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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le lundi 25 avril 1994 - Vol. 33 N° 12

Étude des crédits du ministère de l'Emploi


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Table des matières

Journal des débats


(Quinze heures onze minutes)

Le Président (M. Forget): Je déclare la séance ouverte. Alors, je rappelle le mandat de la commission. La commission de l'économie et du travail est réunie afin de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère de l'Emploi pour l'année financière 1994-1995. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Boucher Bacon (Bourget) remplace M. Audet (Beauce-Nord); M. Philibert (Trois-Rivières) remplace Mme Bélanger (Mégantic-Compton); M. Kehoe (Chapleau) remplace M. Benoit (Orford); M. Camden (Lotbinière) remplace Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); Mme Bleau (Groulx) remplace M. Elkas (Robert-Baldwin); M. Brodeur (Shefford) remplace M. Fradet (Vimont); M. Bordeleau (Acadie) remplace M. Joly (Fabre) et M. Maltais (Saguenay) remplace M. Lemire (Saint-Maurice).

Le Président (M. Forget): Merci. Alors, M. le ministre, des remarques préliminaires.


Déclarations d'ouverture


M. Serge Marcil

M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, chers collègues, c'est avec plaisir que je me présente devant vous pour l'étude des crédits de 1994-1995 du ministère de l'Emploi. C'est une occasion privilégiée de faire le bilan et de discuter des perspectives du ministre, du ministère et des organismes. Je me permettrai tout d'abord une brève présentation du ministère de l'Emploi et de ses mandats. Par la suite, je vous tracerai un court bilan de l'exercice 1993-1994 et, enfin, je vous ferai part de mes objectifs pour le présent exercice financier.

Le 23 mars dernier, je présentais le projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Travail, la Loi sur le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et d'autres dispositions législatives. Nous aurons l'occasion, au cours des prochaines semaines, d'en discuter plus à fond. Il importe, pour bien situer nos présents travaux, de se rappeler que ce projet de loi vient concrétiser la réorganisation gouvernementale et définir explicitement les mandats du ministre de l'Emploi. Je remplis ce mandat au service de millions de Québécois et de Québécoises qui, chaque jour, par la force de leur travail et de leur compétence, contribuent à l'essor économique du Québec et participent directement au financement des services que la société québécoise offre à ses citoyens. Ainsi, le ministre de l'Emploi élabore et propose au gouvernement des politiques et des mesures en matière de main-d'oeuvre, d'emploi, de conditions de travail, de relations de travail, de santé, de sécurité et d'intégrité physique des travailleuses et des travailleurs. Avec le ministère et les organismes sous ma responsabilité, je vois à la mise en oeuvre de ces politiques et mesures. En somme, ces mandats sont, notre premier ministre l'a affirmé fortement dans le discours inaugural du 17 mars dernier, tous les éléments qui gravitent autour de l'emploi, de son maintien et de son développement.

À cet effet, le ministère voit à l'application de la Loi sur les décrets de convention collective, laquelle couvre l'extension des contrats collectifs, la supervision de l'administration des comités paritaires, les modifications ou l'abrogation des décrets. Il assume également, en application du Code du travail, les services de conciliation-médiation et d'enquête et les responsabilités en matière d'arbitrage. Il gère également le Bureau du commissaire général du travail, qui applique la procédure d'accréditation prévue au Code du travail, et le Bureau d'évaluation médicale, qui veille à l'application du mécanisme d'évaluation médicale prévue à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Enfin, suite à la réorganisation gouvernementale, le ministère a réaménagé le secteur de la planification, de la recherche et de la construction. Il a ajouté à ses responsabilités l'élaboration des politiques dans le domaine des relations et des conditions de travail, celles concernant la main-d'oeuvre et l'emploi. Il assume les mandats de l'expertise gouvernementale sur l'industrie de la construction, incluant l'encadrement administratif du conseil d'arbitrage et la collecte et la diffusion d'information concernant le marché du travail.

L'élargissement du mandat du ministère permettra une réflexion plus large sur l'ensemble de la problématique de l'emploi. Le ministre de l'Emploi se voit confier en plus la responsabilité des organismes du travail, comme la Commission de la construction du Québec, qui est la CCQ, la Régie du bâtiment du Québec, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le Conseil des services essentiels, l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, la responsabilité de la Commission des normes du travail et de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. La commission parlementaire des affaires sociales a d'ailleurs procédé à l'étude des crédits affectés à cet organisme jeudi et vendredi dernier. Voilà pour les mandats et structures qui relèvent du ministre de l'Emploi.

Avant de présenter le bilan et les perspectives que sous-tendent les crédits du ministère, je crois intéressant pour les membres de cette commission de dresser l'état des relations de travail au Québec en 1993. Tout d'abord, notons que nous avons connu, au cours des quatre dernières années, une diminution continue des arrêts de travail. Même si, en 1993, cette diminution semble faire une pause, il demeure que le nombre des employés touchés est à un seuil très bas. Ainsi, alors qu'en 1990 plus de 120 000 travailleurs étaient touchés par un arrêt de travail pour plus de 1 100 000 jours de travail perdus, en 1993, moins de 50 000 travailleurs étaient touchés pour un peu plus de 500 000 jours de travail perdus, incluant les grèves dans le secteur de la construction.

En outre, les conflits de travail sont moins le fait des grandes entreprises que des PME et même de très petites entreprises. Jusqu'à 25 % des demandes de conciliation reçues au ministère proviennent d'entreprises de 10 employés et moins, de même qu'une forte proportion des arrêts de travail.

Par ailleurs, de nombreux signes nous indiquent que l'approche conflictuelle en matière de relations de travail a fait son temps ou, tout au moins, répond de moins en moins aux attentes des patrons et employés et aux besoins des entreprises. Plusieurs entreprises et syndicats développent déjà de nouvelles approches en relations de travail. Le renouvellement des conventions collectives témoigne davantage que par le passé de préoccupations en matière de modifications à l'organisation du travail ainsi que de transparence de l'information. Il en résulte également des changements aux horaires de travail et aux modes de rémunération.

Au ministère, on a déjà recensé une quarantaine de cas pour illustrer ces nouvelles approches. Même s'il semble bien que la très grande majorité de ces transformations s'amorcent en situation de crise, pour ne pas dire lorsque la survie de l'entreprise est menacée, nous sommes convaincus que l'avenir commande des rapports davantage axés sur la confiance mutuelle, le partenariat et la flexibilité.

C'est avec comme objectif de soutenir le développement des relations de travail harmonieuses que le ministère a complété la mise en oeuvre de la première année de son plan stratégique, dont les orientations sont une approche basée sur la prévention au niveau des relations du travail couplée à un accent plus important mis sur l'organisation du travail et son impact sur les relations de travail.

Ce fut une année de préparation, de recherche et de planification. Les conciliateurs-médiateurs du ministère ont reçu cet automne une formation en matière d'organisation du travail, afin de les préparer à mieux supporter les parties qui veulent développer une entente de partenariat pour augmenter leur compétitivité et protéger leurs emplois.

Le ministère a présenté, dans plusieurs forums, l'état de ses réflexions et de ses travaux. Il développe présentement, à la mesure de ses ressources, des façons d'intégrer ces nouvelles réalités aux pratiques d'intervention. Il est associé au ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, afin d'harmoniser les plans d'action pour renforcer la compétitivité des entreprises québécoises et y améliorer les relations du travail.

(15 h 20)

Il élabore présentement un programme conjoint de promotion de nouvelles formes d'organisation et de relations du travail auprès des petites et moyennes entreprises. C'est dans cette même perspective de responsabilisation des parties à la négociation que le gouvernement privilégie la modernisation du Code du travail, particulièrement au chapitre de la durée des conventions collectives, et une révision des règles en matière de relations du travail dans l'industrie de la construction, et qu'il soumet à la discussion publique une révision majeure de la Loi sur les décrets de convention collective en mai prochain.

L'année 1993-1994 aura été pour le ministère une année sous le signe du partenariat et de la consultation. Je tiens à mentionner particulièrement les travaux du Comité interministériel, mandaté pour évaluer la pertinence de maintenir la Loi sur les décrets de convention collective, analyser les conséquences et les implications de l'abrogation de la loi et proposer, s'il y avait lieu, les moyens pour réactualiser la loi, en tenant compte du nouveau contexte économique.

De même, la tenue, en octobre dernier, du Sommet sur l'industrie de la construction en est une illustration. Une équipe ministérielle a alors examiné attentivement toute la littérature des 15 dernières années sur cette industrie. Elle a produit un document de consultation soulevant les diverses problématiques et proposant des hypothèses de solution. Il importe de rappeler que, pour la première fois, les partenaires de cette industrie s'asseyaient ensemble pour discuter de leurs problèmes et de la relance de leur industrie. C'est de cette façon que le ministère a travaillé à traduire dans la réalité ces nouveaux objectifs. Et c'est aussi à la suite de travaux et de plusieurs séances de discussions avec les représentants patronaux et syndicaux au CCTM que le ministère a élaboré le projet de modification au Code du travail qui est le projet de loi 116.

En regard de nos responsabilités dans l'ensemble canadien, le ministère a participé activement aux discussions qui se sont déroulées sous la direction du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles et qui ont conduit à la signature, en septembre 1993, de l'accord parallèle à l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA. De plus, le ministère a été associé intimement aux négociations d'une entente fédérale-provinciale sur la mise en oeuvre et la gestion de l'accord parallèle qui se sont amorcées en janvier dernier et qui se poursuivent.

Le ministère a également participé, au sein de la délégation gouvernementale, aux discussions entreprises par les gouvernements du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario en vue d'en arriver à des accords commerciaux de réciprocité visant à faciliter l'accessibilité aux marchés des trois provinces. Des ententes ont été conclues. Concernant plus particulièrement la mobilité de la main-d'oeuvre, le ministère de l'Emploi complète sa négociation avec l'Ontario sur les éléments d'un système de reconnaissance réciproque des qualifications pour les travailleuses et les travailleurs de la construction.

Au chapitre des dossiers gouvernementaux, le ministère s'est impliqué en étroite collaboration avec les ministères porteurs des dossiers. Ainsi, le ministère de l'Emploi a coopéré à l'implantation du plan d'action gouvernemental en matière de politique familiale, notamment en sensibilisant son personnel à la conciliation des responsabilités familiales et professionnelles et en préparant des dossiers de réflexion et d'orientation sur les politiques reliées à l'emploi. Ces activités se poursuivront en cette Année internationale de la famille.

Pour donner suite aux engagements pris dans le cadre du plan d'action gouvernemental en matière de condition féminine, le ministère a, entre autres, publié un rapport de recherche portant sur l'équité salariale au Québec, tout en participant aux travaux d'un comité d'étude sur la rémunération des femmes.

Au cours de l'année 1993-1994, le ministère a aussi poursuivi la réalisation de son engagement à participer au redressement des finances publiques. Il a contribué à l'Opération réalignement par l'établissement d'un inventaire complet de ses produits et services, par l'établissement d'un coût de revient de ceux-ci et la recherche d'un produit et d'un service de meilleure qualité et à coût moindre.

Sur un budget d'un peu plus de 20 000 000 $, c'est plus de 5 % d'économie qui ont été réalisés en 1993-1994. Il a, de plus, déjà satisfait l'obligation faite par la loi 198 de réduire de 20 % le personnel d'encadrement. Ces réalisations se sont faites en poursuivant ses efforts d'amélioration de la qualité des services qu'il dispense avec une recherche soutenue d'une meilleure adéquation de ses services avec les besoins de ses clientes et clients.

Pour 1994-1995, au cours de cette année, il m'apparaît essentiel de poursuivre le travail amorcé pour améliorer la qualité des services à la clientèle en accentuant davantage les gestes préventifs. À cet effet, le ministère s'est doté d'un comité de coordination qui s'active au développement d'une plus grande expertise dans le domaine de l'organisation du travail et de ses répercussions sur les relations du travail. Ainsi, le ministère sera en mesure d'intervenir et d'interagir avant que les crises ne surviennent. Cela nécessite de poursuivre et même d'accroître la concertation avec nos partenaires tant privés que gouvernementaux.

Dans ce contexte, le ministère tiendra, en novembre 1994, un colloque sur les innovations en organisation et en relations de travail. Cet événement permettra aux dirigeantes et aux dirigeants patronaux, syndicaux et universitaires, de se rencontrer et d'échanger sur les expériences vécues et en cours. Notre intention est d'y diffuser un répertoire d'expériences de changement dans l'organisation du travail. Nous profiterons de l'occasion pour jeter les bases d'un réseau soutenu d'échange et de collaboration entre le ministère, les entreprises et les syndicats. C'est, entre autres, ainsi que le ministère jouera un rôle de plus en plus proactif ou, si vous préférez, plus préventif.

En outre, dans le cadre de l'Opération réalignement, le ministère procédera à un questionnement sur les services que nous offrons. Ces services répondent-ils aux besoins de nos clientèles? Les offrons-nous au meilleur coût possible? Pouvons-nous offrir un produit de meilleure qualité au même coût ou à un coût moindre? Est-il possible de réduire la paperasse que l'on exige de la population? Tout ce que l'on demande est-il essentiel? Ce sont autant de questions que l'on doit se poser pour relever le défi de la qualité et de l'excellence. Nos services sont déjà fort appréciés, mais peuvent-ils être encore davantage améliorés?

Avec la création du ministère de l'Emploi, une révision de la planification stratégique du ministère s'impose. Elle est déjà amorcée et devrait conduire à une «priorisation» des dossiers de politiques en particulier. À ce chapitre, je veux noter l'importance d'arrêter les orientations concernant le régime d'extension des conventions collectives suite à la consultation du mois de mai prochain.

Il nous reste également à poursuivre les efforts dans le secteur de la construction pour donner suite à des consensus au Sommet, pour assurer la mise en place du nouveau régime de négociations et des mesures pour contrer le travail au noir. Il faut, entre autres, assurer l'instauration d'un régime de garantie obligatoire pour la construction résidentielle sous la responsabilité de la Régie du bâtiment. Il faut aussi procéder à la révision des métiers.

Pour conclure, je dirais qu'au cours de la prochaine année il faut accentuer et intensifier le développement des intérêts communs entre partenaires. Nous devons trouver les façons les plus simples de traduire cette vision à long terme dans la pratique quotidienne des relations du travail et dans tous les efforts que nous ferons collectivement pour le développement de notre main-d'oeuvre et le maintien de la création d'emplois.

Donc, M. le Président, l'étude des crédits de l'Emploi à la commission de l'économie et du travail porte sur les crédits à voter suivants. D'abord, on va toucher les crédits affectés directement au ministère de l'Emploi, qui est le programme 1, incluant une subvention à la CCQ; la subvention à l'IRIR, programme 2; les crédits affectés à la Régie du bâtiment du Québec, qui est le programme 5; l'aide financière à la CSST, qui est le programme 6; et sur les crédits permanents affectés au CSE.

(15 h 30)

Pour en discuter, m'accompagnent Mme Nicole Malo, sous-ministre; M. Jean Des Trois Maisons sous-ministre adjoint des relations du travail; M. Errol Dubreuil, directeur général de l'administration. Également, les présidents des organismes suivants: M. Pierre Shedleur, président-directeur général de la CSST; M. Jean G. Rivard, président-directeur général de la Commission des normes du travail; M. Jean-Claude Riendeau, président-directeur général de la Régie du bâtiment du Québec; M. Alcide Fournier, président-directeur général de la Commission de la construction du Québec; Mme Madeleine Lemieux, présidente-directrice générale du Conseil des services essentiels; et Mme Hélène... Comment vous dites ça?

Une voix: Vague de la roche.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Marcil: Mme Wavroch – excusez-moi – de l'IRIR. Merci beaucoup.

Le Président (M. Forget): M. le député de Laval-des-Rapides, vos remarques préliminaires, s'il vous plaît.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Mes remarques préliminaires seront courtes. J'aime bien que le ministre nous parle du programme pour l'année qui s'en vient, sachant qu'il y a des échéances à rencontrer qui feront que le ministère sera peut-être bouleversé. Mais, enfin, je reconnais que, dans le milieu du travail, il y a une continuité, de parti en parti, et c'est dans un esprit non pas nécessairement de conciliation mais de collaboration que j'entends bien mener cette étude des crédits, pour que ce soit dans le meilleur intérêt du domaine que nous allons régir.

C'est avec raison que le ministre a souligné le climat social dans lequel le ministère du Travail a exercé, la diminution constante des arrêts de travail et des pertes de jours de travail par la diminution des grèves et des lock-out dans l'industrie et dans le monde du travail en général dans le Québec. C'est certainement un élément positif du Québec de constater qu'on perd ainsi moins de jours. Mais, enfin, il faut être réaliste, je pense bien que c'est dû largement non pas, peut-être, à l'action des gouvernements, mais à l'état de l'économie, à la crainte énorme de perdre son emploi de la part des travailleurs. Mais je reconnais aussi qu'il y a un nouveau climat qui fait que, de plus en plus, les employeurs sont prêts à considérer que leur meilleur matériel, c'est l'humain, c'est les capacités de leurs travailleurs, leur formation, leur désir au travail. Et, d'un autre côté, les travailleurs étant de plus en plus instruits, les organismes syndicaux étant dirigés par des gens de plus en plus conscients de l'économie, n'ayant plus à poursuivre de modèle socialiste extrémiste, tout le monde est redevenu un peu plus nuancé dans ses opinions et comprend les exigences du capital, la compétition internationale, et, dans la mesure où ils sont en présence d'un entrepreneur qui est prêt à risquer son capital et à faire profiter la collectivité des bénéfices que ses risques et son efficacité vont apporter, le climat s'améliore indépendamment des actions que les gouvernements entreprennent. En somme, nous bénéficions d'une amélioration d'un climat beaucoup plus que nous en sommes la cause.

Mais, justement, il me semble que c'est lorsqu'un climat comme celui-là existe qu'il faut, dans un ministère comme celui du travail, chercher à évoluer par consensus beaucoup plus qu'en imposant des solutions. Et il y a quand même deux projets de loi importants qui ont été présentés par le ministère du travail, dans le courant de cette année. Alors que le processus avait commencé dans la recherche d'un consensus, alors qu'un consensus pouvait se dessiner, le gouvernement a décidé d'agir, d'imposer une solution qui va carrément contre l'une des parties.

La première de ces situations, c'est évidemment celle dans la construction. Vous nous avez rappelé qu'un sommet de la construction avait été tenu au mois d'octobre et qu'on avait révisé 15 ans d'un régime quand même original – où on avait une négociation sectorielle – 15 ans d'un régime qui avait amené la paix syndicale dans un domaine qui avait été trop, par le passé, identifié à la violence, aux grèves sauvages, à des contrôles d'organismes syndicaux par la force. Il est évident qu'aucun régime, dans une société et dans une économie qui connaît des changements aussi rapides que les nôtres, ne peut exister pendant 15 ans sans des changements majeurs. Dans l'optique de la collaboration entre les acteurs économiques que l'on connaît dans le domaine du travail au Québec, je pense qu'on aurait dû laisser les parties en arriver à des consensus avant de leur imposer une solution de l'extérieur, amenant un raidissement et une véritable révolte dans le domaine de la construction domiciliaire au Québec, une révolte que vous avez connue. C'était avant que vous soyez ministre de l'Emploi, M. Marcil, avant... Et c'est d'autant plus étonnant que, dans les rapports qui émanaient du ministère, la solution qui a finalement été adoptée par le gouvernement semblait avoir été dénoncée auparavant.

Enfin, justement dans le courant de cette année, on verra si les électeurs donneront l'occasion de changer, une fois de plus, le régime ou pas. Beaucoup de choses sont décidées dans une élection, il n'y a pas juste celle-là. Mais je trouve que c'est une mesure qui ne s'est pas inscrite dans le sens de la collaboration qui existait dans le milieu du travail ces dernières années.

À un degré moindre, et nous avons déjà exprimé notre opinion sur ce sujet et nous l'exprimerons plus abondamment lors de l'étude du projet de loi article par article, je veux tout simplement rappeler que c'est un petit peu de la même façon que vous avez traité le problème délicat de la durée maximum des conventions collectives. Je suis convaincu que l'intention de départ était bonne et, dans ce cas-là, permettait de régler un problème, que le désir réel du ministère était de régler un problème pour les deux parties: tant pour les travailleurs, qui bénéficiaient d'avantages à long terme, que pour les entrepreneurs, qui décidaient de leur côté qu'ils avaient besoin d'une sécurité à long terme pour faire des investissements importants. Mais je pense que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre était près d'une solution. L'enthousiasme avec lequel une des deux parties a accueilli le projet de loi par rapport aux hésitations de l'autre nous démontrent que, encore là, le gouvernement n'avait pas à imposer une solution de l'extérieur, et qu'en ce faisant il ne favorise qu'une partie, surtout dans le domaine de l'emploi, où on ne sent pas le besoin d'avoir des conventions collectives très longues. Vous l'avez noté vous-même, les problèmes du travail auxquels on était habitué, c'est-à-dire le nombre de grèves, le nombre de jours, de pertes horaires, c'est de plus en plus dans la petite et dans la moyenne entreprise et dans la petite, petite entreprise; c'est là que le projet de loi 116 risque d'avoir des effets de... Le mot qui me vient, c'est de rendre «esclaves» – mais je ne veux pas aller aussi loin que ça – d'assujettir, disons, des travailleurs pendant de trop longues périodes de temps. Mais nous aurons l'occasion de revenir là-dessus au courant de la prochaine année et de faire nos critiques.

Pour le reste, nous serions prêts à passer à l'étude de certains crédits. Il est évident que les trois heures qui nous sont données ne nous permettent pas de faire une étude exhaustive de tous les crédits, alors nous avons limité nos interventions à quelques sujets sur lesquels nous allons parler. Merci.

Le Président (M. Forget): Merci, M. le député de Laval-des-Rapides. Alors, est-ce... oui. Oui, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres...

M. Marcil: Simplement pour dire aussi, dans l'évolution au niveau des relations du travail, il y a un apprentissage également, au niveau des parties, à développer des consensus qu'on ressent de plus en plus. Il y a du chemin à faire encore, malgré les problèmes puis même malgré les consensus qu'on a réussi à établir, surtout au niveau du Sommet de la construction, il y a un processus d'enclenché d'établir des consensus, mais qui est un peu différent des autres domaines au niveau des relations du travail. Donc, malgré les décisions prises, on sait une chose: il y a encore du chemin à faire. Ça avance, mais il y a cette culture à développer au niveau des relations du travail, autant au niveau de la partie patronale que syndicale.

(15 h 40)

Le Président (M. Forget): Merci, M. le ministre. Est-ce que le député de Drummond, vos remarques préliminaires, en réalité, encore...


M. Jean-Guy St-Roch

M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. Alors, M. le Président, l'étude des crédits est toujours l'opportunité de regarder en arrière de nos épaules pour voir ce qui s'est passé dans l'année qui vient de s'écouler et, surtout, de donner une perspective et des vues de la partie gouvernementale vers quoi on tend.

Mon collègue de Laval-des-Rapides a mentionné les deux projets de loi majeurs qui ont fait énormément de presse au courant de 1993-1994. J'aimerais dire que, oui, les relations de travail sont beaucoup mieux dans l'ensemble du secteur ouvrier-patronal, mais chassez le naturel, il revient au galop. Mon collègue l'a souligné aussi: on a eu des décloisonnements, il y a eu des grands modèles qui ont tombé au courant de ces années. Ce qui me réjouit dans vos propos, M. le ministre, ça a été la recherche de nouvelles formules qui nous permettront de mieux aborder cette grande problématique du milieu ouvrier-patronal, parce que, si on a vu des modèles tomber au début de la décennie quatre-vingt-dix qui était un système socialiste, on peut d'ores et déjà prévoir que, dans la prochaine foulée des quelques années qui nous restent avant l'an 2000, il y aura peut-être des modèles capitalistes aussi qui tomberont. Alors, je pense qu'il est sage d'être à la quête d'un nouveau modèle.

En ce qui regarde le projet de loi 142, dans mes remarques et dans tous les débats qui ont eu lieu, j'avais souhaité ardemment, et j'espère encore, que le ministère du travail, avec tout l'équipement qu'il a, soit capable de mettre en place, dans un contexte de gestion intégrée et de considération de toutes les «externalités», le portrait du secteur de la construction. Parce qu'on s'est aperçu, et depuis 1990 que j'ai eu la chance de le souligner, qu'il y a des pyramides de mouvements d'âge qui font en sorte que, même encore aujourd'hui, on regardait le collègue de M. le ministre, le ministre des Affaires municipales, disant: On sera chanceux si on a 38 000 unités de construction...

Alors, je pense, moi, que la vague qu'a créée la projet de loi 142 dans l'industrie de la construction n'est pas terminée. Elle va se poursuivre, et il serait de l'intérêt qu'on mette un peu de recherche en vue de donner cette image-là et d'être capable de prévoir, dans les années à venir, autant nos besoins de formation au niveau de nos jeunes qu'au niveau aussi de la résorption des 120 000 travailleurs de cette collectivité.

Au niveau du projet de loi 116, il est encore dans l'Assemblée nationale, M. le Président. Vous me rappelleriez à l'ordre si j'essayais de présumer de l'adoption du projet de loi. Mais il reste qu'il y a une grande chose dans ce projet de loi là qui me fait sourciller – ceux qui étaient présents lors de l'étude vont s'en souvenir – c'est que, souvent, il est bizarre. Lorsqu'on regarde un ministère comme le ministère de l'Emploi... Et un des articles qu'on a trouvé à l'intérieur du projet de loi 116, ça a été de soustraire tous les emplois de la fonction publique. Encore là, dans une vision intégrée de gestion de l'emploi et du travail, je pense que tous ceux de votre ministère, M. le ministre, vont considérer que, souvent, il y a des effets de débordement. On utilise soit le secteur privé ou soit le secteur public pour établir des modèles, pour être capable d'établir les tangentes qui vont se répercuter dans l'un et dans l'autre. Alors, moi, j'ai été étonné qu'on soustraie, à l'intérieur du projet de loi 116, les contrats de longue durée dans tout ce qui est l'appareil gouvernemental. Alors, peut-être que se cachent des volontés cachées, M. le Président. On aura la chance, à travers les semaines et les mois, d'essayer de les découvrir.

Pour en revenir un peu plus spécifiquement aux crédits, d'entrée de jeu, M. le Président, je vous dirai que j'aurai des interrogations concernant la Régie du bâtiment du Québec. Parce que, lorsque M. le ministre, dans ses remarques préliminaires, a fait avis qu'on avait implanté le fameux projet de loi 198 concernant l'imputabilité et qui sous-entend aussi – ce qui est peut-être l'élément qu'on voit le plus – la réduction des effectifs, je remarque que 59 emplois réduits sur 73 viennent de la Régie du bâtiment du Québec. Alors, j'aimerais qu'on ait l'opportunité d'échanger et de comprendre le pourquoi de l'affaissement de la structure des ressources humaines dans ce ministère-là.

Dans d'autres programmes, M. le Président, j'aurai à m'interroger et comprendre avec M. le ministre les réductions au niveau de la planification, recherche et construction qu'est le programme 1, Emploi. J'aurai aussi, à l'intérieur des différents programmes – vu le temps limité et le peu de temps que nous aurons, M. le Président – à regarder aussi, avec M. le ministre, le programme d'aide aux individus, communément appelé le programme PAIE. Essayer de faire un peu le point, de voir ses impacts. Les crédits d'impôt remboursables pour la formation... Parce qu'il semble se dégager, à la lecture de ces statistiques-là, que, lorsqu'on est en récession, on voit l'utilisation maximum des programmes; lorsque l'économie revient, on revoit que les crédits ont tendance à baisser.

J'aimerais regarder aussi le programme de subvention et de prêt individuel aux travailleurs et travailleuses, communément appelé SPRINT, voir les impacts, où est-ce qu'on en est. Parce que, lorsque je regarde les résultats jusqu'ici, c'est 1600 emplois. J'ai remarqué aussi, à l'intérieur des crédits, qu'on prévoit une augmentation d'une vingtaine de millions de dollars parce qu'on aura 2000 postes additionnels qui devraient s'ajouter. J'espère qu'on aura l'occasion d'y jeter un coup d'oeil. Finalement, concernant le programme d'aide aux entreprises, j'aimerais avoir l'opportunité d'échanger, M. le ministre.

Je conclurai, M. le Président, un peu en conclusion, à revaloriser le travail des parlementaires parce que, souvent, on a l'impression que les parlementaires, lorsqu'on s'assoit autour d'une table d'une commission parlementaire, c'est un peu du tiraillement de gauche à droite et que tout le monde essaie de promouvoir ses visions et ses visées. Je conclurai que l'année 1993-1994, à même le vécu de la commission de l'économie et du travail, nous avons eu la chance et l'opportunité de scruter en détail la Commission de la santé et de la sécurité du travail. M. le Président, je pense que tous les parlementaires et votre présidence devraient prendre bonne note que, après des années de demandes de la part des parlementaires de la commission de l'économie et du travail, nous avons réussi à nous asseoir et à faire notre mandat d'élu: de regarder une société d'État de a jusqu'à z. Je sais que ça a fait peur longtemps à la partie gouvernementale, mais qu'est-ce qu'on a retrouvé, dans les jours qui ont suivi, chez les analystes qui s'y sont penchés? Que, pour une fois, une commission parlementaire s'était assise, avait scruté un organisme d'État de fond en comble. Finalement, les critiques ont été excessivement élogieuses, autant de la société d'État qui est venue s'asseoir, devant l'ouverture d'esprit qui a été mentionnée, autant des parlementaires de quelque côté qu'on veut de cette table, et on a loué le modèle de la commission de l'économie et du travail dans la recherche de ce dossier-là comme étant ce qui devrait être le modèle de la vie parlementaire.

J'espère, M. le Président, que, dans cette foulée de nouveaux budgets, même s'il y aura des échéanciers électoraux, la commission de l'économie et du travail pourra continuer à regarder, à même ses responsabilités, d'autres mandats d'initiative comme ceux qu'on s'est donnés, et, finalement, ceux qui auront été les grands gagnants, ce sont nos citoyens et nos citoyennes. On a vu, d'ailleurs, depuis cette commission parlementaire là, au niveau de la CSST, une revalorisation de l'image qui est grandement à l'honneur de toute l'équipe de la CSST, de son président et des membres qui le secondent, mais aussi, je pense, moi, à cause des relations de parlementaires avec cette société d'État. Je pense que c'est le modèle à établir. Si on veut, un jour, revaloriser le rôle du député, je pense qu'on a eu la chance de vivre ce modèle.

Sur ceci, M. le Président, personnellement, je serais paré à regarder les crédits de chacun des programmes, à la guise de vos directives, en vous assurant, comme je l'ai toujours fait, que j'aborderai cette commission parlementaire avec ouverture d'esprit, dans la recherche des meilleurs intérêts de mes commettants et en vous assurant d'ores et déjà qu'à la fin des travaux, quel que soit l'échéancier, vous aurez mon consentement qu'on adopte tous les éléments des programmes concernant le ministère de l'Emploi. Je vous remercie.

Le Président (M. Forget): Alors, merci beaucoup, M. le député de Drummond. M. le ministre, vous voulez intervenir.

M. Marcil: En ce qui concerne la loi 116, lorsqu'on parle de l'exclusion du secteur public et parapublic, d'abord, ce secteur est déjà régi par la loi 37, et le régime de négociations est présentement en révision. Même s'il y a un petit retard, s'il y a des recommandations dans ce sens-là suite à l'étude, à ce moment-là, on sera très ouverts peut-être à l'intégrer, si vous voulez, à la loi 116.

Le député de Drummond voudrait intervenir sur les programmes PAIE, SPRINT, l'aide aux entreprises, l'aide aux travailleurs: ces crédits-là ont été vus jeudi dernier et vendredi dernier, par le biais de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, à la commission des affaires sociales – parce que ce n'est pas la même commission – avec Mme Harel, qui était la critique de l'Opposition. Si jamais il y avait du temps à la fin, ça ne me ferait rien d'y toucher, sauf que la commission d'aujourd'hui, c'est, d'abord et avant tout, de toucher aux crédits du ministère de l'Emploi et des organismes que nous avons énumérés tantôt.

Le Président (M. Forget): Un instant. Je voudrais tout simplement savoir s'il y a d'autres personnes qui voudraient intervenir au niveau des remarques préliminaires. C'est une réponse, M. le député de Drummond?

M. St-Roch: Un commentaire. Alors, M. le Président, vous allez comprendre, lorsqu'on est un député qui représente ses citoyens et citoyennes et qu'on n'a pas l'équipe de recherche que les formations politiques traditionnelles ont, j'ai pris, moi, les documents qu'on m'avait envoyés disant que, maintenant, ça va relever du ministère de l'Emploi. Alors, M. le ministre, si mes commentaires concernant ces programmes-là ont pu chatouiller vos oreilles, veuillez m'en excuser...

M. Marcil: Non, non, non.

(15 h 50)

M. St-Roch: ...et je m'assurerai, M. le Président, qu'on ira chercher, à la commission ou au ministre ou la ministre responsable, les questions que j'avais. Je ne veux pas interrompre les travaux de la commission. Alors, on les mettra de côté puis on regardera autre chose.

M. Marcil: Mais, M. le Président, je veux juste rectifier les choses, c'est que ça ne me chatouille pas les oreilles. Mes oreilles ont été chatouillées jeudi et vendredi dernier. Ce que je veux dire, c'est que l'horaire de l'étude des crédits pour le ministère de l'Emploi était fait ainsi, dans le sens que la SQDMO, tout ce qui touchait les programmes de formation de la main-d'oeuvre était vu jeudi en soirée et vendredi dans la journée et que lundi, cet après-midi, on touchait les crédits de tous les autres organismes que nous n'avons pas vus. C'est tout simplement ça. C'est que nous avons répondu à ces questions-là, sauf que je vous dis que, si, à la fin de l'exercice de cet après-midi, il reste du temps, ça me fera plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Forget): Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? M. le député de Nelligan?


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. J'ai entendu les commentaires du député de Drummond et les réponses du ministre et je voudrais aussi souligner que c'est le troisième jour de travail de cette commission, mais, si on veut continuer, comme on fait souvent, les discussions, peut-être pas nécessairement en ondes, on peut avoir des discussions sur les programmes, tel que nous en avons discuté à la commission de l'économie et du travail jeudi et vendredi. C'est difficile, quand vous êtes indépendant, d'être à deux places en même temps. Avec ça, on peut certainement continuer les discussions.

J'ai voulu ajouter quelques commentaires comme remarques préliminaires, comme adjoint parlementaire du ministre de l'Emploi, spécifiquement sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail. C'est pourquoi je suis heureux que le député de Drummond ait mentionné le travail que la commission a déjà fait sur ce sujet. C'est un sujet qui touche, je pense, tous les députés ici parce que nous avons tous des commettants qui entrent dans nos bureaux avec des questions, avec des demandes et, souvent, avec des problèmes. Mais je voudrais rétablir les faits avant de commencer à discuter ces crédits.

Les états financiers 1993 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, déposés en mars dernier, ont démontré un redressement important en 1993, un redressement de plus de 500 000 000 $ par rapport à l'année 1992. Après avoir enregistré des déficits répétitifs au cours des dernières décennies, la CSST semble en bonne voie d'atteindre un équilibre financier. Le président du conseil d'administration et chef de la direction, M. Pierre Shedleur, en poste à cette fonction depuis mai 1993, s'est dit d'ailleurs optimiste et croit que la CSST pourrait atteindre cet objectif d'équilibre en 1994. C'est pendant cette période d'étude des crédits qu'on peut discuter des moyens par lesquels on peut atteindre cet objectif d'équilibre. Un premier rapport financier prévisionnel pour 1994 devrait d'ailleurs nous éclairer d'ici quelques semaines sur les tendances pour cette année en cours.

L'exercice financier de la CSST s'est terminé avec un déficit d'opération de 122 800 000 $. Ce n'est pas nécessairement quelque chose dont on peut être fier, ce déficit, sauf que, dans ce contexte, il représente une amélioration de 533 000 000 $ par rapport à 1992. Et n'oubliez pas: en 1991, la CSST a eu un déficit de 771 900 000 $. Avec ça, on commence à voir une amélioration. Je pense que ce redressement s'explique par deux principaux facteurs. Un, c'est une augmentation des revenus qui résulte de la hausse de 0,25 $ du taux moyen de cotisation en 1993 et d'un ajustement non récurrent aux revenus et, deux, une baisse des coûts de réparation.

Pour les lésions survenant en 1993, la CSST a enregistré un surplus de 75 300 000 $ par rapport aux prévisions faites lors de la tarification. L'exercice de tarification avait été effectué au printemps de l'année précédente. C'est la première fois depuis 1989 que la CSST enregistre un surplus pour les besoins de l'année en cours. La baisse des coûts de la réparation explique ce surplus par rapport aux prévisions. Mais comment s'explique cette baisse des coûts? Principalement deux facteurs: la diminution importante du nombre des victimes. Ce nombre était estimé à 133 000 en 1993, soit 25 % moins que ce que nous avions prévu. Et j'espère, M. le Président, pendant les crédits que nous allons étudier, qu'on pourra explorer ce qu'on peut faire de mieux pour baisser ça, ce chiffre, encore.

La deuxième raison, c'est aussi la diminution de la durée des indemnisations en première période d'invalidité. Cette durée moyenne est estimée à 45,2 jours en 1993, soit 20 % moins que la durée prévue de la tarification. Plusieurs éléments peuvent expliquer cette baisse de fréquence et de durée, notamment le ralentissement de l'activité économique, le recours accru à l'assignation temporaire, les nouvelles approches de la CSST en réadaptation et en matière médicale et, enfin, la réduction des délais d'attente d'hospitalisation.

Pour les lésions survenues au cours des années antérieures, la CSST a enregistré, toujours en 1993, un déficit de 198 100 000 $. La majeure partie de ce déficit, soit 108 700 000 $, concerne les intérêts sur les déficits postérieurs au 31 décembre 1989. Le redressement financier de la CSST influence favorablement le niveau de capitalisation du régime de santé et de sécurité du travail. Alors qu'il était à la baisse depuis 1989, ce niveau de capitalisation est remonté légèrement en 1993. En 1992, le niveau de capitalisation était de 54,2 %; en 1993, il s'élève à 55,5 %. Les engagements non capitalisés de la CSST, c'est-à-dire la dette accumulée, ont beaucoup augmenté au cours des dernières années, pour atteindre 3 500 000 000 $ en 1993. La CSST dispose d'un actif de 4 400 000 000 $, dont la majeure partie est confiée à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le conseil d'administration de la CSST a adopté, en juin 1993, une nouvelle politique de capitalisation qui vise l'élimination du déficit accumulé sur une période de 20 ans. J'espère qu'on peut discuter les mécanismes que nous allons utiliser pour couper ce déficit. En 1994, la CSST consacre 11,6 % du taux moyen de cotisation à la recapitalisation, soit 0,32 $ de chaque 2,75 $. En choisissant d'amortir sa dette sur une longue période, la CSST a voulu éviter de nuire à court terme à la capacité concurrentielle des entreprises du Québec.

L'entrée en vigueur en 1992 de la loi 35 a fourni à la CSST de nouveaux outils pour mieux gérer le régime de santé et de sécurité du travail. Parallèlement à la demande du gouvernement du Québec, la CSST entreprenait une révision en profondeur de ses programmes et de ses services. De nouvelles approches ont déjà été implantées avec la collaboration de tous: le personnel d'abord, mais aussi les employés, des centrales syndicales et la communauté médicale.

En terminant, M. le Président, le premier résultat semble positif, et la CSST poursuit son important processus d'amélioration. On voit déjà les impacts positifs sur le plan financier, mais, comme le répète le président de la CSST, Pierre Shedleur, la situation demeure fragile et elle requiert une vigilance constante. M. le Président, pendant les trois prochaines heures, j'espère que cette commission va jouer un rôle dans cette vigilance, de vraiment étudier les questions de la CSST et d'assurer, en 1994-1995, que la CSST continue dans la bonne direction qu'elle a commencée l'année passée. Merci, M. le Président, pour ces quelques minutes de remarques préliminaires.

(16 heures)

Le Président (M. Forget): Merci, M. le député de Nelligan. Voici, il faudrait quand même établir la politique avec laquelle on va fonctionner cet après-midi pour le bon fonctionnement de la commission. Est-ce qu'on va programme par programme, ou bien on s'en va dans l'ensemble des programmes?

M. Ménard: On avait pensé aller sujet par sujet, si ça convient. J'ai comme l'impression que ça convient à tous les députés, parce que le premier sujet qu'on avait pensé aborder, quant à nous, ce ne sera pas très long, c'est la CSST. Ha, ha, ha!

M. Marcil: Bon. Alors, allez-y.

M. Ménard: Je vois qu'on a commencé par ce qui va bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Ou ce qui va le mieux.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Marcil: Il finit par la CCQ.

M. Ménard: Non, je n'y ai pas pensé. Non, non, peut-être par l'entente Québec-Ontario.


Discussion générale


Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST)

Juste avant de poser la question, peut-être les deux questions que j'ai à vous poser, M. Shedleur. Je note, comme le député de Nelligan, que la vapeur a été renversée quant à l'accumulation du déficit de la CSST. Je m'en réjouis, d'autant plus que j'ai travaillé pendant au moins un an et demi, lorsque j'étais procureur de la commission d'enquête sur la sécurité dans les mines et sur le désastre minier de Belmoral, avec ce que j'ai toujours considéré comme les principaux artisans de l'élaboration de la CSST: le juge Beaudry et le commissaire Laurier Juteau, qui avaient un peu dépassé leur mandat d'étude de la sécurité dans les mines. C'était extrêmement important parce que, au train où la CSST s'en allait, on avait l'impression qu'on ne serait plus une société assez riche pour se payer ce genre de filet social. Pourtant, il s'agit véritablement, je pense, d'un principe de justice dans une société civilisée. Toute activité économique engendre nécessairement des risques qu'il faut chercher à diminuer dans la mesure du possible. Mais, que l'on pense à toutes sortes d'activités comme les mines, les forêts, la construction – puis même manipuler des ordinateurs aujourd'hui, on commence à découvrir des risques – toute activité économique engendre des risques.

L'histoire de l'humanité, ç'a d'abord été que c'était ceux qui étaient blessés qui assumaient ces risques. Plus les sociétés sont civilisées, plus on pense à indemniser ceux qui paient, dans leur chair et dans leur corps, les risques du travail. Le Québec a établi, par la CSST, un régime qui s'est voulu le plus juste possible, dans lequel il y avait le volet de la prévention, de l'étude aussi de la sécurité dans le travail. Vous avez un institut de recherche, mais, ça, ça ne pose pas tellement de difficultés sur le plan budgétaire. Ce qui pose vraiment des difficultés sur le plan budgétaire, c'est la pleine indemnisation de ceux qui sont obligés de subir les risques, et on avait l'impression, au Québec, qu'on n'était plus capable de la donner, d'autant plus qu'on se prépare à affronter, sur le plan économique, des pays pour lesquels ces progrès-là sont loin d'être faits.

Alors, c'est heureux que l'on voie la lumière au bout du tunnel et qu'on voie un renversement. J'ai une de vos citations, que je trouve remarquable, quand vous disiez, je pense que c'est un journaliste du Soleil : La machine était trop bureaucratique, trop procédurière, trop légaliste. La chaîne de montage faisait que les dossiers n'étaient pas traités dans des délais raisonnables. La CSST avait oublié qu'elle était une compagnie d'assurances publique au service des travailleurs et des employeurs. Elle avait perdu le client de vue.

Dans ma pratique d'avocat, avant d'être élu, j'ai remarqué, moi aussi... j'ai souvent parlé du gouvernement du Québec comme étant un hydre à mille têtes et sans coeur. Je suis heureux de voir, dans un grand commis de l'État, la réalisation que l'on sert bien l'intérêt public et, Dieu merci, on arrive à de bons résultats financiers en même temps, en pensant au rôle fondamental que l'organisme que l'on est appelé à présider devait jouer lors de la conception de ses créateurs. Vous avez raison, le légalisme, quant à moi – j'ai été bâtonnier du Québec – est une horreur en droit, de même que les avocasseries sont la marque de gens qui ne sont pas des avocats dignes de ce nom. Dans la mesure où vous avez su changer cette attitude, je suis heureux que ça ait été payé de bons résultats.

Maintenant, il faut quand même être aussi réaliste. On sait que la diminution de l'activité économique va aussi amener une diminution des accidents du travail, comme la baisse dans l'économie aussi amène moins de circulation sur les routes et moins d'accidents d'automobile. Il ne faut pas se péter les bretelles trop fort sur ces résultats-là. Il faut, pendant qu'on a un répit, en profiter pour établir les conditions de financement pour l'avenir.


Frais d'inspection des lieux de travail

Mais, justement, puisqu'on est ici pour étudier vos conditions, il y a un sujet qui m'intrigue, c'est que votre organisme ait cru bon de poursuivre le gouvernement pour payer les frais d'inspection des lieux de travail. Je me souviens bien que votre action, en matière d'accidents du travail, est triple: l'Institut de recherche, pour essayer d'améliorer et de connaître scientifiquement les conditions de travail; l'inspection, justement, et les comités de travail aussi, les comités conjoints dans chaque entreprise qui sont créés pour essayer de diminuer les risques du travail et puis, éventuellement, l'indemnisation. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a poussés à prendre une telle action?

Le Président (M. Forget): Si vous voulez vous identifier pour le bon fonctionnement de la commission.

M. Shedleur (Pierre): Merci. Mon nom: Pierre Shedleur, président de la CSST.

M. le Président, d'abord, il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour répondre de la gestion de la CSST. Tout d'abord, on l'oublie souvent, mais M. Ménard a parfaitement raison: les programmes de santé et sécurité au travail, les accidents de travail, c'est le premier filet social qui s'est connu même mondialement. Donc, c'est un filet extrêmement important et c'est pour ça qu'il faut y travailler, être certain de ne pas le perdre, malgré la compétition internationale, qui peut être féroce dans les prochaines années.

Quant à la question de l'inspection, d'abord, il faut dire que la CSST a un conseil d'administration paritaire et, à ce conseil d'administration paritaire, lorsque les employeurs et les syndicats s'entendent sur une décision, son président n'a pas le droit de vote à ce moment-là. Il a droit de vote uniquement lorsqu'il y a égalité dans les votes entre les deux parties et il devient un vote prépondérant. Alors, ce qui a amené les membres du C.A. à poursuivre le gouvernement, c'est l'article 249 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, qui... En vertu de cet article, les membres du conseil d'administration considèrent que le gouvernement doit assumer les coûts d'inspection à la CSST. Alors, c'est en vertu de cet article-là que les membres du conseil d'administration ont décidé d'agir.

M. Ménard: Je comprends que vous ne puissiez pas vous prononcer vous-même, mais, si vous aviez raison et que le gouvernement devait assumer ces coûts, ça représente combien dans votre budget?

M. Shedleur (Pierre): Actuellement, il y a un montant d'écart avec le gouvernement de 59 200 000 $, puisque c'est cumulatif sur plusieurs années.

M. Ménard: O.K. Et, pour une année, en coûts?

M. Shedleur (Pierre): C'est environ 25 000 000 $.

M. Ménard: Mais, 25 000 000 $ pour un an, ça veut dire que le gouvernement ne les paie pas depuis trois ans maximum?

M. Shedleur (Pierre): Bien, il y a eu des versements chaque année. Comme cette année, vous avez dans le livre des crédits des sommes qui vont probablement être adoptées, et ils vont nous verser ces sommes-là en partie ou en totalité, dépendant du décret qui va suivre par la suite. Donc, à chaque année, on a reçu des sommes, mais différentes d'une année à l'autre.

M. Ménard: Autrement dit, ce qui vous sépare du gouvernement, ce n'est pas le principe que le gouvernement doit payer l'inspection, c'est que vous prétendez que ça vous coûte plus cher que ce que le gouvernement vous donne pour payer l'inspection?

M. Shedleur (Pierre): Il y a tous ces débats-là qui vont avoir lieu en cour, en Cour supérieure. Le gouvernement a jusqu'au 17 mai pour produire sa défense. Nous avons produit la nôtre le 17 mars dernier. Compte tenu que le gouvernement dépose déjà des crédits, bien sûr qu'il y a une question de perception sur quel est le nombre d'inspecteurs qui doivent faire le travail. Donc, il y a un litige sur ça actuellement.

M. Ménard: En fait, c'est ça. Qui détermine le nombre d'inspecteurs? C'est la CSST ou c'est celui qui paie?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Shedleur (Pierre): C'est tout un débat qui va avoir lieu en cour, Me Ménard. Donc, c'est pour ça, il y a un litige, mais j'ai bon espoir qu'il se règle avant qu'on aille en cour. Je pense que, avec les preuves qui vont être sur la table de part et d'autre, probablement qu'on va finir par trouver un terrain d'entente.

M. Ménard: Peut-être que le ministre pourrait nous indiquer où, dans les crédits, ce budget est prévu pour l'inspection.

M. Marcil: C'est le programme 6.

M. Ménard: C'est ça? O.K.

(16 h 10)

M. Marcil: J'ajouterais, M. le Président, que, dans le fond, le litige, c'est, comme disait le président tantôt, il y a toujours eu des versements qui ont été faits par le gouvernement depuis 1988, et c'est la distinction entre ce qui est la fonction de prévention et d'inspection. C'est un peu le sujet du litige entre la CSST et le gouvernement du Québec. Le gouvernement prétend qu'il n'a pas à financer la fonction de prévention; c'est cette distinction-là. Présentement, je sais qu'il y a des discussions sur une question de responsabilité financière, c'est en discussion entre les deux parties, et on verra, d'ici la mi-mai, quelle position le gouvernement du Québec prendra dans ce dossier.

M. Ménard: Ça me fait penser à un autre sujet, qui vient de se passer ce matin, c'est comme le pont de Québec: c'est le ministère des Transports ou le Canadien National qui doit le peinturer chaque année?

M. Marcil: Ce qu'on peut vous dire, c'est que ce n'est pas le ministère des Transports du Québec.

M. Ménard: Mais c'est les mêmes inspecteurs qui font les deux. L'inspecteur n'y va pas une fois pour la prévention et une autre fois pour l'inspection. Il inspecte, c'est ça?

M. Marcil: C'est ça. C'est ce que je disais tantôt, c'est la partie de la discussion.

M. Ménard: Ça va, j'ai terminé sur ce sujet.

M. Marcil: Déjà?

M. Ménard: Oui, oui.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Oui. Est-ce que c'est ça qui explique ce litige, qu'il va encore y avoir une baisse de 854 000 $ cette année? Quelle est la raison de cette baisse de transferts, M. le ministre?

M. Marcil: M. le Président, ça, c'est des réajustements de paramètres, comme les salaires; c'est ça qui fait la différence. Ils ont également leur plan de réalignement, la réduction de 1 % qui est imposée par le gouvernement du Québec. Donc, ça apparaît dans ces diminutions de budget.

M. St-Roch: C'est ça qui va faire que vous allez transférer 854 200 $ de moins...

M. Marcil: C'est ça.

M. St-Roch: ...à la CSST.

M. Marcil: C'est que tous les organismes d'État ont à répondre à la même commande, si vous voulez. C'est que le 1 % ne s'adressait pas uniquement aux fonctionnaires comme tels, il ne s'adressait pas uniquement à la fonction publique, il s'adressait également au parapublic et au péripublic.

M. St-Roch: Si je comprends bien, avec ce que vous venez de dire là, la CSST aura à l'absorber à même son budget d'opération. Elle est soumise aux mêmes règles, j'imagine. En plus de ça, au niveau des transferts, vous prenez le montant aussi sur les transferts.

M. Marcil: La différence, c'est que la CSST le coupe, elle ne charge pas vraiment. Elle procède à l'exercice à l'intérieur de sa boîte.

Le Président (M. Forget): M. le député de Nelligan.


Plan de réorientation

M. Williams: Très vite. J'ai mentionné, dans mes remarques préliminaires, que la CSST a pris plusieurs démarches, l'an passé, pour améliorer son travail. Je ne veux pas retarder les autres programmes, mais j'ai pensé que nous allions avoir une chance au moins d'explorer... Est-ce que la CSST a l'intention d'adopter d'autres changements, d'améliorer son efficacité l'année prochaine, dans l'année fiscale 1994-1995?

M. Marcil: Je vais laisser le président vous expliquer les changements que la CSST entend apporter au cours de l'année 1994-1995.

Le Président (M. Forget): Merci, M. le ministre. M. le président.

M. Shedleur (Pierre): Effectivement, la CSST a un plan de réalignement et on a l'intention de le poursuivre au cours des prochaines années. Pour l'année 1994-1995, rappelons d'abord ce qui a été fait. On a d'abord retravaillé au niveau de la réadaptation pour donner un meilleur service à nos clients travailleurs et, bien sûr, lorsqu'on donne un meilleur service à nos clients, ça se répercute, et les employeurs, ça leur coûte moins cher.

Deuxièmement, on a revu toute notre approche médicale. On s'est rapproché des médecins du Québec pour mieux comprendre la situation de nos travailleurs, que vous avez, d'ailleurs, dans vos bureaux de comté fréquemment, pour éviter, justement, qu'ils aillent vous voir et qu'on règle nos problèmes avant.

Maintenant, nous sommes à travailler sur deux très grands dossiers. D'abord, il y a celui de la déjudiciarisation – je pense que Me Ménard l'a mentionné tantôt – effectivement, il y a beaucoup de légalisme, de «procédurite» et d'avocasseries, malheureusement, et nous en viendrons à faire une proposition au conseil d'administration prochainement et bien sûr au ministre pour qu'il puisse en disposer s'il veut apporter les modifications législatives qui pourraient s'ensuivre. Comme vous le savez, actuellement, avec les tribunaux qui vont jusqu'à la CALP, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, ça peut prendre trois ans et demi et même jusqu'à quatre ans avant de se rendre là et, si vous allez dans les autres tribunaux supérieurs, ça peut prendre un autre cinq ans par la suite. Donc, il y a un énorme problème au niveau de la judiciarisation: il y a 12 niveaux d'appels, actuellement, à la CSST. Juste suivre le nombre d'appels, c'est problématique pour quelqu'un lorsqu'on a 12 niveaux. Alors, je pense qu'il y a une problématique, et on espère que les propositions qui vont être faites par un comité indépendant de la CSST, un comité qui est dirigé par Me Durand, qui est la vice-présidente services à la CSST... Espérons que ce comité-là pourra amener les parties patronales et syndicales à proposer au gouvernement, et en particulier au ministre Marcil, de procéder aux modifications législatives et, bien sûr, aux députés de l'Assemblée nationale.

Un deuxième dossier extrêmement important qui est en cours actuellement, qu'on devrait implanter à compter de juillet ou septembre prochain, c'est toute la révision de nos façons de traiter les dossiers en indemnisation. Ç'a été mentionné tantôt. On constate, actuellement, que la CSST était trop bureaucratique et procédurière. Soit dit en passant, ce n'est pas la faute du personnel de la CSST, c'était l'approche, c'était les directives qu'il a reçues. On a décidé de revoir complètement nos façons de faire pour simplifier ça et de se rapprocher de nos clients. Nous allons avoir des approches qui vont tenir compte du genre de clients que nous avons devant nous: si c'est un client à long terme, quelqu'un qui va être invalide à long terme, bien, on va lui donner un traitement approprié; si c'est un travailleur ou une travailleuse qui peut retourner dans son emploi parce qu'il a besoin de soutien temporaire, bien, on va adapter les approches là aussi. Donc, on s'en vient, dans le fond, avec une approche adaptée aux types de clients que nous avons devant nous, alors que, actuellement, c'est une approche unique pour tous les types de cas qui nous étaient présentés. Donc, c'est une proposition qui est en train de se terminer avec le personnel de la CSST et qui devrait être en application à compter de juillet ou septembre au plus tard.

Un autre grand dossier qui s'en vient, celui-là, qui devrait être attaqué dans les prochains mois, c'est celui de la prévention-inspection, toute la question de la loi 17, la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Comme vous le savez, au cours des dernières années, nous n'avons pas beaucoup travaillé au niveau de la loi 17. On a l'intention de mettre l'accent sur cette loi-là parce que, bien sûr, c'est mieux qu'il n'y ait pas d'accidents ou de réduire le nombre d'accidents; il faut améliorer ça par la prévention. Et bien sûr qu'à l'IRSST, l'Institut de recherche en santé et en sécurité du travail, dont je suis aussi président, on travaille à une planification stratégique, pour unir nos efforts pour créer une synergie pour s'assurer qu'on aille dans le bon sens, tout le monde, pour aider sur le terrain les problématiques et que cet Institut de recherche là vienne nous donner des solutions aux problèmes que vivent les travailleurs. Et, bien sûr, les associations sectorielles paritaires, qui sont aussi extrêmement positives, qui sont assez homogènes et sur le terrain, peuvent beaucoup nous aider. Là aussi, on est en train – on s'est rapproché d'eux autres – de revoir toute une planification stratégique.

Donc, c'est des grands dossiers, et on a l'intention aussi de poursuivre notre réforme de la tarification, qui a été implantée en 1990, pour essayer de toucher les petits employeurs avec des cotisations de moins de 20 000 $ et qui ont moins d'incitatifs à la prévention, mais de trouver un moyen de les amener à faire de la prévention quand même. Et nous allons déposer, au début de 1995, ce qui n'est pas si loin que ça, des propositions d'amendement à la tarification pour améliorer ces incitatifs-là.

Donc, comme vous pouvez voir, on a un menu assez large, sans oublier qu'il y a des dossiers déjà en cours. Nous allons implanter, à l'automne prochain, un processus d'amélioration continu. Ce n'est pas parce qu'on les revoie une fois que c'est fait à vie. Il faut les revoir et s'améliorer régulièrement.

M. Williams: Merci. Juste un petit... Parce que, si j'ai bien compris, le député de Laval-des-Rapides veut aller dans un autre programme tout de suite après. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Ménard: Oui, oui.

M. Williams: O.K. Je voulais demander une dernière question au ministre, M. le Président, si je peux. Actuellement, je suis heureux de savoir que ce n'est pas juste chez nous que nous sommes en train de décider: Est-ce qu'on fait quelque chose au début de l'été ou à la fin de l'été? La CSST aussi est en train de discuter des questions comme ça.

Mais, M. le ministre, moi, je viens d'un comté proche de l'Ontario. Vous aussi, votre comté n'est pas loin de l'Ontario. C'est une question qui touche tous les députés. Parce que le premier ministre de l'Ontario est en train de, au moins en public, parler de son intention de faire tout un changement du régime d'accidents de travail: il parle d'un changement des lois, il parle d'un changement de structure, il parle aussi d'une commission royale. Je ne sais pas s'ils appellent ça commission royale, en Ontario, mais je pense que oui. Est-ce que le ministre de l'Emploi québécois a l'intention de suivre l'exemple de l'Ontario ou est-ce qu'il a d'autres plans pour 1994-1995?

(16 h 20)

Le Président (M. Forget): M. le ministre.

M. Marcil: D'abord, il n'y a aucune comparaison possible – je dirais possible, mais disons qu'on peut toujours comparer – entre l'Ontario et puis le Québec en ce qui concerne notre commission de santé et de sécurité. Il n'est pas question pour nous de faire une commission royale d'enquête, parce que tout ce que le gouvernement de l'Ontario propose, dans le fond, tous les sujets qu'il veut tester ou évaluer sont des choses qu'on a quasiment déjà... La plupart de ces changements-là qui sont proposés par l'Ontario – aussi bien la portée de cette réforme sur la structure d'administration paritaire, les indemnités, la réadaptation et un prompt retour à un travail sécuritaire, la responsabilité financière et l'imputabilité, l'adoption d'une formule particulière, l'indexation des indemnités, une augmentation de certaines rentes, la mise sur pied d'une commission royale d'enquête pour évaluer l'avenir du régime – nous, on a presque tout finalisé ça au Québec. Donc, on l'a faite, la réforme, on l'a faite par questionnement, par réflexion. Nous n'avions pas le choix parce que, si on avait maintenu notre rythme de dépenses ou d'engagements à la CSST, il aurait fallu probablement, comme on dit chez nous, tirer la «plug». Ce n'est pas pensable parce que, quand même, c'est une assurance publique.

Donc, nous, notre commission royale d'enquête, ça a été probablement la nomination d'un nouveau président-directeur général à la CSST qui a décidé de prendre en main le dossier avec son équipe, parce qu'il y a une équipe d'une qualité extraordinaire à la CSST. Il y a eu des moments difficiles, mais, depuis quelques années, M. Shedleur a réussi à travailler en concertation avec son équipe. On lui a permis, justement, de recruter ces personnes à des bons postes pour être capable, là, de mettre de l'ordre. Et vous savez qu'en Ontario ils ont un déficit accumulé d'au-delà de 11 000 000 000 $ comparativement à 3 500 000 000 $ au Québec. Et le conseil d'administration de la CSST a décidé de rembourser cette dette-là sur une période de 20 ans. Donc, à tous les ans, dans le budget d'opération, il y a un service de dette pour rembourser l'occurrence de 200 000 000 $ par année. Donc, dans 20 ans, on n'aura plus de dette accumulée, d'une part, puis on sera dans un déficit zéro. On prévoit cette année, du moins pour l'année 1994... l'objectif, c'est d'arriver à un déficit zéro, même avec une possibilité d'un surplus. Et, à ce moment-là, avec les amendements, les modifications que la CSST entend apporter, dont une majeure qui est la déjudiciarisation – moi, j'ai demandé au président et à son conseil d'administration la possibilité d'intervenir rapidement dans ce dossier-là pour qu'on puisse même, dès le printemps, apporter une modification à la législation, à la loi pour pouvoir enclencher ce processus-là – je pense que nous sommes entre bonnes mains.

Mais c'est très, très fragile, la CSST, comme budget; vous savez, c'est une assurance. Vous vous trompez, dans la gestion, de 1 % ou de 2 %, vous recommencez presque à zéro. C'est pour ça que ça prend une gestion très rigoureuse, très ferme, et également d'être toujours à la recherche de moyens d'améliorer le service à la clientèle, de diminuer surtout les fameux délais, parce que ce n'est pas drôle pour un travailleur ou une travailleuse qui est pris, là, dans un accident de travail. Puis, vous savez, il y a des gens qui ont perdu le droit de retour au travail en étant sur la CSST à cause de délais trop longs. Il y a des entreprises où il faut qu'en dedans d'une année ils puissent revenir au travail, sans ça ils perdent leur droit de retour; pour d'autres types d'entreprises, tout dépendant du nombre d'employés, c'est deux ans.

Donc, il fallait absolument que, à la CSST, les gens apportent ces changements majeurs. Ça a été fait, et je pense que c'est l'ensemble des travailleurs et des travailleuses du Québec et des employeurs qui vont en profiter parce que, au bout de la ligne – à très court terme, pas à long terme ni à moyen terme – les cotisations vont baisser. Donc, à ce moment-là, on va être capable peut-être de développer d'autres services pour pouvoir encore permettre au travailleur ou la travailleuse accidenté et à l'employeur également de récupérer son travailleur ou sa travailleuse le plus rapidement possible et surtout pour le travailleur ou la travailleuse de retourner au travail. Ça, je pense que c'est très important.

Donc, il n'y a aucune comparaison avec l'Ontario. Si on peut les aider, on peut toujours, à un moment donné, envoyer des consultants de notre Commission de la santé. Même M. Shedleur a déjà été invité à participer à des rencontres à ce niveau-là pour donner un peu la description et la façon, les outils de travail que nous avons utilisés chez nous, au Québec, pour pouvoir apporter ce changement aussi radical.

Il reste encore beaucoup de travail à faire, mais on est sur la bonne ligne. Donc, le dossier majeur en ce qui nous concerne chez nous, c'est le dossier de la déjudiciarisation. Ça, je pense qu'il y a un travail qui se fait, c'est un travail énorme. Également, ils ont eu aussi la commande, au niveau du fameux comité que M. Johnson a mis sur pied, pour réduire la paperasserie, la réglementation et simplifier l'intervention de notre clientèle par rapport à la CSST. Je pense qu'ils ont eu un mandat dans ce sens-là. Ils ont également des choses qu'ils vont proposer incessamment.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Forget): Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Laval-des-Rapides, est-ce qu'on change de sujet, puis...

M. Ménard: Oui. Alors, la Régie du bâtiment...

M. Marcil: La Régie du bâtiment? Merci beaucoup, M. Shedleur. Donc, on peut donner congé à M. Shedleur?

M. Ménard: Je veux dire en terminant pour le ministre que les parties nous ont suggéré que... La méthode est toute trouvée: vous cherchez le président parmi les cadres les plus compétents de l'entreprise plutôt que de faire des nominations politiques à la tête des entreprises, puis vous avez déjà une bonne...

M. Marcil: Je vais vous dire que mon prédécesseur, comme ministre du Travail, a pensé à nommer les bonnes personnes, et, moi, j'entends continuer dans le même sens. Parce que, au niveau d'une entreprise comme celle-là, surtout qu'elle régit je ne dirais pas les conditions de travail, mais au moins les conditions de santé puis de réadaptation puis de retour au travail, il est important qu'on puisse nommer... Moi, j'ai toujours eu comme principe...

M. Ménard: Ils pouvaient nous mettre en faillite.

M. Marcil: ...qu'une entreprise est toujours à l'image de ses dirigeants.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député de Laval-des-Rapides... Si vous voulez vous identifier, monsieur, pour le bon fonctionnement de la commission.


Régie du bâtiment du Québec (RBQ)

M. Riendeau (Jean-Claude): Mon nom est Jean-Claude Riendeau. Je suis le président-directeur général de la Régie du bâtiment.


Dépenses en publicité

M. Ménard: Alors, je vois que, malgré tout, le temps s'écoule rapidement, je vais donc aller à l'essentiel. D'abord un problème accessoire qui n'est pas long à répondre. C'est juste une explication, mais, dans la liste des dépenses en publicité, je remarque que, cette année, vous avez dépensé 3619,39 $ et vous prévoyez en dépenser 81 500 $ l'an prochain. Est-ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi?

M. Riendeau (Jean-Claude): Alors, la pièce maîtresse de ce dossier de la publicité, M. le Président, provient de l'émergence éventuelle, au cours de l'année, des plans de garantie qui font l'objet d'un travail intense depuis déjà deux mois et qui verront certainement la mise à jour en cours d'année et où il faudra s'adresser, bien sûr, à la clientèle principale concernée par les plans de garantie que sont les citoyens consommateurs pour les aviser amplement de ce que comportent les plans de garantie, de manière à ce que la lumière la plus claire soit faite sur ce que conçoit actuellement la Régie via les plans de garantie. C'est ainsi que vous retrouvez la part du lion, soit 46 000 $ ou presque, qui serait consacrée à cette demande d'autorisation que nous avons sollicitée auprès du ministère de l'Emploi à cet effet.

M. Ménard: Mais, même 46 000 $, il reste quand même 35 000 $. Vous partez de 3600 $. L'autre 35 000 $ est expliqué par quoi?

M. Riendeau (Jean-Claude): Alors, principalement, on le... Si vous me permettez, s'il vous plaît. Principalement, c'est dû à un plan de placement média concernant les événements spéciaux qui nous amènent, dans le cadre de certains salons, à investir pour informer les clientèles spécialisées dans le domaine du bâtiment, et en raison du fait que, cette année également, nous aurons à réglementer la question relative au gaz propane, qui a malheureusement occasionné des décès trop nombreux au cours des dernières années. Nous aurons à investir dans ce domaine-là une somme de 17 500 $, pour informer adéquatement le public – chasseurs et pêcheurs surtout – consommateur de ces biens des dangers qui sont reliés à la consommation et à l'utilisation de ce type de produit et qui doit, de plus en plus, faire l'objet de précautions.

(16 h 30)


Plans de garantie sur les maisons neuves

M. Ménard: Bon, ça va. Le pouvoir de réglementation que vous avez sur les plans de garantie, vous l'avez depuis quand exactement?

M. Riendeau (Jean-Claude): Le pouvoir de réglementation, il existe à l'intérieur même de la Loi sur le bâtiment, qui fait référence à cet aspect des plans de garantie et des cautionnements, de manière à ce que, par règlement, le gouvernement, via la Régie du bâtiment, puisse agir dans ce domaine-là. Nous possédons donc ce pouvoir depuis le 1er février 1992, et il nous fallait, dans ce domaine-là, bien sûr, faire en sorte que tous les dossiers qui concernent les plaintes des consommateurs soient étudiés presque un à un parce que chaque cas est différent d'un autre dans ce questionnement. Il nous fallait aussi voir attentivement et consciencieusement la pratique qui se fait actuellement, au Québec, via des plans privés, de manière à ce que nous puissions concilier à la fois les besoins du consommateur et une pratique possible de faire québécois dans ce domaine.

M. Ménard: Bon.

Une voix: Par le biais de la loi 186.

M. Ménard: Oui, je sais, qui a été bâtie en 1991, mais mise en vigueur le 1er février 1992. Mais les plans qui existent actuellement existaient-ils avant le 1er février 1992 ou existent-ils depuis?

M. Riendeau (Jean-Claude): Vous faites référence sûrement à des plans privés.

M. Marcil: L'APCHQ et l'ACQ.

M. Ménard: Oui, l'APCHQ et l'ACQ.

M. Riendeau (Jean-Claude): Oui, ce sont des plans privés de gestion qui appartiennent à des organisations qui sont dans le domaine de la construction et qui font valoir auprès de leurs entrepreneurs et de leurs clients un programme de garantie qui leur appartient...

M. Ménard: Et...

M. Riendeau (Jean-Claude): ...et ces plans existent, je crois, depuis un certain nombre d'années. Je ne saurais vous le préciser.

M. Ménard: Donc, ils existaient avant cette loi...

M. Marcil: Oui.

M. Ménard: ...ou après?

M. Riendeau (Jean-Claude): Oui. Ils existaient bien avant cette loi, oui.

M. Ménard: Ils existaient bien avant cette loi. Bon. Maintenant, pouvez-vous nous dire, même si vous n'avez pas ces chiffres... Parce que je sais qu'on vous les a demandés par écrit, puis vous nous avez dit que vous ne pouviez pas nous donner certains chiffres parce que c'est du domaine privé, mais, si on essayait de faire un estimé grossier... On a appris qu'il y a à peu près 35 000 unités résidentielles qui se construisent par année. De ces 35 000 unités résidentielles, vous feriez un estimé de combien qui bénéficient d'un plan de garantie?

M. Riendeau (Jean-Claude): Actuellement, malheureusement, nous ne pouvons, M. le Président, donner ces chiffres, puisque ça serait de la pure hypothèse, de notre côté. Nous n'avons pas procédé à l'exercice d'aller vérifier les livres et les données des propriétaires de ces plans-là. Ces livres et ces données sont du domaine privé. Toutefois, toutes les spéculations, bien sûr, sont possibles autour d'une hypothèse qui parle de 35 000 unités de construction neuves dans le domaine du résidentiel qui, à compter d'aujourd'hui... On sait pertinemment qu'il en coûte aux consommateurs entre 275 $ et 300 $ pour s'assurer d'un certain plan de garantie, dont, encore une fois, je le répète, les coordonnées appartiennent à des organisations privées.

M. Ménard: Bon. Mais des plans comme ça, entre vous et moi, ça ressemble beaucoup à de l'assurance. Vous payez une prime contre un risque.

M. Riendeau (Jean-Claude): Vous avez raison.

M. Ménard: Bon. Il n'y a pas un organisme d'assurances au Québec qui peut faire de l'assurance avec des chiffres privés. Mais ces plans, à votre connaissance, ils ne sont pas régis puis ils ne sont pas surveillés par le Surintendant des assurances.

M. Riendeau (Jean-Claude): Vous avez raison. Ce sont des plans, d'ailleurs, qui sont facultatifs, ils ne sont pas obligatoires.

M. Ménard: Oui, mais toute assurance, tant qu'à ça, est facultative aussi. Pourtant, il n'y a pas une compagnie d'assurances au Québec qui peut empocher des montants aussi élevés que ceux-là sans publier quelque part ses chiffres. J'imagine que l'une des premières préoccupations du règlement que vous voulez passer, ça va être de les forcer à rendre publics leurs états financiers, n'est-ce pas?

M. Riendeau (Jean-Claude): Oui. Nous sommes à développer, à l'heure actuelle, les habiletés ainsi que les exigences auxquelles seront soumis les administrateurs de plans. Il est évident que, à partir du moment où nous pensons à établir un plan obligatoire, surveillé par une organisation publique, les questions relatives à la transparence des données et des réclamations ainsi que des résultats sont des questions qui sont au coeur de nos préoccupations.

M. Ménard: Bon, parce que je réalise que, si 20 000 de ces habitations paient 300 $, j'arrive à 6 000 000 $ – 20 000, c'est moins que les deux tiers – si 10 000 le paient, c'est 3 000 000 $; 3 000 000 $ d'argent, comme ça, qui est investi par des consommateurs, sans que personne ne les surveille.

M. Riendeau (Jean-Claude): Vous réalisez bien le contexte qui fait que ce sont effectivement des plans, en plus, facultatifs. Nous ne saurions dire aujourd'hui, ni non plus demain, par rapport à ces plans privés, ce que constituent ces plans. Ce à quoi nous nous attardons actuellement, c'est beaucoup plus de bâtir l'avenir sur des données qui proviennent principalement des consommateurs, en termes de plaintes et de réclamations, et, éventuellement, par rapport aux qualités que nous allons exiger d'un administrateur de plans.

M. Ménard: Recevez-vous effectivement des plaintes des consommateurs, à la Régie du bâtiment?

M. Riendeau (Jean-Claude): Oui, nous sommes en processus depuis déjà deux ans dans ce dossier-là. Nous avons reçu, d'ailleurs, de l'Office de la protection du consommateur, au cours de l'exercice 1993-1994, au-delà de 80 dossiers spécifiques qui nous ont permis chez nous de bâtir le contenu d'un plan plancher et de faire nos évaluations pour l'avenir en tenant compte de ça. Toutefois, on doit déplorer le fait que nous ne pouvions agir dans ces dossiers-là, puisqu'il s'agit, et je le répète, de dossiers qui sont strictement d'ordre privé.

M. Ménard: Vous nous répétez ça souvent, mais vous réalisez qu'ils sont d'ordre privé parce que n'étant pas régis par le Surintendant des assurances; ils ne sont pas régis par le Surintendant des assurances parce que c'était votre devoir de les régir, vous.

M. Riendeau (Jean-Claude): C'est-à-dire que, la naissance de ces plans-là originant avant la loi 186, ces plans-là se présentent beaucoup plus comme du cautionnement et non comme de l'assurance et, avec l'avènement de la loi 186, cela nous permet, en termes de possibilité... mais encore faut-il développer la réglementation en conséquence, de manière à ce que le produit, qui sera un produit public maintenant, possède toutes les qualités nécessaires pour assurer deux objectifs: le premier, celui de la protection du consommateur acheteur d'une propriété résidentielle neuve, et, le deuxième, de s'assurer que la responsabilité de l'entrepreneur soit, elle, en premier plan et que, par la suite, les plans de garantie assument les responsabilités finalement en second, les responsabilités que l'entrepreneur n'aura plus, lui, à assumer.

M. Ménard: Bon. Vous avez reçu 80 plaintes à peu près. Or, il y a une association de consommateurs, comme vous le savez, qui s'est formée, avec 50 membres. J'imagine que ces membres étaient assez insatisfaits pour former leur association et qu'ils ont dû vous transmettre leurs plaintes, de sorte que, parmi les 80 qui se plaignent à vous, il y en a 50 qui restent tellement insatisfaits qu'ils forment leur propre organisation. Ça démontre qu'il y a une carence énorme, là.

M. Riendeau (Jean-Claude): J'ajouterais même plus qu'il y a urgence d'agir dans ce domaine. Nous sommes en concertation avec ce groupe qui, malheureusement, en raison, et je le répète, des ententes privées qu'ils ont conclues, nous demande de bien vouloir bâtir, finalement, notre plan en tenant compte des impacts que cela a créés chez eux. Nous sommes à penser que les problèmes d'aujourd'hui ne seront pas parmi les solutions de demain.

M. Ménard: Il y a peut-être des choses dont vous n'êtes pas responsables et qui sont structurelles, et je voudrais bien les déceler. Mais ces plans-là sont administrés par... Ils ont été créés par l'APCHQ et l'ACQ. Or, votre conseil d'administration compte cinq membres: vous, votre vice-président et trois autres membres. Les trois autres membres viennent d'où?

M. Riendeau (Jean-Claude): En fait, tel que l'indique la loi, nous sommes une corporation qui a, au sein de son conseil d'administration, deux personnes provenant de l'extérieur. Sur les cinq, ces deux personnes sont nommées et proviennent des organismes qui ont le plus d'impact dans le domaine de la construction, à savoir l'APCHQ et l'ACQ. Ils ne sont pas là comme entités corporatives, mais beaucoup plus comme provenant du secteur. C'est à cet effet-là que les administrateurs qui nous sont prêtés agissent pour et au nom du domaine de la construction.

(16 h 40)

M. Marcil: Et c'est dans ce sens-là, M. le Président, lorsque j'ai rencontré le conseil d'administration de la Régie du bâtiment... Parce que j'avais rencontré ses deux membres corporatifs si on peut dire, de l'APCHQ et l'ACQ, sachant qu'ils avaient leur propre système, leur propre plan de garantie, qui était facultatif, mais qui ne semble pas répondre à la satisfaction de la clientèle. Lorsque le consommateur achète sa maison, souvent il va adhérer à un plan sans nécessairement connaître les avantages et les désavantages, je ne dirais pas les désavantages, mais du moins les avantages, qui sont quand même très limités. J'ai demandé... Parce que, par le biais de la loi 186, nous visions aussi plusieurs objectifs, parce que, vous vous souvenez, à cette époque, nous avions passé la loi 185 et la loi 186 également, et, en décembre dernier, on a passé la loi 142. Il y a un certain lien entre tout ça. C'est qu'on a parlé, à un moment donné... On voulait également faire en sorte qu'au Québec nous ayons des entrepreneurs de qualité. Pour être un entrepreneur de qualité, il faut être capable d'engager du personnel de qualité, donc des gens formés, venant de nos institutions, et, pour presque obliger les entrepreneurs à engager du personnel qualifié, des personnes qualifiées, formées pour les travaux de la construction, des gens ayant des métiers de construction, nous avons également voulu en même temps développer un projet de plans de garantie obligatoires. Et, lorsque j'ai rencontré les deux présidents ou directeurs généraux de ces deux associations, je leur ai donné deux choix: le premier choix était de... Comme ils avaient des plans de garantie qui posaient problème, et ils étaient également facultatifs, à tort ou à raison – je ne porte pas de jugement sur les organismes comme tels, sauf que le plan ne répond pas nécessairement aux attentes que le consommateur avait au départ – je leur ai demandé, d'une part, de participer, par leur expérience, à l'élaboration d'un plan de garantie obligatoire que la Régie du bâtiment a comme mandat, un mandat quand même assez précis; nous voulons, durant l'année 1994, développer ce plan-là. Donc, pour eux, il faut qu'ils participent. S'ils veulent participer, à ce moment-là, nous allons être capables d'établir un cadre d'un plan de garantie auquel ils pourront adhérer et, à ce moment-là, on a besoin de leurs informations, que nous n'avons probablement pas encore, mais qu'on va avoir lors de ces discussions-là, ou bien, si ces groupes-là n'adhéraient pas, que nous développions notre propre plan de garantie; à ce moment-là, ça aurait pu mettre fin au leur comme tel. Mais nous ne voulions pas, nous ne voulons toujours pas, comme État, développer un plan de garantie régi par l'État; ce n'est pas notre objectif.

Par contre, c'est notre responsabilité et c'est notre objectif d'essayer de développer un projet-cadre avec des critères d'admissibilité auxquels les associations de constructeurs seront obligés d'adhérer. Donc, nos entrepreneurs dans la construction domiciliaire devront y adhérer également, faire en sorte que le consommateur au Québec soit protégé lorsqu'il investira dans l'achat d'une maison neuve. Ça, pour nous, c'était bien important. Donc, j'ai demandé à la Régie du bâtiment d'enclencher le processus de négociations avec ces organismes-là, de préparer le projet de plan de garantie, et c'est déjà en marche. Donc, les résultats vont arriver dans les mois qui viennent.

M. Ménard: Bon, mais je vois que vous êtes très conscient du problème et aussi, j'imagine, de ses données. Est-ce que vous pourriez peut-être confirmer ou infirmer certaines des informations que nous avons quant à la nature des plaintes qui vous incitent à entreprendre ces actions? On nous rapporte, nous, que les délais sont excessivement longs, qu'ils peuvent aller même jusqu'à cinq ou six ans pour le règlement d'une plainte. Est-ce que c'est le genre de plaintes que vous avez effectivement?

M. Riendeau (Jean-Claude): Oui, définitivement. Il s'agit de l'ensemble de ce que l'on peut appeler les réclamations, que ce soit pour vice caché ou malformation au niveau de la construction, et les plans, à l'heure actuelle – ce que l'on constate dans les plans qui nous sont soumis – ne répondent pas toujours dans les délais prescrits, d'une part, et ne donnent pas, dans une large proportion, satisfaction aux réclamations financières également.

M. Ménard: On nous signale aussi – mais je pense que le ministre l'avait presque reconnu – que beaucoup de consommateurs découvrent que, finalement, il y a peu de choses qui sont couvertes par la garantie. Ils découvrent des vices à l'intérieur de leurs édifices qui ne sont pas couverts par la garantie et qui devraient l'être. C'est le genre de plaintes que vous avez? Et aussi qu'on leur envoie – je comprends que vous faites signe de la tête que oui – d'abord un conciliateur, mais, en fait, ce conciliateur n'a de conciliateur que le nom; il est plutôt perçu par le consommateur comme un inspecteur qui vient prendre la part du plan qui ne veut pas payer. Est-ce que c'est aussi le genre de plaintes que vous avez?

M. Riendeau (Jean-Claude): Bien, en fait, on pourrait résumer ceci de la façon suivante: c'est que les administrateurs de plans sont invités à décider eux-mêmes s'ils vont couvrir ou pas un cautionnement qu'ils ont eux-mêmes contracté. Alors, dès l'instant où un processus fonctionne de cette façon, en demandant à celui qui nous a cautionné au départ s'il veut payer ou pas, bien, on s'expose à ce genre de délai là...

M. Ménard: Je ne dirais pas qu'on s'y expose, je dirais qu'on s'y dirige tout droit.

M. Riendeau (Jean-Claude): Mais, évidemment, ce sont toujours des corporations, qui ne sont pas ici présentes, ce sont des corporations que nous n'avons pas à inspecter, et on lit, comme vous, dans les journaux et on interprète ces plaintes-là et on doit, bien sûr, concevoir un système qui va corriger tout ça. Nous sommes actuellement à finaliser le processus le plus rapidement possible de manière à ce que, dans les prochains jours, on entame officiellement une consultation avec les consommateurs.

M. Ménard: Ça fait combien de temps que vous êtes conscients que le système mène inévitablement à ça?

M. Riendeau (Jean-Claude): En fait, on doit dire que, dans le processus, à l'heure actuelle, il faut se hâter lentement et j'ajouterais, intelligemment. Il s'agit de mettre sur pied une entreprise immense, qui a des conséquences énormes sur la construction et sur les garanties offertes au consommateur, en se basant, bien sûr, sur le passé et aussi en observant ce qui se passe dans des plans également à l'étranger. Nous avons nos voisins de l'Ontario qui ont une approche qu'il nous faut également voir et observer. Dans ce domaine-là, je dois dire que la Régie du bâtiment, depuis le 1er février 1992, est affairée à cet aspect, de manière à ce qu'elle puisse, au cours de la présente année, entre guillemets, accoucher d'un plan qui va permettre de corriger tous ces écueils.

M. Ménard: Mais, juste avant de passer à autre chose, on nous a même rapporté un cas où il y a arbitrage, mais, quand le plan n'est pas satisfait de l'arbitrage, il ne paie au consommateur que ce qu'il reconnaît dans la décision de l'arbitre et il ignore la partie de ce que l'arbitre a décidé en sa faveur. Vous avez vu ce genre de plaintes aussi?

M. Riendeau (Jean-Claude): Et, bien sûr, en raison du fait que, dans les processus, à l'heure actuelle, d'abord, l'arbitrage n'est pas exécutoire, et cela entraîne malheureusement pour le consommateur l'accès à des tribunaux.

M. Ménard: Bon, alors...

M. Riendeau (Jean-Claude): C'est ainsi que vont les affaires actuellement, et c'est ce que l'on veut éviter pour l'avenir, ce que l'on veut corriger.

M. Ménard: Mais, quand même, tout ça donne l'illusion au consommateur que, s'il paie 300 $ ou 275 $ de plus au paiement et qu'il y a un vice de construction qui est constaté, il n'aura pas de problème pour se faire rembourser. Je veux dire, ça lui donne... Je suis certain qu'il en sort avec un goût très amer d'avoir été floué, d'une certaine façon. On lui envoie un conciliateur qui n'en est pas un, on le fait passer devant un arbitre qui n'a pas de pouvoir exécutoire, pour ainsi discréditer tout système équivalent que l'État va vouloir mettre sur pied.

M. Marcil: La différence, donc, c'est, je pense, qu'on est conscient du problème, là. Ça, c'est un fait, et c'est pour ça qu'on veut développer un cadre d'un plan de garantie. Dans le moment, les gens, les propriétaires de ces fonds-là ou de ces cautions-là, de ces plans-là, sont juges et parties, donc l'individu est obligé de faire appel continuellement à la cour s'il veut avoir gain de cause. Donc, nous voulons éviter ça, nous voulons corriger et faire en sorte que ce soit un organisme indépendant qui traitera les plaintes.

M. Ménard: Bon.

M. Marcil: Donc, ça, c'est l'objectif que l'on vise par notre plan de garantie.

(16 h 50)

M. Ménard: Maintenant, ce modèle, vous l'aviez sous les yeux déjà bien avant 1992, parce que, si je comprends bien, dans la province d'à côté, on a réalisé rapidement que ça n'avait pas de sens de mettre sur ces conseils d'administration des représentants des constructeurs, et c'est un organisme indépendant qui, depuis 1976, en Ontario, administre un plan de garantie équivalent. Alors, il me semble que vous aviez devant les yeux, le 1er février 1992, une situation qui allait nécessairement mener aux abus que vous avez constatés, et vous nous dites que, deux ans plus tard, vous travaillez encore à un plan de solution, alors qu'à côté vous avez un modèle tout fait d'avance.

M. Riendeau (Jean-Claude): Alors, j'ai signalé tout à l'heure que, comme intrant de notre réflexion, effectivement, nous regardons ce qui se passe chez nos voisins. On a d'ailleurs certaines données qui nous laissent croire que le plan, également chez nos voisins, est en voie de révision, de manière à ce que ce qui s'exerce à l'heure actuelle par la corporation d'une organisation sans but lucratif, bien sûr, a des avantages, mais, compte tenu des projections actuarielles, on nous signale qu'actuellement il y a certains problèmes qui seraient à l'horizon en termes de possibilité de couverture dans le temps. On doit donc, et je le répète, être très prudent dans la confection de cette entreprise, à partir du moment où les expertises qui sont disponibles dans le milieu sont rares, sont discréditées par le public et que, pour nous, nous avons un rôle gouvernemental important à jouer pour l'avenir. C'est une des raisons pour lesquelles d'ailleurs, pour revenir à votre première question, nous pensons qu'en cours d'année, lorsque le plan sera conçu et entendu avec chacune des parties, il nous faudra faire connaître, par le biais d'un investissement publicitaire de l'ordre de quelque 46 000 $, comment, pour le public, comment, pour le consommateur, le plan vient les protéger dans le respect le plus entier possible des nouvelles données auxquelles nous oblige le Code civil du Québec.

M. Ménard: Maintenant, j'avoue que j'ai peine à comprendre que la loi 142 soit partie de la même politique. Parce qu'il me semble que, un des résultats de la loi 142, c'est la déréglementation de la construction résidentielle de huit logements en bas. La déréglementation, est-ce que je me trompe, amène que n'importe qui va pouvoir construire.

M. Marcil: Oui, c'est justement. La loi 142...

M. Ménard: On a déjà eu de la misère, alors qu'on avait des gens nécessairement compétents pour construire. Vous pensez qu'on va en avoir moins si on déréglemente?

M. Marcil: On n'a pas une réputation, au Québec, d'avoir la meilleure qualité de construction de maisons à travers le Canada, au départ; ça, c'est la première des choses. La deuxième des choses, en déréglementant les huit logements et moins, les gens se sont dit: Bien, là, ça va être des chaudrons qui vont construire des maisons. Ça a été ça. Donc, nous, on s'est dit: Il n'y en aura pas, de chaudrons qui vont construire des maisons, parce qu'on va mettre sur pied un plan de garantie obligatoire qui va accréditer des entrepreneurs à construire des maisons. Donc, il va falloir que les gens aient une formation. Deuxièmement, pour pouvoir construire de bonnes maisons, les gens vont être obligés d'engager des gens qui ont une formation, qui ont une expertise dans la construction. Donc, ce ne sera pas nécessairement... ils n'engageront pas des chaudrons, parce qu'ils vont perdre leur permis de construire, c'est un petit peu ça. On va probablement les dénoncer, comme on fait un peu avec le ministère de l'Environnement, lorsqu'il y a des gens qui vont à l'encontre des lois. Donc, c'est un petit peu la même chose. Nous, c'est ça qu'on visait. On s'est dit: Si on déréglemente, comment allons-nous faire également pour maintenir ou développer une qualité d'entrepreneurs, d'employeurs et également de travailleurs? Et comment allons-nous faire pour maintenir à l'école, en formation professionnelle, des jeunes qui veulent développer une expertise, une formation au niveau des différents métiers de construction?

Donc, pour nous, c'est une des solutions. Pas nécessairement d'avoir toujours une carte, c'est d'être capable de forcer les gens à produire, du premier coup, une qualité de maison, et, pour pouvoir le faire, ils n'auront pas le choix que d'engager des gens qui ont une formation pour les métiers de la construction, c'est dans ce sens-là.

M. Ménard: M. le ministre, votre programme est d'une logique impeccable et j'y souscris entièrement, mais je ne peux pas m'empêcher de vous demander pourquoi vous n'avez pas attendu que ce programme de garantie des maisons neuves soit prêt avant de déréglementer le domaine de la construction.

M. Marcil: Bien, il faut vous dire qu'en principe le programme de garantie de maisons devrait se développer au cours de l'année 1994. La loi 142 a été passée en décembre 1993, d'une part; ça accélère, dans le moment, au niveau du travail dans ce sens-là, c'est une question de temps, donc. Nous avions un objectif précis également au niveau de la construction; nous avions un problème, au niveau de la construction, vous le savez. S'il y a une industrie où il y a toujours eu de la difficulté de négociation entre les parties, ça a été l'industrie de la construction, je pense que je ne vous apprends rien à ce niveau-là.

M. Ménard: Ce n'est pas ça, le problème que je pensais que vous aviez. Je pensais que le problème auquel vous référiez, c'était le problème de la province d'à côté.

M. Marcil: Les deux provinces, l'Ontario et également le Nouveau-Brunswick, les deux.

M. Ménard: Oui.

M. Marcil: Et pas seulement au niveau de la construction. Tout était rattaché, autant au niveau des biens et services qu'au niveau de la mobilité des travailleurs.

M. Ménard: Mais, en tout cas... Avouez que ça aurait dû être fait en même temps, idéalement.

M. Marcil: Idéalement, je veux dire...

M. Ménard: C'est des mesures qui doivent aller ensemble, sinon...

M. Marcil: Oui, en principe, elles devaient aller ensemble, sauf qu'il y a eu un retard d'apporté au niveau de l'application de la loi 186. Nous avons remédié à cette situation en nommant M. Jean-Claude Riendeau président-directeur général de la Régie du bâtiment.

M. Ménard: Quand ça?

M. Marcil: Le 5 janvier.

M. Ménard: 1994.

M. Marcil: Oui.

M. Ménard: Ah bon! Alors, on ne peut pas... Ha, ha, ha! ...vous reprocher...

M. Marcil: Et, lui et son équipe...

M. Ménard: Mais il y a deux ans où il y a quelqu'un qui a dormi sur un problème qui était tout à fait prévisible.

M. Marcil: Oui, mais... Ce n'est pas si facile que ça, d'appliquer une loi. Au moment où vous la passez, il ne faut pas penser que, du jour au lendemain, la loi est appliquée ou applicable. Il y a un certain transfert qui doit se faire, et ça prend un certain temps.

M. Ménard: En tout cas, je ne peux pas dire... Mais il me semble que vous auriez pu avoir la même patience avec la déréglementation et faire la déréglementation quand vous étiez prêts à présenter les deux. Autrement dit...

M. Marcil: On va y arriver. On va...

M. Ménard: Ça, c'est comme quand ils ont levé le pont de Québec...

M. Marcil: ...atteindre notre objectif.

M. Ménard: ...la travée centrale, il fallait la lever aux deux bouts en même temps, pas essayer d'en enlever juste une, juste d'un côté et essayer d'installer l'autre. Bon, bien, on va passer à autre chose.

Le Président (M. Forget): M. le député de Drummond.


Réduction de l'effectif

M. St-Roch: Oui. Sur la Régie du bâtiment, M. le Président. Vous êtes responsable de la qualité et de la sécurité aussi au niveau du bâtiment?

M. Riendeau (Jean-Claude): En effet, M. le Président.

M. St-Roch: Comment expliquez-vous une réduction de 59 personnes, pour un total de pratiquement 2 500 000 $?

M. Riendeau (Jean-Claude): Alors, cette réduction de près de 8 % des effectifs dans le budget entre 1993-1994 et 1994-1995 est une réduction que je dirais pensée, dans la mesure où nous avons à revoir complètement notre organisation et à la repositionner à partir de la mise en application de toutes les facettes de la Loi sur le bâtiment, dont, actuellement, seulement l'aspect qualification est en vigueur.

Les postes touchés sont des postes qui n'occupent pas de personnes au moment où on a eu à prendre les décisions, principalement. Donc, il n'y a pas eu de mise en disponibilité, voire même de mise à pied, évidemment. Et, dans ce contexte-là, pour nous, c'est de nous repositionner en fonction des nouveaux produits que l'on a à concevoir pour l'avenir, à partir du moment où la nouvelle application, ce que l'on appelle chez nous le travail de la réforme, sera en place, et il fallait absolument se créer une marge de manoeuvre de manière à ce que, lorsque les nouvelles articulations, tels les plans de garantie, les attestations de conformité, le travail avec les gens au niveau des municipalités, seront en place, bien, on aura évidemment les effectifs nécessaires pour travailler dans le sens de la responsabilisation du milieu.

Nous ne pensons pas que l'action de la qualité et de la sécurité se fasse exclusivement par le gouvernement du Québec. Nous devons, par ce biais, revoir notre façon de faire, et c'est ce à quoi nous nous attaquons au cours de la prochaine année.


Programmes d'efficacité énergétique

M. St-Roch: Oui, M. le Président, dans le même domaine, en ce qui concerne l'efficacité énergétique, parce que vous avez aussi une autre société d'État qui regarde avec énormément de programmes, est-ce que vous avez été approchés pour faire partie d'un comité ou d'un groupe pour revoir le Code du bâtiment, pour prendre en considération les nouvelles mesures d'efficacité énergétique?

M. Riendeau (Jean-Claude): Oui, très certainement. Je ne saurais vous donner spécifiquement le groupe en question, mais je dois vous dire que, dans le plan d'action 1994-1995, toute la question des codes de construction, et, bien sûr, de sécurité via cette loi, est à l'horaire, est en travail actuellement. Nous avons été approchés récemment par Hydro-Québec pour se concerter avec eux sur deux produits, dont un s'appelle énersave et l'autre énergie-confort, qui feraient en sorte que les mesures de positionnement par rapport à des économies d'énergie soient à l'avantage à la fois des gens de chez Hydro-Québec et de la Régie du bâtiment.

M. St-Roch: Est-ce que ça comprend les nouvelles normes pour une nouvelle maison? On ne sait pas le nom encore, parce qu'on avait la R-2000... Est-ce qu'on vous a approchés aussi pour établir une nouvelle norme sur une nouvelle maison? On a parlé de 2012, à un moment donné, ou de 2021, sans lui donner un nom spécifique.

(17 heures)

M. Riendeau (Jean-Claude): Non, je regrette. Je pourrais vérifier, M. le Président, ces éléments. Le détail m'échappe pour le moment, et nous ne pensons pas, à l'heure actuelle, qu'on soit rendu à ce point de raffinement, en termes d'ententes avec Hydro-Québec.

M. St-Roch: Et, dernière question, M. le Président. Dans toute cette grande problématique d'économie d'énergie, il y a ce qu'on appelle les économies d'énergie passives. Dans votre réforme, à laquelle vous avez fait référence tantôt, est-ce que vous allez considérer aussi, au niveau de l'urbanisme, toutes les mesures que ce serait... simplement avoir, dans le Code du bâtiment, l'orientation, dans les nouveaux développements, des maisons vers le sud au lieu de vers le nord, ce qui procurerait automatiquement des économies d'énergie et qui faciliterait la tâche des consommateurs et consommatrices? Est-ce que vous allez avoir cette perspective-là aussi dans votre réforme que vous envisagez?

M. Riendeau (Jean-Claude): J'aimerais vous répondre oui à cette question, mais il s'agit beaucoup plus d'un travail de qualité qui réfère aux architectes ainsi qu'aux ingénieurs de plans, et, à ce niveau-là, bien sûr, on pourrait s'intéresser à l'aspect, dans la mesure où il devient un élément important dans les économies d'énergie.

M. St-Roch: Ça va. Merci, M. le Président.


Autres sujets

Le Président (M. Forget): Merci. Voici, est-ce que je pourrais poser une petite question, si vous me permettez? Au niveau des inspections, est-ce que ça va être les municipalités qui vont s'occuper de la Régie du bâtiment, au niveau des inspecteurs comme tels au niveau des bâtisses?

M. Riendeau (Jean-Claude): Nous n'en sommes pas rendus à cette étape, M. le Président, de discussions avec les municipalités. Nous devons rencontrer prochainement la Table Québec–municipalités, de manière à regarder avec les unions ainsi que les municipalités comment nous pourrons partager l'important fardeau de voir à la qualité et à la sécurité. D'entrée de jeu, on ne considère pas que la solution passe par l'inspection, mais beaucoup plus par des attestations de conformité à des normes qui, elles, seront autorisées par les professionnels dans les matières, à savoir les architectes, les ingénieurs et les entrepreneurs eux-mêmes, bien sûr.

Le Président (M. Forget): Si vous me permettez une autre petite question, c'est tout simplement au niveau du permis, à un moment donné, lorsque la municipalité va émettre le permis, dans les procédures, elle pourra surveiller automatiquement la construction de bâtisses...

M. Riendeau (Jean-Claude): Oui, définitivement. Plus précisément, à cet effet-là, d'ailleurs, la loi nous habilite à le faire dans la mesure où il y a une entente signée avec les municipalités, et, au moment où on se parle, il y a une étude qui se fait sous forme de projet-pilote avec une municipalité, de manière à créer cette interface entre la municipalité qui octroie les permis de construction et la Régie du bâtiment, de manière à ce que les permis soient octroyés à des entrepreneurs qui sont licenciés et qui ont la qualité pour ce faire.

Le Président (M. Forget): Merci. M. le député de...

M. Marcil: J'aurais peut-être un peu...

Le Président (M. Forget): ...M. le député de Laval-des-Rapides. Ah! excusez.

M. Marcil: ...j'ajouterais peut-être également, M. le Président, par le biais de la loi 186 également, on parle souvent de travail au noir, et également nous allons... Lorsque nous rencontrerons la Table Québec–municipalités, c'est que nous voulons également établir une complicité, un genre de «partnership» avec les municipalités, au niveau de l'émission des permis de construction dans les municipalités, afin que la Régie du bâtiment et la CCQ, de même que le ministère du Revenu, nous puissions avoir une indication, une information, une copie, si vous voulez, de la liste des permis de construction qui seront émis dans les différentes MRC ou dans les différentes municipalités, pour qu'il puisse y avoir un contrôle adéquat, autant au niveau de l'entrepreneur, celui qui fait le travail, que des employés également, la main-d'oeuvre que l'employeur utilise. C'est notre objectif. Nous espérons bien... Et, moi, après avoir discuté avec certains maires de municipalités... parce que, déjà, ils donnent ces informations-là au niveau de la MRC ou même au niveau de Statistique Canada. Donc, il semblerait que ce n'est pas nécessairement un exercice trop, trop onéreux pour eux de nous les transmettre. Mais c'est une discussion, c'est une négociation que nous aurons avec le monde municipal.

Le Président (M. Forget): Merci.

M. Marcil: Parce que, sans la complicité du monde municipal, il devient de plus en plus difficile d'établir, autant au niveau des régimes d'inspection, par le biais de la Régie du bâtiment quant à la qualité de la construction... On a besoin de cette complicité parce que, si on ne le fait pas ensemble, si on attend uniquement après le travail d'un seul organisme, il devient presque impossible de réaliser – au niveau de la construction, c'est la même chose – il devient presque impossible, là, pour la CCQ, d'avoir des inspecteurs sur tous les chantiers de construction, à moins qu'on ait des indications nous aidant à intervenir de façon plus particulière à des endroits plus précis dans ce sens-là.

M. Ménard: Il me semble qu'au...

Le Président (M. Forget): Merci, M. le ministre. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Il me semble qu'avec tout l'argent qu'ils pourraient sauver ils pourraient se payer rapidement, ces inspecteurs-là. Il ne faudrait pas les couper. Mais, juste sur le point, là, sur lequel on s'entend tous qu'il y a une urgence, et je voudrais vous le rappeler, que, quand même... Je voudrais savoir quand vous allez, pour quand vous nous promettez... Parce que, le rapport général de M. Mireault, le rapport général 1992-1993, nous disait: «La Régie poursuivra, en 1993-1994, le cheminement d'implantation des diverses dispositions de la Loi sur le bâtiment, dont celles concernant les plans de garantie.» Puis, Le Devoir du 18 décembre disait: «Dans la foulée de la déréglementation de la construction résidentielle qu'instaure la loi 142, le ministre du Travail, Normand Cherry, a sommé la Régie du bâtiment de réviser les maigres garanties offertes par les constructeurs sur les maisons neuves. Et vite! Dès le printemps prochain, un nouveau régime, obligatoire celui-là, doit être mis en place.» Alors, même aujourd'hui, nous pouvons percevoir que le printemps est arrivé. Ha, ha, ha! Alors, vous, vous nous la promettez pour quand, la réglementation du programme de garanties de maisons neuves?

M. Riendeau (Jean-Claude): Oui, M. le Président, nous sommes à le mettre en place, effectivement, et il entrera en vigueur, si tout va bien, au 1er janvier 1995.

M. Ménard: C'est loin.

M. Marcil: Ce n'est pas une petite affaire à mettre sur pied, là.

M. Ménard: Ça va faire trois ans, presque. S'il y a le moindre petit accrochage, ça va faire plus que trois ans.

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Je n'en ai pas, M. le Président.

Le Président (M. Forget): Pas d'intervention. Alors, M. le député... Ah! est-ce qu'on change...

M. Ménard: Oui.

Le Président (M. Forget): Oui.

M. Marcil: Est-ce qu'on pourrait suspendre juste une minute?

Le Président (M. Forget): Oui, on peut suspendre.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 13)

Le Président (M. Forget): À l'ordre! La commission reprend ses travaux.

M. le ministre, je pense qu'on était rendu... Ah! oui, on change...

M. Marcil: Commission des normes.

Le Président (M. Forget): ...de sujet, de programme. Alors, M. le député de Laval-des-Rapides.

(Consultation)

Le Président (M. Forget): Alors, le nouveau programme, c'est le programme des normes du travail?

M. Marcil: Ça va.

Le Président (M. Forget): Parfait.

M. Marcil: Ça va.

Le Président (M. Forget): Les normes du travail. O.K.

M. Marcil: Oui. Ça va.

Le Président (M. Forget): C'est M. le ministre qui prend la parole ou c'est le député de Laval-des-Rapides?

M. Ménard: Moi, je suis prêt.

Le Président (M. Forget): M. le ministre, la parole est à vous.

M. Ménard: Oui. Ah! bon. Alors, c'est à moi?

M. Marcil: Bien, c'est vous qui questionnez.

M. Ménard: Parfait. O.K. D'accord.

M. Marcil: Vous pouvez me questionner parce que je vais n'avoir que des bonnes réponses.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Justement.

Le Président (M. Forget): M. le député de Laval-des-Rapides.


Commission des normes du travail (CNT)


Rapport de la Commission de la fonction publique

M. Ménard: M. le ministre, avez-vous reçu le rapport de la Commission de la fonction publique portant sur la Commission des normes du travail?

M. Marcil: Oui, j'ai reçu le rapport de la Commission de la fonction publique en date du 21 avril, donc jeudi dernier. Vous comprendrez que j'étais en crédits jeudi et vendredi. J'en ai pris connaissance.

M. Ménard: J'imagine que le président également de la Commission des normes du travail en a pris connaissance?

M. Marcil: Oui, juste avant, peut-être. Moi, j'en ai pris connaissance, je ne l'ai pas étudié à fond. Naturellement, ça va se faire au cours de la semaine. Je sais que le rapport d'enquête semble reconnaître une situation particulière d'urgence, dans laquelle le président devait oeuvrer, parce que tantôt on pourra vous expliquer tout le travail de redressement qui a été réalisé au niveau de la Commission des normes du travail.

Je comprends, par ailleurs, que les conclusions du rapport d'enquête font état de décisions qui ont pu avoir des conséquences pour des personnes visées, des conséquences sérieuses pour des personnes visées et sur l'application de la règle d'équité et d'égalité d'accès stipulée par la Loi de la fonction publique et dans les règles édictées. Il faut reconnaître que le président et son équipe ont su effectuer un redressement significatif, corriger la situation déficitaire et améliorer les services au niveau de la Commission des normes du travail. Ceci étant dit, M. le Président, je pourrais demander au président de la Commission des normes d'élaborer sur le sujet.

Le Président (M. Forget): Si vous voulez vous identifier pour le bon fonctionnement de la commission.

M. Rivard (Jean G.): Jean G. Rivard, président de la Commission des normes du travail. Comme le dit le ministre, le rapport de la Commission de la fonction publique reconnaît qu'il y avait une situation d'urgence, à la Commission des normes du travail, qu'il fallait corriger rapidement. Le rapport interpelle deux organismes, l'Office des ressources humaines et la Commission des normes du travail. Nous avons donc convenu dès cette semaine, avec le président de l'Office des ressources humaines, d'une rencontre afin de clarifier certains points qui sont soulevés dans le rapport.

Cependant, ce qui est peut-être important de noter, c'est que, quant à la situation dont parle la Commission et dont nous avons fait grand état au cours de l'enquête de la Commission, il y avait une situation urgente et pressante qu'il fallait corriger. Il y avait, au moment de mon arrivée, en novembre 1992, environ 5000 plaintes en inventaire. Les délais de traitement de ces plaintes-là – pour les plaintes pécuniaires, donc qui portent sur les salaires, les réclamations qui sont faites au sujet des salaires – variaient aux alentours de sept à huit mois, et tout ce qui était 122, 124, donc congédiements et pratiques interdites, les délais moyens de traitement étaient de 12 à 15 mois. À l'heure actuelle, ce qu'on peut vous dire, c'est que les délais de plaintes pécuniaires sont de l'ordre de 52 jours entre la réception et leur règlement, 52 jours de traitement moyen, et les délais dans la médiation à la Commission des normes du travail sont de 45 jours et de 48 jours respectivement pour les plaintes en 124 et en 122.

Donc, la situation qui existait menaçait les droits des salariés qui avaient déposé des plaintes à la Commission. De plus, il existait une situation budgétaire absolument incroyable à ce moment-là. La Commission venait de perdre 4 500 000 $ en 1991-1992 et s'apprêtait à perdre près de 8 000 000 $ en 1992-1993, un déficit que nous avons ramené à 4 700 000 $, et cette année, en 1994-1995, la Commission s'attend à réaliser un surplus d'environ 1 500 000 $.

(17 h 20)

Donc, la situation budgétaire est régularisée, du moins pour l'instant. On doit faire preuve de prudence, un peu comme les organismes qui ont témoigné avant moi. Nous sommes tous touchés par la situation économique. Comme vous le savez, la CNT perçoit ses revenus auprès des employeurs sur la masse salariale payée, et cette masse salariale a diminué considérablement au cours des dernières années. Nous devons vivre à l'intérieur de moyens extrêmement restreints.

M. Ménard: Ce que vous voulez nous expliquer, M. le président, c'est qu'effectivement les gens qui ont été congédiés ou tablettés ou envoyés chez eux étaient responsables de cette situation et que leur déplacement vous a permis de redresser la situation?

M. Rivard (Jean G.): Dans un cas particulier, oui. Je vous dirais que, dans un cas particulier, ça a été le cas. Le départ de la Commission, dans la balance des inconvénients, devait se faire de manière urgente, à la fois pour l'individu, à la fois pour la Commission, pour permettre le redressement de la situation. Dans un premier cas, dans le cas de la situation urgente, la personne est restée deux mois à la maison, et, ensuite, la Commission des normes du travail l'a relocalisée, lui a trouvé un emploi et, depuis ce temps-là, cette personne-là, en prêt de service, occupe un emploi actif, est active dans la fonction publique du Québec.

M. Ménard: Ça pose le problème plus général de l'imputabilité, en somme, chez les fonctionnaires. Une fois que quelqu'un est entré dans la fonction publique, le mieux qu'on peut faire s'il est incompétent, c'est de le déplacer, l'envoyer exercer son incompétence ailleurs.

M. Marcil: Ça, c'est une opinion que vous avez. Je pense qu'en général...

M. Ménard: Que beaucoup de gens ont à l'extérieur; ce n'est pas nécessairement la mienne.

M. Marcil: ...dans la fonction publique... Pardon?

M. Ménard: Ce n'est pas nécessairement la mienne. C'est une opinion qu'on entend souvent.

M. Marcil: Donc, M. le Président, sur ce rapport, une rencontre est prévue cette semaine pour faire l'analyse des recommandations de la Commission de la fonction publique avec la Commission des normes du travail et l'Office des ressources humaines. Nous allons tenter de trouver des solutions pour permettre à tout ce beau monde là de retrouver leur bien-être.

M. Ménard: Mais, maintenant... Mais, si je comprends bien vos explications, vous restez quand même... On relevait 37 irrégularités, dont 21 qui concernaient les affectations et les reclassements, et neuf au sujet des promotions sans concours. Dois-je comprendre que, essentiellement, votre argumentation, c'est que toutes ces mesures, vous les avez prises pour corriger la situation que vous vouliez corriger à la Commission, dont vous avez pris la présidence, en fait, sans avoir aucune préparation à cette présidence?

M. Rivard (Jean G.): Si on fait l'exception d'un cas, ce que vous dites, c'est exactement ce qui s'est produit. Il fallait absolument redresser la situation, c'était pressant. La situation budgétaire l'exigeait de même que la situation environnante. C'est-à-dire que nous devions faire face, dès le 1er avril 1993, à une diminution sensible du nombre de postes qui nous avaient été alloués temporairement par le Conseil du trésor. Donc, il fallait corriger une situation, là, dans des délais extrêmement courts, moins de six mois.

M. Ménard: Bon. Vous nous dites aussi que vous aviez un déficit de 4 500 000 $. Ce déficit-là, c'était pour quelle année, pour 1992-1993?

M. Rivard (Jean G.): Si je peux attirer votre attention sur l'onglet de cette couleur-là... Je m'excuse, je ne la vois pas très, très bien, là. O.K. Alors, en 1991-1992, le déficit était de 4 300 000 $. En 1992-1993, le déficit était de 4 700 000 $, mais projeté de 8 000 000 $.

M. Ménard: Ah! il était... oui.

M. Rivard (Jean G.): En 1993-1994, nous prévoyons un surplus budgétaire d'environ 1 000 000 $. C'est donc 10 000 000 $ que nous avons de dépenses récurrentes qui ont été coupées pour faire face à la situation économique, donc à la situation de nos revenus, et aussi, évidemment, afin d'augmenter le service à notre clientèle. Nous y sommes parvenus très bien, d'ailleurs, par la déjudiciarisation de nos procédés et la réorganisation de nos procédés, la réingénierie de nos procédés et nos manières de faire.

M. Ménard: Mais c'est ça, là... Vous allez peut-être un petit peu trop vite pour moi, mais... Donc, c'est 4 300 000 $ de déficit en 1991-1992, 4 700 000 $ en 1992-1993...

M. Rivard (Jean G.): Oui.

M. Ménard: ...puis vous dites: Projeté, 8 000 000 $. Mais 8 000 000 $ pour quand?

M. Rivard (Jean G.): 8 000 000 $ pour 1992-1993.

M. Ménard: Mais...

M. Rivard (Jean G.): À mon arrivée, en novembre 1992, le déficit projeté, par rapport... On savait, à ce moment-là, on avait une très bonne idée des revenus que nous allions avoir en cours d'année, et les dépenses qui étaient engagées, pour la plupart, totalisaient 38 000 000 $ et les revenus, 30 000 000 $. Donc, le déficit projeté, sur la base de ce qui était engagé et sur la base de ce qui se déroulait à ce moment-là à mon arrivée à la Commission, était... Donc, on se destinait vers un déficit de 8 000 000 $. Nous l'avons ramené, entre novembre 1992 et mars 1993, à 4 700 000 $, en effectuant très rapidement des correctifs dans les méthodes de dépenses et en procédant à des déplacements qui étaient urgents, effectivement. C'est à ça que fait référence la Commission, quand elle reconnaît que la situation de la Commission était passablement urgente, et, évidemment, tous les inventaires, tout le problème des inventaires, des délais de traitement qui menaçaient les droits des salariés qui avaient porté plainte à la Commission. Quand je vous parle de délais de traitement de 12 à 15 mois, c'est pour des gens qui avaient perdu leur emploi, dans la plupart des cas.

M. Ménard: Ça m'apparaît presque trop beau pour être vrai, que vous passez, comme ça, de 8 000 000 $, projeté, en fait, même pas projeté... La situation est déficitaire de 8 000 000 $ quand vous arrivez en novembre 1992, et vous entrez dans cette boîte que vous ne connaissez pas du tout, puis, en quatre mois, vous arrivez à 4 700 000 $, en faisant quoi? En déplaçant du personnel puis en...

M. Rivard (Jean G.): En réduisant le nombre d'occasionnels de façon sensible – il y avait, dans certaines régions particulières, plus de 57 % du personnel qui était du personnel occasionnel, donc les tâches normales de la Commission étaient remplies par des occasionnels – et, évidemment, en examinant l'ensemble des dépenses qui s'effectuaient à la Commission des normes du travail.

M. Ménard: Bon. C'est correct. De toute façon, il va être public, ce rapport, j'imagine, M. le ministre. Quand est-ce que vous pensez que...

M. Rivard (Jean G.): Il l'est. Il l'est.

M. Ménard: Il y a des journalistes qui l'ont.

M. Rivard (Jean G.): Il l'est, public.

Une voix: Il est public, présentement.

M. Ménard: Peut-être que les députés pourraient l'avoir aussi.

M. Rivard (Jean G.): Il est public à l'heure actuelle.

M. Ménard: Ah bon! Il est... Ha, ha, ha!

M. Rivard (Jean G.): Si vous en voulez une copie, je peux vous en préparer une. Ça va?

M. Ménard: On va aller chercher ça, certainement. Merci.

Le Président (M. Forget): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Oui. J'étais pour suggérer, M. le Président, si le rapport est public, peut-être que M. le ministre pourrait faire parvenir copie pour les membres de la commission, ici, et on pourra se familiariser. J'aurais juste une question. À la lecture, M. le ministre, que vous avez faite de ce rapport, et vous permettrez ma question en toute ignorance, ne l'ayant pas lu moi-même, il semble, à l'heure actuelle, qu'on a un organisme qui a eu raison d'agir parce qu'il y avait urgence. Le seul blâme, finalement, qu'on pourrait lui reprocher, c'est qu'il aurait suivi un paquet de procédures qui conduiraient à une inefficacité. Est-ce que je suis correct d'assumer ça?

M. Marcil: Ce n'est pas tout à fait dans ce sens-là. C'est que nous avions... Le gouvernement a décidé de changer le président de cet organisme, avec un mandat de redresser la situation. Et ce qui est bon dans ce qui a été réalisé, c'est qu'en plus de réduire les dépenses ils ont augmenté l'efficacité de l'organisme.

M. St-Roch: Je n'ai rien contre ça.

M. Marcil: Ce qui est reproché, ce n'est pas d'avoir été inefficace dans leur façon de – comment je pourrais dire – réorganiser le temps de travail de tout le monde; ce qu'on reproche, souvent, c'est: Est-ce que vous avez suivi toutes les règles administratives en fonction de la loi...

M. Ménard: Inefficace. Je réutilise «inefficace».

M. Marcil: ...de la fonction publique? C'est ça, dans le fond, qui est questionné. Donc, le rapport fait quelques recommandations, et puis ils l'étudient à fond. Avec les rencontres qu'on aura avec les organismes concernés, on verra à apporter des ajustements, si nécessaire.

(17 h 30)

M. St-Roch: Oui. M. le Président, je vais juste conclure. M. le ministre, moi, je ne blâmerai jamais quelqu'un d'être efficace et d'être capable, comme on dit en 1994, de se revirer sur un 10 sous. Mais il me semble, à la lecture des articles que j'ai faite à l'heure actuelle, qu'on a été efficace. On avait une situation d'urgence, il y avait un incendie, il fallait l'éteindre; il a été éteint, l'incendie. Alors, aujourd'hui, on fait face, parce qu'on a éteint l'incendie d'une façon très rapide... qu'on n'aurait pas suivi une procédure établie, en quelque part, qui décrirait la procédure pour éteindre les incendies. Alors, moi, j'espère qu'on ne regardera pas simplement la décision qui a été prise et les recommandations qui sont faites, mais aussi qu'on regarde la procédure pour voir si elle est encore correcte, si elle est encore moderne et si on peut continuer à l'utiliser.

M. Marcil: Bien, je veux dire en conclusion aussi qu'il y a la Loi sur la fonction publique qui existe, là, qui a quand même dégagé un large consensus des membres de l'Assemblée nationale, cette loi, et il y a des objectifs, il y a une procédure qui est développée par cette loi. Donc, c'est un petit peu dans ce sens-là, c'est ce qu'on reproche à l'organisme, de ne peut-être pas avoir suivi toutes les procédures développées par la loi. Donc, il reste à analyser tout ça, là. C'est un rapport, il y a des recommandations. On ne peut pas empêcher les gens d'être efficaces, mais, pour répondre également au député, tantôt, lorsqu'il disait que, lorsqu'on déplace quelqu'un d'un poste, c'est parce qu'il est incompétent, c'est que l'incompétence à un poste ne met pas en cause la compétence à un autre poste, aussi, là. Tu sais, l'un... On peut mal produire à un poste et bien produire dans un autre poste, également, là.

M. St-Roch: Oui. En conclusion, M. le Président, à ce sujet-là, M. le ministre, ce n'est pas parce que l'Assemblée nationale adopte des lois à la majorité que la réglementation va être le reflet des lois. Et j'attire votre attention – j'ai eu l'occasion de le faire – quand je regarde la loi 95, qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, il n'y a aucun législateur qui a dit, lorsque les directives étaient pour être sorties, que, pour la première fois, il fallait que le formulaire soit dactylographié par l'utilisateur, par les 336 000 qui auraient à l'utiliser. Je ne l'ai pas vu dans la loi; on a juste vu qu'on était pour centraliser dans un contexte d'efficacité et donner un meilleur service. Alors, les buts de la loi étaient nobles, mais, lorsqu'on voit les directives administratives qui ont suivi, c'est là qu'on voit qu'on prend une tangente qu'aucun législateur n'a voulue.

Alors, c'est dans ce sens-là que sont mes remarques. Un projet de loi peut être fantastique, mais, lorsque je regarde la réglementation... Et mon expérience de neuf ans m'a appris, dans d'autres lois, que, lorsqu'on regardait l'esprit et la lettre d'une loi et lorsqu'on regardait, après 10 ans, où on était rendu avec la réglementation, on en avait défait l'esprit complètement. Alors, c'est dans ce sens-là. Peut-être que la Loi sur la fonction publique a rempli un besoin et qu'elle est nécessaire, mais, comme toute autre chose, un moment donné, il vient peut-être le temps de dépoussiérer, de remoderniser.

M. Marcil: Merci.

Le Président (M. Forget): Alors, merci, M. le député de Drummond.

M. Marcil: Ça va?

Le Président (M. Forget): Alors...

M. Marcil: Merci beaucoup. O.K.

Le Président (M. Forget): Est-ce qu'on passe à un autre programme?

M. Marcil: Aviez-vous une question, vous?

M. Williams: ...de travail?

M. Marcil: Pardon?

M. Ménard: La Commission de la construction.

Le Président (M. Forget): La Commission de la construction. Ah! M. le député de Nelligan.

M. Williams: Sur la Commission des normes du travail, avant que nous allions dans un autre, là, je voudrais... En préparation pour les études, nous avons reçu toute la documentation, et j'ai reçu la documentation sur le programme de déjudiciarisation, le programme de médiation, et j'ai trois courtes questions sur ça. Je vais demander ça tout de suite parce que je ne veux pas ralentir le débat. J'ai besoin de prendre note, juste avant de commencer, que j'apprécie ça, que ce soit disponible en français et en anglais, et, souvent, les documents que nous avons reçus qui sont ciblés pour les particuliers sont bilingues... pas bilingues, mais en français et en anglais, et je voulais juste souligner ce fait, parce que nous avons souvent des débats linguistiques au Québec, mais, au Québec, notre gouvernement, quand nous avons les services disponibles directement pour les particuliers, souvent, ils sont disponibles en français et en anglais, et je pense que les travailleurs et les travailleuses apprécient ça beaucoup.


Procédure de médiation systématisée

Mais, sur le programme de médiation, je voudrais que, peut-être, le président puisse expliquer un peu exactement qu'est-ce que ça veut dire, cette déjudiciarisation. Deuxièmement, question: Quand je vois le titre: «Un moyen gratuit et efficace de régler rapidement un litige», peut-être que c'est efficace, mais on sait qu'il n'y a rien de gratuit. Je voudrais savoir le coût de ce programme. Et, troisième chose, est-ce qu'il peut donner, avec les chiffres, peut-être un sommaire? Est-ce que c'est efficace comme approche?

M. Rivard (Jean G.): Merci.

Le Président (M. Forget): M. le ministre.

M. Rivard (Jean G.): Si vous me permettez, je peux vous dire que nous avons entrepris la procédure de médiation systématisée, à la Commission des normes du travail, en septembre dernier. Nous avons, dans les six premiers mois de l'année budgétaire 1993-1994, formé nos gens. Pour répondre à votre dernière question, nous atteignons en ce moment des taux de règlement de près de 80 %, soit 77,7 %, à la satisfaction des parties, dans les plaintes en 122 et 124. C'est donc des plaintes lourdes, qui exigeaient auparavant une procédure judiciaire relativement lourde. Ça nous a permis de réduire la judiciarisation de ces plaintes-là de façon significative, avec la collaboration de l'ensemble du personnel de la Direction des affaires juridiques. Quand aux coûts de ces services-là, effectivement, il n'y a rien de gratuit, c'est gratuit pour les parties, il n'y a pas de ticket modérateur, c'est ce que nous entendons par ça, et nous encourageons évidemment l'ensemble des parties à avoir recours à ce service-là parce que c'est un moyen – comme on l'entend aujourd'hui, le terme consacré – de justice douce et qui n'implique pas des frais judiciaires très importants.

Nous évaluons, à l'heure actuelle, que les 55 inspecteurs-enquêteurs ou conseillers de la Commission qui donnent un service de médiation coûtent à la Commission environ, si je ne m'abuse, 3 000 000 $ et ils traitent 4000 dossiers. Ces dossiers-là, auparavant, étaient judiciarisés et coûtaient – et c'est une des raisons pour lesquelles nous avons pu réaliser des coupures importantes dans nos budgets – environ 7 000 000 $, une fois judiciarisés. C'est ce qui nous a permis de réduire les effectifs, par exemple, chez nous, du service des affaires juridiques de sept personnes: trois avocats et du personnel de soutien.

Maintenant, quant à votre première question, au sujet de ce que c'est la médiation, lorsque le législateur, en 1990, a décidé d'amender la Loi sur les normes du travail, il a fait obligation à la Commission d'offrir un tel service afin, justement, de déjudiciariser le processus dans les relations de travail particulièrement. Depuis, la jurisprudence du commissaire du travail est venue renforcer cet élément-là, de sorte que, aujourd'hui, une plainte qui, pour une raison ou pour une autre, ne se résoudrait pas en médiation doit obligatoirement avoir fait l'objet d'une médiation avant d'être présentée devant le commissaire du travail; la jurisprudence, maintenant, l'exige. Si ce n'était pas le cas, la plainte serait renvoyée à la Commission des normes du travail pour faire l'objet d'une médiation.

C'est donc à la fois le législateur, par la suite la jurisprudence et aussi, évidemment, l'objectif de la Commission d'être beaucoup plus efficace et de rendre des décisions beaucoup plus rapidement et de tenter de rapprocher les parties, qui sont à l'origine de cette approche, si vous voulez. La médiation que nous menons est une médiation sur intérêt et non pas, si vous voulez, une médiation négociée, le but étant de permettre aux parties d'exprimer, de part et d'autre, leur position, et, par la suite, les conseillers de la Commission tentent de formuler des recommandations.

M. Williams: Merci, mais, si j'ai bien compris ça ne prend pas le consentement des deux parties d'entrer dans la médiation avant, mais, malgré ça, vous avez atteint presque 80 % de succès. Est-ce que j'ai bien compris? Ça ne prend pas...

M. Rivard (Jean G.): Ça prend le consentement des deux parties. Les deux parties doivent être réunies à la même table pour qu'il y ait médiation. On a réalisé un premier sondage, après six mois d'expérience, un sondage important auprès de quelque 3000 employeurs et ils ont exprimé un taux de satisfaction, dans 10 questions différentes portant sur cet élément-là, de 86 % à l'égard du processus de médiation. Évidemment, pour les employeurs, c'est une préoccupation de coûts et, pour les salariés, c'est une question de rapidité. L'ensemble des dossiers en médiation prennent moins de 50 jours à se régler. Alors, entre le moment du dépôt de la plainte et le règlement en médiation, c'est moins de 50 jours. Lorsqu'il y a judiciarisation, avec la collaboration du commissaire général du travail, on parle d'au plus quatre mois.

M. Williams: Et, si un des partenaires ne veut pas faire la médiation, tu vas aller directement au tribunal? C'est ça que...

M. Rivard (Jean G.): Oui.

M. Williams: O.K. Et ce ne sont pas nécessairement les cas les plus simples qui acceptent la médiation, vous avez dit aussi les cas lourds.

M. Rivard (Jean G.): C'est-à-dire que les plaintes 122 et 124 sont toutes des plaintes lourdes, il s'agit de pratiques interdites ou de congédiements sans juste cause, et donc, ce sont des cas où les gens sont, pour la plupart du temps, sans emploi. C'est pour ça que ce sont des cas lourds; c'est urgent de les régler pour qu'une des parties, le salarié, puisse obtenir un règlement qui lui permet de, financièrement, survivre momentanément, jusqu'à ce qu'il se retrouve un autre emploi. Mais je peux vous dire que nous avons obtenu un taux qui dépasse l'entendement. On tente encore de vérifier les statistiques pour la réintégration en cours de médiation. Puisque le processus est extrêmement rapide, souvent l'employeur n'a pas eu le temps de remplacer l'employé. Or, ce qui se produit, pris de remord, ou pris devant une situation très complexe, souvent, l'employeur, lors d'un caucus entre les parties mêmes, va accepter de réintégrer la partie congédiée ou victime d'une pratique interdite.

M. Williams: Dernière courte question: Sans menacer le futur emploi des avocats, est-ce qu'il y a un type de cas qui n'est pas susceptible à la médiation? Est-ce que vous pensez que tous les cas peuvent aller juste à la médiation?

M. Rivard (Jean G.): Tous les cas peuvent aller à la médiation, et je dois vous faire remarquer que nous obtenons, puisque vous en parlez, une collaboration extrêmement précieuse de la part des avocats, qui reconnaissent, en cours de médiation, lorsqu'ils accompagnent l'employeur... Nous demandons à l'avocat: Combien coûteront vos services pour finaliser ce cas-là jusque devant les tribunaux? Une fois cette facture prévisible établie, l'employeur est amené à faire un calcul rapide et à régler rapidement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est ce qui explique les 80 % de règlements.

M. Williams: Merci beaucoup pour cette précision, particulièrement le rôle des avocats dans la médiation.

(17 h 40)

M. Ménard: Ces sondages, ils ont coûté 60 020 $. ...la réponse...

M. Rivard (Jean G.): Il y en a eu quatre, quand même.

M. Ménard: Les deux sur la satisfaction des employeurs.

M. Rivard (Jean G.): Ils ne portaient pas sur le même élément.

M. Ménard: Un qui a coûté 44 000 $ et l'autre, 16 020 $?

M. Rivard (Jean G.): Ils ne portaient pas sur le même élément. Ils ne portaient pas sur les mêmes éléments.

M. Ménard: Merci, M. Rivard. Si on veut avoir la Commission...

Une voix: Oui... Vous y tenez?

M. Ménard: ...la Commission de la construction. J'aimerais bien parler de l'entente avec l'Ontario. Ça, je suis sérieux. Je sais que ce n'est pas une question de parti politique, ça. C'est vraiment à cause de l'Ontario.

Le Président (M. Forget): Alors, on change de programme? Parfait. Alors, M. le député de Laval-des-Rapides, la parole est à vous. Non? Ah! excusez-moi.

M. Ménard: Merci.

Le Président (M. Forget): M. le député de Laval-des-Rapides.


Commission de la construction du Québec (CCQ)


Effets de la déréglementation sur le financement de la Commission

M. Ménard: Alors, le temps nous presse, et j'irai donc droit au but, M. le Président. La déréglementation de la partie de la construction domiciliaire et des logements de moins de huit unités a nécessairement affecté vos revenus, n'est-ce pas? Alors, je voulais savoir si, effectivement, vous avez eu, ces derniers temps, des problèmes de liquidité?

Le Président (M. Forget): Si vous voulez vous identifier pour le bon fonctionnement de la commission.

M. Fournier (Alcide): Je m'appelle Alcide Fournier. Je suis le président de la Commission de la construction.

Effectivement, on a eu des problèmes de liquidité. Les diminutions de revenus qu'on a estimées en fonction de 142, c'est environ 6 000 000 $ par année, et notre marge de crédit, avec le niveau de dépenses qu'on avait, ne nous permettait pas de continuer à ce rythme-là.

Par contre, comme vous le savez, la Commission de la construction, c'est un organisme non budgétaire, qui doit veiller à financer ses propres opérations, et, dans ce cadre-là, lorsqu'on a des surplus, ça va bien, évidemment. Lorsqu'on fait des déficits...

M. Ménard: On vous les siphonne quand il y en a trop, oui!

M. Fournier (Alcide): C'est ça, oui. Parce que, dans les périodes où la construction va bien, ça nous permet d'accumuler un peu de ce qu'on appelle des surplus. Mais, lorsque ça va mal, évidemment, ces surplus fondent rapidement au soleil. Donc, pour continuer à maintenir un niveau d'activité qui nous permet de rendre les services, il faut faire appel à une marge de crédit auprès d'institutions financières. C'est ce qu'on a fait effectivement. On avait d'abord une entente avec une institution financière jusqu'à un montant de 8 500 000 $ pour la marge de crédit, avec un crédit rotatif de 2 000 000 $. Ce n'était pas suffisant tout à fait pour soutenir le plan B ou la partie B de notre plan de redressement, mais on a eu une entente de principe avec une autre institution financière, qui est prête à nous aider et à ajouter 5 000 000 $ sur la marge de crédit. Donc, sur le plan financier, ces deux institutions financières réunies nous permettraient – comme je vous ai dit, là, j'ai une entente de principe seulement – d'appliquer la deuxième partie de notre plan de redressement.

M. Ménard: Bon. Maintenant, est-ce qu'on vous a demandé le cautionnement du ministère pour la marge de crédit?

M. Fournier (Alcide): Si on m'a demandé...

M. Ménard: Oui. Si les institutions financières vous ont demandé que vous soyez cautionnés par le ministère.

M. Fournier (Alcide): Il y a une institution financière qui, de façon officielle, nous a demandé un engagement formel de notre conseil d'administration, pour agir au niveau des dépenses et des revenus de la Commission de la construction. Il n'y a aucune institution financière qui m'a demandé officiellement une garantie gouvernementale.

M. Ménard: Vous dites officiellement. Est-ce qu'on aurait pu vous en demander autrement qu'officiellement?

M. Fournier (Alcide): Bien, souvent dans les discussions, il est question de garantie gouvernementale. Dans le passé, d'ailleurs, la Commission ou l'Office de la construction avait déjà eu ce genre d'appui; l'OCQ l'a déjà eu à deux reprises, d'ailleurs. C'est des choses qui sont possibles, sauf que, dans le contexte, comme je vous disais tantôt, notre première obligation, dans le fond, c'est d'essayer de nous financer par nous-mêmes, ce qu'on a réussi à faire, finalement.

M. Ménard: Avez-vous, oui ou non, demandé au ministre que le ministère cautionne la marge de crédit?

M. Marcil: Moi, je vais répondre à ça, M. le Président.

Le Président (M. Forget): M. le ministre.

M. Marcil: Vous m'aviez posé la question à l'Assemblée nationale, je vous ai répondu que je n'avais jamais eu de demande formelle ou officielle. J'ai eu des discussions avec M. Fournier à mon bureau, en présence des gens de mon bureau, où on a essayé de voir les différentes avenues possibles pour supporter ou aider le financement ou, si vous voulez, la possibilité pour la CCQ d'obtenir une marge de crédit. Donc, on a analysé quelques avenues, et il m'a parlé de la possibilité que le gouvernement puisse intervenir sur une... comment on appelle ça donc?

Une voix: Une lettre de confort.

M. Marcil: Une lettre de confort. C'est la première fois que j'entendais ce mot-là. Moi, je lui ai dit que...

M. Ménard: Ça dit bien ce que ça veut dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcil: Pour un certain montant. Moi, je lui ai dit qu'il était probablement plus intéressant d'essayer de trouver d'autres avenues et que, si jamais on n'y arrivait pas, bien, à ce moment-là, qu'il n'aurait qu'à me faire la demande. C'est de cette façon-là que ça s'est terminé, la discussion, n'est-ce pas, M. Fournier?

M. Fournier (Alcide): Oui, c'est ça.

M. Ménard: Mais une lettre de confort, je comprends que c'est une lettre qui rendrait la banque plus confortable dans l'avancement de sa marge de crédit, d'où la rumeur qu'on vous aurait demandé, effectivement, que le gouvernement cautionne pour la marge de crédit.

M. Marcil: On a discuté de la possibilité, sauf qu'on a discuté d'autres possibilités, comme la négociation avec les institutions financières, et ainsi de suite, et peut-être d'une restructuration, si vous voulez, au niveau de l'organisme comme tel. Et, si jamais il n'y avait pas eu de possibilité de refinancement, à ce moment-là, la CCQ aurait pu procéder par une demande officielle. Mais on n'a jamais eu de demande officielle dans ce sens-là, ça n'a pas été nécessaire, puisque la CCQ a trouvé une autre façon de régler son problème de financement.

M. Ménard: Dans le moment... Je sais qu'à un moment donné il a été question que vous congédiez des employés parce que vous ne pouvez pas tous les payer, c'est évident, les revenus diminuant.

M. Fournier (Alcide): C'est ça.

M. Ménard: Puis ils vous ont présenté un plan. Pour le moment, avez-vous congédié des employés?

M. Fournier (Alcide): Oui, il y a 31 hors-convention qui ont été licenciés. Au niveau de la restructuration, on avait quatre divisions à la Commission de la construction, maintenant, tous les services sont regroupés en deux divisions, et certains services également sont regroupés, il y a quatre services, en fait, qui sont regroupés, ce qui amène un surplus, si je peux dire, d'employés hors convention.

(Consultation)

M. Ménard: On nous a dit que les employés, pour éviter les congédiements, vous avaient proposé un plan.

M. Fournier (Alcide): Oui, c'est exact. C'est les employés syndiqués, là.

M. Ménard: Bon. Dois-je comprendre, alors, que le plan qui vous a été proposé par le plan des employés ne concernait que les employés syndiqués et non pas ceux qui...

M. Fournier (Alcide): C'est ça.

(17 h 50)

M. Ménard: Alors, quand vous dites hors convention, c'est les employés qui ne sont pas syndiqués.

M. Fournier (Alcide): C'est ça.

M. Ménard: Bon, qu'arrive-t-il de ce plan qui vous a été proposé par les employés syndiqués?

M. Fournier (Alcide): Bon, on va avoir une discussion finale avec le conseil d'administration, justement, mercredi sur ce plan-là. Ça va permettre, aussi, au conseil d'administration de finaliser la question de la marge de crédit avec deux institutions financières. On devrait pouvoir, en tout cas pour ce qui est de l'employeur, là, régler cette question-là mercredi prochain, après demain.

Il restera, à ce moment-là, au syndicat représentant les employés de faire adopter par ses membres la proposition qu'il nous a faite, parce que, actuellement, tout ce qu'on a, c'est, je ne dirais pas une entente de principe, une offre du côté syndical à laquelle on n'avait pas répondu parce qu'on n'avait pas l'argent suffisant pour l'accepter. On devrait être en mesure de faire ça mercredi, et ça va permettre au local 57, à ce moment-là, de faire la tournée de ses membres et de faire accepter sa proposition par ses membres. Et, à ce moment-là, on va conclure une entente qui va modifier la convention collective en conséquence.

M. Ménard: Bon, je comprends que, depuis un certain temps, vous ne recueillez plus, à la Commission de la construction, les amendes qui sont imposées pour le non-respect de la réglementation de...

M. Fournier (Alcide): Oui, depuis 1987.

M. Ménard: Auparavant, vous aviez des avocats permanents qui faisaient ça ou bien si vous confiiez ça à contrat?

M. Fournier (Alcide): On confiait ça à des procureurs correspondants dans chacune des régions.

M. Ménard: O.K.

M. Fournier (Alcide): Et on avait un contentieux, à Montréal, qui plaidait pour la région de Montréal et faisait la coordination de l'ensemble des procureurs correspondants.

M. Ménard: Bon, vous avez fait l'expérience... Maintenant, c'est les procureurs de la couronne qui font ça?

M. Fournier (Alcide): Oui.

M. Ménard: Est-ce que vous pouvez comparer les deux services? Qu'est-ce que vous préférez? Indépendamment qu'on vous donne les amendes ou pas.

M. Fournier (Alcide): Oui, oui.

M. Ménard: Les services d'avocats.

M. Fournier (Alcide): Nous, on pense qu'on avait de meilleurs résultats, sur le plan juridique, là, lorsqu'on s'occupait nous-mêmes des dossiers ou qu'on les confiait à nos procureurs, parce qu'on faisait un suivi et on pouvait transmettre la jurisprudence, accumuler de la jurisprudence également, veiller à ce que nos procureurs préparent bien leurs dossiers, etc., etc., ce qu'on ne peut pas nécessairement faire avec les procureurs de la couronne. Et ce n'est surtout pas un reproche que je voudrais faire aux procureurs de la couronne, là, mais, dans l'ensemble de leurs dossiers, c'est un dossier de nature pénale qui arrive parmi tant d'autres dossiers, qui ne sont pas de même nature, finalement, et l'intérêt, enfin, la préparation est différente d'un autre dossier, etc. Donc, je pense que, en tout cas, quant à nous, on préférerait, ou on préfère, effectivement, la formule qu'on avait auparavant.

M. Ménard: En fait, il y a peu d'intérêt du procureur de la couronne à apprendre toute cette jurisprudence extrêmement pointue pour...

M. Fournier (Alcide): Pointue, et souvent aussi...

M. Ménard: Parce que, si vous le confiez à un bureau privé, alors, là, ils y trouvent un intérêt monétaire. Ha, ha, ha!

M. Fournier (Alcide): Ha, ha, ha! C'est ça, il y a une motivation très nette. Mais, aussi, ce n'est pas une majorité de dossiers très sympathiques. Lorsqu'on poursuit un travailleur parce qu'il n'était pas détenteur de cartes, et lorsqu'il va plaider devant le juge que, dans le fond, il voulait gagner sa vie, etc., etc., ce n'est pas des dossiers qui sont très, très sympathiques. Donc, le taux de réussite, là, ou le taux d'intérêt aussi, à un moment donné, diminue, à moins qu'on se consacre à rencontrer l'objectif de cette loi-là qui est de faire travailler les véritables travailleurs de la construction sur les chantiers de construction et non pas les autres.

M. Ménard: Je vous remercie. Votre opinion m'éclaire beaucoup, même pour d'autres fonctions éventuelles, si jamais, si, si, si... Mais, en tout cas...


Négociations du Québec avec l'Ontario

Une dernière chose...

M. Fournier (Alcide): Oui.

M. Ménard: ...il y a des négociations actuellement avec l'Ontario...

M. Fournier (Alcide): Oui.

M. Ménard: ...concernant une entente sur les achats gouvernementaux, mais qui comprend aussi la mobilité de la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. Ce que je remarque dans la première entente, qui doit donner lieu à la deuxième, c'est qu'il y a des sujets qui traitent de la construction en particulier. Alors, est-ce que votre expertise est mise à contribution pour la finalisation de cette entente avec l'Ontario?

M. Fournier (Alcide): Moi, personnellement, je n'ai pas participé à la négociation avec l'Ontario. Au niveau de la Commission de la construction, on a quand même servi de support technique, entre autres au niveau de la comparaison des métiers et ces choses-là, mais on n'a pas participé à la négociation comme telle avec l'Ontario.

Le projet de règlement qui va aboutir de cette entente-là est déjà en consultation auprès du Comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction, qui doit se réunir là-dessus demain et qui va donner son avis au conseil d'administration. Et le conseil d'administration de la Commission va pouvoir se prononcer dès mercredi sur le projet de règlement.

M. Ménard: Il y a un projet de règlement?

M. Marcil: Vous avez un organisme, également, qui a participé d'assez près, c'est le comité sectoriel... comité sectoriel paritaire...

M. Fournier (Alcide): L'ASP, l'association de santé et de sécurité dans l'industrie de la construction.

M. Marcil: ...sur lequel on retrouve à peu près les mêmes personnes qui siègent au conseil d'administration de la CCQ. Alors, M. Maurice Pouliot, le président; M. Yves Paré, qui est membre du conseil d'administration, siège également, de même que M. Rivard, l'ancien directeur général de FTQ-construction. Donc, c'est le même monde.

M. Ménard: Donc, ils connaissent bien... Parce que c'est un atelier fermé...

M. Marcil: Oui.

M. Ménard: ...et les problèmes que ça pose, c'est comment ça s'amende, des lois.

M. Marcil: Ça va?

M. Ménard: Ça va.

Le Président (M. Forget): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

M. Ménard: Une dernière chose, éventuellement, après mon collègue.

M. St-Roch: Oui, M. le Président, j'aurais une dernière intervention concernant mes remarques préliminaires, lorsque j'ai fait mention de certains dossiers que j'aurais aimé à discuter. Alors, je m'aperçois, après vérification, que ces dossiers-là ont été étudiés par la commission des affaires sociales. Alors, M. le Président, vous allez me permettre, à ce moment-ci, de déplorer, encore une fois... Je pense, moi, que c'est normal que tout ce qui regarde la formation professionnelle relève du ministre de l'Emploi.

M. Marcil: Ça relève de moi.

M. St-Roch: Oui, c'est normal que ça relève de vous. Ce qui est anormal, lorsqu'on fait des réorganisations, bien, c'est qu'on soit pris avec un règlement archaïque qui fait que, parce qu'on a élaboré un jour que la formation professionnelle relevait de la sécurité sociale, bien, aujourd'hui, on se croit obligé d'envoyer ce dossier-là et ce volet-là des éléments de programme à la commission. Et, pendant que, jeudi soir, on était assis, nous, les membres de la commission de l'économie et du travail, à discuter avec les Ressources naturelles et le vendredi sur les mines, bien, tous ces programmes-là étaient évacués. Alors, j'espère, M. le Président – et j'en fais un voeu – que le secrétariat de la commission parlementaire va demander au leader du gouvernement de réunir et d'amender notre règlement pour faire en sorte que, lorsqu'il y a des changements majeurs au niveau des redistributions ministérielles, finalement, ce soit la même commission. Parce que vous allez comprendre que, dans les semaines et les mois à venir, bien, on aura un volet qui est fondamental, qui se veut un tout au niveau de la problématique de l'emploi, mais on aura la commission des affaires sociales, où c'est la Sécurité du revenu qui va primer et, nous, ici, on se verra évacués complètement de ce champ d'activité.

Alors, j'espère qu'on fera les représentations nécessaires par votre entremise, M. le Président, pour qu'on change et modifie le règlement pour que le programme 4 relève de la commission de l'économie et du travail. Je vous remercie.

Le Président (M. Forget): Merci beaucoup, M. le député de Drummond. La commission en prend note, et puis je pense qu'ils vont surveiller...

Voici, il est 18 heures. Maintenant, ça prend le consentement pour prolonger de 19 minutes les travaux, donc, pour se poursuivre pour le temps. Est-ce qu'on a consentement autour de la table? Pour pouvoir...

M. Ménard: On a commencé en retard. J'ai une dernière question...

Le Président (M. Forget): Oui.

M. Ménard: ...je voulais vous expliquer les questions.

M. Marcil: Oui, oui, il y a consentement, il y a consentement, M. le Président.

Le Président (M. Forget): Il y a consentement.

M. Ménard: Il y a une dernière question que je...

M. St-Roch: Je vais vous donner mon consentement, M. le ministre.

M. Marcil: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Forget): Alors, M. le député...

M. Marcil: Ah! O.K. Non, non, mais c'est pour permettre...

Le Président (M. Forget): M. le député de...

M. St-Roch: Non. Pour dépasser 6 heures... ou 18 heures, je m'excuse.

M. Marcil: Ah! bien, moi, si vous ne voulez pas le donner, moi, ça va faire mon affaire...

M. Ménard: Remarquez qu'on a commencé un petit peu en retard, puis on a pris un repos mérité.

M. St-Roch : On est mieux de le donner parce que vos crédits ne seront pas adoptés, autrement.

Le Président (M. Forget): O.K. Voici. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre les travaux?

M. Williams: ...le consentement incluant le temps de voter...

M. Ménard: Ça va prendre beaucoup moins que 19 minutes.

M. Marcil: Bon, ça va prendre cinq minutes.

(18 heures)

M. Ménard: C'est qu'on a une meilleure atmosphère ici qu'on peut avoir à l'Assemblée nationale, franchement, pour une question qui va vraiment au-delà des partis politiques. Il s'agit, au fond, des inquiétudes que nous avons dans la capacité, la volonté de l'Ontario de pouvoir ouvrir ses chantiers de construction aux travailleurs québécois autant que nous serons obligés de les ouvrir nous-mêmes. Vous comprenez, dans... Ce que je cherchais à vous expliquer, c'est qu'au Québec on a une négociation sectorielle dans le domaine de la construction. De sorte que, une fois que le décret est passé ou que la convention collective est faite, si on dit: On ouvre nos chantiers aux travailleurs ontariens, on les ouvre, nos chantiers aux travailleurs ontariens. C'est de la nature même de notre régime de travail: quand on dit oui en haut, ça s'applique partout. Sauf qu'en Ontario ils n'ont pas le même régime, ils ont des régimes de conventions collectives privés un peu partout, comme on en a dans le reste de notre industrie, nous autres. Les négociations sectorielles, c'est exceptionnel en Amérique; c'est une des rares qui existe, je pense, la construction au Québec. Alors, ils ont des conventions collectives dans des grands chantiers, et, dans toutes les conventions collectives, il y a une clause d'atelier fermé, c'est-à-dire que le syndicat n'a l'obligation que d'engager ses membres. Il protège ses membres.

Donc, comment le gouvernement qui est au-dessus peut-il imposer à ce syndicat l'ouverture des chantiers? Quand un travailleur québécois va se présenter à un chantier ontarien qui est couvert par une convention collective privée, l'employeur va lui dire: Désolé, moi, je ne peux pas vous engager parce que j'ai un syndicat ici qui a une convention collective. Il faut que vous soyez d'abord membre de ce syndicat. Comment le gouvernement peut-il nous assurer que ces syndicats vont accepter des travailleurs québécois dans leurs rangs?

Le problème, c'est que c'est évidemment... Les conventions collectives, elles sont généralement là où c'est le plus gros, là où sont les meilleurs chantiers, et c'est ça qui nous préoccupe beaucoup. J'avoue que, quand je lis la première entente, qui a été faite en décembre, l'Entente Québec-Ontario sur les achats gouvernementaux et la mobilité de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, je ne sais pas qui l'a rédigée, mais j'ai comme l'impression, quand je la lis, qu'il n'y avait qu'une province qui était fautive ou à peu près. Les seules allusions que je vois à cette situation sont à la deuxième page, où on dit: «De plus, les deux gouvernements...» Pour cette fois-ci... C'est la première fois qu'on parle de l'Ontario, d'habitude on parle toujours du Québec. Ici, on parle de l'Ontario. On dit: «Les deux gouvernements conviennent que, si, à l'avenir, le plein accès des travailleurs et des entrepreneurs en construction d'une province aux occasions d'emplois ou d'affaires dans l'autre province se trouvait compromis par des conventions collectives qui créent des conditions discriminatoires à l'endroit des travailleurs ou des entrepreneurs sur la base de la province de résidence, le gouvernement de la province où la convention collective crée problème prendrait toutes les mesures nécessaires afin de rétablir ce plein accès.»

Mais «toutes les mesures nécessaires»... D'abord, ça n'a pas été rédigé par n'importe qui, cette affaire-là. Quand ils disent: «des conditions discriminatoires à l'endroit des travailleurs ou des entrepreneurs sur la base de la province de résidence», autrement dit, c'est des conditions... vous ne pourriez pas être membre du syndicat de l'Ontario si vous habitez au Québec. Mais ce n'est pas ça, la situation. La situation que l'on veut changer, c'est que les travailleurs puissent passer d'une province à l'autre au fur et à mesure que les emplois sont disponibles. Donc, il faut qu'ils deviennent membres du syndicat.

Je veux dire: prendre «toutes les mesures nécessaires afin de rétablir ce plein accès», je ne vois pas, dans la conception de la législation du travail, comment un gouvernement peut imposer que, dans une convention collective, les travailleurs d'une autre province puissent avoir les mêmes droits que les membres de ce syndicat qui ont négocié la convention collective. Mais vous voyez bien qu'ils ne peuvent pas rentrer du jour au lendemain comme ça, les travailleurs québécois. Tandis que, si on dit, nous autres, à cause de la façon que c'est négocié ici, si on dit: Très bien, à partir de demain, les travailleurs de l'Ontario entrent, bien, les travailleurs de l'Ontario, ils vont entrer dans les chantiers; ils vont juste avoir à remplir les questions de qualification. Tandis que, de l'autre côté, ça ne pourra pas se faire comme ça, il va falloir que le travailleur québécois devienne membre du syndicat du chantier dans lequel il va vouloir rentrer. J'ai l'impression que c'est comme ça que ça marche.

Alors, je trouve qu'on est dans une position de négociation excessivement difficile. Je serais quasiment rassuré que vous me disiez que c'est ça qui retarde l'enquête. Je ne sais pas si vous comprenez le problème de la même façon que moi. Le saisissez-vous de la même façon que moi?

M. Marcil: J'ai les mêmes inquiétudes...

M. Ménard: Est-ce que je me trompe?

M. Marcil: C'est les mêmes inquiétudes...

M. Ménard: Ou il y a quelque chose que je n'ai pas compris qui fait que mes inquiétudes ne sont pas...

M. Marcil: J'ai les mêmes que vous. Du moins, j'avais les mêmes que vous. Quand on fait une étude comparative des deux systèmes, c'est différent. Dans la dernière année, uniquement dans le secteur Ottawa-Carleton, 40 % des nouveaux syndiqués étaient des Québécois dans le syndicat ontarien. Donc, il y a une facilité pour nos travailleurs québécois, quand même. D'abord, on a accès à 40 % du marché, en Ontario, qui n'est pas syndiqué, comparativement à 20 %, pour les Ontariens, de notre marché à nous qui est non syndiqué, c'est-à-dire pas non syndiqué, mais qui est non réglementé. Donc, il y a cette différence-là.

Dans les marchés, dans les ateliers fermés, dans les chantiers ou dans les régions où il y a une syndicalisation, 60 % à peu près en Ontario où les chantiers sont syndiqués, on a une bonne proportion de Québécois qui sont membres des syndicats ontariens présentement. Il y a eu une certaine facilité. C'est sûr que, pour International, ça peut être plus facile d'être membre d'un syndicat ontarien parce qu'ils sont présents partout à travers le Canada, comparativement, exemple, à la CSN, à la CSD, au Syndicat de la construction de la Côte-Nord ou bien à la FTQ.

Notre objectif, à nous, c'est de permettre une certaine mobilité, mais pas à n'importe quel prix, pas à n'importe quelle condition. Ce n'est pas notre objectif de permettre aux travailleurs de la construction ontariens d'être partout, sur tous les chantiers du Québec. Ce n'est pas ça du tout. C'est qu'on veut quand même... Parce que, comme le problème existait surtout au niveau de l'Outaouais versus Ottawa-Carleton... On ne pose pas problème à Toronto, à Sudbury et ces places-là. Le problème se situe à la frontière de l'Ontario et dans la région de l'Outaouais. Donc, on a essayé de «focuser» ce coin-là.

Mais, par contre, je m'engage – parce que je n'ai pas toutes les informations avec moi – à vous donner l'information nécessaire concernant ce dossier. Nous allons déposer, je pense que c'est à la CCQ, cette semaine... Comme le disait M. Fournier, le président de la CCQ, il va y avoir une consultation, une négociation avec le conseil d'administration de la CCQ sur ça. Mon intérêt premier, c'est que les travailleurs québécois soient protégés, parce que, en Ontario, il y a quelque 200 000 travailleurs de la construction. Si on leur donnait un accès libre sur tous les chantiers de la construction du Québec... Remarquez bien, même s'ils avaient cette liberté-là, on ne verra pas le Québec se faire envahir par... Il n'y en a pas, quasiment. Le seul endroit où il y a des travailleurs ontariens qui travaillent sur la construction, c'est plutôt dans la région de l'Outaouais, et ils sont très, très minoritaires.

M. Ménard: Il y en a, quand les gens amènent leurs machines pour les poser.

M. Marcil: Oui, oui, oui, oui, oui.

M. Ménard: Ça, c'est l'autre problème. En tout cas.

M. Marcil: Nous voulons qu'il y ait cette volonté, lorsque... L'inquiétude que nous avions, c'est qu'un travailleur québécois qui veut aller travailler dans un chantier fermé, dans un atelier fermé, il faut qu'il devienne membre du syndicat. Est-ce que le syndicat peut le ballotter? On s'est posé ça, comme question. On va trouver une façon pour permettre au syndicat, également, d'accréditer le travailleur, au même titre que, nous, on pourrait le faire pour certaines régions du Québec.

Deuxièmement, les choses qu'on va faire, également, avec l'Ontario – je ne peux pas vous expliquer toutes les modalités de l'entente parce qu'il n'y a rien de terminé encore et je ne voudrais pas non plus remettre ça en cause – il y a des choses qui vont être probablement à courte durée, parce que nous allons enclencher, nous, par le biais de la loi 142, la négociation de nos quatre conventions collectives dans le secteur de la construction. Parce que, en Ontario, n'oubliez pas, l'ancienneté prévaut sur les chantiers de construction. On peut bien prendre 10 000 travailleurs québécois, mais, s'ils sont les derniers arrivés, ils sont les derniers placés, parce que, en Ontario, c'est le syndicat qui place le travailleur.

On est conscient de toute cette problématique. On ne veut pas... Au niveau de la reconnaissance mutuelle, de la formation, je pense que c'est acquis, les deux parties se sont entendues sur ça. Il restait surtout à finaliser le statut des manoeuvres. C'est surtout ce secteur-là qui nous posait problème, et nous pensons avoir trouvé une solution, qui est en finalité au moment où on se parle, et on espère bien qu'au cours de cette semaine on arrivera à une entente profitable des deux côtés.

M. Ménard: C'est correct. Croyez bien qu'on ne veut pas vous embêter là-dessus, mais on veut être sûr. Le problème est complexe.

M. Marcil: Oui, je comprends. Il faut dire une chose, M. le député, c'est que le Québec, au moment où on se parle, est complètement fermé aux travailleurs étrangers. Il y a une certaine ouverture qu'il faut enclencher également.

M. Ménard: Il y a une barrière linguistique.

M. Marcil: Pardon?

M. Ménard: Il y a une barrière linguistique, ici, en plus.

(18 h 10)

M. Marcil: Oui, mais dans le sud de l'Ontario, dans notre coin à nous, dans la région d'Ottawa, là... Oui, c'est peut-être ça, c'est beaucoup plus francophone.


Adoption des crédits

Le Président (M. Forget): Alors, on va procéder à l'adoption des crédits. Alors, mise aux voix des programmes. Les programmes 1, 2, 3, 5 et 6 du ministère de l'Emploi sont-ils adoptés?

Des voix: Adopté.


Adoption de l'ensemble des crédits

Le Président (M. Forget): L'ensemble des crédits budgétaires du ministère de l'Emploi, programmes 1 à 6, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Forget): Alors, commentaires du ministre.

M. Marcil: M. le Président, dernier commentaire, j'aimerais remercier nos présidents d'organisme qui se sont prêtés à cet exercice. Et c'est toujours un exercice qui est profitable pour tout le monde parce que ça peut nous permettre, même au ministre aussi, d'apprendre certaines choses. Donc, j'ose croire que nos collègues qui participent à cette commission parlementaire également... Donc, je tiens à remercier les membres de cette Assemblée d'avoir bien participé, et remercier également le personnel qui m'accompagnait dans cet exercice. Merci beaucoup.

Le Président (M. Forget): M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Ménard: Vous me permettrez d'ajouter nos remerciements aux grands commis de l'État dont, malgré les quelques flèches, nous apprécions la compétence et le dévouement. Je vous remercie.

Le Président (M. Forget): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Alors, je vais juste ajouter, M. le Président, dans la foulée de M. le ministre aussi, que, s'il apprend quelque chose, oui, on apprend, nous aussi, des choses. Et c'est pour ça que le programme 4 devrait relever de la commission de l'économie et du travail.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Forget): Comme la commission a accompli son mandat, nous ajournons sine die. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 12)