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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 27 février 1990 - Vol. 31 N° 12

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux


Journal des débats

 

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Bélanger): J'inviterais les membres à prendre place. À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! C'est bien. Merci.

La commission de l'économie et du travail se réunit afin de procéder à une consultation générale et une audition publique sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements prévus?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement pour aujourd'hui.

Le Président (M. Bélanger): Aucun remplacement? Bien. Alors, nous avons quorum.

Avant d'ouvrir la séance... M. le député de Laviolette... Juste pour se rappeler qu'on va faire une gestion très serrée du temps, c'est-à-dire qu'on va essayer de fonctionner à l'intérieur des heures le plus possible, d'avoir le moins de débordements possible afin d'avoir un peu de contrôle sur notre horaire puisqu'on en a pour au moins un minimum de trois semaines ensemble, de longues journées.

Sans plus tarder, j'appellerais donc M. le ministre à nous faire ses présentations d'ouverture et, ensuite, Mme la députée de Taillon qui donnera la réplique pendant les 30 minutes suivantes. M. le ministre, c'est à vous.

Remarques préliminaires M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, Mmes et MM., membres de la commission de l'économie et du travail, mesdames et messieurs. Enfin, on commence aujourd'hui une longue série de consultations sur un sujet d'actualité, un sujet que je considère important: La Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

J'aimerais, au début, qu'on s'arrête sur l'importance économique du secteur des ventes de détail au Québec. Les ventes pour le secteur de détail au Québec, ça représente 38 000 000 000 $. On compte 67 000 établissements qui donnent et qui génèrent de l'emploi pour 320 000 travailleurs. Ça représente globalement 10 % de la main-d'oeuvre active au Québec.

Si on va plus particulièrement dans le secteur de l'alimentation, on s'aperçoit que les ventes, c'est 10 300 000 000 $ pour l'année 1987. Ça représente presque 25 % des ventes du commerce de détail en général. Ça crée des emplois pour 78 000 personnes, dont près de 50 % des employés qui sont syndiqués et, également, on s'aperçoit qu'il y a 14 210 points de vente au Québec de vente de détail.

On peut donc facilement s'imaginer que cette loi, la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, influence énormément le comportement des commerçants, le comportement des salariés et, évidemment, c'est ça qui est important, le comportement des consommateurs.

On peut être en droit de se demander, ce matin: Pourquoi une commission parlementaire sur les heures d'ouverture? Je dois vous dire que quand je suis arrivé au ministère le 11 octobre dernier, mon téléphone n'a pas arrêté de sonner. Tout le monde voulait me parler des heures d'affaires. Alors, j'ai décidé, de façon privée, de commencer à rencontrer certains intervenants, même dans mon bureau de comté. Alors, j'ai rencontré des intervenants, des groupes, dont quelques-uns sont présents ce matin. Je vois des beaux sourires. Mais je me suis vite aperçu que ce n'est pas en privé qu'on va régler ça parce que je ne pouvais pas déposer un projet de loi avant l'ajournement de la session et, également, je me suis aperçu que le dossier était très complexe. Ce n'est pas un dossier facile. C'est un dossier très complexe.

Pourquoi est-ce complexe? On pourrait se dire: C'est un dossier a priori secondaire; ce n'est pas si important que ça les heures d'affaires. Mais c'est complexe parce que ça s'est rapidement transformé dans un débat de fond sur l'avenir de la société québécoise. C'est également complexe à cause de nombreuses lacunes dans la loi existante. Ces lacunes font que la loi est de plus en plus inéquitable et plusieurs le mentionnent et le soulignent constamment. Je dois dire que la loi de 1984, c'est un chef-d'oeuvre d'incohérences qui fait qu'aujourd'hui tout le monde regarde le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et lui dit: II faut trancher le débat. On va le trancher le débat, mais après avoir entendu publiquement toutes les parties. C'est également complexe à cause de toutes les pressions qu'on a des différents groupes qui sont impliqués dans le débat et, enfin, c'est très complexe à cause de la décision qu'on va avoir à prendre à la fin de cette commission parlementaire.

Alors, pour toutes ces raisons, j'ai annoncé la tenue d'une commission parlementaire. Bien que certains aient dit: On n'en a pas besoin de commission parlementaire; il y a déjà eu un débat; tout le monde a exprimé son point de vue

sur la commission parlementaire, je dois vous dire qu'à la lecture des mémoires, on se rend compte que les positions ont évolué. On se rend même compte que les gens sont de plus en plus nuancés et, surtout, on se rend compte que la position de certains groupes et de certaines associations a totalement changé depuis un certain temps.

Le but de la commission parlementaire, c'est exactement ça. Dans un premier temps, c'est de faire le point, mais de faire le point pour connaître publiquement et pour connaître avec exactitude la position des parties. Je l'ai déjà mentionné et je le répète encore aujourd'hui, il n'y a aucune solution de retenue et, bien plus, je n'ai pas de position arrêtée ou d'idée préconçue. Toutes les solutions sont possibles, et ce n'est qu'au terme de cette consultation qu'on va pouvoir prendre une décision. Mais ce que j'aimerais, c'est que cette consultation publique soit un forum privilégié pour qu'on puisse faire une réflexion en profondeur, pour qu'on puisse regarder les dossiers, pour qu'on puisse écouter attentivement les différents intervenants. Et j'espère que les représentations vont aller au-delà de l'intérêt personnel et de l'intérêt de chacun.

On va devoir, en tant que membres de la commission, au cours des prochaines semaines, avoir beaucoup d'imagination. On va devoir sortir des sentiers battus et on va devoir évaluer d'autres hypothèses, si elles existent, d'autres hypothèses que celles qu'on entend habituellement. Je pense qu'on va devoir également prendre en considération ce qui se passe hors Québec, dans un contexte de mondialisation des marchés. Dans un contexte où on parle de plus en plus de libéralisation des échanges, on se rend compte que la notion de frontière est de plus en plus ténue.

Donc, II est essentiel de maintenir une ouverture d'esprit constante dans la recherche d'une solution. Cette solution, avant de la trouver, on doit toujours avoir à l'esprit trois principes que j'ai déjà mentionnés et que je tiens à mentionner encore, ce matin. Le premier principe, c'est l'équité. Est-ce que c'est possible de rétablir l'équité dans le traitement entre les divers types de commerce? Est-ce qu'on a le choix de ne pas le faire? Le deuxième principe: les besoins réels des consommateurs. Quels sont les besoins réels des consommateurs? Et, enfin, le troisième principe, c'est la qualité de vie de la population en général et, plus particulièrement, la qualité de vie des travailleurs et des travailleuses du Québec. On va vite s'apercevoir que c'est très difficile. Ça va être très difficile de définir avec exactitude ou de s'entendre avec exactitude sur des notions de besoins réels et de qualité de vie. Ce qui peut apparaître comme une condition sine qua non de la qualité de vie pour un certain groupe peut apparaître, pour un autre groupe, comme une diminution de la qualité de vie. Alors, le but de cette commission, c'est justement d'essayer de concilier cette dualité.

Nous sommes tous très conscients qu'un élément essentiel du commerce, ça demeure le consommateur. On est également très conscients que les biens de consommation apparaissent et disparaissent au fil des années. Vous avez vécu, on a vécu les magasins généraux. On a vécu les grandes surfaces, les magasins spécialisés. On vit présentement la vente par correspondance et on va vivre, dans un avenir rapproché, les commandes par télévision au moyen de la télématique.

Donc, ce qu'on réalise, c'est que le commerce de détail évolue et il évolue rapidement, mais il évolue toujours en fonction des besoins des consommateurs et du service à la clientèle. Quand on a des changements importants au niveau du commerce du détail, c'est pour répondre aux besoins de la clientèle, mais le commerçant doit toujours garder à l'esprit des critères de rentabilité et aussi des critères d'efficacité. On va le voir également au cours des prochains jours, plusieurs vont nous dire que la politique actuelle des heures d'ouverture, ça ne répond plus aux conditions de la vie moderne et encore moins aux besoins de la majorité de la population. L'Opposition elle-même constatait, en 1988, et je cite: "Qu'il est en train de se dégrader une situation, actuellement sur le marché, où il n'y a plus personne qui respecte la loi sur les heures d'affaires." D'autres prétendent qu'il ne doit pas y avoir de loi et qu'il faut laisser le marché établir les règles du jeu. Certaines personnes semblent nous dire qu'il ne faut pas toucher à la loi actuelle et réclament le statu quo. Est-il possible d'envisager le statu quo qui semble ne pas répondre aux besoins réels des consommateurs et qui ne règle pas les iniquités dans la loi?

Par contre, il y a un constat qui semble se dégager. Il y a trop d'iniquités. C'est trop facile de contourner la loi. Alors, la question qu'on va devoir se poser: Est-ce que c'est possible de réduire ces iniquités tout en maintenant un système d'exceptions basé sur des catégories exclusives de produits? Est-ce que le système d'exceptions que nous avons présentement correspond à la réalité commerciale de 1990? Est-ce qu'on doit maintenir certaines exceptions qui, à première vue, ne posent aucun problème, mais qui sont difficilement justifiables? Enfin, je pense qu'on va devoir évaluer l'impact réel sur les habitudes de vie de la population dans les solutions qu'on va être appelés à trouver. Et je pense, de plus en plus, pour avoir rencontré les intervenants, que la décision va être, en définitive, un choix de société que nous devrons assumer collectivement.

Autant de questions difficiles, autant de questions complexes, mais on va devoir y répondre. C'est pourquoi je souhaite qu'on ait un débat franc, qu'on ait un débat honnête, qu'on ait, dans la mesure du possible - et je réalise

que ce n'est pas quelque chose de très facile - un débat dépouillé de tout parti pris. Il va falloir garder à l'esprit que la solution retenue doit être une solution qu'on va pouvoir appliquer. Ça va devoir être une solution qu'on va devoir gérer. Ça va devoir également être une solution durable. Je ne voudrais personnellement pas être obligé de rouvrir le dossier dans deux ans. La décision, dans ce sens, devra être viable aujourd'hui et devra également être viable demain.

Je vais terminer mes commentaires en vous rappelant qu'on a tort ou qu'on aurait tort de considérer que ce débat, le débat sur les heures d'ouverture, est un débat uniquement commercial. Je pense qu'il s'agit beaucoup plus d'un débat de société. Le Québec d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier et le Québec de demain risque lui-même d'être différent de celui d'aujourd'hui. Je l'ai déjà dit, et je le répète, qu'il y ait consensus ou pas, je vais déposer un projet de loi au printemps.

La solution retenue devra permettre aux commerçants, aux consommateurs ainsi qu'aux travailleurs d'être gagnants. C'est uniquement de cette façon que nous pourrons favoriser l'épanouissement économique et social du Québec.

J'aimerais, avec votre permission, M. le Président, vous présenter les collaborateurs de mon ministère qui vont travailler avec moi au courant de ces prochaines semaines. M. Audet? Non, il n'est pas ici. Mon sous-ministre qui devait être ici ce matin, c'est Michel Audet, vous allez le voir au cours de la commission; il y a également M. Marc Ferland, derrière moi, et M. Jules Roy qui sont respectivement directeur et économiste à la Direction des études et analyses du ministère.

Je voudrais également remercier immédiatement tous les membres de la commission de l'économie et du travail qui vont être appelés à essayer de trouver des solutions concrètes en vous écoutant et, également, les 80 groupes et associations qui ont bien voulu accepter notre invitation. Par ailleurs, je tiens à mentionner qu'il y a certains groupes qui m'apparaissaient être des intervenants importants, qui n'ont pas cru bon de présenter un mémoire, principalement parce qu'ils ont eu de la difficulté à avoir un consensus au niveau de leurs membres. Pourtant, le débat est important et nous n'avons pas l'intention d'accepter d'autres mémoires que ceux qui ont déjà été déposés.

Enfin, je voudrais souligner la participation à cette commission de MM. Maurice Richard, Michel Després et Paul-André Forget. Vous vous rappelez sûrement plus de Maurice Richard, celui qui a présidé la commission Richard, il y a près de deux ans. L'importante consultation privée qui a été tenue à ce moment-là a largement contribué au document d'information qui a été remis à 1500 intervenants. Et je suis convaincu que leur participation fera sûrement avancer notre réflexion.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. J'invite Mme la députée de Taillon pour la réplique.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs, en fait je vous dirais que, d'entrée de jeu, j'ai la tentation de poser une question au ministre: Est-ce que c'est vraiment le dernier épisode de la saga des heures d'affaires? Parce que si la loi de 1984 est un chef-d'oeuvre d'incohérences, il s'est écoulé six ans depuis son adoption, je le rappellerai au ministre. Et ses collègues, MM. Johnson et MacDonald ont tour à tour renoncé à régler le problème. Son collègue, le député de Nicolet, il le rappelait, M. Richard, qui n'est malheureusement pas avec nous ce matin, a longuement consulté. Pendant dix mois, il a rencontré 47 associations et regroupements. Il a visité des dizaines d'établissements, le ministre le rappelait, pour en arriver en fait au résultat que l'on sait, que l'on connaît maintenant. Le rapport est sur les tablettes, la meilleure preuve en étant sûrement l'exercice que l'on recommence aujourd'hui. La situation, par contre, elle, s'est envenimée un peu plus: exceptions, iniquités, colère des concernés, injonctions, absence de contrôles, cafouiilis. Ce ne sera pas la première fois que le gouvernement se cache derrière les consultations, les études, les stratégies mal définies laissant ainsi pourrir des situations en s'abstenant de prendre les décisions qui s'imposent. L'art de gouverner - je le rappelais déjà au ministre, l'automne dernier, à la fin de la session - c'est aussi l'art de décider en assumant ses responsabilités et en sachant que l'on ne peut plaire à Dieu et à son père. Il apparaît évident à leur face même que certaines positions sont irréconciliables, consultations ou pas. Chacun des tenants d'une position ou de l'autre va chercher à convaincre, bien sûr, à étoffer son point de vue, à étendre son rayon d'influence. J'imagine que le ministre doit trouver quelque vertu à l'exercice puisqu'il nous y entraîne malgré tout.

L'Opposition officielle, quant à elle, ne souffre pas de la même indécision. Nous serons donc clairs, et dès le départ, de telle sorte que nous ne leurrerons pas les intervenants qui viendront devant nous, et ils seront nombreux. Je les entendrai, au nom de l'Opposition officielle, avec beaucoup de respect. J'ai de nombreuses questions à soulever. Et sûrement que les échanges et les discussions vont me permettre d'éclairer et de préciser la position de notre parti. Mais je ne duperai personne puisque l'on saura dès le départ où nous logeons.

Et avant de vous faire part de cette position, M. le Président, j'aimerais partager avec vous et avec les membres de la commission de l'économie et du travail quelques réflexions

sur le fond - et je pense que le ministre l'a abordé aussi assez clairement dans sa présentation - du débat auquel nous sommes confrontés aujourd'hui.

En fait, j'ai toujours été étonnée, et j'avoue que je le suis encore, par toute l'émoti-vité qui se soulève à chaque fois que la question de l'ouverture des commerces le dimanche refait surface. On ne parle pas de vie ou de mort, on ne parle pas de souveraineté nationale, que je sache. Et pourtant, pourquoi cette réaction? Pourquoi ce tollé? Pourquoi cette levée de boucliers? En fait, je crois que ce qui est soulevé ici va au coeur d'un phénomène propre à notre fin de siècle et qui soulève parfois des débats sereins, mais parfois aussi, des débats houleux, mais qui ne laisse, de toute façon, jamais indifférent. En fait, il s'agit essentiellement d'un débat sur les valeurs. Et j'ai même, personnellement, je dirais, cheminé vers l'orientation que notre parti a retenue, en passant probablement par toutes les phases du débat. Il ne s'agit pas d'une simple querelle de marchands. Et je ne voudrais pas avoir l'air d'exagérer, mais j'en suis venue aussi à la conclusion qu'il s'agit bel et bien d'un débat de société.

En effet, si cette fameuse phrase passepartout en voie de devenir un cliché a encore un sens, soit "la qualité de la vie", c'est sans doute autour d'un sujet comme celui que nous débattons actuellement qu'elle devient significative. En fait, en lisant attentivement les mémoires - je ne les ai pas tous lus, mais j'en ai lu plusieurs, j'aurai l'occasion de le faire d'ici la fin de la commission - j'ai été fascinée par le choix des mots. On se croirait revenus à la querelle des anciens et des modernes, des réactos et des avant-gardistes, des conservateurs et des progressistes. Certains mêlent les deux, mais je pense que ça ne se mêle pas. On aura compris que les modernes étant bien sûr pour l'ouverture en tout temps et les anciens, plutôt contre. Et si c'était l'inverse? Si, parmi ceux et celles qui parient de qualité de vie et de hiérarchie des valeurs, au-delà des querelles de part de marché, on retrouvait des progressistes qui mettent la personne au coeur de leurs préoccupations, l'être social qui a besoin de communiquer, d'échanger, d'avoir des moments privilégiés où ralentir ses activités reliées à l'avoir pour se centrer sur des activités reliées à l'être...

Je fais un parallèle entre ce dossier et celui de l'écologie, de l'environnement. Rappelons-nous comment on a ridiculisé... En fait, on a tourné... On a traité d'utopiques, de farfelues les campagnes de quelques hurluberlus qui nous disaient que la planète allait à sa perte si on ne prenait pas un virage sérieux en matière environnementale. Le développement à n'importe quel prix, à tout prix, est devenu le développement durable. Et c'est à cela maintenant que l'on identifie les progressistes. Peut-être en est-il de même pour ceux et celles qui ont choisi de participer à une société centrée davantage sur la qualité de la vie. Peut-être est-ce de ce côté que logent les progressistes. Qui sait? Voilà pour une première réflexion.

Je veux encore aborder un second point de vue du même ordre. Et là, c'est le gouvernement par sondages. Commençons par quelques exemples qui parlent d'eux-mêmes. Le citoyen voudrait toujours plus de services, mais ne voudrait du même souffle et sûrement dans la même réponse, payer aucune taxe. Cet exemple exagère le ridicule des décisions qui seraient prises sur la base de sondages uniquement, mais comporte aussi sa part de vérité. Comme personnes politiques, nous nous devons d'être à l'écoute de nos concitoyens et de nos concitoyennes, même par sondage, à l'occasion, tenter de trouver avec eux, et pour eux parfois, les solutions, les réponses les plus pertinentes. J'en suis, mais comme représentante d'un parti politique, comme membre d'un gouvernement, on se fait élire sur la base d'orientations clairement énoncées, de philosophies de gestion et de programmes définis. Ces programmes, traduits en projets, ont une base idéologique et s'appuient sur une vision de société. (10 h 30)

Je suis toujours un peu inquiète lorsqu'on me sort les résultats de sondages pour appuyer une décision. Ça m'inquiète parce que je me demande si, en dehors des sondages, le gouvernement libéral a ou non une opinion qui lui est propre. Je comprends que dans le cas des heures d'affaires, il n'en a pas.

Enfin, troisième et dernière réflexion. Si l'art de gouverner, c'est l'art de décider, c'est aussi l'art du maintien du difficile équilibre entre les besoins des uns et les droits des autres. C'est l'arbitrage entre les intérêts individuels et les intérêts collectifs. Pourquoi un gouvernement se mêlerait-il de légiférer sur les heures d'affaires et s'introduirait-il dans les activités mercantiles d'une société où la libre entreprise, même si un peu encadrée, demeure la base du système économique? À cela, je réponds que le gouvernement est aussi le gardien de l'intérêt général et, à ce titre, comme représentante d'un parti politique préoccupé par des valeurs reliées à la qualité de la vie, à l'équité, au respect des personnes, je choisis le parti des familles, je choisis le parti des travailleurs et des travailleuses qui aimeraient bien participer à la vie de leur communauté immédiate ou élargie au même rythme que la majorité de leurs concitoyens et de leurs concitoyennes. Je choisis aussi le parti des consommateurs et des consommatrices dans le respect de l'intérêt du plus grand nombre.

La question des heures d'affaires demeure, ou plutôt, je dirais est devenue une question complexe impliquant plusieurs intervenants. Notre position saura, je l'espère, rallier un nombre significatif d'intervenants au dossier. Cette

position fait appel d'ailleurs aux mêmes principes que ceux qu'entend invoquer le ministre, M. Tremblay, et qu'invoquait d'ailleurs avant lui le comité Richard afin de proposer une nouvelle législation, soit l'équité entre les commerçants, j'en conviens, les besoins réels des consommateurs et des consommatrices et la qualité de vie de la population, notamment, bien sûr, celle des travailleurs et des travailleuses. Notre position va tenir également compte de toutes les données qui sont contenues dans le document d'information du ministère qui, soit dit en passant, est très intéressant et bien fait.

On peut se rappeler que la réforme de la Loi sur les heures d'affaires s'est avérée nécessaire, en fait, pour deux raisons principales: premièrement, l'évolution de la composition de la famille, des rôles dans celle-ci, a mené à une insatisfaction des consommateurs et des consommatrices à l'égard des heures d'ouverture de commerces d'alimentation. L'arrivée massive des femmes sur le marché du travail, qui implique une plus grande part des ménages où deux parents travaillent à l'extérieur - parce qu'on travaille aussi à l'intérieur - et la croissance du nombre de familles monoparentales obligent à repenser l'aménagement des heures d'ouverture des commerces pour, entre autres, des biens dont l'achat ne peut être reporté, et on pense ici, bien sûr, à l'alimentation. Ce besoin est réel, il s'exprime par le fort achalandage, entre autres, que l'on retrouve dans les commerces de détail les jeudi et vendredi soir, de même que le samedi.

Mais je voudrais cependant mettre en garde ici contre toutes les conclusions trop rapides et des arguments parfois fallacieux. Oui, c'est vrai, les familles monoparentales ne peuvent souvent partager avec un conjoint certaines tâches. On conviendra que c'est un fait aussi cependant pour une très large part des femmes qui ont un conjoint. D'autre part, à cette double tâche s'ajoute pour les familles monoparentales le problème des ressources financières souvent limitées et, particulièrement, lorsque le chef en est une femme. Peut-être que pour ces personnes la solution est d'un autre ordre que l'ouverture des commerces le dimanche. On peut au moins se poser la question.

Deuxièmement, les nombreuses exceptions, les faibles sanctions prévues, combinées à l'absence de volonté politique de les appliquer rigoureusement ont mené à une situation inacceptable de concurrence déloyale entre les commerçants du secteur de l'alimentation Les contrevenants, tant à la lettre de la loi qu'à l'esprit, ont cherché à tirer profit de l'évolution des besoins. Cette situation a entraîné la multiplication des plaintes, des injonctions, ce qui a accentué la nécessité de procéder à la révision de la loi.

Notre position tient compte, par conséquent, de ces deux problèmes tout en se préoccupant des travailleurs et des travailleuses qui oeuvrent dans ce secteur. La solution retenue pour nous rejoint le consensus établi à l'époque de la première consultation des intervenants entreprise par ce gouvernement, le comité Richard. Entre septembre 1988 et maintenant, un an et demi à peine s'est écoulé; j'imagine que les changements de comportement n'ont quand même pas été trop grands. C'est dans ce contexte, d'ailleurs, que les arguments du ministre pour consulter à ce moment-ci ne me convainquent pas.

Pour notre part, nous croyons qu'une extension des heures d'ouverture des commerces d'alimentation en début de semaine, un resserrement des critères d'exception basant ceux-ci sur la notion de services essentiels, une augmentation des sanctions prévues contre les transgres-seurs pour rétablir l'équité, parce qu'il y a une équité, devraient être les lignes directrices d'une réforme de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Nous rejoignons, d'ailleurs, en cela, la coalition contre l'ouverture des commerces le dimanche, la ville de Montréal et plusieurs autres intervenants.

Nous croyons, de plus, que cette position est un compromis acceptable pour la très grande majorité des personnes et entreprises impliquées. Tout d'abord, cette solution respecte les besoins réels des consommateurs et des consommatrices dans la mesure où ils ont révélé une préférence à l'égard du début de la semaine plutôt que le dimanche lorsque le choix leur est présenté, ce qui est rarement le cas dans les sondages qu'on nous présente. Et cela, on peut le constater à l'examen des résultats des sondages qui sont rapportés par le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie dans son document d'informations, entre autres, à la page 85, je crois.

Du côté des commerçants, tout porte à croire que l'ouverture des magasins le dimanche n'aurait pour effet que d'étaler les recettes sur un nombre supérieur d'heures d'affaires. Le resserrement des critères d'exception ainsi que l'augmentation des amendes aux contrevenants devraient, selon nous, régler en bonne partie le problème de l'équité entre les commerçants. Il faut aussi se pencher sur la situation des travailleurs et des travailleuses du secteur de l'alimentation. L'ouverture des commerces d'alimentation le dimanche provoquerait un étalement des heures de travail dans la semaine et une accentuation des horaires brisés, avec ce que cela comporte comme impacts sur la vie des familles.

Mais est-ce que ça créerait vraiment de nouveaux emplois? Est-ce qu'on ne parle pas plutôt de vases communicants dans ce cas-ci? Quand on sait que la somme totale de l'argent dépensé en alimentation s'est réduite, dans l'ensemble des choix des familles, en termes budgétaires. Il me semble que si nous ne pouvons créer de nouveaux emplois, nous n'avons aucun

intérêt à précariser davantage le monde du travail. C'est pourquoi nous nous opposons à l'ouverture des commerces d'alimentation le dimanche au nom d'une certaine qualité de vie des travailleurs et des travailleuses, mais plus globalement au nom d'une certaine qualité de vie de la population en général.

Nous tenons ainsi à souligner l'importance du maintien d'une journée hebdomadaire de repos partagée par la plus large majorité possible de la population. Ce n'est pas parce qu'il y a déjà plusieurs travailleurs et travailleuses qui sont au poste le dimanche pour assurer certains services essentiels qu'il faut en faire travailler davantage, parce que ce ne sont pas que les travailleurs et les travailleuses du dimanche en alimentation qui seraient concernés. Vous savez que cela a un effet d'entraînement sur d'autres services. Il nous apparaît qu'au contraire, il faut peut-être trouver des moyens de réduire leur nombre. Partons-en de cette infrastructure à laquelle je faisais mention. Est-ce que ça prendra des travailleurs et des travailleuses en garderie? La chef de famille monoparentale sera toujours monoparentale le samedi ou le dimanche.

Est-ce que ça prendra plus de chauffeurs de camions, de personnes pour conduire des camions, de travailleurs, de travailleuses dans les entrepôts, d'agents de sécurité sur les routes? En fait, si on voulait être parfaitement logique, on pourrait faire un sondage auprès des travailleurs et des travailleuses. Demandez aux infirmières, demandez-leur donc! Demandez aux gens d'usines qui travaillent en continu, aux personnes qui occupent des emplois dans le milieu touristique, où va leur préférence, quel horaire, à salaire égal, Us choisiraient?

Quant à la possibilité de transférer le pouvoir de réglementation aux municipalités afin de tenir compte des disparités régionales dans la réceptivité des consommateurs et des consommatrices, il s'agit, à notre avis, de la solution de la facilité et de la fuite en avant devant les responsabilités. Le pelletage de la neige dans la cour du voisin semble n'être une pratique inacceptable au gouvernement actuel que lorsqu'il est le voisin qui la reçoit, la neige. Pensons à la réduction du déficit fédéral ou au dernier budget Wilson. Cette solution est inacceptable parce que la concurrence entre les commerces des différentes municipalités ne peut que mener à une ouverture généralisée et ainsi le ministre se trouverait à faire faire aux municipalités ce que peut-être il n'a pas le courage de faire lui-même.

En résumé, notre position devrait permettre de combler les besoins des consommateurs et des consommatrices sans pour autant compromettre la qualité de la vie des travailleurs et des travailleuses et de la population en général, tout en rétablissant une saine concurrence entre les commerçants. Nous avons l'intention de prêter une oreille attentive aux différents groupes qui se présenteront devant la commission parlemen- taire, entre autres, pour déterminer les modalités précises de la nouvelle loi. Mais cette écoute se fera avec le souci de privilégier l'intérêt public plutôt que les intérêts particuliers. Nous espérons que le ministre saura tenir parole et qu'il gardera l'esprit ouvert, lui qui envoie, depuis quelque temps, des signaux plus ou moins clairs qui laissent croire que sa décision est peut-être prise et que cette commission ne serait, en fait, que du maquillage. Je ne le souhaite pas, je ne l'espère pas, par respect pour les membres de cette commission et par respect pour les personnes qui vont défendre devant nous leur position. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Taillon. Je remercie aussi M. le ministre. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants dans les remarques préliminaires? Bien. Alors, je comprends qu'il n'y en a pas d'autres.

Auditions

J'invite donc nos prochains invités à s'approcher de la table des témoins, soit M. Jacques Nantel et M. Robert Désormeaux des Hautes Études commerciales. M. Nantel et M. Désormeaux, bienvenue. Je vous prierais, en commençant, de bien vouloir vous identifier et, chaque fois que vous prenez la parole, s'il vous plaît, bien vouloir donner votre nom, ceci pour les fins de transcription au Journal des débats. Nos transcriptrices ne sont pas familières avec vos voix, alors, elles devront le faire... Alors, je vous rappelle la procédure. Vous avez 20, 25 minutes pour la présentation de votre mémoire et il y a une période de questions, de la part des deux parties, de 40 minutes. Alors, si vous voulez bien procéder...

MM. Jacques Nantel et Robert Désormeaux

M. Nantel (Jacques): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés, je suis Jacques Nantel, professeur agrégé à l'Ecole des hautes études commerciales. C'est moi qui vais présenter le mémoire. Pour ce qui est des questions, à tour de rôle, mon collègue, Robert Désormeaux, ou moi pourrons répondre à vos questions.

C'est après avoir travaillé pendant plus de deux ans maintenant, en termes de recherche sur la question des heures d'ouverture particulièrement dans le secteur de l'alimentation et même uniquement dans le secteur de l'alimentation au Québec, que nous avons décidé de présenter un mémoire à cette commission.

Le mémoire est basé principalement sur deux outils de travail: une analyse approfondie de la donnée publique, notamment celle de Statistique Canada, de même que le recours à trois sondages qui ont été faits, respectivement,

un en 1988 et deux en 1989. Le mémoire que nous allons vous présenter est divisé en deux volets. Le premier volet a trait à l'impact de la loi actuelle sur le secteur de l'alimentation au détail, au Québec; et je tiens à souligner que nos études ne portent que sur le secteur de l'alimentation. Le deuxième volet de notre mémoire touchera, quant à lui, l'opinion des consommateurs. (10 h 45)

L'impact de la loi actuelle. Pour bien comprendre l'impact de la loi actuelle sur le secteur de l'alimentation au détail au Québec, il y a certaines prémisses qui doivent être présentées. La première, c'est qu'il est important de préciser que le secteur de l'alimentation au Québec, dans le commerce de détail, est un secteur qui est saturé. De 1981 à 1988, les ventes de produits alimentaires ont connu une croissance annuelle moyenne, en dollars courants, de moins de 7 %. Si on contrôle pour l'inflation, en dollars constants, cette évolution équivaut à une croissance de moins de 1,5 % par année. Toujours en dollars constants, sur une base des dépenses moyennes par ménage, cette évolution équivaut à moins de 0,05 %.

La deuxième prémisse, c'est le fait que, le dimanche, le secteur de l'alimentation est un secteur déjà important et en croissance. Il est important de préciser qu'à l'heure où on se parle ou, enfin, tout au moins à la fin de 1988, chaque dimanche il se dépense, au Québec, plus de 7 000 000 $ en produits alimentaires. Ceci signifie des ventes de plus de 320 000 000 $ par année au Québec. Soulignons qu'alors que la croissance annuelle moyenne des ventes en dollars constants est pratiquement nulle, comme on l'a vu, pour l'ensemble des produits alimentaires, celle des produits alimentaires vendus le dimanche, elle, est en croissance de près de 7 % par année. Précisons que les chiffres que je mentionne sont tirés de Statistique Canada.

En plus, déjà en janvier 1988, c'est 15 % des consommateurs qui déclaraient faire l'achat de produits alimentaires les lundi, mardi ou mercredi soir, de façon fréquente ou occasionnelle, alors que cette proportion était de 29 % pour le dimanche. Mentionnons qu'à l'heure actuelle, c'est près de 87 % des marchés publics qui sont ouverts le dimanche alors que cette proportion est de 20 % les lundi, mardi et mercredi soir, 100 % des fruiteries sont ouvertes le dimanche alors que 40 % le sont les lundi, mardi et mercredi soir.

Précisons, en terminant, qu'en Alberta où une telle libéralisation a eu lieu en 1984, la part de marché du dimanche, qui était de 3,3 % en 1982, a grimpé à 7,3 % en 1986. Les chiffres de Statistique Canada sur cette donnée-là ne sont pas encore disponibles pour 1988, mais on peut prévoir que c'est plus de 7,3 % en 1988.

Le troisième point, lorsque l'on parle de l'aspect économique de la libéralisation des heures d'ouverture dans le secteur de l'alimentation, c'est que les supermarchés obtiennent une part décroissante du marché de l'alimentation. De près de 70 % de part de marché que les supermarchés avaient en 1981, leur part de marché est rendue, maintenant, à un peu plus de 62 %. Il est important de préciser que, dans la structure québécoise, dans le secteur de l'alimentation, les supermarchés, ce ne sont pas les géants auxquels on pense généralement, mais, en fait, ce sont, en grande totalité, de petits propriétaires affiliés à des chaînes. Pour ces gens-là, la situation est particulièrement pénible. Elle est particulièrement pénible parce que la chute de leur part de marché s'est vraiment accrue à partir de 1985, soit après que l'on ait commencé à offrir des exceptions à la loi sur les heures d'ouverture. Évidemment, la part de marché, c'est le corollaire, des autres établissements dans le secteur de l'alimentation, c'est-à-dire ce qu'on a défini comme étant la structure parallèle, les dépanneurs, les marchés publics, les magasins spécialisés, elle, s'est accrue dans les proportions inverses. Il est à mentionner que le phénomène de la décroissance des parts de marché des supermarchés est moindre, est moins accentué dans le reste du Canada. Et lorsque l'on prend le cas de l'Alberta, de façon particulière, cette décroissance-là s'est rétablie après 1984, soit après que la loi ait été changée.

Bien sûr, on pourra toujours, je pense, à juste titre, mentionner que la loi sur les heures d'ouverture n'est peut-être pas la seule raison qui explique la perte de part de marché des supermarchés. Les habitudes alimentaires des consommateurs ont changé depuis plusieurs années. Mentionnons, alors qu'il y a à peine trois ou quatre ans c'était 70 % des produits alimentaires achetés à l'épicerie ou au supermarché qui étaient de type préemballé ou en conserve, que cette proportion est rendue à 50 %, ce qui veut dire qu'il y a près de 50 % qui sont des produits frais, ce qui pourrait expliquer pourquoi d'autres types de commerce voient leur part de marché s'accroître. Mais mentionnons également que, pour les supermarchés, le fait d'être fermés le dimanche veut dire que la gestion de leurs produits frais est beaucoup plus difficile à faire. Parce que ça veut dire... Et pour ceux qui ont déjà fait leur épicerie, soit le samedi, soit le lundi, vous en conviendrez, le samedi, il n'y a à peu près plus rien dans les tablettes parce qu'on ne veut pas que ça périsse au cours du dimanche et, le lundi, les arrivages ne sont pas arrivés. Alors, cette rupture dans la gestion des stocks pose un problème.

Donc, sur ce plan, en résumé, on parle d'un marché stagnant, on parle d'une croissance du dimanche et on parle de part de marché dans le secteur des supermarchés qui est vraiment en décroissance, pratiquement en décroissance assez accentuée.

Donc, le fait de ne pouvoir ouvrir le

dimanche équivaut, pour une partie importante du secteur de l'alimentation, à rien d'autre qu'un vol de part de marché. C'est une tendance qui, si le statu quo perdure, risque de s'accentuer. En 1986, Statistique Canada signalait qu'il y avait 24 % des ménages québécois qui étaient composés de consommateurs ayant de très fortes contraintes de temps. Par très fortes contraintes de temps, j'entends là où les deux adultes, quand il y a deux adultes, travaillent à temps plein ou, lorsque, bien sûr c'est une famille monoparentale, la personne, généralement la femme qui est en charge du foyer travaille également à temps plein. Si la tendance se continue, on prévoit que pour l'an 2000, donc dans dix ans, c'est 36,2 % de la population, des ménages qui vont avoir ce genre de contrainte-là. Alors si le statu quo perdure, on peut voir l'effet immédiat sur un secteur de l'alimentation, notamment, ceux qui ne peuvent, pour l'instant, ouvrir.

Donc, pour terminer ce volet-là, j'aimerais mentionner que le statu quo en matière d'heures d'ouverture dans le secteur de l'alimentation aura des conséquences fâcheuses, tant pour les consommateurs que pour l'économie en général. Compte tenu de l'industrie des produits alimentaires qui ne croît plus, l'impossibilité pour les supermarchés de vendre le dimanche risque de rendre ces derniers - qui, je le rappelle, sont généralement la propriété de petits entrepreneurs - nettement moins efficaces qu'ils ne le sont actuellement.

Au glissement de la part de marché succédera une baisse de volume des supermarchés. Par la suite, ce sont les emplois généralement syndiqués et mieux rémunérés qui risquent de prendre la direction des parts de marché et se déplacer vers les commerces où les emplois sont généralement moins bien rémunérés que dans la structure conventionnelle.

Le deuxième volet que j'aimerais aborder maintenant touche davantage l'opinion des consommateurs. Cette partie-là est basée, comme je l'ai déjà mentionné, sur plusieurs sondages qui ont été effectués depuis deux ans. Mentionnons que dans ces sondages-là, nous ne posions pas uniquement des questions qui portaient sur les attitudes et les opinions des consommateurs. On demandait également de nous décrire leur profil de consommation, quand et où ils achetaient leurs produits alimentaires. Et mentionnons que les chiffres que l'on a fait ressortir de ces sondages-là sont très cohérents avec ceux publiés par Statistique Canada qui, bien sûr, publie des chiffres sur le profil de consommation.

La position des consommateurs. Une analyse de l'ensemble des sondages qui sont parus depuis plusieurs années, réalisés par les experts du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, mentionnait qu'on décelait une tendance plutôt favorable à une ouverture, à une libéralisation des heures d'ouverture dans le secteur de l'alimentation.

On mentionnait également qu'il existait, et c'est vrai, entre les sondages, des différences, une variation dans les réponses qui sont données. Mentionnons, comme l'ont fait les experts du ministère, qu'il y a deux grandes raisons qui expliquent les variations. Elles sont importantes et c'est important de mentionner ces variations-là. La première, c'est la composition des échantillons comme tels. Lorsqu'un sondage s'adresse à la population en général, on décèle des taux un peu moins favorables à une libéralisation. Par contre, lorsque les sondages s'adressent aux responsables des achats alimentaires, donc plutôt que d'avoir des proportions de 48 % hommes, 52 % femmes, on parle de 72 % à 75 % de femmes, 25 % d'hommes - parce que ce sont surtout les femmes qui sont responsables des achats alimentaires au Québec - on dénote que les proportions ou le taux de réponses favorables à une libéralisation s'accroît. Autrement dit, lorsqu'on demande à la population en général, on a un son de cloche, mais lorsqu'on demande aux consommateurs, à ceux qui sont responsables des achats alimentaires, la proportion des gens qui sont favorables augmente.

La deuxième raison qui peut expliquer une certaine variation obtenue dans les sondages a lieu à la précision des questions qui sont posées. Lorsque l'on demande aux citoyens, aux consommateurs: Est-ce que vous êtes pour une libéralisation des heures d'affaires tous azimuts, les gens sont beaucoup moins favorables que lorsqu'on leur précise "dans le secteur de l'alimentation." Et lorsqu'on leur demande encore plus spécifiquement, "pour leur supermarché", ils sont encore plus favorables. Alors, oui, bien sûr, entre les sondages, il existe des variances, mais ces variances-là sont explicables.

Qui, parmi les consommateurs sont les plus favorables à une libéralisation des heures d'affaires? Le grand déterminant qui explique ces variations-là dans nos sondages, c'est de loin, les contraintes de temps des consommateurs. On a ici une relation - je m'excuse du terme technique - linéaire, statistiquement très forte. Plus les consommateurs ont des contraintes de temps, notamment les ménages où les deux travaillent, les familles monoparentales où le responsable travaille, ces gens-là sont nettement plus favorables à une libéralisation. Qui plus est, lorsque l'on regarde qui fréquente actuellement les commerces d'alimentation, les lundi, mardi, mercredi soir et le dimanche, c'est forcément et c'est effectivement, dans une proportion très significative, les gens qui ont de fortes contraintes de temps. Autrement dit, ceux qui ont des contraintes de temps veulent une libéralisation parce qu'ils en ont besoin et ceux qui n'en ont pas besoin n'en veulent pas.

L'autre déterminant qui est important, toujours sur le plan sociodémographique, c'est l'âge. On se rend compte que moins les gens sont âgés, plus ils sont favorables. Le revenu

n'influence pas. Fortunés ou moins fortunés, les consommateurs qui ont besoin de services alimentaires les réclament. Ceux qui n'en ont pas besoin ne les réclament pas. Autrement dit, ce n'est pas: Les gens qui peuvent se le payer voudraient bien que ça ouvre, les gens qui ne le peuvent pas ne veulent pas que ça ouvre; il n'y a pas de lien.

Dans tout ce débat-là, l'une des questions importantes et autant M. le ministre que Mme la députée, vous l'avez mentionné... La question cruciale, c'est de savoir si on doit libéraliser les soirs de semaine ou le dimanche. À ce sujet, mentionnons que dans tous les sondages qui ont été réalisés, incluant les nôtres, pour l'ensemble de la population - je dis bien pour l'ensemble de la population, on va nuancer tout à l'heure - ce sont les soirs de semaine qui ressortent comme les périodes les plus souhaitables à libéraliser dans le secteur de l'alimentation. Par contre, chez ceux qui ont besoin de plus de temps pour faire leurs achats de produits alimentaires et qui auraient - et ça, c'est important - l'intention de changer de plage horaire, advenant une libéralisation, c'est le dimanche qui ressort comme le premier choix. Autrement dit, lorsque vous demandez à M. ou à Mme Tout-le-Monde: Quand est-ce que vous voudriez que ce soit libéralisé, si vous voulez que ce soit libéralisé? On nous dit: Bien, peut-être lundi, mardi, mercredi. Par contre, lorsqu'on pose la question, ou enfin lorsqu'on retient l'information, pour ceux qui trouvent leur plage actuelle inadéquate, c'est le dimanche qui ressort comme étant le premier choix Également, si les intentions et les opinions parlent, les faits actuels parlent également de façon peut-être plus éloquente. Déjà, 15 % des consommateurs et des consommatrices du Québec font l'achat de produits alimentaires les lundi, mardi et mercredi soir alors que cette proportion est de 29 % le dimanche.

Le dernier point que l'on voudrait aborder, c'est bien sûr la question de la libéralisation et le principe de l'équité. Selon la loi actuelle sur les heures d'affaires en alimentation, seuls les établissements qui comptent en tout temps trois employés ou moins ont le droit d'ouvrir le dimanche. Dans son rapport, le comité Richard mentionnait que la loi actuelle n'était, d'une part, pas facile à faire appliquer et que, d'autre part, elle pouvait engendrer de graves iniquités.

Lors d'un sondage que nous avons réalisé, en septembre 1989, 62 % des consommateurs et des consommatrices du Québec trouvaient que la loi actuelle était, soit difficile, soit impossible à faire appliquer - remarquez que ce n'est pas en soi une grande révélation - 63,5 % des consommateurs et des consommatrices du Québec trouvaient que cette loi n'était pas équitable pour les marchands en alimentation qui ont plus de trois employés et qui ne peuvent ouvrir le dimanche; près de 47 % des consommateurs considéraient que l'application stricte de cette loi rendrait plus difficile l'achat de leurs produits alimentaires. (11 heures)

Afin de régler le problème de l'inéquité causé, le dimanche, par la loi actuelle, dans ce sondage-là, on a suggéré deux solutions. On a dit: Bon, pour régler l'iniquité, une première solution serait d'interdire la vente de tout produit alimentaire le dimanche; la deuxième possibilité serait de permettre à tous les commerçants qui le désirent d'ouvrir le dimanche. Parmi ceux qui trouvent la loi actuelle inéquitable, soit 63,5 % de la population, il y en a 14,3 % qui préconisent tout fermer alors que 78,6 % préconisent libéraliser. Parmi ceux qui trouvent la loi actuelle équitable, soit 25,5 % de la population, 62,9 % s'opposent à toute forme de libéralisation le dimanche. Autrement dit, c'est environ 16 % de la population, soit 25,5 % fois 62,9 %, qui trouvent le statu quo en matière d'alimentation le dimanche au Québec à la fois équitable et désirable. Autrement dit...

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, il vous reste deux minutes.

M. Nantel: D'accord. Autrement dit, il y a une partie significative qui trouve la loi, soit inéquitable, soit non désirable ou les deux en même temps.

En conclusion, une partie significative de la population désire la libéralisation des heures d'ouverture. Le point qui est important ici, c'est qu'une libéralisation ne forcerait pas les autres consommateurs, ceux qui ne le désirent pas, à magasiner le dimanche. À l'inverse, une non-libéralisation force les consommateurs qui en ont besoin en ce moment à ne pas pouvoir utiliser des services dont ils ont besoin et, par conséquent, à devoir souvent payer de 12% à 15% plus cher en utilisant une structure parallèle telle que les dépanneurs. Là-dessus, je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, monsieur. Alors, M. le ministre, vous avez une première question?

M. Tremblay (Outremont): J'en ai deux, en fait. Est-ce que c'est important des sondages? Parce que tout à l'heure j'ai semblé comprendre qu'on reprochait au gouvernement, des fois, de gérer par sondage, donc d'être à l'écoute de la population. Alors, j'aimerais que vous me répondiez à ça: Est-ce que c'est important des sondages? Deuxièmement, avez-vous fait des sondages dans les zones touristiques? Parce que la députée de Taillon, tout à l'heure, disait: Si on faisait des sondages dans les zones touristiques, on s'apercevrait peut-être qu'on ne devrait pas ouvrir les zones touristiques. Ce dont je m'aperçois, c'est que l'exception des zones touristiques a été établie en 1984 par le gouvernement

péquiste du temps. Alors, je me pose des questions, à savoir: Est-ce important des sondages, ou pas, ou est-ce qu'on cite un sondage quand ça fait notre affaire et on ne le cite pas quand ça ne fait pas notre affaire?

M. Nantel: Écoutez, le sondage est important. Vous qui êtes politicien, vous êtes bien placé pour le savoir. Le sondage est important, mais le seul sondage véritable, c'est le vote. C'est un peu la même chose dans notre domaine. Le sondage est important pour voir les tendances, les attitudes, les opinions, mais le vrai critère reste le comportement, de sorte que dans les sondages que l'on a faits, c'est ce que je précisais tout à l'heure, on a bien fait attention de mesurer également le comportement actuel des consommateurs pour valider, finalement, l'information qu'on allait chercher. Cela dit, dans toutes les données que l'on a actuellement, celle que je trouve la plus importante demeure le comportement des consommateurs actuellement et la tendance de ces comportements. Cela dit, les sondages sur les aspects attitudinal et d'opinion corroborent ce que l'on voit en termes de comportement. C'est une réponse de professeur d'université, mats c'est pour vous dire que, oui, c'est important si c'est validé.

Quant au deuxième point, nous avons de l'information sur les profils en zones touristiques parce que, bien sûr, des régions comme les Laurentides, Québec et Charlevoix ont été échantillonnées, mais nous n'avons pas sorti l'information là-dessus parce que, évidemment, pour ces régions-là, la base échantillonnais est trop mince. On a trop peu d'individus dans ces régions-là pour pouvoir tirer des conclusions.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vos sondages sont validés?

M. Nantel: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Donc, on devrait les prendre en considération dans une décision éventuelle.

M. Nantet: Moi, je pense que oui. Maintenant, voyez-vous, la validation est toujours une chose de démonstration. On peut toujours dire: II est valide, il reste à le démontrer. Sur ce point-là, je suis prêt à faire la démonstration de la validité des sondages. Je suis également prêt - d'ailleurs, ça a été fait dès le début - à les rendre publics, tant la méthodologie que les aspects plus techniques. Et également les bases de données, même. S'il y en a qui veulent même la banque de données, on pourra la rendre publique.

Le Président (M. Bélanger): En vertu de la règte d'alternance, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Ce n'est pas 20 minutes-20 minutes?

Le Président (M. Bélanger): Ça peut être ça, mais ça peut être aussi l'alternance.

Mme Marois: Ah bon, parce que je n'avais pas du tout prévu que c'était comme ça qu'on fonctionnait, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Ah bon!

Mme Marois: Je croyais que le ministre prenait une vingtaine de minutes pour poser des questions, échanger des propos et qu'ensuite...

Le Président (M. Bélanger): Ça va de convenance. La commission est maîtresse de ses travaux. Si l'unanimité fait qu'on y va de même...

M. le ministre avait deux questions. Ça semblait s'arrêter là pour le moment.

Mme Marois: Vous en avez d'autres, j'imagine?

Une voix: II va revenir.

Une voix: II y a d'autres membres à la commission.

Mme Marois: Bien alors, s'il y a d'autres membres du parti gouvernemental, j'imagine qu'ils ont des questions.

Le Président (M. Bélanger): Je présume que vous en avez pour 20 minutes.

Mme Marois: Vous n'êtes pas intéressé à être reconnu? C'est ce que je comprends, M. le député?

M. Audet: J'ai dit, Mme la députée que le président donne le droit de parole. Il vous a reconnue, alors, allez-y.

Le Président (M. Bélanger): Alors, on va appliquer la règle de l'alternance.

Mme Marois: On va appliquer la règle de l'alternance cette fois-ci et on discutera pour la suite des événements. D'accord? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): On s'entendra, si vous le voulez. Alors, c'est à vous.

Une voix:...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!

Mme Marois: Je trouve ça intéressant, évidemment, votre présentation. J'aimais bien les nuances que vous faisiez à la fin de votre

intervention, en disant: Les sondages sont valides selon certaines règles, etc. Et puis, il y a toujours le comportement, en bout de piste. Juste une correction, je n'ai jamais dit que les zones touristiques... Je questionnais les zones touristiques. J'ai dit qu'aux personnes qui travaillaient dans le milieu touristique, est-ce qu'on leur avait posé la question sur le fait que si on leur offrait le choix, ils préféreraient ou non avoir une journée libre en même temps que la majorité de la population? C'était le sens de mon intervention. Je ne voudrais pas être interprétée différemment. J'ai bien dit aussi que parfois des sondages pouvaient nous aider, mais que ça ne devait pas être la philosophie, ou l'outil, pardon, qui devait être la base des décisions d'un gouvernement.

Cela dit, en fait, je suis obligée de vous le dire, votre défense est vraiment celle des supermarchés. Vous dites: Toute chose étant égale par ailleurs, la part du budget consacrée à l'alimentation et la part globale dépensée dans ce secteur s'est réduite et il y en a qui ont payé plus que d'autres. Ce sont les supermarchés - c'est ça que vous nous dites - pour une valeur de 320 000 000 $. J'y reviendrai d'ailleurs parce que j'ai quelques questions là-dessus. Je ne partage pas tout à fait votre point de vue quant à un certain nombre de conclusions et on pourra en discuter.

Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, mais je trouve que c'est honnête de ma part de poser la question. Je regardais un certain nombre de vos documents sur les heures d'affaires, dont une recherche, entre autres, faite en mai 1987. Je me rends compte qu'il y a eu une contribution de Provigo Distribution à l'étude qui a été faite. J'aimerais savoir de quel ordre elle est, cette contribution-là? Est-ce qu'elle vous liait, d'une façon quelconque, quant à des attentes bien exprimées de la part de Provigo?

M. Nantel: Jacques Nantel. La question est absolument légitime. Oui, Provigo a payé la réalisation des sondages. Un sondage, si vous voulez faire un sondage en bonne et due forme, ça coûte au bas mot, avec un échantillon d'à peu près 1000,1100 répondants...

Mme Marois: On connaît. Ha, ha, ha!

M. Nantel: Vous connaissez, hein? Bon, ça coûte entre 15 000 $ et 20 000 $, selon la stratification. C'est évident que, comme universitaires, on ne bénéficie pas de ces budgets-là. On pourrait toujours parler du financement de la recherche universitaire, mais j'imagine que c'est une autre commission.

Une voix: En haut.

Mme Marois: II y a une autre commission qui siège.

M. Nantel: II y a une autre commission? Une voix: M. Ryan, en haut.

M. Nantel: Nous avons été contactés par Provigo, non pas de façon fortuite, parce que nous travaillions déjà sur ce sujet-là, parce que c'est un sujet qui nous intéressait comme chercheurs universitaires. Et on nous a proposé de nous aider financièrement dans la recherche. La condition - et la condition a été très explicite - c'est que nous nous engagions à tout publier, que Provigo aime ou n'aime pas les résultats, que c'était d'abord une recherche universitaire et qu'on ne voulait aucune contrainte, d'aucun ordre. C'est un risque que Provigo a couru. D'ailleurs, je ne sais pas si Provigo est heureuse de tout ce qui est dans ces rapports-là. Mais c'est l'entente que l'on avait avec cette entreprise.

Mme Marois: D'accord. Donc, il n'y avait pas d'hypothèse qui vous avait été soumise par Provigo?

M. Nantel: Aucune.

Mme Marois: C'est-à-dire que Provigo acceptait à ce moment-là que ce soient vos hypothèses de recherche...

M. Nantel: Oui.

Mme Marois: ...vos facteurs, vos variables... M. Nantel: Notre méthodologie également. Mme Marois: ...et votre méthodologie. M. Nantel: Oui. Entièrement.

Mme Marois: D'accord. Je trouvais ça important de le faire parce que ça m'a préoccupée quand j'ai vu les documents et surtout que, évidemment, une grande partie de votre recherche porte essentiellement sur la part...

M. Nantel: C'est juste.

Mme Marois: ...prise par les commerçants du dimanche à l'égard des supermarchés.

M. Nantel: C'est juste.

Mme Marois: D'accord? Alors, j'arrête là mes questions. Si l'autre côté a encore des questions, j'en ai encore, moi.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Merci, M. le Président. J'ai bien

apprécié également la présentation des deux professeurs. Si je comprends bien votre démonstration, vous faites état des comportements et des sondages et vous les comparez. Vous dites: Lorsqu'on a permis, par exemple, en Alberta, l'ouverture des supermarchés le dimanche, la part de marché a augmenté. On se rend compte que les consommateurs qui ont des besoins vont effectivement faire leurs emplettes le dimanche. Également, les sondages démontrent que quand on interroge des gens dans des situations où les deux conjoints travaillent, dans des situations de famille monoparentale, les gens demandent de pouvoir magasiner le dimanche.

Lorsque je mets ça en comparaison avec la position du Parti québécois, je considère qu'il a une position de style thermostat, en ce sens qu'il dit: Peu importe ce que font les gens ou ce que les gens ont l'intention de faire selon les sondages, nous croyons que pour leur bien - tu sais, la fameuse expression: On veut leur bien et on va l'avoir - ils ne devraient pas magasiner le dimanche, et vous avez même dit: Malgré le fait qu'ils doivent aller dans les dépanneurs et que ça leur coûte entre 10 % et 15 % de plus lorsque, pour satisfaire leurs besoins en alimentation le dimanche, ils vont dans des dépanneurs.

Si nous voulions être un gouvernement thermomètre, nous voulions refléter exactement la situation actuelle des valeurs des consommateurs, des besoins des consommateurs, qu'est-ce qu'il faudrait faire, selon vous?

M. Désormeaux (Robert): Robert Désor-meaux. Comme Jacques le mentionnait, les consommateurs, je pense, s'expriment, chez ceux qui se prononcent, en majorité en faveur d'une libéralisation dans le secteur de l'alimentation. Pour moi, c'est bien clair.

C'est clair aussi que si on regarde l'évolution depuis deux ou trois ans, il y a une évolution en ce sens-là, la proportion de gens favorables ayant une tendance à s'accroître. Ça s'explique par le phénomène que plusieurs des personnes qui étaient indécises voici deux ans ou trois ans changent d'idée et deviennent favorables. Le groupe de gens défavorables, voici trois ans ou deux ans, demeure, en très grande partie, défavorables, ils ne changent pas d'idée. Ce sont les indécis ou les gens qui ne s'étaient pas encore prononcés ou qui n'y avaient pas encore suffisamment réfléchi qui passent de plus en plus du côté favorable à la libéralisation et j'imagine que c'est probablement un des effets du débat qu'il y a actuellement et depuis quelques années là-dessus.

Donc, pour moi, il n'y a pas de doute au niveau des opinions des gens, c'est en faveur d'une libéralisation, et je parie bien dans le domaine de l'alimentation. Cette opinion est plus favorable dans le cas des lundi, mardi et mercredi soir qu'elle ne l'est dans le cas du dimanche. Maintenant, quand on regarde le dimanche et qu'on restreint l'analyse aux gens qui ont les plus fortes contraintes de temps, le dimanche, il y a une nette proportion de gens qui sont favorables au dimanche. C'est bien ça, Jacques?

M. Narrtel: Oui. Ou qu'ils préfèrent. C'est leur premier choix.

M. Leclerc: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le député d'Ungava.

Mme Marois: On va continuer sur cette question, M. le Président. Pas sous l'angle des thermomètres, mais... Pourquoi n'avez-vous pas conservé la question? Dans l'un de vos derniers sondages, je ne l'ai pas devant moi, mais vous ne conservez pas l'hypothèse offerte... Vous savez où je veux aller.

Une voix: Oui.

Mme Marois: ...vous ne conservez pas l'hypothèse offerte entre le choix du dimanche ou un allongement des plages le lundi, le mardi et le mercredi. Vous le faites dans un des sondages puis, après ça, vous l'éliminez. (11 h 15)

M. Narrtel: Oui. Écoutez, je m'excuse du terme, mais c'est vraiment une "bibite" de chercheur, c'est-à-dire que le premier sondage, c'était le canevas de départ. On quadrillait l'ensemble de la question, on regardait les profils par type de magasins, par heures, plages horaires. On regardait les préférences en fonction des soirs de semaine, du dimanche, etc. Il y a un deuxième sondage qui, d'ailleurs, a été déposé au ministère, qui, lui, portait exactement sur cette question-là. Il y a tout un chapitre du deuxième sondage dont le titre est "Les mécanismes de compensation et le choix." C'est-à-dire: Est-ce que vous préférez le lundi, le mardi, le mercredi ou le dimanche? Si le dimanche c'est fermé, est-ce que vous voudriez le lundi, le mardi et le mercredi? Si les lundi, mardi, mercredi... est-ce que vous voudriez que ça soit le dimanche? Toutes les combinaisons et permutations.

Mme Marois: Par itération.

M. Nantel: Et c'est là qu'on est arrivé à dire: Toutes choses étant égales par ailleurs, les gens qui ont les plus grands besoins, leur premier choix, c'est le dimanche. Et ce n'est pas de façon malicieuse que le troisième sondage a voulu traiter du dimanche, c'est que c'est là qu'on était rendu. On voulait creuser davantage. C'est ce que j'appelle la "bibitte" de chercheur. Ce n'est pas un choix malicieux, qu'on a dit, non, c'est juste cette alternative-là versus le reste. C'est qu'on a voulu creuser davantage cette question-là parce que la comparaison entre

les deux, on l'avait faite dans le deuxième sondage.

Mme Marois: Mais, donc, si on avait pris l'autre hypothèse... L'autre hypothèse aurait pu être prise aussi. Même s'il y avait une légère préférence...

M. Nantel: Oui, l'autre hypothèse aurait pu être prise.

Mme Marois: ...l'autre hypothèse aurait pu être prise parce que, dans un premier temps, quand on consulte l'ensemble des consommateurs et des consommatrices, on constate qu'il y a une légère préférence pour les plages du lundi, mardi, mercredi. Là, vous dites: Si on s'adresse - je veux bien comprendre - à ceux qui font les courses - on s'entend bien - là il y a une légère préférence qui se marque pour le dimanche. Donc, vous, vous dites: Maintenant, creusons donc celle-là.

M. Nantel: C'est ça.

Mme Marois: Mais, à l'inverse on aurait pu dire: Creusons donc les deux en même temps, ou creusons donc l'autre avec les mêmes paramètres.

M. Nantel: On aurait pu.

Mme Marois: Voilà! C'est un choix de chercheur, comme vous dites...

M. Nantel: Oui. Absolument.

Mme Marois: ...dans ce sens-là, il y a des choix comme ceux-là. Bon. Ça va pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.

Mme Marois: S'il y a d'autres questions, moi j'ai encore...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de l'Acadie, en vertu de la règle de l'alternance, on reviendra à Ungava par la suite.

M. Bordeleau: Oui, messieurs, j'aimerais peut-être juste avoir une clarification pour être bien certain des conclusions que vous nous avez présentées. Vous nous avez parlé du transfert qui s'était fait de la structure des supermarchés, disons, vers les plus petits commerces. Vous nous dites qu'en 1981, 69 % étaient des commerces d'alimentation. Cela a passé à 60,8 % en 1988, et l'inverse, à peu près, pour les magasins spécialisés et les dépanneurs, les petites épiceries. Est-ce que ce transfert-là est uniquement dû à la question des heures d'ouverture? La question que je me pose, c'est: Est-ce qu'il y a eu un changement dans la structure même? L'importance relative des supermarchés, je parle en termes de nombre et de facilité d'accès par rapport à des changements qui auraient pu survenir physiquement dans l'organisation des magasins spécialisés et des dépanneurs, de sorte que le passage qu'on voit entre les deux n'est pas nécessairement dû seulement à la question des heures d'ouverture, mais aussi en partie dû au fait que le nombre de supermarchés ou le nombre de dépanneurs, ou le nombre de personnes qui travaillent dans des dépanneurs versus le nombre qui travaillaient en 1981 expliquerait aussi une partie de ce transfert. Je ne sais pas si la question est claire.

M. Nantel: Oui.

M. Bordeleau: Parce que je veux être bien certain que ce que vous nous présentez ici, comme données, ça doit être associé exclusivement aux heures d'ouverture; je veux bien être certain de ça. Et si ça ne doit pas être associé exclusivement aux heures d'ouverture, je voudrais bien comprendre aussi quelle est la part du nombre de commerces dans chacune de ces deux catégories-là, et également la part du nombre de personnes qui travaillent dans ces différents commerces-là aussi, de 1981 à 1988.

M. Nantel: D'accord. Écoutez, il serait téméraire de dire: Ce n'est imputable qu'à la loi sur les heures d'ouverture. De toute façon, en recherche, on ne peut jamais imputer une cause à un seul phénomène, ou très très rarement. Cependant, il y a des indicateurs qui nous portent à croire que les heures d'affaires jouent beaucoup dans ce transfert de parts de marché, et jouent de façon tant directe qu'indirecte. Je vais essayer de m'expliquer. Ça joue de façon directe parce qu'on constate - vous avez, je pense, un graphique dans le mémoire - qu'à partir de 1985, lorsqu'il y a eu une libéralisation des heures d'ouverture, mais sous la base des exceptions, que la part des supermarchés a commencé vraiment à chuter.

À l'inverse, lorsqu'on regarde le cas de l'Alberta, les parts de marché des supermarchés chutaient jusqu'à ce qu'il y ait une libéralisation et, là, elles ont repris leur position antérieure. Ce sont des indicateurs. Ce ne sont pas des preuves économétriques absolues. Ce sont des indicateurs. Il y a également un effet indirect qui peut jouer. L'effet indirect, c'est le suivant: On constate que dans la population, de plus en plus, les consommateurs recherchent des produits frais. De 30 % de leurs achats alimentaires que composaient les produits frais, il y a trois ou quatre ans, c'est rendu à 50 %. Il est évident qu'à cet égard, les supermarchés sont davantage défavorisés que certaines boutiques spécialisées, non pas parce qu'ils ne sont pas capables d'offrir des produits frais, mais parce que le fait de

fermer une journée les contraint terriblement. Dans le fond, le fait de fermer une journée, ça a un impact sur le samedi, d'une part, et sur le lundi, d'autre part. C'est un deuxième indicateur de l'effet indirect.

Quant à la croissance du nombre des magasins, nous n'avons pas, comme tel, étudié cette variable-là. Par contre, les changements, en termes de nombre de magasins, d'une année à l'autre, ne sont pas très grands, enfin, beaucoup moins grands que les variations dans les parts de marché. Donc, on pourrait présumer que ce n'est pas un impact majeur, mais on n'a pas, comme tel, creusé cette question-là.

Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez compléter... Oui.

M. Désormeaux: Robert Désormeaux. Sur le nombre de magasins, de fait, je pense que le nombre de dépanneurs s'est accru de façon sensible, alors que le nombre de supermarchés a connu une baisse. Donc, en ce sens-là, oui, le nombre de magasins a connu des tendances différentes, si on parle de supermarchés ou de dépanneurs. Maintenant, et là c'est tout le problème de l'oeuf et de la poule, est-ce que la baisse du nombre de supermarchés est la cause ou l'effet de la baisse de la part de marché des supermarchés? Est-ce que la hausse du nombre de dépanneurs est la cause ou l'effet de la hausse de la part de marché des dépanneurs? Je pense que poser la question, c'est se dire que, probablement, les deux facteurs s'interinfluencent, mais que si la part de marché des supermarchés décroît, dans un marché stagnant, compte tenu du volume minimum que ça prend pour être rentable, il est inéluctable que le nombre de supermarchés baisse à un moment donné, si on regarde de nombreuses années. Et c'est ce qui s'est produit, effectivement.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Très rapidement. Vous revenez souvent, par rapport à l'acheteur, à l'utilisateur des services, sur la question du temps, le facteur temps. Est-ce que vous avez approfondi, est-ce que vous avez creusé un peu là-dedans, aussi, à savoir pourquoi l'utilisateur manque de temps? Est-ce que c'est par rapport à lui-même, parce qu'il ne peut pas y aller aux heures d'ouverture actuelles ou si c'est par rapport au service qui lui est offert, qui est trop long dans le cadre de temps d'ouverture des magasins qu'on a actuellement?

M. Nantel: Vous voulez dire, par service qui est trop long...

M. Claveau: Je veux dire...

M. Nantel: ...que c'est trop long d'attendre à la caisse, etc.?

M. Claveau: C'est ça.

M. Nantel: Non, on n'a pas creusé ce volet-là.

M. Claveau: II aurait peut-être été intéressant de regarder ça. Je me suis amusé moi-même, un petit peu, avant les fêtes, à faire le tour de tout un tas de supermarchés, de grandes surfaces en alimentation. J'en suis arrivé à un chiffre qui m'a quand même fait peur. Il y a 50 % des caisses qui sont ouvertes le samedi après-midi, en plein "rush", avant Noël, etc. Sur une moyenne générale, on arrive avec 50 % des caisses qui sont ouvertes. Moi, le premier, je suis un utilisateur de toutes petites surfaces, jamais plus de deux caisses parce que, quand il y a dix paniers et deux caisses, tu es sûr que tu n'attendras pas longtemps. Quand il y a 200 paniers et dix caisses et qu'il y en a cinq d'ouvertes, tu es sûr que tu vas attendre une heure et demie avant de passer au "cash". Ça peut faire partie du problème aussi. Moi, je me demande si on n'aurait pas avantage à questionner le consommateur en termes de temps, si, par exemple, toutes les caisses étaient ouvertes ou s'il y avait un nombre de caisses en fonction du nombre de paniers disponibles ou de grandeur de surface, on ne réglerait pas une grande partie du problème du temps disponible pour le consommateur.

M. Désormeaux: Robert Désormeaux. Ça a énormément de sens, ce que vous dites. Effectivement, si on attend en file pendant une heure de temps, on ne sera pas intéressé à aller magasiner là. Sauf que, quand on parle de la partie du marché qui s'accroît le plus rapidement depuis plusieurs années, on parle du dimanche. Le dimanche, le consommateur n'a pas le choix entre attendre deux heures au supermarché ou aller au dépanneur, le supermarché n'est pas ouvert.

M. Claveau: Oui, mais c'est que les grandes surfaces, le dimanche, ne sont pas ouvertes. Bon, ça se passe assez rapidement: tu prends le temps d'y aller, après ça tu fais ton achat et tu passes à la caisse. Tu attends deux minutes, trois minutes et tu passes. Généralement, c'est ce genre de commerce-là qui est ouvert le dimanche.

M. Désormeaux: Effectivement. Donc, on ne peut pas dire que si les supermarchés étaient plus rapides le dimanche, les gens y iraient plus. Ils ne sont pas ouverts.

M. Claveau: Oui, mais je me dis que si les supermarchés étaient plus rapides sur semaine, dans les heures d'ouverture actuelles qui leur

sont imparties, peut-être que leur part de marché aurait moins diminué aussi, eu égard aux petites surfaces où tu paies peut-être un petit peu plus cher, mais tu n'attends pas une heure à la caisse avant de passer.

M. Nantel: Mais..

Mme Marois: Oui, allez-y, M. Nantel.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, je vous en prie. Vous êtes nos témoins, on vous écoute.

M. Nantel: Merci. C'est parce que je ne voudrais pas non plus que l'on tombe dans le débat - en fait, c'est peut-être souhaitable de l'ouvrir - des grandes et des petites surfaces. Il faut bien comprendre que le concept de supermarché, tel qu'on l'utilise ici, tel que les variances de parts de marché jouent, ce concept-là, c'est celui tel que défini par Statistique Canada. Ce ne sont pas nécessairement des grandes ou des petites surfaces, de même que les magasins spécialisés et autres, ce ne sont pas nécessairement de petites surfaces. Il y a des marchés publics qui rentrent dans "autres", qui sont de très grandes surfaces, et il y a des petites surfaces qui sont comptabilisées par Statistique Canada dans les supermarchés. L'épicerie où vous allez avec deux caisses, si cette épicerie-là fait 20 % ou plus de ses ventes dans le secteur de la viande, c'est comptabilisé dans "supermarché".

M. Claveau: Oui. Mais vous ne pouvez pas nier que, en règle générale, dans les petits marchés, c'est beaucoup plus rapide comme débit de clientèle, si vous voulez. Enfin, moi, c'est ma constatation.

M. Nantel: Oui.

M. Claveau: Je vous demande si vous avez fait une étude là-dessus parce que, de visu, ça semble être le cas et je peux vous dire que j'en ai fait, au cours des derniers mois, des supermarchés, des grandes surfaces, des petites surfaces, tout ce que vous voudrez, à la grandeur du Québec. Je m'adonne à voyager beaucoup. Et puis, à l'occasion, je vais arrêter. Je passe devant un Steinberg sur la route, j'arrête, je vais juste regarder comment ça marche aux caisses par rapport à l'heure qu'il est. Je fais ça régulièrement; ça me dégourdit les jambes aussi, en voyageant. J'en arrive à une conclusion de visu, que le débit de clientèle, dans les petites surfaces, est beaucoup plus rapide que dans les grandes surfaces. Il y a rarement, dans les petites surfaces, des heures d'attente énorme, des files de huit ou dix gros paniers, tu sais que ça va prendre trois quarts d'heure à la caisse pour chaque panier... J'exagère peut-être un peu. C'est beaucoup plus rare et c'est peut-être plus attirant pour une certaine clientèle aussi qui est prête à payer un petit peu plus, mais à ne pas passer des heures en file d'attente.

M. Nantei: Je ne peux pas nier, je pense, l'intérêt de ce que vous dites. Je pense que tous les consommateurs ont possiblement eu la même expérience. On n'a pas, pour répondre à votre question, fait d'étude spécifiquement sur ce point-là. Mais j'aimerais quand même rappeler que dans la nomenclature qui n'est pas la nôtre, qui est celle de Statistique Canada, de supermarchés versus autres, il n'y a pas un parallèle, surtout pas au Québec, justement, entre gros et petits magasins. Il y a de petits magains qui sont dans "supermarchés" et il y a des gros magasins qui sont dans "autres", et vice versa.

M. Désormeaux: Et comme tout le monde le sait, la très grande majorité des supermarchés au Québec sont la propriété d'entrepreneurs indépendants, des gens d'affaires ici, du milieu, qui opèrent... Ce sont des PME locales et régionales, pour la très grande majorité. Donc, ce n'est pas vraiment un débat, de dire: Les petites surfaces sont "autres" et les grandes surfaces sont "supermarchés". Parce que dans la catégorie "supermarchés", il y a, évidemment, de grandes surfaces, mais il y a aussi des petites et des moyennes surfaces. Mais dans la catégorie "autres", il y a quelques grandes surfaces aussi. Quand on parle des marchés publics, quand on parle des superpharmacies, quand on parle des clubs-entrepôts, ce sont de grandes surfaces. Donc, ce ne sont pas tous les petits d'un bord et tous les gros de l'autre.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Orford.

M. Benoît: Je voudrais, d'abord, féliciter MM. Nantel et Désormeaux pour la qualité de leur travail, M. le Président. Quant à vos plages horaires, avez-vous pu voir, si effectivement les conclusions auxquelles vous arrivez auraient été les mêmes dans les régions touristiques? On sait que le tourisme, normalement, a des activités aquatiques très tard en fin de journée et, l'hiver, des activités de ski aussi, très tard en fin de journée. Alors, est-ce que le comportement du consommateur touriste aurait la même signification que dans votre mathématique ici?

M. Nantel: Malheureusement, on n'a pas l'information pour répondre à cette question, c'est-à-dire qu'on l'a, mais il serait plus prudent de ne pas l'exploiter. C'est-à-dire qu'on a de l'information de consommateurs en zones touristiques, mais là, on ne sait pas si ce sont des touristes ou pas, d'une part, et, d'autre part, la base échantillonnai est tellement petite que la marge d'erreur serait trop grande. Alors, on préfère ne pas... Autrement dit, dans Lauren-

tides-Lanaudière ou dans l'Estrie ou dans la région de Charlevoix, on a des consommateurs. Mais si on fait la sommation de tout ça, de tous ces consommateurs-là, il y en a trop peu dans notre base échantillonnale pour pouvoir tirer des conclusions. Ça prendrait pratiquement une étude spécifique sur ce problème-là, ce qu'on n'a pas fait.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: S'il vous plaît. Vous n'avez jamais posé la question sur le fait que les travailleurs et les travailleuses soient amenés à augmenter le nombre d'heures de participation, pas nécessairement pour une personne, mais collectivement, les week-ends, le dimanche, par exemple. Vous ne l'avez jamais posée, cette question. (11 h 30)

M. Narrtel: Non, et pour une raison bien simple, c'est que nous sommes des professeurs en recherche commerciale, en marketing, en commerce de détail. Nous ne sommes pas des spécialistes en relations industrielles. L'interprétation de la donnée qu'on aurait été cherchée de cette façon-là ou même la façon de poser la question, on aimait mieux ne pas toucher à ce domaine-là. Ce n'est pas notre domaine.

Mme Marois: D'accord. Il y a une remarque que j'aimerais faire. J'ai toujours un peu de crainte quand on fait des comparaisons avec les autres provinces parce que nos infrastructures industrielles et commerciales, vous le savez, sont fort différentes et, dans le document même du ministère, évidemment, on parle particulièrement de l'Ontario, mais on fait aussi état de tout ce qui se passe dans les autres provinces - probablement que ça fait partie de la société distincte, soit dit en passant. On dit qu'une des principales caractéristiques du marché québécois est la très forte présence des magasins d'alimentation indépendants, qu'ils soient affiliés ou non, et que la structure du marché ontarien de l'alimentation, par exemple, est très différente, elle est dominée par les magasins corporatifs. Alors, je suis toujours un petit peu, pas sceptique, mais enfin, je suis prudente sur les comparaisons qu'on fait avec les autres provinces, parce que ce ne sont pas les mêmes règles d'infrastructure, entre autres, particulièrement avec l'Ontario, évidemment. Je sais que vous avez parlé de l'Alberta. Par contre, il y a deux villes où on ouvre en Alberta. Il semble que, dans le reste de l'Alberta, on n'ouvre pas le dimanche.

M. Nantel: Mais il n'y a pas beaucoup de monde dans le reste de l'Alberta, cela dit.

Mme Marois: Mais j'aimerais revenir plus sur une affirmation que vous faites et, là, je vais faire une démonstration peut-être un peu compliquée et longue, mais je suis sûre qu'on va tous se suivre ensemble. Je vais prendre les chiffres les uns après les autres. Vous affirmez que la grande partie du déclin de la part de marché - la grande partie, vous ne dites pas toute, mais la grande partie du déclin de la part de marché - des supermarchés qui est passée de 69,6 % à 60,8 % entre 1981 et 1989 - je vous cite dans votre document - s'explique par la loi actuelle sur les heures d'affaires. On va regarder un peu ce que ça peut signifier.

Le marché de l'alimentation au Québec en 1988, on parie de 10 800 000 000 $. Vous me corrigerez si je me trompe dans les chiffres. La part de marché des supermarchés en 1988, 60,8 %. Je prends les chiffres que vous aviez donnés tout à l'heure. Vous avez fait certains petits amendements, mais, toutes proportions gardées, je pense que c'est correct. La vente des supermarchés en 1988, 60,8 % des 10 800 000 000 $, on s'entend bien, ce qui nous donne 6 500 000 000 $. La part de marché des supermarchés en 1981 était de 69,6 %. Les ventes correspondantes en 1988, prenons 69,6 %, 10 800 000 000 $, nous amènent à 7 500 000 000 $. Vous me voyez venir un peu. La diminution des ventes serait, pour les supermarchés, de l'ordre de 1 000 000 000 $. Or, les ventes d'alimentation le dimanche, que vous nous dites, c'est 3 % du marché, 320 000 000 $. Les ventes d'alimentation le dimanche, en 1981, en dollars de 1988, étaient de 190 000 000 $. Alors, si on prend la croissance des ventes le dimanche, entre 1981 et 1988, 320 000 000 $ moins 190 000 000 $, ça nous donne 130 000 000 $. Est-ce qu'on ne peut pas conclure qu'au plus, 130 000 000 $ ou 13 % de la baisse des ventes des supermarchés sont attribuâmes à l'ouverture des commerces d'alimentation le dimanche?

Une voix: J'aurais une question sur votre question.

Mme Marois: Oui, je vais continuer. C'est parce qu'il est évident - ça ressort partout et ça ressort aussi dans votre document - qu'il y a des changements d'habitudes de consommation. Et vous l'avez affirmé même dans vos propos et c'est très correct, il y a des changements d'attitudes. Dans le fond, mon collègue, c'est un petit peu ça qu'il disait aussi en même temps, au-delà de la file d'attente: On a peut-être moins le goût d'aller dans une très grande surface; on choisit peut-être d'aller dans le petit commerce spécialisé qui personnalise beaucoup l'approche et qui offre un produit qu'on a l'impression qui est plus frais - il ne l'est pas nécessairement plus que le supermarché, on va convenir de ça ensemble - mais l'impression qui est laissée. Alors, il y a tellement eu de changements d'un autre ordre que je trouve que d'attribuer, comprenez-vous, cette baisse...

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, Mme la députée. Le temps est écoulé.

Mme Marois: Oui, ça va, mais je suis persuadée que le ministre va me permettre une minute ou deux de plus. Je trouve que c'est incorrect de l'attribuer de cette façon-là. Vous voyez un petit peu le déroulement et les calculs qu'on a faits en essayant de comparer les dollars des bonnes années aux bonnes années et ne pas jouer avec dollars constants et tout le reste. On a gardé les mêmes chiffres et on a appliqué des bonnes règles, comme toute bonne HEC devrait le faire d'ailleurs, j'imagine, hein? Bon. Allez. Il faut s'amuser un peu aussi.

M. Nantel: Non, bien c'est toujours plaisant de voir une MBAHEC bien manipuler les chiffres comme ça. Vous avez bien fait ça.

Nous n'avons jamais dit, et nous n'avons pas l'intention de dire que la totalité du changement de parts des marchés est attribuable à la loi sur les heures. On a fait le même calcul auquel vous avez procédé, et je dois dire qu'il est exact. Cependant, ce que nous avons dit, c'est que l'une des raisons majeures identifiables était possiblement la loi sur les heures. Et les deux indicateurs qu'on a utilisés pour ça, c'est la tendance qui a été amorcée - et ça, je vous le concède - avant 1985, mais qui s'est considérablement accentuée après 1985. D'accord? Quant au reste de l'explication, l'autre X %, au-delà des 130 000 000 $...

Mme Marois: En fait, c'est 13 % dont on parle quand on arrive à ces chiffres-là.

M. Nantel: Écoutez, même si je vous concédais que c'était uniquement 13 %...

Mme Marois: Oui, parce qu'on pourrait discuter les chiffres, mais enfin...

M. Nantel: Bon, concédons 13 %.

Mme Marois: Oui, concédez le-moi; donc, partons de là.

M. Nantel: Disons 15 %. Mme Marois: O.K.

M. Nantel: Je n'ai pas d'objection. Et convenons que dans un marché en saturation, 15 %, c'est énorme. Et là, qu'on se comprenne bien. Ce ne sont pas les intérêts de très grosses compagnies multinationales. Ce sont de petits entrepreneurs qui perdent 13 % à 15 %, non pas de parts de marché, mais leur perte de parts de marché peut être attribuable à ce phénomène dans cette proportion-là, que je pense très conservatrice, parce que je pense que ça va au-delà parce qu'il y a les effets directs et il y a les effets indirects. Par effets indirects, j'entends la personne qui commence à s'habituer à aller ailleurs le dimanche et qui trouve, finalement, que la structure parallèle n'est pas bête et elle va peut-être continuer à aller là. Mais si le supermarché avait pu ouvrir le dimanche, cet effet indirect n'aurait pas eu lieu. Donc, même si on prend le chiffre conservateur, pour un particulier, sur le plan économique, c'est important, très important même.

Mme Marois: Merci, M. le Président, puisque mon temps est écoulé, ce n'est pas faute de questions.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.

Mme Dionne: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je ne me suis pas trompé.

Mme Dionne: J'aurais une question à M. Nantel. Tout à l'heure, vous avez parlé des zones touristiques, en mentionnant que vous ne pouviez pas vous appuyer sur les informations que vous avez, n'étant peut-être pas suffisamment précises. Mais j'aimerais vous entendre un peu sur la problématique par rapport à - que ce soit des grands marchés ou des dépanneurs - des grands centres urbains et à des régions.

M. Nantel: Écoutez, je vais vous donner mon avis, mais, c'est un avis personnel. Ce n'est pas l'avis du chercheur à ce moment-là, je n'ai pas étudié la question.

J'ai toujours été un peu intrigué par le fait que l'on permette aux zones touristiques d'ouvrir parce que... Les raisons sont compréhensibles, mais ça semble, quant à moi, favoriser une partie de la population qui a les moyens de se payer le loisir et le tourisme. Et, en ce sens-là, voyez-vous, il y a comme une incongruité. La personne qui ne peut pas aller à son chalet le dimanche matin, qui doit rester au centre-ville de Québec, au centre-ville de Montréal ou ailleurs, qui, pour faute de temps, doit aller faire une partie importante de son épicerie au dépanneur ou même souvent en pharmacie, qui va payer de 12 % à 15 % plus cher, cette personne-là est condamnée. Alors que la personne qui, finalement, prend sa voiture le vendredi, va à son chalet le dimanche, bien, elle peut aller magasiner le dimanche à un prix généralement plus bas. Mais ça, encore là, c'est un avis personnel.

Mme Dionne: Là, vous parlez, M. Nantel, d'un touriste de fin de semaine ou autre qui a le choix de rester en ville...

M. Nantel: Oui.

Mme Dionne: ...ou d'aller à son chalet sur le bord du lac la fin de semaine.

M. Nantel: Oui.

Mme Dionne: Mais, parlons peut-être de gens qui habitent en région, pas dans des grands centres, où on sait, par exemple, que la population féminine travaille beaucoup moins à l'extérieur de la maison que ce qu'on retrouve en milieu totalement urbain. Est-ce que vous avez certaines informations à ce niveau-là? Je vais donner un exemple. Prenons le Bas-Saint-Laurent - Gaspésie. On a trois grands centres: Rivière-du-Loup, Rimouski et Matane, mais il y a des sous-centres, il y a Kamouraska, il a le Témiscouata qui ne sont pas des grands centres urbains. Alors, quand vous regardez le marché, quand vous regardez les tendances, qu'est-ce que vous pouvez offrir ou penser pour ces régions-là?

M. Nantel: Sur la base des études qu'on a faites, on n'a malheureusement pas pu se permettre de faire des études régionales. On n'avait carrément pas le budget pour le faire.

Mme Dionne: Et pourtant Provigo est en région aussi.

M. Nantel: Pardon?

Mme Dionne: Et pourtant Provigo est en région aussi.

M. Nantel: La question est très bonne. Mme Dionne: Une économie... Merci.

M. Désormeaux: Toutes les régions, y inclus les régions touristiques et éloignées étaient représentées équitablement dans les sondages. Il n'y a pas de problème là-dessus.

Mme Dionne: D'accord.

M. Désormeaux: Mais comme ces régions-là au total représentent une faible proportion du marché total, quand on se concentre uniquement sur ces régions-là, on a un petit nombre de répondants.

Mme Dionne: D'accord.

M. Nantel: Lorsque dans un sondage j'ai 1000 répondants, j'ai bien sûr des gens de la région de Kamouraska-Témiscouata, mais proportionnellement à leur répartition dans la population. Je peux aller voir ces répondants-là, mais je risque d'en avoir 30. Alors, à 30, peu importe ce qu'ils vont me dire, ça me donne une marge d'erreur de plus ou moins 20 %. Bien, plus ou moins 20 %, ils peuvent me dire oui à 80 %, mais ça peut vouloir dire 60 %, 100 %...

Mme Dionne: Je le disais, M. Nantel en...

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vais vous inviter à conclure parce que l'enveloppe de temps est écoulée.

Mme Dionne: Effectivement, je le disais en fonction du fait que la loi, quelle qu'elle soit dans l'avenir ou quelle qu'elle ait été dans le passé, affecte autant les régions que les grands centres.

M. Nantel: Absolument.

Le Président (M. Bélanger): Alors, il reste à la formation ministérielle deux minutes, s'il y a une dernière question rapide, en deux minutes. M. le député de Taschereau? Il y aura par la suite quelques secondes pour conclure de part et d'autre.

M. Leclerc: Alors, très rapidement. Donc, if y a un certain consensus, selon ce que vous dites, dans la société sur le fait qu'il faut libéraliser les heures d'affaires, mais il n'y a pas consensus à ce moment-ci en tout cas, sur si ça doit être sur semaine ou le dimanche. La formation du Parti québécois a fait son lit. Vous avez fait part que, selon vous, ça devrait être le dimanche. Mais, il y a également, selon vos sondages et selon vos observations des personnes dans la société qui se sont déjà prononcées là-dessus, et notamment vous parlez des décideurs sur le plan alimentaire, 75 % des femmes, notamment les femmes dans les ménages où les deux conjoints travaillent, les femmes de famille monoparentale. Vous nous avez dit que ceux qui doivent quand même faire leurs achats le dimanche dans la structure actuelle ont à payer entre 10 % et 15 % de plus cher et ça, je pense que, personne ne conteste ça. Alors, ma question est très simple: Est-ce que, si le gouvernement acceptait la solution du Parti québécois et n'ouvrait pas les commerces le dimanche, nous pouvons dire que les grandes perdantes seraient donc les femmes, puisqu'elles sont, dans 75 % des cas, les décideurs, puisqu'elles auront à payer, comme elles paient actuellement, entre 10 % et 15 % de plus, les grandes perdantes, notamment parce que les femmes ou les hommes qui ne sont pas d'accord avec cette solution-là, puisqu'il y a une relation linéaire, comme vous avez dit, entre le besoin et l'opinion, si c'était ouvert, ces gens-là qui ne sont pas d'accord ne perdraient rien, puisque de toute façon ils n'ont pas besoin d'y aller, ils n'ont pas l'intention d'y aller? Est-ce que, donc, j'aurais raison de dire que, si nous acceptions la proposition du Parti québécois, les grandes perdantes seraient les femmes?

Une voix: Le comité du...

M. Leclerc: Est-ce que je peux poser ma question? Je préférerais leur réponse à la vôtre.

M. Jolivet: Prends ta décision à la place.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, non, non. S'il vous plaît, M. le député!

M. Leclerc: On est là pour interroger les gens qui sont ici.

Une voix: Franchement!

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! Vous avez posé la question à nos invités. M. le député de Laviolette, s'il vous plaît! Jean, ça suffit!

Une voix: On s'en retourne chez nous.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! Les procès d'intention se feront dans le corridor. Vous avez posé une question à nos invités, je les inviterais à répondre, s'il vous plaît.

M. Nantel: Compte tenu de la répartition de qui fait l'épicerie, oui.

M. Désormeaux: II y aurait également d'autres perdants si on revient à la question: Qui seraient les grands perdants dans le fait de ne pas libéraliser le dimanche? Les autres perdants, ce sont les gens qui ne sont pas en mesure actuellement de livrer une concurrence à ceux qui, eux, peuvent ouvrir le dimanche. Ça, ce sont des perdants, et là, je parle à tous ceux qui ont des magasins d'alimentation, qui n'ont pas en tout temps moins de trois employés, qui respectent la loi et qui ne font pas partie des exceptions qui ont été consenties au préalable, comme dans le cas de plusieurs marchés publics, par exemple.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie. J'inviterais donc Mme la députée de Taillon comme porte-parole de son parti à conclure rapidement, brièvement.

Mme Marois: Bien sûr, je vais d'abord remercier MM. Nantel et Désormeaux de leur contribution à nos travaux. Évidemment, il va de soi que l'on questionne et que l'on puisse parfois ne pas partager non plus les points de vue émis ou les résultats auxquels on arrive. Ça m'inquiète de penser que les femmes puissent être les grandes perdantes, parce que ce qui m'inquiète surtout là-dedans, c'est que les tâches ne sont toujours pas partagées et que c'est toujours elles qui ont le poids des responsabilités familiales uniquement.

M. Jolivet: C'est ça, c'est ça.

Mme Marois: Cela dit, nous parlons à ce moment-là de changements de mentalités auxquels, je l'espère, nous arriverons un jour. Je continuerai de me battre de toute façon pour qu'on y arrive, mais je veux bien comprendre aussi que ce que vous nous dites, c'est que, s'il y avait de l'équité et si les supermarchés, comme d'autres, étaient traités de la même façon sans que certains aient davantage de privilèges qu'eux, ça réglerait une partie du problème. L'autre partie qui est de répondre mieux aux besoins des consommateurs et des consommatrices peut se régler, bien sûr, par une ouverture le dimanche, mais peut aussi se régler d'une autre façon, même si elle ne se réglerait pas dans une proportion où, à quelque différence de pourcentage près, les gens partageraient ce point de vue-là nécessairement, on répondrait tout de même en grande partie aux besoins exprimés par les personnes qui consomment. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée de Taillon. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je pense que la dernière affirmation de la députée de Taillon ne fait sûrement pas l'unanimité de nos collègues parce que M. Nantel était là et se brassait la tête, alors je ne voudrais pas tenir pour acquis que la conclusion de la députée de Taillon, c'est la conclusion de M. Nantel, mais plutôt une affirmation de la députée.

Au début, et je tiens à faire le point, de la présentation de la députée de Taillon, on a semblé mettre en doute mon ouverture d'esprit. On a laissé planer un doute à l'effet qu'il y aurait peut-être une décision déjà prise. On a également dit: Pourquoi une commission parlementaire? Une commission parlementaire nous a été demandée par l'Opposition dans le temps du député de Bertrand, a plusieurs reprises. Troisièmement, on fait même l'affront de dire que c'est une commission bidon. Je pense que c'est manquer totalement de respect pour nos intervenants. Il y en a 80 qui, de bonne foi, vont venir faire des présentations ici et qui pensent, à juste titre, qu'on a une ouverture d'esprit.

Ce qui est le plus troublant dans la démarche, c'est qu'on a beaucoup parlé des zones touristiques et la députée de Taillon dit: Est-ce qu'on a posé la question aux zones touristiques à savoir si les gens en avaient besoin ou non? Mais, en 1984, quand l'Opposition a créé l'exception, on aurait dû poser la question. Ce qu'on semble nous reprocher en tant que gouvernement aujourd'hui, c'est d'avoir une ouverture d'esprit, une commission parlementaire justement pour ne pas faire les mêmes erreurs du passé.

J'aimerais conclure en vous remerciant sincèrement pour le travail que vous avez fait. Je pense que c'est un travail sérieux. On va analyser vos sondages et tout autre sondage contradictoire qui pourrait nous être soumis, et on les prendra en considération dans la décision qu'on aura à prendre. Merci beaucoup.

Mme Marois: M. le Président, une question de...

Le Président (M. Bélanger): Je...

Mme Marois: Non, non. C'est une question de privilège.

Le Président (M. Bélanger): De privilège. Je vous en prie.

Mme Marois: D'accord? Je...

Le Président (M. Bélanger): Mais il faut s'entendre, ce n'est pas en réplique à ce que M. le ministre vient de dire, sinon elle n'est pas recevable.

Mme Marois: Non, c'est une question de privilège. J'ai dit, et je veux que mes propos soient clairement entendus et compris: A-t-on posé la question aux personnes travaillant dans les milieux touristiques...

M. Jolivet: Ce n'est pas pareil.

Mme Marois: ...s'ils avaient le choix entre travailler les fins de semaines, donc le dimanche, et travailler la semaine, lequel elles feraient? Je n'ai pas parlé du choix des zones touristiques. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Bon, alors on laisse à M. le ministre une dernière réplique, puisqu'il doit avoir le dernier mot, et nous concluons.

M. Tremblay (Outremont): C'est incroyable quand on veut protéger ceux qui veulent travailler, on ne leur pose pas la question et on crée une exception au niveau des zones touristiques. C'est totalement incohérent et quand, en plus, on met en cause la crédibilité de la commission en disant que c'est une commission bidon, je pense que c'est nettement exagéré.

Le Président (M. Bélanger): Nous aurons 80 autres heures pour faire ce débat. Je remercie donc nos invités M. Nantel et M. Désormeaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. N'oubliez pas... S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! N'oubliez pas que, demain matin, la commission reprend ses travaux à 9 heures au lieu de 10 heures.

Mme Marois: Et cet après-midi?

Le Président (M. Bélanger): Oui, oui, on siège cet après-midi, mais c'est pour rappeler que, demain, la commission va entreprendre ses travaux à 9 heures plutôt qu'à 10 heures. D'accord? Je vous remercie.

M. Tremblay (Outremont): Merci, M. le Président.

(Suspension de la séance à 11 h 50)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais à chacun de bien vouloir réintégrer sa place, afin que la commission de l'économie et du travail puisse procéder aux consultation générale et auditions publiques sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Cet après-midi, nous recevons M. Gunnar Sletmo, de l'École des Hautes Études Commerciales, et nous allons recevoir par la suite l'Ordre des pharmaciens du Québec et la Fédération des coopératives québécoises en milieu scolaire. Avant d'écouter M. Sletmo - excusez-moi, c'est parce que j'avais le goût de faire la farce que vous m'avez dite tout à l'heure. M. Sletmo m'a donné sa carte, mais c'est marqué "Orner DeSerres" en haut. Je me suis dit: On va l'appeler Orner. Ça me semblait plus facile.

Alors, juste auparavant, j'ai une proposition à faire sur l'aménagement du temps à la suite des discussions avec Mme Marois et M. Tremblay. Bon, il y avait une proposition de faire ça par blocs de dix minutes: deux fois dix minutes de chaque côté, ou de le faire en bloc, c'est-à-dire vingt minutes, ou plutôt dix-sept minutes parce qu'il y a trois minutes qu'on garde pour la fin, mais vingt minutes, vingt minutes. Alors, Mme Marois préférerait - excusez, Mme la députée de Taillon, je manque à l'éthique la plus élémentaire - souhaiterait qu'on procède par blocs de dix-sept minutes.

Est-ce qu'on a le consentement de la commission pour procéder de cette façon?

Mme Marois: M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Marois: ...pouvant répartir ces dix-sept minutes, on s'entend, entre les gens par exemple, moi de ma formation politique...

Le Président (M. Bélanger): ...de votre formation.

Mme Marois: ...et le ministre...

Le Président (M. Bélanger): Oui, oui.

Mme Marois: ...entre les gens du gouvernement. Si les députés veulent poser des questions, aucune objection. Au contraire, je trouve que c'est dynamique et intéressant. Et de la même façon, dans le bloc de vingt minutes, ça peut être des collègues qui posent des questions...

Le Président (M. Bélanger): ...oui.

Mme Marois: ...qui échangent avec nos invités.

Le Président (M. Bélanger): Évidemment, ça n'enlève pas le droit de parole à aucun député.

Mme Marois: Voilà!

Le Président (M. Bélanger): Je pense que la commission ne pourrait se permettre une pareille transgression. Alors, cela étant dit, est-ce que... M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Sur une question de règlement. J'aimerais apporter une correction à une affirmation que j'ai faite ce matin concernant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. J'ai mentionné que c'était le gouvernement de l'Opposition qui, en 1984, avait décidé de mettre une exception additionnelle sur les zones touristiques. Alors, je voudrais corriger ce que j'ai mentionné, ce matin. C'est que cette exception-là, elle était incluse dans la loi de 1970. Elle a été maintenue par le Parti québécois en 1984. Alors, ce n'est pas une initiative du Parti québécois en 1984. Je voulais apporter cette correction-là.

Mme Marois: Merci

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre. Donc, on s'entend sur les enveloppes de temps pour fonctionner comme on l'avait prévu. Or, M. Sletmo, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et ensuite, il y aura de part et d'autre des échanges avec les parlementaires: 17 minutes, 17 minutes. Nous vous écoutons.

M. Gunnar K. Sletmo

M. Sletmo (Gunnar): Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de l'Assemblée nationale. Je suis Gunnar Sletmo, titulaire de la chaire Omer-DeSerres à l'École des Hautes Études commerciales. La chaire de commerce a été établie aux HEC l'année dernière, à la suite d'un don en provenance, d'abord de M. Orner DeSerres et d'autres groupes. La création de la chaire manifeste, je pense, de façon très tangible, l'intérêt qu'on commence à porter aussi dans le milieu universitaire au domaine du commerce de détail.

J'aimerais aussi souligner que je suis ici aujourd'hui à titre de professeur; je ne représente aucun groupe en particulier. J'ai, bien sûr, un intérêt professionnel dans la question qui est devant vous. J'ai préparé un petit document qui ne prétend pas avoir des réponses toutes faites, mais j'espère quand même qu'il pourra vous être utile comme élément de discussion.

Avant d'essayer de résumer brièvement le document, j'aimerais vous présenter ma vue, ma conclusion sur la question des heures d'ouverture. Premièrement, je crois fermement que les heures d'ouverture doivent être aussi flexibles que possible, et cela inclut l'ouverture le dimanche. Ce qui m'a amené à cette conclusion, ce sont deux facteurs clés. Un facteur que, je pense, parfois on oublie, c'est la restructuration qui a lieu et qui aura encore lieu dans le domaine du commerce de détail et des pressions concurrentielles qui deviennent de plus en plus fortes; je suis sûr que les magasins auront besoin d'une plus grande flexibilité dans le futur pour pouvoir rentabiliser leur investissement. Un deuxième facteur qui a été souligné clairement, je pense, ce matin, c'est la segmentation des marchés, les changements de style de vie. Je pense que ce changement est d'une telle diversité qu'on a besoin aussi de rendre l'offre aussi flexible que possible.

Le commerce de détail est influencé par un ensemble de facteurs sur lesquels les détaillants n'ont que peu de contrôle. Je pense qu'il est intéressant aussi de noter que, parmi ces facteurs, on en trouve beaucoup qui échappent aussi au contrôle et au pouvoir des gouvernements. Les principaux changements qui modifieront la nature du commerce de détail au cours des années prochaines incluent des changements démographiques, technologiques, économiques et légaux. Il faut aussi ajouter une dimension internationale qui commence à devenir de plus en plus importante. Si vous me permettez une petite parenthèse, je pense qu'on s'est souvent pensé à l'abri de la globalisation du commerce dans le secteur du commerce de détail. Je pense que, de plus en plus, nous verrons la présence d'entreprises étrangères. On l'a déjà vu dans quelques domaines; je vous mentionne l'exemple de IKEA dans le meuble, de Benetton pour les vêtements, etc.

On sait que la pyramide démographique s'est changée vers un vieillissement de la population, ce qui soulève par exemple, la question de l'accès aux magasins pour les personnes âgées. On sait aussi que le ménage s'est beaucoup redéfini. La cellule familiale d'un couple marié traditionnel avec enfant laisse de plus en plus la place à des ménages d'une seule personne ou à des ménages où tous les membres, les participants du ménage, sont au travail.

Ces changements démographiques semblent avoir pour effet que le temps devient de plus en plus important. Pas seulement pour la personne à revenu élevé, mais aussi pour la personne à revenu faible. La personne à revenu élevé est prête à payer pour un meilleur service, pour avoir plus de liberté pour poursuivre d'autres activités. La personne à faible revenu se trouve de plus en plus forcée de chercher un deuxième emploi, de travailler des heures supplémentaires; elle perd graduellement aussi la liberté, le contrôle sur son temps. Donc, je pense que le phénomène de la rareté du temps ne touche pas seulement une petite partie de la population. Je pense que ça touche l'ensemble de la population, et parfois d'une façon plus aiguë les personnes à faible revenu.

On sait aussi que, dans le secteur de la technologie, on aura une modernisation importante. Je reviendrai plus tard à cette question, brièvement. La concurrence se diversifie. Pas seulement la concurrence à l'intérieur du secteur, dans le sens que des dépanneurs font la concurrence avec le supermarché, la pharmacie avec les dépanneurs, etc., mais on trouve aussi, de plus en plus, une intensification de la concurrence dans les réseaux de distribution. Je parle, entre autres, du contrôle sur un réseau d'approvisionnement. Je pense que de plus en plus ça devient difficile pour la petite entreprise de survivre dans un environnement où les chaînes de distribution deviennent de plus en plus sophistiquées.

Au niveau de la déréglementation, je pense qu'il serait intéressant de faire un parallèle avec ce qu'on voit maintenant, depuis une dizaine d'années ou plus, en Amérique du Nord. On trouve le secteur aérien, le secteur financier, un ensemble de secteurs. Je pense que c'est correct de dire que la déréglementation n'a pas toujours amené les avantages espérés mais, en général, je pense qu'on peut dire qu'il existe un consensus pas seulement chez les économistes, mais aussi parmi les consommateurs, à l'effet que la déréglementation a amélioré la qualité des services, a amené un plus grand choix aux consommateurs et que, en général, la déréglementation a eu tendance à faire baisser les prix.

Un autre facteur qui touche le commerce de détail, c'est la stagnation de la demande pas seulement quand on parle de produits alimentaires, mais quand on parie de biens physiques en général. Je pense que nous sommes arrivés à un stade dans l'évolution économique où, de plus en plus, nous avons les biens durables dont nous avons besoin, pour lesquels nous avons l'espace chez nous. Il est peut-être question de remplacer un téléviseur mais, en moyenne, je pense que c'est vrai de dire que l'évolution de la demande, dans la mesure où l'augmentation du revenu est réelle, sera plutôt vers l'achat des services, c'est-à-dire la restauration, les voyages, l'éducation, les loisirs, la santé, etc., ce qui veut dire que le commerce de détail se bat pour un marché quand même stable ou, dans quelques secteurs, stagnant. (14 h 15)

Un de mes anciens collègues de Columbia University, qui est rendu maintenant en Californie, au soleil, M. Sheth, avait fait une évaluation des perspectives futures pour le commerce de détail. Il a suggéré quelques éléments que je pense intéressants. Premièrement, une importance accrue des produits de haut de gamme, une bifurcation du commerce de détail, un segment de luxe, où la qualité et le service vont être dominants, la disponibilité, et un segment plutôt standard, bas de gamme, où la quantité devient très importante, la quantité ou l'importance des opérations, des économies d'échelle. Dans ce sens, je pense qu'on va constater l'évolution des grandes surfaces en même temps que le développement continu des boutiques.

La demande est en train de s'individualiser de plus en plus. Les compagnies aériennes nous ont démontré une façon intéressante de faire du marketing avec les plans pour le voyageur régulier. Aussi, dans le domaine du commerce de détail, on voit des tentatives semblables qui pourraient permettre une identification beaucoup plus détaillée des clients avec les codes-barres où on pourrait s'imaginer, par exemple, que le client est capable de savoir que vous aimez surtout le forêt noire ou des gâteaux d'une certaine sorte et vous envoyer spécifiquement des offres pour les produits qui vous intéressent le plus. Quand on commence à faire un marketing aussi direct que cela, on commence à parler d'une technologie très très très sophistiquée. C'est très clair que cela va influencer la structure du commerce de détail, qui devient de plus en plus compétitif.

On a beaucoup parlé de l'ordinateur personnel. Ça a pris plus de temps pour devenir une réalité et, même aujourd'hui, l'ordinateur personnel joue un rôle limité dans la vie de la plupart des personnes. Mais la possibilité que, dans le futur, on travaille plus à la maison va être importante et, ayant un équipement à la maison, la possibilité de magasiner de son salon deviendra très importante.

On a parié des systèmes tels que Alex au Québec. En France, on a le système Minitel qui est devenu tellement important que même, tout récemment, la revue Scientific American parie du comportement des Français, où maintenant 20 % des familles, en France, ont un appareil Minitel chez elles. Elles ne paient pas pour l'acquisition de l'appareil, mais, par contre, elles ne reçoivent pas le bottin téléphonique, non plus. Ça, c'est le compromis qu'on a fait. Mais ça veut dire que 20 % des familles en France sont capables de faire des achats par ordinateur, à peu près 15 000 points de vente. C'est assez impressionnant. Je pense que le rôle de la vente directe par ordinateur ou autrement va devenir plus

important aussi chez nous.

On voit l'émergence des marchés spécialisés, j'en ai déjà parié. On a beaucoup parlé du patronage, d'un seul lieu d'achat, de la loyauté du client. Je pense que ça va être un élément; ce ne sera certainement pas le seul élément dans révolution, mais il est très clair que la bataille pour la loyauté du client va s'intensifier.

Les tendances que j'essaie de résumer très rapidement, très brièvement, parfois se renforcent, parfois se contredisent. Ce n'est pas simple de faire un résumé succinct de ce qui se passe dans le domaine. Je suis porté à croire que la meilleure façon de résumer ce qui se passe actuellement, c'est qu'on vit dans un milieu d'affaires où la diversité devient de plus en plus importante. Les changements mentionnés vont bouleverser la structure du commerce de détail. Ceci n'est pas seulement un phénomène que l'on observe chez nous, au Québec ou au Canada. On voit de plus en plus que même les journaux commencent à s'intéresser, les grands journaux, au commerce de détail. J'ai trouvé ça intéressant quand le New York Times avait annoncé - je m'excuse, il y a une erreur de frappe dans la note au bas de la page - à l'automne 1989, le New York Times avait un titre à la page 1, à savoir que "seulement les commerçants avec des bas prix, un bon service ou avec une spécialité survivront".

Pour moi, la question des heures d'ouverture n'est qu'un élément parmi un nombre de facteurs essentiels pour le succès et la rentabilité du commerce de détail. Cependant, cette question est un des rares éléments de l'ensemble que le gouvernement peut contrôler. Empêcher le commerçant qui désire ouvrir le dimanche et le soir, c'est lui enlever un degré de liberté important. La réglementation des heures d'ouverture enlève la flexibilité aux commerçants et interdit à un grand nombre de consommateurs une utilisation efficace de leur temps. Ceux qui en souffrent le plus actuellement sont les femmes au travail et les "monoparents". À la longue, les magasins risquent de voir leur chiffre d'affaires baisser avec l'évolution du marketing direct.

Finalement, j'aimerais mentionner que maintenant les universités sont ouvertes le soir et le dimanche pour permettre une meilleure utilisation de leurs ressources. En réalité, l'utilisation qui est faite de nos salles de cours, de nos bibliothèques, les soirs et les dimanches, témoigne clairement d'un besoin important, de la part de la population, des heures d'ouverture flexibles. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. Sletmo. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: On ne s'est pas compris, M. le Président.

Une voix: M. le ministre.

Mme Marois: M. le ministre.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Elle ne voulait pas lui enlever son droit...

M. Tremblay (Outremont): J'ai mentionné pour votre information, ce matin, que quelle que soit la solution retenue, elle doit être applicable, gérable et durable. C'est assez complexe d'essayer de trancher dans ce débat-là, qu'on ne voudrait pas le rouvrir dans deux ans. Alors, j'ai ajouté que la décision qu'on devra prendre devra être viable demain et également après-demain.

Je voudrais vous parler de l'après-demain. C'est ça qui est important. Vous mentionnez les perspectives du futur. Vous dites qu'il va y avoir des bouleversements importants. Vous parlez, entre autres, des ordinateurs personnels. Vous faites référence au magazine Scientific American. Au Québec, récemment, on a vu de nouvelles tendances et, plus spécifiquement, la venue de deux maisons de vente par correspondance: Les Trois Suisses, La Redoute. En pratique, on peut acheter des vêtements, différents objets par correspondance. Deuxièmement, de plus en plus, Alex va faire appel à ce que vous appelez la mise en marché directe. On voit également la venue d'un organisme qui s'appelle Club Price. Vous en pariez d'ailleurs dans un des articles qu'on a lu dans le journal Les Affaires. Ce que je voudrais savoir: après demain, c'est quand pour vous? Quand est-ce que ces bouleversements-là vont venir affecter la mise en marché des commerces existants? Je pense que votre réponse est très importante pour nous, parce que si on ne veut pas rouvrir le dossier dans deux ans, il va falloir essayer de trouver une application ou une décision qui va être gérable et viable.

M. Sletmo: Un philosophe danois a déjà mentionné qu'il était très difficile de faire des prévisions, surtout pour le futur. Je pense que d'essayer de prévoir, c'est une chose; de prévoir quand, ça devient presque impossible.

Si vous le permettez, M. le ministre, je vais vous faire un peu l'analogie avec ce qui s'est passé en Europe de l'Est tout récemment. Là, beaucoup de gens ont dit: Maintenant, il y a un grand marché qui s'est ouvert. Mais ça, ce n'est pas nouveau. Quand les journaux commencent à en parler, c'est trop tard, parce que des entreprises, heureusement aussi canadiennes, qui sont en Europe de l'Est depuis cinq ans, dix ans, y vont régulièrement. Je pense que le simple fait que, maintenant, on parle beaucoup dans les médias de ce nouveau modèle d'achat, est en soi une preuve que les bouleversements dont on

parie ont déjà commencé. L'achat par la vente est devenu une industrie en croissance très rapide et va continuer. On le voit dans beaucoup de secteurs.

M. Tremblay (Outremont): Quand on parle - vous le mentionnez et j'en ai discuté encore ce matin dans mes notes d'introduction - de l'ouverture des frontières, j'ai mentionné exactement ces mots-là, ça veut dire que dans un contexte de mondialisation des marchés, de libéralisation des échanges, les commerçants vont devoir faire face à une nouvelle forme de mise en marché. Alors, je vais vous poser la question d'une autre façon: Est-ce que vous pensez que nous, en tant que gouvernement, on doit, aujourd'hui, prendre en considération ces nouvelles tendances ou si on doit attendre l'an 2000? Est-ce qu'on est visionnaires, dans un projet de loi, ou si on attend l'an 2000, ou si ça va arriver avant? Qu'est-ce que vous nous suggéreriez?

M. Sletmo: Si vous le permettez, j'aimerais faire une analogie, ici, avec la déréglementation dans le secteur aérien. Ça a été quelque chose où moi-môme je trouvais qu'on allait très vite, mais je pense, après coup, qu'une chose qu'on a découverte, c'est que quand on veut déréglementer, l'expérience semble suggérer fortement que la meilleure façon est de le faire d'un seul coup, d'enlever la barrière d'un seul coup. Autrement, on fait des règlements par intérim, des solutions intermédiaires, et le commerce commence à se réajuster aux nouveaux règlements, et puis, il faudra peut-être, encore une fois, les réviser. Donc, je pense que l'expérience qui nous est disponible, au niveau de la déréglementation, suggère que la meilleure façon, c'est de faire vite et de faire beaucoup d'un seul trait. Il y a aussi certainement des entreprises au Québec qui sont déjà très averties de ce qui se passe dans ce domaine; II ne faudrait pas les empêcher de s'ajuster aux réalités du marché.

M. Tremblay (Outremont): Donc, demain, pour vous, c'est aujourd'hui?

M. Sletmo: Dans ce sens-là, oui.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Alors, vous, comme vos prédécesseurs, vous semblez dire que celles qui souffrent le plus de la situation actuelle, ce sont les femmes au travail et les monoparents qui sont aussi des femmes dans une très grande majorité, sauf que vous ne faites absolument aucune distinction entre les diverses hypothèses de flexibilité des heures d'affaires, soit en début de semaine soit le dimanche. Est-ce que, pour vous, c'est équivalent si le gouvernement, par exemple, était plus flexible la semaine et le dimanche, ou seulement la semaine? Est-ce que vous faites une distinction entre les deux?

M. Sletmo: Non, et si je ne fais pas cette distinction, c'est parce que je pense qu'on parle maintenant d'un problème où le marché devrait déterminer. Si on a une grande flexibilité, le marché va influencer fortement la décision des entreprises et des consommateurs dans des régions où, je pense, ce n'est même pas intéressant ni pour le consommateur ni pour le magasin d'être ouvert. Qu'on laisse le choix aux marchés qui existent.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: M. Sletmo, vous prenez une position qui est très claire, et il me semble qu'il y a toujours deux côtés à la médaille. J'aimerais savoir quels seraient, peut-être, les désavantages, si vous voyez des désavantages ou des risques à adopter la proposition que vous nous faites? Tout n'est sûrement pas parfait? Il y a des avantages que vous nous avez expliqués clairement. Est-ce qu'il y aurait des risques ou des désavantages que vous y voyez, vous, qui seraient un peu l'envers du décor, par rapport à votre proposition?

M. Sletmo: Je pense que pour le commerce de détail, aujourd'hui, il n'y a pas de doute qu'un nombre d'entreprises font face à un avenir très difficile et qu'un certain nombre d'entreprises vont disparaître. Inévitablement, comme dans tout marché, il y a des cycles, comme un peu, aussi, dans une industrie. Je pense qu'ici, ce cycle vit un peu ce qu'on appelle un "shake-out" où il y a un nombre important d'entreprises qui vont être éliminées, d'autres qui vont être gagnantes. Changer la loi pour rendre les heures d'ouverture plus flexibles accélérera peut-être ce processus. Mais ça, c'est à long terme. Je pense que ça ne change rien. Et c'est pour ça que je pense qu'il est important d'avoir la volonté d'agir maintenant, parce que ce ne sont pas les heures rigides qui vont sauver les entreprises qui ne sont pas concurrentielles. (14 h 30)

M. Bordeleau: Est-ce que vous faites un parallèle, disons, encore à ce niveau-là, avec ce qui s'est passé au niveau de la déréglementation dans le domaine aérien?

M. Sletmo: Absolument, absolument! Je pense que moi, j'étais parmi ceux qui ont dit: Écoutez, il faut déréglementer et il faut aussi regarder la solidité financière des entreprises - ce qu'on n'a pas beaucoup fait - un certain nombre d'entreprises sont disparues. Mais je dois admettre qu'aujourd'hui, maintenant, c'est peut-être la seule solution. Il y a une différence

importante entre le transport aérien et le commerce. Il n'y a pas beaucoup de place en Amérique du Nord pour de petites compagnies aériennes. Il n'y a pas vraiment beaucoup de niches. Dans le commerce de détail, il y a beaucoup de niches au plan local, et même dans les grandes villes. Donc, je ne vois pas un changement aussi fondamental de la structure.

M. Bordeleau: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Orford.

M. Benoît: Dans votre mémoire, il y a une phrase où vous dites: "...aussi parmi les consommateurs à l'effet que la déréglementation a amélioré la qualité des services, offre un plus grand choix aux consommateurs et cela, généralement, à meilleur prix." Dans un certain nombre de mémoires qu'on va avoir dans les prochaines semaines, certains démontrent que le fait qu'il y aura un plus grand nombre d'heures où le personnel devra travailler, effectivement il n'y aura pas d'économies pour le consommateur.

M. Sletmo: S'il n'y a pas d'économies pour le consommateur, je pense qu'on fait l'hypothèse que j'estime irréaliste qu'il n'y aura pas de changements dans la structure de cette industrie dans les années à venir. C'est très simple, si on prend x entreprises ouvertes durant y heures, et si maintenant vous achetez le dimanche, ils vont travailler des heures plus longues pour vendre la même quantité. Donc, ça c'est une façon statique de regarder la question. Si on accepte l'hypothèse que c'est une industrie qui fait déjà preuve de grands changements, cette hypothèse n'est plus correcte. Je pense que c'est très clair. Par exemple, prenons le dimanche. Est-ce que ce sont les mêmes ouvriers qui vont travailler le dimanche et le restant de la semaine? Il y a beaucoup de personnes qui aimeraient pouvoir travailler les fins de semaine aussi. Je pense que si on prend tout simplement l'hypothèse qu'il n'y a pas de changements dans la structure de n'importe quelle industrie, c'est très clair que d'augmenter le nombre d'heures on pourrait arriver à la conclusion que ça augmente les coûts, sauf que cet argument n'a pas de sens. Il n'y a pas une industrie qui ne vit pas un changement continuel de structure et, ici, on parie quand même d'un changement qui, je pense, est dramatique.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants du côté ministériel? M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Un dernier point. Vous parlez du commerce de détail. Si je comprends bien, par le raisonnement que vous avez fait, vous ne voyez pas de différences qui pourraient exister au niveau des heures d'ouverture entre le commerce de détail en général et le commerce de l'alimentation.

M. Sletmo: Dans le passé, on a essayé de maintenir de telles distinctions, mais je pense que la réalité démontre que, dans le marché, on ne peut pas clôturer un secteur d'un autre. Mon pays natal, c'est la Norvège, où tout est interdit le dimanche. Tout ce qu'on peut faire le dimanche, c'est aller à l'église et se promener à pied seulement. Depuis ce temps-là, ça a beaucoup changé, mais le facteur qui m'a frappé assez récemment en Norvège, c'est que, tout d'un coup, il y a des magasins vidéos partout. Comment se peut-il qu'il y ait des magasins vidéos partout en Norvège? C'est une réponse à votre question. Les magasins vidéos n'existaient pas quand on a introduit la loi. Donc, les magasins vidéos ont réussi à avoir un permis d'opérer sous une clause qui est différente. Maintenant, les magasins vidéos, ça vend de tout. Les stations d'essence en Norvège, il y en avait très peu à l'époque. Il y en avait une seule dans ma petite ville. Et elle avait donc le droit d'être ouverte à toute heure parce qu'il le fallait. Ils vendent de tout. Donc, si on essaie de segmenter, il y a certainement quelqu'un qui va réussir à trouver une autre façon de faire la chose. C'est dans ce sens-là que je pense que la solution la plus nette et la plus claire, c'est de se poser la question: Est-ce que c'est le gouvernement qui doit dire à quelqu'un, à vous ou à moi, quand i! doit aller magasiner? La réponse à ça est simple.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Un des principes fondamentaux de la loi, c'est que la loi doit être équitable. Prenons un exemple. Un article dans le journal Les Affaires, "Club Price", qui, sous la forme d'un grossiste, est ouvert le dimanche et vend de tout. Ce que vous dites, c'est que même si, en tant que gouvernement, on fait des efforts considérables pour essayer d'avoir . une loi qui se veut équitable, qui réponde aux besoins réels des consommateurs aujourd'hui et qui, évidemment, réponde à la qualité de vie, ce qui va arriver, dans un nouveau contexte d'ouverture de frontières, c'est qu'il y a quelqu'un qui va avoir de l'imagination, qui va trouver une formule pour contourner la loi et la rendre inéquitable, peut-être pas demain matin mais dans les mois à venir et, d'ici six mois, on va être obligés de rouvrir la loi pour essayer de trouver des solutions à cette inéquité-là. Est-ce ce que vous dites?

M. Sletmo: Oui, seulement j'aimerais préciser que je ne parle pas du futur dans ce cas-là.

M. Tremblay (Outremont): Non, non.

M. Sletmo: Déjà, on peut appeler aux États-Unis et commander du matériel informatique pour livraison après-demain. Je peux appeler n'importe quand. Donc, la vente directe par la poste est déjà en place, et c'est une vente qui est aussi transfrontalière.

M. Tremblay (Outremont): Si on fait abstraction de l'alimentation, en pratique, ce que ça veut dire, si on avait une loi, par exemple, qui disait: On ferme les commerces de détail autres que l'alimentation, à titre d'exemple, le dimanche, rien n'empêcherait Pascal de continuer à faire de la publicité dans le journal pour dire: Si vous voulez acheter tel meuble, écrivez-nous. On pourrait prendre les commandes le dimanche et les livrer le lundi.

Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps ministériel étant écoulé, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui, merci, M. Sletmo, de votre contribution à nos travaux. On s'entend bien que vous suggérez essentiellement que tout soit déréglementé en ce qui a trait aux commerces de détail sans faire aucune espèce d'exception ni à l'alimentation ni aux produits qui seraient considérés comme essentiels ou quoi que ce soit. Votre point de vue, c'est que le consommateur, le marché, le vendeur, tout le monde sera gagnant au fait que l'on déréglemente complètement le secteur.

M. Sletmo: Comme principe, oui, j'admets volontiers qu'on puisse imaginer des situations où, peut-être, celui ou celle qui rédige un article donné pourrait avoir des problèmes particuliers. Comme principe, oui.

Mme Marois: D'accord. Mais, évidemment, vous défendez ce point de vue-là - et je veux bien comprendre - sous l'angle peut-être davantage du producteur ou du vendeur quant, entre autres, aux transformations structurelles que vous mentionniez tout à l'heure en faisant abstraction, à ce moment-ci, des besoins des consommateurs à d'autres niveaux. Là, je vous ramène à mon intervention de ce matin. Est-ce que, dans la balance des avantages et des inconvénients - il y a un collègue d'en face qui posait la question - le fait qu'on s'entende sur certaines valeurs reliées à la qualité de la vie pour se dire, par exemple, qu'il y a une journée, sur laquelle on s'entend comme société, où on va réduire les activités de type commercial, n'empêchant pas de jouer tous les autres facteurs dont vous parlez en dehors de ce moment-là?

M. Sletmo: Je regrette, je n'ai pas eu le privilège de vous écouter ce matin, mais je suis sensible quand même à cette question de la qualité de la vie, sauf que j'ai beaucoup de difficultés avec cette question de la qualité de vie. Je viens moi-même d'un milieu qui était anticommerce. On était des cultivateurs et des pêcheurs; c'était un travail honnête. Tout le reste, c'étaient des intermédiaires et des grossistes qui étaient riches. Je viens d'un milieu où l'idée de pouvoir prendre une bière le dimanche, c'était même impensable. Ce serait la fin du monde. Je pense que maintenant...

Mme Marois: II fut un temps où c'était notre cas aussi.

M. Sletmo: Je suis venu au Québec de passage, de New York vers la Norvège, et je me sens parfaitement chez moi. Je pense qu'il y a des parallèles des pays nordiques. Quand on parle de la qualité de la vie, je pense qu'on oublie souvent que le commerce de détail fait partie de la qualité de la vie. Une ville sans commerce est une ville morte, une ville parfaitement morte. On sait que les gens d'Ottawa avaient la tradition de tous quitter la ville le vendredi, semble-t-il, ceux qui étaient mobiles, pour venir à Montréal, parce que Montréal, c'est une ville vibrante. Pour moi, une ville où des magasins sont ouverts le dimanche, c'est intéressant.

On n'est pas dans l'obligation de le faire. On a toujours les Laurentides, on peut y chercher la solitude. Je ne vois pas pourquoi on m'imposerait une solitude cette journée-là. C'est dans ce sens-là que j'ai beaucoup de difficultés à voir la question de la qualité de la vie. Si vous permettez, quelqu'un a attiré mon attention sur un livre que je trouve fascinant, Blue Laws que vous connaissez probablement, par un M. Laband qui a essayé de tout étudier, incluant la présence à l'église dans les États où les magasins sont ouverts le dimanche, et les corrélations sont loins d'être claires. Il arrive même à des conclusions parfaitement surprenantes que peut-être on va un peu plus à l'église dans les Etats où on peut en même temps magasiner. C'est très américain d'aller magasiner et ensuite d'aller à l'église. Pour moi, il n'y a pas de conflit entre les deux.

Le Président (M. Bélanger): L'ouverture des églises ne fait pas partie de notre mandat.

M. Sletmo: Je m'excuse! Mme Marois: Non. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: On laissera ça à d'autres. Mais là, vous admettrez avec moi qu'il y a d'autres types d'activités aussi qui sont tout aussi intéressantes que le commerce...

M. Sletmo: Oui.

Mme Marois: ...qui n'est pas une activité malsaine, loin de là - et j'espère que jamais mon propos n'a pu être entendu de cette façon-là - mais il y a d'autres activités de type loisir, de type culturel...

M. Sletmo: Oui.

Mme Marois: ...qui peuvent faire vibrer tout autant une ville et sa vie.

M. Sletmo: Oui.

Mme Marois: On va convenir de ça aussi. Bon. Et qui fait - vous comprendrez mon point de vue aussi - que, bien sûr, ça va accaparer un certain nombre de travailleurs et de travailleuses qui seront à ce moment-là actifs pour rendre ces services culturels, mais qu'on va libérer ceux et celles qui sont dans les commerces de détail, sauf pour l'essentiel, de telle sorte qu'ils puissent collectivement et individuellement profiter d'un moment d'échanges, d'un moment de repos et aussi d'un moment de participation à la vie culturelle. Or, c'était plus sous cet angle-là qu'autrement que je présentais mon point de vue ce matin, sans nécessairement ce rappel à nos origines religieuses qui restent encore pour un certain nombre, effectivement, un choix.

Moi, il y a une chose avec laquelle j'ai un petit peu de difficulté dans votre intervention. Et là, si vous avez des données, j'aimerais ça que vous nous éclairiez à cet égard-là. Vous parlez de la réglementation et de la déréglementation - bien sûr, ça va de soi et au point de vue que vous défendez - et vous parlez, entre autres, des services aériens. Dans votre document, je ne dis pas que vous faites le lien immédiatement, mais vous dites: Ça améliore la qualité des services. Ça offre souvent un plus grand choix aux consommateurs et cela, généralement, à meilleur prix.

Si on prend actuellement les services aériens - à moins que j'erre - je ne crois pas, tant aux États-Unis d'ailleurs qu'ici au Québec et dans le reste du Canada, que cela ait nécessairement eu un impact à la baisse sur les prix. Cela en a eu un temps pour aller s'accaparer des parts de marché, mais ce n'est plus le cas maintenant.

M. Sletmo: Là, on pourrait s'en reparler longuement.

Mme Marois: Pardon?

M. Sletmo: Je suis d'accord avec vous que c'est très difficile de faire une conclusion, mais quand on regarde quand même la quantité d'études qui existent là-dessus, entre autres celles qu'a publiées le Congrès américain, je pense que, de façon générale, l'énoncé s'avère correct quand on ajuste pour l'inflation.

Mme Marois: Vous voulez dire que ça s'avère correct dans le sens où il y a une baisse...

M. Sletmo: Oui.

Mme Marois: ...réelle...

M. Sletmo: Une tendance.

Mme Marois:.Une tendance, d'accord.

M. Sletmo: Une tendance globale vers la baisse. Il y a des exceptions, mais la tendance générale est claire.

Mme Marois: D'accord. Remarquez que ce serait intéressant de les avoir, ces chiffres-là, et c'est pour ça que j'ai mis un point d'interrogation à cet égard-là. Les études dont j'ai entendu parler dernièrement, je ne les ai pas là, mais c'est suite à des entrevues ou des trucs que j'entendais lors d'échanges dans les médias; on semblait dire que cette baisse était plutôt dépassée maintenant et qu'on vivait un autre phénomène. Alors, on ne fera pas la bataille des chiffres puisqu'on ne les a pas devant nous à ce moment-ci.

Quand vous dites, et ça semble un peu contradictoire... Dans votre document, à la page 3, vous dites: il y a une "importance accrue des produits haut de gamme", donc "une bifurcation", à cet égard, "du commerce de détail" et, dans votre résumé, vous dites, en vous référant au titre du New York Times: Seulement les commerçants avec des bas prix, bon service ou avec une spécialité survivront. J'essaie de voir s'il n'y a pas contradiction, à ce moment-là, dans votre point de vue ou dans les conclusions que vous en tirez. Expliquez-moi un petit peu pourquoi vous arrivez là. (14 h 45)

M. Sletmo: S'il y a contradiction, c'est que ma traduction de l'anglais n'est pas bonne. Seulement les commerçants avec des bas prix, ou bon service ou avec une spécialité survivront. Le "ou" devient très important. Je m'excuse, en anglais, on est un peu moins prudent avec ces nuances.

Mme Marois: Donc, ce sont des alternatives, autrement dit.

M. Sletmo: Ce sont des alternatives et c'est là la bifurcation, comme je l'ai dit verbalement aussi. Les tendances que j'ai annoncées sont parfois contradictoires. Ce n'est pas facile de faire le résumé. Mais je dis quand même, s'il faut faire un résumé, que c'est la diversité, je pense, qui prime dans tout cela. Oui, il y a des choses qui sont, en effet, contradictoires. Mais

je pense que cette petite phrase... Mme Marois: D'accord.

M. Sletmo: ...en effet, suggère des alternatives.

Mme Marois: D'accord. Vous dites, à la page 4 de votre mémoire: "L'ordinateur personnel: travail à la maison et achats électroniques." Et vous mentionnez que, "en raison des changements démographiques et technologiques, il devient moins nécessaire de séparer le temps passé à la maison, au travail et à faire les emplettes. Le travail à la maison est une réalité qui, en toute probabilité, prendra de l'ampleur au cours des prochaines années." Sans doute, ça semble être une tendance, effectivement, qui se développe, avec, bien sûr, aussi des limites. La personne - je n'ose pas dire, je ne dis pas l'homme - est un être social qui a besoin d'échanger, de communiquer, de participer à un environnement et, dans ce sens-là, je pense que c'est limité aussi par cette réalité. Il y aura donc un équilibre. Mais on conviendra ensemble que si la personne est à la maison pour accomplir son travail, elle devrait nécessairement disposer de plus de temps pour accomplir d'autres tâches et, entre autres, l'accès à des biens de consommation, puisqu'elle évite ainsi les temps de transport, les temps où elle quitte son bureau pour aller se restaurer, etc. Donc, là encore, si ceci s'avère juste dans l'avenir, le temps que l'on dégagera permettra d'avoir accès à des biens de consommation dans un temps plus long et donc, la nécessité d'ouvrir pendant plus longtemps, pour les commerces, n'est peut-être pas utile nécessairement dans la perspective de répondre aux besoins des consommateurs et des consommatrices.

M. Sletmo: C'est une hypothèse fort intéressante, je pense même aussi réaliste pour beaucoup de personnes. De la même façon, je pense que parmi les gens qui travaillent à la maison, pas beaucoup, je crois, quelques-uns, ça inclut des gens qui, en effet, semblent être un peu solitaires de nature. L'important, ce n'est pas qu'ils aient besoin d'aller au magasin le dimanche, mais qu'ils aient, avec le temps, un accès privilégié à un système électronique qui leur permette de faire leurs emplettes à partir de leur maison. Donc, c'est pertinent, pas en termes de qualité de vie, mais, je pense, quant à la concurrence qui se fait entre le magasin et la vente directe.

Mme Marois: D'accord. Vous abordez la question de l'internationalisation du commerce de détail et j'en conviens. Vous faites référence à IKEA, à Benetton. Il y a beaucoup de grandes chaînes - ce n'est pas le cas d'IKEA - il y a beaucoup de grands noms comme ceux-là qui ont leur origine que ce soit en Italie, en Europe, aux États-Unis ou ailleurs et qui fonctionnent aussi sur la base des franchises. Donc, ce ne sont pas des magasins corporatifs. Donc, la petite unité où on retrouve un propriétaire de franchise unique est aussi une grande réalité. Donc, l'internationalisation, sous l'angle de la marque qui prend de l'expansion, c'est une chose, mais le mode de propriété et les modes de gérance, c'est une autre chose. Ça peut comporter aussi des contraintes dans la perspective d'une ouverture plus longue des heures d'affaires pour les gens qui sont les gérants ou les propriétaires de ces franchises-là. Ce n'est pas parce que le nom est internationalisé que le commerce lui-même l'est, quant à la propriété. D'accord? Et là, je ne voudrais pas qu'on reste avec cette impression-là, de ce que vous nous apportez à cet égard-là, de ce que vous tenez comme propos à un moment. D'accord?

D'autre part, comme notre commission regarde particulièrement les heures d'ouverture en ce qui trait à l'alimentation, j'ai un petit peu de difficulté à vous suivre dans le raisonnement. Évidemment, votre logique n'est pas... On ne part pas des mêmes logiques, alors c'est un peu difficile. Vous, vous dites: Oui, ouvrons tout, alimentation, commerce de détail, allons-y; on sera mieux servis, on aura de meilleurs prix, on offrira un meilleur service, etc. Nous, on dit: Là, il y a des règles qui concernent les commerces de détail, on s'attarde aux commerces d'alimentation qui créent un certain nombre de problèmes et on dit: Est-ce qu'on change les règles qui concernent, si on veut, l'alimentation?

Donc, moi, je m'arrête à l'alimentation. Quand on fait le lien avec l'alimentation et que, là, on va sur le champ de l'internationalisation des marchés, oui, bien sûr, pour un certain nombre de produits, un certain nombre de réalités, mais vous admettrez qu'on est quand même dans un marché captif, pas dans des réseaux de distribution captifs, ça, c'est autre chose, mais, pour le consommateur ou la consommatrice, qu'est-ce que vous voulez? C'est un marché captif. Moi, je ne vais pas acheter mes "beans" à Paris; là, je charrie, je le sais, mais cela étant dit, vous comprenez mon point de vue.

Une voix: Non.

Mme Marois: Vous ne l'acceptez pas, c'est différent.

M. Sietmo: M. le Président, est-ce que je peux?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, monsieur.

M. Sletmo: Plusieurs points Je pense que l'internationalisation, je suis d'accord avec vous, ça peut prendre beaucoup de formes. Je recon-

nais, bien sûr, la préoccupation que vous avez avec la question de l'alimentation, mais je pense que ce serait une erreur très grave de voir la question de façon trop limitée. Parce que quand on parle d'un secteur aussi important que l'alimentation, on ne peut pas le voir complètement isolé du reste. Je pense aussi que ce n'est pas une question, pour le consommateur canadien, d'aller magasiner à Paris, mais je pense que la possibilité que des entreprises de l'extérieur, même dans l'alimentation, viennent s'installer ici, c'est fort réel. Donc, la préoccupation que j'ai... J'admets que là je simplifie beaucoup, nous n'avons même pas...

Mme Marois: On le fait mutuellement.

M. Sletmo: ...une bonne leçon...

Mme Marois: On n'a pas le choix, parfois.

M. Sletmo: On doit simplifier. Mais pour moi, tout ce qui touche à la restructuration du secteur du commerce de détail devient important. Maintenant, l'alimentation... On parle en même temps des grands magasins, etc. Donc, dans ce sens-là, je suis tout à fait d'accord avec... Disons que je reconnais les réserves que vous pouvez avoir, mais |e pense qu'en même temps les facteurs que je mentionnais demeurent très importants dans la considération de ce que devrait être la réglementation dans ce secteur du commerce des produits alimentaires.

Mme Marois: D'accord. Je pense que mon collègue a une question.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui. J'ai une simple question, pour bien comprendre ce que vous présentez dans le mémoire. Mais avant, j'aurais une réflexion. Quand le ministre a parlé de vente par catalogue, comme étant des choses d'avenir, j'ai été un peu surpris parce qu'il me semblait que ma mère achetait chez Eaton et qu'il y a de mes amis qui achètent chez Sears.

M. Sletmo: Oui.

M. Jolivet: Alors, ce n'est pas ça, je pense...

M. Sletmo: Rien de nouveau.

M. Jolivet: Oui, c'est ça. La deuxième partie, cependant, de ma question est plus directe, celle-là. Quand vous parlez d'ouvrir continuellement, c'est-à-dire de façon à libéraliser le secteur et de l'alimentation et des autres genres de commerce, est-ce que vous allez jusqu'à dire que ça permettrait à qui que ce soit d'ouvrir 24 heures sur 24, comme on le connaît ailleurs dans des secteurs américains, en particulier, dans les secteurs touristiques? Est-ce que ça irait jusque là dans votre tête, la proposition que vous faites?

M. Sletmo: Ça irait jusque là.

M. Jolivet: C'est rien que ça que je voulais savoir.

Mme Marois: Alors, merci, ça va, pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, si vous voulez remercier nos invités, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Certainement. Je vous remercie, M. Sletmo, de votre contribution et de votre point de vue, que - vous aurez constaté - je ne partage pas. Mais je pense que du choc des idées, parfois, peut jaillir de nouvelles façons de faire qui seront sûrement plus riches pour la société québécoise. Merci beaucoup de votre intervention.

Le Président (M. Bélanger): Alors merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Alors, M. Sletmo, j'aimerais vous remercier pour la clarté de votre exposé. Personnellement, je n'ai pas de misère à vous suivre parce que j'ai une ouverture d'esprit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! s'il vous plaît!

M. Tremblay (Outremont): Les questions que je retiens, dans la décision que nous aurons à prendre, sont les suivantes: 1° Sommes-nous prêts, au Québec, à une libéralisation totale des heures d'ouverture de tous les commerces de détail? Je pose cette question. 2° Avons-nous le choix, considérant l'ouverture de nos frontières et la libéralisation des échanges? Troisième question que je me pose: Peut-on tout prévoir dans un projet de loi, considérant l'imagination des gens d'affaires? Alors sur ça, encore une fois, je vous remercie beaucoup, et on va sûrement prendre en considération votre exposé dans la décision que nous allons avoir à prendre. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. Sletmo, la commission de l'économie et du travail vous remercie de votre participation. J'inviterais nos prochains témoins à la table des témoins, soit l'Ordre des pharmaciens du Québec, représenté par le Dr Claude Lafontaine, pharmacien, qui est le président de l'organisme, Mme Janine Matte, pharmacienne, qui est la première vice-prési-

dente, M. François Schubert, pharmacien, second vice-président, et M. Alain Boisvert, pharmacien, directeur général et secrétaire. On suspend une minute pour permettre aux invités de faire l'échange. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 55)

(Reprisée 14 h 59)

Le Président (M. Bélanger): A l'ordre! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place pour que nous recevions l'Ordre des pharmaciens du Québec. S'il vous plaît. M. le député de Saint-Maurice, s'il vous plaît. Nous recevons donc les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Si vous voulez bien vous identifier. Vous avez ensuite 20 minutes pour procéder à la présentation de votre mémoire et il y a une période d'échanges de propos avec les parlementaires. Alors si vous voulez d'abord vous identifier avant de commencer. Je vous en prie.

Ordre des pharmaciens du Québec

M. Lafontaine (Claude): Mon nom est Claude Lafontaine. Je suis président de l'Ordre des pharmaciens du Québec. À ma gauche, M. Alain Boisvert, qui est secrétaire et directeur général de l'Ordre. Mme Matte et M. Schubert, malheureusement, n'ont pas pu être ici aujourd'hui.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de cette commission, il me fait plaisir, à titre de président de l'Ordre des pharmaciens du Québec, de communiquer à la commission de l'économie et du travail la position de notre corporation sur d'éventuels amendements à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

L'Ordre des pharmaciens du Québec est une corporation professionnelle constituée en vertu de l'article 24 du Code des professions, et sa principale fonction consiste à assurer la protection du public, notamment en contrôlant l'exercice de la profession de pharmacien par ses membres. L'Ordre n'a donc aucune mission commerciale. Son intervention dans des débats commerciaux ne trouve de justification que dans leur impact sur l'intégrité des services professionnels rendus par les pharmaciens. (15 heures)

Les positions que nous exprimerons ici se limiteront, par conséquent, au mandat confié par le législateur à notre Ordre et ne toucheront pas aux retombées commerciales de la loi sur les heures d'affaires. L'Ordre des pharmaciens du Québec compte 4530 membres, dont 3062 oeuvrent en pharmacie communautaire; de ce nombre, 1231 sont propriétaires de pharmacie.

La notion de service pharmaceutique mérite d'être éclaircie. Bien que souvent perçu comme une activité commerciale, l'exercice de la phar- macie en milieu communautaire constitue avant tout un acte professionnel défini comme suit à l'article 17 de la Loi sur la pharmacie: "Constitue l'exercice de la pharmacie tout acte qui a pour objet de préparer ou de vendre, en exécution ou non d'une ordonnance, un médicament ou un poison. "L'exercice de la pharmacie comprend, premièrement, la communication de renseignements sur l'usage prescrit ou, à défaut d'ordonnance, sur l'usage reconnu des médicaments ou des poisons, de même, deuxièmement, que la constitution d'un dossier pour chaque personne à qui un pharmacien livre des médicaments ou des poisons sur ordonnance et, finalement, l'étude pharmacologique de ce dossier."

Cette définition légale fait de la pharmacie, l'une de ces professions dont l'exercice comprend à la fois la dispensation d'un bien et la fourniture de services directement liés à la préparation, au contrôle et au bon usage de ce bien. Ces deux aspects sont indissociables et ils revêtent, en outre, un caractère essentiel pour le public.

En effet, la pharmacothérapie s'avère le traitement fondamental d'un grand nombre de maladies, et l'efficacité de notre système de santé repose, pour une large part, sur un approvisionnement continu en médicaments et en services pharmaceutiques. Plusieurs traitements médicaux nécessitent l'administration immédiate de médicaments; d'autres nécessitent leur prise continue. Dans ces cas, le renouvellement d'une ordonnance, quoique routinier, doit également être considéré comme critique à la bonne santé du malade.

Il est donc juste d'affirmer que les services professionnels du pharmacien sont essentiels à la société et qu'ils doivent être librement accessibles en tout temps.

Ce principe de base est reconnu par l'actuelle législation sur les heures d'affaires et n'a jamais fait l'objet de remises en question, dans la mesure où il touche à la fourniture de médicaments ou d'autres produits jugés nécessaires à la santé.

Il est à noter, comme le stipule la Loi sur la pharmacie, que le service pharmaceutique englobe aussi bien la fourniture de médicaments en vente libre que sur ordonnance. Bien que les premiers soient, en général, utilisés au traitement d'affections bénignes et autolimitatives, ils sont souvent très utiles au confort, au bien-être et au bon fonctionnement de la personne qui les consomme. C'est le cas, par exemple, des analgésiques, des décongestionnants ou des antitus-sifs. Parfois, ils peuvent même s'avérer vitaux: l'insuline pour les diabétiques en est un exemple. Le caractère essentiel des services pharmaceutiques touche aussi bien la vente sans ordonnance d'un médicament que l'exécution d'une ordonnance. Dans les deux cas, le pharmacien est appelé à conseiller son client, car il lui fournit

un bien dont l'impact sur sa santé et son bien-être peut s'avérer considérable.

Les services essentiels du pharmacien se diversifient de plus en plus et incluent maintenant des mesures de l'efficacité des traitements médicamenteux. La fourniture de dispositifs spécialisés facilitant leur administration ou de dispositifs médicaux divers - les orthèses, les produits pour les stomisés, les inhalateurs, les pansements - constituent des services d'appoint de plus en plus importants.

Conséquemment, le réseau des pharmacies québécoises doit être perçu comme un prolongement du réseau des établissements de santé. Il entretient d'ailleurs avec ces derniers une interaction de plus en plus soutenue dans le meilleur intérêt du public.

Et maintenant, M. le Président, nous rappellerons aux membres de cette commission les principaux points du règlement concernant la tenue des pharmacies. La plupart des pharmacies québécoises sont situées dans des locaux où ont cours d'autres activités commerciales. Depuis les années soixante-dix, la surface consacrée à ces activités commerciales alimentation, photographie, kiosques de journaux, produits d'utilités diverses - a eu tendance à augmenter, atteignant souvent entre 5000 et 10 000 pieds carrés. La juxtaposition de telles entités commerciales et de locaux où s'exercent des activités professionnelles essentielles à la santé a forcé le législateur à définir un cadre de référence pour ces derniers. Tel est l'objet du Règlement sur la tenue des pharmacies. Les grandes lignes de ce règlement sont les suivantes:

Premièrement, la pharmacie est définie comme l'endroit où, conformément à l'article 17 de la Loi sur la pharmacie, un pharmacien exerce sa profession, c'est-à-dire vend, en exécution ou non d'une ordonnance, des médicaments et fournit des services pharmaceutiques. Deuxièmement, un pharmacien ne peut tenir dans une pharmacie autre chose que des médicaments, des poisons et des produits pharmaceutiques. Troisièmement, une pharmacie doit être tenue dans un lieu distinct et indépendant de tout autre local. Un lieu distinct et indépendant se définit comme "constitué de murs fixes, d'une hauteur minimale de 2,13 mètres - ce qui veut dire à peu près 7 pieds - et se touchant les uns les autres de manière à former un local donnant accès par une ou plusieurs portes sur une voie publique, un corridor ou un autre local." Dans bien des cas, cet autre local constitue de fait la section commerciale. Quatrièmement, un pharmacien propriétaire doit afficher ses heures d'ouverture à l'intérieur de l'immeuble où est située sa pharmacie. Je vous rappelle que, tout au long de notre mémoire, le mot "pharmacie" se réfère exclusivement à cette définition, c'est-à-dire à la section où le pharmacien exerce son activité professionnelle.

Il découle de ce règlement que le légis- lateur a clairement indiqué qu'une pharmacie est un endroit défini avant tout par les services professionnels qui s'y rendent, et que ces services, ainsi que les produits qui s'y rattachent, doivent être offerts dans un local à vocation distincte. Une application stricte de ce principe que proposait l'Ordre des pharmaciens, en 1975, aurait mené à la séparation complète des activités professionnelles exercées dans la pharmacie et des activités commerciales. Cette application stricte aurait par contre impliqué des réaménagements majeurs dans bon nombre d'établissements. Par compromis, le législateur de l'époque opta pour une séparation plus discrète des deux locaux, qui résulta en la situation que nous connaissons actuellement. Les murs utilisés consistent principalement en des panneaux de plexiglas transparents qui définissent un périmètre autour de la pharmacie. Dans la majorité des cas, ce périmètre est inclus dans un local commercial. S'il n'est pas toujours évident, le mur délimitant la pharmacie en détermine néanmoins l'encadrement légal, puisque seul le local professionnel qu'il circonscrit tombe sous le coup de l'application de la Loi sur la pharmacie et de ses règlements et sous la juridiction de l'Ordre des pharmaciens. Il s'avère également utile en assurant le regroupement des médicaments dans l'entourage immédiat du pharmacien.

Une faiblesse majeure du Règlement sur la tenue des pharmacies est justement l'absence de définition des termes "produits pharmaceutiques" mentionnés à l'article 2,01 de ce règlement. Cet article précise qu"'un pharmacien ne peut tenir dans une pharmacie autre chose que des médicaments, des poisons et des produits pharmaceutiques". Cette lacune crée une importante zone grise. Qu'advient-il, en effet, des suppléments alimentaires, des dispositifs médicaux, des orthèses, de certains produits d'hygiène, et le reste? Sont-ils des produits pharmaceutiques? En l'absence d'une telle définition, l'encadrement de la tenue des pharmacies s'avère difficile et subjectif. Afin de pallier cette lacune, l'Ordre des pharmaciens proposait, en 1986, des amendements au Règlement sur la tenue des pharmacies, qui définissent comme suit les produits pharmaceutiques: 1° les instruments médicaux au sens de l'article 2 de la Loi sur les aliments et drogues; 2° les suppléments diététiques; 3° les articles hygiéniques et sanitaires et, finalement, les cosmétiques au sens de l'article 2 de la Loi sur les aliments et drogues.

Ce projet de règlement fut publié dans la Gazette officielle du Québec le 17 décembre 1986, mais il demeure toujours à l'étude par le ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Nous croyons que sa ratification serait très utile à la résolution de certains problèmes actuellement étudiés par cette commission.

En conclusion, la position de l'Ordre des pharmaciens est simple et claire. Compte tenu du

caractère essentiel pour la population québécoise des services pharmaceutiques, l'Ordre des pharmaciens du Québec considère que les heures d'affaires de la section professionnelle des pharmacies, telles que définies dans le Règlement sur la tenue des pharmacies, ne doivent être assujetties à aucune limitation. Les exemptions touchant la pharmacie dans la Loi sur les heures d'affaires doivent donc être maintenues. Ce principe doit être reconnu dans l'ensemble du Québec. Toute dérogation à cette recommandation résulterait en des conséquences graves pour la population et pour l'État. En effet, l'incapacité pour les malades de recourir aux services offerts par le réseau privé des pharmacies québécoises, hors des heures actuelles d'ouverture, les forcerait à recourir aux services offerts par les cliniques d'urgence des établissements de santé. L'engorgement de celles-ci constitue déjà un problème suffisamment grave pour que l'on évite de l'exacerber.

L'Ordre des pharmaciens du Québec recommande de plus que les termes "produits pharmaceutiques" soient définis dans le Règlement sur la tenue des pharmacies. Nous considérons que la définition proposée dans la Gazette officielle du Québec est toujours valable et nous nous tenons à la disposition du gouvernement si un complément de discussion et d'information devait s'avérer nécessaire.

En terminant, je remercie la commission de l'attention qu'elle a eu l'obligeance d'accorder à notre mémoire et l'assure de la collaboration entière de l'Ordre des pharmaciens du Québec dans la poursuite de son mandat, lequel consiste essentiellement à assurer la protection du public en matière de services pharmaceutiques Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): On vous remercie, M. Lafontaine. Nous passons maintenant à M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Merci, M. Lafontaine. J'ai plusieurs petites questions. Je vais vous les donner pour que vous puissiez voir l'ensemble. La première, c'est plus un commentaire pour vous dire que le législateur a toujours reconnu le caractère essentiel de vos services. Ce qui est intéressant, c'est que, même si les pharmacies ont le droit d'ouvrir vingt-quatre heures par jour, sept jours par semaine, au meilleur de ma connaissance, à part la pharmacie Montréal qui continue d'ouvrir vingt-quatre heures par jour, sept jours par semaine, il n'y en a pas d'autres. Et ce qui est plus intéressant, c'est que, même si vous avez le droit d'ouvrir le dimanche, dans plusieurs quartiers, les pharmacies s'entendent entre elles pour qu'il n'y ait qu'une seule pharmacie d'ouverte. Donc, même si vous avez la libéralisation totale dans vos activités, je pense qu'il n'y a pas eu d'abus et que les pharmaciens, entre eux, se sont autodis- ciplinés.

Mes questions sont les suivantes La première, combien de pharmacies répondent à vos critères, uniquement à vos critères? Si on se limitait aux activités clairement exposées dans votre mémoire, combien y a-t-il de ces pharmacies-là? Deuxièmement, est-ce que c'est viable à moyen terme, d'après vous? Troisièmement, comment expliquer que d'aulres pharmaciens vont venir nous exposer - et je fais référence spéci fiquement aux pharmacies d'escompte - que les activités pures de pharmacies ne sont pas rentables et qu'il faut qu'il y ait d'autres activités pour subventionner les opérations dites de pharmacie? Ma dernière question: Quand vous parlez d'une définition de produits, est-ce que ce que vous me dites que, par exemple, des aspirines - définitivement, d'après moi, c'est compris dans votre définition de produits - ça devrait être vendu uniquement dans des pharmacies et non plus vendu dans des supermarchés? Et si ça peut encore être vendu dans des supermarchés, est-ce que vous pouvez reprocher à des pharmaciens, par légitime défense, de commencer à vendre dans leurs pharmacies des produits qui sont vendus dans les supermarchés pour attirer une clientèle dans leurs pharmacies? (15 h 15)

M. Lafontaine: Ça fait beaucoup de questions.

M. Tremblay (Outremont): Oui, oui, ce sont des questions importantes.

M. Lafontaine: Combien de pharmacies pratiquent uniquement la pharmacie? Je crois que c'est à peu près 15 % des pharmacies. C'est ce qu'on appelle, nous, des pharmacies cliniques qui sont situées à côté ou à l'intérieur de cliniques médicales, qui se contentent de vendre uniquement des médicaments, certains petits produits d'hygiène... 15 %, ça doit faire à peu près 200.

Une voix: 200 à 300.

M. Tremblay (Outremont): S'il y en a 15 %, est-ce qu'on pourrait déduire que c'est parce qu'elles sont à côté dune clinique qui crée un marché captif pour ces pharmacies-là qu'elles peuvent survivre, par opposition à une pharmacie de quartier où il n'y a pas justement de marché captif généré par une clinique?

M. Lafontaine: Ce n'est pas un marché captif. Il y a des enquêtes qui ont été faites, depuis huit ans, par la compagnie Upjohn, et les résultats sont toujours donnés au congrès de l'Association pharmaceutique canadienne: 85 % des gens sont fidèles à leur pharmacien. Alors, les pharmacies de cliniques ne constituent pas des marchés captifs. Les gens vont chez leur pharmacien. Maintenant, vous me dites: Est-ce

que c'est viable? Il y a 1412 pharmacies actuellement au Québec. S'il ne se vendait que des médicaments, c'est sûr qu'il n'y aurait pas de place pour 1400 pharmacies, s'il y avait seulement des médicaments. Les médicaments et les produits pharmaceutiques, les produits d'hygiène, si on entre tout ça dans la pharmacie, là, ça peut être différent. Pourquoi d'autres vont venir vous dire...

M. Tremblay (Outremont): Vous me dites, enfin, que ce serait... Enfin, il n'y aurait pas un marché pour 1400 pharmacies. Donc, par légitime défense, comme tout bon commerçant... Parce que, même si le pharmacien a un caractère professionnel et je le reconnais, c'est également un commerçant. Alors, pour diversifier ses opérations et profiter au maximum de sa superficie, il a commencé à vendre d'autres produits pour rentabiliser ses opérations. Alors, est-ce qu'on peut reprocher à ces personnes-là d'avoir fait ça? Je pose la question. Je ne porte pas de jugement.

M. Lafontaine: C'est clair et net que ce n'est pas nécessaire en tout cas d'avoir 10 000 pieds carrés pour faire de la pharmacie. Je pense que ça, on peut l'établir. On pourrait donner tous les services essentiels et tous les services d'appoint. J'ai fait la différence tout à l'heure, les orthèses, les appareils pour les stomisés, tout ça, bon; vendre des glucomètres, expliquer un glucomètre à quelqu'un, un tensiomètre, ce sont tous des services d'appoint. Je crois qu'on pourrait offrir tout ça dans à peu près 1500 pieds carrés.

M. Tremblay (Outremont): Et ça serait rentable.

M. Lafontaine: Oui. Si M. Boisvert veut ajouter quelque chose.

M. Boisvert (Alain): Oui, peut-être que j'aimerais ajouter que l'équation entre rentabilité et contribution de la partie commerciale varie à l'intérieur même des catégories de pharmacies. Contrairement à ce qui peut sembler apparent, ce ne sont pas toutes les pharmacies de grande surface qui sont rentables. Certaines encaissent même des pertes assez considérables à chaque année et doivent fermer, alors que de petites pharmacies vont être extrêmement rentables. Il est évident que si la partie commerciale devait disparaître ou si on devait en fermer l'accès à certains moments de la semaine, ce ne sont pas toutes les parties professionnelles qui pourraient justifier des heures d'ouverture très larges. Vous l'avez fait remarquer vous-même, dans les endroits où l'accès à cette partie professionnelle n'est pas réglementée, il y a quand même consensus, dans certains cas, pour que des services de garde s'offrent et que, les dimanches en particulier, seuls les services essentiels soient offerts dans un certain nombre de pharmacies plutôt que dans l'ensemble.

Mais il nous apparaît toujours un peu hasardeux d'affirmer en bloc que la partie commerciale d'une grande surface est absolument essentielle à la rentabilité de la pharmacie. Ce n'est pas vrai dans l'ensemble des pharmacies. Il y a d'autres éléments qui entrent en ligne de compte dans la rentabilité de la pharmacie: la localisation de la pharmacie, sa proximité des marchés. Sa proximité d'autres services de santé comme les bureaux de médecins, par exemple, sont des déterminants importants de la rentabilité d'une pharmacie. Donc, l'affirmation nous apparaît un petit peu radicale.

M. Tremblay (Outremont): Vous avez mentionné qu'il y a évidemment des grandes pharmacies, des grandes surfaces qui ferment, mais il y a également beaucoup de petites pharmacies qui ferment. Habituellement, le pharmacien va travailler comme pharmacien salarié dans une grande surface. Ces petites pharmacies qui survivent, est-ce qu'elles vendent uniquement des produits pharmaceutiques?

M. Boisvert: Souvent, celles qui survivent sont des pharmacies clairement axées sur le service professionnel, donc, habituellement, des pharmacies qui sont supportées par un achalandage généré par la proximité des bureaux de médecins, d'une clinique médicale ou une localisation particulière.

M. Tremblay (Outremont): Mais si on se fie à ce que M. Lafontaine a dit, si c'était uniquement ça, il n'y aurait pas un marché pour 1400 pharmaciens.

M. Boisvert: Non. Nous avons probablement un léger surplus de pharmacies, à l'heure actuelle, au Québec. Depuis juillet dernier, nous "moni-torons" les ouvertures et les fermetures de pharmacies au Québec. Et depuis juillet dernier, la tendance est à la fermeture. Donc, le cheptel de pharmacies québécois va en réduisant, si on peut utiliser cette expression. Mais les pharmacies qui vont fermer ne sont pas nécessairement des pharmacies de petite surface. Ce sont surtout des pharmacies... Il y a une polarisation qui se fait présentement entre la grande surface, d'une part, et la pharmacie intégrée dans d'autres services professionnels; cette polarisation-là s'en vient de plus en plus nette. Alors, ce sont ceux qui sont situés au milieu qui sont les victimes.

M. Tremblay (Outremont): Alors, juste la dernière question que j'avais posée, pour être certain qu'on ne l'oublie pas. Dans cette optique-là, le pharmacien qui, par légitime défense, décide de vendre des produits autres que des produits pharmaceutiques, parce qu'il y a des

produits pharmaceutiques, l'aspirine, par exemple, et d'autres qui sont vendus dans des supermarchés, qu'est-ce qu'on fait avec? Comment on va faire pour gérer la loi autrement que par des séparations de plexiglas?

M. Lafontaine: Si, demain matin, des gens décidaient d'ouvrir des pharmacies de 20 000 pieds carrés, qu'est-ce qu'ils vont faire, croyez-vous? Ils vont peut-être vendre des automobiles. Est-ce qu'on va défendre les automobiles, nous, dans deux ans d'ici parce qu'il y a des pharmacies de 20 000 pieds carrés, en contrepartie? Je pense que le problème de l'aspirine que vous posez, c'est un problème actuel. Nous, comme pharmaciens, on doit défendre la position de l'aspect professionnel, des dangers de l'aspirine. Et on préfère que les gens s'approvisionnent en aspirine dans des pharmacies où ils peuvent recevoir les conseils du pharmacien. C'est pour ça d'ailleurs que nous avons un autre mémoire qui a été envoyé à l'Office des professions pour la constitution d'annexés de médicaments: des médicaments vendus uniquement sur ordonnance, des médicaments vendus exclusivement en pharmacie, mais derrière le comptoir seulement, et des médicaments qui peuvent être vendus en pharmacie. Cette question de l'aspirine, moi, je peux vous dire, M. le ministre, que si les pharmaciens jouent bien leur rôle professionnel, les gens vont s'enquérir auprès de leur pharmacien et...

M. Tremblay (Outremont): Mettons que je fais abstraction de l'aspirine parce que c'est petit, ça.

M. Lafontaine: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Prenons les couches de bébé.

M. Lafontaine: Ça, ça fait partie des produits d'hygiène.

M. Tremblay (Outremont): Oui, vendus dans des pharmacies. Et vous réalisez très bien que, pour vendre des couches de bébé, c'est rendu qu'il y a sept, huit marques, il y a différents contenants. Et si vous entrez dans toutes les pharmacies, on voit que ça prend de plus en plus de place. Là, je parte d'un item. Qu'est-ce qu'on fait, là? Est-ce qu'on va dire au pharmacien: Ça prend trop de place; parce que ça n'entre pas dans les 1500 pieds carrés, ne vendez plus de couches de bébé? C'est un exemple, mais il y a d'autres...

M. Lafontaine: Ce n'est pas un service essentiel. Ce n'est même pas considéré comme un service d'appoint nécessaire. C'est un service que quelqu'un peut se procurer partout. C'est une question de prévision. Les gens n'achètent pas de couches de bébé à la dernière minute. Il me semble qu'on sait combien ça en prend par semaine. On prévoit et on achète ça d'avance.

M. Tremblay (Outremont): Je comprends, mais l'avantage de vendre... Vendre des couches de bébé, ça peut attirer des gens, et je pense que c'est ça, le but. C'est qu'ils vendent des couches parce que ça attire des gens.

M. Lafontaine: Ah bien, je comprends. Ce matin, j'entendais des arguments. Moi, je peux vous dire que si les gens qui sont ouverts le dimanche font tous leurs spéciaux le dimanche, au bout d'un an, on va dire: On a vraiment répondu aux besoins des gens, vous voyez, ils magasinent tous le dimanche. Mais ce n'est pas ça, on n'a pas répondu aux besoins, on l'a créé le besoin, on a mis tous les spéciaux le dimanche; on n'en met plus, la semaine, des spéciaux, on les met tous le dimanche. Quand est-ce que les gens vont aller magasiner? Le dimanche, ils n'iront plus la semaine.

M. Boisvert: Peut-être deux commentaires, en réponse toujours à la question de l'aspirine et une clarification aussi, au préalable. La position que l'Ordre propose ici n'est pas nécessairement antagoniste au mouvement des grandes surfaces. Ce que nous proposons à la commission, c'est une clarification de l'existence dans ce qu'on perçoit comme une entité unique, qu'on appelle la pharmacie, habituellement, de deux entités: une entité commerciale qui devrait, selon nous, être soumise aux mêmes règles que l'ensemble des autres activités commerciales, afin de respecter le principe d'équité sur lequel on a insisté beaucoup ce matin, et une entité professionnelle qui, elle, se distingue par le caractère professionnel et essentiel des services qui y sont rendus.

Quant à l'allusion, M. le ministre, que vous faisiez à la vente de médicaments hors pharmacie, je tiens à réitérer les propos de M. Lafontaine, à savoir que l'Ordre a déjà proposé au ministre responsable de l'application des lois professionnelles des modifications importantes à la législation qui encadre la pratique de la pharmacie et qui auront également des retombées sur le commerce de détail en épicerie, que nous appelons habituellement les annexes de médicaments, ces annexes étant des listes de médicaments auxquels sont assorties des conditions particulières de distribution. Selon le caractère de ces médicaments, selon leur toxicité, selon leur efficacité, selon le besoin qu'on a de les encadrer par des services professionnels, on pourra limiter certains de ces médicaments à la pharmacie seulement, alors que les médicaments bénins, qui sont utilisables pour des conditions autolimitatives et qui ne présentent aucun risque pour la population, pourraient être vendus sans

limite ou sans réglementation quant au point de distribution. L'aspirine est un bon exemple. Nous considérons que l'aspirine est un de ces médicaments qui a besoin d'une plus grande supervision professionnelle que ce qu'on lui donne présentement.

Dans le mémoire que nous avons proposé, nous proposons un mécanisme qui permettrait au législateur de mettre un peu d'ordre dans ce domaine qui en manque. Je pense qu'en contrepartie, si on réglait ce problème-là, ça aurait probablement un effet indirect sur l'autre problème que rencontre la commission, celui de la vente de produits d'alimentation dans les pharmacies. Autrement dit, si on retournait à l'alimentation ce qui est l'apanage de l'alimentation et à la pharmacie ce qui est l'apanage de la pharmacie, on lèverait peut-être un peu de l'imbroglio qui règne présentement sur ces deux milieux-là.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Nicolet. Un instant! Est-ce qu'on a consentement pour que M. le député de Nicolet...

M. Richard: Oui, je m'excuse.

M. Jolivet: Nicolet-Yamaska.

Mme Marois: Certainement, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): ...Nicolet-Yamaska. Bien!

M. Richard: Merci, M. le Président. Est-ce que vous sous-tendez ou vous dites: Nous serions prêts à recommander au gouvernement de baliser comme il faut tout ce qui est médical, peut-être sanitaire et hygiénique en fonction du milieu pharmaceutique, dans le sens large du mot, et, en contrepartie, on serait prêts à dire: tout ce qui a une tendance alimentaire ou tout ce qui a une tendance autre, de l'huile 10-W-30 avec le reste, enlevez ça du milieu qui a un caractère, actuellement, qu'on appelle grande surface pharmaceutique? Est-ce que c'est ça que vous sous-tendez, que vous seriez prêts à faire... De la part de l'Ordre.

M. Boisvert: La position... Allez-y.

M. Lafontaine: Écoutez, on n'a aucune juridiction sur la partie commerciale, on l'a bien dit dans notre mémoire. La partie commerciale, ce qu'on vient de vous dire, on a dit: Arrangez-vous avec et essayez donc de nous aider à clarifier notre situation...

M. Jolivet: C'est ça.

M. Lafontaine: ...en mettant les murs plus clairs et en définissant le terme "produit phar- maceutique". À ce moment-là, ce qui va être à l'intérieur des murs, ça, c'est la pharmacie. À l'extérieur, on ne vous demande pas de juridiction. S'il vous plaît! on a assez d'avoir juridiction à l'intérieur... À l'extérieur, faites ce que vous voulez.

M. Richard: Mais, fondamentalement, ce que vous mentionnez, c'est que, selon l'Ordre, vous seriez d'accord à être beaucoup plus vers une pharmacie de style classique, en fait, où on se préoccupe, d'abord et avant tout, du côté pharmaceutique. Vous dites, vous-même, que le côté commercial n'est pas de votre ressort et n'est pas votre préoccupation.

M. Lafontaine: On n'a aucune juridiction.

Notre juridiction est bien établie; on l'a défini, ce qu'est la pharmacie, et c'est de ça qu'on parle.

M. Richard: Maintenant, juste une question technique. Vous faisiez allusion tout à l'heure à l'aspirine. L'aspirine en pharmacie, actuellement, n'est pas de l'autre bord de la vitre transparente; elle est du côté commercial au moment où on se parle. Et vous dites que le pharmacien peut la traiter comme un médicament avec des... C'est parce que, personnellement, je constate - pour y être allé plusieurs fois - que l'aspirine est à la même place qu'un épicier peut la mettre, quelque part dans le magasin, comme on dit. (15 h 30)

M. Boisvert: Parce que l'aspirine n'est pas considérée... Il y a un article dérogatoire, une clause nonobstant, si on veut l'appeler ainsi, à l'intérieur de la Loi sur la pharmacie qui dit: "Rien dans la présente loi ne s'applique à certains médicaments, dont l'aspirine." Or, l'aspirine, présentement, est totalement déréglementée, ce qui nous apparaît incompatible avec l'intérêt du public. C'est pour ça que l'aspirine est un exemple que nous citons fréquemment.

Le Président (M. Bélanger): Le temps pour le parti ministériel étant écoulé, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je veux bien comprendre qu'à la page 5 de votre document, quand vous dites que l'Ordre a proposé, en 1986, des amendements, c'est à ceux-là que vous faites référence quand vous dites "la définition de ce que seraient les produits pharmaceutiques qui devraient être vendus exclusivement dans les pharmacies" et quand vous nous dites "une annexe de médicaments"? Est-ce que c'est à ce projet de réglementation auquel vous faites référence? Non.

M. Lafontaine: Non, non, ça, c'est en plus des médicaments.

Mme Marois: D'accord.

M. Laforttaine: Ce sont les produits pharmaceutiques, ce que sont les produits pharmaceutiques. Parce que c'est sûr que dans notre loi, on est responsable des médicaments, des poisons et des produits pharmaceutiques. Or, ce n'est pas défini, ce que constitue l'ensemble des produits pharmaceutiques. L'ensemble des médicaments, ça va bien parce qu'il y a des lois fédérales qui nous guident là-dessus. Alors là, on a les instruments médicaux, les suppléments diététiques, les articles hygiéniques et sanitaires, les cosmétiques au sens de l'article 2 de la Loi sur les aliments et drogues, et ce que nous avons suggéré au législateur.

Mme Marois: D'accord. Et ce sont ceux que l'on a retrouvés en projet de règlement qui a été publié dans la Gazette officielle, en 1986?

Une voix: Oui.

Une voix: En 1986, oui.

Mme Marois: Parlez-moi donc des cosmétiques au sens de l'article 2 de la Loi sur les aliment et drogues. Je ne suis pas une spécialiste. Vous en êtes. Vous pouvez sûrement nous aider.

M. Lafontaine: C'est défini de la façon suivante. "Comprend toute substance ou mélange de substances manufacturé, vendu ou représenté comme pouvant être employé pour embellir, purifier ou modifier le teint, la peau, les cheveux ou les dents...

Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Autant des hommes que des femmes.

M. Lafontaine: ...et comprend les désodorisants et les parfums."

Mme Marois: D'accord.

M. Boisvert: À propos des cosmétiques, le rationnel qui sous-tendait leur inclusion à l'intérieur de cette définition de produits pharmaceutiques tient au fait que certains de ces cosmétiques sont dans une zone limitrophe du statut de médicament. Je pense aux cosmétiques hypo-allergènes. Ils peuvent donc être considérés, par là porte d'en arrière - si vous me permettez l'expression - comme des produits de santé. L'Ordre conçoit cependant que l'inclusion des cosmétiques à ce chapitre-là pourrait être discutée. En acceptant certains de ces cosmétiques qui ont des indications plus particulières, il n'y a pas d'indication de santé majeure à leur inclusion dans la définition de produits phar- maceutiques.

J'aimerais seulement ajouter un autre commentaire ici. Il est important de distinguer ce projet de modification au règlement sur la tenue des pharmacies qui date de 1986 et qui vise à préciser ce qui peut être tenu à l'intérieur de la section professionnelle de la pharmacie pour distinguer justement le commercial du professionnel ou du paraprofessionnel et le projet d'annexé de médicaments, qui est un projet beaucoup plus élaboré que nous avons soumis, lui, en 1989. Le projet d'annexé de médicaments est un projet de définition de catégories de médicaments auxquelles sont assorties des conditions de distribution. Alors, c'est un projet...

Mme Marois: Quand vous dites "assorties des conditions de distribution", si vous me le permettez, je m'excuse, un peu dans le sens de ce que le député de Nicolet-Yamaska disait tout à l'heure, vous indiquez bien que tel type de médicament, telle catégorie, devrait se vendre exclusivement en pharmacie et aucunement en autre type de réseau de distribution, que ce soit le magasin d'alimentation ou le dépanneur ou quoi que ce soit.

M. Boisvert: C'est exact et, selon la toxicité ou la nature du médicament, on pourrait même, à l'intérieur de la pharmacie, assortir des conditions. Dans certains cas, le médicament sera un médicament d'ordonnance; dans certains autres cas, le médicament pourra être vendu sans ordonnance par le pharmacien, mais sans libre-service; et, dans certains cas, on pourrait même concevoir une catégorie de médicaments que nous proposons, d'ailleurs, qui seraient vendus en pharmacie seulement, mais dans la zone de libre-service. La raison justifiant cette troisième catégorie est que certains produits peuvent être utilisés en libre-service par le consommateur, mais la proximité ou l'accès à une ressource professionnelle de conseil, le pharmacien, ici, est justifiable pour ces produits-là.

Mme Marois: D'accord.

M. Boisvert: D'ailleurs, l'Ordre s'apprête à lancer un programme d'information et d'étiquetage supplémentaire d'information sur les précautions à prendre pour certains médicaments en vente libre qui sera applicable à cette dernière catégorie de médicaments vendus en libre-service, en pharmacie seulement.

Mme Marois: D'accord. Le fameux projet de règlement qui a été publié dans la Gazette officielle et qui demeure, semble-t-il. toujours à l'étude, est-ce parce qu'il avait soulevé chez vous des objections?

M. Boisvert: II a été adopté par l'Ordre des pharmaciens. Il a été retransmis à l'Office des

professions. L'Office l'avait proposé pour adoption... l'a prépublié dans la Gazette du Québec et c'est à ce moment-là que le projet...

Mme Marois: ...que le processus s'est arrêté.

M. Boisvert: ...que le processus s'est arrêté.

Mme Marois: II serait peut-être intéressant que le ministre, peut-être pas maintenant, mais à une séance ultérieure, nous dise ce qui a justifié le fait que le processus ne se soit pas poursuivi, parce qu'il y a toujours une raison. Lorsqu'on prépublie ou qu'on publie un règlement, c'est parce que le gouvernement a l'intention de connaître des points de vue, ce qui lui permet à ce moment-là de le modifier, soit parce qu'il se dit que c'est valable, ça a de l'allure et donc qu'il va procéder par la suite. Donc, il y a toujours une raison au fait qu'on ne l'applique pas ou que, au contraire, on l'applique. Or, il semble qu'il soit resté lettre morte. Alors, ce serait intéressant de savoir ce qui a justifié cela.

Le ministre vous posait la question tout à l'heure, et c'était intéressant aussi. Dans certains milieux, effectivement, il y a une alternance des heures d'ouverture entre les pharmaciens; on est de garde, etc. Est-ce que vous croyez qu'une telle pratique, advenant le cas que l'on ramène les heures d'ouverture, par exemple le dimanche, aux produits essentiels, donc les produits pharmaceutiques évidemment en feraient partie, est-ce que vous croyez que ce serait une pratique qui serait retenue chez les pharmaciens, membres de l'Ordre, que l'alternance, dans certains milieux, quant aux heures d'ouverture?

M. Lafontaine: Pour répondre à votre question. D'abord, les enquêtes faites chez des pharmaciens ont toujours démontré que les pharmaciens aiment beaucoup la pharmacie, mais travailler le dimanche, là...

Mme Marois: Ils n'aiment pas ça?

M. Lafontaine: Non. Il y en a qui l'ont fait toute leur vie, mais ça a toujours été à regret, mais ils l'ont fait pareil, par devoir. Par contre, si le système établit que les pharmacies ne peuvent pas rester ouvertes le dimanche parce que ce n'est pas rentable, c'est sûr qu'il va s'établir un mécanisme de compensation parce que nous avons, dans notre loi et nos règlements, un mécanisme qui nous permet d'organiser des services de garde.

Mme Marois: Oui.

M. Lafontaine: Les pharmaciens seraient obligés d'assurer la garde...

Mme Marois: Oui.

M. Lafontaine: ...des services pharmaceutiques. C'est clair et net. Ça ne nous posera pas de problème.

Mme Marois: Et vous croyez donc que ce serait une alternative qui serait sûrement envisagée dans les différents milieux, en s'assurant que dans des rayons d'accès corrects...

M. Lafontaine: Absolument, absolument. Mme Marois: ...ça se passerait... M. Lafontaine: Oui. Mme Marois: ...comme ça.

M. Lafontaine: D'ailleurs, dans les petites localités, H est bien connu que la population connaît très bien le numéro de téléphone personnel du pharmacien.

Mme Marois: J'imagine que, dans un contexte comme celui-là, on suggérerait aux pharmaciens d'éliminer la vente de produits comme le tabac. Je vous ai rencontré, et l'Ordre, à la commission des affaires sociales... On a eu une discussion là-dessus. Parlez-m'en donc une minute.

M. Lafontaine: Mme la Présidente, nous vous avons dit, le vendredi 16 février... Le 16? C'était le 16? Oui, oui, c'était...

Mme Marois: Oui, je crois que oui.

M. Lafontaine: ...le 16 février, oui?

Mme Marois: Oui, oui.

(15 h 45)

M. Lafontaine: Nous vous avons dit que nous avions bon espoir, d'ici six mois, de voir se retrouver sur le bureau du ministre une résolution de l'Ordre des pharmaciens qui changerait son règlement au code de déontologie. Et il semble, par le sourire de certains des membres de votre commission, que ça a paru un peu utopique. Je ne sais pas... En tous les cas. Mais je dois vous dire que le processus est enclenché et que le Bureau de l'Ordre des pharmaciens du Québec a adopté, à une très forte majorité, à sa dernière réunion, qui a été tenue le 20 février dernier, soit mardi, une résolution qui vise à modifier le code de déontologie des pharmaciens relativement à la vente de tabac dans les boutiques adjacentes aux pharmacies, donc dans la partie commerciale. Cette résolution se lit comme ceci: "Le commerce du tabac étant incompatible avec la dignité de l'exercice de la profession de pharmacien, ce dernier ne doit pas vendre ou distribuer, directement ou indirectement, notamment par personnes interposées ou

par l'entremise d'une personne morale, de tabac dans une pharmacie ou dans un local adjacent à une pharmacie." Voilà où nous sommes rendus. Je crois que d'ici 45 jours à peu près, ça devrait cheminer, ça devrait être rendu à l'Office des professions.

Mme Marois: D'accord. Merci. Je crois que mon collègue a une question à poser.

Le Président (M. Lelièvre): Oui, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Sur la question de l'alternance des pharmaciens, chez moi comme partout ailleurs, ça existait, ça, avant l'arrivée de grandes pharmacies appelées pharm-escomptes. Les pharmaciens faisaient un horaire qui permettait, le dimanche, d'être ouvert à une place ou à une autre, et on savait à quelle place c'était ouvert, de telle façon que si on avait des besoins, on allait chercher, là où c'était ouvert, les médicaments nécessaires. Ma question est la suivante... Parce qu'on va avoir d'autres mémoires, on a eu des rencontres avec des gens qui sont venus nous dire que, comme ce n'était pas rentable, il fallait en arriver à vendre d'autres choses et on en était rendu quasiment à vendre, dans certaines pharmacies, jusqu'à de la viande, du manger, etc., de telle sorte que ce n'est plus la vocation réelle des pharmaciens qui est en ligne de compte dans ces lieux actuellement ouverts. Ma question est la suivante: Est-ce que le fait de vouloir ramener à votre optique de l'Ordre des pharmaciens le travail et la vente qui devaient être faits dans ces pharmacies, ça aurait pour effet d'augmenter, comme nous disent les gens, les prix des médicaments? Est-ce que ça aurait des effets tels que, finalement, on est mieux de rester avec l'ouverture des pharmacies comme on les connaît, pharm-escomptes, etc.? Est-ce que, pour vous autres, ça aurait des effets tels que ça serait un désastre que de laisser juste la pharmacie ouverte, puis d'augmenter les médicaments en conséquence?

M. Lafontaine: Je ne crois pas qu'on puisse dire que... On parle d'ouverture, on parle de limitation d'heures, on ne parle pas d'enlever tout le côté commerce qui est à côté de la pharmacie, là?

M. Jolivet: Non, j'ai compris que vous ne voulez pas, vous. Ce que je vous pose comme question, au bout de la course, c'est qu'il y a des gens qui disent: On ne devrait ouvrir des pharmacies que pour les besoins de vente de médicaments; le reste devrait être fermé. Quand je parie de l'hypothèse, il y a des gens qui disent: On ne peut pas se permettre ça, parce qu'on vit avec l'autre à côté, pour permettre la rentabilité de ma pharmacie. Mais si on disait, comme hypothèse de départ: On ferme tout, là..

M. Lafontaine: Le dimanche.

Mme Marois: Les activités, par exemple, le dimanche.

M. Jolivet: Le dimanche.

M. Lafontaine: On parie du dimanche.

Mme Marois: On parie de tout, l'autre partie.

M. Lafontaine: Non, je ne crois pas que ça ait un effet sur l'augmentation des prix des médicaments. Ça va avoir un effet sur la réorganisation des services; il va y avoir une réallocation des services. Les gens vont s'organiser des services de garde, puis c'est ce que ça va amener.

M. Jolivet: Donc, il est faux de prétendre que la fermeture, le dimanche, de toute autre chose qui ne doit pas se vendre en pharmacie, à ce moment-là, ça aurait des effets négatifs sur le coût des médicaments.

M. Lafontaine: Si on a la définition des produits pharmaceutiques à l'intérieur de la pharmacie, je pense que ça n'aura pas d'incidence.

M. Jolivet: Merci.

Mme Marois: Oui, M. Boisvert.

M. Boisvert: Si je peux ajouter un autre commentaire sur la même question.

Le Président (M. Leclerc): M. Boisvert.

M. Boisvert: Les deux principaux déterminants du coût des médicaments sont les honoraires professionnels, qui ne sont pas affectés par la partie commerciale mais par les services professionnels que rend le pharmacien, qui sont des honoraires négociés, en tout cas en partie, avec la Régie de l'assurance-maladie. Donc, cette négociation d'honoraires, qui couvre 40 % des honoraires versés au Québec, a un effet sur les honoraires pour les patients non couverts par la Régie de l'assurance-maladie. Le deuxième déterminant, c'est le prix du médicament, qui est influencé principalement par le manufacturier et par les canaux de distribution beaucoup plus que par le point de détail. Donc, si on considère ces deux principaux déterminants dans l'économie du médicament, si vous voulez, la thèse de la subvention du laboratoire, qui est la partie la plus rentable de l'établissement par le devant, qui est une partie, finalement, assez peu rentable où, en tout cas, les marges de profit sont beaucoup moindres que sur les médicaments, c'est une thèse qui a un peu de plomb dans l'aile En

tout cas, c'est, selon nous, difficile d'établir d'une façon précise cette corrélation que d'autres groupes ont peut-être déjà proposée. Alors, il est peu probable, à notre avis, que le fait de limiter les heures d'ouverture, voire de sortir de la pharmacie certains de ces produits d'alimentation ou de commodité générale, ait une influence majeure sur l'économie du médicament. La grande surface, en pharmacie, c'est beaucoup plus un outil concurrentiel qu'une façon de rentabiliser des services professionnels.

Mme Marois: Les services pharmaceutiques.

Le Président (M. Leclerc): Bien M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Est-ce que vous pourriez nous dire si vous avez des chiffres pour nous préciser l'apport, justement, de la vente, le dimanche, de ce qui n'est pas pharmaceutique versus ce qui est pharmaceutique? Est-ce qu'il s'en vend vraiment des produits qui ne sont pas pharmaceutiques le dimanche? Est-ce qu'il s'en vend plus qu'il se vend de produits pharmaceutiques?

M. Lafontaine: La seule façon que je puisse vous répondre là-dessus, c'est de vous référer aux autres qui vont venir ici parce qu'eux autres vont venir défendre un commerce adjacent à la section professionnelle alors que nous, on n'a absolument aucune juridiction. N'ayant aucune juridiction, vous comprendrez avec moi qu'on n'est pas tellement portés à faire des enquêtes économiques sur la partie commerciale.

M. Claveau: Je comprends bien, en tout cas...

Une voix: On est intéressés pour ça, mais...

M. Lafontaine: On est intéressés, oui, mais on attend beaucoup l'argumentation des gens qui sont là pour défendre l'intérêt pécuniaire des pharmaciens. Alors, vous avez l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires; c'est le syndicat. Vous avez des groupes aussi, regroupés sous des bannières. Je pense que ces gens-là auront probablement des chiffres à vous soumettre.

M. Claveau: Pour être propriétaire d'une pharmacie, il faut être pharmacien? C'est ça?

M. Lafontaine: Oui.

M. Claveau: Est-ce que c'est vrai aussi pour toute la partie non pharmaceutique à l'intérieur de la pharmacie?

M. Lafontaine: Pour la partie non phar- maceutique?

M. Claveau: Oui.

M. Lafontaine: N'importe qui peut en avoir.

M. Claveau: O.K. Ça veut dire que n'importe qui peut avoir un commerce, une grande surface et réserver un espace à l'intérieur qui, lui, soit la propriété d'un pharmacien?

M. Lafontaine: Exact.

M. Boisvert: En fait, ce n'est pas l'espace...

M. Claveau: On pourrait retrouver des pharmacies à l'intérieur d'un Provigo, par exemple?

M. Lafontaine: Oui. Provigo pourrait dire: J'ai un local ici, un espace de 1500 pieds carrés et j'offre ça à un pharmacien. Moi, je dis à ce pharmacien: II rentre 6000 personnes par jour ici, mais tu vends uniquement des produits pharmaceutiques.

M. Claveau: Mais, dans un cas semblable, est-ce que ça veut dire que, selon le fonctionnement qu'on connaît actuellement, ça pourrait permettre à Provigo de vendre n'importe quoi?

M. Lafontaine: À l'extérieur...

Mme Marois: Ce ne serait pas Provigo. On s'entend bien que ce ne serait pas Provigo à ce moment-là, ce serait le pharmacien. Le pharmacien vendrait les produits pharmaceutiques et Provigo vendrait ses...

M. Lafontaine: À l'intérieur de ses murs, bien délimités, parce qu'il va être obligé de suivre tous nos règlements.

M. Claveau: À l'inverse, ça signifie donc, si Provigo avait une pharmacie à l'intérieur, qu'il ne pourrait pas vendre ses produits pharmaceutiques, même s'il utilise les mêmes caisses et les mêmes portes d'entrée?

M. Lafontaine: Non, non, il faudrait qu'il utilise une comptabilité différente et puis...

M. Boisvert: Légalement, ce sont deux entités distinctes, et l'Ordre fait enquête dans certains cas sur la propriété des pharmacies.

M. Claveau: Aujourd'hui, quand vous allez dans une pharmacie et que vous achetez, je ne sais pas, des couches, comme on disait tout à l'heure, ou un paquet de cigarettes, vous passez

à la même caisse que si vous allez vous acheter des pilules pour dormir.

M. Boisvert: La loi prévoit, le même règlement prévoit que si la transaction a lieu dans la partie professionnelle, le paiement de cette transaction peut avoir lieu dans un autre lieu. C'était un ajustement que le législateur a voulu dans les années soixante-dix pour, justement, s'ajuster au type de pharmacies à grande surface qui commençaient à exister à ce moment-là.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, M. le député d'Ungava, on en est, à ce moment-ci, à la conclusion de Mme la députée.

Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. Lafontaine et M. Boisvert, de votre contribution à nos travaux. C'est un autre point de vue, un autre angle vu par des professionnels plus de l'ordre de l'intervention directement auprès du public, en termes de conseillers, d'aide et d'aidants aussi, parce que le pharmacien est un aidant. Et je comprends que vous, vous dites: Ce service-là est essentiel; nous sommes prêts à l'assumer 24 heures par jour s'il le faut et nous n'avons pas besoin, pour le faire, de vendre à côté d'autres types de produits qui sortent de nos juridictions. Je vous remercie.

Le Président (M. Leclerc): Bien. M. le ministre, en conclusion.

M. Tremblay (Outremont): Alors, M. Lafontaine et M. Boisvert, je vous remercie beaucoup. Je réalise honnêtement que votre travail n'est pas facile, surtout qu'en 1984 le législateur a cru bon d'amender la Loi sur les heures d'affaires pour permettre à un certain nombre de pharmacies d'ouvrir dans un contexte qui ne semble pas répondre à vos demandes d'aujourd'hui. Ce que je vais essayer de faire, c'est de prendre en considération toutes vos remarques dans la solution que nous allons trouver et, également, je vais remettre au ministre responsable de l'application des lois professionnelles une copie de votre mémoire, parce que, si je comprends bien, on n'a pas encore répondu à votre demande concernant des modifications que vous voulez avoir. Est-ce que j'ai bien compris? On ne vous a pas répondu. En d'autres mots, même si ça a été publié dans la Gazette officielle du Québec, vous n'avez jamais reçu un écrit du ministre explicitant la raison pour laquelle il ne mettait pas en application ce règlement-là. C'est ça que vous me dites?

Une voix: C'est exact.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je vais remettre ce mémoire au ministre et lui demander de vous répondre.

Le Président (M. Leclerc): Merci. M. le ministre.

Mme Marois: Un peu à la demande, comme je le faisais tout à l'heure, vous informerez les membres de la commission. Merci.

Le Président (M. Leclerc): Bien. M. Lafontaine et M. Boisvert, au nom de la commission, je vous remercie et je vous souhaite un bon retour à la maison.

Nous suspendons une minute, question de permettre à la Fédération des coopératives québécoises en milieu scolaire de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 15 h 51 )

(Reprise à 15 h 53)

Le Président (M. Leclerc): La commisson de l'économie et du travail reprend ses travaux pour entendre la Fédération des coopératives québécoises en milieu scolaire. Je demanderais donc au président de la Fédération de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre mémoire et, ensuite, il y aura une période de questions des deux côtés.

Fédération des coopératives québécoises en milieu scolaire

M. Ross (Pierre): Bonjour. Mon nom est Pierre Ross. Je suis président de la Fédération des coopératives québécoises en milieu scolaire. Je vous présente, à ma gauche, Mme Pierrette Couillard, qui est directrice générale de la coop à Rivière-du-Loup; à ma droite, M. Marcel Pichette, directeur général de la Fédération des coopératives québécoises en milieu scolaire; et, complètement a ma droite, M. Claude Simard, qui est directeur général de la coopérative HEC. Pour commencer, je vais vous lire...

Le Président (M. Leclerc): Si vous me permettez. Compte tenu du fait que vous êtes quatre, s'il vous était possible de vous nommer en prenant la parole ou en répondant aux questions, ça aiderait les personnes qui ont la lourde tâche de transcrire les débats.

M. Ross: D'accord, merci. Pour commencer, je vais lire notre mémoire. Introduction. Les coopératives sont des réalités économiques et sociales de première importance en milieu scolaire. Elles répondent à des besoins d'approvisionnement en biens et services des étudiants. Constituées en vertu de la Loi sur les coopératives, elles sont à but non lucratif et sont dirigées et contrôlées par des étudiants. Ces entreprises efficaces oeuvrent en milieu scolaire

depuis 45 ans. Elles font partie intégrante de la vie scolaire.

Depuis 1983, les coopératives se sont dotées d'une Fédération apte à les représenter et coordonner un développement harmonieux et efficace de la coopération en milieu scolaire. De par sa représentativité, la Fédération devient un interlocuteur privilégié pour défendre les intérêts des coopératives oeuvrant en milieu scolaire. Voici quelques données consolidées du réseau: 380 000 membres, 30 000 000 $ de chiffre d'affaires, 4 000 000 $ d'escomptes à l'achat, 368 employés dont 156 employés à temps partiel, 500 étudiants siégeant aux conseils d'administration.

La Fédération présente à la commission chargée de revoir en profondeur la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux le présent mémoire qui fait ressortir les deux grands points suivants: premièrement, la position des coopératives en milieu scolaire et, deuxièmement, les orientations souhaitées par les coopératives oeuvrant en milieu scolaire.

Premièrement, la position des coopératives en milieu scolaire. Une coopérative en milieu scolaire, un service essentiel et non concurrentiel. Les coopératives en milieu scolaire sont généralement constituées pour les fins suivantes: permettre à un groupe de personnes de s'initier et de s'impliquer directement dans l'exploitation d'une entreprise commerciale; satisfaire les besoins des étudiants en leur offrant toute la gamme des produits et des services dont ils ont besoin tout au cours de leur formation, et ce, à un prix de 20 % à 25 % inférieur au prix du marché extérieur; soutenir la diffusion de ce type d'entreprise coopérative qui favorise l'éveil de T'entrepreneurship" auprès de ces étudiants qui feront nos dirigeants de demain; promouvoir la participation du coopératisme qui permet de développer des entreprises à contrôle exclusivement québécois, non aliénable, et qui occupe une place prédominante dans le soutien et la création d'emplois.

Les coops sont, en 1990, des entreprises efficaces qui appartiennent aux étudiants. Elles opèrent dans un environnement très réglementé et s'adressent à une population définie. Elles ne concurrencent donc aucunement les commerces du même genre qui opèrent sur un marché libre. Les coopératives doivent, de plus, exécuter des mandats très spécifiques afin de satisfaire les étudiants. Le gouvernement du Québec leur a d'ailleurs confié récemment le mandat de gérer le programme de prêt étudiant pour l'achat d'un micro-ordinateur.

Deuxièmement, un besoin réel pour les étudiants. Les institutions d'enseignement sont un service à la collectivité où se déroule un ensemble d'activités. Les coopératives en milieu scolaire sont le prolongement de ces services à la collectivité car elles fournissent le matériel nécessaire à la réalisation de ces mêmes activités.

Dans la presque totalité des institutions, ce sont les coopératives qui vendent les notes de cours ou autres articles spécialisés utilisés à l'apprentissage. Restreindre l'ouverture des coopératives à des heures spécifiques, c'est empêcher la clientèle étudiante incluant les adultes de se procurer sur les lieux mêmes de l'activité pédagogique le matériel indispensable à la réalisation de leurs études.

L'étudiant d'aujourd'hui est à l'étude tous les jours de la semaine. Ses cours sont dispensés suivant un horaire de plus en plus étendu. L'étudiant qui suit des cours le soir, pour sa part, ne pourrait se procurer ce qu'il a besoin durant ses heures de travail si la coopérative ne lui rendait pas ce service accessible. Un aussi grand nombre de personnes ne peuvent être privées de ces services essentiels.

Le législateur avait d'ailleurs déjà reconnu ces faits, parce qu'il avait convenu d'exclure les coopératives en milieu scolaire de l'application de la présente Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Troisièmement, le maintien de la qualité de vie des employés. Les travailleurs du secteur des coopératives oeuvrant en milieu scolaire représentent un groupe concerné par le fait que les coopératives n'aient pas à respecter les directives décrites dans la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Toutefois, l'élargissement des heures d'ouverture n'affecte pas les employés réguliers du réseau, car la très grande partie du travail exigé en dehors des heures normales d'exploitation est exécutée par des employés à temps partiel, majoritairement des étudiants. Leur présence est parfois nécessaire pour assurer un bon fonctionnement des opérations, mais leur implication se fait généralement sur une base libre et volontaire. Les attributions de travail se font donc assez harmonieusement au niveau des employés. Les employés réguliers n'y perdent aucun privilège et les travailleurs occasionnels y trouvent, pour leur part, des avantages financiers recherchés.

Les données consolidées du réseau de la Fédération des coopératives québécoises en milieu scolaire, en 1989, démontrent bien la place importante qu'occupent les employés à temps partiel dans l'opération des coopératives. Plus de 42 % des employés du réseau travaillent à temps partiel. La grande majorité de ceux-ci sont des étudiants qui bénéficient de revenus d'emploi par le fait que les coopératives opèrent à des heures qui conviennent à leur disponibilité.

Les orientations souhaitées par les coopératives oeuvrant en milieu scolaire. Les recommandations. Dans ce présent mémoire, la Fédération requiert pour ses affiliés les droits qui leur ont toujours été consentis. D'ailleurs, à notre connaissance, l'exemption accordée aux coopératives en milieu scolaire par la présente loi n'a jamais fait l'objet d'une plainte quelconque.

Finalement, les heures d'opération suivies par les coopératives en milieu scolaire font consensus parmi les principaux intéressés: les étudiants, les employés, les professeurs et les institutions.

C'est pourquoi la Fédération souhaite que la présente commission prenne en considération les points suivants lors de l'élaboration des recommandations touchant la nouvelle législation sur la loi sur les heures d'affaires.

Premièrement, avoir des heures d'opération qui répondent aux besoins des étudiants et des institutions, tous les soirs de la semaine. La coop doit suivre les heures d'enseignement énoncées par le collège ou l'université. Elles sont toutes distributrices exclusives de notes de cours prescrites par les professeurs et mettent à la disposition des étudiants toutes les fournitures spécialisées nécessaires en cours de formation. Ce service doit être assuré autant pour les étudiants dits réguliers que ceux suivant des cours à l'extension de l'enseignement.

Deuxièmement, faire commerce le dimanche, car les étudiants fréquentent de plus en plus les institutions d'enseignement cette journée-là. La forte demande lors des rentrées scolaires, l'organisation du temps - cours, étude et travail - des étudiants d'aujourd'hui et l'obligation d'assurer des services de dépannage minimums - fournitures alimentaires - pour une catégorie d'usagers qui ne peuvent bénéficier autrement de ces services essentiels obligent un nombre croissant de coopératives à ouvrir le dimanche.

Troisièmement, opérer avec le nombre d'employés requis, et ce, même en dehors des heures normales d'affaires. Les coopératives ne peuvent opérer avec un nombre restreint d'employés durant ou en dehors des heures d'affaires actuellement fixées. Les services qui leur sont demandés par les institutions d'enseignement - informatique, librairie, fournitures scolaires, arts plastiques ou alimentation - ainsi que l'amplitude de l'achalandage lors des rentrées scolaires obligent les coopératives à opérer avec un nombre d'employés qui doivent être en mesure d'assurer un service adéquat.

Je prendrais aussi un instant pour remercier la commission de nous avoir invités à cette commission pour spécifier nos points. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremorrt): Merci beaucoup pour votre présentation, M. Ross. Juste des petites questions et, après ça, une question fondamentale sur un des principes qu'on essaie de traiter. D'abord, quelles sont vos heures d'ouverture?

M. Ross: De façon générale, dans le réseau? M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Ross: Je pourrais dire peut-être de 8 heures à 21 heures, du lundi au Jeudi, de 8 heures à 18 heures, peut-être...

Mme Marois: Je m'excuse, je n'ai pas compris. Vous avez dit de 8 heures à 21 heures?

M. Ross: Oui, de 8 heures à 21 heures, mais ça, c'est surtout le milieu universitaire, que je vous dis. De façon générale, c'est peut-être de 8 heures à 17 heures.

M. Tremblay (Outremont): Oui Une voix: Quelles journées?

M. Ross: Du lundi au vendredi. Le milieu universitaire, ce peut être ouvert de 8 heures à 21 heures, surtout le soir, à cause du temps partiel et des cours donnés, justement, aux adultes. Maintenant, plusieurs coopératives en milieu universitaire ouvrent aussi, des fois, les fins de semaine. Comme nous, à Trois-Rivières, on ouvre justement le samedi, de 9 heures à 14 heures.

M. Tremblay (Outremont): Et le dimanche?

M. Ross: Le dimanche, certaines coopératives sont ouvertes aussi pour offrir le service.

M. Tremblay (Outremont): Combien de coopératives sur le total?

M. Pichette (Marcel): II y a à peu près quatre coopératives qui sont ouvertes le dimanche parce qu'elles répondent à des besoins très très spécifiques au point de vue alimentaire ou soutien en notes de cours pour les institutions très spécialisées.

M. Tremblay (Outremont): Quatre sur combien?

M. Pichette: Sur 40.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous considérez que c'est essentiel? En d'autres mots, si vous n'étiez pas, par exemple, ouverts le dimanche, est-ce que les étudiants pourraient se procurer les mêmes biens dans les heures normales d'ouverture?

M. Pichette: Je ne penserais pas qu'en rentrée scolaire, les étudiants puissent se prévaloir... Parce qu'il faut comprendre que tout le monde veut avoir ses informations, ses livres scolaires, le plus rapidement possible.

M. Tremblay (Outremont): S'il y avait une exception pour les rentrées scolaires - je pense que c'est un bon point - est-ce que vous seriez

satisfaits?

M. Pichette: En dehors de ça, il faut comprendre aussi qu'il y a des services qui ne se font pas juste exclusivement au niveau scolaire, au niveau des fournitures scolaires. Il y a des services aussi du secteur alimentaire, cafétéria, où il existe des résidents. Et ces résidents-là n'ont pas le choix. Si on prend un froid d'ours polaire comme hier, les gens aiment bien aller assez près pour pouvoir s'approvisionner de services.

M. Tremblay (Outremont): Je vous pose ces questions-là parce que le premier principe qu'on va essayer d'établir, sur lequel s'entendre, c'est l'équité. On commence à avoir différents intervenants ou commerçants qui se plaignent de la vente, par exemple, d'articles de sport, de la vente d'articles qui sont vendus, par exemple, chez Pilon, hors les heures normales d'ouverture. Alors, c'est une concurrence qui fait qu'on a de la demande, par exemple, de Pilon ou encore des magasins de sports... lis disent: Nous autres, vous nous empêchez d'ouvrir et, par contre, au niveau des coopératives, elles ont le droit. L'inéquité. Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Vous me dites: Le dimanche, il y en a quatre sur 40 d'ouverts. Le samedi, vous êtes ouverts de 9 heures à 14 heures. Si vous aviez votre exception pour répondre aux besoins essentiels de votre clientèle, sans concurrencer, par exemple, dans les articles de sport ou d'autres articles qui ne peuvent être vendus hors des heures normales d'ouverture, est-ce que ça vous causerait un problème?

M. Pichette: Actuellement, disons que, si j'avais à vous répondre aujourd'hui pour demain, j'aurais tendance à vous dire oui sur le premier point, c'est-à-dire peut-être que, si on limitait les ouvertures pour certaines périodes, c'est-à-dire qu'on ouvrirait pour certaines périodes et après ça on limiterait... Sauf qu'il faut penser, peut-être à moyen terme. On connaît l'existence de la présente loi qui a déjà une dizaine d'années au moins. Le monde de l'éducation évolue, change. Les besoins sont différents. Le retour scolaire se fait de façon différente. Aujourd'hui ce sont des travailleurs qui retournent à l'école, à des heures bien en dehors de celles qu'on est habitués de connaître. Ça nous chambarde un petit peu. La pression vient de ces mêmes étudiants-là. Et la pression vient aussi des institutions qui nous demandent de les supporter. Et tantôt, il arrive un travail spécial. Bien, je veux dire, c'est bien sûr qu'il arrive un travail spécial et qu'ils ont besoin de matériel, mais ils veulent l'avoir tout de suite. Ou tantôt, même, il faut ouvrir le dimanche. J'ai dit tantôt qu'il y en a quatre qui ouvrent. Il y en a plus que ça parce que, s'il arrive quoi que ce soit, une fête, une activité spéciale, ou un Salon du livre ou n'im- porte quoi, à ce moment-là, ils nous demandent que les coopératives soient ouvertes. Parce qu'on est un petit peu pris dans un secteur fermé. On ne va pas sur la libre concurrence non plus.

M. Tremblay (Outremont): Donc, si je résume ce que vous me dites, M. Pichette, c'est que vous êtes très sensible aux besoins réels des consommateurs. Donc, est-ce que je peux en conclure que vous n'auriez pas d'objection à ce que d'autres, qui vendent les mêmes produits que vous le dimanche, soient ouverts?

M. Pichette: Absolument pas. Je pense que, sincèrement, si ça répond à un besoin... Nous, on répond réellement, spécifiquement, à un besoin parce qu'on est privilégiés. On a des choses qu'on est les seuls à vendre et que les institutions nous recommandent de vendre dans un délai prescrit ou encore de mettre en disponibilité durant une période. Mais en dehors de ça...

M. Tremblay (Outremont): Je comprends, M. Pichette, mais je ne faisais pas allusion à ça et je pense que j'y suis très sympathique. Dans le fond, c'est votre mission fondamentale. Mais comme tout bon commerçant...

M. Pichette: Oui.

M. Tremblay (Outremont): ...les coopératives sont de plus en plus commerçantes...

M. Pichette: Elles sont commerçantes.

M. Tremblay (Outremont): ...vous avez élargi - c'est là qu'est le problème de l'équité - votre éventail de produits pour maintenant vendre des produits qui ne peuvent être vendus par d'autres commerçants hors les heures d'ouverture. C'est ça, le point que j'essaie de faire.

M. Pichette: En tout cas...

M. Tremblay (Outremont): C'est pour ça que je vous demandais si vous seriez prêts, pour maintenir votre statut, à dire: On va vendre ce qui est réellement essentiel, ce que vous avez énuméré et ne pas vendre, hors les heures d'ouverture, ce que d'autres n'ont pas le droit de vendre?

M. Pichette: Oui, je dois dire. Je regarde au niveau de nos statistiques, notre activité principalement au niveau de la librairie, de l'informatique, de la cafétéria et du dépanneur. En dehors de ça, je pense qu'il y a des secteurs qu'on ne touche pratiquement pas. La preuve, c'est qu'ils ne sont même pas à l'intérieur de nos regroupements statistiques. Je pense que c'est tout de même une activité secondaire. Notre principale activité est au niveau de la librairie.

M. Tremblay (Outremont): J'aurais peut-être juste une dernière question. Les étudiants, et je pense que c'est très louable des étudiants à temps partiel... Est-ce que vous avez de la misère à recruter des étudiants à temps partiel pour travailler le dimanche?

M. Pichette: Je peux laisser ça à notre gestionnaire, M. Simard, du HEC.

M. Simard (Claude): Si on parle de la coopérative HEC, on a 30 employés à temps plein et à peu près cinq ou six étudiants à temps partiel. Il est clair qu'on va utiliser ces étudiants-là le dimanche et le samedi pour assurer un service qu'on pourrait appeler essentiel. Alors, c'est assez facile, parmi à peu près 2000 temps plein et 10 000 étudiants au HEC, au total, de recruter six personnes de façon régulière. Ce n'est pas un problème.

M. Tremblay (Outremont): Donc, vos étudiants à temps plein travaillent le dimanche?

M. Simard: Nos étudiants à temps plein?

M. Tremblay (Outremont): Vos employés, excusez. Les employés à temps plein travaillent le dimanche?

M. Simard: Certains pour assurer la permanence. Il ne faut quand même pas oublier que c'est un commerce, comme tout le monde, sauf qu'il y a des étudiants à temps partiel qui sont en majorité le dimanche...

M. Tremblay (Outremont): O.K.

M. Simard: ...juste pour le service essentiel.

M. Tremblay (Outremont): Ma dernière question. Est-ce qu'ils sont malheureux de travailler le dimanche et est-ce que vous leur payez une prime pour travailler le dimanche?

M. Simard: Ils sont très heureux, mais on ne paie pas de prime.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Orford.

M. Benoît: Quand vous mentionnez qu'il y a 380 000 membres dans votre association, pour-riez-vous me décrire... Est-ce que ma fille qui va dans un collège où il y a un de ces magasins-là, est automatiquement membre?

M. Pichette: Non, elle n'est pas automatiquement membre. C'est une coopérative, c'est une adhésion libre et volontaire. Pour devenir membre, il faut qu'elle souscrive une part sociale à l'intérieur de sa coopérative dans son collège.

M. Benoit: Deuxième question. Nous avons eu un professeur des HEC ce matin qui finissait son mémoire en nous disant que les universités étaient ouvertes à la semaine longue et que c'était bien qu'il en soit ainsi. Quel est le pourcentage, dans ces magasins qui sont ouverts sur les campus en fin de semaine, de leur chiffre d'affaires le dimanche et les soirs? Est-que vous êtes capables de nous dire ça?

Une voix: Bien...

M. Benoit: Ici, est-ce qu'on parle des magasins... Je pense à l'Université de Sherbrooke, où il y a un magasin de sport, à l'Université de Montréal où il y a un magasin d'informatique, est-ce que ces magasins-là font partie de votre Fédération?

M. Pichette: Oui. Bien je veux dire, le magasin d'informatique comme Sherbrooke, oui, fait partie de notre Fédération. Le magasin de sport, si vous parlez du secteur sport, qui se retrouve à l'intérieur du dépanneur, à Sherbrooke, oui, à ce moment-là, c'est une coopérative regroupée chez nous. Le niveau d'activités, écoutez, c'est sûr que c'est le soir qui est principalement... Au niveau universitaire, on peut dire que la grande majorité de l'année, même 50 % de l'activité est aussi forte le soir que durant la journée au niveau commercial. La fin de semaine, le dimanche, c'est sûr que c'est une activité très très limitée, mais qui existe pareil.

M. Simard: Je voudrais juste rajouter quelque chose. Le dimanche, en tout cas, pour le HEC, ça devient quasiment essentiel depuis peu parce que vous avez quand même des activités de plus en plus importantes le dimanche. Que ce soit au niveau social, que ce soit au niveau des activités de recherche, la bibliothèque est ouverte. Le service informatique, il y a des gens qui sont là. Il y a un peu d'employés de l'école qui sont là, plus les étudiants qui sont de plus en plus à la bibliothèque, et ainsi de suite. Donc, ça devient quasiment des services essentiels. De plus en plus, vous avez des examens le dimanche, dans notre cas. Donc, on ouvre le dimanche et on ouvre le comptoir alimentaire parce que vous vous retrouvez avec du monde, peut-être 5000 personnes. Alors, ça devient un marché très restreint à l'intérieur même d'une boîte. C'est un petit monde, si on veut.

M. Benoît: Est-ce que je peux poser une autre question, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie. M. le député.

M. Benoit: Je reviens au "membership". C'est énorme un "membership" de 380 000 personnes. Le PQ n'a pas ça, nous non plus, et Dieu sait qu'on travaille bien fort pour en arriver à ça. Est-ce que c'est un "membership" à vie ou si on doit renouveler tous les ans?

M. Pichette: C'est un "membership" à vie. Je veux dire: Le principe de la coopérative, c'est une part sociale. Tant que vous n'en demandez pas le rachat, vous êtes membre de la coopérative.

M. Benoît: Très bien. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Drummond.

M. Saint-Roch: Dans votre mémoire, à la page 8, vous dites: "Faire commerce le dimanche, quand les étudiants fréquentent de plus en plus les institutions d'enseignement cette journée-là." Vous en avez brossé un tableau très léger. Seriez-vous capable de brosser un tableau, si je regardais cinq ans en arrière, de vos pronostics des cinq prochaines années? Quelle serait, d'après vous, l'évolution de la fréquentation des étudiants le dimanche, soit au niveau cégep ou au niveau universitaire? (16 h 15)

M. Simard: Dans notre cas, c'est une question d'espace. Toutes les universités ont des problèmes d'espace. Alors, de plus en plus, la direction universitaire va déborder le samedi, puis elle va déborder le dimanche. Le dimanche, là, ce sont les examens; dans cinq ans, il n'est pas dit que ça ne sera pas des cours. Je ne le sais pas, je ne voudrais pas m'avancer là-dessus. Peut-être que le ministre de l'Éducation serait plus en mesure de le dire que moi. Mais il reste qu'un des problèmes fondamentaux, je pense, c'est l'espace des universités dans notre cas. On essaie de les régler d'une autre façon - ça, ce sont les directions - mais, à cause de ça, principalement, vous avez un débordement. Les fins de semaine, c'est énorme comme débordement, aujourd'hui. Dans cinq ans, ça peut être encore plus.

M. Saint-Roch: Vous n'avez pas de provisions de faites au niveau de l'accroissement du chiffre des affaires ou de la fréquentation?

M. Simard: Malheureusement, non. Ah! du chiffre d'affaires, ça, j'en ai beaucoup, mais de l'accroissement de l'activité ou de l'achalandage le dimanche, non, on n'a jamais... On prévoit, oui.

M. Saint-Roch: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Orford, vous avez une autre question?

M. Benoît: Je reviens sur le "membership". Quel est le pourcentage de ce "membership" qui est actif? Là, je viens de comprendre ce qu'était un membre, c'est une part sociale. Quel est le pourcentage qui est actif? Évidemment qu'il n'y en a pas 380 000. Si on peut garder cette part-là à vie... Une fois qu'on n'est plus étudiant, on peut demeurer membre de votre association?

Une voix: Oui, c'est ça.

M. Benoît: Alors, quel est le pourcentage qui est actif.

M. Pichette: II faut faire attention, là. Ça ne veut pas dire que, parce qu'un membre n'est plus étudiant, il n'est plus membre chez nous, là. O.K.?

M. Benoit: II demeure membre, mais peu actif, possiblement.

M. Pichette: II peut devenir membre et peu actif, mais il peut être aussi encore membre et actif, même s'il n'est plus étudiant.

NI. Benoît: Exact.

M. Pichette: C'est sûr que je sais bien que quand on va en face de Côte-des-Neiges, il y en a plusieurs qui sont rendus de l'autre bord de la rue dans le grand cimetière, peut-être, là, mais ce n'est pas si astronomique que ça.

M. Benoît: Ils sont moins actifs.

M. Pichette: Ce n'est pas si astronomique que ça. Je pense qu'on peut dire qu'on regroupe facilement 95 % de la population étudiante au niveau collégial et universitaire, au niveau coopérative dans nos institutions.

M. Benoît: Mais pour acheter chez vous, il faut être membre?

M. Pichette: Non, pas nécessairement.

M. Benoit: O.K. Alors, la propriété appartient aux membres, mais n'importe qui peut acheter dans vos magasins?

M. Pichette: Oui, sauf qu'il y a des avantages, comme on pariait, de retour, d'escompte à l'achat, normalement, qui sont attribués aux membres directement. C'est notre manière de redistribuer les excédents.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Acadie. Il reste trois minutes.

M. Bordeleau: Vous avez mentionné un peu tout à l'heure, l'évolution, au niveau univer-

sitaire, au niveau de l'utilisation des locaux le samedi et les fins de semaine à des fins d'examens. Ça, actuellement, je pense que c'est rendu une pratique assez courante dans les universités, à Montréal à tout le moins. Maintenant, on a passé rapidement sur la question des cégeps, et je me demande - en fait, c'est peut-être un peu connexe, parallèle à votre activité - si, au niveau des cégeps, il y a un développement semblable, c'est-à-dire une utilisation des locaux ou des cours les fins de semaine ou des examens les fins de semaine? C'est une première partie de la question.

L'autre partie qui m'intéresserait et sur laquelle j'aimerais avoir des commentaires, c'est relié à l'éducation des adultes. Je pense, par exemple, à la faculté de l'éducation permanente à l'Université de Montréal, puis sûrement à des facultés semblables ailleurs. Dans la mesure où les adultes vont retourner de plus en plus à l'université pour avoir des nouvelles formations ou des formations complémentaires, quel va être l'impact de ça ou quel en est l'impact actuellement? Est-ce qu'il y a une tendance à ce que ça soit en croissance? Quelles conséquences ça pourrait avoir, par exemple, sur le genre d'activités que vous avez? Alors, première question, au niveau des cégeps, qu'est-ce que vous observez à ce niveau-là, et comment vous fonctionnez, par rapport à ce qui se passe présentement? Et vos commentaires par rapport à votre rôle, relativement à l'éducation permanente, avec le croissance du nombre d'adultes?

M. Pichette: Au niveau des cégeps, on a une représentante des cégeps.

Mme Couillard (Pierrette): Au niveau du cégep, pour nous autres, il y a six ou sept ans, l'ouverture a été demandée par un besoin des membres qui étaient en résidence. Maintenant, c'est un besoin des gens qui sont à l'éducation aux adultes, puis c'est un besoin qui est grandissant. En tout cas, l'année passée et cette année, ce n'est pas comparable, la hausse. Il y a beaucoup plus de livres qui se vendent le soir, il y a plus de cours. Nous autres, l'éducation aux adultes, au cégep de Rivière-du-Loup, ça augmente toujours. Ce sont des gens aussi en région, qui viennent suivre des cours au cégep. Si ça va déborder le samedi et le dimanche, ça commence à se faire, mais je ne suis pas à l'éducation aux adultes pour dire exactement, comparativement, pour ce qui est des locaux, mais ça s'en vient vers ça tranquillement. En tout cas, c'est une demande des membres puis du cégep, qu'on soit ouvert.

Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps des ministériels étant écoulé, je cède la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue. Vous disiez: quatre coopératives ouvertes sur 40 le dimanche. Pour les autres, essentiellement, c'est la semaine et le soir, si j'ai bien compris votre intervention tout à l'heure. Où sont-elles situées? Dans les universités, dans les cégeps? À quel endroit?

M. Pichette: Nos membres sont exclusivement...

Mme Marois: Je parle des quatre qui ouvrent le dimanche.

M. Pichette: Les quatre, vous en avez une au niveau collégial et trois au niveau universitaire.

Mme Marois: D'accord. Dans la région de Montréal? Dans la région de Québec? À quel endroit?

M. Pichette: II y en a une à Rivière-du-Loup, il y en a une à l'Université Laval, il y en a une à l'Université de Sherbrooke et il y en a une aux HEC.

Mme Marois: D'accord. Elles ouvrent à ce moment-là à des heures bien précises le dimanche ou...

M. Pichette: II y en a qui sont ouvertes toute la journée et il y en a d'autres qui sont ouvertes à des heures limitées. À Rivière-du-Loup, c'est une couple d'heures le dimanche. Aux HEC, c'est de 9 heures à 14 heures.

M. Simard: De midi à 17 heures.

Mme Marois: D'accord. Vous disiez que vous aviez beaucoup de données sur vos chiffres d'affaires. Non?

Une voix: Allez-y, allez-y!

Mme Marois: Sur les produits que vous vendez. On va commencer par poser la question avant de présumer de la réponse.

M. Simard: Je m'excuse, je n'ai pas compris la question.

Mme Marois: Sur les produits que vous vendez dans les coopératives. Vous vendez des notes de cours, vous vendez des livres, vous vendez des produits de sport, de l'équipement informatique, vous vendez des produits alimentaires dans certains cas. Excluons l'aspect cafétéria, parce que c'est de la restauration, c'est d'un autre ordre. Quel est, pour le reste, la proportion de chacun de ces éléments-là dans vos chiffres d'affaires?

M. Simard: Très bonne question, M. le

ministre...

Mme Marois: Éventuellement.

M. Simard: Je vais faire appel à ma mémoire. Mme la ministre, je me suis trompé.

Mme Marois: Mme la députée. M. Simard: La députée.

Mme Marois: Ministre, éventuellement, si ça se passe.

M. Pichette: Pendant que mon confrère compile...

Mme Marois: Pas seulement l'espoir, j'ai d'autres raisons.

M. Pichette: Je peux vous donner globalement pour le réseau. Au niveau de la librairie, c'est 74,7 %.

Mme Marois: D'accord. 74,7 %.

M. Pichette: Oui. L'informatique, c'est 13,0 % et le dépanneur, 5,6 %.

Mme Marois: 5,6 % de dépannage. Quand vous dites dépannage, est-ce que vous incluez des trucs comme des crayons, des articles de papeterie?

M. Pichette: La papeterie irait plus au secteur de la librairie. La librairie, c'est la fourniture scolaire et le livre scolaire...

Mme Marois: Les notes de cours....

M. Pichette: Les notes de cours, c'est ça.

Mme Marois: Et tout le reste. Donc, 5,6 % constituent des produits alimentaires?

M. Pichette: Alimentaires.

Mme Marois: D'accord. J'imagine que si on ne se les procurait pas chez vous, on pourrait se les procurer chez un dépanneur?

M. Pichette: Je présume. Si quelqu'un a faim, il va sûrement trouver le moyen de manger.

Mme Marois: Parce que ça reste pour vous un très petit volume, tout compte fait? J'imagine que ce ne sont pas toutes les coops qui ont ce rayon-là?

M. Pichette: Non, ce ne sont pas toutes les coopératives qui ont le rayon alimentaire, effectivement. Disons que la grande majorité de notre activité est le libraire: fourniture scolaire et librairie.

Mme Marois: Qui est déjà prévu comme exception, de toute façon, à la loi quant aux heures d'ouverture?

M. Pichette: Qui l'est et qu'on ne veut pas perdre comme acquis, exactement.

Mme Marois: Oui. C'est vrai qu'il y a des pressions quant à l'ouverture d'un plus grand nombre d'heures et aussi pour les institutions scolaires compte tenu évidemment de la rareté des locaux dans certains cas et des actifs qui sont très coûteux quand on veut réinvestir, mais je n'avais pas l'impression que ça débordait beaucoup le dimanche. J'aimerais qu'on clarifie un petit peu ça. Dans combien d'institutions actuellement y a-t-il des activités de type cours, distribution de cours?

M. Pichette: Le dimanche?

Mme Marois: Distribution de cours? Des gens qui viennent travailler à la bibliothèque, c'est une chose, des gens qui viennent faire de la recherche parce qu'ils choisissent de le faire ce jour-là plutôt qu'un autre jour, c'est une autre chose. Mais des cours un peu organisés, systématiques? Dans combien d'institutions? Évidemment, je ne vous parle pas de tout le réseau. Vous avez une quarantaine de coopératives qui sont distribuées - donc, j'imagine que dans une quarantaine d'institutions ou mettons une trentaine puisque certaines institutions peut-être ont plus d'une coopérative... Où ça se passe et est-ce que ça se passe dans 5 % des institutions?

M. Pichette: Je serais bien embêté de répondre à ça. C'est une information peut-être qui relève des institutions d'enseignement. Tout ce qu'on sait, c'est que la demande nous provient de ces institutions pour pouvoir répondre à une demande d'étudiants ou de professeurs qu'on assure une certaine disponibilité pour offrir certains produits ou du matériel. C'est sûr que du côté universitaire, de plus en plus, on sent qu'il y a un débordement vers le dimanche. Je peux vous dire ça, mais je ne peux vous en dire beaucoup plus que ça à l'heure actuelle. On voit la tendance. Tantôt, la question a été posée: Le soir? Bien oui, c'est vrai, le soir. Statistiquement, je serais bien embêté de vous mettre des chiffres, sauf qu'on sait bien que, de plus en plus, il y a plus de gens qui vont à l'éducation aux adultes. Donc, ces gens, à ce moment-là, trouvent d'autres heures pour étudier, d'autres heures pour s'installer à la bibliothèque et pour venir chercher leurs informations, leurs livres et tout ça. C'est là qu'il faut nous présenter pour être disponibles.

Mme Marois: Oui, parce que, quand on veut tirer la conclusion ou établir un syllogisme en disant: On offre des services essentiels, ce sont les notes de cours, c'est important d'être ouverts pendant de longues heures, et qu'on constate que quatre coopératives sur 40 sont ouvertes actuellement le dimanche, ça veut dire que c'est essentiel, mais avec certaines limites puisque, dans le cas des 36 autres, on se contente du reste de la semaine et que ça a l'air de répondre en partie aux besoins.

M. Pichette: Par contre, il faut comprendre que, pour celles qui sont ouvertes... Et j'imagine un complexe comme l'Université Laval où il y a des résidences d'étudiants: quelqu'un arrive le dimanche, vient pour s'installer dans son appartement et il n'y a rien à manger; il fait -35° dehors, il n'a pas trop trop le goût de partir et d'aller marcher jusqu'à la rue Myrand pour aller chercher ses affaires. Il faut comprendre.

Je ne veux pas faire des cas d'exception, mais, ça demeure pareil...

Mme Marois: D'accord, mais, à ce moment-là, vous parlez d'un dépannage...

M. Pichette: Oui.

Mme Marois: ...qui pourrait répondre à des règles de produits essentiels disponibles dans certains milieux.

M. Pichette: Effectivement, oui.

Mme Marois: D'accord. Donc, qui est d'un autre ordre que la question des notes de cours ou des livres, de la fonction libraire.

M. Pichette: Oui. Elle est en fonction de la demande et la demande, on sait qu'elle est concentrée à des périodes spécifiques ou encore à des demandes qui nous sont suggérées par des institutions.

Mme Marois: Quelle est la proportion de vos produits - ça a été posé tout à l'heure comme question, mais sous un autre angle - sportifs qui sont vendus dans vos coopératives? Vous ne le savez pas.

M. Pichette: C'est très minime.

Mme Marois: C'est très minime. Donc, l'argument...

M. Pichette: Écoutez...

Mme Marois: ...que nous servent certains des vendeurs de produits sportifs, selon lequel vous leur faites une concurrence, ne vaut pas, à votre point de vue.

M. Pichette: Absolument pas. Absolument pas. Même que, des fois, je pense que ça permet de les aider à écouler leurs produits. Tantôt, certaines institutions recommandent tel ou tel produit, recommandent telle marque, qu'ils peuvent retrouver ce produit-là chez tel commerçant. Le commerçant vient nous voir et dit: Au lieu de faire déplacer ton monde, accepterais-tu de le céder aux étudiants moyennant un pourcentage? C'est très très limité. Je suis un peu surpris que vous nous disiez ça parce que je pense que c'est réellement...

Mme Marois: Non, mais ce sont des commentaires. Le ministre l'a posé lui-même. Ce sont des commentaires qui nous sont faits.

M. Pichette: Oui, j'ai vu tantôt.

Mme Marois: Et, justement, c'est intéressant que vous nous le disiez parce que, après ça, ça nous donne des...

M. Pichette: Ah!

Mme Marois: ...éléments d'information pour nous permettre d'être capables d'en parler un peu plus correctement.

M. Pichette: Je peux vous dire qu'à long terme, on ne pourra pas modifier nos informations statistiques pour inclure cette section-là.

Mme Marois: D'accord. Ha, ha, ha!

M. Ross: En plus des produits sportifs, il faut spécifier que les produits sportifs qu'on vend, c'est genre sac à dos ou encore balle de ping-pong ou coton ouaté, chandail ouaté. Ce ne sont pas des produits sportifs très spécialisés. Bref, ce que les étudiants se mettent sur le dos pour aller à leur cours, de façon générale.

Mme Marois: D'accord. Je vais poser une autre question qui est sûrement... Peut-être que ça ne vous est pas arrivé de la poser à vos travailleurs et à vos travailleuses, mais je prends une chance de la poser. Vous avez une partie de vos employés qui sont des gens à temps plein, qui travaillent donc selon des plages horaires qui peuvent être dans la journée ou le soir, mais qui sont des temps pleins. Vous dites: On offre de façon préférentielle le travail à temps partiel aux étudiants, si j'ai bien compris ce que vous avez dit. Vos travailleurs et vos travailleuses à temps plein, est-ce que vous leur avez déjà posé la question ou demandé de répartir leur temps de travail autrement et de travailler, par exemple, le dimanche ou les fins de semaine?

M. Pichette: Je vais laisser ça au...

M. Simard: Actuellement, chez nous, il y a

des horaires de travail pour des employés permanents à temps plein qui vont travailler avec des temps partiels étudiants dont l'horaire sera du mercredi au dimanche. Actuellement, ça existe.

Mme Marois: Oui, est-ce...

M. Simard: II y a autre chose qui est compensatoire face à ça, mais ça, c'est...

Mme Marois: Pardon?

M. Simard: II y a peut-être autre chose qui est compensatoire, je ne sais pas, à un moment donné...

Mme Marois: C'est quoi, les compensations?

M. Simard: C'est peut-être un horaire de travail qui est variable, du mercredi au dimanche. Après ça, dans six mois, ça peut être différent pour l'individu, mais il reste qu'il y a toujours un poste de travail qui est ouvert du mercredi au dimanche pour les besoins, pour répondre à la demande strictement...

Mme Marois: Oui, d'accord.

M. Simard: ...qui est un poste à temps plein.

Mme Marois: Quelle est la moyenne d'âge de vos travailleurs et de vos travailleuses? (16 h 30)

M. Simard: Je dirai, sous toutes réserves, 30.

Mme Marois: Et leur statut familial. M. Simard: Bien.

Mme Marois: Je n'en doute pas une seconde, mais vous n'avez pas répondu à ma question.

M. Simard: Pardon?

Mme Marois: Je n'en doute pas une seconde, mais vous n'avez pas répondu à ma question.

M. Simard: Leur statut familial.

Mme Marois: Leur statut civil. Est-ce qu'ils ont des enfants? Est-ce qu'ils ont des familles?

M. Simard: La plupart sont célibataires.

Mme Marois: La plupart sont...

M. Simard: La plupart sont célibataires.

Mme Marois: D'accord. Ce qui peut être bien aussi.

M. Simard: Oui, c'est très bien. Mme Marois: D'accord.

M. Pichette: Non, malheureusement, on n'a pas de statistiques à cet effet.

Mme Marois: Non, d'accord, mais vous pensez à une impression qui vous reste de la gestion générale de votre personnel, c'est...

M. Simard: Célibataire.

Mme Marois: ...célibataire davantage.

Une voix: Hommes ou femmes.

Mme Marois: J'ai terminé, M. le Président. Je crois qu'il y a...

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, très rapidement. Vous avez dit tout à l'heure...

Une voix: Excusez, excusez.

M. Claveau: ...et je cite: On ne va pas sur la libre concurrence en disant; nous, on a un marché restreint. Bon, on s'adresse à une clientèle très spécifique. Par contre, à des questions qui vous ont été posées par la suite sur les 380 000 membres que vous avez, vous avez dit: II ne faut pas nécessairement être étudiant. Il ne faut pas nécessairement fréquenter une institution ou si on est membre, on peut être membre à vie, etc., si j'ai bien compris. Moi, je vais vous dire que je suis un peu surpris de la tournure de ça, dans la mesure où je pensais que les coopératives, en milieu scolaire, ça s'adressait spécifiquement à une clientèle étudiante, par rapport et spécifiquement à des produits qui sont liés au monde de l'éducation.

Quoi que vous en dites, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus quand vous dites que vous n'êtes pas sur la libre concurrence. Toutes les fois que vous vendez un crayon, c'est un crayon de moins pour une librairie ou une pharmacie, ou enfin un dépanneur dans le coin. Toutes les fois que vous vendez des cahiers, que vous vendez, je ne sais pas moi, différents produits, c'est toujours la même chose. Dans le domaine sportif, c'est pareil. Donc, vous êtes en concurrence avec d'autres sur le marché. Que vous ayez monté une structure qui vous permette d'avoir un rapport qualité-prix favorable pour vos membres, ça j'en conviens. Mais de là à dire que vous n'êtes pas en concurrence, je trouve que l'affirmation est un peu grosse dans la structure commerciale qu'on connaît actuellement au Québec.

M. Pichette: Je pense qu'il faut voir que, dans l'aspect concurrence, notre secteur est un secteur très limité, un secteur dans lequel on est limité au niveau des activités. Il y a des membres qui ont été membres actifs chez nous en tant qu'étudaints. Aujourd'hui, ils sont rendus membres non actifs. Ils viennent acheter chez nous. Ce n'est pas le gros de notre activité commerciale, il faut être bien conscient de ça. Le gros de l'activité commerciale, c'est l'étudiant à temps plein ou de soir, qui vient chez nous. Il vient chez nous, principalement, acheter ce dont il a besoin pour étudier. C'est vrai qu'on lui vend un crayon et c'est vrai qu'on lui vend une efface. On est en affaires aussi.

Je pense qu'on est là pour offrir la complémentarité et répondre à tous les besoins au niveau de la demande des étudiants. Mais quand on dit qu'on n'est pas sur un marché de libre concurrence, c'est que demain matin on n'ira pas annoncer des pages dans Le Soleil ou des pages dans La Presse, on ne fera pas des annonces même s'il y en a qui en ont faites - c'est exceptionnel - à la télévision pour annoncer des produits de façon systématique. On se limite à dire: II y a un bassin d'étudiants ici. Il y a un bassin d'enseignants ou d'employés internes des universités ou du collège, et normalement notre activité se fait avec ces gens. C'est pour ça que je dis qu'on n'est pas sur le marché de la libre concurrence.

M. Claveau: Je vais vous poser une autre question, si j'ai le temps, en prenant un exemple un peu extrême, O.K? On sait que les étudiants, ce n'est plus ce que c'était vous l'avez dit vous-même, les situations changent. En supposant, par exemple, qu'une coopérative, je ne sais pas moi, aux HEC, puisqu'on en parie, décide d'avoir une concession automobile pour vendre des automobiles aux étudiants et leur offrir des bons prix dans l'automobile.

M. Pichette: II n'y a rien d'impossible pour eux autres.

M. Claveau: Est-ce que ça serait possible? Est-ce que ça serait possible dans la structure actuelle des coopératives que vous avez?

M. Pichette: Actuellement, je peux vous dire que normalement le gros des activités se font à l'interne.

M. Claveau: Je vous dis: Est-ce que ça serait possible, par exemple, que l'on vende, que l'on offre des produits automobiles aux étudiants par le biais des coopératives étudiantes comme dans le milieu scolaire?

M. Pichette: Oui, ce serait possible.

M. Claveau: À ce moment-là, ça veut dire qu'on pourrait, si on accepte votre point de vue, aller jusqu'à la vente d'automobiles le dimanche ou le lundi ou le mardi soir.

M. Pichette: Bon, là je veux dire, je pense qu'on peut...

M. Claveau: Non, mais j'essaie d'extrapoler par rapport à la logique que vous nous avez présentée depuis le début.

M. Pichette: Si on veut extrapoler là, c'est sûr, je pense qu'à l'intérieur de ça, on a aussi des demandes internes de nos membres qui nous obligent à une certaine orientation. Et l'orientation à laquelle ils nous obligent, elle est bien évidente... 75 % de notre activité est dans le secteur librairie. C'est là que nos membres nous demandent de travailler et c'est là qu'on opère.

M. Claveau: Mais tout ce que je veux essayer de comprendre, c'est que si le législateur acceptait une exclusion mur à mur en ce qui concerne les coopératives scolaires dans tous les produits où vous pouvez vous orienter, il n'y a rien qui vous empêcherait, par exemple, dans un an ou dans deux ans, d'offrir des produits automobiles, d'offrir, je ne sais pas, du vêtement-Une voix: De l'huile à chauffage.

M. Claveau: ...de l'huile à chauffage aux étudiants, etc.

Une voix: Madame, je pense que vous voulez répondre...

Mme Couillard: Oui sur deux questions...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Tremblay (Outremont): Une question de règlement, M. le Président. Juste pour l'information du député d'Ungava, les véhicules routiers sont déjà exclus de l'application de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Ce que ça veut dire, en pratique, c'est que, même si on voit des concessionnaires d'automobiles, aujourd'hui, qui sont fermés le samedi et le dimanche, ils se sont autodisciplinés. Ils ouvrent, par contre, tous les soirs jusqu'à 22 heures, mais ils pourraient ouvrir le dimanche. Donc, sans modifier la loi, si les coopératives décidaient de commencer à vendre des véhicules automobiles, elles pourraient le faire et, dans cette optique-là, créer une concurrence aux concessionnaires existants. Elles le pourraient sans modifier la loi. Elles ont le droit, demain matin, de faire ça.

M. Claveau: Mais indépendamment du produit, moi, ce que je veux savoir c'est que, si on ouvre sur la demande qui est faite là, si le législateur accepte ce genre d'interprétation là, ça nous amène à peu près à pouvoir ouvrir sur n'importe quel produit...

Une voix: C'est pour ça qu'il faut changer la loi.

M. Claveau: ...d'une façon incontrôlée.

Une voix: II a tout compris.

M. Claveau: Oui, vous aviez une...

Mme Couillard: Je voulais dire, à propos de la concurrence... Je ne sais pas, vous dites qu'on est concurrents parce qu'on vend un crayon, comme la pharmacie ou le libraire de la ville, mais je ne sais pas si vous avez essayé de venir dans une université ou un cégep. Les stationnements sont pleins. Il faut payer un stationnement. Il faut qu'ils entrent. Il faut qu'ils trou vent la coopérative. Moi, je ne trouve pas qu'on est concurrents à ce niveau-là. On n'est pas situés dans une artère commerciale où tu peux choisir ce magasin-là ou l'autre. On est vraiment situés dans des endroits spécifiques, et c'est à la demande des étudiants qu'on est là. Le niveau de la concurrence, c'est...

M. Claveau: Oui, sauf que vous êtes concurrents dans la mesure où ce que l'étudiant ou ce que n'importe quel client achète chez vous, il ne l'achètera pas ailleurs, dans une autre entreprise...

Mme Couillard: Oui, mais il faut qu'il se rende à la coopérative.

M. Claveau: ...qui, elle, est régie par un autre règlement.

Mme Couillard: II faut qu'il se rende aussi. Et, je voulais dire qu'on est liés avec les cégeps ou les universités dans des protocoles d'entente qui nous dirigent vers des avenues...

Le Président (M. Bélanger): Alors, les périodes de temps sont écoulées. Mme la députée de Taillon.

M. Jolivet: Tous les cégeps n'ont pas des stationnements payants.

Le Président (M. Bélanger): Oui, oui. M. Jolivet: Non, non.

Mme Marois: II ne semble pas, chez eux. Je vous remercie beaucoup de votre...

Une voix: Ça s'en vient. Ça s'en vient...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! On respecte le temps de parole de Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous remercie de votre présentation. C'est tout à fait intéressant. Ça me rappelait de belles années où j'étais membre de la coopérative des HEC. Je haïssais bien ça, par exemple, aller travailler le dimanche. Cela étant dit, je pense que c'est intéressant. La perspective que vous présentez sous l'angle de la fonction libraire. Moi, je dirais que, sous cet angle-là, je crois, ça nous permettrait de recevoir sûrement positivement votre demande, avec les réserves aussi que cela comporte si on dit "sous l'angle de la fonction libraire." Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Mol, je suis très content que vous soyez venus nous voir et je vais vous dire pourquoi. Votre exception, ça dit: Des fournitures scolaires, si elles sont vendues par des coopératives en milieu scolaire... Prenons les principes que j'ai mentionnés. Je veux avoir une loi applicable, une loi gérable et une loi viable. Vous avez de la vision. Trois principes. L'équité, ça a été soulevé, c'est très clair. Aujourd'hui, vous dites: Ce n'est pas un marché de libre concurrence. Par contre, vous commencez à vendre des ordinateurs. Faisons abstraction des vêtements de sport. Vous vendez des fournitures et de la papeterie. Vous vendez également des calculatrices. Je pourrais faire une liste importante de choses que vous vendez qui concurrencent des commerces qui sont fermés le dimanche. Deuxièmement, le consommateur, point très intéressant, n'est pas fou. Si vous chargez jusqu'à 30 % moins cher et si, en plus de ça, vous avez accès à un marché élargi... Oublions les 380 000 aujourd'hui. On parle d'une fréquentation accrue du milieu scolaire. On parle des adultes maintenant parce qu'on fait de plus en plus d'efforts, et je pense que l'Opposition est d'accord avec ça, pour la formation professionnelle. On parle de plus en plus de centres spécialisés et, également, de résidences d'étudiants.

Finalement, quand je regarde la qualité de vie... La qualité de vie, vous allez convenir avec moi que l'éducation, c'est une forme de qualité de vie. Donc, quand on essaie d'appliquer ça, c'est là qu'on voit la problématique des décisions qu'on a a prendre. Parce que, si on veut avoir le moindrement une vision de ce que vous allez être dans deux ans, parce que vous êtes performants, parce que vous avez une vision, ça veut dire qu'inévitablement, vous allez concurrencer des commerces qui sont fermés le dimanche.

Alors, moi, dans ce sens-là, je suis très content et je veux vous remercier, Mme Couil-lard, MM. Ross, Simard et Pichette. Soyez assurés que, dans notre réflexion, on va sûrement prendre ça en considération. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie la Fédération des coopératives québécoises en milieu scolaire et suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, alors que nous recevrons l'Association des marchands de Rimouski.

(Suspension de la séance à 16 h 41)

(Reprise à 20 h 1)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place.

Ce soir, la commission des...

Une voix: De l'économie et du travail.

Le Président (M. Bélanger): ...de l'économie et du travail - excusez-moi, j'avais le réflexe de l'ancienne commission - se réunit ce soir pour procéder à des consultations générales et des auditions publiques sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Ce soir, nous recevons, en premier lieu, l'Association des marchands de Rimouski; ensuite, les Maîtres Fourreurs associés du Québec inc., et l'Association des marchands détaillants du Canada, Fédération du détail et des services du Québec.

Donc, nous recevons notre premier groupe. Je présume que vous êtes le représentant de l'Association des marchands de Rimouski. La consigne, s'il vous plaît... Je vous demanderais de vous présenter, d'identifier votre porte-parole et de procéder à la présentation de votre mémoire. On sait qu'on a 30 minutes. Donc, ça veut dire que vous avez dix minutes... Oui, on m'a dit qu'il pouvait y avoir peut-être douze minutes. Bon, alors, dix ou douze minutes pour la présentation de votre mémoire et l'échange avec les parlementaires; par la suite, dix minutes pour chaque faction politique.

Je vous prierais donc de vous identifier et de bien vouloir commencer. Merci.

Association des marchands de Rimouski

Mme Langlais (Colette): Colette Langlais, de l'Association des marchands de Rimouski, commerçante.

Le Président (M. Bélanger): Bien.

M. Beaulieu (Jean): Jean Beaulieu, président de l'Association des marchands de Rimouski, dans le prêt-à-porter pour homme.

Mme Racine (Sylvie): Sylvie Racine, entre-preneure à Rimouski.

Le Président (M. Bélanger): Bien.

M. Gagnon (Jean-Léon): Jean-Léon Gagnon, directeur de l'Association des marchands.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, votre porte-parole, c'est monsieur ou madame?

M. Beaulieu? Bien. Alors, si vous voulez procéder, M. Beaulieu.

M. Beaulieu: Parfait. M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, permettez-moi, avant tout, de vous remercier d'avoir permis aux régions de participer à vos travaux et de vous présenter les intervenants de l'Association des marchands de Rimouski. Excusez, on s'est présentés avant. Alors, on va passer au...

L'Association des marchands de Rimouski, au nom de ses membres, soit près de 400 marchands au détail, est heureuse de faire connaître sa position relativement à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. L'Association des marchands de Rimouski ne croit pas que les modifications à l'étude par la commission de l'économie et du travail constituent une réponse globale aux différents changements des habitudes de consommation constatés au Québec, au cours de la dernière décennie. Nous croyons, au contraire, que la loi actuelle permet l'atteinte d'un nécessaire équilibre entre l'accès à des biens et services et le maintien, sinon l'accroissement, d'une qualité de vie pour chacun des intervenants impliqués.

Nous intervenons donc sur chacun des aspects soumis à l'étude par la commission. Soulignons, dès lors, notre intérêt. Libéraliser les heures d'affaires et accepter l'ouverture des magasins le dimanche sacrifieraient des usages sociaux établis. Pourquoi, questionnons-nous, une certaine catégorie de la population (employés et propriétaires d'établissements commerciaux) troquerait-elle le congé dominical autrement occupé par des activités familiales et de loisirs alors que d'autres secteurs d'activité aspirent à une diminution des heures de travail?

Pourquoi, ajoutons-nous, le commerçant soumettrait-il sa rentabilité à un étalement des heures d'accès, alors que nous sommes en droit de croire que l'ouverture des magasins le dimanche ne modifierait en rien ou si peu le pourcentage des dépenses de consommation que le consommateur serait en mesure d'engager? C'est d'ailleurs ce qui se dégage des données recensées par Statistique Canada et qui démontrent que "les biens dits essentiels comme l'alimentation, les vêtements et l'ameublement occupent une part

décroissante du budget de consommation des Québécois" au détriment, si l'on doit en croire les chiffres, d'une part de plus en plus grande du budget consenti "aux activités de loisir, de divertissement et de culture et aux biens et services personnels".

Pourquoi, enfin, accepterions-nous de bonne foi de mettre en péril la survie du commerçant indépendant face à la concurrence de la grande entreprise? Comme société, nous avons mieux à faire. Voici donc la position de l'Association des marchands de Rimouski.

Révision des exceptions prévues par la loi actuelle Nous optons pour le renforcement des exceptions prévues par la loi de sorte qu'elles ne concernent que les biens dits essentiels, comme le sont certains produits alimentaires de dépannage ou les produits pharmaceutiques, tout comme l'essence peut l'être. En ce sens, nous endossons la position défendue par la Coalition contre l'ouverture le dimanche lorsqu'elle revendique l'abolition des exemptions, sauf celles prévues au rapport Richard. Cette limitation permettrait d'éviter que se répète le précédent créé par certaines chaînes pharmaceutiques.

Nous optons également pour un renforcement des standards permettant à ces "commerces d'exception" d'opérer le dimanche. Cette restriction se résume en deux points: réévaluation à la baisse de la surface d'exploitation et de son cloisonnement par quatre murs extérieurs ainsi que la limitation à trois du nombre d'employés requis en tout temps pour assurer le fonctionnement de ces établissements commerciaux.

Notre position vient donc contrer l'ouverture dominicale des marchés publics, véritable source de concurrence déloyale pour le commerçant indépendant, tout comme celle des commerces à grande superficie qui pourraient, par l'installation de cloisons transparentes et l'opération avec un personnel limité, contourner la loi.

Certaines exemptions devraient cependant demeurer. Nous pouvons nommer les pharmacies dont l'activité exclusive est la vente de produits pharmaceutiques, les librairies et tabagies, les restaurants, les commerces dont l'activité exclusive est la vente d'articles d'artisanat et d'oeuvres d'art, les établissements vendant exclusivement de l'essence, de l'huile à moteur ou à chauffage, les commerces donc l'activité exclusive est la vente de fleurs ou de produits d'horticulture, ceux vendant exclusivement des marchandises usagées et des antiquités ainsi que des établissements vendant des véhicules routiers, embarcations, remorques et machinerie agricole. Du reste, nous ne considérons pas que la vente de piscines ou d'accessoires nécessaires à leur fonctionnement soit une activité qui doit être intégrée aux exemptions.

Réaménagement des heures d'ouverture, en semaine, pour tous les établissements commerciaux. L'Association des marchands de Rimouski opte pour le maintien du statu quo à ce sujet.

Les plages horaires en vigueur actuellement dans les commerces en général offrent 56 heures d'ouverture, ce qui, croyons-nous, laisse amplement le temps au consommateur de faire ses emplettes. L'élargissement des heures d'ouverture ne ferait que diluer la concentration de l'activité commerciale, augmenter les frais d'opération qui y sont reliés, sans compter une détérioration du potentiel d'une vie familiale et sociale saine. Troquer l'heure du magasinage avec celle où d'autres activités pourraient être entreprises fait partie du quotidien de tous et n'a rien de tout à fait nouveau. L'ouverture des magasins le dimanche ne ferait qu'amplifier la situation.

Ainsi, à l'instar de la Corporation des marchands de meubles du Québec, nous disons non à la proposition de prolonger les heures d'ouverture sur semaine.

Augmentation du nombre maximum d'employés présents en tout temps dans le secteur de l'alimentation afin d'ouvrir hors des heures régulières. Il est bien évident, compte tenu de la position défendue dès l'amorce de notre argumentation, que l'Association des marchands de Rimouski ne peut que demander le statu quo à ce chapitre.

L'ouverture, le dimanche, des établissements commerciaux du secteur de l'alimentation. Pour des raisons économiques et sociales, nous optons pour le maintien de la réglementation actuelle. Au chapitre économique, la majorité des opinions émises abondent dans le même sens. L'ouverture dominicale ne ferait que réduire la concentration de consommation en l'étalant sur un plus grand nombre d'heures, sans que ne soit nécessairement ressenti un accroissement sensible du niveau de vente. Qui plus est, le commerçant serait contraint, compte tenu de l'absence d'une hausse significative de son chiffre d'affaires et d'un accroissement de ses dépenses d'opération, de majorer ses prix de détail pour supporter l'écart. Voilà le premier effet à encaisser,.

Mais plus encore, l'ouverture des magasins d'alimentation le dimanche laisse présager une dégradation de la qualité de vie, autant pour le travailleur que pour le consommateur: moins de temps à consacrer au repos, à la famille, au loisir, au divertissement. Un des rares privilèges qu'il nous reste encore, le congé dominical, aura été sacrifié au nom de la consommation de biens, comme si seule cette valeur avait de l'importance.

Possibilité de transférer, au niveau local, le pouvoir décisionnel de l'ouverture le dimanche du secteur de l'alimentation. L'Association des marchands de Rimouski s'oppose à un transfert du pouvoir décisionnel vers les municipalités. La Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux est de juridiction provinciale et on ne doit pas ouvrir la porte à l'anarchie en cette matière. La vitalité du secteur commercial est tributaire d'un nécessaire équilibre qu'on ne peut obtenir que par son uniformité.

Dans une région comme la nôtre, des municipalités différentes tant par leur importance démographique que par leur force économique sont séparées par quelques kilomètres seulement. Il y a fort à parier qu'un tel transfert de pouvoir décisionnel, compte tenu de l'absence d'un cadre uniforme d'ouverture, amènerait soit un déplacement de clientèle vers les municipalités où les commerces d'alimentation opèrent le dimanche, soit un affaiblissement de la rentabilité du commerçant indépendant au profit de la grande chaîne. Du reste, c'est le marchand indépendant qui a le plus à perdre dans le cas.

Les mécanismes et les modalités d'application de la loi, entre autres l'augmentation des amendes pour les contrevenants. L'Association des marchands de Rimouski souhaite que la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux soit rigoureusement respectée. Cependant, pour en faciliter son contrôle, elle convient de la nécessité de conférer aux municipalités le pouvoir de vérification. Ainsi, croit-on plausible d'élargir le mandat des services de police municipale et provinciale et de les autoriser à enquêter quant au respect du régime prévu par la loi. Bien que nous ne croyons pas que cette alternative soit idéale, nous nous devons de constater que le manque de ressources déléguées par le ministre de la Justice ouvre la porte, dans les régions éloignées des grands centres, aux contrevenants.

Conclusion. Il est nécessaire que les heures d'affaires des établissements commerciaux soient régies selon un cadre uniforme. Une telle réglementation est la seule qui puisse permettre un équilibre économique et un respect des valeurs sociales. C'est pourquoi nous reconnaissons la nécessité de maintenir la loi actuelle et, dans certains cas, d'en accroître les prescriptions.

Libéraliser les heures d'affaires et ouvrir les magasins le dimanche, c'est troquer une certaine qualité de vie, qui se résume, en fait, à une journée sur sept, au profit d'une course aux biens de consommation; c'est accepter de laisser se détériorer des conditions de travail de la majorité des 391 000 travailleurs du commerce de détail au Québec; c'est finalement accepter un appauvrissement de notre qualité de vie en société.

Du côté économique, cela signifie, pour le commerçant, d'étaler son chiffre d'affaires sur plusieurs heures supplémentaires sans pour autant qu'il soit assuré d'un rendement significatif. Cela signifie également, en sous-entendu, une augmentation de ses coûts d'exploitation et un effet d'entraînement sur les prix de vente au détail.

Enfin, en tant que société, nous devons faire face à une demande accrue de services complémentaires. Les fournisseurs devront s'adapter en conséquence. Les garderies devront, elles aussi, étaler leurs horaires de fonctionnement, sans compter la surchage pour les travailleurs et les travailleuses d'autres secteurs d'activité ainsi qu'à une mise en marché encore plus forte des activités dites de loisirs puisque ce secteur d'activité devra lui aussi faire face à de nouvelles concurrences.

En définitive, l'Association des marchands de Rimouski s'oppose à la libéralisation des heures d'affaires des établissements commerciaux et recommande que la loi limite au maximum les exemptions en ce qui a trait à l'ouverture des commerces en dehors des heures réglementées. Et, suivant les recommandations du rapport Richard, nous croyons que les seules exemptions permises devront se limiter à l'approvisionnement des biens essentiels, les produits pharmaceutiques, l'alimentaire de dépannage, l'essence, l'huile à chauffage, les biens découlant d'une production artisanale ou d'oeuvres d'art, l'exploitation touristique et qu'elles devraient tenir compte de la limitation du nombre d'employés requis pour le fonctionnement normal de l'établissement. Plus particulièrement, en ce qui concerne l'ouverture des commerces en alimentation, l'Association des marchands de Rimouski appuie la position défendue par le Regroupement des détaillants indépendants et des travailleurs et travailleuses contre l'ouverture le dimanche lorsqu'elle affirme que notre force réside toujours dans la relation qu'on crée avec notre clientèle. Nous sommes en mesure de répondre à ces besions réels et ceux-ci n'exigent pas la libéralisation du commerce alimentaire le dimanche, non plus que celle du commerce au détail en général. (20 h 15)

Le Président (M. Bélanger): Si vous me le permettez, on a 12 minutes. Je pense que la demi-page qui reste, les gens pourront peut-être la lire.

M. Beaulieu: Juste une petite minute. Je voudrais encore une fois remercier les membres de la commission d'avoir bien accepté d'entendre notre position sur la question des heures d'ouverture et vous assurer de notre entière collaboration.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le porte-parole. Je céderais, d'entrée de jeu, la parole au député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Alors, M. le Président, vous me permettrez très brièvement de remercier l'Association des marchands de Rimouski de s'être présentée devant cette commission pour faire connaître son point de vue. Je vous dirai très brièvement que les propos, ou encore les arguments que l'Association des marchands défend dans son rapport, reçoivent l'appui, peut-être pas total, mais l'appui pratiquement - en tout cas - à 99 % de leurs propositions, à savoir que nous avons à Rimouski une qualité de vie que nous ne voulons pas mettre en

péril. D'autre part, je pense que l'Association des marchands donne un bon service au niveau des heures d'ouverture et au niveau du service à la clientèle. Je dois vous dire que je suis tout à fait heureux de constater qu'elle a fait connaître sa position et que c'est le reflet en même temps d'une bonne partie de la population dans notre milieu rimouskois. Alors, félicitations à l'Association des marchands et à leurs représentants. Je vous souhaite bon succès et j'espère que la commission entendra avec beaucoup d'intérêt les commentaires que vous voulez ajouter. Malheureusement, je dois quitter parce que je suis membre d'une autre commission.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. Beaulieu, c'est intéressant, mais vous savez que si vous vous mettez à notre position il faut voir la problématique globale. Ce que vous nous dites, c'est que toutes les municipalités sont semblables; les besoins de tout le monde, c'est la même chose et on ne peut pas envisager, par exemple, l'hypothèse de travail... Je répète que c'est bien une hypothèse de travail - vous y avez répondu tout à l'heure - la possibilité de dire à une municipalité, oui ou non, à l'ouverture. Alors, je veux juste... J'aimerais vous entendre sur... Comment arrivez-vous à la conclusion que, parce qu'à Rimouski c'est important la qualité de vie - et je suis d'accord avec vous, c'est important partout - les besoins de Rimouski, les biens essentiels définis par vous, c'est la même chose partout au Québec? Ça, c'est ma première question. La deuxième, dépendamment de la réponse que vous allez me donner, les commerces sont ouverts 62 heures selon la loi: Est-ce que vous seriez au moins d'accord pour dire qu'au lieu d'ouvrir à 8 h 30 ils pourraient ouvrir à 9 h 30, et qu'au lieu de fermer à 18 heures ils pourraient fermer à 19 heures ou 19 h 30 justement pour permettre à certaines personnes, et je pense que ça fait... La très grande majorité des intervenants sont d'accord pour dire que la loi actuelle n'est pas équitable et ne répond pas aux besoins réels des consommateurs, en général, la très grande majorité. Donc, ce sont mes deux questions.

M. Beaulieu: La première question, c'est la qualité de vie et les biens essentiels. La qualité de vie, les employés qui travaillent dans les magasins sont comme tous les travailleurs dans la société; ils aiment mieux avoir des heures normales de travail. Je sais bien qu'ouvrir le magasin à 9 h 30 et fermer à 19 h 30 le soir, ça devient un problème pour plusieurs dans un certain sens. Eux aussi ont des familles, des enfants, etc. C'est vrai qu'on n'est pas comme à Montréal, à Québec ou ailleurs. C'est peut-être plus facile. Les gens se libèrent plus tôt. Nous, on ne voit pas l'utilité de fermer à 19 heures ou à 19 h 30 le soir pour satisfaire... Je pense qu'à l'heure actuelle ils ont la possibilité vraiment de pouvoir répondre aux gens qui ont des besoins de consommation, à l'heure actuelle.

M. Tremblay (Outremont): Sur ce point, vous voyez - vous l'admettez vous-même - qu'il y a une différence entre Rimouski et Québec ou Montréal. Il peut y avoir des problèmes de circulation, il peut y avoir des horaires différents. Et pour permettre à des personnes d'avoir accès justement aux mêmes services que vous avez... Donc, quand vous demandez que la loi soit uniforme, si vous voulez qu'elle soit uniforme, il va falloir que quelqu'un mette un peu d'eau dans son vin pour comprendre que, si c'est ça qu'il faut faire, il va falloir regarder moins la situation en fonction de ses intérêts personnels - je l'ai mentionné au début - et essayer d'être conciliants un peu pour comprendre surtout si vous n'êtes pas d'accord qu'on régionalise la décision, mais qu'on ait un pouvoir uniforme, une loi uniforme, au moins qu'elle s'applique à la très grande majorité des intervenants. Non, non, je ne parle pas de....

M. Beaulieu: À l'heure actuelle, on est régis par une loi en région extérieure. À Montréal, ils s'acclimatent quand même assez bien à l'heure actuelle. À Québec, ils s'acclimatent quand même assez bien, à l'heure actuelle. C'est vrai que j'ai fait une exception tantôt. Je ne crois pas qu'il y ait une si grande différence que ça entre Montréal et Québec et Rimouski pour changer les règles du jeu. Moi, je dis qu'on a une loi en or, qui est très très bien, qui est acceptable et c'est pour ça qu'on la défend, de toute manière. Si on donne le droit d'ouverture dans les villes comme Montréal ou Québec et qu'on ne le donne pas en région, ça fait quand même un déséquilibre. Je dis une chose: Quand les magasins vont être ouverts à Montréal, quand ils vont être ouverts à Québec, ils vont être ouverts à Rimouski. Ça, c'est officiel. On ne peut pas changer... On est à deux heures et demie ou trois heures de Québec. Si les magasins étaient ouverts le dimanche à Québec, c'est bien de valeur, mais vous ne pourriez pas les faire fermer à Rimouski; ils vont vouloir suivre. On ne peut pas avoir, selon moi, une loi pour Montréal, pour Québec et pour les régions.

M. Tremblay (Outremont): Je peux comprendre votre argumentation...

M. Beaulieu: Oui.

M. Tremblay (Outremont): ...pour, par exemple, le dimanche. Je vous comprends.

M. Beauiieu: Oui, d'accord.

M. Tremblay (Outremont): Mais vous savez qu'en ce moment, dans la loi, il existe des zones touristiques...

M. Beaulieu: Oui.

M. Tremblay (Outremont): ...qui permettent l'ouverture des commerces le dimanche. Ce que j'ai de la misère à comprendre - c'est uniquement un questionnement que je me fais, - c'est que, parce qu'à Rimouski, vos besoins sont tels que vous êtes satisfaits de la loi actuelle, j'ai de la misère à concilier ça avec la problématique globale de la très grande majorité des intervenants qui nous disent: À cause des nouveaux modes de vie, à cause des familles monoparentales, on a besoin d'heures additionnelles sur semaine - c'est aussi la position de l'Opposition - pour nous permettre d'améliorer notre qualité de vie, d'être moins stressés quand on finit de travailler à 17 heures; il y a le métro à Montréal, il y a le congestionnement, il y a des problèmes de circulation. Ouvrir un commerce, par exemple, une hypothèse de travail, jusqu'à 19 heures permettrait aux couples et aux familles monoparentales d'avoir accès à des services comme vous avez à Rimouski. C'est juste ça.

M. Beaulieu: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je me dis: Seriez-vous déçus au point que si jamais on en arrivait à la conclusion qu'il faut élargir les heures sans nécessairement les augmenter, vous ne pourriez pas, à Rimouski, vous adapter à une situation comme celle-là?

M. Beaulieu: C'est sûr qu'il va falloir vivre avec s'il y a des changements. Mais est-ce que les familles monoparentales dont vous parliez ou les couples travaillent sept jours sur sept dans une semaine? Ils ne travaillent pas sept jours sur sept; ils ont souvent leur journée ou leurs deux jours de congé dans une semaine. Ils ne travaillent pas 62 heures par semaine non plus.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Le temps du parti ministériel étant écoulé, je cède la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je vous remercie de votre présentation. Je vous souhaite la bienvenue à la commission. Évidemment, ça rejoint une thèse que je défends au nom de mon parti ici et, bien sûr, je suis particulièrement accueillante à votre point de vue. Je le dis et je suis persuadée que mes collègues partagent aussi ce point de vue. Ça semble d'ailleurs être le cas du député de Rimouski, et c'est heureux qu'il soit d'accord aussi avec ce que vous défendez et ce que vous apportez.

Je vais soulever une question plus d'ordre technique et, après ça, on reviendra sur le fond du mémoire. Vous suggérez que l'application de la loi... D'abord, vous dites: Ça va, celle qui est là est correcte; il s'agit de la resserrer et d'en enlever certaines exceptions. Ça ne manque pas de courage, d'ailleurs, pour une association de marchands parce qu'il y a probablement certains de vos collègues qui ne partagent pas nécessairement votre point de vue. Hein? Bon.

Vous suggérez donc de remettre l'application de la loi aux municipalités. Une des questions qui se soulèvent, c'est, entre autres, par rapport à une loi, même resserrée, de dire: C'est trop compliqué à appliquer. On est mieux, à la limite, qu'il n'y ait pas de loi, qu'on fasse tomber les exceptions et qu'on ouvre 24 heures par jour si on veut, évidemment, parce que c'est trop compliqué à appliquer, une loi comme ça. Or, ça ne semble pas être votre point de vue, puisque vous dites: Nous, non seulement on veut qu'il y ait une loi, qu'elle soit resserrée un peu, mais, en plus, on voudrait que nos municipalités l'appliquent; non pas que ce soit décidé dans les municipalités, que ce soit décidé au plan national, mais que les municipalités l'appliquent. Est-ce que vous considérez que c'est une loi qui serait difficile et complexe à appliquer ou si ça vous apparaît relativement simple?

M. Beaulieu: Dans le contexte actuel, c'est sûr que c'est plus difficile à appliquer si on compte qu'il y a deux inspecteurs pour la région de Montréal et qu'il y a deux inspecteurs pour le reste du Québec. Alors, c'est impossible, quand on a un problème d'ouverture ... on appelle le ministère, l'inspecteur. Il dit: Bien, avez-vous une preuve de ci, avez-vous une preuve de ça? Et on peut le rejoindre au bout de quinze jours, il vient dans notre région pour faire enquête ou quoi que ce soit. Alors, là, c'est assez difficile de faire appliquer une loi quand tu as deux inspecteurs pour tout le Québec. C'est pour ça, peut-être, qu'ils n'ont pas les budgets nécessaires ou quoi que ce soit, mais peut-être que ce serait plus facile que les enquêtes soient faites, soit par les corps municipaux ou les corps provinciaux là-dessus. Là, ce serait peut-être plus facile de voir à l'application de la loi parce qu'il y en a à qui on en donne grand de même et qui essaient de la détourner par tous les moyens. Nous autres, l'application de la loi, on voudrait qu'elle soit égale pour tout le monde On propose une solution à ce problème.

Mme Marois: D'accord. Et vous n'avez pas l'impression que le contrôle serait difficile à mettre en place à cet égard?

M. Beaulieu: Non. De toute manière, l'application de la loi, c'est surtout au niveau des enquêtes qui seraient faites par les corps municipaux ou les choses du genre. C'est l'application faite par le ministère de la Justice après. Tout serait remis au ministère de la Justice pour voir

à faire appliquer les amendes et tout, l'application de la loi.

Mme Marois: D'accord. Je vois que l'un de vos membres est un membre d'ailleurs du comité du mémoire, une personne, j'imagine, qui a une bannière ou qui est un franchisé de Steinberg's, c'est bien ça? Non?

M. Gagnon: Non, Mme Marois. Je suis gérant de magasin chez Steinberg's à Rimouski. Je suis conscient que ma compagnie va défendre ses droits en commission parlementaire le 14 mars. Par respect pour ma compagnie, je pense que je vais les laisser interpréter vraiment ce qu'ils veulent dire.

Mme Marois: D'accord.

M. Gagnon: Je pense que le mémoire est déjà présenté.

Mme Marois: Oui, effectivement.

M. Gagnon: C'est pour ça d'ailleurs que je n'ai pas voulu parler ce soir.

Mme Marois: D'accord. C'est intéressant que vous apportiez cet éclairage. Je vais vous dire cependant qu'un des sentiments que j'ai en lisant les mémoires... Bon, je m'adresse à vous, puisque vous l'abordez... Le sentiment que j'ai en lisant les mémoires, c'est que les marchands indépendants qui se manifestent pour l'ouverture - parce qu'il y en a - ou les regroupements qui se manifestent pour l'ouverture, se disent que le gouvernement n'aura pas le courage d'aller au bout d'une restriction nécessaire des heures d'ouverture des commerces qui devraient ouvrir pour rétablir l'équité. Donc, craignant que l'inéquité demeure, ils se disent: Bien, allons donc vers une ouverture un peu plus grande, puisqu'on ne pourra jamais obtenir ce qu'on souhaiterait réellement. Est-ce que je me trompe? Est-ce que mon analyse est fausse? Madame, si vous voulez répondre... C'est parce que je vois M. Beaulieu...

Mme Langlais: Non, je ne crois pas. Je ne voudrais pas avoir à régler votre problème parce que je sais que c'est...

Mme Marois: Remarquez que c'est surtout celui du ministre, hein? Parce que moi, en plus, j'ai une position claire. Donc, c'est pas mal.

Mme Langlais: C'est ça, c'est une grosse patate chaude que vous avez. C'est sûr. Même nous, on a de la difficulté à s'entendre autour d'une table. Je le comprends. Tu as le secteur de l'alimentation, le secteur de la pharmacie, le secteur du détaillant de marchandises sèches et tout. C'est sûr que ce n'est pas facile, mais la seule chose à laquelle on tient, ce serait le statu quo au moins pour le dimanche. Ça, c'est une chose qui nous tient à coeur. Pour l'extension, en tant que commerçante, je suis toujours un peu pour l'extension sur semaine, même si je ne suis pas d'accord. Il reste que...

Mme Marois: Vous vivriez avec sans que ça vous pose...

Mme Langlais: ...je vais m'y soumettre. (20 h 30)

Mme Marois: Oui.

Mme Langlais: Par contre, je me dis: Pour le dimanche, c'est le statu quo ou c'est la fermeture de beaucoup de magasins parce que je me mets, moi, dans ma situation individuelle, je suis dans un centre commercial, automatiquement les frais communs vont augmenter. C'est un "free for all" qui va commencer parce qu'on ne pourra pas dire... Quand la compagnie Westcliff va arriver et va dire: Tu ouvres le dimanche, sur ton bail ça va être marqué: Ouvre le dimanche. Ça fait que je me dis, à ce moment-là, ce sont les frais communs qui augmentent, c'est notre personnel qui augmente ou c'est nous qui devrons faire les heures. Ça fait qu'automatiquement on est dans un méchant dilemme, c'est sûr. Le dimanche, c'est tout ce qu'on vous demande. Au moins, sur semaine, le mercredi soir, on peut toujours être assez flexible.

Mme Marois: Nous entendons votre cri "au secours." J'espère que le ministre l'entendra aussi.

Mme Langlais: Je l'espère. Je i'espère.

Mme Marois: Vous vouliez ajouter quelque chose, oui, M. Beaulieu.

M. Beaulieu: J'ai une chose. C'est que, quand même, cette orientation reflète au moins 95 % des marchands de Rimouski. Dans le secteur de l'alimentation, il y a cinq grosses chaînes à Rimouski, qui ont été contactées personnellement, et les cinq sont contre l'ouverture le dimanche dans l'alimentation. Je parle de Provigo, de Métro et tout. Alors, ça représente même le point de vue des consommateurs de Rimouski. Donc, c'est une enquête peut-être maison, mais qui reflète à 95 % notre région, Rimouski, les commerçants comme les consommateurs.

Mme Marois: D'accord.

M. Beaulieu: C'est très important.

Mme Marois: On me dit que mon temps est

terminé. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Malheureusement. Alors, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Marois: Ah! bien, certainement. J'ai ce grand plaisir de vous remercier. Je disais à quelqu'un de votre groupe que j'ai rencontré par hasard tout à l'heure que j'avais trouvé votre mémoire succinct, mais bien ramassé et bien clair, sans bavure. Ce qu'on sent, c'est qu'on sait ce que l'on veut. On sait ce que l'on propose aussi. Et ça fait plaisir d'entendre aussi des gens qui ont le goût de parler peut-être à leur tour de qualité de vie. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Alors, Mme Langials, Mme Racine, M. Beauiieu et M. Gagnon, tout le monde est d'accord sur une chose, avec l'Opposition, c'est que votre document est de très bonne qualité. Je pense que vous avez une bonne argumentation. Je pense que j'aurais dû poser mes questions à Mme Langlais parce que je me suis aperçu, à la suite de sa remarque, qu'elle était conciliante. Le seul questionnement, et encore une fois, c'est juste un questionnement, c'est que c'est difficile, à la suite de tous les mémoires qu'on a lus, de dire que Rimouski est représentatif de tout le Québec. Je pense que vous allez réaliser que dans une vision globale, si on veut régler une loi, vous la voulez uniforme pour s'appliquer partout au Québec. Si jamais une des conclusions, c'est d'arriver et de dire: On va entendre tous les intervenants, ce n'est pas le dimanche, est-ce qu'on va devoir - je ne le sais pas, on va écouter - élargir les heures en semaine, sans nécessairement vouloir dire qu'on va augmenter le nombre d'heures pour permettre à un certain groupe de personnes d'avoir la même qualité de vie que vous avez? Alors, dans ce sens-là, je vous remercie encore une fois et je vous remercie, Mme Langlais, de votre ouverture d'esprit.

M. Beauiieu: Merci.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie l'Association des marchands de Rimouski pour sa participation. Je me fais aussi le porte-parole du député de Rimouski, qui est pris dans une autre commission, pour vous remercier de vous être déplacés. On vous souhaite un bon retour et, si vous me le permettez, j'appelle maintenant les Maîtres Fourreurs associés du Québec inc. à la table des témoins. Nous allons suspendre les travaux pendant une minute pour faire la transition.

(Suspension de la séance à 20 h 34)

(Reprise à 20 h 35)

Maîtres Fourreurs associés du Québec inc.

Le Président (M. Bélanger): J'inviterais chacun des membres à reprendre sa place, s'il vous plaît, pour que nous puissions entendre notre prochain groupe invité, les Maîtres Fourreurs associés du Québec inc., représenté par M. Georges Pouliot, de Georges Pouliot Fourrures.

M. Pouliot, je réalise qu'il y a quelqu'un d'autre avec vous. Alors, si vous voulez faire les présentations et bien vouloir procéder à la présentation de votre mémoire. Vous avez dix minutes et le reste, ce sont les échanges. Si vous voulez procéder.

M. Pouliot (Georges): Mon nom est Georges Pouliot. Louise Barre, mon épouse et ma collaboratrice.

Le Président (M. Bélanger): Madame.

M. Pouliot: L'intervenant, ce sont les Maîtres Fourreurs associés du Québec inc., qui existent depuis 1955 en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. La MFA est une association regroupant toute l'expertise du commerce de la fourrure au détail. C'est d'ailleurs depuis 1968 que cette dernière a été reconnue par le ministre comme la seule association représentative du commerce de la fourrure du détail au Québec.

Depuis sa fondation, la MFA se préoccupe de la qualité de ses services à la clientèle et a accru ses programmes d'information aux consommateurs du Québec. Le service personnalisé et le suivi après vente du client sont des préceptes essentiels à ce type de commerce. C'est d'ailleurs par ce souci de protection du consommateur qu'en septembre 1983 la MFA confirmait, dans un code de déontologie, ses normes de conduite professionnelle.

Le désir d'offrir à la population un service de qualité et d'avoir au Québec des pratiques bien légiférées incite donc la MFA à présenter sa position quant au projet de loi concernant la modification de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

M. le Président, membres de la commission, mesdames et messieurs, les Maîtres Fourreurs associés du Québec ont été heureux d'apprendre qu'une commission parlementaire aurait lieu au début de 1990. Il est en effet important pour la MFA d'intervenir dans ce débat, car, à moyen et long termes, il en va du maintien de la qualité du produit et de celle des services après vente, donc de la possibilité de demeurer dans le monde des affaires en tant que spécialistes de la fourrure. L'enjeu est donc considérable. Une argumentation d'ordre administratif, économique et social forme la base de notre exposé en faveur d'un statu quo concernant ladite loi.

À l'heure actuelle, une partie de la population exerce des pressions pour l'ouverture des commerces le dimanche. Des réponses relatives à l'accessibilité des services doivent être trouvées par les nouveaux besoins des consommateurs. En tenant compte du document d'information préparé par le sous-ministre, M. Maurice Turgeon, il semble que le débat amorcé depuis plusieurs mois concerne, dans une large proportion, les commerçants en alimentation. L'enjeu essentiel met aux prises les grands et les petits commerçants et ceux qui ne s'étiquettent pas comme tels, mais dont une bonne partie du chiffre d'affaires est réalisé grâce aux produits alimentaires ou connexes.

Le dossier présenté par les Maîtres Fourreurs associés du Québec ne retiendra en fin d'analyse que les thèmes suivants: la révision des exceptions prévues par la loi, le réaménagement des heures d'ouverture en semaine pour les types d'établissements commerciaux, les mécanismes et les modalités d'application de la loi et entre autres, l'augmentation des amendes pour les contrevenants.

Les arguments administratifs. Certes, les habitudes de consommation de la population québécoise changent et changeront encore. Voilà une des raisons qui incitent le gouvernement à revoir sa loi et à évaluer l'opportunité de libéraliser les heures d'ouverture. Dès lors, qu'en est-il de l'impact d'une libéralisation des heures d'ouverture pour les Maîtres Fourreurs associés? Sans faire la nomenclature de tous les scénarios, à la suite d'une loi favorable à cette libéralisation le dimanche, signalons que, sur le plan administratif, elle entraîne une augmentation des frais fixes.

Nous pouvons en outre nous poser la question: Est-ce que l'ouverture des commerces de fourrure le dimanche augmenterait sensiblement les ventes? Pour l'achat d'un manteau de fourrure, le client alloue en moyenne cinq heures: information, sélection des peaux, choix de la coupe, etc. Dans cette perspective, ne peut-on pas émettre l'hypothèse selon laquelle les clients auraient tendance à étaler le temps généralement alloué à l'achat d'une fourrure? De par notre expérience, nous sommes convaincus que l'ouverture de nos commerces le dimanche ne ferait qu'encourager à la fois l'étalement des heures avant la décision finale de l'achat et le report de l'achat au dimanche. Nos doutes sont ainsi très présents quant au bien-fondé d'ouvrir nos commerces le dimanche.

Abordant le volet administratif d'une manière plus globale, est-il juste de concevoir l'obligation des institutions gouvernementales, des établissements financiers et autres d'assurer également une permanence le dimanche? Peut-être est-ce là le sens véritable d'un encadrement équitable. Ce point nous apparaît primordial dans ce débat. En effet, pour être conséquents, les commerçants qui se verront obligés d'ouvrir le dimanche seront en droit de s'attendre au maintien de l'infrastructure administrative gouvernementale commandée durant la semaine normale de travail.

Nous nous arrêtons, car il serait très facile et même tentant d'élaborer toutes les implications administratives que nécessite l'ouverture le dimanche: gestion du transport en commun, par-comètres, policiers, etc. Dans l'éventualité d'une libéralisation le dimanche, seriez-vous prêt, en tant que gouvernement, à soutenir l'infrastructure et l'encadrement normal de la semaine? Le vote d'une telle loi entraîne ce dilemme. Cette démonstration vise simplement à attirer votre attention sur les problèmes qu'encourront les maîtres fourreurs et ceux qui se poseront à grande échelle pour l'articulation de cette loi.

Les arguments économiques. Du côté de l'argumentation économique, il serait tentant de débattre sur des points névralgiques de l'économie, tels les ventes, les prix et les emplois. Mais respectant le contenu du document d'information dans lequel on mentionne que: "Les quelques études réalisées au Québec ou ailleurs sont peu concluantes quant aux impacts d'une libéralisation des heures d'ouverture sur le niveau général des ventes, des prix ou de l'emploi dans le commerce de détail" nous nous pencherons plutôt sur l'argument du déplacement de la clientèle selon les heures d'ouverture. Dans une dynamique centre-périphérie, c'est-à-dire le cas où un fort pourcentage de la population habitant la banlieue vient travailler dans les grands centres urbains, beaucoup de commerçants, grands et petits, ont tout intérêt à favoriser le statu quo quant à la Loi sur les heures d'ouverture.

En effet, la réalisation d'un bon pourcentage de leurs ventes s'effectue durant la semaine par une clientèle bien définie, les travailleurs. Dès lors, libéraliser les heures d'ouverture le dimanche impliquerait nécessairement une chute relative de la vente au détail des commerçants en général et des maîtres fourreurs en particulier du centre-ville. Dans ce contexte, il nous est difficile de penser que le gouvernement avantagerait volontairement les centres d'achat des banlieues au détriment de ceux du centre-ville. Si oui, est-il plausible de raisonner en termes d'accroissement de l'intervention étatique dans un contexte de libre-entreprise? Qu'en est-il alors de la régulation des marchés par le jeu de la concurrence? Ce sont là des questions fort intéressantes.

Par ailleurs, dans l'éventualité d'une ouverture sept jours sur sept pour les commerçants en fourrure, II faut évaluer l'Impact des coûts supplémentaires entraînés. Est-il rentable pour un commerçant d'ouvrir le dimanche et de payer, en plus, les frais fixes ou des salaires supplémentaires pour des possibilités de ventes incertaines? Dans un contexte des plus compétitifs qui caractérise le domaine de la fourrure, les commerçants ne peuvent se permettre de

faire la sourde oreille à ceux qui ouvrent illégalement présentement et ouvriront leurs portes, le dimanche, une fois la loi votée. Les répercussions négatives risquent d'être bien réelles, car les commerçants n'auront pas le choix de demeurer ouverts.

Un autre argument d'ordre économique qui plaide en faveur du statu quo est l'organisation économique des secteurs. Prenons juste l'exemple de la pratique du ski alpin, pour illustrer les contrecoups de la libéralisation des heures d'ouverture. L'activité entourant un aire de ski paraît anodine au premier coup d'oeil, mais demande beaucoup de préparation et d'organisation; par exemple, le nombre de personnes engagées pour assurer la formation, la sécurité, le patrouillage, la récréation, etc. Dans l'hypothèse que la nouvelle loi entraînerait une diminution de la clientèle sportive, le centre de ski se verrait dans l'obligation d'effectuer des mises à pied. Évidemment, il n'y a pas beaucoup de centres de ski au Québec, mais nous vous laissons tirer les conclusions si nous étendons cette conséquence à plusieurs sphères d'activités économiques et sociales.

Les arguments sociaux. Du côté social, la problématique liée aux heures d'ouverture est tout aussi délicate. Évidemment, en tant que législateur, plusieurs facteurs viennent influencer et complexifier la prise de décision. Parlons, d'abord, de la réflexion qu'inspirent les 19 exemptions à la présente loi sur les heures d'ouverture. En ce qui nous concerne, et pour être conformes à la philosophie des membres de notre association, nous souhaiterions que les exemptions se limitent strictement aux commerces lies au bien-être de la population, telles les pharmacies qui vendent uniquement des produits pharmaceutiques et hygiéniques. Nous pensons qu'une loi truffée d'exceptions donne trop d'occasions à ceux qui ne veulent pas se conformer.

Parlons maintenant de l'aspect plus social qu'implique le prochain projet de loi. Pour nous comme pour plusieurs, l'enjeu social se traduit dans ce débat par un changement en profondeur du mode de vie du peuple québécois. Historiquement, le dimanche a toujours été lié à une journée marquant un temps d'arrêt. En quelque sorte, dimanche est une journée de retrouvailles familiales et collectives. Sans vouloir paraître idylliques, nous sommes convaincus que les Québécois, démographiquement faibles, ont un besoin de se retrouver, que ce soit lors d'activités familiales, culturelles, sportives ou autres. Édicter une loi brisant ce phénomène de société, c'est briser l'organisation sociale, voire dissoudre, à plus ou moins long terme, la cohésion et le tissu social québécois. Inutile d'énumérer toutes les conséquences.

Sans extrapoler outre mesure au sujet des répercussions d'une telle loi, nous nous permettons d'attirer votre attention sur ses effets quant à la dynamique de couple. L'exemple des personnes devant travailler le dimanche est éloquent à cet égard. Quand le couple aura-t-il la possibilité de se retrouver si le conjoint travaille durant la semaine normale? De plus, le problème qui se pose pour les familles monoparentales dont l'enfant ou les enfants sont en bas âge est des plus sérieux. Comment trouver une garderie ouverte le dimanche? La personne qui doit assumer les coûts supplémentaires en termes de frais de garde a-t-elle les moyens financiers de le faire? (20 h 45)

Enfin, les maîtres fourreurs sont très inquiets en ce qui a trait à la qualité de vie de leurs employés spécialisés. En effet, force est de constater que cette main-d'oeuvre spécialisée est rarissime et vieillissante. Étant peu nombreux, il est pratiquement impossible d'élaborer des horaires partagés.

Dans cette perspective, il faut comprendre qu'une telle loi nous causera un préjudice sans précédent, surtout si nous voulons maintenir le prestige et la qualité de cette industrie. À cette enseigne, nous osons proposer, n'en déplaise à certains, le statu quo.

Soyez assuré, M. le Président, que nous comprenons que les trois principes sur lesquels porte la réflexion des intervenants sont inextricablement liés. Là est toute la complexité du problème et, en tant que législateurs, nous comprenons également qu'il est très délicat de trancher un tel débat lorsque vous vous devez de ménager à la fois la chèvre et le chou, le tout sans vision globale de notre société.

Toutefois, une décision reste à prendre et cette fonction vous appartient. En ce qui concerne plus précisément nos intérêts, l'issue de ce débat est cruciale pour notre survie. En fait, et au risque de nous répéter, il en va de l'existence d'une profession reconnue et renommée à travers le monde. La prise de décision qui vous incombe aura, d'un côté comme de l'autre, des répercussions inévitables. Vous devrez opter pour une décision qui non seulement orientera le mode de vie de vos concitoyens, mais altérera le tissu économique québécois.

Une alternative demeure cependant. Si nous voulons, en tant que citoyens, respecter et conserver nos valeurs historiques en excluant le choix d'une ouverture des commerces le dimanche, prolongeons en début de semaine les heures déjà allouées dans la mesure seulement où le statu quo n'est pas possible. Le tout en ouvrant plus tard les autres matins.

Quant à notre position sur les mécanismes et les modalités d'application de la loi, nous sommes d'avis qu'aussitôt que la preuve d'illégalité est faite, les personnes en autorité doivent imposer une forte amende dès la première offense. L'ampleur de l'amende est parfois nécessaire pour assurer le plein respect de la loi. En ce qui concerne les médias écrits et électroniques qui diffusent la publicité des contreve-

nants, nous sommes d'avis qu'une amende devrait leur être imputée.

L'an 2000 approche à grands pas. Osons espérer qu'une vision porteuse d'avenir, mettant l'accent sur la qualité de vie des Québécois, émerge des réflexions qui seront émises lors des échanges de la commission parlementaire. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions. M. le ministre. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.

Mme Dionne: Merci, M. le Président. M. Pouliot, j'aurais peut-être deux questions à vous poser. Tout en vous remerciant d'être ici avec nous. La première: Vous représentez combien de maîtres fourreurs au niveau de l'association? Vous êtes combien de membres dans l'association?

M. Pouliot: Notre association regroupe des membres de Montréal. Aussi, on a une autre section à Québec. On a aussi des membres qui sont en train de s'affilier. Ça doit représenter à peu près une soixantaine de membres qui travaillent depuis plus de 35 ans à élaborer des stratégies, soit d'emploi ou de protection du consommateur. Et c'est notre code d'éthique qui fait en sorte présentement que le "membership" n'est pas plus élevé, mais la qualité y est, soyez-en certaine.

Mme Dionne: Oui, c'est ça. Ma deuxième question, M. Pouliot, est au sujet des heures d'ouverture sur semaine. Pour le dimanche, je pense que vous avez été clair mais sur semaine... Il est certain que la loi, telle que présentée maintenant dit "qu'aucun client ne peut être admis en dehors de certaines heures". Donc, ce qui veut dire que si c'est entre 9 heures et 17 heures, vous pourriez ouvrir entre 10 heures et 14 heures, dans un sens...

M. Pouliot: Oui, oui.

Mme Dionne: ...mais la loi dit, en tout cas, "en dehors de certaines heures". Et l'Association des concessionnaires d'autos a fait, je pense, certains arrangements puisque maintenant les concessionnaires ne sont plus ouverts le samedi. D'accord? Alors ils se sont entendus entre eux pour dire: On choisit les journées qui nous conviennent le mieux. On ouvre le soir, tout ça. Mais est-ce qu'au niveau des maîtres fourreurs et des magasins, parce que je sais que c'est quand même assez spécialisé, est-ce que vous pourriez faire la même chose, par exemple, pour être assurés d'être ouverts les journées les plus rentables pour vos clients, par exemple?

M. Pouliot: Ce que vous voulez me dire, c'est que si on libéralisait la loi et qu'on...

Mme Dionne: Sur semaine.

M. Pouliot: Sur semaine? Vous pouvez être certaine, madame, que dès que l'on libéraliserait la loi sur semaine ou la fin de semaine, ou n'importe quand, il y en a qui vont ouvrir quand ce n'est pas le temps pour avoir un monopole. C'est ça le problème. Dès qu'on a une loi, un encadrement...

Mme Dionne: O.K.

M. Pouliot: ...il y a quelqu'un qui veut aller à côté pour avoir le monopole. Alors, il y en a qui vont ouvrir à minuit, ils vont faire des soldes de 22 heures à 23 heures...

Mme Dionne: Donc, d'après vous, M. Pouliot, ce qui se voit, par exemple, au niveau de l'Association, des concessionnaires d'automobiles ne pourrait probablement pas se voir dans votre domaine, parce que les gens iraient...

M. Pouliot: Oui, mais les concessionnaires d'automobiles font des concessions à l'intérieur d'une loi. Ils ne font pas...

Mme Dionne: Oui, c'est ça.

M. Pouliot: ...des concessions à l'extérieur d'une loi.

Mme Dionne: Je partais à l'intérieur de la loi.

M. Pouliot: Mais, à l'intérieur de la loi, moi, personnellement, je suis femé le lundi parce que je trouve que...

Mme Dionne: D'accord.

M. Pouliot: ...socialement parlant, ça prend deux jours, comme n'importe quel autre citoyen.

Mme Dionne: D'accord.

M. Pouliot: La loi, présentement, premièrement, elle est mal appliquée. Alors, même si on change la loi, si on ne l'applique pas mieux, on n'a rien réglé. Personnellement, et plusieurs de nos membres seraient pour avoir... D'abord, appliquons une loi qui est bonne, appliquons-la la loi; après ça, on verra à la changer. C'est ça la crainte de tout le monde. La loi n'est pas respectée. C'est comme la limite de vitesse. Où est la loi? Sur la pancarte ou dans la tête du législateur, qui est 120, 119, 122, selon la ville? Dans le livre, c'est 100 kilomètres, la loi. Alors, c'est ça le problème. Il est certain que les marchands, présentement, il y en a qui ouvrent à 10 heures le matin, d'autres à 9 h 30, d'autres à 9 heures; d'autres vont ouvrir à 8 heures parce qu'ils ont des employés et qu'ils fabriquent, mais toujours à l'intérieur de la loi.

Mme Dionne: D'accord. Mais ce que je voulais vous entendre dire effectivement, c'est que vous avez choisi d'être fermé le lundi parce que c'est un choix que vous avez fait à l'intérieur de la loi.

M. Pouliot: C'est ça, à l'intérieur de la loi. Mme Dionne: D'accord. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Orford.

M. Benoît: M. Pouliot, vous dites à un moment donné: Un argument d'ordre économique qui plaide en faveur du statu quo et l'organisation économique des secteurs. Vous donnez à titre d'exemple les centres de ski. Ne croyez-vous pas que c'est exactement le contraire qui se produirait avec l'exemple que vous donnez effectivement? Si toute l'industrie était ouverte le dimanche, il y aurait moins de monde dans les centres de ski le dimanche, j'en conviens, mais cette même population-là se répartirait d'une façon intelligente pendant toute la semaine et le centre de ski serait gagnant, non? Effectivement, il y aurait une répartition économique qui serait autre que celle qu'on connaît en ce moment, qui n'est pas agréable, qu'il y a une masse de monde au même endroit et que tout ça se répartirait. Je pense que cet argument-là, effectivement, c'est le contraire.

M. Pouliot: Non, monsieur. Moi, j'ai des enfants. Si je suis obligé de travailler le dimanche; mes enfants vont y aller à pied, en ski. Même s'ils ont 18 ans, je n'ai pas les moyens de leur payer une automobile pour aller faire du ski la fin de semaine; j'ai de la misère à payer le ski. Mors, si les parents ne sont pas disponibles pour les enfants, on ne partage plus rien, ni sportivement, ni culturellement, ni d'une façon familiale; on ne fait plus rien. Ça devrait être même deux jours qu'on devrait être fermé, soit samedi et dimanche ou dimanche et lundi, pour avoir une vraie société moderne de l'an 2000. C'est ça qu'on devrait avoir. A ce moment-là, on réglerait le problème de tout le monde. Ceux qui pratiquent la religion le samedi fermeraient le samedi et le dimanche; les autres, le dimanche et le lundi. C'est ça qu'il faut faire. Il faut avoir une vision globale de la politique. Il faut que la décision que l'on prend... On ne peut pas avoir une politique familiale et, en même temps, avoir une politique de travail qui va à l'encontre.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre

M. Tremblay (Outremont): M. Pouliot, je conviens avec vous que la loi n'est pas applicable et c'est justement dans cette optique-là...

Une voix: Ce n'est pas ça qu'il a dit. Il a dit: Appliquée.

M. Tremblay (Outremont): Applicable. Non, non. C'est dans cette optique-là qu'on a une commission parlementaire parce qu'on est très conscients de ça. Les zones touristiques, parce que ça a été mentionné tout à l'heure, pour votre information, ça existe depuis de nombreuses années, ça fonctionne très bien et, au meilleur de ma connaissance, on n'a jamais eu de plainte au niveau des zones touristiques. J'ai deux questions à vous poser. Les commerçants d'automobiles ont le droit, de par la loi, d'ouvrir le samedi et le dimanche; Bs ont décidé de s'au-todiscipliner et de ne pas ouvrir. S'il y avait une libéralisation des heures, vous dites que vous représentez 60 maîtres fourreurs, est-ce que vous pourriez décider, comme vous le faites, de ne pas ouvrir le dimanche ou même le lundi? Parce qu'après ça, vous dites: Oui, mais quelqu'un va le faire et il va se créer un monopole. J'aimerais que vous m'expliquiez ça un peu. Deuxièmement, est-ce que, justement, dans une vision globale, vous faites une différence entre votre commerce et l'alimentation? Est-ce que vous ne seriez pas favorable, par exemple, a l'ouverture, au niveau de l'alimentation, le dimanche?

M. Pouliot: Pour répondre à votre première question, M. le ministre, l'industrie de la fourrure est une industrie où se vendent des produits non comparables et dont l'attrait du prix prend de plus en plus de place. L'industrie de la fourrure est faite de 95 % de petits commerçants à travers le Québec, et il y a d'énormes géants qui sont en train de vouloir prendre le contrôle de l'industrie. Ce sont ces géants-là qui, coup après coup, défient les lois sur l'étiquetage et les lois sur les heures d'ouverture. Ils sont constamment à la limite de l'illégalité. Il n'est pas normal que, présentement, depuis deux ans, on soit obligés en tant qu'association de prendre des injonctions à coup de 10 000 $, 15 000 $ de frais d'avocats, parce qu'on n'est pas capables de faire appliquer la loi; ça prend des ci et des ça. les gars sont disparus et le consommateur est lésé Notre industrie, c'est une industrie de service. Une automobile, c'est facilement... Tu peux aller même magasiner le dimanche. Tu sautes la clôture et tu vas voir l'auto; tu l'aimes, tu viens l'acheter le mardi. Une fourrure, c'est différent. Il faut arrêter de prostituer notre industrie. Ça demande de l'attention, un manteau de fourrure. C'est pour ça que le consommateur se fait jouer.

Là, j'ai perdu votre deuxième question.

M. Tremblay (Outremont): La deuxième question, c'est la différence. Si on acceptait votre argumentation au niveau de la spécificité de votre commerce, est-ce que vous considérez qu'il y a une différence entre votre genre de commerce et l'alimentation et qu'il pourrait y

avoir une certaine forme de libéralisation pour le dimanche au niveau de l'alimentation seulement?

M. Pouliot: Pour vous répondre à ça, monsieur, si vous pouvez m'assurer... Présentement, Price Club ouvre sept jours par semaine. Ils vendent de la fourrure. Comment se fait-il qu'ils ne sont pas fermés? Quand Jean Coutu va-t-il vendre de la fourrure? C'est ça le problème. Là, les épiceries vont avoir des comptoirs bancaires, d'assurances, etc. demain matin. Ils vont en vendre quand de la fourrure?

M. Tremblay (Outremont): Si vous aviez l'assurance dans une loi, avec des amendes importantes, qu'il ne se vendra pas des manteaux de fourrure dans des commerces d'alimentation, est-ce que vous seriez au moins favorable à l'ouverture pour l'alimentation, à certaines heures, le dimanche?

M. Pouliot: Présentement, il y en a qui vendent de l'alimentation et qui vendent de la fourrure. Je suis supposé répondre quoi, là? Présentement, Price Club le fait. Je fais quoi comme réponse? Je suis contre. Je comprends votre question. En ce qui concerne l'alimentation, c'est un sujet qui est très délicat. Si on est capables de compartimenter les institutions pour faire en sorte qu'il se vende seulement et strictement des aliments de dépannage, mais, même là, on n'en finit jamais de l'exagération. C'est ça le problème. Si on peut nous assurer, en tant qu'industrie de la fourrure, qu'il ne se vendra pas de fourrure nulle part au Québec le dimanche, permettons, laissons la place au législateur de prendre les décisions qui s'imposent pour l'alimentation et on va l'appuyer, pour autant qu'on nous assure que, nulle part, il va se vendre de la fourrure, ni chez Jean Coutu, ni chez Price Club, nulle part.

Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps du parti ministériel étant écoulé, je cède la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je vous remercie et je vous souhaite la bienvenue aussi à la commission. J'aime bien votre perspective quand vous dites: Peut-être que deux jours de congé dans une semaine, c'est plus la vision de l'an 2000 qu'autre chose. Évidemment, c'est peut-être facile à dire pour moi parce que c'est un point de vue que je défends aussi de ce côté-ci de la table. C'est aussi dans mon intervention de ce matin. Ce que je faisais valoir aux députés ministériels et au ministre, à savoir qu'il y avait peut-être d'autres choix à faire dans la vie, entre autres, en ce qui concerne la qualité de notre vie collective et le respect de la qualité de vie des familles. Donc, dans ce sens-là, j'aime bien le point de vue que vous défendez.

Cela étant dit, le ministre vous a fait dire tout à l'heure que la loi était inapplicable. Alors, j'ai compris que vous aviez dit que la loi était inappliquée. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Pouliot: Disons que ce que le ministre a voulu dire, c'est qu'elle n'était pas appliquée parce qu'elle était difficilement applicable, mais disons qu'elle...

Mme Marois: Votre point de vue à vous? M. Pouliot: C'est qu'elle n'est pas appliquée.

Mme Marois: D'accord. Parce que vous aviez dit qu'elle était applicable à votre point de vue.

M. Pouliot: Elle est applicable, mais elle n'est pas appliquée.

Mme Marois: D'accord. Je veux bien qu'on comprenne...

M. Pouliot: Oui, c'est ça, c'est exactement...

Mme Marois: ...et c'est ce que j'avais compris de votre part. Une autre chose que je crois comprendre de votre point de vue - et je veux que vous me le confirmiez, et, si ce n'est pas le cas, vous me le dites... De toute façon, c'est assez clair ce que vous voulez nous dire; donc, ça ne m'inquiète pas à cet égard-là. Ce que vous semblez vouloir dire, c'est que si on ouvre une porte, si on met le pied dans la porte, c'est celui de l'alimentation qu'on ouvrira quelques heures le dimanche, on risque que la porte s'ouvre au complet et que, éventuellement, ce soient les commerçants de la vente au détail qui fassent des pressions dans d'autres secteurs. Ce seront les marchands d'alimentation eux-mêmes qui ouvriront des comptoirs à l'intérieur de leurs magasins pour vendre d'autres types de produits, de telle sorte qu'on amènera... En fait, on progressera vers une ouverture plus généralisée de l'ensemble des commerces. Est-ce que je vous comprends bien? (21 heures)

M. Pouliot: Oui, vous me comprenez bien parce que ce qui est important présentement, c'est que tout le monde, que ce soient des politiciens ou des commerçants, utilise le mot "environnement". Je suis un environnementaliste. Bravo! Je vais gagner mes élections et, à un autre, je vais vendre plus de carottes parce que je pense ça. Mais l'environnement, ce n'est pas bon seulement pour les animaux et les plantes; c'est bon pour ma tête, c'est bon pour ma famille aussi. On oublie ça. Pourquoi ne pas se donner un environnement qui permette au noyau de notre province, qui est la famille, de bien se bâtir et de prendre un essor tout à fait normal? C'est ce que j'ai de la misère à comprendre. On n'est pas obligés de toujours faire ce qui se fait ailleurs. On peut mettre un peu de qualité. C'est

beau être efficaces. Devenons un petit peu plus efficients. Donnons un petit peu de dose qualitative dans ce que l'on fait. C'est ce qu'il manque.

Pourquoi n'aurait-on pas une journée où on n'aurait pas d'annonce. Pas d'annonce; la paix le dimanche. Une journée, la paix, qu'on parle d'autre chose. Je sais ce qui va arriver et vous avez absolument raison: les épiceries vont commencer. Pourquoi les épiceries ont-elles le droit et que, nous autres, on n'a pas le droit? Nous, on est aussi essentiels que vous autres. Ça ne finira plus. Il faut avoir le courage politique, et des deux côtés. Je ne veux pas savoir si c'est l'Opposition ou le gouvernement; il faut avoir le courage politique de revenir en arrière et de dire à Jean Coutu: Écoute, un instant! Si tu veux rester ouvert, ça là, ferme-le. C'est seulement ça qu'ils ont le droit de vendre. Dans les marchés aux puces, si vous saviez, il se vend plus de neuf que d'usagé. Alors, il faut l'avoir, le courage. Dans les centres d'alimentation, vous pouvez aller acheter des appareils d'air climatisé, vous pouvez acheter des vêtements, des outils; qu'est-ce que vous faites des quincailliers? Comment allez-vous contrôler le contenu des tablettes? Parce qu'il y a une petite étampe chez Jean Coutu: Ce produit n'est pas vendable le dimanche. Un instant là! C'est ce qui se produit présentement. Regardez ce que fait Price Club. La loi dit une affaire: Bien, on a commencé à vendre un peu de choses et ce ne sera pas long. Ils vont peut-être vendre des votes, ce ne sera pas long. Je ne le sais pas moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pouiiot: C'est ça le danger.

Mme Marois: Je comprends très très bien votre point de vue. Juste une autre question. Vous dites que les maîtres fourreurs, entre autres, les magasins de fourrure se retrouvent particulièrement dans les centres-villes. On dessert une clientèle de travailleurs et de travailleuses qui travaillent la semaine, au centre-ville, et donc qui viennent s'approvisionner, etc. Est-ce que, effectivement, la majorité de vos ventes ou de vos échanges commerciaux se font en semaine plutôt, par exemple, que le samedi, ou s'ils se font le jeudi soir ou le vendredi soir plutôt quo le samedi?

M. Pouiiot: Non, pas nécessairement. Ce qu'on a voulu démontrer par cette approche, c'est d'éviter de transférer la législation au niveau des villes. Dans les grandes régions, à moins d'avoir douze commerces, le moindrement qu'une ville va dire oui, l'autre va dire non; on est absolument faits. Mais, effectivement, il y a des commerces, selon le genre de services, où la femme va être au bureau et va me dire: Monsieur, je vais venir essayer mon manteau vers 16 heures; ils vont venir l'après-midi. Cela ne veut pas dire que, le samedi, on ne fait pas d'affaires. Mais on fait des affaires à la semaine. On voit qu'une partie de la clientèle, tous les employés de bureau, les secrétaires administratives, les professionnels de bureau, vont préférer, en finissant le travail, le jeudi soir, par exemple, ou le vendredi soir, venir au commerce. Un coup rendu à la maison, si tu demeures en banlieue, je ne le sais pas, mais traverser le pont, etc. C'est un autre genre de clientèle qu'on a, les fins de semaine.

Mme Marois: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la députée, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Marois: Je pense que je l'ai fait déjà abondamment au cours de mon intervention, à savoir que j'apprécie particulièrement votre point de vue. J'essaierai, à ma façon, de le défendre en espérant qu'il puisse aussi être entendu de l'autre côté de la table.

M. Jolivet: Y compris.

Mme Marois: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. Pouiiot, je devais vous rassurer que, lorsqu'il y a une plainte, la loi est appliquée. Par contre, ce qui se passe, à cause des amendes de 250 $, la loi n'est pas dissuasive. A cause des exceptions de la loi qui spécifient des catégories de produits, et vous en avez parié beaucoup, c'est en ce sens-là qu'elle n'est pas applicable. Le questionnement qu'il me reste, après votre présentation, c'est de me dire: Si on pouvait trouver une façon de la rendre applicable et de l'appliquer, vous seriez peut-être prêts à dire: Bon, mon produit n'est peut-être pas nécessairement un produit essentiel que le consommateur doit se procurer, sept jours par semaine, à cause du service et de l'attention que vous devez y donner. Si vous aviez l'assurance, dans un projet de loi qui pourrait répondre à vos attentes, vous seriez peut-être favorables à regarder la question de l'alimentation le dimanche pour permettre à des personnes d'avoir accès à cette catégorie de produits.

C'est ce que je retiens, et je veux vous remercier beaucoup d'être venus. Je remercie également votre collaboratrice pour votre franchise, votre honnêteté pour nous permettre d'avancer dans ce dossier.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie les Maîtres

Fourreurs associés du Québec inc. et invite à la table des témoins l'Association des marchands

détaillants du Canada Québec inc., Fédération du détail et services du Québec.

On va suspendre une minute pour faire la transition.

(Suspension de la séance à 21 h 6) (Reprise à 21 h 7)

Le Président (M. Bélanger): J'inviterais maintenant l'Association des marchands détaillants du Canada et la Fédération du détail et des services du Québec à se présenter à la table des témoins. Bonsoir. Pour vous expliquer un peu notre procédure, je vous demanderais, dans un premier temps, de bien vouloir vous identifier, vous présenter à la commission, identifier votre porte-parole, et que celui-ci ou celle-ci procède à la présentation de votre mémoire. Vous avez dix minutes pour la présentation du mémoire, et par la suite, il y a une période d'échanges de 20 minutes avec les parlementaires. Je vous prierais donc de vous identifier et de procéder, s'il vous plaît.

Association des marchands détaillants

du Canada, Québec inc., et Fédération

du détail et des services du Québec

M. Rivet (Gilles): Mon nom est Gilles Rivet et je suis le directeur administrateur de l'Association des marchands détaillants et de la Fédération du détail et des services du Québec, et d'autres associations qui sont affiliées à celles que j'ai déjà nommées. J'ai le plaisir de vous présenter Mme Lorraine Tamilia...

Mme Tamilia (Lorraine): Bonsoir.

M. Rivet: ...qui est la femme de M. Richard Tamilia, notre président provincial, et la coges-tionnaire des magasins avec lui. À l'extrême droite, là-bas, nous avons M. Réal Savard, exprésident de la Fédération du détail et des services du Québec, qui est expert en administration d'associations professionnelles. Mon ami Réal, que j'ai le plaisir de fréquenter en affaires dans les associations professionnelles, depuis au-delà de 35 ans, est un des cofondateurs de la Fédération du détail et des services du Québec. Il est un ex-président du Conseil de la bijouterie. Il est également un ex-directeur de la Corporation des bijoutiers du Québec.

Je vous donne toute cette nomenclature pour vous démontrer que notre délégation est excessivement sérieuse. On a déjà eu ici, dans ce comité des "bills" privés, des délégations de 250 et 300 personnes. Ça n'avait pas de bon sens. Ce n'était pas arrangé de même dans le temps. C'était une grande table qui était ici et c'était cordé partout dans les fenêtres. Et ils nous disaient: Amène-nous du monde qu'on comprenne quelque chose. On ne pense pas ça. On ne pense pas que ce soit nécessaire de venir avec un train privé à Québec pour venir vous parler. On pense que c'est nécessaire, tout simplement, de se comprendre.

Le Président (M. Bélanger): M. Rivet, je vous inviterais à présenter votre mémoire parce que notre temps est très limité.

M. Rivet: Le mien aussi. C'est une drôle de coïncidence. On est tous occupés.

Des voix: Ha, ha, hal

Le Président (M. Bélanger): J'apprécie donc votre compréhension et je vous demanderais de procéder, s'il vous plaît.

Mme Marois: Un grand sens de l'humour.

M. Rivet: II y a un bon vieux style qui dit...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Rivet: ...gratte-moi le dos, je te gratterai le dos, et ce ne sera pas long que ça va être fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, on vous écoute, s'il vous plaît.

M. Rivet: D'abord, il faut qu'on vous rappelle que nos associations sont les pionnières des relations professionnelles au Canada. L'Association des marchands détaillants a été fondée en 1893 et son premier cheval de bataille - à ce moment-là, elle était incorporée à Ottawa -c'était d'avoir des heures de commerce et une relève professionnelle de la main-d'oeuvre. C'était le premier point, ça.

Depuis ce temps-là, on a toujours perfectionné ça. Ce qui fait que nous demandons fortement, énergiquement, au gouvernement du Québec que le statu quo soit accordé sur le règlement des heures d'affaires pour les établissements de détail. Il en va de la survivance des indépendants. Ce serait tragique de vous signaler l'épargne des Québécois, des Montréalais, de tous nos concitoyens, l'épargne considérable qui a été complètement coulée, qui est disparue à tout jamais à cause des heures de commerce. Nos commerces étaient des commerces de famille. Les familles n'ont pas pu résister à la libéralisation des heures de commerce. Les familles se sont déchirées, les commerces se sont donnés, pour ne pas dire vendus. Les commerces indépendants sont devenus des franchises, des détaillants qui surveillaient des inventaires, d'abord avec des 30 jours de délai pour payer la facture, 15 jours,

une semaine, 24 heures: Fais ça vite, un autre à ta place. C'est le problème du commerce de détail dans la province de Québec. Nous sommes des surveillants d'inventaires, des inventaires qui sont achetés à Toronto et aux États-Unis. Et nous sommes de pauvres surveillants. C'est regrettable à dire, nous qui avions l'orgueil de dire: L'indépendant du Québec contrôle le commerce de détail. C'est vrai en apparence, mais il y a tellement d'entremetteurs et il y a tellement de contrôles qui se situent à d'autres paliers qu'il ne faut plus affirmer une telle chose en étant sérieux.

Les fameuses franchises deviennent une espèce d'imposture dans le commerce de détail. Nous avons souvent demandé, nos associations ont souvent demandé au ministre de l'Industrie et du Commerce et à d'autres, au gouvernement comme tel, qu'une étude soit faite. Je pourrais vous donner des chiffres de certaines compagnies qui ont l'air tout simplement sensationnels, qui avaient 4000 franchisés, il y a quatre ans. Il en reste 1000. Où est rendu l'argent de ça? Pourtant, ça reluit, ils sont cités comme des hommes d'affaires merveilleux.

La question des heures de commerce a toujours été notre ennemi numéro un. Alors que vous avez des multinationales qui ne reculent devant rien pour imposer des libéralisations et des extensions d'heures de commerce, nous, on est gênés de demander au gouvernement de nous protéger parce qu'on a l'air de se servir des heures de commerce pour nous protéger contre une concurrence excessive, et ce n'est pas vrai. C'est pour sauver la situation du détaillant indépendant. Nous avons 28 secteurs chez nous. On n'achète pas de produits. Nous ne sommes que des associations professionnelles. Il n'y en a pas d'autres comme ça. Nous avons fondé des comités industries-écoles, à nos propres frais, avec des bénévoles qui sont des animateurs hors pair. Nous avons fondé des comités industries-écoles à peu près dans tous les secteurs. On l'a fait malgré le ministère de l'Éducation qui ne voulait pas. Il disait: Vous n'êtes pas des pédagogues, vous ne connaissez rien là-dedans. Et nous autres, on disait: Les élèves nous arrivent dans nos commerces et il faut qu'on recommence à zéro. Ils ont compris ça maintenant. Ils collaborent maintenant, petit à petit. Alors, notre problème numéro un, ce sont les heures de commerce, pour les vrais indépendants, là. Les franchisés, vous savez, eux autres, ils ont un pied dans la place et un pied dans la rue, ce n'est pas bien grave, ça. Disons qu'il surveille son inventaire aux 30 jours, il n'est pas attaché très très à son commerce de détail. (21 h 15)

La perte des épargnes, c'est certainement très important. Quand vous voyez des multinationales, actuellement, qui accusent des déficits de 67 000 000 $ - je n'invente rien en vous disant ça, c'est connu, c'est dans les journaux, c'est public - c'est toute une réussite, ça. Une grosse entreprise de distribution massive qui, après cinq ou six ans d'opération, avec de supposés indépendants comme entremetteurs, aujourd'hui, déclare avoir perdu 67 000 000 $. Où est-ce qu'on s'en va là-dedans? Et eux autres, ils opèrent des dépanneurs à 140 heures par semaine. Ils vendent de la bière, du cidre, du vin, du matin au soir, alors que nous nous étions opposés à ça, nous, à ce que les garages, les stations-service, les débits de bière, de vin et de cidre vendent en dehors des heures régulières d'affaires. Aïe! On a la Société des alcools qui ouvre le dimanche dans 28 centres commerciaux, alors que les centres commerciaux sont fermés et que les détaillants n'ont pas le droit d'ouvrir. Notre Société des alcools se vante de vendre ça au public, de la boisson, le dimanche et les jours fériés. Ça nous scandalise. On est obligés d'être scandalisés, pas parce qu'on est contre la boisson. Quelqu'un qui sait boire et qui a besoin de boire, il est capable de s'acheter de la boisson, il n'a pas besoin d'aller dans les centres commerciaux le dimanche. Ça nous paraît absolument anormal

On avait préconisé, il y a plusieurs années - c'est toujours dans notre programme - d'avoir une charte du métier. Cette charte du métier, c'est pour ne pas en faire une corporation fermée, décrirait quelles sont la compétence, la solvabilité, la faisabilité d'un commerce d'un des secteurs. C'est drôle que nous avions des ministres du gouvernement libéral, qui sont assis avec nous, là... Aïe, je vous parie d'il y a 30 ans, 35 ans; on s'est revus, on s'est revus, et c'est venu bien proche, tout ça. Tout à coup, ça s'est tout défait. Ces rêves-là se sont effondrés. La réponse de la permanence du commerce de détail se trouve dans la compétence, dans la relève et dans la formation professionnelle. C'est là qu'elle est.

Nous avions également demandé...

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, puisque le temps est pratiquement écoulé.

M. Rivet: En concluant, nous pensons que le comité ad hoc devrait être formé le plus tôt possible, où siégeraient des détaillants indépendants de nos 28 secteurs, afin que toutes ces transformations-là ne nous soient pas parachutées par la Gazette officielle, ou par les journaux, ou par des technocrates qui, tout à coup, nous diraient: Ça va être ça, à peu près ça, votre affaire, parce qu'on est habitués à ça, depuis 1969 que c'est comme ça que ça marche. Remarquez qu'on est bien contents de la loi que nous avons actuellement, on demande de la laisser telle quelle, et que le ministère de la Justice joue son rôle là-dedans, que le ministère de la Justice donne suite aux plaintes que nous déposons, alors que, quand on les remet au ministère

de l'Industrie et du Commerce, je ne dis pas qu'ils ne s'en occupent pas, les fonctionnaires, mais, d'une façon générale, on n'en entend plus parler.

Je vous avais dit qu'on tiendrait notre temps. Je vous remercie beaucoup de nous avoir accueillis, M. le ministre et tout le monde qui participez à cette commission. Nous aimerions que vous sachiez que nous sommes à votre disposition, comme je l'ai dit tout à l'heure, dans la formation d'un comité ad hoc, d'un conseil supérieur. Il y en a à peu près dans tout. Pourquoi les détaillants, qui sont des percepteurs bénévoles de taxes, ne pourraient-ils pas avoir leur propre conseil supérieur? Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, monsieur. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup, M. Rivet, et je vais céder la parole aux députés ministériels qui ont des questions.

Le Président (M. Bélanger): M le député d'Acadie.

M. Bordeleau: M. Rivet, disons, tout d'abord, une première remarque. Quand vous mentionnez que vous ne souhaitez pas qu'il y ait une loi qui vous soit parachutée, je pense que la commission parlementaire, actuellement, qui va entendre 80 groupes qui représentent à peu près tous les groupes qui ont des positions sur la question de l'ouverture des heures de commerce, c'est ça l'objectif exactement. C'est de pouvoir consulter les gens avant qu'il y ait une position qui soit prise au niveau gouvernemental, et c'est la raison pour laquelle on va travailler, peut-être durant un mois, à recevoir à peu près 80 groupes qui vont venir nous présenter des points de vue différents.

Je pense que vous nous avez expliqué de façon assez claire le problème, au fond, des petits détaillants versus les commerces à grande échelle, mais il y a un élément sur lequel vous n'avez fait aucune remarque, et j'aimerais vous entendre à ce niveau-là. On a eu ce matin des représentants des universités qui sont venus nous présenter des résultats d'études et qui nous ont mentionné que, dans les faits, depuis 1981, il y a eu un accroissement assez significatif des gens qui souhaitent une prolongation et qui, disons, veulent avoir l'opportunité de pouvoir faire du magasinage le dimanche. C'est relié aussi à un changement de la structure sociale, c'est-à-dire qu'il y a des couples où les deux travaillent durant la semaine, il y a des familles monoparentales, il y a les heures d'ouverture, il y a la circulation dans les grands centres qui fait qu'il y a toutes sortes de difficultés. Et cette dimension-là se reflète aussi dans les comportements réels, comme je le mentionnais tout à l'heure, c'est-à-dire qu'on voit l'ouverture de commerces le dimanche. On voit aussi dans les sondages qui ont eu lieu depuis cinq, six ans un souhait qui est constant de la part de la population de pouvoir avoir accès, disons, à des commerces en dehors des heures établies actuellement dans la loi. Vous n'avez pas fait du tout référence à cette dimension-là. Vous nous avez parlé, au fond, de vos préoccupations, qui sont tout à fait légitimes, du petit commerçant versus la grande chaîne. J'aimerais avoir votre réaction à ce niveau-là.

M. Rivet: II m'a été donné de siéger à plusieurs commissions fédérales et provinciales, notamment celle du système métrique et d'autres. Jamais, jamais, une seule association de consommateurs sérieuse, ni au Canada, ni dans la province de Québec - je parle d'une association - a affirmé qu'elle avait des demandes des consommateurs d'aller magasiner le dimanche. Pas une seule. On a une personne à Montréal, qui fait un lobby continu pour l'ouverture du dimanche, dans une association à Montréal. Mais je n'en ai jamais eu. Et, à toutes les réunions, nous avons - des fois ce n'était pas moi - toujours posé la question: Est-ce que vous avez des demandes pour que les commerces ouvrent le dimanche? Ni à Toronto, ni dans la province de Québec, nulle part il y a des demandes. Il y a des lobbies qui poussent. C'est bien sûr que les médias sont impressionnés, pour des raisons que j'ignore, par certains perroquets qui répètent constamment, des propagandistes ou des développeurs. Des développeurs. Ça, les développeurs, c'est très bien pour le commerce de détail. Or, eux autres, c'est bien clair qu'ils veulent développer des champs et revirer des champs en vache, en marché aux puces. Mais vous savez que ce n'est pas sérieux. Il n'y en pas un ici qui n'a pas un réfrigérateur chez lui. Il n'y en pas un qui n'a pas un congélateur chez lui. Le lait, c'est rendu que c'est écrit une date de deux, trois mois avant de le boire; si tu veux, tu attends pour le boire. Y a-t-il quelqu'un qui a besoin de courir au coin?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivet: Ce n'est pas vrai.

M. Bordeleau: Vous faites référence à des lobbies. Je ne fais pas référence à des lobbies. Je fais référence à des sondages représentatifs à travers la province, qui ont eu lieu périodiquement et qui nous disent que la population souhaite l'ouverture.

M. Rivet: Jean Coutu en a défrayé un l'année passée qui a tourné contre lui, qui a prouvé que la population ne demandait pas d'ouverture. C'est la pharmacie Jean Coutu qui est un porte-parole pour un groupe de pharmacies, c'est bien sûr. Et je ne les blâme pas.

C'est leur affaire. Moi, je n'irai pas, parce que j'ai d'autres choses à faire le dimanche que d'aller chez Jean Coutu, si je ne suis pas bien malade. Si je suis bien malade, je vais aller voir un vrai pharmacien. Je n'irai pas voir un magasin de quinze-cennes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivet: Écoutez un peu, là. C'est ça l'histoire vraie, vous savez. Il ne faut pas se leurrer. Ce n'est pas vrai, ça. Les gens achètent de la camelote et "pitchent" ça sur le trottoir en sortant. Ce n'est même pas propre pour la ville. Et ça s'est vu. C'est de visu. J'ai observé ça. Or, ce n'est pas nécessaire. C'est entendu que si un pharmacien ouvre son cabinet de produits... N'aie pas peur: il ne veut pas; ça ne le paie pas. Et je ne suis pas sûr que ça les paye, les Coutu et les autres, de vendre la camelote qu'ils vendent. Je ne suis pas sûr que ça les paye.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivet: S'ils étaient obligés d'ouvrir, je pense qu'ils n'ouvriraient pas.

Des voix: Ha, ha, ha! M. Rivet: C'est bien facile.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.

Mme Dionne: Merci, M. le Président. M. Rivet, j'aurais une question à vous poser vraiment. Ce que j'ai compris de votre position et de celle de votre association, c'est que vous êtes contre l'ouverture des commerces le dimanche, incluant l'alimentation...

M. Rivet: Ah oui!

Mme Dionne: Vous êtes contre le réaménagement en semaine également.

M. Rivet: Ah oui!

Mme Dionne: Et vous êtes contre les exceptions.

M. Rivet: Certainement.

Mme Dionne: Où ça m'accroche un petit peu, M. Rivet, c'est au niveau des exceptions, parce que, dans les exceptions, on a les stations d'essence et on a, par exemple, les garages de machinerie agricole. Comme on sait, je viens d'un comté rural où, durant l'été, les agriculteurs apprécient beaucoup l'ouverture possible des garages de machinerie agricole, parce que vous savez que le beau temps, ce n'est pas tous les dimanches et ce n'est pas tous les jours de la semaine. J'aimerais que vous me pariiez de. Si j'ai bien compris, c'est que les exceptions en tant que telles, vous n'en voulez pas du tout. Alors, vous êtes pour la fermeture des stations d'essence le dimanche, des restaurants et de la machinerie agricole.

M. Rivet: Si vous permettez, madame, on va juste faire une caricature de ça. L'agriculture, on ne peut pas dire que c'est du détail bien bien, de l'engrais et des...

Mme Dionne: Non, non, mais... Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Dionne: ...c'est une exception dans la loi dans le moment.

M. Rivet: Oui, oui.

Mme Dionne: Je vous parie de ça.

M. Rivet: Moi, je parie des établissements au détail, tu sais. Les porcheries et les éleveurs de moutons, je ne pense pas que ce soit bien considéré là-dedans, hein? Ils ouvrent parce que c'est vrai que le roi de la terre, le cultivateur, n'a que le dimanche pour aller se chercher de l'engrais. Bon ça, c'est un. Les stations-services.

Mme Dionne: Oui.

M. Rivet: A Montréal, il y a la moitié moins de véhicules automobiles qu'à Toronto. Allez-vous m'expliquer comment il se fait qu'à Toronto, le samedi soir, à 18 heures, le détaillant d'essence se met une belle chemise blanche et une cravate et ferme son store dans la vitre? À Toronto, il faut fermer les stores, tu sais. Et c'est écrit dedans "Rotation". Ça veut dire qu'il y a un système de rotation...

Mme Dionne: O.K.

M. Rivet: ...et le gars qui vient chercher de la gazoline, ça lui dit: À deux coins de rue d'ici, il y a une station d'ouverte. J'ai apporté ça au ministère de l'Industrie et du Commerce d'une façon répétitive depuis quelques années. C'est drôle que ça ne se fasse pas dans la province de Québec, ça. Alors qu'à Toronto où il y a plus de véhicules qu'à Montréal, tous les soirs à 18 heures, le détaillant d'essence met sa belle chemise blanche dont je vous ai parié, parce qu'elle reste toujours blanche, il ne se salit pas, et une belle cravate...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivet: ...et il va voir sa blonde. Et les gens ne se plaignent pas. Quand un gars ou un automobiliste manque de gazoline, le policier est

organisée pour lui donner un supplément de gazoline pour qu'il se déprenne et, en même temps, il lui donne un billet pour qu'il s'en rappelle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivet: Et il s'en rappelle parce que ça m'est arrivé, hein? Alors, je pense que ça répond à vos questions. Le commerce le dimanche, on pense que, sauf peut-être dans des endroits à caractère très touristique qui n'abondent pas, c'est très rare... Dans le temps de l'Expo, ils nous ont imposé... Voyez-vous les parachutages, on en connaît des parachutages. Tout à coup, à Montréal, ils avaient le droit d'ouvrir pendant l'Expo. J'ai été voir dormir les commis chez Simpson, chez Eaton et chez Morgan, ils étaient accotés sur les comptoirs, il n'y avait personne qui allait là le soir. J'ai dit aux gars: Vendez-vous votre... On ne vend rien. Mais, eux autres, il fallait qu'ils restent toujours pour casser le principe, hein?

Mme Dionne: On était en 1967, à l'Expo?

M. Rivet: Oui.

Mme Dionne: On est en...

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, le temps du parti ministériel étant écoulé, je cède la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Vous représentez combien de détaillants indépendants?

M. Rivet: Quand on s'assoit autour, on est 8000.

Mme Marois: Au Québec?

M. Rivet: Oui

Mme Marois: Au Québec, vous êtes 8000?

M. Rivet: Ah oui, oui! On ne représente rien à Toronto...

Mme Marois: ...essentiellement. M. Rivet: On est affiliés aux autres.

Mme Marois: Est-ce que les gens... C'est juste pour connaître un peu...

M. Rivet: Avec plaisir.

Mme Marois: ...avoir une espèce de background, d'accord...

M. Rivet: Très bien.

Mme Marois: ...des gens que vous représentez, du nombre de personnes qui sont membres chez vous. Est-ce qu'on devient membre par une carte, par un "membership", par une cotisation?

M. Rivet: II y a un "membership" qui est un minimum de 100 $ par année.

Mme Marois: D'accord.

M. Rivet: ...qui est un minimum. Maintenant, il y en a qui sont plus généreux. Tous nos dirigeants sont bénévoles.

Mme Marois: Oui, oui.

M. Rivet: II n'y a pas de jetons de présence, il n'y a rien.

Mme Marois: D'accord.

M. Rivet: C'est vraiment des détaillants indépendants qui le font avec conviction, et tous ceux qui participent à nos comités industries-écoles et tous les comités que nous avons le font d'une façon bénévole, sauf les comités paritaires où on délègue quelqu'un. Celui qui me remplace ce soir, à mon comité paritaire, il met mes 157 $ dans sa poche, ce soir. (21 h 30)

Mme Marois: D'accord, mais pas les autres soirs. Alors, ce que vous me dites, c'est que vous représentez environ 8000...

M. Rivet: C'est ça.

Mme Marois: ...marchands indépendants, donc, non franchisés.

M. Rivet: Oui, oui, il y a de tout le monde, là-dedans...

Mme Marois: Oui, il y a de tout le monde. M. Rivet: ...mais il n'y a pas de chaîne.

Mme Marois: II n'y a pas de chaîne. D'accord.

M. Rivet: Non. On les refuse. Mme Marois: Oui, vous vouliez dire.

M. Rivet: On les refuse. Comme Reitmans, par exemple, a voulu rentrer chez nous avec 1200 coins de rue, à peu près. On n'a pas répondu à leur demande. On n'a pas dit: On les refuse. Mais on a dit: II y en a, des associations pour ça. Comme le Retail Council of Canada, le Conseil québécois du commerce de détail, bien, ils branchent Woolco, Morgan, Eaton. Eux autres là, ne cherche pas le "boss" là-dedans, il est dur à trouver. C'est la Tour de la Bourse qui mène.

Mme Marois: D'accord. Vous parliez de 28 secteurs d'activité.

M. Rivet: Ce sont 28 du commerce de détail. Il y en avait 35 et ça a refoulé, ça, avec les années, 1967... Aujourd'hui, il y en a qui sont... Voyez-vous, nous, on est opposés à ce que le gros et le détail soient ensemble. On pense que c'est un non-sens que les commerces de gros et de détail opèrent à la même enseigne. On voit que ça n'a pas de bon sens. Ça fait longtemps, ça.

Mme Marois: Donc, ce qui veut dire 28 secteurs. Vous parliez des garagistes...

M. Rivet: Oui.

Mme Marois: ...vous parliez des stations d'essence et... C'est quoi, les autres secteurs que vous couvrez?

M. Rivet: M. Tamilia.

M. Tamilia (Richard): On a tous les magasins de détail. Comme moi, je suis dans le vêtement pour hommes.

Mme Marois: D'accord.

M. Tamilia: M. Savard était dans la bijouterie.

Mme Marois: Donc, en fait, tous les secteurs d'activité de la vente de détail...

M. Tamilia: Le "boss" qui travaille 62 heures par semaine...

Mme Marois: D'accord.

M. Tamilia: ...qui cherche à avoir son dimanche "off".

Mme Marois: Pardon?

M. Tamilia: Qui cherche à avoir son dimanche "off".

Mme Marois: D'accord. Est-ce que ce sont beaucoup des entreprises de type familial ou si ce sont surtout des...

M. Tamilia: Oui, il y en a beaucoup.

Mme Marois: Dans beaucoup de cas. Est-ce que vous employez des personnes beaucoup, dans vos entreprises?

M. Tamilia: Bien oui, bien oui. Comme moi, j'ai quatre magasins et j'ai trente employés...

Mme Marois: D'accord. Donc, ce sont des entreprises familiales de petite taille, mais qui sont quand même...

M. Tamilia: ...petites et moyennes entreprises qu'on peut appeler.

Mme Marois: Petites et moyennes entreprises, et non pas seulement un propriétaire unique avec sa conjointe ou son conjoint.

M. Tamilia: Non, non. Et je parle au nom de mes employés aussi; eux autres non plus ne veulent pas travailler le dimanche.

Mme Marois: D'accord. Ils ne sont pas d'accord avec le fait que l'on ouvre le dimanche. C'est quoi, les raisons qu'ils invoquent, à ce moment-là?

M. Tamilia: La grosse affaire, c'est surtout le manque de famille. C'est le "fun" d'avoir une journée à toi, sans te casser la tête, parce qu'il y en a un autre qui opère et qui n'obéit pas à la loi. Mais eux autres ne veulent pas se donner cette journée-là à travailler pour de l'argent. C'est sacré pour eux autres, que ce soit la famille, que ce soit la religion, que ce soit juste le fait que c'est dimanche. J'aime, après mon samedi soir... Est-ce que je peux m'en aller chez nous...

Mme Marois: C'est fini.

M. Tamilia: ...être tranquille, c'est fini, mets la clé, et bonjour.

Mme Marois: D'accord, avoir la paix pour une journée. Vos gens, ils viennent de toutes les régions du Québec?

M. Tamilia: Bien, je suis installé à Saint-Jean, à Saint-Jérôme, Montréal.

Mme Marois: D'accord.

M. Tamilia: Donc, ça reflète une bonne...

Mme Marois: Ça représente à peu près tout le territoire québécois?

M. Tamilia: Un bon bout.

Mme Marois: Un bon bout. Est-ce que vous sentez une différence? Bon, vous avez une position devant nous, mais est-ce que vous sentez une différence chez vos membres, selon qu'ils viennent, par exemple, de Montréal ou de Québec ou d'une région? Parce qu'on a rencontré des gens d'une région, ce soir, qui nous...

M. Tamilia: Non, c'est tout pareil. Je veux dire qu'ils ont tous... Ce sont des mentalités,

mais purement...

Mme Marois: Donc, le point de vue que vous défendez devant nous les représente bien aussi.

M. Tamilia: Exactement, exactement.

Mme Marois: Je pense que mon collègue a aussi quelques questions à vous poser.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui, j'en ai une question en rapport avec les gens qui veulent l'ouverture le dimanche. Ça occasionnerait quoi, pour vous autres, au niveau de l'ouverture des grandes chaînes d'alimentation, des grands magasins, la possibilité de fermeture, de perte d'emplois chez vous?

M. Rivet: On a établi, avec une étude qui est prolongée de plusieurs années, que d'ouvrir les 35 000 établissements de la province de Québec coûte 1 000 000 $ l'heure. Il y a quelqu'un qui va payer ça. C'est aussi facile que ça.

M. Jolivet: Comment avez-vous établi que ça coûtait 1 000 000 $?

M. Rivet: C'est très facile. On a demandé à des experts-comptables de faire un relevé des chiffres d'affaires et des coûts d'opération, puis ils sont sont arrivés à 1 000 000 $ l'heure. Nous ne sommes pas les seuls à avoir ces chiffres-là; toutes nos associations étaient réunies et elles ont fait la même étude avec nous. Ça coûte 1 000 000 $ l'heure. Pensez-y, il y a des détaillants qui ne paient même pas leur électricité, quand ils sont ouverts le soir. C'est aussi...

M. Jolivet: Ce que vous êtes en train de dire, c'est que, si ce n'est pas le consommateur qui paie, ce sont vos membres qui vont payer en fermant.

M. Rivet: C'est le gouvernement qui paie, premièrement. Ça prend plus de police sur la route. Ça prend plus de surveillance. Il y a des taxes qui ne se rendent peut-être pas là où elles devraient se rendre. C'est le détaillant qui paie et, finalement, il faut qu'il le refile au consommateur. Il appelle ça "le cochon", le consommateur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivet: Je regrette, mais c'est ça, hein. Regardez, on a eu une baisse de chiffre d'affaires - et vous me démentirez - de 5 % avant Noël. Il n'y a personne... Le détaillant, ils n'ont pas réduit son compte de taxe. Ils n'ont pas réduit son compte d'électricité. Il n'y a pas un employé qui a pris une "eut" là. Il y a eu du vol à l'étalage, dans les entrepôts, et tout ça. Les assurances ont augmenté. La taxe de... Comment on appelle ça, la...

M. Jolivet: La TPS.

M. Rivet: Elle s'en vient pareil.

Mme Marois: La taxe sur les produits et services.

M. Rivet: Alors, on a établi que le détaillant indépendant, actuellement... Je ne vous parle pas du magasin Reitmans qui a 1200 magasins. Ça, c'est comme un habitant qui a 100 vaches; même s'il y en a trois qui en donnent moins, il y en a encore 97 qui donnent du lait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivet: Alors que l'indépendant est tout seul. Quand l'orage lui tombe sur les épaules, il est fini, le gars. S'il y a une grève des postes, une grève du transport, qui mange? C'est le détaillant. Qui est-ce qui ne va plus au magasin parce qu'il n'y a pas de circulation? Il y a une tempête, les gars se mettent en grève et ils n'ôtent pas la neige sur les trottoirs. Qui paie pour? C'est le détaillant. Imaginez-vous si vous les ouvrez une heure de plus. Ça coûte rien que plus cher, hein? Non, non, c'est assez simple, c'est assez facile que tu te demandes pourquoi on en parle depuis tout ce temps-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivet: C'est facile, c'est ça. Regardez, en Ontario, il y a cinq ou six ans, les médias et nos propagandistes et les développeurs. Ce sont les développeurs qui sont les meilleurs de tous. Eux autres, ils ne travaillent pas le dimanche, les développeurs, ils développent.

Des voix: ha, ha!

M. Rivet: Alors, en Ontario, savez-vous ce qui est arrivé? Ils ont vendu l'idée aux détaillants indépendants de demander à la municipalité Toronto Metropolitan, d'ouvrir plus le soir. Nous avons lu les dossiers ensemble. Les détaillants indépendants de Toronto, et ce n'est pas tous du monde riche, ils ont fait un "pot" de 5 000 000 $ pour combattre cette loi-là et revenir aux heures qu'on a actuellement, nous autres. Et nous autres, il y en a qui veulent qu'on les change. Aïe! Et c'est ça. On peut vous montrer ces études-là.

M. Jolivet: Je vous remercie, quant à moi.

Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous

voulez...

Mme Marois: Je vous remercie de votre contribution et de l'échange franc et plein d'humour, d'ailleurs, que nous avons eu ensemble.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie, M. Rivet, de la discussion franche et surtout détendue que nous avons eue. Mais, en terminant, je voudrais vous rassurer sur deux choses, pour vous laisser sur une note optimiste. La première, et je pense que le député de l'Acadie vous l'a bien expliqué, c'est qu'il n'y a pas une volonté ou une intention avouée du gouvernement de libéraliser les heures d'affaires. Je pense qu'on va écouter. Il semblerait - il y a 80 mémoires - il y en a qui semblent dire qu'il y a un problème avec cette loi-là. Alors on va écouter. Deuxièmement, et c'est surtout ça que je veux vous dire, je ne pense pas que le gouvernement veuille soutenir ou trouver des politiques pour favoriser la domination des gros sur les petits. Je veux au moins vous rassurer là-dessus. Je vous remercie d'être venu, de nous avoir expliqué votre point de vue. Ça va sûrement nous aider dans notre réflexion.

M. Rivet: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie d'abord ses invités et je vous informe que nous reprenons nos travaux demain matin, à 9 heures. Alors, à 9 heures dans la salle, s'il vous plaît. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 40)

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