avons donc limité à deux membres par parti le nombre de membres actifs, tandis que les membres adhérents qui peuvent participer peuvent évidemment être très nombreux. Ce qui veut dire que nous avons dix membres au conseil d'administration de l'Institut politique, représentant cinq partis.

M. CLOUTIER: Très bien. Ma question est la suivante. Vous semblez avoir des réserves au sujet du projet de loi 22, surtout en ce qui concerne le traitement fait à l'anglais. Je crois comprendre que vous trouvez que l'anglais n'est pas suffisamment protégé, autrement dit que le gouvernement va très loin sur le plan de la primauté du français, mais qu'il ne définit peut-être pas avec autant de justice les droits individuels des anglophones. Est-ce que je me trompe?

M. THERIEN: Les droits individuels et aussi les droits collectifs. En somme, j'ai cherché, puisque c'est moi qui ai contribué à préparer le mémoire, à trouver, dans les constitutions des autres pays, des situations analogues et c'est dans les pays socialistes, peut-être chers à certains d'entre vous que nous avons trouvé des situations qui pouvaient être similaires. Je remarque, si vous lisez ces constitutions, que les Etats socialistes accordent beaucoup de liberté aux minorités ethniques. Si vous me permettez, je vais vous en citer deux ou trois passages. Prenons le cas de la Russie. Article 121: "Les citoyens de l'URSS ont droit à l'instruction par l'enseignement scolaire dans leur langue maternelle", et l'article 123: "L'égalité des droits des citoyens de l'URSS, sans distinction de nationalité et de race, dans tous les domaines de la vie économique, publique, culturelle, sociale et politique, est une loi immuable."

Prenons un pays un peu plus petit. On pourrait peut-être dire que c'est un vaste pays. Prenons le cas de la Tchécoslovaquie, qui est un pays unitaire de deux nations slaves, possédant des droits égaux et l'article 25 dit — permettez-moi de lire le texte en anglais — "The State which recognizes the Czechs and the Slovaks shall ensure citizens of Hungarian, Ukrainian and Polish nationality every opportunity and normal means of education in their mother tongue, and for their cultural development".

Cela veut dire, comme vous le voyez, que non seulement on protège les deux communautés linguistiques importantes, mais même les plus petites communautés linguistiques.

Prenons le cas de la Yougoslavie, article 13, du chapitre III: "National minorities in the

Federative People's Republic of Yougoslavia enjoy the right and protection of their own cultural development and the free use of their language".

Prenons le cas de la Bulgarie, article 110: "Nationale minorities have the right to be educated in their mother tongue and to develop their national culture, while the study of Bulgarian is compulsory".

La Hongrie, article 11: "The Hungarian People's Republic ensures to all nationalities living within its borders the possibility of education in their native tongue, and the possibility of developing their national culture".

Dans l'Allemagne de l'Est: "Free ethnic development of foreign language elements of the population of the Republic is to be promoted by legislative and administrative actions. In particular, they must on no account be prevented from using their native language in matters of education, internal administration and administration of justice".

M. CLOUTIER: Ceci nous éclaire.

M. THERIEN: La Roumanie encore, c'est très important. C'est le dernier d'ailleurs. Si vous me permettez. Si vous l'aviez déjà eu...

M. CLOUTIER: Non, non. Continuez, c'est intéressant.

M. THERIEN: "In the People's Republic of Romania, the right of using their native language and organizing education of every grade in their own language is ensured to all nationalities living in the country". Et l'article 82: "In the Romania People's Republic, the national minorities are ensured the free use of their mother tongue, as well as education at all levels, books, newspapers, and theatres in the mother tongue".

Et la conclusion à laquelle nous en sommes venus en prenant connaissance de ces constitutions, c'est que si les pays communistes accordent cette liberté de développement culturel à leurs citoyens, je ne comprends pas qu'un pays démocratique comme le nôtre puisse faire certaines restrictions à une minorité qui représente 40 p.c. de la population dans la région même de Montréal.

M. CLOUTIER: Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Je vous remercie, M. Thérien, de la déposition de votre mémoire. C'est avec beaucoup d'émotion que j'accepte l'ouverture que vous faites à notre parti, à l'Institut politique de Trois-Rivières. Je pense que la qualité du mémoire que vous nous présentez et l'ouverture d'esprit manifeste qu'on retrouve à chacune de ses lignes, font que, sans aucun doute, les membres du Parti québécois de la Mauricie, de la région du coeur du Québec, sont certainement heureux d'apprendre qu'ils pourront fraterniser sur certaines considérations politiques et c'est tout un honneur qui rejaillit sur notre modeste parti, je vous prie de me croire.

M. CLOUTIER: Cela s'appelle de l'ironie!

M. CHARRON: M. Thérien, je n'ai qu'une question à vous poser. Elle est tirée de votre mémoire à la page 3, le paragraphe 5 qui traite de la langue de l'entreprise. Vous affirmez, dans le dernier paragraphe: Nous ne voyons pas comment on peut considérer autrement que raciste la provision qui voudrait obliger les firmes à avoir des directeurs francophones.

Le premier ministre, qui participe à l'occasion à nos travaux lorsque besoin est de refaire la solidarité ministérielle, est venu ce matin pour argumenter quelques minutes avec un témoin de langue anglaise du comité de parents de Verdun, qui était exactement à la place où vous êtes. Le premier ministre, lui-même, nous a rappelé que dans le sondage dont vous avez fait vous-même puissante allusion, il se trouvait une proportion de 71 p.c. de Québécois qui avaient répondu positivement à la question: Croyez-vous que le gouvernement du Québec devrait obliger les entreprises à la promotion de cadres ou de directeurs-cadres francophones. 71 p.c. des Québécois avaient répondu "oui", parce que 71 p.c. de ces Québécois sont conscients que dans les postes de commande de la société, c'est exactement l'inverse de la proportion que nous trouvons, c'est-à-dire que 80 p.c. des postes de commande dans les entreprises, — $15,000 en montant, ceux qui sont les mieux rémunérés — sont occupés par des anglophones et 20 p.c. seulement par des francophones. On peut faire tous les "sparages" que vous voulez quant à l'égalité des deux groupes fondateurs du Canada et de l'Amérique, si vous voulez, il reste qu'ici, au Québec, nous sommes 80 p.c. de francophones et 20 p.c. d'anglophones. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la situation est curieuse. Une majorité qui existe aux quatre cinquième d'un territoire n'occupe qu'un cinquième des postes de commande. Ces Québécois conscients de ce qu'ils appelaient, eux, une injustice, réclamaient que le gouvernement oblige les entreprises.

Ce matin, le premier ministre est venu nous dire que ce n'était pas le cas. Le gouvernement n'oblige pas les entreprises, il les incite dans le projet de loi. Il faudrait donc croire que, quand vous blâmez cette provision, vous avez mal lu le projet de loi, vous l'avez mal entendu. Votre premier ministre, lui, l'explique d'une tout autre façon que vous l'expliquez et que vous l'avez entendu. Peu importe, ce n'est pas là-dessus que je veux vous poser la question. Est-ce que vous considérez qu'il y a 71 p.c. de

Québécois, que ces 71 p.c. de Québécois dans le sondage sont des racistes?

M. THERIEN: Je répondrai bien volontiers à l'honorable député de Saint-Jacques que d'abord il faudrait donner une définition du mot "francophone". Or, il n'y a rien dans le projet de loi qui dit ce que c'est qu'un francophone. J'estime respectueusement que M. Goldbloom, même s'il porte le nom de Goldbloom, est un excellent francophone, que M. Wieklinski, qui est d'origine polonaise parle très bien français et peut être considéré comme un francophone, même s'il parle également la langue anglaise.

M. CHARRON: Pardon, si moi je parle anglais, j'ai appris la langue seconde, je me considère comme un piètre bilingue, mais je me considère comme bilingue, diriez-vous que je suis un anglophone?

M. THERIEN: C'est-à-dire que vous êtes... Certainement, parce que vous parlez... Tout dépend de ce que vous entendez par anglophone. Si vous parlez l'anglais, vous êtes un anglophone.

M. CHARRON: Le député d'Huntingdon n'est pas d'accord que je sois un anglophone.

M. THERIEN: Vous n'êtes pas un Anglais, pas plus que M. X du Congo, qui appartient à la race des Bantous, qui demain apprend le français chez lui, il devient un francophone et vous le savez bien, vous accordez de l'importance à ce que vous appelez la francophonie.

Est-ce que la francophonie implique des gens d'une même race? Pas du tout. La francophonie, c'est un groupe de pays qui acceptent, comme langue véhiculaire et non pas comme langue nationale, langue ethnique, la langue française. Vous pouvez être un noir d'Haiti, un Chinois de l'Indochine, un Malgache, si vous utilisez la langue française, vous êtes un francophone et cela ne fera pas de vous un Français. Je dis personnellement qu'un Québécois — et c'est ce que nous devons considérer — est une personne qui vit au Québec, qui a accepté de vivre au Québec et qui est fier d'être Québécois, qu'il soit francophone ou anglophone, il est un Québécois.

M. CHARRON: D'accord, admettons superficiellement la distinction que vous venez d'apporter, que, par le mot "francophone", les gens entendaient ceux qui sont de langue maternelle française, ou comme nous le dit le Conseil supérieur de l'éducation, dans son avis, c'est-à-dire ceux qui ont appris et compris comme première langue le français. Admettons que c'est tout ça que tout le monde a dans l'esprit quand on dit francophone. Ceux qui disaient que ceux qui sont de langue maternelle française on devrait obliger les entreprises à laisser place à ce groupe, parce qu'il est chez lui ici, ces 71 p.c. de Québécois qui répondaient au sondage de façon favorable, est-ce que vous considérez que ce sont des racistes?

M. THERIEN: Je crois, M. le député, qu'on a mal expliqué ou on n'a pas expliqué du tout quand on leur a posé cette question-là, une question au téléphone. Vous posez toutes ces questions-là, avez-vous eu le temps d'expliquer ce que c'était un francophone exactement? Moi je dis que non.

M. CHARRON: Bon, d'accord.

M. THERIEN: Alors, avec la conséquence qu'il faudrait recommencer. Et je dis ceci: Moi, je suis convaincu que le peuple québécois n'est pas raciste dans le fond et qu'il est très heureux d'avoir un homme comme M. Goldbloom qui s'exprime dans un français admirable et qu'il considère comme un Québécois authentique.

M. CHARRON: Bon, je suis d'accord avec vous pour dire que les Québécois ne sont pas racistes. Seulement ce que vous avez affirmé dans votre texte nous le laisse entendre. Prenez-les les sondages. Est-ce que le député de Gouin veut intervenir ou s'il se contente de son caucus spécial?

M. BEAUREGARD: M. le Président, je n'ai pas demandé d'intervenir.

M. CHARRON: Bon alors fermez-vous. J'ai simplement demandé à M. Thérien...

M. BEAUREGARD: M. le Président, je pense que je pourrais demander au député de Saint-Jacques...

M. CHARRON: Est-ce que vous avez demandé d'intervenir?

M. BEAUREGARD: Là, je demande d'intervenir, M. le Président.

M. CHARRON: Intervenez donc.

M. BEAUREGARD: Je demanderais au député de Saint-Jacques de conserver la politesse.

M. CHARRON: C'est parce que la remarque...

M. BEAUREGARD: C'est peut-être beaucoup demander, M. le Président, mais je le demande quand même.

M. CHARRON: C'est parce que la remarque que vous avez faite, que j'ai entendue et que vous n'avez pas voulu répéter, elle n'était pas très polie non plus.

Je veux simplement vous demander ceci, M. Thérien, faites abstraction du téléphone, du sondage, etc. Un Québécois de langue française,

d'accord, c'est comme vous puis moi puis quelques-uns de ceux qui sont autour de la table ici. Nous sommes 80 p.c. dans le Québec. Ces gens souhaitent simplement que la proportion que nous sommes dans le Québec se retrouve à peu près dans les cadres qui dirigent l'économie des Québécois. Ce n'est pas qu'on exclue les anglophones, mais qu'on ne maintienne plus la proportion ridicule: Là où nous sommes quatre cinquièmes de la population, que nous n'occupions qu'un cinquième des postes de commande. Quand nous exigeons simplement, selon notre taille de 80 p.c, dans ce seul endroit du monde où nous puissions un jour espérer être véritablement chez nous, que notre économie soit aux quatre cinquièmes dirigée par des gens comme nous, puisque nous sommes les quatre cinquièmes, est-ce que nous sommes racistes, quand nous disons ça?

M. THERIEN: Les hitlériens disaient exactement la même chose au sujet des Juifs.

M. CHARRON: Très bien, M. le Président, je n'ai plus de questions, ça ne vaut plus la peine.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Taschereau.

M. BONNIER: M. Thérien, à la page 2 de votre mémoire, vous mentionnez les cours de français à Trois-Rivières et vous dites que beaucoup de gens y vont. Est-ce que cela se donne à l'université ça?

M. THERIEN: Oui. Nous croyons que Trois-Rivières, par sa situation géographique, admirablement placée au Coeur du Québec, est extrêmement bien située pour des cours de langue, que nous voulons développer au maximum, et dans les cours du CEGEP, dans les collèges, et également à l'université. Cette année, par exemple, nous avons à l'université au-delà de 100 étudiants qui viennent de quatre ou cinq provinces canadiennes et de trois ou quatre Etats américains. Ils viennent à Trois-Rivières pour apprendre la langue française. Ils savent que, s'ils sortent sur la rue, ils vont rencontrer des gens qui vont parler français. Ils yont pouvoir facilement se rendre à Montréal ou à Québec pour participer à des activités de caractère francophone. C'est pour ça qu'ils viennent à Trois-Rivières, et c'est pour ça que nous avons pensé faire de Québec le plus important centre pour l'enseignement du français en Amérique du Nord.

M. BONNIER: Est-ce que cela ressemble aux cours qu'il y a à Laval, les cours d'été?

M. THERIEN: Oui, certainement. En somme, Laval et Montréal ont commencé plus tôt. A Trois-Rivières cela a été un peu plus lent à démarrer, parce que l'université est arrivée un peu plus tard, mais nous croyons qu'il est possible de rattraper le temps perdu.

M. BONNIER: Vous m'arrêterez quand mon temps sera terminé. Je ne sais pas s'il y en a d'autres. J'aurais une question à vous poser, aussi, à la page 4. En ce qui regarde la publicité, vous dites: "Vouloir qu'une entreprise se soumette aux exigences de chacune des Législatures provinciales, c'est lui imposer une tâche pratiquement impossible". Est-ce vraiment le cas?

M. THERIEN: Voici ce que je veux dire. Il est évident que la publicité, dans un pays comme le Canada, doit être préparée à l'échelle nationale, soit en langue anglaise ou en langue française, selon les besoins. Si on met des restrictions assez sérieuses, si chaque province obligeait les compagnies à respecter des règlements qui pourraient être extrêmement variés, je pense que ça créerait des complications.

Prenez comme exemple, tout simplement, l'étiquetage. Supposons que la province de Québec dise qu'il faut que le français prédomine, que l'Ontario dise qu'il faut que l'anglais prédomine et qu'une autre province dise qu'il faudrait que ce soit l'inuit qui prédomine, imaginez ce que ça représenterait de coûts additionnels, tandis que je pense, modestement, qu'il serait possible de créer quelque chose qui puisse être acceptable par toutes les provinces et qui respecterait le caractère bilingue du Canada.

M. BONNIER: Mais vous n'avez pas l'impression qu'un industriel qui veut vendre va s'efforcer plutôt de communiquer le plus facilement possible avec l'ensemble de sa clientèle?

M. THERIEN: Oui, vous avez raison. Si le marché est suffisant. Dans certains cas, on sait qu'un marché de 5 millions, c'est un "residual market" pour les compagnies de l'Amérique du Nord qui ont un marché de 225 millions de population. Certaines compagnies vont le faire, mais d'autres ne pourront pas le faire parce que le volume de leurs ventes ne sera pas assez élevé.

M. BONNIER: Est-ce que ça veut dire que vous n'êtes pas tout à fait d'accord sur nos recommandations quant à l'étiquetage?

M. THERIEN: Je crois, pour ma part, qu'il faudrait peut-être s'entendre avec le gouvernement canadien pour établir des normes qui pourraient être acceptables par nous, Québécois francophones, comme par les autres Canadiens d'expression anglaise.

M. BONNIER: D'accord.

M. THERIEN: Je pense qu'on pourrait trouver une formule qui pourrait être acceptable pour tout le monde.

M. BONNIER: Une dernière question, M. le Président. Vous dites, à la page 5: "Nous craignons que le bill 22, en restreignant la

nécessité pour les francophones de connaître l'anglais, restreindra la capacité de ceux-ci à jouer un rôle à l'échelle du Canada et du continent". Est-ce que vous avez l'impression qu'on dit, dans le projet de loi, que les Canadiens français ne doivent pas apprendre l'anglais comme langue seconde ou bien si vous trouvez qu'on n'insiste pas suffisamment?

M. THERIEN: Nous savons parfaitement que l'honorable ministre de l'Education est d'opinion que tous les Québécois cultivés et ceux qui veulent aspirer à une activité qui dépasse les cadres de la province de Québec et du pays doivent connaître la langue anglaise, mais je pense que l'on ne signale nulle part dans le projet de loi que, par exemple, un étudiant devra être anglophone, devra parler la langue anglaise pour pouvoir pratiquer une profession.

M. BONNIER: La langue française, je pense.

M. THERIEN: Oui, mais...

M. BONNIER: On parle d'un anglophone.

M. THERIEN: Excusez-moi, oui. Ce que je veux dire, c'est que la motivation qui existait auparavant existe moins parce que vous avez, en ce moment, dans la Fonction publique, un grand nombre de personnes qui peuvent probablement gagner leur vie sans avoir à parler la langue anglaise. Par conséquent, ces gens-là ensuite, quand vient le temps, si leur compagnie... Par exemple, prenons le cas de la compagnie Bombardier qui est dans les Cantons de l'Est, une compagnie francophone s'il y en a une. Si, demain, un de ses clients du Minnesota a besoin d'un mécanicien et que la compagnie Bombardier doit envoyer un mécanicien, il faudra nécessairement qu'elle envoie un mécanicien bilingue.

De la même façon si sa secrétaire, la secrétaire du président, doit écrire des lettres à leurs clients aux Etats-Unis ou en Angleterre, il faudra nécessairement que la secrétaire soit bilingue.

Alors, c'est une erreur de croire qu'un grand nombre de Québécois peuvent gagner leur vie sans connaître la langue anglaise convenablement. Même pour être député, par exemple, de Saint-Jacques, si on veut parler ensuite à la télévision anglaise, il faut nécessairement parler anglais.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Thérien de la façon dont il a présenté son mémoire. Soyez assuré que les membres de la commission vont prendre en note vos considérations.

M. FRASER: M. le Président, pour le peuple anglais que je connais, je veux vous féliciter de votre esprit ouvert.

M. THERIEN: Je m'excuse, je n'ai pas très bien compris.

M. FRASER: Est-ce que je peux vous féliciter de votre esprit ouvert envers vos concitoyens anglais?

M. THERIEN: Je vous remercie, mais je voulais que vous compreniez que je suis d'abord un Québécois francophone qui est extrêmement fier de la langue française et de la civilisation à laquelle il appartient.

M. FRASER: Merci. Je suis un Québécois. J'étais un Anglais unilingue au commencement, mais maintenant, je suis devenu un peu bilingue. Je me considère comme un Québécois parce que je suis de la cinquième génération sur la même terre, dans mon coin.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous remercie, M. Thérien.

M. THERIEN: Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Avant de procéder à la motion qui a été présentée par le député de Saint-Jacques, je voudrais mentionner les organismes qui sont convoqués pour demain: La Société nationale des Québécois de l'Outaouais, le Comité d'action politique local 790, ouvriers unis du caoutchouc, syndicat des employés de Firestone, la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie. C'est pour demain, après la période des questions.

M. CLOUTIER: M. le Président, à ce propos, pourrais-je demander aux représentants de l'Opposition s'ils souhaitent continuer la coutume qui semble s'être installée, depuis un mois, c'est-à-dire entendre des groupes de façon continue?

M. CHARRON: Oui, oui. Demain, oui.

M. CLOUTIER: Je serai très heureux de me rendre à ce désir.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Nous entendrons les groupes de façon continue. J'inviterais à présent le député de Saint-Jacques à bien vouloir présenter sa motion.

Motion de M. Claude Charron (suite)

M. CHARRON: M. le Président, nous reprenons un débat qui avait été entamé ce matin et que j'ai abandonné à la suggestion du ministre de l'Education. Ce matin, le ministre a confirmé qu'il détenait, depuis hier, l'avis très attendu du Conseil supérieur de l'éducation sur le projet de loi no 22. On imagine bien que le Conseil supérieur de l'éducation s'est particulièrement

attaché au chapitre le plus contesté du projet de loi depuis le début des séances de cette commission, soit le chapitre qui traite de la langue d'enseignement, puisque c'est en cette matière en particulier que la compétence et l'intégrité, quant à la réflexion intellectuelle du Conseil supérieur de l'éducation, sont depuis longtemps, je pense, reconnues, aussi bien par le ministre de l'Education que par tous ceux qui oeuvrent dans le milieu de l'Education, y compris le critique officiel de l'Opposition.

Cet avis tombe pile, M. le Président, parce qu'il nous semble qu'avant que nous ayons l'occasion d'entamer la deuxième lecture, prendre connaissance de l'opinion du Conseil supérieur de l'éducation sera certainement d'une utilité plus que quelconque pour les membres de la commission qui auront à se prononcer quant au principe du projet de loi.

Je ne veux pas entrer dans les modalités que, d'ailleurs, je ne connais que de façon très superficielle puisque je n'ai pas parcouru l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, embargo étant mis par le Conseil supérieur de l'éducation jusqu'à 10 heures ce soir sur son avis. Mais quels que soient la portée, les motifs ou encore les détails de la position du Conseil supérieur de l'éducation, je pense qu'un projet de loi de cette importance et un avis de cette importance ne doivent pas être laissés à la simple discrétion de la bonne place que voudront leur donner les media d'information au cours des prochains jours.

Il est possible que demain l'avis du Conseil supérieur de l'éducation — je n'en sais rien, mais c'est possible — une fois soulagé de l'embargo qui le retient jusqu'à dix heures, occupe une place très quelconque dans les media d'information déjà submergés par la campagne électorale fédérale qui tire à sa fin, les travaux des autres commissions parlementaires qui aujourd'hui ont pris plus d'éclat, je dirais, que la nôtre, en certaines occasion. Donc, nous fier uniquement à ce que les journaux en rapporteront pour se faire un avis juste des intentions et des réflexions profondes auxquelles ont dû indéniablement se livrer les membres du Conseil supérieur de l'éducation, avant d'aboutir à ce consensus majoritaire...

Le ministre m'informait ce matin qu'il y avait trois dissidences jointes à l'avis du Conseil supérieur de l'éducation. Aujourd'hui, au téléphone, le Conseil supérieur de l'éducation m'a confirmé l'existence de ces dissidences. Peut-être aurions-nous intérêt à connaître la réelle portée de ces dissidences et entendre, peut-être d'une façon très démocratique, les dissidents du Conseil supérieur de l'éducation, accompagnant le président lors de leur témoignage, dans le même esprit ouvert, par exemple, que nous avons dû reconnaître à la Commission des écoles catholiques de Montréal qui n'avait pas craint de se faire accompagner des commissaires qui avaient signé un rapport minoritaire.

Enfin, toutes ces raisons et celles que j'ai invoquées ce matin, à mon avis, militent pour que nous convoquions mardi prochain, le 9 juillet 1974, le président du Conseil supérieur de l'éducation, afin qu'il nous explique ce qu'il y a de contenu entre les lignes que peut-être nos esprits ne réussiront pas à trouver toujours au bon endroit, et nous explique aussi la réelle portée de l'avis du Conseil supérieur de l'éducation.

Je sais qu'un des arguments invoqués, et que peut-être se prépare à invoquer à nouveau le ministre de l'Education, est celui du précédent. C'est un fait, M. le Président, que ce qui a constitué dans la pratique l'importance et la valeur de chacun des messages du Conseil supérieur de l'éducation sur les différents projets où il intervenait de lui-même, où il intervenait après la sollicitation du ministre — les deux se sont produits depuis l'existence du ministère de l'Education — ce qui faisait sa valeur et sa grande objectivité, que personne ne remettait en question, je crois, c'est son indépendance que la loi constituant le ministère de l'Education a elle-même voulu lui consacrer.

Je ne crois pas, effectivement, que ce soit de pratique très courante que le président du Conseil supérieur de l'Education se traîne d'une tribune à l'autre pour expliquer ses avis. La loi l'oblige à remettre au ministre de l'Education ses avis et c'est le ministre qui en dispose par la suite, c'est exact.

Ecoutez, nous n'invitons pas le Conseil supérieur de l'éducation à aller devant un club Rotary ou un club Richelieu pour contredire, par exemple, ce que le rapport du Conseil supérieur de l'éducation aurait dit. Ce serait pousser le loufoque et le ridicule encore plus loin qu'on ne l'a connu. Il s'agit de le convoquer à cette commission parlementaire de l'éducation, mandatée par l'Assemblée nationale pour entendre les témoins, qui devra dans quelque temps faire rapport à l'Assemblée nationale des auditions que nous avons tenues, et très probablement, après la deuxième lecture, c'est cette même commission qui sera chargée à nouveau de l'étudier article par article.

Alors, je ne considère pas cette commission comme n'importe quelle tribune publique. Je la considère comme celle qui a été mandatée par les représentants de la population pour étudier et entendre l'avis des citoyens québécois sur le projet de loi 22. Je ne considère pas comme dégradant et encore moins comme une atteinte à l'objectivité et à l'indépendance du Conseil supérieur de l'éducation de l'inviter, de la façon la plus polie, la plus courtoise, comme j'ai voulu le faire ce matin, ce que je tiens à répéter ce soir, à venir nous rencontrer mardi prochain pour, encore une fois, nous expliquer le sens et la réelle portée des affirmations et des suggestions qu'il fait à l'intention du législateur dans son avis.

Je pense que ma motion est parfaitement recevable, non simplement sur le plan du règlement, mais aussi politiquement, parce que

personne n'a intérêt, au moment où nous accordons de l'importance à n'importe quel institut politique qui vient offrir son témoignage, que cette commission juge après avoir donné l'occasion à peu près à tout le monde de se faire entendre, à ce que le principal groupe dont l'avis puisse être de quelque importance dans un débat de ce genre, le Conseil supérieur de l'éducation ne vienne pas à cette table même nous le présenter la semaine prochaine.

M. le Président, c'est ce que j'avais à dire sur ma motion. J'espère que le délai que j'ai consenti à accorder au ministre aujourd'hui pour lui permettre de se faire une opinion plus claire, nous permettra de connaître son opinion le plus rapidement possible et j'espère qu'elle sera favorable.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. lePrésident, nous avions convenu, le député de Saint-Jacques et moi-même, ce matin, d'attendre au moment de la présentation de la motion pour donner notre point de vue là-dessus.

Moi, je voudrais appuyer la motion du député de Saint-Jacques dans une opitique peut-être un peu différente et pour des raisons complémentaires peut-être, mais qui touchent un autre aspect du contexte.

Premièrement, le ministre et le gouvernement auront à présenter, tôt ou tard, que ce soit immédiatement, à l'automne ou plus tard, un projet de loi linguistique. Pour présenter ce qui correspondrait à une loi, la plus acceptée, la plus convenante à la majorité des citoyens du Québec, sur quoi un Parlement, incluant le gouvernement et l'Opposition, doit-il se baser?

Jusqu'à présent, j'ai remarqué dans les déclarations ou à la lecture du journal des Débats, que très souvent le ministre a fait appel, comme argument, aux sondages. Grâce à cela, il voyait des personnes ou des groupes, des extrémistes de chaque côté et il se situait au milieu. Le sondage permet d'obtenir des opinions d'individus dans des situations bien particulières, bien précises. C'est une des façons de savoir ce que pense une population sur un sujet donné. C'est une des façons.

Il y a quand même d'autres façons d'obtenir l'opinion publique. Je les énumérerai et, après ça, on pourra juger de l'importance de chacune. Dans une société bien équilibrée existent des corps intermédiaires. Je mettrais, dans ces corps intermédiaires, tous les groupes, ou les regroupements, ou les sous-groupes de citoyens qui ont —c'est 20 minutes, M. le Président — des intérêts particuliers, des objectifs précis à atteindre dans cette société et qui représentent des intérêts d'individus particuliers qui sont affectés par toutes les lois que nous adoptons au Québec.

Ces corps intermédiaires, le ministre... Quand je dis "corps intermédiaires", je le fais avec une grande emphase; j'inclus beaucoup de groupes là-dedans. Ces groupes ont une crédibilité dépendant aussi des intérêts qu'ils défendent. C'est sûr. Mais c'est l'ensemble des arguments présentés par tous ces groupes, qui ont parfois des intérêts complètement différents, divergents et même opposés entre eux, qui peut nous permettre d'obtenir un son de cloche différent.

Entre les citoyens qu'on interroge à l'intérieur d'un sondage, des individus, des personnes, et des corps intermédiaires, il y a la nuance suivante. C'est que la plupart de ces corps intermédiaires ont une certaine expérience, une certaine vision, une certaine opinion de la société dans laquelle ils vivent, parce qu'ils ont eu à défendre des intérêts à différents moments de leur vie comme groupes collectifs.

C'est donc dire que la raison pour laquelle cette commission parlementaire a été convoquée, c'était pour les entendre.

C'est parce qu'on calculait que ces gens-là avaient quelque chose à dire, à présenter. Les individus qui ont été interrogés par les différents sondages, le ministre admettra avec moi que, quand on pose une question à un citoyen particulier, cette personne, cet individu, et ça s'en vient exactement...

M. VEILLEUX: Question de règlement.

M. LEGER: ... avec la motion que le député de Saint-Jacques avait présentée.

M. VEILLEUX: Question de règlement. Je m'excuse auprès de mon collègue de Lafontaine, j'aimerais...

M. LEGER: J'espère que vous ne comptez pas ça sur mon temps, M. le Président.

M. VEILLEUX: J'aimerais soulever une question de règlement. Si j'ai bien entendu la motion du député de Saint-Jacques qui était dans l'ordre, qui était de demander aux membres de la commission de convoquer un organisme concerné pour mardi, telle heure, je ne vois pas, moi, dans la convocation de cet organisme, le rapport qu'il peut y avoir entre cette convocation et les propos que tient présentement le député de Lafontaine qui parle de sondages de groupes donnés de personnes. C'est vrai, par exemple, que le député de Lafontaine, retenu à d'autres commissions par le travail parlementaire...

M. LEGER: M. le Président, le point de règlement...

M. VEILLEUX: ... n'a pas été capable... M. LEGER: ... le député...

M. VEILLEUX: Je n'ai pas terminé mon point de règlement.

M. LEGER: Parlez sur le point de règlement, autrement je vais reprendre...

M. VEILLEUX: M. le Président, je n'ai pas terminé mon point de règlement. J'excuse le député de Lafontaine d'être en dehors du sujet qu'on discute, compte tenu de l'immense travail qu'il avait à faire à de nombreuses autres commissions parlementaires. Malgré cet immense travail, je vous demanderais de le rappeler à l'ordre, c'est-à-dire qu'il discute de la motion qu'on a à discuter présentement.

M. LEGER: M. le Président, sur le point de règlement. Je veux simplement faire remarquer que l'objectif que j'ai à atteindre, c'est une argumentation qui va prouver l'importance de convoquer le Conseil supérieur de l'éducation. Comme de raison, le député de Saint-Jean n'a peut-être pas vu où je voulais m'en aller, mais il va le voir bientôt. Il comprend un petit peu en retard, mais il va le voir bientôt.

Alors, M. le Président, dorénavant...

M. VEILLEUX: Le député de Saint-Jacques s'interroge.

M. LEGER: M. le Président, j'étais en train de dire que les citoyens qui se font interroger et qui ont eu à répondre à des questions sont pris dans des préoccupations personnelles, et le questionnaire leur demande de donner leur perception collective. Ils sont pris dans le quotidien, dans le conditionnement de la situation, et on demande à ces personnes de s'exprimer sur un projet collectif. Ces gens-là, M. le Président, ont une limite, très souvent, dans leur perception d'une solution. Entre autres, quand on vit dans un contexte où la langue de travail est très souvent l'anglais, et qu'on est convaincu que ça ne peut pas se changer, parce qu'on est dans un contexte qui existe depuis tellement longtemps, et qu'on pose une question sur l'enseignement, c'est sûr que le citoyen, croyant qu'il n'a pas les possibilités de changer le contexte dans lequel il vit, va dire certainement qu'on a besoin de l'anglais pour vivre actuellement, qu'il faut qu'il y ait des écoles anglaises, etc. qu'il faut envoyer même nos enfants à l'école anglaise, etc.

Et, à ce moment-là, ses horizons étant limités. Le sondage ne peut pas servir de prétexte pour dire que la commission parlementaire doit tenir compte, d'une façon importante dans ses décisions et dans le rapport qu'elle fera à l'Assemblée nationale, des rapports de sondages, mais beaucoup plus sur les groupes qui sont venus se présenter à la commission parlementaire. Alors, M. le Président, il reste un groupe...

M. DEOM: II n'y a plus de journalistes, monsieur.

M. LEGER: C'est pour ça que... il n'y a même plus de députés libéraux, ils s'en vont.

M. DEOM: Vous pouvez abréger, les journalistes sont partis.

M. LEGER: M. le Président, on est en train de réaliser qu'il y a un groupe qui a un intérêt tout à fait désintéressé au projet de loi que le ministre va présenter. C'est le Conseil supérieur de l'éducation. Est-ce qu'on doit, à ce stade-ci, se limiter aux opinions des individus par le sondage uniquement; est-ce qu'on doit se limiter uniquement aux corps intermédiaires ou aux groupes qui présentent des mémoires; ou si on ne doit pas aussi accepter le fait que le groupe, c'est-à-dire le Conseil supérieur de l'éducation, qui est complètement désintéressé sur le plan politique mais complètement intéressé sur le plan éducatif et des conséquences sur la langue de l'enseignement, dans le contexte actuel québécois.

Autrement dit, ce groupe, qui doit être celui qui conseille le ministre dans ce projet de loi qui s'en vient, est à peu près celui qui est le mieux placé pour réaliser et faire le point à la suite du sondage qui donne l'opinion d'individus qui sont quand même limités et conditionnés dans un contexte pour qui la plupart croient qu'on ne peut pas changer cela ou que c'est au-dessus des moyens des Québécois de le faire et aussi à la suite des groupes qui, jusqu'à maintenant, sont venus et dont la majorité des groupes francophones ont proposé le rejet du bill 22. Non seulement une majorité, mais presque tous les autres demandent des amendements majeurs à ce projet de loi ainsi que d'une grande partie des groupes anglophones qui demandent le rejet du bill 22. Comme on s'attend bientôt à ce que le ministre nous arrive et nous dise.: On en a assez entendu, il faut prendre une décision.

Est-ce qu'il ne serait pas sage maintenant d'avoir le point de vue du groupe le plus compétent en matière d'éducation et qui sait jusqu'à quel point le domaine de la langue d'enseignement dépend d'un changement possible à inclure dans la loi qui nous est présentée, du contexte du travail de la langue officielle et, ni plus ni moins, de l'objectif à atteindre dans la société pour permettre de rendre, dans le domaine de l'éducation, la langue française rentable? M. le Président, si j'ai dit cela aujourd'hui, c'est pour faire réaliser au ministre qu'il ne peut pas...

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais le député de Lafontaine à conclure.

M. LEGER: A conclure? C'est justement ce que j'étais en train de faire, ne l'avez-vous pas remarqué? Le ministre ne peut pas faire autrement qu'accepter que la commission parlementaire écoute d'une façon objective l'organisme qui est directement concerné avec la langue d'enseignement, après avoir entendu des gens de la population qui se sont prononcés avant les

corps intermédiaires qu'on appelle les faiseurs d'opinions. Ces faiseurs d'opinions ont été entendus, à peu près la moitié jusqu'à maintenant. Est-ce que maintenant on est capable de se prononcer et est-ce qu'on ne devrait pas avoir devant nous, très bientôt, ce Conseil supérieur de l'éducation qui nous éclairerait davantage avant d'arriver, comme commission parlementaire, à débattre la motion qu'on présentera à l'Assemblée nationale? C'est la raison pour laquelle, M. le Président, j'appuie en toute objectivité la motion du député de Saint-Jacques pour qu'on entende ce groupe désintéressé, mais qui a le plus grand intérêt à ce qu'on trouve une solution à cette langue officielle, la seule langue officielle, le français au Québec.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, ce n'est pas sans sympathie que j'ai pris connaissance, ce matin, de la motion du député de Saint-Jacques. La preuve est que je l'ai prié de la représenter ce soir, de manière que je puisse en étudier toutes les implications. En effet, j'ai d'emblée expliqué les réserves que cette motion suscitait chez moi. Ces réserves étaient fortes, mais j'ai tout de même voulu aller au fond des choses. Je dois dire qu'elles sont maintenant confirmées et que nous allons voter contre cette motion.

Ce matin, j'ai expliqué qu'il ne me paraissait pas souhaitable de demander à un organisme créé par la loi, un organisme qui n'est pas sous la tutelle du ministre de l'Education, un organisme qui a pour fonction de donner des avis, soit spontanément ou soit sur demande, de venir témoigner devant une commission.

Je crois que ce serait là créer un précédent qui n'est certainement pas utile et que ce serait également entamer l'autorité de cet organisme qui doit justement conserver une indépendance pour pouvoir s'exprimer.

Je me suis d'ailleurs souvenu que je m'étais déjà opposé —si le député de Saint-Jacques daignait prêter quelque attention à ce que je dis — il y a deux ans, lors de la discussion des crédits du ministère de l'Education, à une demande analogue et pour exactement les mêmes raisons.

Je viens de confier au Conseil supérieur de l'éducation, je dis "je viens", mais en fait il y a maintenant près d'un an, un important mandat qui l'oblige à faire le bilan du système collégial depuis ses débuts. Ce mandat comporte un budget considérable et si, par hasard, j'établissais comme précédent que le conseil peut être convoqué devant une commission parlementaire, rien n'empêcherait qu'il le soit à l'occasion de cette enquête qui n'est pas terminée, et ceci risquerait non seulement de nuire à son travail, mais également lui enlèverait — et je n'hésite pas à le dire — une grande partie de son autorité morale. D'ailleurs, pour aller jusqu'au fond des choses, j'ai téléphoné au président du Conseil supérieur de l'éducation aujourd'hui et je lui ai demandé, non pas son avis, mais je lui ai soumis le fait qu'il y avait devant nous une motion et j'étais intéressé à savoir de quelle façon il allait réagir. C'est lui qui m'a rappelé cet incident d'il y a deux ans et il m'a dit qu'à ce moment-là il avait entièrement approuvé mon attitude et qu'il l'approuvait encore aujourd'hui. Il a ajouté que si c'était le souhait de la commission parlementaire, bien entendu, il se présenterait, mais qu'il était d'accord pour l'argumentation dont j'avais fait état il y a deux ans et que je m'apprêtais à reprendre aujourd'hui.

Il n'est donc pas nécessaire, M. le Président, que j'utilise beaucoup plus de temps. Je crois avoir très clairement exprimé ce qui en était. Le député de Lafontaine veut nous faire ici une contribution très remarquée, il a été écouté avec beaucoup d'attention, même si, à l'occasion, un député ou deux ont été obligés de marcher autour de sa chaise pour le réveiller, comme l'un m'a dit.

M. LEGER: Pour calmer leur rage.

M. CLOUTIER: Le député de Lafontaine parlait de la nécessité d'entendre le point de vue ou de connaître, plus exactement, le point de vue de ce groupe très important. Ce point de vue, il est connu ou il le sera par le canal normal, par son mode d'expression habituel et juridique à savoir par l'avis qu'il donne au ministre de l'Education et que le conseil lui-même rend public. M. le Président, nous allons donc voter contre cette motion.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Taschereau.

M. BONNIER: M. le Président, j'aimerais peut-être souligner que j'ai été, pendant de nombreuses années, membre d'un conseil consultatif, non pas du ministère de l'Education, mais d'un autre ministère. Je pense que l'économie même de ces conseils serait en danger si on s'en servait comme corps intermédiaires ou autrement. Lorsque ces organismes sont mis sur pied, il faut bien saisir que c'est seulement dans le but de conseiller le ministre. Les individus sont choisis non pas parce qu'ils représentent tel et tel corps intermédiaire comme ce le fut dans mon cas, mais beaucoup plus à cause de l'expérience de chacun de ces individus et de ses centres d'intérêt. Lorsqu'ils participent aux discussions à l'intérieur de ce conseil, ils le font avec pleine liberté et n'engagent pas nécessairement leur mouvement.

Je pense qu'à cause de cela, à cause du fait aussi qu'il doit être un organisme tout à fait libre et que sa crédibilité, comme le soulignait plusieurs députés, doit être assez élevée dans le public, parce qu'il doit conseiller le ministre d'une façon très objective, je crois qu'il ne sied

pas du tout d'engager ces organismes consultatifs de quelque ministère que ce soit dans des débats publics, sur la place publique de quelque question que ce soit. Je crois qu'on irait vraiment contre le principe de ces corps consultatifs et que ce serait dommageable.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce que le député de Saint-Jacques veut utiliser son droit de réplique? Il a droit à vingt minutes en vertu de l'article 102.

M. CHARRON: Oui, M. le Président. Je dois reconnaître que les arguments du ministre étaient les plus traditionnels que l'on pouvait attendre à l'occasion. Ils ont été repris avec emphase par le député de Taschereau, mais ils n'écartent pas la question. La question est que nous débattons un projet de loi que tout le monde a qualifié d'exceptionnel, que l'on a présenté comme l'intervention majeure du gouvernement dans le domaine linguistique et le premier ministre a même prétendu que c'était la première depuis 100 ans, en oubliant la loi 63, qu'il avait même voulu voter, mais qu'il s'agissait encore une fois... Nous travaillons dans un cadre exceptionnel. Pour la première fois, une commission parlementaire reçoit autant de demandes de comparution et ce cadre exceptionnel méritait l'exception d'aller chercher le Conseil supérieur de l'éducation, non pas pour le soumettre à un débat partisan, non pas pour détruire sa crédibilité en le traînant sur la place publique au milieu des députés, mais à nous expliquer, pour que personne ensuite ne puisse extrapoler à d'autres fins que celles-là mêmes que le conseil supérieur, dans son objectivité, son indépendance, aura voulu faire, les thèses et les affirmations qui sont contenues dans son avis.

Autrement dit, qu'on n'assiste pas à une jubilation du gouvernement, par exemple, comme au lendemain des sondages qu'évoquait le député de Lafontaine, en disant: Voilà, l'appui nous est donné au bill 22, alors qu'on pouvait tous, de l'autre côté, soutenir une thèse tout à fait contradictoire. On peut peut-être le faire avec les sondages. Les politiciens peuvent se galvauder de statistiques et aller chercher dans chaque sondage la statistique qui fait leur affaire. On ne doit pas faire le même jeu avec un avis du Conseil supérieur de l'éducation. Il faut que cet avis soit clair, bien exprimé et bien défendu, et que l'on sache, à l'origine de chacune des recommandations, l'esprit qui a conduit les membres du conseil.

Quand le Conseil supérieur de l'Education nous affirme, par exemple, qu'à son avis, le chapitre de la langue d'enseignement doit être à ce point clair qu'il puisse se limiter en quatre points: la langue d'enseignement, c'est le français; les enfants dont la langue maternelle est l'anglais peuvent recevoir l'enseignement dans cette langue, si leurs parents le désirent; pour les communautés indiennes, les Inuit du Québec, l'enseignement peut se donner dans leur langue maternelle et, quatrièmement, les programmes d'études du Québec dans les écoles francophones doivent faire place à un excellent enseignement de la langue seconde...

M. CLOUTIER: Est-ce que le député cite actuellement l'avis du conseil?

M. CHARRON: Non, je cite simplement un communiqué de presse.

M. CLOUTIER: Bon, très bien.

M. CHARRON: Je n'ai pas l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, mais j'aimerais bien que le Conseil supérieur de l'éducation le fournisse. Je ne veux pas que, demain matin, lorsque l'avis de ce Conseil supérieur sera connu, vous alliez tirer la phrase ou le point-virgule ou le paragraphe ou l'adjectif qui fera votre affaire, alors que le fond, nous le disons, est clairement posé en quatre points et que ce devrait être défendu et expliqué à la commission par le Conseil supérieur de l'éducation. Autrement dit, il ne faut pas, justement pour le respect de l'intégrité, de l'indépendance de cet organisme, nous ne devons pas faire avec lui ce que nous pouvons faire avec les positions de chacun, en disant: Cela, c'est parce qu'il appartient à tel parti politique; cela, c'est parce qu'il vient de telle région; cela, c'est parce qu'il a vu cela de telle façon.

Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas extrapoler autre chose que ce que le conseil a voulu mettre dans son... Le meilleur moyen de le savoir est que le président de ce conseil vienne à la table et qu'on lui dise: Monsieur, dans l'avis... Est-ce que je comprends bien? Est-ce que vous dites ceci? Est-ce que cela veut dire ça? Qu'il me dise: Non, je ne veux pas que vous interprétiez, que vous portiez entorse à l'intégrité, à l'objectivité de l'avis du Conseil supérieur de l'éducation si vous interprétez ce paragraphe de cette façon.

De sorte que, des deux côtés de la table, nous prenions leçon... A lire le communiqué de presse qui est déjà distribué, je crois que les deux partis politiques qui composent cette Assemblée nationale, et le Crédit social, reçoivent, de l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, des avis sérieux quant à leurs positions respectives. Je dirais même l'un plus que l'autre. Il ne faut pas que l'un et l'autre extrapolent, par la suite, autre chose que ce que le Conseil supérieur de l'éducation a voulu dire, et le meilleur moyen, c'est qu'il vienne nous dire: Messieurs, ce que nous avons voulu dire, c'est cela; libre à vous, maintenant, les politiciens, d'extrapoler pour vos fins partisanes, propres, mais ce n'est pas ce que le Conseil supérieur de l'éducation a voulu dire. C'est cela. Si vous interdisez, par cette motion, à la commission d'avoir ces lumières, et que vous préférez vous en tenir à l'écoulement de temps

auquel se consacre le ministre de l'Education actuellement, c'est votre choix, mais je ne considère aucunement que vous aidez la cause de l'éducation au Québec en prenant cette position. Vous ne défendez aucunement le projet de loi qui est déjà si fortement attaqué. Si c'est par pure tactique politique, pour écarter un avis compromettant à la table de la commission parlementaire, vous n'enlevez en rien la qualité et l'objectivité de l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, qui constitue d'emblée une critique officielle et majeure, une des plus importantes que nous ayons eues, à apporter à celles de tous les groupes intermédiaires qui ont défilé et qui est un rejet du projet de loi 22, dans le chapitre de la langue d'enseignement.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je crois que les membres sont prêts à se prononcer sur la motion qui se lit comme suit: "Que cette commission est d'avis que l'importance de la position du Conseil supérieur de l'éducation, quant au chapitre de la langue d'enseignement, mérite que les membres de la commission aient l'occasion d'interroger le président du Conseil supérieur de l'éducation, le mardi 9 juillet 1974."

Quels sont ceux qui sont pour cette motion? Je vais lire les noms: M. Brown (Brome-Missisquoi) est absent. M. Charron (Saint-Jacques)?

M. CHARRON: En faveur, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Déom (Laporte)?

M. DEOM: Contre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Cloutier (L'Acadie)?

M. CLOUTIER: Contre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Ostiguy (Verchères)?

M. OSTIGUY: Contre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue )?

M. LARIVIERE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Tardif (Anjou)?

M. TARDIF: Contre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Morin (Sauvé) est absent. M. Bonnier (Taschereau)?

M. BONNIER: Contre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Beauregard (Gouin)?

M. BEAUREGARD: Contre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Saint-Germain (Jacques-Cartier)?

M. SAINT-GERMAIN: Contre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Veilleux (Saint-Jacques)?

M. VEILLEUX: Je tiens à rétablir les faits, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Excusez-moi. Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Je vais à la commission parlementaire de la justice, je reviens ici et par deux fois on me dit que je suis le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Si mes électeurs savaient cela!

M. VEILLEUX: J'aimerais bien être député de Saint-Jacques, mais...

LE PRESIDENT (M. Pilote): J'espère que le député de Saint-Jean me pardonne.

M. VEILLEUX: Veilieux, le député de Saint-Jean, est contre la motion de Charron, député de Saint-Jacques!

LE PRESIDENT (M. Pilote): J'espère que le député de Saint-Jean pardonne le député du Lac-Saint-Jean.

M. CHARRON: C'est ça.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Cette motion est rejetée par neuf contre un.

M. CLOUTIER: M. le Président, il n'y a pas d'autre groupe, je pense.

M. CHARRON: Comme dans la confédération canadienne.

M. CLOUTIER: C'est la loi que vous défendez, la loi de la majorité.

LE PRESIDENT (M. Pilote): La commission ajourne ses travaux à demain, vers onze heures, après la période des questions.

(Fin de la séance à 21 h 38)

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