L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le vendredi 16 mars 1990 - Vol. 31 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux


Journal des débats

 

(Neuf heures cinq minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux pour procéder à une consultation générale et à des auditions publiques sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Ce matin, dans un premier temps, nous recevons les Marchands des supermarchés Provigo favorables à l'ouverture le dimanche. Ce n'est pas une façon de les nommer, c'est le titre qu'ils se sont donné.

Alors, M. le secrétaire, avant qu'on passe la parole à nos amis de Provigo, est-ce qu'on a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, il y a un remplacement. M. Leclerc (Taschereau) est remplacé par M. Richard (Nicolet-Yamaska).

Le Président (M. Bélanger): Alors, bienvenue à M. Richard qui est devenu un permanent de notre commission.

Alors, en ce beau vendredi matin, à 9 heures, on vous remercie d'abord d'avoir accepté de vous présenter plus tôt; ça nous arrangeait beaucoup, ça nous permettait de régler certains petits problèmes. Alors, vous connaissez un petit peu nos règles de procédure, j'imagine. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires. Alors, je vous prierais, au moment de l'échange, de bien vouloir, chaque fois, vous nommer avant de parler, ceci pour les fins de la transcription du Journal des débats. C'est que les personnes qui travaillent au Journal des débats, qui tapent tout ça, sont dans une autre pièce, ne nous voient pas, alors ne savent pas les noms. Elles sont familières avec nos voix, mais pas avec les vôtres. Quand ça fera cinq ans, vous allez voir, elles vont vous reconnaître.

Alors, sans plus tarder, si vous pouviez présenter votre équipe, identifier votre porte-parole et procéder, on vous écoute.

Marchands des supermarchés Provigo favorables à l'ouverture le dimanche

M. Girard (Normand): M. le ministre, M. ie Président de la commission, Mmes et MM. les députés, mon nom est Normand Girard. Je suis propriétaire de deux supermarchés Provigo à Laval, l'un situé sur le boulevard des Laurentides et l'autre à Vimont.

Nous sommes ici, aujourd'hui, comme représentants d'un groupe de plus de 200 propriétaires de marchés d'alimentation, qui tous ont appuyé au moyen de lettres d'appui... Ces lettres d'appui, signées par les marchands eux-mêmes, ont été envoyées à la commission avec notre mémoire. J'ai le plaisir d'avoir avec moi à cette tribune quelques-uns de ces marchands. Je leur laisse le soin de se présenter. Richard.

M. Tanguay (Richard): Bonjour, mon nom est Richard Tanguay, je suis propriétaire d'un supermarché Provigo à ville LaSalle.

M. DessureauSt (René): Bonjour, mon nom est René Dessureault, je suis propriétaire d'un supermarché Provigo à La Prairie.

M. Drolet (Rémy): Bonjour, mon nom est Rémy Drolet, je suis propriétaire d'un marché Provigo à L'Ancienne-Lorette.

M. Girard: Nous aimerions, tout d'abord, remercier le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, ainsi que les membres de la commission d'accepter de nous recevoir aujourd'hui et de nous donner la chance de faire entendre notre point de vue.

Vous avez entendu, cette semaine, la direction de Provigo qui vous a présenté les arguments économiques militant en faveur de la libéralisation des heures d'affaires. Ce matin, vous avez devant vous de simples marchands qui n'ont pas la prétention d'être de grands orateurs, mais nous connaissons nos commerces et nous sommes des gens d'affaires qui donnons de l'emploi au Québec et nous avons tenu à faire part de nos expériences personnelles.

Tout d'abord, je voudrais clarifier une chose. Tous les marchands qui sont ici et tous ceux que je représente aujourd'hui ne sont pas des propriétaires de grandes entreprises, de corporations ou de grandes sociétés multinationales. Nous sommes tous des entrepreneurs indépendants qui venons, avant tout, défendre la survie de nos commerces, dans lesquels nous avons investi notre temps, notre argent, certains depuis quelques années. Je cède maintenant la parole à René Dessureault et nous interviendrons, tour à tour, pour vous présenter notre position.

M. Dessureault: M. le Président, au départ, j'aimerais peut-être faire une rectification. J'ai eu l'occasion de feuilleter le catalogue, que j'ai ici dans les mains, en provenance du Regroupement des détaillants Indépendants et des travailleurs et travailleuses contre l'ouverture le

dimanche, et j'ai remarqué beaucoup d'anomalies dans ce rapport. D'ailleurs, j'aimerais vous présenter un document que j'aimerais que vous puissiez lire, s'il vous plaît, pour corroborer ce que j'avance. Si je regarde ici, dans leur rapport, je remarque le magasin Provigo qui est situé à Dollard-des-Ormeaux à Montréal; on lit dans le môme rapport que ce marchand est contre l'ouverture. C'est complètement faux car M. Bouchard est pour l'ouverture depuis 1985. Je m'en vais un peu plus loin. Je retrouve le marché de M. Poirier qui est situé à Chomedey. Encore là, on nous dit non et M. Poirier est pour l'ouverture le dimanche depuis 1985. Si je vais encore plus loin, j'ai ici sur le boulevard Labelle le magasin de M. Raymond Lapolnte à Rosemôre. On marque encore non et M. Lapointe est pour l'ouverture le dimanche. Le même M. Lapointe a un autre magasin à Lorraine, sur la rue de Gaulle. On marque encore non et M. Lapointe est pour l'ouverture le dimanche. À Repentigny, le même M. Lapointe a encore un magasin Provigo. On marque encore non et celui-ci est pour l'ouverture le dimanche. Ce que je trouve le plus aberrant dans ce rapport, c'est qu'à ma gauche ici, j'ai M. Richard Tanguay qui est propriétaire de magasin. On marque non. Est-ce que vous êtes contre l'ouverture le dimanche?

M. Tanguay: On en repariera tout à l'heure.

M. Dessureault: L'aberrance va encore plus loin que ça parce que mon président de comité, ici, a deux magasins et on vient nous dire - d'ailleurs, vous allez le voir sur votre document - non. Et voici, il est ici pour représenter la libéralisation des heures d'ouvrage. Alors, M. le Président, moi, j'en viens à la conclusion que ça ne devrait pas être un document de travail pour la commission parce que c'est rempli de faussetés. Nous, quel est notre degré de représentativité? Ici, ce matin, si vous avez remarqué, lorsqu'on a présenté le mémoire, on vous a donné des lettres affirmant que tous les magasins Provigo, tous les noms qui figurent sont pour l'ouverture. Alors, nous représentons 80 % des marchands Provigo qui sont pour la libéralisation des heures d'affaires le dimanche.

M. Girard: Normand Girard. Pourquoi libéraliser les heures d'affaires? Pour l'inéquité, parce que je subis des pertes de ventes - et vous pouvez voir sur le tableau combien il y a de clients qui entrent dans les marchés publics ou dans les clubs Price le dimanche - au profit de ces marchés publics, clubs Price, fruiteries, pharmacies et le nouveau "fast", et combien d'autres encore qui vont se rajouter plus tard. Les consommateurs, nos clients, nous demandent d'ouvrir. Nombreux sont les témoignages de nos clients. On parle aussi d'allonger des heures au début de la semaine. L'expérience des fêtes nous le prouve. Les marchands ne veulent même pas ouvrir et ils ont la possibilité d'ouvrir. On n'ouvre pas parce que, justement, il n'y a personne dans nos magasins. La demande est pour le dimanche et j'en ai fait moi-même la preuve. Lorsque j'ai ouvert le dimanche, les clients rentraient à pleine porte et je me suis tenu à la porte le dimanche justement pour interviewer ou demander à ma clientèle qui entrait: Si j'étais fermé, qu'est-ce qu'ils auraient fait? Bien, on m'a répondu sûrement à 90 % ou à 95 %, qu'ils allaient au marché public. Bien, pour moi, je pense que je suis brimé dans mon commerce et je n'accepte pas ça parce que je comprends que c'est une compétition qui est déloyale complètement.

Avoir du personnel disposé à travailler le dimanche? La preuve, c'est qu'il y en a présentement qui travaillent le dimanche et on est fermés. Ça, on peut le voir aussi chez Métro et chez IGA, parce que le monde demande de travailler le dimanche pour être prêt aux affaires le lundi matin. Les seules personnes qui n'ont pas le droit d'entrer dans le magasin, c'est nos clients. Je pense qu'il devrait y avoir une révision de la loi vis-à-vis de ça. Pour travailler le dimanche, je n'ai aucun problème pour avoir du personnel. Au cours des semaines où j'ai été ouvert, les employés étaient libres de le faire. (9 h 15)

M. Dessureauit: Alors, on parle d'augmentation de coûts, on entend ça un peu partout là. Moi, je ne suis pas prêt à dire que c'est négatif parce que, si les marchés sont ouverts le dimanche, si les magasins d'alimentation sont ouverts le dimanche, moi, je sais qu'à toutes les fins de mois il faut que je paie mon loyer, que je paie mes taxes, tous mes frais fixes en fin de compte. Présentement, j'ai des employés qui travaillent le dimanche: cinq ou six des fois pour préparer le magasin. Je suis obligé de démonter mes comptoirs le samedi, puis de m'affirmer comme vendeur de tôle peut-être, comme on pourrait dire, à partir de 15 h 30 ou 16 heures parce que je n'ai pas l'opération continue, pour essayer de minimiser mes pertes. Par contre, si j'étais ouvert le dimanche - et quand je dis "si", je parle pour la majorité des marchands qui sont pour la libéralisation - au lieu de démonter mon magasin le samedi, je monterais mon magasin. Ça veut dire qu'en étant ouvert le dimanche je créerais à ce moment-là des ventes qui généreraient certains profits qui pourraient venir couvrir le surplus que je paie en salaires, mais, par contre, ça me donnerait aussi l'opportunité de donner une meilleure variété et une meilleure qualité à la semaine longue à ma clientèle.

Lorsque je suis fermé, c'est officiel, je me dis: J'invite tout simplement mes clients à aller magasiner dans la structure parallèle. Ce que je trouve aberrant, c'est que des fois je suis dans la vitrine le dimanche chez moi et je vois des gens qui s'en vont chez Jean Coutu, parce qu'il

y a un Jean Coutu pas loin de chez mol. Ensuite de ça, il y a une fruiterie bâtie dans ma cour qui opère illégalement, en passant, avec une grande surface qui vend pratiquement tout ce que je vends dans mon magasin. Je suis là et je regarde passer la parade. Je vois passer un sac de Jean Coutu; je vois partir le client qui s'en va à la fruiterie. Je trouve ça frustrant, M. le ministre.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, aucune manifestation dans la salle!

M. Dessureault: C'est de l'inéquité légalisée, en réalité. Le point que je viens défendre pour mes confrères de Provigo, c'est exactement le même point pour moi parce que j'en suis frustré. Normand.

M. Girard: J'aimerais ajouter que, si le gouvernement voulait retourner en arrière, nous n'aurions pas le choix. Nous allons cloisonner et "boutiquer" et ça va coûter cher aux consommateurs. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons suivre face au marché public, car le consommateur peut faire une commande totale dans cet endroit.

En guise de conclusion, mes confrères et moi-même ne demandons qu'une chose: Laissez-nous servir notre clientèle et laissez le consommateur décider du moment où il veut magasiner. Laissez les gens décider de la qualité de vie qu'ils veulent se donner.

Nos principales recommandations sont les suivantes: l'ouverture des marchés d'alimentation le dimanche; le libre choix des marchands de décider de leurs heures d'ouverture en semaine, de maintenir la règle de trois employés pour les commerces d'alimentation qui opéreront en dehors des heures fixées si le gouvernement décide de mettre des restrictions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Juste avant de débuter, le document que vous nous avez remis, est-ce que vous êtes prêts à le signer? Je ne vois pas de signatures sur ce document.

M. Girard: Aucun problème. C'est le groupe qui a sorti ça, qui a analysé les signatures fausses dedans.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous me dites que vous êtes prêts à le signer?

M. Girard: Oui, oui.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous pourriez apposer vos signatures sur ce document-là et le remettre à la commission?

Lorsque j'ai senti le besoin de faire une commission publique, c'était pour permettre à tous les intervenants, quel que soit leur point de vue, de se faire entendre publiquement. J'ai mentionné que j'aurais une ouverture d'esprit. Toutes les solutions étaient possibles et les solutions devaient être équitables, dans le meilleur intérêt de tout le monde si c'était possible. J'ai même mentionné, puis la députée de Taillon est d'accord avec ça, qu'on vit présentement un débat de société et on doit permettre à tous les intervenants de venir faire valoir leur point de vue. Vous demandez s'il va y avoir une révision de la loi. Oui, il va y avoir une révision de la loi. Qu'il y ait consensus ou pas, il va y avoir un dépôt de loi au printemps.

Ce qui est troublant dans ce que vous apportez ce matin - c'est pour ça que je vous ai demandé de le signer - c'est que ça vient contredire des documents qui nous ont été présentés, premièrement. Deuxièmement, il y a même des membres de cette commission qui ont eu certaines menaces. Je pense qu'en permettant à tous les intervenants de venir faire valoir leur point de vue, si on veut avoir une loi équitable, il va falloir les écouter et toute représentation... J'ai même entendu, hier, que des personnes devaient se présenter devant cette commission et ne se présenteront pas à la suite, également, de menaces. Je dois vous dire que c'est totalement inacceptable. Nous sommes un gouvernement qui se veut à l'écoute de la population et qui doit prendre des décisions qui font appel à des principes élémentaires d'honnêteté, de franchise et d'intégrité.

Alors, ceci dit, je tenais à faire ces commentaires ce matin, et je vous remercie sincèrement d'être venus nous le dire, même après d'autres commentaires que je peux avoir entendus et que je ne voudrais pas dire ce matin. Je sais que ce n'est pas facile. Je sais que ça implique des sommes financières pour des petits commerçants, pour des moyennes entreprises et pour des grosses entreprises. Et j'ouvre la porte à toutes les autres personnes qui pourraient être dans votre position, quel que soit leur point de vue, de venir nous expliciter leur démarche et leurs besoins.

J'ai deux questions à vous poser: la première, l'équité. C'est très important, l'équité. Il semble y avoir deux tendances assez claires. L'une que vous privilégiez, soit l'ouverture; l'autre qui serait une fermeture qui restaurerait l'équité. Vous mentionnez que la raison pour laquelle vous trouvez la loi inéquitable, c'est parce qu'il y a certains commerçants qui, soit par des exceptions à la loi ou soit dans l'illégalité, ouvrent leur commerce. Si on réussissait à rétablir une équité qui irait jusqu'au point de ne pas encourager les commerçants à faire indirectement ce que la loi ne leur permet pas de faire directement, et plus précisément - vous l'avez mentionné tout à l'heure - cloisonner et

"boutiquer", est-ce que vous seriez d'accord avec une fermeture des commerces le dimanche qui prendrait en considération les problèmes que vous avez soulevés et qui ne permettrait que le vrai dépannage le dimanche? Est-ce que ce serait équitable pour vous, ça?

M. Girard: Normand Girard. M. le ministre, c'est une chose que nous avons regardée aussi, mais placez-vous vis-à-vis de la clientèle et du consommateur. Vous avez des preuves, vous avez sur le tableau des indications bien précises et, si vous faites le tour, si vous faites enquête, présentement, combien de personnes, de clients, d'achalandage peut-il se ramasser dans les marchés publics, clubs Price, "fast", dans les pharmacies Jean Coutu, dans les marchés aux puces et combien d'autres? Ça veut dire que notre consommateur, notre clientèle se donne une qualité de vie pour sortir dans ces endroits-là. Présentement, elles peuvent aller, disons, au théâtre, prendre des marches dans le bois, aller n'importe où avec la famille, mais je pense qu'il y a une majorité de personnes qui va dans ces places, justement, pour le divertissement, ou pour acheter des denrées ou se tenir dans ces endroits.

M. Tremblay (Outremont): Mais ne pensez-vous pas, M. Girard, que l'idéal, pour le consommateur, c'est que les commerces soient ouverts vingt-quatre heures par jour, sept jours par semaine? SI vous êtes debout à la porte de votre commerce quand tous ces gens-là passent, c'est évident qu'ils vont vous dire: Ouvrez. Mais les questions qu'on va se poser en tant que commission, c'est: Quelles sont les considérations financières de la décision de ces commerçants? Est-ce qu'ils sont au courant de toutes les considérations économiques? Finalement, quel apport cela peut-il avoir sur notre société au niveau de la qualité de vie? Je vous laisse sur ce point parce que ça, en fait, c'est plus philosophique, mais c'est ce qu'on va regarder: philosophique et économique.

Deuxième question. Vous avez mentionné tout à l'heure que vous êtes de petits propriétaires indépendants qui voulez assurer la survie de vos commerces. Comment conciliez-vous ce point de vue - je dis bien des petits - avec le point de vue d'autres petits commerçants qui, eux, se disent: S'il y a ouverture des commerces le dimanche, on travaille déjà soixante heures par semaine, qu'est-ce qu'on va faire? On n'aura plus de vie familiale, on n'aura plus de qualité de vie. Comment conciliez-vous ça?

M. Tanguay: Vous permettez?

M. Tremblay (Outremont): M. Tanguay.

M. Tanguay: Mon nom est Richard Tanguay. Lorsqu'on parle de commerces et des incidences négatives que pourrait avoir l'ouverture ou la fermeture, dites-vous une chose, M. le ministre, c'est que, si la réglementation était imposée telle qu'elle devrait l'être selon les termes de la loi actuellement, il y aurait déjà beaucoup de ces petits commerces, qui craignent que, si les grandes surfaces ouvrent, ça pourrait leur nuire, qui devraient fermer le dimanche ou en dehors des heures normales. Alors, partons du principe que, si vous décrétez une loi très sévère qui réglemente à peu près tout, l'incidence sera tout aussi négative pour les petits commerces qui, actuellement, sont ouverts en dehors des heures normales.

Lorsqu'on parle de notre problème à nous, il est évident que le marché évolue. On est en 1990, le marché a beaucoup évolué. La dernière loi sur les heures d'affaires date de 1969. On parle de 20 ans dans un contexte de progression rapide. L'évolution actuelle a fait que le consommateur s'est créé des besoins, le consommateur a changé ses habitudes. Sauf votre respect, permettez-moi, quelles que soient les réglementations qu'on puisse imposer, quelles que soient les réglementations qu'on puisse établir, je crois sincèrement que, si le besoin existe, il y aura toujours quelqu'un qui trouvera le moyen de contourner les règlements de façon à combler le besoin. Alors, il y aura toujours quelqu'un qui va en souffrir au bout du compte.

Je comprends votre point de vue lorsque vous dites que, si les gros ouvrent, il y a des petits qui vont fermer. Il y a une chose qui demeure: si ceux qui sont illégaux fermaient, il y aurait beaucoup plus de petits commerces qui fermeraient actuellement.

M. Tremblay (Outremont): Une autre chose que j'entends et vous pouvez me faire vos commentaires sur ce point de vue. On dit que, au Québec, 70 % de nos détaillants sont de petits commerces, 30 % sont de gros commerces. Dans d'autres provinces canadiennes et aux États-Unis, c'est le contraire: il y a 70 % de gros commerçants et 30 % de petits. On dit qu'on a fait un choix de société au Québec de favoriser la petite entreprise. Donc - ce que j'entends - est-ce qu'on doit renverser cette tendance et répondre aux besoins nord-amérlcalns d'autres provinces ou des États américains qui ne collent pas à la réalité québécoise?

M. Tanguay: Si vous me le permettez, M. le ministre, j'aimerais faire une petite mise au point quant aux chiffres que vous énoncez, à savoir que, dans les autres provinces canadiennes, il y a 70 % de gros commerçants. C'est plutôt qu'au Québec nous avons une très grande quantité de marchands indépendants, alors que, dans les autres provinces, ce sont des structures corporatives très, très bien implantées. Alors, ce n'est pas un choix de société. C'est que le besoin s'est créé, le contexte social a fait que des petits commerces se sont ouverts pour contourner

certaines... en tout cas, pour arriver à passer à travers les mailles d'un filet. Je ne crois pas qu'on modifie en profondeur, strictement par une question d'heures d'affaires, la base d'une société.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je veux vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. En fait, c'est un appel au secours que vous faites que moi, je veux bien entendre et je veux bien comprendre. Il est fait depuis le début de la commission. Depuis le début de la commission, on se rend compte que ce débat est d'une émottvité absolument hors de proportion. On a l'impression qu'il est hors de proportion. En fait, il n'est pas hors de proportion, parce qu'il s'agit effectivement du revenu des gens qui sont concernés. Moi, je suis bien consciente de l'importance d'un débat comme celui-là. (9 h 30)

Quand on regarde le nombre de mémoires, pour les fins de l'information générale, on a eu 90 mémoires sur un thème comme l'ouverture ou non des commerces le dimanche, versus même pas 40 mémoires, dans une autre commission que je préside, sur les normes minimales du travail qui concernent l'ensemble des travailleurs et des travailleuses non syndiqués du Québec. Alors, on peut voir l'importance que ça prend comme objet de discussion, cette question des heures d'ouverture.

Je suis très sensible aux propos que vous tenez et à l'expression du malaise dans lequel vous vous trouvez. Je pense que c'est monsieur qui disait tout à l'heure: Nous, on assiste les yeux fermés ou ouverts au morcellement de notre marché. En face de nous, des gens peuvent ouvrir, ils ont des surfaces plus grandes que les nôtres presque. Nous, on respecte la loi; eux ne la respectent pas. C'est nous qui sommes pénalisés de respecter la loi, alors que, normalement, dans une société qui a des règles du jeu un peu claires pour tout le monde, ce n'est pas ça qui se passe. C'est celui ou celle qui ne respecte pas la loi qui se trouve pénalisé. Bon.

Cette mise en situation étant faite, vous avez parlé d'un autre document qui est devant nous, en disant: II y a des données qui sont probablement inexactes dans ce document, dans le sens où il y a des marchands qui sont identifiés - je pense à ce gros document - et qui ne partageraient pas le point de vue qu'on leur prête ici. Moi, je voudrais savoir... J'ai regardé aussi vos listes. J'avais commencé à additionner, à un moment donné, les signatures. Je pense que j'ai tous les documents. J'arrive à peu près à 200 signatures, mais je me rends compte qu'il y a des fois où un même marchand a signé, ses employés ont signé, et tout ça; ce n'est pas incorrect, ça va. Mais est-ce qu'on les additionne ou si, quand vous dites que vous représentez 200 marchands, c'est vraiment 200 propriétaires d'entreprises ou si c'est 200 unités de distribution? J'aimerais savoir qui exactement... Quand je fais l'addition des signatures, j'arrive à 200, mais ça ne fait pas 200 marchands, parce que, à Grand-Mère, il ne doit pas y avoir 25 Provigo. Ce n'est pas pour vous ennuyer. Je veux juste qu'on parte des bonnes choses et des mêmes choses.

M. Dessureault: Vous avez des propriétaires avec des magasins multiples.

Mme Marois: Oui, c'est ça.

M. Dessureault: Alors, c'est officiel que vous allez rencontrer cinq fois la même signature ou six fois la même signature...

Mme Marois: D'accord.

M. Dessureault: ...parce que ce sont des entités complètement différentes. C'est pourquoi vous trouvez les mêmes noms à d'autres...

Mme Marois: D'accord. Mais ça fait combien de marchands?

M. Dessureautt: Ça fait 200 points de vente.

Mme Marois: Mais ça ne fait pas nécessairement 200 marchands?

M. Dessureault: Je ne comprends pas le sens de votre question.

Mme Marois: Un marchand peut avoir quatre points de vente.

M. Dessureault: Oui, je comprends.

Mme Marois: Donc, s'il y a 200 points de vente, il y a peut-être quoi? 150 marchands.

M. Dessureault: Ça peut représenter 180 marchands, parce qu'il y a sept ou huit propriétaires de surfaces multiples.

Mme Marois: Autant que cela?

M. Dessure mit: Oui. D'ailleurs, ils ont tous signé.

Mme Marois: Oui, mais c'est ça que je vous dis. Je le sais. Je les al devant mol. Je les al même additionnés.

M. Tanguay: Excusez-moi, madame. Mme Marois: Oui.

M. Tanguay: La très grande majorité des marchands Provigo n'ont qu'un seul magasin.

Mme Marois: D'accord. C'est ça que je veux savoir.

M. Tanguay: Lorsqu'on parle de regroupement de plusieurs, c'est quelques propriétaires qui possèdent plus d'un point de vente, à ce moment-là.

Mme Marois: D'accord.

M. Tanguay: Ce n'est pas la majorité, si c'est ce que vous voulez...

Mme Marois: Ça veut dire à peu près, autour de 180 qui ont un seul point de vente, leur magasin, et les autres, un même propriétaire peut en avoir cinq ou six. C'est ça? On se comprend bien. Ces 180 marchands ont signé le document qui est devant nous...

M. Oessureault: C'est ça.

Mme Marois: ...partout à travers le territoire. O.K. Parce que je me dis qu'il faut partir des mômes données, des mêmes informations; sinon, ça engage mal le débat.

Cela étant dit, M. le ministre - je trouve ça assez grave et, si ça se passe comme ça, je me dis que c'est un petit peu inquiétant - faisait référence à du tordage de bras qui se fait à l'égard d'un certain nombre de groupes, j'imagine, ou de personnes. Il a été un peu sibyllin dans ses propos. Je n'ai pas compris exactement à qui il pensait. Mais, la commission a rencontré, avant-hier, la corporation Provigo et ses représentants, dont M. Busslères. Je leur faisais part d'une lettre qui avait été envoyée aux marchands Provigo, que vous avez sûrement reçue, qui date de la fin de l'année 1988 et je cite le dernier paragraphe; c'est signé du vice-président exécutif, M. Lessard. Il dit: "II est impérieux que pour - et là c'est souligné - aucune circonstance vous n'endossiez cette démarche faite par la firme NRG puisqu'elle est totalement contraire à l'esprit d'équipe et à la solidarité - "solidarité" est souligné - dont les marchands affiliés Provigo doivent faire preuve. En plus, il est clair que cette démarche est à rencontre de vos propres intérêts", souligné.

Évidemment, on faisait référence à une démarche qui disait que des gens étaient défavorables à l'ouverture et on ne souhaitait pas que vous alliez dans ce sens-là. J'ai posé la question aux gens de Provigo en leur disant: Est-ce que vous ne croyez pas que c'est un petit peu forcer la note et que vos marchands ne se sentiront pas un petit peu contraints, après ça, d'endosser la position que vous défendez? Parce qu'ils se disent: Bon, bien, je fais partie d'un groupe, j'ai des relations d'affaires avec Provigo Distribution, avec la corporation. Est-ce que ça ne va pas me mettre un peu en mauvaise situation, ensuite, quand j'aurai à négocier avec l'entreprise pour le volume ou quoi que ce soit? Vous savez mieux que moi, sûrement, ce dont vous discutez avec Provigo. Donc, dans ce sens-là, est-ce que ce n'est pas aussi une pression qui a été faite à votre endroit - et là, je vais pousser plus loin, puis je vais reprendre ce que le ministre lui-même disait - pour dire: Comme le gouvernement ne reviendra pas à un respect de la loi intégral... Parce que la loi a été changée en 1984.

Une voix: Oui.

Mme Marois: Oui, je le sais, c'est vrai que la base, c'est 1969; vous avez fait référence à 1984. Bon. Comme le gouvernement ne reviendra pas au resserrement des critères sur les trois employés ou moins en tout temps dans l'entreprise, on risque d'être défavorisés. Vous avez totalement raison, de ce point de vue. Alors, comme le gouvernement risque de ne pas revenir là, est-ce que, à ce moment-là, la meilleure solution ne serait pas de dire: Ouvrons, tout le monde? Comme ça, au moins, on sera traités équitablement; comme ça, on retrouvera la capacité de concurrencer, mais à armes égaies et non pas défavorisés comme on l'est maintenant, alors qu'on respecte la loi et que d'autres ne le font pas.

M. Tanguay: Mon nom est Richard Tanguay. Vous avez une question à plusieurs volets.

Mme Marois: Oui.

M. Tanguay: On va essayer de les décortiquer un par un.

Mme Marois: Mais vous comprenez tout le contexte, je pense, assez bien. Il y a une logique dans toute la démonstration ou l'espèce d'analyse que je fais.

M. Tanguay: Je le comprends très bien, madame. Ce sur quoi je voudrais revenir, c'est, évidemment, sur l'aspect de pression dont vous avez parlé, qui est une chose très importante. Dans les faits, écoutez bien, une prise de position comme celle-là, c'est un cheminement. Il est évident que, la nature humaine étant ce qu'elle est, travailler le dimanche, travailler huit jours par semaine, ça n'a jamais fait plaisir à personne. Il est évident que, la consommation étant au point où elle est, il s'agit d'y répondre le mieux possible en évitant des écarts de conduite, en évitant d'être dans des situations illégales. Mais dites-vous bien, madame, que les positions qui sont prises le sont par des entrepreneurs qui ont à gérer une entreprise, puis qui voient leur part de marché s'émietter. Ce ne sont pas des recommandations émanant de qui

que ce soit, à quelque niveau que ce soit, qui peuvent faire changer l'idée de quelqu'un à ce niveau-là. C'est strictement une question de logique et de gestion financière.

Pour ce qui est de ce que vous nous disiez à la toute fin, c'est-à-dire que la façon idéale de régler le problème, c'est de libéraliser, écoutez, c'est un petit peu notre position, fondamentalement, à savoir qu'on ne peut pas faire des contraintes suffisamment sévères pour fermer légalement, fermer par la loi, une multitude de commerces qui existent déjà, qui ont déjà des structures, puis qui ont déjà des employés; ça aurait un impact social et économique absolument épouvantable. Donc, ne pouvant revenir en arrière, la seule façon, c'est de laisser agir les lois du marché. Que certaines personnes soient en meilleure position que d'autres pour se défendre face au marché, c'est possible. On le voit, actuellement, il y a un marché qui existe hors des heures, puis il y a des gens qui sont mieux équipés que nous pour s'en sortir. Si on a la même possibilité, à ce moment-là, ça sera une question de force. Ça sera une question de savoir qui peut se débrouiller avec le marché, puis c'est une question de lois du marché.

C'est difficile, lorsqu'on parle de légiférer, en 1990, de vouloir faire, avec une loi sur les heures d'affaires, une revue du climat social ou de vouloir faire une synthèse de ce que devrait être la qualité de vie au Québec. Je crois que, si on veut en venir à régler tous ies problèmes de front, le consensus étant absolument impossible, vous le voyez, vous avez 90 mémoires, puis... Je ne crois pas qu'on arrive un jour à trouver la solution parfaite. Le consensus étant absolument impossible, il me semble que les lois du marché devraient régler les problèmes avec le moins de tension, à mon point de vue.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je voudrais juste revenir...

Mme Marois: Je reviendrai, parce qu'il y a des questions auxquelles... Non, mais je reviendrai. Il me reste encore une dizaine de minutes. Allez.

M. Tremblay (Outremont): Je peux vous laisser continuer, si vous voulez.

Mme Marois: Je vous écoute.

M. Tremblay (Outremont): Je veux juste revenir sur un petit point, avant de céder la parole à mes collègues. La députée de Taillon a mentionné qu'il y a un appel au secours. Je voudrais juste le qualifier. Moi, j'interprète les représentations qui nous sont faites à cette commission comme étant un appel au secours, mais des deux côtés. Alors, c'est ça.

Mme Marois: C'est ce que j'entendais, d'ailleurs.

M. Tremblay (Outremont): O.K. Je suis certain que...

Mme Marois: Je ne présumais pas que c'était un appel au secours d'un seul bord. C'est ça, d'ailleurs, le dilemme dans lequel vous vous trouvez.

M. TrembSay (Outremont): Oui. En fait, on est d'accord là-dessus, mais je voulais bien le qualifier. Quand on parie de la lettre de Provigo dont on a pris connaissance hier, ça, c'est un écrit. C'est un écrit, Je l'admets, qui peut être interprété par des détaillants comme étant - employons les mots - des représentations forcées un peu avec des conséquences commerciales et financières. Mais c'est un écrit de la haute direction. Ce à quoi je faisais allusion tout à l'heure, c'est plus à des représentations verbales qui ont eu, ont et peuvent avoir des conséquences physiques et matérielles. Et je le répète encore: Je ne voudrais pas que des personnes qui ont un point de vue à faire valoir ne viennent pas le faire à cette commission, à cause de l'importance du débat que nous avons à trancher.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Nicoiet-Yamaska.

M. Richard: Merci, M. le Président. Vous-même, les journées où vous avez ouvert de façon illégale, et je ne vous le reproche pas nécessairement... C'était illégal, je ne peux pas vous dire que je vous félicite. Lors de votre sondage personnel, est-ce que vous avez constaté que c'était une nouvelle clientèle ou si c'était votre clientèle habituelle qui arrivait le dimanche plutôt que le samedi?

M. Girard: J'ai remarqué que c'était une nouvelle clientèle. Excusez-moi, Normand Girard. C'était une clientèle qui relaxait; c'était une clientèle qui était bien. C'était une clientèle avec laquelle je pariais et on avait le temps de parler ensemble, puis cette clientèle-là, à plusieurs reprises me disait: C'est pour mol une journée idéale, parce que mon mari peut garder les enfants. Je peux sortir, puis magasiner en paix. Je ne suis pas pressée, parce qu'on travaille tous les deux. Je cours pour aller chercher les enfants, le soir, j'arrive à la maison... Présentement, c'est le jeudi soir que je fais mes commissions, mes emplettes. Ou, j'ai à faire mes emplettes la journée du dimanche, je dois aller au marché public. Puis, c'est là que je peux avoir la satisfaction de relaxer. Mais je n'aime pas aller au marché public, parce que je dois entrer et sortir peut-être trois ou quatre fois,

parce que ce sont toutes des boutiques différentes. C'est la raison pour laquelle j'appuie beaucoup votre ouverture et j'espère que vous allez continuer.

M. Richard: Maintenant, M. Girard, si le même dimanche ou les mêmes dimanches, parce que vous avez été parmi ceux qui ont ouvert trois ou quatre dimanches d'affilée, je présume...

M. Girard: Sept.

M. Richard: Sept. C'était seulement pour vous le faire dire. Après avoir ouvert sept dimanches d'affilée, si l'ensemble des commerces de la superficie du vôtre avaient été ouverts les mêmes dimanches, d'une façon généralisée, est-ce que vous pensez que, chez vous, vous auriez obtenu des ventes additionnelles? Parce que, en fait, vous dites que c'est massivement, selon vous, de la clientèle nouvelle. Donc, c'est un apport nouveau, c'est votre assiette à vous qui a augmenté, mais au détriment de quelqu'un inévitablement, parce que ces gens-là qui relaxaient, selon vous - et je vous crois - ça n'a pas augmenté leur salaire, ça n'a pas augmenté leur revenu. C'est donc dire que, s'ils l'ont amené chez vous, ils ne l'ont pas amené chez votre voisin qui, lui, respectait peut-être la loi ce dimanche-là. Si l'ensemble des commerces - je répète ma question - avaient été ouverts, est-ce que vous auriez eu cet apport nouveau? Est-ce que vous auriez obtenu une clientèle additionnelle? (9 h 45)

M. Girard: Je suis sûr et certain que j'aurais eu une addition, parce qu'on me le disait. On me le disait, qu'ils allaient présentement aux marchés publics. Que mes compétiteurs ouvrent le dimanche, on n'enverra pas ces clients-là ailleurs. Là, présentement, je dis à ma clientèle de mon entourage: Fais trois, quatre ou cinq milles, va-t'en magasiner ailleurs. Moi, j'ai investi ici dans le quartier pour bien vivre, pas pour que mon magasin perde de plus en plus de volume et que j'envoie mes clients ailleurs. C'est la raison pourquoi j'ai ouvert: j'étais tanné de faire rire de moi. Et je suis tanné encore de faire rire de moi, parce que, justement, j'ai investi de l'argent dans mon commerce et je dis à ma clientèle: Là, allez-vous-en ailleurs. Le dimanche, moi, je ne peux pas avoir la même chose que les marchés publics, clubs Price ou ces places-là. C'est la raison pourquoi j'en avais assez. Je me dis aussi que, si le gouvernement ferme tout, c'est la décision du gouvernement, mais on s'en va en arrière. Je crois aussi que ce n'est pas ce que la clientèle désire.

M. Richard: Je terminerais, M. le Président, par la question suivante: La part de marché que vous avez perdue chez vous, dans le type d'entreprise, c'a été à l'avantage de qui? Sûrement des marchés publics, parce que vous y avez fait référence. Mais, dans l'ensemble, c'a été dû à quoi et à qui?

M. Girard: Disons... Depuis que Club Price a ouvert, dans mon bout - parce qu'on est à peu près à deux milles d'un club Price et d'un marché public 440 - j'ai eu des pertes de vente régulières d'environ 10 000 $ à 15 000 $ par semaine. C'est beaucoup d'argent.

M. Richard: Alors, votre gros compétiteur, en fait, c'est Club Price.

M. Girard: Ou le marché public aussi, parce que lui aussi... Ils sont un à côté de l'autre. Ça veut dire que c'est le bouchon: il y a beaucoup de monde qui se ramasse là, le dimanche.

M. Richard: Vos employés, les sept semaines, étaient heureux de travailler le dimanche?

M. Girard: Je n'ai jamais forcé... Je travaille avec mes employés comme je travaille avec mes enfants. Je suis pratiquement un père avec eux autres et jamais je ne forcerai un employé à travailler le dimanche s'il ne veut pas travailler. Je donne à mes employés tout ce qu'ils veulent. Il y en a qui veulent avoir des samedis de congé: je les leur donne. J'essaie de m'arranger le plus possible avec mes employés. Je pense que j'ai des résultats, aussi, avec ça.

M. Richard: Merci, M. Girard.

Le Président (M. Bélanger): Du côté ministériel, est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur une question qui vous a été posée tantôt. Je ne sais pas combien vous représentez... Il y en a 200 qui ont signé, c'est ça?

M. Girard: Oui.

M. Audet: Sous la bannière Provigo, combien y a-t-il de marchands comme vous dans le Québec? Parce que j'ai regardé la liste et je regarde dans ma région, par exemple, Chaudière-Appalaches, ici en face de Québec: il n'y a aucun marchand qui est inscrit dans cette liste-là. Est-ce que ça veut dire que ce sont des gens qui sont... Premièrement, combien êtes-vous? Deuxièmement, ceux qui ne se sont pas joints à vous, est-ce qu'ils sont nécessairement contre l'ouverture ou si ce sont des gens que vous n'avez pas eu le temps de contacter, pour toutes sortes de raisons? Je veux que ce sort...

M. Girard: O.K. Il y a 227 marchands Provigo, je crois. Le chrfire exact, je no pour-

rais pas...

Mme Marois: Au total.

M. Audet: Au total.

M. Girard: O.K., au total. Si dans votre...

Mme Marois: Qui ne sont pas des corporatifs, là.

M. Girard: Des corporatifs, il n'y en a pas tellement. O.K. Ce sont surtout tous des indépendants.

M. Audet: La bannière Provigo, les marchands indépendants, O.K.

M. Girard: Dans votre bout, s'il n'y a pas de marchands, probablement qu'on les a oubliés. Ou probablement qu'il n'est pas intéressé non plus à ouvrir le dimanche; il n'a peut-être pas de marché public, lui, à côté de chez lui, il n'a peut-être pas de club Price à côté de chez lui, il n'a peut-être pas un Jean Coutu, non plus, etc., ou de fruiterie.

M. Audet: Des fruiteries, oui.

M. Girard: Si le type ne se sent pas piétiné ou s'il ne sent aucune compétition directe, moi, je dis: N'ouvre pas, reste fermé. Mais moi, la raison pourquoi je suis ici aujourd'hui, c'est pour défendre mes biens, O.K., pour défendre ce que j'ai investi, justement parce qu'on a laissé aller les marchés publics, les pharmacies et j'en passe. C'est la raison pourquoi je suis ici, pour défendre mon point de vue.

M. Audet: D'accord, merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: J'ai l'air, des fois, de ne pas vous écouter, mais je vous écoute d'un bord à l'autre. J'ai fait une remarque au ministre. Je me dis: C'est tellement choquant quand on volt des envahissements de marché sauvages, comme le fait Club Price, au détriment, justement, de marchands comme vous. Parce que c'est ce qui s'est passé. On essaie de trouver n'importe quel trou dans une loi pour essayer de la contourner, pour essayer de passer à côté et, je me dis, à votre détriment. Parce que c'est vous qui témoignez de ça, d'ailleurs, M. Girard. Vous l'avez vu, vous, concrètement. Ce n'est pas théorique, là. Ce n'est pas sur papier, ce n'est pas dans des grands cahiers bien imprimés. Vous dites: Quelque part, il y en a un qui a ouvert un jour et qui est venu chercher chez moi 1 %, 2 %, 3 %. Bon.

Et, là, je reprends aussi vos propos. On dit: Si tu n'as pas de concurrence déloyale, pourquoi tu ouvrirais le dimanche? Bon. Alors, je reviens au fond du débat qui est: Comment faire respecter une loi qui fasse qu'on arrive à l'équité? Là, je vais essayer de faire une comparaison. On a des institutions financières très complexes, dans nos systèmes sophistiqués des années quatre-vingt-dix. On a des institutions bancaires, des institutions plus coopératives, de type privé, de type public. On a des lois fiscales d'une technicité et d'une complexité absolument incroyables. On est obligés d'aller chercher des spécialistes pour venir nous expliquer ça. On a des commissions de contrôle - la Commission des valeurs mobilières du Québec en est un exemple - pour essayer de s'assurer que tout le monde respecte bien les règles du jeu, dans l'ensemble des institutions financières. C'est souvent des processus qui se passent sur papier. On ne peut pas contrôler très matériellement ces situations-là. C'est complexe à contrôler. Alors, d'un côté, on a un secteur financier complexe, difficile à contrôler, où les contrevenants sont, dans l'ensemble du système, une minorité, comme partout ailleurs. De l'autre côté, on retrouve une loi sur les heures d'affaires où c'est visible, là. Il y a X mille pieds carrés, il y a trois ou quatre personnes. Alors, c'est tangible, c'est concret; on peut le voir, le contrôler. Comment se fait-il que, dans un secteur, on réussit à se discipliner et à respecter la loi - avec, bien sûr, des contrevenants, comme il y en a dans tous les systèmes, mais dans une proportion toute petite - alors qu'à côté on a un système qui m'apparaft, il me semble, moins complexe à contrôler que tout ce qui concerne nos institutions financières et on ne semble pas y arriver?

Dans le fond, mes propos, vous comprenez, s'adressent beaucoup au ministre. On n'arrive pas à le contrôler. Moi, j'ai de la difficulté à me convaincre de cela, que ce n'est pas possible de contrôler une règle d'application que l'on va avoir établie, si on se donne bien les moyens de le faire et qu'elle est étanche. Parce que, le jour où quelqu'un est illégat... Si on était allé chez vous et qu'on vous avait dit: Vous avez ouvert le dimanche: votre amende, c'est 150 % du chiffre d'affaires que vous avez fait aujourd'hui, auriez-vous ouvert le dimanche suivant?

M. Girard: Je dois répondre. Normand Girard. J'aurais ouvert si la compétition avait continué. Permettez-moi de rajouter une chose. Vous voyez aussi l'achalandage des personnes dans ces lieux publics là. Je m'en vais sur l'autre côté, là, et je me dis: S'il y a un achalandage de cette envergure, il y a un besoin. Dans ces endroits où il y a un besoin, est-ce que nous sommes au service de cette clientèle?

Mme Marois: Là-dessus, moi, je vous dirai ce que j'ai dit à plusieurs personnes qui sont venues ici. Est-ce que c'est la poule qui vient

avant l'?uf ou l'oeuf avant la poule? On l'aime parce qu'on en mange, on en mange parce qu'on l'aime. Alors, c'est toujours un peu compliqué. Quand il y a un service qui est offert, les gens vont l'utiliser s'il est là. S'il n'est pas là, ça ne veut pas dire nécessairement qu'on les en prive parce qu'il n'est pas là. Alors, il peut y avoir un effet d'attraction parce que le service est là. Je vous donne un exemple bien concret et je suis sûre que c'est votre réalité aussi. SI je sais que, le dimanche, ce n'est pas possible de me procurer un certain nombre de produits - et on en a des exemples dans le domaine vestimentaire, dans le domaine de l'ameublement; on sait que c'est difficile de se procurer des produits, ou c'est quasi impossible - alors, on s'organise pour le faire autrement, à un autre moment. Ça nous contraint un peu, j'en conviens, mais la liberté des uns s'arrête là où la liberté des autres commence. On vit dans une société où on est obligés de s'établir des règles du jeu et il y a des contraintes. C'est le nombre.

M. Girard: Je vais vous donner un endroit sur la rue Sainte-Catherine où vous pouvez avoir un complet.

Mme Marois: Où je pourrais me dépanner si jamais je suis mal prise. D'accord.

M. Girard: Exact.

Mme Marois: De toute façon, j'aime mieux faire autre chose, le dimanche. Ha' ha, ha!

M. Girard: C'est votre privilège.

Mme Marois: Mais je pense qu'il y a de ça aussi. Je reviens à ma comparaison que je ne voudrais pas qu'on perde de vue; sûrement que ça amènera aussi le ministre à y réfléchir. J'ai de la difficulté à me convaincre de ça: qu'une loi sur les heures d'affaires, où on établit des règles dont on peut voir l'application, on ne puisse pas l'appliquer, alors qu'on peut le faire dans des systèmes beaucoup plus complexes.

Je vais revenir avec une dernière question. Est-ce que vous êtes assez d'accord avec les données que l'on retrouve dans le document fait par le ministère de l'Industrie et du Commerce, qui a été la base pour nous permettre d'avoir les échanges que l'on a et d'avoir un tableau de fond qui est assez correct en termes d'information?

M. Girard: Moi, je pourrais laisser peut-être...

Mme Marois: Oui, mais c'est ça.

M. Girard: ...mes collègues...

Mme Marois: En fait, vous ne contestez pas les données qui sont là. M. Girard: Non.

Mme Marois: Bon, d'accord. C'est plus ça. On peut être en désaccord avec des points, là...

M. Girard: Définitivement.

Mme Marois: ...mais vous ne contestez pas les données qui sont là. Or, dans les données qui sont là, ce que l'on constate, c'est que le marché de l'alimentation arrive à maturité, est à maturité, dans le sens où il va progresser au rythme où va progresser la population, bien sûr, ça va de soi, mais il ne devrait pas y avoir de croissance exponentielle, ni très importante. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi quand je dis: Dans un contexte comme celui-là, en libéralisant les heures d'affaires, ce que l'on fait, ce sont des vases communicants? C'est-à-dire que, si les personnes vont plus acheter chez vous, elles vont moins acheter soit à la fruiterie, soit à la pâtisserie, soit à la pharmacie ou ailleurs, parce que la masse totale consacrée à la consommation alimentaire est à peu près stable. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette analyse que je fais des données qui sont devant nous?

M. Tanguay: Mon nom est Richard Tanguay. Il est évident que la masse totale d'argent dépensé par le consommateur au Québec, que nous soyons ouvert vingt-quatre heures par jour, ne changera absolument pas. Comme le disait si bien M. Richard tout à l'heure, son salaire n'augmente pas même s'il relaxe. Alors, partant de ce principe-là, évidemment, la masse de dépenses ne sera pas plus grande. La seule chose, c'est que ça va permettre de stabiliser la fameuse masse de dépenses qui, actuellement, a tendance à se... Les vases communicants communiquent vers le bas actuellement et, tout en communiquant vers le bas, plus le vase du bas devient grand, bien, plus il s'étend. Alors, ayant beaucoup de respect pour les législateurs en général, on a établi déjà, dans le passé, des lois. En 1984, on a fait des amendements, avec toute la bonne volonté du monde. On voit le résultat, où on en est, aujourd'hui. Alors, les solutions fondamentales à ça, les vraies solutions: des contraintes suffisamment solides et sévères.

On a 14 000 points de vente d'alimentation au Québec. Il en pousse quelques centaines par année. Je doute fort qu'on puisse contrôler ça sur une base efficace. Ça prendrait, à tout le moins, une armée d'inspecteurs pour réussir à faire respecter une loi où il y aurait des contraintes très sévères. Il y a aussi un paquet de facteurs qui viennent influencer, mais il y a un fait qui demeure: c'est que la masse totale de dépenses ne changera pas. Ça va strictement se rétablir selon le marché.

Mme Marois: D'accord. Je vais juste faire une remarque sur ce que vous apportez. C'est vrai que ça prend une foule d'inspecteurs, si tout le monde y contrevient. Mais, à partir du moment où la loi s'applique et qu'il est clair qu'il y a une volonté politique qu'elle va s'appliquer, qu'elle va être respectée, que les amendes vont être imposées, est-ce que ça ne désincitera pas à la récidive et est-ce qu'à ce moment-là on risque d'atteindre l'objectif que l'on visait, sans pour autant augmenter d'une façon substantielle les inspections nécessaires pour s'assurer du respect de la loi?

M. Tanguay: II est très possible qu'on puisse y arriver, là, qu'on puisse avoir des contraintes, si la volonté y est - O.K., - comprenons-nous bien. Est-ce que je dois comprendre que la volonté n'y est pas ou n'y était pas, depuis 1969? C'est là qu'est le doute raisonnable dans mon esprit, à savoir: est-ce que vraiment ça peut s'avérer possible de vouloir réglementer le marché? J'ai des doutes raisonnables là-dessus.

Mme Marois: Bien. D'accord.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, je vous inviterais à conclure et à remercier nos invités. (10 heures)

Mme Marois: Oui. Je vous remercie de nous avoir présenté votre point de vue. Je n'ai pas rappelé celui que je défends. Je pense que vous le connaissez. Mais ce que je voulais vous dire, cependant, et je pense que c'est toujours Important de le répéter à chacun des groupes qui viennent ou à chacune des journées que l'on entreprend ensemble, c'est que ce n'est pas un débat facile. Et ce n'est pas parce que j'ai une position que je ne suis pas sensible au point de vue que vous défendez et que je ne le comprends pas. Mais moi, je tire une conclusion qui est différente de la vôtre. Je fais la même analyse que vous. Je partage le même point de vue quant à la défense de vos intérêts légitimes, mais ma conclusion, c'est que je pense qu'il est possible d'arriver à ce que votre intérêt légitime sort respecté et que vous soyez dans un contexte où on ne vous fait pas de concurrence déloyale. Voilà ce que je voulais vous dire. Je vous remercie de votre participation à nos travaux.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. Girard, ce que je retiens, c'est que vous me dites: Est-ce que c'est possible d'avoir une loi sans faille? Honnêtement, je ne le sais pas encore, parce que j'ai souvent posé la question à cette commission, puis je fais référence à la créativité des commerçants. Je vais prendre en considération vos remarques. Je vous remercie encore une fois d'être venu avec votre groupe nous expliquer votre point de vue. Ça va sûrement nous aider dans la décision qu'on va être appelés à prendre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie le groupe des marchands des supermarchés Provigo favorables à l'ouverture le dimanche et invite à la table des témoins le groupe Provi-Soir. Merci.

Alors, je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place, s'il vous plaît. À l'ordre! S'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place et j'invite le groupe Provi-Soir à se présenter à la table des témoins. S'il vous plaît!

Merci de votre collaboration. Nous recevons présentement le groupe Provi-Soir qui sera représenté, selon l'information que j'ai ici, par M. Jean Bernier et M. Yves Rondeau.

Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous prierais, chaque fois que vous avez à intervenir, de bien vouloir vous nommer, ceci pour les fins de la transcription du Journal des débats. Sans plus tarder, je vous invite à présenter votre mémoire.

S'il vous plaît! À l'ordre! S'il vous plaît, on écoute nos invités.

Provi-Soir

M. Bernier (Jean): M. le Président, M. te ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente, Jean Bernier, vice-président et directeur général de Provi-Soir. Je vais demander à mon collègue de se présenter.

M. Rondeau (Yves): Bonjour. Mon nom est Yves Rondeau et je suis directeur des opérations chez Provi-Soir.

M. Bernier: Dans un premier temps, on va vous faire un court résumé du mémoire qu'on a soumis à la commission. Essentiellement, notre intervention va porter sur quatre principaux points. Dans un premier temps, on va vous faire un résumé de nos recommandations et de la position qui est défendue par Provi-Soir dans le dossier. Dans un deuxième temps, on va vous donner un aperçu du réseau Provi-Soir, des gens qu'on a la prétention de représenter; on va également vous brosser un court tableau de l'industrie du dépannage au Québec. Dans un troisième temps, on aimerait vous entretenir un peu sur les impacts d'une modification des heures d'affaires sur les principaux intervenants, c'est-à-dire sur les consommateurs, sur les détaillants, sur les travailleurs et travailleuses, et sur les gens du commerce de détail en général. On va terminer en faisant un bref exposé des impacts qu'une modification des heures d'affaires aurait sur le réseau Provi-Soir en tant que tel.

M. le Président, nos recommandations, je pense, sont très simples et très claires. Dans un

premier temps, on est en faveur de la fermeture des établissements commerciaux du secteur de l'alimentation le dimanche, sauf pour deux exceptions: la première, ce sont les commerces qui opèrent avec trois employés ou moins en tout temps et, également, ceux dont la superficie totale est de 3500 pieds carrés ou moins, incluant l'arrière-magasin et/ou le sous-sol. Ça, c'est notre position fondamentale. Deuxièmement, on est d'accord avec un réaménagement des heures d'ouverture en début de semaine pour tous les commerces selon la formule suivante, soit les lundi, mardi et mercredi jusqu'à 19 heures, ou les lundi et mardi jusqu'à 19 heures et le mercredi jusqu'à 21 heures. Troisièmement, on est en faveur d'une application rigoureuse et vigoureuse de la loi, contrairement, à notre avis, à ce qui s'est fait jusqu'à date. Sur ce point-là, on est tout à fart en accord avec les recommandations du rapport de M. Richard concernant les amendes qui devraient être imposées aux contrevenants. Quatrièmement, on est d'avis que la loi doit demeurer de juridiction provinciale. Cinquièmement, on est d'avis qu'on doit abolir toutes les exemptions, sauf celles qui étaient prévues, encore une fois, au rapport de M. Richard. Donc, M. le Président, c'est l'essentiel de notre position.

Les gens qu'on représente, c'est le réseau Provi-Soir; Provi-Soir est une division de C Corp. Inc., qui est une compagnie détenue à part entière par Provigo. C'est un réseau de près de 240 magasins - 237 pour être exact - dont 137 sont jumelés à des postes d'essence. On effectue pour 450 000 000 $ de ventes annuellement au Québec et on opère tous nos magasins selon un système de franchises qu'on appelle "clé en main", c'est-à-dire que c'est nous qui choisissons les sites, qui faisons les investissements, qui déterminons la mise en marché, mais chacun de nos établissements, sans exception, est opéré par un franchisé indépendant qui a investi entre 60 000 $ et 75 000 $ pour faire l'acquisition de la franchise et pour faire l'acquisition de l'inventaire. Donc, on représente 237 franchisés qui sont des hommes ou des femmes d'affaires indépendants qui ont investi entre 60 000 $ et 75 000 $ dans leur commerce.

L'industrie du dépannage au Québec, on vous en brosse un court tableau. Il n'y a pas de statistiques précises qui existent sur cette industrie. C'est une industrie qui est dominée par des hommes ou des femmes d'affaires Indépendants. Selon nos chiffres, il existe à peu près 4600 dépanneurs au Québec, ce qui représente 23 000 emplois et des investissements totaux d'environ 2 000 000 000 $; Ils effectuent des ventes globales, au Québec, d'environ 2 300 000 000 $. Donc, on pense que c'est une industrie qui est majeure, qui est importante et qui serait menacée s'il y avait des modifications au niveau de la loi sur les heures d'affaires.

En ce qui a trait à l'impact d'une modifica- tion, on aimerait juste souligner un certain nombre de points. Premièrement, les consommateurs. Je pense que les principaux intervenants qui argumentent en faveur de la libéralisation des heures d'affaires le font au nom des consommateurs. Mais, quand on demande aux consommateurs ce qu'ils veulent, c'est-à-dire quand on analyse les différents sondages qui sont présentés dans le rapport du ministère, à notre avis, il n'y a pas de consensus clair qui se dégage. On ne retrouve pas de façon constante une majorité, c'est-à-dire plus que 50 % des consommateurs en faveur de l'ouverture des commerces le dimanche. Et deuxièmement, quand on donne le choix aux consommateurs de l'ouverture ou d'un allongement en début de semaine versus l'ouverture le dimanche, dans tous les sondages qui l'ont demandé, les consommateurs préfèrent un allongement des heures d'affaires en début de semaine. Donc, notre position, c'est que, quand on le demande aux consommateurs qui, on pourrait le penser, seraient ceux qui auraient le plus à gagner d'un élargissement des heures d'affaires, ce n'est sûrement pas la réponse claire qu'on a, en tout cas.

Les détaillants. Écoutez, les différents sondages qui ont été faits, particulièrement le sondage du regroupement des détaillants indépendants, indiquent qu'il y a une vaste majorité, c'est-à-dire plus de 90 % des détaillants qui sont contre l'ouverture le dimanche.

Les travailleurs et les travailleuses, qui sont un autre groupe qui serait sûrement touché de façon importante par un élargissement des heures d'affaires, je pense que leur position est clairement établie sur ce dossier-là. On pense que ce seraient ceux qui auraient le plus à perdre et qu'on assisterait à une prolifération des emplois à temps partiel.

Et un dernier point pour ce qui est du commerce de détail en général. À date, le débat a été centré uniquement sur le secteur de l'alimentation. C'est le secteur qui semble poser le plus gros problème. Mais on vous soumet que, si on permettait un élargissement des heures d'affaires pour le secteur de l'alimentation, tôt ou tard les pressions deviendraient très fortes pour accorder le même privilège à l'ensemble du commerce de détail au Québec. Dans les centres d'achats, les commerces d'alimentation représentent souvent un pôle d'attraction important pour l'ensemble des petits commerçants qui sont présents dans ces centres commerciaux. Nous pensons qu'il y aurait des pressions très importantes pour permettre la libéralisation au niveau du commerce de détail.

Permettez-moi de terminer en vous pariant un petit peu de l'impact que nous pensons qu'un élargissement des heures d'affaires aurait sur le réseau Provi-Soir. On effectue à peu près 18 % de nos ventes le dimanche. Il est très difficile d'évaluer avec précision quel serait l'impact d'un élargissement des heures d'affaires sur les ventes

des dépanneurs, combien de ventes on perdrait. On peut avancer différentes hypothèses pour essayer de quantifier et de chiffrer ces ventes. L'étude des HEC, qui est citée d'ailleurs dans le mémoire du ministère, cite une perte de ventes potentielle d'environ 8,9 %. Est-ce que c'est exact ou non? Je ne le sais pas. Nous, notre prétention, c'est que les pertes se situeraient entre 7,5 % et 10 %. Nos marchands, nos franchisés ne peuvent pas se permettre de perdre entre 7,5 % et 10 % de leurs ventes. Dans bien des cas, c'est la marge de manoeuvre, c'est le profit net qu'il leur reste pour vivre. Alors, on pense qu'un élargissement des heures d'affaires créerait un préjudice très important sur la rentabilité de l'industrie du dépannage.

Dans un deuxième temps, l'autre problème important qui serait créé serait le problème du recrutement d'employés pour travailler le dimanche ou les fins de semaine. Si vous vous promenez dans le réseau, que vous rencontrez des marchands Provi-Soir ou des gens qui opèrent des dépanneurs, que vous leur demandez comment ça va, la première chose dont ils vont vous parler invariablement, leur problème d'exploitation numéro un, c'est de recruter, d'embaucher un personnel de qualité. Ce n'est pas un problème qui est typique au Québec. C'est un problème qui est nord-américain. C'est probablement le problème le plus important auquel on va avoir à faire face dans les cinq prochaines années. Si on permet l'ouverture des supermarchés le dimanche - et on pense aussi des autres commerces d'alimentation, parce que ça va devoir venir tôt ou tard, à notre avis - on va connaître des problèmes très importants de recrutement d'employés au niveau de nos magasins. On pense que, encore une fois, ça va nous causer un préjudice important.

M. le Président, c'était l'essentiel de notre position. Si vous avez des questions. (10 h 15)

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie, M. Bernier. Quand vous dites que les pressions peuvent avoir un effet d'entraînement sur la libéralisation totale, je dois vous dire que les pressions sont déjà très fortes. Mais une des considérations de cette commission, c'est d'avoir une loi durable. Donc, on va définitivement prendre en considération ce que vous avez mentionné tout à l'heure, parce que les pressions sont très présentes aujourd'hui. Alors, si on veut avoir une loi durable, je pense qu'il faut regarder le problème de fond et trancher.

J'ai trois questions à vous poser. La première. Je pense que vous avez bien expliqué l'économique des dépanneurs et l'importance pour vous de maintenir l'ouverture le dimanche en ayant une certaine exclusivité. Est-ce que des franchisés qui ont investi des sommes - vous avez mentionné tout à l'heure des sommes importantes, 75 000 $ - pourraient, si on arrivait à la conclusion qu'on libéralisait les heures d'affaires le dimanche, vous poursuivre pour les représentations que vous leur avez faites au niveau des heures d'ouverture? Est-ce que vos avocats se sont penchés sur ce sujet? Vous ne comprenez pas la question?

M. Bernier: Oui, oui.

Mme Marois: Je réfléchissais à autre chose. Je m'excuse, M. le ministre. Ce n'est pas parce que...

M. Tremblay (Outremont): Quand Provigo a décidé d'ouvrir des Provi-Soir, il a fait des représentations à des franchisés. Il leur a dit: Voici le contexte actuel, investissez de l'argent. Là, ce que j'entends, c'est que, si on changeait les heures d'affaires et qu'on ouvrait le dimanche, on attaque directement, en fait, ia marge bénéficiaire. Même, vous avez dit que c'était le profit net qui disparaîtrait. Je veux savoir si ces franchisés-là, en fonction soit de vos contrats et/ou d'autres dispositions légales pourraient intenter des poursuites contre Provigo.

M. Bernier: Écoutez, je vais passer la parole à mon collègue. À ma connaissance on n'a pas demandé d'avis juridique sur cette question très précise.

M. Rondeau: Effectivement, on n'a pas d'avis juridique sur ce point. Par contre, dans Je service qu'on offre à nos marchands, on leur vend un concept, on leur assure un concept viable et rentable. Dans certains magasins où les ventes ne rencontrent pas nos espérances, où il y a des situations économiques ou compétitives plus agressives, on est obliges de faire certaines corrections au système de base pour assurer quand même un minimum vital aux exploitants de ces commerces. Donc, on pense également qu'on aurait une retombée directe, parce que, à ce moment-là, on serait probablement obligés de supporter - si on peut me permettre l'expression - plusieurs de nos franchisés, pour ne pas dire les trois quarts de nos franchisés, puisque leurs revenus n'atteindraient pas le seuil sur lequel on s'était entendus, qui était des revenus normaux d'exploitation pour un type de commerce comme celui qu'ils opèrent.

M. Tremblay (Outremont): Ça, je le comprends bien. En fait, ça, c'est la responsabilité corporative pour protéger le réseau, surtout si vous avez assuré un concept viable et rentable. Mais, si la loi est changée, est-ce que vous avez encore une obligation légale? Je suis certain que vous avez une obligation morale, mais est-ce que vous avez une obligation légale? Si vous n'avez pas la réponse, si vous pouvez nous la donner...

Je vais demander au ministère d'avoir une opinion légale là-dessus parce que ça peut avoir des influences éventuelles. Ça, c'est la première question.

Deuxième question. Dans des représentations antérieures et même dans le document original - je sais que c'est le document révisé; j'ai souvent posé cette question, surtout au début de la commission - on parlait de la possibilité de quatre employés. Là, je vois dans la version révisée que vous revenez à trois. Vous avez le droit, ce n'est pas ça que je remets en question. Ce que je veux bien comprendre, c'est: si vous avez senti le besoin d'aller à quatre employés - je reviens au principe de base d'avoir une loi durable - est-ce que c'est parce que, quand on va avoir fait une loi à trois employés, on va s'apercevoir, dans un an, deux ans, trois ans, que vous êtes rendus à quatre employés et, là, on va avoir des problèmes d'application de la loi, puis on va être obligés de rouvrir la loi? Pourquoi avez-vous senti le besoin de nous demander quatre employés dans le document original?

M. Bernier: II est évident, M. le ministre, qu'avec les différents intervenants qu'on a consultés c'est une question qui a été discutée. Vous mentionnez, à juste titre, qu'il y a eu deux versions du mémoire, puis que, dans une première version, on mentionnait quatre employés. Par contre, après avoir regardé le dossier de façon complète, on en est venus à la conclusion que la règle de trois qui prévaut actuellement et avec laquelle on a développé notre réseau actuel qui compte, comme je vous le mentionnais, 237 établissements, c'est une règle avec laquelle on a été capables de vivre depuis les 14 dernières années et avec laquelle on pense être capables de vivre pour l'avenir prévisible.

M. Tremblay (Outremont): Très bien. Alors, ce que vous me dites, c'est que, si jamais ii y avait des commerces de vrai dépannage qui opéraient avec quatre employés, vous vous assureriez que ces commerces-là n'opéreront jamais avec plus de trois employés, si on allait dans ce sens.

M. Bernier: Si la loi était de cette façon-là, comme on l'a fait depuis le début, d'ailleurs.

M. Tremblay (Outremont): La dernière question. Vous apportez un élément nouveau; je pense que c'est la première fois que quelqu'un l'apporte globalement comme ça. Vous dites que vous seriez prêts à considérer un réaménagement en semaine des heures d'ouverture, pas uniquement le mercredi soir, mais également le lundi et le mardi jusqu'à 19 heures, si on ouvrait à 9 heures. Alors, on a beaucoup pensé, on a beaucoup cheminé. C'est parce que vous perdez, dans le fond, une heure le soir, mais vous gagnez une demi-heure Importante le matin, si on le regarde sur une base économique, puis je ne dis pas que ça ne fait pas de sens.

La question est la suivante. On entend beaucoup, au nom de la qualité de vie, que si on élargissait jusqu'à 19 heures le lundi et le mardi, par opposition à uniquement le mercredi jusqu'à 21 heures, les couples qui travaillent ne pourront pas aller à la maison pour rencontrer leurs enfants, on ne pourra pas faire de bénévolat, parce qu'il y en a qui doivent se libérer tôt pour aller faire du bénévolat le soir. Comment réagissez-vous à ces arguments-là? Parce que, en fait, tout le débat est là: Est-ce qu'on permet à des jeunes couples qui travaillent jusqu'à 17 h 30 ou 18 heures, principalement dans des milieux urbains, qui doivent prendre soit le métro ou leur automobile... Souvent, ils arrivent dans leur environnement à 17 h 55 et c'est trop tard. Donc, l'heure additionnelle a du sens, a une certaine importance, mais il y a d'autres arguments. L'autre position, c'est de dire: La qualité de vie, pour d'autres, c'est différent; c'est de faire du bénévolat ou d'être avec les enfants. Comment concilie-t-on ça, puis comment en êtes-vous venus à nous faire cette recommandation-là?

M. Bernier: Je pense que la préoccupation qu'on a eue en mettant de l'avant cette recommandation, c'est d'aborder la question de façon constructive. Je ne vous cacherai pas qu'on préférerait le maintien de la loi telle qu'elle existe présentement. Par contre, ce qu'on a voulu faire, c'est présenter à la commission une approche constructive et qui nous apparaissait réaliste. Dans ce contexte, on pense qu'un élargissement des heures d'affaires en début de semaine jusqu'à 17 heures va rencontrer les besoins des consommateurs. Donc, ça va présenter une alternative durable au gouvernement, en termes d'une loi qu'on est capables d'appliquer, puis avec laquelle on est capables de vivre. Et nous, même si, encore une fois, on préférerait le maintien du statu quo, bien, c'est une position avec laquelle on est capables de vivre. Donc, la réponse, simplement, c'est que c'est dans un esprit de le faire de façon constructive.

M. Tremblay (Outremont): M. Bernier, j'ai bien compris que ce n'est pas 17 heures, c'est 19 heures.

M. Bernier: Vous avez raison. Je m'excuse.

M. Tremblay (Outremont): Je sais que ça vous a... Je voulais juste au moins clarifier ça.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue au nom de ma

formation politique. Je comprends bien aussi votre appel au secours, de la môme façon qu'il nous a été présenté tout à l'heure, mais je partage davantage, évidemment, votre point de vue et vos conclusions parce que je crois qu'il est imaginable d'aller dans le sens de ce que vous proposez.

Cela étant dit, hier, on a eu - comment s'appelaient-iis? - les dépanneurs Couche-Tard. On nous disait que l'achat moyen chez un dépanneur, c'était de l'ordre de 3 $. Est-ce que ça se compare à ce que vous vivez chez vous?

M. Rondeau: Yves Rondeau. Effectivement, nos ventes moyennes sont de 3,11 $ par client.

Mme Marois: D'accord. Il y a une autre chose qui était dite aussi dans le document et je ne crois pas qu'on la retrouve, là, chez vous. Bien, c'est-à-dire qu'on la retrouve un peu, oui, dans le sens de l'investissement, là, pour chaque dépanneur et du chiffre d'affaires. Hier, Couche-Tard, dans le document, nous disait: Chiffre d'affaires moyen - évidemment, une moyenne, on sait que ça peut varier - 450 000 $ et le propriétaire finit par se retirer à peu près un salaire de l'ordre de 35 000 $. Est-ce que ça correspond à peu près à l'image de votre réseau?

Je fais souvent la remarque, quand j'entends le bruit, que ce n'est pas nécessairement ça, la qualité de vie. Pour elle; moi, ça ne me dérange pas.

Des voix: Ha, ha, hal

M. Tremblay (Outremont): Moi non plus.

Mme Marois: Est-ce que c'est à peu près la même image générale chez vous? Évidemment, il y a, chez vous, le jumelage avec l'essence. Remarquez que c'est vrai aussi pour Couche-Tard.

M. Rondeau: Je crois que M. Bouchard, lorsqu'il faisait allusion aux dépanneurs qui vendaient pour 400 000 $ à 500 000 $ et qui avaient un revenu d'environ 35 000 $, faisait surtout référence aux petits dépanneurs indépendants ou "bannières" qui sont des gens qui ont investi dans leur propre commerce au niveau des équipements et au niveau de la bâtisse. Chez nous, les gens ont investi uniquement...

Mme Marois: Sur l'achalandage, la franchise, en fait.

M. Rondeau: -sur la franchise et sur l'inventaire des produits qui se trouvent à l'intérieur de leur magasin. Donc, à ce moment-là, nous, on "charge" ce qui est communément appelé dans le domaine des redevances ou des "royalties" sur les ventes faites. Dans un système de franchisage, autant celui de Couche-Tard que celui de Provi-Soir, on peut parier de ventes moyennes qui sont le double, en général, parce qu'on a de meilleurs sites, on est très accessibles, au carrefour de grosses intersections ou des choses comme ça. Donc, on peut parler peut-être de ventes moyennes qui vont se situer plutôt dans les alentours de 800 000 $ à 900 000 $. À Montréal, dans le système de franchise Provi-Soir, un magasin qui vend pour 900 000 $ tire environ 30 000 $ de revenu, surtout à cause du coût des taxes d'affaires. C'est sûr que, si on s'éloigne en province, à ce moment-là, le revenu peut...

Mme Marois: Peut être meilleur.

M. Rondeau: ...peut-être passer à 40 000 $ ou 45 000 $.

M. Tremblay (Outramont): Après... Mme Marois: Oui, allez-y.

M. Tremblay (Outremont): Net, mais après son salaire payé. Si c'est le propriétaire qui l'opère, il a son salaire, plus il reste un bénéfice?

M. Rondeau: Non.

M. Tremblay (Outremont): Non?

M. Rondeau: C'est le salaire du propriétaire avant Impôts.

M. Tremblay (Outremont): Ah oull M. Rondeau: Oui. Mme Marois: Ouf!

M. Tremblay (Outremont): Sur 900 000 $ de chiffre d'affaires?

M. Rondeau: Oui. A Montréal, oui.

Mme Marois: De volume de ventes là. Alors, quand on parle des petits là, on parle de ça aussi. Moi, j'aimerais ça revenir sur une autre chose, sur le personnel. Vous l'avez bien abordé et plusieurs avant vous... En fait, ça se départage, comme sur le fond de la question. Certains disent: Ah oui! C'est facile. D'autres disent: Non.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, il y a beaucoup de bruit dans la salle. S'il vous plaît!

Mme Marois: Les informations obtenues ont suscité beaucoup...

Le Président (M. Bélanger): De brouhaha.

Mme Marois: ...de réactions. C'est ça. Bon. Évidemment, les tenants d'une thèse nous disent: Oui, c'est relativement facile d'avoir du personnel. Les tenants de l'autre thèse nous disent: Non, c'est un peu compliqué. Mais il y a quelque chose qui se dégage tout le temps, je pense là, c'est que le monde ne veut pas travailler le dimanche. Évidemment, l'obligation les amène à le faire, etc.

Il y a certaines personnes qui sont venues Ici, entre autres, les quincailliers, qui nous ont dit: Nous, un des graves problèmes que l'on prévoit si vous ouvrez l'alimentaire - ils partagent votre point de vue - ce sera le pied dans la porte pour autre chose. On ira donc aux commerces de détail et nous, on a besoin de personnel spécialisé sur nos planchers. On vend des boulons, on vend de la mécanique, etc., et ça nous prend des gens capables d'expliciter le produit. On ne peut pas prendre l'étudiant qui fait ça six mois, puis qui change d'endroit. (10 h 30)

A contrario, votre entreprise est plutôt une entreprise de type général. Vous avez du produit alimentaire, de la revue. On sait ce qui se vend dans un dépanneur, on n'a pas besoin d'en faire la liste. Et, par contre, vous soulevez quand même le problème de la qualité du personnel. Et c'est sous quel angle, à ce moment-là? Parce que ça ne prend pas nécessairement des spécialistes. Est-ce que c'est sous l'angle de l'absentéisme? Est-ce que c'est sous l'angle de la fiabilité? Quels sont les problèmes majeurs que vous rencontrez?

M. Bernier: Je pense que le problème le plus important, avant de parler d'absentéisme, puis de la notion de service à la clientèle aussi, c'est tout simplement la notion d'accessibilité. C'est très difficile... Yves, je pense, a mentionné tantôt les marges de profit qui existent au niveau du dépanneur. Il est évident que ce ne sont pas des emplois qui peuvent être rémunérés à 10 $, puis à 12 $ l'heure. Et il est évident aussi, comme je le mentionnais, que c'est un problème nord-américain qui est en partie causé par des questions démographiques. Il y a de moins en moins de jeunes qui sont intéressés ou disposés à travailler à des conditions qui sont plus ou moins près du salaire minimum.

Donc, il y a un problème réel de recruter, d'avoir accès à un personnel pour opérer le magasin. Dans un deuxième temps, les autres qualités qui sont recherchées, il y a des qualités de service, d'accueil, des habiletés de pouvoir quand même opérer la caisse, les différentes consoles, les différents équipements qui sont en place et qui, comme tout le reste, deviennent de plus en plus complexes.

Mme Marois: Et, donc, vous avez à cet égard-là un certain nombre de difficultés. Une des hypothèses qui est amenée ici... Il me reste du temps, monsieur?

Le Président (M. Bélanger): Oui.

Mme Marois: Une des hypothèses qui est amenée ici pour contrer le fait que des travailleurs et des travailleuses nous disent: On ne souhaite pas travailler le dimanche et, d'autre part, on veut être bien protégés si on veut pouvoir refuser de le faire... Evidemment, dans vos entreprises, j'imagine que ce n'est pas syndiqué. Si, dans une loi de relation du travail ou de normes minimales - ce serait mieux dans une loi de normes minimales, à ce moment-là - on mettait un droit de refus absolu - je m'explique: dans une loi, on pourrait dire: Quelqu'un qui ne veut pas travailler le dimanche a toujours le droit de refuser - est-ce que vous pourriez vivre avec ça, vous autres?

M. Rondeau: Vivrions-nous? Je pense que ça deviendrait très difficile, parce que évidemment, compte tenu que nos commerces sont ouverts 24 heures et que le dimanche, ça représente, comme Jean le mentionnait tantôt, 18 % de nos ventes, assez régulièrement, dans de bons magasins, on va opérer avec deux personnes le dimanche, donc, sur au moins deux "shifts", deux quarts de travail. Donc, ça va nous prendre quatre personnes par magasin, plus la personne qui s'occupe du quart de nuit. À ce moment-là, on aurait beaucoup de difficultés, parce que je pense que les jeunes aiment ça avoir leur dimanche, aiment ça avoir leur fin de semaine. Ceux qui étudient la semaine, s'ils avaient le loisir de dire qu'ils ne sont pas disponibles le dimanche, je pense que sûrement ils le prendraient.

Par contre, ce qu'on est obligés de faire aussi, parce qu'on est conscients que les gens ne veulent pas travailler le dimanche, on est obligés de travailler avec des formules qui vont leur permettre d'avoir un dimanche sur trois, un dimanche sur deux de congé, puis de faire des rotations de personnel. Alors, à ce moment-là, dès que...

Mme Marois: C'est inclus dans vos conditions de travail, la façon dont vous opérez.

M. Rondeau: C'est ça. Si quelqu'un dit: Je ne veux plus travailler le dimanche, bien, là, ça va défaire un peu l'engrenage et ça risque d'avoir une réaction négative aussi sur les autres individus.

Mme Marois: D'accord. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur certaines données que vous avez mentionnées tout à l'heure. J'aimerais

comprendre certaines choses que je ne comprends pas actuellement. Dans votre mémoire, vous nous pariez du système de franchises. Vous nous dites que l'ensemble du réseau est exploité par un système clé en main, que vous êtes responsables du choix des emplacements, de la construction, de l'achat des équipements nécessaires aux opérations. "Nous fournissons des services de support aux détaillants franchisés. Ceux-ci sont responsables de l'exploitation des magasins, incluant le recrutement et la gestion de leur personnel, et l'inventaire des marchandises. Les marchands Provi-Soir sont donc tous des entrepreneurs indépendants qui ont investi de 60 000 $ à 75 000 $ pour faire l'acquisition de la franchise et défrayer l'inventaire."

Moi, il y a quelque chose que j'ai de la misère à saisir, actuellement, et que je voudrais que vous m'expliquiez un peu plus. Vous dites que Provi-Soir appartient à une firme qui s'appelle C Corp. inc., et ainsi que Provi-Soir est détenue, au fond, à 100 %, par Provigo inc. Bon, si je comprends bien, Provigo là-dedans a investi quand même beaucoup au niveau de la construction des infrastructures. Le franchisé, lui, met son argent dans l'inventaire, dans la franchise, essentiellement. Ce que j'ai de la misère à saisir, c'est qu'une firme qui détient 100 %, au fond, de Provi-Soir vienne nous dire, elle, qu'elle est favorable à l'ouverture et, d'après ce que l'on lit dans votre mémoire, ça mettrait en danger, de façon sérieuse, la survie des franchisés Provi-Soir.

Alors, comment une compagnie qui détient 100 % de la compagnie, au fond, qui opère Provi-Soir peut-elle venir nous faire des recommandations qui, de l'autre côté, risquent de lui être défavorables à ce niveau-là? Alors, c'est ma première question. J'aurai une autre question, après, sur laquelle je vais revenir.

M. Bernier: Provigo opère un certain nombre d'unités d'exploitation, un certain nombre de centres de profit sur un modèle holding, avec un certain nombre de compagnies d'exploitation. Vous avez mentionné, à juste titre, que Provi-Soir est une division de C Corp. inc., et que C Corp. inc., est une compagnie détenue, à part entière, par Provigo; elle est donc une des unités d'exploitation de Provigo.

Comme vous le savez aussi, probablement, parce que vous avez une formation en affaires, le modèle qui est suivi par Provigo, c'est que chacune des compagnies d'exploitation a une mission très clairement définie, très précise et est responsable de ses objectifs de vente et de profit. La mission de Provi-Soir est d'exploiter l'ensemble du réseau de dépanneurs et de distribution d'essence de Provigo au Québec. C'est mon rôle, c'est ma mission et, dans ce rôle-là, je ne peux que vous présenter la position que je vous présente.

Vous avez fait allusion au fait que M.

Bussières était ici, il y a quelques jours, pour présenter la position pour la libéralisation des heures d'affaires. Je pense, comme M. le ministre l'a dit au début de son allocution, qu'il était approprié, dans un débat comme celui-ci, que les différents groupes, les différents intervenants se manifestent pour laisser savoir leur point de vue. Mais je pense que M. Bussières a tout simplement décidé d'adopter la même politique à l'intérieur du groupe Provigo. Je pense que c'est tout à son honneur.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais c'est lui qui est en tête, en haut, puis il prône l'ouverture des commerces le dimanche, ce qui peut mettre en faillite tous vos dépanneurs. Comment ça se concilie, ça?

M. Bernier: Écoutez, je ne prétends pas parler au nom du groupe Provigo dans son ensemble. Comme je vous le mentionnais, je fais partie d'une unité d'exploitation de Provigo qui a une mission très claire. Ma mission, c'est d'exploiter un réseau de dépanneurs et de distribution d'essence et, à ce titre-là, je ne peux que vous présenter la position que je vous présente.

M. Bordeleau: J'aimerais revenir sur un chiffre que vous avez mentionné tout à l'heure; je veux être bien certain qu'il est exact. Vous dites que, sur un chiffre d'affaires annuel de 900 000 $, pour un Provi-Soir, ce qui reste au franchisé, c'est 40 000 $ ou 45 000 $ de salaire. Ça, c'est ce qu'il lui reste.

M. Rondeau: Yves Rondeau. Ce qu'on a mentionné, c'est que sur un volume de 900 000 $, à Montréal, sur certains sites où on a des taxes d'affaires qui vont s'élever jusqu'à 16 000 $, 18 000 $ et aller jusqu'à 22 000 $, il peut rester 30 000 $ à 35 000 $ pour l'opérateur. C'est évident que, si on se ramasse avec des taxes d'affaires de 3000 $ comme dans d'autres centres, Laval et même en s'en allant vers le nord ou en s'éloignant des grands centres urbains, à ce moment-là, l'excédent des 16 000 $ ou 18 000 $, ça va s'ajouter. Donc, on peut retrouver en province un magasin avec les mêmes ventes de 900 000 $ qui va réaliser peut-être un profit net avant impôt, pour l'opérateur, entre 45 000 $ et 50 000 $.

M. Bordeleau: Les 30 000 $ dont vous parlez, c'est 30 000 $ qui correspondent à son salaire; ce n'est pas 30 000 $ après que le franchisé a retiré un salaire raisonnable.

M. Rondeau: Non, c'est son revenu.

M. Tremblay (Outremont): Combien Provigo fait-il, lui, sur les 900 000 $ de ventes ou combien Provi-Soir fait-il sur les 900 000 $? Je

veux savoir si vous exploitez vos petits détaillants.

Des voix: Ah! Ah!

M. Rondeau: Yves Rondeau. Je pourrais vous répondre très vaguement en disant que les taux de redevance varient peut-être de moins 4 %, moins 5 % à 12 %. Mais je vais être beaucoup plus précis en disant que, dans les magasins qui dépassent un chiffre d'affaires d'au-dessus de 1 000 000 $ ou de 1 500 000 $, ce qui inclut uniquement les ventes de dépanneurs... Dans les ventes de dépanneurs, on inclut les ventes d'épicerie, de bière, de vin, de tabac, etc., mais on exclut, par contre, les ventes de pétrole, les loteries et la taxe de vente.

M. Tremblay (Outremont): Si je vais au plus bas, 900 000 $, 4 % c'est 36 000 $. Vous faites 36 000 $ et votre petit détaillant qui travaille, lui, peut-être 24 heures par jour, sept jours par semaine, il fait 30 000 $.

M. Rondeau: Exact.

M. Tremblay (Outremont): C'est le minimum, ça peut être plus.

M. Rondeau: Mais il faut toujours garder en arrière-plan que nous, on investit dans un dépanneur avec pétrole des sommes qui vont varier entre 750 000 $ et 1 000 000 $ et, sans le pétrole, qui vont s'approcher de 500 000 $.

M. Tremblay (Outremont): Mais je comprends très bien que vos 4 % minimum, c'est une contribution à des frais généraux d'opération. Donc, en tant que Provlgo, et j'oublie Provi-Soir, lui, ce sont des économies d'échelle parce que ça ne lui coûte pas nécessairement plus cher d'approvisionner 100, 200, 300 ou 500 commerces là.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Saint-Maurice.

M. Lemire: Merci, M. le Président. Moi, je vais continuer dans la même veine, messieurs. Moi, j'ai une question que je me pose depuis le début. On est rendus au cinquantième mémoire de regroupements qui passent devant nous et on parle de différentes choses, de qualité de vie, on parle de choix de société. Est-ce que vous ne trouvez pas que, présentement, on assiste surtout à un débat de part de marché? Est-ce que vous vous sentez menacés avec la loi qui a été faite en 1984? Est-ce qu'il aurait dû y avoir un débat, à ce moment-là? Je pense qu'en tant que petits investisseurs, les dépanneurs, même si, à l'époque, il y avait une loi qui était tout de même... À mon avis, elle devait être bien faite, cette loi-là, mais elle a été faite de façon à laisser certains privilèges à beaucoup de groupes et à beaucoup d'investisseurs. Là, on se retrouve aujourd'hui avec des gens qui sont inquiets. Moi, je vois 237 dépanneurs. Combien y en avait-il, il y a dix ans? Là, on est rendu, au total, à 4600 dépanneurs au Québec. Vous avez pris sûrement une part de marché, vous autres. Vous l'avez prise quelque part. Est-ce que vous avez ces chiffres-là, à l'intérieur du groupe Provigo? Ce n'est pas juste club Price, depuis un an, qui est ailé chercher une part du marché; ce n'est pas aussi seulement les marchés publics. Est-ce que le débat arrive à une période où... Vous sentez-vous si menacés que ça? (10 h 45)

M. Bernier: Si je comprends bien votre question, je pense que la position qu'on soumet, c'est qu'effectivement, s'il y a libéralisation des heures d'affaires et ouverture de l'ensemble des commerces d'alimentation le dimanche, la réponse est oui, on sent qu'on va perdre une proportion de nos ventes importante. Comme je le mentionnais dans ma présentation, quel est le pourcentage des ventes qui seront effectivement perdues? C'est très difficile de l'évaluer avec certitude. Il y a différentes études qui ont été présentées. Je mentionnais l'étude des HEC qui a été présentée et qui cite un chiffre de 8,9 %. Nous, comme je vous le mentionnais, on prétend qu'on va perdre entre 7,5 % et 10 % des ventes, s'il y a libéralisation des heures d'affaires et ouverture le dimanche.

Le Président (M. Bélanger): Très brièvement, il reste 30 secondes.

M. Lemire: Je me dis que vous devez sûrement avoir des statistiques à l'intérieur de votre compagnie. Vous êtes parent avec Provigo. Les grandes surfaces, elles doivent savoir à peu près quelle part de marché vous leur avez enlevée, parce qu'on s'aperçoit que ceux qui ont des surfaces d'une grandeur - je ne parle pas de grandes surfaces - de 20 000, 25 000 pieds, ce sont eux qui ont des problèmes, dans le moment, bien plus que vous. Je fais la conclusion dans ma tête. Je me dis: On assiste à un problème dans les surfaces moyennes, puis, à mon avis, il est créé parce qu'il y a trop de dépanneurs. Vous êtes trop. Est-ce que vous êtes trop? Êtes-vous trop de monde dans le marché?

M. Bernier: Je partage et je peux comprendre l'inquiétude des magasins de moyenne surface, mais, à notre avis et, je pense, comme il a été présenté par plusieurs des intervenants, que le problème des moyennes et des grandes surfaces a été l'ouverture illégale d'un paquet de concepts comme Club Price. Nous, je pense que la position qu'on défend, on a développé un réseau en respectant la loi depuis le début et ce qu'on prétend, c'est que, si le gouvernement applique la loi de façon rigoureuse et vigoureuse,

on pense que ça va régler un paquet de problèmes des moyennes et des grandes surfaces.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Je suis content de votre présentation parce que ça nous montre jusqu'à quel point la chose n'est pas facile, il y a un certain nombre de complexités.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Claveau: Imaginez-vous, si juste à l'intérieur d'un groupe du genre Provigo on ne réussit pas à s'entendre sur ce qui est le mieux pour tout le monde, y compris pour le client, bien évidemment, parce qu'il est toujours sup-posément à la racine du problème, comment peut-on réussir à s'entendre globalement avec l'ensemble des intervenants dans une société? Je pense que Provigo aurait éventuellement besoin au minimum d'une leçon de démocratie au moins pour nous présenter une position qui se tienne au niveau d'une entreprise.

Remarquez qu'en ce qui me concerne je préfère de beaucoup la position du groupe Provi-Soir à celle du groupe Provigo comme telle. Mais, essentiellement, ce qui se dégage de ça, c'est que, quoi qu'on dise que c'est en fonction du client, le pauvre diable qui a besoin de son paquet de cigarettes et de sa livre de beurre le dimanche matin ou qui a oublié de s'acheter du pain le samedi et qui n'a pas de toasts le dimanche matin, au-delà de ça, il y a une part du marché que tout le monde veut aller ramasser et qui se trouve le dimanche, puis qu'on va essayer de ramasser. On va conditionner les habitudes de la population en fonction de ça, en prétextant qu'on ne peut pas ouvrir ailleurs sur semaine. Je dis: Écoutez, on va se promener le samedi dans les grandes surfaces et il y a la moitié des caisses qui sont fermées. Si on veut que ça se dégage un peu plus vite, on n'a qu'à ouvrir toutes les caisses, puis les gens n'attendront pas deux heures en ligne d'attente derrière le comptoir avant de passer. Ça va peut-être aller plus vite. Ça va être plus intéressant de magasiner le samedi, plus relax un peu, comme ça peut être relax de magasiner le dimanche pour ceux qui aiment ça.

Mais, au-delà de tout ça, est-ce que vous ne vous sentez pas, vous les représentants de Provi-Soir, un peu captifs à l'intérieur du groupe Provigo? En tout cas, il me semble que, si j'étais dans votre situation, en défendant votre point de vue, d'ailleurs que je partage ~ parce que là on parle d'un service très spécifique à une certaine clientèle qui est prête à payer un peu plus cher sa livre de beurre parce qu'elle a oublié de l'acheter le samedi; il faut qu'elle l'ait, elle en a besoin pour déjeuner dimanche matin - je me sentirais un peu captif dans la mesure où, en ce qui concerne le groupe Provigo comme tel, vous, vous dites: Nous autres, on perd 10 % de notre marché. Nos petits investisseurs vont avoir de la misère à survivre. Oui, mais pour le groupe Provigo, les 10 % de marché que vous pouvez perdre dans les dépanneurs, il y a de fortes chances qu'ils se retrouvent dans les supermarchés Provigo. En bout de piste, pour Provigo, il n'y a rien de perdu comme groupe, comme corporation: c'est juste un déplacement. Et il est bien possible, même, qu'au lieu de faire un achat de 3,11 $ en allant chez vous, chez Provi-Soir, le même client achète pour 25 $ en allant dans une grande surface Provigo. Donc, pour l'ensemble du groupe Provigo, ce ne sont pas 10 % qui vont être perdus dans une vente, c'est une récupération, peut-être, de l'ordre de 12 % ou 15 % parce qu'il est ouvert le dimanche et il fait concurrence, dans le fond, à une de ses activités ou à une de ses fonctions qui est peut-être de moins en moins rentable ou de moins en moins souhaitable à l'intérieur du groupe.

À mon avis, ce n'est pas évident que, si on ouvre '"at large" tous les commerces d'alimentation le dimanche, dans 10 ans, il y aura encore quelque 200 Provi-Soir au Québec. Il faut bien comprendre aussi qu'à l'intérieur du groupe Provigo la création de la division Provi-Soir était une façon aussi de s'adapter à la loi pour pouvoir réussir à écouler ses inventaires et à vendre le dimanche sans avoir à déroger à la loi. Est-ce que vous ne vous sentez pas un peu captifs à l'intérieur de tout ça et, finalement, si on acceptait la position du groupe Provigo, plus ou moins condamnés à la pendaison à plus ou moins long terme?

M. Bemier: Je pense que vous avez mentionné un certain nombre de choses dans votre intervention. Écoutez, je n'ai pas la prétention de parler pour l'ensemble du groupe Provigo. Comme je vous le mentionnais, Provigo est formée d'un certain nombre d'unités d'exploitation qui opèrent de façon relativement autonome et qui ont des objectifs de vente et de bénéfices très précis, qui ont une mission très claire. Je ne peux parler que pour le groupe d'exploitation que je représente, qui est le groupe de dépanneurs Provi-Soir. À ce titre et dans ce rôle, je ne peux que vous présenter la position que je vous ai présentée.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci. En fait, j'ai eu une discussion très coriace avec M. Bussières, mardi; d'autres diraient virile, mais ça ne me convient pas, à moi, alors j'utilise un autre terme. Effectivement, c'est vrai, je pense que c'était son devoir, sûrement - et vous l'avez salué à cet égard-là - de défendre le point de vue général de Provigo et que l'ensemble de ses entités,

aussi, défende un point de vue qui peut apparaître contradictoire, enfin, pas qui peut apparaître, qui est contradictoire. Mais moi, je ne mettrais pas le poids sur M. Bussières, sur Provigo ou sur vous. Le poids, on va le mettre là où il doit être mis, et c'est sur le gouvernement. On se dit que tout est possible, évidemment, qu'on peut aller vers l'ouverture ou vers un resserrement, mais ce qui se dégage parfois des propos, c'est qu'on a l'Impression qu'il y a une tendance à aller plutôt vers l'ouverture. Mais j'ai dit: Ce qui semble se dégager. Je fais bien attention parce que le ministre nous rappelle toujours qu'il consulte et qu'il veut être éclairé le plus largement possible de tous les points de vue et que sa décision n'est pas prise.

Mais, c'est le gouvernement qui met l'entreprise dans cette situation-là et on n'a pas à blâmer Provi-Soir d'avoir développé un concept comme Couche-Tard, comme d'autres groupes l'ont fait, sur la base du respect intégral de la loi, alors qu'en contrepartie on a des entreprises qui se sont développées en étant dans l'illégalité et elles nous le disent. Alors, on n'invente rien. Il y a des gens qui sont venus hier, et même encore ce matin qui nous ont dit: On a ouvert en sachant que c'était illégal, mais on l'a fait parce qu'on voulait faire une preuve, ou pour toutes espèces de raisons. Mais c'est le gouvernement qui crée la situation dans laquelle on se trouve actuellement, qui fait que, premièrement, il n'a pas appliqué sa loi et que, d'autre part, actuellement, après quatre ans et demi de tergiversations, de consultations et de discussions, il ne s'est pas encore branché. Alors, donc, ça provoque à nouveau tout ce débat auquel on assiste actuellement.

Cela étant dit, je voulais le mentionner aux membres de la commission tout à l'heure et c'est dommage, je l'ai oublié lorsque les marchands Provigo pour l'ouverture sont venus présenter leur mémoire, mais comme on est dans la mouvance Provigo, si on veut... Vous remarquerez que dans le texte et la présentation, comment dire? dactylographiée, la mise en page des documents, dans le cas de la corporation Provigo et dans le cas des marchands Provigo, en tout cas, il y a une espèce de parenté dans la façon dont on a écrit la page couverture, les textes et l'endroit où on les a placés. C'est peut-être la même secrétaire - ou le même secrétaire, ça arrive aussi - ou le même ordinateur qui l'a fait. Je voulais juste le mentionner aux membres de la commission. Je m'excuse, c'est vraiment un oubli parce que je voulais le mentionner au groupe qui a précédé nos amis de Provi-Soir. Vous pouvez le constater, d'ailleurs. Vous avez les mémoires, vous regarderez: c'est placé aux mêmes endroits, les tables des matières sont produites de la même façon.

Cela étant dit, je comprends essentiellement le point de vue que vous défendez. Je sais que vous n'êtes pas dans une situation facile. Je pense que mon collègue d'Ungava a bien fait le portrait dans ce sens-là. Donc, je comprends cette situation difficile. Je comprends aussi que vous venez faire la représentation devant nous parce que vous avez à défendre les intérêts de la corporation, bien sûr, mais aussi les intérêts de vos affiliés ou de vos franchisés. Je pense que c'est correct de le faire.

Vous nous avez parlé d'un certain nombre de problèmes qui sont vécus à l'égard du personnel. À cet égard-là, je vous dirai que, si on libéralise l'ouverture des magasins d'alimentation et éventuellement des autres le dimanche, si on pense qu'on a un problème de personnel maintenant, on ne sait pas ce que ce sera dans six mois si on le fait. Parce que déjà il y a des restrictions. Déjà, le bassin de personnel disponible est plus important et vous nous dites que vous avez des difficultés. Alors, imaginons qu'on augmente le nombre de plages horaires avec toujours ce même personnel. Comme ces mêmes personnes seront sollicitées différemment, je pense que notre problème s'amplifie.

Parce que, en plus, on le sait très bien - vous ne l'avez pas mentionné, mais d'autres l'ont fait - il y a des coûts de services publics et de développement de services publics aussi qui s'ajouteront, si vous voulez. C'est évident que, si on circule davantage sur les routes, s'il y a un achalandage plus grand dans certains commerces, ça prendra plus de sécurité, ça prendra du transport en commun un petit peu plus important, du système de garde. Sans exagérer, ça en prendra. Donc, ça viendra aussi à avoir un impact sur l'aspect du personnel.

Dernière remarque...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion.

Mme Marois: Je n'ai pas de question, je conclus. Dernière remarque, vous avez apporté aussi un élément nouveau et on va le creuser sûrement dans les autres séances de travail. J'aimerais ça peut-être que le ministère, s'il a l'information, nous la donne. Vous avez mentionné que la grande surface - qu'elle s'appelle Provigo, qu'elle s'appelle Steinberg ou autre -est souvent un élément d'attrait pour construire même le centre d'achats. On sait fort bien que les propriétaires immobiliers, avant de construire un centre d'achats, s'assurent qu'aux deux bouts du centre ou aux quatre, selon qu'il est en croix, on a des éléments pour attirer une clientèle. C'est l'alimentaire, c'est le magasin de type plus général, La Baie, etc., et une grosse quincaillerie, on sait ça.

Là, j'aimerais ça savoir c'est combien, ia proportion des supermarchés sous les différentes bannières qui sont dans les centres d'achats versus ceux qui sont sur une rue. Je ne sais pas si on a une proportion. Peut-être qu'on aurait dû la poser, d'ailleurs, à ceux qui sont venus. Parce que ça vient d'autant plus appuyer la thèse que,

si eux aussi veulent, advenant le cas d'une libéralisation, profiter de la possibilité d'ouvrir le dimanche, c'est évident que les pressions vont être immédiates. La loi n'aura pas été passée que le lendemain la pression va recommencer pour nous dire: Écoutez, si je veux ouvrir là, le reste du centre d'achats devra ouvrir. Donc, c'est une libéralisation de l'ensemble des heures d'affaires.

Je vous remercie de la contribution que vous avez apportée à nos travaux. Je n'aurais pas nécessairement aimé être à votre place ce matin. Merci. (11 heures)

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vais juste faire quelques brefs commentaires. C'est évident que tous les intervenants à cette commission, pour diverses raisons, se sentent menacés. M. Bouchard, le président d'Alimentation Couche-Tard, hier, nous a clairement admis que l'exception a créé les dépanneurs. Les dépanneurs existent à cause d'une exception de la loi. Les questions qu'on va se poser dans notre réflexion: Est-ce que c'est au gouvernement de créer des commerces? Dans votre cas, est-ce qu'on peut croire que la main gauche ne sait pas ce que la main droite fait? Qu'arrivera-t-il du petit détaillant? Ça, c'est une question importante. Dans ce sens-là, j'apprécierais, si on pouvait avoir, pour en faire vérifier la légalité ou la responsabilité, une copie de votre contrat type. Est-ce qu'on pourrait en avoir une à donner aux gens du ministère, si c'est possible, pour qu'on puisse l'analyser, parce que ça va être la première question que nos avocats vont nous poser?

Le Président (M. Bélanger): Alors, vous pourriez faire parvenir ce document au secrétaire de la commission, s'il vous plaît.

M. Tremblay (Outremont): Vous pouvez enlever les données financières, ce n'est pas ça qui est important.

Juste une remarque sur un commentaire de la députée de Taillon au niveau du personnel. Il faut dire aussi, pour bien qualifier cette remarque, qu'il y a eu beaucoup de violence dans certains dépanneurs, ce qui affecte, en partie, le recrutement. Si on se fie à ce qui est arrivé dans mon comté, il y a quelques jours, ça va sûrement grandement affecter les boutiques de prêt-à-porter.

Je voudrais vous remercier, en terminant, de votre ouverture d'esprit, parce que je pense que vous en avez eu une, également de votre approche constructive et réaliste face à l'importante décision que nous avons à prendre. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie le groupe

Provl-Soir pour sa participation à ses travaux et invite à la table des témoins le Regroupement des hommes d'affaires en alimentation du Québec (franchises Steinberg) en faveur de l'équité des heures d'affaires.

Bonjour. Nous recevons présentement le Regroupement des hommes d'affaires en alimentation du Québec (franchises Steinberg) en faveur de l'équité des heures d'affaires. Bonjour, messieurs; ça nous fait plaisir de vous recevoir. Je vous explique un petit peu nos règles de procédure. Vous avez un maximum de 20 minutes pour présenter votre point de vue. Ensuite, II y a une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais de bien vous identifier à chaque fois que vous prenez la parole, dans la mesure où on se le rappelle, évidemment. Ça facilite énormément le travail de nos gens à la transcription des débats. Sans plus tarder, je vous invite à identifier votre porte-parole et à présenter votre mémoire. Merci.

Regroupement des hommes d'affaires en

alimentation du Québec (franchisés Steinberg)

en faveur de l'équité des heures d'affaires

M. Laliberté (René): M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mon nom est René Laliberté. J'opère un supermarché Steinberg en franchise à Laval, tout comme les marchands qui m'accompagnent aujourd'hui. Nous venons vous présenter le mémoire du regroupement des franchisés Steinberg en faveur de l'équité des heures affaires, dont je suis le porte-parole. Avant de poursuivre, j'inviterais mes confrères à se présenter.

M. Bilodeau (André): André Bilodeau, propriétaire d'un marché Steinberg à Montréal.

M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre, propriétaire d'un supermarché Steinberg, à Verdun.

M. St-Amant (Jean): Jean St-Amant, propriétaire d'un supermarché Steinberg de Montréal-Est.

M. Laliberté: Nous sommes actuellement 40 franchisés Steinberg. Il s'ajoute à peu près deux nouveaux franchisés par semaine dans le cadre du pian mis en place par Steinberg. En devenant franchisés, nous devenons individuellement, à titre d'entrepreneurs indépendants, responsables de l'exploitation de nos commerces. Nous serons plus de 60 Steinberg franchisés d'ici la fin de juillet.

Mme Marois: Combien vous avez dit?

M. Laliberté: Soixante. C'est à la suite d'une consultation auprès des franchisés - au moment de notre consultation, il y avait environ

une trentaine de franchisés, dont 27 étaient présents à la réunion - actuellement en opération que nous avons établi la position que nous vous présentons aujourd'hui. Elle est appuyée par la très grande majorité des franchisés Steinberg. J'ai d'ailleurs avec moi, et je l'ai remise avec le mémoire, la liste des signatures qui accompagnent le mémoire, des personnes qui ont contresigné.

Notre Regroupement représente des franchisés de la région de Montréal, de Hull, de Québec et des Cantons de l'Est. Le chiffre d'affaires moyen de leurs commerces ou de nos commerces peut varier entre 5 000 000 $ et 14 000 000 $ par année. Le nombre de nos employés est environ de 55 à 100 employés par commerce et peut même dépasser légèrement la centaine d'employés pour certains établissements. Nous sommes donc de véritables PME. Nous sommes des entités distinctes de la corporation Steinberg. Nous louons ou achetons des services et produits de Steinberg, mais nous sommes responsables de nos investissements et de la gestion de nos commerces.

Les franchisés Steinberg, comme d'ailleurs Steinberg inc., ont récemment appuyé le Mouvement québécois pour la libéralisation des heures d'affaires et nous continuons de défendre le principe fondamental que le Mouvement a mis de l'avant, c'est-à-dire la liberté de choix. Je vais maintenant vous expliquer pourquoi. Dans une société en constante évolution, les habitudes des consommateurs se modifient de mois en mois; je pense que je n'apprends rien à personne là-dessus. Aujourd'hui, où une très grande majorité des femmes sont sur le marché du travail, où la famille traditionnelle connaît un éclatement et des changements sans précédent, nous avons conservé des heures d'affaires conventionnelles pour les supermarchés.

Nous vivons, comme commerçants, un sérieux problème d'iniquité. D'une part, la loi interdit à une catégorie de commerçants d'offrir un service à leur clientèle le dimanche et, d'autre part, elle permet à d'autres de le faire. C'est d'autant plus étonnant que ces épiciers du dimanche se plaignent d'être menacés par les gros, alors qu'ils continuent de profiter d'une concurrence déloyale qui nous fait perdre, à nous, année après année, d'importantes parts de marché. Est-ce que, parce que nous avons plus de 50 employés, nous devons être pénalisés? Je me demande ce que diraient nos fameuses PME québécoises si on leur imposait pareil traitement.

Nous ne demandons pas aux petites épiceries de fermer; elles ont pu, grâce aux exemptions, répondre aux besoins d'une clientèle en constante évolution. Elles ont pu s'adapter et faire de leurs entreprises des réussites commerciales, et ce, en travaillant le dimanche.

Les commerces des marchés publics, les boucheries, les fromageries, les fruiteries et autres, sans parier des pharmacies, ont profité de cette situation de concurrence déloyale. Aussi, nous vivons depuis plusieurs années le marché du "fast food", qui prend de plus en plus d'ampleur et qui nous cause une perte de ventes considérable. Nous aussi, de par nos boutiques, nous pouvons offrir des mets prêts à manger pour répondre aux besoins de nos clients sans cesse croissants. On n'est pas dedans. Aujourd'hui, nous demandons l'équité, et l'équité le plus rapidement possible, car chaque mois qui passe nous cause un tort considérable.

Les franchisés sont de nouveaux entrepreneurs et, comme tels, ils sont exclus d'un marché en pleine expansion qui correspond aux besoins et à la demande du consommateur.

En Amérique du Nord, je n'ai pas besoin de vous le répéter, la tendance est à la libéralisation des heures d'affaires du commerce de détail, ce qui concorde avec l'évolution de la mentalité des consommateurs par rapport aux heures d'ouverture. Établir l'équité par la fermeture est inacceptable. C'est un retour en arrière qui ne colle pas à la réalité des années quatre-vingt-dix et qui ne répond pas adéquatement aux besoins du consommateur. Nous sommes une entreprise de services.

Chacun des marchands qui sont ici, aujourd'hui, peut témoigner des besoins de sa clientèle, ils sont variables selon l'endroit où leur commerce est situé et c'est justement cette situation qui exige une plus grande latitude dans les heures d'ouverture. Personnellement, mon supermarché, à moi, avec la compétition que j'ai: magasin de fruits, Jean Coutu, marché public, il serait très profitable que je l'ouvre le dimanche et mes consommateurs le réclament. C'est pour ça qu'on dit que c'est un libre choix, à un moment donné, du commerçant parce que le marchand qui est au centre-ville, lui, par exemple, qui est dans les Tours de la cité, peut-être que lui ce serait préférable, à un moment donné, qu'il ouvre tous les soirs jusqu'à 23 heures, 22 heures ou 21 heures et il n'a peut-être pas nécessairement besoin d'être ouvert le dimanche dans son cas. Ça fait qu'on dit: C'est selon notre environnement, selon les besoins de notre clientèle. Ceux qui sont dans une région touristique, déjà, ouvrent le dimanche. Ceux qui sont près de ces régions-là ne peuvent pas ouvrir. C'est au marchand de décider et de répondre aux besoins de son consommateur.

C'est pourquoi nous nous prononçons en faveur de l'extension des heures d'affaires sur semaine ainsi que pour l'ouverture le dimanche, laissant à chaque marchand, individuellement, la décision d'ouvrir selon son environnement et les besoins changeants de sa clientèle, je me répète. Cette liberté est essentielle pour la croissance de nos entreprises et pour que nous puissions remplir adéquatement notre devoir de commerçant envers les besoins de la clientèle. Si l'on veut restreindre cette liberté, alors que tout le monde soit traité sur un même pied d'égalité et qu'il en soit fini des exceptions qui enlèvent toute

signification à la loi.

En effet, si le gouvernement en venait à la conclusion que les besoins des consommateurs ne justifiaient pas encore une libéralisation complète des heures d'affaires, tous les commerces qui offrent des produits d'alimentation devraient être traités de la même façon quant aux heures d'affaires, et ce, quel que soit leur nom et quelles que soient leurs heures d'ouverture. On a vu ce que ça donnait d'entrouvrir la porte aux exceptions. Elles en entraînent d'autres et d'autres encore et, au bout du compte, nous allons donc revenir dans cinq ans pour régler le problème. Le gouvernement, avec la libéralisation, a la possibilité de régler le problème une fois pour toutes de façon équitable, durable, gérable, en respectant la liberté de choix du consommateur et du marchand.

Nous ne sommes pas favorables à l'idée de déléguer le pouvoir de décision aux municipalités car cela risque de créer d'autres Iniquités qui vont pénaliser les marchands et les consommateurs. Pourquoi à Montréal les magasins seraient fermés et qu'à Saint-Léonard les magasins pourraient ouvrir? Ça n'a aucun bon sens.

En résumé, nous recommandons la libéralisation des heures d'affaires le dimanche et en semaine pour tous les commerces qui offrent des produits d'alimentation. Laissons la liberté de choix aux consommateurs. Laissons la liberté de choix aux marchands. Si le gouvernement devait en décider autrement, alors nous souhaitons la fin de toutes les exceptions et que tous les commerces d'alimentation soient traités sur un pied d'égalité, incluant les pharmacies. Par contre, nous sommes convaincus que cela ne serait pas, nécessairement, la bonne solution, basée sur les besoins des consommateurs sans cesse grandissants.

Je vous remercie et nous demeurons disponibles pour des questions. Merci.

La Présidente (Mme Dionne): Merci, M. Laliberté. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. Laliberté, juste pour les fins de la discussion là, faisons abstraction de la tendance à la libéralisation, on vit au Québec et on est isolés. Je veux juste parler avec vous de l'équité. Vous dites: II faudrait que tout le monde sort traité sur le même pied. En d'autres mots, on ferme tout le dimanche. Qu'est-ce que vous pensez de l'exception du vrai dépannage qui vend inévitablement des produits alimentaires, trois employés ou moins? Est-ce que vous seriez prêts à accepter ça?

M. Laliberté: Nous, on a vraiment dit que ça ne serait pas nécessairement la solution qu'on préconise.

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Laliberté: On est pour une ouverture complète. Mais II est difficile, quand on parle d'exception, de déterminer c'est quoi la vraie exception. Si c'est ie véritable dépanneur du coin qui, lui, vend, à un moment donné, du lait, du pain, des oeufs ou des paquets de cigarettes dont des gens ont besoin, est-ce qu'on inclut les pharmacies? (11 h 15)

M. Tremblay (Outremont): Non.

M. Laliberté: Ou est-ce qu'on arrête là?

M. Tremblay (Outremont): Si on parle d'équité, l'hypothèse qui est faite, c'est que les seuls commerces qui seraient ouverts le dimanche, ce sont les commerces qui ont trois employés ou moins, ie vrai dépannage. Alors, on sait très bien qu'une grande surface et des pharmacies d'escomptes ne peuvent pas fonctionner avec trois employés en tout temps. Donc, elfes devraient fermer, si la loi est bien appliquée et a des dents.

M. Laliberté: C'est parce qu'on peut avoir des superdépanneurs. Il y a des dépanneurs qui vendent maintenant de ia viande préparée et qui vendent des fruits et légumes, qui vendent de tout ça et ça devient très difficile.

M. Tremblay (Outremont): Bon. Est-ce que...

M. Laliberté: C'est pour ça qu'on se prononce carrément contre. On est pour l'ouverture totale.

M. Tremblay (Outremorrt): Très bien. Je comprends. Je veux juste bien l'éclaircir, parce que ce n'est pas clair dans votre document. C'est clair, ce que vous voulez, mais, au niveau de l'équité, vous dites: II faudrait que tout le monde soit traité sur le même pied. Vous, l'hypothèse que vous faites, c'est de dire: Oui, aujourd'hui, c'est du vrai dépannage, peut-être, mais ce qui pourrait arriver demain, c'est que ces dépanneurs pourraient trouver le moyen de commencer à vendre d'autres produits alimentaires et vous avez fait allusion tout à l'heure à des mets préparés. Vous n'avez pas parlé de la cuisine sous vide, mais vous avez parié des superdépanneurs qui pourraient arriver et opérer avec trois employés et moins.

Alors, vous dites, au nom d'une loi durable: Pourquoi un dépanneur qui vend de l'alimentation avec trois employés ou moins peut opérer le dimanche et pas moi? C'est ça que vous dites.

M. Laliberté: Effectivement, comme il est difficile de limiter, parce qu'en termes de dépanneur ou en termes de marché public, il peut avoir seulement un employé pour opérer un commerce de fruits et légumes et puis, si on a

l'exception de trois employés, il va ouvrir pareil son commerce, puis lui, il va me gruger. Ils peuvent "boutiquer", ils peuvent se séparer, ils peuvent faire un paquet de choses. À ce moment-là, l'équité n'est pas là et puis elle est difficile. Quand on parle d'exceptions, c'est vraiment difficile de donner l'équité pour tout le monde à ce moment-là.

La Présidente (Mme Dionne): Ça va, M. le ministre? On est encore sur les 10 minutes des ministériels. M. le député de Nlcolet-Yamaska.

M. Richard: Merci, Mme la Présidente. M. Laliberté, seulement pour une question de... Vous avez parlé tantôt de libre choix. Vous mentionnez que vous êtes maintenant 60 franchisés.

M. Laliberté: Non. On a dit qu'on est 40 maintenant.

M. Richard: Vous êtes 40. Par contre, vous avez fait une vérification ou un questionnement au niveau d'une trentaine.

M. Laliberté: Au moment où on a discuté de la commission parlementaire sur les heures d'affaires, nous étions une trentaine de franchisés, parce qu'on vous a dit tout à l'heure qu'il s'en ajoutait deux par semaine.

M. Richard: O.K.

M. Laliberté: Au moment où on a discuté entre nous, il y avait une trentaine de franchisés dont 27 étalent présents à notre réunion.

M. Richard: Et, sur les 27 à votre réunion, combien étaient favorables à la libéralisation? Vous quatre, évidemment, mais...

M. Laliberté: Pardon?

M. Richard: Vous quatre sûrement.

M. Laliberté: Oui.

M. Richard: Mais les autres?

M. Laliberté: Et on a remis à la commission le document cl-joint qui accompagne... Vous avez 26 signatures en bonne et due forme ici.

M. Richard: Ça va. Mais vous ne l'avez pas actualisé, au moment où on se parle, pour aller jusqu'à 40?

M. Laliberté: Non, c'est à cause du facteur temps qui était là, parce que deux par semaine, ça va assez vite.

M. Richard: O.K. Maintenant, une autre question, parce que vous avez traité, à quelques endroits, la liberté de choix. Comment devient-on franchisé chez Steinberg? Qui est le bailleur de fonds? Parce que, en fait, la liberté de choix, c'est comme la personne qui a une hypothèque sur sa maison, son gérant de caisse a affaire à lui un peu une fois de temps en temps. Mais, chez vous, pour devenir franchisé chez Steinberg est-ce que le bailleur de fonds, c'est la compagnie mère Steinberg?

M. Laliberté: En partie. On doit injecter, à un moment donné, du capital dans notre franchise. Et je n'entrerai pas dans les modalités ici, aujourd'hui.

M. Richard: Non, ça va.

M. Laliberté: Et on est responsables de-Nos inventaires nous appartiennent. C'est à nous, ça. Comme je l'ai dit tout à l'heure, par exemple, nous louons les équipements de Steinberg. Comme tel, on paie à tous les mois pour nos équipements. On doit aussi donner, en plus des mises de fonds demandées, des garanties personnelles vraiment illimitées. Donc, on est vraiment propriétaires de notre franchise. La relation avec le gérant de banque, c'est nous autres qui l'avons.

M. Richard: O.K., ça va. Le sens de la question... C'est parce que vous savez qu'il y a des groupes qui viennent souvent sous une bannière, mais qui ont des positions diamétralement opposées, tout en étant sous la même bannière. Alors, je voulais vérifier si, chez vous, la maison mère avait toujours affaire chez les franchisés, directement ou indirectement. Parce qu'on a vu des maisons mères qui ont envoyé des lettres assez directives, en fait, à certains de leurs membres. Je ne veux pas savoir s'il y a eu une lettre chez vous là, mais...

M. Laliberté: Si je veux bien comprendre, vous voulez savoir si la maison mère nous a demandé de déposer un mémoire ou nous a forcés à déposer un mémoire.

M. Richard: À peu près ça.

Mme Marois: Incités.

M. Laliberté: Non.

M. Richard: Incités fortement.

M. Laliberté: Tu veux répondre? Alors, vas- y-

M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre. M. Richard, notre position a été prise de façon extrêmement démocratique. On n'a pas eu d'influence de la part de Steinberg. On a fait une réunion du groupe des franchisés, un mardi

soir, où, effectivement, on était 27 ou 28.

M. Laliberté: 27.

M. Lefebvre (Jacques): 27. Et on a discuté pendant une heure trente sur ce sujet-là. Est-ce que tout le monde était unanime? Non, parce qu'on n'aurait pas discuté pendant une heure trente. Sauf qu'à la fin, au bout d'une heure trente, on a eu une position commune. Quand on dit que 26 sur 27 présents sont d'accord avec le mémoire qu'on présente, on peut parler de démocratie et on peut facilement dire aussi que l'influence de Steinberg, en pointillé, n'existait pas puisqu'ils n'étaient pas là, eux autres.

M. Laliberté: Est-ce que je peux rajouter un point?

La Présidente (Mme Dionne): M. Laliberté.

M. Laliberté: Nous représentons - moi, je suis président et Jacques est vice-président, ainsi qu'André, le trésorier et administrateur - le regroupement des hommes d'affaires en alimentation du Québec, c'est-à-dire que c'est un regroupement de tous les franchisés qui est complètement indépendant de Steinberg, comme tel. On présente la position du Regroupement et non pas la position de Steinberg. Ça n'a rien à voir là-dedans.

M. Richard: Alors, c'est parce que vous-mêmes, dans votre document, vous vous identifiez regroupement des hommes d'affaires en alimentation de Steinberg et vous mettez, entre parenthèses, franchisés Steinberg.

M. Laliberté: Oui, c'est volontaire parce qu'on a dit: Les gens...

M. Richard: Je suis d'accord avec vous, vous aimeriez peut-être mieux ne pas voir Steinberg dans le nom.

M. Laliberté: ...ne sauront pas ce que c'est que ce regroupement-là.

M. Richard: Mais, pour vous identifier, vous l'utilisez.

M. Laliberté: O.K. C'est parce qu'il faut dire que nous, c'est relativement récent comme regroupement et comme franchise. Les franchises Steinberg ont débuté il y a à peine un an. O.K. Donc, à un moment donné, on voulait vraiment s'assurer qu'on était perçus comme tels, comme des propriétaires de magasins Steinberg.

M. Richard: Ça va, ça répond à mes questions.

La Présidente (Mme Dionne): Ça va. M. le député d'Acadie, vous avez une minute et demie. Est-ce que vous préférez questionner tout de suite ou revenir tantôt?

M. Bordeleau: Non, non, ça va aller.

La Présidente (Mme Dionne): Ça va aller, d'accord.

M. Bordeleau: Ce que M. Lefebvre mentionnait tout à l'heure nous fait envie. Je pense que, si dans une heure et demie, vous n'étiez pas d'accord et que vous avez réussi à vous mettre d'accord, il faut espérer que ce sera peut-être la même chose au niveau de la commission parlementaire, qu'après discussion on sera d'accord!

M. Laliberté: On vous le souhaite. M. Bordeleau: Oui.

M. Lefebvre (Jacques): On vous souhaite de...

M. Bordeleau: On se le souhaite aussi. Écoutez, ma question est la suivante... On a fait allusion, tout à l'heure, à des commentaires qui avaient été faits. Éventuellement, si la règle des trois demeurait et que ça soit la seule façon de fonctionner, il y a des gens qui ont des surfaces moyennes qui nous ont dit: Écoutez, on va faire des petites boutiques.

M. Laliberté: C'est ça. C'est très facilement contournable.

M. Bordeleau: Est-ce que vous avez eu l'occasion de discuter de ça dans vos rencontres? Qu'est-ce qui a été dit à ce niveau-là?

M. Laliberté: J'ai mal saisi la dernière partie, je m'excuse.

M. Bordeleau: Est-ce que vous avez eu l'occasion d'en discuter dans les rencontres que vous avez pu avoir? Qu'est-ce qui a été mentionné à ce niveau-là?

M. Laliberté: Vous parlez de la règle de trois employés, de boutiques.

M. Bordeleau: Oui. Si, éventuellement, cette règle-là était maintenue, comment allez-vous réagir?

M. Laliberté: On n'a pas abordé cette facette-là de l'exemption de la loi. Nous, la discussion a tourné essentiellement sur la libéralisation des heures d'affaires qu'on voulait prêcher, sur la liberté de choix de chaque marchand de s'adapter à son milieu et aux besoins de sa clientèle, comme telle et aussi, à un moment donné, sur le fait que notre part de

marché s'effrite d'année en année au détriment de tous ces marchés-là, des marché publics. Dans un marché public, il peut y avoir 25 commerces avec un employé dans chacun des commerces, mais ça fait un supergros supermarché, je n'ai pas besoin de le mentionner. On n'a pas touché à la règle de trois, d'aucune façon, ou à l'histoire de "boutiquer"; on n'a pas parlé de ça non plus.

M. Bordeleau: Éventuellement, si on faisait l'hypothèse que cette règle-là est maintenue, comment allez-vous vous organiser? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez envisagé?

M. Laliberté: Toutes les possibilités sont envisageables. On analysera, à un moment donné, ce qui est la meilleure décision en fonction de ça. Mais nous croyons que le présent gouvernement, à un moment donné, va vraiment se rendre à l'évidence des besoins des années quatre-vingt-dix et légiférer en fonction des années quatre-vingt-dix et des besoins futurs des clients vers l'an 2000. Nous avons confiance au présent gouvernement là-dessus.

M. Bordeleau: Alors, merci.

La Présidente (Mme Dionne): Merci, M. le député d'Acadie. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. Je vais revenir sur cette notion de franchise. Le député Richard disait: On a quand môme affaire avec son banquier et, de temps en temps, il nous parle. Vous dites: Moi, Je fais affaire avec mon banquier directement. Mon banquier, ce n'est pas Steinberg, mais il y a quand même des liens financiers. Qui achète la franchise? Ce sont habituellement les gens qui géraient l'entreprise? Qui sont les franchisés chez Steinberg? N'essayons pas de le découvrir pour les autres qui ne sont pas présents, mais regardons les 26 qui s'étaient réunis, avec qui vous vous êtes réunis. Est-ce que ce sont des anciens gérants de Steinberg? Est-ce que ce sont des gens qui étaient hors de l'entreprise ou qui étaient dans une entreprise connexe et qui ont acheté la franchise Steinberg? J'aimerais que vous me décriviez qui est le franchisé Steinberg et quel est le processus poursuivi pour acheter la franchise, sans entrer dans les détails. Je pense qu'on a quand même posé pas mal de questions tantôt à Provi-Soir, là: marge bénéficiaire, etc. Jean Coutu a dû répondre aussi à un certain nombre de nos questions hier. M. Coutu a répondu a un certain nombre de nos questions. C'est quoi, autrement dit, le lien financier que vous conservez avec Steinberg?

M. Bilodeau: André Bilodeau. Si je peux me le permettre, je dois d'abord vous dire qu'à ce nlveau-là tout dépend de la situation financière de chacun des individus qui sont entrepreneurs, de nos capitaux. Il y a des mises de fonds qu'on fait, mais je ne veux pas élaborer ici. Il y a d'autres mises de fonds qui peuvent être plus grandes aussi. Bien évidemment, pour en revenir à votre deuxième question...

Mme Marois: Mais qui achète la franchise? Est-ce que ce sont des personnes qui oeuvraient dans l'entreprise?

M. Bilodeau: C'est justement. En ce moment, ça a été ouvert à tout le monde. Par contre, la compagnie Steinberg a pris en considération les gens selon leurs compétences. Bien évidemment, les gens qui étaient dans la compagnie même, comme gérants de magasins, étaient les plus favorisés à ce niveau-là, mais la compagnie ouvre les portes quand même à d'autres personnes à l'extérieur, bien évidemment selon leurs compétences tout est là.

Mme Marois: Un peu de fric aussi, un peu de sous aussi. C'est relié aussi à la capacité qu'on a de payer la franchise?

M. Bilodeau: Mais c'est bien évident, ça, madame, selon nos moyens.

Mme Marois: O.K. Bon. C'est parce qu'il a compétence et capacité de payer.

M. Bilodeau: Ce sont les deux, madame, qui font la paire.

Mme Marois: D'accord. On s'entend. On se comprend bien, on a les mêmes critères.

M. Laliberté: Si je peux ajouter à ce qu'il a dit, il a mentionné qu'on avait donné une certaine préférence à certains bons opérateurs de supermarchés, mais il y a des gens de l'extérieur qui se sont joints à nous. Il y a des anciens propriétaires de Métro qui ont acheté des franchises chez Steinberg, il y a des anciens propriétaires de Provi-Soir qui ont acheté des franchises de Steinberg.

Mme Marois: D'accord. C'est pour ça que je disais que c'est dans la grande famille alimentaire. Il y en a qui peuvent, à cause de leur expertise prise ailleurs...

M. Laliberté:...et des capitaux qu'ils avaient à investir aussi.

Mme Marois: C'est ça. Mais qui sont-ils, les 26, là? Sans me les nommer les uns à la suite des autres, est-ce que ce sont surtout des gens qui originent de chez Steinberg même?

M. Laliberté: C'est ce que je viens de vous dire. Il y a des gens de Steinberg, et il y a des

gens venant de l'extérieur.

Mme Marois: Je veux savoir la proportion. C'est 50 % qui viennent de chez Steinberg?

M. Laliberté: C'est plus que ça. C'est au moins 75 % dans le moment, au minimum.

Mme Marois: D'accord. Quel est le lien financier entre le franchisé et Steinberg?

M. Bilodeau: André Bilodeau. Est-ce que vous pourriez élaborer votre question, s'il vous plaît?

Mme Marois: Je veux savoir... Ils vous vendent une franchise. Est-ce que c'est eux qui la financent? Est-ce qu'ils sont colatéraux avec vous? C'est quoi, les règles qui lient...

M. Bilodeau: Je pense que, comme on vous a répondu tantôt, c'est dépendamment de...

Mme Marois: Bien, répétez-le, je n'ai pas compris.

M. Bilodeau:... l'aspect financier que moi, en tant que propriétaire je suis capable d'investir dans mon commerce. Il n'y a pas de limite.

Mme Marois: Je suis d'accord avec vous.

M. Bilodeau: Si je peux payer mon inventaire complètement qui est de 500 000 $, je le paie.

Mme Marois: Vous esquivez la question. Sur 25 qui sont membres...

M. Bilodeau: On ne le sait pas, c'est tout individuel.

M. Laliberté: René Laliberté. Je vais répondre.

Mme Marois: C'est vrai que c'est individuel, mais habituellement on sait un petit peu ce qui se passe dans le marché.

M. Laliberté: II n'y a pas de cachette là-dedans. Il y a vraiment une aide, à un moment donné, de Steinberg pour nous aider à démarrer.

Mme Marois: D'accord.

M. Laliberté: Je pense que, même si on a travaillé 20 ans dans une corporation...

Mme Marois: C'est ça que je veux savoir. (11 h 30)

M. Laliberté:... qu'on a accumulé des choses - moi, j'ai accumulé des choses personnelles - on n'accumule pas des capitaux d'une façon extraordinaire. On a une maison, on a d'autres petits placements, etc. On a eu une forme d'aide à ce niveau-là et une forme de garantie basée sur les investissements qu'on a mis. On a dû mettre des investissements dans ces entreprises-là, par exemple.

Mme Marois: Oui, bien sûr.

M. Laliberté: On a dû donner aussi des garanties comme telles.

Mme Marois: Mais il y a un lien financier qui reste au-delà du lien de distributeur.

M. Laliberté: Comme dans tout processus de franchisage, je pense qu'il y a un lien financier entre le franchiseur et les franchisés comme tels.

Mme Marois: D'accord.

M. Laliberté: D'ailleurs, c'est pour ça que ça s'appelle franchise aussi.

Mme Marois: Oui, je suis consciente de ça aussi, sauf qu'il y a deux modèles; enfin, il y a plus que deux modèles, mais II y a deux modèles généralement, ti y a celui où c'est - comment dirais-jG ça? - un développement par la tête et on vend la franchise quand on trouve un franchisé qui va aller s'installer. Et il y a un système, qui est déjà existant, de corporation, qui est le cas de Steinberg, qui dit: Je choisis maintenant un nouveau modèle de développement où on va procéder à la vente des magasins sous franchise. Ça aurait pu être sous d'autres formes, mais c'est comme ça qu'ils ont procédé. Alors, c'est dans ce sens-là que ça commande par la suite des structures financières souvent différentes. D'accord?

M. Laliberté: C'est ça.

Mme Marois: Bon. Alors, c'est ça que je voulais avoir comme portrait. Mon collègue d'Ungava a quelques questions et je reviendrai dans la deuxième partie du temps qui m'est imparti.

La Présidente (Mme Dlonne): Alors, M. le député d'Ungava, vous avez quatre minutes.

M. Claveau: Quatre minutes?

La Présidente (Mme Dionne): Oui.

M. Claveau: Mais on peut revenir après.

La Présidente (Mme Dionne): Dans les 10 premières minutes.

M. Claveau: Oui.

La Présidente (Mme Dionne): C'est ça.

M. Claveau: Je vous remercie, Mme la Présidente. Moi, j'essaie de comprendre quelque chose. Vous avez beaucoup parlé, M. Laliberté, de la notion de la concurrence déloyale. Vous avez dit que les franchises chez Steinberg, c'est assez récent, ça, là. C'est ça?

M. Laliberté: Oui.

M. Claveau: Ça ne fait pas longtemps. Moi, je voudrais comprendre une chose. Quelqu'un qui, dans une entreprise, en fonction de la loi actuelle, en connaissant bien la loi, peut opérer le dimanche, comment peut-on l'accuser de faire une concurrence déloyale dans la mesure où, qui que vous soyez, les franchisés de Steinberg comme les autres franchisés, je suppose qu'en tant qu'entrepreneurs, lorsque vous avez à investir, vous magasinez un tant soit peu, là où votre argent pourrait être éventuellement le plus rentable? Généralement, on n'investit pas pour les beaux yeux du client et on n'investit pas uniquement pour le plaisir de garrocher son argent en l'air. On magasine pour voir là où on met notre argent, à savoir où ça peut rapporter le plus. Au moment où vous avez fait ça et en connaissant la loi du moment qui régit les marchés d'alimentation, vous deviez savoir qu'il y avait une autre catégorie d'investisseurs qui, eux, pour des raisons autres que les vôtres supposé-ment, ont décidé, quant à eux, d'investir dans des entreprises qui, en fonction de la loi existante, ont le droit d'opérer le dimanche. Et maintenant que vous avez fait vos investissements dans, un secteur où vous ne pouvez pas opérer le dimanche en fonction de la loi existante, vous dites: Bon, bien, là, c'est drôle, mais ceux qui ont décidé d'investir dans des entreprises qui, elles, peuvent opérer le dimanche en fonction de la loi, elles nous font une concurrence déloyale.

Comment se fait-il, en supposant que c'est si rentable que ça d'opérer le dimanche et en prenant comme acquis aussi que vous connaissiez la loi en vigueur au moment où vous avez fait votre investissement, que vous n'avez pas décidé d'investir d'emblée dans un secteur d'activité de vente au détail de l'alimentation qui, lui, en fonction de la loi, au moment où vous avez décidé de faire votre investissement, avait le droit de vendre le dimanche? Pourquoi avez-vous choisi l'option que vous avez là entre les mains en venant, après, accuser de concurrence déloyale ceux qui, en fonction de la même loi, ont décidé d'investir dans un autre secteur?

M. Laliberté: René Laliberté. O.K. Je vais répondre, M. ie député. Si j'ai choisi d'acheter une franchise Steinberg, c'est très simple. J'ai vu une certaine rentabilité à travers ça, basée sur ce que je vis présentement et aussi ça fait 20 ans... Moi, j'ai été élevé là-dedans, l'alimentation. Donc, je pense que j'ai les compétences pour bien gérer et bien investir mon argent dans ce domaine-là, un.

Aujourd'hui, dans les représentations qu'on fait, on se sert du passé pour expliquer un petit peu tout ce qui est arrivé, mais on entrevoit aussi les années à venir. Je pense que c'est très pertinent. Il y a 10 ans - je peux peut-être me tromper - Jean Coutu vendait presque essentiellement des pilules. Aujourd'hui, on nous fait des circulaires avec du savon en Iront page", on nous fait des circulaires avec de l'eau de Javel, on nous fait des circulaires avec des bonbons et on nous fait des circulaires avec d'autres choses. Et demain? Qu'est-ce que ça va être, demain?

Aujourd'hui, on m'a grugé, peut-être, une certaine part de marché et moi, j'ai fait une analyse de rentabilité. Je suis un entrepreneur et moi, je travaille 70, 80, 90 heures dans mon commerce. Je mets beaucoup d'efforts. Ma famille est impliquée là-dedans. Mes employés le sont d'ailleurs aussi, à un moment donné, parce que c'est leur sécurité d'emploi à eux autres aussi et on entrevoit l'avenir. On voit, à un moment donné, comment se font les choses. Lorsque tu entres dans un Jean Coutu, le dimanche, et que tu peux faire ton épicerie, je m'excuse, mais plus les femmes travaillent, moins les gens, à un moment donné, ont de disponibilité pour faire leur "shopping" et plus ils vont aller chez Jean Coutu le dimanche. La preuve: à un moment donné, on a juste à prendre nos autos et à passer devant ces commerces-là. Après ça, je n'ai pas parlé nécessairement des marchés publics, des fruiteries ou des petites boucheries. En tout cas, je peux en mettre, je peux en mettre, je peux en mettre! Ça, ça se développe; plus ça va, plus ça se développe.

M. Claveau: O.K. Là-dessus, je vous comprends dans le fond. Moi, je ne parle pas en fonction de ceux qui réussissent à contourner la loi d'une façon ou d'une autre et qui devraient probablement être mieux contrôlés ou faire l'objet d'un resserrement de la part du ministère. D'ailleurs, je voudrais dire au ministre que, quand on parle de réglementation de la vitesse sur les routes, ce n'est pas à partir du principe qu'on ne peut pas arrêter tout le monde qui fait de l'excès de vitesse qu'on va laisser aller la vitesse et qu'on va dire: Écoutez, roulez, on ne peut pas tous vous arrêter. Non, on veut du resserrement.

Eh bien, dans le même sens, peut-être que, si le ministère décidait vraiment d'appliquer la loi, en disant: On resserre et on la fait appliquer tel que ça devrait être, ça serait plus payant probablement pour le gouvernement, à court terme du moins, tant qu'il y a des contrevenants, que ça peut l'être de garder des milliers de véhicules de la Sûreté du Québec sur les routes

à ramasser des contraventions de 45 $. Il fera appliquer sa loi comme il faut et le gouvernement pourra en retirer des bénéfices aussi. Ce n'est pas plus difficile que de contrôler la vitesse sur la route.

Cela étant dit, moi, je parle en fonction de celui qui respecte la loi, genre les dépanneurs. Tout à l'heure, vous deviez être dans la salle, au moment où Provi-Soir a fait sa présentation. Ce sont des entreprises, des business conçues en fonction de la loi actuelle et qui, elles, ne doivent, en aucun moment, se sentir coupables de concurrence illégale, dans la mesure où elles respectent les normes. Le propriétaire, celui qui a décidé, l'année dernière, il y a deux ans, il y a cinq ans d'investir dans un dépanneur de ce style-là, lui aussi avait un choix à faire en termes d'investissement. Il avait de l'argent à mettre, il a magasiné et il a dit: Moi, je vais là-dedans, ça ne me dérange pas de travailler le dimanche, peut-être. Lui aussi, il met ses 75, 80 heures par semaine pour faire vivre sa "business". En quoi vous fait-il de la concurrence illégale? En quoi n'aurait-il pas le droit de vivre tout autant que vous dans le cadre de la loi actuelle?

M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre. M. le député, ça fait deux fois que vous revenez avec le même élément, nous faisant dire qu'on est contre les gens qui ont un petit dépanneur et qui sont trois ou moins. On a convenu tantôt, avec Mme Marois, que les gens qui ont un petit dépanneur, pas un superdépanneur...

M. Claveau: O.K.

M. Lefebvre (Jacques): ...pas un dépanneur avec une boulangerie, avec une charcuterie, avec une fruiterie, ça, pour nous, c'est viable. On n'a absolument rien...

M. Claveau: Oui.

M. Lefebvre (Jacques): ...contre les gens qui respectent comme il faut l'article de la loi et qui respectent aussi l'esprit de la loi. Ceux contre qui on en a, c'est une façon de parler, mais les gens dont on trouve le comportement excessif, on peut citer les pharmacies. Les pharmacies, aujourd'hui, n'ont de pharmacie que le nom. Qu'est-ce qu'on retrouve dans une pharmacie? Un petit comptoir de pilules et le reste, c'est carrément de la concurrence pour nous. Les marchés publics, René en parlait tantôt, si on fait la somme des employés dans un marché public, on en arrive à, bon Dieu, deux fois plus que le plus gros des supermarchés corporatifs de Steinberg et ça, c'est ouvert le dimanche, monsieur. Ça, ça touche nos clients.

M. Claveau: O.K.

M. Lefebvre (Jacques): On n'a jamais attaqué le petit dépanneur qui respecte l'article de la loi et la lettre de la loi. Personne ici ne l'a fait, mais il faudrait s'entendre: Qu'est-ce qu'un dépanneur? Est-ce que quelqu'un peut donner une définition exacte du dépanneur permis par la loi? Est-ce qu'il y en a un qui peut le faire?

Mme Marois: Trois personnes.

M. Claveau: Bien lui, il en a une définition.

M. Lefebvre (Jacques): Trois personnes, mais ce n'est pas tout, trois personnes. Trois personnes, si le dépanneur se met à vendre des aspirines, des pilules, des ci, des ça, il respecte encore la loi parce qu'il a trois personnes? Mais là, on a un problème sérieux.

La Présidente (Mme Oionne): Alors, merci M. Lefebvre. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, Mme la Présidente. Ma première question va être brève. Lorsque vous avez mentionné, tout à l'heure, dans votre présentation, que vous louez vos équipements, est-ce que ça inclut aussi la bâtisse dans le cas où le corporatif était propriétaire de la bâtisse? Parce que je sais qu'il y en a qui sont à loyer, dans les centres d'achats entre autres. Il y en a d'autres qui sont propriétaires de la bâtisse, c'étaient des corporatifs. Alors, les bâtiments, l'équipement à l'intérieur, ça c'est resté au corporatif.

M. Laliberté: C'est-à-dire qu'on doit signer un bail de sous-location. Dans le sens que là on doit retransférer le bail à nous autres et c'est nous autres qui devenons propriétaire du sous-bail, avec les conditions s'y rattachant.

M. St-Roch: Dans le cas où le corporatif était propriétaire de la bâtisse?

M. Laliberté: Même avec le corporatif.

M. St-Roch: Mais est-ce que vous pouvez...

M. Laliberté: On signe un bail avec la corporation à ce moment-ià.

M. St-Roch: De location seulement. M. Laliberté: Oui.

M. St-Roch: Sans possibilité d'achat futur. M. Laliberté: Non.

M. St-Roch: C'était ma première question, Mme la Présidente. Ma deuxième question. M. le ministre mentionnait, avec justesse d'ailleurs, qu'on essaie d'avoir une loi qui va être la plus

durable possible dans le temps. Mais, lorsque je regarde, moi, la société québécoise d'aujourd'hui et si on essaie de prévoir les prochaines évolutions, n'est-il pas un fait qu'on est une population qui est vieillissante, qu'on a vécu une fragmentation de la famille, ce qui veut dire des paniers d'épicerie - si l'on est quatre dans une famille et si on se fractionne - des paniers différents, et qu'on est une société de plus en plus, à cause de toutes sortes de facteurs sociaux de travail, où on prend présentement un repas sur trois dans les restaurants, et on se dirige vers un repas sur deux? Quand on regarde aussi les habitudes alimentaires de chacun et chacune d'entre nous et peut-être parce qu'on est une société riche aussi - il faudrait peut-être un jour se l'admettre - et qu'on aime de plus en plus avoir un traitement, et je le mets entre guillemets, à l'européenne, où on préfère aller chez le pâtissier, on préfère aller chez notre chocolatier, on préfère aller à notre charcuterie parce qu'on peut avoir deux tranches de jambon parce que c'est ça qu'on a le goût de manger ce soir avec la baguette de pain... Alors, quand je regarde tout ça, est-ce qu'il y a un avenir encore pour la grande surface?

M. Laliberté: Moi, je suis content... Je m'excuse, René Laliberté. On n'est pas habitués à se nommer. Je suis content que vous ameniez cet argument-là parce qu'aujourd'hui les habitudes des gens ont tellement changé. Les gens veulent avoir... Première des choses, ils ne font plus, comme avant, des commandes aux 15 jours, au mois ou à la semaine nécessairement parce qu'ils sont payés une fois par 15 jours ou qu'ils sont payés une fois par mois. Les gens, aujourd'hui, apprécient aller plusieurs fois au marché, aller chercher le petit rôti qu'ils aiment parce qu'ils ont le goût de manger un rôti ce soir ou aller chercher le poisson frais parce qu'ils ont le goût de se faire un bon filet de poisson frais. Les habitudes changent et ont changé. Nous, dans nos supermarchés, en tant que franchisés, on a notre pâtisserie. On a notre boulangerie. Le pain est cuit sur place. On a notre poisson frais. On a tous ces services-là, mais on ne peut pas les offrir aux gens parce que c'est dimanche. Par contre, à la petite pâtisserie du coin, je peux aller chercher deux pâtisseries. Je peux arrêter à la boucherie après ça et aller me chercher un autre rôti et je peux acheter mon pain aussi. Mais moi, là, j'ai tout ça. J'ai des coûts fixes. Je paie quand même mon équipement, je paie tout ça et je ne peux pas m'en servir. Il ne sert à rien le dimanche. Et plus ça va, plus les gens veulent être capables d'y aller selon leurs goûts, selon... Et ils n'achètent pas d'avance. La petite famille, l'homme et la femme travaillent. Ils vont chercher, peut-être deux fois ou trois fois par semaine, ce dont ils ont besoin et ce qui leur tente. C'est encore plus important le dimanche.

C'est pour ça que les marchés publics, et tout ça, croissent.

Si je pouvais ajouter, par exemple au niveau du "fast food", juste un exemple bien frappant. Moi, j'ai un supermarché qui vendait peut-être, avant qu'on rajoute des boutiques, l'équivalent de 400 $ à 500 $ de poulets Bar-B-Q chauds par semaine. Je suis rendu que j'en vends 1200 $, 1300 $. Ça, ce sont des poulets que je fais cuire dans mon magasin. Le client, lui, en faisant sa commande parce que là c'est le jeudi soir, il est pressé et il n'a pas le temps de faire à manger, II veut avoir un poulet chaud. Si j'étais ouvert le dimanche, juste des poulets chauds, je pourrais peut-être en vendre 400 $, 500 $, juste là, sans parler de tout le restant parce que c'est facile. Il fait beau aujourd'hui, je suis dans ma cour, j'ai besoin de quelque chose. Je vais au supermarché et je retrouve ce dont j'ai besoin et je n'ai même pas la peine de me casser la tête. Mais là, parce que je n'ai pas le goût de faire la cuisine, je m'en vais chez McDonald ou je m'en vais chez St-Hubert Bar-B-Q quand je pourrais faire aussi bien sans me changer et rester dans ma cour.

M. St-Roch: Je vous suis jusqu'à un certain point, mais ne pensez-vous pas non plus que le consommateur va aller sur la spécialité? Je vais prendre la poissonnerie en exemple, parce que si on va dans les grandes surfaces on va être quand même limité au niveau du choix. Est-ce qu'on ne préférera pas, en tant que client, présentement et dans le futur, aller chez le poissonnier pour être capables de déguster un poisson que, normalement, on mange dans les grands restaurants, avec quelqu'un qui est spécialisé et qui va nous donner aussi la recette d'accompagnement ou l'art de le préparer? C'est là qu'on se dirige. Alors, si on se dirige vers ça pour le poisson, c'est peut-être vrai pour les fromages fins, c'est peut-être vrai pour la pâtisserie, c'est peut-être vrai pour la boulangerie et ces choses-là. À ce moment-là, quel est l'intérêt d'aller dans une grande surface où on est moins nombreux aussi? (11 h 45)

M. Laliberté: René Laliberté. Je vous donne entièrement raison sur ce que vous dites excepté que nous, aujourd'hui, on est en mesure d'offrir tous ces services-là. On a des spécialistes en fromagerie, on a des spécialistes en poissons. Même, on est en mesure de dire au client comment faire cuire, comment apprêter ces poissons. On est en mesure de lui donner des recettes. On a des gens compétents pour le faire, mais on est limités.

M. St-Roch: Est-ce que je peux me permettre une dernière question?

La Présidente (Mme Dionne): Une dernière question, M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Je prends l'hypothèse - je le souligne et je le mets en lettres majuscules - l'hypothèse qu'on dit que les commerces sont fermés le dimanche, sauf la fameuse règle de trois. Est-ce que les franchisés de Steinberg, à ce moment-là, vont commencer à compartimenter leur magasin pour avoir la poissonnerie, pour se rendre conformes?

M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre. De façon hypothétique, l'avenir le dira. On ne peut pas répondre à ça, pas présentement, tant que vous n'avez pas pris une décision.

M. St-Roch: Ça ne peut pas faire partie de vos discussions d'une heure et demie?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre (Jacques): Sûrement pas.

M. St-Roch: Merci.

M. Lefebvre (Jacques): Bienvenue.

La Présidente (Mme Dionne): Merci, M. le député de Drummond. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Mme la Présidente, rapidement. Dans le contexte actuel, est-ce que vos entreprises sont rentables?

M. Laliberté: Si elles n'étaient pas rentables, on n'en aurait pas acheté.

M. Claveau: Donc, vos entreprises sont rentables. Ça veut dire que ceux qui font du commerce la fin de semaine actuellement, dans le respect de la loi qu'on connaît, ne mettent pas en danger vos investissements.

M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre. À court terme, peut-être pas. À moyen terme, oui.

M. Claveau: Peut-être. Est-ce que, par contre, si on ouvrait la loi... Parce que, dans le fond, on est à l'intérieur, toujours, de la même "bracket", du même volume de marché. On l'a dit tout à l'heure, c'a été explicité très clairement par d'autres intervenants, les gens ne gagneront pas plus cher et n'auront pas plus de moyen de dépenser parce que vous ouvrez le dimanche. Par contre, vous, vos frais vont être probablement plus élevés. Est-ce que vous pensez que, dans la mesure où vous avez la chance d'aller chercher plus de marché le dimanche, ça veut dire que vous allez en ôter à d'autres qui opèrent le dimanche, ce qui pourrait, à la limite, rendre très précaires certaines entreprises qui opèrent dans le cadre de la loi actuelle?

M. Laliberté: Je pourrais vous répondre de la même façon. Cet argument-là est venu lors- qu'on a parlé d'obtenir les permis de bière et vin pour les supermarchés à grande surface. On se rappelle bien, dans ces années-là, un des principaux arguments qui avait été tablé était le fait que, si on permettait la vente de bière et de vin dans les grandes surfaces, on mettrait en danger les dépanneurs. On tuerait les dépanneurs. Je pense que l'expérience nous prouve aujourd'hui, M. le député, que c'était totalement faux. Je pense que ce que ça a fait, au contraire, c'est que ça a développé le marché du vin au Québec. Avant ça, on importait beaucoup plus de vin, par exemple de France ou des autres pays, et, aujourd'hui, on a généré des ventes supplémentaires et généré une création d'emplois avec nos Industries locales.

Je pense que le fait d'ouvrir le dimanche les grandes surfaces ne mettra pas en danger les petits. Les gens qui s'identifient à une personne vont continuer, je pense, à un moment donné, parce qu'ils ont confiance, à les voir. Cependant, il va y avoir une partie de consommation qui va augmenter. Les gens aujourd'hui ne sont pas tous sur le bien-être social, en tout cas, dépendant des régions. Mol, je regarde ma clientèle. Je peux juger selon ma clientèle et les gens ont des moyens un petit peu plus grands. Ils vont peut-être consommer davantage ou ils vont peut-être changer... Au lieu de dépenser 25 $ au restaurant, ils vont peut-être préférer dépenser 15 $ chez nous, tu sais, parce que je vais être en mesure de leur offrir quelque chose qui est vite fait.

Prenons juste l'exemple des "charcoals" l'été. Je pourrais vous donner juste cet exemple-là. SI, au lieu de faire dégeler un steak de votre congélateur, vous pouviez aller au marché du coin chercher deux beaux T-Bone et les mettre directement sur votre barbecue plutôt que d'aller manger au restaurant, je pense que c'est Important pour les gens.

M. Claveau: Sauf que, pour revenir à votre exemple du vin, on avait un marché à ce moment-là qui était nouveau, qui était en pleine expansion, en plein développement. Dans le cas du T-Bone, on ne vendra pas plus de boeuf au Québec parce que, finalement, on en mange déjà assez. Donc, si vous en vendez un, il y en a un à côté qui va perdre sa vente, lui.

Je voudrais vous poser rapidement une dernière question, peut-être, avant de passer la parole à ma collègue. Vous serez d'accord avec mol que, généralement, quand on va dans un dépanneur la fin de semaine - je parle du dépanneur, là, je ne parle pas du marché et tout ça - on paie un peu plus cher qu'ailleurs pour le service qui est là. Dans la mesure où vous voulez aller chercher une clientèle à ce dépanneur-là, finalement, en ouvrant le dimanche, vous ne pourrez pas faire autrement...

M. Laliberté: Est-ce que je peux vous

interrompre? Si vous vous référez à notre mémoire, on n'a jamais mentionné les dépanneurs.

M. Claveau: Oui, mais...

M. Laliberté: C'est parce que, depuis tout à l'heure, vous revenez avec le terme "dépanneur". Et, nous autres, on a un blocage, parce qu'on n'est pas contre les dépanneurs, d'aucune façon.

M. Claveau: Vous savez très bien...

M. Laliberté: On est contre ceux qui touchent directement notre "business": les fruiteries, les Jean Coutu, les marchés publics, puis tout ça.

M. Claveau: Mais vous savez très bien que si, dans un milieu donné, il y a trois dépanneurs puis qu'on ouvre la grande surface le dimanche, le dépanneur vend déjà plus cher que chez vous, est-ce que vous allez ajuster vos prix à la hausse pour arriver aux prix du dépanneur ou si vous allez obliger le dépanneur à baisser ses prix tout en lui enlevant sa clientèle?

La Présidente (Mme Dionne): En conclusion.

M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre. M. le député...

M. Claveau: C'est intéressant pour le dépanneur.

M. Lefebvre (Jacques): Franchement, si vous croyez qu'on va augmenter nos prix pour la journée du dimanche, vous avez un problème quelque part.

M. Claveau: Ah. Donc, vous venez de faire crever...

M. Lefebvre (Jacques): Ça ne se peut pas. C'est impossible, on ne peut pas faire ça.

M. Claveau: Vous venez de faire crever tous les dépanneurs du Québec.

M. Lefebvre (Jacques): Puis autre chose, M. le député.

La Présidente (Mme Dionne): En conclusion.

M. Lefebvre (Jacques): Vous dites que, si on ouvre le dimanche, on nuit aux dépanneurs. À quelle place les dépanneurs se situent-ils? À quelle place vont-il s'installer? À quelle place les boulangeries vont-elles s'installer? À quelle place les charcuteries vont-elles s'Installer? Toujours près d'un supermarché. Pourquoi? Parce que le "puller", c'est le supermarché. Le "puller" va être encore le supermarché le dimanche. Je ne vois pas en quoi ça va nuire à l'ensemble de ces commerces-là. Parce qu'ils sont déjà là. Ecoute, la pâtisserie est ouverte le samedi dans le jour.

Est-ce que je la fais mourir, parce que je suis ouvert le samedi dans le jour? Non.

La Présidente (Mme Dionne): En conclusion, M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Jacques): Par contre, elle est à côté de moi.

La Présidente (Mme Dionne): Vous concluez, M. Lefebvre?

M. Lefebvre (Jacques): D'accord, c'est terminé.

Mme Marois: On est aux conclusions.

La Présidente (Mme Dionne): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je vais en tirer quelques-unes avec vous. J'ai bien compris et je pense que mon collègue aussi a très bien compris le fait que vous n'attaquez pas, d'aucune espèce de façon, les dépanneurs, mais que vous vouliez être traités équitablement et que ce ne sont pas les dépanneurs qui vous font la vie dure, mais ce sont plus des pharmacies à grande surface qui se servent de "lost leader", de votre secteur alimentaire, de produits de nettoyage - il faut assez regarder le marché pour savoir ça - pour attirer une clientèle qui ne va pas chez vous si elle va là. Et, en plus, elle va chez elles lorsqu'elles sont ouvertes et que vous, vous ne pouvez pas l'être.

Puis il y a Club Price aussi. Peut-être pas vous personnellement, mais il y en a d'autres avant vous qui nous ont dit que ça leur faisait mal pas mal. Club Price qui appartient à qui, déjà? Steinberg pour 50 %.

La Présidente (Mme Dionne): En conclusion...

Une voix: Je m'excuse, Mme Marois, est-ce que je pourrais dire quelque chose?

La Présidente (Mme Dionne): Je m'excuse.

Mme Marois: Peut-être qu'il y aura d'autres moments où on pourra entendre des gens qui nous donneront une information plus complète.

La Présidente (Mme Dionne): Effectivement. Mme la députée de Taillon, en conclusion.

Mme Marois: Oui. Je vous remercie de votre contribution. Vous savez quel est le point de vue que l'on défend. Nous, on pense, et dans votre for intérieur vous y penserez, qu'une loi sérieuse, avec des dents, qui limiterait au dépannage la

possibilité d'ouvrir le dimanche et qui serait donc équitable pour l'ensemble du réseau et de la chaîne alimentaire au Québec, ce serait mieux vous servir que la situation d'une plus grande libéralisation. Merci de votre contribution à nos travaux.

La Présidente (Mme Dionne): M. le ministre, en conclusion.

M. Tremblay (Outremont): Ce que je retiens de vos commentaires, c'est: Oui, une loi équitable. Là, on s'entend très bien avec la députée de Taillon. Mais, étant donné la tendance à la libéralisation, vous dites qu'on est mieux d'avoir une loi qui tend vers la libéralisation si on veut avoir une loi durable. Alors, dans ce sens-là, on va prendre en considération vos remarques. Je vous remercie beaucoup d'être venus nous faire partager votre point de vue.

La Présidente (Mme Dionne): Alors, la commission remercie le Regroupement des hommes d'affaires en alimentation du Québec de leur participation à cette commission et suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail va reprendre ses consultations particulières sur les modifications à apporter aux heures d'ouverture des commerces. Nous recevons présentement le groupe Colabor Canada (1973) Itée.

Je vous explique un peu nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; ce sont 20 minutes fermes qu'on ne peut pas excéder. Par la suite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais, chaque fois que vous prenez la parole, de bien vouloir vous identifier; dans la mesure où on se le rappelle, je sais que ça devient un petit peu fastidieux, mais ça aide beaucoup les gens qui font la transcription des débats, qui sont dans une autre pièce et qui ne vous connaissent pas.

Sans plus tarder, je vous invite à identifier votre porte-parole et à présenter l'équipe et votre mémoire, s'il vous plaît.

Colabor Canada (1973) Itée

M. Ledoux (Pierre): D'accord. Je suis Pierre

Ledoux. M. le Président, madame et messieurs, membres de la commission, nous vous remercions de nous permettre d'exprimer nos idées, nos suggestions concernant la loi et les règlements régissant les heures d'ouverture des commerces de détail de la province de Québec.

Mon nom est Pierre Ledoux. Je suis directeur général du groupe de détaillants affiliés à Colabor et j'occupe diverses fonctions au sein de Colabor, principalement en ce qui touche les achats et la mise en marché des produits alimentaires. Je suis accompagné par M. Raymond Trempe, propriétaire d'un commerce de gros dans le domaine de la distribution de produits alimentaires. Il occupe différents postes au sein de l'organisation Colabor et siège au conseil d'administration d'autres commerces de gros faisant partie de notre groupe. Il est aussi président de Point d'aide inc., qui est le regroupement de quelque 700 épiciers-dépanneurs opérant sous les bannières Visez juste, Point d'aide et groupes affiliés. Il y a aussi M. Daniel Cadrin, président de J.B. Cadrin, distributeur en gros dans les comtés de Québec, Bellechasse, Lévis et Montmagny, et M. Chen, qui est propriétaire du dépanneur L'Escale à Saint-Georges de Beauce.

Permettez-moi de vous signaler qu'aucun de notre groupe n'est un spécialiste de ces commissions parlementaires. Nous sommes des commerçants, soit grossistes ou détaillants en alimentation. Il est possible que nous n'utilisions pas les termes habituels pour une telle présentation. Toutefois, nous désirons vous exprimer en nos propres mots nos idées sur le sujet du dossier des heures d'ouverture.

Nous sommes les porte-parole de tous les grossistes indépendants de la province de Québec. Il s'agit de distributeurs en gros de produits alimentaires, confiserie, produits de tabac et autres produits connexes. Le réseau de grossistes couvre la presque totalité du territoire du Québec. Ce groupe a une qualité remarquable: il est composé uniquement d'entreprises à capitaux québécois. Tous les sièges sociaux et entrepôts sont situés dans la province et tous les employés et cadres sont des Québécois. De plus, aucun n'a jamais reçu de subvention ou d'aide de quelque gouvernement que ce soit. Les grossistes que nous représentons sont regroupés au sein de Colabor, qui est le centre de distribution pour chacun d'entre eux et aussi le centre de mise en marché des produits pour les détaillants que nous desservons.

Colabor fut formé il y a maintenant plus de 25 ans sur la Loi des syndicats coopératifs. Il regroupe maintenant tous les grossistes indépendants de la province. Notre réseau de grossistes fournit de l'emploi à plus de 1000 personnes. Le groupe des grossistes intégrés à Colabor est le coeur de la distribution pour le réseau des détaillants indépendants de petites et moyennes surfaces. Nous représentons 70 % des détaillants indépendants non rattachés à des groupes corporatifs.

Les détaillants que nous servons fournissent de l'emploi à plus de 10 000 personnes. Aussi, nous devons vous signaler que ces commerces sont tous québécois. En résumé, nous représentons plus de 10 000 emplois au Québec, avec plus

de 1 000 000 000 $ de ventes au détail dans la distribution de produits alimentaires et autres produits connexes. Notre groupe représente un groupe sélectif de commerces de denrée alimentaire tels que dépanneurs, épiceries de petites et moyennes surfaces.

Se conformant au règlement actuel des heures d'ouverture, ce réseau de ventes au détail existe par l'application de la loi et a été créé et élargi grâce à l'existence de cette loi. Nous ne sommes pas des spécialistes pour tous les genres de commerces de détail et nous ne connaissons pas toutes les implications d'un changement de la loi sur ces autres commerces. Toutefois, nous sommes les spécialistes du commerce de détail des indépendants dans la province de Québec et c'est de ce sujet que nous voulons traiter avec vous, à l'occasion de cette commission parlementaire.

Comme vous avez pu le constater à la lecture de notre mémoire, nous sommes résolument contre l'élargissement des heures d'ouverture. Notre présentation est plutôt directe et nous voulons aller au coeur du problème, sans détour. Sur ce, je laisse la parole à M. Trempe.

M. Trempe (Raymond): Je continue la présentation. Les principaux points sur lesquels nous avons tenu à vous sensibiliser sont les suivants: premièrement, nous voulons aussi mettre en garde les législateurs de suivre les sondages pour modifier la loi. L'objectivité ou la subjectivité du répondant peut donner une impression bien différente de l'opinion populaire.

En deuxième partie, il y a eu un abus inacceptable des exceptions prévues dans la loi, permettant la création d'un volume de ventes au détriment des autres réseaux de distribution qui observent la loi.

La troisième partie: ce sont les groupes corporatifs qui ont fait des erreurs dans leur prise de contrôle et leur part du marché n'augmente pas suffisamment. On ne voudrait pas que le gouvernement leur permette une reprise en transférant une part du marché du détail dans leurs mains par une législation qui les favoriserait.

Le premier point: la question des sondages. La guerre engendrée par la question des heures d'ouverture a poussé les groupes favorables à l'élargissement des heures d'ouverture à demander des sondages. La stratégie était bonne. On se doit d'être pour le beau, le bien et la plus grande facilité. On savait bien qu'à une telle question les réponses seraient favorables. Aussi, on a souvent entendu que le gouvernement était dirigé par des sondages. Quoique je doute d'un tel fait, ce serait un manque sérieux et de très mauvais goût pour le législateur d'agir ainsi. La rumeur étant ce qu'elle est, on a cru pouvoir ébranler le gouvernement avec des sondages de toutes sortes. Dans certains cas, on a publié le résultat de sondages, mais il était totalement impossible de connaître la question posée. Nous voulons mettre en garde le législateur du danger de suivre des sondages dans ces cas particuliers. Dépendant si on examine une question de sondage de façon objective ou subjective, le résultat peut être très différent.

Objectivement, on se devrait d'obtenir 100 % de répondants qui soient pour l'ouverture des magasins de détail sept jours par semaine, 24 heures par jour. Subjectivement, tout probablement que l'inverse se produirait. On se doit de connaître les implications d'un tel changement dans l'économie de notre province. Une perte de 10 % du volume de ventes ferait fermer la presque totalité des dépanneurs de la province. Par entraînement, la presque totalité des grossistes fermerait ses portes. Nous croyons que l'élargissement total des heures d'ouverture ferait perdre aux dépanneurs plus de 20 % de leurs ventes. Avec une perte de 20 % de leurs ventes, très peu survivront. Cela représente près de la totalité de leurs revenus nets, car les frais d'opération demeureront les mêmes.

Comme nous le mentionnons dans notre mémoire, le dépanneur fait partie de notre société distincte. Des téléromans de notre télévision se vivent avec un dépanneur au centre de la vie communautaire des Québécois, pas avec un supermarché ou une superpharmacie. Le dépanneur fait aussi partie de la vie communautaire. C'est le point de rencontre des étudiants qui attendent les autobus scolaires. C'est le point de rencontre des gens d'un quartier. Aussi, le dépanneur est la seule institution qui peut préparer une commande prise au téléphone et en faire la livraison pour les personnes handicapées. Le dépanneur peut faire crédit, en certaines occasions. Aussi, le dépanneur est accessible. Il y en a beaucoup dans la province, dans chaque secteur de chaque municipalité.

Un sondage devrait inclure toutes ces facettes et parler de la possibilité de la disparition des dépanneurs avec l'élargissement des heures d'ouverture. Un sondage sérieux tel qu'un sondage Gallup nous montre que seulement 40 % des répondants désirent l'élargissement des heures d'ouverture. Ce sondage nous démontre que plusieurs des répondants ont interprété la question de façon subjective. Les personnes plus âgées sont majoritairement contre. Les résidents des petites municipalités sont contre. Ces répondants ont compris subjectivement que leurs dépanneurs en sortiront affaiblis et que leur disparition leur rendrait la vie plus difficile.

Les petites municipalités n'auront pas toutes leur centre d'achats et les personnes plus âgées ou ayant des moyens de transport réduits devront parcourir de plus grandes distances pour se rendre au centre d'achats.

Pour démontrer le danger de l'interprétation d'un sondage, nous citons en exemple le sondage récent qui a été fait lors de l'attaque de l'armée américaine au Panama. Le soir de l'invasion, un

canal de télévision américain a fait un sondage. 95 % des répondants étaient en faveur de l'invasion. Réponse: objective. Le lendemain soir, après la mort d'un seul soldat américain, à la même question, le résultat tombe à 65 %. Réponse: subjective. Il faut tenir compte de quelque chose de nouveau avant de répondre.

À une question: Voulez-vous abolir toute la pollution dans la province de Québec, objectivement, 100 % des répondants diraient oui. Mais si cela force la fermeture de la majorité des industries et la défense d'utiliser une automobile, subjectivement, j'imagine que la majorité des répondants dirait non. À une question: Voulez-vous ne plus payer aucun impôt, objectivement on dirait oui. Mais si on implique que, par ce fait, la fonction publique et le gouvernement disparaîtraient, dans ce seul cas, peut-être que la réponse, même subjectivement, serait oui. Mais il ne faut pas poser de telles questions. (15 h 15)

Tout ceci pour vous dire que les sondages demeurent des sondages et ne donnent qu'une impression d'une volonté populaire. Un groupe sérieux se doit de regarder les résultats d'un sondage, mais il serait dangereux de légiférer d'après les sondages. Nous tenons à mettre en garde le législateur et lui disons surtout de faire bien attention aux sondages dont les questions ne sont pas connues. Je laisse la parole à M. Ledoux pour continuer.

M. Ledoux: Le deuxième sujet, c'est les exemptions et les abus engendrés. Ce sujet n'est certainement pas nouveau pour vous. On a dû en parler dans chacun des mémoires qui vous ont été présentés. C'est le coeur du problème. La loi de 1969 était une loi parfaite et l'est encore aujourd'hui. Les problèmes, ce sont les exceptions à la loi. Comme toujours, certains ont profité des trous afin de se créer une sorte de monopole de la vente au détail. Il était légitime pour le législateur d'accorder une exception pour les pharmacies. L'achat de produits pharmaceutiques ne peut souvent pas être prévu et l'accessibilité à une pharmacie en tout temps était raisonnable.

Mais ce qui devait arriver s'est produit. Dans le cas-problème des superpharmacies, nous n'avons plus affaire à des pharmacies, mais plutôt à des supermarchés. On a oublié le sens de la loi, sa raison première. L'avènement de ces superpharmacies a pris une part importante du commerce des magasins corporatifs et aussi des dépanneurs qui respectaient la loi. Par entraînement, il est normal que Provigo et Steinberg crient. Leur compétiteur a des permissions spéciales. Nous croyons que le ton baisserait si on enlevait ces exceptions.

Le réseau des détaillants indépendants et des grossistes les servant est très fragile. Une perte de 10 % du volume de ventes ferait disparaître la presque totalité des profits. Une fois affaiblis, les détaillants deviendront une proie facile pour les sociétés à grandes surfaces. Ceux qui parient au nom des consommateurs et de l'équité visent, en fait, beaucoup plus le contrôle du marché à leur avantage. Les grandes surfaces pourront facilement réaliser un déplacement appréciable de la consommation avec des superrabais du dimanche, quitte à mieux les ajuster plus tard, le temps d'habituer le consommateur à fréquenter leur commerce. La structure commerciale du Québec sera touchée de façon définitive au détriment de la petite et moyenne entreprise de l'alimentation au détail. Le tout amènera la perte de dizaines de milliers d'emplois qui seront remplacés par des emplois à temps partiel.

De plus, selon nous, la libéralisation du commerce le dimanche, dans l'alimentation, créera un effet d'entraînement dans tous les autres secteurs du commerce au détail. Les autres commerçants voudront profiter de l'achalandage des consommateurs au supermarché pour réclamer leur droit à l'ouverture de leur commerce le dimanche. À ce stade, les Québécois n'auront que le travail en commun. Nous pensons que le gouvernement a le devoir de favoriser l'épanouissement familial, à l'heure où le contexte social est déjà si difficile pour lui, à moins que cette valeur ne soit considérée comme dépassée.

Nous voici aujourd'hui devant une commission parlementaire en laquelle nous avons une grande confiance. Nous vous soumettons humblement nos propositions qui se résument ainsi. Vous les retrouverez dans notre mémoire aux pages 21,22,23 et 24.

Un résumé. Numéro un: dans la définition de "client", nous demandons d'inclure un membre acheteur d'un club d'achats afin de faire cesser les abus des clubs d'achats tels que Club Price.

Nous demandons d'inclure une enumeration limitative des genres de produits pouvant être vendus pour chacune des exceptions autorisées par la loi. Nous demandons le maintien de la règle de trois personnes, en tout temps. De plus, nous demandons que le commerce n'ait pas plus de 3000 pieds carrés, y compris dans les zones touristiques, où étaler les produits à la clientèle.

Ne permettre aucune exception et aucun droit acquis pour les opérations soi-disant autorisées actuellement à contourner la loi. Augmenter la limite des amendes pour les contrevenants et garder intégralement l'article 3 de fa ioi actuelle.

En terminant, nous vous soulignons que nous avons une confiance en la vigueur des PME du Québec et qu'avec un bon encadrement législatif il va se créer un réseau encore plus complet de points de vente dans toutes les régions. De plus, un réseau de dépanneurs bien structuré et protégé par une loi ayant suffisamment de dents aidera à maintenir un système de prix de vente au détail concurrentiel et freinera

toute prise de contrôle ou coalition qui serait au détriment de la population du Québec.

Nous espérons que le gouvernement apportera une solution définitive à un problème sérieux, sans perdre de vue le caractère distinctrf de notre structure commerciale québécoise, et qu'il considérera ce dossier dans la perspective de son effet d'entraînement.

M. le Président et MM. les membres de cette commission, à nouveau nous exprimons notre entière confiance en votre bonne compréhension et nous anticipons des recommandations qui garantiront la survie de milliers d'emplois à temps plein et permettront la continuité des PME qui existent grâce à la loi depuis maintenant près d'un siècle. Mesdames et messieurs, si vous désirez des explications supplémentaires, nous sommes à votre disposition. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Richard: M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): Juste pour une précision. M. le ministre est en retard de quelques minutes; c'est qu'il a dû aller, à l'heure du dîner, à une conférence de presse, à une présentation de quelque chose à Montréal. Il devrait être de retour dans quelques minutes. Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Richard: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs. Maintenant, ça semble être bien clair, après avoir lu votre mémoire et selon vos exposés. Messieurs, vous dites: Si jamais il y a élargissement. Vous imagez ça dans le sens: le gros contre le petit. Vous dites qu'il y a deux possibilités, en fait. En réfléchissant tout haut, on s'aperçoit qu'il y a deux choses qui peuvent se passer. Plus on fait d'auditions, plus on réalise que c'est ça: Ou bien il y a la loi actuelle, excessivement renforcée, en enlevant ou en cancellant des décrets qui ont permis à certains marchés publics, qui ont permis à certaines fruiteries, qui ont permis à certains types de pharmacies d'ouvrir, par une liste très précise, avec des dates précises et qui ont donné, en fait, une forme de droit que d'autres n'ont pas eu parce qu'ils n'étaient pas là avant cette date, donc par décret, par volonté gouvernementale, à tort ou à raison; alors, ça voudrait dire qu'il faudrait effacer ça, ou en grande partie, en tout cas. Ou bien revenir, comme vous le suggérez, au minimum d'exemptions. Actuellement, II y a 19 exemptions dans la loi, entre autres à l'article 5. Vous dites: II faut minimiser ça et aller au minimum. Donc, le dépannage, la gazoline, et il y en a un certain nombre d'autres, qui peuvent aller jusqu'à six ou sept, où on n'a pas le choix, on est pogné avec, il faut absolument qu'ils ouvrent.

Maintenant, le plus gros ou le corporatif - pas nécessairement le plus gros, mais le corporatif - il a tendance à venir nous dire "libéralisation". Libéralisez ça parce que nous, on a perdu du marché, pour toutes sortes de raisons. Certains gros, dans l'alimentaire entre autres, vendent très peu de fruits et légumes; c'est bien évident, on n'en mange pas plus, des fruits et légumes, ou du moins peut-être un petit peu plus, mais pas assez pour que ce soit impressionnant au niveau des chiffres d'affaires, sauf que c'a été transféré en grande partie dans le monde de la fruiterie, qui est un avènement nouveau depuis quelques années, donc de nouvelles habitudes de consommateurs. Là, on y va graine à graine et on s'aperçoit qu'il y en a certains, puisque l'assiette est toujours la même et que l'argent, on n'en invente pas, le salaire n'augmente pas, on l'a souligné ici à plusieurs reprises... Ça veut dire qu'à un moment donné ce sont les mêmes achats ou sensiblement, mais ils ont été transférés d'une place à l'autre, d'un coin de rue à l'autre, dans certains cas.

Alors, ce sont les deux alternatives: ou bien on rend ça plus rigide et on l'applique comme il faut, cette fois-ci, ou bien on libéralise en faisant juste une surveillance, en mettant des balises au niveau des horaires et en surveillant beaucoup plus la qualité du produit. Cependant, les gros nous disent aussi: II y en a, dans le dépannage, qui sont rendus qu'ils font autre chose que du dépannage. Vous avez avec vous M. Chen, entre autres, chez qui je suis allé il y a une dizaine de jours. Vous êtes à Saint-Georges de Beauce.

M. Chen (Ti-Tune): C'est bien ça, monsieur.

M. Richard: J'y suis allé et j'ai acheté, entre autres, parce que vous avez des éléments exotiques... C'est peut-être exagéré, "exotiques", là...

M. Chen: Non, vous avez bien raison.

M. Richard: ...mais vous vendez des coffres à bijoux, vous vendez des produits qui sont de la Chine ou du Japon...

M. Chen: De la Chine.

M. Richard: ...de la Chine et qui sont magnifiques, en passant, des brûleurs d'encens, beaucoup d'objets de décoration ou d'objets qui sont du luxe, en fait, dans votre dépanneur qui est magnifique, en passant, très bien aménagé et très propre, sauf que ça déborde de beaucoup le dépannage qu'on connaissait. Vous avez effectivement un assortiment de fromages, de vins, et vous avez après ça tout ce qu'on appellerait le matériel d'un dépanneur classique. Ça, vous l'avez, mais vous avez ça en ajout. Maintenant,

tous ces ajouts-là, chez vous - parce que vous avez quelques comptoirs qui traitent de ça, il y a ces ventes-là - ça représente quoi par rapport à ce qui est vraiment alimentaire?

M. Chen: Je me suis basé sur ça pour faire un coin touristique. Je suis d'origine chinoise; les gens apprécient la différence de culture, en fait. Ça me crée un lien, une manière d'avoir un lien plus proche avec ma clientèle. Alors, en fait de ventes, ce sont peut-être plus des dépenses d'immobilisation, de tourisme, de contact. Le but de tout ça, c'est d'accrocher la clientèle pour qu'elle puisse rester plus longtemps chez nous puis qu'elle vole les autres produits. Le produit chinois tel que vous l'avez vu, en lui-môme, ce n'était pas dans un but commercial; ça a l'impression d'être commercial, parce qu'il faut que je le vende quand même, mais je ne vends pas réellement de ces produits-là; ça ne représente vraiment pas une portion du chiffres d'affaires du tout, c'est plus touristique, c'est plus pour garder la clientèle chez nous, pour marquer une différence culturelle.

M. Richard: Un peu pour l'attirer, vous semblez dire, au même titre que vous avez la mini-loto, qui n'est pas payante mais qui attire le client.

M. Chen: En fait, dans la Beauce, en étant asiatique, il n'y en a pas beaucoup, alors cet échange culturel me permet de nous faire connaître plus dans le quartier. C'est un moyen pour moi d'approcher les clients, une manière de parler d'abord de produits chinois puis, en fait, de connaître ma clientèle.

M. Richard: Mais pour prendre une expression que vous avez utilisée vous-même, quand j'ai été faire ces quelques achats-là chez vous, surtout pour voir ce que vous aviez à vendre, vos chinoiseries, est-ce que vous les sortiriez de votre commerce si on prenait votre recommandation qui dit: Trois employés et moins pour un dépanneur?

M. Chen: J'ai toujours trois employés et moins. Pour un dépanneur, j'accepterais. Si vous voulez que je sorte ces produits-là, II n'y a pas de problème, monsieur.

M. Richard: C'est parce qu'il pourrait arriver aussi, dans la réglementation, que l'on dise: II faut qu'il y ait un pourcentage alimentaire...

M. Chen: il n'y a pas de problème.

M. Richard: ...en fait, ce qui se mange et qui se boit, au même titre que, pour émettre un permis de boisson, actuellement, on vérifie l'inventaire et l'inventaire constant pour s'as- surer que ce n'est pas uniquement ce qu'on appelle, dans le jargon d'épicerie, un "facing".

M. Chen: Je suis prêt à l'accepter. M. Richard: Vous accepteriez ça.

M. Chen: J'accepterais ça, parce que ça ne fait pas partie de mon commerce, en fait.

M. Richard: Une sous-question: Est-ce que ça ne handicaperait la rentabilité de votre commerce d'aucune façon?

M. Chen: Non. D'après mol, non.

M. Richard: Ça va. Ça répond à ma question à ce niveau-là. Merci, M. Chen.

M. Chen: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): J'avais M. le député de Drummond, pour laisser le temps à M. le ministre de respirer quelques instants.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. J'aimerais entendre un peu ce qu'est Colabor Canada (1973) Itée. Vous avez débuté comme étant un syndicat coopératif. Qui est-ce qui détient aujourd'hui Colabor Canada (1973) Itée?

M. Trempe: Ce sont des grossistes. Tous les grossistes indépendants de fa province de Québec font partie de Colabor. Quand on a commencé, c'était régi par la Loi des syndicats coopératifs, mais c'est devenu très laborieux, parce que la loi nous obligeait à répartir les dépenses à parts égales entre chacun des membres, ce qui est devenu fastidieux, à un moment donné. Puis, on s'est Incorporé par la suite pour avoir une facilité d'opération plus grande. Quand même, c'est la propriété entière des grossistes. Tous les grossistes indépendants de la province de Québec sont propriétaires de Colabor. C'est un centre de distribution et un centre de marketing pour des produits d'épicerie, principalement.

M. St-Roch: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Richelieu.

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, j'aimerais saluer le groupe-Le Président (M. Bélanger): Excusez, M. le député de Richelieu. Est-ce que j'ai consentement, puisque M. le député n'est pas... Maintenant, il est remplaçant de M. Benoit, d'Orford, si...

Mme Marois: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Consentement sur toute la ligne? Je vous remercie beaucoup. M. le député de Richelieu, je vous en prie.

M. Khelfa: Merci, madame. Je suis ému! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Khelfa: M. le Président, je suis ému du consentement unanime, surtout de l'Opposition, bien sûr.

Le Président (M. Bélanger): Mais ne parlez pas de Marine, juste de...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Khelfa: On va parier d'autre chose. De toute façon, je pourrais... M. le Président, dans un premier temps, j'aimerais saluer le groupe Colabor et souligner l'excellent mémoire qu'il a présenté, surtout souligner la présence de son président dynamique qui vient de mon comté. J'aimerais vous souligner que votre présentation, M. Trempe, était intéressante, surtout dans son esprit nouveau, humoristique surtout. Ma question est la suivante. C'est dans le contexte de société libre et de libre concurrence et la possibilité, pour le citoyen en général, d'avoir la liberté de choisir le moment où il pourra magasiner, de choisir le moment où il peut faire ses emplettes. Ne croyez-vous pas que cette concurrence, en étalant l'ouverture un peu plus large, pourrait permettre aux citoyens en général de trouver un prix inférieur au prix qu'on trouve à l'heure actuelle sur le marché? (15 h 30)

M. Trempe: Quand vous pariez de liberté absolue, je pense que Mme la députée de Taillon l'a mentionné hier d'une façon exemplaire, en disant que l'ultime de la liberté devient l'anarchie finalement, parce que la liberté absolue, dans le contexte où ça se présente, avec le volume de ventes possibles que vous avez dans les produits alimentaires, en très peu de temps, deviendra une concentration absolue vers un ou deux centres de distribution dans la province de Québec.

La concentration, certainement, va approcher le contrôle de prix. Je pourrais vous citer le cas Steinberg dernièrement, puis il faut faire l'analogie aussi et la différence qui se produisent là-dedans. N'oubliez pas que Steinberg, avant de devenir la propriété de Gaucher et de la Caisse de dépôt, était contre la libéralisation des heures d'ouverture. Il a changé complètement lorsqu'il est devenu une propriété différente.

Steinberg, auparavant, était certainement une opération rentable, j'imagine, du moins, par ses états financiers, sa présentation. Il savait très bien que ça augmenterait les coûts de changer les heures d'ouverture, alors il se contentait de ce qu'il avait. Comme de raison, Steinberg disait, dans la coalition contre l'élargissement, qu'il était très mécontent des exceptions, parce que c'était leur voler une part de marché, mais il pouvait s'arranger facilement à l'intérieur de ça.

Par contre, depuis l'acquisition de Steinberg par Gaucher, il y a une chose qui laisse démontrer de quelle façon il voit arriver la possibilité de faire une sorte de coalition, parce que Gaucher, lui-même, lors d'une conférence de presse qui était relatée dans le journal La Presse, dtt qu'il vise à une concertation entre les gros de l'alimentation contre les autres. Il dit que de s'entendre ensemble va certainement améliorer la "profitabilité".

Vous savez, messieurs, que dire des paroles semblables - avec mes compétiteurs grossistes, je serais probablement en prison - ça va à rencontre de la loi des coalitions fédérale. M. Gaucher le dit, mais il dit: Ça va assez bien, parce qu'une concertation, dans leur cas, est très facile. La Caisse de dépôt est mêlée dans Pro-vigo, elle est mêlée dans Steinberg aujourd'hui puis elle est mêlée dans Métro-Richelieu. Elle a des représentants sur les trois bureaux de direction. Comment voulez-vous empêcher une concertation?

Alors, si on regarde le but visé parce que parmi toutes ces organisations-là, je crois qu'aucune n'est là purement et simplement pour le bien-être de la société comme telle, c'est de faire des profits. Si on regarde le cas de Provi-go, depuis les sept ou hurt dernières années, depuis que Lortie a fait partie de l'organisation Provigo, ils ont fait de très mauvais coups. Alphonse Turmel, ex-président fondateur de Provigo, l'a mentionné. La preuve, c'est qu'aujourd'hui Médi-Service, Distribution aux consommateurs, Sports Experts puis Market Wholesale, de Californie, sont tous en vente, parce qu'ils perdent de l'argent partout.

Le détaillant ne veut pas arriver un matin puis se ramasser à devoir porter l'odieux du blâme pour réparer, parce que messieurs Provigo ont manqué leur coup. Steinberg, c'est pour le futur, mais que va-t-il se produire? D'après le contexte dans lequel ça se présente, avec les personnes qui sont sur place, qui n'ont absolument aucune connaissance en distribution alimentaire... Je veux bien croire que Steinberg, entre nous, a certainement trouvé un moyen, parce que, avec l'avènement de Mario Bertrand, probablement que ça va aider. Il doit s'y connaître énormément en distribution alimentaire, j'imagine. Si on les prend ensemble, ça va nous faire la Caisse de dépôt, Mario Bertrand puis Gaucher.

Si ça ne va pas bien un jour, dans le futur, il me semble qu'il va y avoir des portes d'ouvertes pour eux autres à quelques hauts lieux dans le gouvernement. Ça va certainement être plus facile pour eux autres de rejoindre quelqu'un à

un moment donné pour lui dire: Ça ne va pas bien. Mais pour ceux qui sont dans le problème, il y a des étapes à suivre. SI on libéralise les heures d'ouverture, c'est bien certain qu'on permet une concentration. Les plus faibles vont disparaître au départ.

Nous autres, on est les représentants des plus faibles. Vous avez rencontré des groupes comme Provi-Soir, Septs Jours. Il y a le palier du corporatif, bien soutenu, très lourd, très pesant, bien structuré. Ensuite, il y a le groupe Provi-Soir ou le groupe qu'on calcule être associé au corporatif, parce que les immeubles, les équipements appartiennent au corporatif. Ils sont sur franchise et puis ils louent, ils paient tant de leurs ventes.

Vous avez, au bas de l'échelle, le groupe que, nous autres, on représente. On est totalement indépendants. On n'est rattachés à personne. On a une indépendance totale, mais nous sommes les plus vulnérables. Alors, supposons qu'au départ les plus vulnérables disparaissent avec un élargissement des heures d'ouverture. Vous avez, la journée qu'ils disparaissent, le contrôle absolu dans la main des trois principaux distributeurs de la province de Québec. Il ne reste plus rien d'autre.

Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez, je vous interromps pour céder la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Comme mon collègue mentionnait que le président demeurait dans son comté, l'entreprise Colabor est dans mon comté. Je vous souhaite la bienvenue au nom de...

Une voix:...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Vous êtes bien sûr? Peut-être qu'à fouiller on en trouverait.

Le Président (M. Bélanger): On ne fera pas de guerre intestine. On va continuer sur les heures d'ouverture.

Mme Marois: Faites attention! J'ai donné la permission que vous soyez là et je peux la retirer. Mais je ne ferai pas ça, vous le savez bien. La liberté d'expression.

Le Président (M. Bélanger): ...n'aggravez pas.

Mme Marois: N'aggravez pas votre situation. Le Président (M. Bélanger): Mme la députée.

Mme Marois: Je crois que les propos que vous tenez vont un peu dans le sens de tout ce qui se fait comme analyse actuellement sur les marchés. D'ailleurs, dans le journal Les Affaires du 24 février au 2 mars, on disait: Distribution alimentaire, au Québec, un des quatre grands disparaîtra. C'était un petit peu l'analyse qui était faite de ce qui se passe actuellement au niveau du secteur alimentaire.

Je pense bien que je n'ai pas à vous redire que je partage votre point de vue. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à maintes reprises ici. Quand je dis "je", je le fais au nom de ma formation politique.

Je vais poser un certain nombre de questions, mais, avant de vous adresser quelques questions, j'aimerais savoir si ce qui est affirmé dans le rapport... Comme on a le responsable du rapport Richard ici, j'aimerais peut-être lui poser quelques questions. Il est dit dans le rapport que, bien que les représentants de la société ou de la corporation Jean Coutu aient été invités à présenter des recommandations lorsque vous avez siégé, ils ne l'ont pas fait. Est-ce que c'est juste?

M. Richard: Je dois dire, Mme Marois, que oui, c'est exact. Nous avions, évidemment, comme toute formation, demandé et émis des délais qui étaient relativement longs. Ça s'est espacé d'ailleurs sur plusieurs mois. En aucun temps les pharm-escomptes n'ont présenté un mémoire. On les a contactés à plusieurs reprises et c'est lorsque l'ensemble des mémoires et des auditions ont été terminés que là on a eu un contact direct avec Jean Coutu. Et là ça passait par en haut de la ligne directement. Ils ont dit: Oui, c'est vrai, on réalise qu'il y a une consultation et on serait prêts à aller vous rencontrer. Les auditions étaient terminées et ça faisait un bon petit bout de temps. On a quand même rencontré, non pas le comité, mais quelques membres du comité, M. Coutu et son garçon, qui nous ont présenté, à ce moment-là, un mémoire.

Mme Marois: D'accord.

M. Richard: Mais c'est un mémoire qui a été présenté post...

Mme Marois: Après que les délais eurent été...

M. Richard: Oui, postconsultation.

Mme Marois: D'accord. Alors, c'est parce que c'était...

M. Trempe: De quelle façon compte-t-on la période des questions, quand ça se produit entre les deux groupes parlementaires?

Mme Marois: Je perds de mon temps. Mais je ne le perds pas vraiment. Vous avez vu, j'ai une réponse très pertinente de la part...

Le Président (M. Bélanger): Elle prend du temps, mais ne le perd pas.

Mme Marois: Jamais. Je pense que c'est important. Vous le rappelez à quelques reprises. J'avais regardé rapidement votre mémoire. Évidemment, à 90 mémoires, on n'a pas le temps de tous les voir les uns après les autres dans le détail. Évidemment, quand arrive la journée, on les revoit, etc. Alors, je me souvenais que c'était quelque part, mais ça m'avait échappé un peu. Et la vous le rappelez très clairement, évidemment, ça ne peut pas être davantage dit. Je vous dirais que vous avez peu d'expérience pour présenter un mémoire en commission, mais que vous le faites comme si vous en aviez beaucoup. Il y a beaucoup d'humour aussi dans votre mémoire. Parfois de l'humour noir, mais il y en a. Je vous cite Juste une phrase qui est un peu amusante: N'importe quel nono sait très bien que, lorsqu'on est le seul à faire du commerce certains jours les soirs de la semaine, c'est payant, c'est normal, on arrache des ventes à d'autres. Mais je pense que c'est un peu l'objet de nos débats et ce qui explique, d'ailleurs, notre consultation, c'est: Comment faire en sorte qu'on rende les marchés plus équitables?

Vous distribuez à combien de détaillants?

M. Trempe: C'est une question qui est difficile à répondre parce que ce qu'on qualifie comme étant un dépanneur est évalué différemment par certains groupes. La coalition pour l'élargissement des heures d'ouverture parle de 14 000 points de détail en épicerie au total, dont 1100 et quelques qui sont corporatifs. Ça veut donc dire que, théoriquement, le reste serait 13 000 dépanneurs. Par contre, le journal Le dépanneur en dénombre à peu près 8000 dans la province. D'un autre côté, quand on fait un dénombrement des dépanneurs, il y a aussi de très petits dépanneurs, qui sont des opérations familiales seulement, qui semblent être oubliés dans certains recensements de dépanneurs.

Mme Marois: Dans certaines données statistiques, oui.

M. Trempe: Nous autres, on sait pertinemment que le dépanneur indépendant à sa simple expression...

Mme Marois: Oui.

M. Trempe: ...on en fournit probablement 70 % à 75 % de ce qui existe dans la province de Québec.

Mme Marois: O.K.

M. Trempe: Pour le démontrer comme tel, si on veut être conservateur, le nombre de ce qu'on appelle un dépanneur, ça joue entre 4500 et 7500 points de vente, dépendant de la définition qu'on donne à "dépanneur".

Mme Marois: D'accord. Mais c'est un chiffre à peu près de cet...

M. Trempe: Oui.

Mme Marois: ...ordre-là. Bon! Je pense que vous faites une démonstration quant à tout l'aspect économique du problème qui est soulevé.

Il y a un problème... Enfin, chaque fois, on se pose la question et j'imagine que chez vous ça doit être particulièrement le cas puisque souvent ces dépanneurs-là sont nés ou ont existé de par le fait que la loi, justement, a établi qu'il y avait des services essentiels qu'on devait rendre et, pour éviter qu'il n'y ait de l'injustice, on l'a fait dans des règles bien strictes. Donc, j'imagine que les dépanneurs que vous desservez sont des gens qui sont favorables au point de vue que vous défendez aujourd'hui.

M. Trempe: À100 %.

Mme Marois: Alors, vous poser la question, c'est y répondre dans le contexte actuel, donc passons à une autre plutôt qui me préoccupe. Une des questions qui est soulevée ici, depuis le début, c'est: Pourquoi faire une loi qu'on ne sera pas capable de faire respecter? Le ministre a une façon très élégante de dire ça - d'ailleurs, je lui rends hommage pour cette élégance qu'il met à le dire - il dit: Nos entrepreneurs ont tellement d'imagination - et c'est vrai, d'ailleurs - qu'ils trouveront bien des façons d'imaginer des trous, des failles dans la loi et, de façon tout à fait légale, mettront en place de nouveaux commerces, de nouveaux services pour lesquels il faudra encore se reposer la question dans quelques années.

Alors, selon votre point de vue à vous, l'expérience que vous avez dans le type de commerces que vous fréquentez - il y a des gens qui ont même des commerces et qui sont là aujourd'hui - est-ce qu'il est possible d'appliquer une loi qui respecterait les critères que vous nous proposez de retenir?

M. Trempe: Absolument. Toute loi doit être respectée. La preuve, c'est que les dépanneurs que nous représentons ont toujours respecté la loi. J'ai entendu, lors des interventions, hier ou avant-hier, quelques représentants qui parlaient des dépanneurs quasiment avec dédain, en disant: Ce sont des vendeurs de bière, de cigarettes, de vidéos et ça arrête là. Nous autres, on est de puissants personnages, opérant de puissantes entreprises! Mais la chose qui se produit, c'est que le dépanneur a tout le temps opéré en dedans de la loi. Il y a des personnes, parmi les dépanneurs qui opèrent dans la province de

Québec, qui sont aussi brillantes que n'Importe laquelle des personnes que vous avez rencontrées...

Mme Marois: Je suis persuadée de ça.

M. Trempe: ...et qui, aujourd'hui, contrôlent des empires. Mais ils ont opéré en dedans du contexte de la loi, ils n'ont jamais pu aller plus loin. Alors, c'est vrai qu'aujourd'hui un dépanneur vend peut-être 10 % ou 15 % de ses ventes en vraie épicerie. C'est un gros vendeur de bière, à prix coupés. C'est un vendeur de produits de tabac, de vidéos peut-être comme à-côté. Parce qu'ils sont limités à trois personnes, ils ne peuvent pas s'en aller dans une distribution qui prendrait beaucoup de personnel. Donc, vendre des vidéos, c'est un à-côté qui ne prend pas de personnel supplémentaire, qui est un certain profit d'appoint. Mais on ne peut pas les traiter avec dédain; ils ont suivi la loi.

Mme Marois: Oui.

M. Trempe: Vous parlez de l'application de la loi. Je trouve curieux qu'à une loi, qui a été faite en 1969, qui est une loi parfaite, on arrive en 1984 et on accepte des exceptions parce que les exceptions ont désobéi à la loi depuis 1969. Il se passe un bon bout de temps, là! Eux autres, ils ont oublié la loi, ils avaient le droit d'oublier la loi. Ce sont des groupes, on le voit par leurs déclarations dans les journaux, qui semblent être au-dessus du gouvernement; ils n'ont peur de personne, ils n'ont peur d'aucun député. Ils sont habitués d'opérer en dehors de la loi et ils ont tout le temps été respectés en opérant en dehors de la loi; ils sont puissants et ils s'en vantent. Nous autres, c'est le petit dépanneur. Je disais, dans les parties que je ne vous ai pas présentées, que la plupart de nos dépanneurs ne se laveraient probablement pas la main pendant une semaine de temps après avoir serré la main d'un ministre, alors que les gros, ceux dont on parle, s'en foutent comme de l'an quarante ou ont une porte d'entrée assez grande qu'ils n'ont même pas besoin de se poser la question. Ça fait que ce sont deux genres complètement différents de personnes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trempe: Bien, c'est sûr qu'on représente, nous autres, ceux qui ne se laveraient pas la main.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Vous décrivez bien, je pense, un certain nombre de choses.

M. Trempe: Je dis: Pour respecter la loi, moi, j'ai une très grande confiance - et on le dit dans la présentation - que nos dépanneurs, ce sont des gars aussi brillants que ceux de n'importe quelle superpharmacie. Donnez-leur une protection par une loi simple et il n'y aura aucun problème avec ça, la distribution va se faire partout dans la province. On n'a même pas peur des zones touristiques parce qu'il va y avoir des dépanneurs assez brillants pour aller en ouvrir à la place où ça doit être ouvert. On n'a pas peur de ça du tout, mais avec une loi simple, pas d'exception.

Mme Marois: D'accord. Parce que vous pensez que c'est le régime d'exception qui rend la loi difficilement applicable?

M. Trempe: Plus que ça, le régime d'exception force Provigo et Steinberg à crier aujourd'hui. Être à leur place, je crierais; ils ont créé des exceptions, une compétition directe. Ils ne leur manque plus qu'une boucherie dans certains cas et le cas est réglé. Et, si vous regardez, l'exception est drôlement faite. Je connais une pharmacie Jean Coutu, moi, qui a doublé son espace de plancher l'an passé. (15 h 45)

Mme Marois: Oui. Vous le mentionnez dans ça, d'ailleurs.

M. Trempe: Oui. C'est quoi qui se passe? Il n'avait pas le droit d'agrandir avant 1969, mais là, après, ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent. À un moment donné, Ils vont avoir une boucherie là-dedans et ils vont avoir à peu près n'importe quoi. Dans le contexte présent, vous opéreriez une superpharmacie à côté d'un Steinberg et je pense que vous feriez fermer le Steinberg. Ça ne tient plus debout. Ça fait que là ils ont droit de crier, eux autres, et c'est normal, mais ils ne crient pas parce qu'ils doivent crier. Ils ont tenté toutes sortes d'expériences depuis les dix dernières années pour essayer de s'en sortir; ils ont fait un flop partout, puis là, ils sont mal pris puis ils disent: Astheure, donnez-nous du commerce; détruisez tous les autres et donnez-nous-en.

Mais le problème original vient de quoi? L'exception. L'exception qui a tout le temps brisé l'opération d'un commerce normal régi par une loi normale. La loi de 1969 est d'une beauté parfaite, pourvu qu'elle soit appliquée telle qu'elle doit l'être, et je n'ai aucune crainte. N'oubliez pas une chose aussi, la loi de 1969, la qualité qu'elle avait: elle a créé des emplois permanents. Tous les dépanneurs qui opèrent un dépanneur, aujourd'hui, c'est un emploi permanent. Dans beaucoup de municipalités ou de comtés où it y a eu des problèmes économiques, du chômage - j'en parle, dans mon comté, avec Marine Industrie - vous avez eu plusieurs personnes qui se sont permis d'ouvrir, dans leur salon, un dépanneur familial. Ça, c'est la plus simple expression d'un dépanneur. Ce gars-là,

aujourd'hui, n'est pas sur le bien-être social, il ne retire pas d'assurance-chômage puis il fart vivre sa famille. C'est la plus simple expression d'un dépanneur, mais c'est un emploi permanent.

De l'autre côté, les pharmacies ou les supergrands vous parlent de création d'emplois temporaires. Je vois leur jeu, il est extraordinaire. Quand on voit - j'espère qu'il n'y en a pas ici - des représentants des syndicats qui sont contre l'élargissement, ils le font, eux autres, parce qu'ils voient très bien que leur mobilisation va disparaître. Ça va peut-être bien être plus facile d'opérer avec très très peu de personnes permanentes, puis un grand groupe de personnes qui vont avoir une rotation les soirs, les fins de semaines. Ça va être excessivement facile pour eux autres, ils vont couper leurs coûts. Mais là vous créez des emplois temporaires puis vous faites disparaître des emplois permanents.

Dans des mémoires qui vous ont été présentés, on parie de création de 2500 emplois temporaires. Extraordinaire! Ah c'est-y beau! Mais c'est peut-être la disparition de 10 000 emplois permanents. Là, c'est l'autre bout qu'on oublie, par exemple: ils sont permanents ces emplois-là. Ce ne sont pas des emplois...

Le Président (M. Bélanger): Je vous interromps, je dois céder la parole à M. le ministre.

Mme Marois: Merci. M. Trempe: Merci.

Le Président (M. Bélanger): II y avait M. le député de Drummond qui voulait prendre la parole. Non?

M. St-Roch: C'est déjà fait, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): C'est déjà fait? Bien.

M. Tremblay (Outremont): Ça me fait plaisir. Je m'excuse d'avoir été en retard tout à l'heure.

Si on retournait à la loi de 1969, toutes les pharmacies d'escomptes qui opèrent aujourd'hui de grande surface, en autant qu'elles ne soient plus liées entre elles, pourraient opérer. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

M. Trempe: Pourvu qu'il y ait moins de trois employés ou...

M. Tremblay (Outremont): Non. Non, non. Dans la loi de 1969, elles avaient le droit. Ce qui a changé, en 1984, c'est le fait qu'on a éliminé, en échange - non, non, attendez! - du fait que les commerces ne pouvaient pas être liés en 1969 - il y avait l'exception qu'il pourrait y avoir plus de trois employés pour les pharmacies avec l'alimentaire... Ce qui s'est passé, en 1984, c'est qu'en échange du fait que les commerces ne puissent pas être liés, entre autres des pharmacies d'escomptes, on a créé une exception dans la loi pour 219 pharmacies. Alors, si vous voulez qu'on retourne à la loi de 1969 telle qu'elle était, ça veut dire que tout ce que Jean Coutu aurait a faire, pour être plus précis, parce que c'est vous qui le mentionnez, c'est vendre, à qui il veut, ses commerces Et, si ces personnes-là ne sont pas liées et n'ont pas une structure corporative, il n'y a aucun problème, toutes les pharmacies d'escomptes pourraient opérer. Ça, c'est la loi de 1969.

M. Trempe: M. le ministre, première chose, vous êtes tout excusé, en autant que je sois concerné, d'avoir été absent pendant un petit bout de temps. Ça concerne certainement mon comté et je crois que tous les résidents du comté vont être excessivement intéressés.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trempe: Si vous regardez, M. le ministre, pour revenir au sujet que l'on veut traiter, la loi de 1969, l'article 5.7° dit qu'il y a exemption pour les points de vente vendant des "produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires".

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais continuez...

M. Trempe: Comme tel, on n'a absolument rien contre l'application de cette loi, parce que c'est normal que vous ayez accès à une pharmacie le plus d'heures possible.

M. Tremblay (Outremont): ...continuez à lire. Continuez à lire. Lisez le paragraphe, en bas.

M. Trempe: Bien non, il arrête, le paragraphe. Après ça, "de boissons alcooliques", ça ne doit pas concerner les pharmacies.

M. Tremblay (Outremont): Non, mais c'est parce que vous n'avez pas la loi de 1969.

M. Trempe: Oui, c'est la loi de 1969.

M. Tremblay (Outremont): En bas c'est marqué... Attendez, je ne pense pas que vous ayez... Elle n'est pas là...

M. Trempe: Elle vient de votre livre.

M. Tremblay (Outremont): Non, mais ce n'est pas la loi de 1969.

M. Trempe: Ah, bien, c'est une belle affaire, une loi sur les heures d'ouverture...

M. Tremblay (Outremont): Non, c'est la loi modifiée en 1984. Il n'y avait pas de "7°". C'était de l'alphabet qu'il y avait. Il y avait: "...de produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires". Après, on disait: "Elle ne s'applique pas aux établissements commerciaux ni aux parties distinctes et cloisonnées de tels établissements." On parlait spécifiquement des produits pharmaceutiques et ça terminait par: Ils peuvent avoir plus de trois personnes, "comprenant patrons et employés; toutefois - c'était ça la subtilité - ce commerce ne devra pas faire partie d'un plus grand nombre d'établissements commerciaux liés les uns aux autres en association". Ça veut dire que, si on retournait à cette loi et qu'on avait des propriétaires indépendants pour les pharmacies à grande surface, ces pharmacies pourraient faire ce qu'elles veulent.

Mme Marois: M. le ministre, je ne comprends pas. Je n'ai pas la loi, Je m'excuse.

M. Tremblay (Outremont): Je peux vous la...

Mme Marois: J'aimerais l'avoir, parce que je ne pense pas qu'elle est au cahier de toute façon. Il est dit: "produits pharmaceutiques, hygiéniques".

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais après ça...

Mme Marois: On ne parie pas d'autres produits, ça s'arrête là.

M. Tremblay (Outremont): On peut vendre tous les autres produits mentionnés en haut, même s'il y a plus de trois employés, en autant que les commerces ne soient pas liés.

Mme Marois: Mais les produits mentionnés en haut c'est de pharmacie.

M. Tremblay (Outremont): Non, il y a les produits alimentaires aussi. C'est: "...s'y vende en outre que des produits alimentaires". En tout cas, c'est le passé, mais tout ce que je veux vous dire, c'est: Pourquoi, en 1984, y a-t-il eu un changement? C'est qu'il y a eu certaines pharmacies d'escomptes qui s'étaient regroupées sous un chapeau corporatif. Alors, en échange de leur droit individuel d'opérer des pharmacies séparées, vendant sur de grande surface, ils ont dit: On va renoncer à ce droit, en autant que vous nous permettiez, pour les pharmacies mentionnées dans la loi, donc 219 pharmacies, le droit d'ouvrir en tout temps, même si on n'a pas que trois employés. C'est ça qui est arrivé.

Alors, quand vous me dites que vous êtes prêt à retourner à la loi de 1969, je vous comprends, mais la loi de 1969 a cette disposition. Mais, dans le débat qu'on a, je comprends très bien votre position. Je voulais au moins clarifier ça. Je pense que c'est important.

M. Trempe: Si on le regarde... Et je crois qu'il n'y a personne de nous - vous êtes tous jeunes - qui étaient là, en 1969, pour faire les modifications. Si les modifications ont été faites dans ce sens, ce n'est pas de la façon que je les vois. Je voulais revenir à l'essence de la loi même où une pharmacie est autorisée à ouvrir pourvu qu'elle vende des produits pharmaceutiques, des produits de santé et de beauté. Là, c'est arrêté. On l'a marqué dans notre mémoire. On ne peut pas être spécialistes dans toutes les matières. Je ne voudrais pas m'imposer comme étant un spécialiste dans les fruiteries, dans les pharmacies, dans tout ça. Il y a des besoins de société que cette commission doit examiner. Par contre, on marque dans notre mémoire que, si jamais la commission doit donner une exemption, elle le fasse avec une quantité limitative de sortes de produits qui pourraient être vendus dans telle sorte d'exception. Qu'on n'ouvre pas tout grand une exception. Qu'on dise, à un moment donné, que pour une pharmacie - comme c'était écrit dans le texte que moi j'ai ici - il s'agit "de produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires". Si ça se tient à ça: merveilleux. S'ils ont moins de trois personnes: parfait, c'est différent. Toute la règle des trois personnes, nous l'acceptons. S'ils ont plus de trois personnes, c'est la partie qui doit être vendue en dehors des heures. Mais je ne veux pas aller à l'extrême et vous imposer... On ne s'y connaît pas là-dedans. Par contre, j'imagine qu'ils pourraient quand même survivre en leur permettant, en dehors des heures d'ouverture permises par la loi, d'avoir une certaine division et de vendre les trois sortes de produits qui sont là. Ils feront un réaménagement là-dedans, ils poseront un mur quelconque et ils vendront ces produits dans les heures permises. Qu'ils vendent comme n'importe qui. On n'est pas contre ça.

Je ne sais pas, je n'ai pas eu le plaisir d'assister... Par contre j'ai parlé avec quelques pharmaciens. Le pharmacien comme on l'entend, la petite pharmacie avec tous les services, je ne sais pas s'ils ont présenté un mémoire, mais je sais qu'ils ne doivent pas aimer ce qui se produit dans le cas des pharmacies Jean Coutu.

M. Tremblay (Outremont): L'Ordre des pharmaciens, est venu nous exposer son point de vue, qui représente sensiblement ce que vous dites. C'était clair.

M. Trempe: C'est ça. On regarde la question...

Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez, on va céder la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Continuez, je vous écoute.

M. Trempe: Je voulais faire une comparaison: les pharmacies que l'on connaît ici, les petites pharmacies avec tous les services ont complètement disparu avec l'avènement des très grandes pharmacies. Regardez dans le sud des Etats-Unis, par exemple. Tentez d'avoir une prescription d'une pharmacie livrée chez vous! Tentez ça! Ça n'existe pas. Rendez-vous sur place et la plupart n'ont même pas de téléphone. C'est rendez-vous là. C'est un service que nos pharmacies donnent partout dans la province de Québec quand quelqu'un est malade un dimanche après-midi ou un soir. Vous pouvez appeler et elles ont le service de livraison dans la plupart des pharmacies. Mais, aussitôt que la pharmacie devient une superpharmacie, ça n'existe plus. Elles sont peut-être obligées, dans certains cas, présentement, de le faire, parce qu'il y a une compétition qui le fait, mais faites disparaître les autres et il n'y en aura plus. C'est l'opération d'un numéro pure et simple. Rends-toi sur place. Même si tu fais 102° de température, ça n'a pas d'importance. Ce service-là n'existe plus.

Dans la province de Québec, c'est différent, on l'a le service. Il ne faut pas tenter de le faire disparaître, c'est un très bon service. Protégeons-le, permettons à la vraie pharmacie d'ouvrir sept jours par semaine, mais n'allons pas la faire disparaître pour en ouvrir une autre à côté qui, elle, a tous les droits. Moi, je dis: ôtons les exceptions, faisons-les disparaître complètement. Provigo, Steinberg ne crieront plus tellement fort parce qu'ils ont leur marché et qu'ils sont solides dans leur marché.

M. Tremblay (Outremont): Sauf le vôtre.

M. Trempe: Non, on dit trois personnes ou moins.

M. Tremblay (Outremont): Non, mais c'est ça, c'est une exception.

M. Trempe: Elle origine de tellement loin qu'il s'est créé alentour de cette exception...

M. Tremblay (Outremont): Vous pouvez rationaliser votre position. Je comprends, mais je vous dis...

Mme Marois: Ça fait longtemps, M. le ministre, que vous le faites, alors je vais la rationaliser pour vous.

Le Président (M. Bélanger): Avec raison, puisque la parole appartient à Mme la députée de Taillon.

M. Trempe: Merci, Mme Marois.

Mme Marois: C'est parce que je trouve qu'il faut faire attention quand on dit ça parce qu'il est nécessaire d'avoir du dépannage. L'idée, c'était de s'assurer - c'était justement ça - qu'il y ait le respect d'une journée où on cessait les activités parce que, d'abord, c'était l'objectif à l'origine. Mais justement, en cessant les activités commerciales et de production pour la majorité, on se disait: II faut quand même être capable de répondre aux besoins essentiels. Donc, on a prévu les pharmacies, les besoins de santé et on a prévu du dépannage aussi en se disant qu'il fallait quand même que quelqu'un qui est mal pris puisse manger. C'était la philosophie et l'idée de permettre que des entreprises pouvant faire commerce ouvrent le dimanche, à la condition qu'elles respectent certaines règles. Alors, c'étaient des exceptions, puisqu'on parle souvent du besoin des consommateurs et des consommatrices, permettant d'assurer une réponse aux besoins des consommateurs et des consommatrices. Il ne faut pas retourner les choses, maintenant, et leur faire dire ce qu'elles ne disent pas. C'était ça la philosophie, c'était ça l'origine et ça préservait l'équité parce que, justement, on se disait: Ce seront de petits commerces, ils ne concurrenceront pas l'ensemble du marché alimentaire, et on s'imaginait qu'il allait s'en ouvrir, de toute façon, dans les différents quartiers ou les différentes communautés des régions. C'est terminé. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous inviterais à remercier nos invités.

Mme Marois: Je vous remercie de votre intervention. C'était, effectivement, très intéressant de vous entendre. On sent que vous croyez beaucoup au point de vue que vous défendez. Vous le défendez avec beaucoup de fougue et de passion. Je pense que c'est important aussi qu'il y ait un peu de passion dans la vie. Alors, je vous remercie de votre contribution à nos travaux.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie beaucoup, MM. Trempe, Ledoux, Cadrin et Chen Ti-Tune. Je vous remercie d'être venus nous voir. On va prendre en considération vos représentations dans l'importante décision qu'on va avoir à prendre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie le groupe Colabor Canada (1973) Itée et invite à la table des témoins les Marchands Métro pour l'ouverture des marchés d'alimentation le dimanche.

Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place, s'il vous plaît, pour que nous puissions procéder à l'audition du mémoire des

Marchands Métro pour l'ouverture des marchés d'alimentation le dimanche. Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Je vais vous préciser nos règles de fonctionnement: vous avez 20 minutes ferme, maximales pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais, s'il vous plaît, chaque fois que la chose est possible ou que vous y penserez, de bien vouloir vous identifier lorsque vous aurez à prendre la parole, ceci pour les fins de transcription au Journal des débats. Ça aide beaucoup. Sans plus tarder, je vous prierais de commencer. (16 heures)

Marchands Métro favorables à l'ouverture des marchés d'alimentation le dimanche

M. Boyer (Jean-Pierre): Pour commencer, je voudrais remercier le ministre, Mmes et MM. les députés. J'aimerais, tout d'abord, remercier les membres de cette commission parlementaire de nous accueillir aujourd'hui pour permettre aux marchands Métro favorables - tantôt, vous avez donné un mauvais titre, je pense: "pour l'ouverture" des magasins; c'est "favorables à l'ouverture" - à l'ouverture des magasins le dimanche de faire valoir leurs points de vue. Je me présente, Jean-Pierre Boyer. Je suis un marchand Métro, propriétaire d'un supermarché situé sur le chemin Chambly, à Longueuil. J'ai avec moi des confrères marchands et je leur laisserai le plaisir de se présenter.

Mme Choquette (Marilyn): Marilyn Cho-quette, propriétaire de deux supermarchés Métro, à Magog. Je suis située dans une zone touristique.

Pépin (Jean-Yves): Jean-Yves Pépin, marchand Métro de Boucherville et de Varennes.

M. Boyer: Tout d'abord, je veux dissiper toute ambiguïté quant à la position des marchands Métro. Il n'y a pas de chicane dans la cabane chez nous. Il y a juste des gens qui sont pour l'ouverture, et il y a des gens qui sont contre l'ouverture.

Le Président (M. Bélanger): Comme ici. M. Boyer: Comme ici, exactement. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: II y en a qu'on ne sait pas, et il y en a qu'on sait.

M. Boyer: C'est ça. Je représente, pour ma part, un groupe important de marchands qui sont favorables à l'ouverture le dimanche parce qu'ils veulent travailler le dimanche, mais aussi parce qu'ils sont convaincus que c'est la seule voie réaliste et acceptable, aujourd'hui, compte tenu de la demande des consommateurs. Je tiens, d'ailleurs, à préciser que la liste des marchands Métro contre l'ouverture le dimanche nous a été remise hier. C'est erroné un petit peu là-dedans parce que j'ai ma consoeur ici, Mme Choquette, son nom est dedans et, je veux dire, elle n'a pas signé cette liste. On y mentionne des marchands, supposément contre, qui sont avec moi aujourd'hui. Jean-Yves, la même chose Ici.

À titre de commerçant indépendant, je me suis impliqué, depuis plusieurs années déjà, dans le débat des heures d'affaires. En 1988, un groupe de 20 marchands a été à l'origine d'une première coalition pour faire valoir l'équité entre les commerces. M. le ministre, à ce moment-ci, permettez-moi de vous dire que j'avais fait le tour de la province de Québec, justement parce que j'étais tanné de voir des gens qui ouvraient leurs magasins et que, nous autres, on était obligés de fermer. À ce moment-là, j'avais fait le tour deux fois de la province de Québec pour sensibiliser les gens et essayer de trouver une solution à apporter au gouvernement, de façon qu'on vienne à bout de trouver une équité quelque part.

Maintenant, le groupe des 20 s'est considérablement élargi depuis et a intégré d'autres bannières. C'est devenu la Coalition pour l'équité et le libre accès aux marchés d'alimentation le dimanche. Lors d'une tournée provinciale effectuée en 1988, les marchands Métro et Richelieu se sont déclarés favorables à l'ouverture le dimanche, dans une proportion de 66 %. Je dois souligner que les enjeux de l'avenir pour leurs commerces leur avaient été bien expliqués et que c'est dans ce contexte qu'ils se sont prononcés. C'est sur cette base que Métro-Richelieu a fait part, lundi, de sa position en faveur de la libéralisation dans le mouvement québécois pour la libéralisation des heures d'affaires.

M. Jacques Maltais, président et directeur général de Métro-Richelieu, a d'ailleurs admis, en conférence de presse, que la question divisait les gens. Et ça, nous là, on le respecte. On est d'accord. Il y a des gens chez nous, on peut parier chez nous. C'est une coopérative capitaliste, comme on l'appelle. On peut dire notre opinion. Maintenant, je veux dire, je ne voudrais pas être menacé parce que je dis mon opinion. Parce qu'en 1988 il s'est passé des choses. J'ai dit mon opinion et il s'est passé des choses. Je n'aimerais pas que ça revienne encore parce que, des vitres descendues, je n'en veux plus.

Permettez-moi de reprendre quelques points défendus lundi par Métro-Richelieu, qui résument bien l'opinion des marchands que je représente. La libéralisation ne veut pas dire obligation. Au contraire, c'est une position qui favorise la liberté de choix, quel que soit ce choix.

Beaucoup d'inquiétudes et de craintes ont été exprimées à ce sujet. Il n'est pas certain que nous ayons aujourd'hui toutes les réponses à ces

questions. Mais on doit se rendre compte que le monde a changé et qu'on ne peut pas construire l'avenir avec les arguments du passé.

Il est difficile de revenir en arrière, surtout dans certaines régions où vous avez des clubs Price d'ouverts. Vous avez répondu, peut-être sans vous en rendre compte, à un besoin de consommateurs et qui, aujourd'hui, génère beaucoup de chiffres d'affaires dans un secteur donné, qui est l'alimentation. Moi, je suis à Longueuil et je peux vous dire - c'est près de votre comté ça, madame...

Mme Marois: Oui, ça dépend de quel côté du chemin Chambly vous êtes. À l'ouest ou à l'est?

M. Boyer: À l'ouest.

Mme Marois: À l'ouest, c'est dans Ma-rie-Victorin. Mais ça me fait plaisir quand même de vous entendre.

M. Boyer: Oui. Il y a beaucoup d'activité sur le chemin Chambly.

Mme Marois: Oui, je sais.

M. Boyer: Ce serait fermer les yeux sur les changements qui sont déjà là et refuser les défis qu'annonce l'avenir. Le profil des familles québécoises a changé et les besoins des consommateurs aussi. Ce sont des réalités avec lesquelles nous devons composer. Plus que tout autre, le commerçant doit s'ajuster aux besoins de ces consommateurs pressés, coincés par des craintes de temps réelles, qui recherchent des alternatives au magasinage aux seules heures d'affluence. Et j'ajouterai que tous les commerçants qui se sont ajustés, en utilisant divers moyens, ont vu leur fréquentation augmenter de façon impressionnante. Ici, j'ai ma collègue qui est dans une zone touristique, et elle se fera un plaisir de répondre aux questions sur les zones touristiques. Elle opère deux magasins.

C'est en tenant compte de ces données que nous privilégions la liberté de choix, car c'est l'option la plus souple pour répondre aux besoins actuels et à ceux de l'avenir.

Nous reconnaissons tous ici l'urgence d'en arriver à une solution qui va rétablir l'équité entre les commerces. Je m'en tiendrai, cet après-midi, à répondre aux inquiétudes et aux craintes qui ont été soulevées, depuis le début de cette commission parlementaire, par rapport à l'ouverture le dimanche et à vous faire part de nos recommandations.

Premièrement, on nous a dit: Les petits commerçants vont être pénalisés aux dépens des gros. Mais moi, j'ai commencé en affaires en 1967 avec un commerce de 3000 pieds carrés, comme vendeur de cannes de "beans", je me suis bâti un clientèle, j'ai travaillé fort et, aujour- d'hui, je suis rendu avec un commerce de 30 000 pieds carrés. Quand je vois des surfaces ouvrir le dimanche près de chez nous, des clubs Price, des marchés publics, je me pose de sérieuses questions: Où s'en va mon commerce? Est-ce que je me suis battu pour rien pendant 23 ans?

Je ne connais aucun propriétaire de supermarché Métro qui soit propriétaire d'une multinationale. Ce sont des PME, des PME qui sont lésées par une loi qui favorise des commerçants au détriment des autres en empêchant ceux-ci de s'adapter aux besoins de leur clientèle.

C'est la raison même de notre présence ici. On veut résoudre le problème de l'iniquité. Alors, pourquoi nous servir l'argument des petits contre les gros alors qu'une loi qui protège des commerçants aux dépens d'autres commerçants est contraire à toute logique commerciale?

La libéralisation est la formule qui se rapproche le plus de ce qui prévaut dans tous les autres secteurs de l'activité économique où il y a fa libre concurrence et la liberté dans les heures d'affaires.

Je voudrais ici faire un commentaire sur la position de la ville de Montréal qui, récemment, donnait un commentaire en disant: On est contre l'ouverture des magasins. Mais on demande, par en arrière, des protections sur les zones touristiques, par exemple, pour le Vieux-Montréal, pour le quartier chinois. Face à la commission, on dit: Fermer les magasins, pas d'ouverture. Mais, par en arrière, on passe et on va avoir une zone touristique. Je trouve ça vraiment incohérent de la part de la ville de Montréal. Si on parle, par exemple, des zones frontalières, qu'est-ce que vous en faites des zones frontalières comme Hull, comme Ottawa? Vous avez 125 localités, au Québec, qui sont dans les zones touristiques. Qu'est-ce que vous faites des 125 autres villes qui sont à côté de ces zones touristiques? Elles sorit pénalisées.

Je vais me permettre un autre commentaire sur cette question des petits et des gros. J'ai entendu M. Lord dire publiquement à M. Rizzuto, de l'Association des marchés publics du Québec, qu'il était agréable pour le consommateur de magasiner le dimanche dans leurs commerces et qu'ils n'avaient rien à craindre d'une loi restrictive puisque les commerces de trois employés ou moins seront maintenus. Dites-moi la différence entre un supermarché qui offre tous les services par départements, et une espèce de gros marché public qui a des petites boutiques individuellement autour de ça? Quelle est la différence? Il n'y en a pas, sauf une: lui va ouvrir le dimanche et, moi, je ne suis pas capable d'ouvrir le dimanche. C'est une position que je trouve illogique et inacceptable.

Ensuite, on dit: La qualité de vie des employés qui auront à travailler le dimanche. Chez nous, le travail du dimanche va être assuré par des employés qui veulent travailler ce jour-là. On ne forcera personne à travailler le

dimanche. Ce sont, pour la majorité, des étudiants qui veulent pouvoir profiter de revenus additionnels. Aucun employé ne va être forcé de travailler le dimanche car nous respectons son choix dans l'optique d'une liberté qui a été défendue par plusieurs autres Intervenants favorables à la libéralisation des heures d'affaires.

D'ailleurs, Mme Choquette pourrait vous en parier. Elle en a, des expériences; elle ouvre le dimanche et elle va vous en parler, elle, de la qualité de vie. Et de sa qualité de vie et de la qualité de vie des employés. La qualité de vie de tous les Québécois et Québécoises, le dimanche, dans une démocratie, la qualité de vie est une question de choix et de valeur individuelle. Elle ne doit pas être dictée par une loi. C'est absurde. Un autre point aussi: les petits commerçants vont être obligés de sacrifier leur dimanche pour pouvoir ouvrir. Je vais commencer par démystifier ce que représente la semaine pour le commerçant. J'en suis un et ça fait 23 ans que je suis là-dedans. Les journées de congé du propriétaire, ça, c'est éphémère. Ça peut être le lundi, ça peut être le mardi, ça peut être le vendredi, ça peut être le samedi; des fois, on entre le dimanche aussi.

C'est basé sur la disponibilité de nos gérants, sur les cédules de vacances, sur les journées disponibles de tout le monde. Nous autres, après ça, on prend un congé si c'est possible. Sur sept, la situation ne serait pas beaucoup différente. On devrait s'organiser. On devra s'organiser, comme on le faisait avant, en instaurant un système de délégation qui nous permettra tantôt de prendre un congé le dimanche, tantôt le samedi, le mardi, le mercredi, n'importe quel jour. Ne me faites pas accroire - on parle souvent de dépanneurs - que le dépanneur travaille sept jours par semaine, voyons donc! Que font les petits restaurateurs? Que font les commerçants en zone touristique? Que font les horticulteurs, les centres de jardinage? Que font les dépanneurs?

Posons-nous la question. Que font ces gens-là pour avoir une qualité de vie, et les employés qui travaillent là-dedans? Personnellement, j'apprécie avoir un congé le dimanche, en famille, mais ma qualité de vie et celle de mes employés, ça dépend, avant tout, du maintien de mon commerce en vie. C'est impossible, pour moi, de ne pas être inquiet quand je vois mes concurrents ouvrir le dimanche et gruger mes parts de marché. C'est irréaliste, pour moi, de demander aux consommateurs de se restreindre aux seules heures de magasinage en semaine. Quand je les vois par centaines se précipiter chez Club Price, chez Marché public, la grosse fruiterie sur Tas-chereau... Le besoin, il est là. (16 h 15)

Je peux me fermer les yeux mais je risque de me retrouver bientôt en faillite, si je ne réagis pas. Ça, ma faillite personnelle, ce n'est pas l'affaire de Métro. On est tous propriétaires individuels de nos commerces. On entend dire: Les consommateurs vont subir des pressions pour magasiner le dimanche, avec des offensives de publicité. Écoutez, la publicité, ça coûte cher à dire aux gens... Je pense que la publicité qui va se faire, ça va être la publicité qui va durer du lundi au dimanche au lieu de durer du lundi au samedi. On ne va pas se mettre à faire des spéciaux spécifiquement pour le dimanche, ça va coûter une fortune, ça.

Le Président (M. Bélanger): M. Boyer, je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Boyer: En somme, moi, ce que je dis, c'est que si les recommandations qu'on a: ouverture des marchés d'alimentation le dimanche, possibilité d'élargissement des heures en semaine... Si le gouvernement devait choisir une option de fermeture le dimanche, ce qui, selon nous, serait contraire à l'évolution des besoins des consommateurs et de la société en général, les marchands Métro que je représente recommandent que les règles soient les mêmes pour tous les commerces d'alimentation, à l'exception des dépanneurs qui ont trois employés ou moins, en tout temps. Il va de soi que les amendes seront alors haussées considérablement pour décourager les "illégaux". Nous souhaitons également que la décision soit du ressort du gouvernement provincial. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. Boyer. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): J'ai mentionné ce matin, je ne sais pas si vous étiez présent, M. Boyer ou peut-être certains membres de votre équipe, on a beaucoup de personnes qui viennent nous faire des appels au secours, et ceci, des deux côtés... On a eu des représentations d'un autre groupe, précédemment. Je pense que c'est très légitime. Moi, je n'ai pas de problème avec ça. Je pense que c'est ça, le but de la commission parlementaire. C'est de permettre à tous les intervenants qui ont un point de vue de le faire valoir pour qu'on puisse prendre la meilleure décision possible en fonction des principes que j'ai mentionnés tout à l'heure. Au début de votre introduction, il y a quelque chose... J'ai fait allusion à ça ce matin: Est-ce que vous pouvez être plus explicite sur ce qui s'est passé? Vous avez mentionne: J'ai été menacé en 1988.

M. Boyer: C'est bien clair. Lorsque je faisais le tour de la province de Québec avec une équipe de huit personnes pour rencontrer les marchands de la province de Québec, que ce soit Métro ou Provigo, il s'est produit un événement malheureux: Un bon soir, on a descendu toutes mes vitrines. Vous savez, un magasin de 30 000 pieds carrés, il y en a des vitrines, hein? Ça a

descendu, il y avait juste des belles roches. Elles n'étaient pas signées mais, en tout cas, il y avait des belles roches. C'est ça que j'ai eu.

M. Tremblay (Outremont): O.K. Mais, à ce moment-là, quand vous faisiez le tour en 1988, c'était pour l'ouverture des commerces le dimanche?

M. Boyer: Non, non.

M. Tremblay (Outremont): C'était pourquoi?

M. Boyer: Moi, j'étais pour l'équité.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais ça voulait dire quoi, à ce moment-là?

M. Boyer: L'équité, c'était... On a l'équité, par la fermeture ou l'ouverture. C'était ça qu'on disait, nous. Ce n'était pas équitable pour nous.

Il y avait des commerces qui ouvraient leurs portes, il y en avait d'autres qui n'étaient pas capables d'ouvrir.

M. Tremblay (Outremont): O.K. Mais, donc, on ne peut pas savoir, en fait... Parce que là je veux être bien juste dans l'évaluation qu'on est appelés à faire, parce que vous prôniez une position ou l'autre, donc les roches auraient pu venir d'un côté ou de l'autre.

M. Boyer: Ah! Je ne dis pas de qui que ce soit, je veux dire...

M. Tremblay (Outremont): Non, non, parfait.

M. Boyer: On a reçu ça. Je veux dire... Écoutez là...

M. Tremblay (Outremont): Parfait, j'ai compris.

M. Boyer: Je veux dire...

M. Tremblay (Outremont): Mais là, en 1990, aujourd'hui, vous n'avez pas eu de menaces, vous êtes venu ici librement exprimer votre point de vue.

M. Boyer: Librement, oui, parce que je respecte les gens qui sont... C'est pour ça que je vous ai dit, au début: Je respecte ceux qui ont donné leur opinion et, moi, je veux qu'on respecte la mienne aussi.

M. Tremblay (Outremont): Très bien. Mettons qu'on revient sur le point de l'équité. Si on fait abstraction, pour les fins de la discussion, de la tendance à la libéralisation des commerces, on fait abstraction de ça, et on parle de l'équité. Si on retournait à trois employés ou moins, une loi bien gérée... Parce que vous, vous étiez en affaires en 1967? M. Boyer: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Vous avez commencé en 1967. Alors on a trois employés ou moins, le vrai dépannage. Est-ce que c'est réaliste? Et est-ce que vous seriez d'accord avec cette position-là?

M. Boyer: Du vrai dépannage?

M. Tremblay (Outremont): En d'autres mots, tout le monde est fermé le dimanche, sauf le vrai dépannage, le petit dépanneur de trois employés ou moins, en tout temps.

M. Boyer: Je me demande comment vous feriez pour faire ça parce que je vous ai dit: Vous avez répondu à un besoin depuis 1984...

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais c'est pour ça que je vous le demande, pour les fins de la discussion. Je comprends que c'est ça que vous me dites, mais je me dis: Si on était appelés à faire abstraction de la tendance à la libéralisation des commerces, donc tous les besoins qui ont été créés, est-ce que là la loi serait équitable? Tous les commerces seraient fermés le dimanche, sauf le vrai dépannage. Est-ce que vous seriez heureux si c'était comme en 1969? Vous pourriez...

M. Boyer: Je ne suis pas un gars qui va de l'arrière.

M. Tremblay (Outremont): Non, je comprends.

M. Boyer: Écoutez, M. le ministre, vous me demandez de reculer en arrière.

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Boyer: J'ai été en arrière, j'ai foncé, puis j'ai grossi. Je veux continuer à grossir.

M. Tremblay (Outremont): O.K. J'aimerais donner l'opportunité à Mme Choquette. Quand je dis d'éliminer les exceptions, c'est évident qu'on éliminerait les exceptions au niveau des zones touristiques. Les représentations qui sont faites, c'est de dire: zones touristiques limitées dans le temps, trois employés ou moins en tout temps. Il y a deux choses sur lesquelles j'aimerais vous entendre. Premièrement: Est-ce que ça affecterait vos commerces, les zones touristiques? Et, évidemment, vous avez mentionné les zones limitrophes. Je ne les mentionne pas parce que vous êtes spécialement dans une zone touristique. Deuxièmement, peut-être qu'on pourrait vous entendre sur votre qualité de vie. Je ne sais pas si vous avez des enfants mais, avec deux maga-

sins Métro, vous devez être pas mal occupée le dimanche.

Mme Choquette: M. le ministre, n'enlevez pas la zone touristique, donnez-la à la province.

M. Tremblay (Outremont): Si on l'enlève, est-ce que ça va affecter la rentabilité de vos commerces? Comment ça va-t-il vous affecter en tant que commerçante?

Mme Choquette: Ça fait cinq ans qu'on est ouvert zone touristique. Nous nous sommes habitués à cette chose-là. Les employés le vivent. Ils ont décidé s'ils travaillaient ou non. Ça fait partie de notre vie, aujourd'hui. Reculer, je ne peux pas le concevoir du tout, M. le ministre. Je ne peux pas concevoir que vous enleviez une zone touristique et je vous dis: Donnez-la à la province au lieu de l'enlever. Donnez la libéralisation des heures. .

Vous me posez la question sur la qualité de vie. Il y a cinq ans, quand on a eu la permission, à Magog, je vous avoue que j'ai eu peur, je ne savais pas comment réagir. Alors, je suis allée voir mes employés, mes opérateurs de commerce; je me suis assise avec mes comités, parce que j'ai des comités d'employés dans chaque magasin, et je leur ai dit: Écoutez, on a une situation. Voulez-vous m'aider à la régler? Ils ont dit: Oui, nous, on ne veut pas perdre nos jobs, on ne veut pas perdre du volume. C'est à nous; nous avons travaillé pour ce volume-là; nous ne voulons pas le perdre, alors nous allons nous arranger, nous allons faire nos horaires, on va s'arranger avec le gérant de magasin. Il y en a qui travaillent le samedi et le dimanche, mais ils ont le lundi et le mardi. Pourquoi? Parce qu'ils veulent être avec leurs enfants qui, eux, travaillent le dimanche. Il y en a d'autres qui ont dit: Nous, on ne veut pas travailler jeudi et vendredi. Ça n'a pas d'allure, les magasins, ça roule trop. On veut travailler les samedi et dimanche. C'est merveilleux. Alors, avec tout ce monde-là, parce que j'ai 150 employés, j'ai grossi mon personnel, parce que ça a créé de l'emploi. Aujourd'hui, tout le monde est heureux. Il y en a qui ne travaillent pas, mais il y en a qui travaillent, puis ceux qui ont travaillé ont dit: Coudon, ce n'est pas si pire que ça, le dimanche. C'est même extraordinaire, l'ambiance du magasin. Tout le monde est de bonne humeur, il n'y a personne de pressé. Ils font le même nombre d'heures et c'est leur choix.

Ma qualité de vie. M. le ministre, la qualité de vie d'une femme comme celle d'un homme, ce n'est pas le dimanche que ça se fait, c'est sur 365 jours. J'ai un mari. Ça fait 20 ans qu'on est mariés; j'ai deux enfants. Ils travaillent dans le commerce actuellement et mon fils m'a dit, la semaine dernière: J'ai hâte que tu ouvres le dimanche, parce que je vais aller travailler le dimanche, je veux me payer une auto.

Dans les débats auxquels j'ai assisté hier, ça pariait du troisième âge. L'an passé, dans un de mes commerces, le responsable du dimanche était une personne du troisième âge. Il était heureux, il travaillait une journée par semaine. Il faisait beaucoup de partage dans mon magasin. Il attirait beaucoup de monde, parce qu'il y a beaucoup de gens du troisième âge dans mes magasins le dimanche. C'était une rencontre sociale, c'était ça, puis lui aimait ça et il était bien énervé de travailler le dimanche, li allait chercher la clé, il l'oubliait; ça avait donné un sens à sa vie. Il était bien heureux. Puis cette année, il m'a dit qu'il ne savait pas, il était stressé, ça le stressait. Mais chaque année que je vis cette ouverture-là, je m'adapte, je consulte mes employés, je consulte mes clients. Ce sont eux qui me donnent la réponse. Ce sont eux qui me disent quoi faire, ils sont mes "boss".

M. Tremblay (Outremont): Vous avez mentionné, tout à l'heure... En fait, ça fait cinq ans que vous êtes en affaires. On entend souvent dire que les grandes surfaces ont perdu une part de marché. Vous, dans votre région, est-ce que votre volume d'affaires a augmenté, sur une période de cinq ans?

Mme Choquette: Depuis trois ans, je peux dire que non parce qu'il y a eu l'ouverture de commerces dans mon secteur. Il y a eu l'ouverture d'un gros marché d'alimentation; jeudi passé, il y a eu une ouverture de Jean Coutu. Alors, je ne prévois pas du tout... Je ne suis pas en augmentation depuis trois ans et je ne prévois pas du tout l'être non plus, même si je suis ouvert ie dimanche. Par contre, si je n'avais pas ouvert le dimanche, j'aurais probablement eu une diminution assez forte.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Et quel est votre point de vue sur la question que je posais tout à l'heure à M. Boyer à l'effet que, encore une fois, je sais que c'est difficile de faire abstraction d'une tendance à la libéralisation, mais si, au nom de l'équité, on fermait tous les commerces le dimanche, incluant les zones touristiques, trois employés ou moins, pour permettre le vrai dépannage, quelle est votre réaction à ça?

Mme Choquette: M. le ministre, avec tout le respect que je vous dois, je n'y crois pas. J'aimerais, si vous me le permettez... Nous avons vécu l'ouverture d'une fruiterie dans ma région. Elle a commencé tout petit quand elle a ouvert. Elle ne dérangeait pas mais, à un moment donné, il n'y avait pas juste des fruits dans son magasin; il y avait de l'eau de source, etc. Alors, moi, je fais partie de l'ADA, l'Association des détaillants en alimentation, et la personne qui avait la fruiterie, elle en avait aussi dans d'autres régions. On a dit: Bon, on va faire un

front commun avec les dépanneurs, on va les appeler: Voulez-vous travailler avec nous? Les dépanneurs ont dit: Non, nous autres, on ne veut pas travailler avec vous autres parce qu'elle ne nous dérange pas. J'ai dit: Écoutez, elle ne vous dérange pas là, mais, attendez, elle va peut-être vous déranger et peut-être que moi, un jour, j'aurai le droit d'ouvrir et j'ouvrirai. Ils ont dit: Là, bien on travaillera avec toi.

J'ai continué dans mon cheminement avec l'ADA et, à un moment donné, nous avons intenté une injonction personnelle parce qu'elle était dans l'illégalité. Nous avons gagné cette injonction, mais ça a pris trois, quatre, cinq, six mois. Elle a fait beaucoup de publicité sur la nutrition: Je vais prendre une marche... C'est excellent, son marketing est excellent, sauf que le mien... Je fais quoi là-dedans, moi? Je n'ai pas le droit d'ouvrir le dimanche. Je peux vous dire que ma qualité de vie, le dimanche, était à zéro, à ce moment-là, parce que je m'en allais en ski, je passais devant son magasin et il y avait "full" de monde. J'en ai des légumes, moi, j'en ai des produits naturels, des produits biologiques, la miche, j'ai tout ça, mais ma clé était dans ma main. Je m'en allais en ski avec ma clé dans la main pendant que lui était ouvert. Alors, je peux vous dire que ma qualité de vie était de zéro.

Souvent les employés me disaient: As-tu vu ça? C'est effrayant! Les heures sont coupées, est-ce à cause de ça? Écoutez, donnez-moi la chance d'ouvrir à l'année longue, on s'assoira avec les compétiteurs parce qu'on se respecte, les compétiteurs; il n'y a personne qui va ouvrir 24 heures. J'ai le droit, dans la zone touristique, d'ouvrir 24 heures. On s'appelle: Tu ouvres de quelle heure à quelle heure? De 8 h 30 à 17 heures. C'est merveilleux, bonjour. Le jour où je dirai: J'ouvre 24 heures, bien peut-être qu'ils vont dire: Peut-on s'asseoir, peut-on aller dîner? Mais on s'entend. Mais, votre question...

Mme Marois: Mais ça ne fonctionne pas pour le dimanche.

Mme Choquette: Ah! oui, on s'appelle.

Mme Marois: Ça ne fonctionnait pas avant, pour le dimanche, avec d'autres commerçants pour le dimanche.

Mme Choquette: Non, ils ouvraient illégalement et ça prend un an à le fermer. Moi, pendant ce temps-là, je végète et je réponds quoi à mes employés qui disent: Mes heures sont coupées? Ah! oui, bon. Je n'avais pas de qualité de vie. Ce n'est pas grave, je veux dire, c'était à moi à me débattre, mais je me pose la question. Moi, je pars un commerce, je vends des fruits et légumes, de la viande. Ma job, quand vous venez chez moi, c'est que je vous accueille avec un magasin impeccable. Mais là je passais mon temps à vouloir fermer quelqu'un qui, vraiment... Je peux vous dire, M. le ministre, qu'il a fermé et que mon ratio a monté de 1 % dans mes fruits et légumes.

Le Président (M. Bélanger): Si vous me le permettez, madame, je dois vous interrompre pour passer à travers. Mme la députée de...

Mme Marois: Sans ça, je vais continuer avec madame. Je vous salue, au nom de ma formation politique. Je suis aussi très consciente, comme le mentionnais le ministre au début de son intervention, du cri au secours que vous nous lancez, comme d'autres nous le lancent. Évidemment, chacun défend son point de vue légitime et ça, là-dessus, n'ayez crainte du respect que je peux avoir de votre position, même si je ne la partage pas, mais je la respecte. Je pense qu'on peut faire les distinctions et ça, c'est important. Vous me disiez que votre volume est resté stable.

Mme Choquette: Oui.

Mme Marois: Pour opérer votre magasin le dimanche, est-ce que vous avez augmenté votre nombre de personnel?

Mme Choquette: Oui.

Mme Marois: D'accord. De quel ordre? (16 h 30)

Mme Choquette: Écoutez, pas beaucoup là. Peut-être...

Mme Marois: Combien d'heures-personne, à peu près?

Mme Choquette: D'heures-personne? Mme Marois: Je dis heures-personne...

Mme Choquette: Combien d'employés, mettons. Écoutez, c'est que mes employés, l'été, ne veulent pas faire beaucoup d'heures. D'accord? D'accord, ils ne font pas beaucoup d'heures et j'ai engagé des étudiants, quatre, cinq étudiants, ou cinq, six étudiants, dans la boucherie, pour permettre à mes employés, qui sont là à l'année...

Mme Marois: Réguliers.

Mme Choquette: Réguliers ou temps partiel, qui sont là à l'année longue de pouvoir profiter de l'été. Ça fait leur affaire, comme je vous dis et ça fait la mienne aussi.

Mme Marois: Ça, là, je comprends bien, mais est-ce que votre masse salariale globale a augmenté?

Mme Choquette: Non. On opère très bien les magasins. C'est tout simplement un boni.

Mme Marois: Je comprends bien. C'est que, dans le fond, ça vous a permis de réaménager le temps horaire.

Mme Choquette: Oui.

Mme Marois: Et de faire en sorte que vos employés réguliers qui disaient: Mol je n'aime pas trop ça travailler les week-ends, l'été particulièrement, on embauche d'autres types de personnes. Si la masse salariale n'augmente pas, ce qui veut dire que c'est à peu près le même nombre d'emplois, d'heures-personne...

Mme Choquette: Oui, exact. Parce que j'ai eu une grosse compétition, moi. Il y a un gros marché qui s'est installé, alors, j'ai subi, à ce moment-là...

Mme Marois: D'accord. Parce que c'est un des éléments qui est regardé ici, évidemment.

Mme Choquette: Oui.

Mme Marois: ...où certains nous disent: Ça nous permettrait d'augmenter le nombre d'emplois. Et là je vais globaliser un petit peu plus ma question. En fait, ce que l'on constate et les données du cahier qui a été produit par le ministère et auquel tout le monde se réfère et qui, je pense... Enfin, moi, je le trouve très bien fait. À date, les gens nous ont dit que - ils peuvent être en désaccord, mais - les données qui sont là sont bonnes. On constate qu'il y a un marché à peu près à maturité dans l'alimentation, c'est-à-dire qu'il va progresser au rythme où va progresser la population, où va grossir le nombre de population. On parle d'une augmentation, en termes réels, de 1,6 % par année. Donc, c'est une augmentation très très mince, si on veut.

Alors, l'hypothèse qui est faite, c'est qu'en augmentant le nombre d'heures où on peut aller faire des achats, ce qu'on fait tout simplement, c'est qu'on répartit le volume de ventes et c'est un petit peu ce que vous me disiez en disant: Je n'ai pas eu à embaucher d'autres personnes parce que mon volume de ventes n'a pas vraiment bougé. Vous me dites: Bien sûr - et ça, je suis capable de comprendre ça, je l'ai entendu - II y a eu de la compétition autour de moi. Bon. Qu'est-ce que vous voulez? Elle s'est installée. Mais même globalement, quand on regarde l'ensemble du marché, s'il est à maturité, on dit donc qu'on augmente le nombre d'heures disponibles, on va donc étaler dans le temps les ventes et étaler aussi les heures-personne pour répondre aux besoins des consommateurs et des consommatrices qui vont venir parce qu'on dit: On a un achalandage énorme le jeudi, particulièrement, le vendredi et le samedi. Évidemment, si les gens sont un peu plus relax le dimanche, c'est parce qu'ils ne sont pas venus le jeudi, j'imagine. Donc, ça doit être... Ce n'est pas... Vous comprenez où je vais avec ça?

M. Boyer: Oui. Mme Marois, je vous rappellerai qu'actuellement on est fermé, "right"? Vous allez quand même concevoir que, si on ouvre, ça nous prend des heures.

Mme Marois: Oui.

M. Boyer: D'accord? À ce moment-là, si j'ouvre, j'ai vécu l'expérience un dimanche qu'on a ouvert, à ce moment-là, madame, j'avais au moins besoin de 15 personnes pour travailler. Donc, ça crée des heures additionnelles. Si je calcule, moi, dans mon cas à moi, personnel là, j'irais chercher 1 500 000 $ de chiffre d'affaires par année.

Mme Marois: De plus. M. Boyer: De plus. Mme Marois: Mais sans...

M. Boyer: Sans affecter mes débuts de semaine, sans affecter mon samedi...

Mme Marois: Je suis d'accord avec vous. M. Boyer: O.K.?

Mme Marois: Excusez. Je suis tout à fait d'accord avec vous parce que d'abord, premièrement, vous semblez pas mal agressif en affaires.

M. Boyer: Absolument pas.

Mme Marois: Non, mais d'une saine agressivité, s'entend, et c'est correct. Je pense que quand on est en affaires, que voulez-vous, on est dans un monde de concurrence et il faut se batailler un petit peu et c'est correct. Je suis en politique, vous savez.

M. Boyer: Mme Marois, on refoule ça depuis 1984.

Mme Marois: Ce que je veux dire, je vous suis et je suis d'accord avec vous. Mais revenez à mon raisonnement. Il y a 100 000 000 $, possiblement, de ventes à faire. Vous dites: Moi, il y a une journée que je ne peux pas en faire, donc, cette journée-là, c'est sûr qu'ils ne viendront pas acheter chez nous. J'ouvre. Je fais une bonne promotion. Je fais un bon travail correct. J'offre un bon service de qualité et c'est agréable de venir chez nous et les gens viennent chez nous, c'est parce qu'ils n'iront pas ailleurs. Si le volume global dans l'alimentation ne bouge à peu près pas, c'est parce qu'on est un marché

à maturité. J'ai bien fait attention de dire: Est-ce que vous avez consulté le document et que vous partagez à peu près les données qui sont là? Moi, quand je vous dis ça, je n'invente rien. Je pars de données qui sont là.

M. Boyer: Ça, je veux dire... Mme Marois: D'accord?

M. Boyer: Les données actuellement qui sont dans ce volume-là, je ne les conteste pas, mais il y a une chose, par exemple, c'est que le dimanche, vous, madame, votre qualité de vie, vous partez et vous allez au restaurant...

Mme Marois: Je reviendrai sur ça tantôt. Là, on est sur les chiffres d'affaires, les volumes et...

M. Boyer: Oui, oui. Vous allez au restaurant, vous allez prendre un repas au restaurant. Au lieu de payer la facture au restaurant, est-ce que ça ne vous tenterait pas de venir acheter un steak chez nous, d'aller le manger autour du barbecue et en famille; et un rosbif? Vous allez en dépenser moins au restaurant et vous allez en dépenser plus dans l'alimentation. Ce qui va faire que le volume alimentaire, comme vous dites, au lieu d'être saturé, il ne sera pas saturé, il va avoir une augmentation.

Mme Marois: Mol, là-dessus, je ne partage pas votre conclusion. Je pense qu'il va se répartir différemment. Et probablement qu'une des hypothèses que vous faites n'est pas bête du tout, dans le sens où les gens vont probablement, peut-être parce que vous êtes ouverts, dire: Là, achetons le bon steak et allons le manger chez nous. O.K?

M. Boyer: Oui.

Mme Marois: Mais ça veut dire qu'au restaurant ils en vendront moins, ils en achèteront moins quelque part. Comprenez-vous? L'un dans l'autre, c'est une question de vases communicants. Là, je vais vous ramener à ce que vous m'avez dit et je vous ai bien écouté dans votre présentation. Vous avez dit: Moi, je défends aussi ma qualité de vie parce que je défends aussi un commerce que j'ai mis pas mal d'heures à mettre en place. Je suis parti petit et j'ai grossi. Je suis fier de ce commerce-là, il va bien et c'est intéressant de travailler chez nous et on pourrait en remettre, d'accord? Mais avant vous, hier et avant-hier, j'en ai eu d'autres qui m'ont dit exactement la même chose, mais qui, eux, prônent un point de vue différent. Vous, actuellement, vous vivez une situation d'iniquité et vous dites: Je ne me bats pas dans le marché avec les mêmes armes que mes concurrents. Il y en a d'autres qui sont venus ici en disant: Mol, je suis dans un marché où les règles du jeu, je les ai respectées à la lettre, strictement, l'esprit et la lettre de la loi. Parce qu'on sait fort bien qu'on peut faire des distinctions et des nuances longtemps. J'ai respecté l'esprit et la lettre. Je demande au législateur de revenir à l'esprit et à la lettre et d'arriver à une situation d'équité parce que, si on passe à une autre situation, vous risquez de voir, le mien, mon commerce - là, je ne parle pas pour moi évidemment, je fais une image - sinon baisser, même m'amener à le fermer, à partir du raisonnement que je fais qu'il n'y aura pas nécessairement une hausse suffisamment significative de consommation de produits d'alimentation même si on ouvre quatre, cinq et dix heures de plus. L'un des points de la demande devant nous, c'est de dire: II y a un problème pour les consommateurs et les consommatrices d'avoir accès, pendant des plages plus longues, aux services et, donc, on les pénalise. Et il y a d'autres hypothèses évidemment qui permettent de répondre à ça en dehors de l'ouverture le dimanche mais qui est l'ouverture, une plage de plus dans la semaine ou même des allongements les lundi et mardi, que certains proposent.

Alors, je comprends votre volonté, votre détermination et votre souci d'équité. Mais je regarde de l'autre côté aussi celui qui, comme vous, a respecté la loi très correctement et il dit: Si maintenant vous changez les règles du jeu, tout simplement vous venez reconnaître des gens qui ont agi dans l'illégalité, vous me pénalisez moi et vous risquez de voir mon commerce diminuer, sinon fermer, alors que, moi, j'ai respecté tout à fait les règles dans lesquelles vous m'aviez demandé de travailler.

M. Boyer: Oe quel commerce vous parlez, là?

Mme Marois: Je pense, entre autres... Vous étiez là sûrement cet après-midi, je vous ai vu d'ailleurs à différents moments. Qu'on pense aux dépanneurs, qu'on pense aux petits commerces de quartier qui sont de type dépanneurs, enfin qui respectent la règle des trois personnes - ce n'est pas trois employés - et moins en tout temps dans l'entreprise. D'accord?

M. Boyer: Moi, si je me fie à la déclaration de M. Bouchard dans le journal Les Affaires, et je cite: "L'ouverture des épiceries le dimanche influencerait peu Alimentation Couche-Tard." Ça, c'est M. Bouchard qui dit ça. "L'impact de l'ouverture des supermarchés d'alimentation le dimanche serait inexistant ou très faible. C'est en ces termes que le président du conseil et chef de la direction d'Alimentation Couche-Tard, Alain Bouchard, a rassuré ses actionnaires lors de leur récente assemblée annuelle." Ça, c'est le président de Couche-Tard. Je ne pense pas qu'on affecte... Parce qu'on est ouverts durant la

semaine pared. Ils sont là et on ne les affecte pas. Ce n'est pas ça, l'affaire. C'est qu'actuellement il y en a encore des bien plus gros que ça. Qu'est-ce que vous faites des clubs Price?

Mme Marois: Mais ça, je suis...

M. Boyer: Venez près de votre comté, puis faites un tour le dimanche.

Mme Marois: M. Boyer, je suis tellement d'accord avec votre point de vue, dans le sens que ce n'est pas correct la façon dont on vous traite. C'est Inacceptable, je l'ai dit ce matin à d'autres qui sont venus. D'ailleurs il y a quelqu'un qui était dans la salle et qui m'a informée. Je vais le dire aux gens de la commission. Je vais faire mes vérifications plus tard, mais je pense que c'est important de le dire: Club Price, en fait, appartient à la succession Steinberg, mais n'a pas été acheté par Michel Gaucher, dans l'ensemble de l'opération. Cela étant dit, on vérifiera les liens de propriété, tout le reste, mais, juste pour ne pas qu'on dise n'importe quoi ici, je pense que c'est important qu'on parle des bonnes choses.

Je le dis encore et je l'ai dit ce matin, je trouve ça Inacceptable, et là on ne contourne peut-être pas nécessairement la loi, quoique actuellement il y a des discussions qui se font autour de ça, je ne me mêlerai pas de ça, mais probablement l'esprit de la loi, et à votre détriment, puis au détriment d'un bon nombre d'autres marchands. Il y a des gens ce matin qui représentaient une autre bannière et qui nous ont dit exactement ça. Un qui était assis à votre place nous a dit: Moi, madame, j'ai senti chez moi une baisse réelle de mon volume le jour où il a ouvert. Ça fait que ça a bénéficié à quelqu'un quelque part. Ça a fait un transfert effectivement de son entreprise vers Club Price, mais ils ne sont pas du tout dans l'esprit de la loi. Ils ont utilisé une espèce de technicalité pour pouvoir intervenir. C'est vrai d'autres intervenants dans le marché, vous le savez. Dans ce sens-là, je vous suis, sauf que la solution que je préconise est d'un autre ordre essentiellement.

Oui, la solution que nous proposons c'est de réduire les exceptions et de faire en sorte qu'on ne permette que le dépannage dans l'essentiel, de telle sorte qu'avec le critère de trois personnes et moins en tout temps dans une entreprise on pense pouvoir réussir à atteindre l'objectif à cet égard-là et réassurer l'équilibre et l'équité entre l'ensemble des intervenants. Remarquez que je sais qu'il y a des batailles de signatures et de papiers. Ça nous arrive de partout. On ne s'arrêtera pas là-dessus. Il y a un certain nombre de marchands chez vous qui l'appuient. J'en ai une liste longue de je ne sais pas combien de centaines de noms. Métro viendra à un autre moment. Ils disent qu'ils sont d'accord plutôt avec ce qu'on appelle communément la solution

Richard un peu amendée.

Alors, on ne fera pas cette bataille-là nécessairement, mais on sait que les points de vue sont très partagés. Mais, entre autres, chez Métro et Richelieu, vous y faisiez référence tout à l'heure et c'est le sentiment que j'ai. J'essaie de savoir si je me trompe ou pas. Je vous lis la petite phrase qui est extraite d'une lettre de M. Marcel Guertin: "À la lumière de plusieurs consultations auprès de divers milieux, des différentes études entreprises auprès de la population, ainsi que des événements qui se sont déroulés depuis le dépôt du rapport du comité Richard, il apparaît que le gouvernement ne fera pas marche arrière pour fermer les commerces du secteur alimentaire auxquels il a déjà permis d'ouvrir depuis plusieurs années". Il continue: "II est évident que le dimanche constitue une journée privilégiée et que naturellement la majorité des marchands et des employés auraient préféré - j'imagine que vous faites partie de la minorité, et ça, on a le droit aussi - que les commerces demeurent fermés. Cependant, nous ne pouvons rester fermés pendant qu'une compétition déloyale gruge notre marché."

Mon sentiment profond c'est qu'on n'a pas confiance au fait que l'on fasse respecter une loi qui serait équitable. Alors on dit: À ce moment-là, qu'on nous traite de la même façon tout le monde et on prône la libéralisation des heures d'affaires le dimanche.

M. Boyer: Je ne viens pas ici défendre la lettre de Marcel Guertin.

Mme Marois: Non, non, pas du tout, mais je veux...

M. Boyer: Je ne fais pas partie du conseil d'administration, puis je...

Mme Marois: Je sais ça et je pense que vous l'avez bien mentionné, mais ce que je veux dire c'est que c'est un peu l'esprit actuellement qui règne pour un certain nombre de gens qui demandent la libéralisation, parce qu'ils se disent: L'autre voie ne sera pas retenue. Comme l'autre voie ne sera pas retenue, prenons celle-là et essayons au moins d'être traités dans ce sens-là loyalement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le député de Drummond, il reste une minute à votre formation. (16 h 45)

M. St-Roch: Je vais être très bref, M. le Président. Les fruits et légumes, ça représente combien dans le chiffre d'affaires global d'une de vos succursales ou une de vos épiceries? Mme Choquette mentionne qu'elle en a deux, vous en avez un, monsieur, probablement un aussi?

M. Boyer: Ça joue environ entre 12 % et

13 % de ratio, qu'on appelle, nous. M. St-Roch: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la députée de Taillon, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Marois: Alors, je vous remercie de votre contribution à nos travaux. Il y a bien des sujets que j'aurais voulu aborder, entre autres la qualité de la vie. Je suis d'accord avec vous, on ne dicte ça à personne. Ce n'est pas vrai que ça se dicte, la qualité de la vie, sauf que ma prétention bien humble, peut-être que je suis dans l'erreur, mais ma prétention, c'est de dire que, comme société, on peut peut-être se donner juste de petits outils qui nous permettent de favoriser son expression. Mais je suis d'accord avec vous que, idéalement, c'est à tous les jours qu'on devrait avoir une société où il est agréable de vivre, parce que ça fait partie de la qualité de la vie. Donc, il ne faut pas, je pense, interpréter les propos que l'on tient ici en disant: On ne voit ça que sous cet angle-là, le dimanche, et c'est là que ça va se passer, mais c'est de dire que c'est un moyen qui permettrait aux personnes de se retrouver ensemble, plus nombreuses, à un moment dans notre vie collective, tout simplement.

M. Boyer: Je tiens à vous faire remarquer... Mme Marois: Oui?

M. Boyer: ...que le problème se situe le dimanche, ce n'est pas le lundi soir, le mardi soir ou le mercredi soir. Parce que l'élargissement des heures d'affaires en début de semaine, ce serait catastrophique pour un épicier parce que, là, ça coûterait trop cher et il n'y aurait pas de clients, parce qu'il n'y a pas d'argent dans le système. C'est bien simple, la cliente ne viendra pas le lundi soir, le mardi soir et le mercredi soir. Donc, c'est le dimanche, le problème crucial. C'est là qu'est le problème, le dimanche.

Mme Marois: Je suis d'accord avec vous et c'est pour ça qu'on est ici. Merci de votre intervention à la commission.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre. Si vous voulez remercier nos invités.

M. Tremblay (Outremont): Oui, c'est de valeur qu'on n'ait pas pu continuer sur le dernier point qui a été soulevé, parce qu'il y en a beaucoup qui demandent l'élargissement des heures en semaine, en guise de compromis.

M. Boyer: M. le ministre, tu ne peux pas mettre du monde, parce que ça te prend un minimum de personnes dans le magasin. On le vit dans des situations, vous allez dire extraordinaires, le temps des fêtes; il n'y a pas de chiffre d'affaires et on est là ouvert. On fait quoi?

M. Tremblay (Outremont): Non, mais si au lieu d'ouvrir, mettons, à 8 h 30, le matin... Je ne sais pas, vous ouvrez à 8 h 30 ou 9 heures...

M. Boyer: C'est très rare, les gens qui ouvrent à 8 h 30, c'est 9 heures ou 9 h 30.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais si on disait de 9 h 30 jusqu'à 19 heures, le soir...

M. Boyer: Ça nous emmerderait, parce qu'on a des conventions collectives et il faut les respecter et ça, ce sont des blocs de quatre et cinq heures; ça ne se fait pas.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie beaucoup, M. Boyer, Mme Choquette et M. Pépin, d'être venus partager votre point de vue avec nous.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie les marchands Métro pour l'ouverture des marchés d'alimentation le dimanche et invite à la table des témoins le Conseil québécois du commerce de détail.

A l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. Alors, nous recevons présentement le Conseil québécois du commerce de détail. Bonjour, messieurs, madame. Alors, je vous présente rapidement nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, ce sont 20 minutes ferme qu'on ne peut pas dépasser. Par la suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais, chaque fois que vous prenez la parole, de vous identifier; pour les fins de transcription du Journal des débats, ça nous aide beaucoup. Alors, sans plus tarder, si vous voulez identifier votre porte-parole et présenter votre équipe, nous vous écoutons.

Conseil québécois du commerce de détail

M. Lafleur (Gaston): Merci beaucoup, M. le Président. Mon nom est Gaston Lafleur, je suis président et directeur général du Conseil québécois du commerce de détail. J'aimerais rapidement vous présenter les membres qui m'accompagnent aujourd'hui: à ma gauche immédiate, M. Peter Lamont, qui est membre du comité de direction. Il oeuvre dans le secteur des magasins à rayons; à ma gauche éloignée, M. Pierre Bovet, membre du comité de direction aussi, qui représente le secteur du vêtement pour hommes ainsi que la moyenne entreprise dans le secteur du vêtement;

à ma droite immédiate, Mme Louise Dufresne, qui est aussi membre de notre comité de direction et qui est propriétaire d'une petite entreprise de quelques magasins dans le secteur du vêtement pour dames, et, à ma droite éloignée, M. Pierre Couture, président de notre conseil d'administration, qui oeuvre dans le secteur des magasins généraux.

Chacune de ces personnes abordera un thème particulier. M. Lamont présentera l'aspect du réaménagement des heures d'ouverture en semaine pour les établissements commerciaux; Mme Dufresne vous entretiendra de la position et de l'impact des petits détaillants; M. Pierre Couture traitera des exceptions prévues à la loi; M. Bovet, de son côté, traitera de l'impact de la libéralisation des heures d'affaires dans le secteur alimentaire sur l'ensemble des autres secteurs du commerce de détail et, en dernier lieu, je traiterai rapidement des questions d'ordre technique reliées à l'administration de la loi et la destination d'un établissement commercial.

À titre d'introduction, le Conseil québécois du commerce de détail est un organisme à but non lucratif qui regroupe plusieurs détaillants dans divers secteurs d'activité du secteur du détail. Le Conseil québécois est de plus affilié au Conseil canadien du commerce de détail qui a pour fonction principale de représenter les intérêts nationaux du commerce de détail.

Comme par le passé, le Conseil québécois n'entend pas se prononcer pour le secteur alimentaire dans le présent débat. De plus, le Conseil invite les membres qui ne partageraient pas certains points de vue qui sont émis par le Conseil à formuler leurs propres recommandations.

Le mémoire qui vous a été soumis a reçu l'aval du conseil d'administration. Dans le cadre de la présente démarche, le Conseil a pris connaissance du rapport du comité des députés sur les heures d'affaires, le rapport Richard. On a, de plus, pris connaissance du document de consultation ainsi que du document d'information qui nous a été communiqué par la direction du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

Notre démarche, dans le cadre de l'émission des points de vue et des recommandations que nous faisons, est fondée sur des principes de base privilégiés par le gouvernement, qui sont d'emblée acceptés par le Conseil et qui ont guidé notre démarche. Ces principes sont: le rétablissement de l'équité entre les divers types de commerces, la réponse aux besoins réels des consommateurs et le maintien de la qualité de vie de la population, notamment celle des travailleurs et travailleuses du Québec.

Le Conseil québécois tient aussi pour acquis que le gouvernement, en délimitant le mandat qu'il a confié à la commission de l'économie et du travail, n'entend pas modifier la règle fondamentale édictée par l'article 2 de la loi à l'effet que le dimanche aucun client ne peut être admis dans un établissement commercial. Nous croyons que cette règle fondamentale doit s'appliquer à tout établissement commercial tel que défini par la loi. Les seules entorses à cette règle concernent les exceptions qui y sont prévues.

En dernier lieu, même si dans le présent débat nous ne traitons pas formellement du secteur alimentaire, nous croyons qu'une solution équitable est nécessaire pour résoudre le problème des heures d'affaires quant aux petits dépanneurs. Sur ce, je vais céder la parole à M. Peter Lamont. Merci.

M. Lamont (Peter): Merci et bonjour. Au sujet du réaménagement des heures d'ouverture en semaine pour les types d'établissements commerciaux, le Conseil québécois du commerce de détail est conscient de l'évolution du contexte sociodémographique et des aspects de la croissance lente, du vieillissement de la population ainsi que des modifications apportées à la cellule familiale et à la participation de plus en plus vive de la femme au marché du travail.

De plus, révolution des habitudes de consommation des Québécois fait que certains réaménagements des heures d'ouverture en semaine pourraient apporter une réponse aux besoins réels des consommateurs, tout en permettant le maintien de la qualité de vie des commerçants et des travailleurs et travailleuses. La période des fêtes constitue une période importante pour les détaillants et les modifications sociodémographiques et les impératifs reliés au marché du travail nous amènent à conclure qu'un élargissement du nombre de jours précédant le 24 décembre serait souhaitable.

Quant à l'ensemble des commerces non alimentaires, le Conseil québécois du commerce de détail a toujours été opposé à l'ouverture des magasins le dimanche, sauf pour les articles et les services essentiels, et est fortement en faveur d'une journée de repos obligatoire au niveau de la province. Le Conseil s'oppose à l'ouverture de ces établissements le dimanche pour plusieurs raisons dont, entre autres, les suivantes: Le dimanche est un jour de repos pour la plupart des gens et, si les magasins ouvrent ce jour-là, des milliers d'employés du secteur de la vente au détail passeront moins de temps avec les membres de leur famille et leurs amis, ce qui est une atteinte à la qualité de la vie. Si la pratique de l'ouverture le dimanche se répand, les industries de fabrication, grossistes, compagnies de transport, etc., desservant les détaillants seront vite touchés, sans compter l'effet qu'une telle décision pourra avoir sur d'autres secteurs, tels que le transport en commun, garderie, etc. Nous prévoyons la nécessité de rééquilibrer les inventaires pendant la fin de semaine, c'est-à-dire le samedi et/ou le dimanche. Nous serons obligés de transporter des

marchandises de nos entrepôts et de nos fournisseurs les samedis et les dimanches. Les manufacturiers seront obligés de nous fournir leurs services durant la fin de semaine pour certaines lignes de marchandises.

Les détaillants ne réaliseront pas plus de bénéfices, les consommateurs ne dépenseront pas plus d'argent pour autant et l'ouverture des magasins, le dimanche, ne veut pas nécessairement dire que le consommateur achètera plus que d'habitude. Selon l'expérience vécue par certains qui opèrent des magasins dans certaines provinces de l'Ouest et qui sont ouverts le dimanche, les résultats ne démontrent pas une amélioration dans leur part du marché, ni une croissance significative des ventes. Plutôt, il semble tout simplement qu'une partie des ventes qui se faisaient dans les six autres jours de la semaine se font le dimanche. Le seul avantage a été de protéger leur part de marché.

D'autres facteurs importants sont l'augmentation des coûts des opérations, tels que la maintenance, l'énergie, etc. Un facteur important serait la diminution du service à la clientèle. En ajoutant une journée à la semaine d'ouverture sans sensiblement améliorer le chiffre d'affaires, les effets sur le service au client se feront sentir durant les sept jours de la semaine. La supervision est réduite a un septième durant le reste de la semaine et l'étalement des horaires signifie un moins bon service au client et moins d'efficacité.

La vente au détail est une industrie établie et de nature extrêmement concurrentielle. Ceux qui optent pour l'ouverture des magasins le dimanche espèrent accaparer une plus grande part du marché en présumant, bien entendu, que leurs concurrents seront fermés ce jour-là. Il est évident qu'aucun détaillant ne peut se permettre de fermer et, si les concurrents directs décidaient d'ouvrir, il espère survivre.

Un autre point important est le recrutement du personnel. Les employés travaillant le dimanche passent moins de temps avec les membres de leur famille. Il est évident qu'il sera de plus en plus difficile d'attirer du personnel de qualité vers la carrière de vendeur.

En résumé, les responsabilités premières d'un marchand, d'un marchand professionnel sont de prendre soin de ses clients et de ses employés et, dans cet esprit, le Conseil québécois recommande l'élargissement des heures d'ouverture pour les établissements commerciaux les mercredis, jeudis et vendredis jusqu'à 21 h 30, l'élargissement pour tous les établissements commerciaux, des heures d'ouverture de 14 jours à 18 jours précédant le 24 décembre et le statu quo pour les établissements commerciaux quant aux autres jours de la semaine. Merci.

Mme Dufresne (Louise): Louise Dufresne. Les facteurs qui ont été énumérés par mon prédécesseur sont également valables pour les petites entreprises que je représente ici, aujourd'hui, entre autres l'augmentation des coûts d'opération et la qualité du personnel qui risque de diminuer, justement à cause d'une difficulté de recrutement. En ce qui concerne les petites entreprises, c'est le service qui, vraiment, fait la différence. Si notre service diminue le dimanche, à long terme, forcément, notre réputation sera touchée et, évidemment, la qualité de vie du personnel.

Mais j'aimerais insister sur un autre point pour la petite entreprise, c'est la question de la sécurité. Si les petits commerces restent ouverts le dimanche, leur personnel sera réduit, donc plus vulnérable, d'autant plus que les forces policières sont souvent moins nombreuses, moins présentes le dimanche et que le nombre de clients risque d'être minime, donc moins de personnes dans le magasin; je parle bien de petits commerçants. Nous risquons donc de vivre le même cauchemar que les dépanneurs et de se retrouver dans une situation d'augmentation de criminalité, y compris une augmentation de vols à l'étalage. De plus, le personnel de ces boutiques étant en majorité des femmes très souvent, je parle bien de boutiques et de petits commerçants, c'est une cible de choix, de nos jours; je pense que les événements récents de l'avenue Laurier et de l'avenue Saint-Hubert prouvent que ça devient, de plus en plus, une question pressante. (17 heures)

Maintenant, il y a un autre point aussi qui est particulier au petit commerçant, c'est, bien sûr, la qualité de vie du propriétaire. J'ai assisté, tout à l'heure, à l'autre représentation. Évidemment, je pense que le propriétaire a aussi droit à une septième journée, à une journée de congé dans la semaine et, très souvent, le propriétaire est obligé de travailler déjà six jours et il n'a pas toujours les moyens de se payer un personnel additionnel pour le dimanche. Donc, il sera peut-être obligé de travailler sept jours ou, en tout cas, d'aménager ses heures, mais pas nécessairement, et à ce moment-là, évidemment, sa qualité de vie va changer parce que lui non plus n'aura plus de vie de famille.

Vous me direz qu'on n'est pas obligé d'ouvrir le dimanche. C'est vrai, mais la concurrence touche les petits marchands également, ce qui m'amène à mentionner le fait de cette concurrence déloyale qui existe présentement. On a parié des clubs Price, on a parlé des pharmacies à escomptes. Ce sujet sera traité par M. Couture tout à l'heure.

Maintenant, je voudrais vous faire part d'une inquiétude, simplement la survie des rues commerciales. C'est que, s'il y a une ouverture générale le dimanche, on risque fort de voir un pôle d'attraction vers les centres commerciaux majeurs et de banlieue, au détriment des rues commerciales et des petits centres extérieurs. Parce que souvent le magasinage du dimanche,

c'est une distraction, un loisir. Les gens vont faire un tour d'auto, ils vont se promener et, impulsivement, font des achats. L'achat fait le dimanche, peut-être dans ces endroits, dans ces pôles d'attraction, c'est évidemment de l'argent qui ne reviendra plus dans les commerces de quartier qui risquent de se retrouver en difficulté éventuellement et, pourtant, ces commerces répondent à un besoin pour les consommateurs. Le consommateur aime bien avoir près de chez lui un commerce quelconque de boutique de vêtements, de sous-vêtements, qui peut le dépanner à l'occasion, où il aime bien avoir son service personnalisé. Mais le pouvoir d'achat n'augmente pas. Donc, l'argent dépensé le dimanche ailleurs ne reviendra pas dans le quartier et je vous laisse déduire ce qui peut arriver, faillite, perte d'emploi, locaux vides, donc, incitation au vandalisme, etc. Maintenant, je conclus là-dessus, et je voudrais passer la parole à M. Couture.

M. Couture (Pierre): Bonjour. Les exceptions prévues par la loi actuelle créent, à plusieurs égards, des situations de concurrence déloyale flagrante, je pense que c'est ce qu'on discute. Il y a particulièrement cinq secteurs dans lesquels il y a des problèmes. Je pense aussi qu'en accordant des exceptions à la loi le législateur n'avait certainement pas voulu encourager cette concurrence déloyale, mais les faits sont que tous les prétextes et les déguisements, alliés à quelques brèches dans la loi, font que la concurrence devient de plus en plus déloyale. Les cinq secteurs particuliers, le premier qui en est un, c'est celui des pharmacies avec tout ce qu'ils nous racontent. Ils nous disent que le besoin du consommateur, c'est important et tout ça. Par hasard, quand on regarde la publicité de ces pharmacies à grande surface, c'est que la publicité est toujours soit le samedi pour annoncer que c'est ouvert le dimanche, ou encore le dimanche. C'est probablement par hasard.

Aussi, ils sont, à l'occasion, obligés de rappeler aux gens dans leur publicité qu'eux ils sont ouverts le dimanche. J'ai ici un exemple d'une pharmacie où on dit effectivement: Ouvert le dimanche. C'est très important de le dire. Si vous voyez ce que vous avez là-dessus, vous avez des casseroles, des montres, des rasoirs, des séchoirs à cheveux. Vous avez de tout ce qui peut être autre chose que ce que nous, on considère comme étant des objets de pharmacie.

Le marché aux puces est aussi un autre secteur qui, de plus en plus, a perdu sa définition originale qui, dans la définition d'un marché aux puces, est normalement la vente d'articles non neufs, c'est-à-dire de marchandises usagées et aussi de l'artisanat. De plus en plus, ce phénomène de concurrence déloyale fait que, par exemple, dernièrement, sur une grande route métropolitaine, on annonçait à grand renfort de publicité la réouverture d'un marché aux puces qui vendrait des marchandises neuves et qui, de plus, serait ouvert, lui, le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche, où c'est le meilleur temps pour être capable d'ouvrir. C'est de la concurrence déloyale.

Les marchés publics. Aussi, par définition, et dans la loi actuelle, on parle que c'est quand même supposé être pour un contexte alimentaire. Si on s'en va dans les marchés publics, de plus en plus, il y a une tendance qui fait qu'on remplace les étals d'alimentation par des tables où on retrouve des marchandises sèches et c'est actuellement une tendance qui devient de plus en plus une réalité. J'arrive de Sherbrooke ce matin où les marchands, dans cette région, viennent d'apprendre qu'on ouvre le Versant Bromont, centre de magasins et d'usines - "factory outlet", qu'on appelle ça - et c'est bien marqué, bien indiqué: Ouvert sept jours par semaine.

Le même phénomène arrive dans les zones touristiques. Les zones touristiques, dans notre esprit, ce ne sont pas des endroits de villégiature, parce qu'on parle de touristes et on doit se demander... La première chose qu'on doit faire, c'est de desservir et de bien desservir le touriste qui va aller là. Est-ce que le touriste, quand on parie de zone, on pense qu'il va pouvoir acheter des meubles? Est-ce qu'on pense qu'il va pouvoir acheter des appareils ménagers? Est-ce qu'il va acheter de la quincaillerie? Encore là, c'est une définition qui est trop large. La preuve, c'est qu'à Sainte-Agathe, actuellement, même en dehors - et dans son ensemble - c'est une zone touristique qui est normalement définie par la loi, en termes de date, et tout le monde est ouvert. Les marchands, dernièrement, en sont venus à un accord qu'ils pourraient ouvrir, plutôt que de 9 h 30 jusqu'en soirée... Ils sont ouverts maintenant à partir de 10 heures le matin jusqu'à 17 heures l'après-midi.

Que faisons-nous aussi des nouvelles tendances dans le...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, je vous inviterais à conclure. Le temps est écoulé.

M. Couture: D'accord. Il restait, bien sûr, les clubs Price et je passe la parole à M. Bovet.

Le Président (M. Bélanger): On vous donne une couple de minutes.

M. Bovet (Pierre): Deux minutes.

Le Président (M. Bélanger): On ne dira pas un mot, c'est vendredi.

M. Bovet: Étant donné que je suis le dernier de la semaine, M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés, je vous remercie. Évidemment, je représente les chaînes de moyenne grosseur. Le point de vue des chaînes de

moyenne grosseur, disons de 30 à 200 magasins, qui sont dans le domaine du vêtement, c'est un petit peu la position. Depuis trois ans que je suis dans ce problème-là, ayant déjà présenté devant la commission Richard notre point de vue, je peux vous dire que je suis un vétéran du problème, pour en avoir discuté avec des présidents de compagnies et des employés.

Je veux juste vous donner le texte un petit peu pour l'effet d'entraînement qui pourrait suivre dans les autres commerces avec la libéralisation des heures d'ouverture le dimanche dans le secteur alimentaire. C'est peut-être le problème qui vous préoccupe le plus. Trois points: Premier point, on pense que les grandes chaînes d'alimentation vont faire ce que les grandes chaînes pharmaceutiques ont fait, c'est-à-dire qu'elles vont vendre de multiples produits non alimentaires que nos membres vendront seulement durant les six autres jours. Ça, c'est clair que c'est ça qui va se passer, à court terme.

Deuxièmement, ça va diminuer l'achalandage des autres commerces au Québec, nos commerces, durant les six autres jours de la semaine pendant que nous autres, on va être ouverts. Là, il faut penser aux centres d'achats, c'est-à-dire que ça va répartir l'achalandage sur sept jours au centre d'achats où il y a un supermarché à l'autre bout du centre d'achats; donc, durant les six jours où, nous autres, on va payer encore 75 $ le pied, pendant que les grandes surfaces, elles, paient 10 $, 12 $ ou 15 $ et nos frais vont augmenter. On va avoir un autre désavantage. Ça va baisser l'achalandage dans les centres commerciaux de 100, 150, 200, 300 magasins ainsi que les rues commerciales.

Troisièmement, ça va changer la vocation de petits commerces existants sur des rues commerciales. On va déplacer le pôle d'attraction vers les grandes surfaces des centres commerciaux. Donc, effet négatif pour les commerces de quartier. Nous opérons deux magasins sur des rues commerciales et 31 ou 32 dans des centres d'achats. Alors, je devrais être de l'avis de M. Coutu et dire: Bravo! On est ouverts le dimanche, on va en profiter. Ça fait trois ou quatre ans que je me bats contre les promoteurs de centres d'achats à Toronto ou à Montréal pour dire: Écoutez, je pense que la qualité de vie au Québec... On n'est pas en Californie, on n'a pas 25 000 000 d'habitants au Québec et la concentration de la population au Québec ne justifie pas l'argument d'ouvrir le dimanche. Ce n'est pas vrai, on n'a pas besoin de ça. Tous les autres arguments, vous les avez entendus: les syndicats, la qualité de vie et tout ça.

Je vous donne quelques réflexions. On a insisté devant la commission Richard pour dire: 21 h 30. Nous autres, dans le vêtement, à 20 h 45, 20 h 50, quand le client est en train de s'acheter un habit, il aimerait ça finir à 21 h 30, ça ne le dérange pas, et l'employé non plus, ça ne le dérange pas, 21 h 30. Avant, on était à 22 heures. Dans le temps de mon père, on était à 23 heures. Là, je pense qu'on va au restaurant, on va souper à 20 heures, 20 h 30. Ça fait que 21 h 30 ce n'est pas une grosse différence, mais ça vient aider le ministre pour améliorer les besoins réels des consommateurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bovet: Je pense à vous, M. le ministre. Disons que je ne suis pas un politicien, mais J'ai appris qu'il fallait faire des cadeaux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bovet: Alors, le mercredi soir...

Le Président (M. Bélanger): C'est réellement tendancieux et inacceptable, de notre point de vue.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bovet: ...ça fait trois heures et demie, si on va jusqu'à 21 h 30; le jeudi, une demi-heure, le vendredi soir, une demi-heure. On l'a vérifié avec beaucoup d'employés. Ce n'est pas un problème. Ça fait quatre heures et demie de plus. Ça aide dans une situation où vraiment il y a des besoins réels du consommateur: la femme au travail, etc.

Autre réflexion - c'est une réflexion, ce n'est pas dans notre mémoire - les magasins d'entrepôt actuellement - vous savez lesquels, je ne parlerai pas de la nouvelle chaîne qui vient d'en ouvrir deux - visent 7 % de leur volume dans le vêtement. Les magasins d'alimentation vous ont parlé d'alimentation dans le magasins d'entrepôt. Moi, je peux vous dire que c'est 7 %. Ils visent 100 000 000 $ par magasin de chiffres d'affaires. Vous le savez, ça vous a été dit. Ils ont commencé à 60 000 000 $, ils visent 100 000 000 $: 7 %, vous pouvez calculer ce que ça veut dire dans le vêtement. Alors, ils profitent de l'achalandage le dimanche, le lundi soir, le mardi soir et le mercredi soir pour vendre du vêtement. Autre tendance dans le moment dans le marché, l'intégration verticale dans le domaine du vêtement. Vous savez qu'il y a une récession... un ralentissement économique, excusez. Il y a beaucoup de manufacturiers qui commencent à acheter des chaînes de magasins. Ce sont des gens qui vendent au gros et qui ouvrent comme... Je vais vous donner un exemple pas visé, mais connu: Esprit, qui est une chaîne de Californie qui ouvre ses propres magasins. D'autres distribuaient les produits Esprit, mais évidemment la compagnie a commencé à distribuer ses propres produits. Donc, ces gens-là vont pouvoir utiliser l'argument de dire: Nous, on vend au gros. C'est sûr qu'on vend au gros. Alors là il y a encore des chaînes le mois passé qui se sont vendues à des manufacturiers qui commencent à élargir

leurs tentacules dans les centres commerciaux de classe A, les "triple A" comme on les appelle. Évidemment, ces gens-fà vont pouvoir vous dire: Oui, c'est vrai, on vend au gros. Dans la semaine, on vend au gros, mais le samedi et le dimanche, on vend au détail. Pensez à ça.

Les marchés aux puces, le dimanche, c'est un gros problème, parce qu'on a parlé de marchandises usagées et de marchandises neuves. On ne peut pas contrôler ça, c'est impossible. Donnez-leur les mêmes règles du jeu que nous autres: que les marchés aux puces soient fermés le dimanche et qu'ils puissent vendre n'importe quoi le reste de la semaine, ça ne nous dérange pas. Merci, messieurs.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup. Je dois vous dire que, quand vous dites que le Conseil québécois du commerce de détail prend pour acquis - au nom de l'équité, quand on parlait de l'équité - que le gouvernement n'entend pas, dans le cadre de la présente consultation, remettre en question les dispositions de l'article 2 de la loi, je pense qu'après avoir entendu tous les intervenants, au nom de l'équité, ce n'est pas tout à fait vrai qu'on ne prendra pas pour acquis - je fais juste vous faire ce commentaire-là en passant, je vous le dis justement à cause de la prolifération des articles qui sont vendus dans les commerces... Si on veut avoir une loi équitable, il va falloir définitivement prendre ça en considération. Je voulais juste faire cette mise au point.

Je vous pose des petites questions très rapides. Vous dites: Les marchés aux puces doivent être limités à la vente de produits usagés, et aussi définir menus articles. Pour avoir bien écouté M. Bovet, si on veut réellement pouvoir appliquer la loi, il faudrait éliminer "menus articles", parce que vous n'auriez pas d'objection qu'ils pourraient opérer le dimanche en vendant uniquement de l'usagé.

M. Couture: Et on pourrait ajouter: marchandise usagée ou d'antiquité ou artisanat.

M. Tremblay (Outremont): Oui, je comprends. Bon. Alors, est-ce que vous modifiez votre recommandation pour ne pas nous obliger à définir "menus articles"?

M. Couture: Oui.

M. Bovet: Si vous me permettez, "menus articles" fait référence aussi aux pharmacies, je pense.

Une voix: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Non, ça je comprends. Je parlais juste pour les marchés aux puces. Je suis d'accord pour l'autre aussi.

M. Bovet: Si vous le définissez pour les marchés aux puces, vous allez le définir pour les pharmacies.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Je suis d'accord. Je visais surtout plus les marchés aux puces, mais c'est évident qu'il va falloir faire... parce que les marchés aux puces, normalement, vendent du prêt-à-porter le dimanche. C'est directement de la concurrence. C'est difficile à définir ce qu'est un menu article. (17 h 15)

M. Bovet: M. le ministre, on a des manufacturiers qui ont leurs propres kiosques dans les marchés aux puces, des manufacturiers de vêtements québécois qui ont leurs kiosques, qui ont leur réseau de distribution. On a coupé les ponts avec ces manufacturiers. Je suis en contact souvent avec le ministère de l'Industrie et du Commerce et avec la Sûreté du Québec pour les vols aussi, je pense qu'on ne réglera pas... M. Richard m'avait déjà fait la remarque qu'au Québec, à ce moment-là, il y a deux ans ans, il y avait 100 marchés aux puces qui avaient chacun 1000 tables. Donc, ça faisait 100 000 tables à contrôler. Je pense qu'on ne peut pas vous donner des solutions brillantes pour contrôler, avec des inspecteurs, les marchés aux puces. Tout ce que je vous dis, c'est que pour nos petits détaillants, au Québec, que ce soient les petits détaillants de la ville de Montréal - parce que j'ai siégé sur la CIDEM pour la ville de Montréal, pour les petits détaillants, j'ai été président du Conseil québécois - les petits détaillants, ça les affecte beaucoup les marchés aux puces et, le dimanche, ça les affecte encore plus.

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Bovet: Alors, il n'y a pas de solution, ià.

M. Tremblay (Outremont): Parfait, c'est ça. Mais ça, ça va être notre responsabilité. Ça prouve que j'ai besoin de plus que votre petite demi-heure, jusqu'à 21 h 30! Mais ce que je comprends de ce que vous me dites, c'est que, s'ils vendaient uniquement des produits usagers, s'il y avait des antiquités ou de l'artisanat et qu'on avait de très bons mécanismes de contrôle pour s'assurer qu'ils ne vendraient pas du neuf ou du prêt-à-porter, vous n'auriez pas de problèmes avez ça. J'en ai beaucoup d'autres petits détails, ce sont tous des...

Une voix: O.K.

M. Tremblay (Outremont): Moi, je ne sais pas, vous êtes...

M. Couture: Moi, je pense qu'on se sent à l'aise avec ça, conditionnellement à toutes les choses que vous venez de dire, oui, effectivement.

M. Tremblay (Outremont): Pour les zones touristiques, vous dites: "...loi ou par règlement les critères applicables à l'exception territoriale ou touristique." Si on prend le mot "touristique", on restreint les régions dans le temps, trois employés et moins en tout temps. Est-ce que vous êtes d'accord que tous les commerces pourraient ouvrir dans un zone touristique, sept jours par semaine, vingt-quatre heures par jour, trois employés et moins, et ça veut dire des boutiques de prêt-à-porter?

M. Couture: Ce qu'on recommandait, finalement, si on regarde les recommandations qu'on faisait à la page huit de notre mémoire...

M. Tremblay (Outremont): Oui.

M. Couture: ...on parle des librairies, on parle des tabagies, on parle des restaurants, on parie des pâtisseries...

M. Tremblay (Outremont): O.K. C'est clair. M. Couture: ...et tout ça.

M. Tremblay (Outremont): C'est parfait, très bien.

M. Couture: On pense, dans le contexte d'une zone touristique, que ça suffit comme services aux touristes à ce moment-là.

M. Tremblay (Outremont): C'est clair, très bien. Quand vous dites de réaménager les heures pour tous les établissements commerciaux les mercredis, jeudis et vendredis jusqu'à 21 h 30, j'ai compris le raisonnement. Est-ce que vous ouvrez toujours à 8 h 30 le matin? Vous n'ouvrez pas à 8 heures. Est-ce qu'on pourrait modifier le 8 h 30 le matin? En d'autres mots, ça n'empêche pas le propriétaire ou la propriétaire d'être présent dans son commerce, mais la porte ouvrirait à 9 h 30. Ça, vous n'avez pas d'objections à ça?

Mme Dufresne: Bien non.

M. Tremblay (Outremont): Parce que, d'une façon ou d'une autre, il n'y a pas grand clients à 8 h 30 ou 9 heures.

Mme Outresne: C'est déjà le cas, d'ailleurs. La plupart ouvrent à 9 h 30.

M. Couture: Je voudrais peut-être apporter juste un point ici. C'est que ça semble probablement vrai dans les grands centres. Pour avoir vécu dans des plus petits centres, moi, je vous dis que souvent les gens attendent à la porte. Dans des petits centres - j'ai vécu à Maniwaki, par exemple, ou quoi que ce soit - pour les gens c'est très important; si on ouvrait à 8 heures dans ces régions, les gens seraient là. 8 h 30, c'était acceptable.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais on peut venir dans les grands centres, si vous voulez - parce que vous pariiez des petits centres - les gens attendent à la banque à 10 heures. Si l'ouverture était à 9 heures, ils attendraient.

M. Couture: Effectivement.

M. Tremblay (Outremont): Je suis d'accord que le consommateur a toujours raison, mais... Ça, ce n'est pas majeur non plus. Pour les zones limitrophes, la raison pour laquelle je vais parier de la zone limitrophe, c'est que vous dites d'élargir, avant le 24 décembre, les 14 jours; vous aimeriez aller à 18 jours. Est-ce que vous incluriez le dimanche dans ces 18 jours-là?

M. Lamont: Non, seulement les six jours ouvrables présentement.

M. Tremblay (Outremont): Vous êtes conscients que dans une zone limitrophe, si vous y aviez votre commerce, il faudrait peut-être demander à vos petits détaillants qui sont à Hull, à Aylmer, à Gatineau... En Ontario, c'est ouvert à partir, disons, du 1er décembre jusqu'au 24 décembre, tous les jours, incluant le dimanche. Alors, je dois vous dire, pour votre information, que le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie a le droit de donner une exemption dans les zones limitrophes. Alors, est-ce que c'est majeur pour vous autres, dans les jours précédant Noël, d'ouvrir le dimanche? Si on veut éliminer une exception. J'essaie d'éliminer des exceptions. Je pose une question, c'est tout. Vous n'êtes pas obligés d'ouvrir.

M. Bovet: Vous ne pariez pas de Montréal. M. Tremblay (Outremont): Non, non.

M. Bovet: Vous parlez juste des zones limotrophes, près de Hull, Ottawa.

M. Tremblay (Outremont): Non, mais il y en a plus que ça parce qu'il y en a sur la frontière....

M. Bovet: D'accord. D'accord.

M. Tremblay (Outremont): D'autres frontières au Nouveau-Brunswick.

Mme Marois: La plus grosse là, vraiment

c'est Hull.

M. Tremblay (Outremont): Oui, oui. Mme Marois: Parce qu'ailleurs...

M. Bovet: Je ne peux pas vous donner de point de vue là-dessus. Je ne suis pas qualifié pour vous donner le point de vue là-dessus.

M. Tremblay (Outremont): Non, je vous pose la question parce que, pour avoir été un commerçant opérant des petites boutiques, je peux vous dire que dans les 15, 16 jours précédant Noël, quand on est très très très occupé, même si on est très très fatigué, c'est une période excessivement rentable, et je peux vous dire que, le dimanche, il y a beaucoup de personnes qui pourraient dire: On pourrait profiter au maximum de ce dimanche. Moi je parle uniquement des dimanches qui...

M. Bovet: Deux dimanches?

M. Tremblay (Outremont): Non, mais moi je vous dis, j'essaie de régler un autre problème, et je pense... Vous me donnez votre réflexion, parce qu'à cause des zones limitrophes, pour éliminer les zones limitrophes... Le problème c'est que les autres ouvrent le dimanche. Ça ne vous empêche pas de fermer le dimanche, mais est-ce que c'est majeur? Je sais que vous ne représentez pas tous les commerçants, tous les détaillants non plus. Juste votre point de vue...

M. Couture: Je peux vous dire qu'on a des magasins dans cette région-là, Hull, Aylmer, Gatineau, moi, et c'est la première fois que j'entends parler... En tout cas, je n'ai jamais eu, de mes marchands dans cette région-là, des problèmes à ce niveau. Jamais, c'est la première fois que j'en entends parler.

M. Tremblay (Outremont): Je dois vous dire que j'ai eu des demandes pressantes pour que les personnes... C'est toujours une municipalité qui demande à la suite de demandes des commerçants, pour qu'ils puissent commencer à faire de la publicité pour le début décembre pour être capables de concurrencer toute la région d'Ottawa.

M. Bovet: Tous les secteurs d'activité?

M. Tremblay (Outremont): Ah oui. Tous les secteurs d'activité, et spécifiquement les dimanches dans ce cas-là. Pourquoi? Parce que, juste à la frontière, ils sont opérationnels. Ils me l'ont demandé uniquement pour la période de décembre et plus que les 14 jours qui sont là, je ne me rappelle pas de mémoire exactement le nombre de jours. Je l'ai autorisé...

M. Bovet: M. le ministre...

M. Tremblay (Ouiremont): Je vous le dis là, je l'ai autorisé parce que la loi me le permet aujourd'hui pour les zones limitrophes.

M. Bovet: Ce qui amène votre décision, M. le ministre, c'est une concurrence qui pourrait être déloyale par rapport à la frontière, ou les établissements commerciaux outre-frontières.

M. Tremblay (Outremont): Ce que je dis, c'est qu'il est facile de traverser un petit pont. Oublions les frontières américaines, mais pour vos détaillants - vous connaissez Hull, il fait le tour de l'autre côté et il va acheter. Je fais abstraction du problème de taxe de vente. Je regarde juste l'aspect de commerce, d'un commerçant. Ifs peuvent être frustrés, ils se disent: Moi, je n'ai pas le droit parce que, de l'autre côté de l'eau, ils vendent des produits. Je vous soulève le point. Je veux juste que vous réagissiez à ça. On n'a pas de décision de prise.

Mme Dufresne: Si j'ai bien compris, M. le ministre, vous voulez dire que vous accorderiez une exemption, ou, enfin, pour les deux dimanches avant Noël pour tout le monde. C'est ça. Plutôt que d'avoir une exception pour les zones limitrophes. C'est ça que vous voulez dire en gros?

M. Tremblay (Outremont): Je dis que le problème, c'est les exceptions.

Mme Dufresne: Oui, c'est ça.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je me dis: Si je commence à créer une exception dans une zone limitrophe, après ça il faut définir la zone limitrophe et après ça, ça veut dire quoi? Limitrophe à limitrophe, puis limitrophe à limitrophe, on arrête où? Bon. Alors, moi ce que je vous dis, c'est que moi je vais vivre de l'expérience passée dans ma réflexion. Je vous dis que l'Ontario ouvre ces deux jours-là, les deux dimanches avant la période des fêtes, et je vous demande si, pour vous, c'est un problème majeur. C'est tout. C'est juste ça.

M. Bovet: Est-ce qu'on pourrait consulter nos membres dans cette région-là pour revenir d'ici deux semaines?

M. Tremblay (Outremont): Oui. Est-ce que vous pourriez...

M. Bovet: Parce qu'on n'est pas qualifié pour répondre à votre question.

M. Tremblay (Outremont): Très bien, M. Bovet. J'apprécie ça. Est-ce que vous pourriez revenir d'ici une semaine avec un écrit parce que

deux semaines c'est un peu tard?

M. Bovet: D'accord, une semaine.

M. Tremblay (Outremont): Une semaine.

M. Bovet: Parfait.

M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Je cède la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui, merci, M. le Président. Je pense que mon collègue a une question ou deux à poser. Ça me fait plaisir de vous recevoir au nom de ma formation politique. Évidemment, vous savez que je partage votre point de vue pour l'essentiel. Est-ce que c'est une demi-heure, une heure qu'il faut allonger? Je pense que ça se discute. On n'en est pas là. Je voudrais revenir sur des propos que vous avez tenus en disant: Au Québec, ce n'est pas la Californie. Ce n'est pas 30 000 000, 40 000 000 d'habitants, c'est 6 500 000. Moi, j'aimerais partager avec vous plus une réflexion à ce moment-ci et j'ai une question sur le personnel. Je l'ai dit un peu brusquement, je dirais, à certains autres groupes qui sont venus, mais je ne suis pas certaine d'ailleurs que moi, je voudrais avoir la qualité de vie des Américains et que je l'échangerais contre le mienne. C'était amusant, parce qu'avant vous, aujourd'hui, un groupe est venu et il nous a expliqué comment ça fonctionnait une pharmacie, une superpharmacie américaine ouverte 24 heures par jour, parfaitement dépersonnalisée et où, comme des robots, on réussit à se servir plus ou moins et on n'a plus de qualité de service. Peut-être que, aussi, ça fait partie de la qualité de vie, en tout cas!

Alors, moi, je ne suis pas certaine que c'est l'avenue à privilégier. Je suis à ce point certaine que, mon point de vue, ce n'est pas ça, c'est de dire qu'on doit se ménager un moment et que notre infrastructure de propriété qui a permis que se développent et la petite entreprise et la moyenne entreprise a permis à des gens de bien vivre, de développer des commerces qu'ils gèrent avec fierté et desquels ils retirent un revenu décent et correct. Sans surprotéger cela - je pense que ce n'est pas l'objectif d'une loi comme celle qui est devant nous - il faut au moins s'assurer qu'équitablement les gens vont être traités dans ce système.

Moi, ma question va porter sur le personnel. C'est difficile d'avoir l'heure juste. Vous avez remarqué, vous avez suivi un peu la commission aujourd'hui, je reconnais vos visages. Certains nous disent: Ah moi, mes gens avaient hâte de venir. D'autres me disent: Écoutez, Mme Marois, si vous saviez la difficulté que j'ai à recruter des gens; ou ils viennent cinq mois et, au bout de cinq mois, ils sont étudiants, donc ils quittent, ils font autre chose, j'en forme un autre. Alors, le principal problème, c'est le personnel. Les quincailliers nous ont dit ça. Certains marchands dans l'alimentation nous ont dit ça, etc. Vous êtes moins dans l'alimentation, peut-être davantage dans d'autres types de commerce, d'après ce que j'ai compris. Est-ce que, à votre point de vue, ce problème-là se pose ou vous le vivez ou vous l'avez? Comment se vit-il? Remarquez que les travailleurs, les représentants des travailleurs et travailleuses, par les syndicats, nous disent que le problème existe. Mais là, évidemment, on dit à peu près n'importe quoi après qu'ils ont dit ça. Alors, je me dis: Moi, je les crois, mais j'aimerais ça que vous m'en parliez.

M. Couture: Faire du commerce au détail, si on retourne à peu près dix ans en arrière, c'était le secteur oublié, c'était le dernier secteur où les gens et les jeunes voulaient venir travailler. On a, au cours des années, créé des emplois qui devenaient très intéressants particulièrement dans la mise en marché, où il y a des étudiants qui viennent effectivement maintenant chez nous. Du moment qu'il arrive une opportunité ailleurs que dans le secteur du commerce au détail, ils s'en vont. Ils aiment le travail, ils aiment... Ce qu'ils aiment moins, c'est le fait d'être obligés de travailler les jeudis soir, vendredis soir et samedis.

Mme Marois: Exactement ce que je posais comme question aux jeunes libéraux...

M. Couture: Et dans cet aspect-là, si l'on devait aller en plus travailler le dimanche, on va devenir encore défavorisés. C'est une réalité. Je peux vous dire qu'il y a des jeunes qui ont du potentiel, qui pourraient nous aider dans l'ensemble du commerce au détail et que, malheureusement, quand on réussit à les garder deux ou trois ans, parce que, tout feu tout flamme, ils sont enthousiasmés et tout ça... Mais là, les conditions, soit à cause des aspects familiaux, soit à cause des amis ou quoi que ce soit, ils ne peuvent pas sortir normalement comme tout le monde le samedi. Ils ne peuvent pas planifier. Quand arrive un mariage dans la famille, ils sont obligés de demander une permission spéciale, longue comme le bras. C'est difficile, mais c'est la réalité de chez nous. Et c'est le service à la clientèle qu'on veut assurer.

Vous avez beaucoup de marchands qui, pour être capables de pallier ce problème-là, vont faire travailler strictement leurs employés réguliers, aux heures normales de la semaine - on est obligés de les garder en petit nombre à ce moment-là - et essayer de faire travailler des étudiants les fins de semaine, ce qui est louable. Le problème aussi qu'on rencontre, c'est que si on met deux blocs d'employés comme tels, c'est que les jeudis soir, les vendredis soir et les

samedis, vous allez vous retrouver avec du personnel non expérimenté et on a besoin de personnes pour nous aider. C'est le phénomène... Vous avez entièrement raison quand vous parlez comme ça.

Mme Marois: D'accord. Oui, monsieur.

Le Président (M. Bélanger): M. Bovet voulait réagir.

M. Bovet: Oui, deux choses. Si vous êtes familiers avec les centres d'achats, vous allez vous promener...

Mme Marois: Oui.

M. Bovet: ...vous allez voir des affiches dans tous les magasins: Personnel demandé. Urgent.

Mme Marois: Oui, oui.

M. Bovet: D'accord? (17 h 30)

Mme Marois: Oui.

M. Bovet: On est tous d'accord avec ça. Deux, tous les magasins de vêtements pour femmes, toutes les nouvelles chaînes, je ne nommerai pas de nom, toutes les nouvelles chaînes québécoises, cotées à la Bourse ou pas, qui ont des magasins, 100, 200, 300, ce sont de mes amis, ils vont diront qu'ils utilisent beaucoup de personnel féminin, entre 20 et 35. Actuellement, le gros problème, c'est qu'elles sont toutes enceintes, beaucoup de femmes qui deviennent enceintes.

Mme Marois: Et le Québec va être heureux, mais enfin!

M. Bovet: Oui, à cause des nouvelles politiques gouvernementales.

Le Président (M. Bélanger): Donc, ça, ça marche! Alors, si on veut faire un aparté, ça veut dire que ça marche, cette politique-là.

M. Bovet: Oui.

Le Président (M. Bélanger): O.K. On va en parler à M. Bourassa.

M. Bovet: Alors, il y a des problèmes, c'est que les gens ne veulent pas travailler dans le domaine du détail. Deuxièmement, c'est qu'il y a une rareté de personnel, beaucoup de personnel féminin. Les enfants, à ma connaissance, j'en ai trois, vont encore à l'école du lundi au vendredi. Quand vous me direz que les écoles vont être ouvertes le samedi et le dimanche et qu'ils vont avoir des "breaks", des brisures de sept jours ou du mercredi et jeudi, ce sera un autre rythme de vie, mais on n'a pas ça dans le moment.

L'autre facteur que je voulais vous dire, au niveau des employés a commission, les vendeurs à commission...

Mme Marois: Oui.

M. Bovet: ...ceux qui gagnent strictement à commission vont être obligés de travailler le samedi et le dimanche.

Mme Marois: Ah oui.

M. Bovet: Ils n'auront pas le choix.

Mme Marois: Ah oui, moi, je suis persuadée.

M. Bovet: lis sont obligés de travailler dans les deux ou trois journées où il va y avoir le plus de monde. Alors, les gens que je connais, qui ont des chaînes à travers le Canada, qui ne sont pas ce qu'on appelle de grands détaillants, mais qui sont des chaînes, me disent: Au début, la première année, ça va, ils travaillent à toutes les deux semaines; après ça, ils travaillent à toutes les trois semaines et, après ça, ils travaillent à toutes les quatre semaines. Après ça, ils laissent carrément. On a plus de roulement de personnel. C'est un problème humain, c'est un problème normal et on a de la difficulté à "enrôler". Une des préoccupations du Conseil canadien du commerce de détail, sur lequel je siège à Toronto, c'est le personnel et, deux, les migrations, parce qu'on a ouvert trop de magasins et on n'a pas assez de clients.

Mme Marois: Ah bon, d'accord.

M. Bovet: Je parie à travers le Canada.

Mme Marois: Oui, on a compris.

M. Bovet: Ça s'applique pour le Québec. Vous allez commencer à avoir des centres d'achats vides...

Mme Marois: Oui.

M. Bovet: ...qui se videront tranquillement, dans les prochaines années. Actuellement... Il y a des centres d'achats qui vont avoir des portions de centre d'achats vides. Alors, c'est une réalité. On n'a pas besoin de sept jours. Il faudrait plutôt concentrer ce qu'on peut pour avoir une qualité de vie égale, et pour les employés, et pour les patrons.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, si vous permettez. Je voudrais revenir rapidement sur la question des

marchés aux puces. Vous avez été particulièrement radical avec la façon d'interpréter ou de gérer l'ouverture des marchés aux puces, en les fermant tous le dimanche. Je me...

M. Bovet: Une réflexion, ce n'était pas le commentaire du Conseil québécois dans le mémoire. Je m'excuse...

M. Claveau: Oui, c'est ça.

M. Bovet: ...c'était une réflexion personnelle.

M. Claveau: Mais il reste que c'est une réflexion qui a été enregistrée au niveau des débats qu'on a ici. Moi, je me permettrai une autre réflexion. Tout le monde s'essaie partout. Les gens respectent la loi, mais on s'essaie tout le temps. Pourtant, ça ne veut pas dire qu'on abandonne les lois chaque fois. Je vais vous donner un petit exemple. Les commerçants, règle générale, respectent la loi. Sauf qu'il y a une loi, entre autres, qui dit qu'on n'a pas le droit de vendre de la boisson à un mineur de moins de 18 ans. Moi, je peux vous dire ceci, expérience à l'appui, chiffres à l'appui, une expérience qu'on a menée dans notre petit coin de pays sous l'égide, la surveillance du conseil des services sociaux. Dans 17 points de vente dans une municipalité entre autres, dans 17 points de vente où il se vend de la boisson, on a pris un jeune de treize ans, on l'a fait passer dans les points de vente, un en arrière de l'autre, pour aller chercher de la bière. Bien, sur 17 places, il en a sorti à 15 places et c'est un jeune qui était facilement identifiable, il n'avait pas l'air de plus de dix ans. Bon! Il en a sorti dans 15 sur 17; là où il n'en a pas sorti, c'est à la Régie des alcools et, la deuxième place, c'est parce qu'ils la vendaient juste à la caisse et ils ont dit: "On va t'en vendre une caisse, mais, à la bouteille, on n'en vend pas" et il n'avait pas d'argent pour en acheter une caisse, ça fait qu'il n'en a pas pris.

Donc, tout le monde s'essaie. Est-ce que, parce que c'est le cas, on va abandonner la loi et dire: Si tout le monde vend de la boisson aux enfants de moins de 18 ans, on va les laisser en vendre? Non. On s'est retroussé les manches, on a développé quelque chose avec la Sûreté du Québec, avec la Sûreté municipale, avec les commerçants et on a dit: C'est fini. La chambre de commerce s'en est mêlée, enfin on a réglé le problème.

Moi, je pense que, par rapport aux marchés aux puces, il y a une approche un peu semblable. Écoutez, ce n'est pas sorcier, j'ai eu l'occasion, moi-même, de m'intéresser un peu à la question des marchés aux puces, à Jonquière entre autres, il y a exactement dix ans de ça. On avait une entente avec la ville de Jonquière pour vendre dans un marché aux puces. C'était très strict et on faisait respecter le règlement. Il y a beau y avoir 1000 kiosques, je vous dis qu'un inspecteur avec un petit calepin est capable d'en faire des kiosques dans une journée. Ça ne lui prend pas une demi-heure à chaque kiosque pour évaluer ce qu'il y a là-dedans. Il marche à bon pas, il prend des notes et ça va vite.

Si on a une bonne équipe d'intervention de la part du ministère, c'est facile à voir ce qu'il y a dans les kiosques, ce n'est pas sorcier. À ce moment-là pourquoi ne développerait-on pas une approche qui serait à l'effet de ramener les marchés aux puces à leur vocation première? Ce qui est très intéressant. C'est, entre autres, un attrait touristique dans certaines régions. Le marché aux puces pourrait avoir les vieilleries, l'artisanat, puis ces choses-là. Mais qu'on ait une bonne équipe d'intervention qui ne serait pas nécessairement une équipe lourde. On n'a pas besoin de sortir la grosse artillerie: un petit peloton bien facile à déplacer, puis je vous assure que ça ne prendrait pas grand temps que tous les contrevenants, si on leur met des amendes en conséquence, n'auront plus grand-chose de neuf à vendre sur leurs comptoirs. Est-ce que vous partagez cette opinion-là de la possibilité de contrôler ça?

M. Lafleur: Comme l'a mentionné M. Bovet, il exprimait une opinion. Le conseil, de son côté, lui, a recommandé essentiellement la continuation de l'existence des marchés aux puces, sauf qu'on demande l'abolition de la vente de produits neufs, du fameux petit article du décret qui fait référence aux produits neufs, parce qu'on sait pertinemment que ce n'est pas du produit neuf à 20 $ qui se vend, que ce sont des produits neufs à gros montant et que ça cause un tort certain à un ensemble de détaillants qui paient des taxes foncières, des taxes d'affaires, des employés, des impôts, qui sont respectueux de la loi. C'est ça qu'il faut: le retrait de la disposition juridique qui existe et, évidemment, un contrôle plus sévère exercé par les inspecteurs du ministère pour s'assurer que la loi est respectée. Mais, dans l'ensemble, on est d'accord pour que la vocation du marché aux puces continue.

M. Claveau: O.K. Je voulais être bien certain de ça.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Pour vous rassurer, on trouvera bien un moyen si c'est ça la décision de faire respecter la loi si ce n'est pas fait.

Deux petites précisions que je voudrais avoir: ça me chicote 21 h 30, parce qu'il y en a beaucoup... Vous savez que l'article 4 de la présente loi permet à un client de demeurer dans un établissement commercial 30 minutes après

l'heure au-delà de laquelle il a été interdit d'y admettre des clients. Donc, la porte ferme a 21 heures, il est là jusqu'à 21 h 30. Ce que vous dites: II pourrait être là jusqu'à 22 heures.

M. Lafleur: L'accès aux lieux. Les portes seraient ouvertes jusqu'à 21 h 30.

Mme Dufresne: Bien oui, on ne le mettra pas dehors.

M. Tremblay (Outremont): C'est ça. Donc, quand on parlait de la qualité de vie de vos travailleurs qui vont souper à 20 heures, là ils iraient souper à 22 heures. Je veux juste être certain que...

M. Bovet: M. le ministre, on disait que les Québécois, en général, quand ils vont souper au restaurant, ils vont souper à 20 heures. Je ne parlais pas des employés, je m'excuse, vous m'avez mal compris.

M. Tremblay (Outremont): Non, non, je n'ai pas mal compris.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bovet: Si vous modifiez votre raisonnement sur la demi-heure après...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!

M. Bovet: ...en voulant dire: Ils ferment la caisse, ils vident le magasin, etc., ou il reste un client encore pour 15 minutes, écoutez, c'est quand même très rare. Je dois dire que, dans les 10 dernières années, c'est très rare que des clients restent après l'heure, parce que je peux vous dire que les employés essaient autant que possible de finir à l'heure.

M. Tremblay (Outremont): Ils ont assez hâte qu'à 20 h 50 ils barrent la porte.

Le Président (M. Bélanger): Parlant d'heure de fermeture, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): J'ai juste... Dans votre réflexion sur les zones limitrophes, on m'informe, et je le savais: Beaucoup de commerces dans la région de Montréal sont ouverts les deux dimanches précédant Noël. On a eu énormément de plaintes au ministère. Je peux vous le dire, parce que je le sais par des plaintes. Alors, c'est un problème très sérieux. Des recommandations nous ont été faites au niveau du ministère pour les deux dimanches précédant Noël, parce que les commerçants ne respectent pas la loi à cause de la demande qui est très forte. Alors, j'aimerais que vous reveniez me dire quelle est votre position pour tous les commerces de détail les deux dimanches précédant Noël.

Le Président (M. Bélanger): M. Bovet.

M. Tremblay (Outremont): D'ailleurs, j'ai vu...

M. Bovet: Je suis conscient de ça parce qu'on a pris des injonctions contre des grands magasins qui vendaient à leurs employés le dimanche avant Noël, les centres commerciaux au complet qui restaient ouverts le dimanche avant Noël. On est conscients de cette position-là. Ça va être assez facile à vérifier et vous donner une information.

M. Tremblay (Outremont): Tout à l'heure vous sembliez dire que ça existait juste sur les zones limitrophes, que ça n'existait pas dans la zone métropolitaine de Montréal. Je vous confirme qu'on a eu énormément de plaintes. À moins que j'aie 250 fonctionnaires, ça va être très difficile à contrôler ça parce que les gens... Ça va être difficile.

M. Bovet: D'accord.

M. Tremblay (Outremont): Tout est possible, mais... En tout cas, revenez-moi avec une réflexion sur ça d'ici une semaine, j'apprécierais beaucoup.

M. Bovet: Quand vous parlez, M. le ministre, des dimanches, est-ce que la commission s'est penchée sur l'article 5.3, paragraphe 2, qui est la question du dimanche, si les commerces sont fermés le vendredi soir et le samedi?

M. Tremblay (Outremont): Oui, oui. M. Bovet: Oui?

M. Tremblay (Outremont): On a eu toutes les représentations des communautés juives qui sont venues ici.

M. Bovet: O.K. Le problème est le suivant: C'est qu'il y a un trou dans la loi qui fait que des chaînes de magasins - des chaînes - deux chaînes de magasins entre autres qui possèdent 10, 20, 30, 40 magasins, avec tout ce qu'ils devaient faire...

M. Tremblay (Outremont): Trois employés...

M. Bovet: ...la demande au ministre, l'autorisation du Congrès juif canadien... Ils gardent tous les autres magasins fermés, sauf un, celui de la rue Sainte-Catherine; celuMà est ouvert. Alors, je pense qu'il faudrait que ça s'applique au propriétaire d'un établissement unique et non pas à une compagnie.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'il y a plus de trois employés, dans ce commerce-là, le

dimanche?

M. Bovet: Ce n'est pas là la question; la question, c'est que le propriétaire se dit...

M. Tremblay (Outremont): Non, non, je comprends. On ne peut pas avoir... La religion, si on l'Invoque, on doit l'appliquer partout.

M. Bovet: C'est ça.

M. Tremblay (Outremont): Mais ce que je veux savoir... Je suis très conscient de ça.

M. Bovet: Le monsieur est à Toronto, ses commerces au Québec...

M. Tremblay (Outremont): Parfait.

M. Bovet: ...sont tous fermés le dimanche, sauf celui de la rue Sainte-Catherine...

M. Tremblay (Outremont): Oui, parfait. M. Bovet: ...ou du Vieux-Montréal.

M. Tremblay (Outremont): Ça, c'est clair. Cette réflexion-là, dans tout cas, dans mon cas à moi, je l'ai faite, mais s'il y a trois employés et moins, en tout temps, dans ce commerce-là, là, vous n'auriez pas de problème.

M. Bovet: Ah oui, j'ai un problème pareil, parce que... Je pense que le but de la loi, dans le temps, c'était pour protéger la communauté...

M. Tremblay (Outremont): Oui, oui.

M. Bovet: ...ethnique qui avait un commerce sur la rue Notre-Dame ou sur la rue Saint-Hubert. Il était tout seul dans son commerce, avec son épouse, il fermait le vendredi soir et le samedi et il voulait quand même vendre des fruits et légumes, le dimanche. Je parie de ça, il y a longtemps, mais ça ne s'applique pas à une corporation. Je pense que ça ne doit pas s'appliquer à une corporation qui a une chaîne de magasins, parce qu'actuellement cette technique-là est bien comprise à Toronto et ça prolifère. Il y avait des annonces, encore dimanche dernier.

M. Tremblay (Outremont): Mais, pour vous rassurer, on a demandé à la communauté juive de nous revenir avec un écrit qui va confirmer que, lorsqu'un membre de cette communauté-là invoque la loi, ça veut dire qu'il ne pourrait même pas engager des personnes pour travailler dans son commerce, cette journée-là. Alors, on va avoir une opinion pour bien clarifier ce que ça veut dire, être un membre de cette communauté-là. On va l'avoir. Mais soyez assuré qu'on n'ouvrira pas... Parce que la discussion qu'on a eue, théoriquement, cette personne-là qui ferme le samedi, peut avoir un monopole le dimanche, décider d'ouvrir des commerces à la grandeur du Québec, le dimanche, et faire beaucoup de sous.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le ministre...

M. Tremblay (Outremont): On est très conscients de ça.

Le Président (M. Bélanger): ..je me dois de vous interrompre. Mme la députée de Taillon, si vous voulez remercier nos Invités.

Mme Marois: Je vous remercie de votre présentation et de l'éclairage nouveau et différent que vous nous apportez, parce que je pense que vous soulevez des éléments différents. Moi, je vais en profiter, en vous remerciant, pour dire que si on a un système comme celui dans lequel on vit, depuis quand même quelques décennies, avec des lois adoptées dans un processus démocratique et qu'il y a une volonté d'appliquer ces lois-là, je crois qu'elles peuvent être respectées.

Je le répète à nouveau, je ne peux pas me convaincre, dans un processus logique que je connais, je ne peux pas me convaincre que, si la volonté est là, si les moyens pour l'opération-naliser sont là, pas 5000 inspecteurs, mais 10 qui vont faire quelques exemples quelque part, j'ai hâte de voir l'effet d'entraînement positif dans le respect de fa loi que cela aura. Je pense que c'est possible et j'aimerais ça qu'on trouve une solution dans ce sens-là aussi. Je suis consciente aussi que ce que vous soulevez dans le fond - et on ne l'a pas beaucoup abordé avec vous, mais vous l'avez abordé dans votre présentation - c'est que l'ouverture des commerces d'alimentation le dimanche, c'est le pied dans la porte pour l'effet d'entraînement sur l'ensemble du commerce de détail au Québec. Je suis persuadée à 80 % que c'est vers là que l'on va si cette décision est prise, compte tenu, entre autres, du phénomène des centres d'achats qui existe à l'heure actuelle et aussi des pressions qui s'exerceront pour vendre des produits dans les marchés d'alimentation et vendre des produits qui, habituellement, sont vendus d'une façon spécialisée dans d'autres types de commerce.

Alors, je vous remercie de la contribution à nos travaux et on espère ne pas vous avoir trop bousculés, malgré que ce soit vendredi et que vous soyez le dernier groupe. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Juste pour rassurer, avant de partir pour la fin de semaine, la députée de Taillon, le député du comté de Drummond a mentionné à plusieurs reprises qu'un

des moyens, quand j'ai parlé qu'il faudrait que j'aie 250 fonctionnaires, et peut-être qu'on peut réfléchir, c'est la possibilité, non pas de tansférer le pouvoir décisionnel à la municipalité, mais, si les amendes sont importantes, on peut transférer - évidement avec l'accord des municipalités et on va leur poser la question lorsqu'ils vont venir - la supervision et la perception des amendes. Ils se paieront à même ça. Donc, là ce serait plus facile parce qu'eux ont des inspecteurs, ils ont des corps policiers, ils ont bien des choses et la meilleure police, c'est toujours les commerçants eux-mêmes qui font les plaintes.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail vous remercie de votre participation et, avant d'être elle-même dans l'obligation de faire ses achats le dimanche, va ajourner ses travaux à mardi matin, 10 heures. Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

(Fin de la séance à 17 h 47)

Document(s) associé(s) à la séance