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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mardi 24 avril 1979 - Vol. 21 N° 47

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Étude des crédits de la Direction générale de l'énergie


Journal des débats

 

Etude des crédits de la Direction générale de l'énergie

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît.

La commission permanente de l'énergie est réunie pour procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère de l'énergie.

Les membres de la commission sont les suivants: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc), M. Godin (Mercier), M. Joron (Mille-Iles), M. Mercier (Berthier), M. Rancourt (Saint-François) et M. Raynauld (Outremont).

Les intervenants sont M. Baril (Arthabaska), M. Charbonneau (Verchères), M. Dubois (Huntingdon), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gratton (Gatineau), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Michaud (Laprairie) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Avant de passer aux remarques préliminaires, il y aurait lieu de désigner un rapporteur.

M. Michaud: M. le Président, je suggérerais M. Bordeleau (Abitibi-Est).

Le Président (M. Clair): Est-ce que le député d'Abitibi-Est accepte?

M. Bordeleau: Certainement, M. le Président, ça me fait plaisir.

Le Président (M. Clair): Le député d'Abitibi-Est agira comme rapporteur des travaux de cette commission.

Avant de commencer l'étude proprement dite des crédits, respectant en cela la tradition, nous allons entendre d'abord l'exposé préliminaire du ministre délégué à l'énergie, celui du représentant de l'Opposition officielle et celui de l'Union Nationale, dans l'ordre.

M. le ministre délégué à l'énergie.

Exposés préliminaires M. Guy Joron

M. Joron: Merci, M. le Président. Avant de se pencher de façon approfondie sur les crédits de 1979/80 de la Direction générale de l'énergie, la commission jugera peut-être utile que je lui présente un bref aperçu des activités de l'an passé et du programme d'action de la direction générale pour l'année prochaine. L'événement marquant de la dernière année a été, pour nous, la publication, le 20 juin 1978, du livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie. Les orientations et les programmes définis dans cette politique ont conditionné tous nos travaux, depuis, et sont reflétés dans la programmation de la prochaine année fiscale.

En annonçant, lors du discours inaugural du 6 mars 1979, une législation visant la création d'un ministère de l'énergie, le gouvernement affirmait à la fois l'importance des politiques énergétiques du Québec et l'opportunité de mettre en place une structure de niveau ministériel pour les promouvoir.

Si vous le permettez, M. le Président, avant d'aller plus loin, j'aimerais présenter à la commission mes principaux collaborateurs de la Direction générale de l'énergie. D'abord, le nouveau sous-ministre, depuis le 15 mars dernier, M. Claude Roquet, assis à ma droite; le directeur des services administratifs, M. Gagnon, qui est derrière moi; celui des communications, M. Bernard Dagenais; le directeur de l'analyse et de la planification, M. Jean Guérin; le directeur des hydrocarbures, M. Claude Turgeon; celui de l'électricité, M. Denis L'Homme; enfin, le responsable des énergies nouvelles, M. Gilles Saint-Hilaire; celui de la distribution, M. Jean Servais ainsi que MM. Jacques Ruelland et Vincent David, du Bureau d'économie d'énergie.

En ce qui concerne la structure administrative, elle a fait l'objet d'un nouvel examen à la lumière des objectifs du livre blanc. On peut donc prévoir, peut-être à l'occasion de la création du ministère et même auparavant, une certaine adaptation du cadre administratif aux nouvelles orientations énergétiques du Québec. Les crédits 1979/80 prévoient une certaine diminution par rapport à l'année dernière des fonds affectés au secteur énergétique.

Vous vous souviendrez que l'an passé les crédits s'étaient accrus de près de 500%. Pour 1979/80, de $14 millions qu'ils étaient, nos crédits passent à $10 millions, la différence étant surtout attribuable à une meilleure estimation des subventions à verser en vertu du programme d'isolation des maisons et de celles à verser au titre des énergies nouvelles.

Il s'agit là, en effet, de domaines relativement nouveaux, même à l'échelle internationale, et le rythme de démarrage était particulièrement difficile à prévoir. Par ailleurs, l'enveloppe de postes autorisés est passée de 155 à 170, cette augmentation étant surtout attribuable à des transferts de postes du ministère des Richesses naturelles. A mon avis, la direction générale, qui deviendra sous peu ministère, doit demeurer une structure légère, mais de haut niveau correspondant à l'importance des politiques et des intervenants en cause.

Conformément aux orientations précédemment esquissées et aux priorités définies dans le livre blanc, le gouvernement entend continuer son effort de promotion des économies d'énergie. Le principal effort a porté, en 1978, sur le programme d'isolation des maisons unifamiliales construites avant 1946. Bien que les effets directs du programme se soient fait ressentir moins rapidement qu'escompté, ils n'en ont pas moins été significatifs. Pour accélérer le mouvement, le gouvernement du Québec annonçait en janvier de cette

année l'élargissement du programme pour englober l'ensemble des maisons unifamiliales construites avant 1961. Alors que les subventions de 1978 s'établissaient à environ $1 500 000, on peut facilement prévoir $2 500 000 de subventions en 1979/80. Il va sans dire qu'un tel programme, grâce à son effet de sensibilisation sur le public, produit des retombées indirectes allant bien au-delà des sommes versées. Par ailleurs, tout en poursuivant ses activités dans le secteur des petites et moyennes entreprises, grâce à Energie-bus et dans le secteur urbain par voie de thermographie, le Bureau des économies d'énergie est en voie de compléter des études approfondies sur les économies d'énergie dans les édifices à logements multiples, études sur lesquelles le gouvernement pourra fonder son action. Il en est de même pour les problèmes particuliers des régions isolées comme les Iles-de-la-Madeleine, sur lesquelles les travaux du Bureau des économies d'énergie et de l'Hydro-Québec devraient aboutir prochainement.

Il va sans dire que le bureau poursuit ses activités d'animation dans le secteur public et parapublic, commercial et industriel, et s'occupe à dégager d'autres paramètres de notre action future. Du côté des énergies nouvelles, nous avons également vécu une année de démarrage. Il s'agissait, d'une part, d'encourager les compétences et le dynamisme existant au Québec dans ce domaine, en fournissant aussi bien des documentations au public que des incitations financières pour divers projets et recherches particulièrement prometteurs.

D'autre part, la direction générale a jugé essentiel d'engager un certain nombre d'études détaillées susceptibles de servir de base à une activité beaucoup plus systématique et substantielle dans les prochaines années. Nos travaux, jusqu'à maintenant, confirment qu'il se présente pour le Québec, dans ce domaine, à la fois un marché potentiel et des possibilités d'investissement susceptibles d'être très rentables, tant au point de vue de notre développement énergétique que des retombées pour l'économie et l'emploi.

La direction générale entend maintenir et développer son action en faveur des énergies nouvelles. $700 000 de subventions sont prévus à cette fin en 1979/80. En ce qui concerne la Société nationale des énergies nouvelles, envisagée par le gouvernement dans son livre blanc de juin 1978, l'ensemble des travaux accomplis l'an passé nous a permis d'avancer considérablement les études sur cette question. Elles devraient être complétées dans les prochains mois.

Relativement à l'électricité, l'année passée à été marquée notamment par un réaménagement majeur de l'Hydro-Québec et par la création d'une filiale internationale de cette grande société d'Etat. La mission principale de la direction de l'électricité, à savoir de favoriser l'harmonisation des activités de l'Hydro-Québec avec la politique énergétique du gouvernement, a crû en importance avec l'adoption de la nouvelle Loi de l'Hydro-Québec. L'année à venir sera particulièrement significative à cet égard, puisqu'elle verra l'élaboration du programme d'équipement 1985-1990 de l'Hydro-Québec. Des discussions sont en cours avec la société d'Etat pour dégager le contenu et l'ampleur de ce programme.

Au niveau de la distribution, un dossier retient surtout l'attention; il s'agit de l'évaluation des réseaux municipaux pour achat éventuel par l'Hydro-Québec. Les négociations se déroulent normalement.

Finalement, la direction de l'électricité continuera de s'intéresser à diverses questions impliquant nos voisins, vente d'électricité à l'extérieur, interconnection des réseaux, relations avec les autres provinces, etc.

La direction des hydrocarbures se préoccupe de trois secteurs principaux: approvisionnement en hydrocarbures et transport des produits, mise en valeur du sous-sol québécois et surveillance de la distribution. La récente crise iranienne aura, encore une fois, rappelé l'importance des questions d'approvisionnement, d'où l'intérêt que porte le gouvernement à se doter des moyens requis pour protéger les intérêts québécois et éviter toute pénurie. On se souviendra que lors du discours inaugural, le gouvernement a annoncé son intention de légiférer en ce sens, d'où également les efforts accomplis pour encourager une plus grande pénétration du gaz au Québec. Avec l'expansion prévue du réseau gazier, ce dossier devrait progresser de façon décisive et déterminante dans l'année qui vient. Il recevra de notre part, évidemment, toute l'attention qu'il mérite.

En ce qui concerne l'exploration, les efforts se poursuivent directement par les études géologiques de la direction proprement dite et indirectement par l'entremise de la Société québécoise d'initiatives pétrolières, SOQUIP.

Par ailleurs, le service de la distribution, dans le cadre de la Loi sur le commerce des produits pétroliers, continue à surveiller les normes de manutention des produits et plus spécifiquement les dépôts de stockage et de transport par camion-citerne. J'aimerais souligner ici que, lors de la crise, où un certain resserrement temporaire des approvisionnements en huile à chauffage a eu lieu au mois de février, le service de la distribution a joué un rôle de premier plan, en servant d'intermédiaire entre les raffineurs et les distributeurs indépendants.

Je voudrais enfin souligner la portée des travaux de la Direction générale de l'énergie en matière d'analyse économique et financière. Responsable de l'étude des données énergétiques qui servent de fondement à la stratégie gouvernementale, la Direction de l'analyse économique est appelée constamment à jouer un rôle crucial dans la définition ou la réévaluation de nos politiques de l'énergie.

Le débat énergétique tourne souvent, en effet, autour de problèmes d'évaluation de la demande, d'équilibre entre l'offre et la demande, de coûts, de prix relatifs, d'incidences économiques et il est de première importance de disposer, à ces sujets, de données fiables et précises. C'est là le principal

mandat que poursuivra cette direction au cours de la prochaine année.

M. le Président, ce bref résumé, inévitablement incomplet, constitue un survol des activités de la Direction générale de l'énergie. Il pourrait peut-être servir de point de départ pour nos discussions.

Le Président (M. Clair): Le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il est évident que le domaine de l'énergie devient de plus en plus critique et j'aimerais qu'on ait vraiment le temps d'analyser et d'examiner à fond tous les problèmes que le ministre a soulevés ce matin. Non seulement le domaine énergétique affecte notre économie, mais il affecte aussi, il peut affecter notre niveau de vie. Les mesures que nous prendrons, que le gouvernement prendra refléteront la perception que nous nous faisons de notre société.

Puisque le domaine énergétique affecte toutes nos activités, il est évident que les actes et les politiques du ministre délégué à l'énergie toucheront aussi les autres ministères. L'efficacité du ministre et la volonté politique du gouvernement d'assumer ses responsabilités dans ce domaine seront jugées, premièrement, par la façon dont le ministre ou le gouvernement pourra mettre en pratique les politiques que le ministre énonce et, deuxièmement, par la façon dont tous les ministères du gouvernement se conformeront aux exigences des problèmes énergétiques auxquels nous faisons face et aux mesures qui sont énoncées par le ministre.

Le ministre a référé à sa politique du livre blanc; ce n'est pas l'endroit ni le temps d'examiner cette politique. Cependant, j'aimerais passer en revue les mesures spécifiques qui relèvent des crédits que nous allons examiner ce matin et certaines mesures que le ministre a annoncées durant les deux dernières années pour déterminer si vraiment ces politiques ont été mises en application.

Le ministre, ce matin, a référé aux mesures d'économie d'énergie, aux mesures de conservation. Examinons, premièrement, ce domaine de conservation. Je voudrais rappeler, M. le Président, que dès qu'il est devenu ministre délégué à l'énergie, le ministre a déclaré que le premier élément d'une politique énergétique sera la mise en place d'un programme de conservation de l'énergie. (10 h 30)

A la suite d'une entrevue accordée à un journaliste du Soleil, le vendredi 14 janvier, on lisait cette manchette: "La priorité de Joron: économiser l'énergie ". Dans cette entrevue, il a énuméré une série de mesures qui devraient être prises afin d'économiser l'énergie. Le ministre déclarait: "On touchera à bien des domaines: Les normes de construction, le transport des passa- gers et des marchandises, les grosses voitures, etc. Les implications de ces interventions seront énormes dans tous les secteurs de l'activité tel le développement urbain. Le pétrole compte actuellement pour 70% de la consommation énergétique totale du Québec et le transport prend à lui seul la moitié du pétrole, soit 35% de notre consommation totale d'énergie. Cela n'a pas de sens." C'étaient les déclarations du ministre à ce moment-là.

Dans la Gazette du 15 janvier, on rapportait: "Powerful cars face new tax". On devrait taxer les automobiles à haute puissance. Le ministre suggérait qu'il y ait peut-être une taxe de $200 à $300 par année pour les automobiles, comme il le décrivait: "A minister's Buick". En plus, il suggérait une réduction de la vitesse maximale permise à 55 milles par heure.

Le ministre concédait que certaines mesures pourraient soulever un certain ressentiment dans une société qui était habituée à l'utilisation incontrôlée de l'énergie, mais il a dit que le besoin du gouvernement de maintenir un appui populaire avant le référendum, l'effet actuel sur l'indépendance, ne l'empêcherait pas d'agir, et je le cite: "I am not going to worry about the effects this might have on the referendum. Petty politics will not interfere with a sound energy policy, it is not my style." On peut seulement appuyer les sentiments qui étaient derrière ces paroles, si cela a été vraiment mis en application. C'est cela qu'on va examiner un peu ce matin.

Il disait qu'il ne s'inquiéterait pas des effets que ceci pourrait avoir sur l'opinion publique, c'était une saine politique d'énergie avec toutes les conséquences que cela pourrait impliquer, spécialement dans le domaine de l'économie de l'énergie. Il avait aussi déclaré, depuis le début de l'année 1977, qu'il fallait resserrer les normes du Code du bâtiment pour assurer une meilleure isolation des résidences et autres structures. En commission parlementaire, le 21 avril 1977, le ministre déclarait: "Nous n'attendrons pas nécessairement la publication du livre blanc avant d'agir dans ce secteur." Il reste donc déjà à identifier et à annoncer les sujets prioritaires comme, par exemple, les édifices publics et parapublics. Cela peut être beaucoup plus rapide qu'on ne le pense.

Dans le domaine des transports — et ceci est très important — il a dit: "II y a des mesures qui peuvent être prises par le ministre des Transports". Il faut examiner ce qui a été fait, ce qui est prévu dans les crédits. Dans les crédits de juin 1978, le ministre nous confirme le démarrage d'un vaste programme d'isolation des maisons et il déclare qu'une multitude de programmes et de projets sont en voie d'élaboration. On voit un peu de contradiction entre les intentions du ministre et la concrétisation de ces intentions. Il y a deux programmes que le ministre a mis en application, d'après ce qu'on peut voir par les crédits et les déclarations du ministre. Il y a le programme Ener-giebus qui a été mis en marche le 16 novembre 1978, mais c'est un programme qui est financé ou subventionné partiellement aussi par le gouverne-

ment fédéral et c'est un programme qui existe en Ontario depuis 1974. L'autre programme, c'est le programme d'isolation de maisons, programme géré par d'autres ministères qui ont obtenu, selon le ministre, des fonds pour améliorer l'isolation et l'efficacité du chauffage.

Ces deux premiers programmes, l'isolation des maisons et Energiebus ont été mis de l'avant dans d'autres domaines par le gouvernement fédéral. Je ne pense pas que le ministre puisse prendre tout le crédit, quoiqu'on doive dire que c'était un commencement, un pas dans la bonne direction pour l'économie de l'énergie. Il ne faut pas oublier non plus que dans ses déclarations, le ministre affirme, dans sa politique énergétique, que la conservation d'énergie sera de 23% de toute l'utilisation énergétique au Québec. C'est sur un certain nombre d'années. Ces 23%, pour les situer, représentent tout le pouvoir hydroélectrique qui est maintenant en place à l'Hydro-Québec. L'équivalent de tout ce qui est produit aujourd'hui devrait être conservé par des économies d'énergie, par des programmes du gouvernement.

En ce qui concerne le troisième programme, le public et le parapublic, je pense qu'il y a un peu de contradiction, M. le ministre, entre les déclarations du 6 juin 1978 et du 12 décembre de ia même année, où le ministre déclare qu'on prépare un train de politiques venant de divers ministères pour influencer la consommation à la baisse. Donc, nous avons des doutes quant à l'application réelle de mesures spéciales dans les édifices publics et peut-être que le ministre pourrait nous donner plus d'information.

Si nous faisons exception des deux campagnes d'information, l'une faite par l'Hydro-Québec et l'autre faite par le ministère de l'énergie sur le programme d'isolation des maisons, nous n'avons pas beaucoup de choses, en termes de publicité ou d'information au public. C'est un domaine assez important, et je dirais même que c'est une question de. priorité pour le gouvernement. S'il fait faire de la publicité pour la Régie de l'assurance, s'il fait faire de la publicité dans tous les autres domaines, je crois qu'une campagne d'information est assez importante. Or, quand on examine la campagne d'information de l'Hydro-Québec, on est porté à conclure que celle de l'automne 1978 était plutôt une campagne pour vendre l'Hydro-Québec que pour informer le public des façons d'effectuer vraiment des économies d'énergie. On ira plus en détail en examinant les crédits pour voir exactement l'efficacité de ces campagnes.

Il faut comparer le coût de la publicité sur la conservation de l'énergie et le coût de la publicité de certains autres ministères. C'est une question de priorité. Est-ce que le gouvernement a vraiment la volonté politique de mettre en application la conservation de l'énergie? Je ne doute pas du tout de la bonne foi du ministre; lui, il le veut, mais, est-ce que le gouvernement va le suivre? C'est ça qu'on veut examiner. C'est ça qu'on met en doute en tenant compte des actes, des programmes qui sont en place, et des sommes qui ont été déboursées, des déclarations et des études qui sont faites, quand on les compare à des gestes concrets.

J'ai parlé d'un code du bâtiment et le ministre a déclaré, le 6 juin, qu'il était en voie d'élaboration. On voudrait demander quand exactement ce code du bâtiment sera déposé à l'Assemblée nationale parce que, plus on attend, plus il y a du gaspillage. L'été dernier, le Soleil a annoncé que des normes avaient été préparées à Ottawa par un comité indépendant représentant toutes les branches de l'industrie de la construction et formé par le Conseil national de la recherche. La question que je veux poser, c'est: Pourquoi ce retard? Est-ce que le code est prêt? Est-ce qu'il va être déposé? Si on prend le nombre de nouveaux logements qui sont construits, je crois que ça pourrait être un endroit assez important pour effectuer des économies d'énergie.

Dans les secteurs public et parapublic, dans un communiqué de presse du 20 juin 1978, le ministre a dit: "Le gouvernement a déjà procédé à l'analyse du potentiel d'économie d'énergie dans les bâtiments gouvernementaux existants. Cette étude affirme qu'il est possible de diminuer de 45% le niveau de la consommation énergétique. Au prix moyen de l'énergie de 1976/77, on estime, au seul chapitre des bâtiments, pouvoir réduire de $7 millions à $3 600 000 la facture énergétique annuelle, et cela avec un investissement total de $9 millions". Je demande au ministre si ces investissements ont été faits, s'ils sont en train d'être faits et ce qu'il est arrivé à la suite de cette déclaration et de ces études que le ministre a effectuées.

Les transports sont, je crois, un domaine des plus importants, où la plus grande économie d'énergie pourrait être effectuée; si le gouvernement a vraiment une volonté politique, il doit agir; il ne sert à rien que le ministre ait de la bonne volonté, fasse des déclarations et fasse des études pour dire qu'on va économiser l'énergie dans tous les secteurs si le gouvernement ne donne pas suite à ces déclarations. On a des grèves, il y a présentement une grève à la Commission de transport de la communauté urbaine de Québec. M. le ministre, puisque votre ministère affecte tous les autres ministères, je ne pense pas que vous puissiez vous tenir à l'écart et rester en dehors de ces sujets. On ne peut pas dire que cela regarde seulement le ministère du Travail, c'est une question qui touche le gouvernement, cela affecte la conservation de l'énergie, cela affecte, en grande partie, l'économie d'énergie.

Comme il y a eu la grève de la compagnie d'autobus Voyageur, la grève à Québec, ça peut avoir des conséquences assez sérieuses pour l'économie d'énergie. Où on doit être sérieux, où on doit agir, on n'agit pas.

Il y a un secteur où je demanderais au ministre d'intervenir et d'imposer les politiques qu'il a énoncées; c'est le secteur des transports urbains. Je vais lui donner l'exemple des trains de banlieue à Montréal. Il y a eu une hausse des tarifs de 15%, mais une baisse de service. Le train de banlieue du Canadien National de Montréal-Deux-Monta-

gnes, originellement, il y a quelques années, transportait 33 000 passagers par jour; on en est maintenant réduit à 17 000 parce qu'il y a une baisse de service et il y a une augmentation des coûts.

A l'Assemblée nationale, j'ai demandé au ministre des Transports d'intervenir, parce qu'il y a un programme fédéral d'aide au transport urbain. Dans ce programme, il y a $62 millions. Le ministre a dit que ces $62 millions seraient tous utilisés, ils sont déjà en train d'être utilisés — il n'a pas donné de détails — à des passages à niveau.

D'après les renseignements que nous avons, seulement la moitié de ces $62 millions doit être utilisée l'autre est encore disponible. Il me semble que si on est sérieux, qu'on veut économiser l'énergie, on se réfère à des crises d'énergie au Moyen-Orient, on a des avertissements du président des Etats-Unis à la nation américaine — je ne sais pas si on en viendra à cela si on a les mêmes problèmes ici — le ministre devrait absolument insister auprès du ministre des Transports, relativement au transport urbain à Montréal. Parce que tous ces gens — si vous réduisez le montant de $33 000 à $17 000 — vont travailler quand même, mais utilisent des automobiles. C'est un endroit où il faut économiser; il me semble que c'est la chose la plus facile pour démontrer la volonté politique du gouvernement, c'est là qu'il faut intervenir.

Quant aux conclusions pour la conservation, M. le Président, c'est vrai qu'il y a deux programmes. Mais je crois que les programmes que le ministre a annoncés ne vont pas aussi loin que toutes les déclarations et tout l'espoir qu'il nous avait donné au début, quand il a pris la responsabilité de son ministère, dans ce domaine. Je crois que ses critiques de la conservation d'énergie, c'est un moyen, c'est une des meilleures sources d'économie de l'énergie; je crois qu'on devrait agir. (10 h 45)

Dans le domaine de la construction, on attend encore le Code du bâtiment. Dans le domaine public et parapublic, on annonce que des comités ont été mis sur pied. Si on a fait davantage, j'aimerais l'apprendre de la part du ministre. Dans le domaine des transports, d'après ce que nous pouvons voir ici, il n'y a qu'un montant de $600 000 dans les crédits des Travaux publics qui sont alloués à la conservation de l'énergie. Il me semble que c'est totalement insuffisant pour atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés, objectifs qui sont nécessaires pour notre société.

Vous avez mentionné le gaz naturel, M. le ministre. On appuie la position que vous avez prise de privilégier le développement du gaz naturel, de prolonger le gazoduc pour deux raisons. Premièrement, cela va impliquer des investissements privés. Quand des investissements privés vont dans ce domaine, cela rend moins onéreuse la tâche du gouvernement. Deuxièmement, cela va renforcer la sécurité d'approvisionnement, c'est quelque chose dont nous avons absolument besoin. Il y a un seul point que nous voulons souligner et sur lequel nous voulons attirer l'atten- tion du ministre. La population doit être en mesure de juger vraiment les bénéfices de cette source énergétique, de toutes les négociations et de tout ce qui est impliqué. Dans les négociations avec l'Alberta, nous en tirons un avantage énorme — je l'ai déjà dit en Chambre, M. le ministre, mais je voudrais le répéter — parce que l'Alberta ne peut pas vendre ou exporter ce produit sans le consentement de l'Office national de l'énergie et c'est la politique du gouvernement fédéral de pourvoir aux besoins énergétiques de toutes les régions du Canada, avant de permettre certaines exportations.

Je suis certain que ça vous donne un avantage marqué dans les négociations, parce qu'ils ont un bras lié, l'Alberta, ils ne peuvent pas vendre où ils veulent. Je crois que c'est bon que la population le sache, sans partisanerie, mais pour qu'elle sache exactement comment vous faites et comment vous allez faire pour protéger la sécurité d'approvisionnement.

A titre d'exemple, il y a eu treize applications faites à l'Office national d'énergie se chiffrant à 7 trillions de pieds cubes pour l'exportation de gaz naturel, sur une période de cinq à huit ans. Par contre, le surplus canadien estimé pour la même période était de 2 à 3 trillions de pieds cubes. Alors, le gouvernement fédéral n'a pas accordé les permis d'exportation qui ont été demandés par l'Alberta.

Pour vous donner un autre exemple des avantages des prix que nous obtenons, les Alber-tains obtiennent pour leur gaz naturel $1.40 à la frontière albertaine,, $2 à Toronto et ils peuvent obtenir $2.60 à la frontière américaine. Ce serait beaucoup plus avantageux pour eux de vendre le gaz aux Etats-Unis, la demande est là; même s'il y a des surplus temporaires, il ne faut pas oublier qu'en 1975, il y avait des pénuries de gaz naturel aux Etats-Unis, où les écoles et les usines ont au fermer leurs portes.

Deux autres sujets, très brièvement, M. le Président, avant de terminer mes remarques préliminaires. La question nucléaire, je remarque que le ministre n'y a pas fait référence du tout dans ses remarques préliminaires. Je ne veux pas toujours ramener sur le tapis la position du gouvernement avant et après qu'il a été au pouvoir. Je pense que la population est au courant. Ce qui me tracasse un peu, c'est le fait que vous ayez le moratoire et j'ai l'impression que vous y êtes arrivés pour atténuer les contradictions qui existent, c'est l'impression que nous avons. On se demande s'il y a quelques membres du gouvernement qui veulent le nucléaire et d'autres qui n'en veulent pas. C'est un sujet trop important pour le laisser en veilleuse.

D'une part, nous avons vu le danger possible de l'accident à Harrisburg et, d'autre part, on nous dit qu'il y a une crise d'énergie et qu'il nous faut trouver d'autres moyens et toutes les sources possibles pour nous fournir de l'énergie. La déclaration d'un moratoire, je ne crois pas que ce soit une politique, spécialement si la décision est prise pour procéder ou non, ça peut prendre dix ans avant qu'un projet... Je ne sais pas ce que la

décision devrait être: oui ou non. Ce que je dis, c'est que la population a le droit de savoir, en toute connaissance de cause. Je répète ma demande: Est-ce que vous êtes prêt à constituer une commission parlementaire, mais avec l'aide technique, afin que toutes l'es informations puissent être fournies, pour que le public puisse savoir les dangers possibles, les mesures de sécurité possibles, les besoins du Québec, établir si oui ou non nous en avons besoin? De cette façon, le gouvernement pourrait en arriver à une conclusion de procéder ou non, mais au moins, ce serait un pas concret. Je crois que dans le moratoire, on ne connaît pas les conséquences, il n'y a pas d'étude et ça ne répond pas aux inquiétudes de la population.

Finalement, dans les produits pétroliers auxquels vous vous référez dans la distribution, on a eu certains problèmes avec l'Association des distributeurs indépendants de pétrole l'hiver dernier. Je crois que vous avez déclaré que vous alliez introduire un projet de loi pour l'approvisionnement. Peut-être que vous pourriez nous 'donner plus de détails et je voudrais vous poser une question sur un sujet précis. Il y a quelques semaines, le président des Etats-Unis, s'est adressé à la nation et a prévu la possibilité du rationnement de pétrole cet été.

Quand on entend dire qu'un pays comme les Etats-Unis, avec toutes les richesses qu'il a, nous prévient qu'il peut y avoir une pénurie de pétrole, on se demande si, au Québec, nous faisons face au même danger. Je demanderais aussi au ministre quelles mesures il prend, ce qu'il fait pour nous assurer qu'il n'y aura pas de pénurie. Est-ce qu'il y a des mécanismes d'entente avec le gouvernement fédéral pour assurer qu'au Québec nous allons avoir les approvisionnements nécessaires, non seulement cette année, durant l'été, mais l'hiver prochain? Il faut se rappeler qu'en 1973, il y a eu une crise de pétrole et qu'aux Etats-Unis, les gens faisaient la queue pour obtenir des approvisionnements et, parfois, ne les obtenaient pas. Comme je l'ai dit, en 1975, il y a eu aussi une pénurie assez sérieuse. Ici, au Canada, on ne l'a pas eue, grâce aux politiques fédérales, grâce aux sources d'approvisionnement que nous avons ici et dont une des conséquences a été l'extension du pipe-line de Sarnia à Montréal. Je précise ma question, je veux demander au ministre de nous dire ce qu'il fait pour assurer que nous n'aurons pas de pénurie cet été ou l'hiver prochain. Est-ce qu'il y a des mécanismes en place entre le gouvernement du Québec, entre le ministre et son homologue fédéral, pour faire face à une pénurie possible? Est-ce que le ministre va prendre d'autres mesures concrètes? Est-ce qu'il va demander, par exemple, au gouvernement fédéral d'augmenter la capacité du pipe-line de Sarnia à Montréal, dans le cas où il y aurait un autre gel au Moyent-Orient ou à d'autres endroits dans le monde et qu'on serait aux prises avec des difficultés d'approvisionnement?

M. le Président, ce sont les quelques remarques générales que j'avais à faire sur nos travaux de ce matin et les questions que je voulais poser au ministre.

Le Président (M. Clair): M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président. Je voudrais également faire à mon tour quelques remarques et poser à l'occasion de ces commentaires quelques questions au ministre dans le domaine énergétique. Il y a maintenant un an à peu près qu'on s'est réuni à cette même table pour étudier les crédits du ministère. Depuis ce temps, évidemment, il a coulé beaucoup d'eau sous les ponts et il s'est passé bien des activités et sur le plan local ici, au Québec, et également sur le plan international. C'est une situation à laquelle on ne peut être indifférents, puisqu'on est directement rattachés à ce qui se passe également, aux événements mondiaux dans ce sens.

Aux différentes commissions qu'il y a eu, soit lors des crédits, soit de l'étude du livre blanc sur la situation énergétique, on a décrit, en fait, la situation énergétique ou plutôt ce qu'il convient maintenant d'appeler la crise énergétique comme un phénomène constant, comme un phénomène permanent avec lequel nous devons nous habituer à vivre et avec lequel nous devons nous habituer à composer, pour autant que faire se peut avec les outils qui sont à notre disposition.

Au Québec, lorsqu'on regarde l'ensemble de la situation, évidemment, on a peut-être une situation privilégiée pour ce qui concerne le bilan énergétique comme tel, à cause de l'ampleur et de l'importance de l'Hydro-Québec. Par contre, on doit quand même réaliser qu'on est fort dépendant des autres sources d'approvisionnement, puisque, même si le bilan énergétique du côté de l'hydroélectricité est excellent, même si on est en très bonne posture au point qu'on puisse vendre de l'électricité aux Etats-Unis ou ailleurs, je pense qu'on ne doit quand même pas se cacher derrière l'importance de cet outil pour ne pas réaliser comment on est dépendant du reste du monde sur le plan énergétique à d'autres niveaux que celui de l'hydroélectricité.

Lorsqu'on regarde — je parlais de l'année qui s'est écoulée — ce qui s'est passé sur le plan international cette année, à partir d'abord de la crise iranienne et de la déstabilisation générale de toute la région du golfe Persique, on peut aussi se rendre compte, à ce moment-là, de la grandeur de cette dépendance que nous avons sur le plan pétrolier. On a pu se rendre compte — on peut peut-être le souligner de façon particulière à cette commission parlementaire — comment des événements qui, il y a quelques années, se passant loin de nous autres, pouvaient nous sembler même insignifiants et n'avoir aucune importance par rapport à notre vie quotidienne de tous les jours, notre vie tranquille du moment, si vous voulez, mais, maintenant, on se rend compte qu'un événement comme celui qui s'est passé en

Iran peut bouleverser toute la série des relations sur le plan international, tout cet échiquier qui est établi entre les pays, au point de vue des ventes, des achats, des relations diplomatiques, au point de vue militaire, etc., et cela nous a fait voir cette dépendance avec beaucoup plus d'acuité et de façon beaucoup plus aiguë. Jusqu'où a-t-on pu aller en termes de gravité de la situation? Le ministre pourra peut-être nous en faire part; il est beaucoup plus au courant, je pense, que la plupart des Québécois dans ce domaine-là, puisqu'il a analysé la situation de très près, je n'en doute pas, mais on doit prendre conscience de notre situation à partir de cet événement-là, en particulier, qui nous a poussés peut-être à la limite de nos possibilités en termes d'approvisionnement et de bouleversement de l'échiquier mondial.

On a eu et on continue d'avoir également la situation au Moyen-Orient, qui est plus ou moins inquiétante; ce n'est pas parce qu'on a eu un traité entre l'Egypte et Israël, parce que cette région du monde où il y a d'énormes réservoirs de cette matière dont on a tellement besoin compte un traité entre deux pays, qu'on peut espérer que cela va nous assurer des sources d'approvisionnement et que cela va assurer la paix. Au contraire, je pense que, depuis que le traité a été signé, on a peut-être encore de plus en plus de signes de violence et de possibilité de guerre dans ce secteur-là. Non seulement ce n'est pas rassurant, c'est peut-être plus inquiétant qu'avant, mais cela se présente sous une autre forme. Je pense que les Etats-Unis en sont fortement conscients. On connaît la somme de milliards qu'ils ont accepté d'engloutir là-dedans, y compris la fourniture d'armement pour assurer la paix dans ce secteur du monde, aussi illogique que cela puisse sembler, quand on sait que, dans l'histoire du monde, en fait, il n'y a pas d'arme qui, tôt ou tard, n'a pas servi. On connaît l'état du dossier là-bas. On peut voir aussi dans quelle situation nous pouvons nous trouver, même si, pour le moment, tout est tranquille ici et notre dépendance est plus ou moins apparente dans les conditions actuelles. Je cite ceci simplement pour indiquer que les événements mondiaux nous ont peut-être fait voir plus clairement cette dépendance et il faut la réaliser.

Sur le plan général, je pense que les citoyens du Québec, parce qu'on vit dans une situation privilégiée au point de vue énergétique, sont peut-être moins enclins, de façon naturelle, à prendre conscience de la crise énergétique. Pour eux, cela demeure peut-être, au point de départ, une situation théorique où on va dire souvent: La crise énergétique, c'est d'abord une question de "profitabilité" pour les grandes entreprises et on s'en sert pour augmenter les prix, etc. Il y a peut-être du vrai dans cette affirmation-là; cependant, à ce moment-là, on risque également de ne pas voir la réalité sérieuse qui se cache derrière la situation énergétique.

Le ministre a également parlé de la question de l'approvisionnement. Il a accordé de l'impor- tance à cette question-là et je pense qu'on doit aussi en accorder, à cause de toute cette situation. (11 heures)

J'aimerais maintenant revenir sur un point que j'avais souligné en 1976, lors de l'étude des crédits pour la première fois. J'avais demandé au ministre pour combien de temps nous avions des réserves, par exemple, en ce qui concerne les hydrocarbures, en ce qui concerne l'huile à chauffage et ces choses, compte tenu du fait qu'il y avait possibilité, à ce moment, aussi de conflit sur le plan international, entre les puissances qui possèdent ces réservoirs dont on dépend. Le ministre m'avait répondu à ce moment que nous avions 45 jours plus ou moins de réserve en saison hivernale pour faire face à ces situations. Ce qui voudrait dire que si, par exemple, un pays qui possède ces sources d'approvisionnement décidait du jour au lendemain, dans une situation conflictuelle, de vouloir utiliser le pétrole comme arme pour convaincre l'Occident ou même l'Europe d'intervenir militairement ou de jouer un rôle dans le conflit qui peut exister ou qui pourrait exister à ce moment, nous serions donc placés dans une situation assez difficile, puisque 45 jours, supposons qu'un conflit comme celui-là et qu'une attitude comme celle-là arrivait au début de l'hiver, au mois de novembre ou au mois de décembre, cela veut dire que deux mois plus tard, à toutes fins utiles, nos réserves sont épuisées. Ce sont des réalités, ce n'est pas de la philosophie. Ce sont des réalités avec lesquelles on vit actuellement. Les récents événements doivent nous en faire prendre conscience davantage.

Je pose une question au ministre maintenant. Compte tenu de la réponse qu'il m'avait donnée au sujet des 45 jours de réserve que nous avions, compte tenu de l'évolution sur le plan international, des diverses situations, soit au Moyen-Orient, soit dans le golfe Persique, et même dans d'autres secteurs, compte tenu également de la faiblesse de la politique américaine de certaines décisions qui sont fort discutables, compte tenu du fait aussi que la perception des Etats-Unis, sur le plan international, est de plus en plus négative et joue un rôle évidemment au plan international, est-ce que le ministre a pris ou entend prendre des dispositions tout à fait particulières, tout à fait précises pour assurer le Québec de réserves suffisantes pour qu'en cas de crise, en période hivernale, par exemple, on puisse avoir suffisamment de réserves pour assurer la population des approvisionnements nécessaires pour passer à travers la crise et passer surtout à travers une période hivernale dans telle situation? J'aimerais que le ministre puisse reprendre cet élément, puisqu'il m'apparaît important que maintenant que nous sommes exposés de cette façon à ce qui se passe sur le plan international, nous puissions avoir au moins certaines solutions à appliquer si ces problèmes se produisaient.

Le ministre a également parlé du gazoduc. J'avais également posé certaines questions à l'Assemblée nationale sur le projet d'investissement albertain également dans ce sens, au niveau

du gaz naturel. Peut-être que le ministre pourrait indiquer à quel stade se trouve le dossier et dans quelle mesure on peut espérer qu'il puisse y avoir conclusion d'entente entre l'Alberta et le gouvernement du Québec pour la possibilité d'avoir ces fonds de quelque $300 millions que l'Alberta avait offerts au gouvernement du Québec. Il devait y avoir et je pense qu'il y a eu effectivement rencontre entre les hauts fonctionnaires des deux ministères. Il y a peut-être même eu rencontre entre les ministres concernés à ce sujet.

Maintenant, j'aimerais aborder rapidement un autre sujet. Evidemment, on aura l'occasion de revenir sur ces sujets lorsque nous étudierons en détail les crédits. J'aimerais faire quelques remarques d'ordre général tout en posant certaines questions au ministre. Peut-être qu'il pourra y répondre dans un premier temps, quitte à y revenir lorsqu'on étudiera les différents éléments des crédits qui sont sur la table aujourd'hui.

J'aimerais toucher maintenant un aspect qui m'apparaît important aussi, la publicité gouvernementale. Cet aspect, mes collègues de l'Union Nationale y ont également touché dans différentes autres commissions parlementaires. Nous avons eu l'occasion d'y toucher également à l'Assemblée nationale. J'aimerais, de façon particulière, au commencement de l'étude de ces crédits, toucher la publicité gouvernementale directement reliée à la question énergétique.

En janvier 1978, la commission parlementaire sur les engagements financiers a octroyé en particulier à Conceptat Inc., un contrat pour la conception et la diffusion de la campagne publicitaire destinée à lancer le programme de l'amélioration de l'efficacité énergétique des logements au Québec. Le ministre y a fait allusion tout à l'heure dans ses remarques préliminaires. Le montant de l'engagement était de $265 600. L'imputation budgétaire 1977/1978 s'élevait à $72 000, et celle de 1978/79, à $213 000. Quatre soumissionnaires étaient sur les rangs. Ceux-ci avaient présenté des devis à un comité de sélection composé, en majeure partie, de personnel rattaché au cabinet du ministre des Communications, M. O'Neill. Ce dernier, d'ailleurs, siège de toute évidence au comité.

L'agence Conceptat Inc., l'emporta sur les trois autres concurrents, à savoir: Dialogue-Communications, RAM Publicité et Payeur Publicité. Aucun montant de la part des trois dernières agences ne figure d'ailleurs dans les engagements financiers dont j'ai copie ici. Par contre, il est spécifié que le choix fut effectué par un comité de sélection sur la base de la qualité du plan de publicité proposé. Il apparaît donc que lorsque le critère semble se limiter à la question simplement de la qualité du plan de publicité proposé, on entre dans une matière qui peut être fort discutable et qui a donné lieu, d'ailleurs, à certaines discussions et pourra, dans l'avenir, ouvrir un dossier assez intéressant là-dessus.

Il apparaît, de toute évidence, que ce choix fut fait par le personnel du cabinet du ministère et, enfin, ce contrat fut renouvelé en janvier 1979 au bénéfice de la même agence, Conceptat Inc. Le montant, cette fois-ci, était de $197 500. Or, est-ce que c'est une pratique courante de renouveler, comme ça, les contrats publicitaires sans retourner en soumissions ou sans ouvrir l'enveloppe, surtout dans le cas particulier de Conceptat ici? Cette décision de renouveler fut-elle prise de façon unilatérale ou s'il y a eu consultation quelconque dans le dossier? Compte tenu que les montants proposés par les trois compagnies non choisies ne figurent pas au cahier des engagements financiers et que seul le critère de la qualité du plan proposé semble avoir été déterminant, le ministre peut-il rendre publique la teneur des devis qui furent présentés au comité de sélection par son ministère? Dans l'état actuel de ce dossier, un appel d'offres dans de telles conditions relève plus, en quelque sorte, de la frime que d'un professionnalisme transparent dont ce gouvernement voudrait se parer.

Aux engagements financiers de 1978, auxquels je fais référence, l'Union Nationale a posé un certain nombre de questions au ministre de la Fonction publique. Aucune des réponses qu'il a bien voulu nous fournir ne s'est avérée satisfaisante. Nous la réitérons donc aujourd'hui, à savoir quels sont les noms des fonctionnaires qui siègent aux comités de sélection publicitaire en ce qui concerne votre responsabilité ministérielle particulière en regard des éléments 501 et 502 des engagements financiers du mois de janvier 1978?

Le ministre de la Fonction publique avait déclaré que deux raisons pouvaient nous pousser à la publication des noms des fonctionnaires siégeant aux comités de sélection. D'une part, cela aurait eu comme objectif de dénoncer une procédure irrégulière de la part d'un ministre ou, d'autre part, cela aurait été une simple procédure de salissage. En ce qui nous concerne, nous voulons simplement faire la lumière sur cette question et c'est dans la première alternative que nous voulons poser nos questions, car nous croyons qu'il y a lieu, justement, de s'interroger sur la normalité de certaines procédures.

Nous nous appuyons sur le caractère un peu nébuleux et quelquefois fuyant des réponses qui nous furent alors données pour revenir à la charge aujourd'hui. Au cas où ces réponses, évidemment, ne seraient encore une fois que trop floues, est-ce que nous pourrions avoir certains détails concernant ces agences de publicité, car le montant d'argent qui a été investi pour un certain temps dans la publicité comme telle a été supérieur, évidemment, comme on l'a souligné à l'Assemblée nationale, au montant des subventions qui ont été elles-mêmes accordées. J'aimerais peut-être que le ministre puisse nous fournir certaines indications justement sur les normes de sélection pour accorder à une firme, plutôt qu'à l'autre, dans le présent dossier, le contrat de publicité. Est-ce qu'on s'est vraiment uniquement limité à ces critères dits de qualité ou s'il y a eu d'autres critères? Et si on s'est limité à ces critères dits de qualité, comment expliquer, à ce moment-là.

qu'on ait eu un certain problème avec un des dépliants, justement, qui a été lancé?

Mon collègue, le député de Bellechasse, avait posé une certaine question le 18 mai 1978 au ministre, et je cite M. Goulet, s'adressant au ministre délégué à l'énergie: "M. le Président, je veux lui demander s'il a pris connaissance du dépliant publicitaire du Bureau des économies d'énergie sur le programme québécois d'isolation des maisons, dépliant dans lequel le gouvernement affirme avoir négocié, pour le consommateur, un prêt, alors que tel n'est pas le cas. Le gouvernement négocie avec un taux préférentiel de 1% et le consommateur doit courir après l'argent, au même titre que pour un prêt personnel. Il doit répondre à toutes les enquêtes habituelles de crédit. On lui laisse croire que tout est automatique, alors que le consommateur négocie un prêt personnel, purement et simplement, avec les mêmes normes, endosseur, etc."

Le ministre avait répondu à ce moment-là, M. le Président, et je cite: "Je ne sais pas quelle lecture le député de Bellechasse a faite de ce document publicitaire. Certainement que j'en ai pris connaissance, puisque c'est un programme que j'ai moi-même préparé. Il n'a jamais été question que ce soit un prêt automatique spécial. On l'a toujours dit depuis le début, c'est un prêt personnel normal. Seulement, il s'applique au programme d'isolation des maisons et il bénéficie d'un rabais de 1% par rapport aux taux usuels, etc., de prêt personnel."

Plus tard, le ministre est revenu en Chambre, le 14 juin suivant, pour préciser sa réponse une fois de plus et je cite ici, M. le Président, le ministre délégué à l'énergie: "Oui, M. le Président, je voudrais apporter une réponse à une question que me posait le député de Bellechasse au mois de mai, enfin, il y a quelques semaines, au sujet de la publicité relative au programme d'isolation des maisons qu'offre le Bureau des économies d'énergie du Québec. "Le député m'avait indiqué que les mots employés dans un dépliant ou un feuillet publicitaire pouvaient porter à ambiguïté, à savoir si le gouvernement avait négocié, pour le consommateur qui voudrait s'en prévaloir, un prêt à taux d'intérêt préférentiel. Il semblait qu'il y avait ambiguïté, à savoir si ce que le gouvernement avait négocié était le prêt ou le taux. "Effectivement, à la suite de la question posée par le député de Bellechasse, j'ai revu ces documents publicitaires et la même ambiguïté m'est apparue également, si bien que j'ai donc demandé que l'on retire ces instruments publicitaires pour les remplacer par d'autres qui seront dans un langage plus précis. "En terminant, je remercie le député de Bellechasse..."

Je vous rappelle que, d'après les informations qui m'ont été fournies, le dépliant publicitaire a été préparé par la même entreprise que je mentionne actuellement, qui est Conceptat Inc.

Je reviens au premier élément de mon argumentation. Lorsqu'on dit que l'unique critère pour la sélection de la maison de publicité a été celui de la qualité et que, dans les premiers pas des publications, on a eu ces problèmes, j'aimerais avoir plus d'explications de la part du ministre en ce qui concerne les critères en question, puisqu'il apparaît que, lorsqu'on parle uniquement du concept de qualité, il y a quelque chose qui laisse à désirer. On peut au moins poser certaines questions, surtout compte tenu de l'importance que le gouvernement accorde maintenant à la même maison; je ne veux pas la discréditer, je pose simplement des questions afin d'être éclairé là-dessus. Il apparaît, dans le cahier que nous avons ici, que le gouvernement s'apprête maintenant à donner un autre contrat de publicité à la même entreprise, puisqu'il y a eu une décision du Conseil des ministres, le 4 avril dernier, dans le sens d'une acceptation, en principe, que le Bureau des économies d'énergie réalise une campagne publicitaire d'un an portant sur les politiques énergétiques au Québec et il semblerait que ça puisse être la maison Conceptat Inc. qui bénéficie dudit contrat. J'aimerais que le ministre nous fournisse des explications supplémentaires sur les normes en question et sur les procédures suivies là-dedans.

Pour ce qui concerne les énergies nouvelles, le ministre y a fait état tout à l'heure et j'y reviens par le biais des propos qu'il a tenus en disant que des montants sont accordés pour les énergies nouvelles. Est-ce que c'est suffisant, dans le contexte actuel, alors qu'on sait qu'on a des échéances bien précises en ce qui concerne soit les réserves au niveau de l'énergie, soit les possibilités dans le contexte énergétique? Je sais que, dans le passé, nos civilisations, dans le contexte nord-américain, à cause de l'abondance dans laquelle on vivait, ont toujours été dans les voies les plus faciles, on a moins eu cette préoccupation de chercher du côté des énergies nouvelles, mais j'aimerais que le gouvernement du Québec se penche davantage et avec beaucoup plus de rapidité sur cette question des énergies nouvelles et y investisse des sommes un peu plus importantes pour que le facteur temps joue en notre faveur plutôt qu'en'notre défaveur, lorsqu'on investit des sommes minimes dans des secteurs qui pourraient devenir importants en termes de rentabilité dans le bilan énergétique québécois.

C'étaient là les quelques remarques générales que je voulais faire au début. J'aimerais terminer en reparlant de la question de l'option nucléaire, du fameux moratoire que le gouvernement du Québec a institué en ce qui concerne cette question puisque, là aussi, l'année qui vient de s'écouler a été très fertile en termes d'événements, non seulement pour nous faire réaliser l'importance de discuter dans le plus bref délai possible toute cette question du nucléaire, mais également de prendre les décisions à ce sujet et de voir plus précisément à quelle enseigne se loge actuellement le gouvernement du Québec concernant cette question bien précise.

D'un côté, comme je l'ai mentionné, notre bilan énergétique n'est pas suffisant à 100%. On sait que l'Hydro-Québec, de son côté, favorise

davantage le nucléaire; le gouvernement aura à y répondre. On sait que, étant donné la faiblesse, en grande partie, de notre bilan énergétique, on devra peut-être aller de ce côté. Quoi qu'il en soit, le ministre et le gouvernement auront à trancher la question. Mais je pense que ce qui est important, pour le moment, c'est d'ouvrir cette enveloppe sur la question nucléaire, qu'on puisse avoir toutes les informations pertinentes, et de ne pas attendre à la dernière minute pour ouvrir le dossier publiquement et pour en discuter.

Dans ce sens, j'aimerais savoir si le ministre a l'intention de répondre à la proposition qui a été faite, il y a quelque temps, par la Société pour vaincre la pollution, qui demandait un débat public sur cette question. Quelles sont les intentions précises du ministre face à une telle recommandation? Est-ce que le ministre a l'intention d'y faire un accueil favorable? Est-ce que le ministre a l'intention de tenir une commission parlementaire? Est-ce que le ministre a l'intention d'ouvrir le débat immédiatement, avant qu'on soit rendu à la toute dernière limite et qu'on risque encore de prendre des décisions trop rapidement sur cette question?

Je pense que ce n'est pas uniquement le choix d'un gouvernement, puisque toute la population est impliquée. A ce titre, je pense que la population a droit à l'information concernant cette option possible du nucléaire, l'état du dossier actuel, l'acheminement que le gouvernement entend prendre, ses intentions dans ce domaine. Quand j'ai fait état tantôt de ce qui s'était passé au cours de l'année et qui était fort éloquent, évidemment, je me réfère en particulier à la centrale de Three Miles Islands, à l'incident de Harrisburg, et je rappelle au ministre que, quelques mois encore avant que cela ne se produise, tout était sous contrôle, il n'y avait aucun problème, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes; pourtant, l'incident est arrivé. (11 h 15)

C'est une réalité avec laquelle on doit apprendre à vivre et de laquelle on doit surtout, avec sagesse, tirer une leçon pour prendre nos propres décisions et nous organiser. Je pense qu'on doit se servir de cet événement comme d'une leçon qui doit nous inciter à prendre conscience de ce que c'est réellement, à ouvrir le dossier directement, à en parler et à voir l'état de la situation.

Lorsque j'ai posé des questions au ministre, dans le cadre de l'incident de Harrisburg, il m'a indiqué, avec raison d'ailleurs, qu'en ce qui concerne les centrales canadiennes, notre mode de procéder, nos réacteurs sont de nature différente de celle des réacteurs américains. C'est exact, puisque nous utilisons ici le CANDU. Cependant, concours de circonstances un peu ironique, dès le lendemain où le ministre m'avait assuré qu'il n'y avait pas de problème parce que nos centrales étaient de nature différente, que nos réacteurs étaient de nature différente, on apprenait que, depuis déjà un certain nombre de mois, traînaient dans des classeurs des dossiers indiquant qu'il y avait certaines défectuosités à nos systèmes

CANDU, au système de tuyauterie interne où chemine justement l'eau lourde. Par un défaut de fabrication, il y avait une certaine corrosion qui s'installait à l'intérieur de ce tubage et, à plus ou moins long terme, il pourrait y avoir risque de communication entre l'eau lourde chargée de radioactivité et l'eau de l'extérieur chargée de refroidir les réacteurs. Ce problème vaut pour l'ensemble des centrales canadiennes avec le réacteur de type CANDU. Donc, à ce moment, ironie du sort, on avait le lendemain, en contrepartie, si vous voulez, un autre élément nous donnant raison de dire que, même si on nous dit que le réacteur n'a aucun problème, que nos centrales sont différentes, que cela va bien, l'erreur humaine est toujours possible. D'ailleurs, à Harrisburg, on dit que cela a été une erreur humaine au point de départ. C'est un facteur qu'on peut difficilement contrôler et sur lequel on ne peut pas donner une assurance absolue à la population. En même temps, des erreurs de fabrication aussi patentes que celles des réacteurs CANDU, en ce qui concerne tout leur tubage intérieur, sont donc possibles. Cela doit nous faire réaliser, une fois de plus, qu'il y a quelque chose de sérieux là-dedans, qu'on doit se pencher sur la situation le plus tôt possible et que la population a le droit de savoir exactement ce qui se passe.

Je termine donc mes remarques sur ce sujet, M. le Président, en rappelant au ministre qu'en tant que responsable du secteur de l'énergie, il a beaucoup de pain sur la planche, il a des responsabilités qui sont fort pesantes, je le sais, et je pense qu'il va devoir donner certaines réponses dans ce sens et rassurer la population en donnant l'information exacte.

Le Président (M. Clair): M. le ministre délégué à l'énergie.

M. Guy Joron

M. Joron: M. le Président, je veux bien tenter de répondre aux questions qu'ont soulevées mes collègues de Richmond et de Mont-Royal. Peut-être n'arriverai-je pas à couvrir toutes les questions, mais on aura sûrement l'occasion de continuer à échanger des choses. Alors, si j'en oublie, vous m'en excuserez, je l'espère, et on les reprendra un peu plus tard.

Mais, avant d'entreprendre de répondre à ces questions, je voudrais d'abord les remercier tous les deux pour les remarques fort pertinentes et constructives qu'ils viennent de nous livrer. Je pense qu'il est inutile de souligner que nos collègues de l'Opposition sont aussi conscients qu'on peut l'être de ce côté-ci de la table de l'importance de toute cette question énergétique; à la fois le député de Richmond et le député de Mont-Royal l'ont bien souligné. Je dois dire aussi au député de Mont-Royal, tout particulièrement, que je partage un certain nombre des inquiétudes qu'il a évoquées, quant à savoir si tout le monde — non seulement le gouvernement au sens restreint de Conseil des ministres, mais tout l'appareil gouver-

nemental, à tous les niveaux de ce qu'on peut appeler la machine gouvernementale — partage la même inquiétude ou le même souci d'accorder aux questions d'économie d'énergie et de conservation d'énergie l'importance que nous, ici autour de cette table, y accordons. Je n'en suis pas convaincu moi non plus, comme le député de Mont-Royal.

C'est un problème, c'est effectivement un problème. Mais il faut bien se rendre compte aussi que, si on regarde les difficultés qu'a eues le président des Etats-Unis, en deux ans de lutte, de travail, à essayer d'influencer le Congrès américain et l'opinion publique américaine, il a eu passablement de difficulté à faire passer son message. Finalement, des événements extérieurs, comme la crise iranienne tout récemment, ont peut-être aidé à cette sensibilisation que le président Carter voulait ou aurait souhaité plus avant, mais vous pouvez vous imaginer que si un président des Etats-Unis a de la misère, un ministre délégué à l'énergie du Québec a de la misère aussi, des fois, à convaincre l'opinion publique et ses collègues de la nécessité de poser des gestes immédiats et quelquefois peut-être plus draconiens que d'autres le souhaiteraient.

Pourquoi en est-il ainsi? Peut-être par manque d'information. J'ai retenu avec beaucoup d'intérêt la suggestion du député de Mont-Royal, d'accélérer les programmes, non pas de publicité, mais d'information publique véritable sur tout l'ensemble de la question énergétique, les politiques que l'on doit prendre, tant au niveau gouvernemental qu'au niveau personnel ou familial, pour faire face à cette situation. Je suis parfaitement d'accord avec lui, il y a des priorités à choisir, dans un gouvernement, à savoir où l'argent doit être affecté à des fins d'information.

Evidemment, je suis de ceux qui croient que la question énergétique devrait retenir l'attention, et le gouvernement, vous le verrez dans les mois qui viennent, en est également convaincu. Mais s'il y a nécessité de faire tellement d'information, c'est justement parce qu'il y a une méconnaissance, qui n'est pas particulière au Québec ni au Canada, mais en Amérique du Nord tout entière, de la question énergétique. Regardez les résultats d'un sondage assez récent dont le Time Magazine faisait état aux Etats-Unis récemment. Encore aujourd'hui, aux Etats-Unis, plus de la moitié de la population, plus de 50% de la population parmi les gens interrogés croit que la crise de l'énergie mondiale est une machination des grandes compagnies pétrolières. Les gens se disent: C'est une blague monumentale que les compagnies nous organisent pour pouvoir augmenter les prix. Quand vous avez plus de la moitié de la population d'un continent comme le nôtre qui est convaincue de ça, ce n'est pas facile, par la suite, d'essayer d'influencer et de changer les habitudes des gens. Quand je dis la population, cela nous inclut tous aussi, les gens de l'appareil gouvernemental, tout le monde.

Quant aux Etats-Unis, voici une statistique qui m'a renversé: 63% des Américains pensent que les Etats-Unis sont totalement autosuffisants en pétrole, alors qu'ils en importent maintenant plus de la moitié. Quand les deux tiers d'un continent, d'un pays aussi important, ignorent une réalité aussi fondamentale qui est en train de miner toute la solidité de l'économie américaine, c'est sérieux en diable!

Tout cela simplement pour souligner qu'on part de loin en Amérique du Nord, au Québec comme ailleurs, dans cet effort de sensibilisation et on a beaucoup de travail à faire. Cela n'excuse pas qu'on ne doit pas mettre les bouchées doubles avec beaucoup d'ardeur à la tâche, mais ça peut expliquer qu'il y a des lenteurs que je déplore autant que vous.

Je voudrais répondre, de façon plus spécifique, à certaines questions posées par le député de Mont-Royal et le député de Richmond.

Vous avez fait allusion à l'existence de deux programmes précis en matière d'économie d'énergie, le programme d'isolation des maisons, d'une part et le programme Energiebus d'autre part. Vous m'avez demandé si cela se limite à cela ou s'il y a des actions qui se préparent dans d'autres domaines.

Une des difficultés — c'est une difficulté parfois — une des particularités du domaine de l'énergie qui nous intéresse, c'est que les intervenants et les acteurs sont en dehors du ministère de l'énergie, la plupart du temps; c'est un domaine qui nécessite des actions du ministère des Transports, du ministère de l'aménagement, du ministère des Travaux publics, du ministère de ci et de ça, ainsi de suite, tout n'est pas sous la gouverne directe du ministère de l'énergie ou de la Direction générale de l'énergie.

Il y a donc des tas de politiques qui ne se réflètent pas dans les crédits de la Direction générale de l'énergie qu'on étudie ici, mais qui existent néanmoins, il ne faudrait pas les oublier. Les programmes ou les politiques, les actions ou les gestes que le gouvernement, dans son ensemble, pose en matière d'économie de l'énergie dépassent largement ce qui apparaît au titre des crédits spécifiques de la Direction générale de l'énergie.

Ainsi, puisque cela relève du ministère du Travail, une modification sera apportée très bientôt. Le discours inaugural y faisait allusion, en faisait état. Un nouveau Code du bâtiment sera promulgué — le député de Mont-Royal me demandait quand, pour éviter que tout ce qui va être mis en chantier dans les mois qui viennent soit construit selon d'anciennes normes ou de mauvaises normes d'isolation.

C'est extrêmement important, effectivement, compte tenu qu'en moyenne 50 000 logements nouveaux sont construits au Québec, à peu près 45 000, 50 000. Evidemment, cela représente à peu près 2,5% du stock de logements. Alors, cela s'additionne vite, avec 2,5%. Cela va être déterminant sur la consommation totale d'énergie des années quatre-vingt-dix, par exemple. Dans dix, quinze ans, cela va être l'élément déterminant. Alors, il est important que cela commence tout de suite.

Ce n'est pas moi, comme ministre de l'énergie, qui vais présenter ce projet de loi; c'est le ministre du Travail qui va le présenter. On me dit que c'est presque près et que ce devrait normalement l'être dans les semaines ou les mois à venir. Je pense très certainement avant — je l'espère, en tout cas — l'ajournement d'été.

Par contre, il est peut-être important de souligner que la loi comme telle, l'adoption en Chambre d'un nouveau Code semblable et d'une nouvelle norme d'isolation a son importance; c'est évident. Mais il ne faut pas croire que les intervenants en matière de construction, c'est-à-dire les architectes, les ingénieurs, les entrepreneurs, etc., ne sont pas au courant des nouvelles normes que cette loi va prévoir. On a eu l'occasion, à plusieurs reprises, au cours des six ou huit derniers mois, de rencontrer la plupart de ces groupements professionnels, constructeurs, architectes, ingénieurs et ainsi de suite, et j'ai eu l'occasion de leur livrer l'essentiel des normes qu'allait contenir cette nouvelle loi.

Alors, les gens, en d'autres mots, qui construisent — au moment où on se parle — même si la loi qui s'en vient n'est pas adoptée encore, sont déjà au courant de ce que seront les exigences de cette loi et on peut présumer qu'ils en appliquent déjà l'essentiel.

Du côté des transports, il y a des choses qui ont été faites; il y a des choses qui étaient faciles à faire, mais qui ont néanmoins une incidence importante sur la consommation d'énergie, comme la réduction de vitesse sur les routes, les autoroutes et ainsi de suite; d'autres qui seront à venir très bientôt, comme les journaux en ont fait état: le virage à droite. Cela n'a l'air de rien, mais cela économise des millions de gallons d'essence au bout d'un an, de pouvoir tourner à droite sur un feu rouge.

Mais il y a beaucoup plus que cela. Toute la planification... il y a un comité qui existe au ministère des Transports lui-même, un comité d'énergie. Evidemment, on n'étudie pas ici les crédits du ministère des Transports. Ce n'est pas à moi d'évoquer tout cela, mais je vous signale qu'il existe un comité d'économie d'énergie au ministère des Transports qui a pour tâche ou pour mandat d'apporter la dimension énergétique à l'ensemble des politiques qu'élabore le ministère du Transports.

Alors, la conscience, au niveau de la planification, du ministère des Transports existe et des gens de chez nous siègent à ce comité.

M. Ciaccia: Me permettez-vous une interruption, M. le ministre?

M. Joron: Oui.

M. Ciaccia: S'il y a un comité au ministère des Transports, il doit y avoir un autre comité dans un autre ministère. Est-ce que vous trouvez que c'est la façon la plus efficace? Si vous avez un ministère "délégué", vous êtes le ministre délégué à l'énergie, ne croyez-vous pas que la question d'économie d'énergie devrait être centralisée? Autrement, vous éparpillez toutes vos forces et vous n'avez pas un... Ou c'est important, c'est une priorité pour le gouvernement ou cela ne l'est pas.

M. Joron: Oui, mais il faudrait s'entendre sur ce qu'on veut regrouper ou ce qu'on veut centraliser. La mission de la direction générale de l'énergie ou de l'éventuel ministère de l'énergie, c'est de conseiller le gouvernement en matière énergétique et ainsi de suite, d'établir des normes, des choses comme cela. Mais ce n'est pas à nous à tout appliquer. (11 h 30)

C'est-à-dire que, si on pousse la notion d'énergie au bout et qu'on en arrive à dire que l'énergie est partout, on va ramener au ministère de l'énergie le ministère des Transports. On y ramènerait aussi l'aménagement du territoire, probablement, parce que c'est peut-être de tous l'élément le plus déterminant sur la consommation d'énergie dans une société donnée, l'aménagement au sens large, comment on construit nos villes, l'identification des villes, les réseaux de transport, les choix à faire, etc. On finirait par tout amener au ministère de l'énergie.

M. Ciaccia: L'économie de l'énergie au ministère des Transports, ce serait logique, il me semble.

M. Joron: Cela dépend, c'est parce que je ne saisis pas ce que vous entendez par économie d'énergie au ministère des Transports. Il y a beaucoup de politiques adoptées par le ministère des Transports qui vont avoir une incidence considérable sur la consommation d'énergie des années à venir. C'est un peu une des difficultés du domaine dont on s'occupe ici. Il y a tellement de choses qui sont à résultat différé dans le temps, très loin dans le temps. Cela fait une différence considérable, par exemple, d'adopter au ministère des Transports une politique de construction d'autoroutes, de privilégier l'automobile par la construction d'autoroutes partout à travers le territoire. C'est cela la forme de transport choisie. Cela aurait des conséquences considérables sur le niveau de la consommation d'énergie. On pourrait plutôt privilégier de prendre le transport en commun, etc. Ce sont des choix qui ne peuvent pas appartenir au ministère de l'énergie, cela continue d'être la mission d'un ministère des Transports, mais, quand il y a des actions à prendre, spécifiquement dans un but d'économie d'énergie, de réduction de vitesse ou de choses semblables, évidemment, c'est notre rôle de proposer au ministère des Transports ce qu'on a fait. Cela reste à lui de l'appliquer.

Avec l'aménagement, je donne un autre exemple d'une politique globale dont, encore une fois, les effets vont se faire sentir, peut-être pas la semaine prochaine, mais avec le temps, et il y a une autre politique gouvernementale qui aura des incidences importantes en matière de réduction: la politique du zonage agricole, dans le sens où

elle n'empêchera pas, mais où elle restreindra probablement l'étalement urbain un peu anarchi-que qu'on a connu depuis 20 ou 25 ans et qui entraîne une énorme consommation d'énergie. Par cette mesure, une politique semblable aura à moyen ou long terme un effet-considérable sur la consommation d'énergie.

Il y a d'autres choses également, toujours en matière d'économie d'énergie, qui ont été faites ou qui sont en voie de l'être. Des normes, par exemple, quant à ce que doit être le degré du chauffage dans les édifices publics, normes d'éclairage, normes de chauffage, etc. Je ne parle pas des normes de construction des nouveaux édifices publics, mais dans les édifices existants.

Dans le programme de rénovation du ministère des Transports, en ce qui a trait à plusieurs des édifices existants ici, par exemple, à l'Assemblée nationale, on est à faire toutes sortes de choses. Je ne suis pas au courant de tous les détails, mais beaucoup de choses là-dedans doivent être faites parallèlement, si vous voulez, avant que des mesures... S'il fallait, par exemple, — je vous donne un exemple — dans cet édifice, changer de façon à pouvoir mieux contrôler la température... Il fait trop chaud dans le parlement, toujours trop chaud. Je ne sais si vous avez le même sentiment que moi. Dans nos bureaux, c'est toujours... Une des difficultés, c'est qu'on est dans un vieux bâtiment dont le chauffage n'est pas aussi facile à contrôler que dans un édifice où on vient de faire la climatisation, le système de circulation d'air. On est à refaire le parlement, tous ces édifices-là. Les normes sont connues, elles sont acceptées de tous. Elles ne peuvent pas encore être appliquées, parce qu'il y a une séquence dans les travaux à faire qui fait que ces choses-là retardent. Je le déplore autant que vous.

A titre d'exemple, j'ai peut-être, depuis deux ans, appelé 52 fois au moins au ministère des Travaux publics pour faire baisser le chauffage, ici ou là. On me répond que c'est impossible techniquement, tant que telle ou telle affaire n'aura pas été changée et ainsi de suite. Tout cela est en train de se faire, mais malheureusement, ce n'est pas encore fait.

Toujours sur l'aspect normatif des choses, les voitures, par exemple: Une étude a été faite sur l'aspect énergétique, si vous voulez, de la flotte de véhicules du gouvernement. En plus des quelque vingt voitures ministérielles, il y a des centaines, sinon des milliers d'autres véhicules qui appartiennent au gouvernement. Tout cela représente une consommation d'énergie considérable. Alors, les normes ne sont pas encore prêtes, mais seront sans doute définitivement appliquées très bientôt, de façon à obtenir un rendement énergétique supérieur. Remarquez que, dans certains cas, cela s'est déjà fait. Vous me direz que c'est mon rôle, comme ministre de l'énergie, de prêcher par l'exemple; j'ai commencé par moi-même. Quand la voiture ministérielle dont j'avais hérité de l'ancien ministre est venue à l'âge d'être renouvelée, selon les normes du ministère responsable de la flotte de véhicules, j'ai exigé que ma voiture soit chan- gée pour une plus petite. Je pense que c'est la plus petite voiture ministérielle qui n'a jamais existé au gouvernement du Québec, une subcompact, comme ils les appellent dans leur jargon, diesel en plus. Progressivement, quand les autres seront renouvelées, il y aura des normes qui' existeront, et qui peut-être n'exigeront pas que tout le monde se satisfasse de petites voitures comme la mienne, mais, en tout cas, qui exigeront des normes de rendement énergétique bien supérieures à celles des grosses Buick d'autrefois.

M. Ciaccia: ... vous avez dit, ce n'est pas une Honda?

M. Joron: Non, c'est une voiture fabriquée à Sainte-Thérèse. C'est la Cutlass diesel entièrement fabriquée au Québec; pas tous les morceaux, mais faite à Sainte-Thérèse. Il y a des choses comme cela qui seront établies.

Je voudrais tenter de répondre à d'autres questions peut-être plus larges dans d'autres domaines que les différents programmes d'économie d'énergie qui ont été posés. Au sujet de la question du gaz, le député de Richmond me demandait tout à l'heure où en était le dossier Québec-Alberta. Le comité qu'on avait formé à la fin de l'année dernière, qui avait pour mandat de conseiller les deux gouvernements dans les choses à faire de façon à promouvoir l'expansion de la distribution du gaz au Québec, a remis un rapport à chacun des deux ministres concernés. Par contre, le ministre albertain de l'Energie, M. Getty, ne s'étant pas présenté aux dernières élections qui ont eu lieu il y a un mois à peine en Alberta, il y a un nouveau ministre qui a été nommé. Evidemment, sous peu, probablement dans les semaines qui viendront, on aura à se rencontrer une première fois. Celui-là, je ne le connais pas, il aura eu le temps de prendre connaissance de ce dossier. A partir de là, plusieurs choses pourront s'accélérer, mais cela n'attend pas que cela. Cela attend aussi des choses formelles, comme les audiences que doit tenir l'Office national de l'énergie sur les projets de TransCanada PipeLines et de Q & M et qui sont prévues pour la fin du printemps ou l'été prochain.

Somme toute, pour résumer, il ne fait plus l'ombre d'un doute qu'il y a peu d'obstacles majeurs à l'établissement, si vous voulez, à l'accélération de cette question. Probablement que cette année, 1979, verra enfin, si on peut l'appeler comme cela, le plan gaz commencer. Vous m'avez demandé directement si le Québec entend se prévaloir dé l'offre ou du semblant d'offre que le premier ministre de l'Alberta, M. Lougheed, faisait en disant qu'il y avait dans l'Alberta Heritage Fund des centaines de millions de dollars qui pourraient être employés au financement partiel de l'expansion du gaz au Québec. C'est une proposition, effectivement, qui va être importante, l'expansion du gaz au Québec. Au total, cela va entraîner des investissements, après quatre ou cinq ans, d'environ $1 milliard: le pipe-line et les réseaux de distribution nouveaux, ainsi de suite.

Evidemment, il va falloir que cet argent vienne de quelque part. Il y a beaucoup d'épargnes "dormantes" dans les institutions financières au Québec qui n'attendent que des projets intéressants à financer. Il n'y a pas de doute que celui-là en est un et il attirera de l'épargne locale. Il y a de l'épargne albertaine dans l'Alberta Heritage Fund qui est disponible. Qui s'en prévaudra? Est-ce que c'est le gouvernement directement? Est-ce que c'est une de ses agences? Est-ce que ce sont des emprunteurs privés qui financeront une partie de leurs investissements par des obligations que pourrait acheter l'Alberta Heritage Fund? Tout cela reste à déterminer, mais il ne fait pas de doute dans mon esprit que le financement de l'ensemble de cette opération est quelque chose qui ne posera pas de problèmes majeurs.

Quant à la question...

M. Brochu: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. Joron: Oui.

M. Brochu: Avant de clore ce sujet, ce point m'amène à poser une sous-question. Est-ce que le gouvernement a évolué dans le dossier en ce qui concerne le choix du réseau de distribution? On en avait fait état à l'Assemblée nationale. Il y avait différentes options qui se présentaient, soit la firme privée, on sait qu'il y a Gaz Métropolitain et Gaz Intercité, un nouveau venu. Le gouvernement avait parlé de faire une opération mixte ou de nationaliser. Il y avait ces trois voies principales. Est-ce que le gouvernement a fait davantage son lit depuis ce temps en ce qui concerne le réseau de distribution de gaz naturel?

M. Joron: Non, pas encore. Effectivement, le choix, l'éventail est très large. Il y a beaucoup d'intervenants qui se montrent intéressés, des intervenants d'en dehors du Québec, comme le groupe Intercité, de Winnipeg, que vous venez de mentionner, comme l'actuel groupe qui a le contrôle de la majorité des actions de Gaz Métropolitain, Norcen de Toronto, peut être intéressé aussi à continuer, même à amplifier son action. Il s'en présentera peut-être d'autres et, des intérêts locaux, des intérêts québécois peuvent probablement être intéressés et, également, être de la partie.

L'état de notre réflexion, jusqu'à maintenant, sur ce point-ci, semble indiquer — ce n'est pas un choix définitif. C'est peut-être un peu hasardeux de ma part déjà d'indiquer des préférences, mais je le fais quand même — que la logique nous conduirait à avoir un distributeur unique, plutôt qu'une série de petites franchises dans les nouveaux territoires qui, peut-être, n'auraient pas financièrement, chacune prise isolément, les reins assez solides. Alors, la logique semble nous conduire à un distributeur unique, c'est-à-dire à un élargissement de la franchise actuelle, qui est limitée à environ 25 milles autour de Montréal. Evidemment, ça va donc devenir un distributeur d'une taille passablement plus importante, si tel était le choix retenu, que celle du distributeur à l'intérieur de la franchise actuelle. Cela n'exclut pas du tout que des participants nouveaux s'adjoignent aux participants actuels, dans quelque proportion que ce soit. Tout est permis, de façon à former un ensemble de participants plus varié que ce que nous avons dans le moment et avec une ossature financière beaucoup plus considérable. En gros, c'est à peu près vers quelque chose de ce genre qu'on s'oriente, mais il n'y a pas de choix de fait, il n'y a pas de décision de prise, à savoir quelle pourrait être la participation de qui, dans quelle proportion, etc. Il n'y a rien de fait à cet égard.

M. Ciaccia: SOQUIP avait démontré un intérêt à être impliquée dans la distribution du gaz naturel. Est-ce que...

M. Joron: Cela n'est pas exclu également.

M. Ciaccia: ... c'est l'intention du gouvernement de l'impliquer dans cette distribution? Aussi, il y avait eu une déclaration — je ne sais pas si c'était une rumeur — à savoir la possibilité que le gouvernement acquière les parts de Norcen. Est-ce que c'est encore l'intention du gouvernement de le faire ou de se retirer de ce domaine et de le laisser à l'entreprise privée? (11 h 45)

M. Ciaccia: Une nouvelle émission qui va au public...

M. Joron: C'est cela. Le gouvernement est disposé à laisser... Plus la capitalisation de l'entreprise s'élargit plus la participation des intérêts québécois s'agrandit de façon que, progressivement, l'intérêt de Norcen soit dilué dans le total au point même de devenir minoritaire, sans même exclure la possibilité de se retirer complètement, éventuellement. On n'a jamais choisi de lui faire une offre pour ses actions, mais, par contre, on a compris dans les conversations qu'on a eues avec elle, que si une offre était faite, elle serait considérée sérieusement. En d'autres mots, tout est toujours à vendre, moyennant un certain prix.

M. Ciaccia: Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de s'impliquer dans l'achat des parts de Norcen ou si vous excluez cette possibilité?

M. Joron: Je ne l'exclus pas totalement, mais je peux vous répondre qu'à ce stade-ci, ce n'est pas l'intention du gouvernement. On ne peut jamais l'exclure pour l'éternité, mais ce n'est pas...

M. Ciaccia: Est-ce que c'est l'intention du gouvernement d'impliquer SOQUIP dans la distribution du gaz naturel à ce moment-ci?

M. Joron: C'est une possibilité que le gouvernement étudie avec beaucoup de sympathie, ce n'est pas choisi, encore une fois, ce n'est surtout

pas décidé, si ce choix était fait, que SOQUIP devait être impliqué, c'est la proportion dans laquelle elle devrait être impliquée. Est-ce que ce doit être une participation très minoritaire, substantielle ou plus importante? On est loin d'être rendu là. Je pense, fondamentalement, que la mission originale de SOQUIP, qui en est une d'exploration pour trouver des hydrocarbures sur le territoire du Québec, doit être préservée et qu'on ne doit pas distraire cette société d'Etat de sa mission principale. Dans ce sens, je ne pense pas — je vous livre le fruit d'une réflexion préliminaire — qu'il serait opportun que SOQUIP soit mutée, non pas qu'elle abandonne sa vocation antérieure, mais qu'elle en acquière une nouvelle plus importante que l'ancienne et qui la détournerait de l'objectif pour lequel elle a été créée; je pense que ce ne serait pas souhaitable.

M. Ciaccia: II me semble que ce serait plus souhaitable de clarifier les intentions du gouvernement. Si le gouvernement n'est pas clair dans ses intentions de dire: Oui, on veut être impliqué dans l'achat des actions, oui, on veut que SOQUIP le soit, qu'il le dise d'une façon ou d'une autre, sinon cela pourrait avoir des conséquences sur ceux qui ont l'intention de venir investir. Si je suis un investisseur et que je veux venir au Québec pour investir X centaines de millions de dollars, mais le gouvernement possède SOQUIP qui, peut-être va aussi être impliquée...

M. Joron: Vous voyez...

M. Ciaccia: II y aurait une certaine hésitation.

M. Joron: Pas vraiment, parce que le genre de discussion qu'on a en ce moment, je l'ai eu avec la plupart des partenaires potentiellement intéressés à s'impliquer dans la question du gaz au Québec. Pour plusieurs d'entre eux, la présence du gouvernement, soit par un "nominee holder" qui serait SOQUIP, par un détenteur d'actions — cela pourrait être SOQUIP comme cela pourrait être un autre, aussi — à leur point de vue est souhaitable parce que la plupart des intervenants, même privés, réalisent très bien que dans le domaine de l'énergie, aujourd'hui, l'implication des gouvernements est de plus en plus grande et qu'il est souhaitable, même pour ces intérêts, d'être en "partnership", si vous voulez. Ce n'est pas quelque chose qui a vraiment posé une difficulté, ce fut plutôt quelque chose qui a presque été recommandé, il s'agit de voir dans quelle proportion. (11 heures)

Une autre question qui a été soulevée, tout aussi importante, concerne la sécurité des approvisionnements. La loi gui a été annoncée dans le discours inaugural, une loi qui doit donner au gouvernement un outil, qu'il n'a pas à l'heure actuelle, de répartition en cas d'urgence et une loi qui devrait lui permettre également d'établir des normes de stockage minimum que devraient respecter les compagnies et ainsi de suite. Cette loi est en préparation, elle est pratiquement terminée.

Elle fera probablement l'objet d'un dépôt en première lecture à l'Assemblée nationale d'ici un mois. Elle n'a pas été étudiée encore par le Conseil des ministres, mais je pense qu'elle doit l'être incessamment, sinon à la prochaine séance, peut-être même à la séance de la semaine prochaine. C'est quelque chose qui devrait venir assez rapidement. Cette loi va donc nous permettre d'avoir un outil administratif pour faire face à une situation de pénurie, une situation d'urgence, si elle devait survenir.

Mais, au-delà de cela, je pense qu'il est important d'indiquer, au chapitre de cette sécurité des approvisionnements, que la sécurité fondamentale — et je le prends sur un plan plus global — il ne faut pas non plus la surdramatiser, cette affaire, parce qu'il y a le risque, à trop crier au loup, finalement d'apeurer la population pour rien.

La sécurité fondamentale de l'ensemble — je pense que c'est un point qui est important à tout le monde de saisir — des pays industriels est, bien sûr, partiellement menacée, parce que partie importante des approvisionnements provient des régions qui, politiquement, sont sensibles. On l'a vu à cause de l'Iran. Pourrait-il arriver d'autres choses au Moyen-Orient qui couperaient les pays occidentaux d'une partie de leurs approvisionnements pétroliers? Oui, cela pourrait arriver.

Mais il faut bien savoir que tout le pétrole du monde ne vient pas d'un seul et même endroit. Il provient d'une foule de sources. Si l'une se tarit ou est coupée temporairement, il est clair qu'on ne peut pas aux autres ouvrir les robinets aussi facilement qu'on ouvre les robinets d'un bain. Cela ne se fait pas comme cela. On n'augmente pas la production d'un champ pétrolifère en criant lapin, comme cela.

Tout resserrement ou tout tarissement, fût-il temporaire, d'une des sources d'approvisionnement aurait sans doute des conséquences importantes et graves. On n'enlève pas ne serait-ce que 3%, 4% ou 5% des approvisionnements pétroliers sans perturber l'ordre des choses dans les pays industriels. Mais les pays industriels, justement pouf parer à cela, ont fondé, il y a plusieurs années, l'Agence internationale de l'énergie, et se sont donné des règles justement pour parer à ces situations. Ce qui fait qu'ils ont établi ce qu'on pourrait appeler un système de sécurité collective. Cela inclut, évidemment, le Canada et les Etats-Unis, les grands pays européens, moins la France, pour des raisons de politique étrangère, avec les pays arabes, enfin, peu importe, c'est leur problème, mais tous les autres pays industriels, plus l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon également.

Le système fait que, si dans l'ensemble, les approvisionnements baissent, sont coupés de plus de 7% — en bas de ce seuil, quand on part de 100% et quand on est rendu à 93% — un système de répartition, au prorata entre les 20 ou 21 participants maintenant, commence à jouer. Ainsi, il n'y a pas un pays qui peut dire... prenons un exemple: Le Japon a avec l'Indonésie un contrat bilatéral qui lui garantit tant de centaines de

milliers de barils par jour, par exemple, et ainsi de suite. Advenant que les approvisionnements sont coupés au-delà de ces 7%, dans l'ensemble des pays industriels, même si un pays a un contrat particulier, comme j'en ai donné l'exemple, le Japon avec l'Indonésie, il est tenu de répartir, toujours en bas de ces 7%, le pétrole qui lui est destiné avec tous les autres, au prorata de la consommation antérieure de chacun. En d'autres mots, tous les pays industriels, s'ils doivent être privés de pétrole un jour, vont tous l'être ensemble et dans la même proportion. Ils vont tous souffrir au même degré d'intensité.

M. Ciaccia: Est-ce que vous nous dites que l'avertissement du président Carter aux Etats-Unis qu'il peut y avoir un rationnement cet été... Est-ce qu'il se peut que nous ayons aussi un rationnement au Québec?

M. Joron: Pas nécessairement, parce que, pour qu'il y ait un rationnement, le...

M. Ciaccia: Si on est tous affectés de la même façon...

M. Joron: Encore une fois, le système international de sécurité collective, si vous voulez, des pays industriels, joue à partir d'une baisse de 7%. Avant ça, each is on his own, chacun pour soi.

M. Ciaccia: La différence serait que les Etats-Unis importent 50% et que le Canada importe quelque chose comme 17%.

M. Joron: Peut-être. Mais un autre facteur très différent aussi, c'est que les Etats-Unis ont une sous-capacité de raffinage et, globalement, une possibilité de stockage moindre que celle que nous avons ici. Si bien qu'une petite diminution se traduit assez rapidement par une obligation d'aller rationner jusqu'à la pompe.

M. Ciaccia: S'il y a 50%...

M. Joron: Plus rapidement qu'ici au Canada. En d'autres mots, ici, je pense que vous avez un certain nombre de chiffres qui répondent à cette question dans les documents qu'on vous a fait parvenir, peut-être un peu trop tard, parce que je ne pensais pas que, finalement, ils seraient aussi volumineux que ça, mais je vous avouerai qu'on a fait un effort assez remarquable pour fournir beaucoup de renseignements.

M. Ciaccia: On vous félicite pour les documents et l'information que vous avez donnés.

M. Joron: Je vous remercie. Espérons que cela servira d'exemple aux autres ministères, parce que, dans les autres commissions, où on étudie d'autres crédits, je doute que l'on fournisse autant...

M. Ciaccia: J'espère qu'ils vous suivent plus dans votre exemple que dans votre conservation d'énergie.

M. Joron: On va y venir.

M. Ciaccia: On va revenir là-dessus.

M. Joron: II y a des chiffres sur la capacité de stockage au Québec qui montrent une possibilité, par produit, pour ce qui est de l'essence, de 374 millions de gallons et pour ce qui est de l'huile à chauffage, de 936 millions de gallons, dans les compagnies et les dépôts; plus évidemment le stockage aux raffineries mêmes qui est considérable; dans le cas de l'essence, 232 millions de gallons; dans le cas de l'huile légère et de l'huile lourde additionnées ensemble, 590 millions de gallons.

M. Ciaccia: C'est plus que le stockage, parce que vous pouvez avoir tout le stockage au monde, si vous n'avez pas la source, vous n'arrivez pas à stocker. Est-ce que c'est à cause du fait...

M. Joron: II y a un stockage...

M. Ciaccia: ... que le pipe-line de Sarnia en fournit un assez grand pourcentage des besoins? Alors, il y a moins de risques d'être coupé de nos sources d'approvisionnement s'il y a des crises au Moyen-Orient.

M. Joron: II y a un moyen de le traduire, vous avez ça à la page 86 du document bleu. Le tableau de la page 86, c'est la page des capacités de stockage des raffineries, pas des distributeurs ou des dépôts locaux, seulement des raffineries, par produit. Vous avez évidemment du stockage de produits déjà traités, essence, huile légère, huile lourde, stockage brut; si vous l'exprimez en barils plutôt qu'en gallons, 15 millions de barils de brut peuvent être stockés aux raffineries, en plus de ce qu'il y a déjà en circulation dans les pipe-lines.

J'ignore quel est le chiffre de ce qu'il peut y avoir de déjà rempli dans le pipe-line Portland-Montréal, par exemple, il est là, et ce qu'il y a entre Sarnia et Montréal, au moment où on se parle, il va arriver aussi. Plus ce qui est stocké comme produits déjà traités, vous en arrivez à un total de 39 millions de barils de produits non raffinés ou déjà raffinés; c'est à peu près 100 jours de consommation, un peu plus de trois mois, c'est pas mal. Vous ajoutez à ça ce qu'il y a à la page précédente, à la page 85, ce qui peut être stocké dans les dépôts et chez les distributeurs indépendants. Ici, c'est exprimé — on ne parle plus de brut, on parle de produits raffinés — en gallons qui s'ajoutent à cela et c'est assez substantiel aussi. (12 heures)

Alors, théoriquement, il n'y a pas lieu de craindre d'être mal pris, sauf qu'il faut bien comprendre que c'est une capacité de stockage théorique. Cela ne veut pas dire qu'au moment où on se parle, tous ces réservoirs sont pleins. Parce

que, l'évolution des prix rapidement à la hausse, vous comprendrez, n'incite pas les compagnies à garder des réservoirs pleins, les prix augmentant relativement rapidement. C'était un des facteurs qui ont fait que le niveau de stockage et les coûts du stockage aussi... plus le produit que vous stockez est cher, plus le financement de cet investissement est coûteux, alors moins cela incite les compagnies à stocker. C'est la raison pour laquelle il faudrait avoir un instrument législatif qui nous permette d'établir des niveaux minimaux de stockage après qu'on ait déterminé ce qui est sécuritaire et ainsi de suite, de façon à être en mesure de protéger la population, advenant une interruption temporaire.

Encore une fois, une interruption — je ne veux pas surdramatiser cela non plus — s'il arrivait des événements malheureux au Moyen-Orient qui couperaient la source la plus importante du monde: l'Arabie Saoudite, par exemple, si plus rien ne sort de l'Arabie Saoudite pendant un certain temps, cela ne fait pas tomber à zéro les arrivages de partout. Cela les diminue considérablement...

M. Ciaccia: Ce ne fait pas diminuer les 300 000 barils par jour qui viennent de l'Alberta, de Sarnia à Montréal...

M. Joron: Exactement.

M. Ciaccia: Alors, on n'a pas besoin de s'inquiéter de ce qui arrive à l'Arabie Saoudite. C'est pour cette raison que j'ai demandé si vous allez demander au gouvernement fédéral d'augmenter la capacité du pipe-line de Sarnia-Montréal qui a été construit pour pallier précisément la crise de 1973. On n'avait pas de pipe-line jusqu'à Montréal dans ce temps.

M. Joron: Sur la question de... là, on est...

M. Ciaccia: Là, on serait, en cas d'urgence, en cas de crise, complètement à l'épreuve de toute crise politique...

M. Joron: Sauf que le problème...

M. Ciaccia: ... dans le reste du monde, sauf aux obligations du Canada d'aider les autres pays industrialisés.

M. Joron: Mais le problème à ce moment, c'est que même si une telle proposition était faite, elle serait probablement critiquée d'un strict point de vue financier pour la raison suivante...

M. Ciaccia: Ils ont critiqué orginalement. Le prolongement de Sarnia à Montréal, les gens ne voulaient pas le faire, ils disaient que ce n'était pas rentable. Ils l'ont fait et c'est devenu rentable. Alors, la même chose... ce n'est pas pour aujourd'hui, mais il faut prévoir de cinq à dix ans d'aujourd'hui. On ne sait pas ce qui va se passer dans ces autres pays.

M. Joron: Mais justement, voilà la réponse. Cinq à dix ans d'aujourd'hui, les sources conventionnelles, le pétrole classique en Alberta, principalement — parce que c'est surtout là que c'est situé — va être considérablement restreint.

Alors, à un moment où ce qu'on pourrait mettre dans ce pipe-line va déjà être moindre que la capacité actuelle du pipe-line, cela devient hasardeux de parler aujourd'hui de l'élargir.

M. Ciaccia: Ils avaient dit la même chose en 1973. Ils avaient dit: En 1980, il n'y aura plus d'huile de l'Alberta. Pourquoi prolonger? Ils l'ont prolongé et tout à coup ils ont réalisé que ce n'est pas en 1980, c'est en 1995 qu'il n'y en aura plus.

M. Joron: Non, non, non.

M. Ciaccia: Alors, dans un autre cinq ans...

M. Joron: Mais oui, mais 1995. Attention! Sauf que c'est à partir...

M. Ciaccia:... l'Office national de l'énergie, en 1995, 300 000 barils par jour. Alors, il y a d'autres découvertes. Je crois que la question de précaution... si on juge l'avenir par le passé, la même chose peut se produire...

M. Joron: Sauf que c'est...

M. Ciaccia: Pour nous protéger, nous, au Québec, on devrait insister, on devrait le demander.

M. Joron: C'était à plus court terme; c'est entre 1980 et 1985 que la réduction va commencer. Elle tombe au niveau que vous avez mentionné au bout de la ligne, en 1995. Mais la réduction, elle, par rapport aux quantités actuelles, commence dans quatre ou cinq ans à peine.

M. Ciaccia: D'après les plus récentes données de l'Office national de l'énergie, cela ne commencera pas avant 1990.

M. Joron: Mais il y a un autre point également aussi et celui-là est un point important: il apparaît clair également à l'Office national de l'énergie, comme aux planificateurs énergétiques à Ottawa, que l'ensemble du Canada actuel va continuer d'importer une partie de sa consommation pétrolière. C'est surtout évidemment vers les raffineries de l'Est, et le plus gros centre de raffinage est celui de Montréal — une capacité d'environ 600 000 barils, à Montréal — que cela arrive.

Le pipe-line actuel de Portland à Montréal, dans cette optique-là, est un investissement déjà réalisé évidemment qui ne coûte plus rien dans le sens qu'il a été payé. Il doit être maintenu, parce qu'on continue d'y requérir, on va devoir y requérir probablement au même niveau que par le passé dans un avenir probablement très prochain, sauf que, techniquement, le pipe-line doit fonctionner à

un niveau minimal d'à peu près 100 000 barils par jour, en été, et d'à peu près 150 000 barils par jour, en hiver. Si vous fonctionnez en bas de ces quantités-là, vous mettez en cause ou en danger le fonctionnement même de l'oléoduc en question.

M. Ciaccia: A quel niveau fonctionne-t-il maintenant?

M. Joron: II est à peu près à 150 000, 125 000 à 150 000 barils, on ne peut pas aller beaucoup plus bas. Disons 125 000 barils, la moyenne d'un an, été et hiver combinés, plus les 300 000 barils approximatifs qui viennent de l'autre, on est rendu à 425 000 barils. Vous savez que c'est rendu à peu près au niveau de la consommation actuelle qui a baissé depuis deux ou trois ans.

C'est pourquoi je ne pense pas qu'on assiste à des variations considérables de volume d'un pipeline par rapport à un autre dans les années qui viennent. Il faut aussi dire que... Cela répond peut-être partiellement à une autre question que vous avez soulevée préalablement. Dans quelle mesure nos programmes d'économie d'énergie se traduisent-ils, concrètement, dans les statistiques, dans les faits par une réduction du rythme de croissance de la consommation? Il est tôt évidemment pour attribuer à tel ou à tel programme ou à telle politique tel effet, sauf que les données préliminaires que nous avons... On a indiqué, dans les documents qu'on vous a fait parvenir, qu'il était de notre intention, bientôt, quand les chiffres définitifs seront prêts, de publier un bilan statistique de la consommation d'énergie des dernières années. Les chiffres officiels de 1976, 1977 et 1978 ne sont pas encore publiés. Ceux à partir desquels les statistiques du livre blanc ont été fondées, vous vous en rappellerez, sont les chiffres de 1975. Ce qui est intéressant, ce que les données préliminaires nous disent, à l'heure actuelle, c'est qu'on avait, dans le livre blanc, fixé, de l'année 1975 à l'année 1990 effectivement, les objectifs de croissance de la demande, compte tenu de telles mesures de conservation de l'énergie.

Au point où on en est, les données préliminaires — les données définitives, comme je vous dis, on va les avoir dans quelques semaines ou quelques mois au plus tard — nous indiquent qu'on est même légèrement en deçà de nos prévisions, que certains jugeaient déjà ambitieuses au moment de la publication du livre blanc. Effectivement, les données qu'on a jusqu'à maintenant indiquent une chute de la croissance de la consommation encore plus grande que celle qu'on avait définie comme objectif. Elle peut être attribuable à toutes sortes de causes, comme simplement les prix, comme simplement tel événement circonstanciel, comme un hiver plus froid qu'un autre et des choses comme cela.

M. Ciaccia: ... industriel.

M. Joron: II n'y a pas assez d'années encore pour... Mais il y a quand même un encouragement, c'est que la consommation a définitivement — on peut dire cela maintenant — stoppé de croître dans les proportions où elle avait crû, par exemple, dans les années soixante. C'est à peu près le même cas d'ailleurs dans bien d'autres pays industriels, ce qui fait qu'il y a déjà des proportions que l'on emploie souvent quand on parle et quand on se réfère aux différentes politiques énergétiques. Même si le livre blanc a été publié il y a moins d'un an, il y a déjà des chiffres qui sont dépassés là-dedans. On y lit qu'en 1975, l'électricité fournissait 22% de la demande totale d'énergie, exprimé en BTU. Au moment où on se parle, on est déjà en haut de 25%, probablement, à cause de la perte... Le pétrole qui était à 70% est probablement autour de 66% ou 67% au moment où on se parle.

Compte tenu de tout cela, cela semble aller dans la bonne direction. Je ne veux pas prendre davantage de temps. Je sais que je n'ai pas répondu à toutes les questions que vous avez posées. Il y en a peut-être une dernière par rapport au nucléaire qui est une question importante aussi. Il y a aussi la question de la publicité, mais j'attendrai que le député de Richmond revienne.

Par rapport au nucléaire, le député de Richmond, dans sa question, faisait allusion un peu plus tôt à la nécessité, comme l'avait demandé d'ailleurs un organisme comme la Société pour vaincre la pollution, qu'il s'élève au Québec un grand débat public sur la nécessité ou non du nucléaire. Ce débat est déjà amorcé, me semble-t-il. Il n'a peut-être pas ici, dans notre société, la même intensité qu'aux Etats-Unis ou que dans certains pays européens, pour la bonne et simple raison qu'au moment où on se parle, il n'y a pas de production nucléaire au Québec et que l'on sait que, même s'il y en avait dans l'avenir, elle ne sera pendant très longtemps que marginale.

C'est sûr que cela ne fait pas un climat propice à un débat intense, comme on peut le voir dans certains coins aux Etats-Unis ou dans des pays comme en Allemagne ou en France, où le débat est devenu très chaud. Ce débat existe néanmoins, on le voit. Ce n'est pas le gouvernement non plus qui décide s'il doit y avoir dans une société un débat sur cette question ou pas. Je souhaite ce débat, et je me réjouis de voir qu'il s'accentue.

On n'a qu'à voir les différents media qui y accordent infiniment plus d'importance depuis quelques semaines ou quelques mois que par le passé. Il y a des discussions, il y a des colloques, il y a des ceci et des cela. Ce débat est en train de s'élever. On va avoir l'occasion de l'avoir, je l'ai déjà dit en Chambre, au moment où je pense que ce serait probablement... Le moment opportun serait celui où on devra se réunir pour étudier le rapport des activités de l'Hydro-Québec, parce qu'à ce même moment, le programme d'investissements de l'Hydro sera après la phase 1 de la baie James; en d'autres mots, quelles nouvelles installations seront prévues pour les années 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990? Cela semble être l'élément central, si vous voulez, de la politique énergétique en cette année 1979. C'est de cela

dont on va principalement parler. Ce dont on devra discuter ensemble à ce moment, c'est si, dans ce programme d'équipements 1985-1990 qui va suivre les travaux actuellement en cours à la baie James, les nouvelles installations devront ou pas inclure d'autres centrales nucléaires que Gentilly II, qui est en voie d'être terminée. A ce moment, je pense que le débat...

M. Ciaccia: Pensez-vous, M. le ministre, à une commission parlementaire pour étudier tous les rapports annuels de l'Hydro-Québec, de la Société d'énergie de la baie James, qui va prendre une journée ou deux? Même si elle en prend trois, même si elle prend toute une semaine, vous pensez que c'est suffisant pour avoir un débat et informer le public de la nécessité du nucléaire, des dangers, des mesures de sécurité. Vous pensez que le public sera vraiment informé quand... Je pense que vous acceptez même qu'une commission parlementaire n'a pas les outils nécessaires. On peut poser certaines questions, mais on n'a pas l'aide technique. C'est cela que j'avais demandé, d'instituer une commission parlementaire — appelez-la comme vous voulez — avec l'aide technique, parce que, quand vous dites que le débat se produit sur la place publique, il ne se produit pas maintenant, parce qu'il y a une responsabilité du gouvernement. Le gouvernement a une politique de moratoire qui, je pense, n'est pas une politique, vous attendez.

Un référendum sur le nucléaire, ce n'est pas la réponse non plus, parce qu'on n'aura peut-être pas toute l'information. Comment le public peut-il être informé adéquatement? Je pense qu'il y a une responsabilité du gouvernement et qu'il ne doit pas laisser ça seulement à des sociétés comme STOP ou d'autres organismes.

M. Joron: Oui, le fond de ce débat, finalement, c'est de savoir si on en a besoin ou non. C'est la première des questions. Si on détermine qu'on en a besoin, la deuxième question est de se demander si c'est sécuritaire ou non. Si ça ne l'était absolument pas, je vous avouerai qu'on ne sera pas les seuls au monde à trancher cette question. Ce serait une deuxième...

La troisième question qu'on peut se poser dans un débat semblable, c'est que, même si nos évaluations des besoins futurs nous disaient qu'on en a besoin, est-ce qu'on est prêts à changer la nature de nos besoins pour s'en passer de toute façon? C'est la troisième étape. (12 h 15)

M. Ciaccia: Que faites-vous du transfert technologique, à ce moment-là, si vous décidez, dans deux, trois, quatre années, que vous en avez vraiment besoin et que vous n'avez pas la technologie nécessaire?

M. Joron: Justement, dans les crédits, des sommes sont prévues cette année, précisément à la Direction des énergies nouvelles, qui s'occupe également de la question nucléaire; il y a des sommes qui sont disponibles, dont l'affectation n'a pas encore été décidée au moment où on se parle, mais qui pourraient servir justement à répondre à la question que vous venez de poser, que je trouve extrêmement pertinente.

Est-ce que le fait d'avoir construit Gentilly II et est-ce que le fait de décider, si on le décidait, de construire un Gentilly III, c'est suffisant pour assurer un transfert technologique? Quelle est la nature de ce transfert? Est-ce qu'on gagne vraiment des connaissances à faire ça? Voilà des questions extrêmement intéressantes qu'il faudrait se poser.

C'est ce genre d'études, je pense, qu'il est de notre devoir de faire et de rendre disponibles pour fournir la matière à la discussion que vous souhaitez. On n'a pas tous ces éléments jusqu'à maintenant, mais, de toute manière, si notre évaluation — je vous pose la question à mon tour — si nous tombions tous d'accord sur cette évaluation de nos besoins futurs et si nous concluions à la non-nécessité du nucléaire, y a-t-il lieu, à ce moment-là, d'en faire un débat? On n'en fera pas quand même, même si on n'en a pas besoin.

M. Ciaccia: Un instant! Un instant! Quand vous dites que vos études... Je crois qu'on ne peut pas se fier seulement aux études d'un ministère...

M. Joron: Bon!

M. Ciaccia:... avec tout le respect que je dois à votre ministère. Je crois que c'est important que ça se fasse sans partisanerie. La question du nucléaire, ça ne devrait pas être partisan.

M. Joron: ...

M. Ciaccia: Ou on en a besoin et on peut le faire avec des mesures sécuritaires, ou on n'en a pas besoin et on peut prendre... Je crois que la seule façon que le public soit informé... Parce qu'il y a toutes sortes de groupes de pression. Il y a ceux qui en veulent pour des intérêts personnels, pour eux-mêmes. Il y a ceux qui n'en veulent pas pour d'autres motifs, question d'environnement, etc. Je crois que la seule façon de vraiment faire une étude objective, ce serait en présence de l'Opposition officielle et avec l'aide technique pour que la population puisse participer. Si elle a des représentations à faire, elle peut le faire. Ce n'est pas une question d'avoir une commission parlementaire et d'avoir des mémoires pour dire que l'un est pour et que l'autre est contre. Je ne pense pas que ça donnerait grand-chose.

M. Joron: C'est ma crainte un peu, oui.

M. Ciaccia: Mais si vous dites que la réponse, c'est d'avoir une commission parlementaire, soit la commission parlementaire annuelle de l'Hydro-Québec...

M. Joron: Non.

M. Ciaccia: ... franchement, il faudrait même changer le format de cette affaire, parce que ça ne produit pas grand-chose.

M. Joron: Pour mener à bien et à fond une telle discussion, je suis d'accord avec vous que ça nécessiterait passablement d'information préalable venant de diverses sources et rendue disponible longtemps d'avance, non pas le jour même de la commission ou une semaine plus tôt. Je suis parfaitement d'accord avec vous là-dessus. J'avais indiqué, l'année dernière, qu'on allait s'efforcer de rendre une telle documentation disponible longtemps à l'avance. D'ailleurs, probablement avez-vous déjà reçu, les membres de la commission de l'énergie, une lettre que je vous adressais au début du mois d'avril, une première étape dans ce sens, par rapport à la Société d'énergie de la baie James par laquelle je souhaitais qu'on puisse faire une espèce de commission itinérante, alors que ce sont les membres de la commission qui se déplacent vers les bureaux de la Société d'énergie de la baie James, pour avoir l'occasion d'interroger les gens sur place en ayant à l'avance une documentation valable.

M. Ciaccia: Vous avez limité le sujet, c'est strictement sur...

M. Joron: Pour cette journée-là, je ne peux pas commander des séances d'étude à volonté, à tout bout de champ, mais je ne demanderais pas mieux que vous me disiez que vous en voulez d'autres; on en fera d'autres, on lui demandera, après tout, c'est une société d'Etat, c'est aux parlementaires d'exiger de ces sociétés les documents et les séances d'information qu'ils estiment nécessaires.

C'est dans cette voie qu'on se dirige. Je suis d'accord que le débat ne sera jamais satisfaisant, tant que beaucoup plus d'information ne sera pas véhiculée, mais c'est dans cette voie qu'on s'engage. Rien n'est déterminé pour l'avenir, je ne vous dis pas que c'est le seul forum, je retiens...

M. Ciaccia: Je pense que vous patinez un peu. M. Joron: Je ne patine pas, parce que...

M. Ciaccia: Vous dites pendant la commission parlementaire, vous ne dites pas oui, vous référez peut-être qu'il faut changer, les informations...

M. Joron: Je récolte...

M. Ciaccia: J'aimerais avoir une réponse: oui ou non.

M. Joron: Ce ne serait pas responsable de ma part de vous en donner une tout de suite avant d'avoir d'une part, récolté vos avis—je les récolte — de les avoir pesés, d'en avoir reçu d'autres, également, et, finalement, de décider. Je ne vous dis ni oui ni non à cette question, effectivement, parce que je ne veux pas qu'on rate cette occasion, je veux qu'on fasse un bon choix, un bon forum pour avoir un débat en pleine connaissance de cause. Je le souhaite autant que vous, parce que je suis de ceux qui croient que cette question n'est pas une question partisane, c'est une question qui ne devrait pas nous opposer les uns aux autres et on a tous, finalement, les mêmes intérêts dans cette affaire.

M. Ciaccia: Même dans votre livre blanc, vous aviez prévu le transfert de la technologie avec la construction de Gentilly III.

M. Joron: On veut savoir à quel point on y gagne; cela reste à déterminer, je suis d'accord avec vous.

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais aborder un autre sujet, revenir sur une question générale et, à la prochaine séance...

Le Président (M. Clair): Est-ce qu'on s'entendrait pour reporter l'étude des programmes budgétaires à la prochaine séance?

M. Brochu: A la prochaine séance.

M. Ciaccia: Je voudrais seulement faire un commentaire et poser une question au ministre, je reviens à la conservation d'énergie. Les explications que le ministre a données me donnent l'impression — je vais être très franc avec vous — que vous avez les bonnes intentions, les meilleures au monde dans le domaine de la conservation d'énergie, mais que le gouvernement n'est pas intéressé. Ce sont des impressions que j'ai. Vous dites que le public n'est pas sensibilisé et vous dites: Le président Carter, cela lui a pris deux ans et il ne peut pas convaincre le congrès ni le public américain. Je ne vous demande pas de convaincre le public, mais il y a certaines mesures concrètes que vous ou que votre gouvernement pourrait prendre. S'il ne les prend pas...

M. Joron: ... "juste pour le fun".

M. Ciaccia: Le transport urbain à Montréal...

M. Joron: Oui, d'accord, la taxe sur les gros véhicules...

M. Ciaccia: Cela aussi, bien je vous cite, cela n'est pas la recommandation que je fais.

M. Joron: Vous ne voulez pas prendre la paternité de cette taxe.

M. Ciaccia: Non pas celle-là. Bien, si vous pensez que c'est important, convainquez le ministre des Finances, il a fait des choses bien pires que celle-là.

M. Joron: Bien, je peux vous...

M. Ciaccia: Cela ne serait pas la pire qu'il aurait faite.

M. Joron: Est-ce que je peux répondre seulement à celle-là, avant que vous continuiez.

M. Ciaccia: Oui.

M. Joron: J'ai essayé de le convaincre de cela, justement. Je ne l'ai pas convaincu, je vous le dis. Mais je pense qu'il avait raison finalement. Quand on a tout regardé en détail, vous faisiez allusion à quelque chose que j'ai dit à ce sujet il y a déjà deux ans. Finalement, on s'est dit que le critère le plus admihistrable, par lequel une telle taxe pourrait être perçue — taxe à l'achat, selon le rendement énergétique des véhicules — a probablement rapport au poids; au point de vue administratif, c'est la façon la plus simple. Mais on s'est rendu compte, à regarder le poids des véhicules des modèles 1979 auxquels cela s'appliquerait, que la plupart des compagnies d'automobiles sont allées chez les Weight Watchers depuis quelques années. Finalement, le processus d'amaigrissement est passablement entamé. Le mouvement de rape-tissage qui va avoir une grosse conséquence...

M. Ciaccia: Non, mais il y a encore de grosses voitures...

M. Joron: ... sur la consommation d'énergie...

M. Ciaccia: II y en a encore.

M. Joron: Bien, oui mais c'est cela...

M. Ciaccia: C'était seulement, je ne veux pas insister là-dessus...

M. Joron: Je pense qu'elle est devenue inutile...

M. Ciaccia: ... je donnais cela comme exemple.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Joron: ... cette taxe parce que justement les...

M. Ciaccia: L'autre endroit où définitivement vous pourriez insister, comme ministre de l'énergie, c'est le transport Montréal-Deux-Montagnes. C'est absolument incroyable qu'un gouvernement agisse de cette façon, parce que la conclusion que je peux tirer c'est que le ministre des Transports a d'autres priorités politiques. Ses $30 millions qu'il veut éparpiller dans les différents comtés pour les traverses à niveau, politiquement, cela fait peut-être son affaire, mais je pense que, en tant que responsabilité gouvernementale, c'est là que je dis que le gouvernement ne vous suit pas dans vos mesures de conservation.

Dans votre livre blanc — je vais vous demander si cet investissement a été fait — vous aviez prévu, dans le domaine public et parapublic, un investissement de $9 millions qui pourrait rapporter un certain montant. Vous pouviez réduire de $7 millions à $3 600 000 la facture énergétique annuelle et cela, avec un investissement total de $9 millions. Cela, c'est pour les travaux publics.

C'est bien beau, je suis d'accord que si on pouvait investir $9 millions et réduire, ce n'est pas seulement le montant de $3 millions qu'on sauve, c'est aussi l'énergie qu'on sauve, mais est-ce que cet investissement a été fait? Est-ce que vous avez fait plus dans le domaine public et parapublic que seulement la mise sur pied de quatre comités de conservation qui vont étudier le problème? Je ne vous demande pas d'imposer de changer le point de vue du public, parce que c'est bien difficile. On a été trop habitué à gaspiller l'énergie, mais il y a des mesures concrètes que votre gouvernement peut prendre au niveau des autres ministères et au niveau d'autres organismes et dans d'autres secteurs où, je le répète encore, il y a le transport urbain.

Je vois d'un côté, vos intentions, qui sont bonnes, je l'avoue, mais je vois, d'un autre côté, que le gouvernement ne vous suit pas et accorde d'autres priorités. La conservation de l'énergie n'en est pas une.

M. Joron: Je pense que vous avez tort, le gouvernement accorde une priorité considérable à cette question et vous le verrez dans des gestes concrets, dans les mois qui viennent, à ce principe d'un programme quinquennal d'investissements, dans les édifices publics et parapublics, de façon à augmenter le rendement énergétique des édifices existants. Le principe en a été approuvé récemment au Conseil des ministres. Ces modalités, les budgets qui paraîtront, parce que toute la partie préliminaire à savoir combien il y a à gagner, en dépensant combien, c'est terminé, on sait que ce sont des investissements qui en valent la peine. Le ministre des Finances en est convaincu, le gouvernement également, le principe a été adopté, a été retenu, et c'est évidemment dans les budgets de chacun des ministères, dans les années à venir, parce que c'est un programme qui ne s'échelonnera pas sur six mois, ça va être un programme de plusieurs années, on va avoir la traduction en chiffres, dans les crédits de chacun des ministères.

Ce serait un peu onéreux ici d'essayer de faire le tour de tous les ministères pour retracer... surtout que ce n'est pas tout le temps retraçable, également. Parce que tout n'apparaît pas nécessairement dans les crédits — je n'ai pas étudié dans le détail les crédits des Travaux publics, par exemple — mais il y a des tas de choses qui sont sous un vocable ou sous une tête de chapitre, disons rénovations, qui incluent effectivement des investissements qui ont un résultat en matière d'économie d'énergie.

M. Ciaccia: Pour votre information, les chiffres que les Travaux publics nous ont donnés et qui sont alloués pour la conservation de l'énergie, c'est $600 000. Ce n'est pas beaucoup.

M. Joron: C'est cela qui peut être réalisé.

M. Ciaccia: Sur un budget global de je ne sais pas combien de millions; je n'ai pas le...

M. Joron: Ce que je vous dis, enfin, en réponse à votre question sur la préoccupation du gouvernement, c'est que le principe d'un programme quinquennal — les montants et les modalités, on les rendra publics un peu plus tard — ce principe a été admis.

Vous avez soulevé une dernière question. Je veux vous répondre en vous disant qu'évidemment, au ministère des Transports, le souci — encore une fois, on n'est pas ici pour défendre les crédits des Transports — de la conservation de l'énergie au ministère des Transports, c'est un des ministères où c'est le plus élevé, où cela fonctionne très bien. Le ministère a des programmes. Je rappelle le comité dont je vous faisais part tout à l'heure qui existe et qui a fait des recommandations qui commencent à se traduire dans les différents programmes. Je retiens particulièrement l'insistance que vous mettez sur la ligne de chemin de fer des Deux-Montagnes...

M. Ciaccia: Et le West Island aussi...

M. Joron: Oui, qui traverse votre comté, d'ailleurs...

M. Ciaccia: Absolument, cela traverse mon comté. Ce n'est pas loin de votre comté non plus.

M. Joron: Vous, de la ville de Mont-Royal, quand vous allez en ville, prenez-vous le train? Quand vous allez au centre-ville?

M. Ciaccia: Vous savez bien que je n'habite pas à Mont-Royal, comme plusieurs députés de votre côté. Non, je n'habite pas à Mont-Royal.

M. Joron: Je ne le savais pas.

M. Ciaccia: Mais s'il y avait un bon service, je le prendrais.

Le Président (M. Clair): Messieurs, il est 12 h 30. La commission parlementaire de l'énergie ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 12 h 31

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