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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le lundi 15 août 1977 - Vol. 19 N° 175

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 101 - Charte de la langue française


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 101:

Charte de la langue française

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, messieurs!

M. Guay: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Auparavant, il faut que je sache quels sont les membres de la commission.

M. Guay: D'accord, excusez-moi.

Le Président (M. Cardinal): Sans quoi, je ne sais même pas si vous avez le droit de parole.

C'est une nouvelle séance de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications pour étudier le projet de loi 101, Charte de la langue française, après sa deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Au moment de l'ajournement de la séance, samedi, à 17 heures, il y avait devant nous une motion de M. le député de Marguerite-Bourgeoys et j'avais une décision à rendre à ce sujet. Mais, auparavant, comme le veut le règlement, je fais l'appel des membres de la commission.

Les membres de la commission: M. Alfred (Papineau) remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Bertrand (Vanier)...

M. Bertrand: Présent.

Le Président (M. Cardinal): ... M. Charbon-neau (Verchères)...

M. Chevrette: II est à la veille d'arriver.

Le Président (M. Cardinal): ... M. Charron (Saint-Jacques), M. Chevrette (Joliette-Montcalm)...

M. Chevrette: Ici.

Le Président (M. Cardinal): ... M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)...

M. de Bellefeuille: Présent.

Le Président (M. Cardinal): ... M. Dussault (Châteauguay)...

M. Dussault: Présent.

Le Président (M. Cardinal): ... M. Grenier (Mégantic-Compton)...

M. Grenier: Présent.

Le Président (M. Cardinal): ... M. Guay (Taschereau)...

M. Guay: Présent.

Le Président (M. Cardinal): ... M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Laplante (Bourassa) remplacé par M. de Belleval (Charlesbourg); M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. le Moignan (Gaspé)...

M. Le Moignan: Présent.

Le Président (M. Cardinal): Bonjour.

M. Le Moignan: Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): ... M. Paquette (Rosemont)...

M. Paquette: Présent.

Le Président (M. Cardinal): ... M. Roy

(Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je comprends que, même si nous commençons un peu tard, il pourrait peut-être y avoir d'autres modifications.

M. Lalonde: Vous permettez d'autres modifications?

Le Président (M. Cardinal): Oui, pourvu que ce soit dans un délai raisonnable.

M. Lalonde: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je souligne tout de suite que c'est une autre occasion où nous aurons dans une journée une seule séance. Cette séance qui débute sera suspendue à 13 heures jusqu'à 15 heures, sera à nouveau suspendue à 18 heures jusqu'à 20 heures et sera ajournée à demain 10 heures, à 23 heures. Aujourd'hui, une seule séance; demain matin, ce sera une nouvelle séance qui sera ajournée sine die à 13 heures.

J'ai entendu, M. le député de Taschereau, que vous aviez demandé la parole?

M. Guay: M. le Président...

M. Grenier: Avez-vous laissé entendre qu'il y aurait des changements? Pour combien de temps?

Le Président (M. Cardinal): Disons que je pourrais, tout en étant large, généreux et même magnanime, le permettre jusqu'à 10 h 30, mais après cela je ne pourrai plus le permettre parce que, comme il y aura peut-être, probablement, des votes, il faut que je m'en tienne au règlement qui indique clairement que je dois appeler les membres au début d'une séance.

M. le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, au moment où nous nous sommes quittés samedi, nous avions devant

nous une motion d'amendement de la part de l'Opposition officielle. Pourriez-vous en relire le texte s'il vous plaît?

Le Président (M. Cardinal): Certainement. Je vais reprendre. Est-ce votre seule question? Je vais relire le texte de la motion immédiatement. C'est un amendement par M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à l'article 7, qui se lirait comme suit: Que l'on ajoute, à la fin de l'article: "Cependant l'anglais est une langue d'usage de la législation et de la justice". Je répète: "Cependant l'anglais est une langue d'usage de la législation et de la justice". Pour que cela soit compréhensible à tous, je rappelle que le texte de l'article 7, sans projet d'amendement, se lit comme suit: "Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec". Oui, M. le député de Taschereau?

M. Guay: Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'à la première séance de cette commission, il y a déjà quelques semaines, le député de Mont-Royal avait fait une motion d'amendement qui se lisait ainsi: "L'usage du français et de l'anglais devant les tribunaux et à l'Assemblée nationale ne sera pas modifié par la présente loi". Cet amendement, tout en ayant été reçu, avait été défait. Je vous soumets respectueusement que l'amendement proposé n'est qu'une répétition de cet amendement proposé il y a deux semaines et qu'en conséquence, je ne vois pas très bien...

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

M. Guay: ...à moins que l'Opposition veuille nous faire perdre du temps, je ne vois pas très bien ce qu'il vient faire ici.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Marguerite-Bourgeoys sur une question de règlement.

M. Lalonde: Je craignais que vous ne présumiez le consentement unanime concernant l'intervention du député de Taschereau. Je voulais vous poser une question à savoir si vous permettez qu'on recommence le débat sur la recevabilité. Parce que j'avais cru que vous aviez déjà commencé à rendre votre décision.

Le Président (M. Cardinal): Non, M. le député.

M. Guay: Question de règlement, M. le Président. Je ne faisais qu'éclairer la présidence, si je peux me permettre, puisque je suis tombé sur ce texte, j'ai trouvé le texte de cette motion que je soupçonnais et que je me rappelais vaguement, après l'ajournement de 5 heures, samedi.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je considérerai que les interventions de MM. les députés de Taschereau et de Marguerite-Bourgeoys étaient purement sur une question de règlement.

Parce que samedi, j'avais permis une discussion, au sein de la commission, permettant à un membre de chaque formation politique de s'exprimer sur la recevabilité. J'avais alors indiqué que je ne désirais ni suspendre — nous étions à dix minutes de l'ajournement environ — ni ajourner les débats, ni prendre cette question en délibéré.

J'ai entendu les plaidoiries de chacune des formations politiques, sur la recevabilité de la motion. J'ai de plus obtenu — et je veux le mentionner aujourd'hui — grâce à la coopération du secrétariat de la commission, M. Jacques Pouliot et son personnel, dès samedi, le début du projet de rapport de cette commission, et, dès samedi, j'avais déjà mentionné une première motion de Mme le député de L'Acadie qui, à l'occasion de l'article 1, avait été jugée irrecevable. Je ne reviendrai donc pas sur tous ces faits.

J'avais aussi indiqué, très brièvement, je le répète, que l'article 1 avait reçu plusieurs projets d'amendements. Beaucoup avaient été jugés irrecevables et un avait fini par être jugé recevable.

Je vais prendre quand même quelques minutes. Ces motions étaient les suivantes. J'ai présentement la motion de Mme le député de L'Acadie. Je ne la reprends pas. J'en ai disposé samedi.

Il y a eu une motion de M. le député de Mont-Royal. Celle-ci se lisait comme suit: "Que l'article 1 soit amendé en ajoutant, à la fin, les alinéas suivants..." J'ai souligné samedi que l'on employait la même technique en ajoutant telle chose à la fin. "Le statut juridique de la langue anglaise est défini par la présente loi. "L'usage du français — remarquez bien les termes — et de l'anglais devant les tribunaux et à l'Assemblée nationale ne sera pas affecté par la présente loi."

Une discussion s'est alors engagée sur la recevabilité de la motion, et le président a jugé irrecevable ladite motion.

M. le député de Mont-Royal n'en a pas pour autant voulu accepter le projet de l'article 1 sans revenir à la charge en présentant une nouvelle motion qui se lisait comme suit: "Que l'article 1 soit amendé en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant: L'usage du français et de l'anglais devant les tribunaux et à l'Assemblée nationale ne sera pas modifié par la présente loi."

Encore une fois, une discussion s'est engagée sur la recevabilité de ladite motion et, encore une fois, le président a jugé ladite motion irrecevable.

Le député de Marguerite-Bourgeoys, à son tour, a proposé une motion à l'article 1 dont le libellé était le suivant: Que l'article premier soit amendé en ajoutant à la fin l'alinéa suivant: "L'usage de l'anglais continue à être permis dans les débats de l'Assemblée nationale et dans les témoignages et plaidoiries orales devant les tribunaux."

Cette motion a alors été déclarée recevable. Une discussion s'est engagée sur le fond de la motion présentée par M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et la discussion a été assez longue. A 22 h 59, la commission a ajourné ses travaux au lendemain, 10 heures. A la reprise des travaux, le lendemain à 10 heures, la discussion s'est poursuivie sur cette motion de M. le député de

Marguerite-Bourgeoys. Ladite motion a été rejetée par onze voix contre trois et deux abstentions. Je pense que j'ai clairement résumé les faits.

Or, ayant profité de la journée de dimanche à méditer sur la recevabilité de la motion de M. le député de Marguerite-Bourgeoys, ayant relu non seulement le projet de rapport de la commission, mais aussi au texte de la transcription du journal des Débats, je dois considérer que cette motion, qui maintenant se lit: "Cependant, l'anglais est une langue d'usage de la législation et de la justice..." serait recevable si elle n'avait pas déjà été présentée une première fois. Comme elle a déjà été battue, rejetée une première fois, je ne peux malheureusement pas, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, la juger recevable.

M. Guay: M. le Président, je propose l'adoption de l'article 7.

Le Président (M. Cardinal): L'article 7 serait-il adopté?

M. Guay: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de...

M. Lalonde: Vous êtes bien pressé. M. Guay: On est là pour travailler.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît.

M. Guay: Je comprends que vous n'êtes pas réveillé, mais on est là pour travailler.

M. de Belleval: Ce sont des "PML", processus mental lent.

Article 7 (suite)

Le Président (M. Cardinal): Nous reprenons le débat de fond sur l'article 7. Seul M. le ministre d'Etat au développement culturel s'est exprimé sur l'article, de même que Mme le député de L'Acadie à qui il restait quinze minutes. Je puis, soit redonner la parole à Mme le député de L'Acadie, à moins qu'elle n'ait terminé et qu'elle ne veuille se reprendre plus tard, soit l'accorder à M. le député de Mont-Royal. J'aimerais demander...

Mme Lavoie-Roux: Le député de Mont-Royal...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal à 10 h 20. Cependant, auparavant, permettez-vous que je m'informe auprès de votre parti pour savoir qui remplace... Ah bon, le député de Portneuf, M. Pagé, remplace le député de Jacques-Cartier, M. Saint-Germain.

Je considère que la commission est complète et je n'accepte plus d'autres modifications, à moins qu'il n'y ait des objections à ce sujet. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Non. Nous allons vous donner notre position sur l'article 7.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Mont-Royal, à 10 h 21, sur la motion de fond de l'article 7.

M. Ciaccia: M. le Président, je proposerais un amendement à l'article 7 qui se lirait comme suit: "Que l'article 7 soit modifié en remplaçant dans la première ligne le mot "Le" par les mots "Sous réserve des autres dispositions de ce chapitre, le". L'article amendé se lirait comme suit: "Sous réserve des autres dispositions de ce chapitre, le français est la langue de la législation et de la justice au Québec".

Le Président (M. Cardinal): Je fais distribuer immédiatement ce projet d'amendement. Vous permettez que je le relise.

M. le député de Mont-Royal propose "que l'article 7 soit modifié en remplaçant dans la première ligne le mot "Le" par les mots "Sous réserve des autres dispositions de ce chapitre, le".

L'article amendé se lirait comme suit: "Sous réserve des autres dispositions de ce chapitre, le français est la langue de la législation et de la justice au Québec".

Je vais vous éviter un débat; je déclare... Oui, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je veux parler sur la recevabilité.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas nécessaire si le président... Je vais recommencer. D'accord. Je vais conserver mes bonnes habitudes. M. le député de Joliette-Montcalm, exprimez-vous sur la recevabilité. A ce moment, je permettrai seulement à un représentant de chacune des formations politiques de s'exprimer.

M. Chevrette: Si vous êtes prêt à rendre votre décision, M. le Président, je ne dirai pas un mot.

Le Président (M. Cardinal): Je suis prêt à la rendre.

M. Chevrette: Je vous laisse faire. Cela va aller bien plus vite.

Le Président (M. Cardinal): Je déclare la motion recevable et nous allons discuter sur la motion d'amendement.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, très brièvement, le but d'ajouter ces mots par cet amendement, c'est de rendre l'article 1 conforme avec les autres articles du chapitre III.

Quand l'article 7 dit: "Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec." Ce n'est pas tout à fait exact. Le gouvernement et le projet de loi reconnaissent que ce n'est pas tout à fait exact, parce qu'ils procèdent à énoncer une série d'articles qui modifient ce principe de l'article 7.

Je crois que pour qu'on adopte une loi qui n'ait pas d'ambiguïté, une loi où chaque article va être conforme avec les autres sans qu'il y ait de doute, sans qu'il y ait de conflit, il est essentiel d'ajouter les mots que j'ai proposés dans mon amendement.

L'article 7 est un principe. Symboliquement ou autrement, le gouvernement l'a énoncé, mais le gouvernement a accepté aussi qu'il y ait des exceptions. Alors, à moins qu'on n'ait les mots "sous réserve des autres dispositions de ce chapitre", il peut y avoir un doute et il peut y avoir des conflits. C'est strictement pour cette raison que j'ai proposé cet amendement.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal.

Est-ce qu'il y a quelqu'un du côté ministériel qui veut s'exprimer sur l'amendement?

M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Brièvement, M. le Président, j'estime que la disposition présentée n'ajoute rien au texte du projet de loi qui est là. Nous avons, bien sûr, à l'article 68, pareille expression, article qui est déjà adopté par la commission, où l'on statuait — je lis l'article tel qu'il a été adopté par la commission: "L'enseignement se donne en français dans les classes maternelles, dans les écoles primaires et secondaires, sous réserve des exceptions prévues au présent chapitre." La différence entre ce chapitre VIII adopté par la commission et celui que nous sommes à étudier est que — les membres se souviendront du contenu de l'article 69 — il s'agissait là d'une véritable dérogation, qu'il était utile de mentionner déjà à l'article 68. Dans le cas présent, probablement que, ce que les membres de l'Opposition veulent estimer être une dérogation, que nous verrons plus loin dans l'étude de la langue de la législation et de la justice, n'en est pas une. C'est un accommodement différent et un engagement supplémentaire que l'administration peut prendre quant à la publication d'une version et à l'usage d'une langue devant les tribunaux, en certains cas précis.

Il ne s'agit donc pas d'une dérogation qui nécessiterait une appellation semblable à celle de l'article 68. Nous verrons, lorsque nous arriverons à ces articles, l'explication qu'il faut en donner. Il reste que le principe que vous avez vous-même reconnu, M. le Président, de tout ce chapitre est celui de l'article 7 et qu'il ne peut guère, dans sa forme actuelle, supporter d'autres amendements.

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, M. le député de Saint-Jacques et ministre délégué au haut-commissariat, votre argumentation sur la motion m'incite à faire la remarque suivante: C'est que vous avez prouvé par cette argumentation que la motion était recevable puisqu'elle a déjà été reçue au sujet d'un autre article, mais vous avez aussi prouvé que vous n'étiez pas convaincu qu'elle devait être adoptée.

M. Charron: C'est ça.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: A moins qu'un représentant de l'Union Nationale...

M. Grenier: Deux minutes, M. le Président, pour rappeler que cet amendement est conséquent avec l'amendement que nous avions proposé et qui a été rejeté; vous n'en avez pas fait état tout à l'heure quand vous avez remémoré les amendements apportés samedi, mais je voudrais vous redire que l'amendement qui a été proposé par l'Union Nationale samedi était que le français et l'anglais sont les langues de la législation et de la justice au Québec. C'est un amendement qui a également été rejeté comme les autres, antérieurement et après. Cet amendement qui est absolument dans l'esprit de celui que nous avons apporté samedi méritera, bien sûr, notre appui puisque l'Union Nationale, en plus de vouloir ici, comme partout ailleurs, consacrer, il va de soi, le statut officiel de la langue française, reconnaît par souci d'équité les besoins et les droits des membres de la communauté anglophone du Québec de recourir, dans leur langue, à des outils aussi universels que la législation et la justice. Cet amendement qui est toujours dans l'esprit de la proposition que nous avions faite fera que l'Union Nationale appuiera cet amendement.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mégantic-Compton.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, il est un peu malheureux que nous ayons dû recourir, à cause du corridor assez étroit qui vous oblige à rejeter, en vertu du règlement, d'autres propositions libellées différemment, il est assez malheureux que nous devions discuter du motif et du principe qui sous-tendent notre motion d'amendement sous une forme aussi impersonnelle et sous réserve des autres dispositions de ce chapitre.

En fait, la raison pour laquelle nous insistons — nous insistons sûrement puisque c'est la troisième fois que nous tentons d'apporter à cet article un peu de vérité, c'est justement parce que cet article trompe, tel qu'il est rédigé.

C'est vrai que le français est largement, je dirais très largement, la langue de la législation et de la justice au Québec, mais de le dire officiellement, de façon aussi solennelle et exclusive que l'article 7 le fait, c'est tromper les gens, non pas par souci de vérité, parce que, si on avait réellement ce souci de la vérité au gouvernement, on aurait libellé l'article 7 autrement, mais par nécessité pratique, on doit, aux articles 10 à 13 inclusivement, nier cette affirmation. C'est justement amoindrir l'effet négatif de cette tromperie qu'on tente de faire à l'article 7.

L'article 7, ou c'est une loi, ou c'est de la littérature. On me dira que je suis du vieux style, on me dira que depuis le 15 novembre je n'ai pas compris — on me l'a déjà dit — on me dira que de-

puis le 15 novembre on fait les lois autrement. Oui, malheureusement, je l'ai vu. On les réimprime aussi et on est obligé de les changer fondamentalement. On reçoit souvent, j'en suis sûr, des réprimandes des officiers légistes. Enfin, on dira tout ce qu'on voudra, il reste que de dire que le français est la langue de la législation et de la justice au Québec, tout le monde aimerait bien cela, mais ce n'est pas vrai. Dans le reste du chapitre, si on avait au moins dit: Nous croyons que l'article 133, on peut l'amender. On le dit un peu pour la langue de la justice; quant à la langue de la législation, on est plus prudent. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Or, on laisse tout l'effet de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en ce qui concerne la langue de la législation et la langue à l'Assemblée nationale. Une autre langue, pour employer une expression chère à ces messieurs, est accueillie à l'Assemblée nationale; une autre langue est accueillie dans la rédaction des lois, dans la publication des lois. Ensuite on va dire que le français est la langue de la législation, comme un article de principe exclusif? C'est prendre les gens pour des caves. Ayez donc un peu le sens du réalisme, le sens de la vérité. Ce que vous dites là, vous en dites le contraire plus loin. Au moins, laissez-nous dire, comme vous en avez eu la décence à l'article 68, que c'est sous réserve des autres dispositions de ce chapitre. On vous tend une perche.

Je sais que cela va changer l'aspect, la poésie de l'article 7. Oui, cela va porter atteinte à la pureté; cela va souiller un peu l'article 7, mais c'est une loi qu'on fait ici. Vous ferez de la pureté dans le livre blanc, mais ici, c'est une loi et, une loi, c'est pour 100% des Québécois, ce n'est pas pour un Parti québécois. C'est pour les Québécois, la loi.

Quand le Parti québécois assume la responsabilité du gouvernement, il est censé l'assumer pour 100% des Québécois.

M. le Président, on parle ici d'activités et de niveaux de responsabilité, de ce qu'il y a de plus important, de plus fondamental dans un régime démocratique. Quand on parle de la législation, on parle de l'expression même du pouvoir législatif. On parle du processus de décision du pouvoir législatif.

Quand on parle de la justice dans cet article 7, on englobe tout le pouvoir judiciaire. On a donc les deux tiers des trois pouvoirs essentiels à l'activité d'une vie démocratique, d'un régime démocratique, l'autre étant l'exécutif. Le pouvoir exécutif, on n'a pas de problème; je pense bien qu'il peut prendre soin de lui-même sans loi. Je m'attendais quand même un peu à ce qualificatif — je l'avais déjà décrit — on aurait pu dire superfétatoire, dilatoire et n'ajoute rien. Je m'attendais à cela, j'avais pris des notes pour être sûr qu'on ne l'oublie pas.

M. de Belleval: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: ... je voulais seulement vous rappeler que vous aviez permis de brèves explications. Je pense que le député exagère.

M. Lalonde: L'article 160 me permet de...

Le Président (M. Cardinal): Non. Si vous le permettez, ce n'était pas sur la question de recevabilité. Nous sommes sur la motion d'amendement.

M. de Belleval: On est sur le fond; vous avez déclaré la motion recevable?

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Lalonde: Oui, quand vous en étiez rendu à la première page de votre journal.

Le Président (M. Cardinal): Une chance que je l'ai rendue recevable, parce que j'avais rendu une décision semblable, similaire même au sujet de l'article 68. M. le député de Saint-Jacques nous l'a rappelé.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. de Belleval: Les propos monotones du député m'ont fait perdre le fil.

M. Lalonde: Je souhaite la bienvenue au ministre de la Fonction publique à nos délibérations. Je disais donc, M. le Président, qu'on traite ici de deux des trois secteurs d'activité, de deux des trois éléments essentiels de tout régime démocratique. On traite de la législation et de la justice. S'il est une occasion, parmi ces 219 articles, où l'on doit quand même faire preuve de prudence, faire preuve de sagesse, faire preuve de vérité, c'est bien quand on parle de la législation et de la justice au Québec. On a beau vouloir impressionner le monde, ce n'est pas le temps maintenant. A l'article 7, on doit dire la vérité au monde. Et si, après coup, dans les articles qui suivent jusqu'à 13 inclusivement, on n'amende pas l'article 133 du moins, on ne le fait pas en ce qui concerne la législation, il reste que l'anglais — excusez-moi, messieurs, pour les oreilles péquistes un peu sensibles, l'anglais, cela s'épelle a n g I a i s — est une langue officielle en Chambre. C'est vrai! L'article 133 le dit. Pas officiel comme on le dit dans l'article 1, mais c'est une langue acceptée; ce n'est pas le chinois, ce n'est pas l'italien, ni le grec; c'est l'anglais.

M. de Belleval: Malheureusement, M. le député.

M. Guay: Qu'avez-vous contre l'italien et le grec?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs!

M. Lalonde: Tout ce que j'ai à dire, c'est que l'article 133 est là.

M. Ciaccia: Cela ne m'empêche pas de parler l'italien.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal!

M. Lalonde: Les Pères de la Confédération n'ont pas semblé accueillir d'autres langues que l'anglais et le français. Il serait possible que, dans d'autres circonstances, une autre langue soit acceptée.

M. Guay: C'est méprisant à l'endroit de l'italien.

M. Lalonde: M. le Président, pourriez-vous demander au député de Taschereau, qui lit son journal, de le lire en silence, s'il vous plaît!

M. Guay: Je le feuilletais, je ne le lisais pas.

M. de Belleval: De toute façon, vous lisez la même chose depuis quinze jours. Au moins, nous changeons de journal.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Attendez donc qu'il soit un peu...

Mme Lavoie-Roux: Cela fait combien de jours que vous êtes ici, M. le ministre?

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, attendez donc tous un peu plus tard pour prendre votre récréation.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre de l'Education est parti, lui. Il est chanceux.

M. Guay: Allons donc!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre. Nous venons à peine de commencer. M. le député de Taschereau...

M. Guay: Si vous voulez vous en aller.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Deux-Montagnes, M. le député de Charlesbourg, Mme le député de L'Acadie...

M. Ciaccia: Pourquoi le ministre de la Justice n'est-il pas ici? On discute de la langue de la justice.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le député de Mont-Royal!

M. Guay: Parce qu'il est ailleurs. M. Ciaccia: Ah!

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, je vous comprends aussi dans le groupe. Veuillez donc laisser s'exprimer...

M. de Belleval: On s'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): ...selon les règlements, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, il reste que, en vertu de l'article 133 de notre constitution, autant la constitution québécoise que la constitution canadienne, parce que, selon plusieurs, l'article 133 ferait partie de la constitution du Québec, en plus de la constitution du Canada, en vertu de cette constitution, le français et l'anglais sont deux langues d'usage à l'Assemblée nationale.

Je vais, si je le trouve, vous lire rapidement l'article 133, M. le Président, qui dit: "Dans les Chambres du Parlement du Canada et les Chambres de la législature de Québec — on disait "les" à ce moment-là, parce qu'il y avait la Chambre Haute, j'imagine, et je continue — l'usage de la langue française ou de la langue anglaise dans les débats sera facultatif, mais dans la rédaction des archives, procès-verbaux et journaux respectifs de cette Chambre, l'usage de ces deux langues sera obligatoire". Naturellement, quand on parle de l'usage d'une langue dans les débats, c'est facultatif, parce qu'on ne peut pas en parler plus d'une à la fois, quoique, quand on en écoute certains, on pense qu'ils en parlent deux, mais, en ce qui concerne la rédaction, c'est obligatoire.

Je laisse de côté la question de la plaidoirie et des tribunaux. Je veux m'en tenir simplement au premier élément de l'article 7 qu'on veut amender. Un peu plus loin, à l'article 10, on dit: "L'administration imprime et publie une version anglaise des lois et des règlements". On a employé le mot "anglaise", M. le Président, ici. J'espère qu'il n'y aura pas trop de députés qui vont frémir lorsqu'on sera rendu à l'article 10...

M. Paquette: Est-ce qu'on a l'air de gens qui frémissent?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Lalonde: M. le Président, déjà, ici, c'est une disposition qui vient complètement à l'encon-tre de l'article 7. Le français est la langue de la législation et on dit: "L'administration imprime et publie une version anglaise des lois et des règlements". M. le Président, il doit y avoir une erreur. Il y a quelque chose qui ne marche pas, M. le Président. Est-ce que c'est l'article 7 qui ne fonctionne pas ou l'article 10? Je comprends...

Une Voix: ...ne fonctionnait pas...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de...

M. Lalonde: On dit, à l'article 11, et là, je déborde le secteur de la législation: "Les personnes morales s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux..."

M. Guay: L'amendement.

M. Lalonde: M. le Président, voulez-vous demander au député de Taschereau de lire l'amen-

dement, s'il vous plaît? On dit: "Sous réserve des autres dispositions de ce chapitre", et je suis rendu aux autres dispositions de ce chapitre. Voulez-vous prendre votre loi et la lire?

M. Guay: Oui...

M. Lalonde: Vous saurez que je suis dans la pertinence.

M. Guay: De façon fort impertinente, en tout cas.

M. Lalonde: Alors, "les personnes morales s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires". Cela implique que les personnes physiques peuvent employer une autre langue. Cela implique que l'article 133, en ce qui concerne les personnes physiques — quoique l'article 133 ne fasse pas de distinction entre personnes morales et personnes physiques, mais on y reviendra — est une dérogation à l'article 7, M. le Président. De même pour l'article 12. Là, on a été un petit peu plus modeste, à l'article 12, ou peut-être devrais-je employer un autre qualificatif. On a été un peu plus pudique. On a dit "dans une autre langue..." au lieu de l'anglais.

A l'article 13, on implique qu'un jugement peut être fait dans une langue autre que le français. Donc, les articles 10 à 13 inclusivement sont dérogatoires aux dispositions de l'article 7 et je ne vois pas comment on pourrait dire qu'on a une loi bien faite, une loi qui se tient debout, si on n'a pas la décence et le sens de la justice assez grand, assez élevé pour ajouter au moins les termes que nous proposons dans notre motion, sous réserve des autres dispositions de ce chapitre, comme on l'a fait à l'article 68.

Les articles qui suivent l'article 68, c'est-à-dire les articles 69 et suivants, dérogent à l'article 68 de la même façon que les articles 10 à 13 inclusivement dérogent à l'article 7.

Je ne vois pas comment on peut vouloir conserver l'article 7 sans tenter, au moins, au nom de la vérité, au nom du réalisme, de le qualifier par des dispositions qui ressembleraient à celles que nous proposons à notre motion d'amendement.

Alors, je pense qu'au nom de la vérité, au nom du simple réalisme, l'article 7 ne peut pas rester tel quel. L'article 7 est mensonger. Si on lit l'article 7 avec le reste du chapitre, il trompe les gens, il trompe la bonne foi des gens. Alors, c'est pour ces raisons que nous tentons, depuis deux jours, depuis samedi dernier, de faire comprendre au gouvernement qu'il faut amender cet article. Nous l'avons fait ce matin d'une façon plus acceptable, sûrement, d'après nos règlements, mais les autres motions d'amendement avaient le même but.

Le Président (M. Cardinal: Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Comme l'ont signalé mes collègues, nous aurions préféré qu'une autre formulation que celle qui est devant nous soit rete- nue, et ce qu'il y a de plus malheureux, je pense, c'est que même celle-ci, qui est déjà très diluée, à voir l'attitude du parti ministériel, ne sera pas retenue.

Je ne parle pas comme juriste — tout le monde le sait — mais je pense qu'à nous, comme citoyens ordinaires — ce qui est le cas de la majorité des gens qui sont dans cette salle, de toute évidence — il n'apparaît pas que l'affirmation du fait français ait été menacée en aucun temps ou de quelque façon que ce soit par l'utilisation officielle de l'anglais devant les tribunaux.

Au contraire. Je pense que le résultat de ceci est peut-être que la justice ait été mieux rendue et qu'on se soit plus soucié, dans ce domaine extrêmement important, que chacun reçoive le traitement le plus équitable et le plus juste possible.

Evidemment, ceci est encore une démonstration de la mesquinerie de ce gouvernement et je pense qu'il y a eu, devant la commission parlementaire, des représentations qui ont été faites par le Barreau, par le Comité d'action positive, par le Comité d'unité canadienne et par d'autres dont je ne me souviens pas des noms, qui ont tous fait valoir l'inutilité, considérant l'objectif fondamental de la loi auquel ces organismes souscrivaient, la mesquinerie et l'inutilité qui, je pense, reflètent bien quels sont les objectifs du gouvernement.

Le gouvernement péquiste nous a parlé tant et plus, il essaie, chaque fois que ces gens se sentent un peu visés, de répéter qu'ils ont le souci des minorités, qu'ils ont le respect des minorités, qu'ils veulent les traiter avec justice et tout ce qu'on sait.

Même dans le préambule de sa charte linguistique ou de sa loi, ou parle de ce respect des minorités. Le gouvernement précédent, dans un souci d'équité, avait protégé les droits de chaque individu à être jugé dans sa langue. Le projet de loi no 101 reconnaît ce droit, mais, puisqu'il peut difficilement l'empêcher, va, par contre, nier l'authenticité d'un jugement rédigé en anglais. Alors on se demande si, à ce gouvernement, peu importe que la justice soit juste, pour autant que le français est présent. C'est ce qui motive et justifie toutes les attitudes que le gouvernement prend...

M. Paquette: ... mentez, mentez il en restera toujours quelque chose.

Mme Lavoie-Roux: ... dans ces articles qu'il nous présente. Je n'ajouterai pas davantage. C'est clair aux yeux de tous que le gouvernement veut aller jusqu'au bout dans cette mesure de générosité qu'il nous a annoncée et qui se traduit par de la mesquinerie partout où il peut la mettre et l'appliquer.

Le Président (M. Cardinal): La motion d'amendement de M. le député de Mont-Royal sera-t-elle adoptée? Est-ce que vous demandez un vote...

M. Paquette: Sur division.

Mme Lavoie-Roux: Vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): On demande l'appel nominal.

M. de Belleval: On tient pour acquis qu'il est pour.

Mme Lavoie-Roux: Pouvez-vous attendre une seconde, M. le Président.

M. Paquette: M. le Président, le vote, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: On n'en veut pas de privilège, allez-y, M. le Président.

M. Paquette: Surtout de la part d'un député qui passe son temps à remarquer l'arrivée, l'absence et la présence des membres de cette commission, alors qu'on est onze ce matin autour de la table.

M. de Bellefeuille: On pourrait peut-être attendre le député de Portneuf aussi, tant qu'à y être.

Le Président (M. Cardinal): La motion d'amendement de l'article 7 se lit comme suit: Que l'article 7 soit modifié en remplaçant dans la première ligne le mot "le" par les mots "sous réserve des autres dispositions de ce chapitre, le".

L'article amendé se lirait comme suit: "Sous réserves des autres dispositions de ce chapitre, le français est la langue de la législation et de la justice au Québec."

M. Fallu (Terrebonne)?

M. Fallu: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?

M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Guay (Taschereau)?

M. Guay: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. de Belleval (Charlesbourg)?

M. de Belleval: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)?

M. Pagé (Portneuf)? M. Samson (Rouyn-Noranda)?

Le résultat du vote est le suivant...

M. Grenier: M. le Président, vous n'avez pas fait mon appel.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. J'ai sauté une ligne.

M. Grenier (Mégantic-Compton)? Vous avez eu raison de me rappeler à l'ordre.

M. Grenier: Pour.

Le Président (M. Cardinal): Le résultat du vote est donc le suivant: 9, contre la motion; 5, favorables à la motion. La motion d'amendement de M. le député de Mont-Royal est rejetée.

M. Charron: M. le Président, je propose l'adoption de l'article 7.

Le Président (M. Cardinal): L'article 7 est-il adopté?

Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je demanderais le droit de parole sur l'article 7.

Le Président (M. Cardinal): Sur l'article 7, M. le député de Mont-Royal. Il vous reste 19 minutes.

M. Ciaccia: M. le Président, quand on dit que

le français est la langue de la justice au Québec, c'est évidemment ironique de faire une telle déclaration. Je voudrais porter à l'attention du gouvernement certaines constatations, certaines remarques, pour démontrer qu'en faisant une telle déclaration on n'aide ni l'administration de la justice, ni ceux qui vont être responsables, les jeunes avocats, les praticiens, ceux qui vont se former dans cette profession. Une telle déclaration va laisser une impression qui est fausse et va desservir ces personnes.

On a seulement à regarder l'origine de nos lois. Nous avons deux origines principales. Nous avons le droit français et nous avons le droit anglais. Je crois que c'est important de réaliser cela. On n'est pas ici seulement pour faire un article dans ce projet de loi sur la question de la justice pour des raisons symboliques, pour des raisons politiques. Nous avons tout un système légal, un système de tribunaux, un système législatif. Ce serait desservir la population d'ignorer totalement ce système.

Pour qu'on puisse dire que le français est la langue de la justice au Québec, il faudrait enlever l'Assemblée nationale, enlever nos tribunaux, enlever nos recueils de jurisprudence. Il faudrait enlever tout cela pour que cette déclaration soit vraie.

Regardez aux sources de notre droit; nous avons le Code civil qui est inspiré du Code Napoléon, du droit français. Mais, dans d'autres domaines, nous avons le droit corporatif, le droit commercial, le droit pénal. Dans le domaine du droit constitutionnel — je voudrais rappeler les règlements, les principes du droit constitutionnel — il y a un concept, le "rule of law", qui est même difficile à traduire en français, parce que c'est un concept particulier. Le député de Sauvé, s'il était ici, comprendrait cela, parce que lui réalise qu'il y a deux sources. J'espère qu'il y a plus que le député de Sauvé du côté ministériel qui comprend les deux sources de notre droit.

Oublions pour le moment la question de la protection des minorités. On parle des jeunes praticiens de droit qui doivent faire leur cours de droit, qui doivent exercer leur profession. On va leur dire: Le français est la langue de la justice. Comment ces personnes pourront-elles se former totalement? Comment pourront-elles comprendre toutes les sources et les éléments très importants de notre droit comme ceux que j'ai mentionnés? Je ne pense pas qu'on aide ces personnes dans le but de faire un symbole. Je crois qu'il y a assez de restrictions dans tous les autres aspects du projet de loi pour limiter vraiment le droit de la minorité anglaise.

Si c'est cela, le but, je crois que le gouvernement a réussi. Si on regarde aux articles de la langue d'enseignement, on s'est opposé, mais c'est un choix politique. Le gouvernement l'a fait. Les droits fondamentaux, nous les avons reconnus; le droit de travailler en français, la langue officielle et tous les autres. Mais nous arrivons ici à quelque chose qui devrait surpasser la partisanerie politique, parce que nous traitons de concepts de justice. La justice n'a rien à faire avec l'origine ethni- que ou l'origine linguistique d'une personne. Si nous regardons l'économie de notre loi, si nous regardons les sources, si nous regardons tout ce qui fait partie de nos lois, nous voyons que c'est faux, c'est impossible, c'est erroné de dire qu'il y a seulement une langue qui est la langue de la justice.

Je crois que cela prendrait un esprit de maturité de la part du gouvernement pour pouvoir accepter cela; pas un esprit de mesquinerie, mais un esprit de maturité envers nos lois, envers notre système. Nous avons un avantage que beaucoup d'autres endroits n'ont pas. Nous avons des sources dans le droit britannique, dans le droit anglais, dans le droit français.

Je parle en connaissance de cause, M. le Président, il y a des gouvernements, spécialement dans les pays sous-développés, qui envoient leurs étudiants ici, au Québec, dans nos universités. Pourquoi? Parce qu'on a cet avantage d'avoir le droit civil, tous les principes du droit civil, l'étude du droit civil avec toutes les connaissances que cela comporte. Nous avons aussi l'avantage d'avoir certains aspects du droit commun. Cela fait une formation, pour un avocat, M. le Président, ces deux concepts, le droit civil et le droit commun, qui oeuvrent à l'avantage de ceux qui pratiquent le droit et de ceux qui pratiquent cette profession au Québec. De vouloir changer cela, premièrement, je ne crois pas que l'article 7 va vraiment le changer parce que, comme je le disais, il faudrait affecter une série d'institutions, une série de cas de jurisprudence, mais au moins il ne faudrait pas créer cette mauvaise impression, cette impression erronée. Il faudrait reconnaître ce qui existe et ce qui existe aussi au bénéfice de tous les Québécois.

M. le Président, je suggérerais fortement au gouvernement de réfléchir, de repenser encore à la question de la langue de la législation, de la justice...

M. Lalonde: L'esprit de mesquinerie.

M. Ciaccia: Si c'est vrai que le gouvernement veut reconnaître les droits des minorités — et il dit assez souvent, M. le Président, que ce n'est pas son intention de réduire, de restreindre ou faire diminuer la collectivité anglophone — je crois que ce n'est pas par l'article 7 qu'il va ajouter ou donner plus de droits. Ce n'est pas une question de donner des droits à des personnes. Ce sont des concepts juridiques et une philosophie du droit, ce sont nos institutions de droit, ce sont les sources de notre droit. On ne peut pas être un avocat au Québec — certainement pas un bon avocat — sans avoir la connaissance de ces deux sources.

Dans les études, que ce soit aux universités françaises, que ce soit aux universités anglaises, il faut avoir la connaissance des auteurs français, la connaissance des auteurs anglais, de la jurisprudence qui nous a été laissée par le côté francophone et le côté anglophone. Cela fait partie de nos moeurs, cela fait partie de notre système. Alors, pourquoi essayer d'amoindrir et d'affecter

une profession? On traite ici —ce n'est pas une question de sujet qu'on peut traiter à la légère — d'une profession et quand on traite d'une profession, des concepts de la justice, on devrait être au-dessus de la partisanerie politique parce que les effets que cela pourrait avoir pourraient être bien négatifs.

Je crois que ce serait certainement un signe de maturité de la part du gouvernement de ne pas affecter mais de reconnaître ces concepts, de reconnaître notre système de justice qui est un des meilleurs au monde. C'est un système qui reconnaît les droits individuels, c'est un système de tribunaux qui ont une objectivité et qui sont reconnus comme étant objectifs et complètement séparés du pouvoir politique. Il ne faudrait pas essayer de mettre de la politique ou de faire de la politique dans la justice, dans les tribunaux. Quand nous disons: Le français est la langue de la justice au Québec, nous touchons à des principes très fondamentaux, M. le Président, et on ne dit pas la vérité.

A part du fait que cela va à rencontre de la réalité pratique, de ce que les gens font, cela affecte les principes fondamentaux de notre système de justice et je ne crois pas que cela devrait être le but de ce projet de loi.

Il y a certains concepts, M. le Président — c'est cela quand on parle de langue, quand on parle de communication — qui se décrivent mieux dans une langue que dans une autre. Dans les concepts que nous avons dans notre droit, il y a ceux qui se décrivent mieux en français et il y a ceux qui se décrivent mieux en anglais. Cela ne peut pas changer, ce n'est pas un article d'un projet de loi qui va changer cela. Même les effets des droits américains sur nous, sur notre système, "the human rights, the Charter of human rights", les droits individuels, les concepts de la Grande Charte de 1215, comment pouvons-nous éviter cela, comment pouvons-nous, du revers de la main, dire que cela n'existe pas dans notre loi? C'est faux, cela existe, et cela existe pour le bien de tous, de tout le monde. Cela n'existe pas seulement pour les Anglais, cela existe pour tous les citoyens du pays.

M. le Président, je crois que le gouvernement se trompe grandement en essayant d'énoncer un principe qui est complètement faux. Il est erroné et, en plus de cela, il va créer des difficultés d'application et des difficultés pour ceux qui veulent se former dans cette profession. Je souhaiterais... Je sais que le gouvernement semble être inflexible, intransigeant, dans son approche à ce projet de loi, dans tout, même dans les amendements que nous voulons apporter pour clarifier le projet de loi. La première position du gouvernement, c'est que c'est irrecevable. Je ne me fais pas l'illusion de croire que le gouvernement va accepter nos recommandations et qu'il va prendre au sérieux ce que nous lui suggérons, mais c'est fait de bonne foi, ce n'est pas fait dans un esprit de partisanerie et ce n'est pas fait pour des buts politiques.

Si on veut vraiment qu'une langue soit la langue de la justice, il faut, premièrement, être juste envers tous les gens qui sont ici. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mont-Royal.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, à moins que l'Union Nationale ne veuille prendre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, sur cet amendement proposé...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous reste six minutes.

M. Guay: Sur l'article principal.

M. Grenier: Oui. On ne peut pas laisser passer l'article 7 sans une nouvelle intervention, bien sûr, à la suite de l'amendement qui a été apporté par le Parti libéral et qui a été défait, encore une fois. Je pense bien que notre insistance ici, à ce chapitre III, à vouloir amener le gouvernement à reconnaître formellement, juridiquement la langue anglaise ne tient pas, d'abord, à notre volonté première, bien connue, de la reconnaissance de l'existence d'une communauté anglophone articulée au Québec, mais plutôt à notre souci de faire reconnaître un principe peut-être supérieur à toute l'économie du projet de loi 101, à savoir le principe sacré et universel du droit des parties.

Pour autant, le gouvernement ne sacrifierait pas son choix de s'en tenir partout à la reconnaissance formelle d'une seule langue officielle au Québec, mais, un peu comme au chapitre de la langue d'enseignement, il n'a rien d'hypothétique dans son orientation en parlant du critère de la fréquentation scolaire. Ici, il serait cohérent et il serait consistant dans sa philosophie linguistique, même s'il acceptait ce que nous lui recommandons de considérer, le droit des parties. L'article 7, tel que rédigé, ne le fait pas actuellement.

Je ne sais pas, M. le Président, mais il me semble bien que cette série d'amendements qui ont été apportés à cet article 7 devraient faire réfléchir davantage le gouvernement et montrer qu'au moins, dans le domaine de l'administration, qui n'est certainement pas un domaine qui va être une source d'anglicisation, mais des services à se donner... Ce sont bien plus des services à se donner que de vouloir penser qu'ici, on reconnaît deux langues bien égales, mais il est capable de servir cette communauté, ce qui semblait, tout à l'heure, énerver le ministre de la Fonction publique car je l'ai vu sursauter et dire, pendant l'intervention du député de Mont-Royal... Je dois vous avouer, M. le Président, que cela m'a un peu surpris d'entendre sa réaction. Il a dit que le chinois et l'anglais, malheureusement — c'est son expression — n'étaient pas égaux, à l'Assemblée nationale.

M. de Belleval: J'ai dit cela?

M. Grenier: Oui, M. le Président. Suite à l'intervention du député de Mont-Royal qui a dit...

M. de Belleval: L'article 96, M. le Président.

M. Grenier: Oui, M. le Président, on lira le journal des Débats. Je voudrais bien que ces sursauts...

M. de Belleval: L'article 96, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si le député de Mégantic-Compton le permet, vous pouvez intervenir immédiatement en vertu de l'article 96.

M. de Belleval: M. le Président, très sincèrement, je ne mets pas en doute la bonne foi du député de Mégantic-Compton. Il a certainement mal saisi ma remarque. Je n'ai fait aucune remarque de ce type. Ce serait très loin de mon esprit de faire une telle remarque. Je lui demande d'accepter ces explications.

M. Grenier: Je prends votre parole, bien sûr, M. le ministre. Je prends la parole de M. le ministre de la Fonction publique. Je voudrais bien qu'un esprit de respect des minorités règne autour de cette table, cet esprit qu'on a pourtant, à plusieurs reprises, mentionné ici. Qu'on sente qu'il y a une distinction assez importante entre la théorie et la pratique du côté ministériel. Les grands discours qu'on a entendus de la part des ministres, de la part du premier ministre lui-même... Quand on arrive dans les faits, il n'y a vraiment pas moyen de faire passer un amendement qui pourrait permettre à cette deuxième communauté vraiment articulée, comme on tente de le laisser voir de ce côté-ci de la table, d'obtenir ce privilège que cette deuxième langue existe dans des secteurs aussi pratiques que la législation et la justice.

Je voudrais bien qu'on finisse par faire sentir quelque part où il y a moyen d'attendrir le gouvernement. Je voudrais bien aussi qu'on comprenne l'article de la Presse canadienne, dans la Tribune de samedi — l'article est bien écrit — mais le titre ne rend certainement pas justice à notre position depuis le début des débats. On y dit que l'Union Nationale est satisfaite du projet de loi 101. C'est loin d'être la réalité. L'article est excellent, mais on sait que le titre n'est pas laissé au correspondant de la Presse canadienne, mais au responsable de bureau de chacun des quotidiens. C'est une autre preuve qu'on aura des difficultés à faire accepter par le gouvernement des amendements, si minimes soient-ils, si pratiques pourtant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, lors de la présentation d'amendement tantôt, j'ai eu l'occasion de toucher un peu aux raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas être d'accord avec l'article 7. Vous vous souvenez que nous avons non seulement voté en faveur, mais quand même, sinon longuement, du moins très sincèrement, exprimé nos voeux en faveur de l'article 1 qui fait du français la langue officielle. Nous avons aussi voté en faveur des articles 2 et suivants qui créent des droits, des droits fondamentaux. Je voudrais faire le parallèle ou montrer les différences qui existent entre ces articles. L'article 1 est la déclaration fondamentale, solennelle de la politique linguistique du Québec, c'est-à-dire la décision du gouvernement, comme du gouvernement précédent, de mettre tout son poids, le poids de son pouvoir autant moral que financier et judiciaire, derrière la promotion et la réalisation dans les faits de la langue française, langue de tous les jours au Québec.

Les autres articles créent des droits. On dit à ces articles — et je vais en citer seulement quelques-uns — par exemple, l'article 3: "En assemblée délibérante, toute personne a le droit de s'exprimer en français". Quand on arrive à l'article 7, on ne peut pas faire autrement que de se demander si cet article crée des droits ou tente de décrire la réalité. Il ne peut pas créer de droits puisque dans les articles suivants on les nie, ou, enfin, il ne veut pas les créer tel qu'il le suggère dans son libellé.

Etant donné qu'on a défait notre amendement tantôt, qui aurait donné une certaine cohérence, on doit donc conclure que le gouvernement n'y accorde qu'une valeur déclaratoire, qu'une valeur d'intention, sans créer un droit quelconque.

Il y a loin, M. le Président, entre la déclaration du français comme langue officielle et l'affirmation, à l'article 7, que "le français est la langue de la législation et de la justice au Québec." On me dira: L'article 84 permet l'usage de l'anglais lorsque ce n'est pas exclu. Oui, on peut recourir à l'article 84 à plusieurs occasions, à la lecture des autres articles, mais le recours du gouvernement à un libellé, à une facture quasi solennelle, à une affirmation aussi stricte que celle que l'on fait à l'article 7, M. le Président, m'oblige à reconnaître que cet article 7 n'est pas vrai.

Le député de Mont-Royal a démontré dans quelle mesure le français n'est pas la seule langue de la justice. Il a fait référence, par exemple, à tous ces secteurs du droit, le droit pénal, le droit commercial, entre autres, le droit criminel évidemment, enfin, tout le secteur du droit public qui ont recours quotidiennement au droit dit anglais, ou à la "Common Law" en ce qui concerne le Canada, pour l'interprétation des dispositions légales. Le droit municipal, par exemple, a recours de plus en plus au droit américain, comme source d'inspiration et aussi comme source d'interprétation; deux droits, la "Common Law" et le droit américain, qui emploient la langue anglaise; qu'on le veuille ou non, c'est un fait.

En droit civil, c'est différent. Non seulement sa source, le Code civil, est inspirée du Code Napoléon, mais aussi l'application du Code civil au Québec depuis son origine, en fait, et, auparavant, les lois françaises ont fait que le droit civil est largement français, même si, naturellement, une

bonne section des jugements sont de langue anglaise, étant le résultat de litiges entre personnes ou sociétés qui sont de langue anglaise.

Alors, on peut dire que la langue de la justice est le français dans une très grande mesure, mais pas exclusivement. Le libellé de l'article tend à démontrer, à affirmer une réalité qui n'est pas vraie. On pourrait le souhaiter, mais, de là à mettre dans une loi des rêves et des souhaits, c'est différent. La loi est beaucoup trop importante pour laisser de la place simplement à des voeux et à des souhaits. A ce moment-là, faites un autre livre blanc. Souhaitez-le, mais la loi doit quand même tenir compte de la réalité.

En ce qui concerne la législation, quiconque veut intervenir... Ici même, M. le Président, je pourrais, à ce moment-ci, si j'y trouvais plus de facilité, commencer à vous parler en anglais et personne ne pourrait s'y opposer. Si je commençais à utiliser une autre langue, là, on pourrait s'y opposer. On me laisserait aller pendant quelques minutes et, lorsqu'on verrait que personne ne comprend et que le chaos s'installe à la rédaction du journal des Débats, on me rappellerait à l'ordre. Mais, en anglais...

M. Paquette: On l'a fait avec les Inuit. M. Lalonde: Personne ne comprendrait. M. Paquette: On l'a fait avec les Inuit. M. Lalonde: Personne ne comprendrait. M. Guay: Cela ne me dérange pas.

M. Lalonde: Mais on aurait, à bon droit, probablement l'occasion de me rappeler à l'ordre et de me dire: Ecoutez, vous pouvez parler la langue que vous voulez; maintenant, on ne vous comprend pas. Tandis qu'en anglais, à cause de l'article 133, qui n'est pas changé, qui n'est pas remplacé ici par ce chapitre III, c'est un fait, c'est la réalité, le 15 août 1977, encore, que le français n'est pas la seule langue de la législation.

Lisez l'article 8 et l'article 10 et vous verrez que cela nie l'article 7. A l'article 7, on fait penser à un petit enfant coléreux qui donne un coup de pied à terre parce qu'il veut absolument avoir la lune. Ce n'est pas vrai. Vous ne l'aurez pas, la lune. Vous me faites penser à cela. Réellement, écoutez. Grandissez, vieillissez un peu. Prenez un peu de maturité. Apprenez à rédiger des lois et apprenez ce qu'est la réalité au Québec.

M. Ciaccia: Ce n'est pas bon pour vous autres la lune.

M. de Belleval: Les lunatiques ne sont pas de ce côté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Avez-vous fini?

M. Lalonde: Non. M. le Président, pour les mêmes raisons qui nous ont portés, jusqu'à maintenant, à voter pour des dispositions qui nous semblaient bonnes, désirables, comme l'article 2 et l'article 1, naturellement — j'ai donné les explications — qui créent des droits, mais qui n'en enlèvent pas à ceux qui en auraient, pour ces mêmes raisons, des raisons de cohérence, des raisons de désir de donner à cette loi une véritable force, une véritable puissance qui change les choses au Québec, nous ne pouvons pas voter pour cet article 7 qui dit un mensonge. C'est aussi simple que cela. Ce n'est pas vrai que le français est la langue de la législation et de la justice au Québec; le libellé que vous nous proposez tend à dessiner un tableau qui n'est pas celui de la réalité quotidienne.

Allez dans les différentes cours de justice et vous verrez que c'est faux que le français est la seule langue de la justice au Québec. Encore récemment — moins à cette table, quoique c'est arrivé, mais à l'Assemblée nationale — vous avez eu des intervenants qui utilisent la langue anglaise. Mais quand on lit cet article: "Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec", on pourrait dire que le français en est largement la langue, oui, mais on aurait pu dire cependant que l'anglais est aussi une langue d'usage, ce qui serait la réalité.

Le règlement ne nous a pas permis à la commission parlementaire de voter pour. Je pense que vous le regrettez. Je crois que vous auriez sûrement eu l'intention de voter pour mon amendement parce que c'est vrai, c'est la vérité. Mais vous n'avez pas eu l'occasion de le faire. Vous avez voté contre l'amendement du député de Mont-Royal pour des raisons que j'ignore. Les seules raisons qui ont été apportées par le gouvernement sont celles mentionnées par le député de Saint-Jacques disant qu'à l'article 68, on disait la même chose, mais que c'était une affaire différente. Cela n'a pas été très convaincant, mais enfin, je pense qu'il n'avait pas lu, probablement, la deuxième partie de l'article 68, quand il avait commencé à le citer. J'ai déjà vu le député de Saint-Jacques — c'est malheureux qu'il ne soit pas ici parce que j'aurais aimé le dire en sa présence — beaucoup plus convaincant, beaucoup plus brillant.

M. Guay: On le lui répétera.

M. Lalonde: C'est fait. Le sort en est jeté quant à notre amendement. Il reste simplement cette espèce de demi-vérité, de trois quarts de vérité, mais qui laisse une bonne place au mensonge. Quant à nous, nous ne voulons pas nous rendre complices de ce mensonge.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Avant-hier, je disais que dans un domaine où des mesures restrictives peuvent se justifier, par exemple dans un domaine où il y a risque de minorisation ou d'assimilation pour

les francophones de cette province, nous apportions, à ce moment-ci de l'histoire du Québec, notre support, même si nous n'étions pas d'accord. Il s'agit évidemment de l'enseignement, du critère qui a été retenu par le gouvernement, mais, en fait, je pense que tous s'accordent à dire, du moins je pense que c'est ainsi qu'il faut traduire la position de tous les partis politiques qui sont contre le libre choix dans la langue de l'enseignement, qu'il y a ce risque — pour une période au moins temporaire, il est difficile d'en prévoir la longueur — que des mesures restrictives soient prises.

Cependant, je disais également que là où un tel danger n'existe pas et qu'on veuille restreindre inutilement des droits, ceci ne peut s'expliquer que par une motivation basée sur un calcul étroit.

Dans un domaine aussi délicat, lorsqu'on peut entretenir le moindre doute en ce qui touche des droits fondamentaux, on ne doit pas permettre de perpétuer ce doute. On doit tout simplement adopter une loi qui enlève ce doute. Il ne faut pas oublier que, dans ce domaine-ci, je le disais tout à l'heure, les francophones ne sont nullement menacés. Il s'agit de droits fondamentaux. Il s'agit de droit à la justice.

L'article 7, tel que rédigé, d'après les opinions émises par l'ensemble des experts, viole probablement la lettre et certainement l'esprit de la constitution canadienne actuelle. Il donnera probablement lieu à une contestation devant les tribunaux. Est-ce que c'est là une décision prudente et sage, alors que les faits ne le justifient pas, qu'immédiatement après l'adoption de cette loi, alors qu'on devra faire appel à la concertation de tous les citoyens pour que son application se fasse de la meilleure façon possible, on parte avec cette possibilité de contestation devant les tribunaux? Ceci existe.

Je dirai tout simplement, en terminant — c'est là la raison de mon vote négatif plus particulièrement et même au-delà de la question constitutionnelle qui devra être réglée, de toute façon, par des tribunaux — que ce qu'il y a d'important, c'est qu'au niveau des principes, il vaut mieux favoriser une véritable justice aux justiciables que de favoriser uniquement la langue française.

S'il y a un domaine où il ne faut pas d'ambiguïtés, c'est bien celui de la justice. Que quelqu'un ne se serve pas, par exemple — on aura l'occasion d'en reparler plus tard, à l'article 11, où on dit que les personnes morales s'adresseront dans la langue officielle aux tribunaux, à moins que toutes les parties ne consentent à plaider en langue anglaise... On voit déjà l'ouverture que ceci donne à des conflits entre des individus dans un domaine où on devrait éliminer le plus possible cette possibilité de conflits entre individus et où viendraient se greffer des conflits idéologiques ou de nature nationaliste.

C'est un domaine qu'on doit garder à l'abri de ce type de mesquinerie dans ce genre de discussion pour que, vraiment, s'exerce, à l'égard de tous les citoyens de cette province, la justice la plus respectueuse de leurs droits. C'est dans ce sens que je voterai contre l'article 7, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, Mme le député de L'Acadie.

M. le député de Mont-Royal avec six minutes.

M. Ciaccia: Seulement quelques autres brefs commentaires, M. le Président. Je voudrais que le gouvernement se pose la question suivante: Est-ce que ces gens vont faire une faveur aux jeunes étudiants en droit, de quelque langue qu'ils soient, et même aux francophones, en leur disant que le français est la langue de la justice au Québec? Si vous regardez l'histoire de notre système juridique, vous verrez que les plus grands et les plus éloquents juristes, ceux qui sont arrivés au sommet de leur profession, tant francophones qu'anglophones, étaient ceux qui avaient une connaissance des deux concepts de droit, le concept français et le concept anglais. Je ne pense pas que vous fassiez une faveur à tous ceux qui veulent étudier le droit en leur disant que le français est la langue de la justice. Ce n'est pas ainsi qu'on va créer une atmosphère de compétence et d'excellence pour ces jeunes.

Vous leur donnez des illusions, vous donnez des illusions aux jeunes, je vous le dis, c'est vrai,-en plus d'affecter un système qui fait l'envie de beaucoup de pays au monde. Ce système, cela a pris 100 ou 200 ans pour le faire et il contient des concepts que l'article 7 ne veut pas reconnaître. Cela n'a rien à faire avec l'avancement du Québec, l'avancement des francophones, l'un n'a rien à faire avec l'autre. Parce que la seule façon dont vous allez avancer, c'est avec la compétence et l'excellence. Ce n'est pas un projet de loi qui va nous donner de l'excellence. Vous décevez la population en énonçant un article comme celui-là.

Même quand un jeune juriste va étudier ce projet de loi, il va lire l'article 7 et il va immédiatement voir qu'il est contredit par d'autres, même du point de vue juridique, c'est un non sens l'article 7. Vous dites que c'est la langue de la justice, après cela vous dites: Untel a le droit de parler ou de s'adresser en anglais, il a le droit de faire sa plaidoirie en anglais. Est-ce que c'est la langue de la justice ou si cela ne l'est pas? Si c'est la langue de la justice, vous ne devez pas dire dans les autres articles qu'une autre personne aurait le droit de parler anglais devant les tribunaux, ou même la langue de la législation, vous devriez interdire de parler anglais à l'Assemblée nationale.

Ce sont toutes les moeurs et toute la constitution de nos lois que vous voulez mettre de côté. Je dis que, même au niveau philosophique, dire qu'une langue est la langue de la justice, franchement, cela n'existe pas. C'est un peu prétentieux, c'est présomptueux de dire qu'une langue est la langue de la justice. Un projet de loi n'est pas seulement pour faire de la politique avec la masse des gens. Il faut que quelqu'un, un juriste, les professeurs qui vont voir cela, fasse du sens à cette loi. On va rire de cet article 7. Je pense que c'est la première fois au monde que quelqu'un énonce qu'il y a une langue de la justice. Vous voyez un peu le ridicule de l'affaire, M. le Président, c'est impossible en toute décence de voter en faveur de cet article, ce serait un non sens.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mont-Royal. Est-ce que l'article 7 sera adopté?

Des Voix: Adopté.

M. Laurin: Un dernier mot, M. le Président.

M. Ciaccia: Appel nominal. Ah! excusez.

M. Lalonde: Ce n'est pas nécessairement le dernier.

M. Laurin: D'accord, un dernier mot pour moi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, j'écoute depuis une demi-heure les représentants de l'Opposition officielle et ils ont toute mon admiration. Ils livrent en effet un combat d'arrière-garde qui me paraît désespéré, mais qui est tout à l'honneur des thèses qu'il défendent. Evidemment, ce sont aussi des thèses d'arrière-garde qui sont dépassées par l'évolution d'un peuple qui aspire enfin à la normalité et à la maturité. Ils voudraient nous ramener à la loi 22, tenter encore d'édulcorer des principes et nous ramener à des modalités qui détruisent l'effet des principes qu'ils prétendent mettre en tête d'un projet de loi. Ils me font un peu penser à ces rois de France qui avaient été chassés de France en 1791, les Bourbons, et qui sont revenus au pouvoir en 1818 et qui, après quelques mois de pouvoir, se méritaient les qualificatifs suivants de la part des observateurs: ils n'ont rien appris et ils n'ont rien oublié. Ils voudraient encore, dans leur défense de leur position passéiste et d'arrière garde, nous ramener à une loi qui a été honnie et rejetée par toute la population, et en particulier, par la majorité francophone.

Ils explicitent en somme un proverbe qui exprime la sagesse des siècles: Chassez le naturel et il revient au galop. Ils sont tellement imbus de la sagesse de toutes les administrations libérales passées qu'ils voudraient encore nous forcer à adopter ce que déjà la population a rejeté.

Leur grande erreur, je crois, c'est de vouloir, encore une fois, entériner un statu quo, une situation que n'accepte plus le peuple québécois. Leur erreur, c'est de ne pas voir que cet article 7 est orienté vers l'avenir et non pas vers le passé, alors que toutes leurs attitudes, leur langage, leurs prises de positions reflètent un passé suranné, désuet, vieillot, condamné par la population et dont ne peut plus se satisfaire une population dynamique qui a les yeux tournés vers l'avenir, vers la normalité, vers le dynamisme de son futur développement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre d'Etat.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys avec une minute.

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas parlé 19 minutes tantôt.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II restait 19 minutes au député de Mont-Royal. Vous, il vous restait 12 minutes et vous avez parlé pendant 11 minutes.

M. Lalonde: Bon, merci, il me semblait aussi. M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, il vous reste une minute et Mme le député de L'Acadie, dix minutes.

M. Lalonde: M. le Président, la profonde démonstration du ministre d'Etat au développement culturel me convainc du danger de laisser à certains politiciens le sort de la politique. On utilise un vocabulaire qu'on entend dans des régimes extérieurs, étrangers et qui continue de glaner les propos d'hommes politiques qui prennent leurs chimères pour des réalités. On utilise encore la normalité; je l'ai entendu encore ce matin dans la bouche du ministre. Lorsque, dans le discours de deuxième lecture, j'ai exprimé des appréhensions sérieuses quant au recours constant à ces critères par le gouvernement et ses ministres pour justifier des attitudes qui me semblaient outrancières et excessives, restrictives et souvent répressives, j'avais raison d'être inquiet parce que ce qui est normal, ce que quelqu'un croit normal est nécessairement relatif à ses propres préjugés, à ses propres expériences, à ses faiblesses et aussi à son ignorance.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Veuillez conclure, s'il vous plaît.

M. Lalonde: M. le Président, vous m'avez dit qu'il me restait onze minutes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une minute. Sur la liste que j'ai devant moi, il vous restait douze minutes lorsque je me suis assis sur ce banc. Vous avez parlé de 11 h 9 à 11 h 20, ce qui fait onze minutes.

M. Lalonde: Je n'avais pas parlé sur la motion principale, M. le Président.

M. de Belleval: Pardon.

M. Charron: Voyons donc! Certainement.

M. Lalonde: Ecoutez, peut-être ai-je parlé samedi; je ne m'en souvenais pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous aviez parlé, M. le député. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Belleval: Vous devriez lire les journaux.

M. Charron: Dites-moi pas que vous êtes rendu à parler sans vous en rendre compte.

M. Guay: C'était tellement profond que, le jour même, il l'avait oublié.

M. Lalonde: Dans la présentation de la motion.

M. le Président, je conclus. Si c'est de ce gouvernement qu'on doit apprendre, non, nous ne voulons rien apprendre de ce gouvernement. Si le ministre réfère à la longue tradition de justice qui a présidé à la construction de ce pays, le Canada et de ce pays aussi, le Québec, à la longue tradition de liberté, M. le Président, non, nous ne voulons rien oublier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je voudrais ajouter quelques mots seulement. D'abord, nous de l'Union Nationale, nous ne pouvons pas accepter cet article même si nous favorisons, comme nous l'avons mentionné à plusieurs reprises depuis le début, la prééminence du français dans le projet de charte no 101. En adoptant cet article 7, je crois que notre position serait irréaliste et ne tiendrait pas compte des besoins réels de la population. Je crois qu'à ce moment nous oublierions également les droits de la population. Il ne s'agit pas d'être tout simplement tournés vers le passé; il ne s'agit pas de notre part d'une position d'arrière-garde, comme on vient de le mentionner.

Si nous voulons que l'option linguistique retenue par le gouvernement dans ce chapitre soit plus claire, c'est parce qu'il nous semble qu'il y a là un point faible et qu'il y aura des questions de litige qui entreront en ligne de compte. Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons insisté et nous avons appuyé aussi des motions d'amendement des libéraux, simplement pour permettre que cette loi devienne plus réaliste, plus claire. Nous savons très bien qu'en cours de route, même si, un peu plus loin, on nous parle d'une autre langue, c'est cette question d'une autre langue qui nous intrigue alors que parfois on mentionne aussi qu'il est question de la langue anglaise.

Pour ces raisons exposées de façon très rapides, M. le Président, nous ne pouvons accepter de voter pour l'article no 7.

Le Président (M. Cardinal): Sur l'article no 7, Mme le député de L'Acadie. Il vous reste dix minutes.

Mme Lavoie-Roux: Ne craignez pas, je vais prendre seulement quelques minutes. Je voulais simplement dire que les épithètes du ministre d'Etat au développement culturel nous sont devenues familières. C'est la dernière arme qu'il utilise quand il n'a plus d'arguments pour défendre ce qui est mesquin et injuste dans sa loi. Ce qu'il appelle des positions d'arrière-garde, c'est l'expres- sion d'une majorité de la population du Québec qui ne veut pas jeter par-dessus bord la constitution, qui ne veut pas jeter par-dessus bord son pays et le troquer pour une indépendance qui, jusqu'à maintenant, n'a fait qu'apporter de l'insécurité, du chômage. Ceci peut-être une chose temporaire, mais ce qui est bien plus grave...

M. de Belleval: Je pense que le député va à l'encontre du règlement, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Je ne vais pas à l'encontre du règlement après les épithètes que le ministre m'a servies. Cela vous fait mal, mais je ne vais pas à l'encontre du règlement.

M. Lalonde: Cela fait mal, n'est-ce pas?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: Je trouve que la langue de la justice...

M. Lalonde: Tout ce que fait le ministre de la Fonction publique, c'est d'interrompre, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre!

M. Chevrette: ...un débat...

M. de Belleval: C'est une question de règlement...

Le Président (M. Cardinal): La période de récréation est recommencée.

M. de Belleval: Le débat sur l'indépendance va venir.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Attendez-le, attendez-le.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Mme le député de L'Acadie, veuillez poursuivre.

Mme Lavoie-Roux: Ce que je disais, c'est qu'une majorité de la population, les gens que nous représentons, ne veulent pas jeter pardessus bord à ce moment-ci la constitution et la troquer pour l'indépendance que vous lui proposez avec toute l'incertitude qu'elle apporte.

M. de Belleval: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, cette fois-ci, M. le député de Charlesbourg, je vais l'accepter. En prenant un cas de jurisprudence qui s'est produit au salon rouge, Mme le député de L'Acadie, quand vous avez repris votre exposé,

vous étiez parfaitement dans l'ordre, mais la fin de votre phrase nous amène vraiment en dehors du sujet.

Mme La voie-Roux: M. le Président, une directive.

Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord.

Mme Lavoie-Roux: Quand le ministre d'Etat au développement culturel nous dit que nos positions sont des positions d'arrière-garde, j'ai cru comprendre qu'il faisait appel à la constitution, puisque sur l'article qu'on discute à ce moment-ci, l'argumentation que nous avons fait valoir, c'est que, probablement, l'article tel que rédigé soulèverait des problèmes au plan constitutionnel. J'y vois des liens.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Attention!

M. Lalonde: Sur cette question...

Le Président (M. Cardinal): Si c'est une demande de directive, continuez.

M. Lalonde: Oui, c'est sûrement une question de directive, M. le Président. Nous allons, surtout au cours de ce chapitre, devoir faire référence régulièrement à la constitution et devoir aussi poser des questions, nous poser des questions, au moins, sur les véritables motifs de ce gouvernement dans ses propositions législatives. Comment pouvons-nous, sachant d'ailleurs quelle est l'option constitutionnelle du gouvernement, parler d'accrocs à la constitution sans se référer à son option constitutionnelle qui est l'indépendance?

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Vous savez dans le fond que les deux demandes de directive, qui n'en font qu'une, ne s'adressent pas à la présidence. Vous m'obligeriez à me prononcer sur une question purement politique, et vous savez que tel n'est pas mon rôle. Ce que je tente de faire, c'est tout simplement de contenir le débat dans des limites qui fassent que la provocation normale ou la critique normale d'une formation politique vis-à-vis de l'autre ne devienne pas une provocation qui amène cette commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications à devenir encore une fois, trop bruyante. C'est une question de jugement à chaque instant.

On jugera ces jugements, mais pour le moment, je demande à Mme le député de L'Acadie d'utiliser son temps. Qu'elle parle de la constitution, je suis bien d'accord, mais j'ajoute cependant que je ne voudrais pas qu'on parle de loi du référendum ou de choses semblables. Alors, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Ce qui est une position d'arrière-garde pour la population du Québec, c'est celle de ce gouvernement qui veut établir des frontières étanches autour du Québec et empêcher cette province de continuer de progresser comme elle l'a fait depuis les dix ou quinze dernières années. Je voudrais aussi rétablir un fait sur lequel le ministre d'Etat au développement culturel revient très souvent. Vous voulez retourner à la loi 22 qui a été honnie par la population etc. Je pense qu'il n'y a rien de plus inexact. La loi 22 n'a pas été honnie par la population. Il faut faire une différence entre ce qui a été une lacune grave, j'en conviens, d'un chapitre de la loi 22, les fameux tests. Pour justifier la loi 101, tous les arguments sont bons. Quand vous ne faites pas cette différence-là, M. le ministre, je pense que vous manquez de rigueur intellectuelle. Je pense que vous n'avez jamais entendu la loi 22 contestée dans le domaine du travail, dans le domaine de l'affichage, de l'administration etc. Il serait peut-être temps que ces faits soient rétablis.

En ce qui a trait à l'article 7, il est vrai que si vous alliez dans la population faire un sondage quant aux mesures qui sont prises, non pas quant au critère retenu, mais quant aux mesures restrictives qui sont prises à l'égard de la langue d'enseignement, il se peut fort que, comme groupe, comme collectivité, les francophones vous disent qu'ils sont d'accord. Mais si vous alliez faire ce même sondage au sujet de la langue de la justice et expliquiez en termes simples ce que cela veut dire, je doute très fort que vous ayez l'assentiment de la majorité de la population. C'est ce que je voulais dire. Merci.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de L'Acadie. M. le député de Mont-Royal, il vous reste exactement une minute.

M. Ciaccia: En concluant, M. le Président, en plus d'être erroné, l'article 7 va à l'encontre de l'article 133. Il y a le risque que cela soit contesté sur le plan légal. Et si cela arrive, cela va provoquer le conflit. L'objet d'une loi ne devrait pas être de provoquer le conflit entre les différents groupes. C'est une autre raison pour laquelle je vais voter contre l'article 7.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal. M. le député de Saint-Jacques et ministre délégué au haut-commissariat.

M. Charron: M. le Président, je vais, au nom du gouvernement, conclure sur cet article qui est la porte d'entrée de tout un chapitre. En ce sens, je voudrais bien que les collègues de l'Opposition, qui ont déjà brandi les drapeaux de l'incertitude et de l'insécurité, sachent que cet article ne fait pas le chapitre en entier sur la langue de la législation et de la justice. Il affirme un principe qui, pour nous, est fondamental et se rattache au principe même de la loi. Il ne peut souffrir d'amendements qui visent à restreindre sa portée. C'est d'ailleurs, dans d'autres articles du chapitre, que le respect que nous avons pour les droits individuels des Québécois sera débattu et j'espère qu'à ce moment-là l'Opposition libérale manifestera non

pas une vigilance d'arrière-garde, comme le disait le ministre d'Etat au développement culturel, mais une bonne façon de peser le pour et le contre de chacune des propositions que nous y avons.

A ces fédéralistes à tous crins — j'ai presque envie de dire à tout prix — que sont les députés libéraux d'en face, puis-je rappeler que ce beau, ce cher et grand pays auquel ils s'attachent, a, dans chacune de ces provinces dites anglaises, un principe semblable à celui de l'article 7. Je n'ai jamais entendu les membres d'en face s'opposer au fait que l'anglais soit, en Saskatchewan, la langue de la justice et de la législation.

M. Ciaccia: Le Code Napoléon.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: Je n'ai jamais entendu ce principe dénoncé. Si le député de Mont-Royal veut bien se taire et me laisser... Je l'ai enduré pendant vingt minutes...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. MM. les députés de Mont-Royal et de Saint-Jacques, à l'ordre, s'il vous plaît! Présentement, l'Opposition officielle a terminé son temps. M. le ministre délégué, vous avez la parole et j'aimerais qu'on vous entende sans intervention.

M. Charron: J'étais à dire à ces fédéralistes à tous poils que ce que nous faisons, par l'article 7, ici, pour le Québec et pour le français au Québec, c'est ce que les neuf autres provinces de votre pays ont fait pour l'anglais chez elles.

M. Ciaccia: Cela n'a rien à faire avec ça.

M. Charron: Pourquoi, quand c'est au Québec à agir de la même façon que les autres provinces, c'est un crime, c'est un geste déshonorant, ça mérite d'être amendé, d'être amoindri, d'être dilué? Alors que, quand les autres provinces du Canada, pour leur majorité, pour leur population, ont établi les mêmes principes, au point qu'un francophone, du nom de Gérard Filion, par exemple...

M. Charron: ... ne peut se présenter devant une cour en Ontario...

M. Ciaccia: Vous avez raison.

M. Charron: ... et avoir un jugement dans sa langue?

M. Ciaccia: Vous avez raison.

M. Charron: Pourquoi, au moment où le Québec ne devance rien, mais rattrape les autres, dans ce qui s'appelle l'établissement, pour une majorité, d'un principe comme celui-là, pourquoi les gens d'en face deviennent-ils les serviteurs inconditionnels des principes d'arrière-garde?

Nous réclamons simplement ce que le chef de l'Union Nationale, pas celle d'aujourd'hui, de la véritable Union Nationale d'il y a une dizaine d'années, proclamait comme devant être le slogan de notre peuple, ou nous avons l'égalité, ou nous allons faire l'indépendance. Ce que nous faisons, par ce principe a l'article 7...

M. de Belleval: C'est l'égalité.

M. Charron: ... c'est établir notre égalité. Le peuple français du Québec aura le français comme langue de la justice et de la législation, comme les peuples ou les différentes parties du peuple canadien anglophone se sont donnés, dans leurs différents gouvernements provinciaux, les mêmes règlements.

Mme le Président, nous allons adopter... M. le Président, nous allons adopter l'article 7...

M. de Belleval: La présidence est asexuée, M. le Président.

M. Charron: C'est parce que c'est à Mme le député de L'Acadie que, par votre entremise, je m'adressais, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, mais je n'admets pas la remarque de M. le député de Charlesbourg.

Mme Lavoie-Roux: Je vous comprends.

M. de Belleval: J'ai parlé de la présidence avec un grand P.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Charron: Je veux dire, M. le Président, que l'établissement du français comme langue de la législation et de la justice au Québec, ce principe qui est à l'origine de tout un chapitre de notre loi, nous allons l'adopter parce qu'à notre avis, l'heure de l'égalité est arrivée pour les francophones dans le traitement qu'ils doivent recevoir dans leur propre pays. Par la suite, si cette égalité est minée et diluée, comme s'appliquent à le faire, en prenant beaucoup de temps, d'ailleurs, de cette commission, les membres de l'Opposition libérale, il nous restera à réclamer l'indépendance.

Merci, M. le Président.

M. Ciaccia: Je n'ai jamais mentionné...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal!

M. Ciaccia: ...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal... Non, non, si vous voulez parler individuellement, je vous prierais de vous retrancher dans le corridor.

M. Charron: Je l'ai entendu. Je l'ai entendu plus que je ne le veux.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît, tous les deux!

Non, je veux me corriger. J'ai indiqué que l'Opposition officielle avait terminé son temps. Ce n'est pas exact. Il reste cinq minutes à Mme le député de L'Acadie.

M. Chevrette: Ah, sacrifice! C'est incroyable!

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est assez intéressant de constater que l'argument principal utilisé par le gouvernement pour justifier ce qui est injuste dans sa loi, c'est de nous répéter à satiété les injustices qui sont commises dans les autres provinces, et le député de Saint-Jacques nous dit: Comment se fait-il que, devant les injustices des autres provinces, l'Opposition officielle libérale ne se soulève pas pour protester?

M. Charron: Je n'ai pas parlé d'injustices...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: ... de la situation qui n'est pas la même dans les autres provinces.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: Mais je considère tout à fait normal ce qui se passe là-bas.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

Mme Lavoie-Roux: Mais c'est quand même l'argument que vous avez apporté.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: ... situation normale...

M. Paquette: Elle est moins large dans les autres provinces.

Le Président (M. Cardinal): II y aura suspension si vous continuez de la sorte.

M. Chevrette: II ne faudrait pas parce que ça ferait l'affaire de l'Opposition.

Mme Lavoie-Roux: Nous avons vu ces arguments nous revenir durant les deux commissions parlementaires que nous avons vécues. Tout ce que je veux dire, M. le Président, c'est que, quand on soutient qu'enfin, c'est l'égalité qu'on veut, ce qu'on veut dire, c'est que l'égalité, pour ce gouvernement, c'est de sanctionner l'injustice des autres.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, il vous reste cinq minutes.

M. Grenier: M. le Président, il reste 30 secondes pour relever l'argumentation du député de Saint-Jacques qui faisait allusion, bien sûr, sans le nommer, au premier ministre, M. Johnson, qui a siégé dans cette Chambre de 1966 à 1968. J'aimerais vous faire savoir, M. le Président, que, dans ses termes, dans ses propos et dans son intimité, M. Johnson n'a jamais pensé à copier ce qu'il y avait de mauvais dans les autres provinces. Je voudrais vous dire que ça, c'était loin de son idée.

Sous la direction de Johnson, nous n'aurions certainement pas eu un article de loi qui aurait ressemblé à celui-là.

Alors, je ne voudrais pas qu'on pense que dans ce thème qu'il a amené ici au Québec, lors de son élection en 1966, c'était cela dans son esprit. Nous l'avons trop vécu et vous avez été témoin, M. le Président, de la fin — vous ne pouvez participer au débat — du règne de M. Johnson et vous savez que la vraie Union Nationale de M. Johnson n'était pas dans cet esprit revanchard, absolument pas.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de la Fonction publique.

M. de Belleval: Compte tenu du fait que l'Opposition a utilisé encore quelques miettes de droit de parole qui lui restaient — ce qui est parfaitement son droit d'ailleurs — j'aurais cependant...

Mme Lavoie-Roux: II m'en reste encore.

M. de Belleval: ...justement parce qu'il vous en reste encore, je profiterai d'une minute pour vous poser une ou deux questions. D'après vous, l'article 7 est un article injuste, rétrograde, oppressif, etc...

M. Ciaccia: ...erroné.

M. de Belleval: ...erroné. La question est la suivante et le député de L'Acadie, à qui il reste quelques secondes pourra donc les utiliser pour y répondre, si elle le veut bien. Les membres de l'Opposition officielle sont-ils prêts à monter sur les "husting" comme ils le font actuellement d'une certaine façon pour dénoncer la situation injuste, arbitraire, rétrograde, erronée qui existe dans les autres provinces à savoir que la langue anglaise est la langue de la législation et de la justice, en Ontario, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, etc? Est-ce vraiment leur position?

Est-ce que demain, dans les journaux, nous allons voir une conférence de presse donnée par le député de L'Acadie, par le député de Marguerite-Bourgeoys pour dénoncer le caractère erroné, injuste, oppressif...

M. Charbonneau: ...revanchard...

M. de Belleval: ...revanchard, rétrograde, mesquin...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! J'ai entendu des duos.

M. de Belleval: ...du régime qui existe dans ces provinces et qui veut que l'anglais soit la langue de la législation et de la justice au Québec. Sont-ils prêts à aller se faire les apôtres du rétablissement ou de l'établissement de la justice, du progrès, de l'avenir dans ces provinces? Je vois que le député de Marguerite-Bourgeoys est en train de "coacher" le député de L'Acadie qui n'en a pas besoin. Le député de L'Acadie est tout à fait capable de répondre à mes arguments. Je le sais.

Mme Lavoie-Roux: Bon...

M. de Belleval: Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas cédé le droit de parole à personne.

M. de Belleval: Je vous l'accorde. Je voulais calmer les ardeurs du député de l'Acadie.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Le règlement me permet-il de parler au député de L'Acadie pendant la question du...?

Le Président (M. Cardinal): C'est une intervention, même si elle est faite sous forme...

M. Lalonde: C'était une directive.

Le Président (M. Cardinal): ...interrogative. Vous avez le droit de poser une question à M. le député de Charlesbourg, s'il désire vous répondre.

M. Lalonde: Pas au député de Charlesbourg...

Le Président (M. Cardinal): ...mais vous n'avez pas le droit de parler à Mme le député de L'Acadie — non — pendant l'intervention d'un député.

M. Lalonde: Je n'ai pas le droit? Le Président (M. Cardinal): Non.

Mme Lavoie-Roux: On se parlera ailleurs. Laisse faire.

Le Président (M. Cardinal): Les articles 100 et 26.

Le député de Charlesbourg et ministre de la Fonction publique.

M. de Belleval: Je pense que j'ai fait mon argumentation suffisamment claire. Il ne sert à rien de s'étendre sur une situation aussi pitoyable que celle de l'Opposition qui en sera réduite pour toutes les prochaines heures à faire une conférence de presse, à écrire un livre bleu, ou rouge dans ce cas, ou rose, pour dénoncer l'injustice, l'aberration de la situation légale qui existe dans les autres provinces à savoir que l'anglais est la langue de la législation et de la justice dans ces provinces. Mais ceci étant dit, nous verrons à l'article 11, tout à l'heure, combien le Québec, pour sa part, est prêt à aller beaucoup plus loin que ce qui existe dans les autres provinces et combien nous sommes libéraux comme les gens d'en face ne le sont plus en matière de justice.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Charlesbourg. Mme le député de L'Acadie, il vous reste quatre minutes.

Mme Lavoie-Roux: Pour répondre à la question du député — ce sont eux qui l'interrompent — ...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! De toute façon, ils ne peuvent pas interrompre. Ils n'ont plus de temps eux.

Mme le député de L'Acadie.

M. de Belleval: Ce sont d'incorrigibles misogynes.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le ministre!

Mme Lavoie-Roux: Oh non! M. le Président, pour répondre à la question du député de Charlesbourg, je dois lui dire qu'à titre personnel, dans toutes les associations canadiennes où j'ai oeuvré, j'ai été très vigilante à faire respecter ou à demander le respect du français là où le problème se soulevait.

Pour revenir à votre argumentation, je la trouve fort amusante. Elle est très symptomatique et elle est une répétition de l'argumentation que le député de Saint-Jacques nous a servie et que, par la suite, il a niée, à savoir que partout on est méchant; allez défendre les droits des autres ailleurs, nous on est justes.

Le Parti libéral a essayé dans le passé de faire valoir le point de vue des francophones dans les autres provinces. Si on n'a pas répondu à ces demandes, il ne faut pas s'inspirer de ce même comportement au Québec. Il ne faut pas par nos lois sanctionner l'injustice. Il ne faut pas, dans une province, dans des lois, s'inspirer d'une justice qui équivaut à oeil pour oeil, dent pour dent. Votre démonstration, votre argumentation, M. le député de Charlesbourg, s'inspirait exactement de ce que je venais de dénoncer chez le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Article 96, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Je voudrais rétablir les faits, parce que madame interprète des propos que j'aurais tenus et que, par la suite, j'aurais niés. Quand j'ai posé la question sur le comportement des neuf

autres provinces canadiennes en matière de la langue de la législation et de la justice, quand j'ai affirmé la situation dans les neuf autres provinces, je n'ai en aucun temps qualifié cela de misérable ou...

M. de Belleval: De rétrograde.

M. Charron: ... de rétrograde ou de n'importe quoi. Je crois que les neuf autres provinces du Canada ont fait ce qu'elles avaient à faire. La langue de la majorité doit être la langue de la législation et de la justice. Ce que je déplore des Canadiens, c'est qu'ils n'ont pas fait d'article 11. Ils n'ont pas fait d'article qui permettrait à des individus de langue française... Enfin, nous verrons tout cela si madame accepte de disposer le plus rapidement possible de l'article 7 et si l'Opposition ne s'y éternise plus.

En aucun temps, je n'ai déploré qu'une majorité fasse respecter ses droits. Je travaille à cela ici. Je n'ai jamais réclamé moi, que le français et l'anglais soient la langue de la législation et de la justice en Colombie-Britannique. Je ne demanderai même pas que "sous réserve — comment se lisait votre amendement ridicule? — des dispositions..." Pas du tout. C'est normal qu'une majorité fasse de sa langue la langue de la justice et de la législation. C'est aussi normal, si elle est démocratique, qu'elle prévoie dans d'autres dispositions qui suivent l'affirmation de ce principe, à l'égard des individus, surtout lorsqu'ensemble ces individus forment une minorité importante, des exceptions à la loi ou des traitements à l'intérieur du même principe, à l'intérieur de la même loi, comme ceux que nous proposons.

Ce que je réclame pour l'Ontario, ce n'est pas un article 7; c'est un article 11, semblable à celui que j'ai envie de voter pour la minorité anglaise du Québec.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député.

M. de Belleval: M. le Président, article 96.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît. M. le député de Saint-Jacques, je considère que vous n'aviez pas besoin d'utiliser l'article 96, ce que vous n'avez pas fait d'ailleurs. Vous avez utilisé tout simplement votre temps. Il vous en restait encore pas mal. L'article 96 nous dit que "les explications doivent être brèves et ne doivent apporter aucun élément nouveau dans la discussion et elles ne peuvent engendrer un débat."

M. le député de Charlesbourg, je vous permets d'utiliser 96 et j'en jugerai.

M. de Belleval: Ayant été associé aux remarques du député de Saint-Jacques, je n'ai pas besoin de dire que je me rallie entièrement à l'explication qu'il vient de donner et qui vaut pour la même association.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Un instant. Dans l'ordre.

M. Bertrand: Question de règlement, en vertu de l'article 100. Est-ce que je peux me prévaloir de l'article 100 pour poser une seule question au député de L'Acadie, si elle accepte d'y répondre?

Mme Lavoie-Roux: Pas sur mon temps. Le Président (M. Cardinal): II est trop tard. M. Bertrand: Sur mon temps, M; le Président.

Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez utiliser votre temps, mais, si tel est le cas, j'ai reconnu auparavant M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, ce sera très bref. Le député de Saint-Jacques, comme l'indiquait le ministre de la Fonction publique, a donné la réplique que je voulais donner. Il y a une différence entre une situation normale...

Le Président (M. Cardinal): Approchez votre micro, s'il vous plaît.

M. Charbonneau: Pardon?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre.

M. Charbonneau: II y a une différence entre une situation normale et une situation rétrograde et revancharde.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Vanier et, ensuite, Mme le député de L'Acadie.

M. Bertrand: Simplement une question que je voudrais poser au député de L'Acadie, et cela enchaîne tout à fait avec ce que le député de Saint-Jacques venait de dire. Etes-vous prête à reconnaître, bien que vous ne soyez pas d'accord sur l'article 7, et bien que nous reconnaissons le droit aux autres provinces d'avoir exactement le même principe, même s'il n'est pas inscrit dans leur loi, êtes-vous prête à reconnaître que, dans les faits, une fois adoptés les articles 7 à 13, tels qu'ils sont rédigés, nous nous trouverions au Québec à reconnaître plus de droits à la minorité anglophone sur le plan de la langue de l'administration et de la justice que dans aucune autre province du Canada? Reconnaissez-vous cela, oui ou non?

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie, vous avez deux minutes pour répondre ou ne pas répondre, selon votre choix.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, nous allons arriver à ces articles et le député de Vanier aura le loisir de juger quelle sera la réponse qu'il demande. Mais l'argumentation qu'il nous apporte encore est exactement la même argumentation que le député de Charlesbourg et que le député de Saint-Jacques, ici je lui concède que, j'ai peut-être pu mal interpréter ses paroles, mais pas le député de Charlesbourg. C'est exactement la même argumentation qui sous-tend la question du député de Vanier.

M. Lalonde: Oeil pour oeil, dent pour dent!

M. Paquette: M. le Président.

M. Charbonneau: Vous ne répondez pas?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le député de Rosemont.

Une Voix: Elle ne peut pas répondre.

M. Paquette: Je vais poser une autre question au député de L'Acadie, parce que, manifestement...

M. Lalonde: M. le Président, le filibuster du gouvernement...

M. Paquette: Ce n'est pas important, je pense. Cela prend pas mal moins de temps que vos élu-cubrations, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Cardinal): II reste une minute au député de L'Acadie. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Une question encore au député de L'Acadie qui, manifestement, fait du patinage pour ne pas répondre à la question de mon collègue de Vanier.

M. Chevrette: Ils ne sont même pas aiguisés, les patins.

M. Paquette: Est-ce que vous considérez que ce qui est proposé par le gouvernement — je vous reconnais le droit de trouver que cela ne va pas encore assez loin, qu'il faudrait reconnaître encore plus de possibilités à la minorité anglophone — mais êtes-vous prête à reconnaître que ce qu'il y a dans le projet de loi comme tel, sous réserve de ce que vous pourrez faire par la suite en termes d'amendement, je vous reconnais le droit de le faire, ce qu'il y a dans le projet du gouvernement, actuellement, est-ce que vous êtes d'accord que cela va beaucoup plus loin que ce qui est reconnu à la minorité francophone dans les provinces anglaises?

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Oui M. le Président, dans la presque majorité des provinces, sauf le Nouveau-Brunswick, compte tenu de l'article 11.

M. Charbonneau: Allez voir l'application au Nouveau-Brunswick, madame.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: ...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: ...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal.

M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: M. le Président, un seul mot un peu ironique pour...

M. Lalonde: On va rire? On va se préparer à rire?

M. de Belleval: ...pour dire que je ne comprends pas l'attitude revancharde du député de L'Acadie à mon endroit, moi qui fais toujours preuve à son endroit d'une gentillesse et d'une gentilhommerie, je l'espère, la plus grande possible et qui me rétribue de fiel et de vinaigre à mes avances.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que vous parlez de l'article 7?

Mme Lavoie-Roux: A ses avances!

M. Lalonde: C'est à vos avancés plutôt qu'à vos avances.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: Je vous propose que vous mettiez l'article aux voix, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): L'article 7 sera-t-il adopté?

M. Charron: II est adopté. M. Ciaccia: Appel nominal.

Le Président (M. Cardinal): Appel nominal, d'accord. Nous voterons sur le texte de l'article 7 non amendé.

M. Fallu (Terrebonne)?

M. Fallu: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?

M. Bertrand: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)? M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).

M. Lalonde: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. de Belleval (Charlesbourg)?

M. de Belleval: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Pour.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Contre.

M. Chevrette: ...du député de Charlesbourg.

Mme Lavoie-Roux: Bien oui, je suis rendue galante.

M. Chevrette: Elle l'admet.

Mme Lavoie-Roux: Non, vis-à-vis de vos avances.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont).

M. Paquette: Favorable, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud). M. Pagé (Portneuf). M. Samson (Rouyn-Noranda).

Le résultat du vote est le suivant: Favorable, 10. Contre, 5. L'article 7 est adopté.

J'appelle l'article 8.

Article 8

M. Charron: M. le Président, je propose que l'article 8 soit adopté par la commission.

Le Président (M. Cardinal): L'article 8 sera-t-il adopté?

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): L'article n'étant pas adopté, est-ce que quelqu'un, du côté ministériel, qui est le parti proposeur ou parrain, désire s'exprimer?

M. Laurin: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: ...la première fonction de l'Etat, évidemment, est de faire des lois, de les mettre en oeuvre et, s'il y a une langue dans un Etat, dans un pays, qui est officielle, il est bien évident que l'Etat lui-même doit donner l'exemple, doit être le premier à appliquer ce principe et qu'il se doit donc, pour des fins de logique, de cohérence, de déposer et de faire adopter, dans la langue officielle, les lois qu'il propose au Parlement.

Le Président (M. Cardinal): Du côté de l'Opposition officielle, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je pense que l'argumentation ou enfin la démonstration que le ministre, député de Bourget, vient de faire est assez près de la réalité. Il serait en effet surprenant que les lois d'un Etat, où la langue officielle serait le français, soient déposées et adoptées dans une autre langue. D'ailleurs, si on s'en rapporte à l'expérience, surtout à l'expérience des dernières décennies, c'est bien, en effet et très largement, dans la langue française qu'à l'Assemblée nationale, dans les commissions, les lois sont discutées, sont étudiées. Les projets de loi ont toujours été rédigés dans la langue officielle, ils ont toujours été déposés en français à l'Assemblée nationale, enfin, de temps immémorial, adoptés et sanctionnés en français, et ils le sont encore.

Donc, si on s'en tient à la seule rédaction de l'article 8, je pense qu'on a au moins une partie de la réalité et cette description n'est pas fausse. Elle est toutefois incomplète dans le sens où, en vertu de la tradition — tradition sûrement inspirée par l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique — les actes de la Législature de Québec ont été imprimés et publiés dans les deux langues, française et anglaise. La dernière phrase que je viens de dire est presque verbatim, le deuxième alinéa de l'article 133 se lit comme suit: "Les actes du Parlement du Canada et de la Législature de Québec devront être imprimés et publiés dans ces deux langues"; "ces deux langues", en se référant au premier paragraphe qui parle de la langue française et de la langue anglaise. C'est dans cette

mesure que, si on ajoute à l'article 8 l'article 10 qui dit: "L'administration imprime et publie une version anglaise des lois et des règlements", on peut se trouver à fausser l'intention sinon la lettre de l'article 133 de notre constitution.

En effet, si, par hypothèse, on s'en tient au libellé de l'article 8 et de l'article 10, on pourrait avoir la situation où les lois sont déposées et adoptées et sanctionnées dans la langue officielle — ce que tout le monde désire — et où, quelques mois plus tard, l'administration imprime et publie une version anglaise des lois et des règlements.

Jusqu'à maintenant, M. le Président, et même dans cette première qu'a été le dépôt du projet de loi no 1 dont le texte français n'était pas accompagné physiquement d'un texte anglais, quoique, depuis, on soit revenu à la tradition, dans certains cas, même dans ce cas, on a vu à déposer un texte anglais, un texte dans la langue anglaise, presque simultanément, sinon simultanément, je n'ai pas vérifié...

M. Laurin: Simultanément dans les deux cas; on l'avait lu, nous aussi.

M. Lalonde: Simultanément dans les deux cas. Je prends acte de l'affirmation que vient de me faire le ministre selon laquelle cela fut simultanément dans les deux cas, c'est-à-dire que la version anglaise a été déposée simultanément.

Je ne pense pas toutefois que l'article 10 — vous me permettrez de référer à l'article 10 en discutant de l'article 8, parce qu'ils se complètent — je ne crois pas que l'article 10 explique suffisamment cette intention du législateur de faire en sorte que la loi soit ainsi déposée dans les deux langues, simultanément. De sorte que le million de citoyens du Québec dont la langue principale ou la langue d'usage, sinon la langue maternelle, est, au départ, la langue anglaise puisse prendre connaissance des projets de loi dans la langue qu'il comprend davantage. C'est d'ailleurs l'intention de l'article 133.

Dans ce but, M. le Président, il y a aussi une autre question. On parle, à l'article 133, des actes du Parlement du Canada et de la législature du Québec. Par extension, j'aimerais, si la commission l'accepte, inclure dans la notion de "Acte du Parlement", une notion qui, à ce moment-là, n'était pas très courante, je veux parler des règlements, c'est-à-dire de tout le secteur de la législation déléguée qu'on a vu se développer surtout à l'ère ou à l'époque moderne de notre gouvernement, sûrement depuis une vingtaine d'années plutôt que depuis une centaine d'années. Dans cette optique, j'aimerais proposer que les mots "et de règlements" soient ajoutés après le mot "loi". J'aimerais aussi suggérer de remplacer dans la troisième ligne les mots "adoptés et sanctionnés", pour les mots "accompagnés d'une version anglaise."

Ainsi, nous aurons dans la loi ce qui est le désir du gouvernement, d'après la tradition, et d'après les dernières décisions de ce gouverne- ment qui a même publié une version anglaise du projet de loi no 1 simultanément avec la version française.

Je pense qu'ainsi le texte de l'article 8 sera beaucoup plus conforme à la réalité et justement, à ce que même ce gouvernement, qui nous propose un article 8 incomplet, a fait à propos de la loi même qu'on discute, M. le Président.

Ma motion d'amendement à l'article 8 se lirait comme suit: Que l'article 8 soit modifié en ajoutant dans la première ligne, après le mot "loi" les mots "et de règlements" et en remplaçant dans la troisième ligne les mots "adoptés et sanctionnés" par les mots "accompagnés d'une version anglaise"...

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Lalonde: ... de sorte que l'article amendé se lirait comme suit: "Les projets de loi et de règlements sont rédigés dans la langue officielle. Ils sont également, en cette langue, déposés à l'Assemblée nationale, accompagnés d'une version anglaise."

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, sur la recevabilité, avant que l'on en discute, s'il y a lieu, je vous ferais une suggestion en vertu de l'article 65, paragraphe 2, de notre règlement. Vous avez vous-même parlé de l'article 10, c'est pourquoi je me permettrai d'y référer. L'article 10, tel que rédigé — même s'il n'a pas encore été appelé — dans le projet de loi dit: "L'Administration imprime et publie une version anglaise des lois et des règlements."

Je suis en train de me demander si, dans votre proposition, dans votre motion, les projets de lois et de règlements..., si le mot "règlements" doit avoir un "s" ou pas. Remarquez que c'est une subtilité, mais vraiment je me le demande au moment présent. Comme l'amendement pourrait être accepté, je voudrais bien, comme je le fais toujours...

M. Lalonde: On a un défaut.

Le Président (M. Cardinal): ... savoir si "règlements" devrait ou non prendre un "s". Je peux laisser la question en suspens pour le moment, parce que, dans le texte que vous avez devant vous, qui a été distribué, vous verrez que les deux termes "loi et règlement" sont au singulier.

En fait, il me semblerait, M. le député de Gaspé...

M. Lalonde: M. le Président, est-ce que vous me permettrez...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'aimerais retirer ce projet d'amendement, cette motion, avant qu'elle n'appartienne à la commission...

Le Président (M. Cardinal): Vous en avez le droit.

M. Lalonde: ... parce que je viens de lui trouver une défectuosité.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaîti Un instant. M. le député, tant qu'il est maître de sa motion, a le droit d'en parler et de la retirer. Mais si la commission commence à en discuter, il ne pourra plus le faire. Je vais respecter son privilège.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. de Belleval: ...de l'improvisation. Il réimprime...

M. Lalonde: Voici pourquoi, M. le Président. C'est que l'article se lirait — je viens de m'en apercevoir et je m'en excuse — "les projets de lois et de règlements". Quand on dit ensuite: "Ils sont également, en cette langue, déposés à l'Assemblée nationale", ce serait inexact parce que les projets de règlements ne sont pas déposés à l'Assemblée nationale.

M. Charron: Voilà.

M. de Belleval: Vous allez réimprimer votre amendement.

M. Charron: Cela lui a pris quatre ans à l'Assemblée avant de s'en apercevoir.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Je voudrais, dans une nouvelle motion, ajouter...

Le Président (M. Cardinal): Je comprends que vous retirez la première motion.

M. Lalonde: Oui, je retire la première motion.

Le Président (M. Cardinal): La présidence accepte. Votre motion est retirée, elle n'a jamais existé.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais seulement proposer un deuxième alinéa. "L'administration imprime et publie simultanément une version anglaise des lois et règlements."

Le Président (M. Cardinal): Je voudrais le texte écrit, en vertu du règlement, de votre nouvelle motion. Merci. Est-ce qu'on peut distribuer?

A l'ordre, s'il vous plaît!

La nouvelle motion de M. le député de Marguerite-Bourgeoys, motion d'amendement à l'article 8, qui est devant moi, se lit comme suit: "L'Administration imprime et publie simultanément une version anglaise des lois et règlements."

Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: On a commencé à discuter...

Le Président (M. Cardinal): Une motion a été retirée, par conséquent, en vertu des règlements, elle n'a jamais existé. C'est une fiction juridique. Là, il y a une nouvelle motion. Si on veut discuter de la recevabilité, je n'aurai pas d'objection, sauf que je vais donner la parole d'abord au proposeur, ensuite à un membre du parti ministériel, enfin à un membre de l'Union Nationale. Aviez-vous une question à poser, M. le député de Mégantic-Compton?

M. Grenier: Sur l'amendement proposé.

Le Président (M. Cardinal): II n'est pas encore reçu.

M. Grenier: Sur la recevabilité, alors?

Le Président (M. Cardinal): Sur la recevabilité, je viens de l'indiquer, j'aimerais mieux qu'un membre par parti, encore une fois, pas plus de cinq minutes, s'il vous plaît... Je n'ai pas l'intention que les discussions sur la recevabilité prennent le temps de l'assemblée. Alors, je vais d'abord donner la parole au député de Marguerite-Bourgeoys et par exception, je vais vous la donner ensuite, M. le député de Mégantic-Compton, parce que vous êtes vraiment intervenu le premier. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, si vous voulez vous prononcer sur la recevabilité, brièvement, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Je vais vous laisser vous prononcer, M. le Président. Je vais essayer de plaider en faveur. Je vais...

Le Président (M. Cardinal): Ne parlez pas sur le fond.

M. Lalonde: Non. Je vais simplement dire que le deuxième alinéa ou la motion change, tente de modifier quelque chose, en effet. La seule objection qu'on pourrait avoir, c'est que l'article 10 du projet de loi est substantiellement dans la même intention. Je dirai que l'article 10 n'a pas été adopté, donc, ce n'est pas une décision de l'Assemblée nationale ni de cette commission. On pourrait fort bien, voulant réaménager la loi, l'améliorer, inclure dans un article quelque chose que le gouvernement propose un peu plus loin. Je ne pense pas qu'on pourrait dire que la motion... Cette motion pourrait même venir du gouvernement qui, s'étant aperçu d'un défaut de libellé ou de structure de son projet de loi, voudrait apporter à un article antérieur l'élément déjà proposé dans un article, plus loin. Je ne pense pas que ce soit une objection quant à la recevabilité. On pourrait dire: On va voter contre parce qu'on dit la même chose à 10. C'est une autre question. Je pense que, sur la recevabilité, le fait qu'à l'article 10 on traite à peu près du même sujet, quoique différemment, je ne pense pas que cela soit une objection.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. C'est une excel-

lente argumentation. J'aimerais cependant, vous avez prévu la pierre d'achoppement, et vous avez tout de suite répondu à cet argument, j'aimerais cependant entendre un représentant de chacune des autres formations politiques. Comme promis, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, le nouvel amendement à l'article 8, proposé par le député de Marguerite-Bourgeoys, rejoint, bien sûr — tout le monde l'a compris — après le rejet du premier amendement, l'article 10 et, s'il devait être accepté, rend inutile, bien sûr, l'application de l'article 10. Je comprends le but visé par le député de Marguerite-Bourgeoys qui veut préciser le sens et la portée de l'article 10 du présent projet de loi. Mais je vous lis l'amendement que nous avions proposé à cet article: "Les projets de lois et les règlements sont rédigés en français et en anglais à l'Assemblée nationale. Les projets de lois sont déposés, adoptés et sanctionnés..." Maintenant que l'amendement à l'article 7 a été rejeté, il faudrait lire, "dans la langue officielle". Je pense que, si cela avait été copié directement, on aurait peut-être eu des chances qu'il soit accepté plus facilement, mais il a été rejeté dans sa première version. Avec, bien sûr, comme on le mentionne ici, un point avant "l'Assemblée nationale". Je dis que, dans le contexte actuel, il est clair qu'on veut préciser l'article 10. Si on accepte cet amendement, on devra, bien sûr, mettre de côté l'article 10.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, vous permettrez que je vous réponde, comme je l'ai fait envers le député de Marguerite-Bourgeoys. Je vous ai permis de faire passer votre message en annonçant d'avance une motion qui n'est pas encore devant cette commission, alors que nous n'étions plus sur la motion principale. Cependant, je vous remercie de m'avoir éclairé en ce faisant.

M. le député de Saint-Jacques et ministre délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports.

M. Charron: M. le Président, j'ai vraiment l'impression que nos amis de l'Opposition commencent à tirer de la langue, c'est le cas de le dire. Tout à l'heure, ils nous ont présenté un amendement qui transformait les règles de pratique de l'Assemblée nationale. Ils s'en sont aperçus après. Cela nous obligeait à déposer les projets de règlements à l'Assemblée, ce que je n'avais jamais vu de ma vie.

M. Lalonde: Cela ne serait pas une mauvaise idée, remarquez.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: Maintenant, ils sont tellement à court d'idées qu'ils sont obligés d'aller puiser dans nos articles à venir pour avoir des amendements. Plutôt que de nous dire tout simplement qu'ils n'ont pas assez d'imagination pour inventer un amendement, ils auraient pu faire un amendement demandant que l'article 10 soit inclus à l'article 8 et tout le monde aurait compris.

M. Lalonde: C'est une nuance.

M. Charron: Voilà! C'est qu'on amène une nuance...

M. Lalonde: Une nuance importante.

M. Charron: Ah, fondamentale pour l'avenir de la minorité anglaise du pays, j'en conviendrai avec vous, mon cher ami.

M. Lalonde: Ne faites pas...

M. Charron: Mais j'ai la certitude, M. le Président, par contre, que si, comme le dit le député, le fondement même de l'amendement est l'addition du mot "simultanément"... Pour ce qui est de changer la place d'un article que le gouvernement, de toute façon, a prévu, M. le Président, nous sommes ici sous un mandat de l'Assemblée qui nous demande d'étudier le projet de loi article par article, et, en aucun temps, la commission ne pourra passer par-dessus l'article 10. Si c'est de cette question qu'on veut discuter, dans deux articles on y sera rendu. Si le fondement de l'amendement qui est présenté devant nous est l'addition du mot "simultanément" au texte gouvernemental, alors c'est à l'article 10 qu'on l'amène, cette modification. Pour le moment, M. le Président, si on voulait faire un amendement dans le sens que le suggère, en puisant à même notre texte, l'Opposition libérale, l'amendement devrait être que l'article 10 soit inclus à l'article 8. Là, ce serait un amendement qui pourrait être, à votre avis, M. le Président, en tout cas, discutable quant à sa recevabilité, j'en conviens, mais ce serait ça, la nature de l'amendement.

La nature de l'amendement, nous précisent les amis d'en face, le fondement même de l'amendement, c'est d'ajouter le mot "simultanément". Nous en discuterons lorsque nous serons, en vertu de l'ordre de la Chambre qui nous oblige à procéder article par article, rendus à l'article 10. Quant à nous, nous n'avons aucune objection à en discuter à ce moment-là.

Le Président (M. Cardinal): Ainsi donc, encore une fois, vous m'obligez à rendre une décision. Je vais le faire brièvement, mais je voudrais quand même étayer cette décision.

Premièrement, le projet de loi qui est devant nous n'est pas un texte étranger à la présidence. Il a été, à ce que je sache, adopté en deuxième lecture.

Quand je suis à l'Assemblée nationale et que je remplace le président, si je n'ai pas de rapport de la commission, je ne sais pas ce qui se passe dans une commission. Mais, quand je suis en commission, je sais fort bien ce qui se passe à l'Assemblée nationale, parce que nous sommes,

en vertu de l'article 163 et des autres articles pertinents à ce sujet, un bourgeon, une émanation de l'Assemblée nationale.

M. Charron: On commence à avoir le bourgeon fatigué.

Mme Lavoie-Roux: ... M. le Président.

M. de Belleval: On a hâte que le bourgeon éclose.

Mme Lavoie-Roux: Pour avoir des fruits.

Le Président (M. Cardinal): Deuxièmement, l'article 10 existe donc, à la connaissance du président de la commission, et si c'est un article qui n'a pas été adopté dans le processus de l'étude article par article; c'est un article qui a été adopté dans son principe au moment de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Troisièmement, l'amendement tel que rédigé — je ne touche pas du tout au fond — me paraît tout simplement devoir amender l'article 10 et non pas l'article 8, puisqu'il suffirait tout simplement, à l'article 10, de dire que l'article 10 soit amendé en ajoutant après le mot "publie" le mot "simultanément", avant les mots "une version".

M. le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait me répondre — mais il ne pourra pas le faire puisqu'il n'y a pas d'appel d'une décision de la présidence — que c'est un réaménagement de la loi. Je lui suggérerais à ce moment que ce réaménagement de la loi soit fait au moment de l'étude de l'article 10, sans préjuger de ce qui peut arriver lors de l'étude de l'article 10.

Je pense qu'il serait possible, même si à ce moment l'article 8 est adopté, amendé ou non, de faire des réaménagements dans le chapitre III. Je rappelle un dernier fait qui est peut-être un précédent. Samedi, après avoir étudié l'article 79, dont l'étude avait été suspendue, après l'adoption de l'article 83, nous avons, unanimement et à votre demande, madame et messieurs, posé un geste qui est le suivant: nous sommes revenus sur le chapitre VIII en entier. Un représentant de chacun des partis s'est exprimé et nous avons formellement adopté le chapitre VIII tel qu'amendé.

Ce précédent ayant été créé, j'accepterai fort bien que nous l'utilisions à nouveau, ce sur quoi je déclare cet amendement irrecevable.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite Bourgeoys. Pas sur la décision, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Non, pas sur la décision. Je veux faire une suggestion ici, qui est peut-être une motion, mais c'est pour aider à la compréhension du projet.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Cela s'est fait. M. le député de Mont-Royal l'a fait samedi.

M. Lalonde: A l'article 8 on dit de quelle façon et dans quelle langue les projets de loi sont rédigés, déposés, adoptés et sanctionnés. Ensuite, on dit à l'article 9: "Seul le texte français des lois — cet article n'a pas été appelé — et des règlements est officiel". Alors qu'on n'a pas encore jusqu'ici parlé d'un autre texte que le texte français, c'est seulement à l'article 10 qu'on dit qu'on imprime une version anglaise.

M. Chevrette: C'est normal.

M. Lalonde: Alors, je me demandais s'il ne serait pas plus cohérent de dire à l'article 8 que c'est la langue officielle; à l'article 9...

(Suspension de la séance à 12 h 29, à cause d'une panne d'électricité)

Reprise de la séance à 12 h 35

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

On demande une question de directive. Cela équivaut à une question de règlement.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: A la suite de ce que vous avez dit au sujet des autres amendements précédents, il semble qu'il serait compliqué d'amener un amendement sans le retrait de l'article 10. J'en aurais un. Pourriez-vous nous dire comment on peut procéder?

Le Président (M. Cardinal): Veuillez répéter, s'il vous plaît.

M. Grenier: J'aimerais connaître si c'est possible de faire un amendement à ce sujet sans le retrait de l'article 10? J'aurais un amendement à faire.

Le Président (M. Cardinal): Je peux vous répondre parce que... Ce que je vous proposerai est assez paradoxal, dans ce sens que l'article 10 existe, mais il n'a pas été appelé. Vous pourriez toujours — je ne dis pas que j'accepterais — faire une motion de retrait de l'article 10, mais on ne peut pas, dans le moment, faire une motion de retrait de l'article 10.

Pour aider les membres de la commission... Ce n'est pas une suggestion que je fais; encore une fois, on me demande une directive, j'y réponds tout simplement. Si on veut vraiment parler de l'article 10, il faudra faire comme on a agi lors des études du chapitre VIII, suspendre les articles 8 et 9 et appeler l'article 10, mais on ne peut pas, immédiatement, faire une motion de retrait de l'article 10.

M. Grenier: Pourrais-je faire une proposition pour suspendre les articles 8 et 9 afin qu'on passe immédiatement à l'article 10?

Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez le faire. Si j'ai le consentement de la commission, ce sera oui. Si je n'ai pas le consentement, ce sera non.

M. Ciaccia: Puis-je suggérer au député de Mégantic-Compton...

Le Président (M. Cardinal): D'accord, sur une question de directive. M. le député de Mont-Royal, adressez-vous à la présidence, tout le monde bénéficiera de vos paroles lumineuses dans les circonstances.

M. Grenier: Si ma proposition pouvait être un amendement, je pourrais bien faire la motion pour suspendre les articles 8 et 9 et proposer un amendement immédiatement, mais je peux aussi faire un amendement à l'article 8.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, je vais vous répondre tout de suite. Je ne peux pas le faire à moins d'un consentement ou d'un vote formel. Si j'ai un consentement, cela va aller très bien.

M. Grenier: Parlez-vous du retrait des articles 8 et 9?

Le Président (M. Cardinal): C'est cela. L'article 8 ne peut être retiré par le parti ministériel parce que nous avons commencé à en discuter et cela, en vertu de l'article 85 de notre règlement. On ne peut pas retirer l'article 9 parce qu'on n'est pas rendu à cet article. Vous pouvez faire motion pour que soit suspendue l'étude de l'article 8 et nous voterons sur cette motion.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Pourrait-il aussi faire une motion d'amendement sur l'article 8?

Le Président (M. Cardinal): Oui. Il a deux choix et là, j'éclaire. S'il y a une motion de suspension de l'étude de l'article 8, ce n'est pas 160 qui s'applique. C'est un débat restreint. C'est un maximum de dix minutes par parti reconnu. S'il y a motion d'amendement à l'article 8, à ce moment, je dois rappeler que la parole était à M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Grenier: ...M. le député de Marguerite-Bourgeoys va me céder son droit de parole.

Le Président (M. Cardinal): S'il veut le faire, vous avez le droit de le requérir.

M. Lalonde: Ce que je viens de lire dans le Soleil d'aujourd'hui...

Le Président (M. Cardinal): Parlez-vous de la motion principale?

M. Lalonde: Oui, M. le Président, je parle de la motion principale.

Le Président (M. Cardinal): Je commence à calculer votre temps.

M. Lalonde: J'ai beaucoup de difficulté à trouver les mots. Je ne peux sûrement pas céder mon droit de parole. Je regrette, étant donné que je suis absolument... en anglais, on appelle cela "flabbergasted".

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lalonde: Je suis ébahi d'entendre, de voir, de lire que la guillotine nous tomberait dessus demain.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, veuillez parler de l'article 8.

M. Lalonde: Je vais donc me hâter de parler de l'article 8 pour qu'on en adopte le plus possible avant. A moins que le gouvernement, la majorité — on parle de la majorité péquiste ici — veuille bien faire une dénégation générale.

M. Charron: M. le Président, si le député m'y invite... Après quatre ans à l'Assemblée nationale, le député devrait connaître l'existence de l'article 156, premièrement et deuxièmement. Il sait très bien que c'est impossible que la guillotine tombe demain en vertu de l'article 156. Quant à nous, nous sommes intéressés à l'étude du projet de loi.

M. Lalonde: M. le député de Saint-Jacques me rassure. J'ai fait une suggestion...

Mme Lavoie-Roux: II paraît que cela se fait à petit feu, cela.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. Charron: Une guillotine à petit feu. M. Lalonde: Non, elle était...

Le Président (M. Cardinal): Vous savez que nous avons manqué de lumière à certains moments. Tout allait alors parfaitement 101 sur 100.

M. Grenier: On n'a pas eu la guillotine, le ministre avait dit qu'il électrifierait les chaises, il nous a manqués.

M. de Belleval: On va vous finir à la chandelle. Il n'y a pas de guillotine, ils ne sont pas coupables.

M. Lalonde: Est-ce que vous me permettez de faire appel au sérieux à cette commission?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'avais fait une suggestion que je retire, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Nous sommes devant l'article 8, tel que proposé, est-ce que cet article sera adopté?

M. Grenier: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: J'aimerais, suite aux discussions, proposer un amendement à l'article 8, qui se lirait comme suit: Remplacer les mots à l'article 8 par les mots suivants: Le projet de loi et les règlements sont rédigés en français et ils sont accompagnés d'une version anglaise. A l'Assemblée nationale, les projets de loi sont déposés, adoptés et sanctionnés dans la langue officielle".

Le Président (M. Cardinal): Puis-je avoir le texte, s'il vous plaît?

M. Grenier: Je regrette de ne pas avoir de copie, la panne d'électricité nous a empêchés de...

Le Président (M. Cardinal): Non, donnez-moi le texte, pour commencer et on verra ce que nous ferons.

La proposition c'est que l'article 8 soit modifié — je me permets de corriger légèrement votre texte, M. le député de Mégantic-Compton — en remplaçant certains mots par les mots suivants. Remarquez que votre amendement tel que rédigé, remplacer les mots à l'article 8 par les mots suivants, c'est quelque chose de grave.

M. Charron: Vous avez raison.

Le Président (M. Cardinal): C'est même très grave. J'ai déjà rendu la décision et mes prédécesseurs en ont déjà rendu. A cause de l'article 70 du règlement et de l'ancien article 566, note 8 de l'ancien règlement, le président doit — non seulement il peut, mais doit — déclarer recevable une motion d'amendement qui a pour effet de remplacer tout un article par un nouvel article.

J'ai même dit, dans une autre décision qui a été rendue — vous m'excuserez de ne pas me rappeler cette fois-ci la date et l'heure, cela fait tellement longtemps que nous sommes agréablement ensemble — en ce sens que l'on ne doit pas non plus déclarer recevable une motion qui conduit presqu'à la même fin. Par exemple, on pourrait ajouter et retrancher tellement de mots que l'article n'existerait plus.

Le seul moyen de remplacer un article par un autre article, c'est de faire une motion de retrait de l'article. Je vous préviens que cela est peu facile. La motion est donc déclarée irrecevable.

M. Grenier: M. le Président, me serait-il possible de corriger mon amendement pour qu'on lise: — je m'excuse mais je vous ai passé le texte — "Les projets de loi" et ensuite...

Le Président (M. Cardinal): Je peux vous le passer, même si j'ai commencé à écrire dessus.

M. Grenier: Non, faites-en donc la lecture complète, vous l'avez sous la main, ce sera plus facile.

M. Lalonde: M. le Président, est-ce qu'on pourrait aider l'Union Nationale?

Le Président (M. Cardinal): Non, si vous le permettez, M. le député de Mégantic-Compton. Ma gentillesse est reconnue de tous depuis longtemps, mais ce n'est pas la façon de procéder pour une motion d'amendement. J'ai toujours exigé un texte. Je puis vous reprêter votre amendement... Je pourrais vous faire une suggestion, M. le député. Nous n'avons pas discuté de votre motion. Retirez-la et présentez-en une nouvelle, comme l'a fait le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. le député de Mégantic-Compton, je vous retiens votre droit de parole.

M. Grenier: M. le Président, à votre suggestion...

M. Charron: L'Opposition marche au pif!

M. Lalonde: C'est de l'amateurisme, messieurs de l'Union Nationale.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Belleval: Vous avez réécrit votre amendement tantôt.

M. Grenier: Ne manquez pas à votre parole dans l'espace de trois minutes, vous. Ne changez pas d'idée dans trois minutes, vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Charron: II tire de la langue!

M. Grenier: Je retire l'amendement pour apporter un changement dans une nouvelle motion qui se lirait comme suit: "Les projets de loi — en conservant à l'article 8 les mots: "Les projets de loi" — et les règlements sont rédigés en français et ils sont accompagnés d'une version anglaise. A l'Assemblée nationale, les projets de loi sont déposés, adoptés et sanctionnés dans la langue officielle".

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, je ne peux pas suspendre cette fois-ci. Je regrette, c'est une motion de la même nature, de la même forme que les deux motions précédentes qui ont été rejetées, et au même effet.

Je rappelle que dans une décision que j'ai commencé à rendre samedi, j'ai indiqué que "Blanc bonnet ou bonnet blanc", c'était pour moi — non pas pareil, mais même — identique — et je ne puis recevoir la motion.

M. Charron: M. le Président, sur l'article 8... Le Président (M. Cardinal): Un instant, sur

l'article, c'est toujours le député de Marguerite-Bourgeoys qui a la parole.

M. Charron: Non, il a retiré... Sur l'article 8, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Jacques et ministre délégué.

M. Charron: Etant donné que, manifestement, l'Opposition est incapable d'accoucher d'un amendement recevable, j'en propose l'adoption, mais je me dis tout de suite qu'on est au début de notre semaine et qu'est-ce que ce sera samedi après-midi prochain comme qualité d'amendements qu'on va nous présenter?

M. Grenier: Cela fera longtemps qu'on sera rendu chez nous.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 8, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, vous voulez parler sur l'article 8?

M. Ciaccia: Je veux parler sur l'article 8 et je veux proposer un amendement à l'article 8. Mais avant de le proposer, je vais prendre mon temps sur l'article 8 et je vais expliquer pourquoi...

Le Président (M. Cardinal): Dès ce moment, vous parlez sur l'article 8, tant que je n'ai pas reçu votre motion.

M. Ciaccia: L'article 8, M. le Président, parle des projets de loi rédigés dans la langue officielle et déposés, adoptés et sanctionnés à l'Assemblée nationale dans la langue officielle.

Nous voulons non seulement que les projets de loi soient rédigés dans la langue officielle, mais qu'ils soient aussi déposés à l'Assemblée nationale en anglais. Qu'une version anglaise accompagne le projet de loi. C'est tout ce que nous voulons demander.

Le temps de proposer cet amendement, ce n'est pas à l'article 10. En effet, même si on ajoutait le mot "simultanément" à l'article 10, ce serait simultanément à quoi? Ce n'est pas à l'article 10 que nous pouvons faire l'amendement.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Paquette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, sur la question de règlement.

M. Paquette: Je pense que le député est en train de mettre en doute une décision que vous avez déjà rendue.

Le Président (M. Cardinal): Exactement.

M. Ciaccia: Non, ce n'est pas la mettre en doute.

Le Président (M. Cardinal): Non, M. le député de Mont-Royal, je m'excuse. Je vous l'ai dit, je veux tout accepter. J'ai fort bien compris ce que vous avez dit et, à moins que je ne vous interprète mal, vous mettez en cause les deux décisions que je viens de rendre...

M. Ciaccia: Non, M. le Président, je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): ...parce que vous parlez de l'article 10 et je viens de dire qu'il n'a jamais été appelé.

M. Ciaccia: Non, je parle de l'article 8. Vous avez raison...

Le Président (M. Cardinal): Je l'espère.

M. Ciaccia: ...l'amendement tel que rédigé et tel que présenté devrait être soumis lors de la discussion de l'article 10. Je suis entièrement d'accord avec vous. Ce que je veux dire, c'est que l'idée que nous voulons exprimer doit s'exprimer à l'article 8. L'idée que nous voulons exprimer, c'est qu'il y ait une version anglaise qui accompagne les projets de loi. Je vais faire la motion suivante...

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Ciaccia: Vous comprenez, je ne mettais pas en doute vos décisions.

Le Président (M. Cardinal): On vous écoute. Oui, vous êtes parfait.

M. Ciaccia: D'accord. Je propose que l'article 8 soit modifié en ajoutant l'alinéa suivant: "Une version anglaise est également et simultanément déposée à l'Assemblée nationale".

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Un instant! Puis-je avoir des copies pour les membres de la commission?

M. Paquette: M. le Président, sur la recevabilité...

Le Président (M. Cardinal): Oui, un instant! Justement, je veux qu'on parle de recevabilité. Je laisse quelques secondes aux partis, pour que, dans chaque formation politique, on s'entende sur le représentant qui va en parler. Le premier, normalement, qui devrait en discuter, c'est M. le député de Mont-Royal, sur la recevabilité uniquement et non pas sur le fond.

M. Ciaccia: M. le Président, je crois que cet amendement devrait être recevable. Nous n'allons

pas à rencontre du principe de l'article 8; nous voulons ajouter à l'article 8 pour que ce soit conforme aux pratiques maintenant. Je crois sincèrement que le seul article où nous pouvons apporter un tel amendement, c'est ici et ce n'est pas à l'article 9, ni à l'article 10.

Nous n'allons pas à rencontre du principe de l'article 8; nous ajoutons une autre obligation de la part du législateur.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Rosemont sur la recevabilité.

M. Paquette: M. le Président, j'aurais quasiment envie de vous demander beaucoup de clémence pour qu'on puisse enfin recevoir un amendement. Depuis hier, il y a eu à peu près une dizaine d'amendements qui nous ont été soumis et, si ma mémoire est fidèle, neuf d'entre eux ont été jugés irrecevables. Cela ressemble de plus en plus, tout simplement, à des tentatives pour faire perdre le temps de cette commission, alors que nous avons des articles importants à étudier plus loin.

Je pense qu'encore une fois cet amendement est irrecevable, parce que, même si le libellé est légèrement différent d'un amendement que vous avez jugé irrecevable, le sens en est le même. On avait, précédemment, un amendement pour que l'administration imprime et publie simultanément une version anglaise des lois et règlements, alors qu'ici l'amendement concerne uniquement les lois. Je pense qu'il est contenu dans l'autre amendement et que, là aussi, c'est un amendement qui devrait être fait à l'article 10, suivant une décision que vous avez rendue antérieurement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Rosemont. Je vais vous demander d'être clément. J'ai remarqué que cela m'a été utile d'être avec un autre. Y a-t-il quelqu'un de l'Union Nationale qui veut s'exprimer?

M. Grenier: Pas maintenant, M. le Président. Le Président (M. Cardinal): Non?

M. de Bellefeuille: M. le Président, sur la recevabilité.

Le Président (M. Cardinal): Je regrette, non plus.

M. Ciaccia: M. le Président. Quelques mots.

Le Président (M. Cardinal): Oui, si vous êtes une seule personne.

M. Ciaccia: A l'article 10, on parle d'imprimer et de publier. Ce n'est pas à cela que nous voulons en arriver. Nous voulons que le dépôt soit fait simultanément, M. le Président. Pour nous c'est important. C'est ce que nous voulons à l'article 8. Nous voulons que le dépôt soit fait simultanément, que ce soit spécifié à l'article 8. L'article 10 traite d'un autre sujet. Même si on ajoute le mot "simultanément" à l'article 10, cela ne voudrait absolument rien dire.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Excusez-moi, j'ai refusé la parole à plusieurs députés. J'ai bien indiqué, dès les débuts des travaux de cette commission, que sur la recevabilité, sauf dans une situation très particulière, je ne permettrais qu'à un seul représentant de chacune des formations politiques de s'exprimer. C'est pourquoi je regrette pour le député de Deux-Montagnes et le député de Joliette-Montcalm. M. le député de Mégantic-Compton ne s'est pas exprimé.

M. Grenier: Une seconde sur la recevabilité de la motion. Je dis que c'est toujours le même problème, que cet article est partiellement compris à l'article 10. Mais s'il peut y avoir un doute, je pense bien qu'il jouerait en faveur du parrain car cette fois il se rapporte au projet de loi déposé à l'Assemblée nationale. C'est exactement le sujet de l'article 8.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci, M. le député de Mégantic-Compton. D'autant plus que vous allez voir que je vais... Oui, M. le député de Mont-Royal. Brièvement.

M. Ciaccia: Brièvement. C'est un autre point. L'article 10 parle de l'administration, en plus de la question de publier et d'imprimer. A l'article 8, je crois que c'est avant que l'administration fasse cela avec la loi. C'est pour cette raison qu'on veut faire cet amendement à l'article 8.

Le Président (M. Cardinal): Madame, messieurs, vous remarquerez que presque chacun de ceux qui se sont exprimés ont dû toucher un peu au fond de la question, au fond même de tout le chapitre 3. Là, peut-être que cela sera une surprise, non pas parce que je vais déclarer la motion recevable, ce n'est pas pour cela, parce que je sais que cela vous surprendrait, ni parce que je la déclarerai irrecevable, vous le saurez au bout de la phrase, c'est qu'il y a deux choses: si on prend le fond de la législation, non pas le fond, mais le principe de ce chapitre, cette motion, contrairement aux autres, pourrait être acceptée.

Mais, si je prends le texte que j'ai devant moi, M. le député de Mont-Royal, j'ai beaucoup de difficulté à l'accepter, parce que nous aurions alors un article qui se lirait comme suit: "Les projets de lois sont rédigés dans la langue officielle et sont également, en cette langue, déposés à l'Assemblée nationale, adoptés et sanctionnés. "Une version anglaise est également et simultanément déposée à l'Assemblée nationale."

Je ne sais pas, mais il me semble qu'il y a quelque chose qui manque quelque part. Je ne vois pas... M. le député de Marguerite-Bourgeoys, un bon jour, à cette commission, a discuté longuement des lois qui n'ont pas de sanction, et que, je lui ai rappelé par la suite—il vient de le

souligner lui-même — l'on appelle des lois imparfaites. C'est le cas, par exemple, de l'article 599a du Code civil, qui a été adopté pour faire plaisir à des gens dans les années cinquante, qui n'a jamais eu de sanction, qui n'a jamais pu être sanctionné et qui a toujours été violé.

C'est un article qui parle de formalités quant à la forme authentique pour les règlements de successions dans les cas de mineurs et d'incapables.

Or, cette phrase ajoutée, telle que rédigée, me paraîtrait justement être ce genre de loi imparfaite. Qui a la responsabilité de cette distribution, de ce dépôt? Qu'est-ce qui arrive s'il n'est pas fait? J'aimerais mieux qu'on y réfléchisse avant de déclarer recevable cette motion.

Remarquez que, sur le fond de la motion, je n'ai pas les mêmes réticences que celles sur les deux autres qui ont été refusées.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, écoutez... Là, il faudrait faire attention... Si on n'est pas en face d'une situation...

M. de Bellefeuille: Est-ce que...

Mme Lavoie-Roux: C'est pour être bien sûr que je comprends bien votre décision, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Bon! D'accord. Oui...

M. de Bellefeuille: J'ai une suggestion, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, dans l'ordre, M. le député de Deux-Montagnes, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. de Bellefeuille: M. le Président, si vous permettez, à propos de cette motion. Cette motion me rappelle un exemple qu'on trouve dans un livre qui s'appelle, je pense, La clarté française, dans lequel on donne comme exemple qu'il ne faut pas dire que le lapin est un animal timide et nourrissant, parce que ce sont deux mots de deux ordres trop différents pour les grouper ensemble.

Les mots "également" et "simultanément" rappellent cet exemple, parce que "également", ici, est un faux adverbe. Il ne veut pas dire de façon égale. Il veut dire aussi; est aussi et simultanément, alors, le "et" est de trop. Alors, il y a un vice de français qu'il faudrait, de toute façon, corriger.

Le Président (M. Cardinal): Un instant. Dans l'ordre... M. le député de Deux-Montagnes, je sais bien qu'on va se rendre à 14 heures. Alors, tant qu'à le faire, on va le faire.

M. le député de Deux-Montagnes, je suis entièrement d'accord avec vous. Je n'ai pas voulu attaquer du tout le français du parrain de la motion.

M. de Bellefeuille: Non, de la motion, et non du parrain.

Le Président (M. Cardinal): Oui. J'ai simplement dit que, telle que rédigée, non pas dans son esprit, mais dans son libellé, j'avais des doutes fort raisonnables qui me faisaient pencher pour la non-recevabilité.

Mme le député de L'Acadie, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Lavoie-Roux: Je ne voudrais pas que vous preniez ma question comme une critique quelconque à l'égard du jugement que vous étiez à expliciter. J'ai cru comprendre dans votre argumentation qui, je sais, est toujours serrée, que cela vous semblait un peu vague parce que vous vous demandiez qui se chargerait de cette obligation de produire une version anglaise.

Vous avez peut-être raison, mais je me demande si cela ne s'appliquerait pas aussi au premier alinéa. Qui va se charger des projets de loi pour qu'ils soient rédigés dans la langue officielle? Le même argument que vous employez là ne pourrait-il pas être utilisé pour l'autre?

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais tenter d'y répondre. Je dis que non. Je compare l'article 10 — encore une fois, on est obligé d'y revenir, tous autant que nous sommes — l'administration imprime... C'est purement un acte de simple administration.

Quand on dit que les projets de loi sont rédigés dans la langue officielle, ce n'est pas de la simple administration. On sait qu'il existe à l'Assemblée nationale tout un procédé, tout un processus, pour le faire, et j'aurais pu être plus clair. J'ai voulu simplement raccourcir les raisons du jugement que je n'ai pas encore rendu, et je puis donner plus de détails.

C'est beaucoup plus et c'est vraiment... D'ailleurs, je m'exprime mal quand je dis que c'est beaucoup et c'est vraiment, c'est du langage verbal, ce n'est pas de la législation. C'est beaucoup plus le libellé, comme le soulignait d'ailleurs M. le député de Deux-Montagnes, qui me frappe. J'ai beaucoup de difficultés à l'accepter dans un texte de loi qui s'appelle la Charte de la langue française et qui viendrait dire à l'article 8, alors qu'on n'a pas encore vu l'article 10 justement, qu'une version est également et simultanément déposée à l'Assemblée nationale.

C'est vraiment là où est pour moi la pierre d'achoppement.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Le premier argument, le député de L'Acadie vous l'a dit, si une version anglaise est déposée à l'Assemblée nationale ne va pas, à ce moment, pourquoi cela irait-il de dire: Les projets de loi sont rédigés dans la langue officielle? Ils sont déposés à l'Assemblée nationale dans cette langue.

Je pense que l'amendement emploie la même forme passive. Là-dessus, je pense que le député de L'Acadie a exprimé son point de vue.

Quant aux mots "également et simultanément", "également" nous l'avons copié de la phrase précédente qui n'est pas de façon égale, mais aussi quand on dit à la phrase précédente, l'article 8 actuel, ils sont également, c'est de l'encre déposée. Ce n'est sûrement pas de façon égale, mais la version anglaise est également déposée. La répétition pourrait peut-être être indésirable. A ce moment, peut-être "aussi" serait préférable. On est rendu dans la sémantique. "Simultanément" ajoute à "également" parce qu'on pourrait dire ils sont également déposés à l'Assemblée nationale, mais trois mois plus tard tandis que "simultanément" veut dire "en même temps". Cela ajoute à "également".

Le Président (M. Cardinal): Je suis bien d'accord avec vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. D'ailleurs votre argumentation me fait encore douter davantage de la recevabilité de la motion. Je vais vous dire pourquoi. Je ne voudrais pas être dans la situation — je l'ai fait rarement— où je fais une suggestion sur la rédaction que j'accepterais pour ensuite déclarer si elle est recevable ou pas.

A ce moment, c'est vraiment 65,2 que j'utilise et je suis obligé de corriger de mon propre chef l'amendement.

Je vous dis que s'il y avait un texte très légèrement différent — je vais vous dire pourquoi j'insiste sur chaque argument que vous avez donné — c'est que vous dites vous-même qu'il y avait deux fois le mot également dans l'article.

Je vais poser un geste tout de suite pour que toute chose soit prise calmement et avec réflexion. A l'heure qu'il est, je suggérerais aux membres de l'Opposition officielle d'y repenser et de proposer, s'ils le désirent, c'est leur privilège, un nouvel amendement à l'occasion de l'étude de l'article 8. La séance est suspendue jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

Reprise de la séance à 15 h 5

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Au moment de la suspension, à treize heures et quelques minutes, j'avais devant moi une motion de M. le député de Mont-Royal. Je n'avais pas rendu de décision sur la facture de cette motion. J'avais simplement conseillé que l'on y pense pendant l'heure du déjeuner.

Je demanderais à M. le député de Mont-Royal où il en est rendu dans sa réflexion.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais non pas demander une directive, mais faire une suggestion pour nous aider, premièrement, à épargner du temps et, deuxièmement, afin que nous puissions arriver à discuter du fond de la motion d'amendement que je veux faire.

La raison pour laquelle je vous demande ceci, c'est parce que, chaque fois que nous proposons un amendement, nous recevons des objections très fermes du côté ministériel quant à sa recevabilité. Le but auquel nous voulons arriver par l'amendement que nous voulons suggérer à l'article 8, c'est de demander que les projets de lois soient déposés simultanément en anglais.

J'ai ici deux versions d'une motion d'amendement. Si c'est possible pour vous, puisque vous êtes le président de cette commission, que vous êtes objectif et que vous protégez les intérêts de tous les membres de la commission, je voudrais que vous vous prévaliez de l'article 65 afin que nous puissions arriver à avoir une motion d'amendement répondant aux objectifs que je vous ai soulignés.

Une de ces motions d'amendement se lirait comme suit...

M. Paquette: J'espère qu'elles ne seront pas irrecevables toutes les deux.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Ils ne l'ont même pas entendue, puis tout de suite c'est irrecevable.

M. Paquette: J'ai dit "j'espère."

M. Ciaccia: C'est de l'obstruction systématique du côté ministériel.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: Après cela ils nous accusent de "filibuster" et c'est eux qui font le "filibuster" sur la recevabilité d'une motion? C'est impensable.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal, puis-je vous poser une question?

M. Ciaccia: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Vous déposez devant moi deux nouveaux projets de motions. Est-ce que je considère que vous retirez celle qui avait été présentée avant la suspension?

M. Ciaccia: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Cette motion est retirée et j'ai devant moi deux nouvelles motions...

M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 8.

Le Président (M. Cardinal): Non, à l'ordre, s'il vous plaît! J'ai accordé la parole à M. le député de Mont-Royal et j'entends bien que ma décision soit respectée.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je vous demanderais de vous prévaloir de l'article 65 pour nous dire laquelle de ces deux motions vous jugeriez recevable si l'une des deux est acceptable.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Mont-Royal, si vous me permettez quelques secondes de réflexion...

Vous pouvez les lire, si vous voulez, oui.

M. Ciaccia: Une des motions à l'article 8: Que l'article 8 soit modifié en remplaçant, dans la troisième ligne, les mots "adoptés et sanctionnés" par les mots "accompagnés d'une version anglaise et ils sont, de plus, adoptés et sanctionnés dans la langue officielle." L'article amendé se lirait comme suit: "Les projets de loi sont rédigés dans la langue officielle. Ils sont également, en cette langue, déposés à l'Assemblée nationale, accompagnés d'une version anglaise. Ils sont, de plus, adoptés et sanctionnés dans la langue officielle". C'est l'une des motions, l'autre qui est plus simple se lit: "Que l'article 8 soit modifié en ajoutant l'alinéa suivant: "Une version anglaise des projets de loi est déposée simultanément avec le texte français à l'Assemblée nationale".

Le Président (M. Cardinal): Je ne ferai pas de débat sur la recevabilité, si vous me le permettez, je vais répondre tout de suite à votre demande de directive.

Je préfère de beaucoup votre première rédaction, celle que vous appelez la moins simple, à la deuxième que vous appelez la plus simple. Avec la deuxième, nous revenons presque au débat restreint qui s'est poursuivi ce matin. Comme je dois, en vertu de l'article 39, faire respecter le règlement, mais que, d'autre part la tradition veut que, dans un cas de doute, les partis de l'Opposition puissent s'exprimer et comme je voudrais éviter, de plus, pour accélérer les travaux de cette commission — accélérer, il ne faudrait pas le prendre dans un sens péjoratif —

Une Voix: Je ne vous prendrai pas au mot.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Je vais déclarer immédiatement votre projet d'amendement à l'article 8 — le premier que vous avez lu — recevable. Il est conforme à la technique prévue par l'article 70 et il ne me paraît pas aller à rencontre de l'article 10 du projet de loi.

La motion d'amendement à l'article 8 — je demande qu'on en fasse la distribution aux membres de la commission — se lit comme suit: "Que l'article 8 soit modifié en remplaçant, dans la troisième ligne, les mots "adoptés et sanctionnés" par les mots "accompagnés d'une version anglaise. Ils sont de plus adoptés et sanctionnés dans la langue officielle".

L'article amendé se lirait comme suit: "Les projets de loi sont rédigés dans la langue officielle. Ils sont également, en cette langue, déposés à l'Assemblée nationale, accompagnés d'une version anglaise. Ils sont de plus adoptés et sanctionnés dans la langue officielle."

Je termine en ajoutant que je considère que, sur le plan purement législatif, le texte est très acceptable et que, sur le plan du règlement, il est très recevable.

M. le député de Mont-Royal sur votre motion d'amendement.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il n'y a aucun doute, M. le Président, que nous aurions préféré que les projets de loi soient rédigés, adoptés et sanctionnés non seulement dans la langue officielle, mais aussi en anglais, et ceci sans aucunement enlever la primauté du français, sans aucunement enlever que le français soit la langue officielle du Québec — nous avons voté pour — sans aucunement enlever tous les autres droits fondamentaux pour la langue française et pour ceux qui sont de langue française. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a une minorité et que même le gouvernement continue à répéter qu'il veut protéger ses droits et lui reconnaît même certains droits.

L'amendement que nous faisons vise à compléter l'application de certains principes reconnus par le gouvernement quoique ces principes soient bien minimes.

Si on veut donner le droit à quelqu'un de s'exprimer en anglais à l'Assemblée nationale, comment pouvons-nous vraiment dire que ce droit va pouvoir s'exprimer si le projet de loi n'est même pas déposé?

On ne dit pas sanctionné ici, quoiqu'on le voudrait. S'il n'est même pas déposé, comment cette personne pourra-t-elle prendre connaissance du projet de loi. On veut seulement qu'elle puisse en prendre connaissance pour qu'elle puisse comprendre le sens des lois, le sens ou le non-sens des lois que le gouvernement va proposer. C'était seulement dans le but d'aider ces personnes et de compléter et de poursuivre les principes que le gouvernement même a donnés. Ces principes, nous les voyons dans les articles subséquents. Même le gouvernement a admis qu'il peut imprimer et publier une version anglaise des lois et des règlements. Mais ce n'est pas assez, seulement la loi à sanctionner. Souvent il y a des repré-

sentations à faire. Il y a des changements. C'est un droit très minime qui ne compromet pas du tout les principes du chapitre 3 du projet de loi que nous examinons maintenant.

Pour le moment, M. le Président, je pense que ce sont des raisons assez minimes pour accepter cet amendement. Il faudrait que le gouvernement montre un peu de flexibilité. Il ne faudrait pas qu'il se montre punitif envers les minorités. On nous donne toujours comme argument que les autres provinces ne font pas ceci, ne font pas cela. Je ne pense pas que cela soit une façon de légiférer que de voir ce qu'une autre province fait, et si elle a fait quelque chose d'une façon injuste ou si elle ne l'a pas bien faite, on va copier. On oublie qu'ici, une certaine réalité, certains droits, certaines coutumes existent. Je ne trouve pas que cela soit juste d'enlever ces droits, de les réduire, d'enlever ces coutumes sans avoir de raisons valables. S'il y avait des raisons valables de dire que certaines choses vont aller à l'encontre de certains droits qu'un autre groupe a, en pesant les deux droits, il faut dire: Ecoutez, s'il y a un certain abus, il va falloir corriger le déséquilibre. Je peux accepter, M. le Président, un argument de ce genre.

Mais de déposer, dans une autre langue, et c'est la pratique maintenant, et je ne crois pas que ce soit le dépôt des projets de loi à l'Assemblée nationale qui ait causé les problèmes démographiques ou les atteintes selon ce que le Parti québécois voudrait faire croire, portés à la langue française. C'est une courtoisie pure et simple, et pour donner effet aux autres articles du projet de loi, parce que si ce n'est pas déposé, M. le Président, je ne vois pas l'utilité d'inclure les autres articles que le gouvernement propose.

Il ne faut pas dire que c'est une question de générosité, parce que cela n'en est pas une. Maintenant, les projets de lois sont non seulement déposés, mais ils sont sanctionnés et ils sont adoptés dans les deux langues. Il ne faudrait pas non plus, M. le Président, provoquer des contestations inutiles. On pourrait provoquer de telles contestations si on éliminait le minimum de courtoisie qu'on demande.

M. le Président, je crois que je suis justifié en apportant cet amendement. Je réitère qu'il ne va pas aussi loin que je le voudrais, mais, pour le moment, vous savez, faute de pain, on mange de la galette; si c'est le mieux qu'on puisse obtenir en guise de simple courtoisie, le gouvernement devrait accepter cet amendement.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal.

Est-ce qu'il y a quelqu'un du côté ministériel qui veut s'exprimer sur la motion d'amendement?

M. Laurin: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Je voudrais d'abord dire, M. le Pré- sident, que le débat, en l'occurrence, ne saurait porter sur le fond, puisque le gouvernement s'engage lui-même, dans l'article 10, à imprimer et publier une version anglaise des lois et règlements. Si l'on veut invoquer ici la courtoisie, la courtoisie est aussi bien respectée en incluant une disposition de cette nature dans l'article 10 que dans l'article 8.

Alors, le débat se restreint à une question d'ordonnance, à l'ordre dans lequel apparaissent les dispositions. En l'occurrence, selon l'ordre que nous avons adopté, il nous semble préférable de faire apparaître, deux articles plus loin, ce qui a référence à l'anglais, après avoir établi la place qu'occupe le français, la langue officielle, dans la rédaction, dans l'adoption et dans la sanction des lois.

Il nous apparaît donc que le député de Mont-Royal ne nous a présenté aucune bonne raison pour modifier, d'une façon valable, l'ordre que nous avons adopté.

En l'occurrence, nous rejetons l'amendement et nous préférons que l'article 8 continue à se lire tel qu'il apparaît au projet de loi.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, si nous reconnaissons deux versions des textes de loi adoptés par l'Assemblée nationale, je pense qu'il faut prévoir ce qui arrivera en cas de divergence sur l'interprétation à donner à plusieurs articles de ce projet de loi.

L'Union Nationale favorise la prééminence du texte français lorsqu'il y a divergence entre les deux versions d'un texte de loi, et les règles ordinaires d'interprétation lorsqu'il n'est pas possible de résoudre le cas convenablement.

Cette prise de position concilie notre souci de ne pas porter préjudice aux droits des parties, comme on l'a dit précédemment, aux prises avec un litige qui met en cause l'interprétation d'un ou de plusieurs articles d'un texte de loi, et notre engagement en faveur de la prééminence du français.

Cette motion qui nous est proposée aujourd'hui est un minimum, à mon sens, qu'il nous faut accepter, non pas qu'on y trouve là étanche-ment à notre soif, mais c'est un minimum qu'il faut accepter, que les députés ministériels devraient accepter également, s'ils veulent, une fois pour toutes, ne pas prêter flanc à l'accusation qu'ils nient l'existence d'une communauté anglophone articulée au Québec.

On doit l'accepter d'autant plus que le principe d'une version anglaise est admis à l'article 10 et que, fort de ce principe de l'article 10, on peut préciser ici que la version anglaise doit être accompagnée du document. En fait, ce qu'on veut par cet article, vous l'avez découvert, on veut se donner en même temps ce règlement à l'article de la loi.

C'est de toute évidence que l'Union Nationale appuiera cet amendement proposé par mes voi-

sins de la droite ici puisque c'est un minimum au moins que le gouvernement pourrait nous concéder.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, nous avons enfin un amendement qui peut améliorer la rédaction de ce projet. Je voudrais tout d'abord dire quelques mots à la réaction du ministre qui a fait une pirouette pour arriver à la conclusion qu'il voterait contre l'amendement.

Il dit, pour se dégager de sa responsabilité de voter en faveur, que le gouvernement s'engage à imprimer ou publier à l'article 10 — alors que l'amendement parle de dépôt — le dépôt d'un projet de loi en même temps dans la version anglaise que le texte dans la langue officielle.

Je m'étonne de cette attitude du ministre, M. le Président, étant donné que l'article 133 a toujours été appliqué ainsi. Il a toujours été appliqué de la façon dont on tente de le faire reconnaître par notre amendement, non seulement par les anciens gouvernements, mais même par le gouvernement actuel. Je dirais aussi, non seulement par le gouvernement actuel, mais même par le minigouvernement au développement des affaires culturelles dans le dépôt du projet de loi 101 et du projet de loi no 1.

En effet, avant l'ajournement pour le déjeuner, le ministre a confirmé que la version anglaise avait été disponible immédiatement au moment du dépôt de la version française, c'est-à-dire du texte français de ces lois.

Pourquoi insister? Tout d'abord parce que c'est dans notre constitution. Agir en non-conformité avec notre constitution n'est pas acceptable pour un législateur responsable. Deuxièmement, en pratique, c'est dans la loi que le traitement des droits individuels se retrouve.

C'est au moment du dépôt d'un projet de loi que chaque citoyen, qui peut être affecté par ce projet de loi, doit vérifier si les solutions proposées par le gouvernement respectent ses droits fondamentaux, ses libertés. C'est dans le texte de sa langue d'usage, maternelle pour plusieurs, qu'un citoyen, parmi les centaines de milliers de citoyens dont la langue maternelle ou la langue d'usage est l'anglais, qui forment une communauté qui semble vouloir très timidement être reconnue par le gouvernement dans le traitement qu'il fait de la langue d'enseignement, mais qui, d'autre part, est traité non pas comme une communauté, mais comme une agglomération d'individus.

C'est donc traiter la communauté de la langue seconde au Québec avec justice, conformément aux dispositions de notre constitution, que de déposer en même temps dans la langue anglaise une version des textes de loi, puisque de toute façon on va être appelé à en publier, à en imprimer une version plus tard. Ne pas le faire est inutilement vexatoire. Tout d'abord parce que c'est briser avec une tradition qui est conforme à nos lois et qui n'est pas une source d'assimilation.

Si on peut retrouver au Québec un forum où le français a la prédominance la plus complète, je pense que c'est bien à l'Assemblée nationale. C'est bien ici à cette commission et aux commissions semblables. Je ne pense pas qu'aucun francophone ne se soit senti vexé ou ait senti ses droits linguistiques lésés par le traitement que la langue française a reçu ici à cette Assemblée nationale, depuis des décennies. Il me semble strictement mesquin, pusillanime que de compter au compte-gouttes le traitement qu'on ferait d'une disposition quand même de notre constitution, c'est-à-dire le dépôt des lois dans la langue anglaise.

Il me semble que majoritaires, ayant affirmé nos droits devant une certaine menace à cause de notre petit nombre, quand même, en Amérique du Nord, une fois dans le cénacle où l'exercice de nos droits démocratiques reçoit son application, il me semble que c'est bien là que l'on devrait donner l'exemple d'une maturité positive, donner l'exemple d'une courtoisie peut-être... mais même pas de courtoisie. On est courtois souvent envers des gens qui n'ont pas les moyens de réclamer leurs droits. Je dirais simplement traiter avec justice, puisque les textes de loi sont là. C'est même surprenant que nous devions quêter un traitement aussi simple de la part du gouvernement, d'autant plus que la raison que le ministre a invoquée est complètement en dehors de la question.

C'est faux que l'article 10 répète ce qu'on demande dans notre amendement. L'article 10 dit simplement: "L'administration imprime et publie une version anglaise des lois et règlements". La loi ne dit pas au gouvernement quand le faire. Encore là, on confie au gouvernement de peut-être bien traiter, suivant sa bonne humeur, des droits qui existent dans nos lois, dans la constitution. C'est la loi qui est notre patron, ce n'est pas le gouvernement, ce n'est pas le bon vouloir, le bon plaisir du gouvernement. On veut éviter, justement, le caprice du prince. Si le prince se lève d'un mauvais côté, un matin, il publiera les lois peut-être dans un mois, privant ainsi 1 million de citoyens d'une bonne compréhension de leur processus démocratique. Le gouvernement de tous les Québécois, s'il prétend l'être, se sera éloigné, aura coupé des ponts, aura coupé d'autres communications avec une partie importante, 20% de la population.

M. le Président, c'est avec des attitudes de cette nature que ce gouvernement est en train de réduire petit à petit la base qui l'a mené au pouvoir. Les Québécois ne sont pas comme cela, mais pas du tout. Chaque fois que le gouvernement fait preuve d'intransigeance, fait preuve de mesquinerie de cette façon, M. le Président, il perd des votes. Je l'avertis: A la prochaine occasion, vous verrez jusqu'à quel point vous vous serez peinturés dans un coin en suivant une approche et en écoutant une inspiration plus radicale, plus négative qui souvent nie la rationalité la plus simple.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, à écouter le député de Marguerite-Bourgeoys, on a l'impres-

sion qu'il est en train de livrer toutes les péripéties par lesquelles il est passé dernièrement et qu'il est en train de nous donner certains conseils que lui-même n'a pas observés ou que son propre parti n'a pas observés.

Je voudrais dire que cet amendement — j'en parle pour ne pas enfreindre le règlement — est la façon la plus merveilleuse de faire perdre du temps à un groupe de parlementaires.

Quelle est la logique du chapitre III: Si on sait lire et surtout comprendre, on se rend compte que, dans un premier temps, on affirme que la langue de la justice, c'est la langue officielle, le français. Dans un deuxième temps, on dit que c'est rédigé dans la langue officielle, que c'est déposé à l'Assemblée nationale dans la langue officielle, adopté et sanctionné dans la langue officielle. Suite très logique. Par la suite, on dit que pour l'interprétation, ce sera la langue officielle qui prévaudra. On dit, par contre, par courtoisie pour employer le terme du député de Marguerite-Bourgeoys, qu'il y aura une version anglaise. On a prouvé par le passé qu'on pouvait le faire simultanément — c'est l'argumentation qui a été apportée par l'Opposition officielle — quand on a déposé le livre blanc sur la langue. Il y a eu le temps d'avoir un cri en Chambre, parce qu'on ne peut pas distribuer deux livres à la fois, mais simultanément une version anglaise a été déposée. Cela a déjà été donné comme preuve par le gouvernement actuel.

Il ne faut pas juger les autres par ce qu'on a été soi-même. C'est bien différent. Il faudrait se baser sur les faits quotidiens. Je vous prierais d'arrêter de vous confesser publiquement, d'essayer de faire de la projection et de nous comparer à ce que vous avez été.

Deuxièmement, je voudrais ajouter là-dessus, M. le Président, que l'Opposition officielle semble oublier ce qu'est un droit collectif. Je ne sais pas si l'Opposition existe uniquement en fonction de la minorité, mais on le croirait. Depuis le début de cette commission, j'ai assisté à des plaidoyers fantastiques pour le respect des minorités et je n'ai jamais entendu une envolée qui ait de l'allure sur le droit de la majorité. Il faut croire qu'il ne leur reste que certains éléments parmi les minorités pour dépenser autant d'énergie sans souligner, une fois de temps à autre, ce qu'est un droit collectif, un droit de la majorité. S'ils voulaient se battre sérieusement sur la simultanéité, parce qu'ils craignent notre mesquinerie, ils diraient à l'article 10: L'administration imprime et publie, simultanément au dépôt des lois et des règlements, une version anglaise. Ils prouveraient, en tout cas, qu'ils sont moins puérils, moins infantiles qu'ils ne le démontrent depuis le début de la matinée. Personnellement, je n'interviens pas souvent à cette commission...

M. Lalonde: Heureusement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: J'en connais qui auraient avan- tage à se la fermer bien plus souvent, M. le Président, en particulier les deux qui viennent d'avoir une réaction. L'art de tourner en rond, pour ne pas dire plus, ils l'ont parfaitement bien.

Je ne suis pas un colonisé, M. le Président. J'espère que j'ai compris ce qu'était un droit collectif et je voudrais demander ceci à l'Opposition qui a si peur de la guillotine, qui a si peur d'être arrêtée à un moment ou à un autre de l'étude article par article: S'ils veulent voir plusieurs articles, qu'ils arrêtent de faire les enfants, qu'ils discutent avec allure et qu'ils essaient donc de comprendre au lieu uniquement de lire et de chercher des fions un peu partout pour essayer de gagner du temps sur un article. Ils en sortent de tellement bonnes qu'ils sont obligés de faire appel à vous pour venir à bout d'en rédiger une qui ait de l'allure. Qu'ils réfléchissent un peu. S'ils travaillent pour la galerie, j'espère que la galerie comprend quelque chose, qu'elle ne fait pas seulement lire.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais faire remarquer que, dans cet amendement qui a été présenté — je pense que les gens autour de la table le savent fort bien — il ne s'agit même pas de changer l'esprit de l'article 7, il s'agit simplement d'un accommodement qui, nous le pensons, pourrait servir une partie importante de la population.

Le ministre d'Etat au développement culturel a justifié son refus en disant que, de toute façon, ceci était prévu à l'article 10. Comme je sais que le ministre d'Etat au développement culturel a suffisamment scruté ce projet de loi, il est certainement capable de voir des différences très simples, puisqu'il en voit de très compliquées, qu'à l'article 10 il s'agit d'une version anglaise des lois et des règlements, alors qu'à l'article 8, il s'agit du dépôt d'une loi.

M. Lalonde: D'un projet de loi.

Mme Lavoie-Roux: Pardon, d'un projet de loi. Je voudrais demander au gouvernement s'il peut nous expliquer quel objectif il poursuit en refusant de mettre à la disposition de tous les citoyens, au moment même du dépôt d'un projet de loi, une version anglaise. Je pense que ce gouvernement nous a souvent parlé de sa transparence, de son désir de gouverner et de légiférer à ciel ouvert. Pourquoi s'oppose-t-il à ce que, lors du dépôt d'un projet de loi, tous les citoyens puissent en prendre connaissance, le plus tôt possible, et faire les représentations qu'ils jugeraient opportunes?

Nous savons tous que le gouvernement veut faire du Québec une province unilingue, totalement unilingue, c'est son droit de viser cet objectif. Je ne me chicanerai pas avec lui là-dessus. Mais même en admettant qu'il pourrait, à plus ou moins long terme, réaliser cet objectif, pourquoi s'entête-t-il à refuser cette mesure qui, je le redis, même s'il atteignait son objectif à long terme, permettrait, dans la période de transition qui doit nécessairement s'écouler entre le temps où tous

les citoyens du Québec parleront le français, communiqueront en français, que le français sera devenu une langue de communication, pourquoi priverait-il ses citoyens qui ne parlent pas le français à ce moment-ci d'une version anglaise? D'ailleurs, j'ai eu le temps de prendre brièvement connaissance des statistiques ou de la synthèse que le comité ad hoc sur les études démographiques a faite sur le projet de loi 101. Je vais être obligée de la citer de mémoire. On montre la progression vers le bilinguisme des citoyens anglophones qui, je pense, est rendue à 53%, une légère diminution sur les francophones. Mais on dit, en définitive, il reste qu'il n'y a que 53% — je le dis sous réserve, c'était dans l'ordre de 50% — d'anglophones seulement qui parlent le français, ce qui veut dire que le reste ne le parle pas.

Je me dis qu'avec les années ce bilinguisme des anglophones va aller en augmentant, il n'y a aucun doute. Pourquoi, entre temps, leur refuser un outil qui ne vient pas altérer l'esprit de l'article 7, mais simplement mettre à la disposition des citoyens un outil qui leur permet de mieux saisir les lois, les objectifs, et faire les représentations qui s'imposent dans une période qui pourrait être une période de transition, si l'objectif d'unilinguisme total est atteint? Je pense que c'est dans cet esprit qu'il faut voir cet amendement et je trouve vraiment le gouvernement malvenu de dire: Cela n'a pas d'importance. Même si tous ces gens étaient bilingues, il faut quand même comprendre qu'un projet de loi— en tout cas, cela m'apparaît comme cela, peut-être que, pour tous vous autres autour de la table, c'est très simple les projets de loi.

Mais je vais confesser bien humblement que des projets de loi, c'est complexe, c'est subtil, même si on est bilingue, je vous assure qu'il faut vraiment être parfaitement bilingue pour pouvoir en saisir toutes les nuances et les dimensions. Je ne comprends vraiment pas que dans ce contexte, on refuse de mettre, au moment du dépôt de la loi, à la disposition d'un grand nombre de citoyens — si on ne veut pas que ce soit 1 million, admettons que ce soit 600 000, si cela vous fait plaisir — puisque, en fait, à l'article 10, on reconnaît qu'il serait bon qu'ils aient une version anglaise des lois et des règlements. Je le répète. Cela n'altère pas le principe de l'article 7. Cela met simplement à la disposition des citoyens un outil qui permettra, tant aux citoyens qu'au gouvernement, de réaliser des législations qui seront plus satisfaisantes pour l'ensemble des citoyens. C'est là l'objectif de l'amendement de l'article 8. Et j'aimerais, peut-être une fois, espérer que le ministre d'Etat au développement culturel puisse modifier son point de vue. En tout cas, je le souhaite encore.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne peux pas laisser sans réponse les remarques du ministre d'Etat au développement culturel et les remarques du député de Joliette-Montcalm. Premièrement, je suis étonné des remarques du ministre, quand il dit que notre amendement n'est pas nécessaire parce que l'article 10 couvre cette situation. Mais, j'invite le ministre à relire l'article 10. Ce sont deux situations totalement différentes. Si vous ne voulez pas déposer les projets de loi en anglais, en même temps que vous déposez le projet de loi en français, dites-le. Mais ne dites pas que c'est couvert par l'article 10, parce que c'est absolument faux. L'article 10 dit: Une fois que la loi est adoptée, l'administration va la publier. Il ne dit pas quand elle va la publier. Cela peut être dans trois mois, dans trois ans. Il faut attendre que cela soit publié et cela ne réfère pas du tout au projet de loi dont nous disons qu'il devrait être déposé dans les deux langues pour donner la possibilité à ceux qui sont de langue maternelle anglaise d'en prendre connaissance. Ce sont deux situations différentes. Quant aux propos du député de Joliette-Montcalm, M. le Président, franchement, s'il faut venir s'excuser de défendre les droits des minorités, je me demande quelle sorte de société il préconise. Premièrement, on l'a défendu le droit collectif des francophones. On a approuvé les six premiers articles qui étaient, pour les francophones, des principes fondamentaux. Nous avions essayé d'apporter quelques précisions, mais nous les avons approuvés. Les droits des francophones sont complètement protégés dans ce projet de loi, je peux vous en assurer.

M. Chevrette: Selon l'article 85...

M. Ciaccia: Non, quand j'aurai terminé. M. le Président...

M. Chevrette: Lequel des deux vous...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Je ne veux pas me faire intimider. Je pense que c'est un honneur d'essayer de défendre les droits des minorités. Parce que si on ne peut pas défendre les droits des minorités, il y a quelque chose qui ne va pas dans notre société. Je pense que c'est le signe de maturité d'une société que de pouvoir traiter une minorité avec justice et sagesse. Aussi longtemps qu'il va y avoir ici des articles qui portent atteinte à certains droits des minorités, je vais le signaler. La question de la guillotine ne nous empêchera pas de parler. Chaque demi-heure nous en menace. Si les péquistes pensent qu'on va arrêter de faire nos représentations, j'ai des nouvelles pour eux. On va faire ce qu'on a à faire. On va faire nos représentations et c'est eux qui porteront l'odieux du bâillon.

L'amendement que nous apportons, c'est vrai qu'il peut être considéré comme un amendement de fond, mais il n'affecte pas les droits des francophones. Ce n'est pas la question de donner à une minorité des droits qui vont déséquilibrer la situation linguistique des francophones, spécialement à l'Assemblée nationale. Les statistiques vous ont été soumises à cette commission. Il fut

un temps où les membres anglophones de l'Assemblée nationale étaient de 60%. Cela a été réduit à 40%. Et maintenant les membres anglophones ne sont que de 7%. Et demander qu'on dépose le projet de loi en leur langue, c'est déjà la pratique. C'est bien beau, pour le député de Joliette-Montcalm, de dire: On le fait. C'est toujours ça qu'on se fait dire. Ce n'est pas nécessaire de l'inclure dans la loi; on le fait. Si vous êtes de bonne foi, vous le faites maintenant parce que la loi l'exige. Vous êtes en train de la modifier, cette loi, pour éviter de le faire, et si vous êtes de bonne foi et voulez continuer à le faire — c'est un minimum de décence — incluez-le donc à l'article 8 et vous allez montrer votre bonne foi.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît, M. le député de Mégantic-Compton.

M. le député de Joliette-Montcalm a invoqué l'article 96. A ce sujet-là, je voudrais souligner tout de suite comment cet article s'applique, parce qu'il y en a non pas un abus, mais parfois un mauvais usage.

Le député qui prend la parole pour donner des explications sur le discours qu'il a déjà prononcé — évidemment, sur le même sujet — ne peut le faire que lorsque le discours qui les provoque est terminé, à moins que celui qui ne le prononce consente à être interrompu. C'est exactement la règle que j'ai suivie en vertu de l'article 96. M. le député de Joliette-Montcalm, comme vous avez prononcé un discours, vous avez le droit d'intervenir. A moins qu'il n'y ait d'autres questions de règlement, la parole sera à M. le député de Mégantic-Compton.

M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: J'ai respecté votre consigne, M. le Président, en passant.

Je voudrais tout simplement souligner que c'est une autre preuve d'incompréhension — cela va entrer dans mon temps régulier, dans ce cas — quand j'ai parlé du droit des minorités, qui était défendu à l'emporte-pièce au détriment des droits de la collectivité. Bien souvent, j'ai souligné que l'Opposition avait, à maintes reprises, fait de grands discours là-dessus sans jamais parler sur les droits collectifs. Je ne vous citerai qu'un exemple... Elle est habituée à dire: Nommez-moi un seul cas. Je vais vous donner un seul cas. Il y a un député, confrère de Jacques-Cartier, qui a parlé 19 minutes et 45 secondes contre les premiers articles, pour, au cours des dernières quinze secondes, nous dire qu'il voterait quand même pour. S'il ne se le rappelle pas, on prendra le journal des Débats, on essaiera de le lire ensemble, et s'ils ne comprennent pas, je l'expliquerai. J'ai déjà enseigné. Donc, à l'impossible, nul n'est tenu. On peut espérer nous autres aussi qu'ils comprendront un jour. Ils ont parlé contre tout le temps pour se prononcer pour à la fin, pour que ça n'ait pas l'air trop fou, mais, tout le long des discours qu'ils ont faits, même sur les articles sur lesquels ils ont voté pour, relisez le journal des Débats, ils ont parlé contre les articles tout le long de la...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, sur cet amendement qui est apporté par un de nos voisins de droite, ici, on s'évertue, du côté ministériel, à dire qu'il n'y a rien là. Or, il y a de quoi là, M. le Président, et il y en a plus qu'on ne pense.

Je ne suis pas ici pour encenser qui que ce soit, mais je trouve que cet amendement qui est apporté aujourd'hui fait suite à des déclarations, et c'est certainement là-dessus, comme on l'a fait nous aussi quand il a été question d'amendements sur les déclarations du premier ministre, du ministre responsable de la loi et des autres ministres, qu'on se base pour apporter de semblables minimes changements.

Dans les déclarations, on est toujours grandiose. On est fin, on est gentil pour la communauté anglophone et, dans la pratique, on est "cheap", on est mesquin. Oui, on est "cheap" et on est mesquin. Je dis "cheap", parce que c'est la communauté anglophone qui est prise ici. Il n'y a rien qui va changer, on l'a dit de ce côté-ci. Il n'y a absolument rien qui va changer du côté francisation ou anglicisation du Québec si on donne cela à des députés anglophones qui seront quand même élus ici, qui continueront d'être élus ici. Moi, je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne nous fournirait pas un projet de loi avec une version pour les députés de la Chambre qui représentent ces circonscriptions à majorité anglophone et qui continueront d'être élus, n'en déplaise au PQ.

M. de Bellefeuille: On va... nous-mêmes.

M. Grenier: II y a un temps pour ça. L'amendement est léger, simple, très court. C'est l'amendement qu'on pourrait appeler hic et nunc, le donnant au moment du dépôt de la loi, pour qu'on puisse en prendre connaissance en même temps que tout le monde.

M. le Président, on a pris des cours d'anglais; plusieurs d'entre nous ont appris un peu d'anglais, mais je serais malheureux d'être obligé d'analyser un texte de loi en anglais. Je serais mal à l'aise et je ne le comprendrais pas dans tout son texte, c'est sûr.

Or, je vois ici le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vois le député de Pointe-Claire, qui est de chez nous, pour ne citer que ceux-là, et je vois mal que ces hommes puissent faire une intervention valable auprès d'une commission dans une langue qui n'est pas la leur.

Je me demande pourquoi cacher à la communauté anglophone un projet de loi en ne le lui fournissant pas dans sa langue, alors qu'on ne parle pas, ici, des Chinois et des Grecs, mais de la communauté anglophone que tout le monde se plaît à reconnaître et à encenser dans des grands discours, sauf qu'on ne semble pas vouloir le faire quand on tombe dans la pratique.

J'aimerais que le ministre me donne trois bonnes raisons — je me contenterai peut-être d'une seule — pour lesquelles on ne veut pas don-

ner aux représentants anglophones autour de cette table ici le choix d'étudier dans leur langue... Non. On ne le fait pas avec l'article ici. On va le faire quand on va vouloir. On le demande ici, hic et nunc. C'est ce qu'on demande dans la motion libérale.

M. Bertrand: On va le faire tout à l'heure.

M. Grenier: Oui. J'ai confiance à cela. On a un bon bout de fait jusqu'à maintenant et on en a un autre petit bout à vous donner avant 18 heures. On verra peut-être votre vrai visage.

M. Paquette: On va le faire avant 18 heures

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mégantic-Compton, continuez de vous adresser à moi.

M. Grenier: On a essayé dans ce coin de montrer l'insignifiance de la motion. Je pense qu'elle est caractéristique, celle-là. Elle dépeint clairement le gouvernement qui a décidé qu'il amenait bien peu de changements. On a changé un article, la semaine dernière, seulement pour mettre la phrase plus française. On a eu un gros gain. Je reviendrai là-dessus cet après-midi, mais je demanderais au gouvernement d'y penser deux fois.

Je pense que M. Shaw a été élu démocratiquement dans son comté et M. Mackasey a été élu démocratiquement et ils ont le droit d'avoir devant eux une loi quand on l'étudie, comme tous les autres membres de cette communauté francophone, ici. Ils ont le droit d'avoir cela. On ne peut pas les obliger à connaître notre langue comme nous, nous la contrôlons. On ne peut pas faire cela, pas plus qu'on peut demander à un francophone de contrôler sa langue anglaise comme ils peuvent le faire. C'est là que je dis que c'est mesquin et, pour eux, je dis que c'est "cheap".

Je demanderais qu'on y pense sérieusement. Si on représente le comté de Bellechasse où il n'y a pas un anglophone ou le comté de Beauce-Sud où il n'y a pas deux Anglais à Saint-Georges, on peut se permettre de voter pour un tel article bien facilement. Mais, quand on défend des électeurs de notre circonscription qui est colorée avec 10%, 12%, 15% ou 20% de notre minorité, on est obligé de défendre les intérêts de ces gens. Quand on a des députés qui sont élus, qui continueront de se faire élire et peut-être plus forts à une autre élection, on doit protéger ces députés autour de la table ici.

Je demande au gouvernement: Essayez-vous donc une fois. Essayez donc cela, un amendement de l'Opposition. Là, vous nous dites: C'est préparé sur le bout de la table. On en est tous rendus à cela de ce côté. Mais, la semaine prochaine, si la commission continue de siéger, on va être rendu à vous demander: S'il vous plaît, pardon y aurait-il moyen de changer une virgule de place? Il va nous rester cela.

M. le Président, je vous demande de demander aux gens de votre droite d'y penser deux fois avant de rejeter un amendement de ce genre, parce qu'après le rejet d'un tel amendement je ne sais plus où on s'en va.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je vais lire deux paragraphes d'un texte: "Dans ce Québec pluraliste, composé d'une majorité francophone et de plusieurs minorités, le législateur doit favoriser un juste équilibre entre les droits de l'une et des autres." Je continue la citation:"Il doit accorder une attention particulière, pour des raisons historiques évidentes, à la minorité autochtone et à la minorité anglophone."

Et le paragraphe suivant: "Dans une pièce législative qui concerne, entre autres, des droits linguistiques fondamentaux, le législateur doit prendre garde de soumettre l'exercice de ces droits à une trop grande discrétion de la part de l'administration."

Ce n'est pas un groupe anglophone qui est venu faire ces représentations à la commission parlementaire. Ce n'est pas un groupe d'inféodés à "l'establishment" anglophone non plus, ni des colonisés, tel qu'en a fait la mention tantôt, dans sa tirade, le député de Joliette-Montcalm en disant qu'il n'en était pas un. Cela s'appelle la Commission des droits de la personne du Québec, dans son mémoire concernant le projet de loi no 1 sur la langue française au Québec.

Je fais cette remarque à l'adresse du député de Joliette-Montcalm, seulement, puisqu'il a pris un exemple. Il a parlé de 20 minutes sur plus de 60 heures de débats. Seulement sur l'article 68 par exemple, qui est un article fondamental, aussi fondamental que les articles 1 à 6 inclusivement, l'Opposition officielle a pris plus de temps pour défendre le principe, pour exprimer son accord sur le principe que sous-tend cet article, que le gouvernement.

La lecture des débats va sûrement démontrer, sauf erreur — cela m'a même frappé, je l'ai mentionné, tout ce qu'on voulait c'était de savoir si l'article 68 était adopté — que le gouvernement n'avait même pas dit un mot pour tenter de nous convaincre de voter. Il a fallu que ce soit le député de L'Acadie et celui qui vous parle qui expriment, de façon très sincère et très forte, l'importance de ce principe de l'école française, l'école de tout le monde au Québec.

On vient de dire que tout ce qu'on fait c'est de défendre la minorité. Je dis cela comme exemple, M. le Président. Par hypothèse, si le besoin ne s'était pas fait sentir à aucune étape des délibérations que je me porte à la défense des droits de la majorité et que je n'aurais fait que défendre les droits des minorités, j'aurais quand même fait mon devoir, surtout dans un projet de loi comme celui-ci où il faut faire preuve de prudence et de sagesse. Il faut constamment rechercher un équilibre. Le gouvernement, en faisant la promotion des droits collectifs, se doit d'avoir dans l'Opposition — c'est là le jeu de notre système démocrati-

que — des porte-parole très vigilants des droits des minorités. C'est là que se fait l'équilibre.

J'espère que le député de Joliette-Montcalm a une conception de notre processus parlementaire un peu plus équilibrée.

M. le Président, le refus du gouvernement — jusqu'à maintenant officiellement, il refuse — aussi longtemps...

M. Paquette: On accepte et vous continuez. M. Lalonde: Acceptez-vous de voter? M. Laurin: L'article 10, oui. M. Lalonde: Avez-vous une...

M. Bertrand: Laissez-nous la parole et on va vous dire cela.

M. Lalonde: Avez-vous un amendement à apporter à l'article 10?

M. de Belleval: Oui, à l'article 10.

M. Lalonde: Prenez la parole et dites-le.

M. de Belleval: Cela fait vingt minutes qu'on vous le dit.

M. Lalonde: Jamais de la vie.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Lalonde: C'est la première fois.

M. Ciaccia: Vous commencez à avoir honte et vous changez d'idée.

M. Lalonde: Changez donc d'idée sur l'article 8. Pour une fois que vous allez changer d'idée, dites-le donc simplement, franchement, que vous vous êtes trompés. Avouez-le donc.

M. de Belleval: On n'est pas infaillibles.

M. Chevrette: Depuis tantôt qu'on le dit qu'on va faire le changement.

M. Lalonde: Jamais il n'a été dit ici qu'on ferait un changement.

M. Chevrette: Je vous ai dit qu'une façon intelligente, c'était d'apporter un amendement à l'article 10. Je vous l'ai dit carrément. Vous comprenez ce que vous voulez et quand vous le voulez.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous ai permis, sans que vous le demandiez, d'utiliser l'article 96. C'était pour rétablir des faits. Je ne permettrai pas qu'un débat s'élève sur cette question. J'ai reconnu un certain nombre de députés. Si vous avez terminé...

M. Lalonde: M. le Président, les interventions m'ont interrompu. Dans un climat d'espoir, j'attends que le ministre ou un porte-parole officiel du gouvernement annonce un amendement à l'article 10. Ensuite on verra si on peut passer à autre chose.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, je continue à soutenir que cet amendement ne porte pas sur le fond puisque nous reconnaissons, à l'article 10, ce que déjà l'Opposition officielle nous demande.

Nous avons eu droit à de longs et laborieux développements qui se tiennent sur leurs pointes, donc en équilibre instable. Nous avons eu droit à des tempêtes dans un verre d'eau, à des ouragans dans des dés à coudre alors qu'en réalité, si on avait voulu m'écouter attentivement, on aurait compris que c'est à l'article 10 qu'il convient de faire les remarques que nous venons d'entendre.

Je ne comprends pas d'ailleurs le député de Marguerite-Bourgeoys. Il s'avère en l'occurrence, plus catholique que le pape, puisque nous avons emprunté les termes mêmes de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, pour statuer à l'article 10 que l'administration imprime et publie une version anglaise des lois et règlements. Mais en plus, la pratique vient à rencontre de ce que viennent de dire le député de Marguerite-Bourgeoys et le député de Mont-Royal, puisqu'ils ont eux-mêmes reconnu que lorsque nous avons déposé le projet de loi no 1 et le projet de loi no 101, nous les avons remis aux députés simultanément dans la langue française et dans la langue anglaise.

Il nous semblait surtout à la suite de ce précédent que nous avions créé en déposant dans les deux langues les deux projets de loi précités, qu'il devenait évident, à la suite d'ailleurs de toutes nos autres déclarations à cet effet, que nous entendions respecter complètement la promesse que nous avions faite de donner à une portion importante de notre population, dans sa langue, les lois pour qu'elle les étudie. C'est la raison pour laquelle nous avions dit à l'article 10 que nous imprimerions et publierions une version anglaise des lois et règlements.

Mais si nous vivons à ce point dans un régime de méfiance, de soupçon, nous sommes bien prêts à expliciter davantage nos intentions et aller plus loin pour contenter nos amis d'en face, pour apaiser leurs inquiétudes. Nous serions tout à fait prêts à soumettre, un peu plus tard, à l'article 10, un amendement susceptible d'éclairer, d'expliciter notre position, non pas de changer notre position, en disant, par exemple, que l'administration imprime et publie une version anglaise des projets de loi, des lois, et des règlements. Ce serait peut-être un peu pléonastique, mais il reste que s'il faut recourir à ces moyens, pour apaiser les soupçons, les inquiétudes, les méfiances des gens de l'Opposition, nous sommes prêts à sacrifier les élégances de la langue pour la substance des faits. Lorsque le moment sera venu, nous serons prêts à proposer cet amendement, mais nous espérons,

dans l'attente de ce moment, que les Oppositions cesseront de faire perdre du temps à la commission avec un faux débat.

Le Président (M. Cardinal): J'avais donné la parole à deux autres intervenants: M. le député de Marguerite-Bourgeoys et M. le député de Vanier.

M. Lalonde: II a fallu une heure à taper sur la tête du gouvernement, puis on a un petit amendement en vue. Ensuite on nous dit qu'on fait un "filibuster", alors que cela prend une heure à ce gouvernement pour comprendre le bon sens. Enfin, on verra à l'article 10 si c'est réellement satisfaisant. Cette fermeture hermétique qui nous prend littéralement une heure pour quelques mots explique la longueur des débats. Si on nous avait dit cela tout de suite en entrant, à 15 h 5, on serait déjà rendu à l'article 11.

M. de Belleval: On vous l'a dit.

M. Lalonde: Jamais de la vie. Soyez donc clairs quand vous avez l'intention de changer d'idée. N'ayez pas honte.

Mme Lavoie-Roux: On s'est fait accuser par M. le député de Joliette-Montcalm.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: C'est ce qu'on a eu comme réponse...

M. Chevrette: Gardez votre calme, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Pardon? M. Chevrette: Ne perdez pas votre calme. Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Mme Lavoie-Roux: Je ne le perds jamais.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je dois suspendre pour la récréation?

M. Chevrette: Ne nous envoyez pas dans la même cour.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Je passe.

Le Président (M. Cardinal): Non. Est-ce que l'on vote sur la motion d'amendement de M. le député de Mont-Royal?

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Etant donné qu'on ne connaît pas exactement la substance de l'article, on semble qu'on va ajouter les mots "projets de loi" à la phrase qui oblige l'administration d'imprimer et de publier, mais qu'on ne mentionnera pas le dépôt des lois, d'après ce que j'ai compris, parce que c'est très entouré, c'est très vague; alors on doit continuer de demander le vote sur notre amendement.

M. Ciaccia: M. le Président, pour clarifier.

Le Président (M. Cardinal): Attendez un peu, M. le député de Mont-Royal.

Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, ça fait presque une heure que nous sommes sur cette motion d'amendement. Le ministre d'Etat au développement culturel, après ma motion, a dit aux membres de cette commission qu'il était totalement inutile, parce que c'était couvert à l'article 10.

M. Laurin: C'est vrai.

M. Ciaccia: C'est faux, ce n'est pas couvert dans l'article 10, puisque maintenant, après 45 minutes, il nous dit qu'on va changer l'article 10.

Je suggérerais, M. le Président, au ministre qu'il ait l'avocat-conseil du gouvernement assis à côté de lui; l'avocat-conseil, l'avocat juriste du gouvernement pourrait lui dire la différence entre notre amendement et l'article 10. C'est simple...

M. Charron: Je vais lui en donner des conseils, vous allez voir.

M. Ciaccia: ...c'est pour cela que nous avons fait cet amendement...

M. Lalonde: ... si le député de Saint-Jacques commence à donner ses conseils.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous remercie de votre intervention, même si vous n'aviez pas le droit de parole, parce que nous sommes dans le chaos procédurier depuis une bonne vingtaine de minutes. A peu près personne ne parle de l'amendement à l'article 8 et on parle tous d'un amendement possible à l'article 10 qui n'a pas encore été appelé.

M. Lalonde: C'est l'amateurisme du gouvernement.

M. Ciaccia: Pour terminer, M. le Président, si c'est dans son habitude, qu'il ne veut pas qu'on ait de méfiance qu'il continue de faire le dépôt des projets de loi dans l'avenir comme il l'a fait dans le passé, alors, qu'il n'ait pas d'objection à notre amendement et qu'il vote pour.

M. Charron: Je propose le vote, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je fais l'appel nominal sur l'amendement?

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Cardinal): II s'agit de l'amendement de M. le député de Mont-Royal pour modifier l'article 8. Je pense qu'après ce débat de plus d'une heure, il n'est pas nécessaire que je le relise.

M. Charron: Non, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Fallu (Terrebonne)?

M. Fallu: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?

M. Bertrand: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)? M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. de Belleval (Charlesbourg)?

M. de Belleval: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Pagé (Portneuf)? M. Samson (Rouyn-Noranda)?

Le résultat du vote sur cet amendement est le suivant: Pour: 5. Contre: 10. La motion est rejetée.

M. Charron: M. le Président, je propose l'adoption de l'article 8.

Le Président (M. Cardinal): L'article 8 sera-t-il adopté?

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Le ministre d'Etat au développement culturel, tantôt, a déploré la méfiance...

Le Président (M. Cardinal): Vous parlez de l'article 8?

M. Lalonde: Oui. Je vais vous dire pourquoi nous allons voter pour. Etant donné que le ministre d'Etat, je voudrais le rassurer, je ne voudrais quand même pas qu'il soit affecté par cette méfiance et que le reste de l'étude se passe dans un climat de méfiance mutuelle... M. le Président, j'allais vous dire en partant que oui, nous... C'est vrai que nous n'avons pas confiance dans ce gouvernement et c'est vrai qu'il y a de la méfiance, mais quand même, dans un geste ponctuel, nous allons voter pour l'article 8, étant donné la promesse du ministre. Nous verrons dans deux articles si nous avons eu tort. Mais, étant donné la promesse du ministre de régler le problème, que nous avons soulevé, à l'article 10...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton sur l'article 8.

M. Grenier: Avant l'appel du vote sur l'article 8, j'aurais voulu poser une question au ministre. Je sais que cela déroge un peu à nos règles habituelles, mais s'il y avait lieu...

Le Président (M. Cardinal): Vous avez raison, ce n'est pas tout à fait dans les règles strictes mais je l'ai souvent permis.

M. Grenier: Le ministre pourrait-il m'expliquer comment on pourra tout à l'heure régulariser la situation à savoir qu'à l'article 10 on parle des règlements et qu'à l'article 8 on ne parle que de la loi? A l'article 10 ce sera convenu dans l'amendement que vous vous proposez d'apporter.

Alors, M. le Président, c'était notre intention de voter, bien sûr. Comme on l'a fait; c'est pourquoi nous avons voté pour la motion d'amendement qui a été présentée, mais, déjà avant, nous avions l'intention de voter pour l'article 8. Avec presque l'engagement qu'a pris le ministre devant nous tout à l'heure, cela nous donne toutes les raisons de voter en faveur de l'article 8.

Le Président (M. Cardinal): Cet article 8 sera-t-il adopté?

M. Charron: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Adopté à l'unanimité. L'article 8 est adopté. J'appelle l'article 9.

Article 9

M. Charron: Je propose que l'article 9 soit adopté.

Une Voix: Adopté.

M. Ciaccia: Je voudrais poser une question au ministre.

Le Président (M. Cardinal): Certainement, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, à l'article 7, vous énoncez le principe que "le français est la langue de la législation et de la justice au Québec".

M. Chevrette: On parle de l'article 9, là.

M. Ciaccia: Soyez donc plus calme; je n'embarrasserai pas trop le ministre avec ma question.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): ...adressez-vous à la présidence...

M. Ciaccia: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): ...et dites-moi de quel ministre vous parlez...

M. Ciaccia: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): ...parce que j'en ai trois devant moi, c'est-à-dire à ma droite. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, le ministre pourrait-il nous dire, vu que l'article 7 énonce le principe que le français est la langue de la législation et de la justice et que l'article 1 dit que la langue officielle est le français, qu'est-ce que l'article 9 ajoute de plus à notre projet de loi? On nous dit toujours, quand on fait des amendements, que c'est inutile, que c'est déjà couvert. Pourrait-il nous éclairer sur ce que l'article 9 pourrait ajouter de plus qui n'est pas déjà dans l'article 1 et dans l'article 7?

M. Charron: Est-ce que je peux répondre?

Le Président (M. Cardinal): Un instant, avant de répondre. Je voudrais quand même souligner un fait, encore pour la bonne compréhension de tout ce qui se passe. Je ne sais pas, quand vous dites: "On nous dit que nos amendements sont inutiles", si vous parlez des ministériels ou de la présidence.

M. Ciaccia: Des ministériels, M. le Président. Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Ciaccia: Parce que vous ne vous prononcez jamais sur le fond, M. le Président; vous ne pourriez jamais dire qu'ils sont inutiles sur le fond.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, merci, c'est purement pour le journal des Débats, parce que, moi aussi, j'ai une réputation à sauvegarder. Quel ministre répond?

M. Charron: C'est moi, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Jacques, le ministre délégué au haut-commissariat.

M. Charron: M. le Président, je peux l'expliquer brièvement. La question est pertinente. Je pense que, ce matin, dans l'exposé d'un des amendements irrecevables de l'Opposition, le député de Marguerite-Bourgeoys, lisant d'avance l'article 9, se disait: Comment peut-on dire "seul le texte français", puisque, jusqu'ici, il est vrai, dans la nomenclature des articles, on ne fait référence à aucune existence d'autres textes de loi, avant l'article 10 dont nous discuterons dans quelques minutes? Il reste qu'il y a des lois qui ont déjà été adoptées sous un texte bilingue. Je n'ai pas besoin de remonter très loin et ces textes existent encore, sont codifiés. Régulièrement les citoyens comme les tribunaux y font référence.

Lorsque nous avions étudié, en 1974 — le député n'était pas des nôtres, mais il a été chargé d'appliquer la loi par la suite, il en sait donc quelque chose — oui le député était avec nous — la loi 22, dans ce problème de coexistence de deux textes de loi, d'un texte bilingue de loi, comme c'était la tradition avant l'adoption de ce projet de loi à l'Assemblée, on avait statué, à l'article 2 de la loi, qu'en cas d'interprétation un texte avait prééminence sur l'autre. C'était le sens de l'article 2.

Le député de Mont-Royal, qui a combattu à nos côtés la loi 22, s'en souvient.

M. Ciaccia: C'est vous qui avez combattu la loi 22 à mes côtés.

M. Charron: Nous faisons maintenant, à l'article 9, une distinction qui nous apparaît beaucoup plus appropriée — le député se souviendra du débat que nous avions eu sur l'article 2 de la loi 22 — que de dire qu'un texte est prééminent par rapport à l'autre.

M. Laurin: Dans le cas de divergence.

M. Charron: Oui, le ministre d'Etat me rappelle que la loi 22 était à ce point pointilleuse et peureuse qu'elle ajoutait: En cas de divergence, le texte français a prééminence sur le texte anglais. Ce que nous disons maintenant, comme un peuple normal le fait, comme les autres provinces canadiennes l'ont fait — c'est à notre tour de rejoindre ce statut d'égalité — c'est qu'ici au Québec, seul le texte français des lois et des règlements aura une valeur officielle.

M. Ciaccia: Cela s'applique pour toutes les lois...

M. Laurin: Antérieures.

M. Ciaccia: ...antérieures?

M. Charron: A toutes les lois antérieures, parce que...

M. Ciaccia: Aux statuts refondus?

M. Charron: ...pour ce qui est des lois à venir, le député aura compris que l'article que nous venons d'adopter a réglé la question.

Le Président (M. Cardinal): Là vous me donneriez le goût de parler sur le fond. Cela ne fait que 27 ans qu'on discute de cette question. Mais je vais me retenir. Je vais simplement demander...

M. de Belleval: C'est très sage.

Le Président (M. Cardinal): Certainement. J'en suis sûr. Ce serait tellement beau si je le faisais. Je vais demander si cet article 9 sera adopté.

M. Lalonde: M. le Président. M. Charron: II est adopté.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Non. Il n'est pas encore adopté.

M. Lalonde: Le texte, comme tout le langage de ce chapitre, est incomplet dans la mesure où, à cause de l'article 133 et de l'interprétation qui est donnée à l'article 133 par les juristes, les deux tex- tes sont, d'après l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, officiels, c'est-à-dire que ce sont des textes que la loi oblige le législateur à faire. Ils sont donc officiels. Dans ce sens-là, et vous me permettrez, M. le Président, puisque vous l'avez permis au ministre d'Etat délégué au haut-commissariat, de faire référence à la loi sur la langue officielle.

La commission Gendron l'avait bien dit dans ses recommandations fondamentales, et je vous cite la recommandation no 10 où elle recommandait de proclamer le français langue officielle; "Sans porter atteinte au caractère particulier de langue publique fédérale dont jouissent sensément le français et l'anglais en vertu de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique aux fins y énoncées."

Dans ce respect-là, la loi sur la langue officielle, ne statuant pas davantage, laissant l'article 133 continuer son effet, a quand même, à bon droit, et conformément à l'esprit même de la loi d'interprétation, dit qu'en cas de conflit entre les deux textes, et cela se voit quotidiennement devant les tribunaux, c'est le texte français qui a préséance. C'est tout à fait sensé, même en l'absence d'une loi faisant du français la langue officielle au Québec, parce que c'est dans cette langue que, très largement, la loi est non seulement préparée, rédigée, mais aussi discutée. C'est dans cette langue que les délibérations ont lieu, que les amendements sont discutés, et enfin c'est dans cette langue, depuis fort longtemps, que nos lois sont adoptées.

Voilà pour la référence que le député de Saint-Jacques faisait à la loi sur la langue officielle actuelle et au traitement que cette loi fait à l'article 2 du texte des lois. Mais lorsque l'article 9 dit: "Seul le texte français des lois et règlements est officiel," il va carrément à l'encontre de l'esprit et de la lettre de l'article 133. C'est le défaut de ce chapitre. C'est qu'il ne va pas assez loin et n'est pas assez explicite. On n'a même pas besoin de dire que les deux textes sont officiels, ils le sont. Ce n'est pas cette loi qui va les rendre officiels. Mais qu'on dise quel texte a préséance en cas de conflit entre les deux textes. On n'a pas choisi cela, M. le Président. Et la rédaction de l'article 9, tel qu'on le voit actuellement, ne me permet pas, si j'en crois l'expérience que nous avons eue sur la recevabilité, de l'amender. Peut-être pourrions-nous prendre une demi-heure, trois quarts d'heure pour trouver une façon de l'amender.

Sans pouvoir faire un amendement formel, je pense qu'on rendrait beaucoup plus service aux Québécois et on serait beaucoup plus conformes aux dispositions qui régissent ce secteur si on disait simplement qu'en cas de divergence, comme on l'a fait à l'article 2 de la loi sur la langue officielle, on reconnaît la préséance du français, on reconnaît aussi, on réaffirme un principe d'interprétation des lois qui ne peut souffrir aucune discussion, qui est évident, mais il semble que, ici, dans ce gouvernement, on préfère les déclarations, on préfère les formules à la réalité.

Alors, c'est pour cette raison, M. le Président, que je suis dans l'impossibilité, étant donné que ce n'est pas réaliste, que c'est nier la constitution que d'affirmer strictement, partiellement, cette réalité, cette moitié de réalité, de voter pour l'amendement.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, il y a une autre raison, du point de vue légal, pour laquelle cet article suscite des difficultés. C'est pourquoi j'avais interrogé le côté ministériel, et le député de Saint-Jacques, ministre délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports m'a répondu: Si cet article s'appliquait aux lois antérieures... M. le Président, strictement d'un point de vue légal, si, aujourd'hui, nous disons: Pour toutes les lois, le texte français seulement est officiel. Si on s'en tenait aux lois qui seront adoptées après l'adoption de cette loi-ci, si on oubliait l'article 133, là, je pourrais comprendre qu'à l'avenir, ce serait le texte français seulement qui serait légal, mais il ne faut pas oublier que nous avons des centaines et des centaines de lois qui ont été adoptées avec un texte anglais, et de dire aujourd'hui, que tous ces textes ne seront pas officiels, je crois que cela va apporter un grand nombre de difficultés, même .dans l'interprétation. Ce n'est pas une question d'affirmer nos droits comme majorité, M. le Président. Cela a déjà été fait; on le tient pour acquis.

Là, on parle d'un point de vue juridique, d'un point de vue de l'adoption d'une bonne loi. Je remarque, M. le Président, que les juristes du côté ministériel ne sont pas ici aujourd'hui, avec tout le respect que je dois au ministre délégué au Haut-Commissariat — je ne dis pas ça par manque de respect — ...

M. Charron: Ah non, non.

M. Ciaccia:... si vos juristes étaient ici, ils sauraient de quoi je parle quand je parle de l'interprétation des lois. Vous venez avec une nouvelle règle aujourd'hui, et vous voulez... C'est vraiment récrire l'histoire de dire: Tout ce qui s'est passé dans le passé, ça ne compte plus, ce n'est plus officiel; dans l'interprétation, vous ne pouvez pas prendre les deux côtés de la page. Peut-être y a-t-il eu, parmi ces lois, des stipulations, des articles dans lesquels il faut voir le côté anglais de la page.

Je vais vous référer à une cause de la Cour suprême. C'était une loi qui avait été adoptée dans les années quarante, je pense, par le gouvernement fédéral, et cela affectait les gens en Ontario. Pour donner effet à cette loi, ils ont pris l'interprétation française de la loi, parce que, d'après l'article 133, les deux langues étaient sur un pied d'égalité. Alors, ici, on nous dit, aujourd'hui... Je comprends qu'aujourd'hui, depuis quelques années, nos lois sont toutes adoptées, discutées, rédigées en français. Mais si on veut dire aujourd'hui, que dans le passé, tout ce qui a été fait ne compte plus, il ne faut plus en prendre connaissance dans une autre langue, ou cette autre langue n'est pas officielle, strictement du point de vue juridique, M. le Président, c'est un principe qui ne tient pas debout. Cela n'a rien à voir avec l'exercice des droits d'une majorité.

La profession d'avocat... Il y a certains droits, certains principes juridiques... On ne peut pas, parce qu'on veut faire un "show" pour une loi linguistique, oublier tous les principes juridiques qui devraient être pris en considération dans l'interprétation d'une loi.

M. le Président, à part le fait, il est vrai, que cela va à l'encontre de l'article 133, je ne prends même pas ça comme argument, je prends les principes d'interprétation, les principes de législation, les conditions dans lesquelles toutes ces autres lois ont été adoptées par l'Assemblée nationale et les interprétations de ces lois. Aujourd'hui, on dit: Nous allons adopter une loi et le côté droit de la page, on va l'effacer.

M. le Président, je soutiens que c'est un peu aberrant, et il n'y a aucun avocat, qui s'appelle avocat, qui pourrait accepter un tel principe.

Si vous voulez accepter un tel principe, il faudrait refaire toutes les lois. Il faudrait refaire toutes les lois antérieures.

Ce principe-ci, aujourd'hui, ça tiendrait debout, mais tel qu'il est rédigé maintenant, vouloir le faire appliquer dans tous les autres cas, je ne peux pas...

Je ne parle pas en termes d'un parti d'Opposition, mais je parle comme avocat, et connaissant les lois, je ne peux pas accepter un tel article.

Le Président (M. Bertrand): Merci. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, brièvement, aux articles 7 et 8, on n'a pas eu de satisfaction, bien sûr, sur les questions qu'on s'est posées ni les amendements qu'on a apportés, même si on a promis qu'à l'article 10 il y aurait des améliorations, parce que d'autre part, même s'il y avait deux versions, des textes législatifs, comme on l'a souhaité, il faut prévoir quelle version est prééminente, comme on le dit dans notre texte...

Je pense qu'en cas de divergence, comme on l'a soutenu et comme on continue de le soutenir entre les deux versions, les règles ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement que le texte français des lois et des règlements du Québec prévaut sur le texte anglais...

Vous comprenez que ce qu'on défend depuis les articles 7 et 8, ce qu'on défend dans ce paragraphe, comme on l'a fait ailleurs, c'est évident qu'on aurait aimé être capable de rendre prédominant le texte français, mais dans le contexte actuel, encore une fois à cause de ce qui s'est passé aux articles 7 et 8, il nous sera impossible de voter pour l'article 9, en attendant, bien sûr, l'amendement qui est important pour nous, qui devrait être apporté par le gouvernement à l'article 10.

Le Président (M. Bertrand): Merci.

M. Charron: Je propose que l'article soit adopté.

Le Président (M. Bertrand): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Je n'aurais qu'un mot à dire, M. le Président. Nous avons eu droit aux savantes opinions juridiques du député de Marguerite-Bourgeoys et du député de Mont-Royal.

Evidemment, je ne suis pas avocat et je n'oserais pas pousser le manque de respect jusqu'à contester trop ouvertement l'opinion de ces savants collègues, mais il me semble qu'en lisant l'article 133, à aucun endroit de cet article, il n'est fait mention du caractère officiel ou non officiel des textes.

On dit qu'on doit publier, imprimer dans les deux langues les lois, mais nulle part on ne statue sur le caractère officiel ou non de ces textes de loi. J'ai donc l'impression que ce que nous ont dit nos savants confrères est une interprétation, que je ne leur dispute pas, de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Par ailleurs, sans être un juriste, j'ai quand même fait assez de lecture dans ce domaine pour me rendre compte, encore une fois sans discuter leur opinion, qu'il y a beaucoup d'autres opinions venant de juristes re-nommés qui ne sont pas d'accord avec l'interprétation que je viens d'entendre et que même la loi du nombre va davantage dans le sens de ceux qui s'opposent à l'interprétation qu'on vient de nous donner.

Donc, même en n'étant pas juriste, je ne me sens pas du tout en mauvaise position pour soutenir le texte de l'article qui apparaît au projet de loi que nous discutons actuellement.

Quant aux difficultés que nous souligne le député de Mont-Royal sur les problèmes d'interprétation qui pourraient se poser quant aux lois du passé, il n'est pas impossible, en effet, que ceci donne lieu à certaines difficultés d'interprétation, comme cela a dû en donner lieu au Manitoba quand on a décidé d'abolir, d'un seul trait de plume, la langue française, mais probablement que le Manitoba a trouvé moyen de régler ces problèmes d'interprétation dans la suite des choses et dans la suite des temps.

D'ailleurs, il est un autre adage, un autre axiome dans ce domaine du droit constitutionnel qui veut que le Parlement est souverain et que la seule chose qu'il ne peut pas faire, c'est de changer un homme en femme, mais que par ailleurs...

Mme Lavoie-Roux: Avec le temps ça viendra.

M. de Belleval:... peut le faire.

M. Laurin:... son empire, sa juridiction est très vaste et que si jamais des problèmes d'interprétation se posent, je pense bien qu'il sera possible de les régler de la façon la plus juste qui soit.

En l'occurrence, je réitère donc à nouveau la motion pour que l'article 9 soit adopté.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: II est exact que c'est dans l'interprétation que les juristes font de l'article 133 — d'ailleurs, c'est ce que j'avais dit — que l'on peut tirer la conclusion que les deux textes sont officiels et on ne parle pas de la langue des textes. On parle du texte lui-même.

Est-ce simplement une version préparée par un commis, auquel on peut tout simplement faire référence pour sa culture personnelle ou bien est-ce un texte qui émane réellement de l'autorité? C'est dans ce sens que j'ai mentionné le caractère officiel du texte anglais et du texte français en vertu de l'article 133. C'est exact que les juristes ne s'entendent pas sur la capacité de l'Assemblée nationale de changer l'article 133. Plusieurs croient que l'article 133 fait partie de la constitution du Québec, qui pourrait être changée unilatéralement par le Québec. D'autres s'y opposent. Quant au nombre des juristes qui s'y opposent ou qui sont d'accord, c'est une question plutôt relative. Si on se réfère seulement aux opinions juridiques contenues au rapport Gendron, peut-être que le ministre a raison, mais il faudrait dénombrer tous les juristes qui sont d'accord et tous ceux qui ne sont pas d'accord, si on voulait simplement faire référence à la loi du nombre.

Il reste, M. le Président, que, comme législateurs, nous devons légiférer avec sagesse et prudence à l'intérieur de la constitution. Si le Parlement est souverain, c'est vrai, il ne l'est qu'en conformité avec la constitution. Il répond de sa souveraineté à la constitution. Dans le doute, un législateur prudent, doit agir en bon père de famille — je vois le député de Saint-Jacques qui rit; naturellement, c'est peut-être une vertu qui ne lui a pas encore été conférée, mais il reste que c'est un concept juridique que le président connaît peut-être très bien, de même que plusieurs ici, c'est-à-dire avec prudence, sagesse et circonspection. Il me semble que ce concept de bon père de famille devrait présider à la rédaction de nos lois. C'est pourquoi je pense que le texte actuel est peut-être un peu plus audacieux. Il va peut-être très bien dans tout le contexte de la politique linguistique de ce gouvernement, mais je dis que, comme législateurs, nous ne sommes pas ici pour aider à la propagande politique du gouvernement quant à sa politique linguistique. Il s'agit simplement d'agir comme législateurs de façon prudente et à l'intérieur de la constitution.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, la critique que j'avais faite sur cet article n'était pas basée sur l'article 133, quoique je suis d'accord avec mon collègue de Marguerite-Bourgeoys quant à l'interprétation de 133. Je constate que le ministre a admis qu'en effet il pourrait y avoir des difficultés quand on tente de faire appliquer cet article aux lois antérieures.

C'est malheureux que le ministre se soit référé

à Manitoba 1890. Il confirme que c'est son esprit. Il fait la même chose avec cet article.

M. Paquette: II ne confirme rien.

M. Ciaccia: C'est lui qui l'a utilisé comme exemple, pas moi.

Il a dit — et c'est vrai — qu'en 1890, c'est cela qu'ils ont fait au Manitoba. Ils ont fait la même chose. Cela peut comporter des difficultés.

Je veux seulement dire que c'est malheureux qu'on donne cela comme exemple pour un projet de loi d'aujourd'hui. J'aurais espéré qu'on aurait évolué comme êtres humains depuis 1890.

M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 9, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): L'article 9 sera-t-il adopté?

Des Voix: Adopté sur division. M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Bertrand): Adopté sur division.

Nouvel article 10

Le Président (M. Bertrand): J'appelle maintenant l'article 10.

M. Charron: A l'article 10, M. le Président, le gouvernement a déjà fait connaître son intention d'apporter un amendement. J'en fais part à la commission immédiatement. L'amendement au projet de loi no 101, à l'article 10, se lirait comme suit: "Que l'article 10 du projet de loi no 101 soit modifié en ajoutant entre les mots... Je change d'idée, M. le Président. Ai-je le droit?

Le Président (M. Bertrand): Bien sûr. Vous n'avez rien dit encore, M. le ministre.

M. Charron: Je pense que c'est mieux comme cela. Je propose un nouveau texte à l'article 10. Contrairement à ce qui est...

Mme Lavoie-Roux: Vous autres aussi, vous en rédigez deux ou trois.

M. Charron: Non, c'est parce que j'ai pensé que je venais de vous "chopper" 40 minutes en faisant cela.

Mme Lavoie-Roux: "Chopper", qu'est-ce que cela veut dire?

M. Lalonde: Soixante minutes.

M. Charron: Je propose un nouveau texte à l'article 10.

M. Grenier: Eux aussi ils ont le droit de changer d'idée.

M. Lalonde: C'est de l'amateurisme.

M. Charron: Le nouveau texte de l'article 10 se lirait comme suit: "L'administration imprime et publie une version anglaise des projets de loi et des règlements".

Mme Lavoie-Roux: Des lois et règlements aussi.

M. Charron: Non, non.

Mme Lavoie-Roux: Vous faites sauter "des lois"?

M. Charron: "L'administration imprime et publie une version anglaise des projets de loi et des règlements".

M. de Belleval: Des lois.

Le Président (M. Bertrand): Un instant, je veux simplement bien comprendre ce qui se déroule, parce que l'article 10 modifié que j'ai reçu se lit de la façon suivante: "L'administration imprime et publie une version anglaise des projets de loi, des lois et règlements.

M. Charron: Des lois et règlements.

Mme Lavoie-Roux: Vous venez de remettre le mot "lois".

Le Président (M. Bertrand): Dois-je bien comprendre que c'est la proposition du gouvernement?

M. Charron: C'est le nouveau texte du projet de loi.

Le Président (M. Bertrand): Le gouvernement propose donc de retirer l'article 10 tel que rédigé et de le remplacer par un nouvel article 10.

M. Charron: C'est cela.

Le Président (M. Bertrand): Qui se lirait comme suit: "L'administration imprime et publie une version anglaise des projets de loi, des lois et des règlements."

Je dis immédiatement que cette proposition de retrait d'un article pour le remplacer par un nouvel article est recevable et, à ce stade-ci, je suis prêt à entendre...

M. Lalonde: M. le Président, une question de directive...

M. Grenier: On a présumé de la recevabilité, on distribuait avant, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): C'est moi qui ai pris la décision...

M. Lalonde: Est-ce que j'ai le droit de parole?

Le Président (M. Bertrand): Un instant, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. C'est moi qui ai pris la décision, M. le député de Mégantic-Compton de distribuer. De toute façon, nous avions l'habitude, même si nous avions un débat sur la recevabilité auparavant, de distribuer tout de même les propositions d'amendement.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est une directive. Lors d'une séance précédente, il y avait eu un accord de la commission pour permettre au gouvernement de déposer de nouveaux articles comme motion principale, ce qui implique ou fait présumer le retrait d'un article. Est-ce à dire qu'un membre quelconque de cette commission pourrait proposer le remplacement d'un article et que ce serait receva-ble, en vertu du règlement? Sur la recevabilité, je parle.

Le Président (M. Bertrand): A moins que je ne fasse un écart que mon successeur pourrait rectifier, je pense que c'est un privilège du gouvernement que de retirer un article pour en présenter une nouvelle rédaction. Dans ce contexte, je ne pense pas que l'Opposition serait bienvenue de faire ce genre de transformation.

M. Lalonde: Je ne veux pas vous poser une colle, M. le Président, mais si vous me disiez le numéro de l'article, cela m'aiderait.

M. Grenier: Non seulement il retire des articles, mais il retire des projets de loi complets, pour en présenter des nouveaux.

Mme Lavoie-Roux: C'est plus utile d'être là.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Quel est le numéro de l'article, le droit de retrait du gouvernement.

M. Charron: L'article 86. M. Lalonde: L'article 85, 86?

M. Charron: Et si vous prenez l'article 163, l'article 86 s'applique mutatis mutandis, en commission.

M. Lalonde: C'est pour un projet de loi ou un budget de dépenses.

M. Charron: Un projet de loi ou une motion. Un article est une motion en commission.

M. de Belleval: M. le Président, je propose l'adoption de cet article.

Le Président (M. Bertrand): Un instant, M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Je ne suis pas ici pour donner un cours de procédure à l'Opposition.

M. Lalonde: Peut-être.

M. de Belleval: Ils n'en ont pas besoin d'ailleurs.

Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait toujours vous être utile.

M. Grenier: J'avais l'intention de proposer un amendement pour demander qu'on publie les règlements en anglais aussi, mais comme on n'a pas de règlements en français, jamais je ne demanderai des règlements en anglais.

M. Charron: L'expérience porte fruit.

M. le Président, étant le parlementaire qui a le plus d'expérience autour de cette table, je puis vous dire que cette procédure sur laquelle vous interroge le député de Marguerite-Bourgeoys, qui a été acceptée depuis le début des travaux de la commission, est tout à fait régulière. L'initiative gouvernementale se faisait auparavant par... On peut même aller jusqu'au retrait d'un chapitre et la présentation d'un chapitre entier à nouveau. Lorsqu'on arrive à l'article, le gouvernement est libre de disposer du texte qu'il veut soumettre à la commission.

M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas pour contester le droit de retirer, parce que tout ce qu'il pourrait faire, s'il n'avait pas ce droit, ce serait de voter contre. Il n'y a aucun doute que cela équivaudrait à la même chose, mais je voudrais savoir si l'Opposition... parce que nous, nous voulons remplacer des articles et nous devons procéder par toutes sortes de méthodes d'amendements en gardant le "L" de l'article, du paragraphe pour essayer de l'amender.

Si nous ne pouvons proposer le retrait d'un article et son remplacement par un autre, je croyais que c'était difficile, à ce moment cela simplifierait la procédure.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous réfère à l'article 85. L'article 85 si vous le lisez bien — je pense que nous sommes placés devant cette situation — donne la possibilité de retirer une motion, mais il pourrait s'ensuivre un court débat à moins qu'il n'y ait consentement unanime de la commission pour procéder de cette façon. L'article 85 dit bien: "Tant qu'une motion n'a pas été mise en délibération—ce qui est le cas — elle peut être retirée avec la permission du député qui l'a présentée". Dans le cas présent, c'est le ministre d'Etat au développement culturel qui est le parrain de la motion, c'est-à-dire de l'article 10 qui est une motion. "Après la mise en délibération — ce qui n'est pas le cas, mais il pourrait toujours après la mise en délibération — elle peut faire l'objet d'une motion non annoncée de retrait avec la permission de son auteur. Le proposeur de la motion de retrait doit se borner à énoncer succinctement ses motifs, et la motion est immédiatement mise aux voix." Le deuxième paragraphe s'appliquerait , aussi: "Cette motion ne peut provoquer qu'un dé-

bat restreint au cours duquel le proposeur peut parler dix minutes et exercer un droit de réplique de même durée,..."

Si nous appliquons cet article 85 de nos règlements, dans le cas présent, je pense que si du consentement unanime de la commission, il était accepté que l'article 10, tel que formulé dans le projet de loi no 101 soit retiré pour faire place à un nouvel article, à ce moment nous pourrions immédiatement le mettre en délibération, sinon nous pourrions, si nous suivons à la lettre nos règlements, permettre un court débat sur la question.

M. Lalonde: M. le Président, nous n'avons pas l'intention de faire de débat, nous voulons accélérer les travaux qui traînent en longueur à cause de l'entêtement du gouvernement. Nous allons sûrement renoncer au débat et suggérer de passer immédiatement à l'étude de l'amendement.

M. Charron: Très bien. Je propose que le nouvel article soit adopté, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): L'article 10 sera-t-il adopté?

M. Lalonde: M. le Président, ayant accéléré les débats d'une vingtaine de minutes...

M. Charron: On vient de perdre une heure.

M. Lalonde: Je voudrais quand même dire que ce nouvel article qui, après de très laborieux efforts des députés de ce côté-ci de la table pour convaincre le gouvernement hermétiquement fermé, têtu, ou plutôt, entêté, on a réussi quand même à avoir un mot de plus dans l'article 10. Si le gouvernement s'attend que je le félicite pour avoir changé d'idée, il se trompe, parce que cette fois, cela fut réellement très difficile. Je me serais attendu à une ouverture réellement empressée de la part du gouvernement, que les premières paroles de nos interventions sur l'article 8 l'aient convaincu d'une erreur grossière à l'article 8 et qu'il tente de corriger à l'article 10.

M. le Président, même si la proposition que nous avions faite à l'article 8, et rejetée par le gouvernement, était beaucoup plus claire, étant donné qu'on parle d'imprimer et de publier des projets de loi, nous pouvons présumer, même avec un mauvais gouvernement comme celui que nous avons actuellement, un gouvernement de mauvaise foi, nous pouvons quand même présumer, dis-je, qu'il ne s'enfermera pas dans un ridicule consommé d'imprimer et de publier des projets de loi après que la loi aura été adoptée. Je vais quand même tenter de démontrer aux députés et au gouvernement jusqu'à quel point ce serait ridicule, pour être sûr qu'il ne recourra pas à cette méthode pour passer à côté de l'article.

Imaginez-vous M. le Président, une fois le projet de loi 101 devenu la loi 101, si le gouvernement s'apprêtait à imprimer et à publier une version anglaise du projet de loi no 1, vous voyez cela, dans quel ridicule le gouvernement tomberait.

M. Charbonneau: ...au sujet des ridicules!

M. Lalonde: M. le Président, j'ai entendu du bruit à ma gauche. Je pense que l'article 100 s'applique.

Une Voix: A l'extrême gauche.

M. Lalonde: Ah oui! à l'extrême gauche au bout de la table. M. le Président, c'est exact que ce serait plus clair si on disait que l'administration dépose la version anglaise en même temps que le texte français, mais on doit probablement présumer qu'étant donné que l'administration doit imprimer et publier une version anglaise des projets de loi, ces projets de loi seront donc imprimés et publiés au moment du dépôt ou simultanément ou presque en même temps. En tout cas, je fais quand même appel au gouvernement, d'une façon très sérieuse, pour considérer, de façon très positive les avantages, comme gouvernement de tout le Québec, qu'il aurait à faire que tous les Québécois comprennent, dans leur langue respective, les intentions du gouvernement et ses politiques.

Le Président (M. Cardinal): J'avais compris que M. le député de Châteauguay avait demandé la parole.

M. Dussault: Oui, M. le Président. Etant député d'un comté à 27% anglophone, au moment de la dernière campagne électorale, permettez-moi d'intervenir brièvement sur cette question. Je serai bref, parce que je ne voudrais pas ajouter à la "fi-libuste" du parti de l'Opposition officielle...

Mme Lavoie-Roux:...

M. Lalonde: Vous avez une phlébite?

M. Dussault: Cette interprétation... La "fili-buste".

Une Voix: Vous parlez de la maladie?

Mme Lavoie-Roux: La "filibuste", ce doit être de l'Académie canadienne.

M. Dussault: L'interprétation de cette modification à l'article 10, je l'ai faite, dans mon comté, depuis le tout début des travaux du présent gouvernement sur la langue, parce que cela m'appa-raissait tout à fait séant de permettre aux anglophones, qu'il s'agisse du simple citoyen ou de son représentant, d'avoir accès à la version anglaise des projets de loi tout autant que des lois et des règlements; cela me paraissait tellement une interprétation qu'on devait donner à cela que, si, techniquement, il avait été possible de le faire, j'aurais aimé moi-même être le proposeur de cette modification de clarification. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, puisque c'est moi qui avais soumis la motion d'amendement à l'article 8, je voudrais seulement faire remarquer que le gouvernement, par son amendement, ou ce nouvel article 10, quoiqu'il manifeste certaines intentions, doit au moins admettre que ce n'est pas une bonne rédaction de la loi. C'est évident.

Si on veut déposer le projet de loi en même temps, en français et en anglais, il faudrait le lire de cette façon. Je sais que ce sont vos intentions et que ce serait un peu ridicule de ne pas le faire, mais le but d'une loi, c'est d'être claire, d'être précise, de ne pas comporter d'ambiguïté, de ne pas offrir la possibilité que certaines choses puissent arriver.

Nous allons accepter cette version de l'article 10, mais, M. le Président, il faut tout de même admettre que cela nous a pris beaucoup de temps pour faire accepter ce principe du gouvernement. Il a fallu 45 minutes. C'est avec beaucoup d'hésitation qu'il a finalement accepté de publier les projets de loi aussi, mais il ne dit pas quand, quoique ce serait ridicule de ne pas le faire en même temps, mais strictement dans la rédaction d'un projet de loi. Vous êtes juriste, M. le Président, je ne vous demande pas votre opinion, parce que c'est une opinion sur le fond, mais, dans votre coeur, vous savez que j'ai raison. Merci.

M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 10.

Le Président (M. Cardinal): L'article 10 sera remplacé...

M. Charron: Oui, il sera remplacé.

Le Président (M. Cardinal): Par rapport au projet de loi, sera-t-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): Adopté unanimement.

J'appelle l'article 11.

M. Charron: A l'article 11, M. le Président, le gouvernement a un nouveau texte à présenter qui va grandement satisfaire...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! pour éviter toute procédure, aurait-on tout simplement le consentement de la commission pour accepter le remplacement de l'article 11 par un nouveau projet d'article?

Mme Lavoie-Roux: Si cela peut améliorer quelque chose, M. le Président, nous sommes bien d'accord.

M. Lalonde: De toute façon, M. le Président, nous avions proposé le retrait de cet article. Si le gouvernement le retire, tant mieux.

M. Chevrette: M. le Président, ai-je bien compris qu'on chialait avant que cela soit déposé?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre. Je comprends que j'ai le consentement unanime des membres de la commission pour que le parti ministériel dépose un nouveau texte de l'article 11.

M. Lalonde: Sans débat.

M. Charron: Sans débat, mais avec explication sur le fond, par la suite.

M. Lalonde: Pour le nouveau.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Charron: C'est à moi, M. le Président, si vous me le permettez, de le présenter.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Saint-Jacques.

Nouvel article 11

M. Charron: Si les membres de la commission veulent bien prendre le texte du projet de loi, la modification n'est pas substantielle quant à la forme, mais quant au fond. Je lis le nouveau texte de l'article 11 que présente le gouvernement à la commission: "Les personnes morales s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires. Elles plaident devant eux dans la langue officielle, à moins que toutes les parties à l'instance ne consentent à ce qu'elles plaident en langue anglaise."

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Jacques, je vais agir envers vous comme j'ai agi envers l'Opposition. Avez-vous un texte qu'on peut distribuer?

M. Charron: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Charron: Je peux expliquer la portée du changement. Dans le texte initial, quand on disait "à moins que toutes les parties a l'instance ne consentent à plaider en langue anglaise", cela allait jusqu'à vouloir dire que, si un francophone, par exemple, devant le tribunal, de son gré, acceptait que l'autre partie s'exprime en anglais, il était lui-même obligé d'employer la langue anglaise par la suite, ce qui était invraisemblable. Maintenant, le nouveau texte dit "à moins que toutes les parties à l'instance ne consentent à ce qu'elles plaident en langue anglaise", ce qui peut être le gré d'une des parties, mais qui ne l'oblige pas à changer de langue si elle veut s'exprimer. Autrement dit, l'une peut le faire dans une langue et l'autre dans la sienne, avec consentement.

Le Président (M. Cardinal): Un instant. Je n'ai pas le texte de l'article, non pas tel qu'amendé, mais tel que remplacé.

M. Charron: C'est une question d'instants, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): C'est cela. Alors, j'aimerais autant, pour les membres de la commission, que l'on fasse comme on a fait samedi — cela aidera peut-être tout le monde — que l'on suspende le temps d'avoir le texte.

M. Charron: Est-ce que je peux demander à la commission si elle accepte, avec la modification que je viens d'apporter, de poursuivre quand même les travaux? Le voilà.

Mme Lavoie-Roux: Elle n'est pas tellement considérable.

Le Président (M. Cardinal): Je viens de recevoir le texte à l'instant. On va le distribuer. D'accord. M. le ministre.

M. Charron: Très rapidement sur le fond, M. le Président. Le but et le sens de cet article sautent aux yeux. Il faut que le principe de chapitre, qui a été adopté à l'article 7, devienne une réalité, en ce sens que nous sachions que le français est la langue de la justice, qu'il ne peut s'y introduire la langue anglaise qu'avec le consentement de ceux qu'on appelle les justiciables. Au conseil des ministres, j'ai été un des plus féroces partisans de cet article parce que je me souviens d'avoir vécu une situation personnelle qui touchait de très près une personne de ma famille qui m'est très chère. J'ai vécu une expérience devant les tribunaux. Ma mère a eu, à un moment de ma vie, maille à partir avec une compagnie d'assurance. Le tout a abouti devant les tribunaux. Elle voulait, conformément à sa police d'assurance, être remboursée. La compagnie rechignait, comme c'est souvent le cas. Le tout dut être tranché par le système judiciaire québécois. Or, la compagnie d'assurance, qui est une personne morale, avait délégué devant le tribunal un avocat de langue anglaise qui s'est exprimé et a défendu les intérêts de la compagnie en langue anglaise. Ma mère est une unilingue française. Une grande partie du procès où elle devait plaider, à l'encontre des thèses, se faisait par traduction pour elle. C'est son avocat qui était bilingue occasionnel et moi-même, qui avais à l'époque une connaissance mitigée de la langue anglaise, qui devions lui traduire, pour sa propre défense et pour sa propre justice, ce qu'à ses yeux, l'avocat de la compagnie et le juge semblaient baragouiner ou trafiquer en son absence ou, du moins, en dehors de sa compréhension.

Cette situation est grandement préjudiciable à un citoyen unilingue francophone au Québec. Cela doit se terminer.

Nous n'avons pas d'objection à ce qu'une compagnie qui délègue un avocat de langue anglaise s'exprime en langue anglaise devant le tribunal si l'autre partie y consent. Mais l'époque où des francophones, devant les tribunaux, doivent se munir d'un traducteur, au Québec, pour comprendre ce qu'on est en train de dire d'eux, comment on est en train de les accuser, comment on plaide à l'encontre de leurs thèses, c'est un système colonial qui n'a plus de place au Québec.

Nous requérons donc de ces personnes morales qu'elles s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux. Elles en ont les moyens, je dirai même plus, elles en ont pratiquement toutes l'habitude. Ce qui fait que, de l'autre côté, lorsque, vraisemblablement, on nous objectera qu'il s'agit, du côté des personnes morales, donc, des entreprises, donc, des commerces, donc, des compagnies d'assurances, d'un remue-ménage sans précédent, je fais appel aux deux avocats que j'ai en face de moi et qui ont la connaissance des tribunaux pour savoir très bien qu'il est très facile, pour ces entreprises, de se soumettre à la loi. Ce qui est important dans cette loi, c'est que les procès se dérouleront en français, à moins qu'il n'y ait une entente entre les parties. Mais la situation où des francophones se font littéralement "charrier" sans avoir les capacités de se défendre, parce qu'on ne sait pas de quoi on parle, c'est terminé.

Pour ma part, M. le Président, étant moi-même bilingue, je n'aurais pas objection, un jour, si je devais aller devant les tribunaux pour quelque cause que ce soit, à consentir à ce que l'autre personne, si elle est unilingue anglaise et si je suis assuré de la comprendre, puisse s'exprimer — si c'est un individu — dans sa langue. Ce n'est pas aux individus que nous demandons de s'exprimer en français obligatoirement. Les membres de la commission noteront qu'il s'agit des personnes morales.

Autrement dit, une citoyenne unilingue anglaise du Québec, comme ma mère est une citoyenne unilingue française du Québec, peut, demain matin, se présenter devant les tribunaux et recevoir justice dans sa langue. C'est à l'égard des entreprises, c'est à l'égard des compagnies qui font affaires au Québec, avec des citoyens québécois, que nous demandons à la commission d'adopter cet article, pour poser l'exigence que lorsque cette compagnie se produit devant les tribunaux, elle s'exprime dans la langue officielle du Québec.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je remercie le gouvernement, par la voix du ministre délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, d'avoir, pour une fois, en fait, une des rares fois, tenté de démontrer le bien-fondé d'un article de loi et non pas simplement demander de voter pour, sans expliquer pourquoi ce projet ou cet article est proposé.

Le ministre a fait état d'une expérience personnelle et qui ne fait que confirmer la complexité de la situation devant nos tribunaux dans un système pluraliste au point de vue linguistique comme celui que nous avons au Québec.

La situation est d'autant plus compliquée que lorsque nous tentons, par la loi, de régler les rapports juridiques et de déterminer les droits des

gens devant les tribunaux, nous sommes dans un secteur, dans une question où les droits individuels doivent, d'après la presque totalité des gens, ou des observateurs, ou des experts, primer sur les objectifs collectifs.

Permettez-moi, par exemple, de citer quelques considérations qui ont été transmises à la commission Gendron par M. Van Der Meersch, de l'Université de Bruxelles, dans une des études les plus élaborées sur la question des droits linguistiques qui aient été produites devant cette commission.

Il disait au chapitre IV, sous le titre: L'emploi des langues en justice. "Le respect des droits individuels paraît en général devoir l'emporter dans l'esprit du législateur sur les considérations relatives à l'homogénéité linguistique lorsque, de l'administration proprement dite, on passe à l'administration de la justice. Le droit du justiciable d'user de sa langue relève, en effet, des droits de la défence, c'est-à-dire des droits fondamentaux."

Je voudrais vous citer aussi certaines autres considérations semblables qui ont été faites par un autre juriste, Me François Chevrette, de l'Université de Montréal, dans une étude préparée à l'intention de la commission Gendron où il disait, à la page 308, du deuxième volume du rapport Gendron: "Imaginons... Un instant, je vais retrouver...

Je lis tout l'article pour la compréhension: "Imaginons un Français accusé d'un crime devant un tribunal d'Angleterre. Est-ce pour lui un droit proprement linguistique que le droit aux services d'un interprète qui lui traduira en français le procès le concernant et en anglais son propre témoignage. Bien moins qu'un droit proprement linguistique, c'est pour lui le droit à un procès juste et équitable, comme le serait pour le sourd-muet le droit à l'assistance d'un interprète d'un autre genre et s'il fallait qualifier ce droit à des fins constitutionnelles, c'est à la procédure criminelle et aux garanties individuelles fondamentales en cette matière qu'il y aurait lieu de le rattacher et non aux droits linguistiques proprement dits."

Tout cela pour vous dire que lorsqu'on tente de léfigérer en semblable matière, on doit faire la distinction entre le cas d'un justiciable qui est accusé devant les tribunaux en vertu des lois pénales et celui qui recherche la reconnaissance d'un droit devant un tribunal civil, le premier n'a pas choisi d'être devant le tribunal et il est accusé. Je comprends qu'ici à l'article 11, on réduise la portée de cet article aux personnes morales. Mais j'invite les membres de cette commission à tenir compte — cela a été mentionné par le Barreau, en particulier — du fait que les personnes morales, ce ne sont pas nécessairement les grosses compagnies d'assurance qui vont contester une réclamation d'une personne unilingue française. Le cas que le député de Saint-Jacques a mentionné est sûrement un cas qui, de toute façon ne doit pas se répéter, mais d'un autre côté, il ne faut pas oublier qu'en vertu du droit pénal canadien, les personnes morales sont assujetties aussi au droit criminel...

Je pourrais vous mentionner plusieurs cas où le Code criminel s'applique à une personne mo- rale, à une société. Enfin, presque toutes les dispositions du Code criminel s'appliquent. Je lis les annotations à la page 1908 de la deuxième édition du "Droit pénal canadien" du juge Irénée La-garde, édition 1974. "Une corporation, personne morale ne peut être condamnée à la prison. Si une corporation est déclarée coupable d'une infraction, un acte criminel ou une infraction proprement dite, la sentence sera toujours constituée d'une amende. Mais il s'agit quand même d'un accusé. Quelle peut être la responsabilité criminelle d'une corporation? En général, on peut dire qu'une corporation peut être accusée, déclarée coupable de toute infraction qui peut être commise par délégation, par mandataire. Lorsque les circonstances de l'affaire sont telles que les actes des représentants sont censés être ceux de la corporation, celle-ci peut en être accusée. Il semble que seul le parjure, la bigamie et le meurtre ne peuvent être commis par une corporation". On pourrait peut-être ajouter aussi quelques autres crimes de nature personnelle.

Il reste que lorsqu'on parle de personnes morales, on n'est nécessairement pas dans le domaine du droit civil. Si j'ai mentionné le droit criminel, actuellement, il ne faut pas oublier tout le secteur du droit pénal, qui n'est pas criminel, où on peut accuser une personne morale et pas nécessairement la grosse corporation, la compagnie multinationale. La très grande majorité des personnes morales faisant affaire au Québec sont constituées de simples individus qui font affaire simplement par personnes interposées, c'est-à-dire sous le couvert d'une société incorporée, mais qui souvent ne comprennent dans la corporation que l'homme, sa femme, un commis et sa secrétaire qui sont souvent tous de la même langue et qui, dans plusieurs cas, naturellement, sont de langue anglaise, au Québec.

Dire que cette société, cette compagnie a les moyens de s'engager des interprètes, des traducteurs et des avocats — naturellement quand il faut aller en cour il faut aller voir les avocats — dire que ces personnes morales ne doivent s'adresser que dans la langue officielle, c'est dire qu'un très grand nombre de personnes morales ne pourront pas avoir justice devant les tribunaux parce que tout simplement elles ne comprennent pas la langue officielle dans cette province qui est linguisti-quement pluraliste.

M. le Président, on voit là jusqu'à quel point un système de valeurs démocratiques peut, si on n'y porte pas attention, être réduit par la promotion de valeurs ethnoculturelles.

Une démocratie moderne va rechercher l'augmentation, l'amélioration de la qualité de la vie démocratique de ses concitoyens. Ainsi, par exemple, récemment, le ministère de la Justice a institué un système de justice qui visite tout le secteur du Nouveau-Québec pour rendre une justice plus accommodante, pas dans le sens d'une justice qui est trop facile, mais qui permet aux autochtones de se faire comprendre par un juge, qui est toujours le même, qui commence à comprendre, qui a commencé à comprendre la mentalité des autochtones, leur façon de vivre. Dans ce sys-

tème de justice, il s'agit d'un juge, qui, avec quelques assistants, une ou deux fois par mois, fait le tour du Nouveau-Québec, entend des causes qui peuvent être de toute nature et rend une justice beaucoup plus conforme à la mentalité et aux besoins de ce milieu.

Ainsi, par exemple, à la Cour des petites créances, à l'aide juridique et même si nous le pouvions, à mesure que nous développons nos ressources et nos moyens de rendre les valeurs démocratiques plus facilement accessibles à toute la population, peut-être devrions-nous non pas réduire mais augmenter le nombre de langues permises devant les tribunaux. Or, ici, on se trouve à les réduire. On se trouve à les réduire sous le couvert des personnes morales, mais je tiens à vous dire que cela atteint des personnes individuelles, physiques. Il y a du monde en dessous des personnes morales.

Je comprends que la grosse compagnie d'assurance peut avoir des officiers francophones qui vont venir témoigner. Elle peut avoir des avocats francophones, des traducteurs pour faire en sorte que toutes les procédures soient en français, mais il n'en est pas de même pour le plus grand nombre des personnes morales. Il n'y a aucun doute qu'il faut faire quelque chose. Quiconque a plaidé quelques années devant nos cours, surtout dans le milieu montréalais, sait jusqu'à quel point des situations difficiles peuvent être créées non seulement pour les avocats... Les avocats, naturellement, lorsqu'ils ont choisi ce métier, savaient qu'il y avait un problème linguistique et qu'ils devaient faire face à ce problème, comme celui qui veut faire de la recherche sait très bien, où qu'il aille dans le monde, qu'il devra faire face à une multiplicité de langues ou, au moins, à la langue anglaise.

Alors, il s'agit toutefois des gens, des clients. J'aurai l'occasion, à l'article 12, de mentionner aussi peut-être d'autres cas qui sont venus à ma connaissance où des gens complètement étrangers à un litige reçoivent des avis en langue anglaise, alors qu'ils sont francophones. Il y a sûrement lieu de faire quelque chose au moins pour ceux qui n'ont rien à faire, mais qui reçoivent des avis de la cour. Premièrement, le justiciable devrait avoir accès à la justice dans sa langue. Si c'est l'anglais, lorsqu'il est accusé, c'est dans sa langue. Le justiciable peut aussi bien être une personne morale qu'une personne physique, autant en droit criminel qu'en droit pénal. En droit civil, il est possible qu'un traitement différent soit fait et que la langue officielle serve de principal moyen de communication, quitte, éventuellement avec un accommodement, à faire en sorte que d'autres langues, par le moyen d'interprètes, ou la langue anglaise soient disponibles aussi.

M. le Président, je me souviens de la démonstration que le bâtonnier du Québec avait faite à la commission parlementaire qui étudiait le projet de loi no 1. Je pense que nous devrions relire ses représentations, ses réponses franches, très simples aux questions qui ont été posées et faire attention à ne pas légiférer ici de façon exorbitante. Pour tenter de régler un problème comme celui qui a été décrit par le député de Saint-Jacques, qu'il faut régler, il ne faut pas, non plus, réduire l'accès à la justice et la qualité de justice que nos tribunaux ont donnée et qui a atteint un degré que beaucoup de pays nous envient.

Je vais arrêter ici, car je n'ai pas, actuellement, de proposition à faire.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt l'exposé du député de Marguerite-Bourgeoys. Je partage, règle générale, son approche lorsqu'il nous parle des droits démocratiques qu'il faut assurer à tous les citoyens et, en particulier, l'extension des services qui va être nécessaire de plus en plus dans notre société, de façon que quelqu'un qui est amené devant les tribunaux pour une chose aussi fondamentale que d'être jugé, où on parle de questions qui touchent aussi intimement qu'un jugement pouvant affecter son avenir, sa situation financière, l'on doive, dans ces cas, étendre le plus possible les services.

J'aurais pu ajouter à son plaidoyer deux articles de la Charte des droits et libertés de la personne que, je pense, nous approuvons entièrement. L'un est l'article 28 de la Charte des droits et libertés de la personne qui dit: "Toute personne arrêtée ou détenue a le droit d'être promptement informée, dans une langue qu'elle comprend, des motifs de son arrestation ou de sa détention". Cet article est beaucoup plus pertinent à ce qui nous occupe ici. L'article 36 dit: "Tout accusé a le droit d'être assisté gratuitement d'un interprète s'il ne comprend pas la langue employée à l'audience". Je tiens à dire que cet article vaut non seulement pour les personnes qui ne comprennent que l'anglais, mais également pour les personnes qui ne comprennent ni l'anglais ni le français. Je pense que c'est un principe qui est tout à fait indépendant du rôle relatif du français et de l'anglais au Québec, je suis d'accord avec lui là-dessus.

Lorsqu'il va jusqu'à affirmer que le caractère ethnocentrique de la loi qu'il suppose — ce sont des intentions qu'il impute au gouvernement — viendrait nier ou restreindre ou rendre difficile l'application de ces droits démocratiques sur lesquels on est d'accord, là je ne le suis plus. L'article 11 ne vient pas en contradiction, par exem-ple, avec l'article 36 de la Charte des droits que je viens de mentionner. On parle de la langue de la plaidoirie, donc celle qui est faite par un avocat.

Dans la situation hypothétique qui a été mentionnée par le député de Marguerite-Bourgeoys, supposons qu'on ait deux petites compagnies formées de trois personnes, d'un côté trois personnes unilingues anglaises, de l'autre côté trois personnes unilingues françaises. L'article 11 m'apparaît juste, il dit: Si les trois parties unilingues françaises ne sont pas d'accord pour que l'autre partie plaide en anglais, elles devront plaider en français. Dans ces cas, la préséance doit être du côté de la langue officielle. Il y a quand

même une chose, c'est qu'il n'y a rien qui empêche les trois personnes anglophones, premièrement, de retenir les services d'un avocat bilingue qui va être capable de plaider en français — d'ailleurs il y a des articles dans la loi qui obligent tous les professionnels à devenir bilingues après un certain délai — et d'autre part, elles peuvent, même, elles ont le droit d'être assistées d'un interprète.

En supposant que cela ne soit pas suffisant que l'avocat soit bilingue, elles ont le droit, d'après la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui a été adoptée en 1975 et qui est une loi en vigueur actuellement, elles ont le droit d'être assistées d'un interprète.

Je pense que l'article 11 permet, d'une part, de protéger les excès, les abus comme ceux qu'a mentionnés le député de Saint-Jacques, où là c'est clair.

Par exemple, si on a une grosse compagnie multinationale dans une cause contre un citoyen unilingue francophone, c'est un cas évident. Même dans les cas plus difficiles comme celui que je viens de mentionner, il faut donner la préférence à la langue officielle. Il faut bien la mettre quelque part, on la met du côté de la langue officielle. Je tiens à dire que, même dans ce cas, les citoyens unilingues anglais ou même d'une autre langue qui ne comprendraient ni le français ni l'anglais — les Italiens par exemple — auraient droit à un interprète, d'après l'article 36 de la Charte des droits et libertés de la personne. J'imagine qu'ils vont avoir un avocat qui parle leur langue et la langue officielle qui est le français.

A mon avis, l'article 11 ne va absolument pas à l'encontre des droits démocratiques des citoyens qui sont garantis dans la Charte des droits et libertés de la personne et qui sont parfaitement respectés par l'article 11. Mais il permet, par exemple, d'éviter des abus comme ceux que mentionnait le député de Saint-Jacques.

M. Lalonde: Le député me permet-il une question? Pour les matières pénales — c'est surtout cela qui m'inquiète, pour les matières civiles j'ai pensé qu'on pouvait avoir un traitement spécial — souvent ce sont des personnes morales qui sont amenées devant les cours qui sont des accusées.

Le député ne voit-il pas un traitement spécial, différent? A ce moment-là, c'est l'Etat qui poursuit généralement en matière pénale. La personne morale, à ce moment-là, se trouve à être accusée. Les autres citoyens ne sont-ils pas du tout partie à ce litige, sauf comme témoins? Chacun peut témoigner dans sa langue, de toute façon.

Le Président (M. Dussault): Je rappelle au député de Rosemont qu'il est libre de répondre à la question.

M. Paquette: Je vous avoue que je n'ai pas réfléchi à la question, si j'ai le temps d'y repenser, je ferai peut-être une autre intervention.

M. Lalonde: Si j'avais un amendement à propo- ser ici, je ne suis pas prêt encore à le faire, ce serait pour exclure les matières pénales, parce qu'à ce moment-là, il n'y a pas d'individu francophone...

M. Paquette: Dans le fond, c'est l'Etat qui poursuit.

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, comme vous avez dû le constater à la lecture du document que nous avons présenté, l'Union Nationale a recommandé le retrait de l'article 11 du projet de loi 101, car elle accepte l'argumentation que le Barreau du Québec a défendue lors de la présentation de son mémoire en commission parlementaire, lors de l'étude du projet de loi 1, principalement dans son mémoire de la page 3 à 6, disant que "l'article 11 n'est ni utile, ni nécessaire en regard des objectifs généraux visés par le projet de loi 101, compte tenu de la situation actuelle."

Vu que nous vivons dans un système de droit mixte qui tient ses origines à la fois du droit français et du "Common Law", la compréhension des textes de loi, de la doctrine et de la jurisprudence au Québec exigera toujours des avocats, qu'ils représentent une personne physique ou morale, une connaissance du français et de l'anglais suffisamment élevée pour qu'aucune des parties ne soit pénalisée par le fait que l'une plaide en langue anglaise pendant que l'autre plaide en langue française ou vice versa.

Si vous permettez, M. le Président, je vous ferai part d'une brève partie de la position du Barreau du Québec que l'Union Nationale fait sienne et qui dit, en rapport avec la langue de la justice; "Nous n'avons pas l'intention d'entrer dans le débat constitutionnel concernant les articles 11, 12 et 13 en regard de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Nous sommes conscients qu'il existe deux thèses à ce sujet. Nous soulignons cependant que dans notre opinion, les modifications que nous avons apportées — que ce soit pour le Barreau ou celles apportées par l'UN — propositions suggérées en 7 et 8 auraient certainement eu pour effet d'enlever tout doute quant à la constitutionnalité desdits articles. Le Barreau du Québec recommande la suppression totale de cet article 11 avec lequel nous sommes en désaccord complet. Plusieurs raisons motivent notre recommandation à ce sujet. Disons tout d'abord que les personnes morales, nécessairement, s'adressent toujours aux tribunaux et plaident toujours devant eux par l'intermédiaire d'avocats, sauf évidemment devant la Cour des petites créances. L'avocat, par définition, au Québec devra toujours être bilingue, à tout le moins, au niveau de la compréhension des textes et de la langue de l'interlocuteur, puisque nous vivons dans un système de droit mixte qui tient ses origines à la fois du droit français et du "Common Law". La compréhension des textes de loi, de la doctrine et de la jurisprudence au Québec exigera

donc toujours le bilinguisme à un degré suffisamment élevé. Ceci étant dit, nous devons légalement considérer que les personnes morales, de plus en plus, en vertu des nouvelles lois sont formées d'un seul individu qui peut être soit francophone, soit anglophone. La définition de personne morale, en effet, s'applique tant aux corporations publiques qu'aux corporations privées et même individuelles. A ce titre, la personne morale qui a une entité juridique propre peut fort bien être, dans les faits, un individu de langue anglaise.

Au départ, nous disons donc que si l'individu ou le citoyen de langue anglaise peut conserver le droit d'utiliser sa langue devant les tribunaux, ne devrait-il pas en être de même de la corporation qu'il constitue? Mais ce qui nous paraît le plus important est que le droit est une science ou un art extrêmement précis dont l'application cependant est extrêmement nuancée et nécessite, dans ses énoncés, une maîtrise absolue de la langue dans laquelle il est énoncé. "Il est évidemment beaucoup plus facile d'exprimer les nuances et les subtilités dans la langue même de l'individu qui s'exprime que dans la langue seconde, quel que soit son degré de bilinguisme. Si le bilinguisme des avocats, par la voix desquels les personnes morales doivent plaider et s'adresser aux tribunaux est tel qu'il permette à chacun de comprendre les allégués et l'argument de l'autre partie, quelle que soit la langue utilisée par celle-ci, il n'en est pas nécessairement de même lorsqu'il s'agit d'exprimer sa propre pensée. Le rôle essentiel de l'avocat étant d'être le porte-parole de son client et de représenter les intérêts de celui-ci, le Barreau croit que l'avocat devrait conserver le droit d'utiliser la langue au moyen de laquelle il pourra le mieux représenter les intérêts de ce client. La partie adverse, quelle qu'elle soit, n'en subirait aucun préjudice puisqu'elle même est représentée par un avocat suffisamment bilingue pour comprendre les allégués et arguments de son adversaire."

Et dans ces deux derniers paragraphes le Barreau conclut: "Enfin, une dernière remarque s'impose au sujet de cet article. Nous n'en voyons en effet nullement l'utilité ni la nécessité en regard des objectifs généraux visés par le projet de loi no 101, compte tenu de la situation actuelle. Le bilinguisme nécessaire des avocats existe à un degré suffisant pour qu'aucune des parties ne soit pénalisée par le fait que l'un plaide en langue anglaise pendant que l'autre plaide en langue française et vice versa. Si toutes les parties, d'une part, sont représentées par des avocats de langue anglaise, nous en concluons que cet article n'a aucune nécessité puisque tel que rédigé il ne vise pas à interdire l'usage de la langue anglaise au niveau des plaidoiries, même lorsqu'il s'agit de personnes morales. Enfin, dans les circonstances, avec le Barreau du Québec, nous recommandons la suppression pure et simple de l'article 11, ce qui peut se faire sans affecter en aucune façon le but visé par la présente loi."

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je comprends que vous faites une motion de retrait?

M. Grenier: C'est-à-dire que je ne fais pas une motion. Pas à ce moment-ci.

M. Charron: Cela ne fait rien, on va voter contre.

Le Président (M. Cardinal): Je me demandais si vous citiez le bâtonnier ou si vous faisiez vôtres ses paroles?

M. Grenier: C'est ce que j'ai fait. JMais s'il devait y avoir une motion cela viendrait plus tard.

Le Président (M. Cardinal): Alors, il n'y a pas de motion?

M. Grenier: Non.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît!

M. Paquette: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Rosemont. Il vous reste cinq minutes.

M. Paquette: Je vais essayer de répondre très brièvement à la question du député de Marguerite-Bourgeoys qui me demandait une opinion dans des questions qui ne me sont pas très familières, parce que je ne suis pas légiste de profession. Mais, après consultation, il a demandé, dans le cas où c'est l'Etat qui poursuit, dans un cas de matière pénale, si je trouvais l'article 11 justifié. Sauf erreur, en matière criminelle, ces matières sont de compétence fédérale. C'est une des compétences décrites au niveau du gouvernement fédéral par l'article 91, et dans le cas où un individu... Donc c'est le gouvernement fédéral qui fait la poursuite...

M. Lalonde: Je regrette, mais c'est le contraire. Je pense que le député de Verchères va vous le dire.

M. Paquette: Oui?

M. Lalonde: D'ailleurs, le dernier jugement de la cour auquel le ministre de la Justice s'est référé dans une réponse, qui concerne Di Lorio a, confirmé de la façon la plus claire jamais faite que la poursuite en matière criminelle est provinciale alors que...

M. Paquette: L'administration relève des provinces...

M. Lalonde: ... l'administration de la justice criminelle, c'est la province.

M. Charbonneau: C'est le procureur général du Québec qui...

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Cardinal): Alors, cette question est résolue.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'ai écouté attentivement le député de Saint-Jacques quand il nous a donné les motifs pour lesquels il était pour cet article du projet de loi. Il est naturellement impossible de ne pas sympathiser avec les raisons qu'il nous a données. Il n'y a aucun doute que l'exemple qu'il a donné était une situation très injuste qui n'aurait pas dû arriver; qui, j'en suis certain, a causé certains préjudices, c'est certainement d'un bon naturel de sa part de vouloir rectifier une telle situation.

Ce que je pourrais dire, c'est qu'il ne faudrait pas aller, en rectifiant certaines situations injustes, à l'inverse et en créer qui seraient aussi injustes. C'est un équilibre, M. le Président, qui, je dois l'avouer, est difficile, sinon impossible à définir.

Nous avons tous subi des situations de discrimination, que ce soit personnel ou que cela ait été vécu par d'autres, mais il faudrait, et c'est à ça que j'inviterais le gouvernement, réagir d'une façon où une injustice semblable ne pourrait pas arriver à une autre personne. C'est malheureusement ce qui pourrait arriver à l'article 11.

Je ne plaide pas, M. le Président, pour que les compagnies multinationales ne se conforment pas à l'article. Il n'y a aucun doute qu'elles en ont les moyens, les pouvoirs et le personnel aussi. Mais il y a un principe, et ce ne sont pas toutes les compagnies à grande puissance financière que pourrait viser cette loi. Il y a des individus des deux côtés, et il devrait être possible dans nos lois d'apporter des rectifications sans toujours aller d'un côté à l'autre. L'explication que le député de Saint-Jacques a donnée peut être mal interprétée. Moi, je ne l'interprète pas mal. Je la comprends, et je ne dis pas ça d'une façon paternaliste ou autrement.

J'ai vécu assez de situations où, personnellement, j'ai subi de la discrimination pour pouvoir comprendre. Mais on fait une législation pour toute une société. Elle va affecter différentes personnes. Et on peut mal interpréter la situation que le député de Saint-Jacques veut rectifier, parce que, malheureusement, dans le domaine de la justice, ce n'est pas assez que la justice soit faite, il faut aussi qu'elle donne l'apparence d'être faite.

Dans la situation actuelle, dans le contexte actuel, quand on prend ces articles l'un après l'autre et quand on prend l'ensemble de la loi, il va sûrement y en avoir qui vont interpréter cet article d'une façon, à savoir qu'on veut être punitif envers un certain secteur, enlever certains droits individuels. C'est malheureux, parce que je suis persuadé que ce n'est pas l'intention du député, ce n'est pas de punir quelqu'un, c'est de vouloir rectifier une situation. Il me semble qu'on ne devrait pas enlever des droits aux autres.

Il doit y avoir d'autres moyens, spécialement aujourd'hui, quand on essaie d'être plus ouvert, même dans les tribunaux, dans tous les domaines, le député de Marguerite-Bourgeoys a fait référence au Nouveau-Québec. C'est vrai qu'on essaie d'être plus ouvert non seulement quant aux langues qui sont parlées, mais on a même essayé d'inclure dans la législation des clauses, à savoir qu'il fallait comprendre, spécialement dans les matières pénales, les moeurs, les coutumes des gens qui sont jugés, ce qui veut dire que même le langage ne va pas assez loin. Même si quelqu'un peut comprendre une autre langue, c'est plus que comprendre une langue; c'est de communiquer et, dans le domaine de la justice, on traite des droits fondamentaux, on traite de tout ce qui peut affecter une personne. Ce n'est pas seulement une partie de sa vie ou une partie de ses activités, les tribunaux traitent de tout.

Si le législateur, par exemple, au Nouveau-Québec, a été assez sage et a cru que cela était nécessaire non seulement de parler leur langue, mais de comprendre la mentalité, les coutumes d'une autre culture pour bien juger, il serait encore plus nécessaire, ici dans cet article, de ne pas aller à rencontre de cette tendance, de cette tradition et de cet objectif. Plutôt que de restreindre nos droits, on devrait être plus large d'esprit.

Parfois, c'est difficile. Parfois, on a tendance à dire: Cette situation n'arrivera plus et je vais insister pour que cela n'arrive plus. Mais par les moyens que nous prenons pour corriger cette situation, il ne faudrait pas créer d'autres injustices. Voici ce qui va arriver. Aujourd'hui, c'est un gouvernement qui présente un projet de loi. Si c'est jugé comme une vengeance ou comme punitif, cela sera toujours la balance. Demain, ce sera un autre gouvernement. Quelqu'un va retenir cela en lui et il va dire: Cela va être mon tour. Il me semble qu'il y a assez de situations dans notre histoire qui prouvent que ce n'est pas une bonne façon d'agir. Eventuellement, il faudra arriver à un équilibre pour qu'on ne prenne pas l'approche qui consiste à dire: Chaque fois que c'est mon tour et que je suis au pouvoir, je vais faire une chose de telle façon qu'éventuellement on va prendre les mêmes principes et on va les tourner contre nous.

C'est un domaine qui est assez important, qui est assez fondamental. Il est vrai que nous sommes dans une société pluraliste. Je ne sais quand est arrivée la situation que le député de Saint-Jacques nous a décrite. Je ne sais pas si cela fait longtemps. Cela ne doit pas faire tellement longtemps, parce qu'il est jeune.

M. Charron: Dix ans.

M. Ciaccia: Seulement dix ans. Je ne pense pas qu'aujourd'hui cela pourrait se répéter. Aujourd'hui, je suis pas mal assuré que cela ne pourrait pas arriver, parce que notre société a beaucoup évolué et, justement, avec justice. Les changements étaient nécessaires. On se trouve face aujourd'hui à certains projets de loi et, si certains événements de cette nature ne s'étaient pas produits, on n'aurait pas ces projets de loi. On n'aurait pas ces conflits aujourd'hui, c'est malheureux que ces gens n'aient pas eu plus d'ouverture d'esprit et qu'ils n'aient pas compris la situation. Ils ont semé un peu ce qu'ils récoltent aujourd'hui, je suis d'accord.

En essayant de créer une nouvelle société, parce que c'est l'impression que ce gouvernement nous donne, qu'il veut faire des changements,

qu'il veut une société meilleure, je pense qu'il devrait avoir certains principes reconnus pour l'ouvrir à tout le monde et créer un équilibre. Je ne pense pas que l'article, tel que rédigé maintenant, crée cet équilibre. Je pense qu'il va dans l'autre sens. Pour ces raisons, je suis tiraillé — je dois vous le dire franchement — par cet article quand on nous donne les motifs pour lesquels il a été présenté. Mais je crois qu'il faut dépasser ces conditions, ces situations injustes.

Chacun de nous, à un certain moment, qu'on soit dans une position où on a le pouvoir, peut poser des gestes pour corriger certaines situations et pour mettre fin à ce que nous croyons injuste; c'est très difficile et il faut faire bien attention à ce que nous faisons. Parfois, il faut prendre sur nous et dire: C'est vrai que cette situation est injuste, mais je ne veux pas en répéter d'autres. En plus de cela, il faut faire des lois. On a une constitution.

Il ne faut pas faire des lois qui vont à rencontre de nos lois. Il faut faire des lois légales. Je ne voudrais pas voir une provocation, et pousser quelqu'un à dire: On va contester la loi. Qu'est-ce que cela va servir si cela arrive? Si quelqu'un prend cette loi et s'en va en cour avec elle, dans le contexte social et politique que nous avons maintenant, cela peut seulement nous diviser davantage.

Tant et aussi longtemps que l'article 133 fera partie de notre constitution, il faudrait trouver des moyens légaux, justes et équitables pour rectifier certaines situations. Il ne faut pas aller à l'encontre des lois, à moins que l'article 133 aurait été changé ou modifié dans notre constitution, là peut-être, la situation serait différente; mais tant et aussi longtemps que la constitution demeure ce qu'elle est, je ne pense pas qu'on agirait d'une façon responsable de légiférer à l'encontre de cela.

Il n'est pas question de protéger les compagnies qui auraient dû savoir mieux, qui n'auraient pas dû faire cela, ce n'est pas là la question. On comprend la situation des avocats à Montréal et aussi des avocats francophones à Montréal. On a vécu des situations où c'était des fois difficile pour certaines personnes d'obtenir certains emplois non seulement dans ce domaine. Soyons honnêtes. Soyons francs. Ces situations ont existé. C'est malheureux qu'elles aient existé, mais ce n'est pas par l'entremise de l'article 11 qu'on va rectifier ce point. C'est vrai qu'il faut le rectifier. C'est seulement pour les raisons que je vous ai soumises, M. le Président, que je voudrais proposer un amendement à l'article 11.

C'est seulement pour être en conformité avec 133. Que l'article 11 soit modifié en ajoutant dans la première ligne après le mot "adresse" les mots "à leur choix" et en ajoutant dans la première ligne après le mot "officiel" les mots "ou en langue anglaise" et en retranchant dans les troisième, quatrième et cinquième lignes, les mots "elles plaident devant eux dans la langue officielle à moins que toutes les parties à l'instance ne consentent à plaider en langue anglaise." L'article amendé se lirait comme suit: "Les personnes morales s'adressent à leur choix dans la langue officielle ou en langue anglaise aux tribunaux et aux organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires."

Le Président (M. Cardinal): Puis-je avoir la feuille de votre motion, s'il vous plaît? Merci. On peut la distribuer même si je n'ai pas encore parlé de la recevabilité.

Cette motion d'amendement proposée par M. le député de Mont-Royal, ai-je besoin de la relire? Je voudrais quand même la relire, même à voix basse, pendant quelques instants.

C'est toujours pareil avant une suspension. Je voudrais m'adresser à la commission pour obtenir, suivant les règles habituelles, c'est-à-dire un membre par formation politique et, brièvement, il y a trois partis politiques, il est 17 h 46, je voudrais savoir si, d'après vous, madame et messieurs, si elle est recevable. Je rendrai la décision ensuite.

M. le député de Saint-Jacques, sur la recevabilité, et brièvement.

M. Charron: M. le Président, j'invoque l'article 70 du règlement qui nous régit, parce que je crois que cette disposition de notre règlement rend irrecevable l'amendement qui nous est présenté. — J'ai perdu mon règlement, quelqu'un me passerait-il le sien, j'y vais par coeur — mais on dit qu'est irrecevable à l'article 70, un amendement dont l'effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé. M. le Président, si vous deviez déclarer cet amendement recevable et, éventuellement, s'il devait être accepté par la commission, il va à rencontre du voeu même de l'article, il annule l'article. Autrement dit, il nous ramène à la situation actuelle. L'habitude, la tradition parlementaire veut que, quand on est à l'encontre d'un article et qu'on veut être conforme à la situation actuelle, on vote contre l'article. On n'essaie pas de l'amender pour le retourner bout pour bout. C'est aller complètement à l'encontre du sens même, de la nouveauté de l'article, ce pourquoi existe l'article. C'est qu'on veut désormais exiger dans le cadre de l'exemple que je donnais tout à l'heure, qu'une personne morale s'adresse en français aux tribunaux.

Actuellement, les personnes morales peuvent s'adresser à leur choix dans la langue officielle du Québec, en vertu du bill 22, ou ce qui s'appelle la langue anglaise aux tribunaux ou aux organismes exerçants. C'est ce que le gouvernement veut changer. Si on amende l'article de la façon que le propose le député de Mont-Royal, on revient exactement au statu quo actuel.

Si on veut revenir au statu quo, c'est l'opinion privilégiée de l'Opposition libérale de voter contre l'intention du gouvernement, lorsque vous appellerez le vote.

Je soutiens — et là je pense que rarement un exemple plus clair peut nous passer entre les doigts — qu'il est irrecevable, si l'effet de cet amendement, comme le dit l'article 70, écarte la question principale sur lequel il a été proposé. Ce n'est pas une modification, c'est une annulation de l'effet de l'article. En ce sens, toute la jurispru-

dence de notre Assemblée vous invite à déclarer irrecevable pareil amendement.

Le Président (M. Cardinal): Merci de vos bons conseils, M. le député de Saint-Jacques et ministre délégué.

Qui veut s'exprimer sur l'article, sur la recevabilité? Pardon?

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, en effet, l'amendement a pour effet de changer, comme d'ailleurs, vous l'avez dit à quelques reprises il faut qu'un amendement change quelque chose.

Vous avez plaidé, vous avez invoqué ce facteur, cet élément à quelques reprises pour déclarer irrecevables des amendements que nous avions proposés. Je me souviens de l'article 1 en particulier.

Quant au premier paragraphe, c'est-à-dire à la première partie de l'article 70, naturellement il se trouve à retrancher et ajouter des mots remplacés par d'autres. Je pense que la motion d'amendement est conforme à la première partie de l'article 70. Quant à la deuxième partie, qui dit: "II est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport à un amendement", le changement que l'on propose dans la motion d'amendement a pour effet de modifier sûrement de façon substantielle l'article tel quel. Il a pour effet de ramener à la situation qui nous est imposée par la Constitution qui dit, à l'article 133: "Et dans toute plaidoirie ou pièce de procédure par-devant les tribunaux ou émanant de tribunaux du Canada qui seront établis sous l'autorité du présent acte et par-devant tous les tribunaux et émanant des tribunaux du Québec il pourra être fait également usage, à faculté, de l'une ou de l'autre de ces deux langues". On parle de la langue anglaise et de la langue française, il n'est pas question de distinction de personnes morales ou autres.

M. le Président, ne pouvant pas demander le retrait de cet article en vertu de notre règlement, comment pouvons-nous ramener l'article à une valeur constitutionnelle, à respecter la Constitution sans faire l'amendement que nous avons fait? Oui, c'est vrai qu'il a pour effet de changer substantiellement la question principale qui restreint à la langue officielle la possibilité pour les personnes morales de s'adresser aux tribunaux, mais il ne la change pas complètement puisque les personnes morales auront quand même le loisir de s'adresser dans la langue officielle. Cela aurait pour but d'écarter complètement la question principale si on avait changé les mots "dans la langue officielle" par les mots "dans la langue anglaise". Cela aurait eu pour effet de l'écarter complètement. Cela n'a pas pour effet de l'écarter complètement quand on ajoute simplement le choix de la langue officielle, qui est le but principal ou l'objet principal de cet article, qu'on ajoute un choix d'une autre langue en même temps.

M. le Président, je pense qu'on n'écarte pas la question principale, on ne fait simplement que la modifier substantiellement. Je crois qu'avec une interprétation favorable dans le cas de doute, qui doit être donné à la motion d'amendement, vous devriez la déclarer recevable.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, si vous voulez terminer avant la suspension.

M. Grenier: Sûrement, ce sera bien avant cela, à part cela.

Comme vous le voyez, on est en plein coeur des avocasseries et ce n'est pas mon secteur. J'aurais préféré qu'on fasse tout simplement un retrait pur et simple de l'article 11.

Cela aurait été notre position, comme on l'a laissé entendre tout à l'heure, mais nous allons quand même nous rallier à la recevabilité. Nous préférons la recevabilité de cet amendement proposé par le député de Mont-Royal, puisque cela n'enlève rien, à mon sens, au caractère officiel de la langue française, d'abord, et que, deuxièmement, cela introduit, selon l'économie du droit, le principe sacré du droit des parties.

Pour ces deux raisons, pour ne pas dire ces trois raisons, je vous demanderais, M. le Président, de rendre recevable cet amendement proposé par M. le député de Mont-Royal.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. Il s'est produit la même chose à chaque suspension ou ajournement de séance.

M. Laurin: C'est calculé.

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai jamais dit cela, M. le député de Bourget.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas quel article on invoque pour cela, une imputation de motifs, ce n'est vraiment pas cela, pas dans ce cas-là.

Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas de question de privilège ici pour répondre à cela. Je pourrais rendre une décision très rapide, mais je pense que ce serait mauvais. J'ai relevé... M. le député de Saint-Jacques, il faut avoir de la patience, à ce moment-là, parce que... Que voulez-vous!

M. Charron: Patience de vétéran, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je vous reconnais.

Mme Lavoie-Roux: II vous a dit préséance... M. Charron: Le plus âgé de tous.

Le Président (M. Cardinal): J'ai retenu et j'ai même noté les arguments des trois intervenants. Non seulement je les ai notés, mais au fur et à me-

sure que ces arguments m'étaient présentés, je les analysais. Pour ne pas perdre le temps de la commission, même s'il est probable que la décision ne sera pas rendue avant la suspension, je vais quand même mentionner que l'on s'est référé — ce sera peut-être rendu, M. le député de Rosemont — à l'article 70. Je soulignerai qu'il y a plusieurs décisions antérieures des présidents en vertu de l'article 70 et j'en ai mentionnées plusieurs depuis que les travaux de cette commission ont commencé.

On a même mentionné que cela pouvait équivaloir au retrait de la motion qui est une motion de M. le député de Saint-Jacques. D'ailleurs, on est allé assez loin pour que M. le député de Mégantic-Compton me dise: Comme on ne peut pas retirer un article, on va appuyer la motion.

Mme Lavoie-Roux: Cela part de bonnes intentions.

M. Lalonde: L'enfer en est pavé.

Le Président (M. Cardinal): Le nouveau texte qui reçoit un amendement proposé par M. le député de Mont-Royal affecte peut-être, ou pas, le principe du nouvel article.

Je voudrais éviter de me prononcer à ce sujet, même si l'article 70 me le permettrait. Je veux souligner une première fois que l'article 70 permet au président de référer au principe pour accepter ou rejeter un article.

Quant à l'argument qui m'est servi pour dire que l'article est illégal, ce n'est certainement pas au président de la commission d'en décider. Je ne m'érigerai pas en Cour suprême du Canada ou d'autres Etats pour régler cette question sur laquelle d'éminents juristes se sont jusqu'ici prononcés. D'ailleurs, on pourrait référer aux décisions — pardon, aux futures décisions peut-être — du premier ministre fédéral. Le désaveu est peut-être encore permis; il est peut-être rendu désuet. C'est beaucoup trop loin.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys... Oui.

M. Grenier: Est-ce qu'on pourrait venir à votre secours pour vous permettre de donner votre jugement uniquement après 6 heures? Demandez au député de Marguerite-Bourgeoys de prendre la parole.

Le Président (M. Cardinal): Vous allez l'avoir. Non.

M. Grenier: Je suis sûr que cela irait jusqu'à 6 heures.

Le Président (M. Cardinal): Vous craignez. M. le député de Marguerite-Bourgeoys nous dit, lui aussi, qu'au lieu de demander le retrait le seul moyen qui reste au parti de l'Opposition officielle, c'est de faire un amendement. A cette table même, j'ai deux aveux et l'on m'a même cité longuement des extraits du bâtonnier du Barreau du Québec, disant qu'on demandait le retrait de l'article 11 dans son premier texte. L'article 85 aurait pu s'appliquer. On peut demander un retrait; seulement pour demander le retrait, il faut deux conditions: premièrement, la permission du proposeur de la motion. Je ne lui ai pas demandé s'il accorderait sa permission.

M. Grenier: On pourra le lui demander. L'occasion serait si bien donnée.

Le Président (M. Cardinal): On pourra. Deuxièmement, il faut suivre le règlement quant au débat très restreint qui se produit. Ayant lu très attentivement la motion, vu que, mutatis mutandis, à mon humble point de vue, avec ce qu'on m'a dit, l'article 85 ne peut pas s'appliquer sans les conditions que j'ai indiquées, je dois, malheureusement avant la suspension, dire que la motion ne m'ap-paraît pas recevable.

Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Fin de la séance à 17 h 55)

Reprise de la séance à 20 h 05

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, madame et messieurs!

M. Chevrette: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Joliette-Montcalm! Je pense qu'il y a quorum. Le quorum est de onze. Je pense que nous sommes onze actuellement, si la présidence compte le moindrement.

M. de Belleval: M. le Président, je propose l'adoption de l'article 11.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...j'ai indiqué les réserves que j'avais à l'article 11. Je désire, dans les quelques minutes qu'il me reste, proposer un amendement dont le texte, actuellement, est écrit et est en train d'être photocopié. Je vous en fournirai un texte écrit dans quelques secondes.

Donc, ce serait pour amender l'article 11, en remplaçant le mot "Les", à la première ligne, par les mots "Sous réserve des dispositions de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et sauf en matières pénales et en matières criminelles, les".

M. Ciaccia: Cela a bien du bon sens.

Le Président (M. Cardinal): Oui, j'ai le texte devant moi.

M. Lalonde: M. le Président, dans le texte que vous avez, on ne précise pas dans quelle ligne. Alors, je vais vous remettre l'original.

Le Président (M. Cardinal): Le texte peut être distribué. A l'ordre, s'il vous plaît!

J'ai encore ce rôle difficile de décider de la recevabilité d'une motion. Je dois constater tout de suite qu'une motion de ce genre a été déposée — enfin, j'ai dit: "de ce genre, je n'ai pas dit similaire" — dès les premiers moments de la commission.

Je n'ai malheureusement pas les fonctionnaires de la commission auprès de moi, ni le procès-verbal de cette première journée.

Je me souviens fort bien que la motion avait été présentée par Mme le député de L'Acadie et que, dans les motifs, avant d'en arriver aux dispositions, j'avais mentionné que je concevais fort mal que l'on légifère par référence, c'est-à-dire que l'on pourrait soutenir ou non que l'article 133 fait partie de la constitution du Canada et peut-être de la constitution du Québec.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Allez-vous nous offrir la chance de dire quelques mots en faveur de la recevabilité?

Le Président (M. Cardinal): Si vous le demandez, oui, selon la même règle que d'habitude, un membre par parti et, brièvement.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys sur la recevabilité.

M. Lalonde: Je vais m'en tenir à la référence à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui pourrait vous inspirer peut-être certains doutes quant à la recevabilité pour faire appel à un précédent où le député de Lafontaine à la page B-6007 du journal des Débats en 1974 avait fait la motion d'amendement suivante: "Que l'article 1 soit amendé en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant: L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique... cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législature du Québec."

Cette motion d'amendement avait été reçue et défaite après, mais quand même reçue. J'invoque ce précédent pour vous dire que le fait qu'on réfère, que cela soit pour que ça cesse d'avoir effet ou que ça continue d'avoir effet comme c'est le cas dans ma motion d'amendement, n'est pas une raison de non-recevabilité. On parle, à ce moment, d'un texte bien connu, qu'on peut déterminer de façon précise et je ne vois pas pourquoi une motion d'amendement, qui ferait référence à ce document officiel, serait irrecevable, seulement à cause du fait qu'il fait ou qu'il ferait référence à ce document officiel.

Le Président (M. Cardinal): Quelqu'un d'autre veut-il s'exprimer?

M. Charron: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Deux points à rencontre de la recevabilité d'une pareille motion. Outre celle que dicte le bon sens, c'est, d'une part, celle même que vous avez évoquée, je l'amplifie peut-être, mais le fait que vous l'ayez signalé à bon droit, je pense, qu'un amendement en ce sens a déjà été jugé irrecevable à cause de la référence qu'il faisait.

Deuxièmement, je vous invite à réfléchir, M. le Président, sur le fond de l'amendement, mais aussi quant à sa recevabilité. Voici en quel sens. Il y a quelques instants à peine, dans les travaux de la commission, vous avez rejeté un amendement proposé, une fois de plus, de manière dilatoire, par le Parti libéral parce que cet amendement était irrecevable en vertu des principes de l'article 70 de notre règlement qui disent qu'un amendement, s'il doit viser à rendre inopérant, en fin de compte, ce qui va à rencontre du principe de l'article 70, s'il équivaut à l'annulation d'un article, n'est pas rece-vable, les opposants devant se contenter d'inscrire leur dissidence lorsque vous appellerez le vote, mais ne devant pas par un amendement tenter de le rendre nul. Je vous demande seulement d'envi-

sager, M. le Président, le sous-entendu de l'amendement présenté par le Parti libéral qui a toujours un peu peur de mettre ses véritables couleurs sur la table. Ce qu'il entend, il faut vraiment le deviner dans son subsconcient, et là c'est un effort assez difficile, j'en conviens...

M. Laurin: Je peux t'aider.

M. Charron: Le psychanalyste qui est à ma gauche peut vous donner un coup de main, M. le Président. Si nous analysons le subsconcient de nos amis d'en face, serviles serviteurs de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui vous invitent à toutes les réserves, en aucun temps ces messieurs ne s'élèveraient contre un texte datant de 1866. Au contraire, il est très moderne dans leur esprit.

Mme Lavoie-Roux: 1867.

M. Charron: 1866, madame. Il a été voté en 1866 à Londres, en Royaume-Uni, croyez-le ou non. Il a été en application, ici, à compter du 1er juillet 1867, mais la loi a été votée le 14 octobre 1866, à Londres.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie de la précision.

M. de Belleval: Vous n'avez pas sauvé cette année-là.

M. Charron: M. le Président, si nous acceptions le sous-entendu de cet amendement, il est à deviner, j'en conviens, mais dans l'esprit de ceux qui ont présenté l'amendement irrecevable, il y a quelques instants, il faut voir qu'avec la réserve de l'entendement qu'ils ont de la disposition de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et puisqu'ils vont jusqu'à préciser, sauf en matière pénale et en matière criminelle, qu'ils exempteraient de la disposition de l'article 11, si vous deviez le juger recevable et si la commission devait le prendre, est-ce que cela n'a pas pour effet final, avec tous ces "sous" et ces "sauf" et ces réserves et ces exceptions et ses "malgré que", si vous deviez accepter cet amendement comme recevable, d'annuler, à toutes fins pratiques, l'effet pratique de la disposition de l'article 11? Et ainsi de se porter à rencontre de l'article 70 de notre règlement qui interdit à un parti d'Opposition ou à quelque membre que ce soit de la commission de présenter un amendement qui a pour effet pratique de rendre nulle la disposition présentée par le gouvernement?

Je vous invite à y réfléchir, M. le Président. A mon avis, il y a dans cette disposition une façon de contrevenir à votre précédente décision. On a simplement étayé dans des termes plus élégants et dilué en des termes plus juridiques ce qui tout à l'heure a sauté à vos yeux, le fait que l'amendement présenté annulait l'engagement que le gouvernement prend, et c'est son droit reconnu par le règlement de l'Assemblée, à présenter une disposition qui viserait à faire que les personnes mora- les s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes exerçant des fonctions judiciaires.

Je conclus en vous disant ceci, M. le Président: Est-ce que, si on devait accepter les réserves des dispositions de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et si on devait accepter l'exception que réclame l'Opposition voulant que cette disposition de l'article 11 ne s'applique pas en matière pénale et en matière criminelle, l'article 11 voudrait encore dire quelque chose?

J'ajoute, M. le Président, en vous posant cette question fondamentale quant à la recevabilité: Est-ce que l'amendement présenté n'a pas pour effet de "nullifier" l'article 11? Est-ce qu'on n'est pas non plus en train de contester votre précédente décision par la bande? On vous demande ce soir de trancher sur une disposition constitutionnelle en acceptant la recevabilité de cette motion. Or, vous le savez, M. le Président, pareille question constitutionnelle est en discussion depuis des années au Québec.

Est-ce qu'on ne vous considère pas comme la Cour suprême en fin de compte, en vous demandant si c'est cette commission qui a le droit d'établir des réserves en vertu des dispositions de l'article 133, d'établir la portée de l'article 133, de définir et d'interpréter l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique à la place des tribunaux, alors que les tribunaux eux-mêmes — vous le savez mieux que moi, M. le Président, de par votre passé — n'ont jamais été capables d'établir la véritable autorité législative pour modifier l'article 133, pour établir la portée de l'article 133 et encore moins d'établir clairement, comme l'invite l'amendement les dispositions de l'article 133.

Que mijote donc l'Opposition en référant à une motion aussi vague que les dispositions de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, article 133? Une simple perte de temps de la commission comme plusieurs des amendements en ont été l'occasion? Ou plus fondamentalement que cela, de vous inviter, par la bande, en acceptant la recevabilité de cette motion, à trancher un débat constitutionnel où ils se sont eux-mêmes noyés, enferrés, enfermés et pourris avec le projet de loi 22 en 1974. Eux-mêmes n'ont pas été capables de trancher la question et n'ont pas eu le courage de trancher la question.

Je vous invite donc, M. le Président, au moment où vous trancherez la question de la recevabilité de cette motion, à bien réfléchir au piège que vous tend l'Opposition par cette motion, vous invitant sur un terrain qui, malgré tout le respect que j'ai pour vous, ne vous appartient pas. C'est particulièrement à cause du respect que j'ai pour vous que je vous signale qu'il ne vous appartient pas, d'une part, et, deuxièmement, qu'ils vous invitent, par la bande, à rendre nul l'article 11, une fois que ces amendements auront été agréés.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, de quoi voulez-vous

parler? Vous connaissez les règles. Si on commence des répliques sur des questions de recevabilité...

M. Lalonde: Non, M. le Président, j'ai quand même quelque trente secondes et vous m'avez donné indication de parler. Etant donné qu'on n'a qu'un intervenant par parti et que le député de Saint-Jacques vient de parler cinq minutes sur la recevabilité...

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys...

M. Lalonde: M. le Président, je pense que le député de Saint-Jacques a bien décrit le contexte dans lequel votre décision doit être rendue, à savoir que vous ne devez pas prendre la place de la Cour suprême, qu'on ne doit pas vous considérer comme juge sur la valeur et même sur la portée de l'amendement, ce sera à la commission de déterminer, de décider s'il est désirable, s'il est indiqué d'accepter cet amendement.

La seule chose que vous devez faire, M. le Président, c'est de décider si une référence à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique rend la motion d'amendement irrecevable, non pas s'il est indiqué, s'il est bon qu'on fasse un tel amendement. C'est à la commission de le décider. Je pense qu'une décision de votre part à propos de la recevabilité, qui serait un jugement de valeur sur l'amendement, ne serait pas une décision pertinente.

M. le Président, je pense que les mots qui sont proposés par l'amendement changent l'article. Ce sera à la commission de décider s'il est bon que l'article soit changé de cette façon. Dans l'hypothèse où la commission accepterait cet amendement, ce serait à la cour de décider dans quelle mesure les mots ajoutés réduiraient la portée du reste de l'article.

Quant à la recevabilité, c'est extrêmement important, à ce stade-ci de nos débats, que la décision sur la recevabilité soit restreinte à la recevabilité, à savoir si cette motion peut être discutée à cette commission, si cette motion change quelque chose. Oui, elle remplace des mots et elle en ajoute, sûrement. Mais la seule référence à ce document n'a pas pour effet de vous obliger à déterminer ce qui va rester ensuite. Ce sera à la commission de le décider, si elle veut bien l'accepter et, le cas échéant, ce sera aux cours, aux tribunaux de décider de la portée véritable de cet article une fois amendé.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, sur la recevabilité.

M. Grenier: Pour nous, l'amendement, tel que libellé, prête flanc à ceux qui cherchent des arguments pour inciter les citoyens canadiens à aller en Cour suprême vérifier la constitutionnalité de la loi, alors qu'en tant que législateurs du Québec, je pense qu'il faut avoir assez de maturité pour décider de prendre nos responsabilités nous-mêmes.

Je ne vois pas pourquoi on voterait pour un tel amendement et je vous demanderais, si vous jugez cet amendement irrecevable, de passer immédiatement au vote sur l'article 11.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Saint-Jacques, de Marguerite-Bourgeoys et de Mégantic-Compton. L'on pourra peut-être dire, à la suite des nombreuses décisions, qu'on me demande et des motifs que j'invoque pour les rendre que le président a fait un "filibuster" à la commission.

Le député de Marguerite-Bourgeoys a vraiment raison. Il est très important que cette décision soit bien rendue. Je commence par sa première argumentation. La décision de 1974, lors de l'étude du projet de loi 22, en commission parlementaire, le 20 juillet 1974, et la référence à la page du journal des Débats que vous avez donnée est exacte. La motion d'amendement, à ce moment, était la suivante: "Que l'article 1 soit amendé en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant: L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législature du Québec".

Je reviendrai tantôt sur les ressemblances ou les différences entre les deux motions d'amendement. Le président d'alors avait déclaré, et je cite: "Je voudrais dire dès à présent que, compte tenu de la diversité des opinions des éminents juristes sur cette question, je déclare cette motion recevable".

J'ai déjà cité ceci à deux reprises, à cette commission parlementaire. Je reviens à une motion présentée le 3 août 1977 par Mme le député de L'Acadie, laquelle motion se lit comme suit: Que l'article premier soit amendé en ajoutant, à la fin, les alinéas suivants: "Le français et l'anglais conservent le statut juridique défini à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et la langue anglaise a le statut juridique défini par la présente loi". Nous avions alors suspendu la séance, et à la reprise, à 20 h 10, le président rendait sa décision et jugeait irrecevable la motion présentée avant la suspension de cette séance par Mme le député de L'Acadie. Il avait motivé sa décision.

L'on me dit — c'est M. le député de Saint-Jacques qui le fait — que l'amendement, tel que rédigé, rendrait l'article inopérant. Je ne puis justement pas en juger, parce qu'il n'y a personne, présentement, sauf la Cour suprême, qui peut juger de l'effet d'une telle intrusion, dans une loi du Québec, d'un article qui nous vient de Londres et qui n'a pas été rapatrié, à ce que je sache.

Le sous-entendu qu'invoque M. le député de Saint-Jacques, je ne puis non plus en juger. Je serais partie des débats de cette commission et me rangerait carrément du côté d'une formation politique, ce que mon rôle m'empêche de faire.

Que le même amendement parle du droit pénal et du droit criminel, sans m'attacher au fond, l'on admettra qu'il n'y a que du droit criminel fédéral administré par le Québec et même par un mi-

nistre du gouvernement québécois, mais qu'il y a du droit pénal dans tous les domaines, tant de juridiction fédérale que de juridiction du Québec.

Je pense que je n'ai pas besoin de continuer sur ce sujet. Il faudrait vraiment prendre tout le temps de la commission pour le faire.

Lorsqu'on me dit que cet amendement aurait pour effet de "nullifier" — c'est l'expression que l'on a employée — l'article 11, de ça non plus, je ne puis point juger. Quel est l'effet qu'a la référence à l'article 133? Je puis être flatté que l'on me compare ou que l'on me comparât à un juge de la Cour suprême. Tout ce que je sais, c'est que je ne serai jamais membre de la Cour suprême du Canada.

M. Charron: Mes sincères félicitations, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: ... c'est malheureux, M. le Président.

M. Ciaccia: C'est parce que vous êtes notaire. Ce n'est pas à cause de vos vues politiques, M. le Président.

M. Lalonde: C'est malheureux, M. le Président.

M. Ciaccia: Pour le journal des Débats et le public.

Mme Lavoie-Roux: On l'aurait souhaité, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Vous interpréterez cette phrase comme vous l'entendrez, chacun selon vos tendances et intentions.

Les mots changent l'article, c'est la phrase de M. le député de Marguerite-Bourgeoys. C'est normal. A plusieurs reprises, j'ai mentionné qu'un amendement, ça devait amender, quel que soit le dispositif de l'article 70 quant à la technique de l'amendement, sans parler du fond.

L'article 133, de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique fait partie déjà de notre droit, quelle que soit l'interprétation que l'on en fasse.

Tant que nous sommes dans le système politique actuel, le système constitutionnel actuel, c'est quelque chose qui existe. La question qui se pose — et ce n'est pas le fond que je juge, ce n'est pas l'effet de l'inclusion d'un article qui a amené de nombreux articles d'analyse juridique qui fait que je dise que l'article 133, à mon humble avis, et on va voir où je me dirige, n'a pas à être allégué dans une loi, puisque cette loi est déjà là. Que cela soit dans notre loi, ce serait tout un précédent. Nous assumerions, comme législateurs du Québec, immédiatement tous les effets et toutes les interprétations possibles de toutes les cours de cet article de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Je comprends qu'il y ait eu cette décision du 24 juillet 1974, mais remarquez que l'on ne disait pas que l'article 133 s'appliquerait. On disait qu'il ne s'appliquerait pas. Quel que soit le bien-fondé de la décision de la présidence à ce moment, je ne suis pas devant le même phénomène juridique.

Les philosophes thomistes diraient même que ce n'est pas contraire, que c'est contradictoire.

Lequel des deux articles aurait préséance sur l'autre? Votre article, madame et messieurs, ou l'article 133, et quelle juridiction viendra en décider?

Je n'ai pas non plus à en décider, pas pour ces inquiétudes, mais pour ces motifs, je dois, une fois de plus, déclarer la motion irrecevable.

M. Chevrette: Très bon jugement.

M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 11.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, avec tous mes regrets.

M. Lalonde: Croyez que je regrette davantage. Nous avons entendu les propos du ministre délégué au haut-commissariat...

Le Président (M. Cardinal): Parlez-vous sur la motion principale?

M. Lalonde: Oui. Il me reste quelques minutes, il me semble.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Il vous reste trois bonnes minutes.

M. Lalonde: Avec toute la sympathie que je peux avoir et que j'ai exprimée d'ailleurs, à l'égard de l'exemple que le député de Saint-Jacques a mentionné, je dois dire quand même que nous devrions pouvoir, comme législateurs, faire en sorte que de telles choses ne se reproduisent pas sans, dans le même geste, du même trait de plume, nier les droits reconnus par la constitution, d'une part, et deuxièmement, créer une situation de vulnérabilité à l'égard de nombreux citoyens qui, sous le couvert ou par le truchement d'une personne morale, ne sont quand même pas ce genre de personnes morales mentionnées par le député de Saint-Jacques dans son exemple, qui ont les moyens de faire en sorte que leurs procédures et les plaidoyers soient faits dans la langue officielle.

La violation évidente que l'article 11 fait de l'article 133 nous empêche de voter pour cet article.

Nous avons suggéré, lorsque nous avons fait une intervention cet après-midi sur cet article, que cet article devrait au moins, même en assumant qu'on pourrait — et les juristes ne sont pas d'accord là-dessus — amender l'article 133, qu'on devrait faire au moins des exceptions pour les matières pénales et les matières criminelles où les

droits des personnes, les droits fondamentaux, peuvent être affectés par cet article. N'étant plus dans une position pour faire de proposition d'amendement, tout ce qu'il nous reste, c'est voter contre cet article.

Le Président (M. Cardinal): Je vous remercie beaucoup, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sérieusement, de votre collaboration.

Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, nous avons tenté par tous les moyens qui nous semblaient justes et qui étaient difficiles à trouver — on était fort conscients de la difficulté de la rédaction de cet article — nous avons quand même tenté de réduire le plus possible les inconvénients qui peuvent être créés par la deuxième phrase de l'article 11.

J'ai été très sensible, comme d'ailleurs mes collègues, au témoignage que le député de Saint-Jacques a rendu en relatant une expérience personnelle. Nous savons tous que, malheureusement, des situations comme celles-ci se sont produites dans le passé. La question est de savoir si, aujourd'hui, elles se présentent encore. Je pense qu'au hasard de ses paroles il a dit que cela s'était passé il y a une dizaine d'années. Dans l'échange que j'avais avec mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, dans un aparté, avant même que le député de Saint-Jacques ne dise que ceci s'était passé il y a une dizaine d'années, mon collègue me faisait remarquer que c'était étonnant que ceci ait pu se passer dans les dernières années, faisant allusion aux deux ou trois dernières années. Il disait c'est probablement un fait qui doit remonter à une dizaine d'années. Je pense que le député de Saint-Jacques, qui a été vraiment touché par cet incident et qui a dû en frapper d'autres également, nous a expliqué qu'il avait beaucoup insisté au Conseil des ministres pour faire valoir ce point de vue.

Je me demande si, compte tenu de cette nouvelle réalité sociale qu'est l'affirmation du français au Québec, si le gouvernement va atteindre cet objectif de protéger les individus contre des personnes morales, comme les compagnies qu'a mentionnées le député de Saint-Jacques, ou, enfin, contre des compagnies d'assurances. Cela m'étonnerait beaucoup que des personnes morales, dans le sens de grandes corporations, ou même de moyennes corporations, osent même aujourd'hui refaire ou reposer ce type de gestes que tout le monde réprouve et qui étaient posés il y a quelques années, même si on peut en trouver d'aussi récents qu'il y a cinq ans. Je pense que le mal qu'on veut éviter et dans lequel je peux suivre le gouvernement n'aura plus aujourd'hui le même effet.

Il aura plutôt pour effet de pénaliser, je ne sais pas si on peut parler de petites personnes morales, je pense que vous comprendrez ce que je veux dire en utilisant ce terme... Là, je vous parle simplement à partir, non pas de mon expérience de juriste que personne ne connaît ni moi-même, mais vraiment d'une observation générale des faits. Finalement, ce qui va arriver, c'est qu'on va pénaliser les personnes qu'en fait cet article ne veut pas rejoindre et qu'il n'est pas dans l'esprit du gouvernement de rejoindre, compte tenu que ce sont des individus qui sont des personnes morales, dans des corporations de trois personnes, comme la loi l'exige.

C'est dans ce sens que je regrette que, de notre côté comme du côté du gouvernement, pour corriger un mal qui a existé — je ne sais pas dans quelle mesure il existe encore — on risque de pénaliser des personnes que ni le gouvernement, ni nous ne voulons vraiment pénaliser, et peut-être qu'on crée des situations d'injustice que personne ne souhaite créer.

En plus — mais ceci est peut-être plus important aux yeux des juristes et moins important pour moi personnellement — je pense que le gouvernement s'expose, compte tenu de cet article, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, il reste que le président nous a même dit qu'on est encore dans un système politique où l'Acte de l'Amérique du Nord britannique fait partie du système, le gouvernement s'expose inutilement à des constesta-tions répétées. Mais c'est là un autre point de vue.

Le premier point de vue — celui qui me touche davantage, c'est un regret parce que je sais bien que l'article va être voté avec la majorité du gouvernement — c'est simplement peut-être pour sensibiliser le gouvernement à cette dimension que l'objectif véritable qu'on veut atteindre — qui est celui de situations analogues à celle qui nous a été décrite par le député de Saint-Jacques — on ne l'évite pas, au contraire, on pénalise des personnes à qui, dans l'esprit même du gouvernement, au fond, ne s'adresse pas cet article.

(Test tout ce que je voulais dire, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, Mme le député de L'Acadie.

M. le député de Rosemont, avec trois minutes.

M. Paquette: M. le Président, je vais ramasser mes arguments en faveur de l'article 11, très brièvement. D'abord, il faut dire que le projet de loi no 101 tel qu'il est ne s'adresse pas aux individus, premier point. Les individus sont libres d'utiliser la langue de leur choix, que ce soit l'anglais ou le français, devant les tribunaux. Donc l'article 11 concerne uniquement les personnes morales.

Maintenant, on a cité plusieurs cas — il y a deux parties devant le tribunal — le cas où on a une grande entreprise et une petite entreprise. Je pense que dans ce cas, on va tous être d'accord, c'est un cas qui ressemble à celui du député de Saint-Jacques, pour s'assurer que les causes puissent être plaidées dans la langue officielle de façon à protéger les petites entreprises qui sont, en quelque sorte, des individus, qu'on peut assimiler à des individus.

Dans le cas où il s'agit de deux petites entreprises, l'une de langue française et l'une de langue anglaise, faute de pouvoir trancher autrement, on

est encore d'accord que ce soit la langue officielle. Restent les deux cas, à mon avis, couverts par l'amendement que voulait faire le député de Marguerite-Bourgeoys, qui concernent les poursuites en matière pénale et en matière criminelle, où l'un c'est l'Etat qui est l'une des parties, et l'autre partie peut être une grande entreprise ou une petite entreprise. C'est cela que l'amendement, s'il avait été jugé recevable, allait beaucoup trop loin, dans le sens qu'à la limite on aurait pu avoir une cause où l'Etat plaidait contre une grande entreprise, en particulier en vertu de cette loi, et où la grande entreprise aurait pu venir plaider en anglais pour expliquer pourquoi elle ne pouvait pas se conformer à la loi sur la langue officielle. Je pense que l'amendement était beaucoup trop large.

Il reste le cas où l'Etat poursuit une petite entreprise. Quand il poursuit un individu, on est d'accord, c'est exempté de la loi. Il reste le cas où il poursuivrait une petite entreprise. Même dans ce cas, je soutiens que les actionnaires de cette petite entreprise ont suffisamment de protection, même dans ce cas qui reste, parce qu'ils peuvent avoir, bien sûr, un avocat bilingue qui va connaître la langue officielle et la langue du client, ils vont pouvoir avoir des services d'interprétation. On parle d'interprète, dans la Charte des droits et libertés de la personne. L'article 36 oblige le gouvernement à leur fournir un interprète.

M. le Président, quand je fais le tour de toute la question, je me dis qu'il y a peut-être ce dernier cas où on pourrait faire un peu plus. Mais il y a déjà suffisamment de garanties, dans la Charte des droits et libertés de la personne, pour nous faire dire que, toutes choses étant égales, on est mieux avec cet article 11 qu'avec l'espèce de libre choix que nous proposait le député de Mont-Royal, et même qu'avec l'amendement qu'a déposé le député de Marguerite-Bourgeoys qui était beaucoup trop large. C'est tout.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Rosemont. Est-ce que l'article 11 sera adopté?

M. Grenier: M. le Président. Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je constate le changement de président. J'aurais eu un mot à l'égard de l'autre président, mais le siège est toujours le même, la personne seule change.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La présidence est indivisible, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je voudrais vous dire d'abord, M. le Président, de faire mon message ou de faire savoir à la présidence indivisible combien nos idées se rejoignent. Je n'aurais jamais pensé que l'argumentation que j'ai fournie pour le retrait de l'article aurait pu faire un cas de jurisprudence...

M. Lalonde:...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: Mais, je voulais lui signaler que comme on s'entendait sur ce secteur, on s'était tellement entendu dans d'autres secteurs antérieurement, il y a quelques années, c'est à la suite de gestes posés il y a quelque temps.

M. le Président, notre position face à l'article 11 est fort connue jusqu'à présent. Il faut dire que l'Union Nationale a recommandé le retrait de l'article 11 du projet de loi 101, comme je l'ai mentionné à l'occasion du dépôt du mémoire du Barreau du Québec, parce que nous ne le trouvions ni utile, ni nécessaire en regard des objectifs généraux visés par le projet de loi 1 ou 101, lors du dépôt de ce mémoire. Vu que nous vivons dans un système de droit mixte, qui tient ses origines, comme je l'ai déjà rappelé, à la fois du droit français et du "Common Law", la compréhension des textes de loi, de la doctrine, de la jurisprudence au Québec exigera toujours des avocats — ils représentent une personne physique ou morale — une connaissance du français, il faut le dire, une connaissance de l'anglais équitable pour être capables de défendre ces personnes morales.

Conséquemment, nous devrions demander le retrait de l'article, comme l'avait compris la présidence d'il y a quelques minutes, mais comme cela est fort compliqué et que cela exige l'assentiment du parrain, qui est en l'occurrence le gouvernement, c'est absolument impensable et nous devons continuer à travailler dans d'autres sphères d'activité. Dans les circonstances, nous étions ouverts à tous les amendements, sauf peut-être à celui qui nous a été proposé et qui demandait une espèce de parapluie d'Ottawa. Je l'ai dit à ce moment, sur la recevabilité de la motion qui nous était présentée que nous n'étions pas prêts à laisser notre autorité entre les mains d'autres personnes, que nous étions suffisamment adultes pour prendre nous-mêmes nos décisions. Maintenant, que cet article tient compte des droits des parties, que ce soit de l'expression de l'une ou de l'autre, à condition qu'un tel amendement n'aille pas chercher, comme on l'a dit tout à l'heure, ce paternalisme d'Ottawa, c'était une proposition qui était à notre sens inacceptable. A partir de là, nous n'avons pas d'autre amendement à proposer et nous continuons à soutenir ce que nous préconisons depuis le début de l'article 11. Nous demandons que, la position des partis étant suffisamment connue, nous passions au vote sur l'article 11 afin que nous puissions étudier l'article 12.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'avais reconnu le député de Mont-Royal, vous avez sept minutes, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Avec la permission du député de Mégantic-Compton, M. le Président.

Le député de Rosemont a dit que la loi ne vise pas les individus et l'article 11, M. le Président, le fait exactement. Il vise les individus, parce qu'il y a des centaines, sinon des milliers de "personnes morales" qui sont vraiment des individus. Ce sont de petites compagnies. Il ne faut pas dire que l'article 11 ne les vise pas. Il les vise et les affecte.

M. Laurin: La plupart sont françaises...

M. Ciaccia: Non, elles ne sont pas toutes françaises, il y en a d'autres. Les droits individuels de ces personnes sont aussi importants que les droits individuels des autres. Nous sommes dans un domaine où nous parlons d'un système judiciaire, M. le Président, il n'est pas question de ne pas reconnaître les droits de la majorité, il n'est pas question d'assimilation, il n'est pas question de démographie. C'est notre système judiciaire qui va être affecté par cet article.

Quand le député de Rosemont dit que c'est possible que l'Etat prenne des procédures contre ces personnes morales qui sont des petites compagnies, là vous menez à l'autre argument, vous dites: Ces personnes peuvent avoir recours à des systèmes d'interprétation.

Si c'est assez bon pour elles d'avoir des interprètes, je pense que ce serait bon pour tout le monde, ce n'est pas un argument. C'est le justiciable... Non, cela ne s'applique pas à tout le monde, parce qu'un individu...

M. Paquette: Les interprètes, cela s'applique à tout le monde.

M. Ciaccia: ... n'a pas besoin d'interprète parce qu'il peut utiliser sa langue. Une personne morale va avoir besoin d'un interprète, même si, en effet, elle est un individu. L'interprète ne réglera pas le problème, parce que le justiciable qui est affecté par la poursuite, par les procédures, d'après l'argument du député de Saint-Jacques, doit comprendre ce qui se passe, ce que les autres avocats disent, que ce soit l'avocat du demandeur ou l'avocat du défendeur.

Pour ces raisons, puisque ce sont des individus qui sont affectés, ce n'est pas juste d'avoir cet article 11 qui ne leur donnera pas les mêmes droits, ne les mettra pas sur le même pied qu'un autre. Encore une fois, vous créez différentes classes de citoyens.

Je ne parle pas des multinationales, je ne parle pas des grandes compagnies. On tient pour acquis que ces compagnies ont le personnel, les moyens d'engager des francophones compétents. Je pense que les conditions politiques, économiques et toutes les autres ne posent plus le problème comme il y a dix ans, mais on parle des individus maintenant. C'est une autre paire de manches.

En plus de cela, il y a aussi l'argument de l'article 133. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, l'article est là. Le fait que cela fait cent ans que c'est là ne veut pas dire que c'est bon ou pas bon. Il y a bien des choses qui existent depuis plus de cent ans et ce n'est pas le fait que c'est vieux qui fait que ce n'est plus bon. S'il faut le changer, faisons-le par des moyens constitutionnels, mais ne provoquons pas la confrontation. C'est cela qu'il faut éviter, parce que si, par ce projet de loi, vous voulez résoudre certains problèmes, je suis persuadé, M. le Président, que ce n'est pas votre intention et que cela ne devrait pas l'être de créer des provocations et des divisions entre les différents secteurs de la population.

L'article tel qu'il est rédigé, indéniablement, va avoir cet effet, parce que ce n'est pas clair. Cela va à rencontre non seulement de l'article 133, mais d'une décision de la Cour suprême qui a interprété l'article 133. C'est bien beau de dire que la Cour suprême n'a jamais statué; elle a statué. Elle n'a pas statué sur le fait que la province ait le droit de l'amender ou non, c'est vrai. La Cour suprême n'a jamais statué là-dessus, mais la Cour suprême a donné une interprétation claire et sans équivoque de l'égalité des deux langues, le français et l'anglais. Elle l'a fait en Ontario. Elle a déclaré le français aussi égal que l'anglais, en Ontario. Je vous référerais à cette décision de la Cour suprême. Ce serait très intéressant pour vous de la lire.

Une fois que nous avons cela, que nous avons l'article 133 et que nous avons une décision de la Cour suprême... Je vous donnerai la citation quand j'arriverai à mon bureau, je l'ai.

M. de Belleval: Vous n'avez pas l'arrêt?

M. Ciaccia: Je ne l'ai pas ici devant moi, mais je vais vous le donner. Quand nous avons ces faits, je ne vois pas comment on peut aller à l'en-contre, délibérément, des lois et des interprétations qui ont été données par la Cour suprême. Seulement pour la protection de la présidence, quand le président a dit qu'il ne sera jamais nommé à la Cour suprême, ce n'est pas parce qu'il voulait épouser des vues politiques, parce que la présidence ne le peut pas il l'a dit; c'est parce que, comme notaire, il ne pourrait pas être nommé à la Cour suprême, cela doit être cela.

M. le Président, pour ces raisons d'équité, ces questions de droits individuels, de lois qui existent, de constitution qui existe, d'une constitution interprétée par les tribunaux, pour toutes ces raisons, ce serait irresponsable de ma part de voter pour cet article et, par conséquent, je dois voter contre.

M. Lalonde: M. le Président, s'il me reste une minute...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys il ne vous reste plus une minute, plus une seconde.

M. Charron: M. le Président, je demande qu'on mette l'article 11 aux voix.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 11 sera-t-il adopté?

Adoption de l'article 11

Une Voix: A l'unanimité, M. le Président.

M. Lalonde: Appel nominal, M. le Président.

M. Charron: Nominal.

M. de Belleval: Vous voulez enregistrer votre vote favorable?

M. Lalonde: Sûrement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Fallu (Terrebonne)?

M. Fallu: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bertrand (Vanier)? M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay (Taschereau)? M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de Belleval (Charlesbourg)?

M. de Belleval: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Roy (Beauce-Sud)?

Une Voix: Absent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Samson (Rouyn-Noranda), absent. M. Pagé (Portneuf), est absent. Alors, l'article 11 est adopté, neuf voix, pour et cinq, contre. M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: On a terminé l'article 11? Article 12

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui. Article 12.

M. Laurin: M. le Président, l'article 12 est une autre illustration, une autre explicitation des principes énoncés à l'article 1 de la loi qui fait du français la langue officielle, et de l'article 7 qui fait du français la langue de la législation et de la justice au Québec. Cette fois, cette illustration concerne les actes, les pièces de procédure. Il est de notoriété publique que, très souvent, dans le passé, les francophones ont reçu des pièces de procédure émanant des tribunaux et des organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires qui n'étaient pas libellées dans la langue officielle. Ceci n'est pas cohérent, n'est pas logique avec le principe qui est à la base même du projet de loi et qui fait du français la langue officielle et la langue de la législation et de la justice.

Par ailleurs, il y a longtemps que des organismes comme le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre recommande que les procédures écrites devant le tribunal du travail se fassent en français seulement. Il y a longtemps que des citoyens se plaignent de ne pas recevoir en français les pièces de procédure les concernant.

Par ailleurs, cette mesure aura un effet certain sur la francisation de la société québécoise et, en particulier, sur le monde du travail. Ceci incitera sûrement, par exemple, les entreprises à se franciser, à traiter en français avec les employés, avec les syndicats. Ceci incitera sûrement aussi les entreprises à engager des directeurs de personnel parlant français, des conseillers juridiques maîtri-

sant particulièrement bien le français. Ceci respectera le droit non seulement du citoyen, mais également du syndicaliste, du coopérateur, de l'individu, en tant que faisant partie de certains groupes, à obtenir justice dans la langue qui est la sienne. Cette mesure aussi aura un effet encore plus important pour la pénétration du français dans toutes les sphères de la vie collective. Il faut bien voir, en effet, que cette mesure, c'est-à-dire la francisation de toutes les procédures, notamment en ce qui concerne la propriété, les droits civils, le commerce, les opérations financières devant tous les tribunaux du Québec, auront un effet d'entraînement important sur la langue des affaires.

Malgré tout, M. le Président, encore là, nous voulons faire montre d'un sain réalisme et du respect que nous avons à l'endroit des personnes physiques qui ne parlent pas la langue officielle et, en vertu de cet article, ces personnes, après en avoir fait la demande, auront le droit de recevoir en anglais ces pièces de procédure si elles y consentent après que la communication leur en aura été faite, à la suite de leur demande.

Evidemment, cette exception ne touche pas les personnes morales, pour la même raison que nous avons longuement discuté à l'article 11, puisque les personnes morales sont des entités juridiques créées par l'Etat qui peuvent se faire représenter par des conseillers juridiques qui, en vertu de lois adoptées par le Parlement du Québec depuis plusieurs années, savent très bien qu'ils doivent posséder une connaissance de la langue officielle, et savent très bien aussi que depuis juillet 1976 ils doivent posséder la connaissance de la langue officielle. Pour toutes ces raisons, je demande que l'article 12 soit adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 12 sera adopté? Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Le Moignan: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys a appelé la présidence avant le député de Gaspé. D'ailleurs, il faut respecter l'ordre des...

M. Lalonde: M. le Président...

M. Le Moignan: II avait appelé... D'accord, très bien!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous reconnaîtrai en deuxième...

M. Lalonde: M. le Président, il n'y a aucun doute que la première partie de l'article 12 peut régler un problème qui, encore maintenant, existe au Québec, où des Québécois reçoivent, dans une langue qui n'est pas la leur, qu'ils ne comprennent pas des procédures émanant des tribunaux et des organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires.

J'aurais peut-être une question à poser au mi- nistre à ce stade. C'est pour savoir quelle est la signification ou quelle sera l'application de l'article 84 à la situation qui est couverte par l'article 12?

A l'article 84, on prévoit que "l'usage d'une autre langue que celle prescrite par la présente loi continue d'être permis, à moins que la présente loi n'exige l'usage exclusif de la langue officielle". Autrement dit, est-ce que l'obligation voulant que la procédure soit dans la langue officielle est limitative, est exclusive et, surtout quand je lis la dernière phrase de l'article 12, selon lequel ces pièces peuvent cependant être rédigées dans une autre langue, ce qui couvre la situation de l'article 84, si la personne physique à qui elles sont destinées y consent expressément?

Il me semble qu'en l'absence de cette dernière phrase, on pourrait avoir la situation où les pièces de procédure mentionnées à l'article 12 seraient dans la langue officielle, mais pourraient aussi être dans une autre langue, pour permettre à ceux dont l'autre langue est la langue qu'ils comprennent le mieux de recevoir donc des pièces qui seraient dans deux langues. Ce qui m'inquiète, c'est la dernière phrase de l'article 12, qui semble assujettir cette liberté, qui est sûrement voulue par le gouvernement, puisque c'est lui qui a introduit l'article 84, au consentement d'une personne physique. Je demande au ministre si c'est l'intention du gouvernement d'assujettir justement l'usage d'une autre langue, en même temps que la langue officielle, au consentement d'une personne physique?

Je ne sais pas si le ministre veut me répondre ou peut me répondre maintenant. Peut-être qu'il...

M. Laurin: Oui, je vous répondrai à cela.

M. Lalonde: La réponse est extrêmement importante, M. le Président, parce que, en revenant à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, où l'usage de l'une ou de l'autre langue, c'est-à-dire du français ou de l'anglais, est facultatif en de telles matières, si on pouvait ajouter l'article 84 à l'article 12, on se trouverait à créer une situation qui ne serait pas nécessairement en contravention de l'article 133, ce qui permettrait peut-être d'appuyer un tel article. Toutefois, la réduction que je trouve à la deuxième phrase, au deuxième morceau de l'article 12, me semble mettre en doute l'application de l'article 84.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, j'avais bien cru déceler, en effet, que le député de Marguerite-Bourgeoys voulait prendre le gouvernement en flagrant délit de contradiction et, finalement, le mot est sorti à la fin de son intervention, mais je pense qu'il en sera pour ses peines, car l'article 12 n'est absolument pas contradictoire avec l'article 84.

Evidemment, il est trop tôt pour parler de l'article 84, mais je pense que tout le monde le

connaît bien: L'usage d'une autre langue continue d'être permis là où elle n'est pas interdite expressément par le projet de loi. Et ce n'est pas du tout contradictoire à l'article 12 en ce sens que le deuxième membre de phrase de l'article 12, qui semble intriguer le député de Marguerite-Bourgeoys, ne pourrait s'appliquer que dans le cas où une personne physique consentirait expressément, après en avoir fait la demande, à ce qu'une pièce de procédure lui soit expédiée uniquement dans la langue anglaise, par exemple. Ce qui veut dire qu'en vertu de l'article 84 et de l'article 12, les justiciables francophones seront toujours assurés d'avoir une pièce de procédure en français, soit qu'elle soit unilingue française, soit qu'elle soit bilingue.

Donc, il n'y a pas de contradiction.

M. Lalonde: Je vais passer pour l'instant. Je vais tenter de réconcilier la réponse du ministre, qui est très positive, et on me dit que le ministre est un excellent joueur de poker. Je n'ai pas eu l'occasion de jouer au poker avec le ministre, sauf à cette commission.

M. de Belleval: Vous n'avez pas gagné souvent!

M. Lalonde: Non, parce qu'il a tous les as dans son jeu.

M. de Belleval: Vous allez y laisser votre chemise.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Ciaccia: Strip poker.

M. Lalonde: Je vais passer pour l'instant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.

M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: M. le Président, par concordance avec ce qui a été dit à l'article 11 où on n'acceptait pas la distinction telle que formulée entre personnes physiques et personnes morales, je voudrais proposer une motion d'amendement à l'article 12 qui serait très simple et qui va rejoindre, je pense, les vues du député de Marguerite-Bourgeoys, surtout dans le dernier paragraphe de l'article 12.

Voici comment se présenterait cet amendement: A la cinquième ligne, on pourrait remplacer les mots "dans une autre langue" par les mots "dans la langue anglaise" et après le mot "personne", biffer le mot "physique". Ensuite à la sixième ligne, remplacer les mots "y consentent expressément" par les mots "est d'expression anglaise".

Alors, par conséquent, les cinquième et sixième lignes de l'article 12 se liraient comme suit et si on veut reprendre l'article dès le début, pour donner un enchaînement plus complet: "Les pièces de procédure émanant des tribunaux et des organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires ou expédiées par les avocats exerçant devant eux doivent être rédigées dans la langue officielle". Et c'est ici que la motion d'amendement intervient: "Ces pièces peuvent cependant être rédigées dans la langue anglaise si la personne à qui elles sont destinées est d'expression anglaise".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si vous me permettez, je vais relire l'amendement. Je comprends que vous demandez que les mots "dans une autre langue" contenus à la cinquième ligne soient remplacés par "dans la langue anglaise" et que le mot...

M. Grenier: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Grenier: Pour plus de lumière, si vous voulez, toute la première phrase demeure la même et c'est la deuxième phrase qui est changée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord et dans la deuxième phrase, vous changez les mots "dans une autre langue" — s'il vous plaît — par les mots "dans la langue anglaise" et vous biffez le mot "physique" pour le remplacer par?

M. Le Moignan: II suffirait de commencer à: "Ces pièces..." à la page 4, en haut. C'est là que l'amendement intervient.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui. Mais voulez-vous me lire... L'amendement, s'il était adopté, se lirait comment?

M. Le Moignan: L'amendement au complet? A partir du début?

M. Grenier: L'article 12, à la page 3, cette phrase est complète. Il n'y a aucun changement.

Cependant après le point, après le mot "officiel", la dernière phrase doit se lire comme suit, la nouvelle phrase. On a distribué l'amendement, j'imagine. "Ces pièces peuvent cependant être rédigées dans la langue anglaise si la personne à qui elles sont destinées est d'expression anglaise." Cela va?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord! Je déclare l'amendement recevable et, en conséquence, M. le député de Gaspé, vous pouvez parler sur l'amendement.

M. Le Moignan: Justement, je n'en ai que pour quelques instants, je pense que mon argumentation peut se résumer en deux volets. Si on fait ici une reconnaissance des droits des anglophones, ce n'est pas parce que nous sommes

contre les droits des francophones, c'est clairement établi depuis le début déjà. Quand on mentionne que les pièces peuvent être rédigées dans une autre langue, évidemment, ici il doit s'agir de la langue anglaise et non pas d'une autre langue étrangère, parce que cela arrivera tellement peu souvent que le gouvernement ne veut pas dire "anglaise" mais on le sait très bien, comme on l'a dit, ce n'est pas en chinois, ce n'est pas en russe...

M. de Belleval: En cri ou en inuit. Une Voix: En italien.

M. Le Moignan: Mais, de façon générale il s'agit donc de la langue anglaise. On va fermer la parenthèse ici.

Une Voix: En portugais.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Le Moignan: Nous croyons juste et raisonnable que les pièces de procédure qui vont émaner des tribunaux et des organismes judiciaires et quasi judiciaires ou encore qui seront expédiées par les avocats exerçant devant eux soient rédigées dans la langue française ou anglaise selon que la personne à qui elles sont destinées est de langue française ou anglaise. Dans la pratique, je pense que c'est facilement verifiable.

J'ai vu un cas à Gaspé, l'an dernier, où on a servi une sommation en français à une servante, à la maison, qui ne lisait pas un mot de la langue française; les parents étaient sortis et, finalement, les délais sont passés et elle n'a jamais songé qu'elle devait communiquer cet avis que le huissier lui apportait. Cet incident a causé des difficultés. Je pense qu'à ce moment-là si on tient compte un peu des deux langues, cela pourrait simplifier les choses dans bien des cas.

Cette prise de position permet de mieux respecter et dans toutes les possibilités les droits des parties, qu'elles soient dans tes milieux bilingues de langue française ou de langue anglaise.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je pense qu'on a là un bon exemple d'une mauvaise compréhension de la loi. Quand on met dans la loi "dans une autre langue" cela ne veut pas toujours dire qu'on pense à l'anglais. Cela en est un cas. C'est d'ailleurs la même chose que la Charte des droits et libertés de la personne. J'ai cité un article tantôt où on donne le droit à un interprète à tout citoyen qui se présente devant les tribunaux, bien, c'est un interprète pas seulement pour les personnes de langue anglaise, mais pour tout le monde.

Ici, c'est la même chose. On veut couvrir des personnes de langue anglaise, si on regarde la réalité, c'est bien évident; mais on peut avoir un cas où vous avez un entrepreneur italien qui pour- suit un sous-entrepreneur italien et qui voudrait communiquer dans cette langue. L'article le permet. Il ne s'agit pas de faire, autant que possible, des gens d'autres langues, des citoyens de troisième classe ou de deuxième classe. Il s'agit de les mettre sur le même pied que les autres. C'est le but de l'article. Il y a aussi le cas des Amérindiens qui est couvert par cela. D'autre part, quand on dit: "Si la personne à qui elles sont destinées est d'expression anglaise", on a encore le problème de définir cela. Si on veut vraiment appliquer la loi, c'est toujours le même problème, on n'a pas voulu, nulle part dans la loi, définir ce qu'est un anglophone d'expression anglaise, d'une part, pour ne pas faire de discrimination suivant la langue et, d'autre part, parce que c'est extrêmement délicat. Qui est d'expression anglaise, qui est anglophone et qui est d'origine anglaise?

Je pense que l'amendement est assez incompatible avec l'esprit de la loi. Je ne dis pas qu'il n'était pas recevable. Pour une fois, l'Union Nationale nous présente un amendement qui, sous certains aspects, est beaucoup plus restrictif que l'article 12.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que vous êtes prêts à prendre le vote sur l'amendement? M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: D'après les explications du ministre, tantôt, que j'accepte, je pense que l'amendement de l'Union Nationale vient régler un problème qui n'existe pas. Si l'article 84...

M. de Belleval: J'ai failli tomber par terre.

M. Lalonde: ... s'applique, on n'a pas besoin d'avoir un amendement qui dit que cela peut être fait dans la langue anglaise, puisque l'article 84 permet que cela soit dans la langue anglaise, premièrement.

Deuxièmement, c'est extrêmement difficile de dire qui est une personne de langue anglaise.

M. de Belleval: Ciaccia, par exemple.

M. Lalonde: Dans l'application de la loi 22, à un moment donné...

M. Ciaccia: On va avoir des tests.

M. de Belleval: C'est la première fois que vous dites cela, c'est bon.

M. Lalonde: ... on a eu un problème... Par le nom de la personne, c'est impossible.

Des Voix: ... un test.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Lalonde: Dans l'application, à un moment donné, les gens qui s'occupent de catalogues étaient venus...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Lalonde: Sûrement que cet amendement émane d'un bon naturel de la part de l'Union Nationale, mais il fait état quand même d'une compréhension plutôt restreinte des explications que le ministre nous a données en ce qui concerne l'application de l'article 84.

Si l'article 84 s'applique, à ce moment, tout ce que le bonhomme qui a à envoyer l'avis, a à faire, c'est de le faire dans les deux langues. On parle d'un avis bilingue. Je comprends que le bilinguisme institutionnalisé ne plaît pas au gouvernement, mais c'est une exception. Je pense qu'il est un accommodement qui est tout à fait acceptable et qui n'a pas pour effet de créer une situation de bilinguisme institutionnalisé, ce que le gouvernement ne veut pas faire. D'autant plus que, comment voulez-vous appliquer cela en pratique?

M. de Belleval: Les tests oraux de Mme Lavoie-Roux.

M. Lalonde: M. le Président, vous m'avez dit tantôt, en dehors du journal des Débats, que c'était...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je l'ai déclaré d'ailleurs recevable.

M. Lalonde: II faut dire que j'aime quand même la franchise de l'Union Nationale: quand il s'agit d'appeler une langue "langue anglaise", on l'appelle "langue anglaise" et puis on ne frémit pas.

M. de Bellefeuille: II faut appeler un chat un chat.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Paquette:...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, M. le député de Rosemont.

M. Lalonde: On ne frémit pas et on aura l'occasion, dans les articles qui viennent, de montrer au gouvernement que nous n'avons pas de complexe à ce propos. On va peut-être le guérir d'un complexe, à un moment donné, à force de le lui dire. La méthode du marteau, vous savez ce que c'est, répéter sept fois le mot "anglais"...

M. Chevrette: ... la goutte d'eau, M. Lalonde.

M. Lalonde: ... à un péquiste puis un moment donné, il comprend et il perd ses complexes. On verra tout à l'heure, on va avoir au moins l'occasion...

Mme Lavoie-Roux: II diminue son complexe, il ne le perd pas si vite que cela.

M. Lalonde: M. le Président, cet amendement que j'aimerais beaucoup appuyer me paraît quand même superfétatoire...

M. Paquette: On le sait déjà.

M. Lalonde: Je n'ai pas dit "dilatoire", M. le Président, étant donné que l'Union Nationale a contribué fort peu, encore moins que le gouvernement, à retarder nos débats, je pense que compte tenu de l'article 84 et de l'article 12, l'amendement aurait pour effet de restreindre enfin la portée de ces deux articles.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, cela va venir comme une grande surprise, du côté ministériel, mais dans ce cas-ci je suis contre l'amendement pour introduire les mots "langue anglaise".

M. Paquette: Une chance que j'ai parlé des Italiens...

M. Ciaccia: C'est parce qu'on a à l'article 12 la question que les pièces peuvent être rédigées dans une autre langue. Cela ne dit pas l'anglais, cela ne dit pas une langue spécifique, cela dit une autre langue. Cela peut être l'italien, le portugais, le chinois, l'arabe...

M. de Belleval: L'inuit".

M. Ciaccia:... cela peut être tout, mais ce sera un peu difficile d'administrer cette loi, parce qu'il va falloir que quelqu'un de ces différentes langues se tienne à la cour pour faire les pièces dont on parle à l'article 12. Peut-être est-ce une façon de combattre le chômage, mais ce sera un peu difficile à administrer, M. le Président.

Mais si on veut m'accorder un droit et si quelqu'un me poursuit, j'ai le droit de dire que les pièces de procédure émanant des tribunaux doivent être en italien, ce n'est pas à moi à renier ce droit, je l'accepte, je l'accepte aussi pour les 152 autres minorités ethniques. J'espère que le gouvernement a l'intention de vraiment l'appliquer cette loi, que ce n'est pas seulement quelque chose de politique de dire qu'on est en faveur de tous ces différents groupes minoritaires et de ne pas avoir l'intention d'appliquer et de faire les pièces des tribunaux qui vont émaner en chinois, en arabe... Ce sera une première pour ici, mais ce sera intéressant à voir.

Pour cette raison, je vais voter contre l'amendement, quoique le député de Gaspé soit bien intentionné.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, je pense qu'on a lu à la légère l'amendement qu'on a apporté, on n'a vu qu'une chose, alors qu'il y en avait trois. Il aurait peut-être été bon qu'on approfondisse un peu plus cet amendement et qu'on s'y attarde au lieu d'y trouver des poux pour essayer de redonner à l'Union Nationale la claque qu'on lui devait peut-être depuis quelques heures.

M. Lalonde: Pas une claque, mais non, c'est une petite tape amicale.

M. Chevrette: Une tapette!

M. Lalonde: C'est cela, une tapette.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: Nous disons dans notre amendement — si vous avez bien suivi l'amendement... On biffe le mot "physique", c'est un domaine que je n'ai pas vu relevé par le parti ministériel ni par le parti libéral, c'eût été important. Je vous le dis afin que vous le "sussiez". Par concordance avec notre position sur l'article 11, il aurait été important que ce soit relevé par le parti ministériel ou par l'autre parti puisque cela ne faisait plus partie de notre amendement. Les mots "autre langue", c'est la deuxième partie, il reste la troisième. Quant aux mots "autre langue", je consentirais facilement à remettre le mot "autre langue", après l'argumentation fournie par le Parti libéral et par le parti ministériel.

Le troisième argument que personne n'a non plus relevé — ce n'est pas parce qu'on manque d'intelligence, mais j'ai l'impression qu'on manque de repos autour de cette table — c'est l'expression "y consent". Là-dessus, M. le Président, j'aimerais que le ministre nous exprime, nous dise clairement ce que va donner cette expression de la fin du paragraphe "y consent expressément".

Il y avait trois choses bien précises et je me rends compte que le parti ministériel et l'Opposition n'ont pas relevé les deux autres choses. Je pense que la partie physique était un aspect important et la partie "y consent expressément" en était une autre aussi.

M. Ciaccia: Voulez-vous retirer les mots "autre langue"?

M. Grenier: Je serais prêt dans un sous-amendement, si vous voulez, à retirer les mots "autre langue"...

M. Ciaccia: Remettre les mots "autre langue"...

M. Grenier: et remettre les mots "autre langue", au lieu de "langue anglaise", et...

M. Ciaccia: ... et garder votre amendement tel quel?

M. Grenier: Oui, parce qu'il y a deux choses qui, je pense, sont loin d'être claires et j'aimerais les voir éclaircies par un amendement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, j'ai déclaré votre amendement techniquement recevable et il a été reçu. Maintenant que des députés ont parlé sur l'amendement, il ne vous appartient plus, il appartient à la commission et tant que la commission n'en aura pas disposé, vous ne pourrez plus vous-même en disposer. C'est la commission qui va en disposer par un vote. Vous pourrez après revenir — et c'est votre droit et votre privilèqe le plus absolu — avec un nouvel amendement, si vous le jugez à propos.

M. le ministre...

M. Grenier: La question du ministre me... D'accord.

M. Laurin: M. le Président, j'avais expliqué ce que nous entendions par "y consent expressément". Si une personne physique entend recevoir une pièce de procédure exclusivement dans sa langue, elle en fait la demande à l'organisme d'où émane cette pièce de procédure. L'organisme, en ayant été saisi, lui demande si elle consent expressément à recevoir cette pièce de procédure dans cette autre langue — en anglais par exemple — et à ce moment, l'organisme le lui envoie. C'est dans ce sens que la disposition législative nous paraît très ample, aussi ample en tout cas que celle que vise l'amendement que nous suggère l'Union Nationale.

M. Grenier: Le mot "physique", comment l'interprétez-vous?

M. Laurin: Là aussi, je m'en étais exprimé dans ma présentation de l'article lorsque j'avais dit que, pour l'article 12 comme pour l'article 11, le gouvernement entendait faire une distinction entre les personnes morales et les personnes physiques, les personnes morales étant des entités juridiques, définies par l'Etat, n'étant pas des créatures vivantes, qui ne respirent pas, qui ne meurent pas, qui n'ont pas une existence existentielle, organique, et, à ce moment-là, étant des entités juridiques créées par l'Etat, il est presque automatique qu'elles se fassent représenter par des avocats, des conseillers juridiques qui sont soumis aux dispositions de toutes les lois du Québec quant à la connaissance de la langue officielle.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les membres de la commission sont-ils prêts à voter sur l'amendement du député de Gaspé?

M. de Belleval: Rejeté, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Rejeté sur division. L'amendement du député de Gaspé est rejeté sur division.

M. Laurin: Je propose que l'article 12 soit adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 12 sera-t-il adopté?

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, il y a un problème constitutionnel dans cet article 12 que j'aurais aimé voir le gouvernement régler d'une façon plus habile. Il n'y a aucun doute qu'il y a lieu d'assurer d'une certaine façon la remise de pièces de procédure en français aux Québécois et bilingues, à ceux qui le désirent ou enfin lorsque le cas est nécessaire, mais je vois que cet article contredit l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, où on dit: "Dans toutes plaidoiries ou pièces de procédure par devant les tribunaux ou émanant des tribunaux du Canada qui seront établis sous l'autorité du présent acte ou par devant tous les tribunaux émanant des tribunaux du Québec, il pourra être fait également usage, à faculté, de l'une ou de l'autre de ces deux langues".

Or, l'application de 84, avec l'article 12, pourrait amener une situation où on n'a pas le choix, mais où on devrait utiliser les deux langues, soit l'une, la langue officielle, soit les deux. Cette situation est en contradiction avec l'article 133.

Il y a une autre chose, une autre raison, M. le Président, c'est le dernier paragraphe qui dit: "Ces pièces peuvent cependant être rédigées dans une autre langue si la personne physique à qui elles sont destinées y consent expressément".

Cette façon de traiter la réalité des tribunaux, des litiges, est tout à fait irréaliste. En effet, comment pensez-vous que celui qui veut poursuivre une autre personne — il faut qu'elle soit physique ici — M. le Président, vous qui êtes avocat — je ne vous demande pas une opinion légale —

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je l'espère.

M. Lalonde: ...comment voyez-vous la situation où celui qui veut poursuivre va prendre le téléphone et appeler celui qui sera le poursuivi et lui demander: Dans quelle langue veux-tu ton acte d'accusation ou, enfin, la déclaration et le bref d'assignation?

Cela commence bien un litige, M. le Président. C'est tout à fait irréaliste. En fait, on pourrait apporter plusieurs exemples plus ridicules les uns que les autres là-dessus. C'est peut-être inspiré de bonne foi, mais cela a été, à bon droit, je pense, dénoncé par le Barreau comme n'étant pas du tout conforme à la réalité des choses. Il se serait agi pour le gouvernement de nous suggérer des situations qui évitent, comme cela arrive encore — j'en ai des expériences personnelles, comme avocat, entre autres — que des procédures, des pièces de procédure en anglais, soient envoyées par exemple, à des francophones qui ne comprennent pas l'anglais, même s'ils comprenaient l'anglais, que, lorsqu'on est poursuivi, au moins on le soit dans notre langue. C'est, je pense, l'essentiel.

Je n'en ai pas eu le loisir, M. le Président, parce que vous m'avez dit qu'il ne me restait pas de temps tantôt. Je vais vous lire ce que le professeur que j'ai nommé, M. Ganshof Van Der Meersch, de l'Université de Bruxelles, disait à propos de l'emploi des langues en justice: "En matière pénale, les droits de la défense revêtent un caractère particulièrement sacré. Le droit du prévenu ou de l'accusé d'être jugé dans une langue qu'il comprend sera donc garanti." Il disait un peu plus loin...

M. de Belleval: Sauf en Ontario.

M. Lalonde: ... en faisant état de l'expérience de la Belgique: "Ce n'est qu'en 1935 qu'une loi, toujours en vigueur d'ailleurs, a véritablement mis les deux langues nationales sur le même pied pour tout le fonctionnement du pouvoir judiciaire en Belgique." Il faut quand même se souvenir de l'expérience linguistique en Belgique et aussi de la solution la plus récente qui est la solution territoriale. C'est l'unilinguisme et on l'a invoqué lors de l'étude des dispositions concernant la langue de l'enseignement. C'est l'unilinguisme territorial: en Wallonie, c'est le français, et en territoire flamand, c'est le néerlandais.

Un peu plus loin, on dit, à la page 161 du deuxième volume du rapport Gendron: "Heureux — je répète, c'est un mot qu'on n'entend pas souvent ici — sont les pays où, comme en Suisse, les juges peuvent, sans exposer leur jugement ou leurs autres actes à des nullités de procédures, accueillir avec largeur de vue des demandes, des pièces, des communications orales dans une langue autre, que celle que la loi prévoit." Alors, pour toutes ces raisons, il nous sera très difficile d'appuyer l'article 12.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 12 sera adopté? M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au ministre, s'il veut répondre? Dans l'article 12, à la fin, on dit: "Ces pièces peuvent cependant être rédigées dans une autre langue si la personne physique à qui elles sont destinées y consent expressément. Premièrement, pour consentir, il faut que quelqu'un lui demande quelque chose. Est-ce que cela veut dire qu'il faut lui demander si elle veut l'avoir dans une autre langue ou bien si cela veut dire, dans son esprit, que cette personne physique peut exiger que ces pièces de procédures lui soient envoyées dans une autre langue?

M. Laurin: M. le Président, il suffit qu'elle en émette le souhait. Comme c'est le tribunal qui émet ces pièces de procédures, à ce moment, la personne physique consent expressément à les recevoir.

M. Ciaccia: M. le Président, très respectueusement, ce n'est pas cela que l'article dit. Si c'est

l'intention du gouvernement que cette personne reçoive les pièces dans une autre langue, si elle exprime le souhait, il faudrait que l'article dise cela, parce que de la façon dont l'article est rédigé, il faut qu'une demande soit faite à cette autre personne pour chaque pièce. Pour le moment, je laisse la question de chaque pièce, mais il faut qu'une demande soit faite. Si on demande à cette personne si elle veut l'avoir dans sa propre langue ou dans une autre langue, là, elle peut y consentir. Si la demande ne lui est pas faite, il n'y aura pas d'occasion pour cette personne de consentir. Si c'est vraiment l'intention du gouvernement qu'une personne exige ou puisse exiger — une personne physique, limitons-nous à une personne physique pour le moment — que ces procédures des tribunaux lui soient envoyées dans une autre langue, je vous soumets très respectueusement qu'il va falloir que le gouvernement amende cet article pour que cela soit plus clair que c'est cela.

Une fois que c'est fait, je vois difficilement, franchement, d'un point de vue réaliste, comment on pourra le faire pour toutes les différentes minorités. C'est bien louable et c'est bien beau de dire: On va pouvoir avoir les procédures dans notre propre langue. C'est quasiment impensable. C'est de l'anarchie toute pure. Je vais vous donner un exemple. Ce n'est pas que j'aie quelque chose contre les Chinois, mais quelqu'un de langue chinoise pourrait demander que toutes les procédures lui soient envoyées en chinois. Oui, c'est ce que vient de dire le ministre. Une autre langue, si c'est le chinois, il peut l'exiger. Il peut exiger que toutes les procédures lui soient envoyées en chinois. Franchement, si c'est cela la portée de la loi... Je vois le côté ministériel qui dit non. Est-ce qu'il pourrait m'expliquer ce que veut dire l'article 12?

M. Laurin: M. le Président, pour la troisième fois, je vais le répéter. Le gouvernement ici a fait usage d'une figure de style, bien connue en français, qu'on appelle la litote, c'est-à-dire qu'il considère que...

M. Ciaccia: ... c'est un synonyme de confusion.

M. Laurin: ... la demande du député de Mont-Royal est incluse implicitement dans le projet de loi, parce qu'il ne peut pas y avoir consentement à recevoir une pièce de procédure émise par un tribunal, un organisme, s'il n'y a pas eu, au préalable, un voeu, une demande...

M. Ciaccia: Une demande, certainement.

M. Laurin: ... et je signale au député de Mont-Royal que, justement en vertu de l'article 84 dont parlait le député de Marguerite-Bourgeoys, il est probable que cette demande sera très rare, étant donné que rien n'interdit l'emploi d'une pièce de procédure bilingue, en vertu de cet article. Donc, il ne peut s'agir, en l'occurrence, que du cas d'une personne physique qui demanderait ou souhaiterait, d'une façon expresse, qu'une pièce de procédure lui soit envoyée dans une seule langue et, le cas échéant, évidemment, elle consentira expressément à recevoir cette pièce dans cette langue.

M. Ciaccia: M. le Président, je peux suivre le ministre quand il dit qu'il ne peut pas y avoir de consentement sans y avoir de demande. C'est précisément mon objection à cet article, à savoir que si on ne demande jamais à cette personne, elle ne pourra jamais consentir. C'est ça, c'est simple. C'est la logique toute pure. Je ne peux pas consentir moi-même à une demande que je vais me faire moi-même. Comprenez-vous? Je peux seulement consentir à une demande d'un autre. C'est ça que l'article 12 dit, et si l'autre personne ne me le demande pas, je ne pourrai jamais consentir et je ne pourrai jamais avoir les pièces de procédure dans une autre langue. Est-ce qu'il est clair, votre article 12? C'est ce qu'il dit.

Une Voix: C'est ça.

M. Ciaccia: Cela veut dire que vous ne donnez rien. Vous faites encore un "show" dans l'article 12, la question d'une autre langue, le consentement. Si le tribunal, ou le demandeur, ou l'huissier, ou qui que ce soit, parce que ce n'est même pas clair qui peut le demander, ce n'est même pas clair, dans l'article 12, qui va faire la demande.

Cela va être une loi... Franchement, sincèrement, M. le Président, si on veut faire des lois, il faut que les lois soient administrables et il faut que l'article soit clair dans ce qu'il dit. Si le ministre dit qu'un défendeur, un justiciable a le droit de demander les procédures dans une autre langue, qu'il le dise dans l'article 12. Ce n'est pas ce que dit l'article 12.

Bon! Là, on commence à sortir un peu l'honnêteté de l'affaire. Le ministre de la Fonction publique, député de Charlesbourg dit: Ce n'est pas ça qu'on veut. Bon! Là, je viens de recevoir deux réponses contradictoires. D'un côté, le ministre me dit: On veut qu'une personne puisse faire la demande, consente et ait sa procédure dans une autre langue, qui peut être le chinois, l'arabe, le portugais ou toute autre; le ministre de la Fonction publique dit que ce n'est pas ce qu'il veut. Est-ce que le côté ministériel, une autre fois, pourrait m'expliquer ce que dit l'article 12?

M. Laurin: Cela a été expliqué, M. le Président.

M. Ciaccia: Est-ce que... Qui a raison? Est-ce que c'est le ministre des Travaux publics ou le ministre d'Etat au développement culturel... De la Fonction publique, excusez-moi.

M. Laurin: Cela a été expliqué, M. le Président.

M. Ciaccia: Bon! Là, on me dit: Cela a été expliqué. Je soutiens que cet article 12 est un des

plus confus de tout ce projet de loi. Il y a beaucoup d'articles confus dans le projet de loi, M. le Président. Il y en a beaucoup qui essaient de dire des choses pour faire croire certaines choses qui n'existent pas.

M. Chevrette: Une chance que le président a refusé plusieurs de vos amendements.

M. Ciaccia: Celui-ci, je pense que c'est un exemple...

M. Paquette: ... M. le Président...

M. Ciaccia: Je pense qu'on peut l'utiliser vraiment comme exemple de la mentalité, de la confusion du côté ministériel, qui ne veut même pas me donner une explication, parce qu'il ne peut pas la donner. Il sait qu'il n'en a pas.

Alors, M. le Président, il faut appeler un article par son vrai nom. L'article 12 ne dit absolument rien. Il essaie de donner l'impression de conférer des droits, mais quand vous examinez les mots... Là, je peux comprendre de plus en plus pourquoi il n'y a pas d'avocats du côté ministériel, les juristes du gouvernement. Je sais pourquoi ils ne sont pas ici; ils ne pourraient jamais répondre à ces questions-là. Ils auraient honte. Leur visage deviendrait rouge. Ils ne sont pas ici. Là, on nous dit: Moi, je ne suis pas juriste. Cela veut dire ça. L'autre dit: Non, ça ne veut pas dire ça.

Le député de Rosemont est en arrière. Il ne sait pas quoi dire parce qu'il est bien trop honnête, et les autres... M. le Président, je vote contre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, un instant, s'il vous plaît! Bon! C'est au tour de l'Union Nationale par la voix de M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je serai très bref pour vous dire tout mon ébahissement devant les propos qu'on entend de ce côté-ci de la table et non de l'autre côté.

M. de Belleval: On est sans voix!

M. Grenier: De ce côté, on a l'impression qu'on a voulu présenter une motion et on s'interrogeait pour présenter un amendement qui soit reçu, chose rare par les temps qui courent...

Le Président (M. Cardinal): Attaquez-vous la présidence?

M. Grenier: Non. Loin de là. C'est nous qui n'avons pas eu le tour de présenter notre amendement. Cela a quand même fourni au ministre, pendant notre motion, l'occasion de nous donner des explications sur l'article 12, par suite de l'amendement qu'on a proposé, peut-être pas pour nous satisfaire complètement, mais suffisamment pour nous permettre de voter pour l'article 12. Pendant ce temps, le Parti libéral s'éver- tuait à nous dire que notre amendement n'avait pas de bon sens. On avait trois choses dedans; il n'en a découvert qu'une. On a obtenu les renseignements dont on avait besoin. Pendant ce temps, il s'évertuait à dire que notre amendement n'avait pas de bon sens pour dire que l'article 12 semblait être correct. Maintenant que l'amendement n'est plus là, on est en train de s'éplumer de ce côté-ci du Parti libéral à dire que cela a plus de bon sens pour voter pour la motion, sans aucun doute, dans une minute, quand on sera appelé à la voter.

J'y perds non seulement mon latin, mais le peu de grec que j'ai appris.

M. Ciaccia: C'est une autre langue, le grec.

M. Grenier: Je me demande si c'est ainsi qu'on va aider à bâtir, si c'est comme cela qu'on peut ensemble faire une force pour venir à bout de faire fléchir le gouvernement sur certains articles. Bien sûr que l'amendement n'était pas parfait. Bien sûr qu'on aurait pu le modifier en parlant d'une autre langue après avoir parlé de la langue anglaise, mais il y avait là deux autres questions qui étaient fort importantes. Il me semble qu'en toute honnêteté, on aurait pu avoir l'appui du Parti libéral pour nous aider au lieu de venir vociférer deux minutes après la défaite de l'amendement et reprendre les mêmes critiques à l'égard du gouvernement qu'on est en train de faire à l'intérieur d'un amendement.

Je vous dis que je commence... J'ai quasiment envie de ne plus être libéral.

C'est ma seule argumentation là-dessus et on attend pour voter pour l'article 12, même si cela ne nous donne pas évidemment tout ce qu'on désirait. C'est au moins un minimum qu'on peut appuyer.

Le Président (M. Cardinal): Un instant. J'ai une demande de M. le député de Deux-Montagnes que j'ai reconnu.

M. de Bellefeuille: M. le Président, nous avons pu constater dans de précédentes interventions du député de Mont-Royal qu'il aime bien citer certains textes qui font autorité, par exemple, le discours qu'il a lui-même prononcé à Niagara...

M. Ciaccia: ...pour l'autorité, question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Bellefeuille: Discours fleuve, il va sans dire!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: C'était seulement pour répondre au député de Saint-Jacques.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Et je l'ai dit dans mes propos...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, un instant.

M. de Bellefeuille: Et aussi...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Un instant! Bon. S'il vous plaît, mes petits enfants!

M. le député de Mont-Royal, vous soulevez une question de règlement? En vertu de l'article 96, je suppose?

M. Ciaccia: Oui.

Le Président (M. Cardinal): C'est pour cela que je demandais en vertu de quel article.

M. Ciaccia: Je vais être franc avec vous. Je ne peux pas invoquer l'article 96 parce que le discours que j'ai prononcé, il y a une semaine de cela. Alors, je ne peux pas... C'était seulement pour dire au député de Deux-Montagnes la raison... Il sait fort bien pourquoi j'avais cité ce discours.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. C'est un aspect de la question de privilège non admissible.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Le député de Mont-Royal a aussi fait des allusions extrêmement intéressantes à la constitution de la République socialiste de Tchécoslovaquie, mais ce soir, dans la brillante intervention qu'il vient de faire, il était à court d'auteurs. Je voudrais lui venir en aide et lui en proposer un.

Il aurait pu, à l'appui de la démonstration qu'il cherchait à faire, citer Montesquieu qui, dans l'Esprit des lois, écrit: "Les lois ne doivent point être subtiles. Elles sont faites pour des gens de médiocre entendement. Elles ne sont point un art de logique, mais la raison simple d'un père de famille".

Ceci dit, M. le Président, bien que je partage cet avis de Montesquieu que le député de Mont-Royal semble avoir repris à son compte, je considère néanmoins que l'article qui est devant nous est suffisamment clair et procède effectivement de la raison simple d'un père de famille.

Merci, M. le Président.

Une Voix: II n'a pas compris.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Rosemont. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Je ne sais pas ce que cela a ajouté, mais merci beaucoup quand même.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Je l'ai manquée celle-là, et c'est probablement mieux qu'il en soit ainsi. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, j'espère qu'avec mon intervention le député de Mont-Royal va comprendre l'intervention précédente.

Je pense qu'il faut interpréter ceci. Comme vous l'avez dit, personne ne peut consentir, si on ne lui demande rien. Je pense qu'il faut interpréter l'article comme suit: Pour recevoir une pièce dans une autre langue que le français il faut que l'émetteur et le récepteur soient d'accord. Il faut que les deux soient d'accord. Dans les cas où l'un des deux n'est pas d'accord, par exemple, celui qui expédie la pièce, s'il n'est pas d'accord, il ne demandera pas à la personne qui la reçoit si elle consent. Si la personne qui reçoit, maintenant n'est pas d'accord, elle n'y consentira pas. Dans l'un ou l'autre cas, cela va se passer, comme c'est normal, dans la langue officielle. Cela veut dire que si un avocat de langue italienne vous envoie une pièce de procédure et que vous, vous êtes de langue italienne, il n'y a absolument aucun problème, vous êtes d'accord tous les deux. S'il y en a un des deux qui n'est pas d'accord, cela va se passer dans la langue officielle. C'est normal.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il me reste quelques minutes?

Le Président (M. Cardinal): II vous reste douze minutes.

M. Ciaccia: Merci. Je ne prendrai pas ces douze minutes à moins qu'on ne me provoque. M. le Président, cela revient à dire que, à l'article 12, j'accepte l'explication que le député de Rosemont vient de me donner, c'est comme cela que je l'interprète. Oui. Mais ce n'est pas ce qu'a dit le ministre d'Etat. Le ministre d'Etat a laissé clairement entendre que cela dépendait de celui qui recevait la procédure.

M. Paquette: Non, l'ultime...

M. Ciaccia: Je ne demanderai jamais à un Chinois s'il veut être poursuivi en chinois. Cela ne sera jamais demandé. C'est ridicule de dire de laisser entendre, de donner des explications qu'on peut qualifier du moins de malhonnêtes, de dire qu'une personne peut le demander. Il ne peut pas le demander s'il n'est...

M. Paquette: M. le député, cela veut tout simplement dire que l'objection...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre!

M. Paquette: Est-ce que vous permettez, monsieur...

Le Président (M. Cardinal): Non, non. Vous ne vous adressez pas à M. le député, vous vous adressez à la présidence après avoir demandé la parole. M. le député de Mont-Royal.

M. Paquette: Est-ce que je pourrais poser une question au député de Mont-Royal?

Le Président (M. Cardinal): Certainement, s'il veut bien consentir à ce que vous la posiez.

M. Ciaccia: Certainement, M. le Président.

M. Paquette: Est-ce que les réserves que vous avez posées lors de l'amendement de l'Union Nationale stipulant que c'était inapplicable, que c'était trop large, que cela n'avait pas de bon sens, qu'on n'était pas pour avoir un personnel qui pourrait lire le chinois, cela n'a aucun sens est-ce que vos réserves tombent? Est-ce que vous ne trouvez pas l'article un peu plus réaliste maintenant qu'on est tombé d'accord sur l'interprétation?

M. Ciaccia: Je trouve l'article totalement malhonnête. Non seulement je ne le trouve pas réaliste, mais je le trouve malhonnête.

M. de Belleval: Est-ce que, plus tôt, on ne vous l'aurait pas expliqué?

M. Ciaccia: Pensez-vous qu'un demandeur qui poursuit le défenseur va lui demander dans quelle langue il veut être poursuivi? Il va le faire dans la langue qu'il veut, lui. Le demandeur... Ecoutez, ceux qui pratiquent le droit...

M. Paquette: Vous avez un client anglais.

M. Ciaccia: Demandez aux avocats dans votre côté. On en a des avocats. Je suis avocat. Les avocats vont faire la vie aussi difficile que possible au défendeur pour gagner leur cause. Ils n'iront jamais faire des accommodements. Dans votre loi, c'est ce que vous dites. Vous dites que si le demandeur veut faire un accommodement, ce n'est pas la loi qui le fait, ce n'est pas le gouvernement qui lui donne ce droit. Ce n'est pas du tout la même chose. Ce n'est même pas assez clair. Cela laisse entendre, vous ne le dites même pas, qu'il peut consentir seulement si on le lui demande. Je trouve cela un peu malhonnête, je vais vous le dire. D'accord? Il a fallu une demi-heure pour vous arracher cela, pour vous faire dire: Oui, c'est vrai, c'est seulement si on le lui demande. Cela fait une demi-heure qu'on dit cela et cela fait une demi-heure qu'on nous le nie. Cela fait une demi-heure qu'on dit: Non, non, non, naturellement, le consentement... Je vous invite à relire le journal des Débats, vous allez voir l'explication que m'a donnée le ministre d'Etat.

Si c'est cela que vous dites, je trouve que vous n'accordez pas grand-chose au défendeur et vous le faites de telle façon qu'il ne comprend pas vraiment. Il peut être induit à croire qu'il peut demander dans une autre langue, quand vraiment, il ne le peut pas.

Vous n'allez pas combattre le chômage avec cela, parce que vous ne pourrez jamais employer assez de monde, les demandeurs ne le demanderont pas. Ils ne donneront pas ce droit aux défendeurs. Une autre raison de plus pour voter contre.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît.

Le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Juste pour préciser qu'on se rend compte de plus en plus que notre amendement de tout à l'heure, avec ce que j'étais en train de retirer...

Le Président (M. Cardinal): Cet amendement n'a-t-il pas été rejeté?

M. Ciaccia: C'était mieux, mais il est contre.

M. Grenier: C'est à cela que je veux faire allusion. C'est simplement pour vous dire que cet amendement avait deux choses fort contestées. Le député de Mont-Royal m'a demandé, sans que ce soit enregistré au journal des Débats, si j'étais prêt à retirer la partie du centre qui a semblé faire rire les ministériels; c'était celle-là qu'on aurait précisée avec l'amendement. C'est cela qu'on y avait vu. Le député de Mont-Royal me l'avait signalé, sans passer par le journal des Débats. C'eût été probablement important qu'on le fasse à ce moment, puisque c'est loin d'être clair. Le député de Rosemont vient justement de défendre une position qui était loin d'être semblable à celle du ministre, qu'on a vue il y a une dizaine de minutes.

Je pense que notre amendement avait sa place. J'aimerais cela qu'à l'avenir on soit un peu plus prudent quand on fait une proposition. Ils sont si rares les amendements qui sont acceptés, d'abord, parce qu'ils ne concordent pas avec vos exigences, et c'est normal, on s'attend à cela. Mais quand on en propose qui sont recevables, je pense qu'on devrait s'efforcer pour voir tout ce qu'ils comportent avant de les rejeter du revers de la main, par un vote, comme on l'a fait. Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de la Fonction publique.

M. de Belleval: M. le Président, j'ai l'impression que tout cela repose un peu sur un malentendu de la part du député de Mont-Royal. Si on regarde ses deux collègues qui l'accompagnent, eux, ils ont très bien compris dès le début...

M. Lalonde: Parlez pour vous-même. M. de Belleval: ... de quoi il s'agissait.

M. Chevrette: Asseyez-vous à la table, si vous voulez parler.

M. de Bellefeuille: Comme cela, c'est un peu moins irrégulier.

M. de Belleval: La confusion qui existait dans l'esprit, involontairement, bien sûr, du député de Mont-Royal, il l'a attribuée... On se rend compte qu'elle existe entre lui et le député de Mégantic-Compton, mais qu'elle n'existe pas entre lui, le député de L'Acadie et le député de Marguerite-Bourgeoys qui, depuis le début, ont très bien compris de quoi il s'agissait.

M. Lalonde: M. le Président, en vertu de l'article 96.

Le Président (M. Cardinal): Oui, un instant.

M. Lalonde: En vertu de l'article 96, M. le ministre de la Fonction publique est dans les patates.

M. de Belleval: Non, c'est le ministre de l'Agriculture.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Madame et messieurs.

M. Lalonde: II a mal interprété mes propos. Je partage les problèmes...

M. Chevrette: Les problèmes, oui.

M. Lalonde: ... de compréhension de cet article 12 qui est mal inspiré, irréaliste anticonstitutionnel, ridicule, et nous allons voter contre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, est-ce que vous êtes déjà nommé juge?

M. Lalonde: Non, M. le Président, pas encore.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais invoquer l'article 96.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne peux laisser passer les propos du député de Charlesbourg sans commentaire. Il n'y a pas de confusion dans mon esprit...

M. Guay: II n'y a pas d'esprit.

M. Ciaccia: ... quant à la portée de l'article 12. La confusion, elle existe dans l'article 12 et je l'ai porté à l'attention des députés ministériels. Mais, comme d'habitude, ils n'acceptent jamais les suggestions, les recommandations qu'on peut faire. C'est seulement après avoir insisté, après une demi-heure, que le député de Rosemont, dans son honnêteté, a dit que c'était cela. Il n'y a pas de confusion de notre côté, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Vous me permettez, M. le député de Mont-Royal. Le parti ministériel ne m'aimera pas, je n'ai pas à juger de la rece- vabilité d'un article, mais purement d'une motion d'amendement.

Est-ce que l'article 12 sera adopté?

Des Voix: Sur division.

Le Président (M. Cardinal): Adopté, sur division? Article 12, adopté sur division. Un instant, s'il vous plaît.

J'appelle l'article 13 qui, pour le moment encore est le dernier article du chapitre 3. Article 13.

Article 13

M. Laurin: Oui, il y a peu de choses à dire, M. le Président. Encore une fois, c'est la dernière illustration ou explicitation à ce chapitre des principes énoncés à l'article 1 et à l'article 7 que le français est la langue de la législation et de la justice.

Ce principe doit trouver son explicitation, finalement, dans un acte rendu par un juge qui est le jugement. Nous disons, dans cet article, que le jugement doit être rédigé en français et, pour faire droit à la réalité, si nous constatons que certains juges ne peuvent pas encore l'utiliser d'une façon qui leur sied, qui leur paraît conforme pour rendre véritablement leur pensée, nous leur permettons, en vertu de cet article, de rendre leur jugement dans leur langue, c'est-à-dire en anglais, mais à condition que ce jugement soit accompagné d'une version française dûment authentifiée et conformément au principe énoncé plus haut: seule la version française de ce jugement est officielle.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Les membres de cette commission se souviendront, M. le Président, qu'à plusieurs reprises, en commission parlementaire, les différents organismes se sont inquiétés de cet article. En particulier, le Barreau avait fait un assez long plaidoyer au sujet de cet article.

Comme le ministre vient de le dire, la première phrase de l'article veut tenir compte d'une réalité et, de fait, présume qu'il se pourrait qu'un jugement soit rendu dans une autre langue — enfin, c'est ce que j'ai compris — puisqu'on dit que les jugements rendus doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée, ce qui évidemment laisse sous-entendre que le jugement pourrait être rendu dans une autre langue. Dans ce sens, comme il le disait lui-même, il tient compte de la réalité.

Là où plusieurs s'inquiètent, c'est sur la dernière phrase de l'article 13, qui est extrêmement courte mais qui, néanmoins, peut créer des difficultés et peut non pas améliorer la justice, mais peut-être en réduire la qualité auprès des gens qui devront la subir, c'est lorsqu'on dit "seule la version française du jugement est officielle". Je pense que tous admettent, et d'autres ont fait des représentations dans ce sens avec une argumentation assez précise, que la rédaction d'un jugement doit être très nuancée, très explicite. C'est pour

cela, d'ailleurs, je pense, qu'on reconnaît, dans l'article, le fait que, dans certains cas, il pourrait arriver que le jugement soit rendu dans une autre langue.

Ceci, évidemment, suppose une traduction puisqu'on parle d'une version française dûment authentifiée. C'est à ce moment que les points d'interrogation se posent. Non, la question ne se pose pas, on dit: "La version française sera la version officielle" et même si elle est une traduction du jugement original. C'est dans ce sens que nous voudrions présenter un amendement, M. le Président, qui se lirait comme suit: "Que l'article 13 soit modifié en remplaçant, dans les quatrième et cinquième lignes, les mots "Seule la version française du jugement est officielle" par les mots "Les deux textes sont officiels. En cas de divergence, le texte original prévaut".

L'article amendé se lirait comme suit: "Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en langue française ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée. Les deux textes sont officiels. En cas de divergence, le texte original prévaut".

Je pense que l'esprit de cet amendement est de s'assurer que la justice a vraiment préséance sur la question linguistique dans un domaine aussi délicat que celui-ci. On vous a transmis la copie, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, j'ai le texte devant moi, j'en ai autorisé la distribution. Je ne sais pas si les députés en ont déjà copie.

J'ai déjà lu le texte et, encore une fois — c'est normal à tous les articles — je me pose une question sur la recevabilité et, comme je l'ai toujours fait...

Mme Lavoie-Roux: Dites-le en français.

Le Président (M. Cardinal): ... je permettrai à un membre de chaque parti, pendant un temps n'excédant pas environ cinq minutes, de s'expliquer.

Mme le député de L'Acadie sur la recevabilité ou sur la motion?

Mme Lavoie-Roux: M. le Président c'est seulement pour vous souligner...

Le Président (M. Cardinal): Que...

Mme Lavoie-Roux: ... une toute petite erreur qui s'est glissée. On aurait voulu reprendre le texte même de l'article 13, à la troisième ligne de l'article amendé "doivent être ridigés en français" au lieu de "en langue française". C'est un détail, mais avant qu'on le soulève, j'aime autant...

Le Président (M. Cardinal): D'accord, j'accepte cette correction.

Je vais lire justement la motion d'amendement à l'article 13 de Mme le député de L'Acadie.

Que l'article 13 soit modifié en remplaçant, dans les quatrième et cinquième lignes, les mots "Seule la version française du jugement est officielle", par les mots "Les deux textes sont officiels. En cas de divergence le texte original prévaut."

Si cet amendement était jugé recevable et adopté, l'article amendé se lirait comme suit: II y aurait là une correction à apporter au texte que vous avez devant vous. "Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée. Les deux textes sont officiels. En cas de divergence le texte original prévaut."

Si vous permettez une remarque préliminaire avant que vous ne m'informiez sur la recevabilité, en vertu de l'article 65, paragraphe 2, je me permettrai une suggestion au parrain de la motion. Cette habitude qu'on a peut-être prise de dire que tel article sera modifié en remplaçant dans la quatrième ou la cinquième ligne, telle chose ne me paraît pas tout à fait usuelle. L'on devrait dire normalement qu'après le mot "authentifiée", que l'on remplace les mots: "Seule la version française du jugement est officielle" par les mots "Les deux textes sont officiels, etc.", mais, comme il n'est pas nécessaire qu'il y ait un débat là-dessus, je pense que l'on acceptera que je fasse moi-même cette modification qui ne touche pas du tout au fond de la question. Oui, M. le ministre de la Fonction publique.

M. de Belleval: Sur la recevabilité.

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez et vous devrez me le permettre, je donnerai la parole, au parti qui a proposé la motion, sur la recevabilité.

M. Lalonde: M. le Président, je pense que nous sommes devant une motion d'amendement tout à fait recevable, conformément à l'interprétation de nos règlements. Il s'agit d'une motion qui remplace des mots par d'autres, comme l'article 70 nous l'impose. Il s'agit d'une motion qui n'a pas pour effet d'écarter la question principale, la question principale est de savoir quelle sera la version, dans le cas de deux versions. Naturellement, l'amendement n'a d'effet que lorsqu'il y a deux versions, c'est-à-dire lorsque le jugement est écrit dans une langue autre que le français, pour employer une expression chère à ce gouvernement. C'est là qu'est le principe. L'article 13 suggère que ce soit la version française. Nous disons que les deux versions, c'est-à-dire le texte dans lequel le jugement a été rendu qui serait d'une autre langue que la langue française serait aussi officiel, mais en cas de divergence, entre les deux textes — c'est sous-entendu naturellement dans l'amendement— c'est le texte original qui prévaut.

M. le Président, cet amendement change quelque chose, modifie l'article 13, comme vous avez déjà mentionné qu'un amendement devrait le faire. Il ne va pas à l'encontre de la question principale. Il ne l'écarte pas. Il remplace des mots par

d'autres. Je pense que c'est le cas classique d'un amendement qui doit être reçu.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de la Fonction publique sur la recevabilité de la motion.

M. de Belleval: Effectivement, M. le Président, l'amendement est classique. Il est devenu classique à cette commission puisqu'il est irrecevable, et que la plupart des amendements qui ont été proposés ont effectivement été déclarés irrecevables, tout aussi classiquement que celui-ci. Il est irrecevable, bien sûr, parce qu'il va d'abord contre l'article 7, que nous avons adopté il y a quelques heures, qui dit que le français est la langue de la législation et de la justice au Québec. Il est aussi irrecevable parce qu'il va à l'encontre de l'article 1 de cette charte qui dit que le français est la langue officielle du Québec. Or, on se retrouverait maintenant, après avoir accepté ce principe et avoir accepté cet article, à dire qu'il n'y a plus une seule langue officielle qui est le français, mais que dans le cas des jugements, il y a deux langues officielles: la langue officielle et l'autre langue, c'est-à-dire l'anglais. Bien entendu, il s'agit d'une contradiction, d'une absurdité, puisque le législateur ne parle pas pour rien dire — vous me corrigerez là-dessus s'il y a lieu, mais je ne pense pas avoir besoin de correction — et que si le législateur a décidé qu'il y avait une langue officielle, c'est que tous les autres articles du projet de loi doivent dire exactement la même chose. Pour cette raison, et pour la même raison pour laquelle vous avez refusé plusieurs amendements semblables, je vous suggère de rejeter cet amendement comme irrecevable.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, d'abord, je voudrais que cet amendement soit reçu pour la raison principale que nous en avions un semblable — c'est bien important — Comme argumentation, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Paquette: C'est fort, cela.

M. Grenier: ...c'est fort cela. J'ai voulu le placer comme premier argument. Le deuxième, c'est qu'il est conforme à l'article 70 de nos règlements qui dit qu'on remplace des mots par d'autres mots. Je pense qu'il n'affecte en rien le principe de la première phrase de l'article qui est déjà en place. Au-delà du règlement, il faut prendre conscience du fait que l'article actuel touche des droits de parties qui peuvent être affectées dans un sens ou dans l'autre. Pour ces raisons et pour d'autres tout aussi bonnes, je demanderais qu'il soit reçu.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, si je peux ajouter à l'argumentation du ministre de la Fonction publique, qui est dirigée dans le sens suivant, à savoir qu'étant donné que l'article 1 fait de la langue française la langue officielle...

M. Guay: Question de règlement, M. le Président, il me semble que vous avez donné la parole à un représentant par parti, et nous en sommes au deuxième de l'Opposition officielle.

M. Lalonde: Non, le même représentant.

Le Président (M. Cardinal): Non, c'est la même personne.

M. Guay: Oui, mais une fois.

M. Lalonde: Pas nécessairement.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. C'est que j'ai dit un maximum de cinq minutes.

M. Chevrette: Vous aviez dit brièvement.

M. Lalonde: J'ai été très bref, M. le Président. L'argument du ministre de la Fonction publique va dans le sens suivant: Le français est la langue officielle du Québec. Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec.

Donc, on ne doit pas, mais jamais, reconnaître un statut quelconque à la langue anglaise, quoique, à l'article 10, on le fait, à l'article 11 aussi, une autre langue, enfin, sinon l'anglais, à l'article 12 aussi, et aussi dans d'autres articles, M. le Président, où on permet les communications dans une autre langue, on reconnaît, ce que je veux dire, un statut quelconque, un statut différent...

Mme Lavoie-Roux: ... vous n'avez pas le droit d'influencer la présidence.

M. Lalonde: M. le Président, je suis sûr que l'avis que vous venez de recevoir du...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Jonquière n'est pas membre de la commission.

Mme Lavoie-Roux: Alors, ça vous permet d'écrire...

Le Président (M. Cardinal): Oui, justement, il n'a pas droit de parier.

Mme Lavoie-Roux: II peut écrire.

Le Président (M. Cardinal): Madame, vous êtes très astucieuse.

M. le député de Jonquière est membre de la banque des présidents, en vertu de la décision adoptée par la commission...

M. de Belleval: La banque de l'unité...

Le Président (M. Cardinal): ... permanente et élue de l'Assemblée nationale.

M. Lalonde: M. le Président, ce que je veux dire, c'est qu'on reconnaît partout dans cette loi l'usage, on accepte, on tolère, parfois, l'usage d'une autre langue, et même, à quelques reprises dans la langue de l'enseignement, la langue anglaise. Dans la langue de l'enseignement, il s'agit de l'enseignement en langue anglaise. Alors, on reconnaît un statut à la langue anglaise, un statut différent selon les circonstances, et il n'y a aucune contradiction à ce qu'on reconnaisse, dans le cas de jugements rédigés dans une langue autre que le français, un statut à cette langue pour ces jugements. C'est tout ce que notre amendement tend à faire, reconnaître de façon expresse, et je ne m'adresse pas, naturellement, à la dernière partie de notre amendement qui, au cas de divergence, dit que le texte original prévaut. Je pense que l'argument de la recevabilité là-dessus ne tiendrait pas, l'argument du ministre de la Fonction publique. On reconnaît donc, à diverses reprises, dans divers articles de ce projet de loi, un statut quelconque, un statut de langue d'enseignement, à un moment donné, un statut de langue de communication à l'intérieur, pour une autre langue, pas nécessairement l'anglais, mais pour une autre langue de communication interne pour les commissions scolaires dont la majorité est administrée, etc., je ne veux pas revenir sur tous les articles.

Alors, le fait qu'on reconnaisse un statut à un jugement rendu dans une autre langue n'est pas du tout contradictoire avec l'article 1, ni avec l'article 7, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de la Fonction publique.

M. de Belleval: Très brièvement, M. le Président, bien entendu, dans différents articles, on reconnaît un statut à une autre langue, mais un statut de langue d'usage, bien sûr, et non pas un statut de langue officielle.

Deuxièmement, M. le Président, non seulement, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'amendement va contre le principe même de la loi et, en vertu de l'article 58, comme vous le savez, M. le Président, une commission ne peut modifier le principe d'une proposition qui a déjà été acceptée par l'Assemblée, mais, plus absurde que ça, M. le Président, il se pourrait fort bien — ce serait la conséquence même de l'amendement s'il était accepté — qu'en cas de divergence, le texte original prévaille. On se trouverait donc, M. le Président, avec une loi qui déclare le français comme langue officielle, mais où l'acte le plus officiel peut-être des tribunaux, c'est-à-dire les jugements, pourrait être proclamé en langue anglaise et seul, ce texte, à ce moment-là, serait officiel, puisqu'il prévaudrait, quand il serait le texte original du jugement. Si ce n'est pas la contradiction la plus grande possible de tous les projets d'amendements qui nous ont été soumis jusqu'à maintenant, M. le Président, je vous le demande, peut-on trouver un amendement plus irrecevable que celui-ci où, pour une fois, un jugement écrit dans l'autre langue que la langue officielle serait, lui, le jugement qui prévaudrait?

Le Président (M. Cardinal): J'ai vu que M. le député de Joliette-Montcalm me faisait un signe, mais il sait qu'il n'est pas autorisé à parler...

M. Chevrette: Non, c'était une directive.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, je vous le permets.

M. Chevrette: C'était dans le cadre de la logique du jugement que vient de faire devant vous le ministre de la Fonction publique, puisque cet après-midi... Non, je vais vous poser la question différemment... Cet après-midi, on a décidé par un vote que le texte, pour fins d'interprétation, devait être dans la langue officielle. Est-ce qu'on peut, en toute logique, accepter une proposition qui vise à faire du texte anglais un texte officiel, après avoir tranché la question préalablement? Je vous l'aurais posé sous forme de question, mais le ministre de la Fonction publique...

Le Président (M. Cardinal): Ce sera l'objet de' la décision qui sera rendue.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Juste pour vous signaler que le Barreau lui-même nous dit qu'on doit apporter des modifications. Il suggère, en des mots à peine couverts, la modification de cet article. Je voudrais le rappeler à votre attention.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci, madame et messieurs.

Au sujet de l'article 70 de notre règlement, des décisions sont constamment rendues depuis l'ancien règlement 566, si je ne m'abuse. Déjà, en 1972, en 1973, nombre de décisions ont été rendues. Depuis le nouveau règlement, le même phénomène s'est continué, c'est-à-dire que c'est bien évident que ceux qui plaident pour une cause plaident selon la partie de l'article qui les sert. A l'article 70, il y a au moins deux choses, sans tenir compte de toute l'économie, de la façon de légiférer. L'article 70, dans une première partie, nous donne la technique, purement la technique, d'un amendement, c'est-à-dire qu'on ne peut faire autrement qu'ajouter des mots, retrancher des mots ou remplacer des mots, ce qui a fait rendre plusieurs décisions selon lesquelles on ne pouvait pas remplacer tout l'article ni directement ni indirectement.

L'article 70 nous dit ensuite qu'un amendement est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale. C'est toujours la partie très difficile pour la présidence dans la décision qu'elle a à rendre.

Dans la décision que je vais rendre, je ne tiens pas compte du tout, bien qu'on ait invoqué ce fait qui ne doit en rien perturber la sérénité de la présidence, du nombre de décisions que j'aurais rendues selon lesquelles une certaine motion serait irrecevable ou même recevable.

Cependant, il y a un autre principe que j'ai déjà rappelé au tout début des travaux de cette commission parlementaire lorsque nous avons commencé à étudier, article par article, le projet de loi no 101. Il n'y a pas de risque pour la démocratie, non pas à juger recevable parce que j'ai constaté, dans ce qu'ont dit les trois opinants, qu'ils touchaient tous les trois au fond de la question et, justement, c'est ce qui fait que ce genre de décision est difficile à rendre...

Cependant, je rappelle et je reviens sur cela qu'il n'y a pas de risque pour la démocratie, même si cela prend le temps d'une commission parlementaire, à laisser débattre une question lorsque le doute assaille la présidence sur sa recevabilité, et si fort qu'il lui faudrait suspendre la séance. Mais, de toute façon, l'on perdrait le temps de la commission.

Pour ces raisons, je suis prêt à accepter que l'on débatte de la motion.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous d'ajouter un mot pour que l'on comprenne bien? Je trouve fort habile le parti qui a réussi à parler de l'article 133 sans le mentionner par son numéro.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, Mme le député de L'Acadie, à 22 h 23 minutes.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que je n'ai pas le droit d'interpréter les sentiments qui vous assaillent, mais je les devine et je n'en dirai pas davantage.

J'entendais le ministre de la Fonction publique dire que cela va à l'encontre du principe de l'article 1, que cela va à l'encontre du principe de l'article 7, et qu'à deux reprises des motions qui ont été présentées par les partis d'Opposition, que ce soit nous, que ce soit l'Union Nationale, ont été refusées parce qu'elles transigeaient, si je puis dire, le fameux principe accepté.

Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, même si l'Opposition officielle a accepté le principe du français, langue officielle, au premier article, elle a tenté de faire reconnaître que la langue anglaise soit aussi utilisée pour la législation et devant les tribunaux. On sait ce qui est arrivé, le sort qui a été réservé à ces motions.

Je pense qu'il y a un principe général selon lequel, en matière de justice, un point doit dominer, celui que la justice soit rendue avec la plus grande équité. Et je pense qu'au moment où le gouvernement introduit dans cet article le fait qu'il y a peut-être des jugements qui sont rendus dans une autre langue que dans la langue officielle, il reconnaît que sans doute la justice peut être mieux rendue, si on permet l'utilisation d'une autre langue que la langue officielle.

Tous se souviendront que le député de Deux-Montagnes, lors de la première commission parlementaire qui a entendu les mémoires sur le projet de loi no 1, a signalé, avec beaucoup d'élégance, un dicton ou un proverbe italien qui disait que traduire, c'est trahir. Nous n'avons pas pensé, à ce moment, au député de Deux-Montagnes, mais il reste qu'il nous a servi un argument, que, d'ailleurs, tous soupçonnaient, peut-être pas dans des termes aussi élégants, et connaissaient, qu'il est très difficile, dans des textes de loi ou dans des jugements où on fait intervenir la jurisprudence, qu'une traduction puisse être tout à fait exacte. N'aurait-on que l'ombre d'un doute, à savoir que la traduction ou le texte qui serait retenu comme texte officiel ne soit pas le texte de la langue originale dans lequel le jugement a été rendu, et que cette traduction puisse, sans mauvaise volonté de la part de qui que ce soit, contenir certaines inexactitudes, une seule inexactitude, peut-on, à ce moment, prendre le risque d'aller contre les intérêts d'un individu dans le domaine de la justice?

Je pense que la priorité du gouvernement doit d'abord être de servir les intérêts de la population, des individus dans le domaine de la justice. Il y aurait peut-être lieu, je ne le relirai pas, de lire le paragraphe que citait tout à l'heure mon collègue de Marguerite-Bourgeoys que ce souci de rendre la meilleure justice aux individus doit primer sur la priorité linguistique du gouvernement.

J'aimerais ici citer — parce que je pense qu'il l'a dit en des termes probablement beaucoup mieux formulés que je ne saurais le faire — ce que le Barreau disait devant la commission parlementaire: "Si le juge qui a rendu le jugement doit le faire, comment peut-il être convaincu que la traduction est exacte? Comment peut-il la corriger si, au départ, il considérait que sa maîtrise de la langue française était insuffisante pour lui permettre de rendre son jugement directement en français?" D'ailleurs, c'est ce que le gouvernement a reconnu en introduisant la possibilité de l'utilisation d'une autre langue dans la rédaction des jugements. Je continue la citation. "Nous sommes tous suffisamment au courant des erreurs inévitables dans les traductions par notre expérience personnelle en quelque domaine que ce soit pour pouvoir conclure qu'il peut arriver, à l'occasion, que les versions françaises ne coïncident pas avec la version originale. Les droits des parties pourraient alors en être affectés dans un sens ou dans l'autre."

Si telle chose devait se produire, j'aimerais que le gouvernement nous dise, dans le cas où il n'accepterait pas de voter en faveur de l'amendement que nous présentons, quel recours aurait un individu qu'une traduction priverait de son droit élémentaire à ce que justice lui soit rendue complètement ou que même des torts lui soient causés, même si c'est involontaire, et le résultat d'une traduction pas aussi exacte qu'on la souhaiterait ou d'une interprétation un peu différente du texte original.

Ce n'est pas là voir des risques imaginaires, je pense que c'est une chose fort possible et chacun de nous, même dans des textes de loi, a pu en faire l'expérience quand, des fois, le texte français prêtait à une interprétation quelque peu différente d'un texte anglais et vice versa.

Voici la deuxième question que je voudrais poser au gouvernement. Peut-il nous dire, en dehors du fameux principe qu'il a accepté de la langue française étant la langue officielle, ce à quoi nous soucrivons, que, dans un contexte de justice, dans un contexte de respect des droits des individus — je pense qu'ici personne ne charrie, on est dans le domaine de la justice — ce n'est pas essayer de grossir les choses, d'exagérer les choses. Il s'agit vraiment pour chacun d'entre nous, pour chacun des citoyens, d'un domaine qui le touche dans ses droits individuels les plus stricts. Je pense que là-dessus, on peut peut-être s'entendre — mis à part le principe que nous rappelait le ministre de la Fonction publique, dis-je. le gouvernement peut-il nous dire pourquoi il refuse que les deux textes soient officiels si ceci doit vraiment assurer aux personnes la meilleure justice possible et le respect le plus strict de leurs droits individuels en cette matière.

J'arrête ici pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, Mme le député de L'Acadie. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, je suis heureux que le président ait accepté cet amendement qui est mis sur table maintenant, pour nous permettre de vous signaler que l'Union Nationale ne peut accepter que seule la version française d'un jugement soit officielle, parce que des raisons d'ordre juridique qui concernent les droits des parties en cause, dans un litige, peuvent être lésés par une telle prise de position.

Vous avez certainement pris connaissance de ce que disait le mémoire présenté en date du 31 mai, par le Barreau du Québec, au sujet de l'article 13: "Les jugements rendus au Québec par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en français ou être accompagnés d'une version française dûment authentifiée. Seule la version française du jugement est officielle. Nous sommes heureux de constater que le législateur a clarifié cette disposition de sorte qu'il est maintenant clair que le jugement peut être rédigé en langue anglaise. Nous sommes d'accord, dans un tel cas, sur l'exigence qu'il soit accompagné d'une version française dûment authentifiée. "Nous ne pouvons pas être d'accord, cependant, sur la précision à l'effet que seule la version française du jugement soit officielle. D'une part, l'article 13 ne dit pas qu'il doit authentifier la version française. D'autre part, si le juge qui a rendu le jugement doit le faire, comment peut-il être convaincu que la traduction est exacte? Comment peut-il la corriger si, au départ, il considérait que sa maîtrise de la langue française était insuffisante pour lui permettre de rendre son jugement directement en français. "Enfin, nous sommes tous suffisamment au courant des erreurs inévitables dans les traductions, par notre expérience personnelle, en quelque domaine que ce soit, pour pouvoir conclure qu'il peut arriver, à l'occasion, que les versions françaises ne concident pas avec la version originale. Les droits de ces parties pourraient alors en être affectés dans un sens ou dans l'autre". Il dit ici: "Nous suggérons que l'article 13 précise plutôt que les deux versions du jugement soient officielles et, en cas de divergence, la version originale prévaut, quelle que soit la langue de cette version".1

C'est le Barreau qui nous disait cela, lors de sa comparution en commission parlementaire il y a plus de deux mois. Le 12 août dernier, le bâtonnier du Québec, Me Viateur Bergeron — si c'était un dossier qui faisait l'affaire du ministre, il me semble que j'entendrais dire du ministre, en parlant de Me Bergeron: Cet homme honnête, plein de jugement, intelligent, pondéré, respecté, clairvoyant, profond...

M. Lalonde: Normal.

Mme Lavoie-Roux: Normal.

M. Grenier: ...normal, on aurait tout cela. Je vous le répète parce qu'il a tout cela. Si je le connais c'est qu'il fut mon confrère d'université. Cela ne lui a peut-être pas donné tout cela parce que ce fut mon confrère, mais je peux vous dire en passant que ça ne lui a pas nui. Me Bergeron dit dans la lettre qu'il a adressée au ministre — je vous le dis, M. le Président, parce qu'un ancien politicien me disait: En politique si tu ne te vantes pas, ne compte pas sur tes adversaires, cela n'arrivera pas souvent — en date du 12 août dernier: "L'article 13 du projet de loi est reproduit intégralement. Nous sommes heureux que les jugements puissent être rédigés dans l'une ou l'autre langue selon les aptitudes particulières du juge qui les rend. Cependant, nous entrevoyons des difficultés d'application et d'interprétation multiples. Qui authentifiera les versions françaises? Comment le juge qui a rendu le jugement pourra-t-il la corriger si, au départ, il considérait que sa maîtrise de la langue française était insuffisante pour lui permettre de rendre son jugement directement en français? Que penser des erreurs inévitables dans les traductions? Déjà, en vertu de la loi 22, le ministre de la Justice a la responsabilité de voir à ce que les jugements rendus en langue anglaise soient traduits, et la chose ne semble pas toujours se faire — on ne parle pas de loin, c'est quelque chose de très récent — Les règles seraient beaucoup plus conformes aux règles d'interprétation ordinaires si le texte que nous avions suggéré était retenu". C'est le suivant: "Les deux versions du jugement sont officielles, en cas de divergence, la version originale prévaut, quelle que soit la langue de cette version".

M. le Président, nous en sommes à un article qui est extrêmement important, ce soir, et on se rend compte qu'il est loin de faire l'unanimité. On a été témoin, à cette commission, depuis le début, qu'on a amené devant nous, à l'occasion de l'étude de l'article 69, le ministre de l'Education, pour nous fournir des explications. Lors de l'article sur la réciprocité, on a amené devant nous le ministre des Affaires intergouvernementales. Je ne

doute pas qu'au moment des grandes oeuvres, au moment du bâillon, on amènera ici le ministre de la Fonction publique, le ministre du bâillon, M. Burns...

Mme Lavoie-Roux: Ministre de la guillotine.

M. Grenier: Ministre de la guillotine, ministre de l'électrification des chaises.

Mme Lavoie: Ils ont délégué cela au ministre du bien-être.

Une Voix: Le ministre du plaisir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: Moi, je m'occupe de vos loisirs!

M. Grenier: M. le Président, je pense que devant ces faits...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Motion visant à suspendre

l'étude de l'article 13 pour

entendre le ministre de la Justice

M. Grenier: ...je vous demanderais une chose des plus sérieuse, je demanderais qu'on suspende cet article 13 et qu'on demande au ministre de la Justice de venir nous rencontrer pour nous donner, à nous de l'Opposition, l'information dont on a besoin sur cet article, et ce d'une façon bien précise.

Si c'était là l'assentiment général, qu'on suspende l'article ce soir et qu'on demande, lors de la disponibilité de M. Bédard, le ministre de la Justice, qu'il soit devant nous pour répondre à nos questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Comme la présidence l'a dit, la suspension ne peut se faire qu'avec le consentement unanime des membres de la commission et, à défaut, cela se fait par une motion ordinaire. A ce moment y a-t-il consentement unanime pour suspendre l'étude de l'article 13?

M. Laurin: M. le Président, nous ne consentirons pas à la suspension de l'article, non plus que nous n'accepterons l'amendement qui nous est proposé par l'Opposition.

Contrairement à ce que peut penser le député de Mégantic-Compton, même si le ministre de la Justice n'est pas présent en chair et en os à cette commission, il y est présent en esprit...

Mme Lavoie-Roux: II est rendu loin là. On commence à voir des langues de feu.

M. Lalonde: C'est la meilleure.

M. Laurin: ... a été longuement discuté, a fait l'objet d'échanges...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président, question de directive.

M. Laurin: ... nombreux et fréquents entre lui et moi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Voulez-vous donner la liste des membres, présents en esprit, qui sont à la commission parlementaire, s'il vous plaît!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: L'ancien député de Mercier est présent en esprit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, M. le député de Taschereau!

M. Laurin: De la même façon...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... M. le député de Rosemont, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, M. le député de Mégantic-Compton, M. le député de Châteauguay...

M. de Belleval: II y en a qui sont physiquement présents mais pas d'esprit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... M. le député de Charlesbourg...

Une Voix: Le député de Portneuf...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... M. le député de Deux-Montagnes...

M. Laurin: De la même façon, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... M. le député de Joliette-Montcalm! Je vois que tous veulent être nommés.

Je félicite le député de Saint-Jacques, Mme le député de L'Acadie, M. le député de Mont-Royal. Je redonne la parole au ministre d'Etat. S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Une Voix: Alouette!

M. Grenier: Vu qu'il n'y a pas consentement unanime pour la suspension de l'article 13, j'en fais une motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, vous pourrez refaire votre motion lorsque vous aurez le droit de parole. Vous avez perdu votre droit de parole en y renonçant et la parole avait été accordée au ministre d'Etat.

M. Laurin: De la même façon, M. le Président, les représentations faites par le Barreau et dont ont fait état les membres de l'Opposition nous sont bien connues. Depuis le moment où elles ont été présentées à la commission parlementaire, elles ont fait l'objet encore une fois de discussions nombreuses et fréquentes entre les divers intéressés au palier gouvernemental.

Nous avons, de même, procédé à des consultations auprès de ceux qui pouvaient nous éclairer. Les difficultés qu'on nous a soulevées, qu'il s'agisse de l'interprétation, des jugements, qu'il s'agisse de la traduction des jugements, qu'il s'agisse des délais mêmes dans les traductions faites des jugements, ont été longuement examinées.

Ici, nous devons quand même souligner que, déjà, la loi 22 promettait des traductions qui, dans la plupart du temps, ont tardé à se faire, du fait que les ministres qui se sont succédé n'ont pas mis en place aussi vite qu'ils auraient pu le faire, le dispositif qui aurait pu assurer cette traduction. Il semble qu'on se soit laissé traîner les pieds et qu'en raison de ces circonstances, les abus ou les difficultés qu'on nous signale aujourd'hui ont été plus nombreux qu'ils ne l'auraient dû.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, ces difficultés qui sont réelles ont été longuement examinées par les intéressés.

Par ailleurs, M. le Président, elles ne nous ont pas semblé suffisantes, assez sérieuses pour nous faire renoncer au principe très important qui préside à toute cette loi et au chapitre de l'administration de la justice, étant donné qu'il faut quand même être logique, qu'il faut quand même être cohérent et que, s'il y a une langue officielle au Québec, c'est précisément dans le domaine de la législation et de la justice que cette affirmation doit d'abord s'incarner, doit d'abord se concrétiser.

Par ailleurs, j'ai souvent eu l'impression, à écouter les divers opinants, qu'on gonflait, qu'on exagérait démesurément certaines des affirmations qui ont pu être faites. Depuis le temps que, par exemple, certains juges exercent au Québec, depuis le temps qu'on nous dit que ces juges sont bilingues, depuis le temps que l'évolution se dessine vers une francisation de plus en plus complète de notre société québécoise, il aurait quand même dû être évident, pour ces juges, qu'ils devaient faire un effort de plus en plus marqué pour obtenir une maîtrise de plus en plus grande du français de façon que l'emploi de l'anglais devienne de moins en moins nécessaire.

Par ailleurs, M. le Président, on n'a pas parlé, de l'autre côté de la table, des abus, des injustices mêmes qui ont été faits à certains justiciables francophones, quand, par exemple — le cas, j'en suis sûr, s'est répété à de multiples occa- sions — on pouvait trouver deux justiciables en face l'un de l'autre, francophones, qui, bien souvent, étaient défendus en anglais et qui, bien souvent, devaient recevoir et comprendre des jugements qui étaient émis dans une langue qui était autre que la leur alors même qu'ils sont quand même au premier chef des habitants de ce pays.

Il y a eu, et il y a encore, plusieurs exemples de ce genre. Par exemple, on me signalait encore récemment qu'à la Régie des loyers les jugements sont toujours émis dans la langue de celui dont la demande est déboutée, de celui dont la demande n'a pas été retenue. On me signale aussi qu'à la Cour d'appel il est souvent arrivé que les juges anglophones aient écrit leur jugement en anglais, alors que tous les justiciables parlaient la langue française, et ceci, d'une façon systématique au cours des dernières années. On a masqué ces problèmes ce soir, ou on les a sous-estimés, ou on les a minimisés. On a fait état que des difficultés peuvent se poser à l'un ou à l'autre moment, alors que bien souvent il s'agit de difficultés pratiques que l'on aurait pu régler avant même que la loi 101 ne soit présentée, soit par une meilleure organisation du système judiciaire, soit par une meilleure compréhension des intentions gouvernementales au cours des dernières années.

Il y a des problèmes pratiques, et je pense qu'ils peuvent être réglés sans que l'on renonce aux principes qui président au projet de loi. Par exemple, on n'a pas remarqué que même en ce qui concerne l'application de l'article 11 un délai avait été donné en vertu de l'article 199, délai qui ne rend cet article applicable qu'au 1er janvier 1979. En ce qui concerne les problèmes réels, concrets, que les diverses représentations que nous avons reçues nous ont signalés, qui ont été repris ce soir, nous sommes prêts également à faire face à la musique et à proposer à la commission un délai pour l'application de cet article. Je voulais d'ailleurs m'en expliquer. Je voulais d'ailleurs communiquer cette information à la commission avant même qu'un amendement ne soit proposé. J'entendais dans ma réponse aux interventions que j'attendais sur l'article 13, dire à la commission que nous apporterions le moment voulu un amendement qui se situerait après l'article 199 et qui prévoirait un délai d'application pour l'application de cet article 13, un délai que nous avons voulu suffisamment long, par exemple, le 1er janvier 1980, pour que ceci permette aux divers intéressés de régler les problèmes réels, encore une fois, concrets, qui ont été soulevés par le barreau, par d'autres opinants, par les membres de la commission, en ce qui concerne les difficultés actuelles, difficultés qui parfois se situent au niveau de la traduction, parfois au niveau de l'interprétation, parfois au niveau des délais.

Nous espérons qu'avec ce délai de deux ans et quelques mois le ministère de la Justice pourra rattraper les retards pris par le régime précédent et mettre sur pied un véritable système, un système efficace, de mise en place pour donner effet juridique aux dispositions de la présente loi, ce qui implique, par exemple, la mise sur pied d'un système de traduction efficace, ce qui implique

également pour les juges anglophones la continuation de la préparation qui les habilitera à user davantage et d'une façon plus satisfaisante pour les justiciables et pour eux-mêmes de la langue française.

Aussi à la mise en place d'un système de traduction où les traducteurs eux-mêmes seront peut-être choisis davantage en fonction de leurs connaissances meilleures du domaine juridique et seront peut-être plus capables que par le passé, et en nombre plus grand également, de mieux saisir la pensée de ces honorables juges et de la rendre avec plus de fidélité.

En somme, M. le Président, en deux ans et demi, le gouvernement se croit parfaitement capable de régler, d'une façon efficace, définitive, tous les problèmes qui ont été soulevés ce soir devant la commission et qui nous ont été, d'ailleurs, communiqués bien avant que nous siégions ici, par certains experts. Le gouvernement se croit capable, donc, de remédier à ces difficultés, de les régler d'une façon satisfaisante pour les justiciables sans devoir, pour cela, renoncer aux principes fondamentaux qui ont présidé à l'élaboration de cette loi.

C'est donc pour toutes ces raisons, M. le Président, que, d'une part, nous n'acceptons pas la suspension de la discussion de l'article et que nous n'acceptons pas non plus l'amendement qui nous est proposé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre d'Etat.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, pour reprendre la parole, je pense que c'était une suggestion que j'avais faite. Si c'est pris comme tel et si le ministre l'a prise comme une motion, je dois lui dire que je peux la formuler de façon bien explicite, à savoir que les membres de cette commission suspendent l'étude de l'article 13 pour entreprendre immédiatement l'étude du chapitre IV, la langue de l'administration, des articles 14 à 27, et que l'on reprenne, dès que le ministre de la Justice sera disponible, l'étude de l'article 13 maintenant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, je suis prêt à rendre ma décision immédiatement sur la motion, même si elle n'est faite que verbalement.

Evidemment, si je n'exige pas plus de commentaires, c'est qu'après avoir regardé le règlement de façon très attentive, nous ne voyons nulle part l'existence d'une motion de suspension. Nous voyons l'existence d'une motion de suspension d'une règle de procédure; nous voyons des motions d'ajournement, des motions d'urgence, des motions privilégiées, des motions d'amendement. A aucun endroit ne voyons-nous, en fait, l'existence de motions ayant pour effet de suspendre. D'autre part, en supposant même qu'elle soit acceptable ou recevable, le libellé de votre motion veut que l'article soit suspendu pour entendre le ministre de la Justice. "Ou, jusqu'à ce que le ministre..." Tous savent que la commission n'a pas les pouvoirs d'ordonner au ministre de la Justice de...

M. Grenier: M. le Président, si vous permettez que je précise ma motion, j'ai ajouté une explication, mais ma motion ne comprend que ces mots "que les membres de cette commission suspendent l'étude de l'article 13 et entreprennent immédiatement l'étude du chapitre IV de la langue de l'administration".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Effectivement, il y a eu des demandes de suspension d'articles depuis le début, mais vous vous rappellerez que cela s'est toujours fait par consentement unanime.

M. Lalonde: M. le Président, si vous permettez, question de règlement.

Lorsque le député de Saint-Jacques a fait une motion pour suspendre l'examen des articles 7 à 67 inclusivement, il y avait eu une motion; il y avait eu débat, et nous avons voté contre la motion, M. le Président.

M. Grenier: M. le Président...

M. Lalonde: Vous pourriez vérifier ça au journal des Débats.

M. Grenier: ... il y a des précédents d'établis là-dessus, vous savez. Je veux éclairer votre lanterne, à savoir que vous avez dit tout à l'heure que ça prenait, pour la recevabilité, consentement unanime ou une motion ordinaire. Alors, je veux bien en faire une motion ordinaire qui peut être débattue.

M. Charron: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: ... je m'excuse. J'attends que vous statuiez de façon définitive sur cette motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense qu'à ce stade-ci, il faudrait, évidemment, que la présidence vérifie si c'est bel et bien le cas qu'une motion avait été présentée. Si c'est le cas, évidemment...

M. Lalonde: Je ne suis pas un témoin idoine, avec les preuves à l'appui, mais me fiant à ma mémoire et je vais faire appel d'ailleurs à la mémoire du député de Saint-Jacques qui avait présenté une motion formellement pour suspendre l'examen, l'étude des articles 7 à 67 et passer — je ne me souviens plus du libellé — immédiatement à l'étude des dispositions concernant la langue de l'enseignement. Nous nous y sommes opposés. Il y a eu un débat où je suis intervenu, je me souviens, de façon très catégorique et nous avons voté sur cette motion qui naturellement, a été acceptée étant donné qu'elle était présentée par le parti ministériel.

M. Charron: Je corrobore l'affirmation du député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je m'excuse. J'ai manqué une partie de l'intervention du député de Marguerite-Bourgeoys.

Une Voix: Ce n'était pas important.

M. Grenier: Non. Je pense qu'elle était extrêmement importante.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, pourriez-vous, s'il vous plaît, par écrit, proposer la motion que vous avez présentée tout à l'heure.

J'ai le libellé exact. Quoiqu'il en soit, la présidence sera obligée, à ce stade-ci, de prendre cette question en délibéré pour vérifier les procès-verbaux de la séance où se seraient déroulés les événements en question.

Or, compte tenu de cette prise en délibéré, je redonne la parole au membre qui l'avait, au moment où il l'avait et une décision sera rendue à la séance de demain matin, relativement à la motion d'amendement du député de Mégantic-Compton qui se lit comme suit: "Que les membres de cette commission suspendent l'étude de l'article 13 et entreprennent immédiatement l'étude du chapitre IV, la langue d'administration, articles 14 à 27 inclusivement."

M. Lalonde: Me permettez-vous de demander une directive? Allez-vous statuer sur la recevabilité après avoir entendu les membres de cette commission ou avez-vous l'intention de rendre votre décision immédiatement au début...?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Conformément à une sorte de tradition depuis le début de la commission, d'abord, je vais vérifier les procès-verbaux entre 23 heures ce soir et 10 heures demain matin et que d'autre part, je permettrai une intervention par formation politique.

M. Grenier: Si vous permettez... Je voudrais bien que vous compreniez dans le sens de la recevabilité en attendant que vous ajourniez les travaux, je voudrais vous faire comprendre...

Pour moi, il est important que le ministre de la Justice vienne et qu'on l'entende parce que dans le chapitre de l'éducation, je peux vous dire...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, si les membres de la commission le désirent bien, vous pouvez plaider immédiatement sur la recevabilité, mais je pense qu'à ce stade-ci, ce qu'il appartient à la présidence de faire, c'est de vérifier surtout les procès-verbaux de la séance en question.

M. Charron: Pour vous permettre de faire cette réflexion et parce que c'est aujourd'hui l'anniversaire de naissance du ministre de la Justice, que nous devons retrouver et célébrer avec lui, je propose l'ajournement des travaux de la commission pour aujourd'hui jusqu'à demain.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cette motion est-elle adoptée?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion est adoptée. Les travaux de la commission sont ajournés à demain matin 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 52)

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