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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le vendredi 22 mars 1985 - Vol. 28 N° 31

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation : La situation de l'industrie du bois de sciage


Journal des débats

 

(Dix heures)

Le Président (M. Bissonnet): La commission permanente de l'économie et du travail commence ses travaux ce matin avec l'interpellation du député d'Outremont au ministre délégué aux Forêts sur le sujet suivant: La situation de l'industrie du bois de sciage.

Il s'agit d'un débat de deux heures et le député qui a donné l'avis d'interpellation intervient le premier durant dix minutes. Le ministre interpellé intervient ensuite durant dix minutes. Il y a ensuite alternance dans les interventions: un député du groupe de l'Opposition, le ministre, un député ministériel et ainsi de suite.

Cet ordre des interventions a été convenu lors d'une réunion des leaders des groupes parlementaires. Chacun des intervenants a un temps de parole de cinq minutes. Si un intervenant utilise moins de cinq minutes, le temps non utilisé est perdu et on passe à un député d'un autre groupe parlementaire. Vingt minutes avant la fin de la séance, soit à 11 h 40, le président accorde un dernier temps de parole de dix minutes au ministre et l'interpellant, soit le député d'Outremont, a ensuite droit à une réplique de dix minutes et le débat est clos.

La parole est au député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je voudrais, dans un premier temps, souligner qu'il y aura deux membres de ma formation politique qui ne sont pas membres de la commission mais qui participeront aux travaux ce matin. Il s'agit du député de Saguenay...

Le Président (M. Bissonnet): M. le secrétaire, pourriez-vous faire l'appel des membres pour faire les remplacements?

M. Fortier:... et du député de Portneuf.

Le Président (M. Bissonnet): M. le secrétaire, nous allons faire l'appel des membres. Nous reviendrons à vous ensuite, M. le député d'Outremont.

Le Secrétaire: M. le Président, avant de faire les remplacements, je voudrais signaler que M. Pagé, député de Portneuf, est déjà membre de la commission.

M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Bissonnet): Afin que le député de Laurentides-Labelle et le député de Saguenay puissent participer à cette séance, M. le ministre, y a-t-il consentement?

M. Jolivet: Vous parlez de Laurentides-Labelle?

Le Président (M. Bissonnet): Le député de Labelle, je m'excuse.

M. Jolivet: D'accord.

Le Président (M. Bissonnet): Votre ex-collègue.

M. Jolivet: D'accord. Quant à moi, il n'y aucun problème.

Le Président (M. Bissonnet): II y a consentement. Très bien. M. le député d'Outremont, nous commençons avec vous.

Exposé du sujet M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, si nous avons voulu inscrire cette interpellation ce matin, c'est que, comme vous le savez, nous nous intéressons de très près au développement économique du Québec. Tout ce qui concerne la création d'emplois, tout ce qui concerne les politiques pour sauvegarder les emplois, nous intéresse de très près. Dernièrement, avec plusieurs de mes collègues de la mission économique du Parti libéral du Québec, j'ai eu le plaisir de visiter plusieurs régions du Québec pour me rendre compte qu'en particulier, dans le domaine de la forêt, il y avait plusieurs problèmes. Plusieurs problèmes qui tardent à être réglés, qui créent des inconvénients au développement économique de plusieurs de ces régions et qui demandent qu'une attention toute spéciale leur soit accordée.

M. le Président, dans tous ces problèmes qui touchent la forêt, on aurait pu en prendre plusieurs, mais comme nous sommes limités par le temps, nous avons voulu inscrire un problème en particulier, celui qui touche l'industrie du bois de sciage.

De fait, l'industrie du bois de sciage est en crise depuis déjà fort longtemps, depuis au moins trois ans, et le gouvernement le sait bien, d'ailleurs, mais il

ne bouge pas. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu inscrire ce problème à l'ordre du jour pour permettre au ministre de nous dire pourquoi il tarde tant, pourquoi le gouvernement a tant tardé à résoudre ce problème et pourquoi il tarde tant à donner suite à plusieurs recommandations qui lui sont venues de ses propres fonctionnaires.

On sait que l'industrie du bois de sciage au Québec, c'est extrêmement important: 15 000 emplois directs, 15 000 emplois indirects en forêt, pour un total d'environ 30 000 emplois. L'industrie du bois de sciage au Québec est au deuxième rang de l'industrie canadienne du bois de sciage, 20% des valeurs de livraison, derrière la Colombie britannique. On sait que ces industries alimentent l'économie d'environ toutes les régions du Québec. Que ce soit le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, le Québec, la Beauce, Trois-Rivières, l'Estrie, Montréal, les Laurentides, l'Outaouais, l'Abitibi-Témis-camingue, la Côte-Nord, toutes ces régions dépendent dans une très grande proportion de l'industrie du bois de sciage et sont affectées par les malaises qui touchent cette industrie présentement.

Le gouvernement a en main plusieurs études. Une étude a été publiée en 1982-1983 et fait référence à des études plus préliminaires qui avaient été faites en 1981. Une étude plus récente et un rapport ont été faits au ministre en octobre dernier. Il semble bien, M. le Président, que les fonctionnaires ont fait leur travail; ils ont analysé la situation, ils ont fait des recommandations et, d'ailleurs, je dois les féliciter pour la qualité des analyses qu'ils ont faites. Mais, ce qui fait défaut, c'est la volonté politique de régler ces problèmes qui sont extrêmement difficiles et qui demandent un certain courage politique. Il semble bien que le gouvernement n'a pas ce courage de régler ces problèmes.

On sait que les prix du bois de sciage sur les marchés sont à la baisse. On sait que ces prix ne permettent pas à l'industrie de se rentabiliser. Par ailleurs, il y a une offre trop grande de copeaux qui donne également une tendance à faire chuter les prix: alors que les prix des copeaux étaient de 69 $ la tonne en 1981, ils ne sont plus, en 1984, que de 65 $ la tonne.

Les investissements dans l'industrie du bois de sciage sont en chute libre. En 1974, au Québec, l'industrie du bois de sciage a investi pour 65 000 000 $; en 1983, c'était le point le plus bas dans les investissements, 16 000 000 $. Ceci s'est dégradé année après année et le gouvernement aurait dû se poser des questions, à savoir: Pour quelle raison les industriels n'investissent-ils pas dans l'industrie du bois de sciage? Il y a des raisons à cela.

Si on n'investit pas, c'est parce qu'on n'a pas confiance en l'avenir, c'est parce qu'on redoute qu'il y a des ruptures de stock ou on redoute que la rentabilité soit compromise. C'est donc dire que ces signaux n'ont pas été entendus par le gouvernement qui n'a pas agi.

La rentabilité depuis 1981 est très précaire. Il y a eu des pertes en 1981. La rentabilité a été précaire en 1982-1983 et plusieurs sociétés ont été en difficulté. D'ailleurs, le rapport de l'automne dernier du ministère donne un tableau qui indique que, dans presque toutes les régions du Québec, il y aura fermeture d'usines: Bas-Saint-Laurent, fermeture de deux usines de moyenne taille pour cause de non-rentabilité; Saguenay, Québec, région 04, région 05. Je pourrais faire la liste, M. le Président, et je pourrais indiquer, comme c'est indiqué dans ce rapport, que toutes les régions du Québec pourraient être affectées et elles ont été, de fait, affectées par des fermetures d'usines.

D'ailleurs, le ministre le sait bien et les journaux ont fait état de certains de ces problèmes. On connaît les problèmes de Forex en Abitibi; d'ailleurs, le gouvernement devrait le savoir parce que plusieurs de ces compagnies doivent des droits de coupe au gouvernement. Forex doit 2 500 000 $, je crois, au gouvernement du Québec. Le ministre lui-même a indiqué que d'autres compagnies de bois de sciage ont des arrérages de paiement de droits de coupe pour un montant, je crois, qu'il a indiqué de 10 000 000 $. Lorsqu'on sait ces choses, on sait que l'industrie est en difficulté.

M. le Président, la question fondamentale que j'aimerais poser au ministre aujourd'hui est: Connaissant ces difficultés de l'industrie du bois de sciage depuis déjà trois ans, ayant en main plusieurs de ces rapports avec des recommandations très pertinentes... J'ai ici en main les recommandations du rapport de 1982-1983 qui n'avaient pas été publiées, mais que j'ai en main, où on parle de consolidation, des critères qu'on doit utiliser pour l'allocation de matières ligneuses. On indique qu'une action est nécessaire. Le rapport de 1984 à la page 20, il est très clair et je vais le citer: "La situation où se retrouvent les industriels du bois de sciage résineux est telle que nombre d'entre eux se retrouveront à brève échéance dans de sérieuses difficultés, pour ne pas dire en faillite. " Un peu plus loin on dit: "II est impératif d'adopter le plus rapidement possible un train de mesures qui seront de nature à stabiliser et à consolider l'industrie du bois de sciage résineux et peut-être même la réorienter puisqu'il ne peut être question d'augmenter sa capacité de production pour plusieurs raisons dont la plus évidente est l'état de la matière première. "

Un peu plus loin, à la page 22, en conclusion, le rapport dit: "La situation de

l'industrie du bois, et plus précisément celle du secteur du bois de sciage résineux, est alarmante, si bien qu'elle sera catastrophique pour plusieurs entreprises à moins que le gouvernement n'entreprenne immédiatement une action majeure. "

M. le Président, les fonctionnaires ont fait leur travail, ils en ont fait l'analyse et ils ont même fait des recommandations. Ils ont recommandé des actions à suspendre, des actions à éviter, des actions urgentes et des actions à poursuivre. Le gouvernement ou le ministre peut être en accord ou en désaccord avec ces recommandations, mais il ne peut prétendre qu'il n'est pas au courant du problème et il ne peut prétendre que la situation n'est pas alarmante. Il y a des emplois en jeu, les industries n'ont pas beaucoup de marge de manoeuvre. Le Congrès américain est en voie d'adopter une loi qui pourrait limiter les exportations du Canada et du Québec aux États-Unis, ce qui aggravera encore la situation.

L'industrie des pâtes et papiers dans cette situation, ence qui concerne les approvisionnements, elle a beau jeu. Comme les scieries sont en difficulté, elles ont tendance à produire plus de copeaux à des prix dérisoires. Même, je me suis laissé dire que, certaines scieries étant en difficulté, elles sont poussées par leur banquier à produire des copeaux pour aller chercher un chèque deux semaines plus tard qui leur permettra de payer les salaires des employés, ce qui veut dire que, dans ces cas, au lieu de produire des 2 X 4 ou du bois d'oeuvre, on utilise des arbres entiers pour produire des copeaux, ce qui est dérisoire, alors que nous sommes dans une situation de rupture de stock dans plusieurs régions du Québec.

C'est donc dire que cette situation a des répercussions non seulement sur les scieries, mais sur les boisés privés également. Elle a des répercussions parce que l'industrie des pâtes et papiers a beau jeu. Elle peut, soit acheter des copeaux de l'industrie du bois de sciage à des prix ridicules, puisque les industriels du bois de sciage se battent entre eux pour leur vendre des copeaux, soit acheter des copeaux des autres provinces, du Nouveau-Brunswick en particulier, soit acheter du bois de leurs propres concessions, soit obtenir des copeaux de leurs propres compagnies de bois de sciage. Le résultat fait que le prix du bois continue de chuter. Une autre conclusion est que les copeaux se vendent à des prix de famine et qu'une telle situation, qu'un tel débalancement dans l'approvisionnement et un tel débalancement dans la stabilité de l'industrie du bois de sciage créent une déstabilisation de l'offre et de la demande et font en sorte, entre autres choses, que les producteurs privés ne peuvent vendre Ieurs propres bottes. Nous reviendrons sur ce sujet.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant au ministre et je vous rappelle que, vous aussi, vous avez dix minutes dans cette phase du débat.

Réponse du ministre M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: J'aimerais d'abord remercier le député d'Outremont de nous donner l'occasion de discuter d'un problème qui est extrêmement complexe et à la fois difficile. La situation décrite par le député d'Outremont est largement inspirée d'un document - il en a fait mention à certaines pages - du ministère que les fonctionnaires ont produit et qui démontre qu'effectivement - on va les appeler dans les termes qu'on connaît - les 2 X 4 ou le bois de charpente sont en chute libre, que les prévisions de la construction résidentielle indiquent une diminution constante, tant au Québec, au Canada qu'aux États-Unis, ce que j'appelle, moi, dans mes termes, le Nord Amérique. En raison de la surcapacité de production des bois de sciage, l'industrie fonctionne à des niveaux de rentabilité relativement faibles. C'est un diagnostic qui n'est pas très intéressant.

En tant que ministre délégué aux forêts, il y a aussi des difficultés d'emprise directe sur ces problèmes, quand on regarde la menace d'une législation américaine, les pressions qui sont faites par le ministre responsable au Québec du Commerce extérieur versus l'aide et le travail au Canada pour empêcher qu'une telle loi ait des effets sur les importations du bois de sciage provenant du Québec et du Canada.

L'un des problèmes de l'industrie du bois de sciage qui me préoccupe et qui me concerne, c'est la diminution de la taille et de la qualité des billes. On sait que la présence d'épidémies de la tordeuse des bourgeons de l'épinette a dévasté environ dix années de coupe. La forêt s'éloigne des usines en qualité et en quantité, ce qui veut donc dire que le coût de la ressource par le fait même augmente.

Avant d'indiquer des avenues de solutions, je désire avant tout préciser que le diagnostic que je décris doit être bien mis sur la table. L'industrie du sciage au Québec occupe le deuxième rang de l'industrie canadienne avec 20% de la valeur de livraison, et cela, derrière la Colombie britannique. Elle fournit de l'emploi à 30 000 personnes dont 15 000 dans les usines et 15 000 directement en forêt. Les entreprises sont vulnérables à tout ce qui les entoure mais surtout à la fluctuation des marchés.

J'ai avec moi deux tableaux qui vont permettre de bien comprendre la

vulnérabilité de nos entreprises de sciage. Le premier tableau souligne la vulnérabilité des usines de sciage face à l'évolution des mises en chantier aux États-Unis et au Canada. Comme on sait qu'il y a une production vers les États-Unis de 61% de notre capacité, on voit par notre tableau que les diagnostics sont clairs, nets et précis: il y a eu une diminution dans les années, de 1980 à 1982, en particulier, une remontée, mais on prévoit pour les années à venir une diminution constante quant à la mise en chantier de maisons unifamiliales. Donc, après une diminution radicale lors de la crise économique de 1980 à 1981, les mises en chantier se sont rétablies, en 1984, à un niveau inférieur à celui de 1978 et les prévisions pour l'avenir immédiat - 1987 et années suivantes - disent que ce n'est guère plus encourageant. (10 h 15)

La part relative du Québec, par rapport au Canada, se maintient à environ 20%, mais, grâce à des programmes comme Corvée-habitation, cette part relative augmente de 25% en 1983 et de 31% en 1984.

Le deuxième tableau indique les tendances dans les prix du bois de sciage résineux, de 1972 à 1985. Comme on peut le constater, la ligne rouge qui représente l'évolution des prix de vente unitaires aux 1000 pieds planche de 2 X 4 évolue en dents de scie. Ils se négocient présentement à environ 255 $ les mille pieds, mesure de planche. Les prix ont augmenté à la fin de 1984 pour ensuite baisser régulièrement et après les deux premiers mois de l'année 1985, les prix sont de 14% inférieurs à ceux de la période correspondante en 1984. Avec la dévaluation du dollar en plus, il y a des effets sur l'ensemble de notre marge bénéficiaire.

Les copeaux représentent un autre problème des industriels du sciage. La vente des copeaux peut représenter jusqu'à 35% des recettes d'une scierie. Or, le marché des copeaux est un marché libre sur lequel il y a beaucoup de vendeurs mais, comme on le sait très bien, peu d'acheteurs. Même si pour elles, en général, cette matière ligneuse a un prix de revient inférieur à celui des bois prélevés dans les concessions, les sociétés papetières affichent une attitude d'indifférence apparente vis-à-vis de cette source d'approvisionnement attrayante. Les utilisateurs agissent ainsi afin de garder une certaine autonomie face aux fournisseurs.

Les prix ont eu tendance d'ailleurs à baisser depuis 1982, passant de 79 $ la tonne anhydre à 70 $ en 1983, à 65 $ pour 1984. Les industriels dans ce secteur éprouvent actuellement des difficultés dans la négociation des prix. Mais, selon nos dernières indications, les copeaux se vendraient 72 $ la tonne métrique anhydre.

L'industrie a eu une rentabilité, quant à elle, de 6, 5% de 1975 à 1980. La baisse des prix de vente du bois de sciage et des copeaux a affecté la rentabilité des scieries québécoises qui avaient déjà connu des pertes en 1981-1982, respectivement de 1% et de 3, 1%, en moyenne.

Une augmentation moyenne des prix de 18% en 1983 et 1984, par rapport aux deux dernières années antérieures a ramené l'industrie à une rentabilité positive. Ce retour a été particulièrement remarqué chez les entreprises - là, je pense que c'est important - de taille moyenne et de taille petite. Quant aux grosses, là, il y a des problèmes et ces entreprises, surtout en Abitibi-Témiscamingue, sont les plus durement frappées en raison de leur grande taille.

Si on ajoute à cela le problème de la législation américaine dont on faisait mention pour contrer les importations canadiennes du bois de sciage, on a un tableau qui est sombre. Cependant, on nous accuse de n'avoir rien fait dans le dossier alors que l'on connaissait les problèmes dans le secteur. On en a pris conscience, on a, à partir de cela, fait en sorte d'aider les usines qui ont une rentabilité certaine et, à ce moment, nous avons eu de l'aide financière. Afin de stabiliser et consolider l'industrie du sciage puisque les marchés et l'état actuel de la forêt ne peuvent soutenir une expansion continue, le gouvernement est intervenu en injectant directement, au cours des douze derniers mois, plus de 8 000 000 $ et en protégeant des entreprises contre la baisse des taux d'intérêt pour un montant de 14 200 000 $.

Cette assistance du ministère de l'Énergie et des Ressources, de la Société de développement industriel et du Programme expérimental de création d'emplois communautaires a permis au cours des douze derniers mois de réaliser des projets représentant des investissements de l'ordre de 50 000 000 $. Quand on dit, de la part de l'Opposition, qu'il n'y a pas eu d'actions, je dis: Oui, il y en a eu.

Le programme du ministère, c'est le programme quinquennal de consolidation et d'expansion de l'industrie du bois et, jusqu'à maintenant, il a versé 2 000 000 $ en 1984-1985, il prévoit répartir 2 900 000 $ en 1985-1986 et 90 demandes ont été approuvées en 1984-1985. Un autre volet intéressant du groupe du Centre de recherche industrielle du Québec et de Forintek, c'est le volet de l'étude d'ingénierie de procédés.

La Société de développement industriel et le Programme expérimental de création d'emplois communautaires, quant à eux, ont permis d'assurer une protection contre la hausse du taux d'intérêt, quant aux programmes de la SDI, pour un montant de 14 179 000 $, des garanties de prêt sur un

montant de 4 401 000 $, des prises en charge d'intérêt totalisant 437 000 $ et des investissements en actions pour une somme de 1 615 000 $. Donc, cette assistance aura permis de réaliser des projets qui représentent un investissement de l'ordre de 28 000 000 $.

Quant au programme de création d'emplois, c'est 27 entreprises qui ont été touchées et les subventions totalisent 3 400 000 $ pour des investissements de 21 800 000 $, ce qui représente un financement de 16, 5%.

L'autre dossier sur lequel nous nous sommes penchés avec le ministère du Commerce extérieur et l'association des manufacturiers de bois de sciage est le programme de promotion du bois outre-mer. On sait que, notre marché étant un peu captif du marché américain, il fallait le diversifier et y aller en exportations outremer. Nous aurons, comme Québec, à mettre 1 135 000 $ dans ce projet. Les partenaires - le gouvernement fédéral et l'association des manufacturiers du bois de sciage - quant à eux, feront en sorte d'atteindre un montant de 3 400 000 $ sur cinq ans. Ceci nous a permis d'établir un programme qui sera annoncé bientôt et dont la signature est à brève échéance et on peut même dire dans les jours qui viennent.

En effet, depuis 1980, la part des exportations tend à demeurer entre 10% et 12%. Il devient donc urgent de pallier le manque actuel d'efforts promotionnels spécifiques vers les marchés de la CEE, de l'Afrique du Nord, du Proche-Orient et du Moyen-Orient. La mise en place de ce programme devrait permettre de doubler les exportations québécoises outre-mer.

La situation de l'industrie québécoise du bois de sciage résineux est alarmante puisqu'en date du 15 octobre 1984 40 scieries ont fermé leurs portes, 28 fonctionnent partiellement, réduisant ainsi la capacité totale de production de plus de 2 000 000 de mètres cubes.

Si la conjoncture actuelle ne s'améliore pas à court terme, tel que les prévisions américaines de la construction résidentielle pour 1985 le laissent supposer, d'autres fermetures définitives des scieries de moyenne et de grande taille pourraient survenir et possiblement des regroupements et des intégrations. J'aurai l'occasion de revenir sur le reste à d'autres moments.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député d'Outremont.

Argumentation M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le ministre, je vous écoutais depuis tout à l'heure nous parler d'actions à court terme que vous avez prises, au plan Biron appliqué à l'industrie du bois de sciage, de la possibilité d'exportation outre-mer. Vous savez que ces solutions-là à court terme ne régleront absolument rien à moyen et à long terme. Il y a un problème fondamental avec l'industrie du bois de sciage - ce n'est pas moi qui le dis, ce sont vos fonctionnaires - il y a une surcapacité. Il y a un problème avec les surplus de copeaux et rien de ce que vous m'avez dit ne va permettre aux gens du Québec intéressés à cette industrie de régler leurs problèmes. À moins que vous ne preniez le boeuf par les cornes, à moins que vous ne désiriez trouver des solutions permanentes, il faudrait que vous alliez un peu plus loin que les solutions à court terme, financement temporaire ou des choses comme celles-là, pour attaquer le problème de front.

Le problème des surplus de copeaux, vous le connaissez, il est extrêmement important. D'ailleurs, votre ministère a financé des études sur les prix des copeaux qui ont baissé en valeur réelle depuis une vingtaine d'années. Vous savez qu'il y a effectivement des surplus de copeaux. En fait, surplus qui s'écoulent par la force des choses parce que, lorsqu'ils sont offerts à des prix de dumping il est certain qu'à ce moment-là les industriels qui, autrement, achèteraient du bois des producteurs privés, achètent des copeaux à des prix ridicules. Qui en souffre, finalement? Ce sont les producteurs privés qui sont intéressés à faire l'aménagement de leur forêt, à faire de la sylviculture d'une façon intelligente et à faire en sorte que les ruptures de stocks soient retardées dans l'avenir.

M. le ministre, comprenez-vous que ce problème fondamental, en Gaspésie en particulier, avec les surplus de copeaux qui existent et qui déplacent l'achat du bois qui vient des producteurs privés, crée une situation qui sera explosive à court terme? De fait, il y a des actions de votre ministère qui vont faire que ce sera encore pire. Vous avez un plan pour relancer les scieries de la Gaspésie. Quand ces scieries-là vont toutes fonctionner - d'ailleurs, en passant, j'aimerais que vous me disiez si ces scieries vont être en fonctionnement prochainement - vous allez amener sur le marché 130 000 tonnes de copeaux supplémentaires. Que pensez-vous qu'il va arriver? Encore là, ce seront les producteurs privés qui vont en souffrir.

Si vous ne réalisez pas jusqu'à quel point la situation est dramatique en Gaspésie, je vais vous le dire, avec tout ce qui arrive présentement. Le Syndicat des producteurs de bois a fait circuler des formules - il y en a 1700 ici - et a demandé des commentaires. Vous savez comme moi jusqu'à quel point les gens de la Gaspésie sont des gens pacifiques mais, si vous lisez

ces commentaires, ils constatent et je constate que vous ne connaissez pas le problème, que vous ne voulez pas le reconnaître et ces gens qui sont pacifiques vont très bientôt prendre des dispositions pour contrer la situation actuelle. Ce ne sera pas très pacifique.

Je vais vous livrer certains des commentaires que je peux lire ici: "Quels moyens proposez-vous? La guerre, bloquer les chemins, fermer la CIP à Matane, jusqu'au règlement final en faveur de la population. Tout moyen légal ou illégal. Empêcher toute livraison à l'usine de provenance du secteur privé pour donner un avertissement sévère pour commencer et leur dire que, s'ils cherchent du trouble, ils vont en avoir. Prendre le bois chez nous sinon, ça va barder. "

M. le ministre, à moins que vous ne reconnaissiez ce problème fondamental qui existe en Gaspésie et dans toutes les régions du Québec... Mes collègues vont en parler, parce qu'au Saguenay et dans la région de Québec, cela existe et vous savez que c'est un problème fondamental. C'est une stabilisation de toute l'industrie qui est nécessaire. C'est un problème d'équilibre entre les différents fournisseurs, entre l'industrie des pâtes et papiers, l'industrie du bois de sciage, l'aménagement des forêts.

Vous faites de la publicité à coups de millions dans le moment. Quand je regarde la télévision, je vois toujours votre maudite publicité disant que tout est rose, que tout va bien dans l'industrie de la forêt au Québec. C'est de la foutaise, votre affaire! Vous ne savez pas où vous allez, vous n'avez pas de politique forestière. Vous nous l'aviez promise pour l'automne dernier. Vous l'aviez promise pour le printemps. Le printemps, c'était hier et on attend toujours.

M. le ministre, c'est cela, le problème. Allez-vous le régler avant que cela ne devienne dramatique en Gaspésie, dans les Laurentides, au Saguenay, dans la région de Québec? M. le ministre, ce qu'on vous dit et ce que les gens que j'ai rencontrés m'ont dit, c'est que vous ne semblez pas comprendre le fond du problème. Vous ne savez pas où vous allez. Vous ne reconnaissez pas que le problème est plus sérieux que vous ne l'avez reconnu vous-même dans vos dix minutes d'intervention.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant au ministre.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Vous faites un portrait pathétique de ce qui se passe en nous disant que nous ne prenons aucune responsabilité dans le dossier. Je dois vous dire qu'au contraire, M. le député d'Outremont, nous avons pris des mesures. Le seul problème que nous avons... J'aimerais que vous répondiez à cette question: Quand vous demandez dans l'ensemble de la Gaspésie, en particulier, quant au programme de la compagnie REXFOR, de ne pas mettre sur le marché des copeaux - je vous pose la question bien directement - est-ce que vous proposez que ces usines qu'on doit relancer doivent être fermées? Dans votre esprit, est-ce que votre recommandation est de faire en sorte que l'ensemble des scieries qui doivent être réorganisées par REXFOR doivent disparaître du portrait? On connatt très bien le problème avec le Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent versus les négociations qu'il a entreprises actuellement avec la CIP à Matane. Quand on regarde l'ensemble du dossier au niveau de la discussion, nous allons distinguer deux choses. La première, c'est la fixation des prix quant à la vente de leurs billots. La deuxième, c'est le volume qui doit être négocié entre les deux parties.

Au moment où on se parle, il y a devant la Régie des marchés agricoles une conciliation entre le syndicat et la CIP à la demande de cette dernière. Quand on regarde le dossier, avec les gens qui sont plus loin que Matane, ce que la CIP nous a donné comme renseignements et que nous avons vérifié, ce sont les demandes faites par les gens qui sont, peut-être pour eux, raisonnables. C'est leur droit de les défendre et de faire en sorte que, finalement, la CIP leur donne la juste proportion quant aux prix. Mais, je dois vous dire que la demande faite par le syndicat est, par rapport à 1984, de 12% de plus tandis que la CIP a des contrats avec des gens éloignés de l'usine, en Gaspésie en particulier, avec un autre syndicat producteur de bois, à 11% de moins que l'année dernière. Les gens sont donc en droit de contester ces choses et ils l'ont fait devant la Régie des marchés agricoles.

Quant à l'autre partie des volumes, est-ce que vous demandez au ministère d'intervenir dans des négociations entre des parties qui sont des parties privées? C'est ce que vous demandez. Est-ce que vous demandez qu'on prenne parti, soit pour le syndicat producteur de bois, soit pour les scieries qui ont à vendre leurs copeaux? Vous avez un problème qui, un peu comme un chien qui court après sa queue... Vous l'avez devant vous. Il y a des copeaux qui sont disponibles. Quand on parle de copeaux disponibles dans le milieu de la Gaspésie, il y a actuellement 7000 tonnes métriques de copeaux invendus et entreposés et ce sont les copeaux que REXFOR a au quai de Matane. (10 h 30)

À part cela, des discussions sont amorcées sur ce qui se produira lorsque les usines de scierie de la Gaspésie, remontées dans le Bas-Saint-Laurent par la société

REXFOR, mettront 90 000 tonnes additionnelles sur le marché. C'est dans l'hypothèse de la papeterie de Matane, il ne faut pas l'oublier. Mais il y a un problème qui existe, qui est réel. Si la question qui est posée est de faire en sorte qu'on ne mette pas en marche ces usines-là, qu'on les ferme définitivement, je voudrais savoir de quelle façon vous allez réagir. On en a fait mention aux syndicats des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent, en leur disant que leur demande était légitime mais que, d'un autre côté, quand ils produisent du bois pour les scieries qui seront mises en marche, qui seront reparties, à ce moment-là, certains copeaux résultent de cela. Il faudra que ces copeaux-là se vendent quelque part.

Une autre chose, c'est que les compagnies papetières aussi ont tendance à s'en aller de plus en plus vers des copeaux, plutôt que vers des billots. Un changement se fait et des gens l'ont compris. Dans ce contexte-là, il faut regarder l'ensemble du problème et dire qu'il n'est pas facile à régler, mais que la décision que nous avons à prendre dans la politique forestière doit tenir compte de ce que vous dites depuis tout à l'heure, c'est-à-dire: les boisés privés, les copeaux et la forêt publique, et peut-être faire en sorte d'éviter que la forêt publique - cela, je l'ai dit à plusieurs occasions -mette une pression indue sur l'ensemble de la forêt privée. La politique forestière que nous avons l'intention de déposer au printemps - vous avez dit que c'était commencé, hier - je vous dis qu'elle sera terminée vers la fin de juin. Dans ce contexte-là, nous allons la présenter dans les délais prévus.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Jacques Le Blanc

M. Le Blanc: Merci, M. le Président. La problématique que l'on évoque ce matin, qui a été soulevée par une question de l'Opposition et qui a déjà, aussi, fait l'objet d'études sérieuses de la part du ministère, puisqu'un document a été produit et qu'il en fait état et cause, on l'envisage dans une problématique globale, mais elle est formée aussi de problèmes très régionaux et très spécifiques à chacune des régions. On a le cas du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, sur un problème d'approvisionnement des surplus de copeaux. On a aussi des problèmes dans d'autres régions qui sont tout à fait différents. Si on essaie de concilier cette augmentation des copeaux qui, forcément, existe parce qu'il y a une augmentation du sciage et si on veut maintenir les usines en marche, forcément, on aura une surproduction de copeaux qui nuit à l'approvisionnement en bois à pâte de nos papeteries.

Il serait facile, dans certains coins, dans certaines régions, de prendre des décisions radicales et d'empêcher certaines exportations, par exemple. Je sais que, dans le cas de CIP Matane, ce sont des approvisionnements qui viennent surtout du Nouveau-Brunswick, mais dans d'autres régions les approvisionnements de nos usines de sciage donnent une main-d'oeuvre qui est québécoise. Ce sont des usines de transformation qui sont strictement situées au Québec et qui sont approvisionnées dans l'État du Maine. C'est le cas des usines dans ma région.

En même temps que cela, on cherche pour notre bois d'oeuvre des marchés et on veut dépendre de moins en moins du marché américain, compte tenu des tentatives de législation qui prennent racine aux États-Unis. Une première tentative a échoué, une deuxième est en instance d'être adoptée dans une loi américaine pour limiter nos exportations de bois de sciage. Il faut nécessairement trouver et développer des marchés ailleurs qu'aux États-Unis même si, par les temps qui courent, à cause des taux de change, il est extrêmement intéressant d'exporter aux États-Unis.

Je dois vous dire que certaines usines dans ma région ont bâti des marchés outremer depuis plus de dix ans. Cela a été tellement efficace, pendant les années 1982-1983, que ces usines de sciage n'ont subi à peu près aucun ralentissement de production. Au contraire, elles l'ont augmentée, parce que les marchés d'outre-mer étaient des marchés fermes, donnaient des contrats d'approvisionnement fermes. C'est donc dire que l'orientation du ministère qui veut qu'on développe, qu'on diversifie nos marchés d'exportation est extrêmement importante.

Comment concilier la production de copeaux qui en résulte? Si on garde nos usines de bois de sciage ouvertes et si on évite d'en fermer, c'est évident que la production de copeaux ne pourra pas diminuer. Cette production de copeaux, il y a une incidence... M. le député d'Outremont, tantôt, faisait allusion au fait que certaines usines de sciage, à certaines périodes données, produisent une augmentation de copeaux pour avoir un chèque plus rapidement dans les quinze jours. Cette situation existe depuis longtemps pas seulement pour la raison qui a été invoquée par le député d'Outremont, mais c'est en fonction de l'offre et de la demande des produits de sciage.

Une scierie peut très considérablement augmenter son pourcentage de copeaux dans l'utilisation de l'arbre qui entre dans la scierie; elle peut considérablement le diminuer également. L'influence, habituellement, est beaucoup plus à cause de l'offre et de la demande du marché du bois

d'oeuvre que de la considération du député d'Outremont que je considère comme plutôt marginale et très circonstancielle. Je pense que l'augmentation ou la diminution de la quantité de copeaux est beaucoup plus établie en fonction de l'offre et de la demande de bois d'oeuvre dans les marchés locaux autant que dans les marchés d'exportation.

Le Président (M. Bissonnet); La parole est au député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. C'est, humblement, avec beaucoup de satisfaction que je m'associe au débat, ce matin, dans le cadre de cette interpellation où le député d'Outremont, notre collègue qui est porte-parole de notre groupe politique en matière d'énergie et de ressources, demande au ministre délégué aux Forêts de venir répondre à plusieurs de nos questions.

Comme on le sait, l'industrie du sciage, laquelle est directement reliée à d'autres types d'industries au Québec, joue un rôle très significatif et très important dans plusieurs des régions du Québec en termes d'emplois, en termes de débouchés. Ce matin, la question que le Parti libéral du Québec met sur la table témoigne de notre inquiétude et aussi, par conséquent, de notre sensibilité aux problèmes vécus par les nombreuses régions du Québec, où l'essentiel de leur économie s'appuie sur l'industrie de la forêt.

On apprécie la présence du ministre, comme j'ai personnellement apprécié sa désignation, non pas comme député de Laviolette, mais que le gouvernement ait jugé opportun de faire un mea culpa, par la voix du premier ministre, au mois de décembre dernier, qui disait: On s'est trompé, on en convient, comme gouvernement du Parti québécois, en intégrant le ministère des Forêts au vaste ministère de l'Énergie et des Ressources. Aujourd'hui, on désigne le député de Laviolette comme ministre délégué aux Forêts. C'était en décembre.

Celui-ci nous arrive, ce matin, avec des réponses qui sont débitées, des réponses qui sont lues assez rapidement, d'ailleurs. M. le ministre, vous devriez lire plus lentement, cela pourrait vous permettre de mieux faire saisir votre message par ceux qui vous écoutent.

Le ministre arrive après plusieurs années au cours desquelles, malheureusement, les fonctionnaires du ministère de l'Énergie et des Ressources, volet forêts, ont été laissés à eux-mêmes. Comme on le sait, la principale préoccupation de ses prédécesseurs, que ce soit l'honorable député de Saint-Maurice, M. Duhaime, que ce soit M. Bérubé de Matane, alors qu'ils étaient au ministère de l'Énergie et des Ressources, n'a pas été, il faut en convenir, d'assumer le leadership et le rôle qu'ils devaient jouer comme ministre relativement à la gestion des forêts au Québec. Tant et si bien qu'aujourd'hui on se retrouve, après neuf ans d'administration du Parti québécois, à la fin d'un deuxième mandat qui est, encore une fois, étiré, avec l'absence d'une véritable politique forestière et tous les problèmes que cela peut engendrer dans l'industrie.

M. le Président, j'ai seulement quelques minutes, je voudrais mettre en relief le problème particulièrement aigu vécu dans la région de Québec, ici, et demander des choses bien particulières, bien précises au ministre en espérant que, dans les cinq minutes qu'il aura pour me répondre, il me répondra clairement et précisément. S'il a besoin de l'aide de ses fonctionnaires, je suis même prêt à donner mon consentement pour que ce soient ses accompagnateurs qui répondent, lesquels possèdent peut-être plus l'essentiel du dossier, parce qu'il faut des réponses. Ces gens - la situation est tellement précaire, difficile et délicate -n'ont pas besoin des phrases grandiloquentes écrites par d'autres témoignant de la volonté du gouvernement de dépenser quelques centaines de milliers de dollars dans certaines régions.

Une voix:... il ne peut pas se tromper.

M. Pagé: En concluant, M. le Président, là vous me dites qu'il me reste une minute, je suis prêt à troquer les trois minutes de la fin pour vraiment donner la problématique de la région de Québec. Comme on le sait, l'industrie des pâtes et papiers a évolué en termes de technologie en changeant ses procédés. Qu'il suffise de référer, dans mon comté, à Domtar qui est maintenant complètement équipé au procédé de fabrication à pâte thermomécanique. L'industrie du sciage a évolué aussi en ce que les marchés ont été restreints, cela a été fluctuant - nous en convenons - tant et si bien que le marché des copeaux est devenu un marché important pour cette industrie avec les impacts que cela a eus sur les propriétaires de boisés privés. Or, on constate aujourd'hui... le ministre, référant tout à l'heure à l'approvisionnement des usines de pâtes et papiers au Québec par les bois provenant des boisés privés et des copeaux, a référé au fait que les copeaux se vendaient environ 64 $ et 65 $ la tonne. On constate en même temps qu'une corde de bois équivalant à quelque quantité près...

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Portneuf, si vous voulez conclure. Je suis pris par le temps, c'est cinq minutes et je dois passer de l'autre côté.

M. Pagé: Je vais arrêter au beau milieu.

Le Président (M. Bissonnet): Je comprends, mais c'est cinq minutes, c'est la règle du jeu.

M. Pagé: Là on va placoter trois minutes ensemble pour voir si je peux prendre une minute de plus, je vais continuer une minute, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Je reviendrai à vous tantôt si vous avez un autre droit de parole.

M. Pagé: D'accord. J'ai juste un mot à dire au ministre dans la dernière minute.

Le Président (M. Bissonnet): Rapidement, M. le député.

M. Pagé: Le problème vécu par les propriétaires de boisés privés dans la région deQuébec est directement lié au prix des copeaux - comme le disait mon collègue d'Outremont - au dumping qui se fait à certains égards. Ce qui vient, premièrement, à amener une perte de revenu substantielle chez ces producteurs; deuxièmement, à briser l'équilibre au niveau des marchés et, troisièmement, l'impact qu'a cette perte de revenu sur les investissements que ces gens peuvent faire dans leurs boisés. J'avais trois demandes particulières à vous formuler, je les ferai tout à l'heure.

Le Président (M. Bissonnet): Vous reviendrez. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Jolivet: Merci, vous voyez que cinq minutes pour dire des choses...

Le Président (M. Bissonnet): Cela passe vite.

M. Jolivet:... cela passe très vite, de telle sorte qu'on peut placoter bien longtemps à ne rien dire et arriver avec les questions à la fin. Ce qu'il est important de bien dire dans le dossier, c'est que, effectivement, quand le premier ministre a décidé de nommer un ministre délégué aux Forêts, c'était à la demande de plusieurs groupes qui faisaient cette demande depuis longtemps. Je suis heureux qu'il m'ait désigné à ce poste même avec les travaux additionnels que cela demande, parce que je proviens d'une région où les problèmes de la forêt sont journalièrement connus. On dit que les prédécesseurs n'ont rien fait. Je m'excuse, j'ai participé avec M. Bérubé, à l'époque, comme député de la région de la Saint-Maurice comme on l'appelle, sur le plan de relance des pâtes et papiers qui a amené énormément d'investissements au Québec et qui a forcé le fédéral à agir non seulement au Québec dans la forme, mais aussi dans l'ensemble du Canada. Quant à M. Duhaime, il était conscient de l'ensemble du problème puisqu'il a demandé, par les documents qu'il a produits et les rapports qui sont venus ensuite sur la table, de faire en sorte qu'on puisse disposer d'un cadre général d'interventions dans l'ensemble du milieu.

Nous avons demandé un rapport nous permettant de faire l'analyse - c'est ce que nous avons reçu au mois d'octobre dernier -et, à partir de cela, de prendre les décisions qui vont s'imposer. Quant à d'autres problèmes dont on a fait mention, comme les problèmes de surcapacité, quand on dit qu'on n'a pas de solution, je pense que l'annonce qui va être faite de l'entente entre le fédéral, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec et le gouvernement du Québec pour la vente des bois outre-mer est une solution qui va, à long terme, être profitable pour l'ensemble puisqu'elle va diversifier notre marché d'exportation. Quant à réduire la capacité de production de l'ensemble des usines dans tous les secteurs au Québec où il y a des difficultés, cette réduction de capacité est un problème qui relève d'abord des investisseurs eux-mêmes. Ce sont des choix au point de vue économique qu'ils doivent faire en vertu de la loi sur les marchés. La question qu'on pourrait poser à partir de cela est la suivante: Est-ce que le gouvernement devrait intervenir pour faire en sorte que des usines soient fermées? La question est posée puisqu'on dit: II y a surcapacité de production de copeaux, il y a surcapacité à l'intérieur des usines de sciage, de telle sorte que, finalement, il y a une pression des gens sur l'ensemble de l'intervention dans le boisé privé par le billot, les copeaux qui sont vendus ensuite aux papetières et le boisé public. (10 h 45)

Ce que j'ai dit et ce que je répète depuis le début, c'est que la politique forestière va tenir compte de l'ensemble de cette problématique. Je n'ai pas à dévoiler aujourd'hui jusqu'où on est rendu dans la discussion, dans la préparation de ces documents: mais je peux vous dire qu'elle va tenir compte de ce phénomène de la forêt privée, les copeaux et la forêt public et va faire en sorte qu'il y ait pour l'ensemble de ces secteurs, les moyens de régulariser l'ensemble du marché. La question qui était souvent posée par les vendeurs de copeaux était; Est-ce que vous voulez intervenir pour nous aider à faire en sorte que la vente de nos copeaux soit plus chère qu'elle e3t actuellement? 65 $ l'année passée et, au moment où l'on se parle, la négociation se situe à 72 $ la tonne métrique anhydre.

Nous avons dit: Non, nous

n'interviendrons pas dans la vente des copeaux pour faire en sorte, comme je le dis souvent d'entrer dans le lit du voisin. Souvent les industriels disent: Nous ne voulons pas que vous entriez dans notre chambre à coucher. Mais, lorsqu'ils sont mal pris, ils voudraient qu'on entre dans celle du voisin. J'ai dit: Non, il n'en est pas question. Nous allons laisser la loi des marchés agir. Ils nous ont laissé aussi un message bien clair: Si vous n'intervenez pas pour la vente des copeaux, vous n'interviendrez pas pour la vente des billots. Je dis la même chose: La vente des copeaux et la vente des billots font partie d'un marché actuel où l'ensemble des papetières sont en train de négocier leurs contrats d'approvisionnement pour les années à venir et c'est normal que cette négociation se situe entre des privés. Je n'ai pas, comme gouvernement ou comme ministère, à intervenir.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant au député d'Abitibi-Est.

M. Jean-Paul Bordeleau

M. Bordeleau: Merci M. le Président. Alors, effectivement, on est ici ce matin pour parler des problèmes de sciage et je pense que, comme mon collègue de Montmagny-L'Islet le mentionnait, le problème est global, mais il est aussi très différent d'une région à l'autre.

La région que je représente, soit l'Abitibi-Témiscamingue, a ses problèmes aussi qui sont différents de ceux des autres régions. Chez nous, les usines de sciage en particulier sont de grosses usines modernes, très modernes même. On a les usines les plus modernes au Québec, même au Canada. Bien sûr, cela fait des usines qui mangent beaucoup de bois, qui scient beaucoup de bois et qui en mettent beaucoup sur le marché.

Maintenant, M. le ministre, j'aurais une question ici en passant que j'aimerais que vous éclaircissiez peut-être plus tard si vous m'écoutez bien.

M. Jolivet: Oui.. S'il vous plaît, soyez poli.

M. Bordeleau: Vous parlez de la taille des usines, vous dites par exemple qu'il y a un problème à cause de la grande taille des usines, ce qui nous touche particulièrement en Abitibi-Témiscamingue. Je comprends très bien qu'une grosse usine peut avoir des problèmes au niveau de l'approvisionnement. J'ai vu cela d'ailleurs dans des documents du ministère où l'on dit que les usines de grande taille ont plus de problèmes. Pour moi, ce n'est pas si clair que cela, ce n'est pas si absolu que cela. J'aimerais peut-être que vous expliquiez ou donniez quelques détails là-dessus tantôt.

Bien sûr, comme l'Opposition le mentionnait tantôt aussi, je m'attends que la politique forestière qui sortira ce printemps aidera à résoudre un certain nombre de problèmes. Je constate quand même que l'action du gouvernement s'est déjà fait sentir à certains endroits. Je constate également avec plaisir que, non pas dans la politique elle-même mais déjà dans l'idée du ministre et du ministère, on veut mettre un effort considérable sur les marchés nouveaux à développer. Effectivement, chez nous, on a déjà des entreprises de sciage, des entreprises forestières qui ont commencé à exporter, à développer certaines exportations au Moyen-Orient, en Europe. Je pense qu'il y a un effort considérable, un effort additionnel à mettre de ce côté-là. J'espère bien que la politique future du ministre pour le printemps considérera ces efforts et les consolidera davantage.

Chez nous, bien sûr, le sciage se regroupe autour de certains groupes forestiers. J'aimerais mentionner que les groupes forestiers qui sont intégrés, je pense au groupe Normick qui possède les scieries, il possède aussi une usine de pâtes et papiers à Amos, réussissent à passer à travers la crise assez facilement, alors que d'autres qui ne sont pas intégrés, qui font essentiellement du sciage, ont des difficultés plus considérables. Il y a peut-être là une intégration éventuelle souhaitable, dans les régions comme la mienne, à partir de l'arbre lui-même, des entreprises pour qu'on ait un cycle continu jusqu'à la production de papier de toute sorte.

Chez nous, comme les usines sont situées, certaines dans des villages, certaines dans des villes, je constate, moi aussi, qu'il devra y avoir des fermetures à l'occasion. Mais, ce que j'aimerais que le ministre considère et retienne, c'est qu'il est important que, d'abord, on privilégie les usines qui sont situées dans des villes et dans des agglomérations qui constituent un apport économique important, une vie économique importante. Autour d'elles. Si des usines doivent fermer, je pense que ce doit être d'abord celles qui sont situées dans le bois, même si elles peuvent être plus proches de la ressource, parce qu'elles dérangent moins, à ce moment, la vie économique et la vie d'un ensemble de concitoyens, particulièrement chez nous, dans notre région.

J'aimerais aussi aborder le problème de Forex et demander au ministre - rapidement, je pensais qu'il y avait plus de temps que ça - s'il a du nouveau, même si je sais que le dossier Forex le préoccupe autant que moi, s'il a un point à faire de le faire, en espérant qu'on puisse régler ce problème le plus rapidement possible.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est au député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci, M. le Président. Pas de civilité, M. le ministre; on n'a pas le temps. Deux questions. L'industrie du bois de sciage s'en va chez le diable - vous l'avez dit vous-même - ça ferme de tous bords et de tous côtés. Les producteurs de bois sont en beau maudit après vous. S'ils n'étaient pas dans les galeries ce matin, s'ils étaient sur le bord, ils auraient envie de vous tirer la barbe. Pourquoi? Parce qu'ils s'en vont littéralement en faillite.

M. le Président, tout à l'heure, le ministre a lu un document fort intéressant, sauf qu'il a passé un paragraphe. Je vais lui citer ce petit paragraphe qui provient de son ministère, révisé le 5 mars; alors, cela ne fait pas si longtemps que ça.

M. le ministre, le comité des priorités gouvernementales n'a pas retenu la proposition faite par votre ministère en matière d'aide à l'investissement en haute technologie; ce dernier doit envisager une solution de rechange. Quelle est-elle? Voilà! Pas dans six mois; il n'en restera plus d'usines de sciage. Pas dans deux ans. Votre prédécesseur, le très honorable ministre des Finances et le très honorable député de Saint-Maurice ont dormi pendant trois ans sur le dossier, avec le très honorable député de Matane et ancien ministre de l'Énergie et des Ressources, ce qui fait que la situation est très dégradante dans le moment.

Les industriels du sciage, ils ont arrêté de crier; ils n'en ont plus la force. Ils sont presque tous fermés et vous le dites dans votre rapport. Il y en a 40 qui ont fermé depuis 1983. Il y en a 28 qui sont en train de fermer et il y en a 50 qui fonctionnent à temps partiel. Les autres sont en faillite. Vous dites que cela a fait perdre 2259 emplois; cela a fait perdre 6000 emplois. Il faut les compter comme il faut, les statistiques.

Parmi les solutions que vous voulez apporter, qu'on ne connaît pas, je pense qu'aujourd'hui, ce serait l'occasion idéale pour vous de nous dire exactement si vous allez prendre ce virage technologique, si vous allez avoir une politique claire, nette et déterminée pour que les industriels du bois de sciage puissent au moins envisager l'année 1985-1986 d'une façon...

M. le ministre, je vous demande pardon. Les statistiques qu'on vous donne par en dessous de la table, moi, je les ai comptées dans mon comté de la Cote-Nord. On vit à 95% de la forêt et j'ai 67% de chômage. Alors, faites-en la déduction vous-même. Les emplois que vous avez perdus ont tous été perdus dans mon comté.

Les propriétaires de boisés privés de la région de Québec, dont la Côte-Nord fait partie, sont pris dans un dilemme tout à fait extraordinaire, avec le dumping qui se fait sur les copeaux. Ces gens, qui étaient des producteurs, dont les revenus leur permettaient de vivre convenablement, ont été coupés de plus de 50% sur leur production. On demande, sur la Côte-Nord, M. le ministre, que soit produit par les lots privés, même pas 1% de ce qui se coupe sur la forêt domaniale, même pas. On ne vous demande pas ça; ce serait trop. Les gars n'en veulent pas tant que ça. Ils veulent 15 000 cordes par année. Organisez-vous donc pour les leur donner. Cela ne prend pas un miracle; cela ne prend pas un curé de campagne ni un monseigneur pour leur donner cela. Donnez-leur donc et cela presse.

Permettez-leur aussi de s'organiser en groupe de gestion de bois, de lots privés, de gestion en commun. Il y a trois demandes qui ont été faites. Il y en a une dans votre comté, M. le ministre. J'espère que vous ne leur direz pas non. Mais faites bien attention! Si vous dites oui à la vôtre et si vous dites non à la mienne, il va s'arracher du poil ici et j'ai l'impression que cela va être de votre bord parce que moi, je n'en ai pas dans la face.

M. le ministre, le plus sérieusement au monde, c'est un cri d'alarme qu'on vous lance. C'est un cri d'alarme, parce que ces gens... N'arrivez pas avec la solution en disant qu'ils doivent s'acoquiner avec les industriels du bois de sciage pour produire des billots. Ils n'ont pas de "timberjack" et ils n'ont pas d'écorceur. Soyons réalistes! Ce sont des gens qui coupent de la pitoune de quatre pieds, 40 cordes sur leurs lots boisés. Ils n'ont pas les moyens de s'acheter d'écorceur ni de "timberjack". Donnez-leur une petite chance de vivre. C'est un cri qu'on vous lance. 15 000 cordes sur la CÔte-Nord, ce n'est pas la fin du monde. Organisez-vous donc avec les compagnies, avec Donohue, avec Reed, avec Quebec North Shore. Allez les rencontrer. Vous avez toujours bien assez de fonctionnaires. Si vous n'en avez pas, on vous en engagera quelques-uns à l'Assemblée nationale qui iront sur la Côte-Nord, d'accord, pour la période de négociation de ce contrat de bois pour donner une chance à ces producteurs de bois.

Au niveau de l'industrie du sciage; j'attends. Vous êtes censé, le 28 mars, faire de grandes déclarations pour mon comté et je ne vous tannerai pas avec cela aujourd'hui. On n'a pas le temps. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant au ministre.

M. Jean-Pierre Jolivet M. Jolivet: Merci, M. le Président. Une

chance que le député est venu un peu au sérieux à la fin, mais cela ne me fait pas peur, aucune des menaces de me faire enlever du poil. Il tombe facilement par lui-même avec la vieillesse. Je dois vous dire, tout simplement pour vous tirer la pipe aussi, que le document dont vous faites mention a été révisé le 21 mars. Vous n'en avez pas eu de copie? Vous n'avez pas eu de copie encore? C'est dommage.

M. Maltais: Bien non! Mon informateur est temporairement malade.

M. Jolivet: Ah non! Je ne le lui donne pas. Simplement, d'abord, pour dire qu'il est vrai que la décision du comité des priorités a été dans le sens de ne pas retenir un programme. Cela arrive souvent qu'on présente des programmes, mais qu'on ait, pour les années difficiles, à refuser certains programmes, mais cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas le droit de participer à d'autres programmes. Ces autres programmes sont le programme de la Société de développement industriel. On pourrait faire la même chose à partir d'une autre formule. C'est dans ce sens qu'on dit que nous sommes prêts et ouverts à trouver d'autres formules. Donc, venir dire qu'on n'a pas aidé, quand le programme que nous avons déjà - qui est le programme quinquennal de consolidation d'expansion - a versé des montants de 2 000 000 $ en 1984-1985, qu'il va en verser 2 900 000 $ en 1985-1986, que nous avons un volet d'étude d'ingénierie de procédés par le Centre de recherche industrielle du Québec et Forintek, quand on dit qu'au niveau de la SDI, il y a eu des prêts sans intérêt, des garanties de prêt, enfin le programme expérimental de création d'emplois, c'est faux de dire qu'il n'y a eu, à ce niveau, aucune aide du gouvernement du Québec. H y en a eu.

La deuxième, quand on parle du nombre d'emplois perdus, il ne faut pas oublier qu'il y a un gros dossier dont le député d'Abitibi-Est a fait mention et qui a occasionné près de la moitié des 2000 emplois perdus dans ce secteur de Forex dans l'Abitibi-Témiscamingue.

Quant à la question posée aussi par le député d'Abitibi en ce qui concerne les usines de grosse taille, on doit dire que l'investissement important qui doit être fait...

M. Maltais:... répondre au député d'Abitibi. Il écrira à son caucus.

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Le ministre a la parole et c'est lui qui parle, M. le député de Saguenay.

M. Jolivet: Donc, il y a eu dans les grosses industries comme celles-là des investissements importants. Il y a une capitalisation faible d'où arrive l'ensemble important du service de la dette alors que les prix, actuellement, sont à la déprime au niveau des 2 x 4. Le coût du bois, en plus, dans ces industries est éloigné... en fait, il devient plus cher parce que le bois est éloigné et, dans bien des cas, il est de moindre qualité. C'est pour cela qu'on voulait avoir un volet de haute technologie nous permettant de leur donner les moyens nécessaires de faire des coupes différentes pour tirer le plus de bénéfices possible du bois disponible qui, malheureusement, est plus éloigné à cause de ce que l'on connatt en termes de coupes qu'il y a eu au Québec.

Je dis tout simplement qu'une petite usine qui produit pour un marché local a beaucoup plus de moyens de s'en sortir que l'autre qui va sur un marché d'exportation qui lui-même, au niveau des États-Unis, est en difficulté. C'est pour cela que pour leur venir en aide, nous avons, avec le gouvernement fédéral et l'Association des manufacturiers du bois de sciage, prévu le programme d'outre-mer. C'est par cela, je pense, qu'on doit comprendre que le problème peut trouver des solutions importantes à court, à moyen et à long termes. (11 heures)

Quant au cas Forex, j'y ai mis beaucoup d'énergie depuis ma nomination. J'ai même rencontré les gens à Val-d'Or. Je les ai rencontrés ici même à Québec, la semaine dernière. Nous avons fait des contre-propositions lors de la rencontre des créanciers le 19 mars dernier et nous sommes toujours en discussion avec le groupe Forex sur l'ensemble des demandes qu'il a faites. Il y en a une que j'ai refusée et que je refuserai toujours. Comme ministre responsable, je leur ai dit que je n'accepterais jamais qu'ils deviennent des "brokers" des allocations qu'on lui donne, c'est-à-dire que le groupe Forex utilise les allocations qu'on a données à chacune des usines pour ensuite les vendre à d'autres. Ce n'est pas à eux à faire cela, c'est à moi comme ministre de prendre mes responsabilités. J'aurai l'occasion de revenir sur l'ensemble des autres sujets.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant au député de Rouyn-Noranda.

M. Gilles Baril

M. Baril (Rouyn-Noranda-Témis- camingue): Témiscamingue, M. le Président, puisque effectivement le Témiscamingue est caractérisé tout particulièrement par le développement économique forestier. Peut-être, pour le bien des échanges de vues d'aujourd'hui est-il important de rappeler

qu'avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1976, le Témiscamingue était sous l'emprise, la dominance et l'exploitation barbare des grandes multinationales américaines ou anglophones.

Il faut comprendre que presque 85% de la forêt témiscamienne appartenaient à ces gens-là, dont CIP et United Oil Products. Il faut dire qu'en 1981, le gouvernement du Parti québécois s'était engagé à rétrocéder les concessions forestières au Témiscamingue et à mettre en place une société d'exploitation forestière qui permet de gérer, d'administrer et de mieux utiliser cette ressource très importante pour le développement économique de chez nous.

Il faut aussi dire, M. le Président, et c'est important de le souligner, M. le ministre, que c'est encore sous le gouvernement du Parti québécois qu'on a vu apparaître la coopérative forestière, la scierie Béarn, le projet de Temfor, toute l'expansion qui fait aujourd'hui de Tembec, un des chefs de file dans le domaine des pâtes et papiers et qui en fait, sans aucun doute un des meneurs au Canada, de Cèdre Fabre, pour ne parler simplement que d'industries de bois de sciage implantées dans le secteur du Témiscamingue sous la gouverne du Parti québécois. On pourrait faire une bref historique régional, l'apparition de Donohue-Normick et l'usine de panneaux Beaupré à La Sarre qui est bien sûr dans le secteur de M. Bordeleau, lequel en a parlé tantôt.

Je pense qu'effectivement, M. le ministre, on peut se rendre compte que le Parti libéral, et tout particulièrement, le député d'Outremont, n'est pas sensible et ne connaît pas, à mon point de vue, de façon concrète et articulée, la problématique forestière, tout particulièrement celle de l'industrie du bois de. sciage et, bien sûr, les pâtes et papiers en région de l'Abitibi-Témiscamingue.

J'invite le député d'Outremont, au lieu de faire des petits meetings du Parti libérai, à partir de l'hôtel Albert, de Rouyn, de mettre ses bottes et d'aller faire le tour des chantiers, d'aller voir les usines, d'aller rencontrer les syndicats, d'aller rencontrer les patrons et d'aller rencontrer la Société d'exploitation forestière du Témiscamingue qui, effectivement, est l'interlocuteur privilégié dans le domaine du développement économique forestier.

M. le ministre, j'ai une suggestion, en terminant, qui est extrêmement importante pour l'avenir de l'usine de bois de sciage du Témiscamingue, c'est l'approche de la coupe intégrée. Il faut se rendre compte que sous les libéraux, les multinationales arrivaient avec leurs gros pieds dans les forêts témiscamiennes et lorqu'on rentrait quelque part on coupait le bouleau, le tremble, l'épinette et tout. On prenait ce qu'on voulait et le reste, on le laissait là. Alors, vous savez qu'aujourd'hui, il est extrêmement important d'utiliser au maximum ces matières ligneuses et, dans un esprit de concertation, d'essayer d'utiliser au maximum cette ressource.

Par ailleurs, M. le ministre, il serait important de signaler que les efforts, entre autres, au niveau du commerce extérieur sont davantage axés vers l'exportation. Vous savez que nous serons en mesure lundi d'annoncer ensemble une bonne nouvelle pour l'industrie du bois de sciage. Je pense que la dimension internationale est très importante et l'exportation effectivement, entre autres, vers le Moyen-Orient devient un scénario d'avenir pour permettre aux industriels du bois de sciage du Québec de vendre leur bois.

En terminant, je pense que l'attitude pleurnicharde du Parti libéral démontre qu'on essaie de choisir des thèmes. Je suis conscient que, dans certaines régions - le député de Saguenay l'a évoqué tantôt -effectivement, il y a des problèmes. Mais, lorsque le député d'Outremont commence à parler de certaines problématiques régionales, je ne suis pas d'accord. Comment comprendre les problématiques régionales quand on n'a même pas vu une usine? C'est faire preuve de démagogie et cela n'apporte pas d'éléments positifs au débat dans le sens de l'évolution des dossiers, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue tout particulièrement.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Labelle.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, il me fait plaisir de m'adresser au ministre délégué aux Forêts ici présent et de voir ses fonctionnaires en même temps. J'ai cru voir que son sous-ministre est sorti momentanément; j'aurais aimé qu'il soit là, qu'il revienne peut-être, parce que j'aurais un certain nombre de choses à dire là-dessus.

Je voudrais vous donner l'occasion de réfléchir sur des problèmes à régler très ponctuellement, mais qui peuvent être réglés et qui traînent depuis longtemps. Il y a d'abord celui d'un certain nombre de régions au Québec, soit les forêts mélangées. C'est le cas de la région de Labelle, au nord de Montréal, comme de l'Outaouais - je vois que M. le sous-ministre est revenu; très bien. Il y a eu beaucoup d'études de faites là-dessus depuis longtemps et toutes concluaient à l'abolition des concessions forestières. Cela a commencé par le rapport Lussier autour des années 1970-1971 et les suites n'ont pas été données partout, à tel point que le gouvernement a même abandonné sa politique de rachat de concessions forestières. Je

maintiendrai simplement ici qu'il faudrait les racheter dans certaines régions, et pas nécessairement dans d'autres, et ne pas adopter une politique qui soit un carcan pour tout le monde. Lorsque vous arrivez dans des forêts mélangées, il peut être très important de le faire.

Nous parlons de sciage ce matin. Je veux simplement attirer votre attention sur le fait que les concessions forestières ont été abolies, rachetées dans une certaine partie de la région du nord de Montréal et une certaine partie de l'Outaouais, mais pas ailleurs, ce qui met en particulier les scieurs dans des positions concurrentielles différentes et difficiles pour ceux des régions où il n'y a pas eu rachat de concessions. Je parle en particulier des territoires concédés encore à la James MacLaren et à la "CIP" - la CIP maintenant - dans la région de Mont-Laurier, dans les régions 75, 76 et 77. Les scieurs doivent payer des redevances aux entreprises, à la James MacLaren ou à la CIP, alors que les scieurs des régions où des concessions ont été rachetées ne doivent pas payer de redevances ou paient des redevances beaucoup plus légères au gouvernement, de sorte que leur position concurrentielle est minée au nord, là où il y a encore des concessions forestières. C'est la situation actuelle.

Si on parle maintenant de la position de ces scieurs, je pense qu'en termes de gestion ils ont prouvé, en traversant correctement la crise des dernières années, qu'ils avaient une bonne administration. Leur position concurrentielle est minée par autre chose, par les redevances qu'ils doivent payer.

D'autre part, je reviens au point de départ aussi, vous êtes dans une forêt mixte et, si vous avez encore des concessions forestières accordées, par exemple, à des compagnies papetières, l'utilisation de la matière ligneuse est faite en fonction du papier et le reste du bois connatt une utilisation très douteuse ou, en tout cas, qui pourrait être mieux faite; on pourrait en faire une meilleure utilisation. Cela a été prouvé par des études, cela a été prouvé par tout ce qui a été fait. Lorsque nous avons tenté de constituer des sociétés d'aménagement et d'exploitation forestière, les objections sont venues très vite des entreprises qui possédaient les concessions et les autres ont passé sous la table, de sorte que leur position concurrentielle difficile s'est maintenue. Je crois qu'il faut qu'on règle cette question. Je pense qu'on ne demande pas la lune ou n'importe quoi. Il faut même envisager qu'on puisse l'autofinancer d'une certaine façon. Je suppose que, s'il y a maintenant un ministère des forêts, on va pouvoir établir une politique et la faire valoir au niveau du gouvernement, au niveau des priorités du gouvernement, et s'attacher à ce problème.

On parle de l'industrie du bois de sciage. Il s'agit évidement du papier et du bois mou, je suppose, surtout quand on en parle ici. Il y a aussi le bois franc ou le bois de sciage qui sont importants. Il faut absolument prévoir des utilisations intégrées. Pour nous, il y a autre chose qu'on peut faire avec le bois franc, on le sait très bien. Il faut tout de suite faire des projets de développement. Je sais qu'il y en a un à Mont-Laurier avec REXFOR. On a posé une condition: trouver un partenaire. C'est, il me semble, une question à se poser. Si on avait une attitude dynamique, on ferait le projet; le projet étant rentable et nécessaire, on pourrait très facilement trouver un partenaire par la suite. Déjà, on aurait créé des emplois, on aurait maintenant utilisé la matière en disponibilité. Il faut, au contraire, avoir l'attitude dynamique de faire le projet, de trouver ses partenaires. Ils seront faciles à trouver après coup. Les actions se revendent bien quand les affaires marchent.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, un petit mot sur la question du MDF, quand on dit que nous avons accordé une prolongation quant aux délais pour REXFOR. Cela me fait toujours rire quand on parle de REXFOR dans un dossier comme celui-là, en disant: Allez-y et forcez la note, alors que, souvent, les industriels nous disent: Laissez donc REXFOR agir dans un secteur qui n'est pas le nôtre. Laissez donc les secteurs privés agir. Nous voulons donc que REXFOR ait une action et que ce soit une action de soutien, mais non une action directe dans le milieu. Nous avons, à ce niveau, une discussion avec l'ensemble de tout le secteur des panneaux agglomérés et des panneaux-particules par rapport à d'autres qui sont dans les panneaux gaufrés et autres.

Pour revenir à la question première du député de Labelle concernant ce qu'on appelle la rétrocession, ce qu'on appelle la coupe intégrée, peu importe l'ensemble, je dis que la nouvelle politique forestière qu'on est en train de mettre sur pied va concerner spécifiquement le problème que vous avez soulevé parce que, effectivement, dans le contexte que l'on connaît - c'est la même chose chez moi, dans la Mauricie, avec les concessions de CIP, de Consol, ce sont des problèmes identiques... Il y a eu une époque, de 1969 à 1975 environ, où il y a une grosse marge de rétrocession qui a été faite, en particulier à partir de 1972 avec la nouvelle politique forestière des libéraux de l'époque.

Soit dit en passant, quand on dit qu'on n'a pas de politique, il y en a une, il s'agit de l'améliorer. C'est le sujet de notre conversation depuis un bon bout de temps au Québec.

M. Léonard: On est entre deux politiques, si je comprends.

M. Jolivet: D'une façon ou d'une autre, il n'y aura jamais de vide juridique. Il y aura une politique nouvelle qui viendra changer celle qui est en place, mais qui a été votée par les libéraux en 1972 et qui a porté les fruits qu'on connatt. À partir de là, nous avons donc une solution qui est globale, qui doit être envisagée pour assurer une exploitation optimale de toute la matière ligneuse, de quelque essence qu'elle soit, dans le secteur du bois mou ou du bois dur.

Quand on parle du problème qui retient notre attention aujourd'hui, c'est bien entendu le problème du résineux. La politique va tenir compte de ces phénomènes-là et va nous permettre, par les discussions qu'on a sur la réallocation possible des bois, de trouver le moyen d'aller vers du développement. Quand on parle de rupture de stock, on en parle dans le contexte que l'on connatt de la politique actuelle, mais, quand la politique sera changée, il y aura peut-être, dans d'autres secteurs donnés, dans l'ensemble du Québec, des utilisations autres que celles qu'on connatt et, peut-être avec la déprime du 2 X 4, comme je l'appelle, nous allons aller vers des utilisations différentes, dont le MDF qui va vers un marché d'exportation et qui devient une valeur ajoutée plus importante qu'un 2X4. Quand on va plus loin, on dit: II y a une fibre au Québec et cette fibre-là, dans l'utilisation mélangée au niveau des papetières, parce que de plus en plus on s'en vient avec de hautes technologies à l'intérieur des papetières qui vont permettre une utilisation... (11 h 15)

Domtar est un exemple typique pour les boisés privés de l'Estrie, puisque les allocations qu'elle va avoir au niveau du gouvernement, il n'y en a pas, c'est dans les secteurs du boisé privé qu'elle va aller chercher ses sources d'approvisionnement, quand on parle du nouveau projet et des additions qu'on va y faire. La nouvelle technique qui va être utilisée va permettre de faire les mélanges et on va dans d'autres secteurs avec de la glaise même. Je pense que, quand on regarde tous les nouveaux procédés qui sont mis sur le marché - c'est pour cela qu'on a des groupes finlandais, des groupes norvégiens qui viennent discuter ici, au Québec, parce qu'ils jugent qu'il y a des possibilités d'expansion pour leur marché à eux sur le marché nord-américain - tout cela fait partie de la politique globale qu'on veut mettre sur pied.

Je voudrais, en terminant, dire que je n'ai pas oublié la question du député de Saguenay concernant les syndicats producteurs de bois. Compte tenu du temps qui m'est donné de cinq minutes pour essayer de répondre à deux intervenants à la fois, un du côté ministériel et l'autre de l'Opposition, je me suis réservé le droit de parler de ce problème dans mes dix minutes à la fin.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant au député de Montmagny-L'Islet.

M. Jacques Le Blanc

M. Le Blanc: Merci, M. le Président. On a fait état tantôt de l'approvisionnement et de la production des boisés privés par rapport aux coupes sur les forêts publiques. Il y a un point que je voudrais tout de même signaler. À la suite d'une rencontre que j'ai eue tout dernièrement, qui m'a permis de faire le point de façon beaucoup plus éclairée avec l'office de producteurs de ma région qui fait la mise en marché du bois à pâte, il y a parmi les membres regroupés par un office des producteurs qui mettent sur le marché du bois à pâte, mais aussi des billes de sciage. D'une certaine façon, quand ils mettent sur le marché des billes de sciage, ils limitent, d'une manière très directe, la quantité de copeaux en provenance de ces billes de sciage qui sont reconduits et dirigés vers la même papeterie que leur bois à pâte. À un certain moment, les gens font un choix.

Quand le député de Saguenay disait tout à l'heure que la plupart de ces gens sont des producteurs de bois à pâte exclusivement, je pense qu'il y a des variantes dans certaines régions. Comme cela provient, pour la plupart, de petits boisés, bien sûr qu'ils n'ont pas les équipements lourds des grands exploitants forestiers, la machinerie nécessaire à de grosses exploitations, mais, avec leur machinerie qui sert à la production du bois à pâte, ils font aussi des billes de sciage. On ne peut pas, je pense, approvisionner deux marchés et se faire directement soi-même une concurrence. Je pense que les producteurs veulent écouler autant leur bois à pâte que leurs billes de sciage parce que la production de billes à pâte est limitée dans le contingentement des offices, tandis que les billes de sciage ne sont pas contingentées, ce qui fait que le producteur qui veut augmenter son revenu d'appoint en provenance de son boisé va être forcément obligé de produire un peu plus de billes pour le sciage.

Il a aussi été fait allusion à la fermeture récente des usines. Je pense que ce n'est pas imputable à des politiques gouvernementales si des usines de sciage ont

fermé récemment, depuis 1981, 1982, 1983. La demande du bois de sciage ayant fortement baissé à la suite d'une réduction considérable de la construction, cette réduction considérable de la construction a été causée par une augmentation absolument extraordinaire des taux d'intérêt et ces mêmes taux d'intérêt aussi ont fait crever littéralement les petites usines de sciage, parce que, quand les banques ont rappelé les marges de crédit de petits industriels de sciage, cela a été la mort immédiate de plusieurs usines de sciage qui n'ont pas pu se relever de cette maladie qui les a frappés. Je pense que le même mal a été la cause d'une diminution de la demande de bois d'oeuvre et a aussi causé la mort de plusieurs de nos usines de sciage, surtout nos plus petites qui ne pourront pas nécessairement s'en relever. S'ajoute à cela la modernisation de ces usines. Le virage technologique de nos usines de sciage ne peut pas se faire dans la totalité de nos usines de sciage, surtout les plus petites. Je fais référence, bien sûr, aux usines de ma région.

Je faisais allusion tantôt au développement d'un marché d'exportation outre-mer, plus particulièrement au Moyen-Orient. J'ai chez moi des usines qui sont aussi des exploitants dans la région de l'Abitibi. Je fais référence aux Matériaux Blanchet qui ont développé, depuis dix ans, un marché outre-mer et qui se sont installés aussi à Amos, en Abitibi. Ces gens ont été très avant-gardistes. Aujourd'hui, on veut développer ce marché pour être moins dépendants d'un seul marché. Il faudra concilier, dans l'approvisionnement tant de nos scieries que de nos usines de pâtes et papiers, un partage qui permettra de garder nos usines de sciage; si on veut les sauver, il faut les approvisionner. Si nos usines de sciage existent, elles vont produire des copeaux. M. le ministre disait tantôt: C'est le chat qui court après sa queue. II faut boucler le cercle de façon harmonieuse. Si on veut être conséquent dans notre obligation de garder nos usines de sciage en exploitation, il faudra aussi accepter qu'on produise des copeaux.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant au député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, dans cette brève intervention, j'aimerais couvrir trois points: le premier, j'aimerais dire que je ne peux que me révolter contre les propos du député d'Abitibi-Témiscamingue, le jeune Baril, qui dit: II n'y a pas de problème. Soit qu'il soit ignorant, soit qu'il soit malhonnête, mais je ne crois pas qu'on puisse, ce matin, après avoir entendu même le ministre dire qu'il y avait un grave problème, en arriver à une telle conclusion. S'il n'est pas au courant, j'aimerais que le page vienne chercher ce document, qui est un document du ministère de l'Énergie et des Ressources, du mois d'octobre, et qui dit: - je l'ai cité tout à l'heure - la situation de l'industrie du bois de sciage est alarmante si bien qu'elle sera catastrophique pour plusieurs entreprises et, à moins que le gouvernement n'entreprenne immédiatement une action majeure... C'est du mois d'octobre 1984.

Alors, il ne faudrait pas leurrer la population et dire: II n'y a pas de problème. Il existe un très sérieux problème et je suis le premier à dire que tout le problème n'est pas causé par le gouvernement, mais la question qui se pose et que nous posons est celle-ci: Compte tenu du fait que le gouvernement sait qu'il y a un grave problème depuis deux et trois ans et que les fonctionnaires ont fait de multiples recommandations et que ces recommandations n'ont pas été suivies, qu'est-ce qu'il fait? C'est cela la question de base.

Tout à l'heure, je parlais de la Gaspésie et le ministre me disait: Mais, M. le député d'Outremont, qu'est-ce que nous allons faire avec les copeaux? Si nous avons voulu la relance des scieries en Gaspésie, il faut accepter que les copeaux viennent déborder sur les marchés des copeaux à l'heure actuelle. Ce n'est pas la première fois qu'on entend des propos comme ceux-là de la part d'un gouvernement qui ne sait pas où il va. Je vais vous donner deux exemples qui touchent justement les scieries en Gaspésie et la relance de l'usine de Matane en particulier. L'an dernier, lorsque nous avons eu une commission parlementaire pour entendre REXFOR nous expliquer de quelle façon il serait possible de relancer ses scieries, on nous avait dit: D'une part, cela nous prend absolument l'usine de Matane. Même si nous avions de fortes réserves sur l'action de REXFOR dans un domaine qu'elle connaît mal, l'usine de pâtes et papiers, nous avions voté 65 000 000 $ dont quelque 40 000 000 $ allaient pour l'usine de Matane. C'était au mois de juin 1984. Trois semaines après, le gouvernement décide que REXFOR n'a rien à faire dans cela et qu'il va donner cela à la SGF. C'est juste pour vous dire jusqu'à quel point ce gouvernement sait planifier.

Une deuxième chose: Le ministre nous dit: Maintenant, les scieries partent en Gaspésie et il va falloir que cela déborde au Québec. Dans le mémoire confidentiel, envoyé aux cabinets des ministres le 16 décembre 1983, on dit explicitement qu'une des recommandations, c'est de relancer les usines, d'assurer qu'éventuellement cela puisse fonctionner et peut-être que l'usine de Matane viendra jouer un rôle important, mais on dit: Entre-temps, nous demandons

l'autorisation d'exporter les surplus de copeaux et de bois à pâte qui seront générés par la réalisation de ce projet. Au moment où le gouvernement a pris sa décision, la décision avait été prise d'exporter les copeaux à l'extérieur du Québec et du Canada. Écoutez, si la décision a été prise sur cette base, c'est parce qu'à ce moment on savait qu'il y avait un surplus de copeaux et qu'on ne pouvait générer plus de copeaux qu'il y en a dans le moment. Qui va en souffir? Ce sont encore les producteurs de boisés privés en Gaspésie. D'ailleurs, eux le savent très bien parce qu'ils disent, dans un de leurs commentaires: Les rondins, c'est notre gagne-pain; les copeaux, c'est notre tombeau. C'est cela la situation.

Il y a un manque de planification de la part du gouvernement et il y a un manque d'action. Ce qui est plus grave, c'est que, si rien n'est fait... Le ministre nous dit: Attendez, ma politique forestière s'en vient. Chaque fois qu'un député soulève des problèmes, que ce soit le député de Saguenay, le député de Portneuf ou le député de Labelle, il dit: Attendez, ma politique forestière va tout régler. Mais il y a des décisions qui se prennent. On m'informe que dans le moment il y a des négociations qui existent entre certains syndicats producteurs de bois. Le gouvernement lui-même a recommandé à New-Brunswick International Paper d'aller récupérer le bois de la tordeuse sur ses concessions à Nouvelle. Quel va être le résultat de cela? C'est que les producteurs privés vont avoir une diminution d'approvisionnement de l'ordre de 20%, soit 15 000 mètres cubes.

M. le ministre, il faudrait bien arrêter dans le moment de prendre des décisions qui vont à l'encontre d'une politique éventuelle et de dire: Quand la politique va venir, cela va tout régler. Si vous continuez comme cela, et je conclus là-dessus parce que mon temps est épuisé, malheureusement, les organismes de gestion en commun du Bas-Saint-Laurent disent: Si vous continuez comme cela, tout le plan d'aménagement, tout le plan de reboisement, tout le plan d'af-forestation va tomber à l'eau. Vous aviez un programme de 300 000 000 de nouveaux plants, dont 100 000 000 pour la forêt privée. C'est bien évident que, si la forêt privée n'a pas de ressources et si la forêt privée ne peut justifier des investissements dans le domaine du reboisement, ils ne le feront pas. C'est tout votre programme d'aménagement qui tombe à l'eau. C'est ce que j'aimerais demander au ministre. J'ai terminé.

M. le Président, je demande au ministre pour quelle raison retarder, à je ne sais pas quand, pour prendre des décisions qui, de toute évidence... Vous les connaissez, vous semblez connaître la nouvelle politique forestière, pourquoi ne pas prendre des décisions maintenant qui pourraient sauver certaines industries et sauver les producteurs privés de bois?

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Effectivement, je connais les grandes lignes de ce que j'ai à discuter avec l'ensemble des hauts fonctionnaires du ministère sur la politique forestière qu'on est en train d'établir. J'ai dit que nous allions présenter cette politique d'ici à la fin du printemps et je maintiens que cela va être fait dans ce temps.

Deuxièmement, quand je dis, en réponse à des questions, que la politique globale que nous avons sur la politique forestière fera en sorte qu'on pourra trouver des solutions à long terme et non pas des solutions de court terme aux problèmes que l'on connaît, c'est parce qu'on est conscient qu'il y a des problèmes et qu'il faut trouver les solutions qui amènent un équilibre entre le boisé privé, la production de copeaux et la production sur la forêt publique. J'ai dit que, dans le cas de la forêt publique, elle serait de deux ordres: elle serait supplétive et elle serait complémentaire à la forêt privée et aux copeaux. Cet ensemble sera connu lorsqu'on aura la politique forestière en place.

Maintenant, au moment où on se parle, quand le député d'Outremont dit que nous n'avons, comme gouvernement, pris aucune de nos responsabilités, je pense que moi aussi je pourrais me révolter et dire qu'il a tort parce qu'il ne regarde pas et n'écoute pas ce que j'ai dit depuis le début quant aux aides apportées par le programme du ministère de l'Énergie et des Ressources, par le programme de la Société de développement industriel ou par les programmes expérimentaux de création d'emplois communautaires. Je pense qu'il y a eu beaucoup de choses de faites.

La question que j'avais posée au député d'Outremont concernant la Gaspésie, c'est: Est-ce qu'il nous conseille, comme gouvernement, d'arrêter la remise sur pied de l'ensemble des scieries en Gaspésie? Si c'est ce qu'il me propose, j'aimerais bien l'entendre dire de sa bouche. Je dis que nous avons pris des décisions de relancer l'ensemble de ces industries à partir du fait que nous avions demandé à la société REXFOR d'éviter d'entrer en concurrence au niveau des copeaux. Nous avions des contrats de signés avec la Finlande et ces contrats-là ont été, en termes d'exportation, interdits par la Finlande après qu'eux eurent décidé qu'il y avait des bebites à l'intérieur. Ils ont invoqué des raisons qui, en fait, ne sont pas

des raisons autres que leur désir d'écouler sur le marché de la communauté européenne leur bois à eux et leurs copeaux. Je pense qu'il faut être sensible au fait que, quand on signe un contrat de vente avec quelqu'un et que par le gouvernement finlandais une décision a été prise d'interdire cette vente-là, cela ne pouvait pas être prévu au moment où on a fait le contrat.

Deuxièmement, quant à la production de copeaux additionnels, il est évident que nous espérons pouvoir mettre sur pied le projet de la papeterie de Matane qui va régler une partie des problèmes qu'on connaît actuellement. Au moment où l'on se parle, si la Finlande, qui avait avec nous des contrats, les a arrêtés, si la papeterie de Matane ne fonctionne pas, la question qui est posée est la suivante: Est-ce qu'on doit dans ce cas-là, comme gouvernement, avec la société RÉXFOR mettre sur pied la relance dont on a fait mention jusqu'à maintenant et qui concerne les scieries dans le coin? (11 h 30)

C'est la question que je vous ai posée, mais à laquelle vous n'avez pas encore répondu. Il y a une autre question que j'ai posée aussi à l'Opposition: Est-ce qu'ils conseillent au gouvernement d'être responsable des décisions économiques, des décisions que doivent prendre les investisseurs? Je ne pense pas que, dans ce contexte, vous n'ayez, encore une fois, de réponse à me donner.

J'ai posé des questions, parce que, quand vous demandez: Qui est le ministre? c'est moi. La deuxième chose, c'est que nous avons pris des décisions et nous avons dit que nous allions dans telle et telle direction; qu'il y a une politique forestière qui s'en vient et qui va régler, à mon avis, qui va amener des solutions aux problèmes qu'on a.

Mais, ce que je dis, c'est que, quand on fait des choses semblables, on nous dit: Le gouvernement ne fait rien. Quand on est dans l'Opposition, c'est facile de critiquer et de dire telle et telle chose, sans avoir, au bout de la course, des solutions à proposer. On n'en a pas proposé de l'autre bord.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant au député d'Abttibi-Est.

M. Jean-Paul Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je vais continuer un peu dans la veine où j'avais commencé tantôt, en disant que c'est important de conserver toute la vie économique qui existe autour des usines de sciage en place, même si certaines devront fermer, bien sûr. Cela m'amène particulièrement à reparler du dossier Forex à Val-d'Or, qui concerne Val-d'Or.

Bien sûr, il y a eu des discussions. Le ministre en a parlé un peu. Les discussions continuent avec le ministère. Cela va bien à part ça; jusqu'ici, cela va pas mal bien. J'espère que ça va continuer positivement comme ça. Dans ce dossier, M. le ministre, ce qui est important de savoir, pour moi comme député d'Abitibi-Est, c'est: Pouvez-vous me confirmer, par exemple, que, quoi qu'il advienne dans le dossier Forex, que l'usine soit revendue ou que le même groupe continue... J'aimerais avoir l'assurance du ministre que les mêmes activités forestières, le même volume d'activités forestières puisse continuer à Val-d'Or, dans le sens que, actuellement, il y a l'usine Dufresne qui a son approvisionnement et il y a aussi l'usine de Val-d'Or qui prend son approvisionnement d'une autre usine à l'extérieur.

Je pense que ce qui est important, ce qui est la priorité pour moi comme député, c'est qu'on conserve, de toute façon, quoi qu'il arrive du dossier, le même volume d'activités forestières à Val-d'Or. J'aimerais que le ministre puisse me le confirmer et, également, dans un premier temps, il s'agit de conserver le même volume d'activités et, dans un deuxième temps, de garder de la place pour développer d'autres entreprises forestières autour de ce complexe qui existe déjà à Val-d'Or.

Dans ce sens-là, une autre question au ministre: II y a déjà - même si je comprends bien que ce ne sera pas pour demain matin -il existe un projet dans lequel certains intervenants forestiers ont mis quelques centaines de dollars concernant une éventuelle usine de papier à Val-d'Or. Ma question au ministre est: Est-ce que, si on réussit à conserver les activités de Val-d'Or telles quelles, au même niveau, peut-être même en les augmentant si c'est possible, est-ce qu'on produit, par exemple, suffisamment de copeaux dans la région, pour alimenter une telle usine, éventuellement? Encore là, c'est en sachant très bien que ce n'est pas pour demain matin, mais quand les choses se seront tassées et quand il y aura des marchés.

Une autre question, M. le ministre, toujours dans le cas de Forex. À la suite de l'assemblée publique concernant les créanciers, laquelle a eu lieu cette semaine, le mardi 19 mars, où, à partir de la lecture des journaux que j'ai faite, on indique qu'il semble que le gouvernement du Québec -c'est ce que titrent les journaux - serait le seul à dire non au plan de relance ou à rejeter la proposition du plan de relance tel quel, à mon sens, ce n'était pas tout à fait ce que, moi-même, j'avais dit chez nous et ce que le ministre est venu dire chez nous aussi, à Val-d'Or. J'aimerais que vous éclaircissiez un peu la situation. Est-ce que c'est vrai que le gouvernement dit non au plan de relance de cette façon? Moi, je n'étais pas à l'assemblée, malheureusement. À ma connaissance, le gouvernement, le

ministre avait dit oui pour certaines choses, des possibilités d'arrangement pour d'autres. Mais je n'ai jamais entendu de non. Alors, j'aimerais que vous puissiez me clarifier ces choses.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant au député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, à la fin des cinq minutes préliminaires, j'en étais à soutenir au ministre délégué aux Forêts les problèmes aigus vécus par les producteurs de boisés privés de la région de Québec, lesquels voient, depuis quelques années, une diminution constante et importante des volumes et des quantités de bois provenant de leurs boisés dirigés vers l'usine et ce, à la suite des modifications technologiques, au profit des scieries qui mettent ainsi plus de copeaux en marché.

La Fédération des producteurs de bois du Québec, et plus particulièrement l'office de la région de Québec, sensibilisait au problème le ministre délégué aux Forêts, le 13 février dernier, par un mémoire qu'elle lui présentait, où elle formulait plusieurs recommandations, des recommandations qui se veulent le résultat d'une réflexion et aussi d'une analyse du vécu et de la problématique depuis quelques années.

Entre autres, elle demandait que le ministère exige de l'industrie acheteuse un état précis de ses besoins en matière ligneuse et comment elle prévoit satisfaire ses besoins, et qu'il exige aussi des fournisseurs leurs prévisions de production et de vente à l'industrie papetière provenant tant des boisés privés que des scieries.

Il y avait des recommandations visant l'imposition par décret ou par règlement d'un plan d'approvisionnement à l'industrie acheteuse qui tienne compte prioritairement des bois en provenance de la forêt privée à partir des livraisons moyennes des années normales et ensuite des copeaux produits par les usines de sciage du Québec.

En fait, si je reprenais les sept recommandations qui étaient formulées par la fédération, cela prendrait beaucoup de mon temps qui est très limité. Le but de mon intervention, c'est de vous indiquer que le gouvernement devrait s'assurer, et cela peut se faire sans attendre le dépôt de la politique forestière... Parce que, vous savez, vous ressemblez, M. le ministre, de plus en plus au ministre des Finances qui avait promis un livre blanc sur la fiscalité des Québécois, qu'il a reporté d'échéancier en échéancier et, finalement, le livre blanc sur la fiscalité a été déposé par M. Duhaime le ou vers le 10 janvier dernier. Comme on le sait, ce livre blanc ne s'est traduit par aucune mesure concrète jusqu'à maintenant. Il n'y a absolument rien, mais rien du livre blanc sur la fiscalité qui s'applique actuellement, contrairement à ce que plusieurs croient.

C'est donc dire que, malgré votre intention qui est probablement de bonne foi, qui est tout à fait louable, de déposer - vous dites d'ici juin - votre politique forestière, vous n'êtes pas sans savoir et, si vous voulez pousser la franchise un peu plus loin, vous devriez dire que cela sera un document d'intention qui sera déposé, non seulement à la fin d'un deuxième mandat de gouvernement, mais au début de la cinquième année du deuxième mandat du gouvernement, à quelques semaines ou à quelques mois soit d'élections partielles qui risquent de vous placer dans une position précaire comme gouvernement, soit d'une élection générale.

C'est donc dire que votre politique forestière, concrètement, malgré qu'on la souhaite, malgré qu'on la désire, malgré qu'on ait aimé qu'elle soit déposée bien avant, il n'y a pas grand-chose de cette politique forestière qui risque de s'appliquer avant peut-être un an, un an et demi. Concrètement, pour les utilisateurs, pour les propriétaires de boisés privés dans une région comme Québec - et là je me réfère à des comtés, que ce soit Bellechasse, que ce soit Lotbinière, la Beauce, Beauce-Nord, Beauce-Sud, Charlevoix, la zone de Montmorency et un comté comme Portneuf - où c'est quand même un élément important dans le revenu d'appoint des producteurs, où ces producteurs de boisés privés ont consacré des sommes d'argent importantes depuis plusieurs années pour la gestion de cette forêt, l'aménagement de cette forêt, l'amélioration, etc., aujourd'hui, ils se voient placés dans une position où leur revenu, la quantité de bois acheminé vers les usines ont diminué dramatiquement et risquent de diminuer de façon encore plus substantielle d'ici quelques années. Je pourrais parler longuement du cas de Kruger que vous connaissez très bien, très probablement, avec tout l'impact que cela implique chez les producteurs. Je pourrais vous indiquer le cas de Domtar Donnacona, le cas de la compagnie des matériaux de construction de Pont-Rouge, etc.

Mais, essentiellement, le but de ma question, le but de ma démarche ce matin, c'est premièrement de vous sensibiliser, deuxièmement de vous demander d'avoir un oeil particulier ou un intérêt particulier pour le dossier de la région de Québec qu'on vit dramatiquement, et de vous demander que le gouvernement s'assure de l'état précis des besoins en matière ligneuse de l'acheteur, que votre gouvernement prenne les dispositions pour que les fournisseurs déposent leurs prévisions de production -c'est important, cela peut se faire - et de vente à l'industrie papetière. Enfin, que le

gouvernement procède à l'analyse la plus rigoureuse des coûts de production des deux types d'exploitation - parce que les coûts de production de l'équivalent d'une tonne anhydre provenant des boisés privés; il n'y en a plus de concurrence, vous savez; ils sont peu placés dans une position concurrentielle -et que vous puissiez, à partir de cette analyse des coûts de production, déterminer les mesures susceptibles de rendre ces deux types de production beaucoup plus concurrentiels.

Surtout, M. le ministre, en terminant, je vous demande d'agir. Je vous demande de faire quelque chose. C'est urgent et arrêtez de nous poser des questions. Vous avez la responsabilité gouvernementale, prenez donc les responsabilités qui vous incombent, décidez et, bon Dieu, arrêtez de remettre le tout à plusieurs mois, alors que le gouvernement ne sera peut-être plus là.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député, le temps est malheureusement écoulé.

M. Pagé: Déjà: Malheureusement, M. le Président. Vous trouviez cela intéressant vous aussi, n'est-ce pas?

Conclusions

Le Président (M. Bissonnet): Maintenant, un dernier droit de parole de dix minutes au ministre et ensuite l'interpellant, soit le député d'Outremont, aura dix minutes pour donner la réplique.

M. le ministre, en concluant.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, je répondrai aux questions du député d'Abitibi-Est concernant le cas de Forex en disant qu'il est évident que ce qu'on a regardé dans le secteur de l'Abitibi-Témis-camingue, c'est un dossier qui doit être regardé dans son ensemble régional, tout en considérant qu'effectivement, dans le dossier Forex, nous tentions de faire en sorte que, finalement, s'il y a relance, et je le disais là-bas, quant à moi, si possible avec le groupe Forex, mais si nécessaire avec d'autres, dans le sens où j'ai dit que je n'étais pas là pour relancer les finances du groupe Forex, mais pour relancer les emplois, de telle sorte que, si la demande est faite aujourd'hui: Est-ce qu'effectivement Val-d'Or doit demeurer rouverte par quelqu'un d'autre, si on peut l'appeler comme tel, je pense qu'on peut dire que nos efforts tentent de faire en sorte qu'effectivement, dans le secteur urbanisé où se trouvent des industries, c'est l'optique vers laquelle nous nous dirigeons.

Quant à la question de l'usine de papier, si on me dit que l'Abitibi-Témis-camingue a les copeaux nécessaires - je pense qu'effectivement elle a des copeaux... Mais, comme vous le savez, l'ensemble de l'intervention dans le milieu a fait que les copeaux voyagent d'une région à l'autre et que penser construire une usine de pâtes et papiers dans le coin peut être envisageable, les gens peuvent y penser, mais ce sera au détriment de qui, de quoi, comment et pourquoi? Dans ce sens-là, je fais allusion au fait que 80% de l'approvisionnement de l'usine CIP de La Tuque provient du secteur de chez vous en particulier au niveau des copeaux et que, compte tenu de ce que vous demandez: Est-ce qu'on déplace l'économie d'un milieu à l'autre? est-ce que l'on fait mourir l'un par rapport à l'autre?, ce sont des questions qui font partie de l'ensemble de nos réflexions.

Quant à Forex elle-même, au niveau de la réunion des actionnaires, je dois vous dire que nous n'avons pas dit non à l'ensemble du plan; ce que nous avons dit, c'est sur un secteur et nous avons fait une contre-proposition. La contre-proposition était sur les dus qui ne sont pas payés par le groupe Forex quant au droit de coupe de 2 500 000 $ dont on fait mention. La contre-proposition qui a été faite est viable et envisageable par le groupe Forex. On nous a dit lors de la rencontre de jeudi dernier, qu'ils étaient contents de l'ouverture que nous avons faite; la seule chose est qu'ils avaient une rencontre des créanciers le 19 qu'il fallait tenir, et ils ont laissé les portes ouvertes à la continuité des négociations, aussi bien sur l'ensemble des droits de coupe que sur l'ensemble de l'approvisionnement comme tel.

Au niveau des problèmes qui existent entre la papetière, qui est la seule utilisatrice pour les copeaux au niveau des papiers - sauf la partie des bois durs que je considère comme étant les panneaux agglomérés ou les panneaux gaufrés ou autres; je la laisse de côté parce que ce dont on parle aujourd'hui, c'est de la partie résineuse en particulier - je dois dire qu'effectivement on doit en tenir compte et, dans la politique forestière, nous allons en tenir compte. Il y a quand même des actions qui peuvent être prises à court terme. On les a prises jusqu'à maintenant, celles qu'on avait à prendre. Je ne vois pas en quoi on peut nous accuser de ne pas prendre nos responsabilités.

C'est là que j'ai de la difficulté à comprendre ce que les libéraux disent. D'un côté, nous ne voulons pas que le gouvernement intervienne dans les ententes entre parties privées et, quand cela va mal, on nous accuse de ne pas intervenir. Je n'ai jamais compris votre langage dans ce domaine. Pour les gens qui ont actuellement à négocier des contrats d'approvisionnement

pour des usines de pâtes et papiers, il est évident qu'il y a un marché. Le marché est fondé sur les copeaux, sur les billots et cela fait en sorte que, finalement, la papetière, qui est la seule à acheter ce bois, arrive a mettre des pressions sur l'un et sur l'autre. C'est la partie des négociations. (11 h 45)

Si on me demande d'intervenir, nous avons le droit de le faire au niveau de la capacité qu'a la Régie des marchés agricoles d'intervenir. C'est sur la fixation des prix. Quant au volume à être vendu, cela fait partie du marché. C'est la loi des marchés qui existe et, à ce moment-là, on dit qu'il y a, dumping, de copeaux. On va même jusqu'à dire qu'effectivement il y a des copeaux qui viennent de l'autre côté de la frontière québécoise, du Nouveau-Brunswick ou d'ailleurs. Je dis qu'à un moment donné il y a des décisions qui ont été prises au Québec. Ces décisions n'ont pas empêché qu'il y ait ce transfert interprovincial, puisque le Québec est dans ce même mouvement et que nous avons des ententes avec les autres provinces limitrophes. Je ne pense pas que les libéraux viennent nous dire aujourd'hui de ne plus en avoir et, en même temps, de bloquer le marché des autres. Je vous dis tout simplement que vous avez deux langages: celui de la non-intervention et celui de l'intervention. Mais, à mon avis, dans votre bouche, les deux sont diamétralement opposés.

Au niveau de ce qu'on a ressenti comme problème, de ce que le document a suscité, il est évident que la conjoncture actuelle ne s'améliorera pas à court terme, comme les prévisions américaines le disent, sur la construction résidentielle, ce qui va nous laisser supposer que, possiblement, il y aura de nouvelles fermetures - définitives ou temporaires - et peut-être regroupement ou intégration. Il est fort possible que ces mouvements existent dans le marché actuel. La nature des interventions du ministère se situe au niveau de la gestion des ressources des forêts, en tenant compte des considérations régionales. Le rôle du ministère consiste donc à harmoniser ses responsabilités de gestionnaire de la ressource avec celles d'agent de développement économique. De plus, ce rôle est complété par une collaboration étroite avec tous les autres intervenants, que ce soit la SDI, que ce soit le programme expérimental de création d'emplois, le CRIQ et autres.

Quant à moi, je partage l'analyse faite par les fonctionnaires du ministère sur la situation de l'industrie du sciage. Quant à leurs recommandations, telles que formulées dans le document que vous avez cité et que le député d'Outremont a utilisé, je préfère agir avec prudence et limiter l'émission de nouveaux permis d'implantation d'usines à des cas spéciaux. L'analyse de ces cas doit tenir compte de différents éléments, dont les suivants: une disponibilité de la matière, la qualité et le coût de la matière, les structures industrielles, la technologie, la gestion, la rentabilité. Des perspectives sombres incitent donc tous les intervenants à beaucoup de prudence, que ce soient les syndicats de producteurs de bois, les papetières, les scieurs, que ce soit l'ensemble des intervenants. C'est pourquoi on doit faire un examen complet et minutieux de tous ces cas spéciaux.

Quant à la nouvelle politique forestière, vous m'accusez de dire qu'elle retarde et qu'on ne prend pas d'actions. Moi, je vous dis qu'on prend des actions, mais on doit aussi tenir compte qu'il y a une politique forestière qui s'en vient. Il y en avait une depuis 1972. Ce sont les libéraux qui l'ont mise en place. À partir de cela, nous avons agi avec les moyens que nous avions. Il fallait la changer. Le ministre qui m'a précédé a pris ses responsabilités. Il a envoyé les documents de consultation dans le milieu et j'ai à la compléter. C'est l'un des mandats précis qui m'a été donné, de compléter cette politique forestière.

Cette politique forestière, que je me suis engagé à déposer ce printemps, comprendra un volet de la stratégie industrielle du secteur du sciage fondé sur les résultats de l'analyse régionale du potentiel de développement. On ne peut plus parler de l'ensemble du Québec, il faut y aller région par région, usine par usine dans le milieu. Ce programme favorisera certainement certains secteurs prometteurs et une rationalisation axée sur une gestion appropriée de l'allocation de la matière ligneuse.

Dans ce contexte-là, je vous dis que les gens n'ont pas à s'alarmer outre mesure. Même si la situation est alarmante, les responsabilités que nous avons, nous les prenons. Dans l'ensemble du marché, au niveau des interventions dans le secteur privé, j'ai dit et je le répète: Si les scieurs nous ont demandé d'intervenir, nous avons refusé. Cela aurait été au détriment des producteurs de bois. Nous avons dit qu'une loi existe pour les producteurs de bois quant à la Régie des marchés agricoles, des volumes sont prévus quant à la façon dont les gens font la gestion dans le milieu et je n'interviendrai pas dans les négociations privées.

Nous avons cependant fait des rencontres avec les gens, nous avons dit, dans le cas de CIP de Matane en particulier, qu'elle avait une responsabilité et que cette responsabilité lui avait été décrite vers 1962, au moment où le gouvernement Lesage de l'époque lui avait demandé de jouer un rôle social. Nous avons demandé à la compagnie d'assumer ce rôle social. Ils ont raison, d'une

certaine façon. On a dit: Dans la limite où l'ensemble des demandes est raisonnable, dans le sens qu'il y a moyen, à partir de la négociation qui a été amorcée, de trouver des solutions.

Quant à moi, je vous dis que nous croyons que la situation n'est pas rose, que nous avons pris nos responsabilités jusqu'à maintenant dans le dossier et que nous allons continuer à les prendre.

Le Président (M. Bissonnet): La parole est maintenant au député d'Outremont pour la réplique.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, dans ce que vient de dire le ministre, il y a au moins une phrase avec laquelle je vais être d'accord: avec ce gouvernement-là, la situation n'est pas rose.

C'est une drôle d'interpellation, M. le Président, c'est la première fois que je fais une interpellation comme celle-là parce que, normalement, c'est l'Opposition, comme le règlement nous le permet, qui met à l'ordre du jour du vendredi matin un sujet important pour poser des questions au ministre en espérant que le ministre va nous donner des réponses. Mais là, ce fut une interpellation à l'envers. Je comprends qu'on sera au gouvernement très bientôt. À chaque fois qu'on posait des questions, le gouvernement disait: Mais, M. le député d'Outremont, si vous étiez à notre place, qu'est-ce que vous feriez? Quelle est votre politique? Je comprends qu'ils veulent avoir toutes nos idées, je comprends qu'ils voudraient savoir ce qu'on ferait dans les mêmes circonstances et je comprends bien que, très bientôt, on va pouvoir régler ces problèmes-là. Mais, M. le Président, il faudrait peut-être changer le règlement pour appeler cela autrement le vendredi matin, si c'est la nouvelle politique du gouvernement du Parti québécois de ne pas répondre aux questions et de demander aux députés libéraux: Donnez-nous vos idées et on va essayer de les mettre en pratique. C'est ce qu'on pourrait appeler l'interpellation à l'envers.

M. le Président, mon collègue de Portneuf faisait allusion au fait que, depuis fort longtemps, il y a eu négligence dans le domaine de la forêt. Je ne sais pas si j'irais jusqu'à dire que c'est depuis 1976 parce que, comme tout nouveau gouvernement, à partir du début de 1976, on doit admettre que ce gouvernement-là était sensible à certains problèmes de la forêt. Au moins, M. Bérubé avait une qualité - entre ingénieurs, on se flatte toujours l'un et l'autre - celle d'être ingénieur et de comprendre les problèmes de la forêt. Il a fait certaines choses.

À l'endroit où cela a cloché, c'est depuis 1980. M. Duhaime était ministre de l'Énergie et des Ressources après la consolidation entre le ministère de la Forêt, les Mines et l'Énergie; on sait qu'il y a eu toute la politique énergétique, on sait qu'il y a eu toute la remise en question du plan d'équipement d'Hydro-Québec; on sait qu'il y a eu des problèmes miniers, des problèmes sur la Côte-Nord. Pendant ce temps, M. Duhaime n'a pas eu le temps de s'occuper des problèmes de la forêt.

Au mois d'octobre dernier, le premier ministre a nommé M. Rodrigue ministre de l'Énergie et des Ressources, y inclus la responsabilité de la forêt, et cela a duré environ sept ou huit semaines. D'ailleurs, je me souviens, lorsque M. Rodrigue a été nommé ministre de l'Énergie et des Ressources et également responsable de la forêt, qu'il a dit: Ma priorité, c'est la forêt. Sa priorité n'a pas duré très longtemps parce que, deux mois après, le premier ministre l'avait changé.

Maintenant, on a un gentil garçon devant nous, de La Tuque, M. Jolivet. II essaie de réparer - j'ai beaucoup de sympathie pour lui - semble-t-il, en quelques mois, une négligence qui a duré depuis cinq ans. C'est depuis ce temps que cela s'est détérioré dans l'industrie du bois de sciage en particulier.

Comme de raison, M. Duhaime nous avait dit - j'ai la manchette ici - "Duhaime prévoit soumettre cet automne une nouvelle politique forestière". C'était le 13 juin 1984. Aux journalistes qui lui demandaient: M. le ministre, vous ne pensez pas que c'est trop tôt l'automne? Je vais vous dire ce qu'il a répondu: Le ministre Duhaime désire que la consultation amorcée soit terminée dès la mi-septembre. À ceux qui rétorquent que cette période est relativement courte, le ministre répond que les organismes industriels, professionnels ou populaires susceptibles de participer à la consultation possèdent les ressources et l'expertise nécessaires et peuvent transmettre rapidement leurs vues au MER.

Donc, j'imagine que cela a été fait. Le MER a reçu toute cette information. Tout ce qui restait à faire, c'était de la consolider et d'avoir un ministre qui prenne et qui détermine les orientations politiques. Comme on le voit et comme j'en ai fait état, les fonctionnaires étaient déjà très au courant des problèmes et c'est pour cela, j'imagine, que le ministre a pu dire, à ce moment: Dès cet automne, nous aurons une politique forestière.

Ce qui est arrivé, avec toute cette négligence, c'est que le premier ministre a décidé de changer de ministre. Il a changé de ministre deux fois depuis l'automne. Présentement, on se retrouve au début du printemps. Et alors que le nouveau ministre nous a dit: Ce printemps, nous aurons une politique forestière, maintenant il nous dit ce

matin: Cela va être à la fin du printemps. On est rendu à l'été. On va être rendu à l'été cela ne sera pas long. À ce moment, imaginez-vous sortir une nouvelle politique forestière en essayant de faire les arbitrages très importants entre les différents intervenants en pleine campagne électorale? Cela va être extraordinaire. Cela va être une réussite parfaite.

M. le Président, j'entendais le ministre, dans une déclaration aux journaux, parler de l'importance de la forêt privée. D'ailleurs, c'est tellement important que, si vous regardez l'organigramme des terres et forêts dans le moment, vous allez voir qu'il y a beaucoup de bottes dans l'organigramme sur la forêt publique, etc. Or la forêt privée, c'est le petit organigramme en bas, le cinquième ou le sixième échelon, où c'est marqué: Responsable de la forêt privée. C'est l'importance que donne ce gouvernement à la forêt privée. Mais, pire que cela, malgré les déclarations du ministre et malgré le fait qu'il y a un cri du coeur qui vient de tous ceux qui possèdent une forêt privée et qui veulent la développer, de toute évidence, le gouvernement n'est pas tellement pressé d'intervenir dans le dossier.

Là, cela m'amène à ceci. Je comprends que le professeur Jolivet n'était pas dans le domaine des affaires avant d'être ministre et c'est évident que sa compréhension du domaine économique est assez pauvre, parce qu'il dit: Vous savez, il y a un marché libre, il faut laisser tout le monde négocier librement. Nous, les libéraux - je n'ai jamais dit cela moi-même et je n'ai jamais entendu mon chef dire cela - aurions une politique de non-intervention. Ce qui est vrai est que nous avons une économie mixte au Québec. D'ailleurs, dans le rapport - si cela vous fait plaisir, je vous enverrai le document que j'ai produit avec certains de mes collègues dans le domaine des sociétés d'État - nous disons clairement qu'au Québec nous avons une économie mixte et cela va continuer à être comme cela avec les libéraux.

Mais, dans le domaine de la forêt, c'est encore plus vrai. Si le ministre ne le sait pas, il a des pouvoirs immenses en ce qui concerne la forêt publique, les approvisionnements, en ce qui concerne les droits de coupe, les équilibres à faire entre la forêt publique et la forêt privée. S'il ne le sait pas, il devrait savoir que les papetières ont des concessions forestières et qu'elles peuvent aller couper du bois sur leurs propres concessions, elles peuvent acheter du bois de la forêt privée, elles peuvent acheter des copeaux.

Le problème qui se pose, c'est que, dans le moment, l'arbitrage n'est pas fait. Les papetières ont trop d'options qui leur permettent de jouer l'une contre l'autre et, finalement, de s'en tirer à meilleur compte. C'est cet arbitrage qui doit être fait et c'est cet arbitrage que le gouvernement ne peut pas faire et ne veut pas faire en disant: Nous favorisons un marché libre. Je n'en reviens pas, on a devant nous un gouvernement soi-disant social-démocrate qui s'en vient nous dire maintenant: Nous favorisons uniquement un marché tout à fait libre où le gouvernement n'intervient nullement entre ceux qui peuvent avoir des difficultés, entre la forêt privée et la forêt publique, entre les papetières et les scieries. Il n'y a rien à y comprendre!

Quand je lis le programme du Parti québécois, c'est tout autre chose. Cela démontre clairement qu'il n'a pas de programme, qu'il ne sait pas où il s'en va et, surtout, qu'il ne connaît pas un secteur qui est très important pour le développement économique du Québec. Il y a un arbitrage à faire et cet arbitrage est très difficile. Je m'inquiète parce que ces éléments de politique forestière qui s'en viennent vont nous arriver en pleine campagne électorale, de toute évidence. Le ministre l'a dit: C'est en 1972 qu'on s'est donné au Québec une politique forestière. Cela prend un certain courage politique pour faire des arbitrages afin de déterminer de nouvelles politiques. Je crois bien - le ministre ne l'a pas dit, mais je crois qu'il l'a dit indirectement - que ce sera un gouvernement libéral qui va mettre à jour la politique forestière de 1972.

Ce n'est sûrement pas le temps de faire cela en campagne électorale, ce n'est pas le moment de faire cela. Ce n'est pas le temps non plus de retarder toutes les décisions jusqu'à temps qu'on ait une politique forestière. Vous l'avez dit, vos fonctionnaires ont très bien analysé la situation. Vous me demandez: Comment? Qu'est-ce que vous feriez? Il y a des solutions proposées. Le rapport de 1982-1983, première recommandation: Qu'un bilan qualitatif et quantitatif de la matière ligneuse soit fait et publié pour qu'on sache, pour qu'on soit tenu à jour. Au moins, sans intervenir, si vous ne voulez pas intervenir, vous pourriez demander au début de l'année aux papetières: Dites-nous de combien de bois vous avez besoin, de combien de copeaux vous avez besoin et combien vous allez prendre de bois sur vos propres concessions forestières. Et ensuite vous pourriez demander à l'industrie privée la même chose. Il y aurait moyen de faire ces bilans. Je n'ai pas le temps de faire toute la liste, mais que, dans la mesure du possible, on favorise la conciliation.

Ce qui est clair, c'est qu'il y a un grave problème dans l'industrie du bois de sciage. Ce qui est clair, c'est que la consolidation des scieries va se faire avec ou sans le gouvernement. Ce qui est clair également, c'est que, si la consolidation des scieries au Québec se fait sans une certaine planification, sans une certaine aide du

gouvernement, cela va être l'anarchie totale, cela va être la débandade générale, cela va être la ruine de votre plan d'aménagement.

Si vous permettez qu'en Gaspésie, où on aura des ruptures de stock à brève échéance, votre plan d'aménagement soit mis de côté en ce qui concerne les boisés privés, soit mis de côté parce que les propriétaires de boisés privés n'auront plus d'argent, n'auront plus de revenus pour payer justement cet aménagement qu'ils doivent faire, cela va être justement la mise au rancart de votre plan de reboisement.

En conclusion, c'est malheureux, vous l'avez admis. Il y a de graves problèmes qui attendent des solutions dans un domaine économique extrêmement important pour plusieurs régions du Québec, mais je ne crois pas que présentement on voie la lumière au bout du tunnel. Merci.

Le Président (M. Bissonnet): Sur ce, la commission permanente de l'économie et du travail a rempli son mandat d'étudier la situation dans l'industrie du bois de sciage à la suite de l'interpellation du député d'Outremont. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 1)

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