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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 19 février 1992 - Vol. 31 N° 99

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le statut de l'autonome dans l'industrie de la construction dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 185, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. Gauvin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Une minute d'attention, s'il vous plaît. Je déclare la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. J'aimerais rappeler le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale sur le statut de l'autonome dans l'industrie de la construction dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 185, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.

M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Audet (Beauce-Nord) est remplacé par M. Mac-Millan (Papineau); M. Bélanger (Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet).

Le Président (M. Gauvin): Merci. Nous allons procéder aujourd'hui... Je pense que je vais vous présenter l'ordre du jour. Donc, il était prévu, à 9 h 30, de recevoir - je pense que c'est le groupe qui est en avant de nous - la Fédération des travailleurs du Québec Construction pour une période d'une heure trente. Donc, à 11 heures, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Suspension à 12 h 30 pour reprendre, à 14 heures, avec l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec. À 15 h 30, la Corporation des maîtres électriciens du Québec et, à 17 heures, la Confédération des syndicats nationaux.

Je vais inviter le premier groupe que je mentionnais, soit la Fédération des travailleurs du Québec, représentée par M. Jean Lavallée, président, et M. Yves Paré, directeur général. J'inviterais M. Jean Lavallée, d'abord, à nous présenter ses collaborateurs, ici, à la table, et à nous faire la présentation de son mémoire pour 30 minutes; 30 minutes seront réservées au groupe ministériel qui forme le gouvernement et 30 minutes aux représentants de l'Opposition. M. Lavallée.

FTQ-Construction

M. Lavallée (Jean): M. le Président, M. le ministre, membres de l'Opposition, membres de cette commission, c'est avec plaisir que je vous présente les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, Hervé Morin, membre de l'exécutif du local 99; à mon extrême droite, Roger Poirier, du local 7, membre de l'exécutif aussi; Jean-Marc Thouin, du local 791 des opérateurs de machinerie lourde, aussi membre de l'exécutif; et mon confrère, Yves Paré, directeur général de la FTQ-Construction.

Vous avez certainement remarqué que nous n'avons pas présenté de mémoire, contrairement aux autres fois. On vous a fait plutôt parvenir les différents mémoires que nous avons produits durant des années devant cette même commission, soit les mémoires du CERLIC, les mémoires de 1984, les mémoires de 1988, le rapport Picard-Sexton, ainsi que le dernier mémoire. Je suis convaincu que vous n'avez probablement pas lu tous ces mémoires-là parce que vous seriez encore en train de lire depuis le temps que la dernière commission a eu lieu. Ça fait à peine deux mois, nous étions ici, dans cette même salle, pour faire valoir nos revendications. Je suis convaincu que vous ne les avez certainement pas tous lus.

Vous avez sûrement compris que nous avons un grave problème dans la construction. M. le ministre, nous vivons la plus grande crise que nous ayons jamais vécue ces dernières années. Le travail au noir, vu l'érosion du champ d'application, est devenu pratique courante. Si nous ne redressons pas la situation bientôt, dans peu de temps, nous aurons plus de travail au noir que de travail déclaré légalement.

Nous avons fait des grands pas depuis quelques années pour améliorer nos avantages sociaux ainsi que notre régime de retraite pour pouvoir permettre aux jeunes de rentrer dans l'industrie de la construction. Mais, comment pourrons-nous réussir si nous continuons à accepter et tolérer ces braconniers et ces fraudeurs dans l'industrie de la construction? Tout à l'heure, mon confrère, Paré, aura certainement l'occasion de vous citer des faits quand je parle de fraudeurs de l'industrie de la construction.

En 1988, l'adoption de la loi 31 devait corriger cette situation. Mais, par rapport à certaines failles dans la loi, rien n'est réglé. Plutôt, la situation s'est détériorée. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous nous trouvons à nouveau devant vous. Le gouvernement se doit de respecter l'entente de 1988 et de remettre aux travailleurs et employeurs de la construction le travail de construction qui leur est dû.

Lors de la dernière commission parlementaire, plusieurs fausses déclarations ont été faites par les parties patronales et, encore aujourd'hui, on répète les mêmes choses. Hier, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie répétait,

dans l'autre salle où nous avons siégé, en bas, que les 800 entrepreneurs étaient inquiets du travail d'entretien et de réparation qu'ils devaient faire dans une résidence privée, si c'était couvert ou pas, alors qu'ils savent bien que ce n'est pas couvert. Tout ça pour vous dire, M. le ministre, que ce n'est pas en faisant de la démagogie que l'on va pouvoir s'entendre.

Maintenant, je demanderais à mon confrère, Paré, de bien vouloir continuer et de vous donner les exemples appropriés.

Le Président (M. Gauvin): M. Paré.

M. Paré (Yves): M. le Président, dès l'ouverture de la commission parlementaire hier, j'ai eu l'impression qu'il s'était écoulé un siècle entre le 6 décembre et le 18 février, avec les attitudes à la commission parlementaire. Le 6 décembre, j'ai eu une impression très précise à l'effet qu'il y a des gens qui sont venus ici. à la commission parlementaire, dire n'importe quoi, se servir de l'opinion publique, jouer sur le pauvre consommateur qui ne pourra plus faire changer sa «fuse» parce qu'ils vont être obligés d'être deux et que ça va lui coûter une fortune.

Ils sont venus - je dois dire le mot réel -presque ridiculiser l'institution qu'est la commission parlementaire. On donnait Rivière-au-Renard en exemple, à maintes et maintes reprises, où le pauvre entrepreneur autonome qui était là ne pourrait plus survivre. À une question précise du ministre sur un travail de construction d'une maison neuve, on a eu le culot de dire, après avoir parlé de Rivière-au-Renard pendant une demi-heure: Je m'excuse, M. le ministre, mais je ne demeure pas à Rivière-au-Renard. On vient ridiculiser des choses.

Ils disent, dans des mémoires, que les cheveux leur dressent sur la tête d'entendre ce qu'on déclare, nous, comme problèmes. Je dois vous dire que les cheveux faisaient plus que me dresser sur la tête. De venir dire que la pauvre toilette qu'on veut descendre en bas, parce qu'elle n'existe pas, c'est de la construction neuve, bien, je suggérerais aux membres de cette corporation de reviser leurs mandats parce qu'ils ont un problème. Si c'est ce qu'ils font accroire à leurs membres, ils ont un gros trouble parce que ces pauvres membres-là, effectivement, ils ont raison d'être inquiets, pas à cause de l'entrepreneur autonome, mais bien parce qu'ils ne sont pas représentés adéquatement.

En 1988, il y a eu un consensus entre les associations syndicales, les associations patronales et le gouvernement pour exclure du Décret de la construction tous les travaux d'entretien, de réparation, de modification, tout ce qu'on voudra d'une résidence privée. Ça a été exclu. C'est 2 000 000 000 $. On a dit: Parfait, parce que toujours on s'est fait dire que la pauvre marche d'escalier, le pauvre consommateur qui est pris pour payer ça, ça n'a aucun sens. Il faut absolument éviter ça aux consommateurs. On a accepté ça par suite d'un engagement du gouvernement qu'H n'y aurait plus dans la construction neuve, dorénavant, que des employeurs et des salariés. Or, on s'aperçoit que, parce qu'il y a eu une erreur législative - voulue ou non, on n'en est pas sûrs - ces entrepreneurs-là, ces personnes physiques, se sont incorporés et sont devenus ni employeurs ni salariés.

On vient nous dire, aujourd'hui, qu'on veut leur enlever du travail. Ils veulent rester dans les limbes, ni employeurs ni salariés. Ils veulent jouer sur tous les tableaux. On ne veut pas dire que c'est les seuls qui font du travail au noir, mais c'est une pomme «pourrite» dans le panier, qu'on doit absolument enlever. En plus, à cause d'une demande de concertation entre les associations et le gouvernement, on n'a plus confiance. En 1988, on nous avait certifié qu'il n'y aurait plus de gens illégaux sur les chantiers de construction neuve. Ça a pris quatre ans - parce que ce n'est pas encore réglé - puis on n'est pas encore sûr que ça va être réglé. Ça fait quatre ans qu'on demande au gouvernement et aux ministres qui sont passés depuis ce temps-là de corriger cette lacune. Ce n'est pas encore fait.

On permet à ces gens-là de venir sans être poursuivis par qui que ce soit. Ils n'ont de comptes à rendre à personne. On est là, puis on dit: Qu'est-ce qu'on pourrait bien faire? On essaie de faire accroire au public que ce qu'on veut, c'est leur enlever le droit de venir travailler dans la construction. Ils l'ont perdu dans la construction neuve en 1988 et ça a fait l'objet de discussions et d'ententes à ce moment-là. Là, parce qu'il y a une erreur, on essaie de prétendre que c'est un droit qu'on leur enlève. La loi est claire, elle dit qu'un entrepreneur autonome ne peut pas oeuvrer dans la construction neuve, sauf que le texte ne dit pas qu'on parle d'une personne physique. «Corporation», malheureusement, ce n'était pas écrit dans la loi. Alors, on veut que ce soit corrigé. On ne prétend pas que les entrepreneurs autonomes sont les seuls qui font du travail au noir, mais ils en font une bonne partie. Ici, comme personnes mandatées de tous les comtés du Québec, c'est vous autres qui avez le choix de dire: Oui ou non, on continue à garder des gens qui vont faire comme ils veulent.

Le droit à la liberté individuelle, on y croit, nous autres aussi. Mais quand elle affecte les libertés collectives, il y a un problème. S'il y a une masse de travailleurs qui ont le droit, eux, de déclarer les revenus qu'ils veulent, de la façon qu'ils le veulent, eh bien, ce que les gens disaient hier, ça incite les autres a embarquer dans la «game». Cette «game»-là va faire en sorte que, demain, il n'y aura plus personne de légal sur les chantiers de construction. On n'a pas à se leurrer, tout le monde le dit: 20 % à 25 %.

Hier encore, on disait qu'actuellement ça leur prend à peu près 326 heures à faire une

maison normale. On essayait encore de trouver s'il n'y aurait pas une possibilité parce que la maison était plus petite ou s'il n'y aurait pas déjà des fils d'installés dedans. On peut essayer de se trouver toutes sortes de raisons, mais il y a une chose qui est claire: tout le monde s'entend pour dire qu'en moyenne, si elle est grosse, ça va peut-être prendre 1200 heures et, si elle est petite, ça va peut-être prendre 600 heures. S'ils en font une partie en usine, ça va peut-être prendre 300 heures, mais, en moyenne, c'est 800 heures. Alors, on en déclare 325. Les 500 heures, n'essayons pas de trouver où c'est, c'est le travail en dessous de la table. C'est aussi simple que ça. Soyons assez sérieux pour se le dire entre nous autres. Il y a 500 heures qui ne sont pas déclarées. Alors, 500 heures sur 45 000 mises en chantier, vous avez le nombre d'heures à peu près: quelque 24 000 000 d'heures non déclarées. À 20 $ de l'heure, faites le calcul!

Alors, la grosse partie, ce n'est pas juste dans la résidence unifamiliale, c'est aussi dans le bloc d'appartements, c'est aussi dans les condos. C'est là que la grosse partie du travail au noir s'effectue. Comment? Bien sûr, qu'il y a des travailleurs de l'industrie de la construction - membres chez nous aussi - qui acceptent d'en faire du travail en dessous de la table. C'est clair, on l'admet. Mais il y a une chose qui est sûre, dans bien des cas, je pense que c'est quelqu'un qui l'embauche, c'est quelqu'un qui exige que ce travailleur-là marche sur ces conditions-là. Qu'est-ce qui arrive au père de famille quand l'employeur l'embauche et dit: Moi, le samedi, mon ami, du temps supplémentaire, je n'en paie pas. Moi, c'est du «cash» en dessous de la table. Tu prends ça ou bien tu restes chez vous. Le travailleur a le choix d'accepter ces conditions-là ou, tout simplement, de rester chez lui.

Alors, vous avez une obligation, comme gouvernement, de mettre tout le monde sur le même pied d'égalité, que tout le monde ait les mêmes conditions de travail. C'est ce que vous devez faire. Au mois de décembre, on a laissé aller ce genre de chose là, ce genre de discussion, ce genre de mensonges. Je peux vous dire que, comme travailleurs, les gens en ont soupe de ça. L'illégalité, il va falloir que tout le monde embarque là-dedans ou bien il va falloir la corriger.

Le projet de loi 185, on pense que c'est un pas dans la bonne direction. Contrairement à ce qui s'est dit hier, on ne pense pas que 185 va régler 100 % du travail au noir. Mais si on est capables, par ce premier geste, d'en régler 75 %, pour les autres 25 %, il restera des choses à continuer à faire. Quand 185 complet est accepté... Lorsqu'on dit, par exemple, qu'un salarié qui va être pris à travailler illégalement sur un chantier de construction pourrait, dans des conditions différentes, perdre sa carte de compétence, celui qui n'en a pas pourrait avoir des amendes très sévères.

Ce qu'on regrette, c'est qu'en contrepartie l'employeur qui embauche au noir n'a pas cette obligation ou ce danger de perdre son permis d'entrepreneur dans l'industrie de la construction. On aurait aimé que ce soit aussi clair pour l'employeur que ce l'est pour le salarié. On a beau, à la Commission de la contructîon, faire des plaintes sur des chantiers qui se font illégalement, des gens pas de carte du tout, on sait que la Commission de la construction n'a pas le pouvoir de faire autre chose que constater des faits. On constate des faits et ils nous répondent que oui, effectivement, sur tel chantier... On pourrait vous en nommer. Des chantiers, par exemple, comme le golf Carling, à Brownsburg. Pas un chantier d'un bungalow, un projet de l'ordre de 200 000 000 $ et quelques. Depuis 1990, plainte par-dessus plainte faites à la Commission de la construction; constatation, effectivement, qu'il y a des travailleurs illégaux qui travaillent sur ce chantier-là, mais ils restent là.

Alors, on a décidé à la FTQ-Construction de régler le problème. On y est allés, la semaine passée, et on en a sorti 25 à coups de pied dans le derrière parce qu'on est tannés. Il va falloir en venir là, c'est regrettable. Ce n'est pas vrai qu'on peut laisser des compagnies changer de nom quatre fois dans l'espace de deux ans, qu'elles s'appellent Catfil construction, Danbon-neau construction, Construction Phil Bonneau, Les gestions Phil Bonneau. Ça change de nom en veux-tu en v'Ià et ça doit à peu près 200 000 $ juste en avantages sociaux à la Commission de la construction. On n'est pas capables de récupérer cet argent-là. Tout à l'heure, ça va être le fonds d'indemnisation qui va payer.

On a décidé de se prendre un peu en main et on va essayer, par les moyens les plus légaux possible - on ne veut pas faire de menaces - de trouver du pain pour les pères de famille. Quand on pense, ici, qu'on veut enlever du travail aux entrepreneurs autonomes, il faut que vous vous disiez qu'il y a aussi des pères de famille qui sont des travailleurs avec carte de compétence, qui essaient de gagner leur vie honorablement, qui sont prêts à payer leurs impôts, qui sont prêts à payer leur dû, qui veulent se créer un fonds de pension, et on les empêche de le faire. Ils doivent s'en aller travailler là à des conditions inférieures à ce que le Décret prévoit.

On a beau essayer, nous autres, de trouver des solutions, de plus en plus, le gouvernement restreint le champ d'application de l'industrie de la construction. On coupe, on coupe, on coupe! Par après, on voit le ministre de l'Éducation qui dit: II faut qu'on rentre des gars dans la construction, il faut qu'on en rentre, il faut qu'on en rentre! On restreint le champ et on augmente les travailleurs. On vous a dit, hier, qu'il y avait 145 000 cartes de compétence existant au Québec dans l'industrie de la construction, 145 000, alors

qu'il n'y a pas plus de 60 000 travailleurs qui peuvent oeuvrer dans l'industrie de la construction. Est-ce qu'on va en rentrer d'autres? Là, ça va peut-être être le Nouveau-Brunswick, ça va peut-être être l'Ontario. On ne sait pas où on est rendu, dans l'industrie de la construction.

C'est une industrie complètement instable. Les travailleurs sont à la recherche quotidiennement d'un emploi. Dans une usine, on n'est pas capables, nous autres, comme travailleurs de la construction, même avec une carte de compétence de plombier, d'électricien, d'aller travailler à General Motors. On ne peut pas y aller, ils ont une convention collective de travail qui les protège. Quand General Motors met 1700 travailleurs à pied, à quelle place on essaie de les rentrer? Dans l'industrie de la construction. C'est devenu le dépotoir. C'est devenu le champ d'activité de tout le patronage, l'industrie de la construction. Quand quelqu'un perd sa job, il faut qu'on le rentre dans la construction. Et on passe pour des gens non civilisés quand on dit: Un instant! Il faut arrêter d'en rentrer dans l'industrie de la construction. Il faut essayer de se trouver une main-d'oeuvre compétente.

Avec le report de la loi 186 - on avait négocié un petit 0,10 $ de l'heure qui devait commencer, le 1er janvier 1992, à être payé par les employeurs pour commencer à faire un peu de formation - on ne l'a pas encore, ce 0,10 $ là. C'est 700 000 $ par mois que les travailleurs perdent. Ce qu'on attend? C'est qu'on veut avoir une industrie qui est vivable comme n'importe quelle autre industrie. On ne veut pas que, lorsqu'une usine ferme à quelque part, automatiquement, l'industrie de la construction doive les récupérer. Dans l'industrie de la construction, il n'y a pas juste des entrepreneurs autonomes, il y a des pères de famille et il y a des jeunes. On est prêts à en rentrer, on est prêts à prendre ce qu'on peut absorber, mais pas à prendre tout ce qui se passe ailleurs à travers le Québec.

Alors, on pense que vous avez une vocation, une obligation que vous devez remplir. On peut, aujourd'hui, se dire n'importe quoi, se conter des peurs, dire: Ce sont des pauvres pères de famille. Mais il y a une chose qui est claire: vous allez avoir un choix entre avoir des gens légaux sur les chantiers de construction dont les employeurs devront déclarer les heures et des illégaux, ceux qui peuvent déclarer ce qu'ils veulent, ceux qui n'ont pas de carte. (10 heures)

On peut minimiser les effets du travail au noir dans l'industrie de la construction par, au moins, cette partie-là. On continuera par la suite. On est d'accord avec Mme Blackburn dans le sens que ce n'est pas juste l'entrepreneur autonome, mais ils sont là pour une maudite bonne partie du travail au noir. C'est eux autres qui engendrent la facilité et qui donnent aux employeurs une raison de forcer les travailleurs à embarquer dans ce système-là. Les journalistes parlaient, dans les journaux de ce matin, de travailleurs autonomes. Alors, là, c'est un nouveau mot qui est parti: maintenant, ce n'est plus les employeurs ou les entrepreneurs qui font faire du travail au noir, ce sont les employés, les salariés.

Je voudrais être bien clair sur une chose. Ce dont on parie depuis le début, quand on parte de la loi 185, ce sont les entrepreneurs autonomes. Ils s'incorporent. C'est, bien souvent, des ex-salariés, c'est exact, mais, maintenant, ils sont rendus des entrepreneurs autonomes. On leur a donné un champ d'activité suffisant, 2 000 000 000 $. Pour répondre à certaines questions où on me disait hier: Est-ce que les gens ne peuvent pas aller bâtir des maisons neuves, donner un coup de main, ainsi de suite? ça existe. Ce n'est pas vrai qu'on va aller arrêter le mononcle et la matante, le cousin et le beau-frère pour avoir donné un coup de main. Ce qu'on ne veut pas, c'est que le mononcle et le cousin, qui se donnent un coup de main, bâtissent 25 maisons parce qu'ils se donnent des coups de main. C'est ça qu'on ne veut pas. On veut aider des gens, on n'a aucun problème avec ça, mais vous allez avoir ce choix-là: ou bien tout le monde travaille illégalement ou bien tout le monde suit les normes et les règles dans l'industrie de la construction. C'est comme pour n'importe quelle usine, n'importe quelle industrie Si on veut une industrie faible, on a juste à la laisser aller, parce que, quand on parle de 25 % ou de 35 % de travail au noir, c'est très près d'une illégalité complète. Alors, on va avoir ce choix-là à faire.

Quand on parle du champ d'application, on pense, M. le Président, qu'il est très important que ça aboutisse aussi. On devait avoir un comité qui devait faire rapport le 31 décembre 1991 sur le champ d'activité de l'industrie de la construction. Ce n'est même pas encore formé. Il y a eu des déclarations de faites en juin 1991. Après Picard-Sexton, après tant de démarches et tant de travail fait, on pensait qu'on avait abouti à au moins une bonne avance dans le bon sens. On s'est aperçu que ce n'était pas ça. Alors, on n'est pas venu avec un nouveau mémoire, on n'a pas évolué, peut-être, depuis le 6 décembre, mais il y a une chose qui est claire, on pense que c'est le temps d'agir. On espère que ce ne sera pas comme le 6 décembre. On s'en est rendu compte hier parce que, là, on a reviré ceux qui venaient dire n'importe quoi. On espère qu'on va venir dire ici ce qu'on pense réellement, qu'on va venir dire les vérités.

Alors, le problème qu'on vit, c'est que vous devez prendre cette décision-là. Chacun dans vos comtés, vous faites affaire, oui, bien sûr, avec des entrepreneurs autonomes, mais aussi avec des électeurs qui gagnent leur vie dans l'industrie de la construction. Demain matin, vous leur dites: Oui ou non, on veut travailler avec vous autres, et on espère que vous allez être des citoyens et

des bons citoyens. L'entrepreneur autonome, on ne veut pas le tuer, on ne veut pas le faire mourir; on veut tout simplement qu'il oeuvre, qu'il gagne sa vie aux endroits où il est permis de le faire. Qu'il reste dans son champ d'activité alors que, nous autres, on va continuer dans notre champ d'activité, qui est celui de faire de la construction neuve. Alors, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Paré. Si ça complète votre présentation, j'inviterais M. le ministre pour une période de 30 minutes avec sa formation parlementaire.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Comme vous étiez présents hier lors des auditions, et vous venez de le commenter, vous avez dit que vous aviez l'impression qu'il s'était passé une éternité entre décembre et maintenant. C'est des fois intéressant ce que 60 jours peuvent faire.

M. Chevrette: Au sein d'un Conseil des ministres?

M. Cherry: C'est quand même moins long que de Cliche à maintenant.

Le Président (M. Gauvin): Je voudrais rappeler à M. le ministre que l'échange devrait normalement se faire entre nos invités et M. le ministre.

M. Chevrette: Ça fait six ans que tu es là, il va falloir que tu te réveilles.

M. Cherry: M. le Président...

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, oui.

M. Chevrette: Le monde n'a pas commencé avec vous.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cherry: O.K., une «inside joke». Vous disiez tantôt qu'il semble y avoir eu une évolution rapide des mentalités dans les 60 jours qui ont précédé. Vous avez dit qu'on avait l'impression qu'en décembre des gens étaient venus ici pour dire à peu près n'importe quoi, même, dans certains cas, carrément dire des choses qui sont contraires à la vérité. Vous avez, ce matin, dit: II est temps de se dire les vraies vérités et de se dire les vraies choses. Vous avez lu les articles de journaux de ce matin. Je ne vais en citer que deux, celui de La Presse et celui du Soleil. Celui du journal Le Soleil fait son titre d'une déclaration de l'APCHQ - qu'on aura l'occasion d'entendre un peu plus tard - qui dit que l'objectif de la loi pourrait avoir comme résultat de faire disparaître jusqu'à 10 000 emplois dans l'industrie. Pendant ce temps-là, La Presse dit que la tricherie est érigée en système. Ça, ça fait également partie d'un autre mémoire de la Corporation des maîtres électriciens qu'on aura l'occasion d'entendre ce matin.

Comme vous êtes l'organisation la plus représentative dans cette industrie-là en nombre, qui couvrez presque la grandeur du territoire du Québec, je vais m'associer à une demande que notre collègue de Chicoutimi faisait hier. On entend souvent parler de «ériger en système», c'est ce que ça dit, mais des exemples concrets, on n'en a pas souvent, avec un endroit bien précis et des choses concrètes. Là, vous venez de nous donner Carling, bon, O.K., dans ce coin-là. Vous y êtes allé rapidement sur celui-là et, si vous en avez d'autres...

De façon précise - vous avez dit: II faut se parler des vraies choses, de la vraie façon -profitons de l'heure qu'on a à passer pour se les dire de la vraie façon, pas pour s'inventer des histoires, pas pour se faire des peurs, pour identifier, dans le vrai contexte, c'est quoi le quotidien. Quand vous visitez les chantiers, quand vous côtoyez... On m'a rapporté toutes sortes d'affaires, que ce soit dans nos rencontres entre nous ou des gens qui sont affiliés à vous autres. C'est ça qu'on a besoin, comme législateurs, de se faire préciser: Ça s'appelle comment? Ça se passe où? Qu'est-ce que vous avez décelé, pour que ça ne soit pas des inventions véhiculées, mais bien des faits concrets? C'est de ça qu'on a besoin parce que c'est une industrie que vous connaissez tous, chacun de vous, beaucoup mieux que nous autres, c'est votre quotidien. Comme vous venez nous demander de vous aider à régler ça, donnez-nous donc du concret. C'est l'occasion que vous avez de le faire.

M. Paré (Yves): Oui. Bien, tantôt, j'ai mentionné un chantier en exemple qui existe depuis 1990, où on a eu plainte par-dessus plainte à la Commission de la construction. Effectivement, octobre 1990, 27 septembre 1990, la CCQ constate que les travailleurs ne détenaient pas le certificat de compétence requis. La proportion de compagnons apprentis n'était pas conforme. L'employeur était enregistré à la CCQ et possédait une licence de la Régie des entreprises de construction. Bon, septembre 1990, octobre 1990, même constat, etc. 23 février 1990... Nommons-les.

M. Cherry: Quand on parle de travailleurs, on parle de combien de travailleurs là?

M. Paré (Yves): Nous autres, le chiffre n'est pas là. Lors de notre visite, on a constaté qu'il y avait 25 carreleurs, des gens qui posaient du terrazzo, 25 carreleurs, avec aucune carte de

compétence dans leurs poches. On a dit à ces gens-là: Vous êtes des illégaux, vous devez quitter le chantier de construction. Vous n'avez pas de carte. Ça, ça s'est fait vendredi, il y a à peu près deux semaines. Or, ça, c'était un chantier où on a eu plainte par-dessus plainte. La compagnie a changé de nom quatre fois. Ça s'est appelé Catfil construction, c'est devenu Danbonneau construction, c'est devenu Construction Phil Bonneau, c'est devenu Les gestions Phil Bonneau. Chaque fois, c'est des nouvelles entreprises qui reviennent avec des nouveaux numéros et qui doivent de nouveaux montants à la CCQ. On ne paie pas les avantages sociaux. On parle de 200 000 $ de poursuites, juste en avantages sociaux non payés à la Commission de la construction.

Alors, on ne parle pas juste d'impôts; on dit que les vrais entrepreneurs dans l'industrie de la construction ne peuvent pas avoir ces contrats-là parce que, s'ils sont sérieux et veulent respecter les conditions de travail dans l'industrie de la construction, ils les perdent, ces contrats-là. Ça ne dérange pas Catfil construction, elle, de ne pas payer les avantages sociaux et ça ne la dérange pas de ne pas payer les salaires. Alors, le vrai contracteur qui, lui, voudrait soumissionner sur le contrat, il est cuit. Ce n'est pas juste le travailleur. On a - ça a été mentionné ce matin, sauf que le nom n'a pas été mentionné - une entreprise qui est poursuivie par les impôts pour 500 000 $. Charron Excavation, de Blainville, a eu, au cours des années, quelque 150 travailleurs qui ont travaillé pour elle et, aujourd'hui, sont poursuivis par les impôts. Là-dessus, il y en a une trentaine qui n'ont pas le choix, qui doivent des 20 000 $ ou 25 000 $ en impôt. Ils devront faire une faillite personnelle, 9s n'ont pas le choix.

Vous avez des entreprises. On a une autre entreprise, CS Asphalte.

M. Cherry: Avant qu'on aille plus loin, je «peux-tu» vous demander... Vous venez de donner un nouveau nom, vous venez de dire Charron Excavation. Voulez-vous nous le détailler, ce cas-là, parce que c'est la première fois qu'on l'entend? On «peut-u» l'entendre comme il faut? Comment ça s'est avéré? C'est quoi, le mécanisme qui a fait qu'on se ramasse avec ce que vous nous décrivez? Un des problèmes qu'on a souvent, c'est que, quand on connaît tellement bien notre matière, on l'explique comme si tout le monde la comprenait et la connaissait. Comme c'est votre période, il est important que vous preniez le temps de nous l'expliquer pour que, nous autres, nous le comprenions bien.

M. Paré (Yves): Je préférerais laisser Jean-Marc Thouin, qui représente les travailleurs dans cette entreprise-là, l'expliquer.

M. Thouin (Jean-Marc): C'est bien simple,

M. le ministre. La compagnie Charron Excavation est une compagnie qui fait de l'excavation, ça le dit par son mot. Charron avait mis ses travailleurs au défi en disant: Tu travailles à certaines conditions. Si tu ne travailles pas à ces conditions-là, bien, on va prendre des artisans avec des machines à opérer - vous savez que notre problème n'est pas réglé pour l'artisan en machinerie lourde - et tu vas rester chez vous. Ce que ça a fait, c'est qu'ils se sont fait prendre par l'impôt fédéral. Le montant exact: plus de 750 000 $ de réclamations contre Charron Excavation. Charron Excavation s'est retournée de bord et a dit: C'est du salaire que j'ai payé en dessous de la table à mes travailleurs. Ce que ça a fait, c'est qu'il y a eu 152 poursuites faites aux travailleurs. De ces 152 poursuites, il y en a plus de 30 ou 35 qui ont de 25 000 S à 30 000 $ de réclamations. Tous ces travailleurs-là sont obligés de faire des faillites personnelles, c'est compréhensible. L'impôt provincial n'y a pas été et le chômage, etc., ne sont pas là. C'est des exemples pour vous dire que le travailleur n'a réellement pas le choix. C'est une forme de travail au noir et, le travailleur, il faut qu'il travaille dans ces conditions-là. Sans ça, il reste chez lui, c'est simple.

M. Cherry: M. Thouin, quand vous dites: Des réclamations à l'impôt pour 25 000 $ à 30 000 $, est-ce que c'est quelque chose qui s'est passé dans une seule année ou est-ce que c'est quelque chose qui a fonctionné sur une période plus longue? Parce que 25 000 $ pour une seule réclamation, d'un seul niveau de gouvernement, ça me semble élevé.

M. Thouin: La compagnie faisait ça depuis quatre ou cinq ans. Plus que ça, M. le ministre. Présentement, la compagnie opère encore, puis elle les paie d'une autre façon, mais elle les paie encore en «cash».

M. Cherry: C'est comment l'autre façon?

M. Thouin: L'autre façon est simple. Ils leur font des banques et ils les paient en bonis au bout de trois ou quatre mois. Ils disent que c'est un boni. C'est une autre forme de travail au noir.

Le travailleur artisan, nous autres, en machinerie lourde, notre problème n'est pas réglé et c'en est une des raisons pourquoi ça ne marche pas. On en a beaucoup d'autres raisons. On a beaucoup d'autres exemples. On vous en cite seulement un, mais Yves va vous en citer un autre en machinerie lourde aussi: des banques d'heures.

M. Cherry: Je voudrais qu'on finisse celle-là. Vous me dites que cette entreprise, qui, elle, fonctionne toujours sous le même nom, contrairement à la première... La première, vous

avez dit qu'elle avait changé de nom quatre fois. Celle-là, vous dites: Ça fait au moins quatre, cinq ans qu'elle fonctionne comme ça. Vous dites: Aujourd'hui, elle a raffiné son processus. Je suis obligé de prendre votre déclaration. Vous dites: Ça fait des années qu'elle fonctionne comme ça. Quand elle s'est fait prendre par l'impôt, vous dites que l'entreprise a dit: Cet argent-là, moi, je l'ai versé. Je ne veux pas vous mettre des paroles, corrigez-moi. Vous dites: Cet argent-là, on l'a versé à nos salariés en dessous de la table. C'est ça, l'expression?

M. Thouin: C'est ça.

M. Cherry: Donc, à cause de ça, l'impôt se revire contre les salariés qui auraient reçu. eux. cet argent-là. Vous me dites qu'il y en aurait 25 ou 30 qui doivent 20 000 $, 25 000 $ d'impôt. Donc, ça, c'est sur plusieurs années, vous avez dit?

M. Thouin: Oui.

M. Cherry: Mais le processus exact, ça se passait quand? Douze mois par année? Dans certaines périodes de l'année? Comment ça marchait?

M. Thouin: Par exemple, le travailleur sur l'excavation, c'est 50 heures par semaine. S'il travaillait un peu plus de 50 heures, r«overtime», il payait ça à 15 $ ou à 10 $ en dessous de la table. S'il travaillait le samedi, c'était payé en «cash», toutes ces choses-là. C'est de cette façon qu'il les payait II y a peu de compagnies en excavation qui paient du temps supplémentaire aux travailleurs.

M. Cherry: O.K.

M. Paré (Yves): On peut avancer qu'il n'y en a pas.

M. Cherry: On revient sur l'autonome? Là, on a fait du noir. Ça, ce n'est pas de l'autonome. Ça, c'est du noir. Est-ce qu'on peut revenir sur l'autonome?

M. Lavallée: Oui. M. le ministre, il y aurait quelques chantiers aussi que j'aimerais citer. Vous demandez des exemples. On a une équipe qui, régulièrement, visite les chantiers pour s'assurer que les gens qui oeuvrent sur ces chantiers respectent les conditions de travail du Décret. On est allés à Saint-Eustache, une école. Encore là, c'était plein de travailleurs autonomes et de gens pas de carte. On a de la misère à vous donner des noms et des exemples parce que, quand on se présente sur ces chantiers, soit qu'on sorte, qu'on se sauve, qu'on barricade les portes. On fait à peu près tout. Un chantier au coin de Berri et Saint-Grégoire, un 100 loge- ments. Quand nos gens se sont présentés là, il y en a une quinzaine qui sont partis à la course, ils se sont sauvés. On a de la misère. Quand bien même je voudrais vous les amener, il faudrait s'en venir avec eux autres par le cou, vous les amener ici et dire: C'est eux autres, ça, les gens pas de carte. (10 h 15)

L'Aérospatiale, un gros chantier sur la rive sud: une quarantaine de personnes, pas d'heures déclarées à la Commission. Le palais de justice à Laval: les gens se sont présentés pour une coulée de ciment, un matin, une douzaine de personnes, pas de carte. Pour nous, c'est difficile d'arriver, d'aller chercher ces gens-là et de vous les amener. On pourrait, comme ça, vous en citer constamment sur différents chantiers à travers le Québec où, lorsqu'on se présente, ça se sauve et ça se cache partout.

Le Président (M. Gauvin): M. Paré.

M. Paré (Yves): Pour revenir peut-être sur l'entrepreneur autonome, le processus qui se fait, dans bien des cas, c'est que l'entrepreneur autonome en pose de gyproc, par exemple... Alors, il y a 12 logements ou un bloc de 12 logements. C'est un contrat fixe ou à l'heure. C'est 25 $ de l'heure et ainsi de suite pour la pose de ça ou tant du pied. Le contracteur, le donneur d'ouvrage, peu importe, le troisième sous-traitant qui a embauché, enfin, celui qui fait les travaux, il le paie tout simplement par chèque ou peu importe. Il déclare qu'il est allé travailler 40 heures à 30 $ de l'heure; il lui fait un chèque de 1200 $. Tiens! Ça, c'est ta paie. L'entrepreneur autonome, lui, ces 1200 $, il déclare ce qu'il veut à la Commission de la construction. Il peut dire: J'ai travaillé 8 heures dans ma semaine. Il peut dire: J'ai travaillé 20 heures. À l'impôt, il déclare ce qu'il veut. Il est une corporation. Le donneur d'ouvrage, lui, il est très bien protégé. Il a payé une autre entreprise, il a payé une autre corporation par chèque. Il n'a pas à déduire les impôts de cet entrepreneur autonome, de cette compagnie-là. Il le paie par chèque. L'entrepreneur autonome, lui, s'arrange avec ses obligations d'impôt, ses obligations à la Commission de la construction. Alors, qu'est-ce qu'il fait? Ce qu'il fait, c'est qu'il rapporte un nombre d'heures minimales à la Commission de la construction, celui qui est intelligent un peu, là. Alors, il rapporte, disons, 600 heures par année pour avoir droit à toutes les assurances collectives des travailleurs de l'industrie de la construction. Par la loi 110 de 1979, un artisan ou un entrepreneur autonome peut rapporter des heures à la CCQ et la CCQ doit les accepter. Donc, il rapporte 600 heures par année et il est couvert par toutes les assurances.

Les chiffres de la Commission sont clairs. Ça, c'est très bien précisé, c'est plus clair dans ces cas-là. Un entrepreneur autonome ou un

dirigeant d'entreprise qui ne rapporte aucune heure paie, en moyenne, disons pour 1991, 370 $ par année dans ce fonds-là et réclame pour 550 $. Donc, je ne connais pas une compagnie d'assurances ni un groupe d'assurances qui pourrait vivre de même, que tu paies moins que ce que tu réclames. Alors, le système est bien simple. C'est plus facile pour eux autres d'embarquer sur l'assurance-chômage et sur l'assurance-maladie. On voit, c'est drôle, que c'est toujours en janvier, février ou mars qu'il y a le plus de gens malades là-dedans. Ça, on peut ie voir facilement. Ils embarquent sur l'assurance-maladie, continuent à travailler en dessous de la table, perçoivent des chèques clairs d'impôt et c'est de même qu'ils fonctionnent. Alors, nos travailleurs, parce qu'il y en a qui travaillent côte à côte avec ça... Regarde, mon chèque, 1200 $ clair cette semaine, comme entrepreneur autonome. Toi, tu as eu rien que 432 $. Tu travailles pour qui?

Alors, c'est ça qui se passe sur les chantiers de construction. Il y a un autonome qui est mort de rire, il a un chèque de 1200 $. Il vole, parce qu'il ne paie pas d'impôt et, lui, le travailleur, il se fait enlever l'impôt directement à la source. Il se fait enlever ses avantages sociaux à la CCQ, il se fait tout enlever de a à z et il lui reste 400 $ et quelques sur une paie de 1000 $. L'autre, lui, il est mort de rire. Alors, la décision que vous devez prendre, c'est celle-là. Est-ce qu'on continue de laisser aller ça, deux classes de personnes sur le chantier: celui qui fait ce qu'il veut, au nom de la liberté individuelle, et celui qui est obligé de rapporter ses heures et de payer ses dus comme toute la collectivité? C'est le point. C'est le genre de truc.

Ou bien, pour un 12 logements, le contrat est donné à un troisième sous-traitant, à la job. C'est tant pour faire la job. Il y a 35 000 pieds de gyproc à poser et je te paie tant. Le gars dit: Parfait. Il fait la job, il reçoit son chèque. Bonjour! Il a été payé tant. Combien de temps, les heures et ce qu'il déclare, on ne le sait pas. On ne peut pas arriver et personne ne peut compétitionner ça. Personne.

M. Lavallée: D'ailleurs, M. le ministre, quand vous allez entendre la Corporation des maîtres électriciens, aujourd'hui, vous leur poserez la question. Dans leur document, ils ont donné à peu près tous les trucs que les employeurs emploient pour faire du travail au noir. Ils disent, dans ça, que les salariés sont consentants. Ils n'ont pas le choix. S'ils ne le font pas, ils en prennent un autre. L'entrepreneur autonome, quand je l'appelle le fraudeur... Ce n'est pas moi qui le dis, je vais citer textuellement. J'ai déjà donné des exemples, dans certains cas, et j'ai toujours dit qu'un entrepreneur électricien ne peut pas travailler seul. Ça ne se fait pas tout seul, l'installation électrique dans une maison. Ce qu'ils font, c'est qu'ils vont chercher quelqu'un qu'ils connaissent, soit qu'il est sur le BS ou sur l'assurance-chômage. Ils se font aider et, quand ils ont fini de faire le «rough», le reste, ils font la finition, et ils peuvent le faire seul. Ça se fait couramment, à peu près par tous les entrepreneurs autonomes. Ils vont se chercher quelqu'un comme ça «on the side». Puis, dans le mémoire de la Corporation, ils disent bien que certains employeurs utilisent les services d'un employé pour faire un travail autre que celui pour lequel il est payé. Exemple: un commis payé 10 $ l'heure aide un électricien à tirer du fil. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Corporation.

Lisez attentivement leur mémoire, vous allez voir. J'ai appris des nouveaux trucs que je ne connaissais pas, que les entrepreneurs électriciens exigent de leurs salariés en disant: Les salariés sont d'accord pour faire ça. Mon oeil! Un gars qui risque de perdre sa job, H va accepter ce que l'employeur lui propose de faire. C'est ça, les entrepreneurs autonomes, et c'est pour ça que je les appelle des fraudeurs. S'ils veulent travailler légalement, on leur a donné 2 000 000 000 $ de contrats. On a exclu tout l'entretien et la réparation qu'on leur a donnés. Si ça ne fart pas leur affaire d'aller travailler dans l'entretien et la réparation, ils peuvent aussi être salariés et venir travailler comme salariés dans l'industrie de la construction. Il n'y a personne qui perd dans ça.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Cherry: Évidemment, les gens qui vous connaissent bien savent que vous êtes plus familier avec l'aspect électricité, étant vous-même électricien de métier. Hier, vous étiez présent en commission parlementaire lorsque la Corporation des maîtres tuyauteurs est venue nous expliquer qu'il n'y a vraiment pas d'économie parce qu'ils doivent charger, les autonomes dans la tuyauterie, environ l'équivalent... Hier, ils nous ont fait des déclarations comme quoi il n'y a vraiment pas d'économie parce que, autonome ou engagé, un salarié doit, pour respecter les règles de la construction, charger environ les mêmes choses pour pouvoir avoir droit aux avantages, aux bénéfices, payer ses impôts et tout ça. On a entendu ça hier. On entendra, plus tard, aujourd'hui - je sais qu'il est dans la salle, donc il se prépare pour ma question - la déclaration d'un autre organisme qui, lui, vient nous dire: Si vous abolissez les autonomes, vous allez augmenter le prix des maisons de 8000 $ à 9000 $ par année. Donc, si ça ne coûte pas plus cher pour faire la même job, comment ça se fait que celui qui les embauche dit que, s'il n'y a plus d'autonomes, ça va lui coûter 8000 $ de plus pour les mêmes maisons? Vu que je ne connais pas ça, je pose les questions à ceux qui connaissent ça, la construction.

M. Paré (Yves) Juste un exemple, M. le ministre. En 1988, on a exclu les travaux d'entretien, de réparation, de rénovation, de modification d'une maison. Je vais essayer de préciser une chose: Quand on parle de travaux mineurs, ce n'est pas ces travaux-là. Entretien, réparation, rénovation, modification pour une personne physique, c'est 100 % exclu. Quand on parle de travaux mineurs, c'est dans le commercial. Un entrepreneur autonome peut aller faire des travaux mineurs chez Kruger, ou chez Daishowa ici. Il a le droit en autant qu'il n'y en ait qu'un sur le chantier. Il a le droit. Là, ce n'est pas dans le petit bungalow. Alors, quand on parle de mineurs, c'est dans la grosse construction, pour caricaturer. Quand on parle de travaux d'entretien, de réparation, de rénovation de modification dans le secteur privé, pour Yves Paré ou n'importe quelle personne, c'est exclu à 100 %. Alors, qu'on ne vienne pas me parler d'une chambre de bain qui part d'en haut, c'est zéro.

J'ai fait une tentative avant de venir à la commission parlementaire. La semaine passée, j'ai appelé à l'APCHQ. J'ai parlé à une petite fille. J'ai dit: Je suis un consommateur. Je veux faire faire des travaux de réparation chez nous. Je voudrais savoir combien un contracteur devrait normalement me charger. Elle me dit: Est-ce que c'est des travaux de peinture? J'ai dit: II va y avoir de la peinture certain, ma cuisine et mon salon, je les change de place. Alors, je vais avoir de la peinture, je vais avoir de la menuiserie, je vais avoir de la plomberie et je vais avoir de l'électricité. Elle a dit: Un peintre, c'est 39 $ et quelque chose de l'heure, normalement; un électricien, c'est 45 $ ou 46 $ de l'heure; un plombier, c'est à peu près pareil. J'ai dit: En moyenne, combien le contracteur? Elle a dit: entre 45 $ et 50 $ de l'heure, il ne vous vole pas.

Alors, le consommateur n'a rien sauvé quand on a exclu ça du champ d'application de l'industrie de la construction: pas une cent! C'est à peu près ce que ça coûte pour construire une maison neuve aujourd'hui, au taux horaire. Alors, qu'on ne vienne pas nous faire accroire que c'est le pauvre consommateur qui va être encore obligé de payer, puis que ça va augmenter la maison de 10 000 $ - la maison, si elle augmente, c'est parce qu'ils vont déclarer les heures tout simplement, ce qu'ils ne faisaient pas avant - ce n'est pas vrai.

On a vévu une expérience assez formidable dans le cas de Corvée-habitation en 1982 alors que les travailleurs ont investi de l'argent: 0,125 $ de l'heure. C'est drôle, il se construisait des maisons à 60 000 $, incluant le terrain, à ce moment-là, alors qu'un mois avant Corvée-habitation on ne pouvait pas en avoir, puis, six mois après, on ne pouvait plus en avoir non plus. Alors, il y avait comme un phénomène spontané: il se vendait plus de maisons et les maisons avaient un prix plus raisonnable parce que c'était le maximum, 60 000 $.

Alors, demain matin, la construction de la maison neuve, si tout est déclaré, elle ne coûtera pas- 10 000 $ de plus que si on continue à vouloir frauder, c'est sûr. Je pense que ça a été prouvé dans des études que l'augmentation du taux d'intérêt de 0,5 % est plus néfaste qu'une augmentation de 10 % des taux de salaire dans l'industrie de la construction. On a beau venir charroyer ici et dire n'importe quoi, continuer, même après, à faire toutes sortes de déclarations à l'effet que le pauvre entrepreneur autonome ne pourra plus aller travailler tout seul sur les chantiers de construction, alors c'est faux.

On dit que l'entrepreneur qui a un salarié peut travailler sur les chantiers de construction aussi et on ne veut pas le sortir. Il travaillera avec son salarié. Si le salarié est sur une job et que, lui, est sur l'autre, je ne pense pas qu'il va y avoir de fusillade sur les chantiers de construction. Ce qu'on veut, c'est que tout le monde soit sur la même longueur d'onde, sur le même pied d'égalité et au même rythme, employeurs et salariés, et, là, l'industrie va faire comme n'importe quelle autre industrie au Québec.

M. Cherry: II a été proposé hier... et je voudrais vous entendre là-dessus. Je vais décrire la situation pour bien préciser le sens de ma question. Vous êtes un entrepreneur qui, durant 10 mois de l'année, avez 1, 2 ou 5 salariés à votre emploi. Mais, dans la période creuse, la période cyclique, vous n'en avez pas. Vous avez à peine de l'ouvrage pour vous. Donc, pendant deux mois de l'année, vous devenez un entrepreneur qui ne répondez qu'aux services de vos clients et un peu d'ouvrage pour vous-même. Aussitôt que l'ouvrage va reprendre ou les travaux pour lesquels vous avez soumissionné, si vous les avez, vous allez rappeler du monde pour revenir travailler, comme vous fonctionnez 10 mois par année.

Dans votre langage à vous, durant ces deux mois, cet entrepreneur qui continue à travailler pour tenter de survivre, à soumissionner, à aller donner du service pour maintenir sa clientèle, vous le décrivez comment, lui, pour cette période-là, dans un premier temps? La question qui est associée à celle-là, qui a été soulevée hier, c'est qu'un entrepreneur puisse travailler seul sur ses propres chantiers en autant qu'il ait au moins un salarié à ses livres. Hier, ça a été avancé comme ça. Ça serait quoi, selon vous, les avantages et les inconvénients d'une telle suggestion?

M. Paré (Yves): Alors, moi, selon ce que je pense, d'abord, cette personne-là, c'est un entrepreneur, à mon point de vue. Il a oeuvré pendant 10 mois avec des salariés. Il y a peut-être deux mois où il n'y a pas de travaux. Je pense qu'à la Commission de la construction, dans l'interprétation qu'ils en ont faite, ils ont

dit: Nous autres, on le considère comme un entrepreneur. Est-ce qu'il a le droit d'aller oeuvrer seul sur le chantier de construction? Je pense que - avec l'exemple que mon confrère Lavallée donnait tout à l'heure - à peu près jamais, presque jamais ces entrepreneurs-là ne travaillent seuls. Ils ont toujours quelqu'un pour les aider, que ce soit l'électricien, le plombier. Peu importe, ils sont toujours un ou deux minimum et, hier, on l'expliquait.

Est-ce que, dans le cas de votre question, s'il arrive que, le 19 décembre, on pince ce gars-là complètement seul sur le chantier de construction, on va en faire un cas extraordinaire? Je ne le pense pas Je pense que l'industrie est plus mature que ça. S'il est prouvé que ce gars-là a toujours eu des gens à son emploi et que c'est pour finir un chantier, je ne pense pas que la Commission de la construction irait poursuivre ce travailleur-là.

Le Président (M. Gauvin): Je reconnais Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci. Bonjour, messieurs.

Vous avez tout à l'heure indiqué que votre définition de travaux mineurs ne toucherait que le commercial, donc, pas le domiciliaire. La loi, là-dessus, n'est pas très explicite.

M. Paré (Yves): Très claire, madame. Très très claire, à l'article 19 de la loi.

Mme Blackburn: Oui, ça, je l'ai.

M. Paré (Yves): Ça ne peut pas être plus clair que c'est là. À l'article 19 de la loi, c'est dit que la loi ne s'applique pas... Ce que le paragraphe dit, c'est: «La présente loi s'applique aux employeurs et aux salariés de l'industrie de la construction; toutefois, elle ne s'applique pas...» Là, vous avez huit cas où elle ne s'applique pas. Le neuvième: «9° aux travaux suivants, exécutés pour une personne physique, agissant pour son propre compte et à ses fins personnelles et exclusivement non lucratives». Donc, c'est Yves Paré, c'est Mme Blackburn. «i. d'entretien, de réparation, de rénovation et de modification d'un logement qu'elle habite; «ii. de construction d'un garage ou d'une remise annexe à un logement qu'elle habite, qu'il lui soit contigu ou non.»

Vous avez une maison, vous décidez d'ajouter un garage à côté, contigu ou non. C'est non couvert par la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. La loi ne s'applique pas, c'est ce qui est dit à 19. (10 h 30)

Vous descendez plus bas: «Une personne autre qu'un employeur professionnel - alors, une personne autre qu'un employeur professionnel. ça peut être bien du monde - ne peut simultanément - c'est trois paragraphes plus bas -faire exécuter sur un même chantier des travaux d'entretien, de réparation et de rénovation mineure par plus d'un entrepreneur autonome de quelque sous-catégorie que ce soit, sauf [...] machineries lourdes ou [...] excavation».

Alors, ça, c'est le petit dépanneur du coin à Fernand Archambault, en 1988, qui était chef de cabinet de Pierre Paradis, qui ne voulait absolument pas que son «chum» qui était entrepreneur électricien ne puisse pas aller réparer la «fuse» du dépanneur. Il disait: C'est impensable, on ne peut pas forcer le petit dépanneur à faire venir un contracteur électricien pour changer sa «fuse». C'est de là que découlent les travaux mineurs dans le commercial. Ça inclut aussi des compagnies aussi importantes que Kruger. que Daishowa, qui veulent faire faire des travaux de plomberie qui seraient mineurs. Mineur, c'est quoi, pour une entreprise de 250 000 000 $? Ça peut être 500 000 $, 600 000 $, on ne le sait pas, ce n'est pas défini. Mais la compagnie Daishowa pourrait engager un entrepreneur autonome électricien, peintre ou plombier pour faire faire ses travaux mineurs de réparation ou d'entretien.

Mme Blackburn: Alors, dans le domiciliaire, la résidence ou l'appartement que j'occupe...

M. Paré (Yves): C'est totalement exclu.

Mme Blackburn: ...à ce moment-là, est compris l'aménagement du sous-sol, la construction d'une salle de bain, toute rénovation, réparation et entretien dans le domiciliaire.

M. Paré (Yves): Oui, parce qu'il n'y a pas de montant...

Mme Blackburn: Sauf que, si j'ai une maison et un logement en haut, là, je n'y ai pas droit.

M. Paré (Yves): Le logement où vous restez, vous y avez droit et le logement en haut, ce serait couvert par la loi. En tout cas, c'est l'interprétation qu'on en a. Mais, quand on parle de sous-sol, quand on parle de modification... La modification d'une maison, c'est garder les quatre murs, défaire l'intérieur et refaire la maison. Ça peut être ça. C'est toute une modification. On nous dit: Prendre la toilette d'en haut et la descendre en bas, c'est couvert par la loi. Alors, je suggérerais au procureur qui a déclaré ça de refaire ses classes.

M. Lavallée: Le travail que Guy a fait chez lui, ce n'est pas couvert.

Mme Blackburn: Si je veux... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paré (Yves): Hier, vous disiez, Mme Blackburn, que vous aviez été - excusez l'expression - niaiseuse de payer un contracteur. Vous avez été bonne citoyenne.

Mme Blackburn: Non, c'était tout à fait... M. Chevrette: Moi, je connaissais la loi. Des voix: Ha, ha, ha! Mme Blackburn: Ça t'a coûté cher, aussi.

M. Lavallée: Non, mais, hier, on disait que, Guy, tu avais fait faire du travail chez toi. Donc, ça, ce n'était pas couvert par le Décret.

M. Chevrette: Je le savais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Jamais je n'aurais osé.

M. Paré (Yves): II a agi en bon citoyen.

Mme Blackburn: En bon citoyen.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Bon. Ça va pour la définition de «travaux mineurs». Vous avez donné des exemples de travail au noir. Moi, je l'ai dit hier et je vais le répéter: II y a à peu près 10 000 entrepreneurs autonomes, à ce qu'on peut comprendre des données qui sont fournies par la Commission de la construction. Ceux qui sont enregistrés à la Commission de la construction, mais qui ne déclarent pas d'heures, on déduit qu'ils sont autonomes, parce qu'ils n'ont pas déclaré d'heures. Ça donne environ 10 000 entrepreneurs autonomes. Là-dessus, je pense que la plupart des intervenants s'entendent. En 1990, il y avait 114 000 travailleurs, officiellement 114 263 inscrits à la Commission de la construction. Alors, je dis toujours: II me semble difficile de penser que ce sont ces 10 000 travailleurs - parce qu'ils ont juste deux bras aussi - qui réalisent 100 % du travail au noir. J'ai toujours un peu de problèmes là-dessus.

M. Paré (Yves): On vous donne raison.

Mme Blackburn: O.K. Dans les exemples que vous avez fournis de travail au noir, il y en a qu'on n'a pas. Il y a toutes sortes de catégories de travail au noir, mais je pense que celui qui nous affecte le plus, qui affecte le plus le ministre des Finances et le ministre du Revenu, le président du Conseil du trésor, c'est ce qui n'est pas déclaré. On admettra que celui qui n'a pas la bonne carte et tout ça, ça affecte les travailleurs qui sont compétents, mais, sociale- ment, ça nous affecte un peu moins. Dans les exemples que vous avez cités, de travail au noir, j'aurais aimé que vous nous parliez du travail au noir des entrepreneurs autonomes. Là, vous avez parlé des carreleurs. C'est quelqu'un qui n'a pas sa carte de compétence. Vous avez parlé du ratio compagnon-apprenti. C'est un autre article du Décret de la construction, ça n'a pas à voir strictement avec les entrepreneurs autonomes. Moi, je voudrais que vous me parliez de la pratique, dans la construction, reliée à l'embauche d'entrepreneurs autonomes.

M. Lavallée: Mme Blackburn, il y a à peine cinq minutes, j'expliquais la façon dont l'entrepreneur autonome utilise les services de certaines autres personnes. Souvent, et je le mentionne encore une fois, on ne peut pas bâtir une maison seul, que ce soit un contracteur plombier, que ce soit un contracteur électricien, ou un charpentier menuisier. J'ai rarement vu un menuisier monter les «truss» d'une maison seul. Ce n'est pas possible. Donc, dans ces cas-là, ce qu'ils font, ils vont souvent chercher quelqu'un qui est soit sur l'assurance-chômage, soit sur le bien-être social. Là, l'exemple que donnent les contracteurs électriciens, dans leur mémoire - je ne l'avais pas vu, celui-là: un commis payé 10 $ de l'heure qui va aider l'électricien à tirer ses fils.

C'est ça, de façon courante, qu'on fait dans l'industrie de la construction avec l'entrepreneur autonome. Il fraude le système constamment en utilisant des travailleurs qui ne sont pas de la construction et, dans certains cas, des travailleurs de la construction, parce que les gars n'ont pas le choix. Les gars ne travaillent pas, on a un chômage chronique. Au moment où on se parle, il y a au-delà de 30 % de chômeurs dans l'industrie de la construction et il y a certains locaux qui ont plus que ça dans leur métier. Donc, ces travailleurs-là sont à la merci des employeurs. Lorsque des travaux leur sont offerts, ils les prennent, mais, souvent, ce sont des gens qui ne sont pas de la construction. Ce sont des gens qui sont sur le chômage ou des gens sur le bien-être social qui vont aider ces entrepreneurs autonomes là.

M. Paré (Yves): En complément, juste une chose. On disait, tout à l'heure: Quel intérêt un contracteur ou un donneur d'ouvrage a à embaucher un entrepreneur autonome? Ils disaient qu'il était obligé de déclarer... D'abord, il n'est pas obligé de déclarer les heures qu'il fait. Il n'est pas obligé de déclarer les salaires, contrairement à ce qui a été avancé hier. Pour le donneur d'ouvrage, c'est beaucoup plus simple de payer une compagnie, une corporation, Yves Paré inc. Je me libère comme donneur d'ouvrage de toute responsabilité, tandis que, si je suis un employeur, que je ne déduis pas les impôts à mon employé, je suis responsable devant les gouvernements. Donc, pour cette partie-là, lors-

qu'on paie directement l'entrepreneur autonome, où est le noir? C'est la partie qu'il ne déclare pas de son chèque qu'il reçoit. Laquelle il déclare? On ne le sait pas. Si on pouvait vous dire qu'il déclare juste 25 % ou 15 %... On ne peut pas faire le rapport d'impôt pour eux autres.

Comme vous disiez tout à l'heure, on ne pense pas qu'uniquement les entrepreneurs autonomes font le travail au noir. D'abord, on trouve exagéré un peu le chiffre de 10 000, mais on ne pense pas que c'est eux seuls qui font le travail au noir. Ils sont la porte ouverte aux entrepreneurs pour forcer les travailleurs qui ne sont pas des entrepreneurs autonomes à accepter des conditions moindres: banque d'heures, salaire non payé, salaire payé en remboursement de temps et ainsi de suite, alors que le travailleur est sur l'assurance-chômage.

Mme Blackburn: Moi, ce que je voulais, ce n'est pas les exemples que vous venez de donner - ils sont intéressants, mais on les a entendus - c'étaient des exemples concrets. On m'a parié, moi, d'un centre d'achats à Montréal où on a retrouvé 30 entrepreneurs autonomes. Il y avait un «broker» qui les a embauchés, le donneur d'ouvrage. Moi, je veux bien qu'on parie de ces gens-là, mais je veux bien qu'on ne nous dise pas juste des généralités. Je pense que ça se fait, je vous crois. Vous venez de donner l'exemple des carreleurs. Moi, c'est ce type d'exemple là que j'aurais souhaité que vous nous donniez pour mieux éclairer ici les membres de cette commission.

À présent, il y a différentes propositions, des hypothèses qui ont été avancées pour essayer de contrôler le travail au noir. Quelles seraient les mesures susceptibles de nous aider à mieux contrôler le travail qui est effectué par les entrepreneurs autonomes en réparation, rénovation et entretien? Là, on me dit que c'est l'équivalent de 2 000 000 000 $ par année et on me dit qu'il n'y a à peu près aucun moyen, sauf lorsque le fisc descend dans le bureau ou dans la résidence de l'entrepreneur autonome. Avez-vous examiné des hypothèses de travail qui nous permettraient d'avoir un meilleur contrôle?

M. Paré (Yves): Même si c'est en dehors du champ d'application de la loi sur les relations du travail, il avait déjà été question, par exemple, d'une déduction d'impôt pour les personnes qui faisaient faire des travaux de construction, c'est-à-dire d'entretien, de réparation, de rénovation ou de modification pour une personne physique. Est-ce que c'est nous autres qui pouvons dire au gouvernement comment s'organiser pour récupérer?

On avait déjà fait une suggestion au premier ministre et au ministre du Travail du temps, qui était aussi ministre du Revenu: Plutôt que d'annoncer qu'on met sur la route 65 boubous macoutes ou 22 policiers non armés et non habillés pour récupérer les gens qui rapportent des cigarettes frauduleusement, que le gouvernement ne fasse qu'annoncer que, dorénavant, à partir de lundi matin, il y aura une escouade spéciale pour vérifier les livres de tous les entrepreneurs dans l'industrie de la construction au Québec. Vous venez de couper 50 % du travail au noir. Ça, c'est le premier 50 %. L'autre 50 %, ça va être de faire un bout de ce travail-là et d'aller vérifier les livres, parce que l'Office de la construction n'a pas les moyens à sa disposition pour poursuivre ces entrepreneurs-là aussi facilement que le fisc. On sait que le fisc a la main longue et il peut facilement forcer un arrêt du travail au noir Ça. ce serait une première méthode.

M. Lavallée: D'ailleurs, on peut vérifier facilement à la Commission de la construction les heures travaillées par chacun des entrepreneurs. Vous allez facilement pouvoir vérifier, voir qu'une compagnie qui a déclaré 200 heures ou 1000 heures dans une année... C'est facile à voir que, lorsque la Cadillac est à la porte, que l'avion est derrière la maison, qu'il passe l'hiver en Floride, il y a quelque chose quelque part qui se passe. Le fait de faire ces vérifications-là, ça fait plusieurs années... Même dans le temps du gouvernement du Parti québécois, on lui avait demandé de mettre des inspecteurs pour vérifier les livres des employeurs. Il n'y a rien qui bouge. À chaque fois qu'on parle de ça dans l'industrie de la construction, on dirait qu'il y a un blocage et qu'on a peur d'aller faire ces vérifications-là. On a peur d'aller chercher les sommes d'impôt que l'on perd par rapport à ça. Qu'on mette des inspecteurs pour vérifier ça. Tout le monde a peur du fisc. Tout le monde sans exception, quand il voit le fisc dans ses livres, il n'aime pas ça. Qu'on mette les inspecteurs du fisc dans les livres des entrepreneurs. Juste en faisant la déclaration, comme Yves vient de le mentionner, 50 % du travail est déjà fait. Après ça, qu'on aille vérifier les livres et on va aller chercher le reste.

Mme Blackburn: Hier, la CSD nous mettait en garde contre les effets potentiels de reconnaître l'entrepreneur autonome qui devient employeur parce qu'il a un salarié. Elle dit: Ça ne changera pas beaucoup la situation. Là, il devient légalement habilité à travailler sur les chantiers de construction. Le donneur d'ouvrage en embauche 12, ça veut dire 12 qui sont soustraits au Décret et 12 employés. Ça pourrait fonctionner comme ça. Comment réagissez-vous devant cette hypothèse?

M. Paré (Yves): C'est encore une forme, je veux dire... C'est toutes les méthodes. Il y en a des dizaines et des dizaines de méthodes, de façons de procéder pour travailler illégalement. Il

y en a de toutes les sortes.

Mme Blackburn: Oui, mais je veux dire: Est-ce que vous envisagez comme eux qu'il faudrait limiter le nombre de sous-traitants qu'on devrait trouver sur un chantier? Ça, me semble, moi, difficilement réalisable et réaliste d'aller dans cette direction-là.

M. Paré (Yves): Bien, irréalisable, non. C'est peut-être réalisable. Lorsque, par exemple, il y a un contrat qui doit se donner. C'est donné à la compagnie X Construction. X Construction se vire de bord et le donne à Y Construction, et ainsi de suite, et vous arrivez au troisième ou au quatrième sous-entrepreneur, sous-traitant. C'est clair que ce troisième-là ou ce quatrième-là, il faut qu'il coupe quelque part. Il va couper où? La chose la plus facile à couper, ce n'est pas sur les matériaux. Il va couper sur les salaires, c'est clair, sur les conditions de travail. Si on limitait...

On avait déjà parlé - les gens l'ont mentionné hier - de l'affichage des contrats, avant ça. On a dit: Les entrepreneurs artisans devront afficher les contrats. Ça n'a jamais fonctionné. On n'est pas capables de forcer ces choses-là. On n'est pas équipés pour ça. Le contrat peut être «phoney» et nommons-les. Si vous commencez à trouver des solutions aussi quétaines et bébés que ça, bien, je veux dire, ça fait en sorte que ça ne peut pas marcher. Il faut que la réglementation, la loi, ait des dents. S'il est clair qu'on veut récupérer l'argent perdu en impôt, il faut que ça ait des dents. On ne peut pas faire autrement.

Mme Blackburn: Vous faites le pari que la loi 185 adoptée, la définition de l'entrepreneur autonome mieux cernée, plus correspondante à la loi 31, ça va régler, en grande partie, le travail au noir. Est-ce que vous avez évalué la pratique au noir en rapport avec toute la nouvelle tarification, taxation, les politiques fiscales qui sont venues, finalement, diminuer énormément, pour ne pas dire dramatiquement, le pouvoir d'achat de tous les Québécois et de toutes les Québécoises? Évidemment, quand vous avez une moyenne de salaire de 21 000 $ par année, c'est un peu plus dramatique.

M. Paré (Yves): Comme citoyen...

Mme Blackburn: Est-ce que vous pensez que c'est négligeable, finalement, cette voracité des États et des gouvernements à taxer le contribuable de toutes les manières et est-ce que c'est sans effet sur la pratique au noir? On pense que sur les cigarettes il y a un rapport direct entre l'augmentation des taxes et le marché noir. Est-ce que ce n'est pas aussi un peu vrai dans la construction et qu'il ne s'agit pas juste de réglementer les petits entrepreneurs autonomes pour voir arrêter le travail au noir? Moi, je vous avoue que j'ai bien de la peine à croire ça.

Évidemment, on pourra le mesurer quelque part dans six mois. Mais...

M. Paré (Yves): Mais la définition d'entrepreneur autonome ne réglera pas tout le travail au noir. Ce n'est pas ça qu'on dit. Mais 185 va en régler une bonne partie parce qu'il n'y a pas juste la définition d'entrepreneur autonome à 185. Il y a aussi la possibilité pour un travailleur de perdre son permis de travailler dans l'industrie de la construction. Il y a ça après x nombre... Prenez l'exemple de la conduite en état d'ébriété sur les routes. Tant que ça coûtait juste 300 $ d'amende, je vous dis que le monde se fichait pas mal de ça, sauf que, à la minute où ils perdaient leur permis de conduire pour un an, indépendamment de ce qu'ils faisaient avec leur permis de conduire, il y a eu comme une diminution. (10 h 45)

On pense que 185, pas juste avec la définition d'entrepreneur autonome, mais avec les autres choses qui sont à l'intérieur, va faire en sorte que ça va diminuer. Vous posez la question: Est-ce que les taxes ont un effet? C'est sûr que les taxes qu'on paie, les impôts qu'on paie, c'est peut-être un incitatif à aller travailler en dessous de la table. Oui, c'en est un. Personne n'aime ça payer 45 %, 50 % d'impôt. Ce qu'on dit en plus, et c'est ce que je disais tout à l'heure: L'entrepreneur autonome qui, lui, reçoit son chèque au nom de Yves Paré inc., sans aucune déduction, qui le montre au travailleur qui vient d'avoir sa paie, mais qui est «choppé» de 50 %, il a un incitatif à devenir entrepreneur autonome, parce que ça coûte à peu près 500 $, 600 $ s'incorporer. Alors, il a cet incitatif-là.

C'est la raison pour laquelle sur le chantier de construction neuve il doit y avoir des entrepreneurs et des salariés qui devront payer leurs impôts et leurs avantages sociaux. C'est ce qu'on souhaite. Si vous me dites: Est-ce que ce serait bon qu'on baisse les impôts? la réponse est oui, madame.

M. Lavallée: Si on récupérait les 500 000 000 $ ou 600 000 000 $ qu'on n'a pas par rapport au travail au noir, peut-être que, collectivement, on pourrait réduire nos impôts.

Mme Blackburn: Permettez-moi une question indiscrète. Ça représente quel manque à gagner par rapport à votre centrale syndicale, la FTQ-Construction?

M. Lavallée: Le manque à gagner?

Mme Blackburn: Ceux qui travaillent, soit au noir, soit les entrepreneurs autonomes qui ne paient plus de cotisations chez vous.

M. Lavallée: Je peux vous dire qu'on n'a pas fait une analyse exhaustive de ça. Je pourrais la faire rapidement pour les entrepreneurs autonomes. On dit: 800 entrepreneurs autonomes en plomberie à 600 $ par année, ça fait 480 000 $ pour la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie. Mais ça, ce n'est pas notre souci, le manque à gagner. C'est que la justice soit faite pour les travailleurs de la construction.

Mme Blackburn: Vous avez touché un point tout à l'heure et il me semble que le gouvernement devrait envisager des dispositions susceptibles de ralentir la pratique qui fait qu'une entreprise fait faillite, elle s'enregistre sous un numéro de compagnie. Et puis, elle n'a même pas à attendre de faire faillite. Elle peut même s'enregistrer avant et évidemment, elle repart. Et ça, il y a des pratiques absolument scandaleuses. On a examiné un peu les possibilités d'agir et ce n'est pas facile sans porter atteinte aux droits de la personne, sans nuire à tous ceux qui, à cause de la conjoncture, font faillite et non pas parce qu'ils refusent de payer leurs redevances à la CCQ ou leurs impôts. C'est difficile, mais il me semble que, si vous aviez des idées pour nous aider à solutionner ça ou des propositions à faire au ministre au gouvernement dans ce sens-là, ce serait intéressant.

Dans votre mémoire que j'ai relu plus facilement parce que c'est le même que celui qu'on a reçu en décembre, à la page 17 de votre mémoire, vous proposez, en parlant d'allégeance syndicale... Vous dites que vous demandez un amendement à la loi «de façon à éliminer les associations représentatives qui n'obtiendraient pas 25 % d'adhésion». La question que je me posais... D'abord, par rapport au pluralisme syndical, c'est un peu inquiétant. Je me demandais si vous aviez eu l'avis du ministre du Travail, ex-FTQ, là-dessus, à l'effet qu'il était assez favorable à cette idée de faire disparaître toute concurrence en matière d'allégeance syndicale dans la construction.

M. Paré (Yves): Le ministre du Travail a été vice-président de la FTQ. Il a été aussi représentant d'une usine où il y avait juste un syndicat dans l'usine. Je pense qu'il a bien vécu et que les travailleurs ont eu des bonnes conditions de travail.

Ce qu'on vit dans l'industrie de la construction... Il semble que chez nous la construction, c'est toujours à part de tout le monde. Je vais vous donner un exemple. Quand la commission Cliche a fait son rapport, ils ont dit: Les pauvres employeurs de l'industrie de la construction sont «squeezes» par les associations syndicales qui sont trop fortes. Donc, on a recommandé au gouvernement de ne faire qu'une seule association patronale, ce qui voulait dire que, s'ils étaient tous dans la même organisation, ils seraient forts. En contrepartie, ils ont dit: On va libéraliser et mettre le pluralisme syndical dans l'industrie de la construction. Alors, c'était tout simplement de dire: Divisons les travailleurs pour régner, pour faire régner les entrepreneurs. C'est clair, c'est aussi simple que ça.

Dans les relations de travail, il existe une association d'entrepreneurs qui est l'AECQ. Il existe d'autres associations d'entrepreneurs, mais c'est pour d'autres raisons que les relations de travail. Nous autres, comme représentants syndicaux, on doit faire des alliances. On n'a pas toujours les mêmes idées, on n'a pas toujours les mêmes buts, et ça va encore beaucoup plus loin que ça. On n'arrive jamais à conclure une convention collective de travail parce qu'on n'a pas la force, on n'a pas le pendant syndical qu'il y a du côté patronal. Lorsqu'on arrive sur les chantiers, la loi aidant...

Quand on veut exercer, faire appliquer la loi sur les relations du travail, les conditions de travail des travailleurs, on a un risque. C'est que cet entrepreneur-là n'embauche plus de notre monde. Notre souci premier, c'est de faire travailler nos membres. Quand on revendique, quand on est sévère sur la santé et la sécurité, on s'aperçoit que, trois ou quatre jours après, quand ils ont «callé» des travailleurs, ils ne les ont pas pris chez nous. Et c'est ainsi de suite. Un employeur qui est intelligent le moindrement, s'il ne veut pas avoir de délégué de chantier, il en engage six de la CSN, six de la FTQ, six du conseil provincial et six de la CSD. Il est sûr de ne jamais avoir un délégué dans les pattes.

Alors, le pluralisme syndical, c'est ce que ça fait. Dans une industrie comme l'industrie de la construction, c'est diviser pour régner et c'est ce qui se produit à l'heure actuelle. Il n'y a aucune force syndicale dans l'industrie de la construction et tout ce qui se fait, c'est exactement le laisser-aller total.

Or, quand on dit qu'il devrait y avoir un pendant syndical de ce qu'il y a de force patronale, je pense qu'on est juste logiques. Pourquoi sur la construction ce n'est pas bon? Pourquoi à General Motors c'est les TCA qui sont là, qu'il n'y a pas cinq syndicats dans l'usine? Il y a 3500 travailleurs, ils sont membres d'un syndicat et, au bout de trois ans, s'ils ne sont pas satisfaits des TCA, ils les mettent dehors et ils en prennent un autre. Ça, ça se fait régulièrement dans toutes les usines, sauf l'industrie de la construction. C'est diviser pour mieux régner.

Mme Blackburn: Je vous donnerais des exemples contrairement à General Motors. Je pense dans nos hôpitaux... Vous avez deux hôpitaux voisins. Ils ont des accréditations syndicales différentes pour la maintenance, pour les infirmières. Pour les infirmières, vous avez deux ou trois syndicats au Québec. Alors, je veux dire que vous n'êtes pas les seuls. Mais avec

votre chiffre magique de 25 %, il resterait qui en construction comme représentant syndical?

M. Paré (Yves): Je pourrais vous donner une réponse platonique: II resterait tous ceux qui ont plus que 25 %, mais...

Mme Blackburn: Mais actuellement.

M. Paré (Yves):... on souhaite qu'il en reste juste une, madame.

Mme Blackburn: Alors, si je comprends...

M. Paré (Yves): C'est ce qu'on souhaite en réalité.

Mme Blackburn:... c'est que ce serait juste la FTQ.

M. Lavallée: C'est ce qu'on souhaite.

Mme Blackburn: Et la question. Est-ce que vous avez passé un «deal» là-dessus avec le ministre?

M. Lavallée: Si on a quoi? M. Paré (Yves): Non.

Mme Blackburn: Si vous avez passé une entente avec votre ex-collègue, le ministre du Travail?

M. Paré (Yves): Non, madame. Ça fait depuis 1978 qu'on revendique cette clause-là. En 1978, on était affiliés au conseil provincial et on avait exactement la même demande. On s'est «splittés», si vous voulez, en 1980 et on a encore la même demande. Ce n'est pas parce qu'il y a un nouveau ministre.

M. Chevrette: Ce n'est pas plutôt en 1970?

M. Lavallée: Pardon?

M. Chevrette: Ce n'est pas plutôt en 1970?

M. Paré (Yves): Qu'on a cette demande-là?

M. Lavallée: 1978.

M. Chevrette: Au «bunker», l'autre bord.

M. Paré (Yves): 1978, au CERLIC.

M. Chevrette: Aïe!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: On s'en reparlera tantôt.

M. Paré (Yves): O. K.

M. Lavallée: On sortira les mémoires.

M. Paré (Yves): En 1972, on s'organisait pour en avoir rien qu'une.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ça, c'est plus franc!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gauvin): J'aimerais... M. le ministre...

M. Paré (Yves): On peut dire: La loi 12 en 12 minutes.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi, j'aimerais avoir votre collaboration. M. le ministre a été interpellé et il aimerait réagir de façon spontanée. M. le ministre.

M. Cherry: Comme vous avez demandé si j'avais eu un «deal» vu que je viens de cette centrale-là, non. De «deal», il n'y en a pas. On fait les affaires de la façon qu'on juge, chacun. Je pense que la meilleure réponse à donner qui me vient à l'esprit est celle que votre voisin a donnée lui-même à l'Assemblée nationale et je le citerai: «On a les mêmes origines, mais, quand on choisit d'être législateur, c'est un choix qu'on fait et on décide de mettre nos compétences et notre contribution à l'ensemble de la collectivité québécoise. Quand on peut rendre service à l'ensemble de la collectivité, quelle soit syndiquée ou non, on le fait. » Mais je ne renie pas mes origines pour ça, comme je pense que le député de Joliette n'a jamais renié les siennes non plus.

Mme Blackburn: Ça ne répond pas à la question.

M. Cherry: II n'y a pas de «deal».

Mme Blackburn: Est-ce que vous êtes ou non d'accord?

M. Cherry: II n'y a pas de «deal». La réponse est claire. Je pense que tout le monde avait compris excepté la députée de Chicoutimi. Je vais mettre ça clair. Il n'y a pas de «deal».

Mme Blackburn: Non. Ne vous choquez pas.

M. Cherry: Non.

Mme Blackburn: II va monter sur la chaise.

M. Cherry: «Read my lips», comme ils disent aux États-Unis. Non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gauvin): Je reviens à Mme la députée.

M. Paré (Yves): Je pensais avoir répondu non aussi parce que c'est bien avant que le ministre soit là qu'on revendiquait cette clause-là.

Mme Blackburn: Non. C'est du ministre que je veux savoir...

Le Président (M. Gauvin): Je reviens à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: On pourra toujours le questionner au moment où on examinera le projet de loi article par article. Est-ce qu'il partage votre avis là-dessus? Est-ce qu'il est prêt à ouvrir dans cette direction? Il peut nous répondre tout de suite ou il peut nous répondre au moment où on examinera le projet de loi article par article.

Le Président (M. Gauvin): C'est-à-dire que la question s'adresse surtout à nos invités.

Mme Blackburn: Alors, délégué syndical. Dans votre mémoire, vous dites et vous réclamez la liberté de nommer sur les chantiers de construction des délégués pour représenter les travailleurs oeuvrant sur ces chantiers. Le secteur de la construction est le seul où il est interdit de négocier une clause de délégué syndical. Vous n'avez pas de délégué syndical, mais, si je comprends, tantôt, vous en avez sorti quelques-uns à coups de pied. Par qui est-ce que ça a été fait? Des coups de pied au cul, pour utiliser votre expression.

M. Paré (Yves): Pas par des délégués, madame, par des travailleurs et par des représentants.

Mme Blackburn: O.K.

M. Paré (Yves): Effectivement, on retrouve des délégués de chantier sur les gros chantiers.

Mme Blackburn: O.K.

M. Paré (Yves): Règle générale, il y a très peu de délégués représentant des unions sur les chantiers de construction actuellement. Il y en a très peu. On voit ça à General Motors où il y a 200 ou 300 travailleurs. On ne peut pas nommer de délégué syndical à moins qu'il y ait sept salariés d'une même association sur un même chantier de construction, alors qu'on sait que les employeurs, à 85 %, ont moins de cinq salariés. Alors, vous allez comprendre qu'on ne peut à peu près pas en nommer. Qui a sorti les travailleurs illégaux? C'est des travailleurs et des représentants syndicaux de la FTQ-Construction.

M. Lavallée: Ce qu'on a demandé au ministre, dans notre mémoire, c'est qu'auparavant on avait le droit de nommer un délégué auprès de l'employeur en autant qu'il y avait plus que sept salariés. Par la suite, par rapport à la commission Cliche, on nous a enlevé ce droit-là et on nous a dit: Vous n'avez plus le droit de nommer des délégués auprès de l'employeur. On veut s'assurer qu'à l'avenir on puisse nous permettre de nommer des délégués auprès de l'employeur et de négocier ces conditions-là dans le Décret.

Le Président (M. Gauvin): Je permets au député des Îles-de-la-Madeleine de vous poser quelques questions.

M. Farrah: Merci, M. le Président. Je pense que vous avez quand même fait état de la situation de façon très éloquente dans le sens que c'est tellement systématisé, le travail au noir, que c'est rendu que, si tu ne triches pas, tu es mal vu. C'est à peu près la situation qu'on a. Quand vous parlez de vos deux salariés, un qui est autonome qui va avoir 1200 $ et l'autre qui en fait 432 $, ça fait que c'est celui qui essaie d'être légal ou qui est légal qui passe pour un stupkJe. La même chose au niveau de l'entreprise lorsque vous soumissionnez. Celui qui veut soumissionner avec les règles, en appliquant le Décret, nécessairement, lui, sa «cotation» est plus haute et celui qui fait une soumission préméditée, qui se dit: Moi, je vais travailler au noir, bien, il est plus bas. Donc, la concurrence est déloyale. Ça, je pense que vous avez fait état de ça. Le problème qu'on a, c'est que c'est tellement ancré au niveau des habitudes et des attitudes des gens qu'on a une grosse côte à remonter, mais il faut le faire, effectivement.

Moi, j'ai aussi un exemple concret. Le ministre voulait entendre des exemples concrets. Moi, chez nous, aux îles, les inspecteurs de la CCQ venaient de Rimouski, antérieurement, parce qu'on disait: Bien, on ne veut pas que les gens soient amis avec les gens de la place. L'inspection va être plus facile à faire et tout le kit. Alors, pour contourner ça, les employeurs et les travailleurs au noir qui travaillaient sur ces chantiers-là, à un moment donné... C'est que la CCQ de Rimouski, elle, n'avisait pas à l'avance, évidemment, que l'inspecteur arrivait sur les chantiers ou arrivait aux îles. Ça fait que les gars ont trouvé un moyen. Ils ont dit: On va essayer de savoir comment ces gars-là arrivent aux îles. Là, ils se sont mis «chums» avec le gars de la compagnie d'aviation et ils se sont mis «chums» avec le gars qui louait les voitures Ça fait que, quand il avait une réservation de location de voiture de tel type de la CCQ, là, il appelait son «chum» qui était entrepreneur et disait: Le gars s'en vient la semaine prochaine. Les chantiers se vidaient. Là, l'inspecteur arrivait aux îles. Pas de problème, c'est légal là-bas, il n'y a plus rien. Il ressortait et deux jours

après les chantiers se remplissaient. C'est une réalité concrète.

Alors, dans ce sens-là, j'aimerais vous poser la question suivante. C'est qu'on est toujours imaginatif pour contourner ces lois-là. Il ne faut pas se leurrer, là. Je pense que le mémoire qui s'en vient, tantôt, trouve cinq façons ou même plusieurs façons de le faire. Alors, n'y a-t-il pas un danger encore de l'application de la loi 185 ou de la formule qu'on veut appliquer pour essayer de contrer le travail au noir? N'y a-t-il pas un danger, encore là, qu'avec le temps, l'usure, il y ait des passoires qui soient trouvées par toutes sortes d'individus, autant les travailleurs que les entrepreneurs, et que ultimement, au bout de la ligne, on soit encore au même point dans cinq ans ou dans six ans? Alors, pensez-vous que ce soit une possibilité que ça puisse arriver, premièrement? Ma deuxième question, c'est que... M. Paré, vous aviez commencé à parler d'une compagnie de pavage, je pense. C'est un exemple concret, encore là, d'une façon de frauder le système. Alors, je ne sais pas si vous pourriez peut-être nous expliquer davantage cet exemple-là, s'il vous plaît.

Le Président (M. Gauvin): M. Lavallée.

M. Lavallée: À la première question, lorsque vous dites: Est-ce que le projet de loi 185 va tout régler? c'est clair que le projet de loi 185 ne réglera probablement pas tout, mais si on réussit à régler, avec le projet de loi 185, 60 %, 70 % ou 80 %, on en aura une bonne partie. À votre question: À l'avenir, dans cinq ou six ans, est-ce qu'on va être revenus à la case départ? Je ne le pense pas. La loi 186 qui a mis en place la Régie a plusieurs règlements à faire dont, entre autres, celui qui va faire en sorte d'accumuler les points pour faire perdre la licence, éventuellement, à un entrepreneur qui ne respecterait pas le Décret. Je pense que c'est le plus rapidement possible que cette Régie-là doit commencer ses travaux pour mettre en place toute la réglementation qui en découle. La Régie, ça a été une chose. Maintenant, le plus important reste à faire, puis, si la Régie fait bien ses travaux, met en place un système qui va être rigide, à ce moment-là, je ne pense pas qu'on soit à la case départ dans cinq ou six ans d'ici.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Lavallée. C'était le temps que nous avions. Je voudrais permettre à M. Paré, justement, de compléter brièvement, si possible.

M. Paré (Yves): O.K. Ça va être très rapide. L'entreprise d'asphalte dont on parlait, c'est CS Alphalte, une compagnie de Rivière-des-Prairies. Elle a une licence de la Régie des entreprises de construction depuis 1977 et elle n'a jamais déclaré une seule heure à la Commission de la construction. Elle a entre 25 et 30 salariés presque à l'année qui travaillent pour elle. Alors, c'est ça, c'est CS Asphalte et elle n'est pas toute seule. Il y en a beaucoup d'autres de même.

Le Président (M. Gauvin): Merci. Je passe la parole à M. le député de Joliette.

M. Chevrette: C'est une question... Il est évident que, lorsqu'on sort du Décret les travaux mineurs ou de réfection, pour 2 000 000 000 $, vous autres, ça ne vous crée pas de problème, mais je pense que l'État a tout un problème à régler pareil pour 2 000 000 000 $. Il va falloir être imaginatif, inventif. Je pense aux incitatifs dont vous parliez tantôt: déduction d'impôt, peut-être aussi par les bureaux d'évaluation des municipalités, peut-être par l'obligation d'afficher, peut-être par une série de moyens. En tout cas, il faut récupérer de l'argent, parce que 2 000 000 000 $ c'est au moins dans les 200 000 000 $ probablement encore là, sinon plus.

Quant au travail au noir fait par des gens qui n'ont aucune carte de compétence, c'est inadmissible; fait par des gens sous le statut de travailleur autonome, après qu'on a enlevé 2 000 000 000 $, moi, je suis très inquiet. Je ne suis pas sûr qu'on ne devrait pas régler ça une fois pour toutes. S'il faut aller, éventuellement, jusqu'à le sortir du Décret en identifiant qu'ils se limiteront aux 2 000 000 000 $ de travaux sortis du Décret, il faudrait peut-être y penser. Si on les met en position d'aller travailler sur des chantiers officiels, puis de faire du travail au noir, c'est l'agressivité sur les chantiers de construction. Ça, je pense qu'on n'est pas obligés de courir après quand on est capables de l'éviter. À mon point de vue, cette partie-là pourrait se régler. Qu'est-ce que vous faites, cependant, avec les travailleurs qui paient les heures, puis qui durant qu'ils sont en chômage vont faire des jobs au noir? Avez-vous des moyens d'action, un code d'éthique?

M. Paré (Yves): Le même moyen d'action, c'est que ce travailleur-là qui va travailler au noir est embauché par quelqu'un. Il est embauché à ces conditions-là. Il faut que quelqu'un...

M. Chevrette: Oui, mais les Anglais disent: «guilt by association». Il y a un crime par association.

M. Paré (Yves): Oui, effectivement, et on croit ça, sauf que, dans la loi 185, il y a une pénalité sévère d'annoncée. Si le travailleur est pris à travailler illégalement sur des chantiers, il a une carte et il risque de la perdre, comme le permis de conduire pour des personnes en état d'ébriété. Ce qu'on déplore, c'est qu'on aurait aimé que ce soit aussi précis pour les entrepreneurs dans la loi 186, de dire qu'un entrepreneur

qui est pris à embaucher des travailleurs illégalement peut perdre sa licence de la Régie des entreprises de construction. Il pourrait la perdre.

Alors, on pense que ça aurait dû être: C'est bon pour pitou, c'est bon pour minou, sauf que ce n'est pas aussi clair pour les employeurs. On est d'accord qu'il faut que les travailleurs se sentent sécurisés. Là, il se dit aujourd'hui: Si ce n'est pas moi qui le prends illégalement, c'est mon voisin qui va y aller. Alors, je suis aussi bien d'y aller et de fermer ma boîte au risque de me faire poigner par l'impôt et ainsi de suite. Tout ça mis ensemble ferait en sorte que ça pourrait être réglé en grosse partie.

M. Lavallée: Aussi, Guy, il y a une autre chose qui pourrait être mise en place. On voit souvent à la télévision des choses qui sont apportées par le ministère de l'Éducation qui dit: C'est payant être électricien, c'est payant être menuisier, c'est payant être briqueteur. On pourrait aussi placer à la télévision: Ce n'est pas payant travailler au noir. Vous perdez vos avantages sociaux, vous perdez votre régime de retraite. Je pense qu'il y a une éducation à faire. C'est un ensemble qui va faire en sorte qu'un matin on va avoir réussi à contrer le travail au noir. Chose certaine, il va falloir mettre tout en place pour permettre qu'il n'y ait plus de travail au noir.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Lavallée. C'était tout le temps qui vous était alloué. J'aimerais, en conclusion, inviter M. le ministre pour une minute.

M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, merci d'être venus encore une fois en commission parlementaire pour parler de façon plus spécifique. Je pense que le débroussaillage de décembre nous a permis de mieux centrer nos débats. J'aimerais terminer l'intervention ici de la même façon que je le faisais hier, pour bien clarifier la difficulté qu'on a à cerner ça. Le travailleur autonome - ça vient d'être dit, là - on lui a évacué un champ d'environ 2 000 000 000 $. Si ça, ça ne lui suffit pas, la loi telle qu'elle est rédigée présentement, il peut toujours continuer à se servir de ses capacités pour devenir un salarié dans l'industrie de la construction. Donc, on ne l'empêche pas de gagner sa vie. On dit juste: Si tu veux le faire comme autonome, tu le fais dans la rénovation, dans la réparation, dans l'entretien et, si là tu veux continuer à être seul dans la neuve, tu devras le faire comme un salarié, comme l'ensemble des autres salariés. Mais en aucun cas on ne restreint cet individu-là à ne pouvoir gagner sa vie avec les compétences qu'il a acquises, avec les cartes de compétence qui lui sont reconnues.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Je reconnais Mme la députée de Chi- coutimi, en conclusion, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. MM. Lavallée, Paré et vos collègues, je voudrais vous remercier d'avoir accepté encore une fois de venir participer à nos travaux. Je sais que déjà en décembre vous étiez un peu irrités qu'on n'ait pas procédé plus rapidement à l'adoption de la loi et sans consultation. Je dois reconnaître, cependant, et je pense que la plupart des intervenants ici vont le reconnaître, que l'exercice que nous faisons actuellement est fort utile parce qu'il aura permis, cet exercice, de clarifier un certain nombre de concepts, de faire la part entre les discours un peu exagérateurs et la réalité. À ce moment-là, ça permet non seulement aux membres de la commission et aux législateurs de prendre des décisions éclairées, mais ça permet en même temps et par la même circonstance d'éclairer un peu le public quant aux enjeux du projet de loi 185. Je vous remercie de votre participation.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée. Oui.

M. Paré (Yves): En conclusion, je veux juste dire qu'il appartient maintenant aux élus de décider si dans l'industrie de la construction il y a deux classes de citoyens, ceux qui paient leurs impôts et ceux qui ne les paient pas. On souhaite ne pas revenir à une autre commission parlementaire.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Lavallée, M. Paré et vos collaborateurs, de vous être présentés devant cette commission. Nous allons suspendre une minute pour permettre à l'Association des entrepreneurs en construction du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

(Reprise à 11 h 13)

Le Président (M. Gauvin): J'inviterais les membres de la commission à prendre place pour accueillir nos invités. J'invite également l'Association des entrepreneurs en construction du Québec à prendre place. La commission reprend ses travaux pour entendre, comme je vous le mentionnais, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec représentée par M. Jean Perron, président. J'inviterais M. Perron à nous présenter ses collaborateurs. M. Perron.

Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ)

M. Perron (Jean): M. le Président, dans un premier temps, j'aimerais vous présenter Mme Maureen Flynn, directrice des relations de travail

à l'AECQ, André Larocque, directeur des communications, Michel Dion, directeur général, moi-même, et Robert Brown, directeur général adjoint.

Le Président (M. Gauvin): Merci. Vous avez 30 minutes pour présenter votre mémoire aux membres de la commission. Vous n'êtes pas tenus de prendre tout votre temps, mais la partie qui vous est réservée, c'est 30 minutes. M. Perron.

M. Perron (Jean): M. le Président, M. le ministre du Travail, Mmes et MM. les membres de la commission, j'aimerais, dans un premier temps, bien préciser que nous sommes ici à titre de représentants de l'ensemble, de la totalité des employeurs oeuvrant à l'intérieur de l'industrie de la construction. Je pense qu'il est bien important dès le départ de situer le niveau de notre intervention, en ce sens que notre préoccupation vis-à-vis de la commission parlementaire est d'être les porte-parole de l'ensemble des employeurs, bien sûr, mais en particulier des petits employeurs.

Lorsqu'on parle de travailleurs autonomes, lorsqu'on parle de travail au noir, les gens qui sont les plus vulnérables dès le départ, ce sont les petits employeurs qui ont un, deux, trois ou quatre employés. On sait qu'ils constituent la majorité des entrepreneurs de notre industrie. Je pense qu'on doit toujours garder ça à l'esprit parce que ça constitue la relève de demain et cette relève-là, on doit lui permettre de s'épanouir dans un cadre où elle peut, effectivement, se réaliser pleinement et avoir des aspirations légitimes.

En décembre dernier, en réponse à une invitation de cette commission, nous sommes venus vous présenter nos attentes et positions sur le projet de loi 185. À l'intérieur d'un court laps de temps, les principaux intervenants ont analysé les amendements proposés. Devant le lobbying de certains groupes, l'étude dudit projet de loi a été suspendue et nous nous retrouvons, aujourd'hui, devant cette commission pour discuter du même sujet.

Cependant, ce délai nous aura permis d'effectuer quelques analyses ayant eu plus de temps à notre disponibilité, analyses qui, selon nous, s'avèrent cruciales compte tenu de l'ampleur des représentations opposées qui sont exposées sur l'autonome. Le sujet s'avère complexe et mérite une attention particulière considérant les conséquences très importantes pour l'industrie. Pour certains, l'adoption de mesures législatives est perçue comme une barrière au droit de travailler et, pour d'autres, l'absence de mesures législatives représente une ouverture à la concurrence déloyale et au travail au noir.

Notre objectif n'est pas d'empêcher un entrepreneur de travailler. Nous recherchons plutôt une législation qui colle à la réalité du marché du travail et qui freinera le recours à des moyens pour contourner la loi et les règlements en vigueur.

Rappelons que votre gouvernement a recommandé, en 1988, la création du statut de l'entrepreneur autonome, recommandation qui fut mise en application avec l'entrée en vigueur du projet de loi 31. Mais quelques mois après son adoption, des juristes ont découvert une coquille dans la rédaction de la loi et conseillaient les entrepreneurs sur les moyens à prendre pour en éviter l'application. C'était fort simple, les entrepreneurs n'avaient qu'à s'incorporer.

Au cours de ces quatre années, ce vide juridique a engendré des pratiques déloyales et illégales qui s'exercent au vu et au su de tous, mais sans que l'on puisse intervenir. Là-dessus, je pense que le président de la Commission de l'industrie de la construction a fait mention, hier, de l'impossibilité, en termes administratifs, de réglementer et de réussir à circonscrire le problème. Résultat: l'objectif de 1988 n'a pu être atteint.

Nous vous mentionnions que nous avons effectué quelques recherches au cours des derniers mois. Les données recueillies nous révèlent certains comportements qui confirment nos prétentions à l'égard du travail au noir et de l'entrepreneur autonome, données dont nous vous ferons part dans les prochaines pages et qui, nous l'espérons, sauront également vous guider.

Dans un sondage préparé par René Pelletier, Groupe Conseil, et effectué pour le compte de l'AECQ dans le cadre des travaux de la présente commission, certaines questions d'intérêt général furent posées aux entrepreneurs en construction du Québec et ont reçu des réponses pour le moins significatives. Ainsi, un cinquième seulement des entrepreneurs membres de l'AECQ croient que la situation dans l'industrie de la construction s'améliorera au cours de l'année 1992. La moitié pensent qu'au mieux elle demeurera stagnante, alors que près du quart croient qu'elle va plutôt se détériorer.

Il est évident, au même titre que dans les autres secteurs industriels, que la situation n'est pas rose dans l'industrie de la construction et qu'on doit trouver des moyens de stimuler l'activité. Là-dessus, toujours d'après le sondage que nous avons commandé, les trois quarts des entrepreneurs pensent que le gouvernement du Québec n'a pas fait ce qu'il aurait pu pour aider l'industrie de la construction à se sortir de la crise actuelle. Nous comprenons bien que la marge de manoeuvre financière du gouvernement est très limitée. Nous ne demandons pas d'aide financière, encore qu'une plus grande accélération des investissements publics serait bienvenue. Mais, à tout le moins, nous demandons que le gouvernement fasse tout ce qui est en son pouvoir pour nous assurer le champ d'activité qui devrait nous appartenir et pour éliminer les conditions qui font que nos membres employeurs sont victimes de concurrence déloyale.

L'adoption du projet de loi serait une mesure en ce sens. L'un des buts de cette loi est de redonner aux vrais employeurs et aux vrais travailleurs de l'industrie les travaux et les emplois actuellement accaparés par le marché noir. L'un des effets non négligeables de cette loi serait de contribuer à garnir, à plus ou moins court terme, les coffres désespérément vides du gouvernement, de 400 000 000 $ à 500 000 000 $ selon plusieurs intervenants. Plus de 400 000 000 $ en temps de récession! Le huitième du déficit du gouvernement pour l'année budgétaire qui se termine bientôt. Il nous semble que le gouvernement ne peut fermer la porte à une telle entrée d'argent qui, de toute façon, lui est dû.

Le travail au noir est une plaie dans notre industrie. Il y a actuellement plus de 28 000 licences d'entrepreneurs en construction émises par la Régie du bâtiment. Un peu moins de 21 000 de ces entrepreneurs ont un dossier à la Commission de la construction du Québec. Plus de 7000 entrepreneurs détiennent une licence en construction sans que leurs activités ne soient recensées par la Commission de la construction du Québec, le quart des licences émises. De ces 21 000 entrepreneurs inscrits à la Commission, un peu plus de 15 000 ont déclaré des heures en 1991; les 6000 autres, aucune! Presque la moitié des entrepreneurs enregistrés à la Régie du bâtiment n'ont déclaré aucune heure travaillée par des salariés en 1991. Je laisserai maintenant la parole à Michel.

Le Président (M. Gauvin): M. Dion.

M. Dion (Michel): Pourtant, comme vous le savez, d'après notre sondage, 50 %, soit la moitié des entrepreneurs non inscrits à la Commission, disent embaucher des salariés pour faire du travail de construction sur une base régulière. Saviez-vous aussi que 50 %, soit la moitié des entrepreneurs inscrits à la Commission et qui n'ont déclaré aucune heure en 1991, disent aussi embaucher des salariés pour faire du travail de construction sur une base régulière? Saviez-vous, enfin, que 60 % des entrepreneurs non inscrits à la Commission font des travaux de construction neuve lorsqu'ils travaillent seuls?

Évidemment, ces énoncés qui découlent de notre sondage sont mis à la disposition de la commission. C'était dans le but d'essayer de cerner le problème. Effectivement, il y a actuellement devant cette commission une étude qui est faite sur plusieurs bases. On essaye en même temps de régler un problème d'employeurs autonomes. On essaye en même temps de régler un problème de travail illégal ou de travail au noir. On essaye en même temps de voir comment on peut alléger le fardeau d'un consommateur qui a des travaux de construction à faire. Là, il y a tout le restant qui nous arrive à l'intérieur du projet de loi, évidemment: la notion de représen- tant, les questions d'amendes à la Commission, du champ d'application, la possibilité du retour des clauses pénales.

On n'a pas un changement de position depuis le mois de décembre. Évidemment, notre position c'est qu'il y a eu à l'intérieur du bill 31, lorsque le bill 31 avait été accepté, ce qu'on appellerait un échange avec l'industrie de la construction. On avait à peu près le même portrait qu'on a aujourd'hui, c'est-à-dire une industrie où il y avait des gens qui opéraient - et je ne le qualifie tout simplement pas au noir - d'une façon illégale.

L'échange qui s'est fait lors du bill 31 était le suivant. Les gens de l'industrie, comme tels, ont accepté de laisser de leur champ d'application toute la partie de la réparation, l'entretien, la rénovation, etc., et, en échange de cette position-là, en échange de cette réservation-là d'un champ d'application pour les entrepreneurs autonomes, ils ont dit: Nous, on veut se réserver la construction neuve. Or, aujourd'hui, on se retrouve devant la commission parlementaire comme si cet échange-là n'avait pas réellement été complété. C'est-à-dire qu'on a laissé partir la réparation et l'entretien, mais on n'a pas éliminé sur les chantiers de construction neuve d'une façon certaine l'entrepreneur autonome.

Or, nous, ce qu'on dit ce matin, c'est que le vrai problème, nous semble-t-il, qu'on devrait être en train d'étudier, c'est, comme disait le projet de loi: préciser «notamment la notion d'entrepreneur autonome». On n'est pas en train de faire de la nouvelle législation. On serait censés être en train d'essayer de boucher le trou de l'échange du bill 31. Pour nous autres, c'est ça, fondamentalement, qui est le problème.

Par contre, l'industrie est aussi devant un autre problème qui est la question du travail illégal et on ne cachera pas qu'il y a une relation entre l'entrepreneur autonome et le travail illégal. Les raisons pour lesquelles il y a une relation, c'est assez simple. C'est que, dans certains cas et à cause du trou de la loi, les entrepreneurs autonomes ne respectent pas la réglementation et les conditions de l'industrie de la construction. Ils ne la respectent pas et on n'a aucun moyen, comme vous l'a expliqué M. Fournier, en vertu de la loi actuelle, de la faire respecter parce qu'il y a un trou dans la loi. Ceux qui sont autonomes corporatifs, à ce moment-là, échappent à la loi parce qu'on n'a pas de moyens de les contraindre en vertu du texte actuel.

Comme ces gens-là échappent actuellement, il y a deux choses: je ne peux pas, un, les trouver - c'est de l'illégalité d'une certaine façon - et, deuxièmement, je ne peux pas évaluer quelles sont les conditions avec lesquelles ils travaillent dans l'industrie de la construction. Sauf que nos employeurs, et c'est pour eux seulement qu'on parle ici ce matin, font face à cette compétition-là dans l'industrie de la

construction. Ça, c'est un des points qui fait que nos employeurs, sans s'accuser de tous les maux, ont une tendance à être obligés aussi de se comporter d'une façon peut-être légère face à la réglementation dans l'industrie de la construction. C'est une question de concurrence, c'est une question de vie pour les entreprises de la construction.

Je ne viens pas vous dire ici ce matin, surtout pas devant les journalistes, que nos 18 000 employeurs de l'industrie de la construction travaillent illégalement dans l'industrie de la construction. Mais si, par malheur, et sans jouer au puriste, on dit qu'il y a des employeurs qui, effectivement, travaillent d'une façon plus ou moins légale dans la construction, c'est quelque chose de carrément compréhensible. Ils ont à faire face à une concurrence qui peut utiliser n'importe quel moyen pour pouvoir aller chercher un contrat, alors que nos entrepreneurs seraient, en théorie, astreints à des règles qui ne leur permettraient pas, à toutes fins pratiques, d'aller chercher les contrats.

Il y a une autre incitation aussi de nos employeurs qu'il faut noter ici. On nous dit: C'est les employeurs de la construction qui engagent les autonomes. En réalité, oui, parce que ça leur permet de faire la compétition, mais il y a aussi un autre élément, il y en a peut-être certains qui avaient une certaine gêne à expliquer cet élément-là, un élément de productivité. Je ne vous le cacherai pas - j'écoutais M. Gingras qui faisait l'exposé - c'est que l'autonome est un compétiteur au travailleur de la construction. Je pense qu'il travaille sur deux plans: il est compétiteur à l'employeur et il est compétiteur aussi au travailleur. Il est compétiteur au travailleur parce qu'il va, dans sa façon de travailler, donner souvent une productivité beaucoup plus grande qu'un travailleur de la construction.

Je sais que ça peut choquer des gens d'entendre ça, sauf qu'on a facilement pu remarquer que, si je paie un gars 25 $ l'heure pour poser des portes une journée de temps, 8 heures à 25 $, vous pouvez faire le calcul, à toutes fins pratiques, ça représente un montant d'argent x. Il me pose quatre portes dans la journée, bien posées, bien faites, d'une façon compétente. Je me vire de côté et là je prends un autonome. Je négocie avec lui ce qui est l'équivalent de l'opération mathématique tant de portes pour tant d'heures dans une journée et là je lui dis: Je vais te donner - mettons que le chiffre donnerait 25 $ - 25 $ de la porte. Le gars n'en posera pas 3 dans la journée, il va avoir le temps d'en poser 10. C'est ça qui fait que notre employeur, à ce moment-là, bénéficie d'une espèce d'avantage face à l'entrepreneur autonome, ce qui lui donne une certaine incitation à l'engager.

Évidemment, embarquer là-dedans et dire que c'est le «fun» si le système marche de même et que ça va très, très bien, c'est d'embarquer dans un système qui est faux. C'est embarquer dans un système qui, à sa base même, est illégal, qui fait que notre industrie se retrouve avec tout un champ d'activité qu'on appelle au noir, qu'on appelle illégal, qu'on appelle désordonné, en tout cas, qu'on appelle indiscipliné. (11 h 30)

Si on veut que notre industrie, ce soit simplement une règle, c'est-à-dire l'offre et la demande, la règle du marché, le «free for all» où n'importe qui fait ce qu'il veut, on est obligés de vous dire que nous, représentant les employeurs, on ne peut plus vivre avec une syndicalisation obligatoire. On ne peut plus vivre avec un décret de la construction. Je ne peux pas avoir un groupe, une partie d'une société qui est obligée de respecter des règles et qui n'a pas le choix d'en sortir, alors qu'on permettrait à un autre groupe de faire ce qu'il veut dans l'industrie de la construction. C'est carrément accepter deux systèmes de compétition qui font qu'il y a une compétition déloyale entre les gens. Alors, nous, on a choisi la règle d'une discipline, la règle d'une industrie ordonnée. On est en mesure d'accepter des questions comme une syndicalisation dans l'industrie, un décret dans l'industrie de la construction, des taux de salaire pour assurer une compétition loyale et, dans un système de même, il faut se rendre jusqu'au bout. Il ne faut pas laisser des gens ou, du moins, être complaisant avec des groupes de gens qui peuvent «fucker» le système.

Il y a un danger dans le discours qu'on tient et c'est le suivant. C'est d'avoir l'air d'assimiler le travail au noir ou le travail illégal, de l'assimiler rien qu'aux entrepreneurs autonomes. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas que les entrepreneurs autonomes qui font du travail illégal et du travail au noir. Il y a un paquet de monde qui fait du travail au noir. Le vrai entrepreneur autonome, celui qui, actuellement, est très bien assujetti... J'entendais, hier, M. Morin, l'avocat, le juriste qui disait: II n'y a pas de problème, il doit respecter les mêmes conditions, etc. Oui, celui-là, celui qui est couvert par la loi et celui que la Commission peut aller chercher et contraindre à ce moment-là. Mais l'autre, que le trou de la loi ne me permet pas d'aller chercher, lui, il n'est pas astreint à cette règle-là de payer les mêmes conditions et, effectivement, il n'y est pas astreint et il fait ce qu'il veut. Il y a ce groupe de gens. Ça, c'en est un groupe qui passe à côté et qui crée, effectivement, du travail illégal, au noir.

Mais qui en crée aussi? Il y a tous ceux qui ne respectent rien, qui engagent des gens sans carte, qui n'ont même pas, théoriquement, de déclaration faite à la Commission, qui, des fois, n'ont probablement même pas de licence à la Régie des entreprises de construction, des gens qu'on ne voit même pas apparaître. Il y a actuellement 28 000 licences. Il y a à peu près

18 000 gars qui sont à la Commission. Il y a 10 000 personnes dans l'air. Ce n'est pas 10 000 autonomes. Ce n'est pas ça qu'on vous dit. Mais 11 y a 10 000 détenteurs de licence qui sont dans l'air à quelque part. Ils ne font pas tous de la construction. Il y en a qui font possiblement de la maintenance. Il y en a probablement pour qui c'est des licences échues ou je ne sais pas. Il peut y avoir des doubles licences. Je pense que les gens de la Régie sont plus aptes à vous expliquer de quoi sont composés ces 10 000. Mais, pour nous, il y a au moins une chose qui est sûre et certaine, c'est qu'il y a 10 000 personnes qui détiennent des licences d'entrepreneur en construction et qui n'apparaissent pas sur les listes de la Commission de la construction. Ça aussi, ça fait partie de notre travail illégal.

On vous dit là-dedans: Près de la moitié des entrepreneurs enregistrés à la Régie n'ont aucune heure déclarée. Vous savez, messieurs de la commission, il y a quelque chose d'aberrant dans nos statistiques de l'AECQ des heures travaillées. Il y a un très fort pourcentage... Quand je vous dis «très fort pourcentage», ce n'est pas une couple de centaines de gars. Il y a une couple de milliers de gars, peut-être bien, qui sont enregistrés à la Commission - donc, qu'on a sur nos listes - qui n'ont même pas 500 heures déclarées par année. Il n'y a pas un gars qui va me faire croire qu'une entreprise de construction qui ne fait que 500 heures de travail par année vit. Parce que c'est la récession cette année, ils vont peut-être passer à travers, mais je peux vous dire que, si ça fait cinq ou six ans qu'ils font ça dans l'industrie de la construction, ils doivent être maigres en maudit. Parce que travailler 500 heures par année, ça, c'est à peu près l'équivalent de quelque chose comme... Mettons, à 40 $ l'heure, c'est une question d'une couple de milliers de dollars par année. Il n'y a personne qui va vivre avec ça. Alors, il y a quelque chose qui se passe à quelque part.

On nous dit et on a entendu effectivement: Mais donnez-nous des exemples. Écoutez, combien il y a de monde qui passe des cigarettes aux douanes? On pense qu'il y en a un maudit paquet. Ça, c'est clair. Mais on ne peut pas dire: II y a Joseph qui en passe et il y a Albert qui en passe. On pense qu'il y a un maudit paquet de monde qui en passe. Dans l'industrie de la construction, il y a des gars qui travaillent au noir. C'est évident qu'il y en a un maudit paquet, mais, comme ils sont au noir et qu'ils sont illégaux, ils sont cachés, ils ne mettent pas des annonces dans les journaux pour dire qu'ils le sont. Je ne suis pas capable de les trouver. Il faudrait que je les trouve pour commencer à dire: Bien, voici, c'en est un, il fait ça. C'est clair que, quand on se promène sur les chantiers de construction, bien, on en voit de temps en temps, de ces affaires-là. Mais on ne les voit pas tous. On en voit quelques-uns. Ils sont cachés, ils sont illégaux. Quand le gars passe aux douanes avec ses cigarettes, s'il passe tout droit, il n'y a personne qui peut dire qu'il a passé des cigarettes.

Mais vous, comme parlementaires, comme gouvernement, le problème vous attire pareil Vous dites: II y a des gens qui font de la contrebande - dans le fond, le mot «contrebande» - il faut légiférer. Nous, on vous dit: Dans l'industrie de la construction, il y a des gens qui font de la contrebande. On a autant raison de croire que vous autres qu'il y a des gens qui font de la contrebande parce qu'il y a des gens qui passent à côté du système. Il y a des gens qui flottent à quelque part. Il y a des gens qui traversent les lignes trois, quatre fois par semaine. Ce n'est toujours pas rien que pour aller saluer leur mère l'autre bord. Alors, ils font de quoi. Mais, dans l'industrie, il y a des gars qui entrent sur les chantiers, le matin, et ils font de quoi. On ne le voit nulle part. On les voit, des fois, de temps en temps. On les voit dans les plans d'avantages sociaux, on les voit, de temps en temps, faire des réclamations. On les voit, de temps en temps, se faire déclarer des heures pour se sacrer sur la Commission des accidents du travail ou bien des choses comme ça. C'est ça, notre industrie.

On peut vous dire ici, ce matin: Ôtez-nous toute la réglementation. Déréglementez l'industrie de la construction. «Free for all», tout le monde va opérer dans le système, mais on peut aussi peut-être être un peu plus sage et vous dire: II faut régler les problèmes. Il faut replacer les choses à leur place. Combien de gens pourrait-on, en théorie, pénaliser en faisant ces correctifs? Parce qu'on ne fait pas une nouvelle législation, on corrige la loi. Combien peut-on en pénaliser? Je ne le sais pas d'une façon précise, mais je dois vous dire qu'il y a quand même, chez nous, au-dessus de 10 000 petites entreprises avec un, deux ou trois salariés qui travaillent, actuellement, dans l'industrie de la construction et, si on laisse continuer le système, ces petites entreprises-là, demain, seront des entreprises en faillite parce qu'elles ne seront pas capables de compétitionner avec ces espèces d'illégaux qui sont dans l'industrie de la construction. Je n'ai pas dit ces espèces d'autonomes, j'ai dit ces espèces d'illégaux à l'intérieur desquels on peut retrouver une quantité de gens qui ont la possibilité de pouvoir faire des travaux d'une façon illégale. Cette quantité de gens là, ça peut, entre autres, s'appeler des autonomes.

On se doit de régler ce problème-là, dans la loi, si on veut que l'industrie marche d'une façon sensée. On a des problèmes à régler. Il faut accepter les solutions. On l'a fait, l'échange, dans le 31. Il faut le compléter, cet échange. Il y a un trou. Corrigeons le trou. Une fois que le trou sera corrigé, il n'y aura plus de travail au

noir, demain? Ce n'est pas vrai. Possiblement qu'il va encore y en avoir. D'ailleurs, il y a un travail au noir maladif dans l'industrie. Il a toujours existé. Nous, à l'AECQ, on avait fait des chiffres et on était arrivés à une espèce de chiffre fictif, quelque chose comme peut-être 10 000 000 d'heures, à tous les ans, qui se promènent d'une façon au noir, qu'on n'est pas capables, de toute façon, d'aller chercher. Mais, au moins, on va arrêter ce qui fait qu'actuellement ça va en progressant, ce travail-là. Il n'est plus intéressant, pour un employeur honnête et légal, de rester honnête et légal. Il n'a pas de jobs, il perd ses contrats. Il regarde le gars bâtir des maisons à côté et, lui, il n'est plus capable d'en bâtir.

Face au consommateur, parce qu'on veut aussi parler du problème du consommateur, qu'est-ce qui arrive? On n'a aucunement, actuellement, fait la démonstration que le consommateur profite du fait que des travaux sont faits par des illégaux ou, encore, par des entrepreneurs autonomes. Au bout de la course, on n'a pas d'exemples clairs à l'effet que le consommateur en profite. Je pense que le système, ce n'est pas ça qu'il fait. On a parlé de sous-traitance, de sous-traitants, etc. Au bout de la course, il y a quelqu'un qui paie à peu près le même prix. Par contre, il y en a qui pourraient peut-être dire qu'on a la possibilité d'avoir des plus gros profits en haut. Ça non plus, ce n'est pas nécessairement vrai. On n'a pas l'impression qu'au bout de la course, en haut, il y a nécessairement des plus gros profits. Où va l'argent? C'est de l'argent qui n'est pas payé. Il ne va pas plus en profits. C'est de l'argent qui ne va pas quelque part. Il ne va pas dans les coffres du gouvernement, il ne va pas à la Commission de la construction pour le régime des avantages sociaux, il ne va pas à la CSST. Plus loin, dans notre document, je pense qu'on parle, à un moment donné, qu'il y a un maudit paquet de ce monde-là qui ne se rapporte même pas à la CSST. Tout ça, c'est de l'argent qui ne se rend pas quelque part et c'est ce qui fait qu'il y a un écart quelque part, mais ça ne fait pas un plus gros profit à l'employeur au bout de la course.

Pour le consommateur, comme parlementaires - je pense à madame qui est là; elle va probablement m'en reparler tantôt - vous auriez des moyens de régler des problèmes dans notre industrie, de favoriser l'avancement de notre industrie et de favoriser un allégement pour le consommateur. C'est sûr que, demain matin, je peux m'asseoir et négocier 10 $ l'heure dans le résidentiel. Ils font des maisons à 10 $ l'heure dans le résidentiel, donc, le consommateur paie moins cher. Faites vos calculs! Au bout de la course, il y a 325 heures par bungalow qui entrent à la Commission de la construction. Enlevez 10 $ l'heure. En théorie, c'est 3000 $. On ira voir, au bout de la course, si ça donne 3000 $ d'échange.

Moi, je pense que ce n'est pas là que sont les moyens. Les moyens, les vrais moyens, c'est de subventionner l'industrie de la construction en donnant Mon taux, mon toit, etc. Parfait, on vous félicite. C'est beau, ça aide l'industrie. Allez donc un peu plus loin. Permettez donc aux gens qui font des travaux avec des vrais entrepreneurs de l'industrie de la construction d'avoir un crédit d'impôt. On pourrait même aller plus loin et vous dire ceci: II y a une maudite taxe - excusez, ce n'est pas maudite qu'elle s'appelle, c'est TPS - qui est entrée dans l'industrie de la construction et elle coûte 5 %, 7 % ou 10 % sur le coût total d'une construction. Les compagnies qui ont à payer cette taxe-là, dans leurs livres, elles prennent un côté de la colonne et disent: J'ai tout payé ça et j'ai ça à payer. Elles font la soustraction et là elles disent: Voici ce que je vous dois en balance.

Pourquoi, comme gouvernement, ne permettez-vous pas aux particuliers qui achètent une maison neuve à ce moment-là de prendre la TPS et de pouvoir l'amener sur leur rapport d'impôt et de demander ce qu'on appelle vulgairement en comptabilité les intrants? Qu'ils demandent leurs intrants, eux aussi. Vous aideriez l'industrie de la construction. Ce n'est pas en coupant ou en essayant de couper des employeurs, ce n'est pas en essayant de couper des travailleurs, ce n'est pas en diminuant les taux de salaire des travailleurs. Je sais que je vais me faire des amis en disant des affaires de même, sauf qu'on est une industrie qui est saine. On veut que les gens gagnent leur vie, on veut que les employeurs fassent un profit raisonnable dans l'industrie. Ce n'est pas là-dessus que vous allez aider les consommateurs. C'est peut-être par des moyens autres, comme ceux que je viens de vous mentionner.

Notre industrie à l'heure actuelle est dangereusement malade. Regardez partout ailleurs dans l'Ouest ou aux États-Unis, ça se désagrège, les systèmes de relations de travail. On peut espérer désagréger le système des relations de travail au Québec ou on peut espérer avoir une espèce de paix sociale, un contrat social entre les travailleurs, puis les employeurs pour travailler dans notre industrie. Nous, on choisit cette avenue-là et on pense que c'est peut-être la façon la plus saine de faire opérer notre industrie.

Au cas où je manquerais de temps, parce que j'ai souvent de la «gueule» et ça va plus vite que les autres, et je vous vois aller, M. le Président, vous êtes à la veille de me dire d'arrêter, on va vous demander, à la fin, on va vous proposer... C'est évident qu'on ne peut pas vous demander à vous, les parlementaires, assis ici pendant trois jours de temps à vous faire probablement enguirlander ou engueuler par des grandes gueules comme je peux l'être, d'arriver avec la solution miracle demain. Il y en a peut-être une bonne solution dans l'industrie de la

construction. Ce qu'on souhaite et on va vous le dire à la fin de notre document, si vous allez au bout, c'est que soit mis en place immédiatement, pour une période très courte, un comité d'étude. On va tout prendre ça et on va les chercher, les vraies solutions. On en a vu des problèmes. On a vu le problème de l'employeur qui n'est pas capable de finir ses derniers travaux quand il n'y a plus de salariés. On a une solution. On propose peut-être un genre d'obtention de permis qui pourrait lui permettre de finir. Il y en a des solutions à trouver dans l'industrie de la construction. Il y a des remèdes. Ce n'est pas à la course, trois jours, avec un paquet d'histoires qui se content et chacun conte sa salade à sa façon. Il y a une chose qui est sûre et que vous avez apprise ici, c'est que dans l'industrie de la construction il y a un problème avec les autonomes, il y a un problème avec le travail au noir et il y a un problème possiblement face aux consommateurs pour certains. Ces problèmes-là, il faut les régler; sinon, notre système va sauter.

M. le Président, on est prêts à s'asseoir sur un comité très restreint, pas pour retarder le projet de loi, ce n'est pas du tout notre objectif, mais peut-être pour essayer de regarder, à l'aide des solutions, que tout le monde a proposées... Tout le monde a vu un problème, mais ce n'est pas tout le monde qui a la même solution. On va regarder les solutions, puis on va essayer de trouver la meilleure. Le comité d'étude formé des principaux intervenants de l'industrie, on travaille avec le ministère du Travail, le gouvernement, pour essayer de trouver une solution rapide pour que, quand le projet de loi ira à l'Assemblée nationale, les gens aient conscience d'aider l'industrie de la construction sans politicaillerie.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Dion et M. Perron. J'aimerais, à ce moment-ci, vous informer que vous avez fait distribuer aux membres de la commission un document qui s'appelle «Notes complémentaires» que la commission a accepté comme dépôt.

M. Dion: Merci.

Le Président (M. Gauvin): J'inviterais maintenant M. le ministre pour une période de 30 minutes, avec alternance, comme on en a l'habitude, avec l'Opposition.

M. Cherry. Merci, M. le Président. D'abord, je vous remercie d'avoir accepté de venir à la commission. Vous êtes un intervenant important dans l'industrie de la construction. Donc, vous en profitez, chaque fois qu'une tribune vous est offerte, pour venir faire valoir votre point de vue. De par la loi - je pense que le président a débuté comme ça: «De par la loi» - ça vous permet de dire: Je parle au nom de l'ensemble des entrepreneurs de l'industrie. Je ne veux pas questionner ça, parce qu'il y en a qui ont déjà débuté à défiler devant nous et d'autres vont vous suivre qui, eux autres, parlent aussi au nom d'un segment important de gens qui se regroupent tous sous votre enseigne à cause de la loi qui vous permet de dire: Je parle au nom de tout le monde. Donc, quand on est à la recherche de solutions - et là je réponds rapidement à votre voisin d'à côté - valables et durables, et c'est ça que vous indiquez, que vous dites à la fin de notre mémoire, il faut s'assurer que tous ceux qui ont vraiment quelque chose à dire dans la recherche de la solution puissent être impliqués là-dedans. Autrement, on reparle aujourd'hui... (11 h 45)

Et ça, c'est le lien que je fais. La commission Cliche, dans les années 1974-1975, parlait de la situation qui nous réunit, de problèmes dans l'industrie; 15 ans plus tard, la commission Sexton-Picard parle de fléau dans l'industrie de la construction. Donc, il s'est passé 15 ans où, au lieu de s'améliorer, la situation est passée de problème à fléau. Ça s'est détérioré et ce que vous venez de nous dire, M. Dion, en particulier, c'est un peu un cri d'alarme: Faites quelque chose; sinon, ça va continuer à se détériorer et là, les règles du jeu étant à ce point faussées, on est presque tous obligés d'aller...

Vous n'êtes pas le seul qui venez nous dire ça. Il y en a qui vous ont précédé et d'autres qui vont vous suivre, aujourd'hui: des entrepreneurs, des associations d'entrepreneurs, des corporations d'entrepreneurs et je suis content que ça se fasse parce que trop souvent la perception est créée que c'est une bataille entre des syndiqués et des autonomes. Évidemment, les meilleurs disent: C'est normal, c'est des «chums» du ministre, pour tenter de faire l'association entre mes fonctions précédentes et celle-là.

Comme je l'ai dit tantôt dans le cas du député de Joliette, nous autres, on a décidé d'être des législateurs et on veut essayer de rendre service. Donc, je ne renie pas ce que j'ai été, mais il est important que le message qui ressorte, c'est que le malaise qui est décrit ne l'est pas uniquement par une des parties, mais bien de plus en plus par l'ensemble de tous ceux qui y oeuvrent, qui disent: Ça ne peut plus continuer comme ça. Les travailleurs disent: Par rapport à nos membres. Et vous, votre organisme dit. Par rapport à l'ensemble des entrepreneurs qu'on représente parce que chaque fois qu'on élargit le champ de l'autonome, on le fait au détriment de qui? On le fait au détriment de celui que vous avez décrit, M. le président, qui a un, deux ou trois ou quelques salariés. Donc, c'est important de situer ça.

Vous êtes le premier intervenant qui le fait, depuis hier, au niveau de la protection du consommateur. Et ça, c'est une préoccupation que le législateur doit avoir. Vous avez dit: Je ne sais pas où va l'argent, quelque part. Le consommateur, lui, qui se porte acquéreur d'une première maison et qui doit négocier les taux

d'intérêt et les hypothèques et, pour réunir les deux bouts, les deux doivent travailler et laisser les enfants à la garderie, eux autres quand ils prennent possession de leur première maison... Et je vous ai entendu dire tantôt qu'au lieu de payer 25 $ l'heure quelqu'un qui va poser quatre portes dans sa journée, ça peut aller à 25 $ de la porte et là, à ce moment-là, il va en poser 10 par jour. Est-ce que je vous cite bien? Je «peux-tu» vous dire que le consommateur qui va prendre possession de sa maison, je suis loin d'être assuré que d'en avoir posé 10 dans la même journée au lieu de 4, lui qui va avoir payé le vrai prix qu'on lui a demandé, va obtenir la qualité pour laquelle il a payé. Là, mon consommateur m'inquiète. Et c'est peut-être là qu'on retrouve un nombre de plaintes importantes à l'Office de la protection du consommateur. Parce qu'il faut se le dire aussi: II ne faut pas seulement que ça ait l'air entre des travailleurs et des entrepreneurs. Il y a celui à qui vous livrez le produit.

Et quand ça a été fait par le deuxième et le troisième sous-traitants qui, bien souvent, sont toujours des membres de l'Association au nom de laquelle vous parlez ce matin... Vous avez dit: On parle au nom de l'ensemble, mais il a été bien clairement expliqué ce matin que, pour le même type de travail, rendu à passer ça au troisième sous-traitant, la seule façon pour lui de l'accepter, c'est qu'il a coupé les prix. Mais ça, ça ne veut pas dire que le consommateur va payer sa résidence moins cher, lui. Et, dans ce sens-là, je suis content qu'on soulève l'aspect de la protection du consommateur parce que lui a le droit qu'on parle en son nom aussi.

Alors, à la page 12 de votre mémoire - je ne veux pas me mélanger avec les annexes; j'ai rédigé mes questions en fonction du document original - on dit: «Or, tel que libellé, l'article 19. 2 semble interdire à cet employeur de terminer seul certains travaux sur son propre chantier. » J'ai posé la question à d'autres hier et ce matin et vous étiez présents, donc, vous avez entendu. S'il était permis à cet employeur-là de terminer seul certains travaux, comment cela pourrait-il se vivre sur le chantier et comment pourrait-on contrôler ça? Ça, c'est ma première question.

Le Président (M. Gauvin): M. Perron ou M. Dion.

M. Dion: Je m'excuse, M. le ministre. J'étais en train de fouiller. Effectivement, est-ce que votre question... Si vous voulez la répéter ou je vais essayer de la résumer.

M. Cherry: Bien sûr. O. K. Vous avez suggéré, dans votre mémoire, qu'à un moment donné un entrepreneur pourrait compléter des travaux... Ou ça a été soulevé, hier. Je m'excuse, on va mettre ça plus clair. Hier, ça a été soulevé qu'un entrepreneur pourrait compléter seul sur un chantier une phase de travaux; ça a été mentionné à la fin, d'autres ont dit au début.

Face à cette hypothèse-là, à la page 12 de votre mémoire, si ça fonctionnait comme ça, comment ça pourrait se vivre, ça, sur un chantier, pour assurer qu'on respecte tout ce que vous avez voulu soutenir? Et comment ça pourrait se contrôler vis-à-vis de l'organisme qu'est la CCQ? Parce que c'est la CCQ qui assure une vraie compétition, parce que celui qui rapporte ses heures à la CCQ et qui paie le taux, lui, il le fait selon les règles et les normes de l'industrie. Alors, comment ça se vivrait, ça?

M. Dion: Effectivement, c'est vrai, nous, on l'a soulevé dans notre premier mémoire en disant: II y a un impact de votre législation 185 face à notre entreprise, face à nos membres; c'est face à celui qui, ayant eu des salariés, exécute des travaux et, à un moment donné, se retrouve - j'espère que je couvre le bon point -à la fin, avec beaucoup moins de travaux. Donc, il se retrouve seul dans son entreprise. Comment est-ce qu'on opère? On vous avait soulevé que, quant à nous, c'était un problème et qu'il fallait probablement s'y arrêter et trouver une solution.

Dans notre sondage, cette hypothèse-là, ce problème-là a été constaté et a été vérifié. On l'a à la page 27 où on parle de cette chose-là.

M. Cherry: 28.

M. Dion: Dans notre nouveau...

M. Cherry: 28.

M. Dion: Dans nos notes complémentaires. On s'excuse, on a pensé que, même si ce n'était pas une façon normale d'arriver avec des documents à la dernière minute, ce que la commission apprécierait le plus, c'est d'avoir l'information plutôt que d'être normal ou anormal. Alors, effectivement, on vous a apporté un document. Dans ce document-là, à la page 27, on traite de ce problème; 27 et 28, évidemment, ça continue de l'autre côté, le texte est à la page 28. Merci, M. le ministre, vous avez lu mon document.

M. Cherry: Oui.

M. Dion: Ce qu'on a trouvé, nous, comme solution et, encore là, je vais rattacher ça à mon petit problème de comité, tantôt, on a pensé... Pendant un certain temps, on a essayé de penser à tous les problèmes, on a essayé de trouver les solutions; on a essayé aussi de faire comprendre à nos gens dans quoi on s'en allait, effectivement. On a pensé qu'il pourrait y avoir un système qui ferait que, suivant certains paramètres, certaines balises, un gars qui est réellement un employeur de l'industrie de la construction,

qui fait cette démonstration-là, qui a des employés, qui a déclaré, je ne le sais pas, admettons 1000 heures-salariés depuis les 12 derniers mois, donc, c'est un employeur, c'est un gars qui, normalement, fait affaire comme un employeur dans la construction... Ce gars-là, s'il se retrouve avec peu d'ouvrage pour une période assez limitée, pour compléter certains travaux, une logique absolument certaine dans l'industrie, ça existe, c'est une réalité, on a pensé peut-être a un système où il pourrait déclencher, par une passe administrative, l'obtention d'un permis, appeler à la Commission et dire: Voici, j'ai des travaux à terminer, je veux les terminer seul. Et on le reconnaîtrait à ce moment-là. On sait qu'il y a une contrainte administrative. Il y en a qui vont dire: Ah! Encore un maudit permis, encore un maudit règlement, etc. Il faut trouver le moyen, même si ça implique une contrainte, qui fait qu'on fait de vraies règles, des règles qui ne sont pas confuses. Ne pas arriver et dire tout simplement, dans le texte de loi: Le gars, il pourra les terminer, etc., et qu'il n'y ait aucun contrôle, aucun moyen de contrôle. On veut quand même, même si ça a l'air réglementaire, qu'il y ait des contrôles, il faut qu'il y ait des barrières pour qu'on sache où est la légalité et où est l'illégalité.

Nous, sur les chantiers, on voit trois choses: on voit un salarié de la construction, on voit un employeur de la construction avec ses salariés... C'est ça, le texte du Décret qui a été galvaudé jusqu'au bout, parce qu'on a permis, à un moment donné, par toutes sortes de maudits systèmes, de laisser aller des gens sur les chantiers, pas avec leurs salariés. Le Décret prévoit que c'est un employeur qui travaille avec ses salariés. Une réalité dans l'industrie de la construction: un briqueteur maçon, avec deux ou trois employés, travaille avec ses hommes, c'est courant; nos membres le font. C'est ça qu'on défendait dans le Décret. Alors, on retrouve un salarié, comme je vous dis, on retrouve un employeur avec ses salariés et on pourrait retrouver un employeur seul pour une période limitée exécutant des travaux de terminaison de construction.

Par contre, on n'est pas allés jusqu'à dire: Est-ce qu'il pourrait faire une construction, débuter, partir une construction? Si on fait ça, à ce moment-là, on «fuck» - excusez le mot - le système parce qu'on va arriver à peu près à ce que Mme Blackburn va me dire tantôt: Est-ce que plusieurs gars, l'un après l'autre, peuvent venir faire une maison d'habitation? Évidemment, ça donnerait ce maudit système-là. Parce qu'il y en a un qui partirait le solage, l'autre partirait la charpente, l'autre partirait les murs de gyproc et tout le monde partirait la job. Ce qu'on veut, c'est protéger notre employeur afin que, par une réduction de travail, il puisse compléter ses travaux, aller poser les dernières portes, aller poser ses plinthes, aller poser ses "plates" d'électricité, aller finir les derniers travaux d'une construction. N'ayant pas assez de volume, il peut aller faire ça. Or, nous, on a proposé ça.

Je relie ça à mon comité. C'est une solution. Est-ce que c'est la seule? Est-ce que c'est la bonne? Est-ce qu'elle ne peut pas être améliorée? On est prêts à s'asseoir, nous, comme disait le ministre, avec les gens qui sont impliqués et on est prêts à essayer de la tester, de la regarder et voir qu'est-ce que ça va donner. Et, si on en trouve une meilleure, tant mieux. C'est ça qu'il faut essayer. Et c'était ça le seul problème que, nous autres, on avait soulevé au mois de décembre. Est-ce que ça a répondu?

Au mois de décembre, M. le ministre - et je veux en profiter pour le dire - vous m avez posé une question, vous vouliez me faire parler du fonds de formation des travailleurs J'ai été tellement distrait, je n'ai jamais compris votre question, je vous ai donné une autre réponse et vous avez eu la délicatesse de ne pas me le soulever. Alors, je m'excuse de ne pas avoir répondu à votre question et aujourd'hui je veux m'assurer de bien répondre à vos questions.

M. Cherry: Avez-vous le goût de me parler du fonds de formation ce matin?

M. Dion: Non, je pense que, ça, c'est un petit peu en suspens dans l'air. Dans l'industrie, M. le ministre, vous qui êtes un ancien syndicaliste, c'est: tu donnes et je donne. Et. quand les gens ne te donnent pas, je ne vois pas pourquoi, moi, je donnerais.

M. Cherry: J'aurais le goût de vous dire, comme ancien syndicaliste: Quand tu donnes, tu respectes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: C'est un bon menuisier, en tout cas, c'est un clou.

M. Cherry: Je ne le suis plus. Donc, comme ancien, un vieux relent. Ce qu'il y a d'important... Et j'ai voulu la commission parlementaire pour ramener le débat principalement... Parce que, vous l'avez dit tantôt, au mois de décembre, il y a eu toutes sortes de choses qui ont été galvaudées. Tout était mélangé là-dedans et ça a été le prétexte à véhiculer toutes sortes de choses qui étaient fausses, et nous n'aurions pu faire ce qu'on fait présentement sur un sujet qui est bien précis, le rôle de l'autonome dans l'industrie de la construction. Comme vous l'avez dit tantôt, c'est tellement proche du travail au noir qu'on en déborde facilement.

Vous représentez tous les membres de la construction, comme entrepreneurs. Quand vous défendez tous les membres ou que des organismes patronaux le font, est-ce que ça n'encourage pas la compétition illégale de certains de leurs

membres contre d'autres de leurs membres qui, eux, décident de respecter... J'ai eu les tuyau-teurs hier, vous étiez présents. Ils reconnaissent avoir 800 autonomes. Tu permets l'activité de ces 800 là sans avoir à respecter des règles. Certains le prétendent. D'autres nous ont dit: Aïe, ce n'est pas vrai, ils en respectent des règles aussi. Vous, vous nous avez indiqué ce matin qu'ils en respectent certaines et que d'autres, ils ne les respectent pas. Donc, comment est-ce qu'on peut, nous, comme législateurs, départager ceux qui veulent vraiment respecter les règles du jeu?

Et là, j'ai posé une question aux intervenants précédents et je ne fais pas un détour inutile, je veux arriver à ça. Il a été dit tantôt, et ma question était celle-là, la précédente: Un gars qui est entrepreneur chez vous, qui en a, des employés, la plus grande partie de l'année - je ne veux pas me limiter à vos deux mois -mais il arrive une période creuse durant l'année où il n'y en a plus d'ouvrage pour des salariés. Il espère en ravoir, il soumissionne sur d'autres contrats, mais, en attendant, il n'en a presque que pour lui-même. Et ça, ça peut durer, dépen-damment de la situation économique un peu plus longue ou un peu plus courte. Quand il va travailler seul, pour cette période-là - s'il en a eu des gens à ses livres et qu'il espère en avoir quand l'ouvrage reprendra - vous, vous le décrivez comment au moment où il exécute seul des travaux, cet entrepreneur-là? (12 heures)

Le Président (M. Gauvin): M. Dion.

M. Dion: Bon, voici. Nous, c'est clair qu'on reconnaît qu'effectivement ce n'est réellement pas le temps pour parler de ce genre de projet de loi là. On est dans une période de récession où ça va mal, le monde n'a pratiquement plus d'ouvrage, on est à peu près dans la plus basse vague - et un matelot va comprendre ça - où on peut être pour parler d'un projet de loi comme celui dont on parle, d'essayer de discipliner une industrie alors que le temps est tellement mauvais que les gens ont envie de trouver toutes sortes de moyens pour essayer, en tout cas, de survivre. On pourrait dire ça de même.

C'est évident que le climat n'est pas bon pour en parler, mais, en climat normal, je vais vous dire ceci: Le problème ou les unités de problèmes, une dizaine de problèmes, une centaine, une couple de centaines de problèmes qui pourraient se présenter où on aurait privé un employeur de continuer à aller sur un chantier par rapport à une discipline totale de l'industrie de la construction, par rapport à des règles très précises de l'industrie de la construction, est-ce que cet échange-là le législateur ne doit pas le faire?

Ce que je veux dire, c'est ceci. En tout cas, je m'en rends compte, j'ai peut-être fait beaucoup de philosophie. Ce que je veux dire, c'est qu'il est possible, à la limite, quand on fait une règle, qu'on cause un préjudice à un groupe restreint de personnes. Mais est-ce que, parce qu'on peut causer possiblement un préjudice à un groupe restreint, on est prêts à prendre le challenge de l'autre côté en disant: Pour ne pas causer le préjudice, je vais fourrer toute l'industrie dans un système d'illégalité et d'opération n'importe comment? Si on dit demain matin que, parce qu'il pourrait y en avoir un petit groupe à un moment donné, dans une circonstance très précise, on devrait théoriquement trouver le moyen de leur permettre d'être sur les chantiers de construction, on ouvre la porte à tout un système qui se détériore. On l'a vécu, on le vit à l'heure actuelle et plus ça va aller plus il va se détériorer.

Pour autant, ça ne veut pas dire, M. le ministre, qu'on n'est pas prêts à le regarder, de la même façon qu'on a regardé la fin. Si on avait un système étanche qui permettait de régler ce problème-là, solution idéale, on serait absolument d'accord. Nous, ce qu'on pense, c'est que la logique dans un système de relations de travail, il y a des employeurs, il y a des salariés; il y a des employeurs qui contractent des travaux de construction et il y a des salariés qui les exécutent. Toute personne qui vient à travers de ça, à moins qu'elle vienne d'une façon légale, vient «fucker» le système. Ça, c'est notre prétention, à nous autres.

On est une association d'employeurs. Évidemment, il y a peut-être des associations d'entrepreneurs et on va peut-être entendre des gens qui n'engagent pas un homme salarié par année venir dire: Un instant, M. le ministre, donner le droit au gars d'aller sur les chantiers, et ci et ça! Nous, nos gens, c'est eux autres qui font les heures dans l'industrie. Les exécutants qu'on pourrait appeler, c'est nos membres, ça. Nous autres, on n'est pas des signataires de contrats. Si on veut régler des problèmes de signataires de contrats, donc, face aux consommateurs, on va parler d'autres affaires tantôt. On ne parlera pas... L'autonome, ça, c'est un exécutant. Il cause préjudice par sa concurrence déloyale à l'employeur et il vole les jobs des travailleurs de la construction. On ne parle pas pour les syndicats, ils sont capables de parler pour eux autres. On parle pour notre industrie quand on parle de même, M. le Président. Et ça, il faut le régler, ce problème-là.

M. Perron (Jean): J'aimerais peut-être, si vous me le permettez, M. le ministre, ajouter à ça, peut-être pour répondre d'une façon plus spécifique sur comment on définit ce type-là qui pourrait compléter des travaux parce que, dans notre proposition, on veut faire une distinction importante entre entreprendre des travaux et compléter des travaux. Dans notre optique à nous, dans notre approche à nous, il n'est pas question qu'un employeur puisse entreprendre de

nouveaux travaux parce que, là, on va tomber dans un «free for all» de qualifications bidon et des choses semblables.

En fait, pour nous, le représentant désigné serait autorisé à compléter des travaux parce que, effectivement, c'est un employeur qui aurait complété la majorité de ses travaux avec des employés. Alors, je pense qu'il faut être très clair là-dessus. On veut effectivement que la personne puisse compléter ses travaux. Dans un cadre de récession, effectivement, ça peut être important. Les contrats ne se suivent pas nécessairement les uns après les autres. On ne peut pas nécessairement les enchaîner aussi facilement que dans une période d'économie à plein régime, de sorte qu'on doit s'assurer que notre bonhomme, notre employeur, notre entrepreneur puisse demeurer dans l'industrie, parce que ce ne serait pas intéressant pour l'industrie qu'il pense à sortir de l'industrie parce qu'il ne peut pas compléter les travaux.

M. Cherry: Dans la même veine, M. le Président...

M. Dion: M. le Président, me permettez-vous? J'aimerais faire deux petits points là, parce que...

M. Cherry: Oui.

M. Dion: ...je me suis aperçu que ce n'est peut-être pas complet. Il y a une chose qu'il faut retenir. C'est que notre employeur de l'industrie de la construction a accès à toute la réparation, l'entretien, la rénovation, etc. Il a effectivement le droit et, effectivement, il peut exécuter ces travaux-là. Ils sont disponibles pour lui aussi, ces travaux-là. Alors, l'employeur n'est pas réduit à être obligé de fermer ses portes jusqu'à temps qu'il ait assez de jobs pour pouvoir engager un salarié.

Il y a un autre petit élément que je veux vous amener. C'est une parenthèse. On dit, et j'ai entendu un entrepreneur dire ça... C'est un de nos bons membres effectivement qui a peut-être été mal informé, comme vous l'avez dit hier. C'est arrivé qu'il y en a qui ont peut-être été mal informés. Un entrepreneur autonome, ça commence comment? Il semble, d'après les sondages qu'on a, qu'il commence par faire de la réparation, de l'entretien et là il s'en va avec ça, le gars. Il a un petit peu de rénovation, deux ou trois sous-sols, des galeries et là ça va bien. Et là, tranquillement, il aurait une petite job. Là, il soumissionne, il obtient la petite job et il engage des gars. Là, il est devenu employeur de l'industrie de la construction. C'est de même et c'est vrai. C'est de même que les gens viennent au monde comme employeurs en construction. Mais continuez le système actuellement d'un groupe d'autonomes que la loi échappe, qu'on n'est pas capable d'aller chercher - pas les autonomes légaux, les autonomes illégaux - continuez à laisser le trou dans la loi comme il est là, c'est de même qu'il vient au monde mon employeur, mais c'est de même qu'il va crever aussi parce que, demain, quand il sera rendu avec un et deux salariés, là, il est en compétition avec cet illégal-là qui commence à lui couper ses jobs. Alors, autant c'est de même qu'il vient au monde, autant c'est de même qu'il peut crever si on ne bouche pas le trou.

M. Cherry: O.K. Une autre question et toujours dans la même veine. Comme vous le savez, la grandeur du territoire québécois est représentée à l'Assemblée nationale et c'est des représentations qu'on a de nos collègues en région. Et là, je vais reprendre le fameux exemple de la commission de décembre. On me disait: M. le ministre, à Rivière-au-Renard. on est chanceux quand il se construit deux maisons neuves par année. N'étant jamais allé à Rivière-au-Renard, je prends la parole de ceux qui m'ont présenté ça. Supposons que, ça. ça constitue le début d'un chantier, pas la fin. Comme entrepreneur, c'est dans ma période creuse a moi. C'est mes deux mois où, quand le téléphone sonne, il y a seulement moi qui peux répondre. Mes salariés, je les ai remerciés parce que je n'ai pas d'ouvrage. Et pour cette job-là, que ce soit faire le filage d'une maison ou que ce soit aller poser du gyproc, est-ce que, dans votre conception, en région, de cette façon-là, vous m'obligeriez à engager quelqu'un parce que. comme c'est le début des travaux, là, je ne pourrais pas aller le faire? Je veux juste que vous me le précisiez. C'est vous autres, les experts, dans cette ligne-là...

M. Dion: Non.

M. Cherry: ...beaucoup mieux que nous autres.

M. Dion: Attention! Vous en savez bien plus long que vous ne voulez le dire actuellement. Je sais que vous savez et vous connaissez les problèmes. M. le ministre, il faut commencer par situer le vrai problème dans l'industrie de la construction. Je bâtis une maison d'habitation, une petite maison un petit peu plus grosse, qui a deux, trois salons ou qui en a rien qu'un, ça n'a pas d'importance. Ils sont très identifiés, les métiers où une personne peut faire les travaux de construction seule. Il n'y a pas un mosus de gars sur la terre qui va nous convaincre ici qu'un gars tout seul peut monter une maison. Ce n'est pas vrai. Je vous donne un exemple. C'est sûr que, si je suis briqueteur maçon et que je m'en vais réparer un petit bout de mur sur une maison, une réparation, une rénovation que j'ai le droit de faire, je n'ai pas besoin d'être employeur de l'industrie. Je vais brasser un peu de ciment, je vais tirer mes joints, je vais poser

deux, trois briques, ça va bien.

Je suis sur un chantier de construction et j'ai un mur de brique à poser. Il n'y a pas un maudit gars qui va me faire croire que le briqueteur, il prend son moineau comme il faisait avant, il monte ça dans l'échafaudage, va porter ses crisses de briques, ses briques en haut, excusez, et là il redescend en bas, il brasse son ciment, il remonte en haut, il pose trois, quatre briques, il redescend en bas. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai qu'un gars pose de la planche de gyproc de 4x8 au plafond tout seul. Ce n'est pas vrai, M. le Président. Ce n'est pas vrai non plus, probablement certain à 100 %, qu'un gars est capable de faire un solage, de monter un solage tout seul. Les gars arrivent avec la boite du camion et les affaires et il y en a un qui fait marcher la petite «crane» et l'autre installe les panneaux ou les charrie. Ce n'est pas vrai dans 80 % de la construction.

Un peintre peut peinturer tout seul, oui. De toute façon, ce n'est pas grave. Dans l'habitation, c'est les femmes, les enfants et les orphelins qui peinturent. Il n'y a pas grand travailleurs de la construction qui la font, la peinture, parce que c'est jobbé n'importe comment sur les chantiers de construction. Il y a peut-être quelques gars qui réussissent à poser de la tuile de céramique à quelque part ou bien des affaires de même. Très peu d'ouvrage sur un chantier de construction pourrait, en théorie, être fait par un homme seul. À la limite, il y en a qui vont dire: Ah! un électricien. C'est évident, il peut poser...

Si je peux me permettre et j'espère que jamais ça ne me retombera sur le nez, comme procédure. J'ai acheté une maison il n'y a pas tellement longtemps et l'électricité, dans ma maison - je m'en suis rendu compte à la fin, il ne faudrait pas que j'aie des poursuites, en tout cas, j'espère que c'est prescrit, M. le Président -a été donnée à contrat à un entrepreneur. Il était sur mon chantier et le gars qui était sur mon chantier était un apprenti de troisième ou de quatrième année. Parce que je suis devant une commission, je me mets une réserve pour ne pas vous conter... Aucun compagnon. L'apprenti, accompagné de son «chum». Pas de carte, pas de bottes, pas de casque, rien et pas de «fun» non plus. Il tirait des fils entre les murs, etc. L'autre, il faisait ce qui était un petit peu plus compliqué. Il posait les «plugs» et il faisait le panneau. C'est de même que l'électricité a été faite chez nous. M. le Président, là, ce n'est pas des «jokes» qu'on fait. Ça se peut que de l'électricité, ça se fasse par un gars tout seul. En tout cas, il y a des gens, des électriciens qui pensent que ça ne se fait pas tout seul. Ça se peut que de tirer des fils dans les murs, ça puisse se faire tout seul. Quand tu arrives au panneau, il y en a qui tirent des fils.

Honnêtement, là - je ne veux pas attaquer mes membres, je les défends, mes membres, c'est mes employeurs avec des salariés que je défends, actuellement - le plombier qui s'en va même faire la préparation de la plomberie dans le sous-sol, est-ce que c'est lui qui pellette la vase et qui, en même temps, met le tuyau? Il y a deux gars, des fois. Il y a un «pelleteux» de vase et il y a le gars pour poser le tuyau. Ce n'est pas sûr qu'il y ait des métiers où on peut arriver sur un chantier de construction et dire: C'est un gars tout seul. Si je fais du bardeau sur la couverture, il y a un gars qui monte les bardeaux et, moi, je les pose. Vous pouvez en trouver. Je ne vous dis pas que c'est une règle infaillible. Il y a des gens qui achètent encore des cigarettes, au Québec, et qui paient toutes vos taxes; il y en a qui vont les chercher aux États-Unis. Ça se peut qu'il y ait des gens qui respectent, actuellement, qui soient capables de faire des travaux tout seuls sur un chantier de construction, mais ça se peut en maudit que ce ne soit pas vrai non plus. L'analyse, on l'a faite, nous, dans notre mémoire; aux pages 22 et suivantes, vous allez en voir des commentaires là-dessus. On démontre ce qu'un briqueteur peut faire, ce qu'est un calorifugeur, ce qu'est un électricien. On a posé la question à nos employeurs et c'est les réponses qu'on a eues.

Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie, M. Dion.

M. Dion: Vous avez de la misère avec moi, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): C'est tout le temps que M. le ministre et sa formation avaient à leur disposition. Je reconnais Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Dion, messieurs, bonjour. Évidemment, votre exposé soulève plusieurs questions. Je vais commencer peut-être par dire qu'au moins il y a une chose sur laquelle on s'entend rapidement. Tout à l'heure, vous avez affirmé - presque dans ces termes - que la relance économique ne passait pas par l'appauvrissement des entrepreneurs et des employés, des travailleurs. Je suis de cet avis. Je suis contente d'entendre le représentant des employeurs le dire également. Vous avez également dit - ça doit exister, mais je n'ai pas ces chiffres-là - que le travail au noir, l'utilisation ou le recours à des entrepreneurs autonomes n'avait pas eu comme effet de réduire le coût des maisons. Je me suis même laissé dire qu'avec Mon taux, mon toit, ça avait eu l'effet d'accroître les coûts. On ne sait pas où l'argent est passé, mais, encore une fois, ce ne serait pas vraiment passé dans les poches du consommateur. Mais on a certainement ces données-là parce que ce serait intéressant de voir comment ça a évolué. Normalement, plus la technologie évolue, moins les maisons devraient

nous coûter cher. Tout ce qui est préfabriqué, précontraint, normalement, ça devrait se refléter sur le coût des maisons, mais je n'ai pas l'impression que ça a été le cas.

M. Dion, vous dites: II faut sortir les entrepreneurs autonomes de la construction neuve. Votre définition d'employeur, ça exclut l'entrepreneur autonome alors qu'on est en train de se donner une définition qui va être l'équivalent... On va faire de l'entrepreneur autonome un employeur lorsqu'il y a un salarié. Est-ce que les entrepreneurs autonomes sont membres chez vous?

M. Dion: Oui. Vous m'avez amené dans l'entonnoir. Oui, effectivement, ils sont membres chez nous. Je dois vous dire, Mme Blackburn, qu'on n'a jamais souhaité qu'ils soient membres chez nous. C'est lors de la passation de la loi 31, effectivement, qu'on a dit: L'entrepreneur est considéré, en vertu de ta, ta, ta, ta, comme un employeur. Effectivement, en théorie, on les a trouvés chez nous, mais ceux qu'on a trouvés chez nous, c'est ceux qui apparaissent à la Commission, c'est ceux qui sont légalement déclarés. C'est sûr que la Commission peut aller les chercher et ce n'est pas ceux dont on parle ce matin. Ceux dont on parle ce matin, c'est les corporations ou les sociétés qui sont dans le trou. On ne les a nulle part. Elles ne sont pas chez nous.

Mme Blackburn: Vous avez combien de membres chez vous? (12 h 15)

M. Dion: Actuellement, on est probablement 16 000 ou 17 000, ça joue là-dedans.

Mme Blackburn: Alors, 16 000 ou 17 000, vous avez des entrepreneurs autonomes et...

M. Dion: Quelques-uns, oui.

Mme Blackburn: ...ce qu'on apprend dans votre sondage, c'est qu'il y en a 15 000 qui, finalement, déclarent des heures en 1991.

M. Dion: Oui, mais ce n'est pas une cachette, Mme Blackburn, on vous l'a dit. On a sur nos listes, et c'est ce qui est aberrant, probablement un bloc de 3000 qui se situent à moins de 1000 heures par année. Il y en a probablement un bloc d'une couple de 1000 qui se situent à moins de 500 heures par année. Je ne sais pas, je suis peut-être en train de jouer un peu avec les chiffres. On en a un nombre incroyable qui se situent en bas d'une centaine d'heures par année et, à zéro heure, ça peut être... Je ne sais pas, il y a un chiffre dans notre document qu'on peut avoir.

Une voix: Zéro heure, à la Commission, il y en a 6000.

M. Dion: En tout cas, à la Commission de la construction il y en a 6000 qui sont mentionnés comme n'ayant déclaré aucune heure. Alors, c'est évident qu'on en a dans notre «membership» une quantité équivalente.

Mme Blackburn: Peut-être avant d'entrer dans le vif du sujet, je trouve que le sondage que vous avez réalisé, que j'ai vraiment le goût d'examiner de façon plus attentive, est extrêmement intéressant. Il nous révèle des données assez éclairantes par rapport au débat qu'on a actuellement. Celui qui m'a frappé, finalement, c'est à la page 18 - il y en a plusieurs - où vous dites: «Les illégaux et la santé et la sécurité au travail», la CSST. Vous dites qu'il y en a plus de 2000 qui ont déclaré avoir des salariés en 1991, mais qui ne paient pas à la CSST

M. Dion: D'après notre sondage, effectivement, à la question...

Mme Blackburn: Ça, ce n'est pas juste des entrepreneurs; c'est des entrepreneurs généraux, des entrepreneurs de quelle taille? Est-ce que vous en avez une idée?

M. Dion: On ne peut pas les identifier, madame, par le sondage

Mme Blackburn: Vous avez identifié qu'il y avait 4000 entrepreneurs autonomes purs, c'est-à-dire qui n'embauchaient pas, qui travaillaient seuls. Ça, c'est en page 14 de votre mémoire que je retrouve ça.

M. Dion: Quand on les a qualifiés de 4000 purs, c'est des gens qui n'ont aucun employé et, effectivement, ils travaillent toujours seuls. C'est les purs purs qu'on a identifiés.

Mme Blackburn: Alors, ça me pose un problème. Qu'est-ce qu'ils font dans le neuf, si vous affirmez qu'on ne peut pas travailler tout seul dans le neuf? Là, je constate que sur 100 - j'ai fait mon petit calcul - il y en a le quart - parce que 34 % de 75 %, ça donne 24 % - qui travaillent tout seuls. Ils ne font que ça, puis ils sont dans le neuf?

M. Dion: Mme Blackburn, vous êtes extraordinaire, vous avez tout trouvé le cheminement. C'est eux autres qui sont dans le trou de la loi. C'est exactement ça. C'est eux autres dont on parle qui fourrent le système.

Mme Blackburn: Et ils sont chez vous. Bien! Écoutez, je vais revenir, parce que...

M. Dion: Non, non, ils ne sont pas tous chez nous. Il pourrait occasionnellement y en avoir.

Mme Blackburn: Je constate une chose. Dans les données que vous nous fournissez, le sondage que vous avez réalisé, on a l'impression, finalement, que, si le gouvernement, la Commission, la Régie faisaient leur travail, on boucherait passablement de trous.

M. Dion: Oui. Puis le législateur également.

Mme Blackburn: Puis, avec les lois existantes, là.

M. Dion: Non. Là-dessus... Excusez-moi, je ne veux pas vous couper la parole.

Mme Blackburn: Parce que ce que vous découvrez, vous, comme information, par exemple, qu'il y a 2000 entrepreneurs qui ont des employés qui ne paient pas à la CSST, une enquête, ici, le sondage vous a permis de le trouver. Évidemment, un sondage, ça ne donne pas les noms, je suis d'accord avec vous, c'est confidentiel et ils ne fournissent pas d'informations sur leur entreprise ou de données nominatives. Mais, si vous êtes capable de découvrir ça, j'imagine que la CSST ou le législateur, s'ils le voulaient, pourrait le découvrir également.

M. Dion: Vous avez raison. Par exemple, si je pars de la Régie, puis je dis: II y a 28 000 licences et qu'on en retrouve 20 000 à la Commission de la construction, je ne suis pas sûr exactement de ce que M. Fournier a dit là-dessus, mais une chose qu'on sait, c'est qu'il y a un écart entre les deux chiffres. C'est sûr que si on partait un système d'enquête en disant: Ces gens-là sont-ils à la CSST? Pourquoi ne sont-ils pas à la CSST? Allez tchéquer! Faites une enquête, etc. Dans le fond, ce que M. Fournier vous a dit et ce sur quoi on est absolument d'accord, c'est que, même si j'arrivais à dire: Regarde donc, Jos Bleau n'est pas là, la loi actuellement ne me permet pas d'agir, de réagir. La seule chose que je pourrais éventuellement peut-être bien savoir, c'est qu'il y a un chiffre d'un gars qui n'est pas correct. Nominativement, je ne sais pas qui, mais il y en a un qui n'est pas correct. Mais je ne peux rien faire.

Nous, ce qu'on vient vous dire... Et c'est pour ça que c'est important quand on vous a dit ce matin: On s'en vient ici régler un problème, pas un nouveau principe, boucher le trou dans le principe. C'est décidé, il y a une taxe, sauf qu'il y a un groupe de gens qui ne paient pas la taxe. On vous dit: Vous l'avez oublié. Tous les gens qui sont de telle catégorie, on a oublié de leur dire que la taxe s'appliquait à eux autres. Dites que la taxe s'applique à eux autres. Après ça, on va essayer de les régler. Après ça, la Commission va aller les chercher.

Mme Blackburn: Sur un autre sujet, un autre ordre d'idées, vous disiez - j'ai cru comprendre, tout à l'heure - qu'il faudrait peut-être que tout entrepreneur qui déclare moins de 500 heures perde son permis. Est-ce que vous êtes allé aussi loin que ça?

M. Dion: Non. Je ne pense pas avoir mentionné ça. Je pense qu'à un moment donné j'ai...

Mme Blackburn: Est-ce qu'on pourrait l'envisager?

M. Dion: Pardon?

Mme Blackburn: Est-ce qu'on pourrait envisager une telle disposition?

M. Dion: Écoutez, moi, je pense qu'il y a un certain respect au droit de travailler. L'employeur, pour être employeur, n'a pas à être obligé de travailler 501 heures ou 495 heures. Je pense qu'il a un droit d'être employeur. S'il engage un salarié, il est un employeur. Ce qu'on a mentionné quand j'ai fait des strates, effectivement, c'est qu'on parlait du pouvoir d'aller chercher le permis pour pouvoir travailler seul. On dit qu'une démonstration doit être faite que le gars, c'est un employeur. Il faut qu'il fasse une démonstration.

Les mots de la loi qui disent: «a habituellement à son emploi», il faut tenter de leur donner une signification. J'ai dit que je restais ouvert à le discuter en comité d'étude, mais on a tenté, nous, de lui donner une signification. On a dit: Écoutez, une année-salarié pour un employeur, nous, on prétend que c'est à peu près 1400 heures; les syndicats disent 900 à 1000. En tout cas, mettons qu'on situe ça... Un employeur qui a à peu près 1000 heures-salariés déclarées dans l'année, i! a probablement un salarié à son emploi dans l'année. Pour nous autres, c'est un employeur parce qu'il a habituellement à son emploi un salarié.

On s'est dit: Donnons-nous un coussin; 500, on va le retrouver effectivement dans d'autres règlements, genre règlement de placement. On renouvelle les permis à ceux qui ont tant d'heures. Il faut probablement la discuter, cette norme-là. Nous autres, on a dit: Pour autant que le gars a fait une démonstration que c'est un vrai employeur, qu'il se trouve en situation économique descendante, on doit le calfeutrer, à ce moment-là, on établira un nombre d'heures.

Mme Blackburn: Est-ce que votre entreprise ou vos conseillers ont pris connaissance du projet de loi français pour contrer le travail au noir dans la construction?

M. Dion: Le projet de loi...

Mme Blackburn: Qu'on est en train d'adopter, sinon qui a été déposé en France pour

contrer le travail au noir, qui est extrêmement sévère et qui va jusqu'à la confiscation des biens.

M. Dion: On accepterait volontiers que le gouvernement nous envoie en mission pour aller voir ça. On ne l'a pas vu. On ne le connaît pas, madame.

Mme Blackburn: On pourrait peut-être en reparler, là. Ça ne serait peut-être pas fou, mais on peut entre-temps faire venir les textes. Ça coûte moins cher.

M. Dion: Vous, là, je vous suggère un comité, Mme Blackburn.

Mme Blackburn: Je ne me cherchais pas une mission, vous savez.

M. Dion: On pourrait envoyer le comité en mission pour aller voir ça. Je ne veux pas ridiculiser, là. Excusez-moi, je ne voudrais pas me rendre là. Ce n'est pas dans le but de ridiculiser. Il y a probablement d'autres gens qui ont des problèmes, qui vivent les problèmes qu'on vit. Il y a probablement des gens qui ont d'excellentes solutions. Nous, on est prêts à les regarder, les solutions. On n'est pas bouchés à un système ou un autre.

Mme Blackburn: Bien. Parce que je pensais que quelqu'un comme votre organisme qui réfléchit à une chose aussi sérieuse que le travail au noir examinait un peu ce qui se faisait à l'étranger là-dessus. C'était l'objet de ma question.

En page 28 de votre mémoire, de celui que vous avez déposé ce matin, vous dites: «Consé-quemment, nous pourrions envisager de modifier l'article 6 du projet de loi 185: "Un employeur ou un représentant désigné en vertu de l'article 19.1 ne peut exécuter des travaux de construction qu'avec l'aide d'au moins un salarié, sauf s'il s'agit de travaux de finition sur une construction neuve qu'il a exécutée avec l'aide de salariés. Dans ce dernier cas, il doit obtenir un permis à cet effet de la Commission." Et le présent article ne s'applique pas à l'entrepreneur autonome ou au représentant désigné de l'entrepreneur autonome.» D'abord l'entrepreneur autonome, il est exclu. Je ne sais pas pourquoi il réapparaît là. Il est exclu de la construction neuve par 185. Et «au représentant désigné de l'entrepreneur autonome», c'est que, lorsqu'il a un salarié, il n'est comme plus entrepreneur autonome. Il me semble qu'on va avoir un problème dans la loi là-dessus. Alors, dans votre interprétation, à ce moment-là le représentant désigné d'un entrepreneur licencié, est-ce qu'il aurait le droit de terminer les travaux?

M. Dion: Le représentant désigné d'un employeur?

Mme Blackburn: D'un employeur.

M. Dion: Oui. C'est ce qu'on dit. Je pense que c'est dit dans le texte, à ce moment-ci. On dit: «l'employeur ou un représentant désigné».

Mme Blackburn: Bon. Alors, si l'employeur ou son représentant désigné peut terminer les travaux, pourquoi enlèveriez-vous ça à l'employeur, entrepreneur autonome, qui a un salarié à son emploi et qui devient alors employeur?

M. Dion: Bien oui, mais le problème ne se pose pas, Mme Blackburn. Lorsque l'entrepreneur autonome engage un salarié, il n'est plus entrepreneur autonome, il est employeur. Alors, je ne peux pas...

Mme Blackburn: Alors, c'est ce que j'allais vous dire. J'attire l'attention sur votre texte, les trois dernières lignes. Si vous dites: «...ou au représentant désigné d'un entrepreneur autonome», le représentant désigné, c'est son salarié, ça ne peut pas être autre chose.

M. Dion: Oui, mais vous avez probablement raison de le soulever. On vient juste de me dire que, ça, c'est le texte qui existait dans le projet de loi. Et, effectivement, ça n'a probablement aucune raison d'être resté dans le texte. Ça n'ajoute absolument rien, de toute façon.

Mme Blackburn: J'ai cru comprendre que c'était votre modification, votre projet de modification.

M. Dion: Oui, et je peux vous dire une chose: Vous avez probablement raison que ça peut ajouter une confusion.

Mme Blackburn: O.K. Moi, j'ai posé hier, à l'ouverture des travaux de cette commission, j'allais dire une seule condition, la principale condition à l'accord de l'Opposition sur l'adoption du projet de loi et c'est le fonds de formation. Vous allez me dire: Ça ne fait rien contre le travail au noir. Je le sais. Cependant, pour moi, c'est capital, la formation de la main-d'oeuvre et la recherche et développement dans l'industrie de la construction. On ne réglera pas la recherche et développement dans l'industrie de la construction, mais on est en train d'amorcer ce qui pourrait être un outil nous permettant de faire de la formation auprès de la main-d'oeuvre en construction.

Vous faites une recommandation. Je voudrais avoir votre avis là-dessus. Vous dites donnant donnant. Mais, moi, je suis comme le ministre j'avais l'impression que c'était donné. Et moi, quand je signe, je vous dis que c'est rare qu'on me permet de retirer ma signature.

M. Dion: Écoutez, je suis convaincu que, si vous faites bon commerce, que vous achetez un meuble, vous allez payer. Évidemment, vous allez dire: J'ai signé un contrat pour avoir un meuble. Mais si on ne vous livre pas le meuble, vous ne paierez pas la facture, je suis pas mal sûr de ça. Écoutez, je vais vous dire pourquoi.

Mme Blackburn: Qu'est-ce qui n'a pas été livré là-dedans?

M. Dion: Qu'est-ce qui n'a pas été livré?

Mme Blackburn: Prenons exclusivement l'entente qui est intervenue entre votre organisme, les associations syndicales et le gouvernement. C'est un protocole d'entente dûment signé qui n'était pas conditionnel à l'adoption d'une loi.

M. Dion: Non, non, le...

Mme Blackburn: Si vous achetez une voiture et qu'elle est conditionnelle à l'installation de l'antipollution, je comprends. Mais, là, ce n'était pas vraiment le cas dans votre cas. Alors, je veux savoir quelles sont les intentions de votre Association quant à la constitution d'un fonds de formation.

Le Président (M. Gauvin): M. Dion.

M. Dion: Bon, disons qu'il y aura deux parties à ma réponse. La première: Pourquoi, effectivement, on a pris la position qu'on a prise là? C'est que le projet de formation, Mme Blackburn, faisait partie de l'ensemble d'un plan d'action où on devait - et il y en a qui vous l'ont soulevé ce matin du côté syndical - avoir un comité sur le champ d'application, où on devait régler un certain nombre de problèmes dans l'industrie de la construction. Tout ça était à l'intérieur d'un plan d'action. Je ne blâme personne qu'on ne soit pas plus avancé, sauf qu'on n'est pas avancé. Mais c'était à l'intérieur de l'ensemble de tout ça que le plan de formation devenait en vigueur. C'est pourquoi je dis: On ne peut pas livrer, on n'a pas livré, on n'a pas à payer, on ne veut pas payer. On n'a jamais dit qu'on ne respecterait pas notre parole, éventuellement. Excusez, si je vous montre du doigt, ce n'est pas poli. Mais on n'a jamais dit ça. On a dit tout simplement: À l'heure actuelle, on va commencer par voir quelle sorte de livraison il va y avoir et après ça on réglera le problème.

L'autre partie, Mme Blackburn, c'est ceci. C'est que, nous, on est actuellement dans une période de réflexion où, dans l'industrie de la construction, on met un ensemble de systèmes en marche, où on paye, comme employeurs, d'une façon très officielle, parce qu'on a pignon sur rue avec des pancartes, parce qu'on engage de la main-d'oeuvre d'une façon normalement légale. On est devant la CSST. On est devant la Commission de la construction. On est devant le plan des avantages sociaux, les vacances dans la construction et là on serait devant un plan de formation. D'une façon très officielle, on paie toutes ces factures-là et, effectivement, on constate qu'il y a une partie d'une population qui est dans notre industrie qui bénéficie de tous ces systèmes-là et qui ne paie rien. Si tout le monde payait la CSST demain, possiblement que, pour les vrais employeurs de l'industrie de la construction, ça leur coûterait moins cher du 100 $. Si tout le monde payait aux avantages sociaux, la retraite des travailleurs serait peut-être avantagée. Si tout le monde payait, à ce moment-là au lieu de payer 300 $ et d'aller en chercher 500 $, peut-être que les bénéfices des avantages sociaux des travailleurs seraient meilleurs.

Nous, on s'est dit: Si on est pour mettre un plan de formation dans l'industrie de la construction, investir bien plus qu'il y en a qui sont en train d'investir dans notre industrie, investir quelque chose comme 10 000 000 $ la première année et peut-être 20 000 000 $ les autres années, avant de faire ça, on va s'assurer que ça va bénéficier aux employeurs pour une meilleure main-d'oeuvre et aux travailleurs pour une meilleure compétence. On ne mettra pas ce plan-là dans un système où tout le monde peut venir piger dans le système sans avoir aucune responsabilité du système et «fucker» même le système parce que les gens le «fuckent», le système, en ne suivant pas les règles.

Dans le fond, politiquement, c'est un peu notre problème. Au point de vue pratique, je le répète, on est devant la commission parlementaire, le président est ici à côté. On a pris un engagement, effectivement, qu'éventuellement, dans l'ensemble du plan d'action, si telle chose est faite - et ça incluait l'entrepreneur autonome, ça incluait le champ d'application - si ces ensembles de choses sont faites, une contrepartie qu'on avait mise de l'avant, nous, c'était le plan de formation. Et je pense qu'à date personne ne peut dire que l'AECQ n'a jamais tenu parole. (12 h 30)

Mme Blackburn: C'est parce que je me rappelle la lettre de la dernière commission. Le ministre avait créé un comité ou annoncé la création d'un comité pour réexaminer tout le champ d'application. Vous y revenez un peu. Le ministre devait déposer le rapport fin décembre, si je ne m'abuse. S'il a été déposé, je n'en ai pas eu de copie. Ça ne veut pas dire qu'il m'envoie une copie de tous ses documents, mais, à l'occasion, je l'y invite. Il ne le fait pas de façon systématique. Il se fait tirer les oreilles.

Sur cette question-là, vous faites une proposition qui ne rejoint pas vraiment cette... Est-ce que vous avez là-dessus interrogé le ministre pourquoi les délais? Parce que ça nous revient systématiquement. On veut parler de

formation professionnelle, mais - et vous le rappelez - une révision des juridictions des métiers devrait être entamée. Vous parlez des champs d'application. Vous dites: II faudrait qu'on fasse ça. Et ça tarde et le ministre, qui fait des promesses, ne semble pas très avancé sur ce dossier-là. J'imagine qu'on aura l'occasion... Est-ce que vous avez des informations que je n'ai pas?

M. Dion: Non. Je pense qu'il n'y a pas de secret entre nous. On est évidemment conscients qu'il y a un certain nombre de choses qui peuvent des fois prendre plus de temps qu'un mois pour les mettre en marche ou un mois pour faire le rapport, et on n'essaie pas de couvrir qui que ce soit en donnant cette réponse-là.

Évidemment, il y avait aussi des nominations, un sous-ministre à la construction. On a parlé... Et je veux profiter de l'occasion pour féliciter mon directeur général, le P.-D.G. de la Commission, qui a eu effectivement, je pense, la bonne idée de soulever qu'on doit aussi avoir des subventions. Il y a un paquet de choses pour pouvoir manoeuvrer nos mandats publics à la Commission. On devrait avoir des subventions. Je pense qu'il y a un paquet de choses comme ça qui prennent un certain temps à se développer. L'important pour nous autres, c'est que ça va aboutir et ça va arriver quelque part.

Le problème de l'autonome, on pourrait vous dire: Écoutez, c'est depuis la loi 31 que ce n'est pas réglé. Ça fait quand même quatre ans et ce n'est pas réglé. Dans l'industrie de la construction, on a appris une chose: on a appris probablement à être patients. Aussi, on a appris à être peut-être une espèce de champ d'essai d'un certain nombre de choses. C'est arrivé souvent qu'on a essayé des choses dans l'industrie de la construction. Effectivement, on a une certaine patience.

L'important pour nous, c'est que les choses évidemment vont finir par arriver. Il faut que ça arrive. Il faut qu'on règle notre problème de champ d'application. Vous savez, si demain matin on perd nos jobs, si les travailleurs perdent leur job avec les travailleurs autonomes illégaux - je les qualifie - si effectivement tout le monde vient piger dans le champ d'application de nos entrepreneurs, parce que les employés permanents d'une entreprise peuvent commencer à faire leurs travaux, si tout le monde vient piger dans notre champ d'application, je ne sais pas ce que les employeurs de la construction vont faire éventuellement.

Mme Blackburn: Évidemment, je ne peux pas résister à la tentation de poser la question. Si la loi 53 avait été promulguée en 1985, est-ce que ça aurait eu des chances de diminuer ou d'assainir le climat dans les industries de la construction et est-ce qu'on se retrouverait devant la situation actuelle?

J'ai entendu souvent les syndicats interpeller le gouvernement là-dessus en disant: 53 appliquez-la; il y a des questions, il y a des choses qui vont se régler. Et là, évidemment, six ans après, on a 186 qui a modifié un certain nombre de dispositions, 150 amendements. Ça nous donne une idée que ce n'est pas tout à fait le même projet de loi, mais, pour le fond, je pense que l'essentiel est demeuré. Mais avez-vous l'impression qu'on se retrouverait aujourd'hui ici. en train de refaire le bilan, si on avait d'abord commencé par essayer de mettre en pratique ce qui était prévu à 53?

M. Dion: D'abord, il y a deux points à la réponse. Le premier, c'est que toute législation qui a comme conséquence de régler des problèmes dans l'industrie de la construction, toute législation qui a cette conséquence-là et qui retarde, évidemment, ça cause un certain problème. Si vous aviez entré la Loi sur le bâtiment là-dedans, évidemment, théoriquement, ça aurait causé un problème. Au préalable, ce que j'aurais dû vous dire, c'est que, nous, on est une association de relations de travail. Le problème de la loi 53 ou de la Loi sur le bâtiment, la Régie du bâtiment, ce n'est pas quelque chose qu'on ignore, ce n'est pas quelque chose que nos membres ignorent, mais, comme association des entrepreneurs, ce n'est pas à l'intérieur de notre mandat. Évidemment, c'est une préoccupation de notre industrie, mais pas de l'Association comme telle.

Mme Blackburn: Étiez-vous d'accord ou seriez-vous d'accord avec la création d'un ministère de l'habitation? Il y en a qui nous proposent un ministère de la construction ou des industries de la construction, mais 53 prévoyait la création d'un ministère de l'habitation et on me dit: Au Conseil des ministres, particulièrement M. Ryan était contre. Je ne sais pas où il loge actuellement, mais vous?

M. Dion: Je n'ai pas de consultation. Mme Blackburn, sur la question très précise que vous posez là, mais je peux vous dire, après 30 et quelques années dans l'industrie de la construction, ce que je sais des employeurs, c'est que notre industrie n'est pas composée que de l'habitation. Je comprends que, pour un gouvernement, pris devant l'industrie de la construction... Le secteur de l'habitation, c'est un secteur qui touche le consommateur et c'est quelque chose de beaucoup plus tangible - je ne sais pas si c'est tangible, mais, en tout cas - sensible, disons, pour le gouvernement.

Mme Blackburn: Plus social.

M. Dion: Oui, vous avez absolument le bon mot. Mais l'industrie de la construction, c'est

toute l'industrie de la construction. C'est les travaux de génie, c'est les travaux de route, c'est l'ensemble des travaux commerciaux, industriels, etc. Alors, penser, à un moment donné, qu'on va créer un ministère strictement de l'habitation - et je ne fais pas de politique en vous disant ça - tant mieux pour les gens de l'habitation, probablement qu'ils auraient leur ministère, mais c'est un ministère qui aurait une tendance, quant à nous, à peut-être avoir plus une vision «consommateur». Nous, on voudrait avoir des interlocuteurs - on a déjà demandé, d'ailleurs, un ministre de la construction, un ministère de la construction - construction au total.

L'industrie de la construction, il y en a qui vont vous dire: C'est à peu près 30 %. Mettons. Je le prends, ce chiffre-là. Il y en a qui vont prétendre ça: c'est 30 % de l'activité de notre industrie. Il y a 60 % de l'activité économique du Québec dans la construction qui n'est pas de l'habitation et il faudrait aussi que quelqu'un en parle de ça. Il faudrait avoir quelqu'un pour en parler. Ce n'est absolument pas un commentaire sur quels sont les rendements qu'on a actuellement face au gouvernement quand on veut parier de construction, il n'y a pas de commentaires là-dessus. Je réponds juste à votre question.

Mme Blackburn: Mais l'industrie de la construction, à ce moment-là, est-ce que ça relèverait du ministère de l'Industrie et du

Commerce ou si ça relèverait du ministère du

Travail? Comme vous êtes sur les relations du travail, vous le voyez au Travail.

M. Dion: Bien là, je ne le sais pas. J'ai peut-être mal saisi votre question. Vous m'avez demandé: Est-ce que ça doit être un ministère de la construction? Quand je parle d'un ministère de la construction, il ne relève pas d'un autre ministère, à ma connaissance.

Mme Blackburn: J'ai dit de l'habitation. Non, mais c'est que vous dites: II faudrait que ça soit toute la construction qui soit comprise dans un organisme comme ça et, à la fois, le volet relations du travail et le volet économie.

M. Dion: Oui. En tout cas...

Mme Blackburn: Mais, de toute façon, nous, on proposait un ministère de l'habitation. Ça en réglait une partie, croyons-nous.

M. Dion: Oui. Si vous pariez d'un ministère de la construction, vite, dit de même, je pense que le ministère du Travail, c'est une question de ministère de relations du travail. À première vue, ce n'est pas ça qu'on verrait dans un ministère. Un ministère de la construction, c'est un ministère qui - d'ailleurs, on va probablement formuler quelque chose d'ici la semaine prochai- ne - dans une période comme on vit à l'heure actuelle, où on aurait besoin d'une concertation du gouvernement avec les intervenants, travailleurs et employeurs de l'industrie... Qu'on s'assoie ensemble et qu'on trouve un moyen de relancer notre industrie de la construction actuellement. C'est le «fun», Mon taux, mon toit, c'est le «fun», Corvée-habitation. Il y a d'autres sortes de construction. On devrait immédiatement, actuellement, être assis avec le gouvernement peut-être sur une commission quelconque et essayer de trouver des moyens de relancer... Ce n'est pas un blâme qu'on fait. On va probablement prendre une position là-dessus incessamment. Je pense qu'il est temps qu'on se dise: Bien, écoute, on est en récession, l'industrie est rendue à 85 000 000 d'heures, qu'est-ce qu'on peut faire ensemble? C'est possible qu'on s'assoie avec les syndicats, à ce moment-là, et qu'on leur parle - et là, j'espère que je n'entendrai pas de bruit en arrière - peut-être d'oublier l'augmentation du mois d'avril.

Mme Blackburn: Oups!

M. Dion: Ça aiderait peut-être, ça, à relancer l'industrie de la construction. Moi, je vais vous dire, il y a une chose qui est sûre et certaine: il faut, tout le monde, payer une facture. Il y a des employeurs qui - ça fait rire - en paient actuellement une facture. Ils ne font plus de profits. Ils soumissionnent pour opérer. Il y a peut-être quelqu'un aussi qui peut faire un sacrifice. Vous l'avez demandé à vos employés. Beaucoup d'entreprises le demandent à leurs employés. Nous, de l'industrie de la construction, on a un décret qui donne 4,5 %. On l'a négocié, on l'a signé et je suis obligé de vous dire: Bien, s'il est signé, on va le respecter. Mais il serait peut-être temps qu'on regarde pour voir ce qu'on peut faire ensemble. Il vaut peut-être mieux ne pas avoir les 4,5 % et avoir 2000 heures à la fin de l'année.

Mme Blackburn: Bien. En page 34 de votre mémoire, vous proposez la création d'un comité d'étude sur l'entrepreneur autonome et le travail au noir dans l'industrie de la construction. Moi, je pensais qu'en adoptant 185 vous régliez au moins l'entrepreneur autonome. Mais, là, vous faites un rapport étroit entre entrepreneur autonome et travail au noir. Parce qu'ils sont toujours associés souvent dans le discours alors que, vous l'avez répété, ils ne sont pas les seuls responsables du travail au noir. Je dis toujours: Ça serait trop simple s'ils étaient les seuls responsables.

Le Président (M. Gauvin): Brièvement.

Mme Blackburn: Mais une fois la loi adoptée, est-ce que c'est toujours pertinent, votre recommandation?

M. Dion: Non, le comité précède la loi. Le comité qu'on propose, c'est un comité à très brève échéance pour assurer que la rédaction de la loi va toucher les vrais points, peut-être trouver les vraies solutions. Maintenant, on ne veut pas le reporter aux calendes grecques.

Le Président (M. Gauvin): Merci. Mme Blackburn: Merci.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Dion. C'est à peu près tout le temps qu'il nous restait. Je pense qu'il y avait une minute qui restait à la disposition de M. le ministre à l'occasion de la conclusion.

M. Cherry: O. K. D'abord, merci d'avoir accepté, M. le président et votre organisme, de vous présenter devant nous. Vous êtes, je l'ai dit au début, un intervenant important dans le secteur et il est bien évident que c'est avec vous autres et l'ensemble des intervenants, je le souligne, qu'il faut trouver des solutions et je suis content que vous ayez accepté d'être présents.

En terminant, je sais que je le fais à chaque fois, mais il me semble que, pour bien situer le contexte d'un autonome, il est important de rappeler que l'autonome, en plus de tout le champ d'activité d'entretien, de réparation et de rénovation, quand il décide d'intervenir dans le neuf, il peut continuer à le faire en le faisant comme salarié, si c'est bien son souhait. Donc, il peut continuer à utiliser ses outils et ses compétences pour gagner sa vie. L'objectif du projet de loi, ce n'est pas d'empêcher quelqu'un de gagner sa vie, mais bien d'établir les règles du jeu pour que la compétition soit franche, honnête et loyale pour l'ensemble des intervenants dans le secteur de la construction.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi, en conclusion.

Mme Blackburn: M. Dion, messieurs, je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission et espérer que ça puisse régler le problème du travail au noir; en partie, à tout le moins. En ce qui a trait à votre dernière recommandation, la création d'un comité pour examiner si la loi aura, effectivement, les effets recherchés, j'imagine que cette proposition vous vient à la suite de la constatation que vous faites qu'on avait laissé des trous dans la précédente, la loi 31. Vous voulez vous assurer qu'il en reste un peu moins dans celle-ci. J'imagine qu'à la suite de l'expérience vécue par le ministère avec la loi 31 ils auront suffisamment de vigilance pour éviter que la situation ne se répète avec le projet de loi 185. Sinon, voyez-vous, c'est que je vois que ça pourrait servir de prétexte au ministre pour ne pas adopter la loi à cette session. Je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Est-ce que M. le président aurait un mot de conclusion?

M. Perron (Jean): Alors, je tiens à vous remercier de nous avoir entendus ce matin. Je peux vous dire, effectivement, que le projet de loi 185, c'est quelque chose d'excessivement important pour nous.

Le Président (M. Gauvin): Merci. Merci, M. Perron, M. Dion et vos collaborateurs. Ça nous a fait plaisir de vous accueillir à cette commission.

La commission suspend ses travaux pour reprendre à 14 heures dans cette salle, au salon rouge. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 43)

(Reprise à 14 h 16)

Le Président (M. Gauvin): Votre attention, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. J'inviterais tous les membres de la commission à prendre place, s'il vous plaît. Dans un premier temps, j'inviterais l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec à se préparer à prendre place.

Donc, déclarant cette séance ouverte, je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale sur le statut de l'autonome dans l'industrie de la construction dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 185, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.

Nous accueillons, comme je le mentionnais, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, représentée par M. Renald Jacques, président. Donc, M. Jacques, je vous invite à nous présenter vos collaborateurs.

Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ)

M. Rousseau (Orner): Si vous n'avez pas d'objection, M. le Président, mon nom est Orner Rousseau, je vais faire la présentation parce que, par après, il devra justement faire la présentation d'un texte.

Le Président (M. Gauvin): M. Rousseau. allez-y, la parole est à vous.

M. Rousseau: Alors, M. le Président, M. le ministre, Mme Blackburn et membres de la

commission, les gens qui m'accompagnent sont les suivants: à ma gauche, Me Crochetière, avocat-conseil, et, à mon extrême droite, M. François Bernier, qui est directeur de la recherche économique, et, évidemment, tout près de moi, le président, M. Renald Jacques.

Pour les fins de la présentation, si vous n'avez pas d'objection, nous aimerions procéder de la façon suivante: dans un premier temps, le président ira d'une brève présentation qui se veut un peu une mise au point quant à l'enjeu du projet de loi; deuxièmement, je vais, par la suite, faire une lecture sommaire des sections I et iI de notre mémoire pour ensuite passer la parole au directeur de la recherche économique qui aura une explication à donner sur deux ou trois tableaux; pour terminer, on aimerait passer, à ce moment-là, à Me Crochetière pour qu'il soit en mesure de faire l'évolution de l'entrepreneur autonome à partir de l'artisan. Oui, M. le Président?

Le Président (M. Gauvin): M. Rousseau, c'est un scénario qui nous convient.

M. Rousseau: Bon!

Le Président (M. Gauvin): J'aimerais vous rappeler que vous avez 30 minutes pour votre présentation dans son ensemble et 60 minutes sont réservées aux deux groupes parlementaires par la suite.

M. Rousseau: C'est très bien. Alors, je vais demander à mon président d'aborder la question.

Le Président (M. Gauvin): M. le président.

M. Jacques (Renald): M. le Président, M. le ministre, Mme Blackburn et membres de la commission, nous voilà à nouveau confrontés au projet de loi 185 et, malheureusement, nous avons l'impression que les véritables enjeux sont mal perçus par le législateur. C'est pourquoi nous voulons réaffirmer que l'objet de ce projet de loi est de déposséder des milliers d'entrepreneurs qualifiés et qui ont pignon sur rue de leur droit de continuer à opérer dans l'industrie de la construction.

Comment peut-on appeler autrement les choses quand ce projet de loi s'apprête à interdire l'accès aux chantiers assujettis au Décret à tout entrepreneur qui ne serait pas accompagné d'un salarié lorsqu'il effectue les travaux de construction? Nos recherches nous ont confirmé que 85 % des entrepreneurs ont débuté sans salarié et que près de 75 % d'entre eux se retrouvent encore parfois seuls sur les chantiers, qu'ils aient ou non des salariés à leur emploi. Quand on considère ces faits, les mots qui nous viennent à l'esprit sont «expropriation sans indemnité», et tout cela basé sur des motifs obscurs qu'aucun intervenant n'a pu valider de quelque façon que ce soit. C'est pourquoi l'APCHQ ne peut souscrire au projet de loi tel que proposé.

M. Rousseau: MM. les membres de la commission, si vous le voulez bien, je vais aborder le mémoire. Si vous le voulez, on pourait passer à la page 3. C'est simplement pour porter à votre attention le fait que, dans le domaine de l'habitation, si on regarde le tableau 1, en milliards de dollars, l'habitation représente 9 054 000 000 $ répartis évidemment, au niveau de la construction neuve et de la rénovation, sur une base de 8 020 000 000 $ et 1 034 000 000 $, ce qui représente 41, 1 % de tout ce qui se fait dans l'industrie de la construction. C'est donc dire que c'est un secteur fort important et, évidemment, l'entrepreneur autonome est particulièrement concentré dans ce secteur. C'est pour ça que nous voulons attirer l'attention du législateur. On ne joue pas strictement avec des petites bebelles; on joue quand même avec un secteur fort important.

D'ailleurs, le tableau 2, c'est simplement aussi un tableau qui a été préparé par Statistique Canada, mais qui a été remanié un peu par la CCQ. Ce qu'il est important aussi de constater, c'est qu'on parle également encore de 40, 7 %. C'est donc dire que les chiffres de 41, 1 % et 40, 7 %, c'est la représentativité du secteur de l'habitation.

Je passe déjà à la page 5 et je vais vous faire lecture un peu de cette mise en situation. Les suites du rapport Picard-Sexton: vers un réajustement de la vision gouvernementale. Alors, d'entrée de jeu, notre Association veut faire prendre conscience au gouvernement des impacts et des coûts inhérents au projet de loi 185 proposé par le ministre du Travail, qui nous mèneront à un bouleversement du secteur de la construction résidentielle. Le projet de loi 185 nie le droit au travail de milliers d'entrepreneurs au profit des syndicats et de la grande entreprise de construction. La position de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, l'AECQ, contre les entrepreneurs autonomes a été clairement indiquée par le président, M. Jean Perron. Et je cite: «... les mesures prévues pour réduire le champ d'activité des entrepreneurs autonomes sont un pas dans la bonne direction pour redonner aux travailleurs et employeurs de l'industrie une partie du travail qui leur revient. » Alors, l'APCHQ réitère son opposition à la volonté gouvernementale d'éliminer quelque 10 000 entrepreneurs possédant licences et certificats de compétence.

Le projet de loi 185 démontre à quel point le gouvernement et l'AECQ méconnaissent le secteur de l'habitation. La construction d'une maison moyenne requiert la présence, à divers moments dans le temps, de 18 des métiers ou spécialités reconnus qui se partagent les quelque 750 à 1200 heures, et même 1400 heures si vous

voulez, de travail assujetties au Décret de la construction. Pour 16 de ces métiers ou spécialités, il est inutile et inefficace d'oeuvrer avec un salarié vu le peu d'heures de travail nécessaires à la réalisation dune habitation. Pour l'APCHQ, cette réalité limite et souvent empêche l'entrepreneur autonome de s'adjoindre un salarié.

Le projet de loi 185 démontre à quel point le gouvernement fait preuve d'irresponsabilité économique au profit de la paix entre l'AECQ et les syndicats. Selon nos premières analyses, l'extension de la notion d'entrepreneur autonome entraînerait une hausse des coûts de main-d'oeuvre de 14 % à 19 % par habitation, soit une augmentation pouvant atteindre plus de 7000 $ additionnels pour une maison acquise actuellement au coût de 120 000 $ avant taxes.

Alors, comme conséquence, l'APCHQ dénonce l'attitude gouvernementale qui refile la facture de ses ententes aux consommateurs, et ce, au détriment de l'accession à la propriété et de l'accessibilité au logement. L'APCHQ évalue à 3000 le nombre de mises en chantier qui ne pourront voir le jour en 1992, soit une diminution de 7 %.

Le projet de loi 185 ne prend pas en considération le fait que les entrepreneurs spécialisés en habitation sont en affaires depuis 14 ans en moyenne, que 86 % d'entre eux oeuvrent seuls à leurs débuts et que 77 % d'entre eux déclarent oeuvrer seuls une partie de l'année encore aujourd'hui. Et cet aspect-là est fort important et sera développé plus tard.

Pour l'APCHQ, le gouvernement bloquera l'accès à l'«entrepreneurship» en éliminant un maillon nécessaire à la chaîne. Le gouvernement est-il conscient de l'importance et de la nécessité de ce statut? Ce n'est pas seulement ceux qu'il veut qualifier d'autonomes, mais aussi une majorité d'employeurs saisonniers qui seront affectés.

Le projet de loi 185 va à rencontre de la reconnaissance historique d'un statut particulier pour la personne oeuvrant seule dans le secteur de l'habitation, une reconnaissance qui tenait compte de la capacité limitée de payer des consommateurs. Les projets de loi antérieurs ont toujours préservé cette double réalité. Pour l'APCHQ, le gouvernement doit se tourner vers les lois économiques propres au secteur de l'habitation et permettre ainsi un ajustement naturel du marché.

Le projet de loi 185 occulte que le travail au noir n'est pas plus le propre des entrepreneurs autonomes que de tout autre groupe de l'industrie ou de la société. Les pressions que créera ce projet de loi sur les coûts de main-d'oeuvre et l'accroissement de la coercition envers les entreprises sont de fausses solutions. Comme en concluait l'économiste Pierre Bélanger, lors d'une étude effectuée pour le compte de l'AECQ: «...il est loisible de croire que les principaux intervenants, soit les entrepreneurs et les travailleurs de l'industrie [...], ont eu tendance à modifier graduellement leurs "comportements", entre autres, face à la législation et à la réglementation en vigueur dans l'industrie ou à la croissance des coûts directs ou indirects de la main-d'oeuvre (salaires, avantages sociaux, etc.) Il n'y a alors qu'un pas supplémentaire à faire pour affirmer que ces derniers ont réussi, à chaque occasion, à "contourner" d'une façon ou l'autre le cadre jugé par plusieurs comme de plus en plus lourd et coercitif, légal et réglementaire ou à "contrebalancer" l'effet de la hausse des salaires et autres avantages financiers par des pratiques d'affaires sans cesse renouvelées».

Pour l'APCHQ, il est clair que le gouvernement, dans son approche face au travail au noir. ne fera qu'amplifier le problème. Ce n'est que par un marché libre de contraintes réglementaires irréalistes qu'il pourra adopter une approche incitative au travail légal.

Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi 185 accordera au travailleur une protection salariale supplémentaire en imposant un cautionnement obligatoire. Il est inconcevable que l'on impose aux entreprises un système additionnel de protection salariale. Nous privilégions le maintien du fonds d'indemnisation et croyons que certains ajustements entre les parties négociantes devraient suffire à en assurer la viabilité. Pour l'APCHQ, l'imposition d'un cautionnement obligatoire constituera un coût additionnel et des exigences accrues qui affecteront la liquidité des entreprises. L'introduction de cette mesure haussera encore une fois les coûts de construction et s'ajoutera à des contraintes administratives et financières déjà trop lourdes.

Un autre point que nous voulons soulever a trait au régime des avantages sociaux des travailleurs. Et, à cet égard, le projet de loi a soulevé, lors de la commission parlementaire de décembre 1991, une certaine polémique entourant l'adhésion des employeurs et entrepreneurs au régime d'avantages sociaux des travailleurs de la construction. Plusieurs ont exprimé l'avis que le régime devrait être modifié afin de mieux contrôler ou même d'exclure les employeurs et entrepreneurs de la possibilité d'y adhérer. Pour l'APCHQ, le désir d'accès à l'«entrepreneurship» et le droit d'exercer à ce titre supposent des choix. Il serait, à notre sens, injuste que le régime d'avantages sociaux des travailleurs soit indûment utilisé par certains individus.

En conclusion, il est clair que le gouvernement devra se faire l'arbitre de positions devenues irréconciliables au sein de l'industrie. Vous avez l'AECQ et le monde syndical, et vous avez l'APCHQ et d'autres organisations. À l'heure où le gouvernement du Québec veut miser sur une qualité et une productivité accrues de la main-d'oeuvre, l'AECQ et les syndicats veulent accroître les barrières qui contrôlent le marché du travail. L'APCHQ croit fermement que de telles

attitudes ne vont pas de pair avec le besoin de compétitivité que nous impose la transformation des marchés.

Le présent mémoire ou la présentation qui va suivre veut complementer simplement notre position exprimée lors de la dernière commission parlementaire. Sur ce, je demanderais simplement à François d'y aller avec l'explication des tableaux qui suivent à la page 11 et aux suivantes.

Le Président (M. Gauvin): M. Bernier.

M. Bernier (François): Merci. Très simplement et quand même assez brièvement, j'aimerais revenir sur des statistiques qui ont été mentionnées et faire état d'une enquête et aussi d'une analyse qui nous permettent de croire en l'importance autant de la réalité technique de l'entrepreneur autonome pour notre industrie qu'à son importance du point de vue économique pour le bon fonctionnement de notre industrie. La première enquête, c'est quelque chose qui a été fait à l'intérieur de notre «membership», et les résultats qui apparaissent à la page 11 portent donc sur un nombre de répondants qui est tout à fait significatif, de l'ordre de 750 à 800 répondants. Alors, c'est tout à fait significatif de ce qu'on observe dans notre industrie.

En y allant peut-être étape par étape, je passerai ensuite à l'interprétation. On ne parle pas de débutants dans cette industrie; on parle de gens qui ont en moyenne 14 ans d'expérience et qui ont oeuvré seuls dans le résidentiel, à l'occasion ou en permanence, 10 années sur ces 14 années. Alors, cette constatation, c'est fondamental. Également, à leurs débuts, comme M. Rousseau l'a mentionné, 86 % des gens étaient seuls. C'est, autrement dit, l'accès à l'«entrepre-neurship» qui est remis en question si on remet en cause cette possibilité d'oeuvrer seul sur un chantier. Un peu à l'inverse, en 1991, on a observé que seulement 23 % des gens n'ont pas eu, en aucune circonstance au cours de l'année, à se présenter, à être seuls sur le chantier pour compléter des travaux ou pour faire d'autres ajustements par eux-mêmes. C'est donc dire que 77 % des entrepreneurs qu'on retrouve dans le secteur de l'habitation, des entrepreneurs spécialisés, dans ce cas-ci, ont à opérer soit occasionnellement, soit en permanence sur le chantier. (14 h 30)

Ces entrepreneurs-là, soit dit en passant, pour 95 % des cas, il s'agit d'entrepreneurs licenciés et qualifiés, du point de vue du certificat de compétence, pour avoir accès aux chantiers. On dit d'eux qu'ils sont des employeurs à l'occasion, mais, quand ils embauchent, ils embauchent quand même un nombre respectable de salariés, donc de l'ordre de 3,8 %, un chiffre qui est peut-être moins impressionnant que par le passé, mais c'est tout de même des employeurs, à l'occasion. La moyenne des heures réalisées avec des salariés... Bien, peut-être que je vais le dire autrement. La moyenne des heures réalisées sans salariés, pour ces gens-là, c'est 1360 au cours d'une année, mais, même lorsqu'ils embauchent, ils doivent tout de même demeurer présents sur le chantier à raison de 550 heures. On ne pourrait pas s'imaginer qu'ils disparaissent et que ces heures-là ne soient plus utiles ou nécessaires. Encore une fois, peut-être d'un point de vue économique, on va argumenter un petit peu plus tard.

Donc, 95 % sont des gens qui possèdent un certificat de compétence et qui ont toutes les qualifications requises, l'expérimentation pour avoir accès aux chantiers, donc des gens qui, à toutes fins pratiques, n'auraient pas eu accès à l'industrie si ce statut-là ou cette possibilité-là d'oeuvrer seul n'existait pas.

Je saute un petit peu plus loin. Oui, allons-y tout de suite sur la réalité technique de l'entrepreneur autonome. Ce qu'on a essayé comme petit exercice, c'est de regarder ce qui se passe dans le cas de la construction d'une maison de 120 000 $. Qu'est-ce qui se passe si on suit exactement les prix du marché qui, comme plusieurs l'ont soulevé déjà, je pense, sont des questions de pieds carrés, de mètres linéaires et de quantités fixes? Qu'est-ce qu'on fait si on suit ça ou qu'est-ce qu'on fait si on doit suivre des structures plus complexes où il y aurait des salariés et où l'entrepreneur n'aurait absolument pas accès au chantier? C'est la réalité qui est présentée au tableau 4.

Tout simplement, un des premiers constats qu'on doit faire à ce niveau-là, c'est la colonne des heures requises pour faire une maison. Une maison de 1000 heures, quand on regarde ça catégorie par catégorie, compte tenu des métiers qu'on connaît, c'est rare qu'on ait plus qu'une semaine de travail pour un individu dans chacun des domaines. Alors, il serait quand même difficile de s'imaginer qu'on réaliserait si peu d'heures que ça à deux ou plus. Donc, dans bien des cas, la réalité technique du nombre d'heures à réaliser fait qu'il y a besoin d'un seul individu sur le chantier.

Également, par la mécanique des taux pratiqués sur le marché, c'est-à-dire des facturations directes, des prix de marché qu'on retrouve dans la colonne B où, si on regarde le cas d'un autonome, cet individu-là est en mesure d'offrir un service de qualité équivalente à un coût finalement beaucoup plus raisonnable que si on s'imaginait qu'il n'a absolument pas le droit d'être sur le chantier, donc, un écart de coût se dégage entre les deux situations de l'ordre de 7000 $. Notre maison de 120 000 $, au départ, du jour au lendemain si on interdit à un individu de travailler seul sur le chantier, eh bien, coûterait 127 000 $, une augmentation de 5 % ou plus qui se traduirait d'ailleurs, par les taxes, par quelque chose de très impressionnant comme impact. En

fait, pour préciser justement l'impact en termes de prix, on parle d'une augmentation des coûts de main-d'oeuvre de l'ordre de 14 % à 19 %, au global, qui se répartiraient sur l'habitation elle-même à raison de 4, 5 % à 6 % d'augmentation. C'est une différence significative. C'est une différence qui ne passerait pas inaperçue du point de vue de la capacité de payer des individus dans un marché tel qu'on le connaît. Sur ce, je vais peut-être arrêter là et demander des précisions additionnelles.

M. Crochetière (Serge): À mon tour, M. le Président. M. le ministre, mesdames et messieurs, pour ma part, je vais faire un bref historique de l'évolution de la législation et, ensuite, je vais essayer de traduire ce que ça représente pour nous actuellement en termes d'application concrète. Ce qu'on entend - c'est la deuxième fois qu'on vient en commission - fait que les notions semblent, du moins, ambiguës dans l'esprit de certains. On mélange plusieurs choses.

L'évolution du projet de loi. Jusqu'en 1979, on avait ce qu'on appelait les artisans. Les artisans étaient assimilés à des salariés aux termes du Décret, sans rentrer dans tout le détail. Lorsque le législateur, en 1979, a voulu introduire le règlement de placement, il ne savait plus quoi faire avec ces salariés-là qui n'avaient pas rapporté d'heures et qui risquaient d'être exclus. On en a fait des entrepreneurs artisans et ce sont ces gens-là qui ont continué cette fois de passer du statut de salarié à entrepreneur. Ils ont continué à faire les mêmes travaux, dans la même industrie. Ce ne sont pas plus des déloyaux, des illégaux là. Ils ont toujours eu un statut constant qu'on leur a reconnu.

En 1988, à la suite de ce que vous, M. le ministre, et les autres parties qui y étaient ont appelé un «deal», on a dit: O. K., on va exclure ces gens-là en grande partie du neuf et on va leur confier un secteur particulier. C'est ce secteur-là qu'il faut bien circonscrire. Ce matin, on a parlé de tout ce qui s'appelait le résidentiel privé. On a lancé aussi un chiffre, à un moment donné, de 2 300 000 000 $. C'est inexact. Ce qu'on a réservé aux gens qui oeuvraient dans le secteur non assujetti, c'est exclusivement le logement pour un contrat donné par l'occupant ou un garage additionnel. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que tout le locatif, ce qui s'appelle structure, parement, couverture, mécanique, condo, c'est exclu. Même un duplex, vous ne pouvez pas inclure ça dedans. Et les gens de la FTQ vous ont confirmé que c'était leur interprétation et leur compréhension de la loi telle qu'elle était en 1988. Les 2 000 000 000 $ ou tout le secteur résidentiel s'en trouvent grandement réduits.

Qu'est-ce qu'on a laissé aussi aux travailleurs autonomes? Les travaux d'entretien, de rénovation, de réparations mineures, lorsque le donneur d'ouvrage n'est pas un employeur professionnel. Ce n'est pas avec ça qu'on va atteindre les 2 300 000 000 $ dont on a parlé tantôt. C'est beaucoup plus limité comme champ d'application que tout ce qu'on a dit ici, en commission parlementaire.

Parallèlement à ça, la nouvelle législation de 1988 visait les personnes physiques, parce qu'on en est revenu à l'ancienne notion de l'entrepreneur artisan qui était la personne physique qui travaillait seule, sans l'aide d'associés ou de salariés, avec ses propres outils. Et c'est ça que le législateur a fait. Ce qui nous étonne, nous, c'est qu'aujourd'hui on dise que tous ces gens-là, qui ont changé de statut a l'époque pour pouvoir continuer à travailler, sont presque des gens malhonnêtes intellectuellement, comme si d'avoir agi conformément au texte de loi en changeant leur statut d'entrepreneur artisan faisait d'eux des êtres par en dessous, qui ne paient rien, qui prennent des contrats en dessous de la table. Mais c'est inexact. Ils se sont constitués en corporation. Or, si on met ça en parallèle avec la loi sur la Régie des entreprises de construction du Québec, c'est à peu près les seuls hommes d'affaires au Québec qui sont obligés de produire chaque année, pour avoir le droit de continuer, des états financiers vérifiés. Cette réglementation oblige maintenant toutes les corporations à produire des documents comptables signés par les membres d'une organisation comptable professionnelle.

Qui volent-ils? Où va l'argent au noir? Ils prennent des contrats d'entrepreneurs généraux qui, eux, vendent une maison, par hypothèse, 100 000 $. Ils ne sont toujours bien pas pour aller payer 30 000 $ «cash» en dessous de la table et payer de l'impôt là-dessus. Est-ce qu'il y a quelqu'un ici qui va croire ça? L'entrepreneur général qui donne un contrat à un entrepreneur autonome, il le dénonce sur son contrat et l'entrepreneur autonome doit fournir des états financiers. Il doit fournir des rapports d'impôt, il doit avoir des marges de crédit, il doit avoir une maison, des hypothèques, des autos.

Les chiffres dont François faisait état tantôt parlent de gens dont la moyenne a 14 ans d'existence dans l'industrie de la construction. Ce n'est pas des «fly-by-night». Ils sont là. Leur statut a toujours été là et ils l'ont modifié pour continuer à opérer comme ils le faisaient traditionnellement. Aujourd'hui, on tente de dire: Ce n'était pas ça qui avait été convenu ou ce n'était pas ça que la loi voulait dire. Ce n'est pas ça que la loi disait. La loi avait laissé intact ce secteur et ces gens-là qui étaient capables d'y oeuvrer se sont tout simplement assurés qu'ils pouvaient continuer à le faire.

Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on veut faire? Sous le prétexte de ce qu'on vient de voir, cest dire: Bien, là, on va étendre la notion d'entrepreneur autonome à ces entreprises incorporées. Mais ça va plus loin. Aujourd'hui, on ne veut

plus prendre de chance. On nautorisera même plus un représentant d'une de ces entreprises à oeuvrer seul, c'est-à-dire à exécuter des travaux de construction sans l'aide d'un salarié. Et là, ça, ça ne tient absolument pas compte de la réalité. Les chiffres qui vous sont distribués établissent que non seulement il y en a 13 % qui agissent seuls, mais il en reste 64 % qui, à un moment ou l'autre dans l'année, deviendraient des illégaux. 64 % des entrepreneurs de construction du Québec dans le secteur de l'industrie de la construction résidentielle seraient des entrepreneurs illégaux si la loi était appliquée telle qu'elle est proposée au projet de loi 185. Et quand on dit que c'est les déposséder, c'est les dépouiller, c'est des gens, encore une fois, dont les commerces sont établis depuis, en moyenne, 14 ans. Et ce n'est pas des gens qui n'engagent jamais: 64 % de ces gens-là ont des salariés quand ils en ont besoin.

À partir de cette évolution historique et aussi de la situation, j'aimerais ça répondre à certains des commentaires que j'ai entendus, notamment par les représentants de la FTQ et de l'AECQ ce matin. La FTQ a parlé du consensus de 1988 en disant que ce qu'elle avait donné comme morceau, c'était d'exclure les résidences privées. Compte tenu de ce qu'on vient de dire, c'est inexact. D'autre part, on dit que ces gens-là sont payés comptant et qu'ils ne paient pas d'impôt. Comment peuvent-ils faire? Ce qu'ils confondent, c'est le fait qu'ils n'aient pas à rapporter des heures travaillées comme étant des salariés syndiqués de l'industrie. C'est évident, ils n'en sont pas. Si ça leur permet, cependant, en rapportant quelques-unes de ces heures-là, de bénéficier d'avantages sociaux de façon indue, notre position est claire. On l'a dit avant Noël et on le répète dans ce mémoire-ci: Que le législateur intervienne et qu'ils ne puissent pas participer à ces fonds-là, on est d'accord avec ça. S'ils retirent trop d'avantages par rapport à leur «input», si c'est injuste pour le reste de l'industrie, on est tout à fait d'accord avec ça. Mais de là à dire cependant que ce sont des gens qui n'ont plus le droit de travailler, ce n'est plus du tout la même chose.

Les exemples qu'on leur a demandés, je les ai pris ici en note: Catfil, 25 carreleurs sans carte. Ce n'est pas des entrepreneurs autonomes. L'entrepreneur autonome doit posséder le certificat de qualification établi en vertu de cette loi-ci pour être habilité à obtenir sa licence. Évidemment, ces 25, s'ils n'ont pas de carte de qualification, ça ne doit pas être des entrepreneurs autonomes au sens de la loi, puisque les entrepreneurs autonomes ont une licence et que cette licence-là est tributaire du fait qu'ils possèdent déjà un certificat de compétence, de la même façon que n'importe quel travailleur syndiqué.

Ensuite, Charron Excavation, avec 150 salariés. C'est de l'excavation, ce n'est pas résidentiel. Et, en plus, le législateur a permis l'exclusion des opérateurs de machinerie lourde. Alors, ils vont pouvoir continuer à le faire pareil. Comme entrepreneur autonome, CS Asphalte, ça ne doit pas construire beaucoup de résidences, ça, à mon avis, comme ça, à l'oeil. Berri et Saint-Grégoire, les gens se sont sauvés. Ceux qui se sont sauvés, ce n'étaient pas des entrepreneurs autonomes. Les entrepreneurs autonomes ont le droit d'être sur le chantier. Ils ont leur carte et leur licence, pourquoi se sauveraient-ils? Est-ce que logiquement on peut penser que ces entrepreneurs autonomes se sauvent des chantiers? Si vous possédiez une licence, un certificat de compétence, puis un contrat en bonne et due forme et que les représentants de la CCQ se présentent sur le chantier, allez-vous vous sauver? Pourquoi? C'est illogique, impensable. Ce n'est pas des entrepreneurs autonomes dont on parle ici. C'est des travailleurs au noir, mais ce n'est pas des entrepreneurs autonomes, et le projet de loi ne ferait pas fuir ces gens-là, parce que celui qui n'a pas de licence, qui n'a pas de carte, puis qui travaille déjà sur un chantier, votre projet de loi ne l'affectera pas et il va continuer à être là. S'il est illégal partout, il va continuer à être illégal partout.

Quant aux représentations de l'AECQ, je dois dire que ce que j'ai entendu ce matin, comme lecture des faits, ça rejoint substantiellement les recherches qu'on a faites, à cela près que, lorsque eux disent que 60 % de leurs entrepreneurs comptent un à trois salariés, pourquoi n'ont-ils pas demandé - je ne sais pas s'ils l'ont fait, mais, nous, on l'a fait - à ces gens-là: Est-ce que vous avez toujours un salarié? Est-ce que vous n'allez pas travailler seul pour exécuter des travaux à l'occasion? Nous, ces gens-là nous ont dit oui. Les chiffres correspondent. Est-ce que la question a été posée de la même façon? C'est une autre chose. (14 h 45)

II reste la question des consommateurs. On nous a dit, ce matin, et on a souligné à la commission qu'aucun chiffre ne venait établir que les consommateurs bénéficiaient de ça. Pouvez-vous me dire pourquoi, M. le ministre - l'AECQ, la FTQ, le gouvernement ont fait un «deal» pour exclure les consommateurs en 1988 - ça vous prendrait des chiffres aujourd'hui quand, de toute évidence, en 1988, c'est là-dessus que ça a reposé, le «deal»? C'est parce que tout le monde est conscient que les consommateurs... Mme Blackburn a même fait état d'une de ses expériences personnelles où elle s'est trouvée un peu ridicule elle-même d'avoir payé le plein prix. M. Chevrette a dit, lui, qu'il ne l'avait pas payé, mais qu'il avait le droit. Pourquoi? Parce que justement les consommateurs sont à la recherche de ça. On le sait tous dans la salle ici. Est-ce qu'on va faire une analyse? Est-ce qu'on va créer une commission d'enquête pour se faire

dire ça? Demandez à n'importe quel propriétaire de duplex partout à Québec ou a Montréal. Ne faites pas d'enquête, ne dépensez pas d'argent, il va vous le dire, lui, que c'est vrai que, s'il peut payer moins cher, il va faire faire les travaux chez lui pour moins cher. Je pense que ce serait peut-être inutile de faire une commission d'enquête là-dessus.

Reste ta question du comité de travail qu'on propose. Si on admet que la situation actuelle est un problème complexe, il ne faudrait surtout pas que le comité de travail soit chargé de l'analyse du dossier, encore une fois, exclusivement avec la lunette des relations du travail, parce que le problème, vous allez le continuer. Je m'excuse. M. Bernier.

Le Président (M. Gauvin): C'est tout le temps ou à peu près. Est-ce que vous voulez conclure, M. Rousseau?

M. Rousseau: Non, je n'aurais pas à conclure, mais on aurait juste un petit tableau à présenter, trois minutes, à donner les explications sur un tableau qui est présenté. Est-ce que vous acceptez?

Le Président (NI. Gauvin): Mme la députée. Oui, oui.

M. Rousseau: D'ailleurs, ma montre a un peu de retard.

Le Président (M. Gauvin): Les membres de la commission vous confirment que oui.

M. Rousseau: Vas-y, François.

M. Bemier: Très simplement, c'est que certains chiffres ont circulé à l'effet que, évidemment, il y avait eu réduction des mises en chantier en 1991. On le sait tous, du point de vue des mises en chantier, qu'il y a eu réduction. Alors, la source de ces chiffres-là serait la CCQ. Donc, ils ont observé une réduction des mises en chantier de l'ordre de 7 % et évidemment leurs propres statistiques indiqueraient qu'il y aurait diminution des heures déclarées dans le secteur résidentiel de 29 %. Je ne sais trop, n'ayant pas vu les chiffres des heures en tant que tels, sauf des heures moyennes, si ça se confirme.

Il reste qu'on parlerait d'une réduction d'à peu près 24 % du nombre d'heures moyennes faites dans l'industrie contre 7 % de réduction des mises en chantier. Ça semble curieux, incroyable, je veux dire. Et, sur la base de ces deux chiffres-là, on vient dire, on vient peut-être sous-entendre qu'il y aurait augmentation du travail au noir. Comme tout le débat de la question aujourd'hui est lié à l'autonome, on n'aime pas vraiment ce type de connexion.

Je pense qu'il faut mettre les choses en perspective en précisant que l'année 1991 a quand même été une année tout à fait exceptionnelle du point de vue du marché de l'habitation avec réduction des prix substantielle, avec réduction des quantités, des superficies. Les habitations construites en 1991 étaient 10 % plus petites que celles de l'année d'avant. Peut-être que ça explique qu'il y a moins d'heures aussi. Il ne faudrait quand même pas oublier aussi que l'évolution du marché a favorisé des types différents d'habitation; les maisons jumelées, en rangée ont pris une importance qu'on n'a pas vue du tout récemment dans le marché et ça se distingue des autres types de construction.

Il y a évidemment une dernière donnée qui est ressortie comme quoi un investissement de 1 000 000 $ aurait généré un nombre d'heures de beaucoup inférieur, de 4000 heures environ, comparativement à 5000 qu'il devrait générer en temps normal. Y a-t-il quelqu'un qui a posé la question du luxe de cette construction-là de 1 000 000 $? Il faut savoir de quoi on parle avant de prétendre... Si on choisit l'exemple d'une maison luxueuse et qu'on la compare au nombre d'heures moyen fait dans l'industrie, on peut arriver, c'est sûr, à des écarts absolument fantastiques.

Donc, je pense qu'il était important de prendre en considération l'évolution réelle du marché, de comparer des pommes avec des pommes, peut-être le même type d'habitation avec le même type d'habitation, et de voir si effectivement les gens ont tendance à déclarer moins d'heures. C'est juste pour mettre un peu de...

M. Rousseau: Nous sommes ouverts aux questions, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le président et M. le vice-président. M. le ministre.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Hier, certains de vous, messieurs, assistiez a la commission parlementaire lorsqu'une corporation est venue affirmer qu'elle ne chargeait pas des coûts différents, donc qu'il n'y avait pas de différence de coûts. C'est ce qui a été exprimé et vous étiez présents. Je sentais même, dans votre cas, M. Rousseau, une fatigue qui était visible. Vous aviez le goût d'être celui à qui on posait la question ou, au moins, étiez tenté de souffler la réponse. Donc, je vais vous offrir l'occasion de donner la vôtre. Eux disaient hier, finalement, que l'autonome doit charger à peu près le même prix parce qu'il faut qu'il tienne compte... Donc, finalement, il n'y a pas tant de différence que ça.

Là, je viens d'entendre l'explication que vous avez donnée, et vous êtes l'organisme qui utilise le plus fréquemment ces gens-là en construction domiciliaire. Je vous ai entendus, certains d'entre vous, dire à quelques reprises

que c'était une façon d'économiser de l'argent. Ceux, hier, qui prétendaient représenter, qui disaient représenter les autonomes disaient: On fait ça pour charger le même prix. Donc, il n'y a pas d'économie. Et vous, qui êtes les donneurs d'ouvrage à ces gens-là, vous dites: Nous autres, ça nous permet de sauver de l'argent. Je vous avais avertis ce matin que je vous la poserais et, ça, c'est la première.

M. Rousseau: Vas-y, Serge.

M. Crochetière: Alors, écoutez, moi, je n'étais pas là hier, mais je peux quand même répondre. Ce matin, vous avez entendu une explication, qui est une bonne partie de la vérité du représentant de l'AECQ: la question de la productivité. Les 10 portes ont coûté 250 $ ce matin, alors que les 4 autres avaient coûté 200 $. D'accord? Parce qu'il avait dit qu'il posait 4 portes en 8 heures à 25 $ de l'heure et, pour 25 $ de la porte, pendant une journée, il en posait 10. C'est déjà une façon de le faire.

Au niveau des coûts, nous ne croyons pas, nous, d'après les chiffres qu'on vous a fournis, qui sont les chiffres véritables, testés sur des habitations d'une valeur moyenne de 125 000 $, que ça équivaille au même prix. Les chiffres sont là. La réalité est là. Dans le coût d'une construction, on vous a donné les montants et vous pouvez faire les écarts. Là où il y a eu un réajustement, c'est au niveau principalement de deux parties des maisons, et là-dessus aussi je suis d'accord avec les représentants de la FTQ ce matin, on parlait des charpentiers-menuisiers. Le gros oeuvre et les fondations, c'est des équipes et il y a des heures de salaire travaillées, mais on n'en a pas tenu compte, on les a réajustées. Mais, pour les autres, c'est la vraie vie, c'est la vraie vérité, c'est comme ça. Est-ce que c'est parce que le taux horaire est différent ou est le même en proportion, mais avec une productivité accrue? C'est probablement un peu tout ça. Mais le résultat final, c'est que ça coûte moins cher, ça va plus vite. Et, dans certains cas, c'est mieux fait parce que le gars n'est pas payé s'il ne va pas reprendre son travail.

M. Cherry: Donc, dans votre dernière partie, vous avez ajouté que même le consommateur, lui, aurait une meilleure qualité de travail pour son argent si c'était exécuté à la job, si je peux prendre l'expression, plutôt qu'à un taux horaire. Vous me dites qu'à un taux horaire un gars poserait 4 portes dans une journée, pour reprendre l'exemple de ce matin, et, à la job, en poserait 10 dans la même journée. Vous avez terminé votre exposé en disant que, même dans certains cas, la qualité serait meilleure.

M. Crochetière: Parce que le gars est responsable, il va être obligé de revenir. Vous n'êtes pas obligé de le payer deux fois pour la même porte. Tandis que le salarié qui va retourner, vous allez payer pour les nouvelles heures lorsqu'il retourne. Dans ce sens-là, effectivement, je ne suis pas prêt à dire que tout le travail de tous les entrepreneurs autonomes est mieux fait que par les salariés; ce n'est pas vrai et ce n'est pas ça que je veux dire. Je veux dire que, de façon générale, il est moins à reprendre. Quant à la qualité des travaux, je peux vous dire que - peut-être pas en termes de relations de travail, mais par notre expérience au niveau des programmes de garantie - l'on sait que la qualité du travail au Québec se compare avantageusement avec à peu près tout ce qui se fait dans le reste de l'Amérique du Nord. Et comme on vous dit que nos travaux se font par des entrepreneurs autonomes, on ne doit pas être si mal que ça.

M. Cherry: Je vous ramène à votre mémoire, à la page 3, le tableau 1. Je reviens à vous, maître, même si vous n'y étiez pas hier.

M. Crochetière: Pour moi, ça, les tableaux? C'est plutôt l'économiste.

M. Cherry: Non, non, mais c'est vous qui avez tantôt, décortiqué le travail de rénovation et vous avez dit que le chiffre de 1 000 000 000 $ et quelques...

M. Crochetière: Les 1 300 000 000 $ dont on parlait ce matin.

M. Cherry: ... ce n'était pas ça, que c'était beaucoup moins. Et vous avez donné quelques exemples. Si je reprends votre tableau: «** Rénovations et réfections de moindre importance», vous avez 1 340 000 000 $.

M. Crochetière: C'est ça. Et ça inclut tout le locatif qui est exclu du champ, donc qui demeure encore assujetti. Ça ne se peut pas qu'on nous ait donné un morceau de 2 300 000 000 $ si, au total, il s'en fait 1 340 000 000 $, d'une part, et que, de ces 1 340 000 000 $, tout le locatif, toutes les charpentes, tous les condos et tous les travaux communs soient exclus.

M. Cherry: Je vous ramène à la page 11. Je pense que c'est celui à l'autre extrémité, M. Bernier. Vous dites, par exemple, que le nombre moyen d'années en affaires, c'est 14 ans. Le nombre d'années où l'entrepreneur a oeuvré seul sur les chantiers... Est-ce que cette cueillette de données a été faite à partir du projet de loi actuel?

M. Crochetière: Ça a été fait en janvier.

M. Cherry: Celui qui vous a répondu qu'il

l'a fait pendant 10 ans, est-ce qu'il le faisait seul sur la maison A, mais qu'il y avait de ses travailleurs, de ses employés qui étaient sur la maison voisine ou les autres? Parce que, ça, c'est une autre question. Pendant qu'on est dans les chiffres, comme votre principale activité, c'est la construction de l'habitation neuve au Québec, c'est quoi, dans l'ensemble de votre activité, des projets domiciliaires qui regroupent plus que 2 ou 3 maisons par rapport à l'unité de Rivière-au-Renard, qu'on a entendue 10 fois?

M. Crochetière: O.K. Sur le premier item, la question, c'est de savoir: Est-ce qu'ils ont toujours été seuls ces 10 années-là? Non. La question qu'on posait, c'est: Vous est-il arrivé d'avoir à travailler seul au cours de ces années-là? Parce que ça aurait peut-être été un peu injuste aussi, peut-être un peu extrême sur la mémoire de quelqu'un, de lui demander: Es-tu sûr que tu as travaillé toutes tes années tout seul, à toutes les occasions, en toute circonstance? Combien de ces années, à part ça? Bien, on a juste demandé: Est-ce que ça vous arrive? Est-ce que ça vous est arrivé, au cours de votre carrière, de vous présenter seul pour finir des travaux, par exemple, pour vous-même, donc, en l'absence de salariés? Et, à ça, oui, un large pourcentage, comme on l'a vu, 64 %, ont dit oui très clairement.

Pour répondre à ce que vous demandez, on a demandé, par exemple: En 1991, avez-vous travaillé seul, sans l'aide d'un salarié, mais toute l'année? À ça, comme on l'a noté, 13 % des gens nous ont répondu: Oui, en 1991, j'ai travaillé absolument seul sur un chantier, sans l'aide de personne. Ça vous donne peut-être une idée du fait qu'on l'est à l'occasion, qu'on le redevient.

M. Cherry: O.K. Suite à des propositions qui ont été avancées par d'autres groupes qui vous ont précédés, il est possible que quelqu'un, dans son année d'activité - je reprends ma période creuse - dise: Pendant 10 mois, j'ai des salariés, mais pendant 2 mois de l'année, j'attends que d'autres chantiers repartent. Je soumissionne sur d'autres contrats. En attendant, je peux les exécuter moi-même. La question que j'ai posée aux intervenants, ce matin, c'est: Est-ce que, durant ces deux mois-là, vous me considéreriez comme un autonome ou reconnaîtriez-vous que je suis un entrepreneur, mais qui est dans la période... Ils ont dit: Ça, ce serait reconnu comme quelqu'un qui peut travailler.

Là, au cas où je laisserais une porte ouverte, je vais la fermer tout de suite. Dans ma compréhension, un chantier, ce n'est pas nécessairement une maison et, si on en construit 12 en rangée, dans la rue, on a 12 chantiers différents. C'est parce que je sais que vous êtes tellement imaginatifs dans cette industrie-là qu'il faut préciser les choses. (15 heures)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cherry: Comme c'est fait par le même entrepreneur général qui vend les maisons, je veux bien préciser. Dans une approche comme celle-là, comment cela répond-il aux besoins auxquels vous faites face dans l'exécution de vos résidences?

M. Bernier: On a un volontaire ici, au bout de la table, pour répondre à ça.

M. Crochetière: C'est un principe qui pourrait être acceptable. Évidemment, si on se sert de ça comme porte d'entrée pour mettre un nombre d'heures travaillées tellement excessif par rapport à la taille de l'entreprise et que, à toutes fins pratiques, on se sert de ça comme prétexte pour dire: Ah! tu n'as pas donné tes 50 000 heures de salaire, tu ne peux pas faire tes deux mois tout seul - je caricature - vous ne pouvez pas avoir notre accord là-dessus. Si c'est quelque chose qui se tient et si ce n'est pas nécessairement concentré dans une période, oui, on pourrait être d'accord avec cette approche-là.

M. Cherry: Dans votre 13 %...

M. Crochetière: Je m'excuse, on me fait remarquer...

M. Cherry: Vas-y.

M. Crochetière: ...que, dans l'application de Corvée-habitation, il y avait un mécanisme, justement, pour permettre aux entrepreneurs de qualifier les maisons, qui permettait de référer au nombre d'heures et seuls les entrepreneurs qui avaient entré tel nombre d'heures pendant telle période de temps étaient capables de qualifier ces maisons-là pour les fins des subventions. Alors, une approche de cette nature-là pourrait être examinée, oui.

M. Cherry: O.K. J'ai une question - il semble que je ne l'aie pas suffisamment clairement posée - je n'ai pas eu de réponse. Dans le résidentiel, dans le domiciliaire, quelle est la partie qui est faite unité par unité, ici et là, par rapport à des chantiers, plus que quelques-unes, ou à des maisons en rangée, par rapport à l'ensemble de l'activité de l'APCHQ?

M. Bernier: La meilleure réponse que je peux peut-être offrir juste comme ça, c'est que les statistiques connues démontrent qu'en moyenne 85 % des entrepreneurs en construction au Québec réalisent moins de 15 unités d'habitation par année. Alors, je pense que l'image qu'on doit retenir de notre industrie, c'est que c'est une industrie à très petit volume, à très, très petit volume...

M. Cherry: O.K.

M. Bernier: ...et, évidemment, avec un grand nombre de sous-traitants. À savoir si un sous-traitant s'engage avec un entrepreneur pour faire ensemble 10 maisons d'un coup, connues d'avance, parties en même temps, ça semble un scénario qui est moins probable, qui est moins la réalité du jour. Je pense qu'on est une industrie à petit volume...

M. Cherry: Oui.

M. Bernier: ...et on en ouvre un, peut-être un autre, mais on ne va pas loin dans ce mécanisme-là.

M. Cherry: O.K. Correct. Vos 13 % qui, en 1991, ont admis avoir travaillé toute l'année seuls, c'est principalement quels métiers?

M. Bernier: Je ne peux pas vous répondre. On a posé la question, mais la qualité des réponses n'était pas là. Les gens gribouillaient n'importe quoi ou ne répondaient pas. On n'a pas sorti de statistiques à cet effet-là. Mais, vous savez, je veux dire, à l'oeil, c'étaient les métiers qui sont populaires; autant les charpentiers-menuisiers sont en évidence dans l'industrie, c'étaient, évidemment, au premier coup d'oeil, eux également qui ressortaient, mais je ne pense pas qu'on aurait de statistiques fiables là-dessus.

M. Crochetière: II y a certains métiers où ils sont toujours seuls, c'est-à-dire pour des choses aussi ridicules que finir le crépi sur les solages. Il est seul, le gars; ils ne se promènent pas à trois avec une chaudière pour finir ça. Le flatteur de ciment, quand ils ont fini de le couler dans une cave ou dans une partie de maison qui est toute petite, c'est certain qu'il va toujours être seul. Il y a certains de ces métiers-là qui ne font que de l'habitation. Ça ne veut pas dire que tous les cimentiers applicateurs travaillent seuls, mais ceux qui font juste ça.

M. Cherry: O.K. Donc, vos 13 %, ça rejoindrait plus le type d'activité que vous venez de décrire et ça pourrait être inclus là-dedans, sans qu'on ait pu les identifier...

M. Bernier: C'est ça.

M. Cherry: ...au moment du sondage, par la nature même du travail à exécuter à l'intérieur d'une construction domiciliaire. Vous venez de dire, par exemple: Pour mettre le crépi sur le solage, on comprend qu'il peut être là tout seul. Est-ce qu'un électricien peut faire une maison tout seul?

M. Crochetière: Renald, est-ce qu'un électricien peut faire une maison seul?

M. Jacques: Bien oui. Un électricien, il a juste l'entrée électrique à faire; il vient faire son entrée électrique, ça lui prend l'avant-midi. Quand les murs intérieurs sont prêts, il vient, ça lui prend une journée ou une journée et demie pour faire le filage intérieur. Après que le gyproc est posé, il vient faire la finition après la peinture et c'est fini.

M. Cherry: Et le réservoir à eau chaude et tout ça, ça se pose tout tout seul, ça.

M. Jacques: Bien, ce n'est pas lui qui fournit le réservoir à eau chaude...

M. Cherry: Ça se transporte tout seul.

M. Jacques: ...c'est le plombier qui fournit le réservoir à eau chaude.

M. Cherry: II le fait livrer et il raccorde ça.

M. Jacques: II fait juste le collecter, lui. M. Cherry: Le plombier?

M. Jacques: Le plombier. Il y a beaucoup de parties qu'il peut faire lui-même et la livraison du chauffe-eau, ça peut être le fournisseur qui va livrer le chauffe-eau dans la maison.

M. Bernier: C'est le cas pour beaucoup de travaux. En fait, je pense que le mémoire souligne qu'il y a peut-être 12 % des cas où, à toutes fins pratiques, ça n'arrivera pas. Dans 12 % des cas, on va avoir nécessairement à travailler ensemble; 12 % peut-être des heures, je devrais dire, sur une maison, ce sera des heures nécessairement faites ensemble. C'est noté à l'intérieur du mémoire. Pardonnez-moi si je ne tourne pas les pages devant vous pour vous retracer ça, mais c'est là. Donc, pour la majorité des heures, on peut, potentiellement, les faire entièrement seul. Sinon, on y est tout simplement contraint.

Une voix: Page 13, tableau 4.

M. Bernier: Page 13, tableau 4? Non, non. Ça avait été écrit aussi. Page 14. Une petite note dans l'avant-dernier paragraphe, page 14.

M. Cherry: Pas de tableau.

M. Bernier: À la suite du tableau, oui. Page 14.

M. Cherry: Les «coûts B, Autonome», voulez-vous nous donner plus d'explications là-dessus, sur l'ensemble de cette colonne-là? Vous vous êtes basés sur quoi pour arriver à ça de cette façon-là?

M. Bernier: Des factures. Des factures. Ça a été plus compliqué de faire la A que la B. La A, il a fallu savoir combien d'heures étaient impliquées, puis, si on les appliquait au taux du Décret, ça donnerait quoi comme coût d'heures. Ça, c'était le sous-total A, heures x taux. Ça, ça a été compliqué. La colonne B, par exemple, a été très, très simple parce qu'on avait les factures à l'appui. On a regardé un plan de maison, on a dit: À combien tu me ferais ça? Bien, il a dit: Ça, c'est tant du pied, ta, ta, ta, ta et voici la facture. Voyez-vous, le coût des matériaux, bien, lui, il est fixe. Évidemment, le total, c'était mon addition coût des matériaux et colonne A et colonne B.

M. Cherry: Donc, au niveau de la colonne B des autonomes, pour être bien certain que j'ai saisi, ce que vous venez de dire, c'est que, là, il n'est pas question de: Combien d'heures ça va te prendre? Il faut que je te paie. C'est: Combien tu me «charges» pour faire cette job-là?

M. Bernier: C'est ça. Puis, évidemment, là on lui a dit: Force-toi un peu. dis-moi en combien d'heures tu vas le faire. Il a dit: Bien, écoute, on va mettre tant d'heures là-dessus. Très bien. Là, on s'est dit: Merci beaucoup, j'ai pris le chiffre d'heures, on va appliquer le taux du Décret là-dessus. Or, voici la différence.

M. Cherry: Et ils étaient tous incorporés, ces gens-là, bien sûr?

M. Bernter: Bien, l'exercice ici porte sur un plan de maison bien précis...

M. Cherry: O.K.

M. Bernier: ...où on dit: On veut bâtir ça, sous-traitant par sous-traitant. L'autre sondage nous démontre quand même que c'est tous des gens incorporés et tout et tout. Je n'ai pas posé la question.

M. Cherry: Vous ne l'avez pas posée, puis... M. Bernier: Ce n'est pas important.

M. Cherry: ...je suis certain que l'autre que vous n'avez pas posée non plus, c'est si ces heures-là étaient rapportées à la CCQ.

M. Bernier: Ha, ha, ha! M. Cherry: Non?

M. Bernier: Ah! Qu'est-ce que vous pensez qu'ils auraient répondu?

M. Cherry: Je ne sais pas. Vu que c'est des gens honnêtes, qu'est-ce qu'ils auraient répondu, vous pensez?

M. Bernier: Absolument.

M. Crochetière: Ils n'ont pas à les rapporter, justement, s'ils sont seuls. C'est justement ça, tout l'objet du débat. Ce nest pas qu'ils sont malhonnêtes. Ils n'ont pas à les rapporter.

M. Cherry: C'est ce que j'ai dit.

M. Crochetière: C'est pour ça que vous ne les trouvez pas non plus à la CCQ. Ils n'ont pas à le faire.

M. Cherry: Donc, c'est ça qui fait la différence... C'est ça l'explication entre l'approximatif que ça prend 800 heures pour une maison moyenne et qu'il n'y en a que 327, cette année, rapportées à la CCQ. La différence, c'est tous des gens comme ça qui, parce qu'ils sont autonomes, qu'ils font du travail dans le neuf, n'ont à le rapporter nulle part. Là, on vient de faire le tour, mais on arrive là.

M. Crochetière: Je ne peux pas vous parler du chiffre comme tel, mais le principe, oui, parce qu'on ne s'est jamais caché que les contrats dans l'habitation étaient donnés juste à la job, c'est-à-dire au contrat. C'est marqué ici. C'est marqué dans tous nos autres mémoires. C'est comme ça que ça se fait, des maisons, justement pour que les prix soient maintenus à un taux plus bas. Ce n'est pas artificiel si c'est comme ça. C'est parce que, si c'était suivant les heures, ça coûterait 7000 $ plus cher.

M. Cherry: Donc, je reviens à ça, on a établi que ça prend à peu près - ce sont les chiffres de la CCQ - 800 heures. S'il n'y en a eu que 327 cette année - les autres presque 500 heures en moyenne, il y en a eu plus, il y en a eu moins, il y a des années précédentes où il y en a eu plus - lorsqu'on arrive avec le résultat, c'est que les autres 500 heures, donc, la partie la plus importante de la construction, parce qu'elle se donne comme ça, parce que, comme vous dites, c'est la nature, n'est comptabilisée d'aucune façon dans les heures enregistrées ni les avantages ni tout ça. C'est ce que vous me dites?

M. Crochetière: C'est ce qu'on a toujours prétendu. C'est ce qu'on maintient, oui. Une maison, ça ne se construit pas à l'heure, M. le ministre. Ça se construit à la job, ça s'est toujours fait comme ça et c'est ça que vous voulez changer.

M. Cherry: Mais vous savez exactement combien ça prend d'heures pour faire une maison en moyenne. Ça, vous savez ça.

M. Crochetière: Bien, écoutez, exactement,

je ne le sais pas. Si vous saviez comment je suis maladroit! Mais ce qu'on demande aux gens d'évaluer comme nombre d'heures par rapport au prix qu'ils chargent à la job, c'est ça que ça reflète.

M. Cherry: Je ne sais pas comment vous êtes adroit dans la construction, mais, comme procureur, vous êtes pas pire.

Des voix: Ha, ha, ha! M. Crochetière: Merci, M. le ministre. Une voix: Je le sais parce qu'il coûte cher. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bernier: Est-ce que je peux revenir aussi sur ce chiffre-là? Parce que vous avez, justement, retenu le chiffre de 326, 327 heures en moyenne pour faire une habitation. C'est justement le petit commentaire que je faisais tout à l'heure. C'est évidemment une grande moyenne sur toutes les unités bâties au Québec. Quand je disais: Des pommes avec des pommes, je veux dire que, dans cette moyenne-là, il ne s'agit pas juste de bungalows; il s'agit de toutes sortes d'unités, incluant du condo, incluant du multi-familial, incluant toutes sortes d'habitations possibles. Et laissez-moi vous dire qu'il y a quand même une forte différence entre le nombre d'heures que ça va prendre pour faire de l'unifa-milial ordinaire et du locatif. Certains avancent que c'est 200, 250, 300 heures pour finir un appartement locatif bien ordinaire. Ça fait qu'il y a une moyenne là-dedans quelque part. Et, comme je le soulignais plus tôt, le type d'habitation fait en 1991 n'était pas celui de 1990, loin de là. Loin de là! Alors, il y a eu ajustement du marché et il ne faut pas se surprendre, je veux dire, que la moyenne soit en baisse et que, peut-être, dans un deuxième temps, la moyenne soit très basse pour les explications qu'on vient de donner. Ah! si on en veut d'autres, oui. O.K. C'est correct.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Cherry: Je garderai mon temps d'intervention pour plus tard.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Oui.

Le Président (M. Gauvin): Je m'excuse. La parole est à vous.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Je vous souhaite la bienvenue, au nom de l'Opposition, à cette commis- sion. Je vais d'abord commencer par rétablir une impression que j'ai pu laisser en disant que, moi, ayant respecté les règles pour faire faire des rénovations chez nous, je me trouvais ridicule. Mais c'est un ridicule que j'accepte parce que je n'arrive pas à penser que je puisse exiger des autres ce que je ne suis pas capable, moi, de respecter. Ça fait partie de ma règle. Les gens me connaissent assez comme ça. Je veux dire, je veux bien avoir des exigences à l'endroit des autres, mais en autant que j'en aie vis-à-vis de moi-même. Sauf que ce que j'expliquais par là, c'est que le travail au noir non déclaré - parce que tout le reste, les cartes de compétence, tout ça... - est devenu socialement comme accepté au Québec et ça constitue un drame. Il va falloir qu'on se mette bien ça quelque part entre les deux oreilles. Cependant, je nuance, je ne pense pas que ça soit exclusivement le fait des entrepreneurs autonomes. J'ai déjà eu l'occasion de le dire. Je pense qu'il y a toute une série de formes de travail au noir qui n'est pas la pratique exclusive des entrepreneurs autonomes.

Mais, en même temps, je vais en venir à une série de questions parce qu'il y a quelque chose qui me dérange un peu. À plusieurs reprises, vous avez dit: La construction de 1990-1991, ce n'est pas la même chose. Les maisons sont 10 % plus petites, ça prend probablement moins d'heures, ce n'est pas la même qualité des travaux. Mais, en même temps, vous dites dans votre mémoire: Ça prend entre 750 et 1200 à 1400 heures. Évidemment, ça dépend de l'appartement: si c'est un condominium, si c'est en rangée, ainsi de suite. Cependant, je pense que, de façon générale, on reconnaît qu'un bungalow ordinaire à 100 000 $, c'est à peu près 800 heures. Je pense que, ça, c'est un chiffre qui ne m'a pas semblé créer beaucoup de surprise quand j'en ai parlé à différents entrepreneurs, de même qu'aux syndiqués. Et là, vous nous dites: Les coûts, si vous utilisez les services d'entrepreneurs autonomes, c'est de 14 % à 19 % plus bas. C'est en page 6 de votre mémoire, si je ne m'abuse. O.K. Et vous dites en même temps: II faut respecter la capacité de payer.

Mais comment se fait-il que, selon - j'ai un article là-dessus - Placements Michel Girard, La Presse, le mercredi 19 février, et selon la Société canadienne d'hypothèques et de logement, les maisons sont plus chères, auraient augmenté, seraient passées de 69 860 $ à 72 350 $? C'est pour le Québec. Vous me dites: Ça coûte moins cher; elles sont moins grandes, or coûtent moins cher. Mais tout ça n'a pas eu comme effet de... ça ne s'est pas fait sentir dans la poche de l'acheteur, du futur propriétaire, du consommateur. Et ça, je dois vous dire que ça me dérange.

M. Crochetière: À l'économiste de répondre. (15 h 15)

Mme Blackburn: De deux choses l'une: ou ça

coûte moins cher ou ça coûte la même chose. Le Président (M. Gauvin): M. Bernier

Mme Blackburn: Ce que j'ai là m'amène à penser qu'on n'a pas fait de gains.

Le Président (M. Gauvin): M. Bernier.

M. Bernier: Je vais peut-être faire une hypothèse: les taxes, la TPS, bientôt la TVQ.

Mme Blackburn: Oui. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: La TPS, la TVQ, c'est sur les matériaux. Ça existait déjà avant sur les matériaux de construction, si je ne m'abuse. C'étaient 11 % quand on allait acheter les matériaux?

M. Bernier: Oui, mais ça n'existait pas sur le terrain, sur le profit, sur la main-d'oeuvre.

Mme Blackburn: Non, mais quand même! Je comprends que vous essayez, mais ce que je veux vous dire et que je veux essayer d'illustrer là, c'est que je m'étais laissé dire: L'entrepreneur autonome, ça coûte moins cher, mais, dans les faits, je suis obligée de constater que ça ne coûte pas moins cher, c'est sensiblement la même chose. La question que je pose est la suivante: Je me demandais si l'explication ne se trouvait pas dans le fait qu'on faisait de la sous-traitance de la sous-traitance. Alors, le premier charge le prix réel. C'est lui qui est entrepreneur général, il charge le prix réel. Il s'en va en sous-traitance et le sous-traitant qui l'obtient divise ça en trois ou quatre petits contrats. Celui qui arrive en bas, qui est l'entrepreneur autonome au troisième, évidemment, lui, il charge moins cher, mais ça ne se répercute pas sur le prix de la maison.

M. Crochetière: Là-dessus, je dois vous détromper, Mme Blackburn. Vous avez la...

Mme Blackburn: Je ne demande pas mieux.

M. Crochetière: ...sous-traitance à répétition sur les gros chantiers, mais vous ne l'avez pas dans la petite maison, c'est impossible. La comparaison que vous faites avec l'an dernier ou que la SCHL fait, de toute façon, même si c'était pour la même maison, c'est les mêmes entrepreneurs autonomes, mais ce n'est pas parce qu'il y en a plus en sous-traitance qui vont aller faire des contrats.

Mme Blackburn: Mais, curieusement...

M. Crochetière: Ce que vous décrivez, c'est ce qui se passe beaucoup plus sur les chantiers commerciaux et industriels, à ma connaissance personnelle. Il y a certains métiers où ça se fait encore plus. Je vais penser à tout le gypse, les feuilles de placoplâtre. Ça se fait comme ça. On ne traite pas un bungalow à trois sous-traitants quand il y a du travail pour une couple de jours pour les gars de gypse.

Mme Blackburn: Alors, si c'est le cas, dites-moi pourquoi, si ces ouvriers coûtent moins cher, les maisons coûtent plus cher? Je veux bien comprendre qu'il y a eu l'augmentation de l'indice du coût de la vie, mais il y a quand même eu le programme Mon taux, mon toit. Semble-t-il que, plutôt que de diminuer, ça a fait augmenter les coûts, alors qu'en Ontario les maisons sont passées à un coût moyen de 175 000 $ à 170 000 $. Vous allez me dire: Elles étaient déjà assez hautes, il fallait que ça descende. Mais, en Ontario, il y a une baisse, alors qu'au Québec il y a une hausse. Pour la région de Montréal, je vous les donne. Peut-être avez-vous eu l'occasion de prendre connaissance du journal de ce matin. En 1991, il en coûtait 93 650 $, soit une augmentation de 2510 $. Est-ce que c'est juste imputable à la nouvelle taxe?

M. Bernier: Je pense que ce à quoi vous vous référez, c'est à des études de la SCHL, donc qui portent sur les maisons existantes. Je crois que c'est l'indice d'abordabilité - très mauvais terme - de la SCHL qui est discuté dans cet article-là. C'est un article qui traite du coût des maisons existantes et la question est à savoir quel pourcentage des ménages locataires peuvent accéder à la propriété du jour au lendemain, compte tenu du prix de ces habitations-là. Alors, peut-être que l'article porte justement sur ces maisons-là, donc l'existant, et ce ne serait peut-être pas la base des calculs sur laquelle on devrait discuter.

Mme Blackburn: Non, ça touche la capacité d'avoir accès à la propriété, mais, comme ça touche les deux programmes, le Programme d'aide à la mise de fonds et Mon taux, mon toit - ce dernier, c'était la construction neuve, si je ne m'abuse - donc nécessairement ça parle aussi de la construction neuve, pas seulement des maisons déjà existantes.

Évidemment, aussi l'autre problème: est-ce qu'il est normal... Vous me dites: Ça doit prendre moins d'heures. Moi, j'avais tendance à penser que ça prenait effectivement beaucoup moins d'heures et qu'on avait réussi à diminuer, compte tenu des nouvelles technologies, les heures nécessaires pour monter une petite maison résidentielle unifamiliale. On m'a dit: Ça a bougé, mais pas autant que vous le pensez, puis on me dit 800 heures. Est-ce que vous reconnaissez que c'est à peu près ça, la moyenne, pour une petite maison?

M. Bernier: Tout à fait.

Mme Blackburn: Trois chambres, le petit bungalow, qui vaut à Montréal 100 000 $ et dans ma région 70 000 $ à peu près.

M. Bernier: Si on regarde notre maison de 120 000 $, qui est notre exemple ici, on arrive à 1000 heures et il est vrai que, sur la toute petite maison de rien, je pense qu'on peut tomber à 600 heures facilement. Alors, quelque part dans votre bungalow moyen, votre hypothèse de 800 est tout à fait dedans.

Mme Blackburn: 800 en moyenne. Ce dont on parle, c'est la moyenne; alors, ça comprend autant les gros que les petits. Vous faites une moyenne, c'est 800. Alors, on s'accorde là-dessus. Mais on n'a pas réussi à me démontrer - c'est ce qui probablement me dérange le plus; moi, je suis prête à défendre les gens qui veulent avoir un peu d'allant, mais pas sur n'importe quoi -qu'il y avait effectivement des gains pour le consommateur, alors que je sais qu'il y a des pertes nettes pour le Revenu, pour le fisc.

M. Crochetière: On ne peut pas vous démontrer ça à partir des mêmes travailleurs qui travaillent sur deux ans. On pourrait vous le démontrer si on vous disait que, l'an dernier, c'étaient des salariés et que, cette année, ce sont des travailleurs autonomes. Là, c'est les mêmes travailleurs autonomes, c'est les prix de cette année et c'est ce qu'ils chargent en fonction des nouveaux coûts de la vie. Ce que vous demandez, Mme Blackburn, c'est de comparer une maison qui aurait été construite par des salariés l'an dernier, avec les coûts de l'an dernier par rapport aux coûts de cette année par des entrepreneurs autonomes. Vous ne pourrez pas avoir de réponse à votre question.

Mme Blackburn: La loi qui régit le travailleur, l'entrepreneur autonome prévoit qu'il est obligé de charger des salaires à un taux horaire comparable à ce qui se paie dans l'industrie. Je cherche l'article, je l'ai revu tantôt. Donc...

M. Crochetière: Quel article? Il travaille à la pièce. C'est ce qu'on vous dit.

Mme Blackburn: L'article de la loi. C'est le projet de loi que je n'ai pas.

M. Crochetière: II travaille à la pièce. La vérité, c'est qu'il travaille à la pièce. Il ne travaille pas à l'heure. Il ne peut pas charger pour des salariés, il n'en a pas si c'est un entrepreneur autonome.

Mme Blackburn: Quel pourcentage des travaux dans la construction domiciliaire est réalisé par les entrepreneurs autonomes?

M. Crochetière: J'ai dit tantôt que ça dépendait de la notion d'entrepreneur autonome.

Celle de la loi actuelle ou celle que le projet de loi 185?

Mme Blackburn: Non, non. Actuellement, au moment où on se parle.

M. Crochetière: Actuellement, le véritable travailleur autonome n'est pas dans la construction résidentielle parce que c'est des entrepreneurs spécialisés qui font des travaux assujettis dans la forme de société ou de corporation. Alors que les entrepreneurs autonomes sont des personnes physiques seules dont le seul champ d'activité est hors Décret, pour des occupants dans leur résidence ou pour des travaux mineurs de réparation et d'entretien sur des contrats donnés par des donneurs d'ouvrage autres que des employeurs professionnels. C'est pour ça que je vous demande de bien qualifier ceux dont vous parlez actuellement.

Mme Blackburn: Les entrepreneurs autonomes ne sont pas sur les chantiers neufs actuellement.

M. Crochetière: Bien non. C'est pour ça qu'on veut étendre la notion, justement, pour inclure ceux qui sont sur les chantiers actuellement. Sinon, vous n'auriez pas besoin d'avoir le projet de loi 185. C'est justement pour les inclure dans la notion d'entrepreneur autonome que le projet de loi est déposé.

Mme Blackburn: Alors, vous me dites - et là, je dois mal comprendre - qu'actuellement l'entrepreneur autonome n'est pas sur la construction neuve.

M. Crochetière: Non, non. Écoutez, là, je ne veux pas faire de la sémantique. O.K.? Je vais vous expliquer. Actuellement, on dit que les entrepreneurs autonomes, aux termes de la loi, sont des gens qui travaillent seuls comme personnes physiques. On dit: Pour être capables désormais d'oeuvrer sur des chantiers assujettis - laissons faire les travaux mineurs de réparation - il faut être des entrepreneurs autres qu'autonomes. Alors, on reproche à ces gens-là de s'être incorporés parce qu'ils ne tombent plus sous la définition d'entrepreneur autonome.

Quand vous me demandez quelle est la proportion d'entrepreneurs autonomes - et je ne veux pas avoir l'air de faire de la sémantique -je dois vous dire: II n'y en a pas sur les chantiers assujettis. Ce qu'on veut faire, c'est dire que ces gens-là, qui agissent seuls, en société ou sous forme corporative, vont être désormais inclus dans la notion d'entrepreneur autonome et, par ce fait même, on va les exclure des chantiers. Mais si vous me demandez combien il y a d'entrepreneurs spécialisés, si on élargissait la

notion...

Mme Blackburn: Qui se sont incorporés.

M. Crochetière: ...telle qu'elle est, ça fait 64 % des entreprises de construction et 77 %, au total, des entreprises de construction oeuvrant dans le résidentiel qui risqueraient d'être affectées totalement ou partiellement.

Mme Blackburn: Alors, si c'est 67 %... M. Crochetière: 77 %.

Mme Blackburn: ...ça aurait dû se refléter sur le coût des maisons. C'est encore plus grave que je pensais.

M. Crochetière: Je n'ai pas compris. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: S'ils exécutent 77 % des travaux, ça aurait dû se refléter sur le coût des maisons. Mais ce n'est pas ie cas.

M. Crochetière: Non, parce qu'ils étaient déjà là, l'an dernier. C'étaient les mêmes travailleurs.

Mme Blackburn: Alors, vous avez raison. Peut-être que je vais essayer de voir un peu; si vous nous présentez un tableau de l'évolution des coûts des résidences au cours des 10 dernières années, ça va nous permettre de mieux saisir. Mais en même temps...

M. Crochetière: Ça va être en fonction de l'inflation et non pas en fonction d'un nouveau coût du salaire travaillé.

Mme Blackburn: ...pour s'assurer que tout le monde comprend à peu près la même chose, le truc qu'ont trouvé les entrepreneurs autonomes pour entrer dans le résidentiel, dans la construction, dans les travaux assujettis, ça a été de s'incorporer. En s'incorporant, ils devenaient des personnes morales et non pas des personnes physiques, donc ils échappaient au Décret. On a comme compris le système. Mais ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas là. C'est faire de la sémantique. C'est-à-dire qu'ils changent de chapeau, mais ils sont là pareil.

M. Crochetière: C'est la façon dont c'est exprimé avec laquelle on est en désaccord. Ce n'est pas le truc qu'ils ont trouvé, Mme Blackburn; c'est qu'ils ont maintenu les travaux qu'ils exécutaient en s'incorporant, conformément à ce que la loi leur permettait de faire.

Mme Blackburn: Et ils ne sont pas illégaux là-dessus.

M. Crochetière: Et ce sont les mêmes personnes qui continuent.

Mme Blackburn: C'est ça. Et ils ne sont pas illégaux et ils ne font pas de travail au noir s'ils le déclarent...

M. Crochetière: Exactement.

Mme Blackburn: ...là-dessus, vous avez raison. S'ils avaient été illégaux, il y a longtemps que la cour aurait tranché. Là-dessus, vous avez raison. D'ailleurs, c'est pour ça que la loi est modifiée. Mais ça, c'est une autre chose. Je ne veux pas m'en aller sur le... Il y a des hypothèses qui ont été avancées, puis il y en a quelques-unes que je trouvais intéressantes. Ce matin, je pense que c'est l'AECQ qui proposait de prévoir une réglementation ou des dispositions qui permettraient à un entrepreneur autonome qui a commencé les travaux avec un salarié de pouvoir travailler seul, à l'occasion, pour la finition de quelques travaux. Qu'est-ce que vous pensez d'une disposition comme ça?

M. Crochetière: Le 19 décembre, je l'ai souligné. C'est la FTQ qui a dit: Le 19 décembre, par exemple, ils pourraient continuer. Comment peut-on faire une loi où on dit que c'est interdit, mais qu'on va fermer les yeux s'il reste juste trois heures de travail à faire? De toute façon, on ne sait même pas comment définir un chantier. Ça va être en fonction de quelle importance du chantier?

Mme Blackburn: Vous pensez qu'il est impensable de réglementer là-dedans. Je ne vous dis pas que c'est la FTQ qui va faire le projet de règlement, là.

M. Crochetière: Non, non, mais pourquoi?

Mme Blackburn: Je vous dis juste: Si le gouvernement...

M. Crochetière: Est-ce que ça va être juste pour la finition ou si ça va être pour le parachèvement de chacun des corps de métier?

Mme Blackburn: Si le gouvernement examinait cette hypothèse de permettre à l'entrepreneur autonome qui a commencé des travaux sur un chantier de construction, donc des travaux assujettis, de les terminer seul, à l'occasion, la dernière finition, est-ce qu'on est capable d'envisager ça?

M. Crochetière: C'est-à-dire, si je peux me permettre, pas d'un entrepreneur autonome, d'un entrepreneur qui a des salariés. Ce que vous voulez dire, c'est qu'un entrepreneur qui a des salariés, lui, on lui donnerait le privilège de pouvoir finir seul sur des chantiers, même s'il a

200 salariés qui travaillent ailleurs? Ça ne se tient pas, madame. On ne peut pas être d'accord avec ça.

Mme Blackburn: Qu'est-ce que vous pensez de la pratique dont on fait état, à l'effet que les entrepreneurs autonomes, les autonomes se sont regroupés et, finalement, ils sont entrés non plus dans le résidentiel, mais dans l'industriel?

M. Crochetière: Moi, personnellement, je n'ai pas une grande expérience dans l'industriel. Le secteur qu'on défend devant vous, c'est les pratiques au niveau du résidentiel.

Mme Blackburn: Mais on a quand même dû attirer votre attention sur cette pratique-là. Est-ce que ça existe? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Et est-ce que vous êtes d'accord avec, par exemple... Ça prend une douzaine de spécialités pour construire une maison, d'après ce que vous avez évalué tout à l'heure.

M. Rousseau: On parlait de 18, oui.

Mme Blackburn: Alors, vous avez 18 spécialistes, ils sont tous autonomes, ils se regroupent et ils réalisent complètement les travaux d'une maison. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Une voix: Ils ne sont pas les 18 dans la même maison...

M. Crochetière: Non. Dans les maisons, on dit qu'il y en a juste un des 18 dont on a besoin pour cette maison-là. Mais, s'ils sont 18 et qu'ils vont travailler sur 18 maisons, oui.

Mme Blackburn: Je parle de la situation actuelle, pas de ce qu'est en train de prévoir le projet de loi.

M. Crochetière: Bien non.

Mme Blackburn: Et puis je ne vous en veux pas, je ne vous connais pas.

M. Crochetière: Non, mais je vous dis...

Mme Blackburn: Je vous pose simplement la question, mon cher monsieur.

M. Crochetière: ...la question que vous posez, c'est par rapport à l'industriel. On vous répond qu'on ne connaît pas véritablement le fonctionnement de l'industriel et vous nous demandez si ça peut être applicable dans le résidentiel. Mais la façon dont ça se traduirait, ça ne correspond pas à la vraie vie. Alors, c'est ce que je vous dis: Ça ne correspond pas à la vraie vie.

Mme Blackburn: Actuellement, vous dites: II n'y a pas d'entrepreneurs autonomes qui se regroupent pour exécuter des travaux de construction pour échapper un peu à...

M. Crochetière: Je dis qu'ils peuvent se regrouper, mais quand, sur une maison, on en a besoin juste d'un, même s'ils sont associés à trois...

Mme Blackburn: C'est bien évident.

M. Crochetière: ...c'est celui-là seulement. Les deux autres vont être sur deux autres maisons.

Mme Blackburn: Oui. Ça, j'imagine que oui. Il n'y en a pas un qui tient l'ampoule et l'autre qui visse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Crochetière: Bien, c'est ce qu'on demande dans le projet de loi 185. On demande que l'employeur qui va être là ait un salarié qui va tenir son seau. Ce n'est pas plus logique. C'est ce qu'on demande véritablement.

M. Rousseau: M. le ministre n'a pas l'air d'accord.

Mme Blackburn: Ne pensez-vous pas que vous allez un peu loin...

Une voix: L'article 19.2.

Mme Blackburn: ...quand vous dites ça? Dans la réparation, rénovation, entretien, résidentiel et commercial, pour les travaux mineurs, ils peuvent être seuls. Je pense que vous n'avez peut-être pas une mauvaise cause, mais le problème, c'est que vous lui avez fait dire n'importe quoi et là on est toujours en train de dire: C'est quoi la vérité au juste? Alors, quand on a fait courir l'idée qu'il fallait être deux pour venir changer un robinet ou le «paquetage» des robinets, bien, là, on a eu un problème.

M. Crochetière: On n'a jamais donné cette interprétation-là, nous.

Mme Blackburn: Ce n'est pas juste vous. M. Crochetière: Jamais.

Mme Blackburn: Quand vous dites, actuellement: C'est ça que la loi veut, la loi veut ça dans la construction neuve.

M. Crochetière: Dans le neuf, pas dans la rénovation.

Mme Blackburn: Oui, dans le neuf. (15 h 30)

M. Crochetière: L'article 19. 2 dit qu'un employeur désigné ne peut pas exécuter des travaux si ce n'est avec l'aide d'un salarié. C'est ça que ça dit. Avec l'aide d'un salarié, ça veut dire que, sur un chantier, si je suis un employeur, madame, et que j'ai à finir de peinturer une garde-robe, actuellement - ça, oui, je l'affirme - je vais être obligé d'avoir un salarié avec moi pour brasser ma peinture.

Mme Blackburn: Vous avez parlé, à la page 15 de votre mémoire, de la capacité de payer du consommateur, sauf que le tableau que vous nous avez présenté ne m'amène pas à penser que les entrepreneurs autonomes aient vraiment contribué a faire réduire les coûts des constructions.

M. Crochetière: Je m'excuse, je n'ai pas compris.

Mme Blackburn: Si vous étiez en mesure de faire la démonstration, autrement que sur un tableau, qu'effectivement mon voisin veut se faire construire une maison de 100 000 $ et que ça va lui en coûter 7000 $ de moins, ça pourrait jouer, mais, pour le moment, dans le marché de l'immobilier, ça ne s'est pas encore vraiment fait sentir. Une autre question, mais dans un tout autre ordre d'idées. Vous contestez - et vous avez raison là-dessus, je dois vous le dire - les chiffres sur la rénovation, en disant: Ce n'est pas vrai qu'on a accès à 2 000 000 000 $ là-dessus parce qu'il y a tout le locatif auquel on n'a pas accès, et vous avez raison. Ça, je le retiens, mais il n'en demeure pas moins que c'est un des secteurs d'activité où il n'y a aucun moyen de contrôler le travail au noir, absolument pas. Ça, il n'y a pas de façon, parce que beaucoup de gens ne demandent pas de permis de rénovation à la ville. Ce n'est pas affiché. Ça se fait dans les sous-sols. Il n'y a aucune façon de contrôler ça. Je sais qu'il y en a quelques-uns qui ont avancé l'hypothèse de déduire du revenu d'un individu - le contribuable, le consommateur - l'équivalent des salaires consacrés pour faire des travaux de rénovation. Est-ce que vous avez pensé à d'autres hypothèses qui nous permettraient un peu de mettre la main sur ces données?

M. Bernier: D'autres possibilités, oui, c'est le type d'approche qui est discuté parmi les entrepreneurs en rénovation, entre autres, qui, évidemment, sont conscients de la mécanique de ce marché qui est très difficile à saisir, enfin, et à structurer. Mais, en plus de ça, il y a d'autres hypothèses. On a parlé de REER rénovations. On a parlé d'utiliser même le Programme d'aide à la mise de fonds et d'y ajouter un volet concernant la rénovation.

Mme Blackburn: Pour la rénovation.

M. Bernier: Vous savez, je veux dire, les gens qui achètent une maison existante, pourquoi ne pas les aider à réaliser tout de suite des travaux, dans la mesure où on est capable de contrôler que ces travaux-là sont faits par des professionnels? Mais toutes ces solutions-la, en tout cas, de prime abord, en appellent à un investissement de la part du gouvernement. Vraiment, la question doit être débattue, à savoir à quel point le gouvernement est prêt aussi à aider financièrement l'industrie à se structurer. Ce sera un effort commun, là.

Mme Blackburn: Bien.

Le Président (M. Gauvin): M. Rousseau, je pense...

Mme Blackburn: Oui.

Le Président (M. Gauvin): Excusez-moi. M. Rousseau, vous voulez intervenir?

M. Rousseau: Oui. En fart, je voyais le ministre qui sourcillait, tout à l'heure, en regard de l'interprétation que nous faisions de l'article 19. 2 quant à l'entrepreneur autonome, où on disait - en tout cas, mon confrère pourra me corriger - que l'entrepreneur qui travaille avec ses outils sur un chantier de construction ne pourra travailler que s'il est accompagné d'un salarié; s'il n'a pas de salarié, il ne pourra pas travailler. Il ne semble pas tout à fait d'accord avec l'interprétation que l'on donne. Je voudrais juste le savoir parce que c'est ça, tout le fond de la question. Si vous nous dites que, demain matin, un entrepreneur autonome, même si, à l'occasion, il a quelques salariés mais qu'à un moment donné il n'en a pas, il va pouvoir continuer à travailler avec ses outils sur un chantier de construction sans en avoir, je n'ai pas de problème, je m'en vais tout de suite.

M. Cherry: Ne t'en va pas tout de suite, Orner! Mais un travailleur autonome qui engage des salariés, il n'est plus autonome, il devient un entrepreneur.

M. Rousseau: Oui. On est d'accord, mais la définition, ce n'est pas ce qu'elle dit.

Une voix: Dès qu'il y a un salarié?

M. Cherry: Là, je vais revenir à notre ami au bout de la table.

Une voix: O. K. Excusez-moi.

Le Président (M. Gauvin): Excusez-moi, je voudrais juste apporter une précision.

Une voix: Je suis content, j'ai fait sortir M. Cherry.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi, est-ce que vous aimeriez garder votre droit de parole ou y revenir?

Mme Blackburn: Si vous avez d'autres questions, on fera l'alternance.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre. M. Cherry: O.K.

Le Président (M. Gauvin): J'avais Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata qui voulait...

Allez-y, M. le ministre, et je reviendrai à madame.

M. Cherry: Comme tableau, votre coût pour arriver à 7000 $ additionnels, vous êtes partis du principe que tout ça serait fait uniquement par des gens travaillant seuls.

M. Bernier: Oui.

M. Cherry: Donc, ça, c'est hypothétique. C'est ça? Vous avez dit: On a demandé des factures et des prix.

M. Bernier: On me dit...

M. Cherry: Donc, on bâtit cette maison-là, hypothétiquement, rien qu'avec des gens seuls...

M. Bernier: Oui.

M. Cherry: ...selon l'analyse que vous recherchez pour la présentation à la commission parlementaire. Vous dites: Si on faisait ça comme ça, ça ferait augmenter le prix de la maison de 7226,86 $; vous êtes d'une précision extrême.

M. Bernier: Merci.

M. Cherry: Et, pour faire ça comme ça, si je reviens à votre tableau de la page 11, en 1991, il n'y a que 13 % des entrepreneurs qui ont dit: J'ai travaillé tout seul toute l'année.

M. Bernier: Voici l'explication.

M. Cherry: Pouvez-vous m'aider à concilier les deux, s'il vous plaît?

Le Président (M. Gauvin): M. Bernier. M. Bernier: Oui. Premièrement...

M. Cherry: «C'est-u» hypothétique ou pas? Parce que, quand tu arrives à 0,86 $, ça a l'air bien précis. «C'est-u» hypothétique ou bien...

M. Bernier: Le tableau 4 présente la situation de ce qu'on appelle un entrepreneur autonome, la colonne B; c'est une situation de ce qu'on retrouve sur le marché, d'individus qui travaillent seuls, occasionnellement ou entièrement, mais qui sont structurés de cette manière-là. Alors, des gens qui ont la possibilité d'aller sur le chantier, occasionnellement ou totalement, facturent selon la colonne B. Et ces gens-là, ce n'est pas les 13 % que vous mentionnez, c'est les 77 % qu'on retrouve dans la page... un petit peu plus haut, O.K.? Il y a 77 % des gens dans l'industrie qui sont obligés ou qui ont l'habitude d'aller oeuvrer seuls, occasionnellement au moins dans l'année, sur le chantier. Ce sont ces gens-là qui sont en mesure de nous offrir la colonne de coûts «Autonome» qu'on voit ici, B.

Comparativement, on a demandé... Ça, comme je vous le disais tout à l'heure, ce n'est pas difficile à trouver, ces factures-là; ce qui était difficile, c'était de leur poser la question, évidemment: En combien de temps as-tu réalisé ces travaux-là? et de constituer à partir de ça la colonne A.

M. Cherry: Même si on partait de 77 % et qu'on ajoutait l'autre 13 %, on passerait à 7226,86 $.

M. Bernier: C'est 64 % des entrepreneurs qui ont à travailler au moins occasionnellement dans l'année sur le chantier. C'est 13 % des individus qui opèrent totalement sur le chantier, mais seuls, au cours de l'année et c'est 23 % des gens...

M. Cherry: Oui.

M. Bernier: ...qui n'ont jamais à aller sur le chantier. Alors, si vous voulez, à toutes fins pratiques, de ce côté-là, c'est les 23 % qui ne se présentent jamais sur le chantier et qui n'iront pas; de l'autre côté, c'est les 77 % qui y vont, à l'occasion ou en permanence, seuls pour réaliser...

M. Cherry: Vos 64 % que vous venez d'invoquer, dans votre propre tableau, c'est «pourcentage, avec salariés, qui ont oeuvré seuls à l'occasion en 1991.»

M. Bernier: Les 64 %, oui.

M. Cherry: Mais ce tableau-là, ce serait fait complètement avec des gens seuls, de a à z?

M. Bernier: Ce que je vous dis, c'est que c'est fait selon les pratiques du marché. Dans le marché, on retrouve des gens qui soit oeuvrent seuls tout le temps, soit oeuvrent seuls occasionnellement et, eux, on a regardé comment ils facturaient pour une maison de 120 000 $.

M. Cherry: Donc, c'est à la job.

M. Bernier: À la job. Je n'ai pas dit que

tous les travaux ici ont été faits par un seul individu...

M. Cherry: Non, non.

M. Bernier: ...dans chacune des catégories, ce serait exagéré, l'approche.

M. Cherry: Donc, c'est hypothétique. M. Crochetière: Non.

M. Bernier: Non. Je pense que c'est la réalité.

M. Cherry: Laisse-le répondre. Ça va aider.

M. Crochetière: Ce n'est pas hypothétique, M. le ministre. Notre compréhension, c'est-à-dire que, lorsqu'un entrepreneur, même s'il a des salariés, est seul à exécuter des travaux sur un chantier... Et on ne doit pas être les seuls à l'interpréter comme ça puisque les autres intervenants ont prévu que vous puissiez apporter des adoucissements, notamment le 19 décembre, au cas où ces salariés seraient partis de ce chantier-là. Il y a 77 % des entrepreneurs de construction actuellement qui se retrouvent seuls sur des chantiers; 13 % de ces gens-là sont toujours seuls, 64 % sont parfois seuls, parfois seuls avec des salariés sur d'autres chantiers, parfois seuls sans salariés aux livres pendant ces périodes-là. Donc, les travaux sont faits, à partir du moment où on dit que les maisons ont été construites à la pièce, par une personne qui était seule sur un chantier pour exécuter des travaux.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Crochetière. Oui, allez, M. le ministre.

M. Cherry: Donc, comme c'est une pratique, c'est la façon de fonctionner depuis au moins les quatre ou cinq dernières années dans l'industrie de la construction, et que c'est toujours fait pour raffiner les prix qu'on peut charger aux consommateurs, puis même, apparemment, qu'il y aurait de la qualité en les faisant plus vite et tout ça, comment m'expliquez-vous l'évolution du prix des maisons durant la même période?

M. Crochetière: Écoutez, on a robotisé les autos et elles n'ont pas diminué de valeur non plus. Je pense que, de façon générale, tout augmente comme prix.

M. Cherry: Vous êtes devenu un expert, même dans les autos.

M. Crochetière: Non, non, je ne suis pas un expert en autos. Je regarde. Si vous me demandez une analyse spécifique de ce qui accroît le coût de la vie des gens, le taux d'inflation, c'est la seule chose que je peux vous répondre.

M. Rousseau: Dans le domaine de l'habitation, il y a probablement peut-être eu aussi toute la question des infrastructures, terrains, etc., quand on parie du prix d'une maison.

Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie C'était tout le temps qui était alloué. Est-ce que Mme la députée de Chicoutimi aurait des questions additionnelles?

Mme Blackburn: Non. Ça va. Pour moi, c'est complet. Je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): Bon. M le ministre, on passe à la période de conclusions, peut-être pour Une minute.

M. Cherry: Bien, rapidement, je veux juste rappeler - vous l'avez déjà entendu, ceux qui sont ici depuis hier, ceux qui se sont joints à nous depuis ce matin - que l'approche pour bien délimiter le champ d'activité de l'autonome, c'est l'entretien, la réparation, la rénovation, tel qu'au projet de loi devant nous, et que, s'il désire continuer à exercer ses compétences avec ses outils dans sa profession dans le neuf, il peut continuer à le faire comme salarié. On ne l'empêche pas de travailler. On lui dit que, s'il veut oeuvrer comme autonome, il peut le faire dans ce champ d'activité là et, s'il n'en a pas assez, bien, là, s'il veut aller dans le neuf, les règles du marché pour le neuf seraient de telle façon.

Évidemment, depuis hier, on parie des formes d'adoucissement, mais il est important de préciser... Et ça ne s'adresse pas particulièrement à votre organisme, mais il y a eu tellement de fausses interprétations véhiculées, ne serait-ce qu'être deux pour aller changer un fusible dans une résidence ou être deux pour changer, excusez l'expression, un «washer», tu sais, je veux dire. Ça n'a jamais été ça dans la loi de 1988 jusqu'à maintenant, mais ça a été véhiculé sur la place publique. Donc, j'en profite, à chaque intervenant, de rappeler que ce n'est pas ça. Ceux qui véhiculent ça informent mal, d'abord, leurs membres et, deuxièmement, très mal la population.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre.

M. Rousseau: Ce n'est pas notre cas. en tout cas. Mais êtes-vous d'accord, M. le ministre, avec fînterprétation qu'on donnait tout à l'heure sur la question de l'entrepreneur autonome?

M. Cherry: Laquelle?

M. Crochetière: S'il n'y a pas de salariés

avec lui quand il exécute des travaux dans le neuf, est-ce qu'il a le droit de le faire?

Le Président (M. Gauvin): Une minute. J'aimerais vous rappeler que la période d'échanges était considérée comme terminée. Mme la députée de Chicoutimi, pour des commentaires de conclusion.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, j'ai apprécié votre présence ici. Elle était, je pense, indispensable parce que, effectivement, ça nous a permis de mieux comprendre les problèmes que posaient à quelques entrepreneurs, parce que ce n'est pas la majorité qui a le statut d'entrepreneur autonome, les nouvelles dispositions de la loi 185.

En ce qui a trait à la question que vous avez posée au ministre: Est-ce qu'un entrepreneur autonome qui devient employeur pourra, lui, travailler seul sur un chantier? il me semble que la loi était claire. C'est son employé avec lui, j'imagine. Il faudra voir quelle interprétation pourra être donnée. Pour ma part, je pense que vous avez raison lorsque vous dites que, pour terminer des travaux, ça ne prend pas toujours deux ouvriers de la même spécialisation. J'imagine que, depuis qu'on fait des maisons au Québec, il a dû se trouver bien des situations où le peintre était seul dans la maison, où celui qui faisait le carrelage était seul dans la maison. Alors, il faudrait voir comment, jusqu'à ce jour, ça s'est pratiqué pour voir jusqu'à quel point ça affectera ce type de travailleurs. Je vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Gauvin): M. le président ou M. le vice-président, avez-vous, brièvement, des commentaires de conclusion?

M. Rousseau: Bien, enfin, le dernier commentaire que je ferais, c'est que, d'après la discussion qu'on a eue, la problématique, en tout cas pour nous, demeure entière, à savoir qu'on ne sait toujours pas exactement la portée de l'article du projet de loi. Donc, on reste avec l'impression que, tantôt, un entrepreneur autonome qui va avoir des salariés, il va être considéré comme un employeur, mais aussitôt qu'il n'aura pas de salariés sur un chantier de construction, il va être obligé de changer de statut. Ça va être difficile.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le président, M. Jacques, et M. Rousseau. Merci à vos collaborateurs aussi de nous avoir présenté votre mémoire. Nous allons suspendre une minute ou deux pour permettre à la Corporation des maîtres électriciens du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 47)

(Reprise à 15 h 55)

Le Président (M. Gauvin): Une minute d'attention, s'il vous plaît! J'invite les membres de la commission à reprendre leur fauteuil. Comme je l'avais mentionné, on avait invité la Corporation des maîtres électriciens du Québec à prendre place, ce qu'elle a fait. Elle est représentée par son président provincial, M. Jean-Guy Brown. J'inviterais M. Brown, avant de commencer sa présentation, à nous présenter ses collaborateurs. M. Brown.

Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ)

M. Brown (Jean-Guy): Merci, M. le Président. Je vais vous présenter, à mon extrême droite, M. Jean-Louis Auger, ex-président provincial; M. Roger Gosselin, ex-président provincial. À mon extrême gauche, M. Yvon Guilbault, directeur général de la Corporation; M. Richard Lavergne, ex-président provincial, et moi-même, Jean-Guy Brown.

Le Président (M. Gauvin): Oui, M. Brown. Vous avez 30 minutes pour présenter votre mémoire et une autre période de temps d'une heure, dont 30 minutes pour chacun des groupes parlementaires ici, s'ensuivra. Donc, à vous la parole, M. Brown.

M. Brown: Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés, Mme Blackburn, on va essayer de cadrer ça dans 30 minutes, mais ça peut arriver qu'on déborde légèrement. On a de la misère à être capables de tout lire ce qu'on a.

Depuis le début des discussions qui entourent la présentation du projet de loi 185, il y a une constante qui ne manque pas de surprendre et qui est systématiquement entretenue par plusieurs intervenants: le travail au noir et l'entrepreneur autonome sont irrémédiablement associes, à un point tel que tout interlocuteur non initié serait enclin à conclure, sans autre forme d'analyse, que la disparition de l'entrepreneur autonome est la condition essentielle pour enrayer le travail au noir. Tous sont d'accord: le phénomène du travail au noir existe et c'est un cancer qui ronge impitoyablement l'industrie de la construction. La définition donnée du travail au noir varie d'un intervenant à l'autre, rnajs, pour plusieurs, il y a une équation entre |e travail au noir et l'entrepreneur autonome.

Selon ces porte-parole, l'adoption du projet de loi 185 marquerait le début d'un temps nouveau et la progression du travail au noir en prendrait un bon coup. Le nouveau démarquage du champ de juridiction de l'entrepreneur autonome et l'ajout de nouvelles contraintes relatives au droit de l'entrepreneur autonome de travailler lui-même sur les chantiers devraient mener à l'élimination progressive du travail au

noir. Dorénavant, pourrait-on dire, il n'y aura plus de dépanneurs, seuls les Steinberg, tes Provigo, les Métro et autres de même taille auront le droit de survivre.

Comment les parties chargées de négocier le Décret ont-elles pu en arriver là? Risquons une explication pour le bénéfice des membres de la commission parlementaire. La Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction accorde à l'Association des entrepreneurs en construction du Québec et à une majorité d'associations syndicales le droit de négocier les conditions de travail qui régissent l'industrie de la construction. Ainsi, les négociations entre les deux parties patronale et syndicale conduisent, le plus souvent avec l'intervention du ministre du Travail, à la publication du Décret de la construction auquel sont assujettis les employeurs et les salariés de l'industrie de la construction. Pour les uns et pour les autres, la situation est claire et précise: la loi a été faite pour régir les employeurs et les salariés.

Dans ce contexte, où se situe l'entrepreneur autonome? Nulle part. L'entrepreneur autonome n'est ni un employeur ni un salarié. Autrement dit, une conclusion s'impose pour les deux géants négociateurs reconnus par la loi sur les relations du travail: il faut rendre l'entrepreneur autonome semblable à tous les autres. La partie syndicale voudrait en faire un vrai salarié, membre en bonne et due forme d'un syndicat, et l'AECQ l'accepterait volontiers comme membre s'il choisit de devenir employeur, c'est-à-dire d'embaucher des salariés comme le font ses vrais membres. Étant donné que, selon les uns, il vole le travail des vrais travailleurs de la construction et que, selon les autres, il fait une concurrence déloyale aux vrais employeurs, il ne reste qu'à accuser l'entrepreneur autonome de l'injure suprême qui ne pardonne pas: il est le responsable du travail au noir dans l'industrie de la construction. Je vais demander à Richard de poursuivre.

M. Lavergne (Richard): Étant donné que la notion même du travail au noir répond presque à autant de définitions qu'il y a d'intervenants, la Corporation a choisi de s'en remettre à la commission Picard-Sexton pour définir ce qu'est vraiment le travail au noir. «Travaille au noir dans l'industrie de la construction au Québec, celui ou celle qui y oeuvre sans détenir de carte, certificat ou permis, ou qui travaille là où il ne doit pas travailler, ou qui ne déclare pas les revenus qui découlent de ces travaux au fisc. »

Il faut noter que la définition déborde largement le cadre de l'entrepreneur autonome. Picard-Sexton précise la forme que peut prendre le travail au noir, et je cite: «... non déclaration d'heures, de revenus et de travaux, banque d'heures, heures supplémentaires accumulées et payées au taux régulier, engagement de travailleurs sans carte, taux de salaire réduit, etc. » En plus de circonscrire l'impact économique du travail au noir, Picard-Sexton confirme que le fléau du travail au noir est généralisé et qu'il n'est pas confiné, en tout ou en partie, ni même majoritairement, aux activités de l'entrepreneur autonome, contrairement à ce que certains prétendent ou laissent entendre. Le ministre du Travail doit en prendre bonne note.

Poussons l'analyse un peu plus loin pour clarifier davantage. Selon Picard-Sexton, quelque 150 000 000 d'heures auraient été effectuées dans l'industrie de la construction en 1988: tout près de 112 000 000 d'heures déclarées et 38 136 000 heures non déclarées. Les entrepreneurs autonomes auraient effectué légalement 14 456 800 heures sur les 38 136 829 heures non déclarées, ce qui représente un peu moins de 10 % de toutes les heures présumées travaillées dans l'industrie de la construction. Voilà la place qu'occupe l'entrepreneur autonome.

Qui est l'entrepreneur autonome, le vrai entrepreneur autonome? Il travaille seul avec ses outils, sans l'aide de salariés, il effectue des travaux d'entretien, de réparation, de rénovation et de construction, et recrute sa clientèle surtout dans le secteur résidentiel. Il est entrepreneur autonome par choix ou par nécessité et, de toute façon, gagne sa vie et a toujours gagné sa vie dans l'industrie de la construction.

Avant d'être entrepreneur autonome, il a été salarié, apprenti et aussi compagnon. À ce titre, il a été syndiqué et membre de l'une ou l'autre des associations syndicales qui ne se gênent pas, aujourd'hui, pour demander sa disparition ou l'effritement de son champ de travail. Il possède donc son certificat de qualification au même titre qu'un salarié de la construction. Il est aussi vrai que le vrai salarié de la construction, le membre de l'une ou l'autre des associations syndicales. Il est tout aussi légal, tout aussi compétent, tout aussi reconnu par la société.

Il est détenteur d'une licence émise par la Régie des entreprises de construction du Québec, est membre de la Corporation des maîtres électriciens du Québec, dont il devait réussir les examens, et a pris une assurance-responsabilité et des assurances personnelles. Son expérience est dûment enregistrée ou incorporée selon les lois en vigueur au Québec. Il paie ses impôts et les taxes d'affaires réclamées par la ville où la municipalité où il a sa place d'affaires. Annuellement, il doit prouver sa solvabilité à la Régie des entreprises de construction du Québec sous peine de perdre sa licence d'entrepreneur. Son seul malheur est de ne pas être un vrai employeur, ce qui ne l'avantage pas aux yeux de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec.

Si les affaires vont bien, il embauchera un salarié, deux, trois ou d'autres encore si les contrats obtenus l'exigent. Beaucoup d'employeurs, bien connus aujourd'hui, ont débuté de cette façon. Plusieurs petits employeurs - 85 %

des employeurs - ont de un à cinq salariés. Ils terminent d'ailleurs leur carrière comme ils l'ont commencée, c'est-à-dire en devenant entrepreneurs autonomes. Le fait qu'un employeur ait la possibilité de devenir entrepreneur autonome en cas de coup dur ou de mise à pied de ses salariés protège l'entreprise et lui permet de survivre en attendant des jours meilleurs. Récession oblige.

Contrairement à ce que certains intervenants véhiculent, l'entrepreneur autonome ne vole pas les 15 000 000 d'heures travaillées chaque année. Certains voudraient simplement que ces heures soient effectuées dans le giron patronal ou syndical. Oui, il y aurait plus de travail pour les salariés, mais il y aurait aussi plus de salariés. Oui, il y aurait plus de travail pour les employeurs, mais il y aurait plus d'employeurs. C'est une situation utopique!

Finalement, si on reproche à l'entrepreneur autonome de travailler lui-même sur des chantiers, c'est parce que ni la partie syndicale, ni la partie patronale n'a de contrôle sur lui. Les leaders syndicaux d'opinion le traitent volontiers de «chaudron» pour bien qualifier sa petitesse. L'entrepreneur autonome n'est pas le bienvenu dans le système. Je passerai la parole à Roger; excusez-moi.

Le Président (M. Gauvin): M. Gosselin.

M. Gosselin (Roger): Qui effectue les 25 000 000 d'heures de travail au noir estimées par Picard-Sexton? Le bricoleur à double emploi sans carte de compétence. Qui n'a pas connu un homme habile de ses mains, travailleur ou profitant de beaucoup de temps libre - professeur, pompier - sans carte officielle de compétence et capable de réaliser des travaux de construction, petits et grands, à bon prix? Ce bricoleur, qui ajuste son prix noir à un taux inférieur à celui du Décret - son prix s'adapte clandestinement s'il y a augmentation du taux du Décret - fait la joie du consommateur trop heureux de payer un travail pas de taxes, à un prix moindre que le marché officiel. Le bricoleur fait le désespoir des petits employeurs et des entrepreneurs autonomes qui occupent le même marché et qui se plaignent de cette compétition injuste et illégale.

Le salarié de la construction en chômage. Tout comme le bricoleur, plusieurs salariés de la construction en chômage accomplissent des travaux dans leur spécialité, au noir évidemment, sans taxes ni impôts. Le salarié en chômage qui travaille au noir fait mal à son industrie. Il manoeuvre dans le champ d'action des petits employeurs et des entrepreneurs autonomes qui sont soumis à une réglementation contraignante et qui doivent assumer un montant appréciable de frais fixes avant même de penser à un profit raisonnable.

Le salarié de la construction, à l'insu de son employeur, en dehors des heures normales de travail. On le voit et on le sait, le travail au noir prend diverses formes. Certains salariés de la construction, à l'emploi d'entreprises de construction, poussent l'audace jusqu'à travailler au noir le soir et les fins de semaine. Certains patrons les soupçonnent d'utiliser quelquefois les outils de l'entreprise, ce qui est ajouter l'insulte à l'injure. La partie syndicale blâme les entrepreneurs de ne pas prendre les moyens concrets pour enrayer cette hémorragie d'heures de travail perdues et les entrepreneurs estiment que la partie syndicale surprotège les salariés - ses membres - refusant ainsi de regarder la situation en face: la capacité de payer du client doit devenir un élément important de la solution au problème du travail au noir.

Les employeurs et les salariés, selon des scénarios divers et ingénieux. Vous aurez compris qu'à ce niveau de compétitivité l'entrepreneur autonome et son champ d'action bien limité par sa capacité physique est loin derrière et compte pour bien peu. Le travail au noir est plus raffiné. Les enjeux sont plus grands. En pleine récession économique, les appels d'offres étant plus parsemés, des entrepreneurs, pour maintenir à flot leur entreprise et des salariés, pour conserver leur emploi et profiter d'un meilleur revenu net, ont érigé en système une série de trucs pour contourner la voie légale et se placer en meilleure position en vue de l'obtention de contrats, gage de la survie des entreprises et de la sécurité des emplois.

Voici certaines pratiques courantes dans le milieu, souvent décriées, mais que personne ne sait comment contrôler. Le problème dépasse largement, vous en conviendrez, le cadre des relations du travail. C'est ce qu'on peut appeler un problème à dimension socio-économique. Comme exemple, la pose de tapis est payée à la verge. Elle est, par la suite, convertie en heures de travail pour les fins de la CCQ, s'il y a lieu. L'installation électrique d'un immeuble de 12 logements. En accord avec les salariés, l'entrepreneur déclarera officiellement 280 heures, peu importe le temps de travail réellement requis. Situation indétectable par la CCQ.

Autre cas relié à la productivité: par exemple, l'installation électrique d'une cinquantaine de bungalows. Deux électriciens par équipe sont payés 26 ou 28 heures par bungalow, peu importe le temps réellement requis. Les 28 heures sont officiellement déclarées à la CCQ. Situation indétectable par cette dernière.

Une des frustrations d'un entrepreneur: ne faire que l'installation de l'entrée électrique d'une résidence, d'un commerce ou d'une industrie, le reste de l'installation, le filage, la finition, étant effectué au noir par de tierces personnes.

Le problème des banques d'heures. Populaire et répandu, il prend diverses formes, en accord avec les salariés. La forme sophistiquée: pour ne

pas perdre un bon salarié, lui donner sa cessation d'emploi avant les vacances de la construction pour ainsi couvrir les deux semaines d'attente exigées par l'assurance-chômage. Les heures supplémentaires sont régulièrement payées à temps simple; ces heures sont souvent incluses dans la banque d'heures. Peu de clients acceptent de payer du temps double.

Certains employeurs utilisent les services d'un employé pour un travail autre que celui pour lequel il est payé. Exemple: un commis payé 10 $ l'heure aide un électricien à tirer du fil. Il est de pratique courante pour les entrepreneurs généraux de confier à la job le travail des métiers dits généraux. Exemple: tarif au pied carré, à la verge carrée, au panneau de gypse. Il est courant que l'entrepreneur général embauche plusieurs menuisiers, tous détenteurs d'une licence d'entrepreneur général. Le contrat est donné à prix forfaitaire; aucune heure n'est déclarée à la CCQ. Un cas typique de fusion ou de regroupement d'entrepreneurs autonomes.

L'entrepreneur paie son salarié 32 heures pour une semaine de 40 heures effectivement travaillées. 32 heures sont déclarées à la CCQ; 8 heures vont soit à la banque d'heures pour des besoins futurs ou sont payées au noir par l'entrepreneur pour disposer de l'argent noir reçu de clients qui préféraient payer cash. Dans certains cas, le salarié accuse une perte de 8 heures de travail pour sauver son emploi et aider son employeur à survivre.

Il arrive que l'entrepreneur ne respecte pas le ratio apprenti-compagnon établi pour son métier. En employant plus d'apprentis sur un chantier que les règlements le lui permettent, il peut ainsi diminuer sa masse salariale - l'apprenti reçoit un taux de salaire moindre que celui du compagnon - et se rendre plus compétitif. C'est une forme subtile de travail au noir.

On peut facilement présumer que la majeure partie des 25 000 000 d'heures de travail au noir estimées par Picard-Sexton est effectuée dans cette catégorie, particulièrement à cause de l'ampleur du marché qu'elle représente. Je demanderais à M. Guilbault de continuer.

M. Guilbault (Y von): Les entrepreneurs autonomes. Les entrepreneurs autonomes qui, on l'a vu, sont les mal aimés de l'industrie ne sont pas exempts de tout péché. Il est facile d'admettre que la capacité de travail d'un homme seul est, somme toute, assez limitée. Tant que l'entrepreneur autonome travaille seul à l'intérieur de ses limites, il produit un travail légal. Mais il provoque la colère et l'indignation quand il embauche illégalement quelqu'un pour l'aider à commencer, effectuer ou finir un travail, sans se déclarer employeur ni faire de rapport à la CCQ.

L'entrepreneur autonome travaille au noir à sa façon quand il s'associe à d'autres entrepreneurs autonomes du même métier pour effectuer un travail de construction. L'astuce fonctionne avec la complicité de l'entrepreneur général ou du donneur d'ordres qui s'assure que les entrepreneurs autonomes sont couverts par la CSST ou des assurances personnelles. Aucune heure n'est déclarée à la CCQ. C'est l'une des formes les plus vicieuses du travail au noir. La compétition avec les employeurs est directe et particulièrement présente dans les métiers généraux.

C'est encore l'entrepreneur autonome qui, à cause de sa capacité limitée de travail, est le plus souvent en contact direct avec le consommateur ou le particulier. À ce niveau d'affaires, il n'est pas rare d'entendre du consommateur: Combien? Et si je paie cash? Ou encore, de l'entrepreneur: 20 $ en argent comptant ou 35 $ avec facture. Le pire est à venir. La taxe de vente du Québec sera bientôt en vigueur, cette déjà fameuse taxe dont l'application est prévue pour le 1er juillet 1992 et qui touchera les services, y compris la main-d'oeuvre, serait un facteur d'encouragement au travail au noir.

La construction dans les industries et les institutions. Plusieurs industries, écoles, hôpitaux, municipalités ou autres institutions ne se gênent pas pour effectuer, à leurs propres fins, des travaux de construction avec leurs propres employés. Pour ce faire, ils obtiennent une licence de la Régie des entreprises de construction du Québec et travaillent en toute légalité. Cette pratique prend de l'ampleur et vient donc réduire le champ de juridiction des entrepreneurs. Pour ces derniers, c'est une forme de travail au noir particulièrement douloureuse.

On s'interroge très peu sur la capacité de payer de la clientèle. Celle de la construction n'est pas homogène. Elle présente des visages multiples et les entrepreneurs ne font pas tous affaire avec le même type de clients. Leur capacité de payer est différente, même si les taux de salaire fixés par le Décret de la construction ne tiennent pas compte de ce facteur. Ultimement, l'offre - celle des entrepreneurs - s'ajustera à la demande - au client -même à rencontre des normes fixées par le Décret, n'en déplaise aux négociateurs patronaux et syndicaux. (16 h 15)

Les catégories de clients, maintenant. Le consommateur ou le particulier. Il s'agit, somme toute, d'un individu propriétaire, locataire ou propriétaire en devenir. Ses revenus proviennent principalement de son emploi. Il n'est pas toujours évident qu'il est prêt à payer les 35 $, 40 $ ou 45 $ l'heure que l'entrepreneur lui demande pour les services d'un salarié de la construction, surtout quand il gagne lui-même 10 $ l'heure. Le consommateur ne profite d'aucune déduction fiscale s'il paie la facture réglementaire et recherche énergiquement le meilleur prix, légal ou non. La situation est pire depuis la mise en vigueur de la TPS - parce que le consommateur ne profite pas, lui, du système des intrants - et ne devrait pas s'améliorer le 1er

juillet 1992 si le gouvernement persiste à vouloir appliquer aux services la taxe de vente du Québec.

Les petits commerçants et les petites industries. Les commerces, de type dépanneur, et les petites industries qui font partie du groupe de la petite et la moyenne entreprise comptent leurs sous, particulièrement en période de récession. Ils négocient durement, mais, étant donné qu'ils profitent d'une déduction fiscale pour leurs dépenses de construction, ils sont plus souples pour accepter les réalités du Décret de la construction. Mais, là encore, le marché s'ajuste aux nouvelles tendances et le noir est à la mode; pour les entrepreneurs, c'est plutôt le rouge. Cependant, plusieurs commerçants et petits industriels vendent une partie de leurs produits au noir. En conséquence, ils tentent, la plupart du temps avec succès, de refiler leur argent noir aux entrepreneurs en construction en leur demandant d'effectuer leurs travaux de construction sans facture à meilleur prix que le taux réglementaire.

Il y a aussi les industries et les grandes corporations, comme types de clients. Dans cette catégorie, les clients recherchent surtout la fiabilité et l'excellence du service. Le taux horaire demandé par l'entrepreneur est important, mais il ne serait pas exagéré de dire que la compétence est primordiale. C'est un marché cible pour les entreprises bien structurées, bien organisées, bien outillées et bien pourvues en inventaire et en matériel.

Il y a aussi le marché des appels d'offres. C'est la jungle, et le grand défi d'être le plus bas soumissionnaire à l'ouverture des soumissions se présente. Les normes du Décret s'appliquent, mais, au dire des entrepreneurs, le marché est pourri. Les marges bénéficiaires n'ont jamais été aussi minces. La productivité, à ce niveau, est un élément majeur. Si le temps réel de travail est supérieur au temps estimé au moment de la soumission, l'entreprise est en sérieuse difficulté. Le moindre événement imprévu - un conflit de travail, par exemple - peut faire basculer les prévisions de l'entreprise.

Cette brève description des différents types de clients démontre bien que le travail au noir prend de nombreux visages et que, dans la vie quotidienne, celui qui demande l'abolition du travail au noir devrait avoir l'obligation de préciser sa pensée pour déterminer quelle en est la définition. Et cette démonstration devrait vous convaincre que l'entrepreneur autonome est loin d'être le symbole du travail au noir. Le problème est beaucoup plus complexe.

Si l'on consulte la carte de taux horaire recommandé par la CMEQ, on constate qu'il en coûte 31, 53 $ à l'entrepreneur électricien bon citoyen pour défrayer les coûts fixes d'une heure de travail d'un salarié. L'entrepreneur électricien doit ajouter à ce montant des dépenses d'opération telles que le camion, l'équipement et l'outillage avant de couvrir ses frais administratifs et de prendre un profit. Compte tenu de tous ces facteurs, le taux horaire recommandé par la CMEQ à l'égard de la facturation d'un entrepreneur électricien à sa clientèle est de 49, 30 $ l'heure.

Vu sous l'angle de la capacité de payer des clients, tels qu'énumérés ci-dessus, et à la lumière de l'analyse des frais fixes payés par l'entrepreneur pour une heure de travail, il y a lieu de se demander si le travail au noir n'est pas devenu un outil, discutable peut-être, mais un outil, qui rétablit l'équilibre entre l'offre et la demande. Jean-Louis Auger.

M. Auger (Jean-Louis): La CMEQ a voulu démontrer que, si, à l'heure actuelle, le travail au noir est un véritable fléau dans l'industrie de la construction, l'entrepreneur autonome, que certains voudraient bien identifier comme le symbole du travail au noir, n'a pas, à cet égard, une responsabilité plus grande que les autres. Tout comme c'est le cas pour le salarié et l'employeur, reconnaissons d'abord le statut de l'entrepreneur autonome et son utilité dans l'économie québécoise - ce sont des employeurs en puissance - et maintenons-lui la pleine intégrité de sa juridiction au travail. Qui oserait limiter le champ d'action d'un salarié? Insulte et sacrilège, dirait-on. L'entrepreneur autonome doit jouir de la même considération dans la recherche d'une solution au travail au noir.

Or, les entrepreneurs autonomes ne prennent la place de personne. L'entrepreneur autonome rend un réel service à la population: il a pignon sur rue, la confiance du public et permet, dans certaines situations, que l'offre corresponde à la demande. Il est impossible d'envisager la disparition de l'entrepreneur autonome ou la restriction de son champ de travail, particulièrement dans les régions à faible densité de population. Dans bien des cas, au coeur de ces régions, le travail n'est même pas suffisant pour un entrepreneur seul travaillant avec ses outils, sans l'aide de salariés. Comment, alors, envisager le fait qu'un entrepreneur embauche un salarié quand, pour lui-même, le travail est insuffisant? De plus, bien souvent, les grosses entreprises n'ont pas le temps, la structure ou même les tarifs pour répondre aux besoins d'une certaine catégorie de clients relativement au genre de travail généralement effectué par les entrepreneurs autonomes.

Loin de régler le problème, la disparition à plus ou moins long terme de l'entrepreneur autonome générerait du travail au noir puisque, de toute façon - et soyez-en certains - les entrepreneurs autonomes lésés, incapables, à cause du marché, de devenir entrepreneurs-employeurs ou peu enclins à devenir salariés, par goût ou en raison du chômage, gagneraient quand même leur vie au détriment des règles établies. On ne met pas de côté impunément

10 000 entrepreneurs. Il est utopique de penser que les salariés et les employeurs actuels n'en subiraient pas un ressac économique.

L'entrepreneur autonome a un rôle à jouer dans l'industrie de la construction. Il est l'un des maillons de la chaîne: apprenti, compagnon, entrepreneur autonome, employeur. La CMEQ revendique le maintien du statut de l'entrepreneur autonome. Cependant, le projet de loi 185 ne tient pas compte de la situation de l'employeur qui, par manque de contrats ou à cause de maladie, de la récession ou en raison de l'âge, met à pied ses salariés. Cet employeur, devenu entrepreneur autonome, continuera de gagner sa vie en travaillant seul, sans l'aide de salariés, en attendant des jours meilleurs. La situation économique est malheureusement hors du contrôle de l'employeur qui risque à tout moment de devenir entrepreneur autonome.

Même si cela peut paraître évident, il est utile de le préciser: une entreprise de construction doit débuter à un point donné dans le temps. Selon notre expérience, 90 % des demandes de licence d'entrepreneur électricien proviennent de salariés qui débuteront seuls en affaires sans l'aide de salariés: le prototype de l'entrepreneur autonome. À bien y penser, tous les salariés qui ont l'intention de devenir un jour entrepreneurs devraient contester le contenu du projet de loi 185 parce que, dans son libellé actuel, il est une contrainte à l'ambition bien légitime de partir à son compte. M. Brown.

M. Brown: Les propositions de la CMEQ... Deux minutes? La CMEQ propose le maintien du statut de l'entrepreneur autonome. Il vaut mieux reconnaître l'entrepreneur autonome sans contrainte quant à sa juridiction de travail et contrôler ses activités qui sont, somme toute, limitées à la capacité physique de l'individu. Les activités des employeurs ne sont-elles pas contrôlées par le biais de la CCQ? Par conséquent, la CMEQ propose que l'entrepreneur autonome soit soumis à des obligations beaucoup plus strictes qu'à l'heure actuelle.

Dans le même ordre d'idées, la CMEQ propose que les fusions, les regroupements ou liens de toutes sortes entre entrepreneurs autonomes de même métier, sur un même chantier de construction, soient interdits. Là, je vais vous lire juste ce que l'on recommande puisque je n'ai plus grand temps.

Le Président (M. Gauvin): Non. Bien, écoutez, avec le consentement des membres de la commission...

M. Cherry: Allez-y. M. Brown: O.K. Merci.

Le Président (M. Gauvin): ...je pense que vous pouvez continuer.

M. Brown: Actuellement, l'entrepreneur autonome est particulièrement avantagé. Il est anonyme, non inscrit à la CCQ et peut se transformer en employeur sans en respecter les obligations. Tous les entrepreneurs devraient donc être traités équitaWement. Donc, l'entrepreneur autonome devrait être dans l'obligation de s'inscrire à la CCQ, même s'P n'a aucun salarié à son emploi, et tenu de soumettre un rapport mensuel. Il serait alors fiché et connu. De plus, si le besoin s'en fait sentir, les procédures administratives seront réduites au moment de l'embauche d'un salarié. Et l'on dit: II ne faut pas limiter le champ d'activité de l'entrepreneur autonome. Il faut s'assurer qu'il travaille vraiment seul, sans salariés, et ce, pour tous les travaux qu'il entreprend. La CMEQ propose donc que l'entrepreneur général, sur un chantier donné, fournisse à la CCQ la liste de tous les sous-traitants et de leurs salariés, et qu'il précise l'envergure du contrat.

L'entrepreneur autonome doit démontrer son sérieux et sa volonté d'établir une entreprise solide financièrement. La CMEQ propose que l'entrepreneur, lors du dépôt d'une demande de licence d'entrepreneur, fasse une mise de fonds de 15 000 $ au lieu des 10 000 $ actuellement exigés. À cause de son statut, l'entrepreneur autonome travaille régulièrement en relation directe avec le consommateur. En raison de sa structure organisationnelle plutôt primaire et du fait que le consommateur est le dernier jalon de la chaîne de la taxe sur les produits et services et bientôt, malheureusement, de la taxe de vente du Québec - le consommateur ne profite pas du système des intrants - l'entrepreneur autonome est soumis à de fortes pressions pour être payé au noir. Les lois du marché sont ainsi faussées.

La CMEQ propose que le gouvernement, dans la foulée des recommandations du comité Poulin, annonce un train de mesures fiscales favorisant la déduction des revenus du consommateur de toutes dépenses de rénovation, de construction, d'entretien et de réparation, à la condition qu'un entrepreneur en construction dûment licencié soit chargé des travaux.

D'autre part, compte tenu de l'érosion du champ d'activité de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction du Québec, il est primordial que les entreprises de construction récupèrent certains travaux de construction. La CMEQ propose qu'une licence d'entrepreneur en construction ne soit accordée qu'à une entreprise dont l'exécution de travaux de construction est l'activité principale. Cette mesure vise particulièrement les municipalités, les hôpitaux, les villes, les commissions scolaires et le géant qu'est Hydro-Québec.

Actuellement, trois dirigeants d'entreprise peuvent être dispensés d'être inclus dans le rapport mensuel soumis à la CCQ relativement aux heures travaillées sur un chantier. Le projet de loi 185 limite ce nombre à un représentant

désigné. Si cette mesure favorise une meilleure compétitivité, la CMEQ ne s'y oppose pas. Par contre, il est inadmissible que les dirigeants d'entreprise, contraints dorénavant de soumettre mensuellement à la CCQ les heures de travail qu'ils ont effectuées sur un chantier, se voient forcés d'être membres d'un syndicat tout en étant en même temps propriétaires de l'entreprise.

La CMEQ propose qu'un seul dirigeant par entreprise soit exclu du rapport mensuel de la CCQ pour les heures travaillées sur un chantier de construction. Les autres dirigeants, selon les normes actuellement en vigueur, doivent déclarer les heures travaillées sur un chantier dans le rapport mensuel soumis à la CCQ, sans pour autant être dans l'obligation d'être membres d'un syndicat et de payer certains avantages sociaux tels que les vacances, les assurances et les fonds de pension dont les frais sont assumés directement par l'entreprise.

En conclusion, M. le Président, le travail au noir est un problème de taille. La CMEQ a tenté de brosser un tableau de cette gangrène qui mine l'industrie. Le travail au noir dont peut se rendre complice l'entrepreneur autonome n'est que la pointe de l'iceberg. La CMEQ propose des mesures pour l'encadrer davantage, tout comme le sont les salariés et les employeurs. Mais, de grâce, cessons d'envisager la solution du travail au noir uniquement sous l'angle des relations du travail et du rapport de force qui en découle.

Le travail au noir est une conséquence directe du déséquilibre entre l'offre et la demande. Le marché s'ajuste par le tripotage des heures effectivement travaillées, la recherche d'une meilleure productivité et par l'introduction de nombreux stratagèmes apparentés à la définition du travail au noir telle que retenue par Picard-Sexton. Le travail au noir a une dimension économique. Toute solution valable devrait tenir compte de la capacité de payer de la clientèle qui, on l'a vu, est particulièrement hétérogène. Il devrait être envisagé que les ministères gouvernementaux à vocation économique participent aux discussions relatives à la recherche de solutions au problème du travail au noir. Toutes les parties devront nécessairement y participer dans un climat de concertation. Le bon sens doit primer sur le pouvoir.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Brown. M. le ministre. (16 h 30)

M. Cherry: Merci, M. le Président. Quelqu'un disait ce matin - et j'ignore si vous étiez présent - qu'entre décembre et maintenant, même s'il y a eu à peine 60 jours, quand on écoute sur le sujet de l'autonome et du noir, on a l'impression qu'il s'est passé une éternité.

Mes premiers commentaires, c'est pour vous dire que, lors de nos premières rencontres, vous m'aviez dit, pour décembre: M. le ministre, vous nous bousculez un peu dans le temps. Si on avait eu plus de temps, on aurait pu mieux répondre, vous proposer des solutions. Dans un premier temps, je dois dire que vous avez tenu parole là-dessus et je pense qu'il est important de le souligner. Vous n'avez pas besoin de moi pour vous le dire; la manchette de La Presse de ce matin l'a reconnu. Je pense que ça prenait du courage à un organisme patronal, corporatiste comme le vôtre, pour venir en commission parlementaire et exposer des façons de procéder. L'objectif premier, je pense, par rapport aux raisons des travaux de la commission, c'est que vous voulez nous faire la démonstration que l'entrepreneur autonome n'est pas le seul responsable. Donc, vous voulez briser le lien que ça égale travail au noir et que, si on règle ça, on règle tout le travail au noir. Ce n'est pas ça. Mais, en même temps, je pense que vous avez le courage d'expliquer des façons de fonctionner et vous en explicitez un grand nombre. Moi, dans un premier temps, je pense que c'est courageux d'avoir fait ce que vous avez fait.

Et, parce qu'il a fallu que vous en fassiez une lecture rapide, chaque fois que vous citiez des façons de fonctionner, vous terminiez toujours votre paragraphe en disant: Pourquoi le fait-on? Parce que les autres le font. Chaque fois, vous reveniez avec ça. Donc, ce que vous nous dites, c'est que c'est devenu la façon de fonctionner dans l'industrie. C'est ça, la démonstration. Vous dites: On aimerait ne pas le faire, mais on n'a pas le choix, il faut le faire. On entend des travailleurs, qui sont des employés de vos membres, à qui on propose des formules semblables: Tu vas être en chômage, puis je vais te faire travailler et te payer en dessous de la table. On se fait expliquer: Si on n'accepte pas ces conditions-là de notre employeur, on ne travaillera pas. Vous autres, les entrepreneurs, on vous entend nous dire: Si je veux garder un lien avec mes employés habituels, si je veux être certain que, lorsque mes chantiers repartiront au printemps, je vais pouvoir compter sur mes hommes clés, mes habituels, les gens, il faut que je les traite comme ça. Donc, j'ai l'impression qu'il y a du monde qui dit vrai des deux côtés. Mais le résultat de ça fait - et c'est ce que vous décrivez là-dedans - que c'est devenu la façon de fonctionner dans cette industrie-là. C'est ce que titrait le journal La Presse ce matin: La fraude est érigée en système.

Dans le fond, les trois jours qu'on a - et c'est le deuxième aujourd'hui - nous indiquent que si, comme collectivité, on n'est pas capable de faire le point d'arrêt là-dessus et de se regarder fonctionner, on reviendra dans quelques années encore se reparler d'une détérioration. En 1974-1975, la commission Cliche parlait du travail au noir - bon, ça s'appelait l'artisan et tout ça - comme d'un problème dans l'industrie.

La commission Picard-Sexton en parle comme d'un fléau, puis vous autres, un des termes que vous utilisez, c'est la «gangrène» qui est dans le système. C'est ça? Donc, moi, je trouve que, un, vous avez tenu parole, vous proposez des choses et vous avez le courage de faire la liste des façons de fonctionner.

Là, je reviens au but premier de la commission parlementaire qui est l'autonome. Certains ont proposé qu'un entrepreneur qui, durant une bonne partie de l'année - dont les livres pourraient être vérifiés - en a eu, des employés, à un moment donné dans son année, mais qui, à cause d'une période creuse, à cause qu'il a soumissionné et qu'il attend pour savoir s'il va les avoir, les jobs, ou pas - au moment où il a des appels et où il doit, lui, gagner sa vie comme individu, lui, on pourrait l'identifier comme n'étant pas un autonome dans le sens d'autonome. Ce qu'on veut donner comme sens à l'autonome, c'est celui qui dit: Moi, je travaille seul, je ne veux travailler pour personne. Je veux que personne ne travaille pour moi, ni maintenant, ni plus tard, ni jamais. Moi, j'ai choisi d'être tout seul.

Par contre, quand on vous écoute, vous dites: La plupart de nos entrepreneurs ont d'abord débuté seuls, ont eu des employés. Périodiquement, ils se retrouvent seuls, réembauchent des employés et très souvent finissent leur carrière seuls. C'est ce que vous dites. Donc, sur cette description-là d'ouverture, que les heures enregistrées pourraient être permises pour finir des travaux - d'autres veulent la qualifier autrement - j'aimerais vous entendre, s'il vous plaît.

Le Président (M. Gauvin): M. Brown.

M. Brown: O.K., M. le ministre. De cette façon-là, les entrepreneurs autonomes, d'après votre projet de loi, seraient confinés à certains travaux; avec ce que vous me proposez là, voici ce qui pourrait arriver. C'est que les entrepreneurs autonomes, à ce moment-là, vont tous se déclarer comme employeurs et ils vont s'organiser pour, même sans faire travailler un salarié, enregistrer un salarié, tout simplement, à la CCQ, même s'il est payé pour 40 heures dans les livres; on lui donne son chèque, bonjour la visite. À ce moment-là, ces personnes-là vont être considérées comme des employeurs et vont pouvoir travailler dans tous les champs d'activité de l'industrie de la construction. C'est ce que vous me proposez.

Nous, ce qu'on dit, c'est: Laissez les entrepreneurs autonomes et qu'ils travaillent aussi dans tous les champs d'activité sans être obligés de biaiser le système en déclarant simplement quelques heures au niveau de la CCQ. Parce que, là, à quel moment va-t-on arrêter ça, les personnes qui travaillent sur les chantiers de construction, avec salariés ou pas? À ce moment- là, on va dire: Maintenant, tu n'as plus de salariés, dû à la récession. Ça va durer combien de temps, ça? 6 mois, 2 mois, 20 mois? On n'a aucune idée là-dessus.

Alors, à ce moment-là, on dit tout simplement: Laissez l'entrepreneur autonome travailler librement sur les chantiers de construction, en autant qu'il travaille seul et dans toutes les sphères d'activité. Mais qu'il travaille seul, par exemple! S'assurer qu'il travaille seul, qu'il n'y ait pas de joint venture entre les entrepreneurs autonomes. Qu'il soit complètement seul. Là-dessus, on est très à l'aise. Mais ce que vous me proposez là, ça serait très facile à contourner.

M. Cherry: Évidemment, là, je n'ai pas parlé d'une période de 40 heures. Ça ne serait pas 40 heures aux livres dans une année qui justifieraient que je sois un entrepreneur.

M. Brown: Oui, mais de quelle façon? Il faudrait avoir un employé pour combien d'heures durant l'année pour être déclaré employeur de la construction?

M. Cherry: O.K. Est-ce qu'une piste comme celle-là, avec des heures acceptables, ni 40 heures, ni 1000... Ce n'est pas ça dont on parte, parce que 1000, c'est presque une année complète dans l'industrie.

M. Brown: Oui, mais ce que je trouve dangereux là-dedans, c'est que vous voulez essayer de me faire admettre qu'à ce moment-là on pourrait régler le champ d'activité de l'entrepreneur autonome. Là, je n'embarque pas. Vous me comprenez?

M. Cherry: C'est ça, le but. Explique, vas-y.

M. Brown: Mais, justement, c'est que, nous, on prône que l'entrepreneur autonome, sa capacité physique de travailler est limitée. Un entrepreneur qui travaille depuis 15 ans ou 16 ans, à l'heure actuelle, il s'est formé une clientèle dans toutes les sphères d'activité, tant industrielle, que commerciale, ou résidentielle. Et, du jour au lendemain, on va dire: Vous êtes confiné strictement au secteur résidentiel ou dans la rénovation, réparation du côté commercial ou industrie légère. À ce moment-là, on limite trop le champ d'activité de ces entrepreneurs-là. Surtout dans les régions éloignées, ces personnes-là ne pourront plus gagner justement leur vie. C'est ça qu'on reproche: de faire le lien pour que l'entrepreneur autonome soit limité dans le champ.

M. Gosselin: Je vais juste essayer de resituer le contexte parce que, moi aussi, je veux bien saisir ce que M. le ministre a voulu nous dire. Dans toute l'étude qui nous a amenés ici

aujourd'hui à présenter le mémoire, on s'est quand même penchés sur le problème quelques fois. Et, moi pour un, je rappelle à ceux qui n'étaient pas là à la dernière commission parlementaire, lors de la loi 186, que je suis entrepreneur électricien depuis 1974 et que je n'ai jamais été un entrepreneur autonome. Donc, si je défends l'entrepreneur autonome, je le défends pour une raison bien simple. Je le défends pour le droit au travail au Québec, pour une compétence donnée sur un chantier de construction. Et j'ai compris, peut-être à l'étude de toutes ces choses-là, que ce n'est pas en empêchant quelqu'un de travailler qu'on va régler le problème du travail au noir.

Je ne vous dirai pas que ça ne nous fait pas mal, le travail au noir. Tout le monde dans l'industrie le décrie, le travail au noir. Mais faire du travail adéquatement pour satisfaire son client au meilleur coût possible, c'est ça qu'on cherche. Si on cherche ça, «c'est-u» parce qu'une personne, qui a été salariée pendant 10 ans, qui avait un paquet de compétences et qui faisait de l'entretien industriel, décide demain matin de partir à son compte et de continuer à travailler seule dans le domaine industriel qu'elle ne sera plus bonne parce qu'elle va être entrepreneur autonome?

Est-ce que c'est comme ça qu'on va contrôler le travail au noir? Est-ce que cet individu-là ne continuera pas à desservir son client, même s'il n'a pas de carte? Je ne pense pas que ça se fasse. Moi, je ne crois pas à ça, personnellement. Et l'entrepreneur autonome confiné à certains travaux, c'est pour le moins, dans ma tête, inacceptable. S'il est compétent quand il est salarié, il est compétent quand il est entrepreneur autonome, pour faire les mêmes travaux.

C'est ce que je voulais préciser et je voudrais peut-être ajouter... Si je comprends bien M. Cherry dans ce qu'il disait tantôt, les normes ne sont pas établies. Autrement dit, on pourrait peut-être vous donner 500 heures par année; à ce moment-là, ça ne serait plus un autonome. Dans ma tête, quand il a parlé, j'ai pensé à une heure par année. Jean-Guy a parlé de 40 heures. Il a dit: Non, ce n'est pas ça. J'aimerais peut-être savoir c'est quoi, sa limite, aussi, parce que c'est un petit peu ridicule, à un moment donné, de mettre des paramètres de ce genre-là pour réglementer quelque chose.

Le but d'enlever l'entrepreneur autonome, il ne faut pas oublier qu'on ne peut pas le délier de l'ensemble du travail au noir qui se passe dans la province de Québec. Je pense que beaucoup d'intervenants nous ont rapporté le fait qu'en saprant l'entrepreneur autonome dans des travaux bien encadrés, on réglerait le problème du travail au noir. Vous avez vu qu'on a voulu démontrer que le travail au noir, il se passait sur une plus grande échelle que celle de l'entrepreneur autonome.

On n'a peut-être pas la solution tout indiquée, nous non plus, mais ce qu'on représente, c'est que ça ne réglera rien. C'est que les gens qui veulent travailler vont travailler. Tu ne peux pas avoir une police pour un entrepreneur autonome si on en dénombre 10 000. Ça va en prendre de la police, tantôt, à la CCQ! Ça fait que je ne comprends pas, M. le ministre. Peut-être que vous pourrez élaborer sur la politique que vous avez voulu présenter à Jean-Guy. Moi, je n'ai pas compris ce que vous vouliez nous présenter.

M. Cherry: Ce que j'ai voulu dire, c'est que d'autres intervenants qui vous ont précédés ont suggéré que, ça, ça pourrait être une façon d'ouvrir qu'un entrepreneur qui, durant l'année, a des salariés mais qui peut avoir une période creuse... Certains ont soulevé que ça pourrait être pour finir des travaux. D'autres ont dit: S'il peut nous prouver que, dans ses livres, durant l'année, il en a embauché, des gens. Mais personne n'a exigé la précision que vous exigez de ma part. Je veux juste savoir, au niveau de la notion de base... On a compris, je pense, qu'une heure ou 40 heures, ça ne rejoindrait pas notre objectif, mais y a-t-il une façon logique, appréciable, normale: dans une année, dans les 12 mois précédents - je veux vous entendre là-dessus -ou si, vous autres, vous dites: On est fermés à ça, là, ceux qui vous ont proposé ça, ça n'a pas d'allure; nous autres, ce n'est pas ça qu'on vous dit de faire?

M. Guilbault: M. Cherry, on est fermés à ça. Carrément! Un entrepreneur, c'est un entrepreneur. Il a le droit d'effectuer des travaux exactement comme un salarié compétent doit et peut le faire. Un salarié qui est compétent, on ne lui dit pas: Bien, 200 heures par année, tu vas travailler dans le résidentiel et, le reste du temps, tu peux travailler dans le commercial. Comme on le dit dans notre mémoire, ça serait un véritable tollé, une levée de boucliers de même penser que le salarié qui est compétent puisse être soumis, réglementé juste dans un secteur donné. Donc, on est tout à fait fermés à ça, sur le droit d'un entrepreneur d'effectuer des travaux où que ce soit.

Mais vous pouvez vous poser la question: Comment, comme organisation, avons-nous pu présenter un mémoire de cette nature-là quand, dans notre organisation, il y a des employeurs qui sont... En fait, parmi les 100 plus gros entrepreneurs de la province, on en a 20 qui sont en électricité. Ils sont membres chez nous. On a toutes sortes d'employeurs qui sont membres chez nous. On a un paquet d'entrepreneurs autonomes. On en a un autre paquet, encore plus nombreux, qui travaillent seuls de temps en temps, qui travaillent avec des salariés de temps en temps. On présente un mémoire qui, chez nous, a fait un consensus parce que les employeurs - et tout le monde va vous le dire -

sont particulièrement écoeurés de voir certains entrepreneurs autonomes se présenter dans ce qu'ils considèrent leur champ d'activité, c'est-à-dire la construction, en trichant, c'est-à-dire en embauchant des beaux-frères - j'allais dire des belles-soeurs, mais ce n'est pas la place ici -des cousins, etc., pour effectuer des travaux sans déclarer des heures. Effectivement, ça suscite beaucoup d'animosité. Mais l'entrepreneur autonome, lui, y n'est pas plus de bonne humeur parce que, dans sa sphère d'activité, il en veut à des salariés en chômage et il en veut à des salariés qui possèdent des cartes de compétence de travailler au noir quand, lui, est obligé de se soumettre à une foule de réglementations pour pouvoir travailler comme entrepreneur bon citoyen.

Comment on a réussi à marier tout ça? Ce n'est pas simple et c'est ça, la problématique. Je pense qu'on a, en discutant, réussi à faire comprendre à beaucoup d'entrepreneurs que. si tu es entrepreneur autonome et que tu travailles seul, tu dois accepter les contraintes de travailler seul. Et, si tu es employeur, bien, s'il y a des travaux qui exigent l'embauche de salariés, tu dois embaucher des salariés. C'est ça, la problématique. (16 h 45)

Qu'est-ce qu'on a fait? Imaginez qu'on vous propose clairement d'encadrer l'entrepreneur autonome. On ne passe pas à côté du problème. Il y en a beaucoup, d'entrepreneurs autonomes qui sont ici, qui acceptent ce fait-là parce que tout le monde est écoeuré du travail au noir. Ce qui fait qu'on va aussi loin que de dire que l'entrepreneur autonome doit être soumis à des obligations plus strictes qu'à l'heure actuelle. On va aussi loin que de proposer que «toute fusion, regroupement ou lien de toutes sortes entre entrepreneurs autonomes d'un même métier, sur un même chantier de construction, soient interdits». On va aussi loin que de dire que l'entrepreneur général, sur un chantier donné, doit fournir à la CCQ «la liste de tous ses sous-traitants et de leurs salariés, et qu'il précise l'envergure du contrat», pour s'assurer que, sur des gros chantiers de construction, il n'y ait pas d'entrepreneurs autonomes qui ne sont pas en mesure d'effectuer des travaux seuls. On va loin!

On recommande aussi, concernant la capacité de payer du client, que, finalement, étant donné que cette capacité-là est différente d'un client à l'autre, on aille aussi proposer des mesures fiscales pour empêcher le client... C'est normal. Moi, chez nous, je ne m'en cache pas, si j'ai le choix entre un gars à 30 $ l'heure et un gars à 15 $ l'heure, je ne suis pas fou, je vais prendre le gars à 15 $ l'heure, et tout le monde le fait. Tout ce qu'on fait? On fait juste dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Et on est allés aussi loin quo do vous proposor tout ça. On est allés, pas mal loin. Mais jamais on ne va accepter que l'entrepreneur autonome soit restreint à certains travaux particuliers; ce n'est pas comme ça que ça se passe dans la réalité. Est-ce que j'ai été clair, M. Cherry?

Le Président (M. Gauvin): J'aimerais rappeler à l'auditoire qu'il est norrnalement interdit de manifester de quelque façon que ce soit. Je vous demande votre collaboration. Merci.

M. Cherry: C'est la même clientèle, c'est le même intervenant, le même échange. Au lieu de décembre, c'est février. Donc, le timing était bon.

M. Guilbault: II y en a d'autres qui se sont ajoutés.

M. Cherry: Le timing était bon. Je vais juste enchaîner. Vous avez 3000 membres, environ, dont 1400 que vous décrivez comme des autonomes. Les 1400 que vous décrivez comme autonomes, est-ce qu'ils sont autonomes, selon vous, 12 mois sur 12 ou est-ce que ça décrit ce que je disais tantôt: il y a des parties de l'année où ils ont un ou des salariés et d'autres parties de l'année où, n'ayant pas d'ouvrage, ils travaillent seuls? Est-ce que tous ceux que je viens de décrire, vous les comptabilisez dans les 1400 ou est-ce que les 1400. de vos 3000 membres sont des gens qui, 12 mois sur 12, travaillent tout le temps seuls?

M. Brown: On a fait un sondage et, selon le sondage qu'on a envoyé à tous nos membres - et on a les réponses presque complètes - à l'heure actuelle on en a 917 qui n'ont eu aucun employé lors de la dernière année qui s'échelonne du 31 août 1990 au 31 août 1991. Et là-dessus, un gros pourcentage - c'est tout près de 85 % - ont eu des salariés à temps partiel ou moins de 5 salariés. J'ai ça ici. Nous avons 92 % de nos membres qui travaillent sur les chantiers de construction, qu'ils aient des salariés ou pas.

M. Gosselin: Peu importe le secteur.

M. Brown: Peu importe le secteur d'activité.

M. Cherry: Immeuble ou...

M. Gosselin: Résidentiel, commercial...

M. Brown: Résidentiel, commercial ou industriel, ça n'a pas d'importance. On a 92 % de notre «membership», à l'heure actuelle, qui travaillent dans toutes les sphères d'activité de la construction. Et des entrepreneurs autonomes... Si on peut les qualifier d'autonomes parce qu'on doit faire une distinction avec ce que l'APCHQ a dit tantôt. On les considère comme autonomes parce qu'ils n'ont aucune heure de déclarée a la CCQ. Alors qu'est-ce qu'ils ont fait en 1998? IIs se sont incorporés pour être capables de con-

tinuer à travailler et maintenir un prix bas au niveau résidentiel ou pour les petites entreprises. C'est ça qui s'est produit. Si ça avait été fait complètement avec des syndiqués, c'est possible qu'à ce moment-là la compétitivité aurait été différente et les prix auraient augmenté. Mais il y en a 917 qui n'ont aucune heure de déclarée.

M. Cherry: Donc, contrairement à l'autre corporation qui vous a précédés hier, qui nous a affirmé que le fait d'utiliser les autonomes, ça n'avait rien à voir dans la diminution des prix, vous autres, vous reconnaissez, comme l'a fait l'APCHQ tantôt, que l'objectif de faire ça, un des objectifs, entre autres, c'est la diminution des coûts. Hier - vous n'y étiez pas, mais ceux qui y étaient l'ont entendu - on s'est fait expliquer par la corporation des maîtres tuyau-teurs que le fait d'utiliser un autonome, ça ne voulait pas dire que ça coûtait moins cher parce que, finalement, il devait charger un prix qui devait tenir compte de l'ensemble des bénéfices.

Le Président (M. Gauvin): M. Guilbault.

M. Guilbault: Écoutez, un patron qui travaille seul va toujours avoir une certaine liberté dans le prix qu'il fixe. Et du fait qu'il travaille seul ou qu'il travaille lui-même sur un chantier, c'est sûr que les prix peuvent varier à la baisse, définitivement. C'est ça, d'ailleurs, dans bien des cas, qui permet à l'offre de s'ajuster à la demande.

M. Gosselin: Juste pour renchérir, pour remettre les choses à leur place, je n'ai pas aimé tellement, M. le ministre, votre terme d'«objec-tif» parce que ce n'est pas un objectif de baisser les prix. L'objectif visé en maintenant l'entrepreneur autonome, c'est le droit au travail pour quelqu'un de compétent dans la province de Québec. C'est ça, l'objectif. S'il est salarié et qu'il est compétent, c'est parfait. S'il est entrepreneur autonome et qu'il est compétent, c'est encore parfait. C'est dans ce sens-là. Et au niveau des prix, qu'on travaille avec des salariés ou pas... Moi, je travaille avec des salariés. Je soumissionne sur des projets. On est 12 entrepreneurs électriciens et les prix peuvent varier, pour un même projet, entre 100 000 $ et 200 000 $, et c'est fait avec des salariés. C'est une question, je pense, de libre entreprise. C'est une question de compétitivité. J'ai de la misère à le dire. C'est aussi une question de fait. C'est dans les faits. C'est comme ça que ça se passe.

Si un gars décide de travailler à 35 $ l'heure parce qu'il est autonome, tu ne peux pas l'en empêcher. On est dans la libre entreprise. S'il décide de travailler à 25 $ l'heure, il serait mieux d'aller travailler pour quelqu'un, mais, s'il décide de le faire, c'est encore son choix; à moins qu'on décide qu'au Québec les entrepre- neurs électriciens, à partir de demain matin, sont régis par une loi, puis que ça doit être 45 $ l'heure. Même, moi, qui emploie des salariés, j'ai des problèmes de compétitivité avec d'autres gens qui emploient des salariés, qui chargent moins cher. Je pense que c'est peut-être déplacer le problème de ramener ça, pour une uniformité, à ce qui se passe aussi dans le secteur des entrepreneurs autonomes. Moi, je ne crois pas à ça. C'est un système capitaliste. On est dans un système capitaliste. On est là pour essayer de faire de l'argent. C'est ce qu'on essaie et c'est ce à quoi on tend. Ces années-ci, on a un peu de difficultés et je pense que le travail au noir nous cause à tous des problèmes. Il faut peut-être trouver des façons de le régler. Moi, en tout cas, je pense que la mesure fiscale qui est proposée à l'intérieur de notre mémoire devrait être analysée de façon très sérieuse pour, peut-être, mettre le doigt un petit peu plus sur le bobo.

Le Président (M. Gauvin): M. Brown, vous voulez ajouter?

M. Brown: Vous avez des entrepreneurs autonomes qui chargent un prix légèrement inférieur à celui des entrepreneurs qui ont des salariés. Par contre, vous avez aussi l'inverse. Vous avez des entrepreneurs autonomes qui se sont spécialisés dans un domaine très précis et qui chargent plus cher que les entrepreneurs normaux dans la province de Québec. Alors, ça dépend de leur champ d'activité. Ça dépend de quelle façon ils sont professionnels. Si un entrepreneur décide que, lui, avec 800 $ par semaine - il est tout seul, il rend un service à la population - il en a assez pour vivre, on dit, entre guillemets: C'est son affaire. Il est en business, il est là pour faire de l'argent. S'il veut s'organiser pour changer quatre trente-sous pour une piastre, ça, c'est son problème, mais on sait bien qu'au bout de l'année l'entrepreneur autonome réussit peut-être à faire environ 1500 heures au maximum dans l'industrie de la construction. Alors, ce n'est pas lui qui mange le plus d'heures au niveau du travail.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Cherry: Finalement, à l'exception des 20 plus gros de vos membres qui sont parmi les plus gros entrepreneurs au Québec, la majorité de vos membres sont des gens qui ont un ou deux salariés - c'est ça, là? - puis il y en a 1400 qui n'en ont pas. Si on fait des règles du jeu qui sont différentes dans le même champ d'activité pour celui qui est autonome par rapport à celui qui en a un, salarié, ou deux, qui, lui, va charger les prix du Décret - et ça doit se faire comme ça - est-ce que, finalement, on ne place pas celui qui en a un ou deux dans une forme de compétition un petit peu illégale par rapport aux

possibilités qu'a l'autre? Est-ce qu'on n'encourage pas ces gens-là à se débarrasser d'un ou deux salariés qu'ils ont et à devenir, eux autres aussi, des autonomes pour avoir une plus grande flexibilité? Là, c'est vous autres, les experts là-dedans, dans votre champ quotidien. Est-ce que vous ne placez pas une partie de vos membres dans une forme de compétition un peu déloyale par rapport à celui qui en a un ou deux? Il n'est pas gros, lui non plus, mais il était là tout seul il n'y a pas longtemps. Là, it a réussi à se monter une business pour en avoir un ou deux. Là, si on élargit le champ de celui qui est tout seul tout le temps, est-ce qu'on ne lui donne pas le signal, à lui: au lieu de te grossir, fais comme les autres? Finalement, si je pousse mon raisonnement plus loin, est-ce qu'on n'est pas en train de dire que presque tous ceux qui sont actifs dans la construction au Québec, s'ils étaient tous autonomes, on réglerait tout le problème? En tout cas, je veux vous entendre là-dessus. Ce sont vos membres qui sont en compétition, il me semble, ici.

Le Président (M. Gauvin): M. Auger.

M. Auger: M. le ministre, je vais vous répondre. La grande majorité de nos membres, évidemment, un certain pourcentage ont quelques employés, un autre pourcentage n'en a pas du tout, et on a dit qu'on avait 20 %, à peu près, des plus gros employeurs dans la province de Québec comme entrepreneurs électriciens. Alors, la grande majorité, ce sont de très petites entreprises et il faut prendre en considération qu'un entrepreneur est toujours limité par sa capacité de travailler. Un entrepreneur autonome n'a pas la capacité d'un entrepreneur qui a deux ou trois employés. Il me semble que c'est clair, ça.

Alors, je pense que le choix qui a été fait dans le cas d'un entrepreneur autonome, c'est lorsqu'il commence en affaires, règle générale, et ça peut arriver quelquefois dans le cours de sa carrière qu'il est obligé de redevenir seul à cause des circonstances ou sur une fin de carrière. Alors, c'est le portrait qu'on voit le plus. Écoutez, moi, ça fait 31 ans que je suis là, que je suis entrepreneur, et c'est ce qu'on a pu constater dans ce laps de temps. J'ai aussi eu l'avantage de siéger à la Régie des entreprises de construction du Québec et j'ai vu aussi, pendant plusieurs années, que tous les entrepreneurs qui veulent devenir entrepreneurs commencent seuls ou à peu près. Donc, écoutez, c'est une coutume qui est établie, c'est ce qui existe présentement dans le domaine de la construction. Pourquoi on essaie de trouver des lois, on essaie de trouver des mécanismes pour briser ça?

Écoutez, je pense qu'on se casse la tête pour rien. Qu'on donne le droit au travail à ces entrepreneurs, peu importe leur capacité ou leur statut, et qu'on organise le système pour les surveiller adéquatement. Que ces entrepreneurs-là soient dûment inscrits à la CCQ, comme on l'a dit tantôt, et qu'on ait un droit de surveillance. À ce moment-là, je pense qu'on évite complètement les problèmes. On essaie de s'en créer des problèmes, tout simplement.

M. Lavergne: Je pourrais juste, finalement, renchérir ou peut-être répondre à votre question parce que vous avez laissé sous-entendre qu'on veut élargir le champ d'activité. On ne veut pas l'élargir, le champ d'activité. Ce qu'on veut faire, finalement, c'est encadrer le champ d'activité qui existe parce que, aujourd'hui, l'entrepreneur autonome peut faire ces travaux de construction neuve. Alors, on ne veut pas l'élargir. On ne demande pas de l'élargir comme tel, mais, par contre, d'avoir un encadrement et de continuer à lui permettre d'effectuer ces travaux-là. La loi 185 veut l'empêcher.

Le Président (M- Gauvin): Merci, M. Lavergne.

M. Cherry: Juste en terminant...

Le Président (M. Gauvin): Un bref commentaire, oui.

M. Cherry: ...je sais que votre mémoire d'aujourd'hui répond à quelque chose qui est un irritant majeur. Vous vous prononcez contre le fait que, sur un même chantier, à l'intérieur du même métier, plutôt qu'il y ait un entrepreneur et des salariés, on n'y regroupe que des autonomes.

M. Lavergne: C'est exact. C'est clair, net et précis.

M. Cherry: Vous vous prononcez contre ça. M. Lavergne: Oui.

M. Cherry: S'il y a de l'ouvrage plus que pour un, il doit devenir un entrepreneur avec des salariés. Pas question, comme ça a été décrit, de regroupements d'autonomes pour exécuter des travaux sur un chantier, avec le résultat que les salariés qui pourraient faire ça, eux autres, se voient exclus totalement. Là-dessus, vous prenez position contre ça.

M. Lavergne: C'est clair dans le mémoire.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Je reconnais Mme la députée de Chi-coutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président M

Brown, messieurs, bonjour et bienvenue. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. C'est un des mémoires qui m'ont plu et j'explique tout de

suite pourquoi. Parce qu'il nous a permis de bien camper les différentes facettes du travail au noir et de bien clarifier la situation. Je l'ai dit, je trouvais extrêmement agaçant qu'on finisse par nous dire que c'étaient 10 000 travailleurs ou entrepreneurs autonomes qui réalisaient 100 % du travail au noir. Je dois vous dire que ça m'irritait. Alors, vous avez expliqué les différentes formes que prenait le travail au noir et vous manifestez, comme nous, un intérêt concret pour viser à réduire le travail au noir par des propositions concrètes. Je trouve ça intéressant.

Ce que je trouve intéressant également, c'est que, contrairement à ce qu'on avait entendu, vous êtes en train de nous dire - et ça me plaît parce que j'aime bien que les choses soient claires: Ça n'a pas comme objectif de baisser les coûts dans la construction. Simplement, en vertu des droits et libertés, on pense que quelqu'un a le droit de partir une entreprise. C'est un droit individuel et c'est ce principe qu'on met de l'avant. Ce n'est pas supposément ou artificiellement pour invoquer le fait que ça va réduire les coûts de la construction. Au moins, ça, c'est clair et je pense que vous ne tombez pas dans le piège d'autres qui prétendent que ça a un effet à la baisse alors que c'est difficilement mesurable. Ça me plaît bien et je pense que vous posez bien la question.

À présent, j'aimerais poser une question. Je ne l'ai pas demandé aux autres et je me suis toujours dit qu'il faudrait que je la pose, et, finalement, ça passe toujours vite. Quand la loi 31 a été adoptée, est-ce qu'il n'était pas clair pour vous que tout le secteur de la construction neuve était exclu du champ d'activité des entrepreneurs autonomes? Est-ce que ce n'était pas clair à ce moment-là? (17 heures)

M. Gosselin: Je vais peut-être vous répondre. C'est qu'en 1988, quand la loi 31 a été adoptée, la Corporation des maîtres électriciens du Québec a sursauté et a pris position très rapidement pour dire: L'entrepreneur électricien au Québec va travailler. Il y a un trou qui était dans la loi et on a profité du trou, mais ça ne nous satisfaisait absolument pas. C'était de brimer des droits. On nous a toujours dit que c'était une logique imperturbable, en présentant la loi 185, de boucher le trou de la 31. Moi, je m'inscris en faux contre ça parce qu'à l'époque je venais d'accéder à la présidence de la Corporation des maîtres électriciens et la position de l'exécutif était claire: défendre le droit au travail de tout entrepreneur électricien dûment qualifié au Québec, qu'il soit autonome ou non.

Mme Blackburn: O.K. Ce que vous nous dites, c'est que la loi 31 ne faisait pas votre affaire et, évidemment, le projet de loi 185 vient rendre la situation conforme à ce qu'avait prévu la loi 31; évidemment, vous la dénoncez. Ça va. C'est parce que c'était resté un peu vague pour moi.

Pour évaluer ce que ça peut donner - c'est pour les membres de la commission aussi et moi sans doute parce que je suis plutôt nouvelle dans le dossier - comment ça a évolué le nombre d'entrepreneurs autonomes depuis... Est-ce qu'on a des tableaux? Vous, j'imagine, comme association, vous en avez certainement. Est-ce que la loi 31 les a fait augmenter, diminuer? C'est quoi l'évolution?

M. Guilbault: On n'a pas de données précises, pour répondre précisément à votre question. Ce qu'on sait peut-être un peu par déduction, c'est que le nombre d'entrepreneurs électriciens au cours des deux, trois dernières années a diminué. Il y a eu une diminution du nombre.

Mme Blackburn: A diminué?

M. Guilbault: II a diminué. Quant au nombre d'entrepreneurs autonomes, c'est difficile de le dire, il nous semble que c'est resté passablement stable dans le sens où les entrepreneurs autonomes, peu importent les régions du Québec - je vais prendre l'exemple de Rivière-au-Renard, semble-t-il, c'est un endroit populaire - semble-t-il que ça répond à un besoin quelque part. Que ce soit en Gaspésie, que ce soit dans l'Outaouais dans le comté de Gatineau ou un peu partout, semble-t-il que ça répond à un besoin. Il y a des gens qui répondent à des besoins de la population. C'est comme si on avait atteint une certaine limite du nombre d'entrepreneurs autonomes et une certaine limite aussi du nombre d'entrepreneurs électriciens, compte tenu de la capacité d'absorption. S'il y en avait d'autres, ils crèveraient. Alors, ça finit par se limiter à un certain nombre.

Mme Blackburn: Donc, ce n'est pas parce qu'on ouvre la loi, selon vous, et qu'on finirait par fermer les yeux sur la loi 31 qui permet le système qu'on connaît, que ça aurait comme effet d'augmenter le nombre d'entrepreneurs autonomes.

M. Guilbault: Ah non! Écoutez, la loi 185, telle qu'elle est rédigée là, c'est sûr que c'est une catastrophe. Ceux qui ont rédigé ça...

Mme Blackburn: Là, il va diminuer, mais je parle de la situation actuelle.

M. Guilbault: Par rapport à?

Mme Blackburn: Si la situation actuelle de la loi 31 était maintenue, vous dites: Ça n'a pas eu comme effet...

M. Guilbault: Ah bien! C'est un moindre mal. On n'était pas très heureux, mais c'est un

moindre mal. La capacité d'agir dans les champs d'activité n'est pas affectée. La CCQ, ils admettent carrément qu'ils ne sont pas capables de poursuivre, à notre grand bonheur.

Mme Blackburn: Non, non, ça n'a pas de bon sens.

M. Guilbautt: La situation demeurerait la même et ce serait correct.

Mme Blackburn: Ce qui m'étonne quand même, c'est qu'avec la loi 31 on n'a pas vraiment - je me le rappelle, parce que j'étais en Chambre et que j'ai suivi un peu les débats -senti une levée de boucliers, telle qu'on la sent actuellement sur 185, venant de votre part.

M. Guilbault: La première fois, c'est qu'on n'a pas eu le temps.

Mme Blackburn: Ah! O.K.

M. Guilbault: Ça s'est fait tellement rapidement. Vous savez, il y a des choses, des fois, qui arrivent vite, on n'a pas le temps de réagir. Tout ce qu'on a à faire, c'est lire la loi après et l'interpréter comme tout le monde, et c'est retombé dans l'oubli avec le trou qu'il y avait là, et tout le monde s'en est accommodé. Comme on dit dans notre mémoire, dans l'industrie de la construction, ça ne triche pas, ça s'adapte.

Une voix: Nous autres aussi. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Ça, c'est comme pour les cigarettes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Pour revenir à Rivière-au-

Renard, j'inviterais le ministre, un jour, à faire le tour de la Gaspésie, ce qui est un vrai beau périple et c'est une façon aussi...

M. Guilbault: II y a des entrepreneurs autonomes, là.

M. Cherry: J'arrive de Rimouski.

Mme Blackburn: Bien, ce n'est pas la Gaspésie, ça. Alors, n'allez pas dire à Rivière-au-Renard que vous avez vu Rivière-au-Renard en allant à Rimouski.

Je vais revenir à vos propositions qui sont intéressantes pour un certain nombre d'entre elles. Vous dites: II faut maintenir le statut d'entrepreneur autonome et vous dites: II doit être soumis à dos obligations plus strictes. Et une des premières propositions: «quo toute fusion, regroupement ou lien de toutes sortes entre entrepreneurs autonomes d'un même métier, sur un même chantier de construction, soient interdits». Mais là, vous dites: «D'un même métier». Ça veut donc dire qu'on pourrait, comme entrepreneurs autonomes - moi. je m en irais probablement dans la décoration - réunir 7. 8, 9 10 spécialités, puis construire toute une maison. Je reviens à ça parce qu'il me semble que c'est faisable. Parce que vous dites bien: «D'un même métier». Le problème pourrait naître du fait qu'on réunit plusieurs métiers différents. Oui?

M. Brown: À ce moment-là, nous autres, on n'a pas de mal avec cette position-là. Vous avez un entrepreneur en plomberie, vous avez un entrepreneur électricien, vous avez un tireur de joints, vous avez un peintre, vous avez un cimentier applicateur; c'est des personnes qui, à ce moment-là, vont arriver sur un même chantier de construction pour faire une résidence. Effectivement, oui, on serait d'accord avec ça, mais pas qu'il y ait deux entrepreneurs autonomes, comme deux électriciens ou deux plombiers, qui ont chacun leur entité, leur entreprise, pour aller travailler sur un même chantier. À ça. on dit: Non, on n'est pas d'accord avec ça, parce que ça fait, premièrement, une compétition déloyale face à ceux-là qui ont des salariés. Pour répondre à la question de M. le ministre tantôt, c'est que je l'ai expérimenté personnellement; lorsque j'avais deux électriciens et deux apprentis, c'était plus payant que lorsque je suis un entrepreneur autonome occasionnellement avec un salarié électricien. Ça, je peux vous dire ça. Ça ne veut pas dire que parce qu'une personne a des employés elle ne devient pas compétitive face a l'entrepreneur autonome.

Mme Blackburn: À votre quatrième recommandation, vous dites: «Que l'entrepreneur général, sur un chantier donné, fournisse à la Commission de la construction du Québec la liste de tous ses sous-traitants et de leurs salariés et qu'il précise l'envergure du contrat». Comme on sait que les entrepreneurs autonomes ne sont pas soumis au Décret, je veux dire, quel serait l'intérêt de communiquer ça à la Commission de la construction dans le cas où il est sous-traitant pour un entrepreneur général?

M. Guilbault: Mais vous comprendrez que ces recommandations-là, c'est des déclarations de principe.

Mme Blackburn: D'accord.

M. Guilbault: C'est d'abord ce qu'il faut retenir. Premièrement, quand vous parlez de fusion comme tout à l'heure, c'est évident que. pour certains métiers, il peut y avoir des accommodements L'industrie de la construction n'est quand même pas à tel point homogène que cette règle-là... Ce que vous devez comprendre, c'est

que, nous, on est contre la fusion d'entrepreneurs autonomes pour tenter, comme moyen, de voler du travail à un employeur qui a des salariés. C'est ça le principe qu'il faut retenir. Et, pour revenir à votre dernière question, c'est aussi parce qu'on recommande ailleurs que l'entrepreneur autonome soit inscrit à la CCQ, comme un employeur l'est aussi. Quand on, parlait de règles qui s'appliquent à l'un, il faut que les règles s'appliquent à l'autre, selon notre prétention. Alors, notre prétention, c'est de dire: Si les entrepreneurs sont inscrits à la CCQ, comme règle, sur certains chantiers - ça ne veut pas dire sur tous les chantiers du Québec parce qu'il faut toujours regarder le côté administratif - l'entrepreneur général devrait être obligé de dévoiler les noms de ses sous-traitants pour bien s'assurer qu'effectivement il n'y a pas regroupement, fusion ou lien entre entrepreneurs autonomes, pour ne pas que la règle soit déjouée. C'est ça l'idée.

M. Lavergne: Je vous donne comme exemple, admettons, un chantier de construction avec 10, 12, 15, 20 ou 30 maisons. Alors, si on dit: C'est tel entrepreneur électricien qui a le chantier, que l'entrepreneur général a déclaré que tel entrepreneur électricien avait les travaux de ce chantier de construction, donc d'un ensemble d'habitations, et qu'il n'y a pas d'employés, il est évident que, en tout cas, à un certain moment donné, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Alors, si les travaux, décidément, nécessitent que ce soit fait par une entreprise avec des employés, ça va être connu.

Mme Blackburn: Vous invoquez l'argument que, pour éviter une compétition indue, il ne devrait pas y avoir deux entrepreneurs autonomes dans un même métier, sur un chantier. Vous dites qu'il ne faudrait pas qu'ils compétitionnent l'employeur ou l'entrepreneur qui, lui, a des employés à son service. Mais, si on permet que cinq, six ou sept spécialités, entrepreneurs autonomes dans différentes spécialités, s'unissent pour construire une maison, par exemple, ça veut dire que ça entre aussi en compétition avec l'entrepreneur général qui a des employés à son service pour effectuer ces travaux-là. Non?

M. Brown: Ça n'existe pas, ça, dans l'industrie, au niveau résidentiel, comme vous parlez. À ce moment-là, ça prendrait un joint venture d'une échelle beaucoup plus grande pour être capable de faire travailler toutes ces personnes-là qui ont des cartes de compétence dans un métier donné. Si vous voulez qu'un entrepreneur électricien se réunisse avec un plombier, un tireur de joints et ainsi de suite pour faire une maison, lorsque vous faites une maison, il y a, entre parenthèses, de 24 à 50 heures de travail pour l'électricien, tandis que le menuisier, lui, en a peut-être bien pour 225 et le plombier en a peut-être pour 40. À ce moment-là, qu'est-ce qu'il va faire le restant du temps? Les entreprises sont très individuelles. À ce moment-là, elles ne se réuniront pas ensemble pour faire leurs travaux en même temps, pour une résidence. L'entrepreneur général va engager un électricien, il va passer, le plombier, et ainsi de suite. Si ce sont tous des entrepreneurs autonomes, à ce moment-là, nous autres, on n'a pas d'objection à ce que ce soit comme ça. La seule chose qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas qu'il y ait deux entrepreneurs autonomes électriciens pour aller faire un bungalow dans lequel un entrepreneur autonome seul ne pourrait pas réussir à exécuter les travaux.

Mme Blackburn: Mais, actuellement, dans le modèle que vous développez, ça veut dire qu'on pourrait, dans le résidentiel à tout le moins, construire entièrement une maison en ayant recours simplement exclusivement à des entrepreneurs autonomes, hein? C'est ce que je comprenais. Oui? D'accord.

M. Lavergne: Je ne crois pas parce que, sans faire la nomenclature, en fin de compte, de tous les métiers, il y a certains travaux qui ne peuvent s'effectuer - sans les énumérer - par un travailleur autonome.

Mme Blackburn: Tout seul.

M. Lavergne: Alors, il y a certains travaux, oui, qui peuvent se faire par un travailleur autonome dans une résidence, mais il y a d'autres travaux qui ne peuvent se faire par un travailleur autonome... Ce n'est pas un travailleur, excusez, mais un entrepreneur autonome.

Mme Blackburn: Dans vos propositions, et je poursuis, vous dites: II faudrait exiger un dépôt de 15 000 $ plutôt que de 10 000 $. Vous avez l'impression que ça... Pour quelle raison?

M. Guilbault: Écoutez, on aurait pu dire 13 000 $. C'est encore des questions de principe. C'est pour bien signifier que, quand un entrepreneur fait le choix de devenir entrepreneur, c'est un choix sérieux et que l'entrepreneur, quand il fait ce choix-là, doit être en mesure, financièrement, de supporter son choix. En augmentant de 10 000 $ à 15 000 $, la prétention est que tu élimines les gens qui ne sont pas sérieux, tu en élimines une certaine partie. Mais, une fois qu'il est entrepreneur avec, supposons, un montant de 15 000 $ de dépôt, qu'on lui laisse ses champs d'activité intacts; sinon, ce n'est plus un vrai entrepreneur.

Mme Blackburn: Dans votre avant-dernière recommandation, vous proposez que le gouvernement «annonce un train de mesures fiscales favorisant la déduction des revenus du consom-

mateur de toutes dépenses de rénovation, de construction, d'entretien, [...] à la condition qu'un entrepreneur en construction dûment licencié soit chargé des travaux.» Quand vous parlez d'«un entrepreneur en construction dûment licencié», ça exclut les entrepreneurs autonomes?

M. Guilbault: Absolument pas. Mme Blackburn: Non? O.K.

M. Gosselin: Pour nous autres, dans notre esprit, un entrepreneur en construction, c'est un entrepreneur en construction et un entrepreneur électricien, c'est un entrepreneur électricien autonome...

Mme Blackburn: O.K.

M. Gosselin: ...ayant ou non des employés. Un entrepreneur électricien, c'est un entrepreneur. L'«entrepreneurship» au Québec, ça ne dit pas: Tu dois avoir un employé, ne pas en avoir ou en avoir 122. Ce n'est pas ça que ça dit.

Mme Blackburn: Vous savez que ces mesures-là, moi, je les trouvais intéressantes, mais, si on se base sur l'expérience qu'on est en train de vivre sur les services de garde, pour un peu éliminer le travail au noir dans les services de garde, on a dit: Ça va être déductible d'impôt; donc, vous êtes obligée, la madame qui garde des bébés, de fournir des reçus. Plus ça va, moins il y a de madames qui veulent fournir des reçus. Et les jeunes femmes sont obligées quand même de faire garder les bébés. Ça n'a pas eu l'effet escompté, dans le fond. (17 h 15)

Je me demandais comment une disposition comme ça ne finirait pas par avoir les mêmes effets, d'autant que, si vous déclarez avoir fait des rénovations à la maison, vous avez un permis de la ville, l'évaluation augmente, vos taxes augmentent. En tout cas, ce que je me suis laissé dire, c'est que ça n'aurait pas nécessairement les effets heureux qu'on en escompte pour ces raisons-là. Vous n'avez pas examiné ça dans cette...

M. Gosselin: Non, mais disons que comparer ça avec les systèmes de garderie, moi, vous comprendrez que je suis un petit peu mal placé pour le faire, parce qu'on n'a pas travaillé le bébé beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Ça touche la fiscalité et, normalement, c'est des incitatifs de même nature à éviter d'embaucher un travailleur au noir, parce que quelqu'un qui garde un bébé...

M. Gosselin: Mais, dans notre tête, quand ça a été proposé, peut-être de façon générale, comme on l'a dit tantôt, évidemment, ça n'a pas été décortiqué à savoir si ça devrait être 20 %, 30 % ou 40 %. Est-ce un crédit d'impôt? Est-ce un crédit d'impôt qui représente un montani d'argent de telle envergure? Ça n'a pas été analysé. Mais on se dit: Par contre, si la mesure fiscale est assez intéressante pour l'individu, propriétaire de résidence - parce qu'on parie beaucoup de résidence, malgré que, moi pour un. j'aimerais sortir de ça et globaliser un petit peu le problème de l'industrie. Mais, si un propriétaire, quel qu'il soit, a une mesure fiscale avantageuse pour déduire le coût des travaux qui sont exécutés chez lui, c'est que le gouvernement du Québec va regagner, à l'intérieur de cette mesure fiscale, des impôts...

Mme Blackburn: Ah oui!

M. Gosselin: ...ou de l'argent qu'il ne touche pas actuellement sur des heures qui sont exécutées fort probablement par du travail au noir. Si on dit qu'il y a tant d'heures de faites au Québec en travail au noir et qu'on est capable de contrôler ça à 80 %, on rentre de l'argent dans les coffres du gouvernement même en donnant des mesures fiscales qui pourraient être avantageuses, possiblement plus que dans le système des garderies, parce que. là, je ne sais pas quelles mesures fiscales vous avez.

Mme Blackburn: Vous savez, ce sont des mesures fiscales qui permettent à un couple de déduire les coûts des services de garde. On s'est dit: Du moment où ça va être déduit, ils vont exiger des reçus, ils vont aller voir quelqu'un de patenté, comme vous dites. Comme les patentés n'existent pas beaucoup dans ce système-là, le système est en train de se reconduire exactement comme il était avant qu'on introduise la mesure fiscale. Et ce qu'on se demande...

M. Gosselin: Excusez-moi. Nous autres, si ça marche dans la construction, on va s'adapter. On l'a dit tantôt, on s'adapte.

Mme Blackburn: Ah oui! Ça, je sais ça. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Ça veut dire que, tranquillement... Ou encore je pense à d'autres mesures fiscales en matière de recherche qui avaient donné une espèce de catastrophe au fédéral où ils ont perdu je ne me rappelle plus combien, je pense que c'est 10 000 000 000 $. On faisait des faux projets de recherche avec, finalement, une déduction d'impôt. D'ailleurs, on en avait vu quelques-uns passer également. Ce n'est pas simple. Autant, moi, je suis assez d'accord avec ça, autant je me dis: Si, parce que j'ai eu des crédits d'impôt ou que j'ai pu déduire de mon

revenu les coûts de construction, de rénovation et d'amélioration de la résidence, c'est la ville qui rentre parce qu'elle vient augmenter l'évaluation de ma résidence et que, là, je commence à payer un peu plus de taxes... Là, vous savez que, déjà, on en paie pas mal. Je me suis laissé dire que ce n'était peut-être pas la façon, que ça n'aurait peut-être pas les effets escomptés. Moi, j'y croyais, mais je voulais juste voir là-dessus. Si vous dites que vous allez, en plus, vous ajuster, ce n'est pas trop fait pour me rassurer.

M. Brown: Je me souviens, dans les années 1982-1983, lors de la dernière récession, il y a eu des systèmes semblables qui ont été institués et je vous dis qu'à ce moment-là on a travaillé, au niveau des consommateurs, avec les villes et je pense que ça a donné des bons résultats. On allait faire des travaux qui étaient très menus, des fois juste pour poser deux, trois prises de comptoir, une prise de poêle, simplement ça, et les consommateurs nous demandaient des factures pour avoir des subventions. Le monde avait embarqué, à ce moment-là, dans ce programme. Si les mesures fiscales sont d'une façon assez intéressante pour le consommateur, c'est certain qu'il va embarquer dans le système.

Mme Blackburn: Dans votre dernière recommandation, vous dites: Qu'un seul dirigeant par entreprise soit exclu du rapport mensuel de la CCQ, pour les heures travaillées sur ce chantier. Les autres dirigeants d'entreprise doivent déclarer les heures travaillées sur un chantier dans le rapport mensuel soumis à la CCQ, selon les normes actuelles, sans pour autant être dans l'obligation d'être membres d'un syndicat et de payer certains avantages sociaux dont les frais sont assumés directement par l'entreprise. Alors, j'y reviens. Ce que vous dites, c'est: On voudrait bien déclarer les heures, mais ne faites pas de nous des salariés si on est actionnaires dans l'entreprise.

M. Brown: Effectivement. Si, à l'heure actuelle, vous avez trois personnes qui sont syndiquées et qui veulent partir une entreprise, alors elles vont s'associer et ces trois personnes-là peuvent travailler sur les chantiers de construction. Ce que l'on reconnaît au projet de loi, c'est le représentant désigné et que les deux autres associés, à ce moment-là, déclarent leurs heures travaillées à la CCQ. Mais, par contre, vu qu'ils sont associés, qu'ils sont employeurs, qu'ils sont responsables d'une entreprise, bien, qu'on ne pousse pas l'odieux jusqu'à leur dire: À cette heure que vous êtes rendus entrepreneurs, vous allez payer du syndicat et vous allez payer les avantages sociaux qui s'y rattachent. C'est ça qu'on dit dans notre recommandation.

Mme Blackburn: D'accord. Dans votre mémoire, il y a quand même une contradiction.

Je me permets de vous la souligner par rapport à ce que vous veniez d'annoncer un peu plus tôt, pas tout de suite. Vous dites: II faut tenir compte de la capacité de payer du client. Mais, en même temps, vous nous dites: Tout le débat sur l'entrepreneur autonome ne vise pas à réduire ou à rendre la propriété plus accessible en réduisant les coûts de construction. Alors, je me dis: Dans votre discours, ça veut dire quoi, la capacité de payer des gens, des clients?

M. Guilbault: Ce qu'on a voulu souligner, c'est que l'industrie de la construction, c'est vaste et, souvent, on traite un problème avec une déclaration globale. Or, dans la construction, un peu comme on l'a souligné dans le mémoire, les clients des entrepreneurs varient en termes de capacité de payer. C'est ça qu'on a voulu souligner.

Mme Blackburn: O.K.

M. Guilbault: Un investisseur qui atteint un rendement sur son investissement va calculer ce que ça peut lui donner au bout de la ligne. Un consommateur, lui, a peut-être des moyens différents de payer. Comme on disait, payer 30 $ et quelques l'heure quand il en gagne 10 $, ça peut constituer un problème. Dans ce sens-là, c'est comme ça qu'on avait proposé des mesures fiscales pour équilibrer un peu l'offre et la demande.

Mme Blackburn: À la page 37 de votre mémoire, à la toute fin de la page, vous faites une proposition. Vous proposez «qu'une licence d'entrepreneur en construction ne soit accordée qu'à une entreprise dont l'exécution de travaux de construction est l'activité principale».

M. Lavergne: Ce qu'on dit avec ça, c'est qu'aujourd'hui un centre hospitalier, une commission scolaire, en fin de compte ce qu'on peut appeler des agences paragouvernementales, si on veut, peuvent obtenir une licence d'entrepreneur, ce qui veut dire qu'elles peuvent effectuer des travaux. Ce qu'on dit, finalement: Si elles ont une licence d'entrepreneur, elles vont effectuer des travaux avec leurs salariés; leurs salariés ne sont pas sujets à l'industrie de la construction, alors ils sont payés à des montants moindres. Ça devient pour nous une compétition déloyale et, à part ça, c'est beaucoup d'heures, beaucoup de travaux de rénovation, ou de construction même, qui se font, en fin de compte, hors construction, si on veut, qui ne sont pas rapportés à la CCQ. Donc, finalement, c'est une autre forme de travail au noir, selon nous.

Mme Blackburn: Effectivement, on a porté à notre attention en décembre dernier que plusieurs institutions d'État, hôpitaux, écoles, universités, cégeps, faisaient effectuer ou donnaient

à contrat des travaux de toute nature sans s'assurer que l'entrepreneur respecte le Décret de la construction. Il y a certainement un problème là et, effectivement, je pense que si tout le monde, et particulièrement dans le public... C'est pour ça que ça va poser un problème tantôt. Si, parce que c'est dans le public, on peut se soustraire aux lois, il me semble qu'on a comme un problème d'équité là. Là-dessus, je partagerais assez votre avis. Mais ça m'étonnerait de voir le gouvernement virer là-dessus. Vous pouvez toujours essayer là.

Une voix: On peut espérer.

M. Lavergne: On peut espérer, oui.

Mme Blackburn: On n'est pas perdants à essayer. J'ai terminé. Je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): Je reconnais M. le député de Drummond, brièvement.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. Dans la foulée de la question de ma collègue de Chicou-timi tantôt, au niveau de l'utilisation de la fiscalité pour essayer de contrôler la problématique du travail au noir, il y a une chose qui me chicote depuis ce matin et je vais vous poser la question à vous, parce que vous prônez aussi l'utilisation de cette mesure-là. On entend parler de 25 000 000 d'heures. On entend parler de 400 000 000 $ à 500 000 000 $ d'évasion fiscale quelque part, puis on a dit. et vous le prônez dans votre mémoire, que, si on utilise la fiscalité, on pourrait récupérer beaucoup d'argent. Moi, ce que j'ai de la difficulté à saisir en utilisant ce levier-là, c'est ceci. À l'heure actuelle, lorsqu'on regarde tout le logement locatif, lorsque je regarde tout ce qui est commercial, ce serait dans l'intérêt des gens d'utiliser un entrepreneur pour avoir une facture parce que tous ces domaines-là sont déductibles des revenus, d'impôt. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que la majorité des 25 000 000 d'heures serait du côté résidentiel? Parce que, du côté commercial et locatif, on ne devrait pas avoir ce problème-là parce que c'est déjà là au niveau de la fiscalité.

M. Guilbault: Écoutez, on ne dit pas que c'est dans le résidentiel. Si vous avez lu notre mémoire, vous avez fort bien compris que le travail au noir se fait bien ailleurs que dans le résidentiel. Si je comprends votre question, vous dites: Compte tenu qu'il se fait du travail au noir avec perte de revenus pour le gouvernement, comment concilier les mesures fiscales pour récupérer cet argent-là qui n'entre pas dans les coffres du gouvernement maintenant? C'est le sens de votre question?

M. St-Roch: Le levier de la fiscalité est pleinement utilisé à l'heure actuelle, au niveau du locatif et au niveau du local commercial qui est loué, parce que quelqu'un qui est propriétaire, demain, d'un logement, toutes les dépenses qu'il va faire au niveau de l'entretien sont déductibles d'impôt et de ses revenus

M. Guilbault: Oui.

M. St-Roch: Ce plan de fiscalité là est utilisé à l'heure actuelle pour le commercial et le locatif. J'essaie de remettre ça, moi, cet incitatif-là, côté résidentiel.

M. Guilbault: On se comprend bien là.

Le Président (M. Gauvin): Brièvement, M. Dufour, le temps qui nous était alloué est déjà dépassé.

Une voix: M. Guilbault.

Le Président (M. Gauvin): Guilbault, excusez-moi.

M. Guilbault: Écoutez, c'est sûr qu'il y a beaucoup de mesures fiscales dans tous les domaines. Ce qu'on visait surtout avec cette proposition-là, c'était le consommateur direct. Celui qui est au bout de la chaîne, le dernier maillon de la chaîne, ou celui qui ne peut pas profiter d'intrants sur la TPS, c'est lui qu'on visait particulièrement.

Le Président (M. Gauvin): Merci. La commission vous remercie, vous et votre groupe. Avant de terminer, j'aimerais inviter M. le ministre, en conclusion.

M. Cherry: M. le Président, rapidement. Je l'ai dit au commencement, mais je pense que votre mémoire mérite cette attention-là, je pense que ça prenait du courage pour faire ce que vous avez fait, de décrire... Je suis certain que vous n'avez pas fait l'ensemble de toutes les façons, mais vous avez ciblé de façon beaucoup plus précise les façons les plus répandues, les plus utilisées pour contrer le travail au noir, et j'ai senti une espèce de cri du coeur chez vous: Faites quelque chose parce qu'on est tannés comme entrepreneurs d'être obligés d'utiliser ces choses-là pour continuer à gagner notre vie, ceux qui ont des salariés. Dans ce sens-là, je vous dis: Merci beaucoup. Si vous avez pu évoluer comme ça de décembre à maintenant, je siis convaincu qu'on va être capables de chemi-jjer ensemble pour trouver des solutions. 7Le Président (M. Gauvin): Merci, M le ministre. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci de votre présence ici. Merci pour la qualité de votre mémoire

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également que, je le répète, j'ai beaucoup apprécié. Vous parliez tout à l'heure de l'aide, de programmes de soutien pour relancer l'industrie de la construction. Je pense qu'il faudrait un débat beaucoup plus large que ça dans une perspective moins polarisée que celle qui marque les travaux de cette commission. Il faudrait que les parties puissent s'asseoir ensemble pour envisager une relance de l'industrie de la construction. On a effectivement des problèmes et c'est un lieu commun de dire que quand le bâtiment va tout va, mais, là, comme le bâtiment ne va pas... Dans ma région, ça va mal; je ne pourrais pas le dire pour tout le Québec, mais je sais que chez nous ça ne va pas. Dans ce sens-là, je ne sais pas qui prendra le leadership de cette initiative, mais je souhaiterais très sincèrement que quelqu'un, quelque part, puisse le faire au même titre qu'on l'a fait pour la formation de la main-d'oeuvre de façon générale au Québec, lorsque tous les intervenants se sont assis à la même table pour examiner les solutions à mettre en place pour s'assurer d'une formation adéquate de la main-d'oeuvre au Québec. Je pense qu'on devrait pouvoir le faire dans la construction. Et le discours du ministre Tremblay sur les grappes industrielles identifie l'industrie de la construction comme étant une grappe; moi, j'ai hâte de voir les raisins. Pour le moment, il semble que les vendanges ne seront pas fortes à l'automne. Je pense qu'il faut essayer de chercher des solutions dans cette direction.

Le programme que nous avions mis en place, c'est Corvée-habitation, qui était l'aide à la rénovation, en période de crise, et ça avait eu un effet de relancer l'économie. J'espère que l'actuel gouvernement - j'en ai parlé un peu au ministre - va faire preuve aussi d'imagination parce qu'on sait que le budget va être déposé d'ici un peu plus d'un mois et j'espère qu'il apparaîtra des mesures, dans ce budget-là, de relance de l'industrie de la construction. Je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): En conclusion, Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: J'ai terminé.

Le Président (M. Gauvin): Merci. Oui, un bref commentaire.

M. Brown: Je remercie cette commission de nous avoir accueillis. Je peux assurer cette commission que nous sommes entièrement disposés à nous asseoir à une table pour discuter avec vous autres et continuer à cheminer. Je dois aussi vous dire que j'espère qu'on a réussi à démystifier que l'entrepreneur autonome n'était pas le travailleur au noir dans l'industrie de la construction.

Le Président (M. Gauvin): Merci de votre présentation. La commission suspend ses travaux pour une minute ou deux dans le but de permettre à la Confédération des syndicats nationaux de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

(Reprise 17 h 37)

Le Président (M. Gauvin): La commission devrait reprendre ses travaux. J'invite tous les membres de la commission à prendre place, s'il vous plaît, tous les députés membres de la commission. Le groupe représentant la Confédération des syndicats nationaux a aussi pris place. J'invite son président et porte-parole, M. Lemieux, à nous présenter ses collaborateurs. M. Lemieux.

CSN-Construction

M. Lemieux (Olivier): Merci, M. le Président. À ma droite, M. Édouard Duchesne, premier vice-président de la fédération et président du syndicat du Saguenay-Lac-Saint-Jean; à sa droite, Robert Lévesque, trésorier de la fédération et président du syndicat du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie; à ma gauche, Jean-Noël Bilodeau, coordonnateur de la CSN-Construction; Luis Alfaro, président de Montréal et secrétaire de la fédération; et Roger Trépanier, salarié de la fédération.

Le Président (M. Gauvin): M. le président, M. Lemieux, je pense que c'est un peu particulier, ce que vous nous proposez, finalement. Vous avez une présentation à nous faire, il y a 30 minutes qui sont prévues à cet effet, mais je pense que, plutôt, une partie est réservée à la présentation d'une bande vidéo.

M. Lemieux (Olivier): C'est ça.

Le Président (M. Gauvin): Ça va. Donc, vous y allez avec la présentation, le scénario qui est le vôtre.

M. Lemieux (Olivier): Merci, M. le Président. Mme et MM. les membres de la commission parlementaire, nous remercions le ministre du Travail, M. Norm. Cherry, et la critique de l'Opposition, Mme Jeanne Blackburn, pour la double opportunité qu'ils nous accordent de nous exprimer sur le projet de loi 185. Nous ne répéterons pas intégralement notre mémoire que nous vous soumettions le 6 décembre dernier. Nous préférons aujourd'hui vous rappeler les principales recommandations que nous vous faisions alors.

Première recommandation: «des travaux d'entretien, de réparation et de rénovation mineure d'une valeur inférieure à 10 000 $ visés

à la présente loi, si cette licence est relative à toute autre catégorie. «Article 19. 2: Un employeur ou un représentant désigné en vertu de l'article 19 1 ne peut exécuter des travaux de construction qu'avec l'aide d'au moins un salarié de l'entreprise. «7. 1: ordonner à toute personne, qui exécute elle-même des travaux de construction sans être titulaire soit d'un certificat de compétence compagnon, soit d'un certificat de compétence occupation, soit d'un certificat de compétence apprenti ou soit d'une exemption délivrée par la Commission ou sans avoir en sa possession ce certificat ou une preuve d'exemption, de quitter immédiatement le chantier de construction et ne le réintégrer qu'au moment où elle démontre qu'elle est détentrice d'un tel certificat ou d'une telle exemption. «119. 2 Tout employeur qui est déclaré coupable d'une infraction prévue à l'article 83. 1 ou à l'un ou l'autre des paragraphes 1, 3, 4, 9, 11 et 12 de l'article 119. 1 de cette loi, en outre de la peine prévue pour cette infraction, sa licence ou le renouvellement de sa licence est suspendu pour une période de 1 à 3 mois. »

À ce moment, si la commission le permet, nous regarderions la bande vidéo qui explique, en gros, les problèmes qui sont vécus par les travailleurs de l'industrie, par les différents intervenants de l'industrie de la construction, c'est-à-dire la CSST, la CCQ et nos salariés, nos conseillers qui font la tournée des chantiers. C'est une bande vidéo d'environ 10 minutes et je pense que c'est assez explicite pour voir dans quel contexte on est pris pour évoluer présentement dans l'industrie de la construction. Durant la projection de la bande vidéo, M. Bilodeau va donner des explications concernant la bande.

Le Président (M. Gauvin): D'abord, j'ai demandé qu'on revoie le plan de lumière pour nous permettre de mieux voir votre bande vidéo. Est-ce que vous avez un technicien responsable au contrôle? André. On y va. Est-ce que vous allez nous commenter la bande vidéo?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gauvin): Quelqu'un va le faire. Merci.

M. Bilodeau (Jean-Noël): M. le Président, le vidéo que vous allez voir ne dure qu'une dizaine de minutes. C'est un vidéo dont le tournage a commencé le 7 février, c'est-à-dire très récemment. À la suite d'une information, des travailleurs de la construction de la Mauricie ont appris qu'un entrepreneur, sans permis, s'apprêtait à démolir un édifice du centre-ville de Trois-Rivières, l'édifice des Terrasses du Platon qui était autrefois un centre commercial. Vous allez comprendre que ce n'est pas un duplex ou un triplex, mais bien un édifice en plein centre- ville.

Le lendemain, le vendredi, ils ont commencé une certaine surveillance du chantier de démolition en présence d'un inspecteur de la CCQ. Vous voyez actuellement des images du chantier II n'y a pas de travaux. Informe par on ne sait qui, l'entrepreneur a décidé, cette journée-là, de ne pas effectuer de travaux.

Nous sommes donc le samedi, en dehors des heures normales de travail, et, maintenant, nous voyons l'entrepreneur en question effectuer lui-même des travaux de démolition sur l'édifice en question. Alors, vous le voyez travailler seul. Vous avez remarqué que ses outils sont assez primaires pour démolir un édifice.

Pendant que vous voyez ces images, je dois vous dire qu'au cours des dernières semaines la CSN-Construction a visité tout près de 700 chantiers au Québec et, simplement dans la région de Montréal, on a identifié quelque chose comme 500 travailleurs sans permis sur des chantiers au noir et on a identifié également un ensemble d'infractions: des entrepreneurs qui n'étaient pas enregistrés à la Commission de la construction, des entrepreneurs qui n'étaient pas détenteurs de licence de la Régie des entreprises de construction, des salariés qui oeuvraient sur les chantiers et qui n'avaient pas de certificat de compétence, de nombreuses infractions au ratio apprenti-compagnon et, également, des infractions parce que des personnes travaillaient sur des chantiers alors qu'elles étaient censées y travailler avec des travailleurs, ce n'étaient pas des chantiers non assujettis.

Or, une fois la constatation faite en présence d'un inspecteur de la CCQ, vous allez voir dans les images qui suivent... Vous avez bien un nom d'une compagnie qui est enregistrée; d'ailleurs, vous voyez Démolition Bel-Air, démolition en tout genre. Alors, vous voyez son outil de travail. Dimanche, le 9, à 14 h 29 de l'après-midi, vous voyez encore des images, une dizaine de témoins, dont des membres de la CSN-Construction, se présentent et, cette fois-ci, la police est présente. La CSST est également présente. C'est malheureux que le son soit mauvais, mais, actuellement, vous avez des policiers qui demandent à l'entrepreneur de descendre de là et l'entrepreneur leur dit que, lui, il continue. (Présentation du vidéo)

Alors, les deux séquences qui suivent sont des extraits de téléjournaux. (Présentation du vidéo)

Le Président (M. Gauvin): Pour revenir à votre présentation, M. Lemieux.

M. Lemieux (Olivier): J'aurais une question à poser à M. le ministre: Est-ce qu'il va permettre que M. Angers garde son permis d'entrepreneur en construction vu qu'il ne respecte pas les lois? Là, il vient de perdre son permis de conduire, il lui en reste un autre. C'est la

question que je poserais à M. le ministre à ce moment-ci. Ha, ha, ha!

J'ai eu des nouvelles du chantier cet après-midi. Le chantier a été terminé par un vrai entrepreneur en construction et des vrais gars de la construction. Il y a un bon dénouement, il y a un dénouement heureux de cet exemple-là.

Je reviens à la présentation que je faisais. Notre première recommandation, nous autres, on dit: Travaux mineurs inférieurs à 10 000 $. En fait, on dit de 0 à 10 000 $, c'est pour les petits travaux: la prise de courant dans le salon de coiffure ou les deux, trois prises de courant chez le dépanneur du coin. Là-dessus, il pourrait y avoir une limite qui pourrait se situer entre 0 et 10 000 $, puis on n'aurait pas de problème là-dessus.

Pour l'article 19. 2, M. Bilodeau va vous donner des explications.

Le Président (M. Gauvin): M. Bilodeau.

M. Bilodeau: À l'article 19. 2 qui nous semble, en tout cas, selon l'analyse du texte qui nous a été soumis dans la loi 185, très litigieux, on vous propose une nouvelle écritude de l'article en question parce qu'on trouve que celle qui est contenue dans la loi ne répond pas nécessairement - en tout cas, c'est ce qu'on croit - aux intentions affirmées du ministre de régler le problème du travail au noir. On pense que ce serait beaucoup plus clair si c'était: Un employeur ou son représentant désigné en vertu de l'article 19. 1 - un peu plus tôt - ne peut exécuter des travaux de construction qu'avec l'aide d'au moins un salarié de l'entreprise. On a également constaté, à la lecture de certains mémoires qui ont été présentés ici au cours des deux derniers jours, que quelques-uns avaient retenu l'écriture qu'on avait suggérée au ministre, mais en y ajoutant, notamment dans le document de l'AECQ, une exception en disant: Sauf s'il s'agit de travaux de finition sur une construction neuve qu'il a exécutés avec l'aide de salariés et, dans ce dernier cas, il doit obtenir un permis à cet effet de la Commission.

Ce qu'on croit, c'est que, durant ces deux jours, plusieurs organismes qui représentent effectivement des entrepreneurs ayant travaillé, autonomes, ont tenté de faire élargir leur champ d'activité à l'intérieur même de la loi. Et, quant à nous, on pense que ce n'est pas en éclaircis-sant une définition d'entrepreneur ou de salarié, qu'il soit autonome ou non, qu'on va pouvoir en même temps élargir nécessairement le champ d'activité de celui qui y travaillerait comme entrepreneur autonome.

Quand l'AECQ dispose de l'article 19. 2 en y mettant une exception concernant des travaux de finition sur une construction neuve qu'il a exécutés avec l'aide de salariés et, dans ce dernier cas, il doit obtenir un permis à cet effet de la Commission, on pense que c'est inaccep- table dans sa rédaction, mais on pense également que, quelque part dans le temps, on va pouvoir, de façon plus claire, voir le champ d'activité de celui que la loi est censée définir.

Mais la façon dont l'article 19. 2 est actuellement écrit, on pense que ça pourrait permettre autant de confusion que dans l'ancien texte de loi. Et si on revient avec une définition plus précise, c'est parce que, au niveau de la CSN-Construction, on recommande qu'effectivement il n'y ait pas trois catégories dans l'industrie de la construction, mais qu'il y en ait toujours deux, celle de l'employeur-entrepreneur et celle du salarié.

M. Lemieux (Olivier): À 7. 1, «ordonner à toute personne, qui exécute elle-même des travaux de construction sans être titulaire soit d'un certificat de compétence compagnon, soit d'un certificat de compétence occupation, soit d'un certificat de compétence apprenti ou soit d'une exemption délivrée par la Commission ou sans avoir en sa possession ce certificat ou une preuve d'exemption, de quitter immédiatement le chantier de construction et ne le réintégrer qu'au moment où elle démontre qu'elle est détentrice d'un tel certificat ou d'une telle exemption. »

Nous autres, on pense qu'à quelque part ça prend quelqu'un qui fasse administrer les lois. À ce moment-là, les patrouilles parcourent beaucoup de chantiers. Il n'y a pas eu de violence encore, mais on pense qu'à un moment donné, que ce soient les inspecteurs de la CCQ ou de la Régie, peu importe, il faut bien quand même qu'il y ait quelqu'un, quelque part, qui sorte les indésirables de l'industrie, sans ça... Surtout dans le contexte actuel de récession, les vrais de l'industrie commencent à avoir leur voyage. On est rendu, en tout cas, qu'on refuse du monde pour nos patrouilles. Je n'ai jamais vu ça, moi, je pense. De ce temps-là, on a trop de monde. On est rendu qu'on fait de la sélection. Ça fait longtemps que je n'ai pas vu ça, moi. Il faut qu'on soit dans une méchante récession. Donc, on pense qu'à quelque part, à un moment donné, il faut qu'il y ait un organisme qui puisse faire appliquer la loi. Si un individu ou une personne n'a pas affaire sur un chantier, qu'il ne soit pas là, qu'il soit expulsé et, quand il aura le droit de revenir, il reviendra. Parce que, de ce temps-là, il n'y a pas beaucoup de travail et disons que les patrouilles de chômeurs commencent à avoir hâte de rentrer sur les chantiers.

À 119. 2, «tout employeur qui est déclaré coupable d'une infraction prévue à l'article 83. 1 ou à l'un ou l'autre des paragraphes 1, 3, 4, 9, 11 et 12 de l'article 119. 1 de cette loi, en outre de la peine prévue pour cette infraction, sa licence ou le renouvellement de sa licence est suspendu pour une période de 1 à 3 mois. » En tout cas, nous autres, on pense que ça prend une lumière rouge quelque part. Là, on y va d'une

façon draconienne, on dit: O.K., U est pincé, il perd sa licence. Ou un système de points d'inaptitude. Ça fait qu'à un moment donné quelqu'un ne peut pas... Mettons que ça va mal, il change de nom et il fait faillite, il repart sous un autre nom. On pense qu'à un moment donné, quelque part, H faut que ça arrête. H faut que ça arrête. On a plein d'exemples de gens qui changent de nom régulièrement, deux, trois fois par année. Si les mesures étaient appliquées de façon... Si la loi était appliquée, en fait, on ne serait pas ici. Moi, je pense qu'on est ici pour boucher le trou de ta loi 31. Ça a pris des proportions catastrophiques depuis quelques années. Moi, je pense qu'à un moment donné il faut sévir. Et je pense qu'on pourrait s'inspirer de ce que les Français ont fait avec le projet de loi dont on est au courant concernant le travail au noir. Vous savez, ils vont jusqu'à saisir les biens de la compagnie. (18 heures)

Moi, je pense que, si au Québec, demain matin, le ministre annonçait que le premier entrepreneur qui se fait pincer avec des travailleurs au noir ou qui effectue des travaux pour lesquels il n'a pas les compétences, H perd son «caddy», comme certains l'ont souligné, ou il perd son tracteur, en dedans de deux semaines, il n'y a plus de travail au noir au Québec. Moi, je pense que, quelque part, on ne peut plus continuer comme ça. Sans ça, l'industrie de la construction, on n'en parlera plus dans quelques années. Même, il y a des chiffres qui démontrent que, depuis 15 mois, ça a encore augmenté de 30 %. Il y en avait à peu près 30 % et ça a augmenté encore de 30 %. Je pense, qu'à un moment donné il va falloir que ça arrête quelque part et c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui. Si le gouvernement français l'a fait, le gouvernement du Parti libéral peut faire des bouts aussi. Au Québec, il y a moyen de faire des lois et qu'elles soient respectées. Je vous remercie, M. le Président, ça complète ma présentation.

Le Président (M. Gauvin): Merci. M. le ministre.

M. Cherry: D'autres organismes l'ont fait et je vais vous demander... Certains de vous sont dans le milieu de la construction depuis fort longtemps, pouvez-vous nous expliquer comment vous autres, comme organisme syndical, la CSN, avez vécu l'arrivée de l'artisan dans l'industrie de la construction et sa mutation d'artisan à entrepreneur autonome?

M. Lemieux (Olivier): La première rencontre que j'ai eue concernant l'artisan, disons que c'est un autre parti qui était au pouvoir. Je pense que c'est au salon LaFontaine que le projet a été passé. Au départ, on n'était pas pour, mais le bol de toilette et la galerie, on n'avait pas trop de problème avec. Dans le discours, on disait: Le consommateur, une miniréparation de sous-sol, au niveau... C'était prévu que ce serait environ 2000, 3000 Individus qui feraient ça. Excepté que le système, depuis, est devenu très, très sophistiqué et ça a pris des proportions alarmantes très vite.

Il s'est installé un système de sous-traitance dans l'industrie de la construction. Ça a été une traînée de poudre, ce n'est pas compliqué, surtout dans la machinerie lourde. En l'espace de quelques années, le nombre d'artisans a quadruplé et on s'est ramassé, en 1988, avec la loi 31. On a été obligés d'avoir une loi pour essayer de reprendre le contrôle de l'industrie, si je puis m'exprimer ainsi. La sous-traitance était telle que le gouvernement a jugé bon de passer la loi 31. Au départ, on n'était pas pour la loi 31, mais on disait: Au moins, ça va les cadrer dans un coin et il va y avoir un champ de juridiction. Il y avait l'exception pour la machinerie lourde. Chez nous, ce qu'on s'est dit, c'est: En tout cas, il y a un «plaster», ça va au moins aider l'industrie. Excepté qu'il y avait une brèche dans la loi et c'est pour ça qu'on est venu ici aujourd'hui. La loi 185 est censée colmater la brèche qu'il y avait dans le projet de loi 31.

M. Cherry: Des artisans, à l'époque, il y en avait combien? Au moment où...

M. Bilodeau: Moins de 2000, monsieur.

M. Lemieux (Olivier): Moins de 2000. C'est environ... En deçà de 2000.

M. Cherry: Évidemment, aujourd'hui, on véhicule le nombre de 10 000 parce qu'on dit: II y en a 10 000 qui ne font pas de rapport d'activité à la CCQ. Mais je prends pour acquis qu'il y en a sûrement un nombre important qui limitent leur champ d'activité à l'intérieur de la rénovation, de la réparation, des affaires mineures. Donc, l'augmentation substantielle - les autres - des 2000 d'aujourd'hui à ce que ça peut être en extrayant ceux que je viens de décrire, est-ce que vous attribuez ça essentiellement au fait qu'ils ont vu ce qu'on convient d'appeler le trou dans la loi et qu'à partir de ça ils ont décidé: Voici la façon de...

M. Lemieux (Olivier): La perception quon en a chez nous, c'est exactement ça. On pense que plusieurs se sont incorporés et ont profité... En fait, premièrement, la partie qui est non assujettie, on n'a pas de problème avec ça: la rénovation mineure... Si la loi 31 avait été respectée, si son esprit avait été respecté, on ne serait pas ici aujourd'hui. Je pense qu'une bonne partie... En fait, ce qui mêle, c'est qu'on ne peut pas tracer une ligne entre ce qui est noir, ce qui est gris et ce qui est la construction. Il y a un trou dans la loi. Que ce soient les inspecteurs de

la CCQ, que ce soient nos conseillers, quand tu arrives, mettons, pour une réparation mineure: Es-tu chez le propriétaire? «C'est-u» du commercial? C'est qui? Moi, je pense qu'il faut absolument trouver une façon pour que ce soit clair, qu'il y ait des salariés et des entrepreneurs dans l'industrie de la construction. C'est la seule façon, je pense, de pouvoir contrer le fléau qu'est le travail au noir. Sans ça, il va y avoir des zones grises et on va se ramasser encore, dans six mois... J'espère que ça ne sera pas encore une troisième lecture de 185 et que le projet va passer avec des dents. Mais, je pense que... On dirait qu'on tourne en rond. Vous savez, on n'est pas capable de statuer ou de légiférer pour, une fois pour toutes, faire des catégories. Bien, peut-être leur faire un champ de juridiction, comme d'autres l'ont souligné devant vous, M. le ministre. Mais, moi, je pense que, si la loi 31 avait été respectée dans son esprit, on ne serait pas ici aujourd'hui. M. Bilodeau.

M. Bilodeau: Également, un autre aspect qu'on a senti, c'est que les entrepreneurs autonomes qu'on a vus foisonner tout à coup parce qu'il y avait un trou dans la loi, il restait quand même qu'il y avait, je dirais, d'autres articles de la loi qui auraient pu empêcher que ça se développe, entre autres, celui qui dit que l'entrepreneur autonome doit exiger une rémunération au moins égale, sur une base horaire, à la rémunération et aux conditions du Décret.

J'ai bien entendu, cet après-midi, un des représentants patronaux dire que c'est les lois du marché et que, lui, il s'offre au plus bas prix. Il me semble, en tout cas, que ce n'est vraiment pas ce qui était dans la loi. Je me demandais si, effectivement, c'était une pratique courante chez les entrepreneurs qui ont signé la convention collective ou les décrets d'appliquer ça de cette manière-là. On nous a toujours dit, nous autres, que le Décret, c'était un minimum et un maximum. Les salaires ne sont pas régis par la loi de l'offre et de la demande. Ils sont décrétés à la suite d'une négociation ou pas. Il est clair aujourd'hui que l'entrepreneur autonome qui, tout à coup, trouve un trou dans la loi, il trouve un sacré bon trou parce que, à ce moment-là, il décide qu'il fait n'importe quoi, n'importe comment, en dehors de toute la légalité du Décret de l'industrie. C'est ça, le problème: ce n'est pas un compétiteur honnête. S'il était un compétiteur honnête, il y aurait autant de salariés qui travailleraient à l'heure actuelle pour des entrepreneurs de l'industrie. C'est parce qu'ils s'offrent à plus faible prix, c'est parce qu'ils s'offrent à forfait.

M. Cherry: Mais ça, ils l'ont bien admis aujourd'hui. Hier, on a eu une corporation qui est venue nous dire: Avec ce que vous avez dans la définition de la loi, non, il n'y a pas vraiment de différence. C'est par choix de liberté, parce que, effectivement, il doit charger le même prix en incluant les avantages. Mais, aujourd'hui, quand on a, entre autres, questionné l'APCHQ qui est le principal utilisateur de ces gens-là, eux autres, ils ont dit carrément: Non, on donne ça à la job et c'est comme ça. Ils nous ont sorti un tableau pour nous expliquer comment ça se faisait. Ça revient à la description que vous venez de faire, c'est bien celle-là qu'on a entendue. C'est que, nous autres, parce qu'on est ce type de compétition là, on peut charger moins cher. On n'est pas obligé de payer les avantages, on n'est pas obligé de faire rien de ça, quand on est seul. Quand on engage quelqu'un, on passe du statut d'autonome à employeur. Mais, là, on s'est vite fait décrire, dans le mémoire précédent des électriciens... On sait comment ça marche. Ils n'engagent pas vraiment quelqu'un qui a sa carte de compétence et qui doit être assujetti aux règles et au Décret. Ils continuent dans la même veine et c'est...

M. Lemieux (Olivier): M. le ministre, est-ce que c'est parce qu'ils l'admettent qu'on va leur pardonner?

M. Cherry: Non, ce n'est pas ça que je suis en train de dire. Mais je dis que, contrairement à hier où la corporation des tuyauteurs. nous disait: Non non, il n'est pas question de réduire les prix, il est simplement question de respecter la volonté de l'individu, le libéralisme, aujourd'hui, ceux qui les emploient nous ont dit: Non, nous, c'est les règles du marché et on s'arrange. Donc - c'est la question que je posais à l'organisme précédent, les électriciens - comme 85 % des entrepreneurs en construction, au Québec, utilisent cinq salariés et moins, si on ne fait pas attention, est-ce qu'à chaque fois qu'on encourage l'élargissement du champ d'activité de l'entrepreneur autonome on ne le fait pas directement au détriment de celui qui a un salarié et deux salariés? Si on lui rend, à lui, la vie plus difficile, est-ce qu'on ne donne pas le signal que ce qu'il a à faire, c'est: Débarrasse-toi de tes gens, deviens un autonome, toi aussi, et continue à payer tout le monde? C'est vous autres qui le vivez de façon quotidienne. Là, vous nous avez fait la description de gens qui n'ont pas de carte de compétence, qui n'ont pas, de permis de la ville, qui n'ont pas ci, qui n'ont pas ça. Mais, dans vos visites de chantiers... Vous dites que vous en avez visités 500? C'est ce que vous avez dit?

M. Bilodeau: Oui, 700.

M. Cherry: O.K. Voulez-vous nous faire la liste du type d'infractions que vous avez rencontrées par rapport à ce qu'auraient dû être les normes? Le type d'activités et le type d'infractions, s'il vous plaît?

M. Lemieux (Olivier): M. Alfaro va vous faire la description.

M. Alfaro (Luis): Comme Jean-Noël le disait tantôt, des employeurs qui n'étaient pas enregistrés à la CCQ, il y en avait un pourcentage d'à peu près 20 %. Des employeurs qui n'étaient pas détenteurs d'une licence de la régie des entrepreneurs du Québec, il y en avait aussi approximativement 20 %. Des salariés oeuvrant sur des chantiers et qui ne détenaient pas de certificat de compétence, on en a trouvé 500 dans les 700 chantiers. Il y avait 9 infractions par rapport aux ratios et 41 infractions sur des personnes physiques travaillant seules sur un chantier.

M. Cherry: Le type de chantiers, «c'était-u» de la rénovation? «C'était-u» du commercial, de l'industriel? «C'était-u» du neuf? C'était quoi?

M. Alfaro: II y avait différents chantiers assujettis à la construction.

M. Lemieux (Olivier): M. le ministre, ce que les patrouilles nous ont permis de découvrir, en tout cas, surtout au niveau de nos chômeurs... Ils se sont aperçus, en faisant les patrouilles, qu'il y avait beaucoup de travaux qui n'étaient plus assujettis dans l'industrie de la construction. Par exemple, des rénovations d'hôpitaux, des rénovations d'écoles. Ils ont dit: Comment ça se fait, c'est plus à nous autres, ça? C'est en récession que le monde... Les comités qui étaient prévus dans Picard-Sexton, comme le comité sur le champ de juridiction, moi, je pense que ça urge. Moi, je pense que c'est très important que ces comités se mettent en action le plus rapidement possible parce que l'industrie de la construction est sur le bord, pas nécessairement de... La tolérance des travailleurs de la construction est rendue, je pense, à sa limite. Il y a une urgence pour le gouvernement d'agir, de légiférer au plus tôt - surtout concernant 185 - et de mettre en place les fameux comités pour qu'on sache réellement qui fait quoi et quand.

M. Cherry: Vous avez dit, par exemple: Comment ça se fait qu'on a perdu les hôpitaux? Est-ce que c'est ça?

M. Lemieux (Olivier): Non, mais les rénovations dans certains hôpitaux ou écoles.

M. Cherry: O. K.

M. Lemieux (Olivier): L'entretien et la réparation.

M. Cherry: La rénovation dans des hôpitaux, vous dites qu'on l'a perdue.

M. Lemieux (Olivier): Bien, oui.

M. Cherry: Sur quoi vous vous appuyez pour dire qu'on a perdu ça?

M. Lemieux (Olivier): Bien, c'est parce que, dans certains hôpitaux, au niveau de la loi, les employés d'hôpitaux peuvent le faire.

M. Cherry: O. K.

M. Bilodeau: C'est une des exclusions.

M. Lemieux (Olivier): C'est une des exclusions dans la loi.

M. Cherry: O. K. C'est correct.

Le Président (M. Gauvin): M. Alfaro.

M. Alfaro: Juste à titre d'exemple, à l'hôpital Sainte-Justine, actuellement, au sixième étage, ils sont en train de démolir l'étage au complet. C'est des travailleurs de l'hôpital qui font la job, ce ne sont pas des travailleurs de la construction.

M. Lemieux (Olivier): Mais, M. le ministre, on n'est pas ici pour partir une chicane, mettons, entre les gens de l'hôpital et les gens de l'industrie. Ce que je souligne, c'est qu'il est urgent que le comité sur le champ d'application se mette en marche et que le gouvernement ait un plan de relance ou une solution parce que les travailleurs commencent à avoir leur voyage. Ils trouvent qu'on a perdu ça, on avait ça. Disons que la tolérance est rendue quasiment à bout, là. Il est urgent que la loi 185 s'applique, malgré qu'on ait certaines réticences. Moi, je pense qu'il faut que le gouvernement légifère et la fasse appliquer pour qu'on cerne au moins une partie du travail au noir.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Cherry: Certains de vous ont suivi les travaux hier et aujourd'hui. Il y a eu des suggestions selon lesquelles un entrepreneur pourrait travailler seul sur ses chantiers en autant qu'il ait au moins un salarié inscrit à ses livres. En d'autres mots, est-ce que, physiquement, lui, il peut... Mais il peut y avoir des gars qui travaillent pour lui ailleurs, tu sais, un ou des gars. Comment réagissez-vous, vous, à cette suggestion?

M. Lemieux (Olivier): Moi, M. le ministre, c'est non. Il ne faut pas qu'on retombe dans le même piège que celui de la loi 31. Moi, je pense que tu as deux statuts dans la construction: tu es entrepreneur ou tu es salarié de l'industrie. Le type en question, s'il faut qu'il aille seul sur le chantier, bien, à ce moment la, il sera salarié de sa compagnie. Moi, je pense que c'est comme ça qu'il taut que ça fonctionne. Sans ça, on va

se retrouver avec le même problème que la loi 31. Dans deux ans, on va se revoir ici et on va dire: Comment ça se fait que ça n'a pas marché? Je pense que l'idée que vous amenez, ça pourrait être louable, dans un certain sens. Mais pratique? Comme on l'a vu, surtout les intervenants qui... (18 h 15)

Dans l'industrie de la construction, vous dites que les gens ont beaucoup d'imagination. Ce ne sera pas long que... Le gars tout seul, il va être longtemps tout seul, juste à lire le mémoire de l'AECQ et les statistiques qu'ils ont sorties. Il y a peut-être une façon de les satisfaire, mais quand je pense que, quand ils sont tout seuls, il faut qu'ils soient salariés. M. Bilodeau.

M. Bilodeau: Peut-être pas un exemple, mais, en tout cas, une situation qu'on a remarquée récemment. À la faveur des discussions qu'on a sur la formation professionnelle, on a même vu des représentants d'employeurs, qui sont principalement dans le résidentiel, nous parler beaucoup des stagiaires non rémunérés qui viendraient s'installer dans l'entreprise. Quant à nous, on trouve ça très curieux parce que, dans les statistiques qui se faisaient ici, aujourd'hui, je pense que quelqu'un a dit qu'il y avait tout près de 67 % de leurs membres qui étaient dans ce secteur-là et qui travaillaient souvent seuls, etc. La demande d'avoir des stagiaires non rémunérés venait d'eux autres. Nous autres, on trouve ça étonnant qu'ils n'aient besoin de personne, mais que, s'il y en avait qui ne coûtaient rien, là, ils viendraient travailler dans l'industrie.

Quant à nous, je dois vous dire que les discours qu'on peut entendre, dans la réalité, ça prend une autre tournure. Ils ont trouvé un trou dans une loi, semble-t-il, en tout cas, dont ils pouvaient bénéficier puisque, tout à coup, il y avait une partie des travaux qui n'était pas assujettie. Ils ont même trouvé un trou dans ça. Alors, dans un prochain projet de loi qui pourrait, encore une fois, élargir leur champ d'activité, on se demande s'ils n'en trouveront pas un autre. Si, demain matin, les bénévoles reviennent dans l'industrie et les beaux-frères, etc., on dira: Ah! À la faveur, effectivement, d'un projet de loi qui leur permettait de faire ci ou ça, ils vont revenir. Ce n'est pas des salariés.

Nous, on pense qu'avant d'entreprendre des discussions à ce niveau-là, il faut circonscrire la notion d'employeur, d'entrepreneur et celle du salarié, après ça, on discutera de leur activité, et non pas de créer une troisième voie qui va s'élargir aux dépens des deux autres.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M.

Lemieux, M. Bilodeau, messieurs, bonjour et bienvenue. Je vais rapidement passer aux questions. Une première qui me vient assez rapidement, parce qu'on vient tout juste de rencontrer les maîtres électriciens qui me disaient que finalement - peut-être ai-je mal posé la question là - il n'y avait pas eu d'accroissement notable du nombre d'entrepreneurs autonomes après l'adoption du projet de loi 31. Vous me dites qu'il y avait environ 2000 artisans et qu'on serait avec quelque 10 000 entrepreneurs autonomes?

M. Lemieux (Olivier): On ne voulait pas faire une guerre de chiffres. On pensait que la CCQ avait fourni toutes les données au départ. Je ne suis pas du tout d'accord avec la Corporation des maîtres électriciens, au niveau de ses chiffres, même si, en fait, ce n'est pas, comme organisation syndicale, notre rôle de compter le nombre d'artisans ou de travailleurs autonomes qu'il y a dans l'industrie. Mais, c'est évident, avec les chiffres qui nous sortent le nombre d'heures travaillées dans l'industrie, qu'il y a quelque chose qui se passe quelque part. Ce qu'on se dit, c'est que 1 000 000 $ dans la construction, ça donne environ 6000 heures. Si on fait le calcul au bout de l'année, on s'aperçoit qu'il y en a un paquet qui est disparu quelque part.

Je pense qu'on ne peut pas émettre le chiffre, mettons, de 9992 travailleurs autonomes, comme on ne peut pas dire: Parmi nous autres, ici, il y en a 10 qui ont fait des excès de vitesse pour s'en venir à Québec. Moi, je pense qu'on le sait quand ils se font pincer et on fait le décompte.

Mme Blackburn: Juste pour fins d'information, je veux vous rappeler qu'il y a certains secteurs qui sont exclus des champs d'application. On retrouve ça à l'article 19.8 - je le rappelle juste pour le ministre - qui dit qu'elle ne s'applique pas: «aux travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et de modification exécutés par des salariés permanents embauchés directement par les commissions scolaires et collèges visés dans la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives [...] et par des salariés permanents embauchés directement par les établissements publics visés dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, de même que par des salariés qu'ils embauchent directement pour remplacer temporairement ces salariés permanents».

L'effet net, c'est que tout ça a été soustrait. J'ai toujours trouvé que c'était un peu cavalier, parce que, dans le fond, ça vient dire: Pour tout ce qui est du public, le Décret, ça ne s'applique pas. Le ministre pourra se pencher sur cet article-là, ça m'a toujours un peu irritée qu'on puisse dire: Nous, on se permet de payer les gens 5 $, 6 $, 7 $, 8 $ de l'heure, alors que,

quand c'est le commercial, l'industriel, le génie ou le résidentiel, là, c'est le Décret qui s'applique. H y a quelque chose qui ne va pas là-dedans. Tout à l'heure, d'ailleurs, tes maîtres électriciens le rappelaient, ne devrait être considéré comme entrepreneur général que l'entrepreneur dont l'essentiel des activités, c'est de la construction, alors que, là, un hôpital peut devenir entrepreneur général, si je ne m'abuse. Ça pose un problème. Si jamais on a un débat plus en profondeur sur toute cette questionna, il va falloir qu'on réexamine le champ d'application. Ça m'apparaft élémentaire. Oui?

M. Lemieux (Olivier): M. Bilodeau.

M. Bilodeau: Effectivement, Mme Blackburn, ça pose des tas de problèmes, surtout qu'à la CSN, vous savez, on représente la plus grande partie des travailleurs du secteur public et parapublic. On a beaucoup de travailleurs d'hôpitaux qui sont syndiqués, des travailleurs de commissions scolaires qui sont syndiqués. Régulièrement, on rencontre aussi les syndicats pour avoir avec eux des discussions sur les types de travaux qu'ils peuvent exécuter ou que nos membres peuvent exécuter. Je dois vous dire que, souvent, les litiges se règlent lorsqu'on syndique les travailleurs qui ont été embauchés par l'hôpital pour faire ces travaux-là parce que souvent les conventions collectives leur donnent l'ancienneté, ce qui n'existe pas dans l'industrie de la construction. Généralement, en peu de temps, le litige peut se régler sur cette base-là. Mais ce n'est certainement pas avec la volonté des administrateurs d'hôpitaux qui, eux autres, vont tenter effectivement de faire faire les travaux au plus faible coût possible.

Mme Blackburn: Votre deuxième recommandation... La première, je la passe, parce que vous dites: 10 000 $, étant identifiés comme étant des travaux mineurs. Est-ce que c'est 10 000 $ pour la totalité des travaux à effectuer ou 10 000 $ par spécialité?

Des voix: Ha, ha. ha!

M. Bilodeau: Non non, c'est l'ensemble des travaux. Écoutez, je pense que, quand c'est survenu, ce litige-là, personne ne voulait effectivement faire une balise quelque part. Certains disaient 2000 $, d'autres 5000 $ et, à l'époque, effectivement, il y avait plusieurs entreprises industrielles qui voulaient faire des types de travaux comme ceux-là, et c'est elles qu'il fallait viser. Alors, un minimum de 10 000 $ ne nous apparaît pas comme étant un chiffre très élevé dans l'économie actuelle.

Mme Blackburn: Le fait qu'il n'y ait pas de minimum indiqué, ça donne lieu à quelles pratiques que vous estimez abusives?

M. Lemieux (Olivier): Qu'il n'y ait pas de minimum au niveau des travaux mineurs?

Mme Blackburn: Oui. Il n'y a pas de définition de travaux mineurs dans le commercial. Est-ce que vous avez des exemples qui démontrent qu'N y a eu abus dans des travaux de rénovation qui devaient être des travaux mineurs, des travaux non assujettis qui, finalement, se sont avérés des travaux importants?

M. Lemieux (Olivier): En fait, ce qui fausse un peu l'esprit de la loi 31, c'est la faille qu'H y avait dedans où les gens se sont incorporés. En fait, ils ne faisaient pas nécessairement des travaux mineurs. La notion était comme disparue comme telle parce qu'ils allaient partout. C'est dans ce sens-là qu'on pense qu'il faut absolument avoir une limite.

M. Bilodeau: Tout simplement, un exemple qu'on pourrait vous donner. Effectivement, on pourrait rentrer dans cet exemple un triplex. Il y a un logement à réparer avec peut-être un escalier à placer. Je peux vous assurer - s'il y en a qui sont propriétaires - que des travaux comme ceux-là risquent d'atteindre facilement 10 000 $. Mais, c'est la catégorie qui était visée Ce qu'on ne voudrait pas, c'est qu'une fois qu'on a mis, par exemple, du polythene devant les fenêtres, placardé avec du «plywood» les entrées de la ruelle, là, à l'intérieur, il se fasse des modifications, des rénovations qui peuvent se chiffrer à 40 000 $, 50 000 $. On pense que, s'il n'y a pas de minimum exigé ou de maximum exigé, on laisse encore une fois la porte grande ouverte à l'excès.

Mme Blackburn: Ça, c'est pour le résidentiel et non pas le commercial.

M. Bilodeau: Ce que je vous disais là, c'était du commercial...

Mme Blackburn: Oui, d'accord.

M. Bilodeau: ...ou du résidentiel, mais des propriétaires qui ont des logements qu'ils n'habitent pas.

Mme Blackburn: Du locatif. Votre deuxième... Je pensais que le ministre répondrait à la deuxième recommandation qui propose de modifier l'article 19.2 pour le clarifier. Je dois dire que j'ai comme vous... Je l'ai relu 10 fois. Évidemment, comme je ne suis pas légiste, comme je ne suis pas avocate, j'ai beau le lire et le relire... Si je le lis textuellement, c'est: «Un employeur ou un représentant désigné en vertu de l'article 19.1 ne peut exécuter des travaux de construction qu'avec l'aide d'au moins un salarié de l'entreprise sauf s'il s'agit d'un entrepreneur autonome ou du représentant désigné d'un

entrepreneur autonome». Ça laisse l'impression que l'entrepreneur autonome peut continuer, ou son représentant. Je ne sais pas. J'imagine que c'est la lecture que vous fartes aussi. J'ai beau le relire et...

M. Bilodeau: Mme Blackburn, je dois vous dire que, nous, non plus, on n'est pas juristes, mais on sait fort bien que ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et ce n'est pas le cas.

Mme Blackburn: En tout cas, on me dit qu'on va bien m'expliquer ça à l'occasion de l'examen article par article. Vous proposez une modification à l'article 7.1 qui viendrait rendre un peu plus sévères les pénalités, c'est-à-dire qu'il est exclu du chantier, à moins qu'il ne revienne avec sa carte ou qu'il trouve quelqu'un pour la lui vendre.

M. Lemieux (Olivier): Disons que la pratique est pas mal moins courante maintenant avec les systèmes d'ordinateur. Il y a encore quelques exceptions, mais...

Mme Blackburn: Brièvement, est-ce que...

M. Lemieux (Olivier): ...c'est plutôt des prêts, maintenant, des prêts de cartes.

Mme Blackburn: Ah! d'accord. Parce qu'il n'y a pas de photo?

M. Lemieux (Olivier): Non, pas sur la carte de compétence.

Mme Blackburn: Est-ce que c'est important, comme phénomène...

M. Lemieux (Olivier): Non.

Mme Blackburn: ...le racket des cartes de compétence et le prêt des cartes de compétence?

M. Lemieux (Olivier): Moi, je pense qu'on revient à un certain phénomène où on retrouve des chantiers très lucratifs, exemple: de ce temps-là, Sept-îles et Baie James. Quand il y a des endroits, des chantiers où les travailleurs de la construction font des salaires pas mal au-dessus de la moyenne à cause du temps supplémentaire, de l'éloignement, disons que, là, il faut être plus vigilant. Tout le monde veut gagner 2000 $ par semaine, surtout les travailleurs de la construction. Quand tu n'as pas d'ancienneté dans l'industrie, quand tu peux poigner quatre, cinq mois à 1500 $, 2000 $ par semaine, il n'y a personne qui crache là-dessus, surtout dans les temps qu'on vit présentement.

Mme Blackburn: Le travail au noir est devenu endémique, je pense qu'on peut le dire, dans la construction, en particulier. En plus, évidemment, il y a toute une économie souterraine qui est en train de se développer au Québec. Dans la construction, il y a finalement, on le constate, peu d'économies pour le consommateur. On est obligé de le constater, juste sur la base des coûts de construction d'une maison neuve, qu'il n'y a pas vraiment d'économie. Alors, il y a certainement quelqu'un qui s'enrichit quelque part. C'est autant vos travailleurs que les entrepreneurs.

Le problème qu'on éprouve par rapport à ce type de travail au noir, c'est un peu comme pour le tabac. Finalement, c'est le fumeur, c'est celui qui achète. Dans la construction, ça ne revient pas dans les poches du consommateur. On a comme un problème. C'est ce qu'on invoque souvent, moi et mes collègues, en disant: L'entrepreneur autonome, normalement, il devrait contribuer à faire réduire les coûts. On devrait avoir des services à meilleur coût. Mais on ne nous a pas démontré, au cours de ces deux jours, que c'était un fait. Moi, je prétends que le travail au noir s'explique beaucoup par l'accroissement absolument effréné des taxes, de la tarification des impôts, ce qui fait que tous ceux qui peuvent y échapper vont faire n'importe quoi pour y échapper. Je rappelle qu'il y a des taxes, des tarifications auxquelles vous ne pouvez pas échapper. La taxe sur l'essence, vous ne pouvez pas y échapper. Les cigarettes, à moins d'avoir des contacts, vous ne pouvez pas y échapper.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Les immatriculations pour les voitures, les permis de conduire, les frais de scolarité, les taxes scolaires, les taxes municipales, vous avez toute une série de tarifications et de taxes. Inutile, vous ne pouvez pas y échapper, ça touche tout le monde. Alors, il reste donc l'impôt et les différentes mesures sociales rattachées, prévues au Décret. Là, de plus en plus de gens refusent de les payer. Qu'est-ce qu'on peut faire? Là, on a beau parler... D'accord, c'est «smart» à plein, ce qu'on fait là, c'est gentil, on essaie de clarifier des affaires, mais le vrai problème du travail au noir, je ne pense pas vraiment qu'on le règle, y compris avec 185. On aurait pu avoir une petite idée que ça aurait pu améliorer la chose si on avait promulgué 53 en 1985. On aurait peut-être vu si ça avait des effets. (18 h 30)

Mais, là, j'ai l'impression que la tangente qu'on a prise au Québec, c'est entré dans les moeurs. C'est entré dans les moeurs et ça, c'est inquiétant. Je me demande: Est-ce qu'on peut penser... Là, certaines personnes ont envisagé des mesures pour limiter le travail au noir en disant: Des avantages fiscaux, une contribution - l'équivalent de Corvée-habitation - des trucs comme ça. Mais, est-ce qu'on peut penser à autre chose?

M. Lemieux (Olivier): Chez nous, on pense qu'une des mesures qui pourraient être incitatives pour enrayer le travail au noir, ça pourrait être au niveau de la fiscalité. Un consommateur ou une consommatrice qui fait faire des travaux dé construction pourrait avoir un crédit d'impôt pu se servir de son REER. Quand c'est des vrais de l'industrie, il pourrait y avoir, je ne sais pas, moi, une fiche disant: Tef individu, il a sa carte. C'est tel entrepreneur qui a sa carte. Quand c'est des travaux assujettis, il pourrait y avoir des crédits d'impôt ou on pourrait se servir de son REER pour les faire effectuer. On pense que ça serait une mesure incitative. En faisant, comme le suggérait une des recommandations de Picard-Sexton, une bonne campagne de publicité en lançant cette idée, je pense que ça serait une des mesures qui pourraient enrayer une partie du travail au noir. La campagne de publicité, bien, en fait... Comme on dit: Piquer, c'est voler! tout le monde l'a dans l'esprit maintenant et ça pourrait être vrai pour les heures dans l'industrie de la construction.

Moi, je pense qu'il y a une éducation à faire. Même ceux, à l'heure actuelle, qui ne font pas effectuer leurs travaux au noir passent pour niaiseux ou niaiseuses. T'es bien épais, toi, tu as pris un... Tu sais? Moi, je pense qu'on est rendu à la limite. Quand tu prends un entrepreneur en construction, tu es un épais ou tu ne sais pas comment ça marche, la business. C'est rendu qu'on se vante de frauder le système. Moi, je pense qu'il faut absolument qu'il y ait des mesures de prises. C'est rendu que c'est une fierté de contourner les lois et le système. S'il y avait des mesures fiscales, soit au niveau du crédit d'impôt, des REER, ou, en tout cas, trouver une façon d'inciter les consommateurs ou les consommatrices à prendre les vrais de l'industrie, déjà là, l'image serait changée. Ça serait véhiculé autrement et ça serait très positif pour l'industrie.

Le Président (M. Gauvin): Juste une minute d'attention, s'il vous plaît. J'aimerais rappeler aux membres de la commission et à nos invités que le mandat de la commission était que les travaux devaient se terminer à 18 h 30. Ça me prend le consentement des membres pour continuer.

Mme Blackburn: Ça va.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi, merci.

Mme Blackburn: Consentement accordé. Les régimes d'épargne-logement, est-ce que ça a eu un effet?

M. Lemieux (Olivier): Bien, dans le temps, oui, ça a eu un effet pour l'achat, mais ça pourrait être converti, je pense - tu veux réparer ton condo ou ta maison - en avantages... Moi, je pense que ça serait une des mesures très, très incitatives. Peut-être que ça pourrait repartir une partie de l'économie parce qu'on est convaincus que lorsque ça va répartir, ça va passer par lé bâtiment. C'est ça qui est le plus rapide. On attend nos gouvernements pour le plan de relance, mais j'ai l'impression qu'une partie de son plan de relance va toucher le bâtiment et la construction.

Mme Blackburn: On va souhaiter qu'il fasse preuve d'imagination.

M. Bilodeau: Mme Blackburn, si vous permettez.

Le Président (M. Gauvin): M. Bilodeau. Mme Blackburn: Oui.

M. Bilodeau: II y a même des études très sérieuses qui existent dans l'industrie concernant la rénovation, études faites par là CCQ et dans lesquelles on explique très bien que la rénovation, c'est une activité anticyclique. C'est-à-dire qu'une fois que la construction neuve a accaparé le marché il y a une période d'affaiblissement et c'est la rénovation qui intervient. Dans fa période de récession qu'on connaît, à l'heure actuelle, effectivement, s'il y a un modèle à suivre, c'est peut-être le modèle économique le plus simple qui est celui des activités cycliques et anticycliques, et de soutenir l'activité de la construction en soutenant les secteurs qui sont faibles. Mon taux, mon toit, ça a peut-être maintenu une certaine activité dans le secteur, mais j'ai l'impression que ça a fait monter le prix des maisons plutôt qu'autre chose. On ne l'a pas vraiment senti dans l'industrie. Ça a simplement maintenu artificiellement l'activité pendant quelques mois, et on a vu la chute des taux d'intérêt. Tout à coup, les travailleurs, qui sont, eux aussi, des acheteurs de maisons, ne pouvaient plus se payer les maisons qu'on leur offrait à 100 000 $, même avec une déduction. C'est peut-être ça le problème. Il faut absolument que les consommateurs - la grande partie des consommateurs, c'est les travailleurs et les travailleuses du Québec - soient, eux autres, capables d'en acheter une maison. Pour ça, il faut qu'ils travaillent, c'est une des premières conditions. Je pense que le plein emploi est favorisé par l'ensemble du monde. La deuxième, c'est de les inciter, de favoriser cette consommation en leur permettant d'avoir accès soit à des programmes de rénovation, soit à des programmes d'habitation qui leur permettent d'y accéder.

Mme Blackburn: Vous endossez une des propositions de Sexton-Picard qui suggère une bonne campagne d'information sur les coûts du

travail au noir. Moi, je pense que ce serait une bonne idée. Il me semble que, même si on mettait une centaine de mille dollars sur une campagne comme ça, si ça avait des effets réels, ça ne coûterait rien à l'État puisque, déjà, les rentrées d'impôt compenseraient très largement pour les frais de la campagne. Pourquoi est-ce que ça n'a pas été fait? Pourquoi est-ce que le gouvernement n'y a pas donné suite? Il faudrait le demander au ministre du Travail qui est plutôt responsable de l'industrie de la construction.

M. Lemieux (Olivier): Bien, moi, je pense qu'il y a beaucoup de mesures qui se retrouvaient dans Picard-Sexton, qui, si elles avaient été appliquées, entre autres, sur la planification des travaux dans l'industrie de la construction... Il y avait des mesures incitatives. C'était une des recommandations. Il y avait sept ou huit recommandations concernant le travail au noir dont une campagne publicitaire pour inciter les gens. Peut-être que le M. le ministre pourrait nous répondre, mais j'ai l'impression que, si une bonne partie des résolutions de Picard-Sexton avaient été appliquées, déjà, la moitié du problème serait réglé, si ce n'est pas plus.

Mme Blackburn: Avec 185, ça donne quelle proportion, à peu près, de Sexton-Picard qui est appliquée? Indue?

M. Bilodeau: Bien, je dois vous dire qu'avec le discours qu'on entend à l'heure actuelle, d'un nouveau contrat social, de grappes industrielles, nous autres, une des choses qui nous étonnent le plus dans tout ça, c'est que, partout, ils tentent de faire des comités de concertation pour mettre les syndicats, les employeurs et le gouvernement autour de tables dans lesquelles on pourrait définir les grands projets économiques.

Bien, dans la construction, le rapport Picard-Sexton, c'était sa première recommandation: Faites une commission pour planifier l'industrie, on en a besoin. À notre connaissance, ça n'a pas été retenu. On aimerait bien ça qu'elle soit retenue, mais, là, on nous dit: Ça, c'est l'affaire du Conseil du trésor, c'est lui le grand décideur. On aimerait ça, nous autres, être les décideurs dans l'industrie. Probablement que les entrepreneurs aimeraient ça aussi. Ça pourrait permettre de planifier la main-d'oeuvre pendant peut-être une dizaine d'années, faire en sorte qu'elle reçoive la formation voulue et faire en sorte que ça stabilise l'activité de l'industrie pour ne pas qu'on se retrouve, comme maintenant, avec 30 % à 40 % de moins d'activité alors qu'il y a à peine 18 mois on était à l'apogée avec 120 000 000 d'heures. On est rendu à 85 000 000. Si, quelque part, il y avait eu une volonté politique de dire: On va passer à travers la crise, on aurait assis les parties à une commission, à un comité quelconque pour dire: Écoutez, avez-vous des bonnes idées pour passer à travers? Comment on ferait? Je pense que, s'il y a une recommandation à retenir de Picard-Sexton, c'est bien celle-là, à part tout le reste, là, même l'élimination de l'entrepreneur autonome.

Mme Blackburn: Est-ce que vous ne trouvez pas surprenant que même Tremblay n'ait pas proposé, n'ait pas reconnu qu'il y avait possibilité de grappes industrielles dans l'industrie de la construction?

M. Lemieux (Olivier): J'ai rencontré, dernièrement, M. Éric Ryan...

Mme Blackburn: Ah bon! Le frère de l'autre.

M. Lemieux (Olivier): ...et il nous a dit que, probablement, au sujet des grappes concernant la construction, on serait convoqués d'ici le mois de juin ou, au plus tard, à l'automne, mais il n'y a pas de projet sur la table. Il est censé nous rencontrer pour regarder comment pourrait fonctionner l'industrie. En tout cas, il nous a dit en juin ou peut-être à l'automne, dépendamment comment vont aller les débats à la Chambre. En tout cas, on l'a vu une fois et c'est ça qu'il nous a dit, que c'était une des cibles du ministre Tremblay, la construction.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. En conclusion, M. le ministre.

M. Cherry: Oui, bien rapidement. D'abord, juste pour enchaîner sur les commentaires que vous faisiez. Même si ça ne répond pas aux besoins à cause de la situation économique, il ne faudrait quand même pas passer sous silence l'annonce qui a été faite par le premier ministre, au début de janvier 1991, des 500 000 000 $ qui ont été injectés et dont la période se termine en mars 1992. Donc, même si ce n'est pas suffisant, c'est quand même un montant, là. Dans le contexte économique, un effort de cette nature-là, il ne faut quand même pas passer ça sous silence.

Vu que la journée se termine, je veux vous remercier d'avoir accepté de venir témoigner devant nous. Je vous remercie aussi du vidéo. Je trouve que c'est une façon moderne de communiquer et ça dit exactement le message que vous vouliez dire. Je pense qu'on va être capables de cheminer ensemble et de trouver des pistes de solution qui devraient nous amener à ça. Mais, encore une fois, je pense que ça a été exprimé aujourd'hui, il y a des gens de la construction qui se disent: Chaque fois, qu'il y aura quelque chose, on trouvera une façon de le contourner. Ça ne peut pas être une attitude qui va mener à un règlement. Il faut qu'il y ait une volonté de

trouver des solutions qui vont être plus permanentes et perméables que celle de dire: Fartes ce que vous voudrez, puis, nous autres, on trouvera une façon de le contourner. Alors, dans ce sens-là, je vous remercie de votre présence et de votre contribution. Espérons qu'on pourra continuer à cheminer ensemble dans ce dossier-là comme dans l'ensemble des autres dossiers. Merci.

Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de Chicoutimi, si vous avez des commentaires, en conclusion.

Mme Blackburn: Oui. Merci, M. le Président. Très brièvement, j'aurais souhaité que le ministre profite de l'invitation que vous lui fartes de tenir une commission parlementaire ou une instance qui aurait réuni les entrepreneurs, les employeurs, les employés, les syndicats, le gouvernement pour examiner toute cette question de l'industrie de la construction, pour essayer de dégager des pistes ou des voies de solution afin de redresser un peu ce secteur d'activité.

Je pensais que le ministre le ferait. J'imagine que ce n'est pas dans ses carnets de commandes. Peut-être va-t-il consulter le Conseil des ministres. J'espère qu'on lui dira oui et, à ce moment-là, il aura tout mon appui. Je vous remercie.

Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la députée. J'aimerais aussi, au nom des membres de cette commission, remercier nos invités pour la présentation de leur mémoire. La commission ajourne ses travaux à jeudi, demain, le 20 février, à 9 h 30, en cette salle.

(Fin de la séance à 18 h 42)

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