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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 11 mars 1993 - Vol. 32 N° 37

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec


Journal des débats

 

(Neuf heures cinq minutes)

Le Président (M. Fradet): Je déclare la commission de l'économie et du travail ouverte et je vous rappelle que le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale sur la proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bélanger (Laval-des-Rapides) par M. Fradet (Vimont); M. Char-bonneau (Saint-Jean) par M. Camden (Lotbinière).

Le Président (M. Fradet): Merci. Je ferai maintenant la lecture de l'ordre du jour de cet avant-midi. À 9 heures, nous entendrons les représentants de l'École polytechnique, à 10 heures, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec et, de 11 heures jusqu'à midi, la Corporation de gestion du développement du bassin de la rivière Saint-Maurice. Est-ce que l'ordre du jour est adopté? Adopté.

Alors, je vous rappelle, messieurs, que vous disposez de 20 minutes pour présenter votre mémoire, et le reste du temps est divisé entre la partie ministérielle et les membres de l'Opposition, ainsi que le député indépendant qui aura, s'il le désire, un cinq minutes d'intervention.

Une voix: II n'est pas obligé.

Le Président (M. Fradet): Alors, il n'est pas obligé, mais, s'il le désire, il a le droit.

Une voix: II n'est pas obligé, mais il aime ça.

Le Président (M. Fradet): Le président pourrait présenter ses collègues et commencer sa présentation.

École polytechnique

M. Bazergui (André): M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, je me présente, André Bazergui, je suis le directeur de l'École polytechnique de Montréal, moi-même ingénieur en mécanique, donc, de formation; à ma droite, M. Daniel Rozon, qui est le directeur de notre institut de génie énergétique, et, à ma gauche, M. Normand Brais, professeur au même institut. Je peux commencer?

Le Président (M. Fradet): Allez-y, monsieur. M. Bazergui: On vous a remis des feuilles d'ap- point. Vous avez en main le document complet que nous avons préparé, et les feuilles, c'est simplement pour vous permettre de suivre. On a mis ça sous forme de tableaux. Je vais indiquer, au moment où j'arriverai, les divers tableaux auxquels vous ferez référence. Ma présentation est une forme légèrement sommaire par rapport au texte qui vous est présenté.

C'est donc la quatrième fois que Polytechnique vient commenter les projets de développement d'Hydro-Québec devant cette commission. Étant l'une des plus importantes institutions de formation d'ingénieurs et de spécialistes en sciences appliquées au Québec et au Canada, l'École polytechnique s'est toujours intéressée aux questions techniques soulevées par le plan de développement d'Hydro-Québec et elle se réjouit de l'opportunité qui lui est offerte de contribuer aux discussions publiques sur le plan de développement 1993.

L'École polytechnique a participé activement à la consultation mise sur pied par Hydro-Québec en se joignant à près de 25 ateliers thématiques entre janvier et mai 1992. L'École a également fait part de ses premières impressions à la haute direction d'Hydro-Québec en présentant un argumentaire lors de la séance sur l'interdépendance des choix, à la fin du mois de mai 1992. Nous sommes convaincus que l'élaboration du plan a grandement bénéficié de la consultation et nous souhaitons fortement que cette expérience se poursuive sur une base permanente.

Pour la première fois, également, le gouvernement du Québec a demandé à Hydro-Québec de présenter toutes les options et de justifier ses choix dans la préparation du plan 1993. Nous tenterons de voir comment Hydro-Québec s'est acquittée de cette obligation. Nous examinerons plus en détail certaines lacunes qui nous sont apparues dans le plan proposé, plus particulièrement au niveau des moyens envisagés pour répondre à l'offre et à la demande et au niveau de leur impact sur le développement économique du Québec. Nous aborderons enfin le rôle futur d'Hydro-Québec dans la planification énergétique du Québec et dans la mise en oeuvre d'une politique énergétique du gouvernement.

Premièrement, la présentation des options et la justification des choix. Le nouveau plan de développement d'Hydro-Québec diffère des précédents dans sa présentation et dans son contenu. Un effort remarquable a été voué à la présentation détaillée des options dans les annexes au document principal. Quoique nous ne soyons pas en parfait accord avec la justification des choix ou avec tout le contenu du plan, nous sommes d'avis que la qualité de la présentation s'est grandement améliorée par rapport au plan de 1990.

Tout d'abord, les points forts. L'École polytechnique appuie plusieurs aspects importants proposés dans le

plan. D'abord, nous appuyons Hydro-Québec dans ses objectifs d'amélioration du service à la clientèle et de la qualité du produit. Deuxièmement, dans la conjoncture actuelle d'une timide reprise économique et alors que plusieurs de ses partenaires encourent des difficultés financières sérieuses, nous admirons la sagesse d'Hydro-Québec de vouloir aligner les hausses tarifaires sur l'inflation, tout en prenant les moyens pour assurer la santé financière de l'entreprise. Troisièmement, nous appuyons le programme d'économies d'énergie du plan qui vise une réduction de la demande de 9,3 TWh en l'an 2000.

Quatrièmement, nous sommes d'accord avec la proposition d'Hydro-Québec concernant leur développement des marchés: a) nous considérons que la promotion des électrotechnologies doit être poursuivie vigoureusement à cause de leur impact favorable sur la productivité; b) de la même façon, une implantation ciblée et limitée des industries à forte consommation contribuera au développement industriel du Québec; c) enfin, nous appuyons l'intention d'Hydro-Québec de poursuivre sa politique de vente à l'exploitation en raison de sa rentabilité évidente pour le Québec. (9 h 10)

Cinquièmement, en ce qui concerne les moyens de reproduction, l'École polytechnique appuie la volonté d'Hydro-Québec d'assurer un approvisionnement fiable en électricité à moindre coût pour sa clientèle. A) nous appuyons la poursuite du programme hydroélectrique. Plusieurs projets rentables sont identifiés dans le plan. À moyen terme, le plus important de ceci est le projet de Grande-Baleine. Selon nous, le problème n'est pas de savoir si nous devons réaliser ce projet, mais bien de déterminer quand et comment ce projet peut être mis en oeuvre. B) nous reconnaissons toutefois que, comme pour les autres projets hydroélectriques de moindre envergure, des contraintes sociales ou environnementales peuvent en retarder ou même en interdire la réalisation.

Sixièmement, nous sommes heureux de constater qu'Hydro-Québec envisage d'augmenter le recours à la production privée par cogénération et, septièmement, enfin, nous trouvons très intéressante l'expérience-pilote envisagée aux Îles-de-la-Madeleine dans le secteur des éoliennes.

Des questions sur la justification des choix. Nous croyons qu'Hydro-Québec s'est très bien acquittée de son obligation de présenter toutes les options, en particulier à l'annexe 3 du plan. Le plan contient une quantité importante d'informations pertinentes qui résument très bien le potentiel actuel des différentes technologies pour la production d'électricité. Parmi toutes les possibilités évoquées, certaines sont retenues et constituent les grandes orientations du plan.

Et là je vous réfère au tableau 1 qui est en votre possession. Dans ce tableau, il s'agit des orientations par ordre de priorités telles que définies par HydroQuébec. Alors, je résume: premièrement, l'amélioration du réseau et des économies d'énergie; deuxièmement, le choix de l'hydroélectricité comme filière principale de production; troisièmement, le choix de quelques filières d'appoint pour faire face aux aléas de la demande, incluant la cogénération au gaz naturel; quatrièmement, des avant-projets de centrales hydroélectriques de moyenne envergure et, cinquièmement, un programme de démonstration d'éoliennes.

Nous sommes d'accord avec la plupart des éléments du plan. Plusieurs critères de choix ont conduit à cette orientation. Et là je vous réfère au tableau 2. Les critères de choix, vous en avez six: la rentabilité économique, l'impact sur les tarifs, le maintien de la santé financière, bien sûr, de l'entreprise, la flexibilité d'adaptation des moyens, la compatibilité avec le développement durable, et, enfin, les retombées économiques, bien sûr, pour le Québec.

Nous croyons qu'au niveau des quatre premiers critères l'analyse d'Hydro-Québec est très rigoureuse. Par ailleurs, l'analyse d'Hydro ne nous semble pas aussi complète au niveau des deux derniers, soit la compatibilité avec le développement durable et les retombées économiques pour le Québec.

L'efficacité énergétique et les économies d'énergie. Des investissements de l'ordre de 2 000 000 000 $ sont prévus dans le programme d'économies d'énergie pour atteindre l'objectif de 9,3 TWh en l'an 2000. Comme Hydro-Québec s'engage à limiter l'augmentation des tarifs au taux de l'inflation, la marge de manoeuvre d'Hydro pour générer les fonds servant au programme d'économies d'énergie s'en retrouvera réduite. La réussite du programme n'est pas assurée et la demande risque donc d'être plus élevée que prévu, d'où la nécessité de considérer la flexibilité d'adaptation dans les critères de choix des moyens de production.

Par ailleurs, le problème de l'efficacité énergétique fait partie intégrante de toute la politique énergétique du Québec. Alors que le plan de développement 1993 vise uniquement la satisfaction des besoins futurs en électricité, nous croyons que cette limitation a conduit, entre autres, à sous-estimer les bénéfices de la substitution dans le plan 1993. Nous y reviendrons un peu plus loin.

Considérons pour l'instant le choix de la filière hydroélectrique comme principal moyen de production. Le choix de la filière hydroélectrique et le développement durable. Hydro-Québec propose la construction de barrages hydroélectriques comme moyen exclusif pour satisfaire la demande de base qui croîtra, selon son évaluation et après les mesures d'économies d'énergie, au taux moyen de 1,8 % par année d'ici l'an 2010.

Le choix exclusif de l'hydroélectricité est fondé principalement sur les critères de rentabilité. En regard de la seule alternative plausible pour la production de base, c'est-à-dire les centrales nucléaires, l'avantage des projets hydroélectriques quant au coût global actualisé est très marqué. En autant que l'impact des projets soit jugé acceptable, cet avantage justifie à lui seul la poursuite du programme de construction de barrages. Mais il y a lieu, cependant, de mettre les choses en perspective et de reconnaître qu'il y a des limites à ce développement.

Il y a sûrement des limites techniques au develop-

pement hydroélectrique. Avec les années, le génie québécois a appris à repousser ces limites en déplaçant les montagnes et en détournant les rivières. On note en particulier que l'École polytechnique, avec son projet Castor, a contribué à cet effort. Ainsi, les limites techniques permettent d'envisager un développement hydroélectrique qui dépasse largement les besoins prévisibles des 20 prochaines années.

Par ailleurs, les coûts associés au développement hydroélectrique sont inévitablement croissants d'un projet à l'autre, indépendamment de l'inflation. Il y a donc des limites économiques à ce type de développement en comparaison avec les autres moyens de production ou avec la gestion de la demande. Il y a aussi des limites environnementales qui ne peuvent être évitées par des mesures d'atténuation qui excluront certains projets a priori.

En annexe 3 du plan, Hydro-Québec propose une analyse des différents moyens de production selon les impacts environnementaux. Malheureusement, cette comparaison n'est effectuée qu'au plan des filières énergétiques dans le plan 1993 et ne reflète pas l'impact environnemental qui peut varier considérablement d'un projet hydroélectrique à l'autre. Cette approche conduit à un choix monolithique des filières alors que, selon nous, le plan doit identifier des projets individuels. Afin de résoudre ce problème, Hydro-Québec aurait sans doute intérêt à progresser le plus rapidement possible vers une planification intégrée des ressources qui tiendra compte des facteurs environnementaux dans le calcul des coûts, alors qu'ils sont actuellement considérés comme des «externalités».

Selon nous, la démonstration que le développement accru de nos ressources hydroélectriques est conforme avec le principe de développement durable n'a pas été faite dans la proposition du plan 1993. En particulier, nous aimerions savoir en quoi les autres moyens de production identifiés dans le plan ne rencontrent pas aussi bien ce critère. Peut-être l'explication de cette omission se trouve-t-elle dans la vision d'entreprise elle-même énoncée au début du document principal, en conclusion du sommaire. En 1991, en effet, dans le cadre de l'objectif de qualité totale visant à mobiliser son personnel, lors du lancement du programme Défi performance, Hydro-Québec adopte le principe du développement durable et propose la mise en valeur de la ressource hydroélectrique comme moyen pour l'atteindre.

En somme, nous nous étonnons de voir apparaître dans cet énoncé capital de la mission d'Hydro-Québec le choix a priori d'un seul des moyens de production disponibles. En admettant implicitement que l'érection des futurs barrages dans le Nord québécois est la seule voie possible pour assurer le développement durable du Québec, cet énoncé laisse peu de place aux explications souhaitées et semble tracer la voie à l'adoption exclusive de la filière hydroélectrique.

Pour un développement plus diversifié. Le plan de développement contient un grand nombre de mesures qui vont très loin pour assurer un approvisionnement fiable et économique en électricité pour les 20 prochaines années. Nous croyons cependant que l'approche du plan est un peu trop limitative à long terme, aussi bien du point de vue de l'offre que de celui de la demande.

En ce qui concerne la production de base, nous considérons qu'Hydro-Québec, en adoptant la filière hydroélectrique de façon exclusive, limite sa marge de manoeuvre et néglige d'exploiter tout son potentiel de développement économique du Québec. Mais, en fait, en élargissant son ouverture à la production privée par cogénération au gaz naturel, Hydro-Québec s'est déjà engagée dans la voie de la diversification. Nous croyons cependant que l'exclusion totale des centrales nucléaires comme moyen de production dans le plan de développement d'Hydro n'est pas clairement justifiée. En ce qui concerne la demande, nous croyons qu'un recours trop restreint à la substitution, particulièrement dans le domaine du chauffage domestique, limite l'influence qu'Hydro-Québec peut exercer sur la demande future d'électricité.

Les centrales nucléaires. Nous reconnaissons qu'Hydro-Québec a, de façon générale, bien présenté, dans les annexes, les avantages et les inconvénients de cette technologie. Nous trouvons cependant que l'argumentation d'Hydro concernant le nucléaire mérite un examen plus serré. L'annexe a de notre mémoire qui, d'ailleurs, est résumé à la dernière page du document qui vient de vous être distribué — je vous ai mis quelques points saillants pour faciliter le suivi — suggère que le coût de référence du nucléaire cité par HydroQuébec comporte un niveau d'incertitude très élevé avec plusieurs hypothèses qui semblent le pénaliser par rapport aux autres moyens de production.

C'est sans doute au niveau des retombées économiques qu'il est regrettable d'avoir exclu les centrales nucléaires. On fait beaucoup de cas, dans le plan 1993, que la filière hydroélectrique possède la création d'emplois la plus élevée, soit 10,8 années-personnes par million de dollars en 1992, alors que le nucléaire n'en fournit que 9,1. Cet avantage nous semble très marginal compte tenu qu'en valeur absolue et pour la même quantité d'énergie produite une centrale nucléaire soutient beaucoup plus d'emplois directs et indirects, comme le démontre le tableau 3 qui, d'ailleurs, est tiré du document d'Hydro-Québec.

Alors, vous voyez dans le tableau 3 qui est devant vous qu'en fait, sur une base d'années-personnes, les centrales hydroélectriques, calculées sur 50 ans de durée de vie, génèrent 103 700 emplois, alors qu'une centrale nucléaire en génère 225 290. Tel qu'il est suggéré en annexe 3 du plan, nous croyons qu'il est primordial de considérer la qualité de ces emplois, et je cite ce que dit Hydro-Québec: Les emplois reliés à l'exploitation des centrales nucléaires sont des emplois nécessitant une main-d'oeuvre qualifiée et ils sont bien rémunérés. Fin de la citation. En négligeant ce facteur de qualité des emplois, on adopte une vision à très court terme des retombées économiques. (9 h 20)

Mentionnons enfin que, contrairement aux projets

hydroélectriques, dont la majeure partie des retombées découle des emplois dans le secteur de la construction, une portion plus importante des dépenses d'investissement des centrales nucléaires a trait à la fabrication d'équipements majeurs. Quoiqu'une bonne partie de ces équipements soit fabriquée hors Québec, l'expertise et la capacité de fabrication ont déjà existé de façon importante au Québec, et il en reste encore. Le Québec continue d'ailleurs de bénéficier des commandes pour les installations hors Québec — Ontario, exportations. La technologie nucléaire est donc encore bien intégrée à la structure économique du Québec et il est important qu'elle le demeure.

En plus de favoriser substantiellement le développement industriel du Québec, l'addition d'une centrale nucléaire au réseau d'Hydro-Québec pourrait servir des intérêts stratégiques à long terme. Avec le choix exclusif de la filière hydroélectrique, nous croyons qu'Hydro devient plus vulnérable aux groupes d'intérêts qui s'opposent à ses projets. De plus, les contraintes environnementales et sociales qui sont associées au développement des ressources hydroélectriques risquent d'introduire éventuellement des limites à ce développement.

Nous ne suggérons pas de recourir au nucléaire. Qu'on se comprenne bien, nous sommes tout à fait favorables à l'hydroélectricité. Il n'est pas question de proposer de se lancer dans la construction massive de centrales nucléaires le long du Saint-Laurent. Cependant, compte tenu que les centrales nucléaires sont classées au deuxième rang en ce qui concerne les coûts, au premier rang quant aux impacts environnementaux, par Hydro-Québec même, et, selon nous, au premier rang quant aux retombées économiques, nous proposons simplement que la liste des projets envisagés pour combler les besoins d'énergie à l'horizon 2010 soit étendue pour inclure la construction de centrales nucléaires sur le site de Gentilly.

L'option que nous favorisons serait de construire une seule centrale CANDU 600 qui pourrait servir d'alternative aux projets hydroélectriques de moyenne envergure. En démarrant le processus d'acceptation au cours des deux prochaines années, une date de mise en service la plus hâtive vers l'an 2002 nous semble réaliste. D'autres tranches pourraient s'ajouter par la suite sur le même site.

La substitution vers les combustibles fossiles. Un deuxième élément qui nous semble avoir été négligé dans la proposition du plan 1993 concerne la substitution de l'électricité par des combustibles fossiles. À l'heure actuelle, le rôle réservé à la substitution se limite à réduire les problèmes de la pointe dans le cadre de programmes biénergie.

La structure tarifaire d'Hydro-Québec encourage la poursuite de la pénétration du chauffage électrique des locaux. En effet, le coût marginal de l'électricité pour le chauffage est évalué actuellement à 0,09 $ du kilowattheure, alors qu'il est vendu au coût moyen de l'ordre de 0,056 $ du kilowattheure. Le tableau 4, encore en votre possession, démontre qu'à 0,09 $ du kilowattheure, le chauffage électrique résidentiel n'est pas compétitif avec le gaz ou le «fuel». On assiste ainsi à une forme de subvention déguisée qui favorise la poursuite de la tendance actuelle au détriment des producteurs d'hydrocarbures et de l'ensemble des contribuables. De plus, cette tendance vient aggraver le problème de la pointe.

J'attire votre attention, au tableau 4, sur les derniers chiffres en bas, le montant annuel par habitation. Une habitation typique qui consomme 20 000 kW par an, en fait, coûte à l'Hydro, basé sur le coût marginal de l'électricité, 680 $ par maison, par année, alors que le gaz naturel rapporte en économies à l'Hydro 220 $ par année.

En reconnaissance de cette situation, le plan propose d'introduire graduellement à l'avenir, une tarification différenciée selon les saisons afin de donner un signal de prix plus fidèle. Cette mesure est perçue comme incitative plutôt que coercitive et vise à encourager les clients à mieux cibler leurs économies d'énergie. Cette attitude progressive est très prudente, car, si la tarification différenciée était beaucoup plus radicale en allant, comme certains le souhaitent, jusqu'à la tarification au coût marginal, le résultat serait sans doute désastreux.

Hydro-Québec affirme que plusieurs groupes se sont opposés à la substitution lors de la consultation à cause de la pollution atmosphérique qu'elle implique. Cet argument est trompeur si l'on considère que, pour satisfaire une partie de la pointe d'hiver occasionnée par la demande de chauffage domestique, Hydro-Québec importe l'électricité des réseaux voisins où la production thermique domine et fait fonctionner la centrale de Tracy qui brûle du mazout lourd.

Le rôle d'Hydro-Québec dans la politique énergétique. Nous croyons que le mandat d'Hydro-Québec pourrait être élargi pour permettre des subventions à la substitution établies en fonction des coûts évités pour satisfaire la demande future en chauffage domestique. On ne parle pas de changer des choses qui existent déjà. Cela pourrait se faire, par exemple, par le biais de subventions à l'achat de fournaises en collaboration avec les municipalités et les entrepreneurs. Les substitutions pourraient leur être accordées pour assurer l'implantation de moyens de substitution dans des nouveaux développements résidentiels et ainsi limiter l'augmentation éventuelle du chauffage domestique à l'électricité. Ainsi, nous encourageons l'intégration de l'urbanisme dans la planification énergétique et une plus grande concertation avec les municipalités.

Nous réalisons cependant que le potentiel de la substitution ne pourra vraiment se réaliser que dans le cadre d'une politique énergétique globale à laquelle, compte tenu du bassin considérable de ses compétences, Hydro-Québec pourrait contribuer de façon plus importante. Même si elle semble globalement conduire à une plus grande efficacité énergétique, la substitution des besoins futurs d'électricité par le gaz naturel ou par le «fuel» dans le secteur du chauffage est limitée, à l'heure actuelle, par la nature concurrentielle des rapports entre Hydro-Québec et les distributeurs d'hydrocarbures,

incluant le gaz naturel.

Selon nous, la politique énergétique du Québec devrait viser un partage plus optimal du marché énergétique en fonction des forces et des faiblesses de chacune des sources d'énergie. Selon nous, le gouvernement du Québec devrait encourager Hydro, Gaz Métropolitain et les pétrolières à se concerter pour assurer une pénétration rentable de la substitution.

Nous proposons donc une politique énergétique...

Le Président (M. Fradet): Je m'excuse, M. le directeur. Je vous inviterais à conclure. Votre temps est maintenant presque écoulé.

M. Bazergui: J'ai terminé.

Le Président (M. Fradet): Merci.

M. Bazergui: Je peux lire les conclusions?

Le Président (M. Fradet): Allez-y, oui. Pas de problème.

M. Bazergui: Alors, donc, tout en étant généralement favorable au plan de développement proposé par Hydro, notre analyse de la proposition du plan de développement 1993 nous a conduit à émettre les trois recommandations suivantes.

Premièrement, nous recommandons que le développement du nucléaire se poursuive, mais qu'il se limite à une seule nouvelle centrale de type CANDU 600 sur le site de Gentilly. Cet investissement permettra de maintenir l'expertise québécoise dans ce domaine pour la prochaine génération et, surtout, il renforcera la participation du Québec à une grappe industrielle canadienne dont le marché à l'exploitation est prometteur.

Deuxième recommandation. La politique énergétique du Québec ne doit pas se limiter à la simple valorisation de l'électricité. Nous recommandons qu'Hydro-Québec prévoie une part beaucoup plus grande à la substitution de l'électricité par les hydrocarbures, particulièrement pour la nouvelle demande dans le secteur du chauffage domestique. En outre, nous encourageons l'intégration de l'urbanisme dans la planification énergétique et une plus grande concertation entre le ministère de l'Énergie et des Ressources, Hydro-Québec et les municipalités.

Finalement, afin de favoriser un partage plus optimal du marché énergétique en fonction des forces et des faiblesses de chacune des sources d'énergie, nous recommandons que le mandat d'Hydro-Québec soit élargi pour assurer sa participation à la mise en oeuvre d'une politique globale de l'énergie au Québec. Nous croyons que la réalisation d'une telle politique serait grandement favorisée par l'importance des compétences de l'entreprise et par son degré de rapprochement de toute la clientèle québécoise. Selon nous, le gouvernement du Québec devrait encourager Hydro-Québec, Gaz Métropolitain et les pétrolières à se concerter pour assurer une pénétration rentable de la substitution.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le directeur.

Je reconnais maintenant Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Merci, M. le Président.

Je voudrais, messieurs, vous remercier de votre participation à cette commission parlementaire et mentionner aussi la qualité de votre présentation, de votre contribution, et je pense que ça consiste en une critique fort constructive du plan de développement d'Hydro-Québec.

Toutefois, vous reprochez à Hydro-Québec d'adopter exclusivement la filière hydroélectrique pour satisfaire les besoins de base. Vous préconisez la construction d'au moins une autre centrale nucléaire et vous justifiez cette centrale par la qualité des emplois qui y sont reliés, par le fait que la technologie du nucléaire est encore bien intégrée à la structure économique du Québec, qu'il est important qu'elle le demeure, et vous ajoutez que l'addition d'une centrale nucléaire pourrait servir les intérêts stratégiques à long terme du Québec.

Moi, j'aimerais que vous nous en disiez davantage, aujourd'hui, par rapport aux avantages du nucléaire, jusqu'à quel point et à quel coût nous devrions maintenir une expertise du nucléaire au Québec.

M. Bazergui: D'accord, je vais peut-être demander à mes collègues, qui sont pas mal plus spécialisés que moi dans le domaine, quoique je doive vous dire que moi-même, j'ai eu l'occasion, en tant qu'ingénieur en mécanique, de participer énormément au design et à la conception d'éléments de centrales nucléaires au Canada et à l'étranger.

Je dois vous dire aussi que nous revenons d'un voyage en Corée où, parmi les filières qui ont été retenues, la filière CANDU, qui est la filière à laquelle nous participons, est celle qui semble attirer le plus de faveur à ce niveau-là. Puis la Corée, exceptionnellement, est le seul pays au monde à avoir adopté en même temps la filière CANDU et la filière américaine parce qu'elle croit à la qualité de cette filière et en son niveau de sécurité.

Alors, ceci étant dit, nous ne nous basons pas seulement sur la question des emplois directs, indirects que ça génère, quoique nous croyions que c'est un élément essentiel, mais nous croyons aussi que la filière nucléaire offre aussi des garanties de qualité de production dans un climat, je crois, qui va être tout à fait... Même Hydro-Québec le mentionne qu'au niveau des retombées, pollution, etc., c'est la filière qui semble la plus intéressante. Je vais laisser la parole à Daniel Ro-zon.

Le Président (M. Fradet): Allez-y, M. Rozon. M. Rozon (Daniel): Merci. Je crois que, dans

votre question, vous avez mis l'emphase un peu peut-être sur l'aspect stratégique de notre recommandation. Aussi je ne pense pas que vous mettez en doute l'aspect, disons, qualité des retombées économiques...

Mme Bacon: Non, non.

M. Rozon: ...et vous connaissez bien aussi la participation des entreprises québécoises dans...

Mme Bacon: Mais, en fait, je me disais: Jusqu'à quel coût on doit aller pour garder cette expertise?

M. Rozon: Oui, bien, au niveau des coûts, justement, il y a peut-être une certaine confusion qui existe actuellement. C'est un reproche que j'ai fait dans le cadre de la consultation d'Hydro-Québec à laquelle j'ai participé assez étroitement, au niveau de l'évaluation des coûts du nucléaire. Justement, l'expression elle-même le traduit lorsqu'on parle du coût du nucléaire, alors que, contrairement, pour ce qui est des projets hydroélectriques, on va parler du coût d'un projet en particulier.

Lorsqu'on veut comparer le coût d'un projet avec le coût d'une filière, c'est comme comparer des pommes avec des oranges. Je préférerais de beaucoup qu'on parle du coût d'un projet particulier d'une centrale nucléaire qui serait construite à une date précise et pour laquelle on aurait établi, on aurait fixé, disons, des choix particuliers qui doivent être faits dans le cadre d'un projet en particulier. Donc, il faudrait procéder à une étude d'avant-projet et déterminer, par exemple, quelles caractéristiques on désire retenir pour la centrale nucléaire. Autrement dit, il y a toutes sortes de centrales nucléaires. (9 h 30)

II y a énormément de choses qui se disent actuellement dans les médias concernant les problèmes que connaît Hydro Ontario. Il ne faudrait pas se laisser berner par ce qui est raconté. Il ne faudrait s'imaginer que les problèmes qu'a encourus Hydro Ontario s'appliquent nécessairement à ce qu'Hydro-Québec pourrait faire. On n'est pas obligé de répéter les erreurs d'Hydro Ontario, et puis, en particulier, on n'est pas obligé de se lancer dans un mégaprojet de centrale à plusieurs unités qui a entraîné, en fait, Hydro Ontario avec des retards. Ça a occasionné, disons, des dépassements de coûts de l'ordre de 6 000 000 000 $ dans le cas de Darlington.

Ce n'est pas à ça qu'on s'expose lorsqu'on suggère de construire une centrale unique de 600 MW. Le type de centrale qu'on propose également est justement celui qui a la meilleure performance au monde, actuellement, qui a été retenu par la Corée. Il y a trois centrales de type CANDU 600 qui sont en construction, actuellement, en Corée. On a l'impression que le coût d'une centrale de 600 MW serait, en fait, inférieur au coût de la filière qui est cité par Hydro-Québec. Il y a aussi la technique avec laquelle Hydro-Québec a calculé le coût du nucléaire qui comprend des corrections qui, en principe, ne devraient pas, selon nous, être appliquées, qui viennent augmenter, disons, sensiblement le coût qui est cité. À vrai dire, l'écart de coût qui existe entre les projets hydroélectriques, pour lesquels, je n'ai aucun doute, Hydro-Québec sait les calculer, et le coût de la filière nucléaire n'est peut-être pas si grand qu'on le pense lorsqu'on parle d'un projet spécifique.

Jusqu'où on doit aller? Là, c'est bien difficile à dire ça en chiffres. Est-ce qu'on peut se permettre de payer 5, 10, 15, 20 ou 25 % plus cher pour bénéficier de retombées économiques, disons, d'une plus grande qualité pour assurer un avenir plus certain, si on peut dire? Parce qu'il y a aussi cet aspect-là lorsqu'on parle de l'aspect stratégique de notre recommandation. Je crois que ce ne serait pas sage pour nous de se lancer ou de poursuivre exclusivement le développement de la filière hydroélectrique dans l'attente, si vous voulez, d'une technologie comme la fusion ou bien non les énergies nouvelles pour prendre la relève éventuellement, parce qu'on risque d'être obligé d'attendre jusqu'en l'an 2050 pour que ce soit possible.

Alors, il faut voir qu'il existe, comme partout ailleurs au monde, une place très importante à assurer par la fission et par le gaz pour prendre la relève du pétrole, puis ça, ça va se réaliser au Québec aussi. Donc, les intérêts stratégiques du Québec exigent qu'on soit prêt à prendre la relève de l'hydraulique. Et puis, comme ce n'est pas demain la veille, si on peut dire, il faut quand même poursuivre dans cette voie-là, et ce qu'on vous recommande, donc, c'est de procéder ou, du moins, qu'Hydro-Québec inclue dans son plan de développement au moins une centrale, ce qui ne compromet pas du tout le plan comme tel. C'est relativement marginal. On parle d'une centrale sur 6000 MW. C'est 600 MW, donc c'est moins que 10 %, mais ça permettrait quand même, d'un point de vue stratégique, de conserver notre position par rapport à cette option-là.

Mme Bacon: C'est ce qui vous fait dire dans votre mémoire qu'une population mieux informée accepterait plus facilement le nucléaire. Est-ce qu'on déplore le manque d'information?

M. Rozon: On n'a pas abordé le sujet en détail... Mme Bacon: C'est une question de culture.

M. Rozon: ...mais, effectivement, si vous voulez me faire parler je déplore que la population ne soit pas très bien informée, hein!

Mme Bacon: Oui, M. Bazergui.

M. Bazergui: La population est très désinformée. C'est une petite distinction.

Mme Bacon: À la lecture de votre tableau 4, au niveau du chauffage résidentiel, on y mentionne la substitution par le gaz naturel. Est-ce qu'elle s'effectuerait au détriment des consommateurs avec une hausse... Ça me semble une hausse de plus de 22 % du prix de

vente du kilowattheure. Quand on regarde, 0,056 $ le kilowattheure en moyenne, pour l'électricité, et le gaz naturel, 0,685 $, est-ce que ce n'est pas au désavantage du consommateur?

M. Bazergui: Je vais laisser mon spécialiste, Normand Brais, répondre à cette question.

Le Président (M. Fradet): Allez-y, M. Brais.

M. Brais (Normand): Dans la structure tarifaire actuelle, je dirais que oui, et c'est exactement l'argumentation qui est présentée ici. C'est que, dans les signaux de prix que reçoit le consommateur, aujourd'hui, étant donné le faible coût d'investissement des équipements de chauffage électrique, les plinthes électriques coûtant moins cher qu'une fournaise au gaz naturel, on a tendance à choisir l'électricité, et c'est la raison, finalement, qui explique le succès du chauffage électrique dans les 20 dernières années. C'est une question de prix, effectivement, pour le consommateur. Le prix est plus bas parce qu'il est, comme on dit, effectivement, subventionné, parce que, dans les faits, il coûte beaucoup plus cher à Hydro-Québec.

Par contre, là-dedans, il ne faut pas y voir que du mal, parce que le principe même étant de faire payer, si on veut, aux industries le chauffage domestique aux citoyens, alors, c'est un peu le principe du financement, de l'interfinancement des services, qui n'est pas remis en cause ici. Seulement, on a empêché, en faisant ça, une pénétration naturelle, si on veut, du gaz, qui se serait produite, comme ça s'est produit en Ontario et ailleurs, au détriment, justement, du chauffage électrique.

Alors, on a renforcé la position du chauffage électrique qui est une position qui, à long terme, n'est pas défendable, parce qu'on arrive avec des facteurs de puissance, des facteurs d'utilisation du réseau qui décroissent au fur et à mesure qu'on augmente le chauffage électrique. La pointe, le problème de la pointe devient incontournable. Alors, effectivement, selon les signaux de prix, selon la structure tarifaire actuelle, ce serait plus cher pour le consommateur au gaz naturel, et c'est la raison pour laquelle les gens optent pour le chauffage électrique.

Le Président (M. Fradet): Merci. Je vais maintenant reconnaître le critique de l'Opposition officielle et député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

Je voudrais revenir sur la perception... Vous attaquez Hydro, c'est-à-dire vous l'attaquez, entre guillemets. Vous ne l'attaquez pas; vous la flattez, dans le fond. Vous dites qu'Hydro a une mauvaise perception du nucléaire, mais vous ne croyez pas que les politiciens, également... Parce que, entre vous et moi, la politique énergétique, ce n'est pas Hydro qui la décide. Ce n'est pas Hydro qui va décider si le gouvernement veut un équilibre entre l'utilisation des diverses sources énergétiques. C'est pour ça que je suis... Votre texte est bien fait dans ce sens-là parce que vous parlez de contribution des pétrolières, de Gaz Métropolitain et d'Hydro-Québec à l'élaboration d'une politique, mais l'initiative, elle doit venir de l'État.

Donc, sans le recommander formellement, vous recommandez l'élaboration d'une politique énergétique globale, à la lecture de votre texte. Pourquoi n'en faites-vous pas une proposition ferme? Parce que beaucoup de groupes qui ont déambulé devant nous pour présenter des mémoires ont recommandé clairement un débat sur l'énergie global au Québec et l'élaboration d'une politique d'énergie qui tient compte de toutes les sources énergétiques? Est-ce que vous seriez prêt à participer à ce genre de débat public qui conduirait à l'élaboration d'une politique, puis à la création de structures, à ce moment-là, qui pourraient être indépendantes d'une source d'énergie en particulier? parce que, là, on est à discuter de l'hydroélectricité, mais c'est 40 % des sources d'énergie du québec. l'autre 60 %, il est où? l'efficacité énergétique, c'est sur 40 %. on fait tout porter sur une seule source d'énergie, toute la pression de l'efficacité énergétique. moi, ça m'apparaît un petit peu aberrant. et, comme spécialiste, un peu, à votre manière et dans votre secteur, j'aimerais ça vous entendre réagir à mes propos.

M. Bazergui: Nous sommes très heureux que vous posiez la question parce que, effectivement, nous croyons qu'en nous adressant, justement, à un groupe de parlementaires qui ont dans leur capacité la possibilité d'élaborer, de forcer et d'encourager l'élaboration de politiques énergétiques... Je crois que nous espérions justement, que nous puissions être appelés à répondre dans ce sens-là. Bien sûr que nous serions disposés à participer à ce genre de débat. C'est pour ça que nous avons pris très au sérieux toute la période de consultation qu'a lancée Hydro-Québec et que nous avons trouvée extrêmement utile parce que, pour nous aussi, ça a été révélateur. Nous qui sommes très spécialisés, qui avons une espèce de facette technique de certaines choses, on a écouté des interventions qui nous ont semblé extrêmement sages. Enfin, ça nous a ouvert les yeux.

Je pense que, justement, ça permet un dialogue intéressant et important, d'après moi, de toutes sortes d'intervenants. Mais il ne faut pas non plus accabler les gens de technique, les gens de science, simplement d'avoir une idée biaisée. Je pense que ce genre de débat doit se faire et doit continuer à se faire. Et la consultation d'Hydro a été dans ce sens-là. Maintenant, c'est Hydro qui l'a menée, mais je pense que c'était déjà une ouverture qu'on n'avait pas vue dans le passé. Et nous sommes à votre disposition pour participer à toute forme de consultation de ce type-là.

M. Chevrette: On sait que le nucléaire, il n'y en a pas gros autour de la table qui risqueraient une réponse en disant: Je suis pour le nucléaire, parce que... Oh boy! Il y en a deux. Mon test a été raté. Ha, ha, ha! (9 h 40)

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bacon: C'est de votre côté.

M. Chevrette: Je n'ai pas l'impression que... Vous dites que la population, si j'ai bien compris une des réponses — je pense que c'est M. Rozon; ah! c'est vous — est mal informée. Moi, je pense que c'est plus que de l'information; je pense que c'est une question de sécurité. Avec ce qui est arrivé à Tchernobyl, avec les différents incidents à travers le monde, je crois plus que c'est un sentiment d'insécurité qu'une question d'information, parce qu'il y a des gens qui ont été tentés, à cause précisément des avantages que vous notez... Effectivement, quand on lit froidement les avantages que présente le nucléaire, on ne peut pas faire autrement, si on est brillant un petit peu, un tantinet, tu comprends que ça peut... Et il y a des milieux, qu'on le veuille ou pas, où c'est le seul moyen d'approvisionnement en source d'énergie à travers le monde qu'ils peuvent avoir. Donc, il faut se rendre à l'évidence, dans certains cas. Vous ne croyez pas que c'est vraiment plutôt une question d'insécurité du public? Comment y pallier, si vous croyez fondamentalement que cette source d'énergie est importante dans le cadre d'une politique énergétique?

M. Bazergui: Excellente question. Vous avez mis le doigt dans le trou. C'est une question fondamentale, et on réfléchit beaucoup à cette question-là. J'aimerais demander à Daniel Rozon, parce que je lui ai posé beaucoup de questions dans ce sens-là... J'ai dit: Écoute, moi-même, quand je rentre chez nous, ma femme me pose des questions. Alors, on a tous ce problème-là. Alors, je vais demander à Daniel de donner un certain nombre d'arguments qui, je crois, sont très révélateurs. Alors, si vous permettez, monsieur.

M. Rozon: Enfin, la commande est grande.

M. Chevrette: Vous avez un bon contrat. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rozon: C'est quoi la distinction entre manque d'information et ignorance? Je ne sais pas. Les gens n'hésitent pas à traverser le pont malgré le fait qu'ils savent bien que le pont de Québec s'est déjà écroulé. Les gens n'hésitent pas à prendre l'avion malgré le fait qu'ils savent bien que les avions s'écroulent, que ça arrive. En fait, si les scientifiques ou si des techniciens comme nous autres regardent les probabilités, ils vont se rendre compte que les probabilités sont beaucoup plus grandes lorsque vous prenez l'avion pour aller à Toronto, à Montréal ou quoi que ce soit, que vous ne vous rendrez pas au bout, qu'il arrive un accident comme Tchernobyl. Au niveau de Tchernobyl, il faut faire la distinction, je dirais, entre une Mercedes et une Lada, c'est-à-dire qu'il y a une composante technologique à considérer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rozon: Non, non. C'est vrai. Il y a une composante technologique à considérer.

M. Chevrette: C'est parce qu'il y a des farces...

M. Rozon: II est arrivé, disons, un autre accident majeur dans... deux accidents majeurs, en fin de compte, dans l'industrie nucléaire: l'accident de Tchernobyl et l'accident de Three Mile Island. Dans l'accident de Three Mile Island, ça a été une catastrophe. La compagnie a perdu complètement, disons, quelque 1 000 000 000 $. Le coeur du réacteur a fondu. Il y en a pratiquement la moitié qui a fondu, etc. Il n'y a aucune relâche à l'atmosphère. Pourquoi? Parce qu'il y avait une enceinte de confinement, puis il y a des systèmes qui ont fonctionné, alors que le design de Tchernobyl est complètement différent. Donc, il y a des explications techniques qui font en sorte qu'on a entendu parler de Tchernobyl, parce que, s'il y avait eu un minimum de protection et des systèmes le moindrement efficaces, on n'en aurait jamais entendu parler de Tchernobyl et ça ne représenterait pas, disons... on ne ferait pas l'association symbolique qu'on fait avec cet accident-là et, évidemment, disons, la bombe ou quoi que ce soit.

Donc, il y a une composante technologique qui n'est pas connue de la population. Il n'y a pas suffisamment de gens qui prennent le temps pour expliquer ces choses-là, pour traduire en termes que les gens peuvent comprendre, pour se rendre compte que, finalement, le risque qui est associé avec le développement de l'industrie nucléaire n'est pas plus élevé, sinon, en fait, il est moins élevé, et je pense qu'Hydro-Québec le reconnaît, d'ailleurs. Il y a une citation, dans la proposition d'Hy-dro-Québec, un des documents d'Hydro-Québec, qui dit que l'énergie nucléaire est la forme la plus sûre autant en exploitation qu'en cas accidentel pour les travailleurs aussi bien que pour la population.

Alors, du point de vue, disons, de l'impact, si on peut dire, global sur l'environnement, en considérant même les aspects de sûreté, l'énergie nucléaire se compare très bien, sinon favorablement à toutes les autres filières, sauf qu'il y a un contenu symbolique émotif qui est extrêmement difficile à dépasser. Mais l'humanité a déjà connu des périodes comme ça quand l'électricité elle-même a été introduite.

On m'a raconté ou j'ai déjà lu à quelque part que, dans les premiers hôtels où on a introduit l'électricité pour la première fois, là, je ne sais pas, vers la fin du XIXe siècle, il y avait une petite pancarte qui disait: N'ayez pas peur, vous pouvez allumer la lumière; ce n'est pas dangereux, c'est inodore, sans saveur. Au début du XIXe siècle, lorsque les trains sont entrés en opération, on rassurait les gens qu'il n'y avait pas de danger d'aller à 50 milles à l'heure parce que les gens avaient peur qu'ils ne pourraient pas respirer à une vitesse folle comme ça.

Donc, le problème, c'est l'inconnu. Alors, on parle de psychologie, à ce moment-là. Alors, le seul moyen de combattre ça, c'est par l'information et aussi, je dirais, par un peu plus de responsabilités. Il faudrait peut-être qu'Hydro-Québec et le gouvernement aussi, par incidence, se montrent un peu plus responsables, parce que c'est un fait, ça fait déjà partie de notre société. Il y a une centrale à Gentilly, puis il y en a beaucoup en Ontario, il y en a énormément en France, etc. Il faut que les gouvernements soient assez responsables pour rassurer la population sur les faits, peut-être mieux informer et faire attention de ne pas se laisser embarquer, disons, par des propos alarmistes que certains groupes d'intérêts ont intérêt eux-mêmes à promouvoir.

Il y a le problème des déchets aussi qui traumatise énormément de monde.

Une voix: Oui.

M. Rozon: Je ne voudrais pas prendre tout le temps de la commission. Je pourrais vous en parler, mais il y a bien d'autres sujets, je pense, que vous aimeriez discuter.

M. Chevrette: Bien, c'était mon autre question.

M. Rozon: II y a d'autres questions qui vont venir. Si vous voulez, on pourra y revenir, mais...

M. Chevrette: Je vais vous la poser tout de suite. C'était ça, ma deuxième question dans la suite logique.

Le Président (M. Fradet): M. le député de Joliette, votre temps est maintenant terminé.

M. Chevrette: Ah! je m'excuse.

Le Président (M. Fradet): Alors, on va passer à un autre intervenant et on reviendra, par la suite, à un membre de l'Opposition. Je reconnais maintenant le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, merci, M. le Président.

Peut-être dans la même foulée du nucléaire, il y a les déchets, mais aussi, la perception au niveau des gens, c'est qu'on peut se dire aussi, nous, qu'on peut avoir le meilleur équipement qui soit et très sécuritaire. Ça, je pense que vous avez fait la preuve. Three Mile Island, c'est un exemple avec beaucoup de sécurité, mais le problème, c'est l'interdépendance au niveau environnemental aussi. S'il n'y a pas un contrôle international ou... Je ne sais pas si ça se fait ou qu'est-ce qu'on pourrait faire, dans le sens de dire: Nous, on peut avoir le meilleur équipement, mais, si, à côté de chez nous, il n'y a pas ce contrôle-là — puis la radioactivité, on peut être quand même vulnérables à ça — même si, de côté-ci, on serait supposé avoir des équipements tout à fait exceptionnels... Alors, je ne sais pas si ça existe, un certain contrôle international ou des normes minimales qui font en sorte que les régions avoisinantes sont quand même protégées d'une certaine lacune qui pourrait surgir de pays voisins ou de régions voisines.

M. Bazergui: Je peux vous assurer qu'en fait c'est l'industrie qui est la mieux contrôlée au monde. Au Canada, nous avons le bureau de contrôle de la commission de l'énergie atomique... la Commission de contrôle... le nom anglais me revient tout le temps: Atomic Energy Control Board, et ce genre de mécanisme, c'est comme la police. Les gens ont peur d'eux parce qu'ils sont extrêmement exigeants. Et, en Corée, c'est la même chose. Il y a tout un groupe, KINS, c'est la police nucléaire. Ils font très attention. C'est l'industrie la mieux contrôlée au monde et la mieux concertée en plus.

M. Farrah: Comment expliquer Tchernobyl, à ce moment-là?

M. Bazergui: Bien, Tchernobyl, c'est un accident, mais le contrôle de Tchernobyl s'est fait avec la contribution du reste du monde. Peut-être que Daniel voudrait ajouter là-dessus, mais, effectivement...

M. Rozon: Effectivement, Tchernobyl, ça a été construit il y a quand même un certain nombre d'années. Ce type de réacteur là, ils n'en construisent plus en Union soviétique. L'Union soviétique n'existe plus, premièrement. Les contrôles qui sont exercés en Union soviétique, je ne les connais pas précisément. Je trouve que l'Union soviétique fait partie, disons, de l'Agence internationale de l'énergie atomique, puis il y a des normes internationales qui sont imposées. Disons que les probabilités sont extrêmement faibles qu'un incident comme ça puisse se reproduire, et elles sont encore d'autant plus faibles lorsqu'on considère les réacteurs qui utilisent une technologie occidentale de type américain ou canadien.

M. Farrah: Maintenant, au niveau des déchets, dans la même foulée que le député de Joliette, qu'est-ce que vous répondez aux gens en termes sécuritaires pour les déchets nucléaires, justement? (9 h 50)

M. Rozon: En fait, au niveau des déchets, je pense que c'est peut-être à ce niveau-là, paradoxalement, que l'énergie nucléaire présente le plus grand avantage surtout par rapport, évidemment, aux hydrocarbures. Pour la même quantité d'énergie produite ou la même quantité d'énergie, d'électricité produite, une centrale au charbon ou une centrale au prétrole ou au gaz va tout simplement déverser ses déchets dans l'atmosphère. Je parle de millions de tonnes de CO2 et de centaines de millions de tonnes de SO2 etc., qui sont émis avec la combustion elle-même. Il n'y a pas moyen de les retenir. Ça, on respire ça. Ça contribue à augmenter... Ça affecte la santé publique. Ça a même un effet écologique global, si on regarde ça dans l'ensemble.

Pour ce qui est déchets nucléaires, l'avantage

principal, c'est qu'ils sont contenus dès le départ. Il n'y a pas d'émission de déchets, je veux dire. Ils sont contenus dans le combustible. Le combustible conserve son intégrité. Lorsqu'on le retire du réacteur, on peut le garder à vue pendant une période aussi longue qu'on veut. La technologie est démontrée. On peut le garder pendant 50 ans sans aucun problème, le stocker à sec dans des contenants en béton. On fait ça de façon assez courante maintenant. Puis, les volumes aussi — je pense que c'est ça qu'il faut voir aussi — ne sont pas importants. Je veux dire, avec l'équivalent de ça, en termes de volumes, il y a de quoi alimenter, disons, un quartier pendant un an quoi! Si on fait l'équivalent avec les hydrocarbures, ça «dépriverait» tout l'air qu'il y a dans la pièce, à toutes fins pratiques.

Donc, il faut avoir aussi en perspective les volumes qui sont considérés. Les volumes ne sont pas si grands que ça. Ils sont contenus. La toxicité diminue avec le temps. Du fait que c'est radioactif, ça veut dire que, plus tard, il va y en avoir moins, puis, plus tard, il va y en avoir encore moins, etc. Donc, il s'agit de les isoler suffisamment longtemps. Ça fait que la clé de l'affaire, c'est de les isoler. Après, d'ici une cinquantaine d'années, il faudra en disposer de façon ultime, et puis la façon qui est préconisée, c'est de les enfouir, disons, dans le Bouclier canadien à quelque part, à un endroit approprié.

Et puis, actuellement, il y a, depuis une vingtaine d'années ou une quinzaine d'années, une recherche importante qui se fait avec la collaboration internationale, la coopération de plusieurs pays sur les types de formation géologique qui peuvent recevoir ce genre de déchets là. Le truc, c'est donc de trouver une formation qui est suffisamment stable et qui va permettre d'isoler ces déchets-là pendant des milliers d'années de telle sorte que ça ne pourra pas réintégrer la biosphère, de telle sorte que, finalement... Certainement, pour moi, en tout cas, je ne vois pas de problème pour les déchets, mais je suis conscient que, dans la perception du public, par ailleurs, ça en soit un. C'est peut-être même le problème majeur.

M. Farrah: Merci.

Le Président (M. Fradet): Je reconnais maintenant le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui, je voudrais revenir maintenant au chauffage des maisons à l'hydroélectricité versus d'autres sources. Vous n'êtes pas les premiers. Je pense qu'on est rendus à une bonne quinzaine de mémoires qui considèrent que l'utilisation de la plinthe électrique, c'est un fiasco économique. Puis, à toutes fins pratiques, pour certains, il y en a qui vont jusqu'à dire que c'est inacceptable qu'Hydro paie jusqu'à 0,092 $ du kilowattheure, je crois, pour la plinthe électrique, alors qu'on pourrait, avec des énergies très peu polluantes, à part ça, en arriver à économiser sur le plan, justement, de l'énergie hydroélectrique.

Mais les gens, par exemple, ne touchent pas l'aspect environnemental. Vous préconisez, vous autres aussi, des alternatives à l'hydroélectricité pour le chauffage. Mais comment conciliez-vous ça avec la position des environnemental istes et des écologistes?

M. Bazergui: Nous avons essayé de toucher à ce point-là dans le sens que l'idée, c'est que, si on allume des plinthes électriques en faisant marcher Tracy, on est aussi bien de brûler le mazout de Tracy à la maison. C'est plus efficace. Je vais laisser parler mon spécialiste, ici, qui va vous donner plus de détails.

Le Président (M. Fradet): M. Brais, allez-y.

M. Brais: Au fait, faire fonctionner une centrale thermique, comme vous le savez, ça prend trois fois le combustible pour produire une unité d'électricité qu'on va ensuite envoyer en chauffage avec un excellent rendement, bien sûr, presque 100 %. Alors, comme dit M. Bazergui: Finalement, la différence même serait positive. On brûlerait trois fois moins de combustible à le faire fonctionner directement chez le client, à faire brûler le gaz naturel chez le client qu'à brûler du mazout à Tracy, sans compter...

M. Chevrette: Trois fois moins?

M. Brais: Pardon?

M. Chevrette: Trois fois moins?

M. Brais: Le rendement d'une centrale thermique comme Tracy ou n'importe quelle centrale thermique, c'est de l'ordre de 30 %, 35 %.

M. Bazergui: En électrique.

M. Brais: Électrique par rapport à l'énergie input. Et ce n'est pas une question de technologie. C'est une question de limite... des lois de la physique qui limitent à ça. Alors, si on veut produire de la chaleur, autrement dit, avec des combustibles, mieux vaut les utiliser directement que de faire de l'électricité, qui est une forme d'énergie très noble qui donne, d'ailleurs, des rendements excellents pour faire tourner des moteurs, alors que les combustibles, eux, ne sont pas très efficaces pour ce genre de travail là.

Alors, finalement, c'est une question d'utiliser la bonne énergie à la bonne place. Si on fait de l'électricité, il y a des usages plus nobles que du chauffage électrique, finalement. Ça, on n'en a pas parlé, mais c'est un des aspects qu'on mentionnait dans l'efficacité énergétique. Sur une politique nationale, on aurait intérêt à regarder, à utiliser la bonne forme à la bonne place. Par exemple, l'électrolyse de l'aluminium ne se fait pas avec du gaz naturel. Ça confère un avantage énorme à l'électricité, et on a bien fait de le mettre en valeur dans le cas des alumineries, par exemple.

Le Président (M. Fradet): Merci. Est-ce qu'il y

a d'autres intervenants?

M. Chevrette: Oui, j'en ai une autre. Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Fradet): Malheureusement non, M. le député le Joliette. Il reste cinq minutes et, si le député de Drummond veut prendre la parole, on devra la lui laisser.

Allez-y, M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président.

Lors de mes cinq minutes, je vais essayer de couvrir trois sujets. À la lecture de votre mémoire, je dois vous avouer, avec tout le respect que j'ai pour votre institut, que j'ai été surpris de ne voir aucun commentaire sur la politique de développement d'Hydro-Québec, parce que je suis un de ceux qui prétendent que 2 %, Horizon 2000, n'est pas suffisant, qu'il faudrait au moins avoir 3 %. Alors, ça, ce serait ma première question.

Je voudrais vous en poser deux immédiatement. Et la deuxième, c'est au niveau de l'utilisation des énergies. Il y a plusieurs groupes qui sont venus nous dire qu'il y avait peut-être une forme qu'on ignore, qui est toute l'énergie solaire. Ce serait peut-être une avenue qu'on pourrait utiliser, surtout au niveau du chauffage et au niveau solaire passif. alors, je n'ai pas retrouvé dans votre mémoire une allusion qu'on devrait... parce que je réalise aussi qu'il nous manque peut-être des connaissances dans ce secteur d'activité là. alors, je relie ça aussi à mon deux ou trois, qui devrait aller à 3 %. alors, j'aimerais vous entendre, avoir vos réactions sur ces deux questions-là: l'utilisation du solaire dans le futur comme perspective globale et aller à 3 % au niveau de recherche.

Une voix: Veux-tu répondre à ça?

M. Rozon: bien oui! je peux bien faire un petit commentaire là-dessus. bien sûr, je suis conscient qu'on pourrait s'attendre, étant donné qu'on vient d'une université, qu'on se soit prononcé plus longuement sur les questions de recherche et développement. mais, étant donné tout le coeur qu'on a mis à participer à la consultation, on a pensé plutôt regarder la problématique elle-même du plan, plutôt que de se concentrer sur les aspects de recherche et développement en se fiant que, possiblement, nos confrères des autres universités étaient pour le faire. mais je suis d'accord avec vous que je serais bien heureux, le premier, à voir la contribution, disons, de la recherche et développement dans les dépenses d'hydro-québec augmenter de 2 % à 3 %.

Pour ce qui est de l'énergie solaire, effectivement, il n'y a pas eu d'allusion directe, mais, en fait, il y a une allusion indirecte. Lorsqu'on recommande qu'il y ait une certaine intégration de l'urbanisme à la planification énergétique, c'est un peu ça que j'entends.

Moi, disons, j'ai participé à un colloque au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à un moment donné, sur l'énergie et j'ai été impressionné par les présentations que des architectes faisaient, etc. Je déplore énormément le fait qu'on ne fasse pas d'urbanisme, finalement. Ce serait tellement facile de le faire. Puis, effectivement, l'énergie solaire passive est capable d'apporter une contribution très importante au niveau du chauffage, mais, dans le fond, ce n'est pas vraiment dans les mains d'Hydro-Québec; c'est dans les mains du gouvernement, peut-être. Mais, quand je parle d'une concertation entre Hydro-Québec, le ministère de l'Énergie, les municipalités et les développeurs, c'est justement dans des circonstances comme ça qu'on est capable d'aller les chercher, des choses qui, technologiquement, finalement, ne sont pas compliquées. C'est juste le gros bon sens.

Alors, je partage, disons, votre point de vue qu'on n'utilise pas l'énergie solaire comme on devrait le faire, sauf que les problèmes, ce n'est pas des problèmes techniques; c'est des problèmes structurels, c'est des problèmes d'organisation sociale où, enfin, là, j'espère que...

M. St-Roch: J'ajouterais qu'il y aurait peut-être l'autre volet aussi au niveau de tout ce qui est recherche appliquée, de transformer l'énergie solaire au niveau des piles voltaïques, ces choses-là.

Une voix: Oui, oui.

M. St-Roch: J'aimerais revenir sur le nucléaire. Le nucléaire ne me fait pas peur, et je partage votre recommandation aussi qu'on devrait garder au moins une unité de 600 MW qui pourrait être utilisée aussi par Hydro-Québec pour remplacer, peut-être, certaines autres alternatives, et surtout pour garder le savoir-faire québécois, et donner cette filière-là aussi à nos jeunes au niveau de l'accroissement, et garder nos connaissances.

Mais il y a un autre domaine, et j'aimerais en profiter pour échanger avec vous dans le même sujet. Il m'apparaît qu'un des grands problèmes, aussi, qu'on aura à faire face, qui rentre peut-être dans la préoccupation des gens, c'est lorsqu'on arrive à la fin d'une filière nucléaire, qui regarde à peu près alentour de 30 ans; ça peut être 40 ans. À l'heure actuelle, il nous manque énormément de connaissances et la seule chose qu'on fait, on met ça dans la boule à mites et on ne fait rien.

Alors, ne croyez-vous pas qu'Hydro-Québec aussi, en collaboration avec Énergie atomique Canada, pourrait commencer à développer une expertise québécoise au niveau du démantèlement de ces centrales-là? Il m'apparaît, moi, qu'il y aurait peut-être un créneau au niveau mondial, dans la foulée de nos acquis avec ce qu'on fait au niveau de la production d'électricité, qu'il y aurait une autre filière qu'on pourrait développer qui serait drôlement intéressante. Ce serait peut-être un des avantages qu'on aurait à garder notre filière nucléaire. (10 heures)

M. Bazergui: C'est un excellent point, effectivement, mais ça fait partie des connaissances techniques et scientifiques reliées au nucléaire, en fait. Effectivement, le démantèlement... Qu'est-ce qu'on fait avec une cen-

traie à la fin de sa vie? ça fait partie de la problématique. Alors, je ne sais pas si M. Rozon veut...

Le Président (M. Fradet): Oui, M. Rozon, très rapidement.

M. Rozon: Très rapidement. En fait, justement, on a eu au Québec la centrale de Gentilly I, puis il y a eu une certaine expertise qui s'est développée dans les bureaux AECL Montréal pour procéder, en fait, au démantèlement de cette centrale-là. Effectivement, ce groupe-là est en mesure d'offrir maintenant des services à l'extérieur.

Une voix: Ils sont convaincus.

M. Rozon: Donc, oui, c'est certainement une chose, mais ça représente quand même seulement une petite partie, mais vraiment une petite partie, disons, de l'ensemble de l'expertise qui est reliée à la construction et à la fabrication, disons, des composantes d'une centrale.

M. St-Roch: Mais qui va devenir de plus en plus importante avec les années.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le député.

Au nom des membres de la commission, je remercie les représentants de l'École polytechnique. Je suspendrai quelques instants pour laisser le temps à la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec de prendre place à la table. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 1)

(Reprise à 10 h 4)

Le Président (M. Fradet): Je demanderais aux membres de la commission de prendre place ainsi qu'aux membres de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale sur la proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec. Et je vous demanderais de vous identifier ainsi que votre partenaire, M. le président.

Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ)

M. Favre (Michel): Bonjour. Mon nom est Michel Favre, je suis directeur général à la Corporation des maîtres mécaniciens, et je suis accompagné de Michel Beaulieu, qui est le directeur des services techniques.

Le Président (M. Fradet): Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et qu'il y a, par la suite, une période de 40 minutes entre la partie ministérielle et la partie de l'Opposition pour les questions sur votre mémoire.

M. Favre: Je vais vous lire un bref préambule sur qui nous sommes pour ensuite vous lire le mémoire que nous vous présentons. Alors, la Corporation a été créée en 1949 par une loi qui est aujourd'hui connue comme étant la Loi sur les maîtres mécaniciens en tuyauterie. La Corporation est une corporation à appartenance obligatoire. Ça veut dire qu'une personne qui désire exécuter ou faire exécuter des travaux d'installation de tuyauterie ne peut les exécuter ou les faire exécuter sans être qualifiée à cette fin et sans être membre de la Corporation.

La Corporation regroupe quelque 2300 entrepreneurs spécialisés en plomberie, chauffage, ventilation, climatisation, réfrigération et protection-incendie. La CMMTQ fait passer des examens d'admission, elle s'occupe de perfectionner ses membres, s'occupe de discipliner par le biais de son comité de discipline et s'occupe des plaintes des consommateurs et des membres, et cela à tous les niveaux.

Le bien-fondé de l'existence de la CMMTQ et de son rôle à l'égard du public et des entrepreneurs a été confirmé et reconfirmé à plusieurs reprises par les autorités gouvernementales. La CMMTQ n'est pas une corporation ayant des pouvoirs de nature privée. Elle a un rôle d'intérêt public confié spécifiquement par une loi. Elle est un partenaire et une aide des autorités gouvernementales qui l'ont créée et qui lui ont confié des tâches spécifiques de la nature de celles exercées par l'État. Elle s'identifie donc comme un intervenant d'importance lorsqu'il s'agit d'établir le plan de développement d'Hydro-Québec pour la période de 1993 à 1995. Elle remercie d'ailleurs la commission de l'économie et du travail de lui donner l'opportunité, par le dépôt du présent mémoire, de faire connaître son point de vue.

La CMMTQ a participé aux consultations tenues par Hydro-Québec au cours de la dernière année. Quoique en accord avec la majorité des principes énoncés dans le plan d'Hydro-Québec, la CMMTQ entend soulever, par ce mémoire, un questionnement sur le bilan énergétique qui risque de subir un déséquilibre qui pourrait être irréversible. Aussi, la CMMTQ apporte une réflexion sur les avantages, tant au plan économique que social, à l'effet de «prioriser» le remplacement de l'électricité par des sources de combustible pour ses fonctions énergétiques.

D'après les derniers chiffres publiés pour l'année 1992 par le ministère de l'Énergie et des Ressources, le taux de croissance annuel moyen de l'électricité a été fixé à 1,24 % et celui du gaz naturel à 0,65 %. Ces deux progressions se sont faites au détriment de deux autres sources, soit le pétrole, qui a régressé d'environ 1,89 %, et le charbon, source de plus en plus marginale, mais quand même, qui a subi une régression de 0,08 %.

L'année 1992 a marqué un point tournant sur l'échiquier québécois du bilan énergétique. En effet, toujours selon le MER, l'électricité serait devenue la

principale source d'énergie avec 41,9 %, passant ainsi devant le pétrole qui est à 41,3 %, suivi par le gaz naturel avec 15,8 % et le charbon avec 1 %. hydroquébec est donc confirmée dans son rôle de principal fournisseur d'énergie au québec. toujours selon les prévisions du mer, cette tendance risque de s'amplifier d'ici l'an 2000. en effet, l'écart entre l'électricité et le pétrole s'accroîtra de 5,7 % et de 29,9 % pour le gaz naturel. la consommation des huiles légères subira donc le plus de diminution, affectant ainsi le secteur résidentiel de la chauffe des espaces et de l'eau. la corporation des maîtres mécaniciens s'inquiète donc d'un déséquilibre qui pourrait être irréversible si d'autres fournisseurs d'énergie ne sont pas davantage considérés au bilan énergétique du québec. même si les dirigeants d'hydro-québec semblent bien conscients du rôle joué par leur entreprise sur l'économie de la province, il n'en demeure pas moins que la cmmtq souhaite que le gouvernement du québec maintienne auprès de sa société ce sens des responsabilités et du devoir envers la collectivité. dans un climat mondial de déréglementation économique, c'est l'enrichissement collectif du peuple québécois qui en souffrirait.

Le début des années quatre-vingt a fait naître de nouvelles préoccupations et obligé une prise de conscience au niveau de l'utilisation de l'énergie. On constatait que cet élément de consommation prenait une part de plus en plus importante dans l'économie. HydroQuébec, avec son plan de développement en 1990, allait faire prendre un réel tournant social à la population du Québec. Divers programmes, tous reliés à l'efficacité énergétique, ont effectivement été lancés. La CMMTQ avait d'ailleurs à l'époque félicité cette orientation et investi beaucoup d'efforts au soutien de cette démarche. Le succès remporté par ces programmes est très impressionnant et témoigne bien la volonté des Québécois de vouloir mieux contrôler leur consommation d'énergie. En plus de réduire la facture énergétique des consommateurs et les besoins de nouveaux équipements de production, ces programmes permettent de stimuler l'économie. En effet, les résultats récents du programme ÉCO-KILO nous dévoilaient un taux de participation de 50 % de la clientèle domestique. Ce taux représente celui le plus élevé en Amérique du Nord. Ce programme, qui a coûté 57 000 000$ à Hydro-Québec, lui permettra d'économiser 407 000 000 $, tout en permettant des économies moyennes de 50 $ annuellement à chaque consommateur. (10 h 10)

Pour ce qui est du programme de Bi-énergie nouvelle, 38 500 consommateurs y ont adhéré sur une période de 18 mois. Ces clients pourront, en plus de profiter d'une réduction de coût de chauffage, profiter d'installations beaucoup plus fiables et d'une meilleure qualité de confort. Mais, plus important encore en ces temps d'économie précaire, ce programme a permis de stimuler le marché de près de 200 000 000 $ attribués à des travaux exécutés dans l'industrie de la construction. À la fin de ce programme, vers la fin de 1994, l'ensem- ble des adhérents à la Bi-énergie nouvelle permettra un écrêtement de la pointe de l'ordre de 670 MW en l'an 2000. On peut comparer ça à Bersimis 2, comme puissance.

Hydro-Québec envisage, dans son plan de développement de 1993-1995, une expansion du parc d'installation biénergie résidentielle, portant ainsi le parc biénergie à 163 500 unités. Ceci équivaut à 1,2 TWh de consommation annuelle pour le chauffage et une réduction de pointe, en l'an 2000, de 820 MW. Une réduction encore plus importante que ce qui est généré par la centrale Outardes 3. Par contre, il est désolant de constater que les énergies dépensées à la promotion du programme Bi-énergie, permettant 138 000 installations d'ici 1994, sont immédiatement neutralisées, puisque, malheureusement, la très grande majorité des 40 000 unités de logements construits annuellement au Québec est entièrement chauffée à l'électricité. Quoique la CMMTQ souscrite à l'extension du parc de la biénergie résidentielle, elle souhaite toutefois que des efforts plus précis soient mis en place afin de pénétrer majoritairement le marché de la construction neuve et de la rénovation. Des mesures beaucoup plus incitatives doivent être promues auprès de propriétaires et promoteurs de façon à les inciter à opter pour des systèmes de chauffage à haut rendement énergétique, à l'huile ou au gaz.

L'implication d'Hydro-Québec dans la biénergie résidentielle, en collaboration avec ses partenaires, la CMMTQ et la CMEQ a permis de développer une technologie québécoise de fabrication et d'installation des équipements presque unique en Amérique du Nord. Le levier économique joue donc bien son rôle dans ce créneau qu'est la biénergie résidentielle.

Par contre, l'efficacité énergétique a une portée beaucoup plus globale que celle énoncée ci-haut. Elle doit permettre aussi l'utilisation d'une source d'énergie à des besoins où elle donne le maximum d'efficacité. C'est ce qu'on appelle «la planification intégrée des ressources énergétique», une approche d'ailleurs adoptée par la majorité des pays industrialisés, permettant à leurs différentes industries productrices de biens de pouvoir maintenir un niveau de compétitivité dans une économie de marché mondial.

De plus, la libération de kilowattheures en les substituant par un combustible permettrait de rendre disponible une grande quantité de ces kilowattheures à court terme et, de ce fait, d'accroître l'implantation d'industries à forte consommation d'électricité, tel que favorisé par Hydro-Québec. Le rapport de consultation indique que la substitution par le gaz dans les secteurs résidentiel et commercial contribue à une économie de 4,3 TWh d'ici l'an 2000, basée sur les critères du coût évité et de la perte de revenus.

Dans le contexte économique dans lequel le Québec se trouve actuellement, tout effort mis en place pour attirer de nouvelles entreprises créatrices d'emplois serait bien évidemment louable et apprécié du gouvernement et de sa population. Il a aussi été démontré à maintes reprises qu'il est économiquement rentable pour un client de remplacer l'électricité par un combustible

pour le chauffage. D'ailleurs, selon Gaz Métropolitain, dont le réseau de distribution de gaz est sous-utilisé, une augmentation de 10 % à 25 % du volume distribué actuellement est parfaitement réalisable sans aucun investissement majeur. À part l'ajout de capacité de stockage et de compression, il s'agit de branchement de nouveaux clients vers le réseau existant.

De plus, grâce à la déréglementation permettant aux consommateurs de gaz de négocier directement avec des producteurs canadiens ou par l'intermédiaire de courtiers, le coût de l'unité de gaz naturel a considérablement chuté. La substitution devient alors d'autant plus avantageuse pour le client.

La CMMTQ est donc d'avis qu'il devient avantageux, au plan économique et social, de promouvoir les sources combustibles pour ses fonctions énergétiques. La CMMTQ insiste donc pour que cette tendance s'inscrive au plan d'Hydro-Québec.

Hydro-Québec entend considérer des petits projets hydroélectriques de production privée comme filière principale de production parmi ses projets de centrales à construire sur les grandes rivières. De plus, comme filière d'appoint, elle augmentera ses contrats avec des producteurs privés provenant de la cogénération.

On assiste presque à un véritable retour vers le futur. Au début du siècle, la production d'électricité par les industries était fréquente. On croyait alors que la production indépendante de l'électricité était plus sûre et meilleur marché. Au cours des ans, on a observé que l'électricité produite par les grandes centrales s'avérait bien plus sûre et économique. Depuis quelques années, avec les coûts croissants des grandes constructions de plus en plus éloignées des centrales, des lignes de transport, de l'entretien du vaste réseau, sans oublier les longs délais occasionnés par les préoccupations environnementales, la production d'électricité devait être considérée à nouveau, et ce, à une plus petite échelle.

Que ce soit en Europe, aux États-Unis ou chez nos voisins ontariens, la production d'électricité par cogénération est de plus en plus populaire. D'ailleurs, selon un quotidien montréalais, lorsque New York a abandonné son projet d'achat d'électricité du Québec, elle a acheté un volume équivalent à 1000 MW de producteurs en cogénération dont le gaz naturel provenait de l'Ouest canadien. À croire qu'aux États-Unis l'électricité produite par cogénération a meilleure presse que celle produite à Grande-Baleine. De plus, cette option accorde à Hydro-Québec des délais lui permettant de compléter ses études environnementales pour ses projets de plus grande envergure.

Ceci étant, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie est favorable à l'achat d'électricité par Hydro-Québec à des producteurs privés en cogénération à un tarif égal ou inférieur aux coûts évités. La CMMTQ est aussi d'avis qu'Hydro-Québec devrait s'impliquer dans toutes les études de faisabilité de projets d'incinérateurs de déchets non récupérables incluant ou pouvant inclure de la production d'électricité par cogénération.

La CMMTQ croit également que la priorité dans le traitement des déchets domestiques doit être accordée à la cueillette sélective des déchets récupérables (verre, papier, plastiques, etc.) Par contre, lorsqu'un incinérateur est envisagé pour disposer des autres déchets non dangereux, un potentiel de production d'électricité en cogénération devrait y être intégré, permettant ainsi d'optimiser le processus.

En terminant, la Corporation appuie la majorité des propositions du plan de développement d'Hydro-Québec pour la période 1993-1995. Elle se permet toutefois, dans un climat de dialogue transparent, de faire les commentaires suivants.

Pour que son programme d'efficacité énergétique ne se retrouve plus en équilibre partiel et puisse jouer pleinement son rôle de moteur de développement économique, Hydro-Québec devrait tenir compte de la planification intégrée des ressources énergétiques. Ceci permettrait de libérer des kilowattheures moins coûteux que ceux que l'on devrait produire et ainsi les utiliser à des fonctions à plus haute valeur ajoutée.

En ce qui a trait aux habitations neuves ou celles faisant l'objet de rénovations majeures, la CMMTQ propose d'encourager d'autres sources combustibles par opposition au raccordement exclusif au chauffage électrique. Aussi, l'octroi d'une subvention pour favoriser le choix pour la chauffe serait préconisé.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Fradet): Merci beaucoup. Alors, maintenant, je vais reconnaître la ministre de l'Énergie et des Ressources, députée de Chomedey.

Mme Bacon: Merci, M. le Président.

Messieurs, je voudrais d'abord vous exprimer mes remerciements de vous présenter ici devant la commission parlementaire et d'apporter une contribution à notre processus de consultation publique qui est un processus important.

Votre corporation s'inquiète du recul à prévoir, au cours des prochaines années, du pétrole dans le bilan énergétique et plus particulièrement du recul du mazout léger pour le chauffage de la chauffe des locaux, de l'eau et du secteur résidentiel. Mais, en même temps, j'aimerais savoir si vous avez analysé les impacts environnementaux de vos recommandations relativement à la place des hydrocarbures dans le bilan énergétique du Québec parce que d'autres groupes viendront nous dire que l'environnement n'est pas toujours protégé, quoique c'est partagé.

M. Favre: Vous parlez du degré de pollution des hydrocarbures par rapport à...

Mme Bacon: L'hydroélectricité.

M. Favre: Je ne sais pas si Michel a des...

M. Beaulieu (Michel): II faut dire qu'aujourd'hui les équipements utilisant les hydrocarbures à des fins de chauffe, que ce soient des chauffes de locaux ou des

chauffes de l'eau, sont des équipements qui sont beaucoup plus efficaces que les équipements qu'on a connus par le passé. quand on dit beaucoup plus efficaces, je pense que la comparaison est assez difficile à faire dans ce sens qu'on a aujourd'hui des équipements qui peuvent offrir un niveau de rendement de l'ordre de 85 % comparés à des équipements qui, auparavant donnaient un taux de rendement de l'ordre de 60 %, 65 %. or, je pense qu'au niveau technologique ces équipements ont fait un très grand pas en avant, donc réduisent de beaucoup l'émission vers l'atmosphère de produits non brûlés comme tels. (10 h 20)

Mme Bacon: Dans l'hypothèse où l'idée de subventionner l'installation d'équipements plus performants serait retenue, quels organismes seraient les mieux habilités à faire l'octroi des subventions, par exemple? Est-ce qu'il ne reviendrait pas aux fournisseurs d'hydrocarbures de subventionner des systèmes semblables?

M. Fabre: Je penserais que oui, en collaboration avec Hydro-Québec peut-être, en tout cas ceux qui vont...

Mme Bacon: Si vous aviez un partenariat plutôt que la seule responsabilité?

M. Fabre: Oui. Il y a des gros avantages. Si on prend, par exemple, la bonification du prix d'un système en biénergie intégrée installé dans une maison neuve, subventionné, ça revient au même prix qu'actuellement, c'est-à-dire que les besoins d'argent comptant ne nuiraient pas aux possibilités du public, des jeunes couples d'avoir accès à la propriété. L'économie d'échelle, ensuite, développée dans ce contexte-là, serait grande à court et à long terme aussi.

Si vous permettez juste un petit point, j'aimerais revenir sur l'avantage des combustibles; ça peut être le mazout ou le gaz naturel. Je ne parle pas du facteur de pollution qui est tellement marginal que, pour nous, ce n'est pas un point important, là. Lorsqu'on laisse un marché, une technologie s'effriter ou qu'on l'abandonne, il n'y a plus de développement technologique qui se fait. S'il n'y a plus de technologie, donc, il n'y a plus d'expertise. Ce n'est pas avec des plinthes électriques qu'on fait des gens compétents dans l'industrie de la chauffe. C'est des équipements qui n'ont pas besoin de personne. Ils sont là. C'est un système de chauffage qui n'a pas démontré qu'il était efficace par rapport à ce que certains peuvent appeler le rendement, mais un rendement d'un système à combustion est aussi efficace et il fait en sorte qu'il émule. Il crée de l'emploi et il permet un développement technologique important à cet égard-là.

Mme Bacon: Au sujet de la biénergie, moi, j'aimerais avoir votre appréciation quant aux efforts qui sont déployés par Hydro-Québec dans ce domaine-là. Comment vous appréciez ces efforts-là qui sont faits par Hydro-Québec?

M. Favre: Beaucoup. On l'apprécie beaucoup. On pense que c'est une prise de conscience importante à cet égard-là. On pense qu'Hydro-Québec contribue largement à rationaliser et à rendre encore plus efficaces pas juste les équipements, mais le confort des personnes qui habitent dans les maisons.

Mme Bacon: C'est rentable pour les clients? M. Favre: On pense que oui.

M. Beaulieu: Des chiffres même avancés par Hydro-Québec démontrent une rentabilité pour les clients, de l'ordre... Si on peut prendre un exemple, pour un petit bungalow standard en banlieue, Hydro avance des chiffres facilement de l'ordre de 200 $, 250 $ au minimum et qui peuvent doubler ou tripler si les gens font un petit peu attention à leur consommation d'électricité lorsqu'ils sont en période de hauts tarifs. Alors, on peut parler facilement d'économies pouvant aller de 550 $ à 600 $ pour un ménage type. Je pense que, oui, c'est très rentable pour un client et ça augmente aussi de beaucoup son confort comme tel, parce que, lorsqu'on parle d'un système de chauffage à plinthes électriques, c'est un système qui est très, très statique, comme tel, comparativement à un système de chauffage central où on peut humidifier, filtrer. On peut climatiser, on peut faire toute une série de conditionnements de l'air du milieu dans lequel on est.

Mme Bacon: Si c'est si rentable, pourquoi ça ne se développe pas davantage? Quelle est la raison pour laquelle ça ne se développe pas davantage, selon vous?

M. Beaulieu: Bien, il y a une raison principale qui part... Il faut partir à la base au niveau des maisons neuves et au niveau de la rénovation aussi. C'est souvent les promoteurs. Les promoteurs immobiliers vont construire une maison à des coûts qui vont leur revenir le moins dispendieux possible. Or, lorsqu'on compare un système de chauffage central avec un système à plinthes électriques, bien, c'est un système qui coûte moins cher, c'est bien évident. Alors, pour eux, pour les promoteurs, c'est peut-être plus rentable de le faire, mais, à long terme, c'est là que la vision se perd.

Mme Bacon: Mais ils ont moins d'acceptation du côté des promoteurs immobiliers de biénergie?

M. Beaulieu: Les promoteurs immobiliers n'adhèrent pas actuellement... Si on compare actuellement le programme de Bi-énergie nouvelle, le programme de Biénergie nouvelle a un taux de pénétration d'à peu près 2 % dans la maison neuve. On parlait tout à l'heure... Le programme actuel compte 59 000 installations. Aujourd'hui, on est rendu à tout près de 48 000. On a à peu près 2 % de pénétration dans le milieu de la maison neuve. Les promoteurs immobiliers n'y adhèrent pas, question de coûts uniquement. Mais c'est une vision à très court terme pour eux.

Mme Bacon: Est-ce que c'est un problème de subvention, selon vous?

M. Favre: Ça peut être aussi un problème de promotion plus que de subvention, et, je pense aussi, un peu d'ignorance. Les premiers acheteurs sont des jeunes couples qui n'ont pas nécessairement une bonne connaissance du bienfait ou du bien-être qu'apporte un système de chauffage plus efficace ou, en tout cas, plus confortable. Tu arrives dans des plans de maison, il y en a près de chez moi, ou des maisons de l'ordre de 140 000 $ jusqu'à 300 000 $ avec des plinthes électriques. C'est un peu spécial. Comment ça se fait qu'il n'y a pas une plus grande conscience sociale du public à cet égard-là? Ça nous dérange un peu. On se pose la même question. Pour vous dire la vérité, je ne suis pas sûr qu'une subvention corrigerait la situation. Certainement qu'une meilleure promotion des avantages jouerait un rôle aussi.

Mme Bacon: Qui devrait faire la promotion? Est-ce que c'est les...

M. Favre: Nous, pour commencer, on pourrait certainement en faire davantage comme corporation auprès du public. Et je pense que les gouvernements, et Hydro-Québec, et les... Qu'il y ait une sorte de concertation entre tout le monde.

Mme Bacon: Ce serait en partenariat, là?

M. Favre: Oui, ça prend surtout, je pense, une reconnaissance que les meilleurs systèmes de chauffage ne sont pas nécessairement par plinthes électriques.

Mme Bacon: Au niveau de la cogénération, est-ce que vous ne croyez pas que ça pourrait se développer au Québec si le tarif proposé était inférieur aux coûts évités d'Hydro-Québec?

M. Favre: C'est ce qu'on propose. S'il est inférieur, égal ou inférieur, aux coûts évités, on recommanderait qu'il y ait cogénération dans ces conditions-là.

Mme Bacon: Ça va se développer davantage, vous pensez, si ces conditions sont mises sur pied?

M. Beaulieu: Oui, en fait, s'il y a une volonté politique et une volonté sociale de vouloir le faire, je pense que, oui, la cogénération... En fait, il y a plusieurs industries, au Québec, qui auraient pu — si elles avaient eu accès à la cogénération — peut-être développer certains marchés. Puis l'effet contraire s'est produit actuellement. C'est qu'elles en ont perdu. On a certaines industries qui sont en très grande difficulté. Je pense que, si elles avaient eu accès à la cogénération et pouvoir revendre les surplus, elles seraient en meilleure position, actuellement. Et puis je pense que, si la volonté était là, la cogénération au Québec se développerait, et je pense qu'on est dans un milieu qui serait favorable à ça.

Le Président (M. Fradet): Merci, Mme la ministre.

Je vais maintenant reconnaître le critique de l'Opposition officielle, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

Tout d'abord, je vais partir de la dernière question, moi aussi. Vous ne croyez pas que, dans le fond, les jeunes couples qui achètent les maisons, il y a deux choses qu'ils visent: le coût — s'ils le savaient, ça pourrait les influencer — mais vous ne pensez pas aussi qu'il y a une question d'être agréable à la vue? Par exemple, avoir un réservoir en arrière ou faire remplir ça régulièrement, c'est achalant, ça! Il y a un confort qui est recherché par le monde aujourd'hui. Puis ça m'apparaît être une des premières grandes raisons pourquoi les gens vont au plus simple, puisqu'ils manquent d'information, d'abord, par rapport au coût, puis il y a une petite crainte aussi par rapport à la pollution, etc. Vous ne croyez pas que c'est plutôt ça? (10 h 30)

M. Favre: Écoutez, le réservoir, dans les automobiles, il est bien caché, puis on ne le voit pas. La nouvelle technologie de conception et d'installation de réservoirs, surtout avec la loi qui porte sur l'enfouissement des réservoirs, s'applique au niveau résidentiel. Donc, ce n'est pas quelque chose de visuel. Moi, je pense que c'est une question d'ignorance du bien-être et du confort que ça apporte, surtout. Visuellement, c'est bien plus agréable de voir des grilles d'aération que de voir les espèces de... sur lesquelles les enfants se frappent ou se blessent souvent. Je ne vois rien d'esthétique là. Et, lorsqu'ils la revendent aussi, c'est une plus-value. C'est cette ignorance-là, également. Il y a une conscientisation à développer.

M. Chevrette: Mais pourquoi vous ne dites pas que c'est l'ignorance de contracteurs, des constructeurs? S'ils connaissaient leur affaire, quand ils rencontrent un jeune couple pour vendre une maison, ils pourraient leur expliquer les bienfaits. Pourquoi mettre l'ignorance uniquement sur le dos du consommateur? Vous avez un rôle de formateur.

M. Favre: Ils pourraient. Je pense que les promoteurs ne sont pas si ignorants que ça. Les promoteurs ne sont pas ignorants, à mon avis.

M. Chevrette: Ils se regroupent bien souvent, vous le savez très, très bien. Le petit contracteur domiciliaire, il a son «chum» qui est électricien, et ils bâtissent des maisons en série, et il n'y a pas de problème. Donc, ne venez pas me dire que le consommateur n'est pas influencé par vous autres. Si vous étiez les premiers promoteurs, très sérieux et qui expliquaient aux jeunes couples...

M. Favre: On essaye fort, M. Chevrette. Je vais

vous dire que c'est difficile à percer, la barrière du promoteur, au niveau du marché résidentiel neuf. Le système est fait de sorte que les gens n'ont pas accès au plombier, au chauffagiste ou à l'électricien directement. J'en connais beaucoup d'électriciens qui ne sont pas favorables à l'installation des plinthes électriques, ils vont proposer d'autres systèmes, en biénergie, notamment...

M. Chevrette: Non, c'est parce qu'il y a du conservatisme dans certains milieux, vous savez. J'ai vu des petits contracteurs, un ou deux hommes chacun, et vous savez qu'ils font ça en série, et ils ne prennent pas le temps d'expliquer, c'est évident. Moi, je pense que vous êtes les premiers agents de promotion importants. Ça devrait être les contracteurs de maisons. Comment on l'appelle? L'Association de la construction devrait se faire un promoteur de cette diversification d'énergie. Je trouve qu'il y a un manque là aussi. On peut bien demander à Hydro de le faire. Je pense que c'est un rôle aussi. D'accord. le gouvernement, avec une politique énergétique qui tienne compte de la diversité des énergies, comme vous parlez, a un rôle à jouer, mais vous autres aussi, un très grand rôle à jouer, je trouve, parce que le consommateur, s'il est ignorant, c'est parce qu'on ne lui explique pas, il y a du monde à quelque part qui n'explique pas, c'est évident. moi, j'ai jasé avec les acef, en particulier, puis je pense que, si on intervenait auprès de ces groupes de promotion, par exemple, de l'intérêt du consommateur... on pourrait peut-être aussi mettre un peu tout le monde à profit parce qu'il y a véritablement un manque. on s'en rend compte. presque tous les mémoires parlent, par exemple, du coût exagéré de l'électricité en ce qui regarde le chauffage par rapport aux autres sources d'énergie. c'est quasiment du simple au double. c'est beaucoup, alors que le prix de l'électricité a monté de je ne sais pas combien, quelque 30 % en 10 ans, et le gaz très peu, et le pétrole, lui, a chuté. on a eu ces chiffres-là hier. ce serait quand même important qu'il y ait un partenariat, comme vous dites. je pense que ça s'impose. c'est la seule façon de renseigner, d'informer. l'information, c'est à la base de toute décision d'importance. si tu n'as pas d'information, tu ne l'as pas.

Mais, moi, il y a une question que je veux vous poser concernant le déséquilibre des énergies, parce que vous écrivez une grosse phrase dans votre texte: «...s'inquiète donc d'un déséquilibre qui pourrait être irréversible». Quelles seraient les conséquences d'un tel déséquilibre irréversible?

M. Favre: depuis, je pense, 10 ans, 15 ans — je vais faire l'analogie avec le chauffage résidentiel où on implante de façon majeure — 95 % des nouvelles constructions résidentielles sont à l'électricité complètement. le déséquilibre fait en sorte que tu vas te retrouver avec, pas juste un monopole, mais un problème majeur. c'est que tu n'es plus capable, technologiquement, de faire des changements dans le temps si tu ne les as pas prévus avant.

Déséquilibre en matière de connaissances, de formation de personnes, de compétences. Tout ça fait partie du déséquilibre dont on parle. Maintenir l'équilibre, pour nous, ça veut dire se garder des options de variation de prix. S'il n'y a pas compétitivité, il y aura monopole. S'il y a monopole, c'est un danger. Déséquilibre, dans ce sens-là, très dangereux. Et irréversible technologiquement, c'est dangereux aussi. Il faut penser que tu n'enlèves pas un système ici, dans la bâtisse, comme ça. C'est majeur, changer le système ici. Il ne faut pas attendre de ne plus être capable. Il ne faut pas aussi attendre qu'Hydro-Québec, un jour, fasse le constat que le chauffage résidentiel n'est plus rentable, comprenez-vous?

M. Chevrette: Elle devrait le faire immédiatement.

M. Favre: Si elle le faisait, ce serait dommage qu'elle le dise aujourd'hui, alors qu'elle fait la promotion, depuis 15 ans, du chauffage résidentiel. Il ne faut pas... C'est dans ce sens-là aussi.

M. Chevrette: O.K. Dans ce sens-là, à ce moment-là, on ne peut pas le reprocher non plus à HydroQuébec, dans le fond, parce que c'est sa mission, donc elle vend son électricité. Ce n'est même pas sûr qu'inconsciemment elle n'a pas provoqué une rareté pour développer davantage de barrages par des contrats secrets, par exemple. Mais vous ne croyez pas, à ce moment-là, qu'il serait important, au Québec, d'avoir une véritable politique énergétique qui tienne compte de ces facteurs-là pour ne pas en arriver à un déséquilibre qui tiendrait compte du fait qu'il y a 60 % d'autres formes d'énergie à part l'électricité, effectivement, et que, si on abusait, à court terme, du développement irrationnel et irréfléchi d'une seule ressource, on se priverait de technologie? Est-ce que c'est le sens de vos propos?

M. Favre: Oui.

M. Chevrette: À ce moment-là, vous accepteriez de participer à un débat sur les politiques énergétiques? Ça ne serait pas bon qu'il y ait une commission de l'énergie, indépendante, qui n'ait pas à juger exclusivement d'hydroélectricité?

M. Beaulieu: C'est ce que Michel me disait hier, justement, un peu comme ça existe aux États-Unis, où on aurait une commission énergétique qui va faire une analyse de l'ensemble des différentes sources d'énergie qu'on pourrait avoir ici. Oui, je pense que oui, ça serait bon, ne serait-ce que pour...

Pour revenir un petit peu sur la perte des technologies et l'influence négative que ça peut avoir lorsqu'on s'en va au tout électrique... Il y a beaucoup de grands bâtiments d'habitations multiples, qu'on appelle, à Montréal, qui datent des années quarante, cinquante, dans lesquelles il y avait des systèmes de chauffage à

l'eau chaude, à radiateurs, tout ça. Peut-être qu'esthétiquement les radiateurs sont à revoir, mais, quand même, il y en avait de très beaux. On modifie tous ces...on fait beaucoup de rénovations dans ces bâtiments et on modifie, on enlève tous ces systèmes de chauffage là pour pouvoir mettre des systèmes de chauffage à plinthes électriques dans deux buts: dans un premier but, de pouvoir transférer la facture énergétique au locataire et, dans un deuxième but, de diminuer les coûts d'entretien de l'ensemble des systèmes. Par contre, on s'aperçoit, au bout de quelques années, que ça ne chauffe pas. Les bâtiments, ce genre de bâtiments là n'était pas conçu pour pouvoir chauffer avec des plinthes électriques qui vont donner un chauffage qui est très ponctuel. Ça prend un système de chauffage qui a une masse thermique très grande, que seuls les systèmes de chauffage à eau chaude sont capables de donner. Or, on va faire quoi, avec ces bâtiments-là? On ne peut pas tous les refaire. Quand on parle de perte de technologie, c'est un peu ça.

Aujourd'hui, nous autres, on fait, à la Corporation, des pieds et des mains pour essayer de redonner toute la connaissance technologique aux jeunes entrepreneurs qui viennent sur le marché de façon à ce qu'ils revoient ça. Il n'y en a plus. Alors, ça, c'est une perte de technologie qui... Et, aujourd'hui, il y a des systèmes de chauffage à l'eau chaude qui sont plus esthétiques, qui sont dans le plancher, des systèmes de chauffage radiant, etc., mais la technologie, il faut la redonner aux gens, parce qu'ils l'ont perdue au cours des années.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le député de Joliette.

Je reconnais maintenant M. le député de Gatineau.

M. Lafrenière: Merci, M. le Président.

Votre corporation est d'avis qu'Hydro-Québec devrait s'impliquer dans l'étude de faisabilité de projets d'incinérateurs de déchets non récupérables permettant de faire la cogénération. Pouvez-vous élaborer sur cet aspect de vos recommandations?

M. Favre: II y a un bel exemple dans votre comté, justement, où il y a une usine d'incinération qui est accusée d'importer des déchets, parce qu'il n'y a pas assez de déchets ici à brûler. Est-ce que ce n'est pas dans Gatineau, je pense, qu'il y a une usine comme ça qui...

M. Lafrenière: Elle n'est pas encore implantée. M. Favre: Elle n'est pas encore implantée?

M. Lafrenière: Non. On parle d'en implanter une, mais le phénomène...

M. Favre: Mais, si...

M. Lafrenière: C'est le phénomène des déchets «pas dans ma cour» dans l'Outaouais. On vit ça depuis une dizaine d'années.

M. Favre: .. .c'était brûlé à des fins de génération d'électricité... C'est le genre d'application qu'on propose, que des études de faisabilité soient faites pour justement profiter de chaque option ou chaque possibilité qui s'offre de produire de l'électricité plutôt que de juste l'envoyer en l'air. (10 h 40)

M. Beaulieu: En fait, si vous permettez que j'élabore un petit peu là-dessus aussi, au Québec, on est, je dirais, actuellement, en grande réflexion à savoir qu'est-ce qu'on va faire, quelle option est-ce qu'on va prendre dans le futur avec les déchets domestiques. Lorsqu'on dit aussi, dans ce qu'on avance, qu'on «priorise» principalement la cueillette sélective, c'est de façon à éliminer, à recycler ou à remettre une bonne partie des déchets qui sont recyclables. Lorsqu'on parle d'incinérateurs, c'est d'incinérer les déchets qu'on ne peut rien faire avec, qu'autrement on enfouirait. Alors, actuellement, au Québec, on est dans cette période de réflexion: Qu'est-ce qu'on va faire avec les déchets? Est-ce qu'on va adopter une autre méthode que l'enfouissement pour disposer des déchets qu'on ne peut pas recycler comme tel? Je pense que l'incinération peut être une des solutions, entre autres. Il y a un projet-pilote à Montréal-Est qui semble bien vouloir se mettre en marche actuellement et pour lequel il y aurait aussi production d'électricité en cogénération. Alors, ce qu'on se dit, c'est: Si la solution de disposition des déchets est l'incinération, si on opte pour ça, pourquoi ne pas utiliser en plus l'énergie qui serait dégagée par cette incinération-là et produire de l'électricité en cogénération pour ajouter encore plus à la valeur du processus?

M. Lafrenière: Croyez-vous qu'Hydro-Québec applique, dans une certaine mesure, les principes qui sous-tendent la gestion intégrée des ressources?

M. Beaulieu: Est-ce que vous pourriez répéter, s'il vous plaît?

M. Lafrenière: Croyez-vous qu'Hydro-Québec applique, dans une certaine mesure, les principes qui sous-tendent la gestion intégrée des ressources, au niveau de la gestion intégrée?

M. Favre: La gestion intégrée des ressources, vous parlez de l'ensemble des ressources énergétiques disponibles au Québec. Je pense qu'elle est davantage... Enfin, on a donné l'exemple au niveau résidentiel, par exemple. Si, d'une main, on contribue à la rendre plus efficace par l'implantation de la biénergie, par exemple, mais que, d'autre part, on ne s'occupe pas des 40 000 habitations qu'on dessert en électricité seulement, toute la cogénération... Oui, la réponse est oui, mais je pense que les efforts... Quand on dit, dans notre mémoire, que davantage d'efforts devraient être faits pour... On parle des études de faisabilité, on parle de l'ensemble du

système. Je pense qu'on trouverait réponse à cette question-là de façon plus neutre, plus objective, dans le cadre d'une commission qui toucherait l'ensemble du bilan énergétique au Québec, pas juste pointée vers Hydro-Québec.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le député de Gatineau.

Maintenant, je reconnaîtrai M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je voudrais vous amener maintenant en page 8 de votre mémoire. Vous dites, en haut de la page, et je cite: «De plus, la libération de kilowattheures, en les substituant par un combustible, permettrait de rendre disponible une grande quantité de ces kilowattheures à court terme et, de ce fait, d'accroître l'implantation d'industries à forte consommation d'électricité, tel que favorisé par Hydro-Québec.» C'est à peu près le seul point... Je pense que c'est douteux, cette affirmation-là, parce qu'il me semble qu'Hydro-Québec, au contraire, a décrété un moratoire — du moins dans son plan de développement — face aux grandes industries énergivores, de un. Et, de deux, je pense qu'ils n'ont même pas l'intention, en tout cas dans un avenir prévisible, d'aller vers ces industries énergivores. Je comprends peut-être que ce n'était pas l'esprit que vous vouliez lui donner, mais, tel que libellé, là, ça semble s'inscrire en faux par rapport au plan de développement. Est-ce que je me trompe?

M. Favre: Non, on est d'accord avec bien des choses. Ça, c'est un point avec lequel on n'était pas d'accord dans le plan.

M. Chevrette: Ah! C'est parce que vous n'êtes pas d'accord.

M. Favre: Oui. On espérait...

M. Chevrette: Non, mais c'est parce que le libellé, comme il est là, on dirait que vous êtes d'accord avec Hydro-Québec alors qu'Hydro-Québec ne dit pas ça.

M. Favre: Oui. À l'orientation 27 du plan...

M. Beaulieu: Dans son pian de développement, je vous lirais l'orientation 27 du plan de développement d'Hydro-Québec, lorsqu'on parle de développement des marchés, cette orientation-là dit: «Favoriser une implantation ciblée et limitée d'industries à forte consommation d'électricité.»

M. Chevrette: Lorsqu'on étudie le détail du plan, si ma mémoire est fidèle, là, je le dis sous réserve moi aussi, parce qu'il y en a tellement d'annexés à Hydro, vous le savez, on voit qu'on a prévu pour la phase II d'Alouette, si ma mémoire est fidèle, et une phase II à Lauralco, mais, à mon point de vue, la compréhension que j'en ai, c'est parce que c'était déjà engagé qu'Hydro-Québec dit: Moi, je ne peux pas revenir en arrière là-dessus, mais il n'est pas de mon intention de me retourner vers d'autres alumineries, par exemple. C'est 180 MW, si ma mémoire est fidèle, la marge de manoeuvre. C'est pour ça que je trouvais que votre affirmation, à la page 8, était forte, parce qu'on dirait que ça voulait dire qu'Hydro-Québec avait encore des appétits? Je ne pense pas. Je suis obligé de la défendre, de temps en temps, parce que ce n'est pas ça qu'elle a écrit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Favre: Nous, ce qu'on voulait soutenir, c'est une question de choix.

M. Chevrette: Je viens de faire plaisir à la ministre. Une fois par jour. Ça m'arrive rarement.

M. Favre: II y a un choix social, là, qui doit se faire: ou tu dépenses ton argent pour bâtir des centrales pour chauffer des bâtiments, ou tu dépenses de l'argent pour bâtir des centrales pour profiter à faire progresser la société en développement des technologies, qui feront en sorte qu'il y aura plus de monde qui va travailler, ce qui fait que toute cette masse d'argent, à notre sens, ne devrait pas aller à des fins de chauffage, alors qu'il y a d'autres solutions pour ça, et compte tenu de l'avantage qu'il y a au Québec quant à la production hydroélectrique.

M. Chevrette: À la page 11, vous dites ceci: «Ceci étant, la CMMTQ est favorable à l'achat d'électricité par Hydro-Québec à des producteurs privés en cogénération à un tarif égal ou inférieur aux coûts évités.» Est-ce que ça veut dire que vous seriez d'accord avec une forme de subvention déguisée?

M. Favre: Non, ce n'est pas ce qu'on dit. On n'est pas favorable au développement si c'est plus cher. On dit «à coût égal ou inférieur», comme on l'a dit à Mme Bacon tout à l'heure.

M. Chevrette: Mais, quand on sait qu'Hydro achète en cogénération au prix marginal de Grande-Baleine, qui est 0,043 $, je crois rendu à Montréal, et qu'elle revend ses excédents d'électricité à 0,022 $, trouvez-vous que c'est une bonne gestion?

M. Beaulieu: On n'a pas grand-chose à dire là-dessus, c'est au niveau de la revente de ce qu'elle produit et, pour nous, ce qui nous intéresse, c'est qu'elle puisse acheter de l'électricité en cogénération, produite par cogénération, à des petits producteurs qui peuvent lui vendre cette électricité-là à des coûts qui pourraient être égaux ou moindres que ce qu'il pourrait en coûter à Hydro-Québec pour bâtir de nouveaux équipements pour pouvoir obtenir cette même électricité là.

M. Chevrette: Mais la politique d'Hydro-Québec,

actuellement, c'est de garantir l'achat, d'un producteur privé qui fait de la cogénération, à 0,043 $, je crois. Donc, à partir de là, il se peut que même des producteurs privés fassent beaucoup d'argent avec ça.

M. Beaulieu: Que les producteurs privés...

M. Chevrette: Puissent faire beaucoup de profits avec ça.

M. Beaulieu: Ah! mais ça, que les producteurs privés puissent faire des profits, s'ils sont capables de fournir de l'électricité à Hydro-Québec à un coût moindre qu'il en coûterait à Hydro-Québec pour pouvoir le faire, c'est quand même une technologie qu'ils développeront, pour eux.

M. Chevrette: je comprends, mais ce que je veux dire, c'est que d'assurer un prix du genre, qui contribue à faire de gros profits, c'est au détriment d'hydro-qué-bec. pourquoi hydro-québec ne paierait pas, par exemple, le coût de production plus 12 % de marge de profit, comme toutes les entreprises de télécommunications et autres qui se présentent devant les régies et qui doivent justifier leur prix de vente, d'accord? et la marge ordinaire est de 12 % ou 12,5 %. il y en a qui vont jusqu'à 13 %, mais là ça peut être même plus que ça. et c'est nous, les actionnaires d'hydro-québec, qui payons la facture, à ce moment-là. vous ne croyez pas que c'est... (10 h 50)

M. Beaulieu: Bien, en fait, je pense que, lorsqu'on en sera rendu à une filière de production qui prendra une ampleur certaine, je pense qu'il y a des lois du marché, à un moment donné, qui vont jouer. Si un certain producteur vend son électricité à 0,043 $ du kilowattheure et l'autre est prêt à l'offrir à Hydro à 0,04 $ du kilowattheure ou à 0,038 $, il y a une loi du marché qui va se créer et les prix vont devoir suivre, éventuellement.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le député de Joliette.

Maintenant, M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président.

Tel que vous l'indiquez à la page 6 de votre mémoire, moi, je commence à partager drôlement vos craintes quand vous regardez, dans une perspective un peu plus éloignée, tout le problème de la chauffe au niveau du résidentiel parce que, lorsque je regarde les documents d'Hydro-Québec, même elle, elle prévoit... On a dit qu'à peu près 73 % des logements, à l'heure actuelle, sont à la chauffe électrique, mais, lorsque je regarde la projection — si ma mémoire est bonne, c'est l'an 2001 — on prévoit que ça va s'accroître jusqu'à 82 %. Alors, il y aura définitivement une érosion.

Ma question est dans ce sens-ci. Oui, il y a tout le phénomène de contribution par subvention qu'on pourrait donner, aller avec la biénergie, mais est-ce que vous... Pour toutes sortes de raisons, parce que même notre contracteur, il a toujours l'espace temps aussi. À cause des situations climatiques du Québec, on veut construire dans la période d'avril-mai-juin-juillet-août-septembre. On veut construire de plus en plus des maisons dans un mois. On a accentué le problème par la fameuse date magique du déménagement du 1er juillet qui raccourcit sensiblement les périodes de construction. Toutes ces raisons-là font en sorte que c'est difficile pour le consommateur, principalement ceux de la première résidence, d'aller avec l'investigation et d'aller vers la biénergie.

Ne croyez-vous pas que, si on s'en va dans une politique un peu plus globale, à un moment donné, au moins pour les rénovations majeures et pour les nouveaux développements, il va falloir avoir des mesures un peu plus coercitives et de dire... Bon, la même chose si on met des normes de bâtiment, de construction, que les contracteurs sont obligés de respecter, qu'on aille dans le même sens au niveau énergétique? Qu'on mette des normes de dire: À partir d'aujourd'hui, tout nouveau développement majeur devra inclure la biénergie et non les... Est-ce que vous seriez favorables à une mesure encore plus coercitive, comme d'appoint, en plus de la subvention?

M. Favre: On pense que ça peut aller aussi loin qu'il y ait un compteur dissuasif sur la maison qui est chauffée à l'électricité, c'est-à-dire qu'il y ait déjà une tarification qui fasse en sorte que le client, le consommateur soit conscientisé au fait que, s'il achète une maison dont le chauffage est exclusivement électrique, que le compteur tienne compte d'une tarification supérieure justement pour le décourager et décourager aussi des promoteurs qui auront à faire affaire avec les clients pour leur dire exactement quels choix s'offrent à eux. C'est une option par opposition à la subvention, si vous voulez, d'installation.

M. St-Roch: Mon autre question, c'est: Dans cette grande problématique aussi de la chauffe, vous prônez la substitution au niveau du gaz ou au niveau du mazout. Mais, aujourd'hui, avec les techniques modernes, ne croyez-vous pas qu'on pourrait faire appel davantage au solaire d'une forme passive et d'une forme un peu plus active? Et ça rentre, je pense, dans vos domaines. Lorsqu'on essaie les fameux capteurs, c'est en plein dans votre domaine au niveau ferblanterie ou tuyauterie. Mais, en plus de ça, il y a tout le phénomène de la thermopompe, qu'elle soit à air ou à eau chaude, qui m'apparaît, de prime abord, une énergie qui est beaucoup plus propre, qui semble ignorée, tombée complètement dans le vague, il y a très peu de gens qui vont se diriger vers ces avenues-là. Est-ce qu'il y a une raison technique ou commerciale spéciale qui empêche davantage les gens d'utiliser ces fameux échangeurs d'air là, les fameuses thermopompes, qui sont beaucoup plus propres pour la consommation, dans un contexte

global d'environnement, que le mazout et le gaz?

M. Beaulieu: Actuellement, la plus grosse contrainte, je dirais, c'est le prix, parce qu'il y a quand même un prix qui est assez important lorsqu'on parle de l'installation d'une pompe à chaleur, surtout une pompe à chaleur eau-air ou sol-air, ce qu'on appelle communément une pompe géothermique comme telle. Il y a un coût qui est très important. Évidemment, s'il y avait une approche qui permettait une plus grande implantation de ce type d'appareil là, je pense que ce serait très profitable au niveau québécois parce que ce type de système là a démontré, hors de tout doute, sa capacité de chauffe à très bas coût comme tel, mais la contrainte est une contrainte d'acquisition. C'est un coût très élevé. On ne parle pas juste du coût de la machine, on parle aussi du coût de... Il faut forer un trou, un puits de 150, 200 ou 300 pieds, dépendamment de la capacité de l'appareil. C'est un coût qui est très restreignant, oui.

Au niveau des pompes à air, le coût est moindre qu'une pompe géothermique, mais c'est quand même un coût qui... On parle de quelques mille dollars qui sont plus élevés qu'un système de chauffage central à combustible comme tel. Mais c'est un coût aussi... Actuellement, selon les coûts d'acquisition, la rentabilité d'un tel système est plus difficile à démontrer que la rentabilité d'un système à combustion.

M. St-Roch: Juste en conclusion. Si on prenait ce qu'on appelle de plus en plus dans le jargon scientifique des «externalités» dans un contexte un peu plus global, c'est peut-être là qu'on redécouvrirait des avantages plus marqués lorsqu'on mettrait ça dans un grand contexte global de grandes politiques énergétiques du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le député de Drummond.

Alors, au nom des membres de la commission, je voudrais remercier les membres de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec pour leur présentation.

J'inviterais à prendre place, avant de suspendre quelques instants, la Corporation de gestion du développement du bassin de la rivière Saint-Maurice.

(Suspension de la séance à 10 h 56)

(Reprise à 11 heures)

Le Président (M. Fradet): J'inviterais les membres de la commission à prendre place et j'inviterais aussi les membres de la Corporation de gestion du développement du bassin de la rivière Saint-Maurice à se préparer à prendre place. Je demanderais au président de l'organisme, M. Guy LeBlanc, de présenter les collègues qui l'entourent. Je vous rappelle que vous aurez 20 minutes pour élaborer sur votre mémoire, et le reste du temps sera partagé entre les députés ministériels ainsi que les députés de l'Opposition.

Corporation de gestion du développement du bassin de la rivière Saint-Maurice (CGDBR)

M. LeBlanc (Guy): Merci, M. le Président.

Mme la vice-première ministre, membres de la commission. Mon nom est Guy LeBlanc. Je suis maire de Trois-Rivières et je suis président de la Corporation de développement du bassin de la rivière Saint-Maurice. Je suis très fier de vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce matin. Il y a M. Gaston Fortin, qui est le maire de La Tuque, qui est vice-président également de la Corporation; il y a M. Marcel Boivin, qui est chef de la communauté attikamek de Weymontachie; il y a également M. Michel Gélinas, qui est maire de Grandes-Piles. Maintenant, à ma droite, il y a M. Simon Awashish, qui est président de la nation attikamek, M. Marcel Vézina, qui est le maire de Shawinigan-Sud; il y a également le chef Hubert Clary, chef de Obedji-wan, communauté attikamek, et il y a également M. Jean-Pierre Caron, qui est directeur général de la Corporation.

J'aimerais noter, au tout début, et faire remarquer que toutes ces personnes, à l'exception de notre directeur général, sont toutes des personnes qui sont des élus, qui représentent toutes les parties du bassin de la rivière Saint-Maurice, soit le nord, le centre et le sud. Ces personnes représentent, de façon démocratique et comme représentants élus, plus de 200 000 personnes. Donc, ce matin, c'est toute une région qui est devant vous pour vous présenter son mémoire. Je dois également souligner la présence dans l'assistance de représentants d'autres municipalités du bassin de la rivière Saint-Maurice: des gens du regroupement Nautoucom, qui est un organisme à vocation nautique, touristique et économique, qui est présidé par le capitaine Girard; des gens d'attraits touristiques de notre région comme, par exemple, le Musée du bûcheron; des gens des chambres de commerce et d'autres groupes qui nous appuient comme la FTQ, par exemple.

Alors, les membres de la Corporation font partie de cette organisation qui est une corporation sans but lucratif, qui a été formée en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies. L'organisme rassemble, autour d'une même table, les villes riveraines de La Tuque, Grand-Mère, Shawinigan, Shawinigan-Sud, Cap-de-la-Madeleine et Trois-Rivières; trois MRC: du Haut-Saint-Maurice, de Mékinac et du Centre-de-la-Mauricie; Hydro-Québec, les papetières Stone Consolidated et Produits forestiers Canadien Pacifique, les députés fédéraux, les députés provinciaux, dont MM. Lemire, Philibert et Jolivet — c'est-à-dire que les députés provinciaux, tant du gouvernement que de l'Opposition, siègent à cette Corporation — les communautés attikamek, l'Université du Québec à Trois-Rivières, les chambres de commerce et les pourvoyeurs de chasse et de pêche.

La Corporation tire son origine et a fait son cheminement à partir de la volonté de concertation qui est

issue du sommet économique régional de 1989. On s'est regroupés à ce moment-là. On a fait nos devoirs. On s'est regroupés autour de grands thèmes qui tournaient autour du respect des aspirations locales et d'une vision globale du développement régional intégré. Et je dirais que le dénominateur commun qui nous unissait, c'est l'amour et l'attachement qu'on a pour notre rivière, la rivière Saint-Maurice.

Ce que la Corporation souhaite, c'est la concertation et le partenariat avec Hydro-Québec. Nous avons également des demandes particulières: accessibilité à la rivière, des jobs chez nous, des emplois chez nous, des retombées chez nous suite aux grands travaux de réfection ou de construction qui vont se dérouler dans le bassin de la rivière Saint-Maurice dans les prochaines années, le respect et la participation à un développement global intégré par et avec Hydro-Québec, une convention signée avant de couler le béton et des retombées d'un minimum de 3 % sur les investissements de même que la création d'un fonds de développement permanent pour la prise en charge par la collectivité de son développement subséquent aux réfections d'Hydro-Québec.

La rivière Saint-Maurice a toujours été une voie de communication très importante. Avant l'arrivée des Français, déjà, les Attikameks utilisaient cette rivière. Déjà, les Attikameks occupaient le territoire de la Mau-ricie à cette époque-là et s'en servaient comme, je dirais, d'un grand boulevard pour leurs communications. Par la suite, sous la colonisation française, on a développé beaucoup le commerce du bois, la traite des fourrures et l'industrie lourde, avec les forges Saint-Maurice qui sont la première industrie lourde en Amérique du Nord.

Sous la colonisation anglaise, on a travaillé au niveau des pâtes et papiers, du bois, et également, toujours, du commerce des fourrures — encore, mais c'était moins important — mais également des forges du Saint-Maurice. Et, dans le dernier siècle, ça a été l'hydroélectricité puisque les premiers barrages ont été construits chez nous, sur la Saint-Maurice. Ça fait donc près d'un siècle que la Mauricie contribue au développement économique de tout le Québec. Mais, ça, évidemment, ça nous a laissé un lourd héritage de pollution et de chômage. Vous savez que notre région est durement frappée. Le chômage oscille entre 15 % et 17 % dans notre région suite au legs de cette époque. Alors, depuis plus de 75 ans, près d'un siècle, la Mauricie a donné beaucoup et continue à donner au développement du Québec.

Hydro-Québec, une puissance à harnacher. HydroQuébec doit être au service du Québec. Hydro-Québec se dit au service des Québécois, bien sûr, mais HydroQuébec se contente de produire de l'électricité qu'elle vend aux États-Unis et qui sert à compétitionner nos entreprises, chez nous. Hydro-Québec se préoccupe seulement du prix ou du coût de revient du kilowattheure et des coûts environnementaux. C'est bien, mais c'est nettement insuffisant en 1993. Hydro-Québec doit aussi se préoccuper des retombées sociales et économiques. Hydro-Québec doit viser non seulement sa propre rentabilité, mais une rentabilité globale pour l'ensemble de la société québécoise.

Le gouvernement du Québec doit prendre le contrôle d'Hydro-Québec. Et ça, c'est à deux niveaux: au niveau des mandats et au niveau de l'attitude d'Hydro-Québec. Le Québec et le gouvernement du Québec se préoccupent d'une concertation des régions, d'une prise en main par les gens des régions de leur devenir et de leur économie. Aucun gouvernement, à date, n'a contrôlé Hydro-Québec. Et, quand on voit les efforts du gouvernement du Québec pour développer l'économie chez nous, il faut que cet immense, ce gros potentiel qu'Hydro-Québec doit puisse servir davantage les politiques de développement économique du gouvernement québécois. Le mandat d'Hydro-Québec, présentement, n'est pas assez large pour répondre aux besoins exprimés par la compétition mondiale et par la population. Le gouvernement doit élargir le mandat d'Hydro pour y intégrer l'obligation d'oeuvrer au développement économique régional et être au service du développement économique de tout le Québec et non pas seulement au service de son propre développement, à Hydro-Québec.

Le gouvernement, je l'ai mentionné, a une mission de développement économique. Et, là-dessus, on appuie le gouvernement dans ce sens où ça doit servir plus au développement de l'ensemble du Québec. On doit profiter de l'avantage concurrentiel que nous donne l'hydroélectricité. Dans un contexte de concurrence mondiale — et je n'ai pas besoin de vous donner de statistiques ou de chiffres — on a un avantage très important, que le reste du monde nous envie, c'est l'hydroélectricité.

Je vous donnerai juste un exemple. Le président de Stone Consol nous disait dernièrement: On a une usine, entre autres, dans les États limitrophes du Canada, aux États-Unis, et on paye l'électricité moins cher là, alors qu'Hydro-Québec vend de l'électricité à cet État de la Nouvelle-Angleterre, qu'on ne la paie au Québec. On dit: Faites-vous une idée. Nous, on veut continuer à travailler ici, mais il faudrait se faire une idée. Au Québec, est-ce qu'on va continuer à investir ici alors que, nous, on produit l'électricité et que nos compagnies multinationales la paient moins cher dans le pays voisin? Alors, il y a des questions à se poser. Il y a des réflexions à faire dans ce sens-là. Il faut dépasser la publicité et il faut passer aux actes. (11 h 10)

Hydro-Québec et le milieu. Hydro-Québec a toujours fait à peu près ce qu'elle a voulu au Québec. Elle prend pour acquises les richesses naturelles du Québec, et la tradition de collaboration ne fait pas partie de la culture entrepreneuriale d'Hydro-Québec. HydroQuébec cherche à diviser les gens de la région. J'ai même demandé, à un moment donné, à un vice-président d'Hydro-Québec: Est-ce que ce serait plus facile pour notre région de négocier avec Hydro-Québec en s'opposant à Hydro-Québec? Et ce vice-président-là m'a dit: Oui, on n'est pas habitué de collaborer avec les gens. Ça serait peut-être plus facile. On est peut-être plus habitué à être en opposition qu'à être en concerta-

tion. Quand un vice-président d'Hydro-Québec vous dit ça, on se pose, nous, maintenant, dans la région, de sérieuses questions.

Vous avez devant vous un précédent, une région qui veut collaborer. On est d'accord avec le développement d'Hydro-Québec. On est d'accord avec la construction ou la rénovation des barrages, mais on veut être consulté, on veut être dans le coup, on veut en faire partie et se concerter avec Hydro-Québec sur notre devenir. On veut une convention de la rivière Saint-Maurice. Nous voulons un partage des retombées économiques. Les barrages actuels, au Québec, sur la rivière Saint-Maurice, génèrent environ 400 000 000 $ de revenus, bon an, mal an, pour Hydro-Québec. Les nouveaux barrages et les réfections prévues porteront à près de 600 000 000 $ les revenus potentiels de la rivière Saint-Maurice. Et, si on regarde ça sur quelques années, c'est des milliards de dollars que la Mauricie a donnés à Hydro-Québec et, par le fait même, à la province de Québec.

Une autre première, les Attikameks travaillent avec nous. Les collectivités attikameks sont assises à la même table que nous. C'est une première au Québec où autochtones et non-autochtones travaillent en collaboration, en concertation, dans le respect de chacune des collectivités. Et, quand je dis «chacune», ce n'est pas autochtone d'un côté et non-autochtone de l'autre, c'est chacune des collectivités riveraines de la rivière Saint-Maurice, les collectivités attikameks dans la Haute-Mauricie, la collectivité de La Tuque, les gens de Méki-nac, les gens de Shawinigan, de Grand-Mère, de Shawi-nigan-Sud, de Cap-de-la-Madeleine et de Trois-Rivières. Ce sont toutes des collectivités qui ont des aspirations, communes dans certains cas et qui peuvent être plus individuelles dans certains autres cas, mais on a réussi à s'entendre, à travailler ensemble, à s'asseoir à la même table, et on est prêts à travailler avec Hydro-Québec.

Hydro-Québec fait partie de la collectivité, elle est financée par les fonds publics, elle est, je dirais, nourrie par les tarifs d'électricité que l'ensemble des Québécois lui paient, ses revenus sont tirés de l'ensemble de la collectivité. Hydro-Québec doit être également au service — non pas seulement pour fournir l'électricité mais pour développer notre économie — de l'ensemble de la collectivité québécoise. Et c'est dans ce sens-là qu'on appuiera toute initiative de la ministre, de la vice-première ministre de reprendre davantage le contrôle sur Hydro-Québec.

On est pour un développement durable. L'heure est à l'harmonisation des préoccupations économiques et environnementales, et Hydro-Québec nous arrive comme si elle était étrangère aux préoccupations des Québécois et du Québec, et spécialement des préoccupations des régions qui ont vécu avec les barrages et qui vont continuer de vivre avec les barrages, avec le plus que ça peut donner au Québec mais avec le moins de disponibilité des ressources de la rivière pour l'ensemble de notre collectivité à nous.

Alors, Hydro-Québec cherche à diviser plutôt qu'à regrouper, et ça, c'est absolument inacceptable. Quand on voit les efforts du gouvernement pour que les collectivités se prennent en main et qu'on fasse de la concertation, et quand vous savez, en tant que députés, comment c'est difficile que les régions se concertent et qu'on vienne à s'entendre, qu'en plus une corporation comme Hydro-Québec vienne jouer et semer la zizanie dans une région, c'est complètement inacceptable.

En conclusion, je pense que notre région et, je dirais, le Québec ont une occasion historique, parce que vous avez un précédent, vous avez une région qui a fait ses devoirs, qui s'est assise, qui a fait sa concertation; vous avez également une autre première historique où, je dirais, cette opposition malsaine pour l'ensemble du Québec entre autochtones et non-autochtones n'existe pas chez nous où, tout le monde, on s'entend, on travaille ensemble dans le respect de chacune des collectivités — et c'est au niveau géographique que j'en parle. Il faut, à ce moment-là — et nous vous appuyons dans ce sens-là — que le gouvernement reprenne cet outil exceptionnel pour le développement économique du Québec et ne laisse pas uniquement Hydro prendre toutes les décisions pour l'avenir du Québec. C'est un outil majeur de croissance économique et, quand on reparle de la compétition internationale, c'est un élément qui nous permettra sûrement de nous démarquer et de remporter ce défi ou cette compétition internationale. Il faut changer les attitudes d'Hydro-Québec, il faut enlever la confrontation et la division. Et, quand HydroQuébec est capable de mettre tout le monde contre elle, de Québec à New York, il y a quelque chose qui ne va pas quelque part. Il faut dépasser cette image, cette réputation qu'Hydro-Québec a de s'opposer au milieu continuellement, pour travailler avec les gens de chez nous.

Alors, je suis maintenant à votre disposition, avec mes collègues, pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le maire. On peut constater que votre région est très bien représentée, et c'est rafraîchissant de voir la synergie qui s'y retrouve. Je vous rappelle qu'il reste encore cinq minutes à votre présentation. Si vous le désirez, quelques membres de votre groupe, vous pouvez faire plus de commentaires, sinon je passerai la parole à la ministre de l'Énergie pour la période de questions.

M. LeBIanc: Bien, tous les membres du groupe sont d'accord à l'effet de vous donner plus de temps pour le débat, poser vos questions et faire vos commentaires.

Le Président (M. Fradet): Est-ce qu'il y a consentement pour prendre le temps?

Alors, Mme la ministre de l'Énergie.

Mme Bacon: II ne faut pas tout le donner au député de Drummond. Alors, M. le Président, M. le maire, MM. les maires, et messieurs, évidemment, je vous remercie pour votre participation en cette procédure de consultation publique, qui est importante pour

nous. Et je comprends bien votre préoccupation de vouloir bénéficier au maximum de la présence d'Hydro-Québec dans votre région, Hydro-Québec ayant été le berceau, je pense, du développement hydroélectrique du Québec. Vous avez mentionné la Shawinigan Water and Power, et vous connaissez mes affiliations, tout en étant, je pense — votre région — importante aussi au niveau du développement régional. Moi, je vous encourage à maintenir le dialogue, à poursuivre aussi cette réflexion que vous avez si bien commencée et à garder cette relation entre Hydro-Québec et les gens de votre région.

Votre projet intègre quatre grands volets: la protection et la mise en valeur des ressources naturelles, le développement du volet récréotouristique, le volet socio-économique où vous prônez la relance des industries existantes et l'implantation, évidemment, de nouvelles industries et le volet environnemental où vous projetez de redonner à la rivière tout son potentiel original. Il y a certaines de ces vocations qui peuvent apparaître contradictoires. Comment croyez-vous, par exemple, que l'on puisse harmoniser le développement industriel avec la conservation? C'est tout le phénomène de cette notion du développement durable. Est-ce que vous pensez qu'on peut y arriver dans une région comme la vôtre?

M. LeBlanc: Absolument, madame, parce que notre région est quand même assez vaste. Il y a des parties de notre territoire qui sont déjà complètement industrialisées, qui connaissent l'industrialisation, qui ont vécu l'industrie des pâtes et papiers, entre autres, ou de l'aluminium. Et je pense autant à La Tuque qu'à la région de Shawinigan—Grand-Mère, qu'à Trois-Rivières où il y a déjà de grandes entreprises, de grandes industries qui sont des employeurs importants dans la région. Il y a également tout le réseau de lacs, de rivières. Je pense, entre autres, à la communauté attikamek, par exemple, qui a occupé depuis toujours ces territoires. Et on ne pense pas à un développement global, identique sur tout le territoire. On pense vraiment qu'aux endroits industrialisés on va concentrer ce type de développement et que le territoire, qui, lui, est encore, je dirais, peu exploité ou pas, ou seulement pour des vocations récréo-touristiques ou encore par les industries forestières, continuera d'être développé, justement dans le respect de nos ressources. Il s'agit non pas d'en faire des coupes à blanc, non pas d'en faire une exploitation éhontée mais bien de pouvoir récolter au fil des années et au fil des siècles, de conserver ce patrimoine-là, tant au niveau récréotouristique qu'au niveau de la faune ou de la forêt.

Alors, c'est dans ce sens de développement respectueux du territoire qu'on a et de l'équilibre qu'il faut faire entre les endroits plus industrialisés et ceux qui sont encore réservés à certaines vocations où une trop grande pénétration du territoire rendrait fragiles l'écologie et l'équilibre qui existent. (11 h 20)

Mme Bacon: Dans le domaine ou le volet environnemental, vous prônez la correction des dommages subis à la Saint-Maurice, la rivière. Étant donné l'ampleur — parce que je pense que nous sommes tous conscients que c'est une tâche considérable — qui devrait effectuer ces travaux-là et qui devrait en assumer les coûts?

M. LeBlanc: Bon, écoutez, là-dessus, je pense que c'est une responsabilité de société. Je ne pense pas et ce n'est pas la prétention de la table de concertation de le dire, que c'est seulement Hydro-Québec qui doit assumer ou que c'est seulement le gouvernement, parce que ça revient toujours au gouvernement. Je pense qu'on fait tous partie des solutions. Les papetières en ont profité également pendant de nombreuses années. Je pense que c'est vraiment un projet de société. Je pense que ça doit être une participation, autant du gouvernement que d'Hydro qui se sert de la rivière aussi, des papetières qui ont ou qui utilisent les rivières. Et je pense que tout le monde, comme on a fait notre concertation, si on travaillait ensemble... On va le faire. Je ne pense pas que ça va prendre une année ou deux années, mais je pense qu'il faut commencer aussi. Je pense que le Québec n'a rien à se reprocher au niveau environnemental, dans quelque domaine que ce soit. Je pense qu'il y a des efforts louables et importants qui se font par le gouvernement et par, je dirais, la population québécoise en général, et c'est dans ce sens-là qu'on veut aller.

Mme Bacon: Vous mentionnez que la conservation d'énergie que vous prônez rend moins urgente la construction d'un mégaprojet, avec les contraintes qui y sont inhérentes d'occupation de territoire vierge ou de pollution visuelle qui sont liées au passage des lignes de transport. Mais vous êtes en faveur de la construction d'une nouvelle centrale au Rapide-des-Forges plutôt que la réfection de la centrale existante à La Gabelle. C'est une solution qui était prônée par Hydro-Québec. Comment pouvez-vous concilier ces positions-là, monsieur?

M. LeBlanc: Quand on fait cette représentation-là, il faut se situer dans le contexte où on dit que la rivière Saint-Maurice est la rivière qui a le plus grand potentiel hydroélectrique au monde. On ne dit pas au Québec, on ne dit pas au Canada, on dit au monde. Dans cette rivière-là, la même goutte d'eau va être réutilisée, selon le nombre de barrages, cinq, six, ou sept, ou huit fois. Les barrages construits en milieu déjà développé, comme sur la rivière Saint-Maurice, n'obligent pas à des constructions de routes, à des constructions de villages artificiels qui vont durer deux, trois, quatre, cinq ans, le temps de la construction d'un barrage. Ces barrages qui sont déjà en milieu urbain, à côté des industries, n'obligeront pas non plus à des lignes de transmission sur des milliers de kilomètres, avec le coût de construction, l'entretien de ces lignes-là, les dommages qu'on va créer à l'environnement et également l'addition au coût que, finalement, l'utilisateur doit payer, c'est-à-dire le Québec.

Dans ce sens-là, nous, on dit qu'on doit utiliser la

rivière au maximum de ses capacités plutôt que toujours penser à faire des barrages qui sont à des milliers de kilomètres des populations ou des industries qu'ils doivent desservir. Et, dans ce sens-là, on ne pense pas que ça se contredise. Au contraire, ça se complète.

Mme Bacon: Vous proposez de hausser à 3 % le budget de mise en valeur, tant pour la rénovation que pour les nouvelles constructions, en s'assurant que les retombées s'appliquent à tout projet de développement particulier ou régional. Est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi le programme actuel de mise en valeur, y compris l'intention d'Hydro-Québec de l'élargir à des initiatives favorisant le développement économique, ça ne vous apparaît pas satisfaisant? Vous en voulez davantage?

M. LeBlanc: On en veut peut-être davantage et on en veut différemment. On ne se fera pas de cachette, Hydro-Québec a mis son programme de retombées environnementales, entre guillemets, pour, dans le fond... Et, quand on parle de colonialisme, c'est un peu ça. Dire: On vous donne un montant, vous ne dites plus un mot, puis on fait ce qu'on veut sur le territoire. Je pense qu'en 1993 c'est terminé, cette approche d'Hydro-Québec. Il faut le respect des gens, et spécialement des gens de la Mauricie qui, depuis 75 ans, fournissent. Comme on dit dans l'histoire: On a déjà donné. Ça fait 75 ans qu'on donne à Hydro-Québec, ou à Shawinigan Water and Power avant, et qu'on donne à l'ensemble du Québec. Et c'est pour ça qu'on dit, premièrement, qu'il doit y avoir des retombées importantes pour la construction de nouveaux barrages, comme ça se fait ailleurs, mais aussi pour les rénovations et réparations des barrages qui existaient et qui ont donné, pendant tout ce temps-là, des revenus aux compagnies qui les ont utilisés, qui ont utilisé nos ressources naturelles, comme l'ont fait certaines compagnies dans d'autres pays. Et on fait allusion à des compagnies, en républiques de bananes, où on prend les ressources naturelles et on s'en va avec les revenus. On pense que les gens méritent plus de respect, parce que c'est nous, c'est notre rivière et on a déjà donné. alors, pour les réparations, les reconstructions, les rénovations de barrages, il doit y avoir des retombées également. et on doit enlever ce mot «restreindre» de «environnemental». si hydro-québec est capable de choisir certains projets, je pense que les collectivités, qui sont représentées par leurs élus, sont également capables de choisir les projets qui doivent être privilégiés dans leur collectivité locale — et ça, c'est le premier 1 % — et dans des projets régionaux pour l'ensemble des collectivités de la rivière saint-maurice. c'est vraiment sur ces deux aspects qu'on fait des demandes, et que ce soient les gens concernés qui décident ce qu'ils feront avec l'argent, et non hydro-québec, parce que c'est notre rivière.

Mme Bacon: II y a quelques groupes qui nous ont recommandé de construire une nouvelle centrale nu- cléaire à Gentilly. Comment réagissez-vous à ça?

M. LeBlanc: Je vais vous donner mon opinion personnelle parce que, au niveau de la table, on n'a pas vraiment discuté...

Mme Bacon: Je vous prends par surprise. Je sors un peu du contexte.

M. LeBlanc: ...de ça. Je pense qu'on a une belle centrale nucléaire sur la Rive-Sud. Je trouve que c'est un beau projet pour étudier l'énergie nucléaire, mais je crois toujours à l'hydroélectricité au niveau environnemental, au niveau de la pérennité de la ressource, au niveau des conséquences possibles, également, environnementales. Quand on regarde l'Ontario qui est en train de remettre en question tout son programme d'énergie nucléaire, je pense qu'il faut se poser des questions. Si on n'avait pas d'autre source d'énergie, je dirais qu'il faudrait peut-être explorer plus avant cette hypothèse. Au Japon, on l'a développée parce qu'on n'a pas le choix, mais je pense qu'au Québec on a cette richesse extraordinaire, et je pense qu'on doit continuer à développer notre expertise dans ce domaine-là et exploiter une richesse, dans le fond, inépuisable et non polluante.

Le Président (M. Fradet): Merci, Mme la ministre.

Je reconnais maintenant le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président.

D'abord, je vais excuser M. Chevrette, qui m'a laissé pleine latitude, d'autant plus qu'il était pris, comme leader, à une autre rencontre. Mais je dois d'abord dire, en commençant, M. le Président, que je suis très heureux, même, d'être membre de cette Corporation, dans la mesure où ça regroupe l'ensemble de toutes les corporations dans le milieu, ou les organismes. Et, vous le voyez, la table l'indique, avec les gens du milieu, pour une fois, dans ma région, compte tenu que la majorité des gros barrages, c'est dans ma partie de comté, la Haute-Mauricie, possiblement un jour à Manigance en descendant, et la dernière centrale devant être le choix dont la ministre a fait mention tout à l'heure, entre Vieilles-Forges et La Gabelle... Mais vous voyez que ça représente vraiment l'esprit qui anime la région, c'est-à-dire de dire à Hydro-Québec — il y a des gens qui nous écoutent ici, qui prennent des notes — que, même s'ils sont membres de la Corporation — parce qu'on a décidé, nous autres, un jour, que, si on voulait être partenaires, il fallait les mettre dedans... Alors, Hydro-Québec est membre de la Corporation, sauf qu'on a l'impression, des fois, qu'ils sont présents de corps mais pas d'esprit.

Et ça, je pense que c'est important de le dire ce matin. C'est qu'Hydro-Québec n'a pas encore cette culture, comme disait M. le maire, d'en arriver à composer avec le milieu. La tendance est beaucoup plus d'en arriver, dans certains cas, à les isoler et à les diviser. Quand on parle de colonisateurs — M. le maire

n'en a pas fait mention, mais ça fait partie de mes pensées, moi — Hydro-Québec a essayé, à un moment donné, de diviser la Corporation entre le nord et le sud en disant des choses à une personne et en disant d'autres choses à d'autres personnes. On a la même chose à d'autres niveaux, le long de la rivière, sur la question de la mise en valeur environnementale, surtout à La Gabelle, concernant Mont-Carmel et, de l'autre à côté, Saint-Étienne-des-Grès. (11 h 30)

Simplement pour dire que, malgré tout ça, la Corporation existe, veut collaborer et être partenaire avec Hydro-Québec. Alors, moi, j'aimerais entendre le maire davantage — le président de la Corporation, devrais-je dire — nous donner justement cette culture qu'on veut infuser dans notre région, c'est-à-dire partenaire du développement d'une rivière dont on sait, compte tenu de l'utilisation qu'on en a fait dans le passé, qu'elle peut encore servir et qu'elle peut servir à autre chose que de passer de la pitoune et faire de l'électricité, et qu'elle pourra permettre des activités ré-créotouristiques sur une rivière aussi longue et aussi belle, et surtout en milieu habité. Alors, j'aimerais entendre M. le président.

M. LeBlanc: Je vous remercie, M. Joli vet. Je voudrais juste faire peut-être une petite correction. Quand vous mentionnez qu'Hydro-Québec a essayé de diviser le milieu, je dois vous dire qu'Hydro-Québec essaie toujours de diviser le milieu. Alors, c'est toujours d'actualité, et je tiens à le mentionner. Et c'est toujours inacceptable pour l'ensemble des gens de la Corporation et les gens de la Mauricie.

Là-dessus, Hydro-Québec a fait, en tout cas, certains gestes que nous déplorons, et ce qu'on veut rappeler à Hydro-Québec, c'est qu'elle n'est pas le seul acteur du développement économique de la région. Malgré ses 6 000 000 000 $ de chiffre d'affaires, Hydro-Québec n'est pas seule en Mauricie. Il y a les pape-tières, il y a également les gens de l'aluminium, il y a également l'industrie forestière, l'industrie du bois qui est très importante chez nous. Hydro-Québec n'est pas non plus le seul utilisateur de la rivière, comme vous l'avez mentionné, pas plus que les papetières. La rivière sert également au niveau récréotouristique. On a vu et on voit que, dans d'autres pays, on vend des régions. On veut vendre la Mauricie. Vous allez en Hollande, on vous parle de la route des moulins à vent. Vous allez en Bourgogne, on vous parle de la route des vins. Chez nous, en Mauricie, on aurait et on peut avoir la route des barrages. Vous savez qu'un barrage est toujours situé dans des endroits assez majestueux; c'est toujours impressionnant de voir une rivière ou encore un lac artificiel qu'on a créé, et cet ouvrage créé par l'homme, créé par Hydro-Québec mais par le génie des Québécois, et ce mariage de nature et de construction en même temps sont toujours des attraits touristiques majeurs. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on veut développer, et ça, c'est un des éléments — parce que je ne voudrais pas rentrer dans tous les éléments — qu'on veut développer chez nous, tout en respectant la nature mais en démontrant ce que le génie des Québécois peut faire tout en conservant et en protégeant notre environnement.

Ça veut dire également, parce qu'on n'a pas de tradition de concertation dans notre région, on est en train de développer ça... On n'a pas, comme d'autres régions du Québec, une tradition qui date depuis 50, 75 ou 100 ans, où on travaille tout le temps ensemble, et ça a été facile. Non, ça n'a pas été facile, ça a été difficile. C'est encore difficile, mais on est capable de s'entendre sur les grands thèmes de notre développement, et c'est ça qui est important pour l'ensemble des gens assis à cette table ou des gens qui nous appuient, qui sont soit en arrière de nous ou qui sont dans nos collectivités respectives. Et cette table de concertation veut justement développer un tourisme ou le récréotouristique sur une dizaine de mois. Quand on pense, par exemple, que la navigation sur le Saint-Maurice amènerait la création d'auberges en bordure du Saint-Maurice, de marinas qui, à l'automne et à l'hiver, serviraient de relais pour les gens en vélo de montagne, en ski-doo, en traîneau à chiens...

M. Jolivet: Mais, là, je vais vous arrêter, parce que je sais que vous êtes volubile à ce niveau-là.

M. LeBlanc: Oui, on pourrait.

M. Jolivet: Vous êtes tellement conscient de l'opportunité qui est offerte, mais le temps nous ronge un peu, là.

M. LeBlanc: Oui.

M. Jolivet: j'aimerais savoir. vous avez une table de concertation qui s'appelle la corporation, qui est un précédent dans la région. vous voulez en créer un autre, précédent —j'en ai fait mention lors de la visite d'hy-dro-québec ici — qui est celui du fonds de fidéicommis. j'aimerais vous en entendre parler. pourquoi vous voulez ça? parce que, là, je ne parle pas des 3 %; les 3 %, c'est autre chose, mais je parle d'un fonds ou hydroquébec nous disait dans des réponses: écoutez, on ne sait même pas si on va le faire; en conséquence, on n'est pas pour mettre de l'argent. moi, je n'ai pas répondu parce que le temps manquait, mais je suis parti à rire parce que, dans le fond, ils savent qu'ils vont faire des travaux un jour ou l'autre. donc, ils pourraient déjà mettre l'argent sur la table et permettre, à ce moment-là, à la région de se développer davantage dans un précédent, et c'est ce qu'on proposait à hydro-québec. j'aimerais vous entendre.

M. LeBlanc: Là-dessus, on a demandé à HydroQuébec, effectivement, de déposer en fidéicommis une somme qui aiderait la Corporation à commencer son développement récréotouristique intégré. On a fait nos devoirs. On s'est tous assis à une même table. On veut travailler avec Hydro-Québec. Hydro-Québec a la

chance de changer son image, sa publicité et d'éviter des coûts et encore des atteintes à son prestige. On a toute cette chance-là. Hydro-Québec devrait s'asseoir avec nous pour vraiment négocier de bonne foi, et qu'on avance dans les demandes. Et ça, ça nous permettrait de fonctionner.

On nous dit: Hydro-Québec n'est pas une banque. Ce qu'on demande, c'est une avance sur les travaux à être faits. Mais il ne faut pas oublier que, dans le cas de notre région, ça fait 75 ans qu'il y a des travaux de faits, ça fait 75 ans qu'il y a des travaux de réparation et d'entretien, ça fait 75 ans qu'on donne au Québec. Ce n'est pas des nouveaux projets; on a déjà donné. Alors, quand on dit que c'est une avance, c'est peut-être aussi en tenant compte de ce qui s'est fait dans le passé.

Deuxièmement, on a dit qu'on était la région peut-être la plus touchée au Québec, à cause de la restructuration, au niveau du chômage. Ce n'est pas dans 10 ans qu'on va avoir besoin d'aide, c'est maintenant qu'on a besoin d'aide. On pourrait lier au taux de chômage dans notre région cette avance qu'Hydro-Québec ferait. Et c'est dans ce sens-là que, nous, on pense qu'avec ce qu'Hydro-Québec retire déjà comme revenus chez nous ce n'est rien ou à peu près. Et ce n'est pas qu'Hydro-Québec devient un banquier. Mais, quand on en parle à Hydro-Québec, ils disent: Bien, ce n'est pas dans notre mandat. Si le gouvernement nous autorise, on le fera.

M. Jolivet: Mais...

M. LeBIanc: Alors, nous, on pense qu'il y a des moyens, et on peut mettre comme condition que, quand les autres régions qui sont touchées par les projets auront fait le même travail que nous, auront fait cette concertation, auront démontré leur volonté de travailler avec Hydro-Québec, pourquoi pas, justement, dans un geste de bonne volonté d'Hydro-Québec, faire ce...

M. Jolivet: Mais c'est un précédent — parce que c'est de même qu'on l'a toujours présenté — qu'on voudrait qu'Hydro-Québec crée dans le milieu, avec l'approbation gouvernementale, dans la mesure où on dit — il y a des gens qui sont sur la table, qui sont des députés des deux bords de l'Assemblée, ici, et il y en a de l'extérieur — que les gens sont conscients que c'est un des moyens qui pourrait être fait par précédent, bien entendu: d'abord, précédent parce que la Corporation a demandé à Hydro-Québec d'en faire partie, précédent parce qu'on s'est regroupés et qu'on l'a fait du nord au sud, puis précédent par cette formule-là qui est une formule de partenariat vraiment intégré, si je comprends bien.

M. LeBIanc: Absolument. C'est tout ce que vous avez dit. Et, au niveau du précédent, on est en 1993, on fait face à un défi mondial. Je pense que les gouvernements ou les collectivités qui ne seront pas capables de passer par-dessus des précédents, parce qu'on est dans des situations exceptionnelles qui demandent des réponses exceptionnelles... Je pense que le précédent ou la règle du non-précédent, c'est tout simplement un argument ou une raison pour ne rien faire. Et le statu quo, en 1993, ce n'est plus acceptable, ni pour les gens de la Mauricie ni pour le Québec. Il faut bouger, et je pense qu'il n'y a pas vraiment de risque dans ça. Au contraire, je pense que c'est un atout.

M. Jolivet: J'imagine que mon temps est écoulé, M. le Président.

Le Président (M. Fradet): II vous reste deux minutes, M. le député.

M. Jolivet: Deux minutes. Ah parfait! Parfait! Parfait! Vous aviez donc la question de la ministre, en terminant. La Gabelle et Les Vieilles-Forges, vous n'avez pas répondu à mon goût, alors j'aimerais que vous me disiez pourquoi vous préconisez Vieilles-Forges — ce que, d'ailleurs, Hydro-Québec préconisait à l'époque, on s'en souvient, et qui a été inversé vers La Gabelle pour d'autres raisons. Alors, j'aimerais savoir pourquoi la Corporation prévoit plutôt un barrage aux Vieilles-Forges, aux rapides, plutôt qu'à La Gabelle actuelle?

M. LeBIanc: Si on fait La Gabelle et qu'on ne fait pas un nouveau barrage aux Forges, il faut savoir qu'il y a un rapide d'environ 5 à 6 km, un rapide important. Et, si on ne fait pas de barrage pour ennoyer ce rapide-là, on est aussi bien d'oublier la navigation parce que, là, à ce moment-là, il faudrait, en solution de rechange, construire un canal d'évitement pour les bateaux, de 6 à 7 km, et là on entrerait dans des coûts majeurs.

Deuxième argument qui devrait répondre plus, peut-être, à l'argumentation d'Hydro-Québec: des études d'Hydro-Québec démontrent que, pour l'investissement qui serait fait aux Forges, ça serait un, sinon le barrage le plus performant en termes de coûts pour l'ensemble des installations d'Hydro-Québec. Alors, je pense que ce n'est pas une solution moins dispendieuse; au contraire, c'est la solution la plus avantageuse, tant pour HydroQuébec que pour les objectifs poursuivis par la Corporation. Et c'est un projet de société. Et, si on barre la rivière à son embouchure, ça veut dire que, pour le prochain siècle ou les prochains deux siècles, on n'en parle plus. Il sera trop tard, ça sera fini, et on aura manqué une belle occasion de donner une chance à une collectivité de se prendre en main et d'assurer son développement.

M. Jolivet: On aurait des beaux lacs artificiels par les barrages, mais on n'aurait pas d'entrée sur le fleuve.

M. LeBIanc: On ne pourrait pas se rendre d'un barrage à l'autre.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le député de Laviolette. Vous aurez l'occasion de revenir tout à l'heure.

Je reconnais maintenant le député de Saint-Maurice.

M. Lemire: Merci beaucoup, M. le Président.

M. le président de la table, pour avoir travaillé et avoir été à la base de la formation de cette table, ce matin, au nom du caucus des députés libéraux du coeur du Québec — parce que j'ai été délégué par le caucus, au nom des députés du Centre-de-la-Mauricie — c'est avec fierté, ce matin, qu'on doit vous féliciter, parce que créer une table de concertation avec autant d'harmonie, M. le Président... Et, quand je vois à cette table M. Simon Awashish, le président de la nation attikamek, je peux vous dire qu'aujourd'hui je suis plus que fier. (11 h 40)

Et j'aimerais peut-être, avant de poser la première question, revenir un petit peu dans l'histoire. Au point de vue patrimonial, je pense que j'ai été un des premiers, en 1985-1986, à aller poser des questions à M. Roger Warren qui était le penseur de l'infrastructure de la première Baie James, pour lui demander: Écoutez, qu'est-ce qui arrive sur la rivière Saint-Maurice? Parce que, vous vous souvenez, on a été étatisé en 1962, je crois, et, depuis ce temps-là, pendant 30 ans HydroQuébec a quasiment oublié la rivière Saint-Maurice. Et, moi, ça me fatiguait, parce que je voyais toutes ces... Et M. Warren de dire que la rivière Saint-Maurice était un des plus beaux aménagements au monde, qui avait été fait par des gens, à l'époque, qui étaient des connaisseurs. Et M. Warren de dire que c'était une oeuvre... Parce que, souvent, on entend dire que ceux qui étaient passés avant nous autres avaient gaspillé l'environnement, gaspillé ci, gaspillé ça. M. Warren de dire: C'est une oeuvre inachevée.

Et, de là, j'arrive à ma première question. Vous dites qu'Hydro-Québec doit agir en catalyseur dans le but de donner une solidarité, d'aider à la solidarité régionale. Et vous nous avez fait mention qu'on cherchait à diviser les intervenants en jouant des gros sous, en jouant leurs gros sous à eux. Alors, moi, ce que je voudrais savoir: A quoi vous faites allusion, M. le président, quand vous parlez de ça, de gros sous?

M. LeBlanc: Alors, tout d'abord, je reprendrai les paroles du président de la commission quand il dit qu'il vous a reconnu; je dirais que je vous reconnais aussi comme un des précurseurs. Avec M. Jolivet, à la base de cette Corporation-là, vous avez été le premier député du gouvernement; ensuite, M. Philibert s'est joint à nous, M. Brouillette aussi. Effectivement, vous le savez, au début, ça n'a pas été facile, et ça reste beaucoup de travail, mais la concertation est là. On s'est entendus et on continue de s'entendre.

Quand on parle d'Hydro-Québec, quand je parle d'attitude déplorable, quand je parle de colonisateur ou de, je dirais, compagnie aux gros sabots, je fais référence à certains faits. On n'est pas ici pour laver du linge sale, mais je ferais référence à certains faits qui se sont produits. Au tout début, on a dit: La Corporation est contre les barrages, alors qu'on l'a dit, on l'a répété, on l'a écrit qu'on était pour les barrages. On a dit par la suite, pour mettre l'opposition suite à la question La Gabelle, Les Forges, mettre en opposition et semer la zizanie entre les gens de La Gabelle, de Mont-Carmel et de Trois-Rivières, que, bien, parce qu'on a un problème de régie de déchets chez nous, le maire de Saint-Étienne avait troqué l'adhésion de Trois-Rivières à la régie des déchets en échange du désistement de La Gabelle sur son barrage. Jamais il n'en a été question. On n'en a même pas parlé. Quand on parlait d'un dossier, on parlait d'un dossier; quand on parlait de l'autre on parlait de l'autre, mais jamais ces deux dossiers-là n'ont été liés, d'aucune façon, ni dans nos paroles, ni dans nos actes, ni même dans nos pensées. Alors, c'est des genres de gestes comme ça.

Je pourrrais vous donner une autre illustration: Hydro-Québec voit des fournisseurs et dit à ces fournisseurs-là: Écoute, si on ne te donne pas de contrat, c'est à cause de LeBlanc, parce que la table retarde la construction des barrages. Alors, les gens nous appellent et disent: Aïe! si on n'a pas de job, c'est à cause de vous autres, alors que, depuis 2 ans, on demande à Hydro-Québec que les contrats soient donnés en priorité aux gens de chez nous. Depuis 2 ans, on n'est pas capable de nous donner de noms de firmes de chez nous qui ont des contrats.

Plus que ça, on a une petite étude d'à peu près 90 000 $ sur la navigabilité de la rivière Saint-Maurice, et on était censé négocier et discuter de ça avec HydroQuébec pour que les contrats se fassent chez nous, avec des firmes de chez nous. Et, quand on est arrivé à Montréal pour en discuter, le contrat était déjà donné à une firme de Montréal. Ça a pris une journée de négociations dures et ardues pour un contrat de 90 000 $ — quand on parle de 2 000 000 000 $ à 3 000 000 000 $ de développement sur la Saint-Maurice — pour finalement arracher une concession que des firmes de la région seraient prises en considération mais que la firme de Montréal serait toujours dans le portrait. Pour un contrat de 90 000 $!

La dernière étude de 600 000 $ d'avant-projet sur Vieilles-Forges a été donnée par Hydro-Québec, encore une fois sans aucune consultation avec le milieu. Alors qu'on nous avait dit, promis et répété que ça se ferait en consultation avec la table, ces contrats-là ont été donnés. On m'a dit qu'il y avait des firmes de Trois-Rivières, de Grand-Mère, de Shawinigan, de La Tuque. J'ai demandé ces informations-là il y a plus d'une semaine. J'étais supposé les recevoir il y a une semaine. Je n'ai pas reçu encore la liste des contrats qui doivent être donnés aux gens de chez nous, mais nos vérifications nous disent qu'il n'y en a pas, de contrats, qui sont donnés chez nous.

Alors, c'est les paroles, les gestes d'Hydro-Québec. Je pense qu'on peut parler du... M. le député Jolivet le disait tout à l'heure, on dit des choses dans le haut de la rivière, on dit d'autres choses dans le milieu de la rivière et on dit certaines choses aux Attikameks. Il faudrait arrêter de rire du monde. On est rendu là. Et, quand on parle des contrats chez nous, il y a des gens,

entre autres, de la construction, chez nous... Plus de 60 % des gens de la construction n'ont pas travaillé depuis presque une année. Ça veut dire que dans pas grand temps c'est des gens qui vont se retrouver à l'assistance sociale. Les projets viennent chez nous, mais les gens de chez nous n'ont pas d'emploi garanti. À 15 % et à 17 % de taux de chômage, est-ce que c'est déraisonnable de demander qu'une grande partie des travaux qui vont se faire se fassent avec les gens de chez nous, les firmes de chez nous, les travailleurs de la construction de chez nous?

M. Lemire: Je voudrais vous parler aussi du double mandat d'Hydro-Québec. Ça soulève la question de savoir qui doit assurer les coûts du développement économique. Vous parlez de développement économique régional. Est-ce que ça devrait être le consommateur d'électricité ou bien l'ensemble de la collectivité québécoise? C'est la question que je me pose. J'aimerais connaître votre opinion. Est-ce que ça doit être l'ensemble de la collectivité qui doit participer au développement régional ou bien les consommateurs d'électricité, de la manière que vous amenez votre mémoire?

M. LeBlanc: Dans le moment, Hydro-Québec fait des profits d'à peu près 600 000 000 $, 700 000 000 $ par année. Ces profits-là ne sont pas créés par les ventes d'électricité aux États-Unis, qui sont à peu près... On parle de 280 000 000 $ ou 285 000 000 $ par année, ou 300 000 000 $ par année, à peu près, ordre de grandeur. Alors, qui crée les profits d'Hydro-Québec? C'est l'ensemble du Québec. Ce qu'on dit dans notre mémoire: L'objectif ou l'idéal, ça serait d'avoir une belle société québécoise en santé économique et Hydro-Québec en belle santé économique. Ce qu'on dit: Si on n'a pas le choix, ce choix-là d'avoir les deux, on aime peut-être mieux voir un Québec en meilleure santé économique" parce qu'on lui aura donné des tarifs préférentiels — et on ne parle pas d'un consommateur privé mais on parle de nos industries — qu'on aura donné à ces gens-là un aspect ou un élément compétitif face à la compétition internationale en diminuant pour nos industries existantes les tarifs d'électricité, de sorte que peut-être qu'Hydro-Québec se retrouverait en moins bonne santé économique mais ça mettrait peut-être une pression au niveau des gestionnaires. Parce qu'à 600 000 000 $, 700 000 000 $ de profit, je pense qu'on peut dire que, théoriquement, on a fait un bon travail. Mais, pratiquement, est-ce qu'Hydro-Québec ne devrait pas, avec la structure qu'elle a, avec les capacités qu'elle a, faire 800 000 000$, 900 000 000$ ou 1 000 000 000 $ de profits?

M. Lemire: Mais, juste...

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le député de Saint-Maurice. Malheureusement, le temps qui était dévolu à la partie ministérielle est terminé.

J'accorderais la parole maintenant au député de Laviolette, pour cinq minutes.

M. Jolivet: Merci, M. le Président.

À la page 13, vous parlez de façon humoristique: «Hydro-Québec et le développement du Québec: une puissance à harnacher». Alors, si j'ai compris les dires que vous avez mentionnés tout à l'heure, vous voulez qu'Hydro-Québec soit contrôlée un peu mieux par la ministre responsable — dans le cas ici, le gouvernement, peu importe lequel — en disant: C'est un outil de développement, et le gouvernement doit contrôler davantage cet outil. Ça, c'est la première chose que vous dites au niveau d'Hydro-Québec. (11 h 50)

La deuxième chose, vous dites, à la page 17: «Pour une "convention" de la rivière Saint-Maurice». Alors, j'aimerais, d'une part, que vous me répondiez à la première question: Comment le gouvernement pourrait-il amener Hydro-Québec à vous aider à la réalisation que vous voulez, une convention de la rivière Saint-Maurice? Je serai à mon tour un peu humoristique en disant: Une convention genre Baie James? Alors, est-ce que c'est ce que vous cherchez? Qu'est-ce que vous cherchez, comme corporation?

M. LeBlanc: Quand on parle de ça et qu'on demande à la vice-première ministre ou au gouvernement de harnacher Hydro-Québec, c'est que le gouvernement pourrait avoir entre les mains un outil, un instrument de premier choix pour appuyer ses politiques de développement économique du Québec, et non pas qu'Hydro-Québec serve uniquement ses fins égoïstes et personnelles mais conserve plutôt l'ensemble des objectifs de la collectivité québécoise. La Caisse de dépôt, si on vous disait, en 1993, que ça sert juste à administrer les caisses de retraite, je pense qu'on dirait: Bien, écoute, tu n'es pas dedans. Mais, il y a quelques années, ce n'était que ça. Aujourd'hui, la Caisse de dépôt est un outil extraordinaire de développement de l'économie québécoise, et Hydro-Québec est ce même outil. Et je pense que, dans les prochaines années, il faudrait que ça devienne plus que de servir les politiques d'Hydro-Québec mais que ça serve les politiques de développement économique du gouvernement.

M. Jolivet: Pour la...

M. LeBlanc: La convention?

M. Jolivet: ...la convention... Mais, juste avant d'aller plus loin, dans la convention, qu'est-ce que vous voudriez voir mettre? Le travail chez nous? Vous avez parlé de ça.

M. LeBlanc: C'est les demandes particulières qu'on a faites d'avoir des retombées, autant sur les constructions que sur les rénovations, d'un minimum de 3 %, en plus d'avoir un fonds de développement régional pour assurer une pérennité à ce développement-là. C'est également qu'Hydro-Québec soit un partenaire et non pas, je dirais, l'éléphant dans le magasin de porcelaine; qu'il s'assoie à la table comme les autres interve-

nants, parce que c'est un intervenant parmi d'autres. C'est également de voir à ce qu'on respecte les volontés du milieu et qu'on redonne l'accessibilité à la rivière, ce qui sous-tend la navigation; que les barrages servent de lien entre les deux rives et que les barrages soient accessibles pour les touristes et les visiteurs pour faire cette route touristique des barrages.

M. Jolivet: Je comprends bien que vous voudriez qu'Hydro-Québec signe ça avant de commencer les barrages, mais je vous pose la question en même temps: Dans la mesure où des gens disent... Puis, là, la façon d'Hydro-Québec d'agir, c'est qu'on empêche d'avoir de l'ouvrage chez nous parce qu'on empêche La Gabelle; on serait déjà prêts à partir. Dans ce contexte-là, on met en contradiction les travailleurs versus la Corporation. J'aimerais savoir comment on peut concilier ça avec les travaux qui pourraient être faits, au moins dans les barrages déjà existants, en termes de rénovations qui donneraient autant d'ouvrage, sinon plus.

M. LeBIanc: Oui. C'est effectivement la stratégie d'Hydro-Québec, c'est celle qu'elle continue de véhiculer. Sauf qu'on a quand même rencontré les gens concernés, entre autres la FTQ; on a rencontré la CSN. On a un appui du conseil de la FTQ, et ces gens-là ont très bien compris ce que la Corporation fait. Ils reçoivent copie de notre correspondance et voient très bien que, ce qu'on défend, c'est les emplois chez nous. Et, tant qu'on n'aura pas de convention, ces gens-là ne seront pas assurés, même si on commence la construction demain matin, d'avoir une job. Et, si on commence les travaux demain matin — et c'est ce que les gens nous ont dit — et qu'on n'a pas les jobs, on est prêts à attendre. Mais ça va jusque-là.

M. Jolivet: Est-ce que vous croyez que la région, dans le contexte où Hydro-Québec refuserait tout ça, serait prête à faire en sorte de lui faire comprendre par quelque formule que ce soit? On a vu à Amos, ailleurs et un peu partout, des gens qui manifestent. Est-ce que c'est ce qu'Hydro-Québec attend, d'après vous autres, ou bien si elle est prête à faire du travail, appuyée par les gens du milieu?

M. LeBIanc: C'est sûr que les gens sont prêts à le faire, ils nous l'ont dit. Ils ont dit: Vous nous direz quand vous serez prêts. On va sortir s'il le faut. Sauf que l'approche de la table a toujours été la négociation, dans le respect des mandats d'Hydro-Québec, qui doivent être modifiés. On l'a dit, on l'a répété et on l'a écrit. Mais on pense que c'est en négociations. S'il n'y a pas moyen d'arriver avec ça, bien, il faudra prendre d'autres moyens, mais on n'aura pas le choix. Parce que, au moment où on se parle, la région n'a rien, n'a aucune garantie. On n'a rien à perdre. On a tout à gagner. Ça, c'est ce que la région a compris. C'est pour ça qu'on a été capables de faire notre table et c'est pour ça qu'autant les travailleurs que les firmes appuient notre position.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le député de Laviolette.

Maintenant, M. le député de Drummond, vous avez le privilège de poser des questions à la Corporation.

M. St-Roch: Merci, M. le Président.

À la lecture de votre mémoire, on dénote et on sent la colère et la frustration qui grondent. Vous nous le confirmez ce matin par vos propos. Je retiens, moi, de votre mémoire, que vous adressez trois questions fondamentales qui débordent drôlement de la politique de la table. La première, quant à moi, c'est une politique, et puis elle va être probablement donnée au niveau gouvernemental aussi. C'est toute la remise en question de la terminaison du développement des rivières qui sont déjà harnachées versus les rivières qui sont vierges. La deuxième chose que vous mettez en doute et que je retiens, moi, d'une façon un peu plus globale, c'est un nouveau partenariat au niveau des régions. Troisièmement, bien, c'est la création et le développement de tous ces outils-là.

Moi, je dois vous dire, d'entrée de jeu, que je pense que, lorsqu'on veut regarder dans un développement global, qu'on regarde toutes les responsabilités d'Hydro-Québec et aussi les responsabilités gouvernementales — pas simplement au niveau économique mais aux niveaux culturel et social — la première priorité qui devrait être donnée — c'est une première conclusion que je dégage après 14 jours, pratiquement, de session — c'est qu'on devrait terminer, quant à moi, les rivières qui sont déjà harnachées et s'en servir aussi pour faire des correctifs.

Et on reviendra avec Hydro-Québec pour revoir aussi cette culture et cette philosophie de l'organisation: aller travailler avec des partenaires du milieu. Ma question: Moi, je dois vous avouer que je suis surpris de voir seulement 3 % de création au niveau du fonds, parce qu'on a eu d'autres régions qui sont venues nous dire, ici, que les demandes étaient beaucoup plus substantielles. Vous avez aussi mentionné dans votre exposé qu'il y a des problèmes environnementaux à corriger. Vous avez dit — et j'ai aimé l'attitude positive de dire: Bien, en tant que partenaires du milieu, on se regardera, parce qu'il y a Hydro-Québec, il y a les papetières, bon, il y a différents intervenants qui en ont profité aussi dans le passé. Je me serais attendu, moi, qu'en plus des 3 % du développement régional vous auriez regardé la demande, au moins comme minimum, de mettre 1 % au niveau de la correction de problèmes environnementaux.

M. LeBIanc: Là-dessus, on est en train de... En fait, il y a eu certaines négociations, certaines rencontres qui ne sont peut-être pas mentionnées. On pense, entre autres, qu'Hydro-Québec dépense, bon an mal an, environ 8 000 000 $ pour réparer ses barrages à cause des problèmes qui sont causés par le flottage du bois sur la Saint-Maurice. Alors, avec les papetières, avec la table

et avec Hydro, on veut s'asseoir, éventuellement, pour dire: Écoutez, prenez ce montant-là dans le fonds que vous mettez et qu'on va mettre pendant x temps encore, tant qu'il y aura du flottage — et on n'est pas contre le flottage, parce qu'on veut créer des emplois chez nous, en tout cas pour un certain temps, mais on veut trouver des solutions au flottage du bois. Alors, on va demander à Hydro-Québec de faire sa part, de dire, par exemple: Les 8 000 000 $ que vous mettez sur une année, est-ce qu'on ne pourrait pas prendre le montant sur 10 ans, prendre 80 000 000 $, et on va arrêter le flottage, on va trouver des solutions alternatives et, par exemple, faire une route spéciale pour ça?

Et les papetières sont également prêtes. Elles sont à un tournant, elles aussi, de leur évolution, de la compétition mondiale, et elles aussi, entre autres Stone, nous ont dit: On serait prêt à s'asseoir avec vous autres et avec Hydro pour trouver une solution environnementale. Et on pense qu'à ce moment-là il y aurait des budgets, qui ne sont pas nécessairement demandés comme tels mais en tant que partenaires. Et c'est ce qu'on mentionnait ce matin à Mme la ministre: il y aurait une enveloppe d'argent qu'on dépense déjà mais qui serait affectée à d'autres fins, dont les fins environnementales, pour régler et «dépitouner» la rivière, si on veut. Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais on a une approche qui est là.

J'ajouterai, deuxièmement, que c'est vrai que c'est modeste. C'est pour ça qu'on dit que c'est un minimum, et c'est pour ça qu'on a de la difficulté et qu'on n'accepte pas de voir l'attitude d'Hydro quand on sait qu'il y a d'autres communautés qui demandent beaucoup plus que nous autres. On veut être responsables mais on voudrait qu'Hydro-Québec soit responsable aussi et réponde de façon positive aux demandes, qu'on considère très modérées, de notre milieu.

Le Président (M. Fradet): 30 secondes, maximum, M. le député.

M. St-Roch: Oui, M. le Président.

Je vais finir avec un commentaire. Ayant eu l'opportunité et le privilège de voir naître votre corporation, faisant partie de la même région, vous pouvez être assurés de l'appui du caucus du député de Drummond — on est tellement nombreux dans ma formation — pour poser les bonnes questions et faire en sorte qu'on utilise Hydro-Québec comme un outil de développement régional, ce qui a toujours été sa mission, et qu'elle devienne encore notre fierté dans la région 04. Je vous remercie.

Le Président (M. Fradet): Alors, merci, M. le député de Drummond.

Messieurs de la Corporation, au nom des membres de la commission, je tiens à vous remercier de la présentation de votre mémoire et à vous féliciter pour la synergie, comme je l'ai dit tout à l'heure, qui se retrouve dans une région aussi affectée par la récession au Québec. Je suis convaincu que les questions que vous avez fait savoir aux membres de la commission seront éventuellement en conclusion positive.

Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'après la période des affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 24)

Le Président (M. Audet): Je rappelle brièvement l'agenda de cet après-midi. Nous recevons le Centre international de recherche et formation en gestion des grands projets; ensuite suivra le Grand Conseil des Cris du Québec, et nous terminerons avec la ville de Rouyn-Noranda.

Est-ce que le Centre international de recherche et formation en gestion des grands projets est là? O.K. Monsieur, on vous souhaite la plus cordiale bienvenue, ay nom des membres de la commission. Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre exposé, et je vous demanderais, avant de débuter votre présentation, de bien vouloir vous présenter, s'il vous plaît, ce qui est important pour la transcription du Journal des débats. Ensuite suivra une période d'échanges d'une quarantaine de minutes. Vous avez la parole.

Centre international de recherche et formation en gestion des grands projets

M. Gaudreau (Pierre): Je vous remercie beaucoup. Alors, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie de nous donner l'occasion de venir présenter le mémoire que nous déposons à la commission, ici. Alors, mon nom est Pierre Gaudreau. Je suis le directeur général du Centre international de recherche et formation en gestion des grands projets. Je vais débuter par la présentation du mémoire, et ça me fera plaisir, par la suite, de discuter avec vous de tout ce qui peut en retourner.

Alors, le Centre international de recherche et formation en gestion des grands projets remercie les membres de la commission de l'économie et du travail de lui fournir l'occasion de se prononcer publiquement sur le plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Qué-bec. Créé en 1984, le Centre international GP travaille depuis bientôt 10 ans à promouvoir, susciter et appuyer la formation, la recherche et la collaboration universités-entreprises dans les secteurs de la planification, de la réalisation et de l'exploitation des grands projets. Il est devenu, au fil des années, grâce au travail concerté de ses membres corporatifs et institutionnels et par ses nombreuses activités, un lieu de recherche, de perfectionnement et un carrefour unique d'échanges de connaissance et d'information dont les ramifications rejoignent quatre continents et plus d'une cinquantaine de pays.

Le Centre est donc particulièrement bien placé pour apprécier la place qu'occupe Hydro-Québec dans le

domaine des grands projets, ici et ailleurs dans le monde, et mesurer sa contribution au développement économique du Québec. Notre mémoire n'entre pas dans tous les détails du plan qui est soumis au présent examen. Il s'efforce principalement de mettre en évidence, en les commentant, les éléments qui nous semblent les plus déterminants en regard des principaux défis qui se posent actuellement à notre société.

Dans le mémoire que nous présentions en 1990, devant cette même commission, sur le précédent plan de développement d'Hydro-Québec, nous avions formulé plusieurs remarques quant aux difficultés qu'éprouvait la société d'État à associer vraiment les milieux et les populations concernés à ses projets. Il nous semblait alors évident que, sans une accélération des efforts déjà consentis à ce chapitre et si certains coups de barre n'étaient pas donnés, Hydro-Québec mettait en jeu non seulement son image et sa réputation mais également plusieurs projets qui sont étroitement liés à la croissance économique du Québec. Or, il nous faut aujourd'hui saluer le progrès accompli. Certains peuvent peut-être encore trouver à redire — rien ni personne n'est parfait — mais on peut affirmer aujourd'hui avec sérieux qu'Hydro-Québec s'est vraiment mise à l'écoute du milieu et qu'elle travaille maintenant dans un contexte de dialogue constant avec les autres.

Le plan de développement 1993-1995 porte lui-même la marque de ce changement. Les aspects de vocabulaire, le ton, tout le document est imprégné de ce nouvel esprit. De même, dans les propositions qui sont faites concernant les orientations à privilégier au cours des prochaines années, on s'est soucié de rendre compte, pour chaque élément, du degré de consensus atteint par les groupes et partenaires consultés. Ayant été impliqués dans ce processus de consultation auquel nous nous sommes associés avec enthousiasme, nous pouvons témoigner du sérieux et de la qualité des réflexions et des débats qu'il a occasionnés.

Dans le même esprit, lors d'une conférence qu'il donnait devant les membres de notre organisme le 29 janvier de cette année, le président et chef d'exploitation d'Hydro-Québec, M. Armand Couture, déclarait qu'il faut, plus que jamais auparavant, adapter nos structures et nos pratiques d'affaires, afin d'harmoniser nos activités avec les attentes du milieu d'accueil d'un projet. Cette nouvelle attitude, en plus de rapprocher HydroQuébec de la population, coïncide avec la nouvelle approche développée quant à la planification de ses activités et grands travaux, laquelle nous paraît plus accrochée aux réalités d'aujourd'hui.

Ainsi, nous constatons qu'Hydro-Québec ne cherche plus à établir des programmations à long terme qu'il lui faut suivre à tout prix mais qu'elle tend plutôt à adopter une démarche souple qui laisse place aux impondérables, aux modifications conjoncturelles et aux préoccupations nouvelles, ce qui favorise aussi, bien sûr, la poursuite du dialogue av;c les milieux concernés et la population en général. C'est à cette condition seulement qu'Hydro-Québec redeviendra l'objet de confiance et de fierté qu'elle a représenté pendant 30 ans pour des générations de Québécois et de Québécoises.

Le Centre international GP exprime son accord de principe avec les grandes orientations formulées dans le plan de développement 1993-1995. Quel que soit le scénario de croissance de la demande qui sera retenu, nous estimons que les grands choix stratégiques qui sont présentés dans le document se justifient à plusieurs points de vue. En tout premier lieu, il nous paraît évident qu'il faut continuer de privilégier la filière hydroélectrique. Le Québec possède dans ce domaine un potentiel aménageable exceptionnel qui fait l'envie de tous. Les investissements consentis et les travaux réalisés depuis quelques décennies ont joué un rôle déterminant dans le développement économique du Québec, tout en permettant aux Québécois d'accumuler une expertise reconnue mondialement et d'exporter notre savoir-faire sur tous les continents.

Bien qu'il ne faille pas sous-estimer les impacts environnementaux et sociaux des projets et de certaines installations, tout le monde reconnaît les avantages indéniables de l'hydroélectricité sur les autres filières énergétiques. Les débats que nous avons connus au cours des dernières années ont quelquefois fait oublier que l'exploitation des ressources hydroélectriques demeure indiscutablement la forme de production d'énergie la plus propre et la plus sécuritaire. On a tout simplement à regarder ce qui se passe dans l'actualité en Ontario pour s'en convaincre, d'ailleurs. (15 h 30)

Le Centre international GP appuie également la volonté d'Hydro-Québec de mettre un accent prononcé sur les travaux d'amélioration du réseau et les programmes d'efficacité énergétique. Non seulement ces options se justifient-elles sur le plan économique, social et environnemental en regard des prévisions les plus réalistes de croissance de la demande, mais nous y voyons aussi un créneau particulièrement intéressant de recherche et de développement de technologies dont les débouchés sont les plus nombreux sur le marché international.

Comme nous l'avons dit précédemment, nous sommes heureux que la société d'État adopte une démarche plus flexible qu'auparavant et qu'elle ne mette plus tous ses oeufs dans le même panier en ce qui concerne les sites et les types de projets. Nous pensons notamment que le recours à des centrales de moyenne envergure constitue une option sérieusement envisageable s'il apparaît qu'une telle solution permettrait de réagir plus rapidement et à des coûts raisonnables aux fluctuations de la demande. La politique toute récente du ministère de l'Énergie d'autoriser la réalisation, par le secteur privé, d'un certain nombre de projets de mini-centrales contribue aussi à élargir l'éventail des possibilités, et nous croyons qu'Hydro-Québec a un intérêt majeur à appuyer ce programme.

Nous sommes néanmoins d'avis qu'il faut résister, pour l'instant, à la tentation d'éliminer complètement l'option des grands projets dont les retombées économiques demeurent encore très importantes pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles. Notre connaissance des impacts environnementaux dans ce type de

projet s'est considérablement améliorée au cours des dernières années, et nous avons réussi à développer une solide expertise en matière de réduction des effets négatifs des travaux réalisés. Il reste encore beaucoup de travail à faire dans ce domaine, mais il n'est pas interdit de penser qu'un jour pas trop lointain les progrès réalisés permettront de réconcilier complètement et aux yeux de tous les grands projets hydroélectriques et le développement durable.

Il nous semble opportun ici d'insister sur quelques éléments du plan de développement qui sont présentés d'une manière un peu trop rapide. En termes de mail-lage et de partenariat, l'orientation 15 du document d'Hydro-Québec traite du maillage qui doit être favorisé avec les industries, les universités et les centres de recherche. Sur la base de quelques expériences déjà réalisées dans le cadre de travaux de recherche et de développement, la société d'État affirme sa volonté d'aller plus loin dans ce type de démarche.

Il est clair dans notre esprit qu'il s'agit là d'une avenue à privilégier de façon marquée, comme cela se fait déjà dans d'autres secteurs. Perçue jusqu'ici, d'abord et avant tout, comme un donneur d'ouvrage et une source de contrats de sous-traitance, Hydro-Québec doit désormais se conduire de plus en plus en partenaire des entreprises et autres sociétés impliquées dans la recherche, le développement et la commercialisation des technologies et des produits nouveaux. Cette dimension du rôle d'Hydro-Québec nous intéresse de façon particulière, puisque notre organisme consacre lui-même beaucoup d'efforts à la promotion et à la recherche de diverses formes de maillage et de partenariat entre les entreprises et institutions impliquées dans la gestion de projets. Pour cette raison, nous aurions souhaité plus de précisions de la part de la société d'État quant au rythme qui sera suivi et au type d'initiatives nouvelles qui seront prises.

En ce qui a trait au développement des marchés extérieurs, cet élément est relié au précédent dans la mesure où le partenariat est un excellent moyen non seulement d'intensifier les efforts de recherche et d'accélérer le développement des technologies de pointe mais aussi d'occuper certains créneaux particuliers et de conquérir de nouveaux marchés. Là aussi, même si l'on note un intérêt évident d'aller dans cette direction, le plan de développement est avare de détails.

Pour le Centre international GP, dont un des mandats concerne l'étude et la prospection de marchés extérieurs, Hydro-Québec doit prendre un virage important en ce qui concerne l'accès au marché mondial. Même si la réputation de la société d'État est excellente à l'étranger, que ses réalisations et son savoir-faire sont connus un peu partout dans le monde et qu'elle exporte déjà ce savoir-faire dans plusieurs pays grâce, notamment, à la présence et aux interventions d'Hydro-Québec international, il faut aller beaucoup plus loin et travailler dès maintenant à identifier des cibles et à élaborer des stratégies. Un tel effort suppose également la recherche de partenaires canadiens et étrangers de manière à accélérer la mise au point des produits et à augmenter notre capacité concurrentielle. Les technologies liées aux programmes d'efficacité énergétique constituent un bon exemple de domaines à privilégier à ce chapitre. D'une part, ce type d'outil est l'objet d'une forte demande à l'échelle mondiale; d'autre part, il fournit à Hydro-Québec des occasions supplémentaires de démontrer son engagement à l'égard de la protection de l'environnement et du développement durable.

En conclusion, le Centre international GP réitère son accord avec les grandes orientations présentées dans le plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec. Il recommande, en outre, à la société d'État de préciser le plus rapidement possible ses intentions quant à l'identification des partenaires locaux et étrangers, l'établissement de nouveaux créneaux de recherche et développement et la recherche de débouchés sur le marché international.

Hydro-Québec demeure un extraordinaire levier de développement économique pour le Québec; Les nombreuses difficultés rencontrées au cours des dernières années, y compris celles qui découlent des importantes fluctuations conjoncturelles que nous avons connues, ne l'ont pas empêchée de constituer également un outil de progrès social. Fonctionnant de moins en moins en vase clos et préoccupée de renouer un dialogue fructueux avec toutes les composantes de la société québécoise, la société d'État s'est efforcée de coller davantage sa structure et son fonctionnement aux réalités d'aujourd'hui. Elle a ainsi démontré sa volonté et sa capacité de travailler avec les utilisateurs de ses services et les populations des régions, tout en favorisant une meilleure concertation avec ses partenaires industriels et institutionnels. Il reste encore beaucoup à faire, mais nous pensons qu'Hydro-Québec est sur la bonne voie et que ses projets doivent recevoir l'adhésion la plus large possible.

Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je voudrais tout d'abord remercier Mme la ministre de me permettre 4, 5 minutes. Je devrai m'excuser par la suite à cause d'une convocation à l'Assemblée nationale, de l'autre côté, pour une décision de la présidence. Donc, je voudrais remercier Mme la ministre.

J'aurai deux questions seulement à vous poser. Tout d'abord, à la page 3, je crois, de votre mémoire — il n'est pas paginé mais, oui, c'est 3 — vous dites: «Nous sommes néanmoins d'avis qu'il faut résister, pour l'instant, à la tentation d'éliminer complètement l'option des grands projets dont les retombées économiques...» En d'autres mots, c'est assez surprenant de votre part, que ça vienne de vous autres de nous demander d'y aller mollo au niveau du développement. Est-ce que c'est le rationnel qui a triomphé ou si c'est parce que la programmation présentée par Hydro-Québec vous satisfait, au moins jusqu'aux horizons 2004? C'est quoi?

M. Gaudreau: En fait, c'est qu'au niveau d'Hy-dro-Québec, les clients d'Hydro-Québec, c'est l'ensemble de la population. À ce moment-là, Hydro-Québec se situe, dans une certaine mesure, un peu au même endroit qu'un parti politique, et elle doit satisfaire l'ensemble de la population. Si on se réfère à la consultation qui a été faite récemment par cette entreprise au niveau de son plan de développement, certains courants d'idées voulaient l'arrêt pur et simple de quelque projet que ce soit; d'autres courants d'idées allaient plutôt à l'inverse et voulaient favoriser l'exportation de l'électricité et développer le plus rapidement possible toutes les ressources hydroélectriques, tout le potentiel hydroélectrique du Québec de façon à payer les centrales par l'exportation et qu'elles soient la propriété du Québec après coup.

Alors, à l'intérieur de tout ça, il s'agissait d'arriver avec un plan de développement qui soit logique. Et c'est dans cette mesure que nous nous disons d'accord avec la proposition d'Hydro-Québec et avec un développement que l'on peut qualifier de modéré.

M. Chevrette: À la page 4, vous parlez de mail-lage et de partenariat. Vous dites, à un moment donné: «Pour cette raison, nous aurions souhaité plus de précisions de la part de la société d'État quant au rythme qui sera suivi et au type d'initiatives nouvelles qui seront prises». Avez-vous des suggestions concrètes à faire pour ce type de partenariat, de maillage? (15 h 40)

M. Gaudreau: Des suggestions, on peut en faire quelques-unes. Il faut d'abord considérer que le Québec, il y a peut-être une vingtaine ou une trentaine d'années, a pris une décision de développer toutes les ressources hydroélectriques sur la base d'un partenariat entre les entreprises privées et l'entreprise d'État, qui est HydroQuébec. Ça a permis de développer un savoir-faire qui est particulier au Québec. On peut peut-être faire une comparaison ici avec Hydro Ontario, laquelle a pris une décision un petit peu différente à l'époque où elle a décidé de tout faire elle-même.

Aujourd'hui, le contexte économique du pays et de la province fait en sorte que les firmes ont avantage à exporter de façon à combler pour le manque de travail ou la diminution du travail qu'on retrouve ici, dans la province. Étant donné que l'expertise a été développée sous une forme de partenariat entre Hydro-Québec et les firmes privées, il nous apparaît souhaitable qu'il y ait une forme de partenariat qui soit aussi utilisée pour l'exportation de ce savoir-faire. On sait qu'Hydro-Qué-bec international existe, mais il y a possibilité d'aller beaucoup plus loin que ça. Il y a possibilité qu'il y ait des relations entre les maisons du Québec à l'extérieur, les représentants d'Hydro-Québec, que ça soit HydroQuébec international ou d'autres. Et on ne pense pas uniquement, non plus, en termes de pays en voie de développement; il peut y avoir des pays industrialisés où il y aurait un intérêt à faire une approche en collaboration d'Hydro-Québec et certaines entreprises privées.

Maintenant, à ce niveau-là, la seule limite à ce qu'on peut imaginer en termes de possibilités, c'est justement l'imagination de chacun, parce que tout est ouvert. Il y a beaucoup à faire.

M. Chevrette: Je vous remercie. M. Gaudreau: Bienvenue.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Alors, M. Gaudreau, je voudrais vous remercier d'être venu rencontrer la commission parlementaire et vous remercier aussi de votre intérêt au plan de développement d'Hydro-Québec.

Évidemment, comme votre nom l'indique, vous vous intéressez à la gestion des grands projets, et j'aimerais avoir, en même temps, votre perception de la formation dans laquelle Hydro-Québec investit pour ses gestionnaires de projets et sur la façon dont HydroQuébec gère les grands projets, dans sa gestion des grands projets.

M. Gaudreau: La façon de gérer les grands projets d'Hydro-Québec, si on se fie aux spécialistes que nous invitons de plusieurs pays étrangers, la façon de gérer d'Hydro-Québec est une façon très efficace; et d'ailleurs, lorsque des gestionnaires de haut niveau des pays étrangers viennent ici, ils ont, en presque totalité, uniquement des commentaires positifs. Nous pouvons aussi avoir des commentaires dans le même sens, où Hydro-Québec, en termes de techniciens, en termes de gestionnaires, fait un excellent travail au niveau des projets.

Comme nous l'avons mentionné il y a deux ans, lorsque nous sommes passés ici, où il y a peut-être place à amélioration, c'est au niveau de l'intégration sociale des projets. Si on se rappelle, il y a deux ans, cet élément-là accrochait beaucoup. Et on voit une nette amélioration de la part d'Hydro-Québec sur le plan de l'intégration sociale de ses projets. Ils s'en vont vers une orientation où ils vont impliquer la population. C'est un renversement des situations qu'on voit, dans le sens où ils vont créer une situation par laquelle les milieux récepteurs vont désirer les projets plutôt que l'inverse. On ajuste à voir, maintenant, au niveau des lignes de transport, quand on va dans les petites municipalités, en région, les municipalités souhaitent que les lignes de transport passent chez elles de façon à pouvoir améliorer leur développement économique par le biais des retombées qu'Hydro-Québec accepte de laisser en passant ses projets.

Alors, on voit une évolution qui est très saine et qui va aller dans le sens de favoriser les projets. Et, plutôt que de vouloir forcer les projets, on va créer une situation où ça va être le milieu récepteur qui va plutôt vouloir les projets, et c'est Hydro-Québec qui aura le choix de décider: on va aller à tel endroit ou à tel autre endroit.

Mme Bacon: Vous mentionnez dans votre mémoire que vous être présents dans plus d'une cinquantaine de pays. Est-ce qu'il existe ailleurs dans le monde une banque de projets qui visent à satisfaire la demande, comme celle qu'Hydro-Québec propose dans son plan de développement?

M. Gaudreau: Non, effectivement, ça n'existe pas. Malheureusement, les seules informations que l'on peut recueillir, c'est par le biais des publications des grandes banques de financement. On peut penser à la Banque mondiale, la Banque africaine de développement ou la Banque asiatique de développement. Ces trois organismes publient des répertoires de projets qui sont soit à l'étude, soit en cours de réalisation, et c'est peut-être une des seules informations, si on veut, maintenant, sur le plan international, où on peut récupérer l'information. Mais, à ma connaissance, il n'y a rien de structuré ici pour être capable de traiter cette information-là et être capable d'en tirer quelque chose de façon rapide. Encore là, il y a un problème de quantité. C'est qu'au niveau de l'ensemble des projets, ceux qui sont à l'étude, ceux qui sont en réalisation, à travers le monde, ça en fait quand même beaucoup. Et, si une entreprise veut faire un tri dans ça par rapport à certains éléments, que ça soit l'étape à laquelle le projet est rendu, l'ampleur, la nature du projet, ce n'est pas évident. Il y a un travail de recherche manuel à faire à l'intérieur de ces documents qui sont publiés par les grandes banques de financement.

Mme Bacon: Vous soulignez qu'Hydro-Québec doit dès maintenant identifier des cibles et doit aussi élaborer des stratégies afin de développer des marchés extérieurs. Selon vous, quel type de cible ou quel type de stratégie devrait être identifiée par Hydro-Québec? > M. Gaudreau: Au niveau des cibles, je pense qu'Hydro est bien placée pour identifier quels sont les marchés où on peut faire des affaires et récupérer les investissements. On peut penser, par exemple, au marché africain où le climat politique est relativement instable; on peut penser au marché asiatique où, effectivement, le climat politique est plus stable, il y a aussi de l'argent, mais on peut... Il y a une grande disparité d'un pays à l'autre. Actuellement, le Viêt-nam semble être quelque chose de bien intéressant, mais, pour une firme du Québec, aller travailler au Viêt-nam, c'est presque aux antipodes. Alors, s'il y avait quelqu'un qui avait une antenne là-bas ou un pied-à-terre là-bas, qui pourrait servir de ressource aux entreprises qui veulent aller travailler dans ce pays-là, ce serait certainement une aide.

Et, dans ce sens-là, Hydro pourrait peut-être être plus agressive dans le sens de développer des marchés à un endroit spécifique et pourrait identifier des marchés qui sont les plus intéressants — un peu comme les maisons du Québec, peut-être — travailler en coopération avec les maisons du Québec et avoir quelqu'un sur place pour développer les marchés. Ça, c'est strictement à titre d'exemple. On peut en imaginer beaucoup d'autres. Il y a aussi l'Amérique du Sud qui devient un marché très intéressant. Ça devient de plus en plus intéressant pour les firmes d'aller travailler dans les pays d'Amérique du Sud. Encore là, Hydro pourrait concentrer ses efforts dans un continent qui serait peut-être l'Amérique latine ou certains pays de l'Amérique latine.

Mme Bacon: Vous affirmez, à la page 3 de votre mémoire, et je vais vous citer, «que l'exploitation des ressources hydroélectriques demeure indiscutablement la forme de production d'énergie la plus propre et la plus sécuritaire». En outre, «tout le monde reconnaît les avantages indéniables de l'hydroélectricité sur les autres filières énergétiques.» Est-ce que vous pouvez nous dire sur quoi reposent ces affirmations, que certains groupes contestent, que nous rencontrons ici aussi?

M. Gaudreau: II y a des spécialistes. Les plus grands spécialistes en environnement vont admettre que l'hydroélectricité est quand même, sans être parfaite, la source d'énergie qui est la moins polluante. Et on peut citer les écologistes de l'Université du Québec, à ce sujet, qui sont de cet avis. En termes de sécurité, les alternatives, ce sont les centrales thermiques, les centrales nucléaires ou les éoliennes. Si on pense au nucléaire, on a juste à écouter l'actualité d'aujourd'hui pour, tout de suite, avoir un doute que c'est la meilleure solution. Si on pense à Hydro Ontario qui a des problèmes majeurs avec ses centrales nucléaires, que ça a amené une situation économique qui est pénible pour l'Hydro Ontario, de ce côté, je pense que l'histoire a montré que l'hydroélectricité était meilleure.

Au niveau du thermique, on pense à la pollution atmosphérique, ce qu'on n'a pas avec l'hydroélectricité. Par contre, l'hydroélectricité, on a les réservoirs. Par contre, les réservoirs sont créés dans un territoire où la densité de population est très, très faible. C'est une population qui vit de chasse et de pêche. Qu'il y ait la création de réservoirs, ça crée des plans d'eau supérieurs à ce qu'ils étaient auparavant, mais, par contre, les habitants de ce territoire vivent aussi de pêche. Il y a le problème du mercure, vous allez dire. Par contre, l'histoire démontre aussi que le problème du mercure est un problème qui est temporaire et que les concentrations de mercure dans les réservoirs diminuent de façon graduelle avec le temps.

Alors, si on regarde tous ces éléments-là, ce n'est pas nécessairement simple; il faut regarder un ensemble d'éléments pour arriver à la conclusion, mais il faut... Si on veut être réaliste et qu'on regarde l'ensemble de ces éléments, moi, je pense qu'on ne se trompe pas beaucoup en disant que c'est la source d'énergie la plus fiable et la moins polluante.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je vais continuer dans la même veine, M. le Président. C'était une des questions que j'avais à poser, parce que vous parlez de mercure; je peux en parler avec beaucoup d'à-propos. J'ai juste à parler du barrage Gouin. Jusqu'au jour où on a interdit la pêche sur le barrage Gouin... On a beau dire que c'est temporaire, mais, quand ça fait 20 ans, c'est un temporaire qui est long. Dans la mesure aussi où vous parlez d'autres activités possibles, d'autres utilisations possibles, comme l'éolienne, puis ces choses-là, est-ce que vous ne croyez pas, pour contrebalancer les pour et les contre au niveau de l'hydroélectricité comme étant la seule filière potentielle, étant la plus propre, la plus sécuritaire, qu'un vrai débat sur l'ensemble de toutes les énergies pourrait mettre sur la table exactement ce qu'est l'une ou l'autre et, après ça, qu'on pourrait faire un choix, comme société? Vous ne croyez pas que, à ce moment-là, ce serait plus logique que de parler simplement d'une seule filière, qui est celle qui est présentée par HydroQuébec, qui est l'hydroélectricité? Est-ce que vous ne croyez pas à un débat plus large, invitant toutes les autres formes d'énergie à venir expliquer les pour et les contre pour qu'une décision soit prise en meilleure connaissance de cause? (15 h 50)

M. Gaudreau: On ne peut pas être contre la vertu et la chasteté, et ce que vous proposez est certainement quelque chose d'intéressant. Un débat comme celui-là devient vraiment un débat de société. La question que je me poserais, moi, vis-à-vis d'un débat similaire: Est-ce que c'est à Hydro-Québec de faire un débat de la sorte ou est-ce que c'est plutôt au gouvernement de le faire? La réponse n'est pas évidente, quant à moi.

Vous dites qu'au niveau des sources alternatives il pourrait y en avoir d'autres. Oui, effectivement. J'ai participé aux consultations et, à l'origine, au début des discussions avec les différents groupes, ce que vous apportez comme arguments a été apporté. Il y a des groupes de pression — on peut les appeler des groupes de pression — qui ont suggéré d'aller de l'avant avec les éoliennes et qui ont apporté des arguments qui étaient valables, effectivement. Moi, je suis fier de voir qu'Hy-dro-Québec, effectivement, dans son plan de développement, a inclus cette avenue-là qui est de faire un test d'éoliennes. Et Hydro a eu l'intelligence de le faire de la bonne façon. C'est que l'électricité des éoliennes, actuellement, coûte à peu près le double de l'électricité qui vient de l'hydroélectricité. Et, au niveau du plan de développement, on prévoit faire un essai d'éolienne dans un site qui serait difficilement accessible par l'hydroélectricité, qui est desservi actuellement soit par des diesels ou d'autres sources. A ce moment-là, l'éolienne devient compétitive.

M. Jolivet: C'est parce que, là, on est dans la même filière, c'est celle de l'hydroélectricité ou de l'éolienne comme telle. Vous parlez d'Hydro-Québec. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'un débat comme celui-là devrait être enclenché par un gouvernement qui demanderait à l'ensemble de la société de venir se pro- noncer. Parce qu'on a eu l'occasion de voir des gens au niveau du gaz naturel, d'autres du pétrole venir nous dire que, parce qu'ils ont pris des décisions au niveau d'Hydro-Québec, eux en ont subi les conséquences. On a eu ces gens-là qui sont venus devant nous. Et c'est pour ça que je vous posais la question: Seriez-vous, à ce moment-là, prêts, si jamais un débat comme tel était demandé par le gouvernement, à y participer et à donner vos opinions sur l'ensemble, non seulement l'hydroélectricité, mais sur d'autres projets utiles à la société?

M. Gaudreau: Moi, je suis tout à fait prêt à le faire, c'est certain, et notre organisme aussi. D'ailleurs, un débat similaire pourrait aller plus loin que de faire un débat strictement sur l'hydroélectricité.

M. Jolivet: II le faut.

M. Gaudreau: C'est un débat qui pourrait être général en termes de développement économique de la province. En termes de développement économique, on peut poser la question: Quelles sont les sources d'énergie que l'on souhaite avoir? Mais on peut aller plus loin et poser aussi la question: À quel endroit on voudrait les avoir, ces sources d'énergie là? Parce qu'il est possible qu'une source soit intéressante dans un endroit et qu'elle ne le soit pas nécessairement dans l'autre. Et, ça, les éoliennes sont un bel exemple de ça. Les endroits où elles peuvent être efficaces, c'est dans les régions côtiè-res où, effectivement, il y a des vents. Mais, par contre, il n'y a pas de population dans ces régions-là, et c'est des régions qui sont coûteuses à alimenter par les systèmes d'hydroélectricité.

M. Jolivet: Une autre question. À la page 1, vous dites, dans le dernier paragraphe: «Mais on peut affirmer aujourd'hui avec sérieux qu'Hydro-Québec s'est vraiment mise à l'écoute du milieu et qu'elle travaille maintenant dans un contexte de dialogue constant avec les autres.» Je veux juste vous rappeler que, ce matin, nous avions devant nous la Corporation de gestion du développement du bassin de la rivière Saint-Maurice, qui regroupait tous les intervenants, incluant les autochtones, les municipalités et tous les groupes de pression dans le milieu. Ils sont venus nous dire que, justement, Hydro-Québec ne les écoutait pas. Est-ce que vous croyez que l'affirmation que vous mettez ici, elle est à ce point exacte, ou si vous croyez qu'Hydro-Québec, des fois, dans certains cas, comme ils le disaient ce matin, sert plutôt de division dans les membres plutôt que de ciment?

M. Gaudreau: Écoutez, moi, j'ai participé à l'ensemble de la consultation qui a été faite. On retrouvait toutes sortes de représentants, avec des intérêts qui pouvaient être très variables. Dans certains cas, c'étaient des intérêts qui étaient très ponctuels; dans d'autres cas, les intérêts étaient plus larges en termes d'effets au niveau de la société.

Il reste que, dans tous les cas, il va toujours y

avoir des gens qui ne seront pas d'accord avec des projets. Et ça, c'est le propre de la politique. On ne peut pas satisfaire 100 % de la population. Mais, au début, j'ai mentionné qu'Hydro-Québec se situait un petit peu comme un parti politique à ce niveau-là. Sa clientèle, c'est l'ensemble de la population. Alors, Hydro-Québec vit le même problème, et il est probable que la majorité des gens soient satisfaits par les décisions, par la consultation et la concertation qui a été faite, mais il reste encore certains groupes ou certains individus qui ne le sont pas. Et, moi, je suis convaincu que ces groupes-là ou ces individus vont utiliser tous les moyens à leur disposition pour faire valoir leurs arguments. Je pense qu'il sera difficilement pensable de rallier ces groupes-là, à moins, dans certains cas... Et ça, on a pu le voir lors de la consultation: il y a certains groupes de représentants, pour les satisfaire, il aurait fallu arrêter de façon pure et simple les projets. Et, que ça soit n'importe quoi d'autre, ils ne seraient pas satisfaits. Alors, dans tout ça, il faut quand même qu'Hydro-Québec arrive avec la solution la plus souhaitable et la plus logique.

M. Jolivet: Moi, j'aurais peut-être juste dit, simplement, M. le Président, que c'est peut-être un bon pas dans la bonne direction mais, à mon avis, pas suffisant pour le moment.

M. Gaudreau: II y a une évolution majeure par rapport à ce qu'on a vécu dans les années passées.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. Brève question, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président.

Je trouve votre constat au niveau des éoliennes assez intéressant. Étant le député des îles, le vent, chez nous, est fréquemment présent. Puis aussi, c'est ça, si on compare le coût avec la centrale thermique, la centrale diesel qui est là, on s'aperçoit qu'Hydro, quand même, a fait une bonne planification, mais ça ne devient pas tellement compétitif. C'est à peu près les mêmes prix, ou peut-être un peu moins. Alors, ça serait intéressant dans ce sens-là.

Ma question est dans un tout autre ordre d'idées. Bien que le nom de votre association réfère aux grands projets, vous soulignez qu'Hydro-Québec a un intérêt majeur à appuyer le développement de projets de minicentrales par le secteur privé. Alors, qu'est-ce qui vous amène à poser ce constat?

M. Gaudreau: C'est une diversification, en fait. Et, comme toute entreprise, Hydro-Québec a tout intérêt à pouvoir se comparer avec d'autres entreprises. Je crois qu'il est très sain qu'ici, au Québec, il y ait d'autres sources d'énergie que la société d'État. Une mini-centrale qui pourrait être opérée par le privé devient une forme de comparaison pour l'entreprise d'État et une forme de partenariat aussi. Alors, dans ce sens-là, en plus d'être une forme de comparaison, c'est une forme de partenariat qui peut se développer entre l'entreprise d'État et des entreprises privées. Les entreprises ont agi en partenaires avec l'entreprise d'État pour développer ce qu'on a maintenant, et ça pourrait être une forme de partenariat qui va plus loin que le développement au niveau de l'opération, dans une faible mesure.

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, c'est déjà terminé. M. Gaudreau, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre présentation.

Nous allons suspendre deux minutes afin de permettre au Grand Conseil des Cris de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 59) (Reprise à 16 h 2)

Le Président (M. Audet): La commission reprend ses travaux. Nous recevons maintenant le Grand Conseil des Cris. Alors, messieurs, au nom des membres de la commission de l'économie et du travail, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous devez vous identifier d'abord, avant de procéder à votre exposé. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre présentation. Ensuite suivra une période de questions, une période d'échanges d'une quarantaine de minutes. Vous avez la parole. Vous pouvez y aller.

Grand Conseil des Cris du Québec (GCCQ)

M. Saganash (Roméo): M. le Président, merci beaucoup. J'aimerais d'abord commencer par introduire les gens qui sont avec moi aujourd'hui: à ma gauche, mon extrême gauche, M. Alan Happyjack, qui est le chef de la communauté de Waswanipi; à ma gauche immédiate, M. Bill Namagoose, qui est directeur exécutif du Grand Conseil des Cris; et, à ma droite, M. Ian Goodman, qui est l'auteur de l'étude que le Grand Conseil des Cris a commandée et qui a été acheminée à la commission, je crois.

Peut-être aussi juste un mot sur la façon dont on voudrait procéder. Je vais faire une partie de l'introduction, M. Namagoose va faire une partie en anglais — moi, je fais ma partie en français — et je reviendrai pour terminer en français.

Le Président (M. Audet): D'accord.

M. Saganash: Merci beaucoup, M. le Président.

Je suis venu ici en 1990, je crois, pour le dépôt du plan de développement. À l'époque, j'étais simplement le traducteur du grand-chef Matthew Coon Come. Aujourd'hui, je suis ici à titre de vice-grand-chef du Grand Conseil des Cris, et, qui sait, peut-être que, demain, je serai à votre place. Ha, ha, ha!

Alors, je vous salue. L'occasion de nous rencon-

trer dans un contexte d'analyse de perspectives, de prospectives qui peut favoriser la compréhension mutuelle nous est rarement donnée, je crois, et je remercie donc la commission, en mon nom personnel, mais aussi au nom du Grand Conseil des Cris, de nous permettre d'exposer notre vision du développement qui concerne notre territoire ancestral et d'échanger, nous l'espérons, un tant soit peu avec vous sur la planification de la société d'État qui conditionne le plus notre avenir à nous tous, tant celui des Cris que celui des Québécois, Hydro-Québec.

Nous voulons vous indiquer, dès le départ, que notre présence ici doit être envisagée dans un objectif d'analyse et de recherche de solutions pour l'avenir et non pour rappeler, à ceux et celles qui s'en ennuieraient, que certains différends nous opposent encore sur d'autres tribunes. Les parlementaires du Québec et la nation québécoise ne doivent pas interpréter la critique que nous faisons d'un certain type de développement en milieu nordique, la critique d'une certaine approche du développement, la critique de certaines priorités du gouvernement du Québec ou le fait que nous déplorons l'absence de certaines politiques ou de certains débats de société comme un refus du développement du Québec. Au contraire, nous souhaitons ardemment le développement du Québec et le développement de la nation crie, dans un contexte où une jeune génération, autant chez vous que chez nous, est sacrifiée de façon dramatique au chômage endémique. Cependant, nous n'agirons pas à n'importe quel prix social ni environnemental en causant plus de tort que de bien à une société, à une culture ou à une région qui souffre déjà de «maldéveloppement» et qui se handicape de jour en jour en raison d'une forme de développement axée sur l'extraction primaire d'une seule richesse naturelle afin de satisfaire le soi-disant besoin du sud.

Nous avons cru bon vous faire part de nos préoccupations et de nos analyses en espérant qu'elles soient prises en compte par les parlementaires eux-mêmes, par le public québécois et au moins pour que nous puissions dire, un jour, que nous vous avions avisés du danger que comportent certaines planifications en raison des bases sur lesquelles elles reposent.

La première remarque que nous voulons faire concernant la planification d'Hydro-Québec, que vous examinez actuellement, consiste à rappeler que cette planification se situe strictement dans le cadre des objectifs de la société d'État, qui privilégie, pour des raisons plus que discutables nous croyons, la filière ou la piste hydroélectrique pour satisfaire les besoins de ses clients. Nous sommes bien loin d'une analyse indépendante qui prendrait en compte toutes les options énergétiques et qui oserait s'appuyer, au-delà du discours, sur une véritable politique de gestion intégrée des ressources et des activités d'un territoire et qui viserait un authentique développement durable. Nous en sommes encore à tenter d'évaluer, une fois la décision prise d'aller de l'avant par les promoteurs, les répercussions environnementales de chacun des projets d'intervention sur le territoire. Souvent, pour éviter de prendre en compte l'impact global d'un aménagement, on en détache l'évaluation de certaines composantes, comme des bouts de lignes de transport, les aéroports et les bouts de routes. Nous sommes loin de prendre en compte l'impact cumulatif des projets dans une région donnée.

Vous comprendrez, dans ces circonstances, que, malgré notre désir maintes fois exprimé de façon publique de travailler en partenariat avec le gouvernement du Québec, avec les entreprises québécoises et avec les Québécois en général, je crois, à la planification, à la gestion et au développement du territoire de la Baie James, nous en sommes encore à subir ces développements et à en négocier morceau par morceau les mesures d'atténuation. C'est dans cette conjoncture, aujourd'hui, que nous vous présentons une analyse de certains aspects du projet de planification d'Hydro-Qué-bec, en voulant ajouter notre réflexion à d'autres organismes qui ont fait de même, mais aussi avec la triste certitude que notre peuple sera le premier touché par les conséquences de cette planification, si elle devait demeurer telle quelle.

M. Namagoose (Bill): We submit to you today a very brief analysis of which is commissioned by the Grand Council of the Crée. The implications of this analysis are important to the development plan. We have not yet completed our analysis and this will be part of our ongoing attempt to understand the role of the Great Whale project and other Hydro projects proposed for Crée territory in the plans of Hydro-Québec. When we say there have been modest improvements, it is mainly in reference to the fact that the risk — sharing contracts are no longer developed or accepted by Hydro-Québec. This policy is unsound for industrial development and is based upon the principle that existing residential electricity consumers and the established industrial sector should subsidize growth in new industry. It is also a practice that violates the principles of free market. (16 h 10)

The plan is also a modest improvement over the 1990 plan in that the export target of 3500 MW by the year 2000 has been canceled. It has, however, been replaced by a projection of export sales of 1900 MW of firm power and 800 MW of seasonal power by the year 2005. We fail to see these new objectives as being obtainable as neighbouring utilities in Canada and the United States have electricity surpluses.

In the proposed development plan, Hydro-Québec states that it will sell electricity before initiating new projects. While this may seem to be commendable from a financial point of view, it seems that social and environmental considerations take second place to financial and electricity planning priorities. We believe that this policy of preselling electricity to the U.S. market without having the environmental permits to build is unacceptable. To resolve this problem, Hydro-Québec seeks to obtain prior approval of a number of projects which would form a project bank. Although we have to be assured by Hydro-Québec that such a project bank would not include megaprojects such as Great Whale

and Nott-away-Broadback-Ruperts, we believe that the people of Québec and the Crees have the right to a project review process which takes into account the current economic, social and environmental situation. This would keep those impacted by projects closer to the decision-making process.

The electricity needs of Québec have traditionally been grossly overestimated by Hydro-Québec. In 1973, Hydro-Québec overestimated the future demand for electricity. It is to be remembered that as recently as 1984-1985, Hydro-Québec was spilling water from the Caniapiscau reservoir. This period of excess production was then followed by a decision to sell the so-called surplus electricity to the United States. This sale of 66. 4 TWh was made at a price of 0, 0232 $ per kWh. This allowed Hydro-Québec to claim a profit during the years of 1985 to 1989. Hydro-Québec sold its energy reserve during those years only to buy some of it back starting in 1988 at twice the unit cost. When Hydro-Québec states that in the present plan it has the intention to build up a reservoir margin, we wonder whether this policy is in fact surreptitious export strategy.

Hydro-Québec now plans to base its future requirements, at least in part, on exports. Our consultant notes that «the Great Whale project, with an annual projected output of 16. 2 TWh, is currently scheduled by Hydro-Québec for the period 2000 to 2005, when the development plan predicts a rapidly growing need for additional supply, due in large part to the projected industrial and export market development.

The export market has changed and Hydro-Québec does not seem to notice. The projected cost of natural gas has been overestimated in the proposed plan, which makes this energy option appear to be uneconomical. However, Ontario Hydro has suggested that this option is available at a much lower cost. Municipalities, industries, public interest groups in Ontario acknowledged that cogeneration projects or gas fire turbines are environmentally and economically viable.

In New York State, independent power producers presently offer electricity at rates of less than 0, 04 $ per kilowatt-hour. There is significant potential for HydroQuébec to purchase electricity from New York and Ontario at prices below the generation costs in Québec. There is even more important potential for the growth of the independent power-producing industry within Québec. The construction of megaprojects requires the up-front investment of billions of dollars. Most of this money is borrowed from the United States. HydroQuébec states that it will increase electricity prices at the rate of the inflation. At the same time, it proposes to borrow billions of dollars. It has said that it will keep that commitment even if its financial position deteriorates. Hydro-Québec already relies heavily on the Québec government to underwrite its borrowings. Quebeckers, on a per capita basis, are already the most indebted people in Canada. Adding another 40 000 000 000 $ to the 52 000 000 000 $ proposed in this development plan will stifle economic development, not promote it.

The alternatives to this type of debt-driven plan- ning are before us. Energy conservation would create more jobs per dollar spent than would the proposed investment on Great Whale. Moreover, the investment would be spread over a longer term and would make Québec industries and residences cheaper to operate. Long-term jobs would also be created throughout the province of Québec.

There is also a good alternative in natural gas heating and in cogeneration. Residential heating savings of 50 % to 60 % can be achieved compared to the price of electrical heating available in Québec today. One of the most significant alternatives for Québec is cogeneration. This would render large buildings and industries more energy efficient. In the case of the pulp and paper industry, the negotiation of cogeneration agreements with Hydro-Québec would help make this industry more competitive and would provide the secure revenues, social revenues to finance modernisation of that industry. For Hydro-Québec, such agreements hold out the possibility of installing a new base capacity without having to finance the capital cost through borrowing.

The problem is that Hydro-Québec is dragging its feet in the completion of such agreements and that Hydro-Québec has made unrealistic restrictions on these arrangements. The overall amount of cogenerated power to be bought has been capped by Hydro-Québec. Moreover, by placing severe limitations on the size of the cogeneration units, limiting their size to the amount of the industrial steam required by the plant, Hydro-Québec appears ready to let more paper mills close rather than open the electricity market, even slightly, to these independent producers.

Hydro-Québec, often called the engine of economic development, should act now to preserve this existing pulp and paper industry in Québec. Mills are closing in Québec while in the United States they are opening. Kruger closed a paper machine in Trois-Rivières, costing 200 jobs, and bought a paper mill in Michigan where the energy policies are more conducive to business. In addition, Canadian Pacific Forest Products shut down the mill in Trois-Rivières and other mills are for sale in Québec.

These are some of our preliminary comments on the proposed development plan.

M. Saganash: Alors, M. le Président, cette analyse nous amène à la conclusion générale que les prévisions de la demande et de l'offre du plan de développement d'Hydro-Québec sont incorrectes et ne justifient aucunement les projets hydroélectriques de grande envergure, et particulièrement le projet Grande-Baleine. Les besoins énergétiques sont beaucoup moins importants que ne le prétend Hydro-Québec et ne se feront sentir que vers la fin de la période du plan, c'est-à-dire vers l'an 2005.

Dans cette conjoncture générale du marché de l'énergie, le projet Grande-Baleine est sans doute celui qui offre le moins de flexibilité. Il est hors de proportion avec la croissance prévue de la charge du réseau, et il comporte des délais plus importants que toute autre

option plus souple, plus réaliste, plus rationnelle et moins téméraire.

Dans le plan de développement proposé, HydroQuébec indique qu'elle vendra son électricité avant d'entreprendre un nouveau projet. Bien que cette démarche soit louable au point de vue financier, elle suppose que les considérations sociales et environnementales seront reléguées au deuxième rang par rapport à la planification énergétique et financière. Cette pratique, qui consiste à vendre d'avance de l'électricité sur le marché extérieur sans avoir obtenu les permis de construction environnementaux nécessaires, nous la croyons inacceptable. Notre régime légal envisage seulement des répercussions environnementales et sociales au moment de l'autorisation d'aménagements et après que le classement économique des projets a été fait. Cela consiste, à notre avis, à vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

Afin de contourner ce problème au lieu de tenir compte de l'ensemble des coûts de ces projets, incluant les coûts environnementaux et sociaux, Hydro-Québec tente de faire approuver d'abord un certain nombre de projets qui constitueraient une banque de projets. Bien qu'Hydro-Québec nous ait assurés que cette banque ne comprendrait pas les mégaprojets de Grande-Baleine et NBR, nous croyons que la population québécoise et la population crie ont le droit de participer à un processus d'examen de projets qui en vaille la peine, car avant que les décisions ne soient prises on prendrait réellement en compte la situation économique, sociale et environnementale qui prévaut. Cela permettrait aux parties touchées par les projets de participer au processus décisionnel.

La construction de projets de grande envergure nécessite l'investissement préliminaire de milliards de dollars. La crédibilité financière d'Hydro-Québec est directement liée à la crédibilité financière du gouvernement du Québec et vice versa. Le bilan financier d'Hydro-Québec indique, par exemple, pour l'année 1992, une dette totale de 31 900 000 000 $, en hausse de 7 % par rapport à l'année précédente. La plupart des emprunts sont contractés sur des marchés financiers extérieurs et particulièrement aux États-Unis. Hydro-Québec indique que les augmentations du prix de l'électricité suivront le taux d'inflation. Elle propose en même temps un plan d'action qui suppose l'emprunt de milliards de dollars. Hydro-Québec croit pouvoir respecter cet engagement, même si la situation financière se détériore et que le loyer de l'argent grimpe. Cette promesse devrait nous inquiéter dès maintenant et cela nous étonnerait grandement qu'Hydro-Québec ne doive revenir sur sa promesse. Cela ne serait pas la première fois, de toute façon. (16 h 20)

Nous vous demandons de vous pencher sur des solutions de rechange à ce genre de planification fondée sur l'endettement. La conservation d'énergie créerait plus d'emplois pour chaque dollar dépensé que ne pourrait le faire l'investissement dans les grands projets. De plus, les investissements pourraient être échelonnés sur une plus longue période, de sorte que les clients industriels et résidentiels du Québec pourraient payer moins cher l'énergie dont ils ont besoin. Des emplois à long terme seraient également créés partout au Québec.

Hydro-Québec, qu'on décrit souvent comme le moteur du développement économique, devrait maintenant prendre les mesures nécessaires afin de protéger le patrimoine industriel, le patrimoine financier ainsi que le patrimoine de la main-d'oeuvre et de l'environnement. Les Québécois et les Cris sont en premier lieu concernés par cette planification et cette approche du développement qu'il faudrait bien, un jour, remettre en question. Vous, les parlementaires, vous êtes aux premières loges, vous avez la responsabilité de dépasser la morosité de la politique à court terme et d'envisager, dans la sagesse et la mesure, les perspectives les plus susceptibles, à long terme, de générer la prospérité de la population.

Nous réitérons notre intérêt à un partenariat authentique et équitable dans la planification et la gestion du développement de notre territoire ancestral, dans le même sens où nous l'avions prévu dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois en 1975 et comme cela devrait se faire dans chacune des régions du Québec, d'ailleurs.

Nous vous invitons à considérer ces quelques réflexions dans le sens d'une volonté de rapprochement entre notre vision du développement et celle que l'on connaît depuis quelques années, dans le sens d'un printemps intéressant et du dégel de nos solitudes.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, messieurs. Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Alors, M. Saganash, messieurs, j'aimerais vous remercier de votre mémoire, qui est certainement le résultat d'une analyse globale. Il pose, ce mémoire, des questions qui sont très pertinentes. Et je dois dire aussi que je préfère beaucoup cet échange face à face. C'est beaucoup plus positif que par média étranger interposé.

Je voudrais, comme première question, et ça peut peut-être être un thème d'une campagne électorale — ce n'est pas une suggestion que je vous fais, M. Saganash... De quelle manière le Grand Conseil envisage-t-il le développement de la communauté crie sur un horizon de 10 ou 20 ans?

M. Saganash: II faudrait que vous soyez un peu plus précise dans votre question, madame.

Mme Bacon: Alors, quelle est votre vision de l'avenir ou du développement de la communauté crie sur un horizon de 10 ans ou 20 ans? D'où viendrait la richesse, par exemple, qui pourrait permettre d'améliorer le mieux-être de vos concitoyens?

M. Saganash: De nos ressources, certainement. Nous avons toujours dit, et je pense que vous le savez.

que les Cris ne sont pas contre le développement en soi. Nous sommes contre le type de développement qui est proposé par Hydro-Québec et le gouvernement du Québec. C'est un type de développement qui nous offre un supposé choix entre un développement massif du territoire et l'inondation de terres ou une dépendance accrue des programmes gouvernementaux ou des promesses gouvernementales. Alors, c'est un peu — et je l'ai déjà dit — comme demander à un peuple: De quelle façon est-ce que vous préférez vous suicider? Ce n'est pas ce genre de développement là qu'on veut avoir. Parce que les bases de relation que nous avons connues jusqu'à maintenant, depuis 1975, depuis la Convention de la Baie James, ne fonctionnent plus. Il faudrait que tout le monde réalise que c'est un fait réel, que la base de relation que nous avons déterminée en 1975 ne fonctionne plus et qu'il faudrait revoir les bases de relation entre nos peuples. Et on est toujours tout à fait ouverts à ça. Le type de développement qu'on envisage à l'heure actuelle, malgré les contraintes que nous subissons de part et d'autre, ce serait plus un développement moins brutal, en tout cas, que ce qui nous est proposé à l'heure actuelle. Les gens parlent plus de développement qui est plus près de leur culture, développement dans le sens qu'il serait plus près du territoire. Le tourisme, par exemple, est un domaine qui est largement inexploité dans le territoire. Alors, ce sont des choses comme ça.

Vous savez aussi, Mme Bacon, que le gouvernement du Québec vient de nommer un négociateur pour un peu déterminer le cadre des négociations ou des discussions éventuelles avec les Cris. Et je pense que c'est avec beaucoup d'espoir qu'on embarque dans ce processus-là également, parce que, comme je dis, la façon dont les choses ont marché jusqu'à maintenant, depuis 1975... Juste à titre d'exemple, depuis 1978, avec la Convention de la Baie James, à toutes les années, jusqu'en 1993, nous étions devant les tribunaux, soit pour faire respecter les obligations que vous avez, à titre de gouvernement, soit pour faire respecter les obligations du fédéral ou soit pour interpréter, de façon convenable et équitable, la Convention de la Baie James. Nous étions devant les tribunaux, depuis 1978 jusqu'en 1993, à toutes les années. Alors, ce n'est pas une façon dont on envisage l'avenir. Ce n'est certainement pas la façon dont les jeunes, qui constituent 65 % de la population crie, envisagent l'avenir avec le gouvernement du Québec, surtout à cause du fait que vous êtes nos voisins immédiats, et c'est avec vous, d'abord, qu'on doit s'entendre. C'est ensemble qu'on doit déterminer comment on va fonctionner à l'avenir. Et c'est la seule façon, je crois, de s'en sortir.

Mme Bacon: Est-ce que vous admettez que c'est difficile de créer la richesse quand on est si loin des grands centres, au fond? Est-ce que ce n'est pas un obstacle à la création de la richesse quand on est loin des grands centres?

M. Saganash: C'est sûr que c'est difficile, le fait qu'on soit si loin des grands centres, donc là où tout se passe. C'est très difficile, le coût de transport, le coût de transport de marchandises, les coûts de déplacement. Tout ça est plus cher, j'en conviens, et je pense que vous le savez également. Mais, par contre, il y a une façon de développer le territoire, et je pense que les Cris se sont mis à faire ce travail-là depuis cinq ans, maintenant, à commencer à voir quels sont les moyens que nous avons, quelles sont les contraintes actuelles, comment on peut se débarrasser de ces contraintes-là, quelles voies de développement le peuple cri doit choisir. Il y a certainement certains Cris qui vont vouloir le mode de vie traditionnel, et je pense que c'est garanti constitutionnellement, maintenant, en vertu de la Convention de la Baie James et de la reconnaissance des traités dans la Constitution canadienne. Alors, c'est une garantie constitutionnelle qu'il faut respecter, et le choix que certaines gens font pour ce type ou ce mode de vie là, je pense qu'il faut le respecter, il va toujours en avoir. Ne nous faisons pas d'illusions de ce côté-là. Mais il y a aussi d'autres Cris qui voient que l'avenir va passer par une autre route que ça. Donc, il faut trouver certainement un équilibre entre les deux, il faut respecter les choix d'un peuple, les choix que nous allons faire. J'espère, moi, être respecté par vos membres.

Mme Bacon: Le Grand Conseil des Cris préconise les économies d'énergie, et, selon l'analyse que vous en faites, les objectifs d'Hydro-Québec sont moins ambitieux que la plupart des entreprises les plus progressistes. Il serait possible d'atteindre un niveau d'efficacité énergétique beaucoup plus élevé, selon vous. Serait-il nécessaire d'augmenter les tarifs d'électricité, au Québec, pour atteindre une cible d'économies d'énergie supérieure de 5 TWh en l'an 2000 ou de 7 TWh en l'an 2010 à celle visée par Hydro-Québec, par exemple?

M. Saganash: Je vais permettre à M. Goodman de répondre à la question, qui est plus technique. Perhaps you could ask the question in English for the benefit of Mr. Goodman.

Mme Bacon: I think I have the text here. The Grand Council of the Crée recommends energy savings, and according to its analysis, the objectives of HydroQuébec are less ambitious than those of the most progressive businesses and it could attain a much higher level of energy efficiency. Would it be necessary to increase electricity rates, in Québec, to reach an energy savings target that, by the year 2000, will be 5 TWh greater than that at which Hydro-Québec is aiming and by 2010, 7 TWh higher?

M. Goodman (Ian): It would not be necessary to raise the rates solely to encourage conservation. If a very high level of incentives is provided, there may be some rate increases that would be necessary. Bills would still go down, but because there would be a smaller number of kilowatt-hours being sold, there might be some increase in the charge per kilowatt-hour. The important point is that overall electricity bills would still

be decreasing. So, there may be some limited rate increases that would be required, but they would be balanced by overall bill decreases. (16 h 30)

Mme Bacon: We had groups here that were advocating having higher rates so that people save energy more. That would be one reason for people to save energy. You would not advocate higher rates for energy efficiency or energy economy or energy savings?

M. Goodman: I think it is important that the rates be set high enough for Hydro-Québec to recover its cost and to be financially sound, and there are questions about whether the rates will be high enough to do that. In general, I am not in favour of increasing rates solely to encourage conservation, as Hydro-Québec itself has commented that in many other areas there are higher rates and that alone is not sufficient to result in a high rate of electricity efficiency. In other words, rates are one signal, but there are many barriers that prevent consumers from implementing electricity efficiency. So, rather than raising rates to encourage this result, I think you can achieve the same amount of conservation in a much easier way by providing incentives to consumers to help them to overcome the barriers.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Ma première question est hypothétique. Je voudrais avoir une réaction. Si Hydro-Québec vous avait annoncé, dans son plan de développement, qu'elle ne toucherait jamais Grande-Baleine, c'est fini, est-ce que ça vous aurait comblé de bonheur?

M. Saganash: Pardon?

M. Chevrette: Est-ce que ça vous aurait comblé de bonheur...

M. Saganash: Si Hydro-Québec...

M. Chevrette: ...si elle vous avait annoncé qu'elle ne toucherait plus à la rivière Grande-Baleine, pas du tout?

Mme Bacon: M. Chevrette veut faire votre bonheur.

M. Saganash: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ce n'est pas cela, c'est parce que, au niveau de la lecture du document, je ne suis pas sûr que vous n'êtes pas pour, à un moment donné.

M. Saganash: Oui, absolument.

M. Chevrette: Je voudrais bien comprendre l'esprit global.

M. Saganash: La raison est la suivante. Nous croyons que le projet Grande-Baleine n'est pas nécessaire, ni même d'autres projets d'envergure, en passant, parce qu'il y a des possibilités, il y a des alternatives, il y a des solutions de rechange qui sont pas mal plus logiques, pas mal plus économiques et pas mal plus écologiques aussi, évidemment, qui sont à la disposition d'Hydro-Québec à l'heure actuelle. Alors, dans ce sens-là, Grande-Baleine et les autres projets d'envergure ne sont pas nécessaires. Il faudrait arrêter de s'acharner sur nos rivières.

M. Chevrette: Mais, si on vous démontrait, par exemple, au cours des années, qu'on est rendu à un point où, sur le plan environnemental, c'est la formule la moins négative et qu'on ait harnaché toutes les petites rivières, comme Ashuapmushuan, qu'on ait fini de harnacher la Saint-Maurice du haut en bas, qu'on ait harnaché la Péribonka, parce qu'il reste encore une place pour 300 MW, qu'on ait détourné la Pécan et la Carheil sur la Moisie, et qu'on soit rendu à Grande-Baleine, et que les groupes écologistes québécois optent pour la ressource hydroélectrique parce que la moins polluante et la moins nocive à l'environnement, quelle serait votre réponse?

M. Saganash: Évidemment, vous posez une question à laquelle je ne puis répondre moi-même, à titre de porte-parole du Grand Conseil des Cris. C'est le peuple cri qui doit décider de ces questions-là, qui sont fondamentales. Admettons que, dans 20, 25 ans, on sera en face de l'inévitable, comme vous dites. À ce moment-là, on se posera la question.

M. Chevrette: C'est parce que j'ai lu la lettre de M. Matthew Coon Come, qu'il a fait envoyer à la suite de l'obtention du mailing d'American Express. Vous êtes au courant, sans doute, de cette lettre?

M. Saganash: American Express?

M. Chevrette: Quelque chose du genre, là. Je sais qu'on a reçu ça. Il y a eu un mailing... Le Natural Resources Defence Council a envoyé ça à partir d'un mailing qui a été obtenu, je ne sais pas... On m'a dit que c'était le mailing d'American Express. Peu importe le mailing, il y a du monde qui l'a reçu et je l'ai. M. Coon Come n'y va pas de main morte. Il dit qu'il y a beaucoup de trouble dans leurs maisons, qu'Hydro-Québec est en train de détruire les terres sacrées et que, si on se promène en Cessna, on voit tout ça, là. Il y a beaucoup de choses d'écrites: «Vous devez arrêter complètement la phase II de la Baie James. Il n'y a pas d'alternative, ça doit être fini.» Vous appelez même le projet «The Frankenstein Project». Ça fait peur, merci, bonjour, bonsoir.

M. Saganash: Nous disons qu'il y avait des gens, à l'intérieur d'Hydro-Québec, qui appelaient la phase II de la Baie James le projet Frankenstein. C'est ça qu'on

dit, dans la lettre.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ce n'est pas rassurant tout de suite, ça.

M. Saganash: Poursuivez, monsieur, poursuivez.

M. Chevrette: Ensuite, bien là, vous dites que c'est l'organisme, le Natural Resources Defence Council, qui est le mieux placé pour vous défendre, qui connaît le mieux ça puis qui comprend tout ça. Vous maintenez ça, vous aussi, comme M. Coon Come?

M. Saganash: II faut regarder ces questions-là dans une perspective crie. Mettez-vous à la place de la personne qui voit, du jour au lendemain, sa terre inondée par un projet hydroélectrique, sachant très bien que le territoire qui vient d'être inondé a donné la vie à ses ancêtres pendant au moins 5000 ans en arrière. Mettez-vous à la place de cette personne-là. Vous ne pouvez pas conclure autrement que c'est une situation tragique et dramatique. Moi, je le comprends. Je sais comment ces gens-là pensent, je sais comment ils réagissent face à une éventualité pareille, ayant eu une première expérience avec la phase I de la Baie James. C'est sûr que vous n'arriverez jamais, vous, M. Chevrette, à comprendre cette perspective-là, je le sais. Je ne vous demande pas non plus de le comprendre.

M. Chevrette: Je peux faire un effort pour le comprendre, M. Saganash. Je comprends que, se faire désorganiser son territoire, ça doit être grave. Je ne suis pas en mesure, bien sûr, de vivre ce que vous pouvez ressentir. Ça, je l'admets. Mais, au-delà de cela, moi, ce que je n'ai pas accepté dans tout le processus, depuis quelques mois, c'est un peu ça que je veux discuter calmement avec vous.

M. Saganash: J'ai refusé de répondre à la question, parce qu'il faudrait surtout éviter de personnaliser ces dossiers-là. Ce sont des questions qui sont fondamentales et importantes qu'il faut tous essayer de comprendre.

M. Chevrette: Ce n'est pas sous cet angle-là que je veux discuter. C'est que vous savez que le Québec, à l'extérieur, à New York en particulier, s'est fait charrier, comme image. Vous n'êtes pas sans le savoir. Moi, j'ai lu toutes les accusations de cet organisme-là, Natural Resources Defence Council, puis je vous avoue, là, qu'il y a des faussetés lamentables. Moi, je veux bien qu'on se batte, puis c'est de bonne guerre, et, quand on a à se confronter, on doit utiliser un rapport de force, mais de là à utiliser des faussetés flagrantes, ça, je pense que ça n'a pas de bon sens. On vit sur un même territoire, on ne peut pas, à mon point de vue, dire des choses qui sont toutes fausses. On peut dire des choses qui sont vraies. Que ça brise vos traditions, je suis bien conscient de ça, mais dire, par exemple, que la caniapiscau coule à 100 % maintenant à l'inverse de ce qu'elle coulait alors que c'est 70 %, que les 10 000 caribous, c'est dû à ça... j'étais ministre du loisir, de la chasse et de la pêche quand les 10 000 caribous se sont noyés. il y a eu des études de faites, puis vous savez qu'il y a eu des catastrophes plus grandes que cela sans barrage chez vous.

M. Saganash: Les études qui ont été menées, par exemple sur la noyade des caribous, il y a même un organisme chez vous qui a conclu qu'Hydro-Québec en était partiellement responsable, du moins.

M. Chevrette: Ce n'est pas ça que vous dites. C'est le Natural Resources qui dit ça...

M. Saganash: Oui, oui.

M. Chevrette: ...puis que ce n'est aucunement faux. Il n'y a aucun organisme du gouvernement canadien qui a identifié que le réservoir, contrairement à ce qui est affirmé par le Natural...

M. Saganash: Mais répondons à la question qui sous-tend ce que vous dites. Est-ce que les Cris sont là pour dénigrer les Québécois à l'extérieur? Je ne crois pas. Ça n'a jamais été l'intention des Cris, ce ne sera jamais l'intention des Cris que de dénigrer qui que ce soit. On critique des projets, on critique des projets tels Hydro-Québec, mais jamais... Moi-même, je suis allé à Duke University, en Caroline du Nord, pas plus tard qu'en mai dernier, pour dire — parce que c'était une conférence sur le droit à l'autodétermination — que les Québécois, s'ils se considèrent comme Québécois et comme peuple, ont le droit à l'autodétermination. Tous les peuples ont ce droit-là. Alors, nous ne sommes pas là pour dénigrer qui que ce soit. Il est faux de prétendre que les Cris sont là pour dénigrer les Québécois, jamais, et la plupart des discours, parce que j'ai lu les discours, suite à la réaction de l'Assemblée nationale à l'époque de la parution de l'annonce dans le New York Times... J'ai lu ce qu'on a dit, jusqu'à maintenant, dans les discours que Matthew Coon Come a faits ou que moi-même j'ai faits aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, et je n'ai pas trouvé, dans les textes, la mention, ne serait-ce qu'une fois, le mot «Québécois» ou le mot «Canadien». On parle de gouvernement des fois, on parle d'Hydro-Québec et des projets d'Hydro-Québec des fois, mais nous ne sommes pas là pour dénigrer qui que ce soit, détrompez-vous de ce côté-là. (16 h 40)

M. Chevrette: Mais je ne sais pas, ce sont peut-être des gens qui ont amplifié à votre place. Il y a peut-être des gens qui interprètent ce que vous leur dites. Ça, on ne peut pas...

M. Saganash: Oui, c'est sûr qu'il y a d'autres gens, autour, qui disent plein de choses. Je veux dire, ils sont seuls responsables de leurs paroles.

M. Chevrette: Oui, mais, quand votre propre chef s'en vient nous dire, mon cher M. Saganash, que l'organisme qui, justement, nous descend le plus, à coups de faussetés... Je pourrais en reprendre un paquet, là. Je vous avoue très honnêtement, si on avait le temps, je vous lirais chaque accusation qui a été portée, puis je vous lirais exactement la réalité. Vous conviendrez que, quand vous appuyez un tel type d'organisme qui nous descend, à l'extérieur, avec de telles faussetés, celui que vous appuyez comme étant le meilleur défenseur et qui charrie des faussetés, on est au moins en droit de vous demander s'il n'y a pas un réalignement possible. Moi, je veux bien que vos droits soient respectés, discutés puis tout le kit, mais j'accepte mal que le Québec, qui est diminué, à l'extérieur... S'il y a des vérités, là, ça, toute vérité est bonne à dire, puis partout, je suis d'accord avec vous, mais des faussetés qui ont pour effet de diminuer le Québec, comme Québécois, là, au-delà des allégeances politiques et au-delà de tout, ça me fait mal, surtout quand c'est dit à l'étranger par des gens que vous appuyez, parce que vous dites que votre propre chef dit que c'est le meilleur organisme pour défendre vos droits. Je suis bien obligé de constater que c'est ça qui se passe, dans les faits.

M. Saganash: Vous savez ce que vous avez à faire. Communiquer, c'est... On est dans des pays démocratiques supposément libres, alors j'espère qu'il y a de la place à la critique et à l'opposition. Vous pouvez certainement convoquer les gens du NRDC pour vous expliquer...

M. Chevrette: Ils ne veulent pas venir.

M. Saganash: ...l'impact. Je pense que, de toute façon, un de l'exécutif du PQ est allé les rencontrer, M. Cliche. Alors...

M. Chevrette: C'est possible. Non, mais, je veux dire, ils étaient invités, puis ils se sont désistés. C'est pour ça que j'aurais aimé... Étant donné que M. Coon Corne faisait référence à cet organisme, on aurait aimé l'interroger, naturellement, mais je pensais que, cet après-midi, vous...

M. Saganash: Tout ça pour vous dire que je comprends votre sensibilité. Je connais les Québécois, vivant avec une. Je connais leur sensibilité. Ça, je n'ai aucun problème avec ça. Mais est-ce que, par hasard, vous, M. Chevrette, ça vous est déjà arrivé d'écouter les lignes ouvertes, à la radio, que ce soit à Québec ou à Montréal, par exemple, pour écouter ce qu'on dit à propos des autochtones, ici, au Québec? Est-ce que ça vous est déjà arrivé?

M. Chevrette: Oui, oui.

M. Saganash: Bon. Quand on considère que le mot «sauvage» a repris du service dans notre société, je pense qu'il y a des problèmes. Mais, moi, je ne suis pas là pour être populaire auprès de qui que ce soit; je suis là pour défendre les intérêts et les droits de mon peuple, et c'est ça que je vais faire. Et je n'ai pas besoin, ce faisant, de dénigrer qui que ce soit d'autre autour de moi.

M. Chevrette: Donc, vous condamneriez tous ceux qui disent des faussetés ailleurs, dans ce cas-là.

M. Saganash: Bien, moi, je le dis. Moi, je le dis personnellement. Je le dis, ce que j'en pense, puis, si on lit, par exemple, quelques articles où j'ai mentionné ces faits-là, oui, effectivement. Puis je comprends la réaction et je n'ai pas de problème avec la réaction. Mais, de là à dire que c'est... Si je publiais du jour au lendemain tout ce qui se dit sur les autochtones dans les lignes ouvertes, par exemple — il est faux de croire que vos paroles ne sortent jamais du village — si je me mettais à mettre ça à la face du monde... Ce n'est pas l'idée qu'il y a derrière ça. On est là pour défendre une cause et on va le faire du mieux qu'on peut. Vous êtes là pour nous critiquer également. Vous faites votre job aussi. Ça s'arrête là.

Le Président (M. Audet): Merci. Mme la ministre.

Mme Bacon: Vous mentionnez que le plan de développement comporte différentes catégories de risques. Est-ce qu'il y a des risques à se donner des objectifs d'économies d'énergie aussi élevés que ceux que vous proposez dans votre mémoire? Est-ce que vous ne trouvez pas que les... Vous voulez que je traduise? You say that the development plan includes various categories of risks. Are there not also risks involved in aiming at energy savings objectives as high as those proposed by the Grand Council?

M. Goodman: There are some risks in that context. However, they are limited. One of the things that is very notable about energy efficiency versus me-gaprojects is that you get feedback as you go along. You conduct a program, you start saving energy within a very short amount of time. If, after three years of very intensive activity, we see that it is difficult to meet the targets, Hydro-Québec can readjust the targets and can implement other short lead time generation if it is necessary. On the other hand, if, after three years, we find we are exceeding the targets, we can also adjust the program. The problem of megaprojects is that they have very long lead times. Hydro-Québec has identified that those long lead times are a problem. So, yes, there are some risks, but they are more limited than the alternatives.

Mme Bacon: La mission d'Hydro-Québec est évidemment, d'abord, de fournir de l'électricité aux meilleures conditions et d'optimiser ensuite l'avantage comparatif que constitue l'hydroélectricité, et, pour s'acquitter de son mandat, il est primordial de prévoir le

plus exactement possible les besoins futurs, faire un choix d'équipement approprié, en même temps. L'élec-trification de l'économie et l'augmentation de la consommation d'électricité per capita, c'est une tendance lourde, en Amérique du nord. Le Québec n'échappe pas à cette tendance. Les économies d'énergie permettront de ralentir le mouvement des besoins de projets, mais la demande d'électricité est constamment en expansion. Est-ce qu'il est raisonnable pour HydroQuébec de planifier ses équipements en fonction d'un scénario de croissance minimale de la demande?

M. Saganash: Je préférerais que ça soit M. Goodman qui réponde à la question.

Mme Bacon: Je vais simplifier. Ha, ha, ha! Would it be logical for Hydro-Québec to plan its installations only in accordance with a scenario of a minimal growth in demand?

M. Goodman: I think it is necessary for HydroQuébec to explicitly take into account the uncertainty about the level of demand. Obviously, it does not control how much electricity is going to be used, although it has substantial influence. Thus, it has to be prepared for dealing with higher than median scenario demand, and it has to be prepared for lower than median scenario demand, and there are risks in both directions.

Mme Bacon: Je pense que je vais retourner en anglais, parce que c'est une question plus technique, M. Saganash. Despite low fuel prices, most Québec consumers still choose electricity, and particularly in new residential buildings. For planning purposes, would it not be unwise to count on a reversal of this trend, and must we envisage coercive measures? Some people propose coercive measures.

M. Goodman: I think that there is a basic energy policy question that has to be answered. One of the major reasons why there is such a high rate of penetration for electric heating is that government policy has been extremely supportive of electric heating in the past. There are actions the government can take to encourage a change in this. One of the major reasons why electric heating is popular is because it is lower cost for builders to install. In most cases, these builders are not paying the electricity bills. Thus, there is a classic example of the way in which the energy markets do not work perfectly. I think if government policy changed, if there were a decision on the part of the government that there are lower-cost alternatives for heating in the future, I think the building markets could start to change fairly rapidly. I think there are also changes in building codes that could accelerate this.

So, I think that the decisions on energy policy need to be made first, and they are a very important input into what the level of electric heating penetration will be in the future. But I think, beyond that, even without a change in policy, it is very important for Hydro-Quebec's planning to explicitly take into account the uncertainties that stem from fuel prices. If oil and gas prices remain as low as they are currently, or they increase slowly, I think you are going to see some changes, and electric heating is not going to be installed in 95 % of homes in the future. Apparently, in portions of the province served by Gazifère, in the Hull area, you are already starting to see higher gas penetrations because of very agressive marketing on the part of the utility, the gas utility. So, I think you may start to see a change fairly rapidly. (16 h 50)

Mme Bacon: You mention gas, but what about the environment or environmental issues?

M. Goodman: There are certainly environmental issues relating to any energy source. I think, on balance, gas, especially when used efficiently for heating or in cogeneration, has less environmental impacts in hydroe-lectricity. In other places in North America where this issue has been considered, the decision has been that gas has less severe environmental impacts. BC Hydro is making choices between additional hydro projects and between gas for electricity generation and gas for heating. Their decision has been to encourage consumers that already have electric heating to switch to gas, to encourage new consumers to select gas. They are also encouraging gas for new electricity generation rather than building hydro projects.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Si on est capable de dire ce qu'on n'accepte pas, il faut dire ce qu'on accepte aussi. Moi, je sais que vous avez travaillé très, très fort pour faire les projections, analyser toute la situation d'Hydro-Québec, pour en arriver à la conclusion qu'on doit éliminer le plus possible les travaux d'envergure par, d'abord, des programmes d'efficacité énergétique, et ça, je dois vous dire que c'est un consensus qui semble se dégager assez majoritairement, mettre l'accent, au cours des prochaines années, sur la fiabilité du réseau, l'efficacité énergétique et peut-être faire des barrages d'appoint, en particulier sur des rivières qui ont déjà été harnachées, qui sont déjà endommagées, si vous me permettez l'expression. Je sais qu'il y en a qui n'aimeront pas ça, mais on n'a pas tenu compte, au départ, dans bien des cas, parce qu'il n'y a jamais eu de débat là-dessus au Québec, du fait qu'il y ait ou non des rivières patrimoniales. Il n'y en a aucune qui est consacrée, et ça m'apparaît être un des problèmes du système parce que c'est ouvert à l'ensemble des rivières, là. On n'en aura pas une qui n'y est pas susceptible, à moins qu'elle n'ait aucune importance pour l'hydroélectricité. Il n'y a pas un cours d'eau d'envergure qui pourrait être sauvé.

J'aurais deux questions à vous poser. Beaucoup de groupes ont parlé d'une commission de l'énergie indé-

pendante, qui pourrait parler d'une politique globale de l'énergie, au québec, compte tenu du fait que l'électricité représente 40 %, mais il y a aussi 60 % qui est le mazout et le gaz, qui ne font pas partie d'un plan de développement, qui ne s'intègrent pas dans le plan de développement et sur lesquels on ne fait porter aucune pression, par exemple, sur l'efficacité énergétique; on s'en tient à l'hydroélectricité. premièrement, seriez-vous d'accord pour participer activement à ce genre de débat public pour une politique énergétique et seriez-vous en faveur d'une commission indépendante de l'électricité, au québec?

M. Saganash: La réponse, c'est définitivement oui. Nous avons, dans le passé, colporté également cette idée. Nous faisions partie d'une coalition pour un débat public sur l'énergie au Québec, et nous croyons que c'est encore une idée qui doit faire son chemin et qu'on doit même aller dans ce sens-là aujourd'hui. Le débat public sur l'énergie, je pense que les Québécois le réclament depuis fort longtemps, depuis, du moins, le début des années quatre-vingt, et ça n'a jamais eu lieu. Donc, la suggestion d'avoir une commission indépendante pour considérer toutes les questions énergétiques, et non seulement la filière hydroélectrique, mais toutes les autres filières également, thermique et autres, oui, définitivement, nous allons participer, si c'est le cas.

M. Chevrette: L'autre question. Vous comparez souvent le Québec et votre région à des centrales américaines, et il y a des critiques là-dessus. Au point de vue comparabilité, là, d'étendue, de nombre de mégawatts, etc., est-ce que c'est très semblable, les centrales que vous prenez à témoin par rapport aux projets que vous comparez, à La Grande, par exemple? Dans votre texte, vous faites souvent appel à plusieurs centrales américaines. Est-ce que c'est vraiment comparable avec les projets qu'on installe dans le Nord?

M. Saganash: Les comparaisons se font au niveau énergétique, toutes les questions énergétiques entourant les «public utilities» comme Hydro-Québec. Mais je vais demander à M. Goodman de répondre.

M. Goodman: Obviously, each utility, each jurisdiction is unique and Québec is certainly unique in many ways. But many of the forces which are changing the energy markets in Québec are also the forces that have transformed the energy markets in Ontario, in New York and in New England. Hydro-Québec obviously is a very heavily hydro-based utility. That is also true in Manitoba or British Columbia, and they are facing the same types of choices as Québec. Thus, the lessons that we have seen elsewhere have many applications in Hydro-Quebec's situation. They have to be considered in the unique context of Hydro-Québec. However, the directions that are changing the markets elsewhere are also directions that will affect Hydro-Québec.

Le President (M. Audet): Merci.

M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président.

D'entrée de jeu, M. Saganash, j'ai énormément apprécié vos derniers commentaires, vos dernières paroles lorsque vous avez fait votre présentation, lorsque vous avez parlé d'un printemps, d'une nouvelle attitude et d'une nouvelle manière de voir les choses.

Le député de Joliette, tout à l'heure, a touché ce que je questionne, parce que, lorsque je regarde cette grande problématique là, ça fait peur, lorsqu'on regarde une quarantaine de milliards de dollars à rajouter sur la dette d'Hydro-Québec. Et il y a tout le contexte aussi de vos traditions et aussi des nôtres, de nos relations, de ce qu'on veut léguer aussi aux générations à venir. Il y a, par contre, qu'on est pris à vivre ensemble, je pense, dans un monde moderne de globalisation, puis on ne peut pas revenir en arrière, il faut toujours aller en avant. Mais, par contre, il faut garder, je pense, nous, les humains, nos deux pieds bien ancrés dans nos racines et dans nos traditions, parce qu'à un moment donné on va arriver dans un monde qui va être complètement déboussolé.

Alors, ceci étant dit, moi, je pense qu'il y a peut-être moyen, comme le député de Joliette l'a dit, comme je l'ai mentionné à quelques occasions aussi au cours des derniers jours, de regarder ce qui a commencé à être harnaché, puis il y a peut-être 1800 MW qu'on pourrait aller finir, tout en corrigeant, en essayant de corriger des problèmes qui sont là, comme on a vu, ce matin, avec la Saint-Maurice. Alors, il y a différentes rivières qui sont comme ça.

Mais ceci étant dit, oui, vos économies d'énergie, il faudra explorer cette filière-là, mais, tôt ou tard, on va arriver dans le temps... Est-ce que c'est en l'an 2000? Est-ce que c'est en 2005? Est-ce que c'est en 2010? Quelque part dans le temps, on va arriver avec des besoins énergétiques pour rencontrer tous nos besoins à nous, ici, qui vivons sur la terre du Québec.

Il y a une forme d'énergie, qu'on verra dans un mémoire ce soir, qui parle aussi de vos territoires et qui est toute l'énergie éolienne. Puis, on nous dit qu'il y aurait énormément de potentiel ici, lorsqu'on regarde les mégawatts ou les térawattheures qu'on serait capable de développer, et que ça serait une énergie qui serait beaucoup plus propre ou qui handicaperait moins le territoire. Alors, j'aimerais, moi, vous entendre sur ce point de vue là, si vous l'avez évalué, si ça ne serait pas une évaluation possible, dans le temps, pour repousser le plus loin possible dans le temps les échéanciers d'harnachement de nouvelles rivières, de regarder ces nouvelles formes d'énergie là.

M. Saganash: Je pense que c'est le défi d'Hydro-Québec d'essayer de voir autre chose que de construire des barrages et d'avoir, comme le groupe Environnement Jeunesse a dit, ses réflexes de castor. Je pense que c'est le défi. Hydro-Québec continue... D'emblée, je dois reconnaître la réputation planétaire d'Hydro-Québec dans son expertise de construction en ingénierie et en

gestion de grands projets. Ça, je n'ai pas de problème avec ça. Mais le défi, je pense, d'Hydro-Québec et surtout des ingénieurs, c'est d'essayer de voir, pour l'avenir, comment on peut trouver de nouvelles technologies, une nouvelle manière de faire ces choses-là. Je pense que c'est ça, le défi qu'on doit se proposer. Parce que, de dire qu'un jour ça va être inévitable, qu'il faudra construire ces barrages-là, je pense que c'est fataliste comme attitude et qu'il faut refuser d'avoir cette attitude-là, à mon avis. Nous avons un grand défi devant nous, et je propose même ce défi-là aux ingénieurs du Québec, parce qu'ils ont une réputation internationale, qu'ils méritent d'ailleurs, mais il faut commencer à voir autre chose que ça, essayer de trouver d'autres technologies.

M. St-Roch: Mais, un peu plus...

Le Président (M. Audet): Brièvement, M. le député. Il ne nous reste presque plus de temps.

M. St-Roch: Oui, très brièvement. J'ai une question un peu plus pointue. On nous dit, ici, qu'il y aurait peut-être la possibilité de développer 12,2 TWh énergie éolienne considérant la Baie James et l'Hudson. Est-ce que c'est une approche qui vous apparaît probable, avec vos gens, votre milieu, vos traditions, de dire un jour: Oui, peut-être que les moulins à vent ou les éoliennes seraient quelque chose, une alternative qui pourrait être considérée?

M. Saganash: Oui, évidemment. On n'est pas des gens qui s'opposent à tout prix à tout, on ne l'a jamais été, et les gens savent qu'ils doivent se rattacher à leurs racines, comme vous dites, pour pouvoir affronter mieux l'extérieur, parce que nous vivons, effectivement, dans le XXIe siècle. Il y a une globalisation des phénomènes qu'il faut reconnaître. Alors, dans ce sens-là, oui, il faut s'ouvrir à ça, mais c'est une question qui doit être répondue non pas par moi, à titre de vice-grand-chef ou de porte-parole des Cris, mais par le peuple cri et, si un jour on arrivait et on nous disait: Voici les solutions qu'on pourrait peut-être regarder ensemble, est-ce qu'il serait possible... Parce que, à l'heure actuelle, la façon dont ça fonctionne, aujourd'hui, on a dit: Tassez-vous, nous, on s'en vient avec nos projets. C'est une attitude colonialiste dont il faut se débarrasser. Il faut faire les choses autrement. Je suis absolument persuadé que, si le gouvernement du Québec était arrivé en 1989 et qu'il avait dit aux Cris — c'est quelque chose de personnel que je vous dis: Bon, voici, nous avons un projet qui nous intéresse, qu'est-ce que vous en pensez? est-ce qu'il serait possible de s'entendre? peut-être qu'il y aurait eu moins de problèmes aujourd'hui. Alors, c'est une question d'attitude également, et tout ce que je peux vous dire, c'est que les Cris sont ouverts, mais pas au prix qu'on s'attend de nous, le prix social et le prix environnemental qu'on nous propose à l'heure actuelle. (17 heures)

Le Président (M. Audet): Alors, M, Saganash, messieurs, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre présentation.

Nous allons suspendre deux minutes afin de permettre à la ville de Rouyn-Noranda de s'avancer.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 7)

Le Président (M. Audet): Si vous voulez prendre place, la commission va reprendre ses travaux. Nous recevons maintenant la ville de Rouyn-Noranda. Alors, messieurs, au nom des membres de la commission, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre exposé et vous présenter, ce qui est très important. Ensuite, suivra une période d'échange d'une quarantaine de minutes. Vous pouvez y allez, vous avez la parole.

Ville de Rouyn-Noranda

M. Cloutier (Gilles): Mme la ministre, vice-première ministre, ministre de l'Énergie et des Ressources, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, j'aimerais vous présenter d'abord la personne qui m'accompagne, qui est le commissaire industriel de la société de développement du Rouyn-Noranda régional. Nous devions avoir avec nous aussi, ce soir, le président de la Chambre de commerce de Rouyn-Noranda. Il ne peut être présent, compte tenu que son père est décédé hier. Donc, malheureusement, il a dû se décommander.

Alors, la ville de Rouyn-Noranda a pris connaissance avec intérêt de la dernière version du plan de développement d'Hydro-Québec. Mme la ministre se souviendra qu'en mai 1990 nous avons fait connaître à cette même commission parlementaire notre point de vue sur le plan de développement 1990-1992 de la société d'État. On se souviendra aussi que moins d'un an plus tard, en mars 1991, nous avons entrepris de nous opposer à la division du territoire de La Grande Rivière, dont le siège régional est à Rouyn-Noranda. Avant cette division, le territoire de La Grande Rivière s'étendait sur 300 000 km, soit près de 20 % de la superficie du Québec. L'importance de ce siège régional Grande Rivière, chez nous, est l'une des principales raisons de notre présence à cette commission parlementaire, aujourd'hui.

Toutes les installations de la région de La Grande Rivière relèvent du centre d'exploitation régional à Rouyn-Noranda, véritable cerveau qui coordonne l'exploitation du réseau de production, de transport et de distribution de l'électricité. L'hydroélectricité est devenue, depuis le début de l'année 1985, c'est-à-dire au moment où il y a eu fusion des régions Abitibi et Baie James, l'un des moteurs très importants de notre développement économique. Nos principales ressources,

minières et forestières, qui ont contribué pendant de nombreuses années à notre essor économique, s'épuisent. L'hydroélectricité est donc devenue pour nous une question de survie économique. Nous souhaitons ardemment qu'Hydro-Québec mette de l'avant ses projets de développement et nous voulons en tirer le meilleur profit possible. Notre mémoire d'aujourd'hui fait d'abord le point sur la situation actuelle et il rappelle nos principales préoccupations.

Nos préoccupations: l'embauche des travailleurs sur les grands chantiers de construction; la place des travailleurs de l'Abitibi-Témiscamingue dans l'opération des centrales nordiques; la mise en oeuvre de politiques de recrutement et de formation favorisant une participation accrue des travailleurs de la région; la décentralisation des activités de recherche; la politique d'achat favorisant les retombées régionales. (17 h 10)

Nous jetons aussi un coup d'oeil intéressé aux grandes orientations et aux principaux virages annoncés par l'entreprise. Finalement, nous émettons quelques commentaires sur la question du développement versus celle de la protection de l'environnement. les grands travaux. ni rouyn-noranda, ni l'abitibi-témiscamingue n'ont, jusqu'à maintenant, tiré un avantage marqué des grands travaux réalisés par la sebj. l'été dernier, un peu plus de 5000 personnes s'affairaient à compléter les puissances installées du complexe la grande. environ 250 d'entre elles, ou 5 %, provenaient de l'abitibi-témiscamingue. la même proportion s'applique aux entreprises: seulement 2 sur 40 sont de provenance abitibienne, et une seule de la région du nord du québec. pour des régions limitrophes au territoire de la baie james, ce n'est pas beaucoup.

Nos entrepreneurs dénoncent certaines anomalies dans l'attribution des contrats. L'exigence d'avoir une place d'affaires sur le territoire pour l'exécution des travaux est facilement contournable. Nous pourrons élaborer lors de la période des questions sur ce sujet. Il faut trouver des moyens, établir des mécanismes qui permettent aux entreprises et aux travailleurs de la région de participer davantage aux grands travaux. De meilleurs canaux d'information doivent donc être établis pour que les entreprises et les travailleurs de la région aient la chance d'y participer davantage. L'Abitibi-Témiscamingue est prête à faire sa part pour établir des communications plus soutenues entre le maître d'oeuvre et les grands entrepeneurs, d'une part, et la région, d'autre part. l'exploitation des centrables nordiques. depuis juin 1992, seules les centrales du secteur ouest de la baie-james demeurent rattachées au siège régional de la grande rivière, situé à rouyn-noranda. l'exploitation actuelle de ces centrales fournit du travail à environ 425 personnes du siège régional. seulement 45 % de ces personnes résident en abitibi-témiscamingue. c'est peu, beaucoup trop peu. on avance souvent, comme facteur de cette situation, le maintien des droits acquis pour les travailleurs de montréal et de québec avant la création de La Grande Rivière en 1985. C'est là une fausse explication. Le manque de rigueur dans l'application de la politique des ports d'attache explique beaucoup mieux le peu de progrès réalisé en faveur des travailleurs de l'Abitibi-Témiscamingue. Entre 1985 et 1991, pas moins de 189 nouveaux travailleurs ont obtenu un poste dans le secteur ouest de la Baie-James, sans établir leur résidence en région. Ce qui nous fut présenté comme des cas d'exception est en fait devenu monnaie courante, en dépit de la politique et du discours officiellement contraire de la société. Nous ne sommes pas disposés à ce que des pratiques du même genre soient rétablies en douce au cours des années qui viennent.

L'augmentation des puissances installées sur le nouveau territoire de La Grande Rivière — LG 1 et LG 2A — générera en effet une centaine de nouveaux postes permanents d'ici l'an 2000. Selon la politique d'Hydro-Québec, ces postes seront accessibles aux travailleurs de l'Abitibi-Témiscamingue et à ceux qui sont prêts à s'y établir. Mme la ministre comprendra que, sur cette question, nous serons particulièrement vigilants.

Le recrutement et la formation de la main-d'oeuvre. Il nous plaît de reconnaître que, depuis la fin de 1991, la politique de recrutement d'Hydro-Québec commence à être plus favorable à notre main-d'oeuvre régionale. Pour les postes de techniciens et de métiers, certains employés temporaires de la région ont acquis une priorité d'embauché sur les employés temporaires des autres régions qui répondent aux mêmes critères. C'est un pas intéressant dans la bonne direction. Les responsables de La Grande Rivière déploient aussi des efforts importants pour faire connaître les besoins en main-d'oeuvre spécialisée, pour inciter les jeunes à choisir une formation pertinente et pour sensibiliser la population féminine à l'attrait des métiers moins traditionnels.

Le siège régional de La Grande Rivière ne cache pas non plus son parti pris envers les organismes et les institutions de formation du milieu, tant pour la préparation de la main-d'oeuvre future que pour le recyclage et le perfectionnement du personnel déjà en place. Cet esprit de collaboration crée des opportunités pour Rouyn-Noranda et l'Abitibi-Témiscamingue, et que l'Abitibi-Témiscamingue entend bien saisir. Au cours des années qui viennent, on assistera certainement à la multiplication des initiatives et des ententes entre HydroQuébec et ses partenaires en formation.

La recherche. Au cours de son dernier exercice financier, Hydro-Québec prévoyait dépenser plus de 12 000 000 $ à différents travaux de recherche en milieu nordique. Cette somme se partage entre la Direction recherche et encadrement — 3 500 000 $ — et la Direction des études d'impact — 9 400 000 $ — ces directions se rattachant à la vice-présidence Environnement du siège social d'Hydro-Québec.

Dans leur presque totalité, les analyses et les recherches ont été confiées à des consultants universitaires ou à des consultants privés. Un groupe de travail mis sur pied par l'Université du Québec en Abitibi-

Témiscamingue pour faire le bilan de la recherche effectuée dans le Nord du Québec s'est buté au mutisme absolu touchant l'identité des contractuels. Cette situation est absolument incompréhensible et encore moins acceptable. Les devis de recherche doivent être rendus publics ainsi que les règles d'attribution et les récipiendaires des contrats. Il est très étonnant qu'on ne procède pas, dans ce domaine, par voie de soumissions publiques auprès de tous les milieux concernés. Et, s'il y a soumissions publiques, il y a normalement divulgation des résultats. Nous demandons à Hydro-Québec de plus amples explications à ce sujet. Nous vous demandons également, Mme la ministre, de clarifier cette situation auprès des dirigeants d'Hydro-Québec et de faire modifier la procédure, si nécessaire.

Dans son plan de développement, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue projette de créer un centre de recherche environnementale minier. Serait-il possible et pensable qu'Hydro-Québec décentralise certaines activités de recherche qui pourraient être compatibles avec celles de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue?

La politique d'achat. Les biens et services achetés par ou pour La Grande Rivière représentent plus de 130 000 000$ par année — année 1991. Le bureau d'achat régional a placé pour 35 000 000 $ de commandes, alors que 53 000 000 $ — 40 % du total — ont été adjugés à des fournisseurs de l'Abitibi-Témiscamingue. L'évolution de ces données dépendra du maintien du rôle confié à La Grande Rivière pour tout le territoire de la Baie James et du pouvoir de dépenser qu'on accordera au bureau d'achat régional. Présentement, seuls les achats inférieurs à 100 000 $ sont de juridiction régionale. Nos positions en ce domaine sont les suivantes: considérant l'expertise développée par La Grande Rivière, considérant aussi les avantages administratifs, économiques et logistiques qui en découlent pour l'entreprise, nous recommandons fortement que La Grande Rivière conserve le mandat d'achat pour tout le territoire de la Baie James; pour des raisons similaires, et considérant que les fournisseurs de l'Abitibi-Témiscamingue sont de plus en plus aptes à répondre aux besoins d'Hydro-Québec, nous demandons que la limite des 100 000 $ soit révisée à la hausse.

Les grandes orientations d'Hydro-Québec. Plusieurs des orientations proposées par Hydro-Québec intéressent au plus haut point chaque Québécois. Les consommateurs que nous sommes applaudiront au virage clientèle et au virage qualité amorcés en 1990 et que l'entreprise veut poursuivre avec détermination. Il y a là beaucoup plus qu'une réaction de client. Hydro-Québec est une entreprise, c'est vrai, mais elle est aussi un symbole: celui de la réussite québécoise dans un secteur névralgique. Par leur engagement au défi performance, les travailleurs et les gestionnaires d'Hydro-Québec méritent nos félicitations.

D'autres orientations sont importantes pour l'ensemble québécois et pour les régions. Parmi ces orientations, on peut regrouper celles qui visent: l'amélioration du réseau existant; la diminution de la facture énergéti- que pour les entreprises et les foyers — bilan énergétique, tarification innovatrice; l'expansion des moyens alternatifs de production ou de distribution — producteurs privés, cogénération, réseaux municipaux de distribution; l'encouragement au développement des électrotechnologies. Ces priorités créent un climat et des occasions d'affaires propices au développement local et régional. Rouyn-Noranda a aussi son projet de cogénération. Nous aimerions pouvoir élaborer davantage, lors de la période des questions, sur la nature de ce projet.

Environnement versus développement? Fidèle au courant nord-américain, l'entreprise se tourne aussi d'une façon plus résolue vers les économies d'énergie. Nul ne conteste la pertinence de cette orientation: ce virage s'imposait. On sait cependant que cette orientation ne pourra dispenser Hydro-Québec de mettre en chantier de nouveaux travaux de grande envergure. À notre avis, la société d'État est justifiée de maintenir son intention de réaliser des projets qu'elle annonçait en 1990, dont celui de Grande-Baleine. Nous souhaitons que l'exploitation des installations de Grande-Baleine relève éventuellement de la région de La Grande, ce qui compenserait pour la division de La Grande Rivière au profit du Saguenay—Lac-Saint-Jean. (17 h 20)

En matière d'environnement, nos positions actuelles se comparent donc à celles que nous avons exprimées il y a trois ans. Le Québec a fait sa marque en matière de construction de barrages, de production hydroélectrique et d'aménagement raisonnable de cette ressource. Aujourd'hui, Hydro-Québec se donne pour objectif de devenir la meilleure entreprise de ce type au Canada. Bravo! Aucun projet humain n'est possible sans modifier l'environnement. Il n'en a jamais été ainsi, et il n'en sera jamais. Même les projets mineurs engendrent des modifications. Les travaux majeurs créent des modifications substantielles, mais il faut dissiper un malentendu fondamental et trop abondamment exploité. Une modification à l'environnement, même lorsqu'elle est substantielle, n'est pas synonyme de destruction. L'Abitibi-Témiscamingue est une région minière et forestière, je vous le rappelle, et, s'il avait fallu s'opposer à tout développement parce que c'est très agressant pour l'environnement de couper des arbres et d'exploiter le sous-sol, jamais l'Abitibi-Témiscamingue n'aurait vu le jour. Par ses grands projets, Hydro-Québec crée de nouveaux environnements. Compte tenu de son expertise, de ses obligations et des énergies qu'elle y consacre, elle saura réaliser ses projets en créant de nouveaux équilibres écologiques tout à fait viables, nous en sommes convaincus.

Hydro-Québec annonce aussi son intention de promouvoir ses projets en maintenant des contacts étroits avec les groupes les plus directement touchés, dont les communautés autochtones. Dans le contexte des attaques spectaculaires, et parfois vicieuses, dont HydroQuébec fait régulièrement les frais, cette attitude est magnanime et responsable.

En conclusion, Mme la ministre, nous vous signa-

Ions l'intérêt que Rouyn-Noranda et l'Abitibi-Témisca-mingue portent aux projets d'Hydro-Québec. Notre intention est de nous associer le plus possible à l'aménagement et à l'exploitation des ressources hydroélectriques, principalement de la baie James et de la baie d'Hudson. Nous souhaitons que cette perspective soit partagée par les gestionnaires et les administrateurs d'Hydro-Québec.

Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, Mme la ministre, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Audet): Merci.

Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Alors, messieurs, je voudrais vous remercier d'être venus rencontrer la commission parlementaire et de nous avoir fait parvenir un mémoire important, je pense, pour les discussions que nous avons au cours de cette commission parlementaire.

L'objectif général que vous avez fixé dans votre mémoire, c'est évidemment de maximiser les retombées économiques dans votre région et, bien sûr, dans la ville de Rouyn-Noranda. Si je ne m'abuse, vous aviez soumis, en 1990, lors de la commission parlementaire sur la situation et les perspectives d'avenir de l'énergie électrique au Québec, vous aviez soumis, dis-je, un mémoire qui comportait essentiellement le même objectif, alors qu'en 1990 vos recommandations avaient une portée plus générale. On parlait, à l'époque, de planification, d'information, de décentralisation. Cette fois-ci, vos attentes me semblent de plus en plus précises et elles portent sur des points plus spécifiques, comme on a pu le constater à la lecture de votre mémoire.

Diriez-vous que, malgré les lacunes que vous déplorez toujours en matière d'embauché, en matière de recherche, la situation, en ce qui concerne les retombées économiques, au niveau de la région, cette situation s'est améliorée de façon satisfaisante, depuis 1980?

M. Cloutier: Oui. Dans un premier temps, il y a eu formation d'un comité de liaison avec Hydro-Québec. Donc, on échange beaucoup plus, on est beaucoup plus au fait des développements à venir d'Hydro-Québec en région. Ça nous permet d'intervenir plus directement auprès des décideurs. En termes de formation de la main-d'oeuvre, on a réalisé quand même, je crois, beaucoup de progrès. Il y a un plan qui a été soumis par Hydro-Québec sur ses besoins éventuels en matière de personnel et, déjà, au niveau, soit du cégep de l'Abitibi-Témiscamingue ou de l'Université du Québec, on a pu mettre sur pied des programmes pouvant former davantage les jeunes pouvant éventuellement faire partie de la main-d'oeuvre d'Hydro-Québec.

En termes d'achats, on doit dire qu'il y a eu des améliorations aussi dans ce secteur-là. Nos gens, nos entreprises sont beaucoup mieux informés et, déjà, on peut... En termes de retombées, il y a des retombées au niveau des achats. Ce qui nous inquiète, toutefois, au niveau de La Grande Rivière, suite à la division qu'il y a eu avec le Saguenay—Lac-Saint-Jean, c'est: Est-ce que, éventuellement — ce n'est pas le cas présentement — on va partager en deux les achats qui, actuellement, sont faits en Abitibi-Témiscamingue? Du fait qu'on a divisé en deux, une partie va se déplacer vers le Saguenay—Lac-Saint-Jean. Là est notre inquiétude, et on aimerait bien, éventuellement, qu'on puisse confier à un bureau régional tous les achats qui vont continuer à se faire, au niveau du territoire de la Baie James, en Abitibi-Témiscamingue. Vous l'avez mentionné, c'est bien sûr que la ville de Rouyn-Noranda, pour nous et PAbitibi-Témiscamingue, le plaidoyer qu'on a fait, c'est pour qu'il y ait le plus de retombées possible.

Mais oui, Mme la ministre, il y a eu des améliorations. On est encore en attente pour différents projets, surtout des projets de construction. Là-dessus, il n'y a pas eu beaucoup d'amélioration, et on pourrait vous indiquer où est le problème. C'est qu'avec toute la construction qui est régie par la Société de développement de la Baie James c'est bien sûr que, là-dessus, on est en attente encore. Il n'y a pas eu beaucoup de progrès. On a tenté des choses et peut-être que la personne qui m'accompagne pourrait vous dire pourquoi, normalement, on devrait s'attendre à beaucoup plus, à ce qu'on contourne la loi qui a été mise sur pied ou les règlements pour avantager une région comme la nôtre.

M. Rouleau (André): En fait, on peut dire que les invitations aux soumissions publiques, qui ont été faites à partir de la Société de développement de la Baie James, la Société de développement ou de l'énergie, visait, par la politique d'appel d'offres, à attribuer à des régions spécifiques, dont l'Abitibi-Témiscamingue fait partie, des contrats. L'appel d'offres nomme une place d'affaires lorsqu'elle contracte l'ouvrage avec le traiteur, mais, dans la forme légale, la politique qu'on a voulu apporter dans ce mouvement-là, on s'aperçoit que c'est facilement contourné, c'est facilement contournable. Les entrepreneurs locaux, régionaux se plaignent assez régulièrement de cet état de fait là. Il y a eu une amélioration sensible dans le sens où, à un moment donné, dans l'appel d'offres public, on a apporté clairement ce qu'était la place d'affaires. On en a fait une définition qu'on met maintenant ouverte aux journaux, mais, malgré ça, il reste néanmoins que ça semble être plus de la poudre aux yeux que d'autre chose parce que, dans les termes pratiques ou dans la poursuite, le suivi de la politique, on peut voir que ça se contourne trop facilement.

Alors, il y a eu des pas, il y a eu des initiations qui ont été faites mais, malheureusement, à date, on dit que 5 % des travailleurs se retrouvent à la Baie James et on dit qu'il y a 5 % des entrepreneurs de notre région qui s'y retrouvent aussi. Par rapport à la proximité des lieux, par rapport à la main-d'oeuvre qu'on a, par rapport aux entreprises locales qu'on a, c'est très peu. C'est trop peu. Alors, il y a peut-être des choses à suivre là-dedans, il y a peut-être des révisions à faire, peut-être un peu plus de suivi de cette part-là. (17 h 30)

Mme Bacon: Vous déplorez qu'un grand nombre d'employés, il me semble que c'est 189 sur 450, qui travaillent dans le secteur ouest du territoire, donc relevant du siège social de La Grande Rivière, que ces employés-là ne résident pas dans la région. Évidemment, ces travailleurs préfèrent plutôt demeurer dans le sud et faire la navette à partir du port d'attache. Vous affirmez que ce qui devait être des cas d'exception était devenu monnaie courante en dépit du discours officiel d'Hydro-Québec. Peut-être pour l'information de cette commission, est-ce que vous pouvez effectuer, peut-être, un bref rappel historique de ce dossier-là, en précisant ce en quoi il consiste et en quoi consiste la politique d'Hydro-Québec concernant les ports d'attache? Qu'est-ce qui, selon vous, empêche Hydro-Québec d'appliquer cette politique-là avec plus de rigueur?

M. Cloutier: Dans un premier temps, il faut se rappeler qu'en 1985 il y avait deux ports d'attache: le Saguenay-Lac-Saint-Jean et Rouyn-Noranda. Pour toute embauche d'employés, les gens devaient consentir à venir s'établir en région pour travailler à la Baie James. Par contre, on a toléré pendant quelques années le fait que des gens, étant donné qu'on ne pouvait pas trouver la main-d'oeuvre sur place... On consentait aux gens le fait qu'ils pouvaient demeurer soit à Montréal ou Québec et éventuellement, donc, ils bénéficiaient d'un genre de droit acquis. On était censé, quelques années plus tard, s'entendre — parce que ce droit acquis là ils pouvaient en bénéficier pendant un certain temps — pour qu'ils soient obligés, éventuellement, de déménager. Ce qui s'est passé, c'est qu'on a fait une reconduction, suite aux négociations de conventions collectives, de ces droits acquis, tant et si bien que les gens qui devaient venir s'établir chez nous, ils ont donc bénéficié d'un deuxième droit acquis, si on peut dire. Ce qui fait qu'à un moment donné on aurait dû... Hydro-Québec devait corriger la situation. Suite aux dernières négociations, on a quand même laissé du lest au niveau de ce qu'on appelle les emplois temporaires. Des gens qui occupaient des emplois temporaires de moins de 1000 heures n'avaient plus de droits acquis dans les grands centres et, à ce moment-là, pour les emplois temporaires, les gens devaient vraiment s'établir dans la région de l'Abi-tibi-Témiscamingue ou au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Ça, il y a eu une nette amélioration là-dessus.

Mais les postes permanents, selon les listes d'appel, tout ça, souvent, ceux qui ont droit à ces postes-là, ce sont des gens de Québec et Montréal, et on a permis qu'ils puissent combler ces postes-là sans qu'ils soient obligés de déménager en région, et c'est peut-être là qu'un moment donné ces engagements-là, qui avaient été pris, n'ont pas été respectés. Nous, on dit: On est prêts à tourner la page là-dessus. Mais, pour les nouveaux emplois à venir, pour les centaines d'emplois qui s'annoncent, bien, là, on dit: Un instant, il ne faudrait pas que ça se répète, cette situation-là, parce qu'on va encore donner à des travailleurs des droits acquis. On pourrait dire: Bien, écoutez, ils ne veulent pas déménager, et on va respecter ça.

Le Président (M. Audet): Merci. M. Cloutier: Je ne sais pas si... Mme Bacon: Ça répond. M. Cloutier: Oui?

Le Président (M. Audet): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui, je vais partir de là. Ha, ha, ha! Je trouve que ça s'enchaîne bien. C'est pour la durée d'un projet, le déménagement des employés que vous demandez, M. le maire?

M. Cloutier: Lorsqu'on parle d'employés permanents... C'est bien sûr que, lorsqu'on parle de permanence, ça touche surtout l'exploitation des barrages, et l'exploitation des barrages, bien, c'est plus que la durée d'un projet. Ça ne cesse jamais, ces projets-là, là, ça...

M. Chevrette: Ah! l'exploitation.

M. Cloutier: En tout cas, on espère que ça ne cessera pas.

M. Chevrette: Mais appliquez-vous une rigueur semblable pour la construction des barrages?

M. Cloutier: Non. La construction des barrages, la rigueur, à mon avis, n'est pas semblable, étant donné que les contrats qui sont adjugés, les ports d'attache, tout ça, ça n'entre pas en ligne de compte, et la SEBJ n'est pas touchée par ça.

M. Chevrette: Quand vous parlez de priorité d'embauché aux travailleurs de la région de l'Abitibi, vous parlez autant pour la construction que pour la gestion, après ça, du réseau?

M. Cloutier: Oui. Lorsqu'on parle de priorité d'embauché, on aimerait bien, et c'est bien sûr que c'est les contracteurs qui embauchent leur personnel. Or, plus il y aura de contracteurs en Abitibi-Témiscamingue qui obtiendront des contrats, plus on sera peut-être avantagés de ce côté-là, mais ça n'empêche pas que, pour d'autres contracteurs, aussi, de l'extérieur, on demande que leur place d'affaires soit installée à proximité des grands projets. Actuellement, ce que les gens font, c'est qu'ils apportent des roulottes, et ça devient leur place d'affaires. Les gens disent: Bien, on a notre place d'affaires sur place. Maintenant, on peut bénéficier et gérer les contrats comme bon nous semble. C'est vraiment une place d'affaires déguisée et, nous, on se dit: Bien, si on veut avoir de véritables retombées, une place d'affaires, dans un endroit, ça devrait être un petit peu plus qu'une roulotte mobile qui disparaît après que le projet est terminé.

M. Chevrette: Je dois vous dire que, là-dessus, vous... Il y a plusieurs régions qui ont demandé la même chose, là, de scinder les contrats pour rendre plus potables certaines soumissions — des gens du milieu, à part de ça. Effectivement, quand on arrive avec la soumission d'un mégaprojet de x centaines de millions, il y a peu de nos contracteurs locaux qui peuvent soumissionner sur le projet, alors que, s'il était scindé en diverses étapes... Prenez, par exemple, la construction d'une route d'envergure. Elle peut être tronçonnée, puis il y aurait, à ce moment-là, plus de facilité, même, d'accès aux soumissions publiques pour les entrepreneurs du milieu. Ça, ça a été donné par plusieurs groupes, comme l'Association de la construction, je crois. Les gens du Saguenay—Lac-Saint-Jean l'ont également souligné, puis d'autres. Donc, sur ce point-là, je pense que vous rencontrez...

M. Cloutier: Oui, c'est une de nos attentes, bien sûr, souventefois répétées.

M. Chevrette: Ça n'a pas été écouté trop, trop?

M. Cloutier: Non. Chez nous, ce qu'on a fait, c'est qu'on a rencontré à quelques reprises les hauts dirigeants de la SDBJ, pour se faire dire: On va nommer chez vous un organisme régional qui va s'occuper de ça, et on va lui envoyer de l'information. Vous comprendrez que ce fameux organisme régional là, un moment donné, il y avait des coûts afférents à ça, et on a tenté de demander aux municipalités de payer une facture quand même passablement élevée, pour maintenir un poste permanent, qui verrait, lui, à ce qu'il y ait des retombées. Or, bien sûr, entre les municipalités, il y a eu des divergences là-dessus, et celui qui devait être notre représentant régional, bien, il est disparu. Donc, on n'a plus d'interlocuteur valable, entre la SDBJ et nous, concernant l'adjudication des contrats.

M. Chevrette: Vous avez évalué votre main-d'oeuvre à 10 % ou quelque chose. Je suppose qu'une des difficultés doit être le décret de la construction, en ce qui regarde la main-d'oeuvre au niveau de la construction. Ce n'est pas ça?

M. Rouleau: Le décret de la construction, en soi, n'empêche pas que des gens proviennent d'une région exclusivement, c'est-à-dire que, pour les travaux relatifs à la Baie James, ce n'est pas les employés seulement de la région 08, Abitibi-Témiscamingue, qui peuvent y participer. Par contre, il n'y a pas non plus d'attraits ou d'attributs donnés, lors de la présentation des soumissions, disant que les employés devraient, en priorité, provenir de ce secteur-là. Alors, ils auraient pu, dans certains cas, ou il y aurait peut-être moyen, dans une certaine mesure, que certains contrats dont on connaît l'expertise régionale puissent être directement liés à ces choses-là. Ça serait peut-être un autre bout de chemin à faire qui, vraisemblablement, laisserait aussi un support économique à la région de Rouyn-Noranda. Il faut se dire que rouyn-noranda, l'abitibi-témiscamingue repose sur des richesses naturelles, des richesses premières. plus ça va, plus ça s'épuise. il faut essayer de trouver, puis renouveler un petit peu nos énergies pour faire du développement économique. en ce sens-là, je pense qu'hydro-québec est un bon participant à date, mais je pense qu'il y a encore place à amélioration dans les choses comme celle de nos travailleurs en construction. quand on dit que c'est 5 % des travailleurs de la région de f abitibi-témiscamingue qui sont sur le territoire de la baie james, alors qu'on est une région très près — on a quand même beaucoup d'employés de la construction qui ont de l'expertise, comme partout ailleurs au québec — on trouve que c'est faible, et je pense que c'est avec raison.

M. Chevrette: Vous parlez également des achats: 53 000 000 $, si j'ai compris votre chiffre, sur 500 000 000 $ ou environ, ce qui fait à peu près 10 % de tous les achats d'Hydro pour le Grand-Nord. Est-ce que vous avez des exemples concrets à donner, de produits comparables en prix et en tout, là, qui pourraient être achetés dans la région de l'Abitibi et effectivement générer des retombées économiques importantes pour vous autres?

M. Cloutier: II y a des achats qui excèdent 100 000 $, dont on parlait; c'est le bureau régional qui s'en occupe, et c'est fait à la grandeur du Québec. Or, il y a, entre autres, des achats qui touchent le déneigement ou des choses du genre. Bien sûr qu'on a des entreprises qui peuvent le faire, mais, si on regarde ça, souvent, ces contrats-là sont donnés à d'autres régions. On se dit que, peut-être, là-dessus, nous, on pourrait intervenir. Un exemple: déneigement poste Radisson, LG 2, Né-miscau, Les constructions du Saint-Laurent, Beauport, 125 700 $. Il nous semble qu'on aurait pu avoir, si les 100 000 $ avaient peut-être été portés à 150 000 $... À ce moment-là, on doit d'abord faire des demandes à la région de l'Abitibi-Témiscamingue, en général. On trouve que le montant de 100 000 $ n'est pas suffisamment élevé. Si on regarde: déneigement, poste Radisson, 110 000$, c'est une entreprise, C. Morin, mais, ce coup-là, c'est Radisson, donc ça ne s'applique pas. On peut dire que c'est dans la région. On regarde: location de pièces de machinerie lourde. Encore là, quand les Cris disent qu'il n'y a pas de retombées, ça, c'est la Compagnie de Construction Cris. Eux sont avantagés là-dedans, c'est bien.

Ce qu'on veut dire, nous, c'est qu'en augmentant les 100 000 $ à 150 000 $ ou 200 000 $ ça nous avantagerait grandement, comme région, de pouvoir, dans un premier temps, essayer de trouver, en région, des contrats ou des contracteurs susceptibles de répondre à ces demandes-là. Bien sûr, on est d'accord que, quand nos prix ne sont pas concurrentiels, Hydro-Québec se charge d'aller voir dans d'autres régions pour qu'on demeure quand même concurrentiels. On ne veut quand même pas développer une situation de monopole. Par contre, on devrait, dans les achats, être davantage avan-

tagé pour ce qui touche certains contrats au-delà de 100 000 $. (17 h 40)

M. Chevrette: Maintenant, vous parlez également de retombées. Vous craignez la réorganisation d'Hydro-Québec, d'après ce que j'ai pu comprendre. Ça a déjà fait l'objet, de toute façon, de quelques questionnements, si ma mémoire est fidèle, ici même, à l'Assemblée nationale. Mais la dernière proposition, là, c'est quoi? Celle qui touche la dernière... pas la dernière trouvaille, mais la répartition en postes, où ils concentreront les spécialistes, par rapport à ceux qui auront à faire la réparation sur le réseau. Chez vous, est-ce que ça vous affecte?

M. Rouleau: c'est sûr que cette fameuse division là — on vient de la vivre, à peine — on l'accepte et on a tourné la page là-dessus. maintenant, on veut tirer davantage profit des projets qui ont été annoncés par hydro-québec et auxquels on croit vraiment. contrairement, peut-être, à d'autres personnes, nous, le développement de grande-baleine, on y croit et on pense qu'au-delà des années 2000 ça va devenir une nécessité. nous, on se dit qu'en compensation d'une discussion qu'il y a eu, où on trouvait que la grande rivière était rendue qu'elle gérait trop de territoire et que les puissances installées, au-delà de 42 %, c'était trop pour une seule région, on dit: grande-baleine, dans les futures installations, avec l'expertise qu'on a développée, il y aurait de la place au sein de la région de la grande rivière pour gérer, éventuellement, l'exploitation de ces installations-là. déjà, nous, on est prêts à commencer à travailler dans ce sens-là et à s'y préparer.

En termes de recherche et de développement — on sait qu'Hydro-Québec en fait beaucoup — on espérait pouvoir voir installé chez nous un centre de recherche qui, sans être exclusif à Hydro-Québec, viendrait compléter éventuellement l'installation d'un centre de recherche que l'Université du Québec veut mettre sur pied dans le créneau minier. Là, on aimerait bien voir une implication plus grande d'Hydro-Québec en matière de recherche chez nous, avoir davantage de retombées là-dessus. C'est bien sûr que c'est un plaidoyer pour en avoir plus, mais, comme on vous le mentionnait, pour nous, Hydro-Québec, c'est rendu une question de survie. On y croit, et on pense que c'est la même chose pour le Québec.

On a bien beau parler de systèmes alternatifs ou de ressources alternatives, on pense que l'hydroélectricité, pour les Québécois, c'est un peu comme le pétrole pour les Arabes; c'est rendu indispensable, et ça fait partie de notre essor économique. Le nier, pour nous, c'est reculer, c'est revenir à l'âge de la chandelle. On ne peut pas se permettre ça.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Vimont.

M. Fradet: Oui, merci, M. le Président. Messieurs, pour revenir à... on a parlé des travail- leurs, des contrats aux entreprises. je pense que c'est un petit peu, aussi, proportionnel. si vous avez 5 % des travailleurs, peut-être que les entreprises de montréal ou de québec amènent avec eux leurs travailleurs, les connaissant. vous avez parlé aussi des contrats de 100 000 $, c'est-à-dire de la politique d'achat d'hydro-québec de 100 000 $. est-ce que vous savez si les autres régions ont cette politique-là, aussi? ce n'est pas un traitement de faveur que la région de la grande rivière aurait, les 100 000 $ que vous voulez augmenter à 150 000 $?

M. Cloutier: C'est bien sûr, lorsqu'on demande... Il y a le Saguenay—Lac-Saint-Jean, qui est un des ports d'attache, qui en profite aussi grandement. Lorsque ça excède 100 000 $, bien, ce n'est pas juste pour la région.

M. Fradet: Ça s'étend.

M. Cloutier: Tout ce qui est en haut de 100 000 $, c'est pour les régions du Québec en général. En bas de 100 000 $, là, oui, on a un traitement privilégié. En bas de 100 000 $, il y a des soumissions qui sont demandées localement, et, si ce n'est pas satisfaisant, là, on déborde de la région.

M. Fradet: Donc, vous seriez d'accord, finalement, à ce que votre demande soit aussi la demande d'autres régions environnantes, comme le Saguenay —Lac-S aint-Jean?

M. Cloutier: C'est bien sûr que, si tout le monde demande la même chose, on n'a plus un traitement privilégié, à ce moment-là.

M. Fradet: Mais vous venez de me dire que la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean avait aussi un traitement...

M. Cloutier: Oui, au-delà d'un certain montant, on est d'accord que, si on dit qu'on devrait porter de 100 000 $ à 150 000 $ ou 200 000 $, bien, là, toutes les régions vont pouvoir profiter au-delà de ça.

M. Fradet: Donc, ça serait un traitement de faveur envers une région limitrophe, si vous voulez, au projet, si on peut s'entendre, là?

M. Cloutier: Disons que c'est un élément de compensation pour toutes les richesses du Nord qui partent vers le Sud. À un moment donné, pour maintenir des populations, pour continuer à développer le Nord, il faut leur permettre de survivre. La façon de survivre, c'est de leur donner certains avantages, compte tenu de notre situation géographique.

M. Fradet: Beaucoup moins péjoratif que «traitement de faveur», je suis d'accord avec vous. Ha, ha, ha!

M. Cloutier: D'accord.

M. Fradet: En ce qui a trait à la tarification — vous en avez parlé un petit peu dans votre mémoire — moi, j'aimerais savoir, à Rouyn—Noranda, ce que vous pourriez en penser. Plusieurs des intervenants qui sont venus nous voir ici nous ont demandé, ou demandent à Hydro-Québec de tarifer selon les vrais coûts au lieu de répandre la moyenne, le coût moyen, c'est-à-dire d'avoir un certain tarif, peut-être horo-heb-do-saisonnier, là, qu'ils appellent, dans leur plan de développement. Est-ce que vous, en région, vous seriez d'accord avec une philosophie comme ça, pour faire prendre conscience aux consommateurs des vrais coûts de l'énergie, et est-ce que ça aurait un impact?

M. Cloutier: Bon, là-dessus, je dois vous dire qu'encore là, nous, on privilégierait... Puis, c'est des coûts différents à certains niveaux. On n'est pas contre une tarification spéciale pour les grandes entreprises, qui se doivent d'être concurrentielles. Là, peut-être que je vais soulever une certaine controverse parmi certaines gens qui pourraient nous écouter, mais c'est clair que des entreprises comme, chez nous, Tembec...

M. Fradet: II y en a alentour de la table?

M. Cloutier: ...ou une affinerie de cuivre aussi importante que la Noranda, à un moment donné, compte tenu que ce sont de très gros utilisateurs — on parle, dans le cas de Tembec, de 18 000 000$, la facture annuelle d'électricité — c'est bien sûr qu'il y ait, compte tenu que ce sont de gros utilisateurs, des escomptes de quantité pour leur permettre, justement, de privilégier l'utilisation de l'électricité dans leur entreprise. On est loin d'être contre ça. Mais c'est bien sûr que, peut-être, certains citoyens vont dire: En fin de compte, c'est nous qui payons pour ça. Par contre, si ces entreprises-là deviennent concurrentielles et permettent à des gens d'avoir de l'ouvrage chez nous et de survivre, bien moi, je dis: C'est un des rôles importants qu'on a à jouer dans ce sens-là.

Au niveau des coûts de l'énergie électrique, c'est bien sûr qu'au Québec c'est moins cher qu'ailleurs, si on se compare à l'Ontario, entre autres. Mais, moi, je dis que c'est parce qu'on a des richesses chez nous et qu'il ne faut surtout pas cesser de les exploiter. Plus on va se développer de ce côté-là, plus on va pouvoir offrir un traitement de faveur aux Québécois, c'est le cas de le dire.

M. Fradet: Est-ce que je comprends que vous seriez en faveur d'une tarification spéciale pour les grandes entreprises énergivores en région, pour faire en sorte que ces entreprises-là demeurent et vous permettent de conserver vos emplois?

M. Cloutier: Exactement.

M. Fradet: C'est à dire qu'Hydro-Québec pour- rait faire un genre de répartition de la richesse, un rôle qui ne lui appartient peut-être pas aujourd'hui.

M. Cloutier: On est d'accord avec ça, sûrement. Puis, on est tellement d'accord avec ça que même le gouvernement actuel, même le gouvernement antérieur ont souvent donné beaucoup d'octrois pour l'environnement, pour permettre à ces compagnies-là de se conformer à des normes environnementales. Qu'on pense, chez nous, à l'usine d'acide qui avait des retombées, en tout cas, à la grandeur du Québec et un peu partout. Il y a quand même eu des subventions données pour ça, pour qu'ils puissent se corriger. Sinon, ils auraient été obligés de fermer leurs portes. Donc, c'est normal, je pense, dans le contexte actuel.

M. Fradet: Une dernière petite question. On a parlé de tarification pour les grandes entreprises. Pour le résidentiel, seriez-vous prêt à embarquer aussi dans ce mouvement-là, c'est-à-dire différentes tarifications pour les périodes de pointe — tarif saisonnier, journalier?

M. Cloutier: Si c'est possible de le faire et si ça ne coûte pas plus cher à administrer un tel programme, je me dis: Allons de l'avant. S'il y a plus de coûts à essayer de compartimenter, plutôt que de faire une moyenne...

M. Fradet: Si on parle d'économies d'énergie, entre autres, il faut au moins que le client soit conscient des coûts d'énergie. Par exemple, je suis convaincu que vous avez reçu, vous aussi, les enveloppes d'Hydro-Québec avec le questionnaire qui vous demande si vous faites votre lavage le soir, la semaine, ou si vous le faites la fin de semaine et... Pardon?

M. Cloutier: On est d'accord avec ça.

M. Chevrette: M. Ciaccia a dit qu'il laverait à 23 heures.

M. Cloutier: Oui, Ha, ha, ha! On est d'accord avec ça, mais il faudrait éviter d'essayer de charger une tarification qui découragerait l'utilisateur d'électricité. Exemple: si, à un moment donné, la facture devient trop haute et qu'il ne veut plus rien savoir de l'électricité, après toutes les campagnes qu'on a faites, et qu'il abandonne l'électricité au profit du gaz ou d'autre chose, on vient de manquer notre coup.

M. Fradet: Alors, ça pénaliserait vos travailleurs.

M. Cloutier: Ça, c'est comme les cigarettes qu'on a mises tellement hautes que le gars, pour en obtenir pareil, fait de la contrebande. À vouloir trop tarifer, souvent, on se tire dans le pied.

M. Fradet: C'est-à-dire...

Le Président (M. Audet): Merci.

M. Fradet: ...que ça pourrait être le même tarif, mais réparti différemment.

Le Président (M. Audet): Merci.

M. Fradet: La même facture, mais répartie différemment.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Audet): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: C'est M. le député de Rouyn-Noranda, avec votre permission, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Est-ce qu'il y a consentement pour que M. le député de Rouyn-Noran-da—Témiscamingue pose des questions aux invités?

Une voix: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Allez-y. Vous disposez de cinq minutes, M. le député.

M. Trudel: Merci. J'aimerais resouhaiter la bienvenue aux gens de Rouyn-Noranda. Et la constance qu'ils ont, au niveau de la ville et du commissariat industriel, à venir souligner à Mme la ministre que... Dans le fond, Rouyn-Noranda dit — et c'est comme ça que s'intitulait votre mémoire en 1990: On veut être un partenaire d'Hydro-Québec dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Dans le fond, chacun des éléments que vous apportez ici, c'est de dire: Chez nous, HydroQuébec, c'est une présence importante, et nous voulons maximiser cette présence. Non seulement on veut en avoir le maximum, on veut maximiser la présence d'Hy-dro-Québec, et, à cet égard-là, vous donnez une série de pistes qui pourraient s'articuler ou s'amplifier dans la mesure où il y aurait un certain nombre d'interventions gouvernementales: exemple, lorsque Mme la ministre est intervenue pour conserver, à Rouyn-Noranda, le statut de quartier général de départ pour les travailleurs de l'entretien des centrales de la Baie James. Il faut le souligner, on aurait aimé ça avoir une intervention plus musclée au moment de la division, mais, enfin, un morceau, c'est un morceau; morceau par morceau. (17 h 50)

À cet égard-là, je pense qu'il faut rappeler l'actif important que constitue Hydro-Québec dans les régions et, en particulier, au chapitre de la recherche. C'est là-dessus que j'aimerais compléter votre témoignage en quelque sorte. Comment Hydro-Québec pourrait retrouver, dans une région comme FAbitibi-Témiscamingue, des assises et des possibilités au niveau de ce qu'on appelle généralement le secteur de la recherche, et auquel secteur on consacre beaucoup de millions à Hydro-Québec? Qu'est-ce qu'Hydro-Québec pourrait retrouver dans une région comme FAbitibi-Témiscamingue, au plan de la recherche, et qui pourrait à la fois répondre à ses propres besoins, mais également contribuer au développement dont j'aimerais l'établissement dans une région comme FAbitibi-Témiscamingue?

M. Cloutier: Comme je le mentionnais dans le mémoire, vous savez que l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, qui doit, dans un premier temps, se relocaliser à proximité du collège, a, dans son plan de développement, l'installation d'un centre de recherche en environnement minier. Vous savez que c'est difficile d'obtenir des chercheurs, et vous savez qu'il faut une certaine collaboration entre les chercheurs pour qu'on puisse faire de la recherche. Dans ce sens-là, pour nous, il semble important et essentiel qu'Hydro-Québec puisse peut-être envisager un certain jumelage avec ce centre de recherche pour pouvoir donner une certaine masse critique pouvant faire de la recherche en Abitibi-Témiscamingue.

Là, on se disait: Est-ce qu'il ne serait pas pensable et ils ont commencé à solliciter la collectivité pour avoir des fonds, un fonds de recherche, et mettre sur pied ce centre de recherche — de venir greffer aussi certains créneaux de recherche particuliers à HydroQuébec qui pourraient venir enrichir le centre de recherche que projette l'Université du Québec? On ne connaît pas tous les objets de recherche d'Hydro-Québec, mais il serait peut-être intéressant qu'on puisse, à tout le moins, s'asseoir avec des représentants d'Hydro-Québec pour essayer d'inventorier les possibilités de ce faire. C'est un peu cette préoccupation-là et cette entente-là qu'on aurait concernant la recherche, et on ne sait pas jusqu'où on pourrait, éventuellement, développer des ententes entre les deux ordres, soit Hydro-Québec et, bien sûr, l'Université du Québec.

M. Trudel: Parce que le temps file toujours trop rapidement... Je pense que le créneau des possibilités de collaboration sur le plan de la recherche est bien ouvert et, je le souhaite, bien noté également.

Vous êtes d'accord, donc, avec le déploiement d'autres installations de production hydroélectrique publiques au Québec. J'aimerais quand même vous entendre sur l'utilisation de la cogénération et de la production, par l'entreprise privée, d'une certaine quantité d'énergie au Québec. Est-ce qu'à cet égard-là vous pensez qu'une région comme FAbitibi-Témiscamingue, la région plus spécifique que vous représentez, peut apporter une contribution significative dans le contexte de la production par des sources alternatives d'électricité au Québec?

M. Cloutier: M. Rouleau va répondre à ces questions.

M. Rouleau: Oui, définitivement. On croit que la région de FAbitibi-Témiscamingue peut, avec la cogénération électrique, offrir quelque chose qui ne coûte rien de plus à Hydro-Québec et qui peut aussi développer la

région, dans le sens où les utilisations de gaz naturel en région ont quand même un prix plus bas que dans l'Est du pays. On peut, à ce moment-là, envisager des possibilités rentables de faire de la cogénération électrique et de vendre des mégawatts à Hydro-Québec, s'autosuffire peut-être sur le plan régional. On est peut-être des utilisateurs d'environ 1200 MW; on en produit peut-être 400 à l'intérieur de la région. Il y a peut-être moyen d'installer quelques systèmes de cogénération alliés aux richesses qu'on a, parce qu'on a une richesse «intrante» en région, qui s'appelle le gaz naturel, dont la métallurgie du cuivre fait l'utilisation. Il s'agit peut-être de rallonger un petit peu les tuyaux et d'y installer un système de cogénération. Je pense que, s'il y a une volonté politique à cet égard-là, c'est une solution de remplacement des énergies qui disparaissent dans notre coin de pays.

Le bois et les mines, ce n'est plus ce que c'était. Ça nous prend une nouvelle forme d'énergie. Ça serait un instrument de développement économique. C'est un instrument de développement économique aussi pour Hydro-Québec parce que, quand même, d'ici à ce que les projets de Grande-Baleine se traduisent, il n'en demeure pas moins qu'il y a de l'électricité à être utilisée. Je pense que ça peut être une des façons et une des mesures, d'ailleurs, qui a été indiquée comme volonté politique, la cogénération, à ce que je sache.

Alors, je pense qu'à Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue, il y a des très belles possibilités en ce sens-là. Il y a des gens qui se proposent de monter les projets. Il y a des gens qui en ont déjà monté et qui travaillent avec acharnement sur des projets comme ceux-là. Éventuellement, je pense qu'on aimerait bien qu'il y ait une volonté politique qui s'anime pour faire en sorte que la cogénération prenne une place importante dans le développement régional.

Le Président (M. Audet): Merci. Oui, brièvement.

M. Cloutier: En ce sens-là, M. le Président, un complément. C'est que nous avons, chez nous, un entrepreneur qui a déposé un projet de cogénération très important. On croit que ce projet de cogénération est faisable chez nous. On vous a mentionné qu'on était d'une région privilégiée en termes de coûts de gaz. On paie de 20 % à 25 % de moins que le gaz qui se vend à Montréal. On pourrait utiliser cet avantage-là, qu'on a, pour développer de la cogénération, et on a un projet. Si jamais Hydro-Québec se cherche des projets dans ce sens, on va être des collaborateurs présents en cette matière.

Le Président (M. Audet): Merci beaucoup.

Alors, ça met fin à nos travaux pour cet après-midi. Je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission. Nous allons suspendre jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Audet): Alors, je déclare la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle rapidement le mandat de la commission, qui est de procéder à une consultation générale sur la proposition de plan de développement 1993-1995 d'Hydro-Québec.

Nous recevons ce soir l'Association canadienne de l'énergie éolienne. Ensuite, suivra Eka Nobel Canada inc. Alors, les gens de l'Association canadienne de l'énergie éolienne ont pris place. Messieurs, au nom de la commission, on vous souhaite la plus cordiale bienvenue.

Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre exposé. Avant de débuter votre exposé, je vous invite toutefois à vous présenter pour les fins du Journal des débats. Ensuite, suivra une période de questions d'une quarantaine de minutes. Vous pouvez y aller, vous avez la parole.

Association canadienne de l'énergie éolienne (ACEE)

M. Tellier (Jacques): Bonsoir. Merci de nous accueillir. Je suis Jacques Tellier, ingénieur-conseil ayant une expérience en hydroélectrique, en éolien et en thermique. Je suis accompagné de M. Jeff Passmore, qui est un consultant en matière d'analyse et de planification de la prévision de la demande dans les utilités électriques. Il a participé aux audiences du plan de développement d'Ontario Hydro» Je le remercie d'être ici ce soir, parce qu'étant consultant pour Ontario Hydro, il est très occupé de ce temps-ci.

Il nous fait plaisir de venir vous présenter le point de vue de l'Association canadienne de l'énergie éolienne dans le cadre de la consultation générale sur le plan de développement d'Hydro-Québec 1993-1995.

L'Association, fondée en 1984, est une association à but non lucratif et regroupe tous les intervenants intéressés par l'énergie éolienne. Ces buts sont de faire la promotion de l'énergie éolienne comme moyen propre et rentable de produire de l'énergie. (20 h 10)

Hydro-Québec, membre fondateur, est présentement membre corporatif de l'Association et y délègue un directeur depuis le début de l'Association. Elle a été l'une des compagnies d'électricité à avoir le plus investi en recherche et développement des éoliennes. Qu'on pense au projet Éole et aux recherches concernant le jumelage éolien-diesel, à son institut de Varennes, qui en est à la fin de sa phase de démonstration.

L'Association a déposé à la commission son mémoire faisant état de la situation actuelle et des avantages de l'énergie éolienne. Vous y trouverez moult chiffres exprimés en gigawatt, en térawattheure, voire en «gigadollars». Évidemment, ces chiffres sont fournis pour le bénéfice des membres de la commission qui voudront pousser plus loin l'analyse.

Nous tenterons, ce soir, de tracer les grandes lignes de ce mémoire en éliminant, autant que possible, toute référence à des considérations purement techniques, au risque de décevoir quelques puristes.

Le potentiel éolien du Québec, présenté dans le mémoire, est évalué à partir des critères suivants: seules les zones situées à proximité du réseau actuel et les zones côtières sont considérées; les données sur les vents sont celles provenant des études faites pour le projet Éole, au début des années quatre-vingt, soit à Cap-Chat, Rivière-au-Renard et Rivière-au-Tonnerre. une éolienne type de 400 kw a été choisie pour l'analyse. les régions répondant à ces critères sont celles: de la gaspésie, à partir de rivière-du-loup; de la rive nord, à partir de sept-îles; de la baie james et de la baie d'hudson jusqu'à grande-baleine, ce pour un potentiel total de 37 twh, soit 22 % de la production actuelle d'hydro-québec, pour une puissance installée de 11 500 mw, c'est-à-dire une densité de 3,6 mw au km2, tandis qu'en californie, on a 8,6 mw au km2. notre estimation est donc très conservatrice.

Une mise en garde ici. L'Association ne dit pas à la commission qu'il faut baliser les deux rives du Saint-Laurent avec quatre rangées d'éoliennes. Ce serait loin d'être esthétique, et nous serons les premiers à le dire. Ce serait le pire service à rendre à l'énergie éolienne que d'entreprendre un tel projet. Cependant, il faut retenir que le potentiel existe et que des aménagements de dimensions raisonnables sont possibles ici et là.

Je vous présente Jeff Passmore, qui vous parlera de la technologie et des coûts.

M. Passmore (Jeff): Merci, Jacques.

Mesdames, messieurs, la première chose qu'il faut dire, c'est qu'aujourd'hui il y a plus de 25 000 éoliennes installées dans le monde, d'une puissance installée de 2300 MW. En Californie, par exemple, 17 000 turbines; au Danemark, 2000 turbines. En 1990, les éoliennes installées en Californie ont produit une quantité d'électricité suffisante pour alimenter une ville de la grandeur de San Francisco.

Depuis 10 ans, la technologie éolienne a beaucoup évolué. On a des machines fiables et plus performantes. Les nouvelles pales, par exemple, produisent 20 % plus d'énergie que les pales d'avant.

Alors, quel est le coût de l'énergie éolienne d'une machine moderne utilisée au Québec? Est-ce que c'est 0,06 $ du kWh, 0,075 $ ou peut-être 0,085 $, comme disait le plan de développement, à la page 48 du plan de développement d'Hydro-Québec? Même, il y a ceux qui disent que le coût au Canada, en général, devrait tomber à 0,06 $ du kWh, en cinq ans, quand la nouvelle technologie sera adoptée. Au Québec, on estime que, pour des vents supérieurs à 7,5 m/s, et combinés à un espacement de 10 diamètres, les coûts se trouvent à 0,05 $ du kWh.

Mais est-ce que ces chiffres servent à quelque chose au Québec? À mon avis, c'est une discussion, à ce moment-ci, peut-être un peu stérile, parce que très peu d'information existe sur les régimes des vents au

Québec. On n'a pas assez d'expérience; des relevés sérieux doivent être faits.

Ce qu'on sait, c'est qu'aux États-Unis on est en train de développer une machine beaucoup moins chère que 0,085 $ du kWh. Aux États-Unis, 24 000 000 $ sont investis cette année en recherche et développement, pour atteindre un coût de 0,05 $ US du kWh en 1995 et 0,04 $US du kWh en 2003, pour un vent de 5,8 m/s, moins fort que le vent au Québec.

Déjà, aux États-Unis, il y a une machine produite par une compagnie, qui s'appelle Kenetech, en Californie, qui devrait produire de l'énergie pour 0,05 $US du kWh. J'ai quelques photos que je vais passer peut-être tout à l'heure comme représentation de cette machine.

Il faut remarquer aussi que, comme les coûts de l'éolienne baissent, ceux de l'hydraulique augmentent, parce que les meilleurs sites hydrauliques étaient déjà exploités. Mais, pour l'éolienne, on est rendu juste au début. Il faut ajouter aussi que tous les prix qu'on a discutés jusqu'ici sont sans tenir compte des coûts sociaux ou environnementaux. Je retourne à M. Tellier.

M. Tellier: Merci. Le jumelage éolien-hydrauli-que. La figure 27 de notre mémoire, que vous voyez à l'écran là-bas, présente sous forme graphique, en fonction du pourcentage du total annuel, l'apport hydraulique — en bleu — l'apport éolien — en orange — ainsi que la demande sur le réseau — en vert. On y remarque que l'hydraulique culmine en mai, juin. Malheureusement, toute cette eau ne peut être stockée dans les réservoirs et doit être rejetée en partie. Cependant, cet apport est inférieur à la demande d'octobre à mai, tandis que l'apport éolien est supérieur pendant cette même période. Le Québec bénéficie donc de deux sources d'énergie renouvelables, et elles sont complémentaires. Sachons les exploiter à bon escient. le québec traverse une période de faible hydrau-licité, et il semble que nous soyons à la fin de ce cycle, heureusement. ce phénomène reviendra. la variabilité de l'hydraulique est de 9,7 %; pour l'éolien, c'est de 6,8 %. l'intégration des deux sources d'énergie diminuerait cette variabilité à 4,4 %; c'est donc un gain appréciable. cette faible hydraulicité a coûté cher à hydro-québec: plusieurs milliards en production thermique, nucléaire, en importations et en manque à gagner. l'éolien aurait diminué cette dépense.

Le cas de la rivière Sainte-Marguerite. L'aménagement de la rivière Sainte-Marguerite illustre de façon exemplaire la complémentarité de l'éolien avec l'hydraulique. Étudions le cas tant controversé du détournement des rivières Carheil et Pékans. Le coût de ces détournements est supérieur à 375 000 000 $, pour une production supplémentaire de 450 GWh — Hydro-Québec, rapport d'avant-projet, juillet 1991, partie II, page 11. Cette énergie supplémentaire est appréciable, surtout si on tient compte qu'elle est requise en hiver, alors que la réserve baisse dans le réservoir. Or, cette énergie de 450 GWh pourrait être produite par un parc d'éoliennes — en Gaspésie, par exemple — d'une puissance de 120 MW, soit un investissement de l'ordre de

145 000 000 $. la superficie des réservoirs créés par le détournement de ces rivières est de 159 km2. le parc d'éoliennes occuperait un territoire de 34 km2 seulement, mais une faible partie de ce territoire est réellement occupée par les équipements ou par les chemins — 5 % environ, soit 2 km2 — le reste demeurant disponible pour les activités traditionnelles: forêt, culture.

En résumé, on s'aperçoit donc que, dans le cas de la rivière Sainte-Marguerite, le jumelage éolien à l'hydraulique permet de réaliser des économies importantes — 145 000 000 $ contre 375 000 000 $ — d'occuper 2 km2 au lieu de 159 km2, d'épargner quelques saumons. Jeff, tu peux traiter des coûts sociaux, s'il vous plaît?

M. Passmore: Au sujet des coûts sociaux, il faut commencer par dire qu'ils ne sont pas faciles à calculer. On entend par coût social un coût que ni le protecteur, ni le consommateur n'assume, et ce n'est pas calculé dans la planification et les choix des options: par exemple, les dommages causés à nos érablières par les pluies acides. Mais une chose est certaine, les coûts sociaux, le coût de la pollution pour la société est bien réel, et il est supérieur à zéro. Une personne qui a essayé de calculer les coûts est Richard Ottinger, et ses calculs se trouvent à la page 54 du mémoire de l'Association canadienne de l'énergie éolienne. (20 h 20)

II faut aussi remarquer que plusieurs États américains considèrent ces coûts lors de l'évaluation des projets. C'est pour planifier pour les générations du futur qu'on utilise les coûts sociaux, pour la planification intégrée des ressources, comme dit le plan de développement, à la page 93, pas pour calculer les tarifs aujourd'hui. Comme dit le plan de développement, à l'orientation 25, il faut étudier les «externalités» reliées aux moyens de production. À mon avis, sans cette étude on ne peut pas planifier comme il faut pour accomplir la planification intégrée des ressources.

Au sujet de la planification, Hydro-Québec a une puissance installée supérieure à 30 000 MW. Avec une telle puissance, Hydro-Québec ne peut pas se permettre d'ignorer une source de production d'électricité et une technologie de génération. C'est spécialement vrai au sujet des éoliennes au Québec, où on peut trouver un potentiel si important. Pour prendre les décisions qu'il faut pour l'avenir, il faut obtenir une certaine expertise. C'est pour cette raison que l'Association recommande une sérieuse étude d'évaluation du potentiel éolien au Québec et la réalisation d'un parc éolien de démonstration de 30 à 50 MW. Avec cette expérience, HydroQuébec, qui fait la planification, peut prendre des décisions plus informées.

Si on parle du coût de l'énergie, il faut aussi parler des risques. Si une augmentation de coût se manifeste dans un secteur de production et qu'on a une seule ou peut-être deux sources de génération, c'est l'ensemble qui est désavantagé. Si on a plusieurs sources, on répartit les risques. Il y a donc diminution des risques.

On peut avoir beaucoup moins de risques avec plusieurs sources de génération, sans augmenter les coûts. Si on pense que les coûts qu'on utilise maintenant pour planifier... que ça va toujours coûter ce qu'on a prévu et que les coûts augmentent, on va payer plus que si on a diversifié le système à l'avance.

À l'heure où des choix de société doivent être faits, ça peut arriver que les groupes, soit le public, soit la commission parlementaire, veulent entrer dans la discussion de la future génération et planification d'électricité dans la province de Québec. La société peut décider qu'une réduction des risques — c'est-à-dire tous les risques: les risques technologiques, environnementaux, sociaux, économiques — est aussi importante qu'une réduction des prix. Alors, il ne faut pas décider du futur avant cette information.

Je veux montrer quelque chose sur le tableau, mais peut-être que ce serait mieux de discuter de ça à la période des questions.

M. Tellier: Merci. Le jumelage éolien-diesel. Comme nous l'avons vu avec le cas de la rivière Sainte-Marguerite, l'éolien peut apporter une aide précieuse à l'hydraulique, et cet exemple peut être utilisé pour le lac Robertson. Malheureusement, la centrale du lac Robert-son, avec ses deux groupes de 10,5 MW chacun, ne peut répondre à la demande de pointe du réseau, qui sera de l'ordre de 16 MW en 1995. Si l'un des deux groupes est hors d'usage, sa capacité baisse à 10,5 MW. S'il n'y a pas d'apport éolien, sa capacité baisse à 16 MW, tout juste la demande de 1995, à cause du marina-ge, de la variation de la hauteur d'eau de 9 mètres. Dans les deux cas, les diesels devront se mettre en marche. Utilisons ce cas pour étudier le jumelage éolien-diesel. au début des années quatre-vingt, on considérait que les éoliennes apportaient une énergie d'appoint au moteur diesel, qui conservait le plein contrôle de la production. dans ce contexte, une partie de l'éolien seulement était utilisée, environ 50 %.

Aujourd'hui, cette approche est désuète et, grâce aux recherches et expériences récentes, on considère que le diesel agit comme une réserve aux éoliennes, au même titre que l'eau en amont d'un barrage, ce qui permet d'absorber toute l'énergie éolienne produite, avec les mêmes équipements. C'est un changement complet de mentalité. Ainsi, au lieu d'obtenir un coût de 0,09$ à 0,10$ du kWh, on obtient entre 0,05$ et 0,06 $.

Sur la Basse-Côte-Nord, un parc de 20 MW coûterait environ 30 000 000 $ et pourrait fournir autant d'énergie que la centrale du lac Robertson. Le diesel servirait en cas de pointe et de faible vent. Cet investissement de 30 000 000 $ est à considérer par rapport aux 340 000 000 $ du lac Robertson, ce qui laisse une très large marge pour le renouvellement du parc diesel.

Nos recommandations. Nous avons vu que l'énergie éolienne, énergie renouvelable et non polluante, est fiable et offre des avantages économiques indéniables lorsque jumelée à une production hydraulique. De plus,

nous avons vu que ces deux types d'énergie sont complémentaires. L'Association recommande donc que l'énergie éolienne soit utilisée au Québec comme source d'énergie là où les régimes de vent sont connus, soit principalement la Gaspésie et la Côte-Nord. Des bénéfices immédiats peuvent en découler, en complément du projet de la rivière Sainte-Marguerite.

L'Association réfute l'argument d'Hydro-Québec, à l'effet que l'énergie éolienne est très coûteuse par rapport à l'hydroélectrique. Des expériences récentes dans le monde montrent le contraire. Cependant, l'Association déplore le fait que le potentiel éolien, sur l'ensemble du territoire québécois, est très mal connu et demande qu'un relevé systématique des ressources, sur l'ensemble du territoire, soit entrepris au plus tôt. L'Association supporte Hydro-Québec dans sa démarche d'utiliser l'énergie éolienne dans les réseaux non reliés et souligne la pertinence de cette solution dans le cas du lac Robertson.

En terminant, permettez-moi de citer un proverbe chinois, tout à fait applicable à Hydro-Québec, qui est solidement implantée dans l'hydraulique, et qui s'énonce comme suit: «Quand la racine est profonde, pourquoi craindre le vent?»

Merci de votre attention.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Je voudrais vous remercier, messieurs, d'être venus nous exposer votre appréciation du plan de développement qui est proposé par Hydro-Québec et, surtout, de nous faire profiter de votre expertise, votre expérience en matière d'énergie éolienne.

J'aimerais peut-être tout d'abord en savoir davantage sur votre association. Quel est votre plan d'action pour les prochaines années, si vous avez un plan d'action pour les prochaines années? D'où viennent vos membres? Est-ce qu'ils viennent de partout à travers le Québec?

M. Tellier: De partout à travers le pays, le Canada. C'est des ingénieurs, des fournisseurs, des manufacturiers, des propriétaires d'éoliennes, des mordus d'éoliennes aussi.

Mme Bacon: Votre plan d'action pour les prochaines années?

M. Tellier: C'est de promouvoir l'énergie éolienne dans son ensemble et de faire connaître les nouvelles technologies.

Mme Bacon: À quoi pourrait ressembler, physiquement, un projet de 500 MW d'éoliennes au Québec, comme vous en faites état dans vos recommandations?

M. Tellier: 500 MW, c'est gros. On parlait de 100, 120 pour le cas de la rivière Sainte-Marguerite.

C'est 300 machines de 30 mètres de hauteur; c'est un pylône avec une grosse hélice en haut, si vous voulez. Il y a des photos qui vont circuler, là. Il y en aurait 300.

Mme Bacon: On sait, oui...

M. Tellier: La tendance est de ne pas les mettre sur une ligne continue. D'ailleurs, ma mise en garde, au début, a été très claire. Il n'est pas question de baliser le fleuve avec des éoliennes de chaque côté. Au point de vue esthétique, on préfère les grouper par quelques unités, en faire des paquets.

Mme Bacon: Combien d'unités à la fois? Est-ce que vous le savez?

M. Tellier: Ça peut être 50, 60. Après ça, on peut aller 10 milles plus loin et en mettre une autre. On peut les cacher. Ce n'est pas nécessaire de les mettre au bord du fleuve. D'ailleurs, c'est mieux pas parce que ça cause d'autres problèmes.

Mme Bacon: Et 50, ça serait le maximum à la fois, M. Tellier?

M. Tellier: II faudrait étudier chaque site. Ça dépend. Si on a une très grande montagne, un site très vallonneux, on peut peut-être se permettre d'en mettre plus.

Mme Bacon: Est-ce qu'on peut évaluer combien d'espace ça prend pour chacun?

M. Tellier: On parle de 34 km2 pour 300 éoliennes.

Mme Bacon: Pour 300.

M. Tellier: Pour 300. Alors, ça veut dire 10 au km2?

Mme Bacon: Oui, c'est ça, au kilomètre. L'exploitation du potentiel commercial de l'énergie éolienne au Québec, est-ce que ça devrait être développé par Hydro-Québec ou par des producteurs privés?

M. Tellier: II faut, premièrement, qu'il y ait un acheteur pour cette énergie-là. Ça, je pense que c'est Hydro-Québec qui doit acheter, qui doit montrer une certaine volonté d'acheter cette énergie-là. À partir de là, ça peut être Hydro-Québec qui voit au développement des parcs d'éoliennes ou ça peut être confié à l'entreprise privée. Ça peut être un mélange. On n'a aucune préférence.

Mme Bacon: Hydro-Québec prévoit aller en appel de propositions pour un parc d'éoliennes aux Îles-de-la-Madeleine.

M. Tellier: Oui.

Mme Bacon: Quel serait, selon vous, l'intérêt de l'industrie pour ce projet?

M. Tellier: D'après ce que j'ai entendu parler, c'est un parc de 5 MW de capacité, et ça peut intéresser quelques groupes, quelques compagnies québécoises, mais les compagnies américaines qui sont spécialisées dans le développement de parcs d'éoliennes aux États-Unis ne sont pas intéressées. Ce n'est pas assez gros pour eux autres. En bas de 10 MW, ça ne sert à rien, ils ne viendront pas.

Mme Bacon: Ils ne viendraient pas?

M. Tellier: Et, aux Îles-de-la-Madeleine, il faudrait que ça soit plus gros que ça encore.

Mme Bacon: Est-ce que ça va permettre aux Québécois de développer l'expertise, si on ne l'a pas complètement déjà? Si on l'a déjà, est-ce que les gens sont intéressés d'aller aux Îles-de-la-Madeleine?

M. Tellier: 5 MW, ça représente 10 machines de 500 kW ou 11 de 450. C'est peu pour importer une technologie, puis faire de la fabrication sous licence. Ça serait souhaitable, c'est des emplois, ça. 120 MW de capacité, c'est 300 machines. À raison d'une par semaine, c'est 50 par année; c'est 20 000 000 $ de chiffre d'affaires par année pendant 6 ans. 5 MW, c'est 10 machines. Ça ne vaut même pas la peine d'importer la technologie. C'est le malheur.

Mme Bacon: Pour évaluer les incidences environnementales de l'option éolienne, Hydro-Québec lui impute celle des moyens thermiques qu'il faudrait lui adjoindre pour assurer un service électrique de même qualité et fiabilité. Moi, j'aimerais que vous me commentiez cette approche-là d'Hydro-Québec.

M. Tellier: C'est vrai qu'on peut prévoir une puissance d'appoint. Quand il ne vente pas, il faut produire l'énergie par autre chose. On peut la produire par du thermique, on peut la produire par de l'hydraulique aussi. Les éoliennes produisent de l'énergie, elles ne produisent pas de la puissance, en principe, quoiqu'on tende à démontrer le contraire. Tout ce qu'on produit en éolien, c'est de l'eau ménagée en arrière des barrages, qui sera disponible quand on en aura besoin, l'hiver. On est au mois de mars, c'est le meilleur exemple, là, Hydro-Québec ne peut pas produire sa capacité installée parce que les réservoirs sont trop bas. Mais il vente depuis le mois de septembre. Il vente beaucoup au Québec, et ça va venter jusqu'au mois de mai. Toute cette énergie du vent aurait permis d'économiser de l'eau dans les réservoirs, et elle serait disponible pour nous autres au mois de mars. C'est ça, c'est l'avantage. Il ne faut pas jumeler l'éolien avec du thermique sur le réseau principal, c'est avec l'hydraulique qu'il faut le jumeler. (20 h 30)

Mme Bacon: Dans le volet recherche et développement à long terme de son plan de développement de la technologie, Hydro-Québec exprime sa volonté de s'engager dans le domaine éolien. Est-ce que vous voulez commenter cette orientation d'Hydro-Québec, et pourriez-vous indiquer les axes de recherche qui vous apparaissent les plus prometteurs?

M. Tellier: Les axes de recherche? Premièrement, c'est l'évaluation du potentiel éolien du Québec. On connaît trois points le long du Saint-Laurent: Cap-Chat, Rivière-au-Tonnerre, Rivière-au-Renard. On en a une idée sur la côte de la baie James, de la baie d'Hudson, mais c'est très vague, et le restant, on ne le connaît pas. On vous a présenté le potentiel éolien des régions côtiè-res du Saint-Laurent et de la baie James, jusqu'à Grande-Baleine, mais c'est bien vague. Il faudrait faire un plan de recherche pour évaluer, mesurer les vitesses de vent un peu partout sur le territoire, comme HydroQuébec fait quand elle veut développer une rivière. La première chose qu'elle va faire, c'est de mettre des instruments de mesure dans la rivière pour savoir combien d'eau passe. Là, il faudrait savoir à quelle vitesse le vent passe. La quantité de vent, ce n'est pas grave; c'est la vitesse qu'il faut savoir. Ça, c'est la première chose.

Il y a une recherche qui se fait à Hydro-Québec, à PIREQ, sur le couplage éolien-diesel, qui est presque finie, qui est valable et qui donne des résultats. Je pense qu'il ne faut pas le lâcher. D'ailleurs, je pense que ce n'est pas l'intention d'Hydro-Québec de le lâcher, mais on pourrait en faire une application immédiate. L'éolien, il faut s'en rendre compte, ce n'est pas comme un barrage. Un barrage, vous allez dépenser pendant 10 ans à construire, et votre premier kilowatt sort après 10 ans. L'éolien, vous installez une machine: deux jours après, elle produit ses kilowatts. Vous pouvez procéder par étape: 10 MW par année pendant 10 ans, bien, ça fait 100 MW. On arrive au 2003 de la rivière Sainte-Marguerite.

Mme Bacon: Vous pensez que l'industrie éolienne, au Québec et au Canada, a un avenir?

M. Tellier: Oui, à condition qu'on fabrique sous licence. Je crois qu'il est trop tard, la technologie existe ailleurs, soit au Danemark, en Hollande, aux États-Unis.

Mme Bacon: Vous êtes satisfait des efforts que fait Hydro-Québec dans ce sens-là ou...

M. Tellier: En recherche, jumelage éolien-diesel...

Mme Bacon: Oui.

M. Tellier: ...c'est valable. C'est une recherche qui marche depuis 1987, ça progresse normalement, puis il n'y a eu aucune difficulté. Ça avance, et ils sont

rendus à des tests. À FÎle-du-Prince-Édouard, ils ont quatre éoliennes, et ils ont deux moteurs diesel. L'année prochaine, ils vont alimenter un village au complet juste avec ça, comme on ferait sur la Basse-Côte-Nord...

Mme Bacon: Oui.

M. Tellier: ...par exemple.

M. Passmore: Si je peux dire quelque chose sur le...

Le Président (M. Audet): Oui.

M. Passmore: ...futur de Péolienne au Québec, je crois que, sans un parc éolien, il n'y a pas grand futur pour les éoliennes au Québec ou même au Canada. Au sujet de la recherche et développpement Hydro-Québec peut faire comme ça a déjà été fait dans certains États comme la Californie — même l'Ontario pense faire ça aussi — soit d'avoir un parc éolien comme projet de recherche et développement pour avoir assez d'information pour planifier le futur. Je pense que, comme je l'ai dit jusqu'ici, on n'a pas assez d'information. L'Alberta est en train de construire trois parcs éoliens, mais ils sont tellement petits: un de 9 MW, un de 10 MW, un de 1,5 MW. Puis, la Saskatchewan aussi regarde quelles sont les opportunités pour un parc éolien, mais on n'a rien fait jusqu'ici.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

D'abord, en ce qui regarde le nombre de kilowattheures potentiels qu'Hydro-Québec aimerait développer au niveau des éoliennes. On parle de 1000 dans le plan. Est-ce que vous considérez ça sérieux de la façon dont c'est rédigé, ou si ce n'est pas pour introduire ia notion d'éoliennes sans aucun projet précis? Comment vous considérez ça dans le plan de développement d'Hydro?

M. Tellier: On parle de 1000 MW pour l'an 2010, je crois, hein?

M. Chevrette: Oui.

M. Tellier: C'est excessivement valable. Ça peut même aller plus vite que ça si c'est considéré jumelé avec la réserve hydraulique que l'on a. Tout ce qu'on produit en éolien l'hiver, c'est de l'eau qu'on ménage en arrière de nos réservoirs pour la prendre l'été.

M. Chevrette: Ça, je comprends ça, mais il n'y a aucun projet précis dans le plan de développement en ce qui regarde les éoliennes.

M. Tellier: D'accord.

M. Chevrette: C'est marqué 1000 MW. Avez-vous un projet bien précis, comme quoi Hydro-Québec veut commencer à produire de l'énergie éolienne, à part d'avoir un objectif ou un voeu pieux?

M. Tellier: Bon! Les deux rives du Saint-Laurent, et surtout, je pense à la Gaspésie, c'est déjà plus connu. Il y a le projet Éole qui est là. Il y a des relevés qui se font depuis le début des années quatre-vingt ou même la fin des années soixante-dix. Le projet Éole marche depuis 1987. On a de l'information. Je crois qu'on est en mesure de dire qu'on s'en va dans cette région-là. Je ne dis pas à Cap-Chat, à côté de l'autre, mais on peut se déplacer un peu, de 10 ou 50 km, ça ne dérange pas, cherchons la meilleure place. On peut commencer immédiatement, en installant l'année prochaine ou bien dans deux ans... Le délai de livraison d'une éolienne, c'est sept mois, et construire une fondation, c'est 15 jours. Pas de problème là.

M. Chevrette: Avez-vous des indications dans le plan de développement? Je vais reprendre ma question pour la troisième fois. Avez-vous des indications, dans le plan de développement d'Hydro-Québec, qu'il y a un projet concret qui va commencer?

M. Tellier: Non, je n'en ai pas vu.

M. Passmore: Quand j'ai vu ces 1000 MW pour 2010, ça me surprend un peu — combinaison 5 à la page 51. Et je suis d'accord avec M. Tellier, si on ne commence pas tout de suite à faire quelque chose, ce n'est pas possible, ça va être très difficile d'avoir 1000 MW d'ici 2010.

M. Chevrette: C'est parce que j'ai l'impression qu'Hydro-Québec a voulu faire plaisir à tout le monde. Ils vous ont mis 1000 MW sans aucun projet, sans aucun programme précis, sans aucun échéancier de quelque nature que ce soit. C'est plutôt ce qui me faisait dire, à l'ouverture des audiences de cette commission, qu'on a voulu faire plaisir. Mais ça mérite plus de respect que ça, parce qu'il n'y a aucun projet, il n'y a rien du tout. Ça, ça me laisse très perplexe. Us auraient pu en mettre 2000 et ça n'aurait pas changé grand-chose. Ils auraient pu en mettre 500 et ça aurait peut-être été plus sérieux. Je ne sais pas, mais il n'y a rien de précis. J'espère qu'Hydro-Québec, par ses spécialistes qui notent tout ici, vont pouvoir nous répondre à un moment donné sur ce qu'ils vont faire avec ça. C'est de la poudre aux yeux, c'est des projets concrets, etc.?

Vous dites que ça doit être jumelé à l'hydraulique. Pourquoi pas aux combustibles?

M. Tellier: Ça peut être jumelé aux combustibles aussi.

M. Chevrette: J'avais plutôt l'impression tantôt, dans une réponse à Mme la ministre, que vous aviez dit que c'était hydraulicité et éolienne...

M. Tellier: Bon!

M. Chevrette: Mais prenez Robertson...

M. Tellier: Oui.

M. Chevrette: C'était une occasion peut-être de tester les éoliennes, parce qu'on me dit que les vents sont favorables dans cette région-là.

M. Tellier: Très favorables. (20 h 40)

M. Chevrette: Donc, ça aurait pu être une occasion concrète qu'Hydro-Québec avait pour mettre à l'épreuve... Parce que les éoliennes ne seront jamais une énergie exclusive. Ça, c'est en combinaison, vous le dites dans votre rapport, vous autres même. C'est en tandem avec un autre type d'énergie. C'est une énergie d'appoint. Ça, je pense que tout le monde s'entend là-dessus. Il me semble que Robertson serait une belle occasion. Les détournements de la Pékans et de la Car-heil sur la Moisie, ce ne serait peut-être pas nécessaire, si on jumelait la Sainte-Marguerite à des éoliennes.

M. Tellier: C'est le message qu'on vous livre.

M. Chevrette: C'est ce que j'ai compris et c'est ce que je trouvais intéressant. Ça pourrait peut-être être une preuve, de la part d'Hydro-Québec, si elle est sérieuse dans ses programmes de... Pardon?

Mme Bacon: Le saumon.

M. Chevrette: Non, non, ce n'est pas une question rien que de saumon, c'est une question de rivières patrimoniales. On aurait pu avoir les mêmes objectifs de mégawatts sans détourner deux rivières. Il n'y a rien qui empêchait ça, et ça aurait pu être une preuve qu'Hydro-Québec était sérieuse dans son discours face à l'énergie éolienne. Avez-vous parlé de ça à Hydro?

M. Tellier: On vous présente le point de vue de l'Association à la commission, ce soir.

M. Chevrette: Vous n'avez pas eu de rencontre avec Hydro là-dessus?

M. Tellier: Non.

M. Chevrette: Vous n'avez pas pu suggérer à Hydro de combiner les éoliennes dans certains projets actuels?

M. Tellier: Personnellement, je n'ai pas été capable, mais je n'ai pas essayé.

M. Passmore: Je crois que l'Association est en train de discuter peut-être de la possibilité avec HydroQuébec, mais on n'a pas d'information là-dessus.

M. Chevrette: C'est parce que vous affirmez que c'est réaliste et, moi, je ne vois rien de concret. Donc, le réalisme que vous semblez y voir, il faudrait qu'il soit non pas précédé, mais au moins accompagné d'une programmation, d'un échéancier de projet précis. Sinon, je ne vois pas comment on va arriver à quelque chose. Il y a un groupe qui est venu nous dire — je ne me souviens pas lequel — que les éoliennes, ça devrait être installé dans le respect des populations. Je ne me souviens pas... C'est le Parti vert, avant-hier. Le Parti vert du Québec est venu nous dire: II faut en installer, des éoliennes, on est pour ça, mais il faut que les populations soient d'accord. Vous, qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Tellier: C'est vrai. Une éolienne, ça occupe très peu d'espace au sol. D'ailleurs, sur les photos qu'on peut vous faire circuler...

M. Chevrette: On les a vues, là.

M. Tellier: ...vous allez voir les éoliennes avec de belles vaches en dessous. Ça peut être de la forêt, de l'exploitation de forêt. Avec de la coupe contrôlée, ça va très bien. Chaque éolienne, ça prend un petit chemin de trois, quatre mètres de large pour se rendre à l'éolienne. C'est un bel accès en forêt. Ça peut très bien se combiner, il n'y a pas de problème. Il faut que la population soit d'accord, évidemment.

M. Chevrette: À ce moment-là, ça rétrécit un potentiel en mosus si vous partez de Rivière-du-Loup et que vous montez à Gaspé. Dans vos propositions, vous établissez le potentiel à partir de la longueur du chemin à parcourir. Vous dites que, sur ça, il y a 250 MW, de Rivière-du-Loup à Gaspé, potentiellement. Là, si vous arrivez et si la population, par exemple, dit: Bien, nous autres, on n'en veut pas, vous vous ramassez avec 25 MW ou 20 MW. Vous vous ramassez aux Îles-de-la-Madeleine avec très peu, parce que les gens ne veulent pas de la pollution visuelle, puisque c'est planche. Ils disent: On n'en veut pas, ni par le bruit ni visuel. La population ne veut pas. On vient de couper. Quel est le potentiel décent que vous croyez qui pourrait être exploité, en tenant compte du réalisme? Vous parlez d'un potentiel théorique, si j'ai bien compris, dans votre mémoire.

M. Tellier: c'est un potentiel théorique qui est basé sur une très faible densité de production, mais je n'irais pas plus haut que 10 % en partant, sûrement pas. on dit que le québec est couvert de forêts, mais il n'est pas question d'aller couper tous les arbres. on commence à s'en rendre compte, là. alors, on a un potentiel éolien, mais il n'est pas question d'aller le ramasser au maximum.

M. Chevrette: Ça dépend des régions. Dans des régions, ils coupent à blanc en maudit, oui.

M. Tellier: II y a un choix à faire. M. Chevrette: Pardon?

M. Tellier: II y a un choix à faire. Il n'est pas question de couvrir le Québec avec des éoliennes, pas plus que de le couvrir avec des réservoirs d'eau.

M. Chevrette: Non, mais, grosso modo, les objectifs devraient être quoi, par exemple, d'ici l'an 2020, si vous regardiez le parc complet de l'énergétique? Quel pourcentage, les éoliennes, d'ici 2020, devraient occuper?

M. Tellier: Si on fixait de 1000 à 1500 MW d'ici 2020, ce serait très beau. On aurait une industrie qui marcherait à la planche, il n'y a pas de doute.

M. Passmore: Je crois que ni la population, ni Hydro-Québec ne sont convaincues que l'énergie éolienne marche comme il faut. Même, elles ne sont peut-être pas convaincues que ça peut être joli. Moi, j'ai trouvé ça joli dans les photos et quand j'ai visité les parcs éoliens en Californie. Alors, il faut commencer avec un parc éolien de 30 à 50 MW et puis, comme ça, la population va être convaincue que ça peut marcher, que ça peut donner de l'énergie et que ça peut offrir du travail et des choses comme ça. Mais, il faut commencer.

M. Tellier: Là, on suppose le potentiel le long du Saint-Laurent, parce qu'on ne connaît pas le régime des vents ailleurs. On le connaît le long du Saint-Laurent et on le connaît du côté de la baie James. Mais, entre les deux, c'est grand, là. On pourrait peut-être faire des relevés, aller chercher et savoir ce qui se passe. On pourrait peut-être en cacher un petit peu plus. Mais on ne le sait pas. On ne connaît pas le potentiel. C'est une première démarche à faire. Comme Hydro-Québec qui veut une rivière, ils vont aller mesurer le débit, c'est la première chose, allons mesurer le vent. Mais, sur la Gaspésie, la côte de la Gaspésie, on a déjà quelque chose.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Saint-Maurice.

M. Lemire: M. le Président, ce que je voudrais savoir, moi, c'est la proportion de l'électricité d'origine éolienne qui est produite en Californie et au Danemark par rapport à ce qui se produit mondialement? En avez-vous un aperçu?

M. Passmore: Comme je l'ai dit, il y a à peu près 25 000 machines dans le monde.

M. Lemire: Dans le monde, oui.

M. Passmore: Puis 17 000 en Californie.

M. Lemire: 17 000, là?

M. Passmore: Oui.

M. Lemire: Puis au Danemark?

M. Passmore: 17 000 en Californie, puis au Danemark, 2000. Alors, le Danemark, c'est le deuxième marché.

M. Lemire: Ça veut dire qu'il y en a 6000 dans le reste du monde?

M. Passmore: C'est ça. Dans le reste du monde, ça commence un peu en Allemagne. Par exemple, aujourd'hui, on a à peu près 50 MW, mais avec la planification d'ajouter 1000 MW d'ici 2105. Puis, en Hollande, il y a 130 MW. Comme je l'ai dit aussi, en Alberta, en Saskatchewan et en Espagne, on regarde sérieusement l'énergie éolienne. D'autres pays? En Grèce, oui.

M. Lemire: Pour quelles raisons elle n'est pas plus connue à d'autres places dans le monde? Pourquoi il n'y en a pas plus que ça ailleurs?

M. Passmore: Je crois que... Premièrement, aux États-Unis, on a commencé ça il y a à peu près 10 ans ou 15 ans. Il y avait des crédits de taxe que le gouvernement fédéral a donnés à ceux qui voulaient développer les énergies renouvelables comme ça.

M. Lemire: Des mesures fiscales. M. Passmore: Fiscales, c'est ça. M. Lemire: C'est ça.

M. Passmore: Puis, quand ça a été arrêté, plusieurs ont pensé que le vent allait cesser d'être développé. Il y a eu une baisse pendant deux ou trois ans après la fin des mesures fiscales et, après deux ans de moins d'activité, ça a monté encore. Aujourd'hui, on a, comme je l'ai dit, des machines comme celles que j'ai montrées, des machines de 30 mètres. C'est supposé donner l'énergie à 0,05 $ du kWh en deux ans.

M. Lemire: J'imagine que, dans ces endroits-là, il doit y avoir eu des impacts sur l'environnement des citoyens. Il doit y avoir eu des impacts visuels, des impacts... Est-ce qu'il y a eu des études qui ont été faites en Californie?

M. Passmore: Des études sur l'impact visuel?

M. Lemire: Oui.

(20 h 50)

M. Passmore: Pas que j'ai vu. Actuellement, il y a celles qui sont jolies et il y a celles qui ne sont pas jolies. Ça dépend de chaque développeur. Puis, il faut faire ça... Celles qui ne sont pas jolies sont celles qui

ont été faites pendant les mesures fiscales, parce que tout le monde a fait ça peut-être un peu trop vite. Maintenant, ça se développe avec beaucoup plus d'imagination, oui, et «purpose». Aussi, en Europe, je crois que la motivation était un peu environnementale, parce qu'on n'a pas beaucoup d'autres sources d'énergie et qu'on a beaucoup de vent aussi. Alors, les deux machines... Par exemple, en Alberta. J'ai parlé tout à l'heure d'un parc de 10 MW puis d'un autre de 9 MW: une machine vient des États-Unis, une machine vient du Danemark. Pour un parc, c'est-à-dire un parc de 10 MW, ça, ce sont des machines américaines et l'autre parc de 9 MW, ce sont des machines qui viennent du Danemark.

M. Lemire: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui. J'ai l'impression que les gens sont... Si les gens sont peu réceptifs, c'est qu'ils n'ont pas encore compris la nécessité d'économies d'énergie, en général, et l'utilisation maximale, même, des énergies renouvelables. C'est peut-être pour ça que les gens n'adhèrent pas spontanément aux énergies alternatives, dans bien des cas, parce que les gens croient que c'est illimité, les énergies. Je pense que ça, c'est les gouvernements... Ce serait peut-être une structure, aussi, comme une commission de l'énergie, par exemple, qui aurait le mandat de sensibiliser les gens à l'économie générale des énergies, à l'utilisation maximale des énergies renouvelables et non polluantes. Mais, jusque-là, jusqu'à ce que ce soit fait, cette sensibilisation, je pense que la pénétration va être très lente. C'est l'impression que ça me laisse, parce qu'on n'aurait pas pensé qu'Hy-dro-Québec, il y a 20 ans, propose qu'il y ait des éoliennes, de toute façon. Là, ils sont rendus, au moins, à l'écrire dans leurs plans. Peut-être qu'au prochain plan de développement il y aura un petit projet de quelques mégawatts, parce que, là, ils se seront fait dire, pendant une commission parlementaire, que ça ne fait pas sérieux de mettre des objectifs sans programme, sans projet concret et le prochain... Hydro, d'habitude, se corrige d'un plan de développement à l'autre. Vous avez lu les plans de développement, avant. Ils vont faire ça, sûrement, la prochaine fois, soit aux Îles-de-la-Madeleine, soit en Gaspésie. Il y aura un petit projet quelconque — il faut essayer de faire plaisir — mais je pense que c'est beaucoup plus la conviction, la volonté qui n'y est pas. Moi, je ne l'ai pas sentie dans le plan de développement du tout. Je n'ai pas senti la volonté de réaliser. J'ai senti plutôt une volonté de faire plaisir à tout le monde au niveau du texte. C'est plutôt ça que j'ai senti dans le plan de développement.

M. Passmore: Hydro-Québec, ils ont leur technologie préférée. Même, ils disent ça, que l'hydraulique, c'est la technologie préférée, mais ce que j'ai essayé d'expliquer pour vous autres, en pensée de ça, ce qui fait la planification, si je peux juste montrer quelque chose pour illustrer... Si on pense... Moi, j'ai parlé des coûts et des risques. Alors, ça, c'est des coûts; ça, c'est des risques. Ici, dans le cercle, ça, c'est tous les prix qu'on peut avoir. Hydro-Québec dit qu'aujourd'hui la chose la plus économique, c'est l'hydroélectricité. Puis, le vent est quelque part, peut-être ici. Qu'est-ce qui arrive si, en 2000, ça, ce n'est pas le prix de l'électricité, si ça augmente un peu, peut-être, ici?

Alors, pour ceux qui font la planification, et si on inclut les coûts sociaux, on peut avoir beaucoup moins de risques, c'est-à-dire moins de risques comme ça. On peut prendre plusieurs options, ici; pas seulement l'énergie éolienne, ça peut être l'efficacité, la cogénération, l'énergie éolienne et les petites centrales hydroélectriques. On peut avoir plusieurs sources d'énergie, comme ça, et pas beaucoup de coûts augmentent. C'est ça que j'ai essayé d'expliquer, que ce n'est pas le coût qui est le seul risque qu'on prend.

Ici, quand on dit ça: Ça, c'est la seule option, c'est l'option la plus économique, puis si ça arrive dans 15 ans, que ça, ce n'est pas le prix où on arrive, peut-être que le prix sera là, on arrive qu'on a, ici, comme premier exemple, beaucoup moins de risques avec beaucoup moins de coûts. Mais, ici, on prend toute une grandeur de prix sans prédiction de risques. Alors, il y a toujours cette chose. Il faut penser à tout ça, comme ceux qui font la planification des options pour le futur.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Merci, M. le Président.

Ma première question — puis vous le recommandez à la page 65 de votre mémoire, il faut commencer par cartographier, puis évaluer le potentiel: Qu'est-ce que vous estimez qui serait un échéancier réaliste pour connaître le potentiel éolien, ici, au Québec?

M. Tellier: Ça prend des relevés pendant au moins 10 ans, parce qu'on fait des relevés, puis il faut les analyser par des méthodes statistiques. Puis, en bas de 10 ans, les méthodes statistiques, comptez-y pas. Même, c'est un minimum. Mais, en faisant la corrélation avec d'autres informations qu'on a aux aéroports, par exemple, on pourrait arriver à avoir déjà une meilleure idée. On ne peut pas se fier aux informations de vent recueillies aux aéroports. C'est complètement faux.

M. St-Roch: Mon autre question. Il y a différents groupes ici, qui sont venus nous dire, lorsqu'on regarde Péolien — et mes collègues y ont touché — qu'il y a la pollution par le bruit qui serait un handicap majeur au niveau de l'acceptation de la part des gens. Il y a un autre groupe, à un moment donné, qui est venu nous dire: C'est à cause du climat du Québec, parce que, avec le type d'éoliennes, avec les pluies verglaçantes, le verglas qu'on a, ça créerait un paquet d'inconvénients, puis ça pourrait restreindre l'implantation d'un parc éolien ici. Quelles sont vos réactions?

M. Tellier: Qui vous a dit qu'il y avait des problèmes de verglas?

M. St-Roch: Là, il faudrait que je regarde, mais ça s'est fait ici, là.

M. Tellier: On peut répondre quand même. Le bruit, c'est vrai. Il y a du bruit. C'est un des problèmes. Une centrale hydroélectrique en a aussi du bruit. Le bruit dans l'éolienne, c'est le frottement du vent sur les pales. Quand vous avez un vent de 30 km/h dans les feuilles, ça fait du bruit aussi. Le vent sur les pales, c'est un peu plus que sur les feuilles, mais ça fait du bruit. par contre, les nouvelles pales... on parlait de nouvelles pales avec 20 % plus d'efficacité, et on analyse les nouvelles pales. la nouvelle génération de pales, qui n'est pas encore tout à fait au point, donne une plus grande efficacité et un moindre bruit. la quatrième génération d'éoliennes, qui s'en vient et qui n'est pas encore sur le marché, va opérer à vitesse variable. vous allez pouvoir jouer avec la vitesse des pales. alors, le bruit est fonction de la vitesse de rotation de la machine aussi. plus vous diminuez la vitesse de rotation, plus vous diminuez le bruit.

Alors, c'est vrai, mais on n'est pas obligé de la mettre en arrière, dans notre cour, l'éolienne. On peut choisir certains endroits, comme on ne la met pas sur le bord d'un cours d'eau, où les canards arrivent à l'automne. Ils peuvent se frapper dessus. Ça, c'est une cause de pollution; ils ont oublié de vous en parler, mais je vous en parle. Lors de l'immigration, les canards peuvent frapper une pale, ça arrive. Mais on n'est pas obligé de la mettre sur le bord d'un lac. D'ailleurs, ce n'est pas avantageux, parce que le lac est dans un trou, puis on veut l'avoir sur la montagne, nous autres. Ça, c'est la question du bruit et d'un autre effet sur l'environnement.

Au point de vue climat. On parle surtout de machines à axe horizontal, c'est-à-dire que les pales sont dans le plan vertical; ce sont des pales de 15 à 20 mètres de longueur chacune et elles sont excessivement flexibles. Maintenant, avec la nouvelle génération, on fait des pales excessivement flexibles, et, juste par l'effet du mouvement de la pale, vous brisez tout le verglas qui peut se former sur les pales. Ce n'est plus un problème. L'axe vertical, comme celle de Cap-Chat, c'est plus un problème, parce que c'est une pale rigide, beaucoup plus rigide. Là, le verglas peut s'accumuler, puis empêcher son opération pendant quelque temps.

M. Passmore: Si je peux juste donner mon expérience. Moi, j'étais là, en Californie, avec toutes les machines autour de moi qui marchaient. Je n'ai pas trouvé ce bruit... un bruit pour lequel il faut mettre quelque chose dans mes oreilles. Peut-être que c'était parce qu'en écoutant ce bruit-là j'étais au courant que c'était la génération de l'électricité sans pollution, je ne sais pas. Mais, en tout cas, je n'ai pas trouvé que ce bruit était quelque chose qui arrête ce développement.

Le Président (M. Audet): Allez-y, monsieur. (21 heures)

M. Tellier: Ne prêtez pas trop d'attention au bruit que vous entendez avec l'éolienne de Cap-Chat, qui est un cas spécial, qui est une machine à très basse vitesse et à très basse fréquence, qui a la propriété de se transmettre beaucoup plus loin, à travers des murs de béton, même. Les machines que l'on a aujourd'hui, à axe horizontal, tournent de 50 à 60 tours à la minute, et vous avez trois pales et une colonne. Ça veut dire une fréquence beaucoup plus acceptable, au point de vue du niveau du bruit, et ça se transmet beaucoup moins.

Le Président (M. Audet): Merci. Malheureusement, c'est terminé, M. le député.

Alors, messieurs, au nom des membres de la commission, je vous remercie sincèrement de votre présentation.

Alors, afin de permettre à Eka Nobel Canada inc. de prendre place, nous allons suspendre nos travaux deux minutes. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 21 h 1)

(Reprise à 21 h 4)

Le Président (M. Audet): La commission reprend ses travaux. Nous recevons maintenant Eka Nobel Canada inc. Alors, messieurs, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous présenter votre exposé, votre mémoire. Avant de le faire, je vous inviterais à vous présenter, par exemple. Et, ensuite, suivra une période d'échange, d'une quarantaine de minutes. Vous avez la parole, vous pouvez débuter.

Eka Nobel Canada inc.

M. Jarvis (R. P.): Merci, M. le Président.

I would like to thank the committee for the opportunity that has been given to Eka Nobel tonight to make this presentation. My name is Ron Jarvis, President of Eka Nobel Canada. With me tonight I have Mr. Jean Morency, Vice-President of Operations, on my right, and Mr. Magella McSween, Vice-President of Finance, on my left.

To start the proceedings, I would like to take a few moments to present the following four subjects: who Eka Nobel is; a brief overview of the sodium chlorate industry in North America; the reason why we are here tonight and the important concerns that we have for our Eka Nobel company operations in Canada; and our key recommendations regarding the Hydro-Québec development plan for 1993. I will then turn the proceedings over to Mr. Jean Morency to present the Eka Nobel overview of the Hydro-Québec development plan for 1993 and expand on some of the factors which affect our operations.

eka nobel canada is the major producer of sodium chlorate in québec. sodium chlorate is a major bleaching chemical used by the north american pulp and paper industry. our mother company is eka nobel ab in sweden and we have a sister company, eka nobel inc., located in the u.s.a. we have two plants here in québec, one in magog and one in valleyfield, both plants employing 140 people, and we export about 70 % of our production into the u.s. we have two québec competitors located with us here: ppg industries in beauharnois, québec, and sterling chemicals in buckingham. sodium chlorate is produced with an electrolytic process which consumes large amounts of electricity. the electricity expense accounts for 50 % of our total operating cost. we are therefore classified as a power-intensive industry, and our two plants at magog and valleyfield, to give you a measure, would use 160 mw of electricity to produce our maximum capacity of 220 000 tons per year. our annual electricity bill would be about 38 000 000 $. presently, we operate at a much lower level, and we will mention this subject later. i should add our manufacturing operations have been maintained with up-to-date technology and our environmentally-clean technology and operation has been recognized by environment québec.

We move to the overview of the sodium chlorate market. Sodium chlorate has been used by the pulp and paper industry for the past 30 years as a bleaching chemical. Since the mid-1980s, there has been a strong increasing demand as the North American pulp mills are using more and more sodium chlorate and less chlorine gas in their bleaching process. The reason for this is that this change in their process allows the pulp mills to improve the quality of their effluents and meet environmental regulations with this increased use of sodium chlorate. To give you a measure of the North American market during the 5 years ending in 1992, the North American market demand increased by 95 % over those 5 years to a total level of 1 500 000 tons per year. The major market area is the southern U.S., where we have a number of very large pulp mills and where the reforestation wood supply for the pulp mills is much more productive.

In response to the market demand of the mid-1980s, we enlarged significantly our Magog plant operation, which was originally founded in 1979, and also our Valleyfield plant, which was founded in 1985. The determining factor for locating our plants here, in Québec, and the subsequent expansions of the capacity of our plants was the availability of competitive electricity prices in those past years and the Hydro-Québec rate discount program which was in effect in the 1980s.

However, with regular tariff increases and the termination of the rate discount program I previously mentioned, we have experienced significant increases in our Hydro-Québec electricity prices. On the other hand, we find some southern U.S. utilities in the U.S. have reduced their prices and, in particular, I am referring to the Tennessee Valley Authority, otherwise known as the

TVA. In addition, this TVA utility in the southern U.S. has had no price increases in the past five years in their industrial electricity rates and projects no more increases for the next three years. It is obvious that we consequently find that for the past five years all the increases in sodium chlorate supply to meet this market demand that I discussed previously have been installed in the southern U.S. And we project further increases in supply which will be required in the next few years as the market demand continues to expand but at a diminished rate. And these increased production facilities to meet this future demand will be installed in the U.S. and clearly not here in Québec, as it has been going on here in the past years.

At this present time, to give you a measure of the differences in power rates, the economy surplus energy program of the Tennessee Valley Authority provides electricity at a rate 30 % lower than our present HydroQuébec rate. What we find internally, within our company, is that this situation has resulted in the U.S. plants of our sister company, Eka Nobel, producing at maximum capacity, while here in Québec we have been operating at reduced minimum loads. Clearly, the U.S. plants of our sister company and our other competitors in the U.S. are now the low cost producers of sodium chlorate in North America. (21 h 10)

This situation obviously raises some concerns for our company. At Eka Nobel, we have been operating our business to the best of our ability in a serious, non-competitive electricity price situation. We see nothing in the Hydro-Québec development plan 1993 which will improve this situation. In fact, the level of non-competitiveness as we see it will only get worse as time goes on. The development plan to us is very discouraging when we see a continuation of rising costs in all areas of Hydro-Québec operations, and we question, in some cases, the assumptions in this plan designed to limit cost increases.

At Eka Nobel, we are extremely concerned, truly we are, about the continuing viability of our present Québec operations. We are also concerned about our inability to participate in the future expansion of the chlorate industry I mentioned previously. We are also concerned about the severe restrictions we are facing when we evaluate and we attempt to promote to our owners the further business development of our company here in Québec. When we compare to the more attractive alternative location of our sister company in the southern U.S., obviously there are alternatives. And I should add as an example in this case by saying that there has been 275 000 000 $ invested at the southern U.S. plant of Eka Nobel during the past 5 years. At the present time, we are currently evaluating a major project which falls into this exact category of a Québec or an alternate U.S. location.

You know, tonight, we are in fact talking about survival. That is what we are really talking about and that is why we are here. The survival of our company, as I mentioned, is the main reason that we took it upon

ourselves to make the submission of the brief to this commission and come down here tonight to speak to you. The number one objective for myself and my company management is to work towards achieving competitive electricity prices by whatever means possible in order that we do survive. In this same context, I truly believe that we represent the view and the situation of many companies in Québec, in our own segment of the industry and many other segments of industries here in Québec.

I would like to close by making a few key observations and recommendations. The proposed increase in electricity rates similar to the rate of inflation as put forth in the development plan of Hydro-Québec is totally unacceptable to us. Our recommendation is that there should be no increase in the tariff for 1993 and also that Hydro-Québec should evaluate the mean by which this tariff can in fact be reduced. In addition, competitive industrial rate programs must be developed for Québec industry to permit us and others to compete on some kind of a level playing field in this very competitive global marketplace that we are all trying to survive in. Surely we can accomplish these things for the good of our economy, our people, and the progress of Québec by working together.

I would like to turn the balance of our time over to Mr. Morency.

M. Morency (Jean): Merci, Ron.

Lorsque nos deux usines québécoises fonctionnent à plein régime, nous utilisons, comme Ron l'a mentionné un peu plus tôt, 160 MW d'électricité, ce qui représente un coût de 38 000 000 $ annuellement. À l'heure actuelle, notre consommation n'atteint plus que 95 MW, soit un coût de 21 000 000 $ annuellement, parce que, malgré la progression de la demande, nos clients s'approvisionnent de plus en plus à partir d'usines situées dans le sud des États-Unis, où elles bénéficient d'importantes réductions tarifaires des entreprises d'électricité locales. Cette situation nous inquiète au plus haut point. afin de demeurer concurrentiels, nous avons examiné chacun des coûts qui affectent le prix de revient de notre produit. nous sommes parvenus à diminuer de 50 % les coûts des matières premières. nos frais fixes ont été réduits de 10 % et les dépenses de transport, de plus de 30 %. le seul coût que nous n'arrivons pas à contrôler, c'est celui de l'électricité. et, même à ce chapitre, nous sommes parvenus à réduire la consommation unitaire de l'électricité de 8 %. les effets cumulés de l'arrêt du programme de rabais tarifaires, des hausses répétitives des tarifs réguliers et de la contraction de l'écart du coût entre le produit d'hydro-québec et celui de ses concurrentes ont exercé et continuent d'exercer sur notre entreprise une pression de plus en plus difficile à supporter. au cours des 10 dernières années, les tarifs d'hydro-québec ont augmenté de 75 %. pendant cette période, les tarifs industriels, aux états-unis, ont diminué de presque 50 % dans certains cas.

On cite souvent, bien sûr, le cas de la Tennessee valley authority, qui, depuis plusieurs années, offre à ses clients industriels un programme d'énergie excédentaire économique à faibles tarifs, qui sont 30 % inférieurs à ceux d'hydro-québec. depuis cinq ans, la tva n'a pas augmenté ses prix. de plus, elle ne prévoit pas augmenter ses tarifs pour les trois prochaines années. ceci a pour effet que, dans notre réseau d'usines nord-américaines, seules les deux usines québécoises ne fonctionnent pas à plein régime. les investissements pour la modernisation ou l'expansion ont été consentis aux usines plus performantes, privant ainsi le québec de nouveaux capitaux dont il aurait pourtant grand besoin. comme exemple, depuis les trois dernières années, il y a eu approximativement 300 mw d'usines de chlorate de sodium qui se sont installées aux états-unis. ceci représente des investissements de 300 000 000 $ et au-delà de 250 emplois directs. à terme, nous craignons que nos actionnaires principaux décident de concentrer ailleurs leur production.

Dans le contexte de notre propre survie, le plan de développement d'Hydro-Québec nous apporte peu de réconfort. On y apprend que le coût du kilowattheure continuera d'augmenter, notamment parce que les charges d'exploitation sont difficilement compressibles. La charge d'intérêt, les taxes, les achats à long terme représenteront 80 % des coûts de fourniture, en hausse de 6 % par rapport à 1992. L'endettement devient paralysant. la direction d'hydro-québec a déployé d'importants efforts au cours des dernières années pour contenir ses coûts. malheureusement, ce n'est pas suffisant. dans le plan de développement, la hausse prévue des coûts unitaires de fourniture d'électricité aux clients assujettis au règlement tarifaire — de 0,053 $ le kilowattheure à 0,0694 $ le kilowattheure à l'horizon 2000 — est considérable, notamment dans la perspective où la prévision de croissance de l'inflation ne se réaliserait pas. pour restreindre la hausse à 3,4 %, taux d'inflation prévu par hydro-québec, il faut en plus compter sur des gains de productivité de plus de 20 %, ce qui est énorme. comment fera hydro-québec si l'inflation demeure inférieure à 2 %, si les gains de productivité ne se matérialisent pas, s'il fallait que l'état se montre encore plus gourmand ou si la concurrence vient comprimer les revenus?

Par ailleurs, nous endossons les propositions de la société de réduire graduellement l'interfinancement et de promouvoir la vérité des coûts. Il est devenu intolérable que les entreprises subventionnent le secteur résidentiel comme il est fait maintenant. Et le plus tôt sera le mieux. Eka Nobel Canada tente de survivre dans un marché mondial terriblement concurrentiel. En raison des baisses de tarifs et de la percée vigoureuse de la cogénération chez les concurrents américains, l'industrie perd lentement mais systématiquement son avantage historique lié au coût de l'électricité.

Concernant la tarification, le plan de développement nous indique qu'Hydro-Québec est prête à explorer, avec ses grands clients industriels — page 87 dans le plan de développement — de nouvelles formules de

tarification qui leur permettraient de baisser leurs frais en modifiant leur mode de fonctionnement. Malheureusement, l'expérience nous enseigne qu'à cet égard, même lorsque la société admet la non-compétitivité de ces tarifs et même lorsque l'impact des concessions est neutre pour elle dans le temps, il est extrêmement difficile, voire impossible, de trouver, de concert, des solutions. Nous aimerions proposer qu'Hydro-Québec déploie les efforts nécessaires pour approfondir les modes de fonctionnement d'autres compagnies d'électricité. Nous croyons que les connaissances ainsi acquises permettront à l'entreprise d'être plus efficace, plus innovatrice, plus ouverte dans la recherche de solutions optimales. (21 h 20)

Nous supportons, bien sûr, toutes les orientations qui portent sur l'amélioration du service. Les propositions de poursuivre les programmes d'amélioration de la qualité du produit et d'intensifier les actions entreprises pour améliorer le service à la clientèle, en espérant que cela inclut la recherche de solutions tarifaires véritables, nous semblent intéressantes et rassurantes. À cet égard, nous supportons entièrement les activités suggérées.

En conclusion, l'examen du plan servira très certainement à clarifier les enjeux du développement auxquels se trouve confrontée non seulement HydroQuébec, mais la société québécoise toute entière. Le Québec doit chercher à tout prix à maximiser les avantages économiques qu'il possède et qui tiennent essentiellement à ses richesses naturelles.

Dans l'affrontement mondial actuel, l'hydroélectricité constitue l'arme stratégique de notre arsenal de guerre et nous aurions tort de mal l'utiliser. Dans la mesure où ces choses sont prévisibles, aucune autre source d'énergie ne sera en mesure d'offrir à terme autant d'avantages aux plans sociaux, économiques et env ironnementaux.

Merci.

Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Alors, je voudrais vous remercier de votre mémoire et de participer à cette commission parlementaire. Mr. Jarvis, am I to conclude from your brief that your production will never be profitable in Québec on the basis of regular rates from Hydro-Québec?

M. Jarvis: Will never be? Mme Bacon: Profitable.

M. Jarvis: Not the way it has to be to maintain a continuing viability of our operation.

Mme Bacon: That is clear enough.

M. Jarvis: This is one of the problems. Excuse me just a moment. May I...

Mme Bacon: I would like you to say a little bit more on that.

M. Jarvis: As part of the concerns, one of our primary concerns is the continuing viability of our operation. The main concern associated with that is the base sodium chlorate business that we have developped in since 1979 at Magog and 1985 at Valleyfield. If we cannot achieve sufficient profitability in return on our investment with our base operation, we find ourselves having a very difficult time, then, to come forth with further diversification in business development. That is what I meant by that statement.

Mme Bacon: Is the main obstacle the energy bill that you have?

M. Jarvis: Yes. We have done...

Mme Bacon: What is the proportion of the energy cost compared to the production cost?

M. Jarvis: The total cost to produce the sodium chlorate, 50 % of that cost is taken up by the cost of energy at the present time.

Mme Bacon: Did you say 50? M. Jarvis: 50 %.

Mme Bacon: The Government of Québec has counted, since many years, on the utilization of electricity as a mean of promotion and support in the economic development of Québec. In this way, Hydro-Québec has been called, in many ways, to contribute to this development, especially in supporting the development of industrial structures. On page 3 of your brief, you remind us of Hydro-Quebec's mission to support the industrial development of the province to this effect and you seem to be astonished that the goal of implementation of large industrial users of electricity is limited to 180 MW. 1000 MW are added to this potential of economic development. Do you think that this prevision of natural implementation, if I can say, of industrial users is reasonable and that the regular rates of Hydro-Québec constitute an advantage for Québec?

M. Jarvis: First, I might say that the 180 MW you refer to in the context of the total projected increased production, if you wish, for Hydro-Québec seems a very small percentage to us. It is small compared to what we feel it should be if Québec, and Hydro-Québec, is going to take the full benefit and use of hydroelectri-city as our main resource here to develop our economy and industry. Hydro-Québec and competitive electricity pricing should be the engine that drives our economy here. We, I guess, sometimes wonder if we are not taking full advantage of that engine to drive our economy in the best direction and in the best way. And one of the problems we are having, as we have been mentio-

ning, is that it isn't only expanding the economy in Québec and expanding industry to make us go, we have to look to the support of the existing industries that have been put in place. during the mid-1980s, as we well know, the hydro-québec rebate program fostered a great amount of industrial expansion in this province. those rebate programs ended and in certain cases and in a number of cases, we feel that there has not been sufficient attention on the part of hydro-québec to make sure the good work that was put in place in the 1980s is being sustained in a good way. and i come back to the simple question and the simple subject that we've been presenting here of non-competitive pricing. any business is the same. if you can't compete, you have got a hell of a problem. in our case, power happens to be 50 % of our total operating cost and that's impossible to change. unless we get competitive pricing, business in our industry is going south. that's clearly what's happening here, and we demonstrated by example that it is clearly the case. it saddens us very deeply because québec has been traditionally the source of rapidly expanding industries that are power-intensive. i have been working and living in québec for 35 years and we have seen the development of our particular industry and other electrical-intensive industries. and i can see the curve on this development has come to an end, when i look back and how we progressed in this province in the last few years. it saddens me, really.

Mme Bacon: What kind of a spread is needed between the U.S. rates and the Québec rates for you to be competitive?

M. Jar vis: We have to have rates that are, in essence, competitive with the U.S. rates. I am not sure what you mean about spread. The spread is very much in our disfavour at this time, of course, as we have described, but these rates have to come down.

Mme Bacon: By how much?

M. Jarvis: By how much must the Hydro-Québec rates be reduced? Is that your question, Mme Bacon?

Mme Bacon: Yes.

M. Morency: C'est une question qui est difficile à répondre, dans ce sens-là, de mettre un pourcentage exact ou un nombre de cents par kWh, parce que c'est une question de tarification. La façon que la structure de prix aux États-Unis, spécifiquement Tennessee Valley Authority, est présentée, c'est sur une base de coût marginal. Mais, si on regarde au point de vue du coût moyen, la différence n'est pas si grande que ça. C'est une question de la façon que la structure de prix est présentée. Dans le cas de TVA, ils ont un coût ferme, un prix d'électricité ferme. Après ça, des coûts d'électricité avec des programmes d'«interruptible» puis des coûts d'électricité «spot». Mais, quand on parle qu'on a une base, puis c'est pour ça que c'a été mentionné par M. Jarvis, un peu plus tôt, on opère au minimum. C'est dans ce sens-là. C'est-à-dire que, si on opère un peu plus bas que ça, on est obligé d'arrêter des lignes de production. Donc, on s'en tient au minimum. À partir de là, c'est là qu'on parle de compétition, de combien ça coûte pour produire la prochaine tonne de chlorate de sodium.

Mme Bacon: Ça donne combien au net? (21 h 30)

M. Morency: au net, on peut peut-être parler de 5 % à 10 %.

Mme Bacon: To maintain the rate increases to the inflation rate, Hydro-Québec suggests to increase its productivity by 20 % by the year 2000. Do you agree with such a goal and is it sufficient?

M. Jarvis: I think it is a very admirable goal. From a positive sense, we hope this can be achieved. It remains to be seen. The reason why we mentioned that and we questioned...

Mme Bacon: Are you skeptical about it?

M. Jarvis: Yes. I do not mean that in a negative sense, Mme Bacon. I mean it in a pure, reflective sense. I hope they can achieve that, quite frankly. If they do not... What we are saying is if it is an over-objective and a high-achieving objective, we can see what will then happen with the projected costs.

Mme Bacon: Thank you.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. 50 % du coût de production, c'est toute une facture. Par rapport à vos débuts il y a 10, 12 ans, d'après ce que j'ai pu comprendre, est-ce que la proportion a augmenté par rapport aux coûts de production? Quels étaient vos coûts de production, la part de l'électricité dans vos coûts de production quand vous avez commencé par rapport à la situation aujourd'hui?

M. Morency: par rapport à aujourd'hui, quand on a commencé, ça pouvait être de 20 %.

M. Chevrette: 20 %.

M. Morency: Évidemment, plus le coût de l'électricité augmente, plus le coût augmente. Évidemment, pendant toutes ces années-là, on a fait tous les autres efforts possibles pour réduire les autres coûts.

M. Chevrette: Vos compétiteurs québécois, est-ce qu'il y en a d'autres? Est-ce que vous avez de la compétition au Québec même?

M. Morency: Oui, deux compétiteurs.

M. Chevrette: Deux compétiteurs. Est-ce qu'ils rencontrent les mêmes problèmes que vous autres par rapport aux États-Unis?

M. Morency: Absolument. Ils ont à compétition-ner le même marché.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez eu des rencontres, des négociations fermes avec Hydro-Québec?

M. Morency: Depuis trois ans maintenant, exactement ce mois-ci, en mars 1990, on a commencé à faire des représentations à Hydro-Québec pour commencer à lui mentionner que ses tarifs commençaient à nous rendre non compétitifs et que ses tarifs étaient non compétitifs. On a eu des rencontres, on a fait des suggestions, mais, comme vous le voyez, bien, on est ici ce soir.

M. Chevrette: Vous avez un paragraphe qui en dit long dans votre texte, là, que je veux questionner, moi, à la page 5, le dernier paragraphe en bas de la page. Est-ce que ça veut dire qu'Hydro-Québec serait de mauvaise foi quand vous vous référez à ce dernier paragraphe? Vous dites: «Malheureusement, l'expérience nous enseigne qu'à cet égard, même lorsque la société admet la non-compétitivité de ses tarifs et même lorsque l'impact des concessions est neutre pour elle dans le temps, il est extrêmement difficile, voire impossible, de trouver, de concert, des solutions.» Ça veut dire quoi, ça, si ça ne veut pas dire de la mauvaise foi?

M. Morency: À mon point de vue, ça ne veut pas dire et ça n'a pas été mis là dans le sens de mauvaise foi. Je pense que les gens qui sont à Hydro-Québec, les gens à qui on parle à Hydro-Québec, je pense qu'ils comprennent notre problème, celui dont on a parlé. Maintenant, est-ce qu'ils ont toute la latitude? Et tout le contexte des dernières années a-t-il pu favoriser à trouver une solution au problème? Je pense que c'est plus ça que d'autres choses.

M. Chevrette: O.K. Je vais me reprendre. Tel que c'est libellé là, il y a du monde quelque part dans la structure d'Hydro-Québec qui ne comprend pas. Est-ce que c'est plus clair?

M. Morency: Si vous voulez l'interpréter comme ça, c'est votre droit.

M. Chevrette: Est-ce que je pourrais aller plus loin et dire: II y a des gens avec qui vous travaillez qui vous comprennent, qui seraient prêts à faire quelque chose, mais qui sont bloqués à un autre palier? Est-ce que ça peut être interprété comme ça?

M. Morency: Ça pourrait être interprété comme ça.

M. Chevrette: Bon, bien, c'est correct. J'ai ma réponse. On va demander à la ministre de sortir le fouet et de parler à ceux qui ont à prendre les décisions.

M. Morency: Ha, ha, ha!

Mme Bacon: Vous me faites une très mauvaise réputation, là.

M. Chevrette: Non, non, au contraire. Mme Bacon: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Elle vous précède et je vous suis. Ha, ha, ha! Rendu à cette heure-là... Une autre question. Est-ce que, dans vos rencontres, il y a eu une concertation entre vos concurrents, vous et Hydro-Québec...

M. Morency: Non.

M. Chevrette: ...ou si ça a seulement été vous et Hydro-Québec?

M. Morency: Seulement nous et Hydro-Québec. Il n'y a pas eu concertation comme telle. Je sais que les autres compagnies ont fait des représentations. Je ne sais pas à quel niveau, à quel endroit exactement, mais je sais que les autres, nos concurrents, ont fait des représentations.

M. Chevrette: S'ils étaient devant nous, je leur demanderais si ça a bloqué à un niveau, eux aussi. Ha, ha, ha!

M. Morency: Ça, je ne peux pas vous répondre.

M. Chevrette: II n'y a pas eu d'entente entre vos concurrents puis Hydro?

M. Morency: Non.

M. Chevrette: Non plus. O.K. Est-ce que vous avez offert au gouvernement... Avez-vous demandé de rencontrer le ministère de l'Énergie...

M. Morency: Personnellement...

M. Chevrette: .. .pour exposer votre situation?

M. Morency: Non.

M. Chevrette: Vous n'avez pas été tentés de faire comme les alumineries?

M. Morency: Faire comme les alumineries? Qu'est-ce qu'elles ont fait, les alumineries? Qu'est-ce que vous voulez dire? Qu'est-ce qu'elles ont fait, les alumineries?

M. Chevrette: Bien, elles ont signé des contrats. M. Morency: Oui, mais il faut se les faire offrir.

M. Chevrette: On ne les connaît pas, mais les États-Unis nous en apprennent à tous les jours.

M. Morency: II faut se les faire offrir, les contrats, mais je pense que les contrats étaient limités.

M. Chevrette: Pardon?

M. Morency: Les contrats à partage de risques, c'était limité aux alumineries, purement et simplement.

M. Chevrette: Vous n'avez pas pensé suggérer la même chose?

M. Morency: Bien, disons que, à notre point de vue, pour nous autres, de rattacher le prix de l'électricité au prix de notre produit, on ne croit pas que c'est une bonne chose. On pense que l'expertise d'Hydro-Québec est de produire de l'électricité, puis l'expertise de l'industrie est de...

M. Chevrette: Vous exportez...

M. Morency: ...produire des produits autres que l'électricité.

M. Chevrette: Vous exportez, naturellement.

M. Morency: on exporte 70 % de notre production.

M. Chevrette: Donc, le problème viendrait avec le pacte du libre-échange. Hydro-Québec voudrait puis elle ne pourrait pas subventionner directement, je suppose. Est-ce que vous avez gratté cet aspect-là? Parce que, avec le pacte du libre-échange, les subventions à l'exportation, c'est-à-dire les subventions d'une compagnie peuvent devenir une concurrence déloyale au sens du traité du libre-échange. Est-ce que c'est ça qu'on vous sert comme argument? C'est quoi?

M. Morency: Bien, ça a été mentionné un peu, mais, pour Eka Nobel, ce n'est pas ce qu'on recherche. On ne recherche pas des subventions. Je pense qu'on a démontré des efforts, qu'on pouvait se battre dans le marché pour se rendre compétitif en regardant tous nos autres coûts. Ce qu'on pense, c'est que, même ailleurs, on pourrait peut-être inverser la médaille dans ce cas-là. C'est-à-dire que, si on regarde le cas de Tennessee Valley, est-ce qu'ils font des subventions? Pourquoi qu'Hydro-Québec... Quand on dit que ce serait profitable à Hydro-Québec d'aller voir ce que les autres utilités font, spécifiquement américaines, puis spécifiquement celle-là, je pense que ce serait intéressant. C'est la même chose. Ils offrent des programmes d'«interrupti-bles», des programmes d'électricité «spot», d'énergie excédentaire, et ainsi de suite. Pourquoi qu'Hydro-Québec n'est pas capable de faire ça? C'est la grande question qu'on se pose. Puis on ne pense pas que ça pourrait être considéré comme un problème dans le libre-échange, à notre point de vue.

M. Chevrette: En tout cas, je peux vous dire qu'on va leur poser, parce qu'ils reviennent devant nous pendant quelques heures. C'est une question qu'il faudra retenir puis leur demander, parce que, effectivement, si les Américains ont ce genre de tarif et que c'est admissible dans le cadre du traité de libre-échange pour eux, ça pourrait l'être pour nous, effectivement. C'est une industrie, quand même, très intéressante pour le Québec. Donc, je pense qu'il y aurait lieu, au moins, de questionner le non-aboutissement des discussions, s'il y a des constats réels de tarifs non compétitifs, premièrement, et, deuxièmement, de possibilité de faire. C'est 38 000 000 $? Est-ce que j'ai bien compris? Votre facture annuelle est de 38 000 000 $?

M. Morency: À pleine capacité, pour nos deux usines, au Québec, ça représente une facture, dans les prix actuels d'électricité, de 38 000 000 $ par année. C'est 1 000 000 $ par mois pour chaque usine, ou presque. Un peu plus. 1 200 000 $...

M. Chevrette: Un peu plus. 1 240 000 $, 1 250 000 $.

M. Morency: Ma facture résidentielle n'est pas ça. Ha, ha, ha!

(21 h 40)

M. Chevrette: Également, vous vous prononcez contre les tarifs saisonniers obligatoires d'une façon très explicite. Là-dessus, je dois vous dire que vous n'êtes pas les seuls. Je pense que presque toute l'industrie en général considère que le programme de puissance «interruptible» est suffisant et qu'on n'a pas à ajouter une aberration dans le système. Ça, je pense que vous n'êtes pas les seuls. Vous avez avisé Hydro-Québec de ça, vous autres aussi?

M. Morency: Oui.

M. Chevrette: Avez-vous participé aux consultations?

M. Morency: Oui, on a participé aux consultations.

M. Chevrette: À tout le processus?

M. Morency: À tout le processus. Peut-être à la dernière minute un peu. C'est sorti un peu rapidement, là, mais on a réagi rapidement aussi. Mais, dans le tarif saisonnier, si vous me permettez ici, en fait, si HydroQuébec veut avoir un tarif saisonnier pour l'industrie, s'il n'est pas obligatoire, on n'a pas de problème avec ça. S'il est rendu obligatoire, dans notre cas à nous

autres, le problème avec le tarif saisonnier obligatoire, c'est que, à ce moment-là, en assumant que ça fonctionnerait, c'est-à-dire qu'on réduirait la production en hiver pour augmenter la production en été, premièrement, il faudrait avoir la capacité en été d'augmenter la production. Donc, il faudrait faire de l'investissement. Ou, si on ne fait pas d'investissement, on diminue notre capacité annuelle. Donc, à ce moment-là, c'est de rendre inefficace l'investissement qui a été fait à notre usine. Puis j'aurais bien de la misère à aller voir nos propriétaires pour leur dire: Bien, je veux avoir un investissement, parce que je manque de production, parce que je suis obligé de baisser la charge, parce que le coût de l'électricité est trop cher en hiver. Par contre, on est ouverts, et on reconnaît le fait qu'Hydro-Québec a un problème de pointe puis qu'elle essaie de résoudre le problème. Je pense qu'il y a des solutions. Il s'agit de les regarder ensemble, en autant que ce soit des solutions viables pour chacune des parties: pour l'industrie et pour Hydro-Québec. Je pense que c'est possible, si on s'assoit ensemble, de trouver des solutions pour ça.

Le Président (M. Audet): Merci. Mme la ministre.

Mme Bacon: Si vous me permettez, M. le Président, avant de passer la parole au député d'Orford, moi, j'ai juste une petite question. Est-ce qu'Hydro-Québec sait que votre différentiel avec les États-Unis, c'est de 5 % à 10 %? Ils connaissent ça, à Hydro-Québec?

M. Morency: Je ne sais pas si on s'est rendu vraiment... On a essayé d'expliquer vraiment c'est quoi le problème, le coût marginal, et ainsi de suite. On leur a envoyé des suggestions, mais je ne suis pas convaincu qu'ils comprennent encore vraiment c'est quoi, la différence.

Mme Bacon: Mais vous leur avez dit? M. Morency: Oui.

Mme Bacon: Vous leur en avez parlé du 5 % à 10 %?

M. Morency: Oui.

Mme Bacon: Ils n'ont rien fait?

M. Morency: Non.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Audet): Merci.

Je vais demander le consentement des membres. Est-ce qu'il y a consentement pour que M. le député d'Orford participe à nos travaux?

M. St-Roch: II y a consentement avec plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Alors, M. le député d'Orford, bienvenue à cette commission. Vous avez la parole pour cinq minutes.

M. Benoit: Très bien. Chers confrères, merci de votre confiance. Mr. Jarvis, Mr. McSween and Mr. Morency, thank you very much for being here tonight. On page 2 of your memoir, Mr. Jarvis, you mentioned that your head office in Sweden decided to reinvest money or at least invest money in some of your United States plants but did not go here in Québec with their investments. What are the main reasons why they decided to go ahead in the United States and refused to invest here in Québec? Just on the return on their capital and...

M. Jarvis: Well, it is the return on the investment they put forth, but it is the fact that the lower pricing of electricity in the U.S.A that we have been talking about then promoted a greater profitability for the system. The profitability per ton, of course, is much higher as your cost goes down. So, the economy of where to locate the plant, on a return on investment basis, and the economy of the continuing running costs obviously favoured the U.S. location because of the lower price situation of electricity as we described.

Magog is another comparison similar to what I mentioned before. The Magog plant was established in 1979. In 1985-1986, during the period of the HydroQuébec rebate program, we tripled the capacity of that plant. We were a world scale sized plant, at that time, the largest in the world. And it was about that time, in the mid-80s, that the Tennessee Valley Authority had a complete turnaround on the way they were managing their business. They were going down the tubes, as we say, in that particular utility. With new management and a complete turnaround in the approach to their business, they revived their utility business, they revived the interest of industry in locating in the Tennessee Valley area. And, then, as this turnaround took place and as the electricity pricing they were providing became more competitive, then the industry started to build down there. And our sister company in Columbus, Mississippi, which is located in the Tennessee Valley Authority area then went through a major expansion in the late 1980s, where they went from a capacity of 40 000 tons a year to 200 000. That is a factor of 5 in 3 years. The market, as I described before, for sodium chlorate was climbing quite dramatically. So Eka Nobel, as we did in an aggressive way, decided to really partake in this market expansion, and it was in Columbus, not Magog, as it had previously been only three years prior to that.

M. Benoit: m. morency, vous nous parlez souvent, effectivement, du tennessee valley authority, mais vous finissez ce paragraphe en disant: ce cas n'est pas unique. il y a d'autres utilités aux états-unis où les taux sont jusqu'à 30 % inférieurs aux taux d'hydro-québec. est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

M. Morency: oui, mais il faut faire attention quand on parle du 30 %. le 30 % s'applique sur les tarifs, sur le coût marginal ici. c'est l'électricité «spot» qui est vendue, celle-là est à 30 % plus bas que les coûts d'électricité d'hydro-québec. mais, par contre, il y a beaucoup d'autres endroits où on a des compétiteurs qui ont des meilleurs taux d'électricité, puis je n'ai pas besoin d'aller aux états-unis. on n'a rien qu'à aller au canada. il y a des usines de chlorate de sodium au manitoba qui ont un meilleur taux d'électricité qu'au québec, en saskatchewan, en alberta, en colombie-britannique. dans l'état de washington aux états-unis, on a une usine eka nobel qui est desservie à un taux que... ce n'est pas ça que nous demandons d'obtenir, mais celui-là est vraiment trois fois plus bas que celui d ' hydro-québec.

M. Benoit: Très bien.

M. Morency: Mais c'est un cas très spécial puis très spécifique, dans ce cas-ci. Il y a des endroits aussi, même dans l'État de New York, où il y a des secteurs qui ont des taux d'électricité extrêmement bas.

M. Benoit: M. McSween, à la page 4 de votre mémiore, vous dites: «...l'industrie perd lentement mais systématiquement son avantage historique lié au coût de l'électricité». Je ne suis pas un expert en électricité, je ne suis pas venu à la commission, étant sur une autre commission, mais j'essaie de comprendre, quand vous faites un «statement» comme celui-là, au même moment où je lis dans les journaux que, Norsk Hydro aux États-Unis, on leur refuse des droits d'entrée parce que leur électricité aurait un avantage nettement inférieur. Est-ce que vous êtes capable de m'expliquer un peu la différence entre ce que vous dites ici, «systématiquement son avantage historique lié au coût de l'électricité», et ce qui se passe avec Norsk Hydro? Et est-ce qu'il y a un lien entre les deux, finalement? Peut-être bien qu'il n'y en a pas.

M. Morency: Vous parlez des tarifs des années quatre-vingt, le programme de rabais tarifaires qu'il y avait à Hydro-Québec?

M. Benoit: Oui, en ce moment, on dit à Norsk Hydro que leurs taux sont trop bas, je pense, pour pouvoir entrer leurs produits aux États-Unis. C'est exact?

M. Morency: Premièrement, je ne pense pas que... Je pense que la cause a été entendue, puis qu'il a été décidé que la partie qui concernait les tarifs d'électricité n'était plus en contention, c'est-à-dire que c'était réglé. C'est que, en autant que je suis concerné, moi, il y a eu des ententes, c'a été réglé, ce cas-là, puis HydroQuébec et Norsk Hydro ont été absoutes de cette accusation.

M. Benoit: Très bien. Alors, merci, M. le Prési- dent.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le député d'Orford.

Je vais maintenant reconnaître M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, j'aurais une seule question. Si le député d'Orford veut revenir, il a bien beau, ou les gens de son milieu. La seule question que j'aurais à poser, ce serait la suivante: Est-ce que vous pensez que ce serait important d'avoir une commission sur l'énergie indépendante qui puisse faire des recommandations directes au ministre, au ministère et au gouvernement, au lieu d'avoir une société d'État qui est juge et partie sur à peu près toute la ligne?

M. Morency: Dison que, à ce point de vue là, je ne pense pas que, en tant que compagnie, on a les qualifications pour être capables de juger d'une telle chose. Pour nous autres, quel moyen qui est utilisé pour obtenir des taux d'électricité compétitifs, c'est ça qui nous importe le plus.

M. Chevrette: Merci, puis je vous souhaite bonne chance.

M. Morency: Merci.

Le Président (M. Fradet): Merci, M. le député. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président.

M. Morency, vous décrivez votre marché comme étant à maturité, à saturation ou en expansion? (21 h 50)

M. Morency: Disons que, si vous m'aviez demandé la question il y a un an, j'aurais dit à maturité, mais, dû à des nouveaux développements au point de vue de l'environnement des pâtes et papiers, nous pensons qu'il y a encore un développement qui va arriver dans les années 1994-1995.

M. St-Roch: Là, on çarle sur le marché nord-américain, là, le Canada, les États-Unis...

M. Morency: Oui, sur le marché nord-américain, absolument.

M. St-Roch: II y a encore une place pour une expansion?

M. Morency: Oui.

M. St-Roch: si, demain matin, par l'effet du hasard, on était capable de vous faire réduire vos tarifs aux alentours de 5 % ou de 10 % — vous parliez de 5 % ou de 10 % — quels seraient les effets sur la production de magog et de valleyfield, à ce moment-là? ça prendrait combien de temps avant de revenir à une

pleine capacité?

M. Morency: Avec la bonne structure de prix, et là il faut bien se comprendre quand on parle de structure de prix ici, en assumant qu'on aurait un bon coût d'électricité sur le coût marginal, on pourrait aller jusqu'à pleine capacité. Et ce chiffre-là a été donné à HydroQuébec. Ils savent parfaitement quel chiffre ils ont à atteindre pour être capable de nous rendre compétitif.

M. St-Roch: Un autre domaine où vous avez allumé une curiosité en moi, c'est lorsque vous avez parlé que, si vous aviez de bons taux d'électricité, des bons coûts, vous pourriez regarder des expansions mais dans d'autres gammes de produits.

M. Morency: Oui. Ici, étant donné la grosseur des usines de chlorate de sodium qu'on a ici — évidemment on parle, dans chaque cas, d'usines de 100 000 tonnes par année — ça pourrait servir comme base pour développer d'autres produits. Nous autres, ce qui nous inquiète, ce n'est pas seulement la survie. Il y a la survie de la base mais aussi le potentiel de développement. Comme M. Jarvis l'a mentionné un peu plus tôt, tous les autres développements sont passés ailleurs, aux États-Unis pour être plus spécifique. Mais on a des projets. D'ailleurs, dans le moment, on est en train de faire une étude de faisabilité pour un investissement de 60 000 000 $, qui créerait au moins 30 emplois directs et qui est relié directement avec la production de base qu'on a dans le moment, c'est-à-dire qui utilise un sous-produit qu'on a présentement.

M. St-Roch: Dans le même ordre d'idées, pour passer régulièrement à côté de votre usine de Magog, je sais que vous avez même ajouté un complément, qui est la récupération et l'utilisation d'hydrogène.

M. Morency: Oui.

M. St-Roch: J'ai trouvé que c'était quelque chose qui était intéressant, parce que ça a donné une dimension qui est intéressante ici, au Québec, pour des développements futurs. Est-ce que vous avez pensé rencontrer le ministre de l'Industrie et du Commerce pour mettre sur la table vos politiques de développement, les problématiques que vous vivez et l'aide que vous attendez ou si vous avez toujours fait affaire avec...

M. Morency: J'oublie les dates un peu ici, mais on a déjà rencontré le ministre Tremblay, en octobre 1991, je pense, quelque chose comme ça, à Magog, pour lui faire part de nos inquiétudes au point de vue de tarification d'électricité. En plus, en janvier de cette année, le 12 janvier, on a rencontré les représentants du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie à Magog pour leur faire part, encore... Ils faisaient le tour, au point de vue des grappes industrielles, pour s'informer, et on leur a fait part de nos inquiétudes, plus du potentiel de non-installation qui pourrait être attaché à la base.

M. St-Roch: Plus le potentiel de cet investissement-là. ..

M. Morency: Oui.

M. St-Roch: ...s'il y avait une tarification qui serait adéquate?

M. Morency: On leur a demandé s'ils pouvaient faire quelque chose pour nous autres.

M. St-Roch: Est-ce que vous avez eu une réponse?

M. Morency: Non.

M. St-Roch: Vous n'avez pas eu de réponse.

M. Morency: Non.

M. St-Roch: Ça va aller, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député.

Alors, c'est terminé, messieurs. Au nom de la commission, je vous remercie sincèrement de votre participation.

Sur ce, nous allons ajourner nos travaux jusqu'à demain matin, 9 heures.

(Fin de la séance à 21 h 54)

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