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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 17 avril 1996 - Vol. 35 N° 4

Étude des crédits du ministère du Travail


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Kieffer): Nous avons constaté le quorum. Alors, nous pouvons débuter les travaux de la commission. Je déclare donc la séance ouverte.

Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission de l'économie et du travail est réunie afin de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère du Travail pour l'année financière 1996-1997.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Paquin (Saint-Jean) remplace M. Baril (Arthabaska).

Le Président (M. Kieffer): Très bien. Je veux tout simplement vous rappeler quelques règles de base pour faciliter les échanges durant les deux heures qui nous sont allouées. D'une part, vous adressez toujours vos commentaires, vos questions et vos réflexions à la présidence, qui est très ouverte, évidemment, et aussi très conciliante.

Il ne faut pas oublier l'objet de cette commission et de l'ensemble des commissions sur les crédits, qui consiste à permettre au pouvoir législatif de questionner le pouvoir exécutif sur les crédits qu'il a déposés devant ses membres.

Donc, il y aura des remarques préliminaires de la part du pouvoir exécutif en la personne du ministre. Ensuite, nous aurons des remarques préliminaires de la part du groupe de l'opposition et des remarques préliminaires du groupe au pouvoir. À la suite de quoi, je ferai dans le mieux pour répartir équitablement le temps entre les deux groupes.


Remarques préliminaires

Alors, M. le ministre, je vous cède la parole pour vos remarques préliminaires.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Merci, M. le Président. Vous me permettrez d'abord de présenter un certain nombre de personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: Mme Madeleine Lemieux; qui est présidente du Conseil des services essentiels; Mme Nicole Poupart, qui est directrice générale et présidente de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération; Jean-Claude Riendeau, qui est président de la Régie du bâtiment; André Ménard, qui est président de la Commission de la construction du Québec; Yves Dulude, qui est président du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; Pierre Shedleur, président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail; et Jean Rivard, qui est président-directeur général de la Commission des normes.

Vous me permettrez également de présenter les sous-ministres au ministère du Travail: Jean-Marc Boily, à ma gauche; Normand Gauthier, sous-ministre associé aux relations de travail; Jacques Henry – Où est Jacques? Est-ce qu'il est là? Oui – et M. Boisvert, Pierre Boisvert, en arrière de moi.

Du côté de mon personnel politique, bien, il y a: Mme Marseille, qui est directrice de cabinet, et Mario St-Laurent, qui est là également; Annick Laberge, qui est à Montréal, elle, en poste là-bas; Jacqueline Dallaire, qui est attachée politique; Pierre Ostiguy, attaché de presse. Il y a bien d'autres personnes qui sont ici, je ne peux pas tous et toutes les nommer, mais je suis très heureux et ravi de les voir.

M. le Président, c'est une première expérience pour moi. Je suis content de la vivre avec les députés du parti de l'opposition et ceux du pouvoir, de même que mes collègues, et j'espère qu'on va passer ensemble des moments intéressants qui vont nous permettre de faire avancer ce que j'appelle le monde du travail et le monde des relations de travail.

Le 29 janvier dernier, le premier ministre du Québec présentait la composition du Conseil des ministres, puis il me confiait la responsabilité de cette importante mission gouvernementale qu'est le travail. Cette mission se situe à la croisée des grands enjeux économiques et sociaux, c'est-à-dire à ce point de rencontre névralgique pour toutes les sociétés modernes, celui où l'activité humaine et la production de la richesse doivent converger vers une amélioration constante de notre existence en tant qu'individus et en tant que collectivité.

La création du ministère du Travail ou, devrais-je dire, ce retour à un ministère entièrement, spécifiquement dédié à la mission travail ne tient pas du caprice ou de considérations aléatoires. Si l'évolution actuelle de l'économie mondiale a pour effet de dissiper les frontières entre les pays, on doit se rendre compte que cela ne se faisait pas sur un plan strictement géographique. Il y a des réalités qui nous confrontent, avec lesquelles on doit vivre et avec lesquelles on doit désormais composer. L'intégration croissante des économies nationales, c'est aussi une intégration tendancielle de leur marché du travail. Le Québec n'y échappe pas et il défend ses acquis au plan international, notamment par des mécanismes comme l'accord parallèle sur le travail qu'on a discuté et négocié dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain.

(10 h 10)

Ce à quoi nous assistons aujourd'hui ne se résume pas seulement et pas simplement à un accroissement, si spectaculaire soit-il, du volume des échanges, des biens et des services entre les pays. Nous sommes en face d'un redéploiement de l'organisation de la production où les entreprises répartissent leurs opérations mondialement, selon des critères d'opportunité qui modifient sans cesse la division internationale du travail et, faut-il le dire, la division des emplois. Malheureusement, ces critères d'opportunité sont trop souvent d'ordre exclusivement économique et deviennent, à bien des égards, incompatibles avec la politique des gouvernements nationaux, quel que soit l'aspect social, culturel ou même monétaire. Les marchés du travail subissent donc des pressions déstabilisantes résultant d'une mondialisation qui, bien que nécessaire, est encore fort mal maîtrisée, faut-il le reconnaître.

M. le président, le ministère du Travail, comme tous les autres ministères, doit poursuivre la réalisation de sa mission dans un cadre budgétaire de plus en plus restreint. Je pense que, là-dessus, on ne se fera pas de cachette personne, les finances de l'État, les finances du gouvernement sont de plus en plus serrées. À cette contrainte vient se superposer une conjoncture économique où les marchés du travail de tous les pays sont secoués par de profonds bouleversements qui tendent à fragiliser les principes d'équité et de justice qui assurent la paix sociale et industrielle au sein des pays, et – on peut le nier – ça rend souvent les états démocratiques presque ingouvernables.

Sur le plan des crédits alloués pour l'année 1996-1997, le ministère subit une baisse de 0,5 %, une réduction à peu près de 356 600 $. En termes réels, cependant, il en va bien autrement, puisqu'il s'agit en fait d'une réduction nette de 1 125 000 $, soit 1,6 %, que nous devons absorber. Cela s'explique par le fait que nous devons autofinancer une indexation des salaires évaluée à 530 000 $ et réduire notre niveau de dépenses de 595 000 $.

Au cours des dernières années, le ministère du Travail, et pendant deux ans comme ministère de l'Emploi, a consenti un effort important et rigoureux en matière de réduction des dépenses. En effet, le niveau des dépenses est passé de 78 000 000 $ en 1992-1993 à 69 800 000 $ pour 1996-1997, une diminution de 10,6 %, et les effectifs autorisés sont passés de 1 132 personnes pour la même période... ce qui représente 218 équivalents à temps complet, 19,3 %. On peut affirmer actuellement que le ministère a atteint une masse critique en termes de ressources humaines et budgétaires, une limite au-dessous de laquelle on ne saurait trop, trop s'enfoncer, parce que, si on veut assurer adéquatement nos responsabilités, si on veut jouer à la fois notre rôle social et économique, je pense qu'on ne peut pas descendre plus bas que ça.

Conscients qu'il nous faudra encore faire autant sinon davantage avec moins, avec moins de ressources, nous entendons donner suite à une importante remise en question de nos structures organisationnelles. Ça, c'est peut-être l'aspect le plus important qu'on aura peut-être à débattre ensemble. Il s'agit d'un exercice que nous avons entrepris il y a plusieurs mois et qui est mis de l'avant en termes d'orientations stratégiques précises qui vont s'exprimer dans des termes clairs au chapitre de la rationalisation, du regroupement des activités et du regroupement des services du ministère. Je vous en livre ici quelques lignes, très sommairement.

Une des premières priorités sera de rapprocher encore davantage nos clientèles afin d'assurer des services qui répondent adéquatement à leurs besoins. Nous partons de ce principe qu'un bon service fondé sur une connaissance précise des besoins coûte moins cher pour tout le monde, à la fois pour le client, à la fois pour l'État; un principe, au fond, qui est reconnu quasiment par tout le monde. Bien servir sa clientèle, c'est payant. Faire en sorte qu'on réponde adéquatement à leurs besoins, ça les rend heureux et, surtout, ça permet à l'État de mieux assumer sa mission.

Nous entendons également donner suite à certaines options en termes de rationalisation et de regroupement d'activités, notamment en matière de recherche. À cet égard, nous croyons qu'il y a lieu de revoir la configuration des activités de recherche menées, d'une part, par l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, IRIR, et, d'autre part, par le Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail. Je pense honnêtement qu'on a un coup d'oeil à jeter là-dessus pour examiner ça. Ces deux instances de recherche, je pense qu'on doit leur assurer une meilleure complémentarité et, s'il y a lieu, pousser davantage notre réflexion pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de duplication et qu'il n'y ait pas de coûts excessifs pour l'État de ce côté-là.

Nous examinons également d'autres formes de regroupements au plan des services administratifs, et il y a certainement là des gains de productivité appréciables qui pourraient nous permettre de faire face aux compressions budgétaires tout en maintenant le seuil d'efficacité maximal. Ces orientations – je viens d'en énumérer sommairement un aspect – M. le Président, ça doit être considéré sous l'angle d'une démarche fondamentale à laquelle le gouvernement nous a récemment conviés, celle du virage de l'inforoute. On en parle, mais il va falloir se convaincre de le faire aussi. Le ministère du Travail entend, au cours de l'année qui vient, prendre ce virage de façon proactive et en exploiter toutes les possibilités. Tout ce qui va s'offrir à nous pour améliorer la qualité des services à des coûts moindres, on n'hésitera pas à le faire, on va essayer de se comporter comme des bons gestionnaires.

L'atteinte d'une plus grande performance en matière de communication interne et externe est une source d'économie considérable. La communication au sein d'un organisme... Vous comprendrez bien qu'avec le métier que j'ai pratiqué je me fais un souci de prêcher par l'exemple. L'utilisation efficace des nouvelles technologies de l'information devra déboucher sur des résultats concrets et mesurables, tant sur le plan des services à la clientèle que sur celui de l'efficacité organisationnelle.

Nous ne vivons pas moins une diminution sensible de notre temps de réaction. Moi, je pense que le ministère du Travail, comme tous les autres organismes mais peut-être surtout celui-là, doit être capable de réagir vite lorsque le besoin se fait sentir, lorsque les conflits se présentent et lorsqu'il est question d'évaluer, d'une façon intéressante, intelligente, comment le marché du travail se comporte et comment les acteurs sociaux en présence se comportent. Nous entendons donc saisir toutes les opportunités que nous offrent ces nouvelles formes de gestion de l'information.

Je suis convaincu, M. le Président, que ces rationalisations et regroupements d'activités et de services, conjugués à une exploitation optimale des technologies de l'information, permettront au ministère non seulement de rencontrer les objectifs budgétaires du gouvernement, mais aussi de faciliter la réalisation de sa mission fondamentale et d'assurer adéquatement ses services qui contribuent au sein du fonctionnement du marché du travail et apportent un apport extraordinaire au bon fonctionnement du système.

Je voudrais, pour un instant, signaler les principales avenues dans lesquelles le ministère du Travail entend s'engager cette année. Vous comprendrez que je ne passerai pas ici tout en revue, M. le Président, ce qu'il est possible de faire. Mais je serais... Ce serait mettre inutilement votre patience à l'épreuve. Mais je m'en tiendrai donc à évoquer certains grands paramètres qui, loin d'être abstraits, reçoivent des diversités de réalité qui nous permettent trop souvent de bloquer en cours de route. Et ça donne de douloureux problèmes dans notre organisation et ça conditionne fortement le fonctionnement aussi du marché du travail, qui, par conséquent, conditionne les actions du ministère.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix... Je voudrais aborder la question des licenciements collectifs. Les licenciements non seulement prennent une ampleur désastreuse, mais, pire encore, ils font le délice des marchés financiers. Encore tout récemment, la création d'emplois aux États-Unis a fait fléchir les cours boursiers. L'emploi est devenu de mauvais augure pour les financiers, et nous en sommes rendus à nous demander jusqu'où il faut pousser l'hécatombe de licenciements pour que nos indices boursiers nous confirment que l'économie va bien. Les licenciements massifs seraient-ils devenus un indicateur de croissance?

Il y a là un terrible paradoxe, M. le Président, celui entre une économie virtuelle et une économie réelle. Un paradoxe qu'il faudra résoudre avant que ne s'écroule la véritable économie, celle où les dirigeants d'entreprises et la main-d'oeuvre consentent quotidiennement des efforts et des sacrifices souvent déchirants, notamment au plan familial. Cette sorte de main invisible du marché financier tient trop souvent le couperet sur la vraie croissance, celle qui permet à tous les agents qui le veulent de gagner honnêtement leur vie et d'assumer leur rôle de citoyen.

(10 h 20)

M. le Président, j'ai récemment soumis à la consultation des partenaires siégeant au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre un document d'orientation législative en matière de licenciements collectifs. Les dispositions actuelles, qui datent de 1969, sont devenues vétustes et inopérantes, tant pour les entreprises que pour la main-d'oeuvre elle-même. L'objectif central des orientations proposées est de responsabiliser les parties et, passez-moi l'expression, de limiter les dégâts sans toutefois grever la viabilité des entreprises. Grâce à la collaboration de nos partenaires du monde du travail, je devrais d'ailleurs être en mesure de présenter à l'Assemblée nationale un projet de loi dès cet automne. Je crois que ce dossier est de première importance, car je suis convaincu qu'il faudra vite se rendre à l'évidence qu'une entreprise ne peut indéfiniment se départir de ses effectifs sans s'exposer à de graves dangers. On ne peut pas licencier éternellement le monde à des fins uniques de rentabilisation des entreprises pour maximiser les profits. Un jour on se fait rejoindre par la réalité et c'est souvent très brutal. Dans cette course à la compétitivité, on peut comparer facilement une entreprise à un coureur. Il y a toujours un rapport optimal à atteindre entre le poids du coureur et sa puissance. Couper dans le gras, ça allège, mais couper dans le muscle, ça ralentit considérablement les efforts du coureur. Couper dans l'os, vous n'aurez même pas le droit de participer de façon squelettique à une course convenable. On n'est plus dans la course à ce moment-là.

En plus des licenciements, il existe un autre grave aspect des pertes d'emplois qu'il ne faut surtout pas sous-estimer. Je veux parler ici de la qualité des emplois et des conditions de travail. M. le Président, nous devons composer aujourd'hui avec deux phénomènes simultanés, soit une mobilité fulgurante des capitaux et une mobilité transnationale des entreprises et des emplois. Cette double mobilité exacerbe la concurrence et la déplace dangereusement sur un nouveau front, celui des normes et des conditions minimales de travail. Est-il utile de préciser que le gouvernement a évidemment un devoir de vigilance dans ce domaine, puisqu'il est le dépositaire et le gardien de ces acquis fondamentaux qui ont d'ailleurs permis à l'économie de se développer de façon optimale.

Depuis les deux dernières récessions, nous avons perdu beaucoup d'emplois salariés de qualité et ça a été remplacé, vous le savez, M. le Président, par des emplois précaires. Précaires en raison de leur durée de travail, des conditions de travail et de rémunération, de leurs faibles impacts sociaux et de leur grande vulnérabilité au moindre soubresaut des cycles d'affaires des entreprises. Emplois à temps partiel, emplois temporaires, cumul d'emplois et emplois autonomes sont aujourd'hui les gisements de la création d'emplois au Québec. À cela s'ajoute la montée phénoménale des agences de location de personnel et évidemment, du moins, personnel qui occupe des emplois temporaires, un nombre considérable, et il faut s'arrêter là-dessus.

Notre législation du travail n'a actuellement aucune prise sur les activités de ces agences. En plus, elle offre des interprétations divergentes sur la notion d'employeur, cela en raison des relations triangulaires qui existent entre le demandeur de services, le fournisseur de main-d'oeuvre, le salarié pour lequel les liens d'emploi et les liens de subordination ne reçoivent même pas la même entité juridique. M. le Président, je pourrais vous parler longuement des emplois typiques. Je pourrais développer longuement sur la nécessité d'améliorer la Loi sur les normes du travail.

Je voudrais aussi, M. le Président, vous souligner au passage que nous avons une réorganisation à faire au sein du ministère du Travail, qui va consister à repenser la mission de la Régie du bâtiment, de la Commission de la construction du Québec, de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération. Je pourrais vous nommer d'autres organismes qui relèvent du ministère du Travail, et tout ça pour vous dire qu'on a une préoccupation, c'est de profiter de l'expertise de la Commission de la santé et de la sécurité du travail sur l'inforoute pour faire en sorte que tous ces organismes soient réseautés, de sorte qu'on en arrive à faire du ministère une entreprise de services publics efficace et dynamique.

En conclusion, si vous me le permettez, je voudrais vous souligner que, il faut bien l'admettre, devant les lourdes pertes d'emplois qui affligent le marché du travail, beaucoup de gouvernements s'interrogent sur leur capacité politique et budgétaire d'aider les entreprises et les travailleurs à s'adapter à des changements brutaux en absorbant le plus possible les coûts des ajustements structurels que l'évolution de l'économie mondiale nous impose. Paradoxalement, si les gouvernements, pris un par un, disposent de moins en moins de pouvoirs et de ressources dans ce nouvel environnement économique, ils n'en héritent pas moins de responsabilités de plus en plus lourdes qu'on ne peut pas évincer. Paradoxalement, si le gouvernement ne peut pas assumer ces responsabilités-là, je me demande bien qui pourra le faire à sa place, au sein d'une société démocratique évoluée comme la nôtre et une société industrielle avancée. Je souhaite sincèrement que cette préoccupation commune des gouvernements nous guide vers une coopération internationale plus intense, voire courageuse, en matière de droit du travail et de protection sociale.

M. le Président, une mission cruciale comme celle qu'a à accomplir le ministère du Travail, on doit la faire, évidemment, en tenant compte de tout l'environnement législatif et administratif qui favorise un meilleur climat de relations de travail, qui stimule le développement, qui optimise l'aptitude à gérer positivement le changement, ce qui suppose la mise en valeur du potentiel d'innovation et qui favorise un partage équitable des gains de productivité. Voilà, M. le Président, très vitement dit, ce que je voulais signaler comme petit topo d'introduction. Et je vous remercie.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine, qui est aussi critique de l'opposition officielle en matière de travail. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames et messieurs les fonctionnaires, collaborateurs du bureau du ministre, permettez-moi de vous saluer, et je vous indiquerai tout de suite que, en ce qui nous concerne, nous sommes persuadés, comme opposition, que les gens, les collaborateurs du ministre, de la fonction publique, au ministère du Travail ont une réputation qui généralement leur fait honneur, et ils sont reconnus pour leur compétence. Qu'importe le gouvernement qui était là, ils ont toujours su faire oeuvre de bon travail, de vision et relever les défis auxquels ils étaient soumis.

Je ferai moi aussi un petit préambule, une remarque très rapide, parce que je pense que le temps a passé pas mal. Il est déjà et demie. Il nous reste 1 h 30 min à faire, et on a des choses intéressantes à discuter. Mais, quand même, j'ai quelques points que j'aimerais faire valoir.

Alors, le gouvernement du Québec a décidé, au début de cette année, de rescinder le ministère de l'Emploi pour consacrer à une seule personne ce qui est maintenant le ministère du Travail. La seule différence entre l'ancien ministère du Travail, tel que nous l'avions connu, nous, et celui-ci est maintenant la présence de responsabilités ministérielles de la Commission des normes du travail; d'autre part – petite boutade au passage – l'adresse du bureau du ministre, je pense, qui a changé de quartier de la ville de Montréal. C'est peut-être les seuls changements qu'on peut voir.

Mais, globalement, le ministère du Travail, en ce qui concerne les crédits, ne semble pas être touché par les compressions budgétaires annoncées dans les livres de crédits 1996-1997. On parle d'une diminution de 0,5 %, le ministre l'a dit, dans le budget, et d'une diminution de 2,5 % dans le personnel. Le ministre nous a dit dans son discours qu'il y avait 125 000 000 $ supplémentaires qui étaient dus à l'autofinancement d'une partie du personnel. Bon, je suis heureux de l'apprendre. J'aimerais ça qu'il explique un peu plus profondément tout à l'heure la manière dont il va s'y prendre pour y arriver. Il faut dire qu'on comprend aussi que le ministère n'est pas tellement touché par les crédits, cette année, parce que, dans les années précédentes, les compressions prévues aux lois 102, 198, avaient été assez promptement remplies. Et on voit là encore que le ministère avait fait son effort à ce moment-là. Alors, l'étude des crédits, donc, sera davantage l'occasion pour nous de discuter avec le nouveau ministère sur les sujets d'intérêt pour les clientèles du monde du travail, je pense, qui est beaucoup plus important actuellement.

À noter que le ministre, particulièrement – il l'a redit dans son petit préambule, dans son entrée en matière, et lors de son discours du 3 avril dernier en réplique au discours inaugural du premier ministre du Québec – a énoncé un certain nombre de domaines dans lesquels il a fait valoir qu'il entendait prendre un certain nombre d'actions. Et je vais juste les énumérer rapidement.

Alors, il nous a promis... Il s'est engagé à une révision du Code du travail pour, notamment, améliorer les relations de travail dans les municipalités de 25 000 habitants et plus. Alors, ça serait intéressant que M. le ministre nous détaille un peu plus tard ce qu'il entend faire, les avenues qu'il entend privilégier, car c'est là certainement un domaine très important pour les acteurs, en particulier, du monde des municipalités.

(10 h 30)

Il nous a parlé aussi d'une harmonisation des dispositions du Code du travail avec la création éventuelle des SEM, sociétés d'économie mixte, dans le secteur municipal. Il y a une commission parlementaire qui s'est tenue. J'y ai participé un peu. Tout probablement, des collaborateurs du ministre ont dû y participer, quelques députés aussi. Il serait intéressant aussi que le ministre nous explique – on y reviendra plus tard – ce qu'il entend faire, quelle avenue il entend privilégier. On sait qu'il y a des groupes qui sont pour, d'autres qui ne sont pas pour. Ça va être, donc, pour moi, important qu'on profite de l'exercice d'aujourd'hui pour faire le point là-dessus, qu'on sache où on s'en va.

Alors, il y a aussi la déjudiciarisation des processus de règlement de litiges, notamment en matière de santé et de sécurité au travail. Ça, c'est très important. Les députés, on sait tous ça, là, c'est très souvent que chacun d'entre nous reçoit à son bureau un certain nombre de gens, de citoyens, de travailleurs qui se sentent plus ou moins ballottés ou maltraités par tout ce système-là, et, bon, il est plaisant de voir que le ministre a compris ce message-là et s'engage à faire des choses.

Alors, il y a aussi, bon, les questions très importantes, actuellement à l'ordre du jour, discutées dans différents pays dans le monde, et, au Québec, ça s'en vient aussi: l'examen des questions de partage et d'aménagement du temps de travail; la rémunération multiple. Je suis content de voir le ministre se pencher là-dessus aussi, parce que, moi-même, j'ai eu l'occasion de faire valoir, il y a quelques semaines, que quelques hauts dirigeants de sociétés d'État ou délégués à l'étranger recevaient des doubles rémunérations, ainsi que le ministre, dans son discours, en a parlé par le mot «double-dipping» que, peut-être, en français, on pourrait appeler «double rémunération», mais on comprend que c'est une expression anglaise à la mode.

Et il y a aussi, bien sûr, un dossier qui est très important pour nous de l'opposition, parce qu'il touche directement deux catégories de citoyens. Alors, il touche les gens de 65 ans et plus, lorsque le ministre, dans son discours, nous a dit qu'il entrevoyait la possibilité de permettre aux employeurs de mettre fin aux liens d'emploi avec les gens ayant atteint 65 ans afin de faire place le plus possible aux jeunes de la relève... Alors, j'aimerais ça que le ministre nous explique comment on va faire, comment on peut s'y prendre et comment il va s'y prendre, lui, en tout cas, pour proposer à son gouvernement quelque chose qui va faire en sorte que des gens qui ont 65, 66, 67, qui sont en pleine forme encore aujourd'hui – et j'en connais, moi, de ces âges-là – qui veulent continuer à travailler... Où est-ce qu'on va aller comme ça et en quoi ça va favoriser le travail chez les jeunes? Est-ce que ça ne sera pas plutôt l'occasion pour certaines entreprises de se délester d'un certain nombre de personnes ayant atteint un certain niveau d'âge à des salaires assez élevés, avec l'ancienneté, pour ou engager des jeunes pas cher ou ne pas en engager du tout? Alors, il y a peut-être, là aussi, toute une discussion à faire, et je suis content que les crédits nous permettent de faire ça dans ce cadre-là de discussion, qui a été amorcé par le ministre d'un ton très intéressant.

Alors, il y a aussi un dossier que le ministre n'a pas mentionné, ni dans son préambule, là, ni dans son discours en Chambre le 3 – s'il est mentionné, je ne l'ai pas vu – c'est tout le travail des jeunes de moins de 18 ans. Est-ce qu'on ne peut pas penser, est-ce qu'il y a quelque chose que le ministre envisage pour encadrer ou faire en sorte que ces jeunes de moins de 18 ans, qui travaillent très souvent dans toutes sortes de conditions pour payer leurs études, puissent ne pas devenir les esclaves des temps modernes ou les bouche-trous ou le «cheap labour» – c'est le mot qui convient le mieux que vous prendrez – de certaines entreprises, sans faire autant réglementer suffisamment pour qu'ils n'aient plus accès à ces sources de revenus qui, bien souvent, sont très, très importantes pour eux.

En gros, c'est déjà, au départ, un certain nombre de questions que je me pose, et c'est suite aux engagements du ministre, aux discussions qu'on a déjà eues informellement ensemble et aux demandes ou souhaits que j'avais exprimés, moi aussi, dans ma réponse au discours inaugural, et j'ai vu avec plaisir que le ministre en avait repris quelques-uns – en le mentionnant, d'ailleurs – dans son discours. Le ministre a donc la lourde responsabilité de voir aux intérêts de tous les travailleurs et de toutes les travailleuses du Québec, qu'ils appartiennent au monde organisé du travail ou à celui des travailleurs et travailleuses non syndiqués. En même temps, il aura à voir aux intérêts de tous les employeurs du Québec, petits et grands.

Au départ, compte tenu de la paix industrielle somme toute relative que nous avions au Québec depuis quelques années – le nombre de grèves ayant baissé de 4 000, 3 500, à moins de 700, 800 l'année dernière, je pense, de journées de grève – on se demandait pourquoi le gouvernement revenait à l'ancienne formule du ministère du Travail. Et on sait, par contre, que l'année 1996, selon certains analystes du marché, risque d'être difficile, et on l'a vu déjà avec certains dossiers particuliers. À mon avis, M. le Président, le ministre devrait donc travailler d'arrache-pied à plein temps pour éviter, en faisant plus de prévention, des conflits qui risquent à chaque fois d'être dommageables pour tout le monde, y compris les travailleurs et travailleuses. Il devrait être présent et actif, pas seulement quand on annonce la fermeture d'une entreprise, mais bien avant, dans toutes les étapes précédant l'éclatement d'un conflit, et, par la suite, dès qu'une situation semble dégénérer. Surtout, M. le Président, lorsqu'un conflit affecte l'économie d'une région. En effet, certaines régions sont tributaires d'une unique ou de deux entreprises et il peut être catastrophique – le ministre, qui vient du Bas-du-Fleuve, doit le savoir – pour une région entière de voir une entreprise fermer ses portes, mettant 300, 400, 500 ouvriers... C'est la mort de la région. On l'a vu dernièrement dans différentes autres régions.

Il y a suffisamment d'experts au ministère, et – je le disais tout à l'heure – leur compétence est reconnue pour bien connaître la température de l'eau bien avant que les partenaires de l'entreprise décident de prendre un bain ensemble. Des fois, il y en a qui se font ébouillanter. Il serait très malheureux que le retour de l'ancienne formule du ministère du Travail force le ministre à n'être que celui qui tente d'éteindre les feux plutôt que celui qui mobilise les forces vives du monde du travail, dû à des changements d'attitude, des changements de comportement.

En cette période de transition économique, les travailleurs, le mouvement syndical, les entreprises sont trop souvent ballottés et malmenés par le choc des continents et de la concurrence internationale. Le ministre du travail aura donc besoin de toute la collaboration de tous et de toutes pour trouver un nouvel équilibre entre les forces en présence, pour trouver une nouvelle voie donnant suffisamment d'espace aux uns et aux autres, pour assurer la paix, le développement et la prospérité pour les travailleurs et les travailleuses – je le disais précédemment – mais aussi pour nos entrepreneurs, qui, eux, doivent relever ce défi immense, ce défi de la concurrence internationale... et plus qu'internationale, qui est continentale maintenant. On voit l'émergence de nouvelles sociétés en développement, particulièrement la Chine, les pays de l'Est, qui, elles, ne sont pas soumises aux mêmes contingences, aux mêmes obligations de législation, de fiscalité en ce qui concerne l'encadrement du travail que nous le sommes. Et cela donne un avantage très important, et ça donne aussi des envies, bien souvent – et on le voit dans le dossier, en particulier, de Kenworth – à des entreprises de vouloir déménager pour aller s'installer dans ces endroits qui leur semblent plus propices, plus faciles et plus rentables.

Le ministre disait: On devra légiférer ou trouver une solution pour éviter des licenciements à tout prix. C'est vrai, c'est beau. On ne peux que souscrire à un souhait comme celui-là. Malheureusement, la réalité nous rattrape. Les entreprises se battent au niveau continental. Il y a une compétition qui est là, et personne d'aucun gouvernement ne vit dans une île déserte... pas une île déserte, ne vit tout seul, en autarcie, avec ses propres lois, ses propres marchés. On est 7 000 000 de consommateurs au Québec. Jamais notre marché ne sera assez fort pour faire vivre la multitude d'entreprises, que ce soit de biens ou de services, mais particulièrement de fabrication de biens, qui y sont, juste avec notre clientèle. Et, pour ce faire, pour aller... Le ministre le sait – je ne veux faire un cours de base d'économie à personne – pour pouvoir survivre, il faut aller sur les marchés extérieurs et se battre à armes égales avec les autres pays qui accueillent ces entreprises. Et, si notre législation du travail... si notre fiscalité sur les masses salariales, entre autres, est trop élevée, nos entreprises vont être moins compétitives, elles vont être handicapées et il va arriver deux choses: ou les entreprises extérieures vont prendre les marchés, y compris le nôtre, comme ça se voit dans certains pays européens actuellement, ou alors elles vont déménager pour rester compétitives, et nous perdrons les emplois des deux façons.

Alors, il y a toute une réflexion à faire, toute une réforme à faire auxquelles je vois que le ministre semble souscrire, quand on voit son discours, quand on voit ses notes, quand on voit sa philosophie. Maintenant, entre vouloir y souscrire d'une manière philosophale et y aller dans la réalité, c'est une autre chose. Et je pense que les travailleurs et les travailleuses, les entreprises du Québec, les citoyens, les mères de famille, tout le monde qui dépend de l'économie, et d'une économie en santé, avec des emplois, tout le monde a les yeux fixés actuellement sur le gouvernement, sur le ministre en particulier, pour qu'il fasse en sorte de rendre nos entreprises plus compétitives, faciliter les relations de travail, changer les philosophies, les mentalités, amender le Code du travail, le changer s'il le faut – on l'a fait pour le Code civil, on l'a modernisé il y a quelques années, le Code du travail doit l'être aussi – la réglementation, tout ce qui est perçu, des fois à tort mais souvent à raison, par certains comme des handicaps à un développement important de nouvelles entreprises chez nous ou à l'exportation, la compétition de nos entreprises qui exportent.

Alors, M. le Président, je pense que j'ai fait pas mal le tour. Je pourrais parler un peu plus longtemps, mais je pense que, après une dizaine de minutes, c'est suffisant. J'aurais une suggestion à faire. Dans la suite des travaux, on pourrait peut-être commencer à parler des relations de travail, le programme 1; après ça, on pourrait parler de la Commission des normes du travail, de la Commission de la construction du Québec, de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, de la Régie du bâtiment du Québec, de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération. J'ai vu le ministre qui en a parlé. Je suis content. Je pensais qu'il y avait un micro dans mon bureau parce que nous avons eu le même genre de discussion avec des collaborateurs hier soir. En effet, en ce qui concerne l'IRIR, il semblerait qu'il y a là... et les autres organismes de recherche, particulièrement celui qui est très bon, est excellent, qui dépend du ministère du Travail, il y a peut-être là des choses à faire, de regroupement et peut-être sauver... c'est quoi, 1 800 000 $, l'IRIR? Alors, peut-être, là, je ne sais pas s'il n'y a pas moyen de mettre toutes les énergies de tout le monde ensemble et d'aller vers quelque chose. Mais, ça, on pourra y revenir plus tard, si on a le temps, mais, vu que c'est à la fin, peut-être qu'on n'aura pas le temps. Et puis, bien sûr, il y a le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qu'on pourra aborder. Et ni le ministre ni moi n'avons abordé le travail au noir, mais je pense que peut-être qu'il y a des collègues qui voudront l'aborder de part et d'autre. Je pense que ce n'est pas juste entre tous les deux. On est ouvert à la discussion.

(10 h 40)

Alors, c'est un peu ce que je suggérerais, comme porte-parole de l'opposition. Si les gens sont d'accord, je serais prêt à commencer d'une manière très coopérative, parce que je pense que c'est un dossier qui concerne l'ensemble des Québécois, qu'on soit d'un bord ou de l'autre.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le député de LaFontaine. Nous allons laisser le groupe au pouvoir faire ses remarques préliminaires. Ensuite de ça, nous déterminerons la procédure exacte à suivre quant à la suggestion que vous nous avez faite. Alors, Mme la députée de Marie-Victorin, à vous la parole.


Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir au nom de notre gouvernement, en fait à titre de participante à l'équipe ministérielle, de pouvoir prendre la parole, dans un premier temps; dans un deuxième temps, de saluer aussi le nouveau critique en matière de travail. Je pense qu'il a démontré, en fait, son esprit de collaboration. J'espère que ça sera tout au long de nos travaux que nous verrons ce même esprit émerger.

Je voudrais tout de suite, d'entrée de jeu, lui dire, par contre, en ce qui concerne la leçon de philosophie qu'il nous a apportée: Est-ce que, tout ça, ça repose du temps de l'expérience où vous étiez au gouvernement? Parce que, si on regarde ce qui s'est passé à cette époque, c'est après des réflexions ou parce que vous êtes dans votre purgatoire que vous êtes en train de faire mea culpa?

En fait, vous avez laissé partir beaucoup d'entreprises sans soulever quoi que ce soit. Notamment, je me souviens, un des plus beaux fleurons du Québec, qui était, au niveau des assurances, Le Groupe Commerce, qui est parti et que, finalement, on a laissé partir très facilement, sans intervention. Si je pense à l'est de Montréal, où c'était actuellement le chef de l'opposition qui était responsable du développement de Montréal, on ne peut pas voir qu'il y a eu beaucoup, en fait, de décisions qui ont été prises, ou même favorisées. Parce que je pense à tous les licenciements qui ont eu lieu, à tous les départs d'entreprises qui ont eu lieu dans l'est de Montréal, ce qui fait qu'à l'heure actuelle on vit des situations lamentables au niveau de Montréal.

Alors, effectivement, je suis très heureuse de voir que vous avez constaté les dégâts tout comme nous, tout comme la population aussi et que vous êtes prêt maintenant à travailler différemment. Et ce dont je suis heureuse, c'est de voir que notre gouvernement a tout de suite entrepris de faire les choses différemment et de s'organiser aussi de façon à s'adapter à la nouvelle façon d'une société en évolution, en mutation, la nouvelle façon de gagner sa vie. Et vous savez très bien que, quand l'organisation du travail change, c'est l'ensemble de la société qui change aussi, en fait. Alors, évidemment, je suis heureuse de constater de la part du ministre en poste actuellement et ministre en titre au niveau du travail qu'il est plus proche des préoccupations, de ce qui se passe actuellement dans notre société, effectivement.

On s'aperçoit de la précarité. Elle est partout. De plus en plus, en fait, parce qu'il y a des licenciements, les gens se retournent vers du travail autonome, et ces gens-là, très souvent, n'ont pas de protection. Donc, évidemment, c'est très important de voir à cet équilibre dans notre société, ce tissu social très important où les syndicats sont prêts à établir de nouvelles solidarités. Nous avons entendu le discours très souvent, au cours des dernières années, des syndicats, qui dit: Écoutez, il faut changer les choses. Il faut créer les ponts entre les différents partenaires et il faut davantage parler de solidarité sociale, ce à quoi, je pense, M. Bouchard a convié tous les intervenants et les partenaires socioéconomiques lors de cette rencontre de février, pour arriver à favoriser ce tissu social et favoriser un équilibre social et de justice sociale dans notre société québécoise.

Qui plus est, bien sûr, il faut faire face à la nouvelle compétition internationale, mondiale, aux nouvelles technologies, au développement des nouvelles technologies, bien sûr. Mais ce n'est pas parce que ce discours existe qu'il faut d'autant plus favoriser les licenciements. Moi, je pense qu'effectivement ce n'est pas par des mises à pied qu'on règle les problèmes du travail, bien au contraire, mais par comment on arrive à trouver des solutions ingénieuses, créatrices qui font en sorte que, quand on a un produit à vendre, on devient agressif, qu'on peut davantage l'importer partout ailleurs dans le monde et faire en sorte que, par notre compétition, par le produit de qualité, par un travail de qualité, nous pouvons, justement, rayonner.

Et surtout par cette différence qui nous caractérise. Vous savez qu'être Québécois, être reconnu pour être Québécois, un produit québécois ou parce qu'il y a une façon de faire dans le travail québécois aussi, peut nous caractériser et ça peut être très rentable, en fait, pour nous ici. Et je pense que cette distinction, ce caractère distinct des Québécois et des Québécoises est très important à mettre aussi en relief.

Je pense que ce qui est important, c'est de favoriser la responsabilité des parties, et nous avons vu dernièrement, lorsqu'il y a eu, l'année dernière, au niveau de la grève dans la construction... Bien sûr, il aurait été beaucoup plus facile de la part de notre gouvernement de choisir la solution toute faite, de faire une loi spéciale et d'obliger les gens à retourner au travail, et de retourner, en fait, à ce qu'on faisait antérieurement, où c'était le gouvernement qui, par décret, imposait les conditions de travail dans le milieu de la construction. Moi, je pense qu'on a voulu innover, on a démontré qu'on voulait faire confiance aux parties, qu'on voulait vraiment changer la façon de faire des relations de travail, et on a eu gain de cause, tout compte fait. On a favorisé le rapprochement des gens, on les a obligés à s'asseoir à une même table et à trouver ensemble leurs propres solutions. Et, si c'est garant de ce qui s'en vient, bien, moi, je trouve que c'est tout à fait intéressant pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises, parce que ce seront tous nous autres qui serons gagnants, y compris autant les gens de l'opposition que du gouvernement. Parce que ce qui est important, c'est que les gens soient à l'ouvrage et qu'ils puissent gagner décemment leur vie.

Alors, M. le Président, c'était ce que j'avais comme remarques, et je considère que, actuellement, comme gouvernement, nous sommes sur la bonne voie. Et, j'espère, j'apporterai tout mon concours au ministre en place actuellement pour favoriser les changements qui s'imposent dans notre société pour s'adapter à cette nouvelle situation du monde du travail, de l'organisation du travail.

Le Président (M. Kieffer): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin.


Organisation des travaux

Je vais maintenant vous soumettre la proposition qui nous a été déposée par le critique de l'opposition, quant à l'ordre dans lequel nous pourrions aborder le programme. S'il y a consentement, la commission procédera de cette façon-là.

Alors, en premier lieu, l'élément 1 du programme; ensuite, la Commission des normes du travail; ensuite, la Commission de la construction du Québec; ensuite, la CSST; suivie de la Régie du bâtiment; suivie de l'IRIR; suivi de la CCTM, c'est-à-dire la commission consultative sur le travail et la main-d'oeuvre – c'est ça? – le Conseil consultatif, pardon; et, en dernier lieu, et non pas le moindre, évidemment, le travail au noir.

Est-ce que ça reflète à peu près votre demande, M. le député de l'opposition?

M. Gobé: Oui, tout en gardant, peut-être, un quatre, cinq minutes à partager en deux à la fin pour des remarques finales, et puis adopter les crédits, peut-être, M. le Président.

Le Président (M. Kieffer): Ça, de toute façon, il faudra adopter le programme, là. Oui. M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, le député de LaFontaine a soulevé une question que je trouve fort importante, c'est le travail des jeunes. Le travail des moins de 16 ans, des moins de 18 ans. Je ne voudrais pas qu'on l'évacue du débat, et je voudrais peut-être y répondre immédiatement, si vous me le permettez.

Le Président (M. Kieffer): Je vous le permets, M. le ministre.

M. Paquin: Peut-être, M. le Président, s'il vous plaît, qu'on pourrait...

Le Président (M. Kieffer): Régler le problème...

M. Paquin: ...peaufiner sur les règles du jeu...

Le Président (M. Kieffer): ...et, ensuite de ça, on passe au débat?

M. Paquin: ...parce que je constate qu'il y a quoi, 70 minutes à notre disposition?

Le Président (M. Kieffer): À peu près, oui.

M. Paquin: Alors, il y a un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf thèmes, plus un cinq minutes. Peut-être qu'on pourrait effectivement prendre la séquence, une question posée par le député de l'opposition, et puis, sur notre côté, on pourrait poser la deuxième question qui va dans le même chapitre. Si on n'en a pas, il pourrait poser une deuxième question. Puis on passerait rapidement. Et ça suppose que le ministre fasse des réponses assez courtes.

M. Gobé: Oui, bien, écoutez. Je ne voudrais pas non plus tomber trop dans les règlements, de perdre du temps à parler, et puis tomber dans la rigidité. Je pense que l'important, c'est qu'on puisse échanger. On n'est pas là pour enfarger rien ou prendre le... C'est des crédits un peu particuliers, au ministère du Travail. Ce n'est pas des crédits où on va commander le prix d'un stylo puis le prix du mètre carré d'un bureau, là. Mais il faut peut-être dialoguer, éclairer les gens, avoir des réponses, s'il le faut. Alors, plus ça va être souple, plus, je pense, ça va favoriser le débat, la discussion, et plus ça va être productif, notre travail de député. Moi, si la commission y tient absolument, c'est juste ça, on va être rigide. Mais, moi, je pense que, dans celle-ci, on pourrait, étant donné la manière dont le ministre aborde lui-même aussi les sujets, être peut-être un peu plus souples et fonctionner en forum, un peu.

Le Président (M. Kieffer): En d'autres mots, M. le député, si je comprends bien, c'est plus l'orientation générale que vous verriez comme ça...

M. Gobé: Oui, oui.

Le Président (M. Kieffer): ...sans nécessairement couler ça dans le ciment.

M. Gobé: Non, exactement.

Le Président (M. Kieffer): La commission est souple et flexible.

M. Gobé: Oui.

Le Président (M. Kieffer): Si ça va à tout le monde, on pourrait y aller dans cette direction-là.

M. Paquin: Ma préoccupation, c'est...

Le Président (M. Kieffer): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: ...que nous avons aussi des questions sur les mêmes thématiques. Alors, je pense qu'on pourrait nous laisser la deuxième question sur chacun des volets, de manière à ce qu'il y ait une véritable alternance.

Le Président (M. Kieffer): Ça, M. le député, je n'ai pas de problème du tout, du tout, du tout avec ça. Nous sommes ici... Et je l'ai dit clairement tantôt, et je veux le répéter: C'est le pouvoir législatif qui interroge le pouvoir exécutif. Les députés des deux côtés de la Chambre font partie du pouvoir législatif, jusqu'aux dernières nouvelles. Alors, sur ce, M. le ministre, je vous cède la parole sur la question des jeunes. C'est bien ça?


Discussion générale


Travail des jeunes de moins de 18 ans

M. Rioux: Oui. Puis je veux remercier le député de soulever la question, parce que vous savez qu'au Québec il n'y a pas de législation relative à l'âge minimal pour rentrer sur le marché du travail. C'est assez embêtant, c'est assez inquiétant, et plusieurs jeunes de moins de 16 ans ont un emploi. Je pense que le député a raison de soulever cette question-là. Puis c'est vrai qu'on ne veut pas retourner à l'esclavage puis qu'on ne veut pas retourner à l'époque où on exploitait de façon abusive les jeunes dans certains pays industrialisés. Mais sachez une chose, c'est que ça a des conséquences directes sur l'abandon scolaire. Les jeunes entre sur le marché du travail, on ne sait pas dans quel cadre, on ne sait pas combien on leur donne comme rémunération, ça ressemble parfois à du travail au noir, on n'est pas trop, trop certains de leur statut. J'en ai parlé avec le ministre fédéral lorsque je l'ai rencontré l'autre jour, il a la même préoccupation de son côté.

(10 h 50)

Nous, au ministère, on a demandé un avis sur la question à plusieurs organismes gouvernementaux concernés. Je pense au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, à qui j'ai demandé un avis, mais il y a le Conseil des Affaires sociales, il y a le Conseil de la famille, il y a la Commission des normes du travail, il y a aussi des commissions scolaires qui s'intéressent à ce sujet-là – vous le comprendrez bien – la Commission de la santé et de la sécurité du travail puis d'autres, le Conseil permanent de la jeunesse. Bon.

Moi, ce que j'estime important de dire pour l'heure, c'est que le sujet est préoccupant. On va examiner la question, on va faire le point. S'il y a des amendements à apporter à la loi sur les normes minimales, on le fera. S'il y a des lois qu'il faut modifier du côté santé et sécurité, on le fera. Mais il y a une chose qui est certaine, que je peux dire à mon collègue, c'est qu'on va s'organiser.

Lorsque les jeunes... Vous savez, je fais la différence entre un jeune qui distribue La Presse puis un jeune qui travaille sérieusement et qui est rémunéré ou qui ne va pas à l'école parce qu'il a décidé d'aller travailler, ce n'est pas du tout la même chose. Moi, je pense qu'il faut éviter que les jeunes soient exploités dans une espèce d'économie souterraine où on ne sait pas trop, trop ce qu'ils font et, surtout, comment ils sont encadrés.

Alors, ce que je peux dire au député: Oui, c'est une préoccupation de plusieurs organismes, c'est une préoccupation du ministère, et j'en veux pour preuve la commande qu'on a passée au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je suis content que vous l'ayez soulevée, parce que ce n'est pas mince, c'est une question fort délicate qui implique la famille, qui implique l'école, qui implique les entreprises et qui implique les syndicats. Comment peut-on vendre une carte de membre à un gars de 16 ans ou à une fille de 16 ans? Ça pose des problèmes d'éthique. Alors, il faut examiner tout ça et on va y voir.

M. Gobé: Oui, peut-être que...

Le Président (M. Kieffer): Un instant, M. le député de LaFontaine. S'il vous plaît! M. le député de Prévost, c'est sur cette question-là? Alors, je vous cède la parole.

M. Rioux: Excusez-moi. Je voudrais dire que le député de Prévost a examiné la question. Dans sa région des Laurentides, ils ont vécu une belle expérience, puis j'aimerais que vous nous en parliez.

M. Paillé: Étant donné que M. le Président est aussi un député des Laurentides... Chez nous, dans la région des Laurentides, il y a eu une association – puis on n'a pas eu besoin de gouvernements pour faire ça, là – entre la commission scolaire de Saint-Jérôme et la commission scolaire des Laurentides et les employeurs, principalement les centres de ski, qui se sont associés pour faire en sorte d'abolir le 40 heures. Parce qu'il y avait des jeunes qui travaillaient 40 heures dans les centres de ski. Alors, ils n'avaient pas le temps d'aller étudier, ils travaillaient dans les centres de ski. Et, si ma mémoire est bonne, ils ont limité ça – le député de Groulx pourra me corriger je pense – à 10 heures-semaine, 10 ou 15 heures. Et le taux d'absentéisme à l'école a diminué de beaucoup et le «dropout» aussi a diminué de beaucoup. Alors, je pense que le ministère devrait regarder cette expérience-là, qui marche depuis deux ans et qui va très bien et qui s'est faite d'une manière totalement non coercitive. On s'est dit: On prend un «kid», ou on prend un jeune ou une jeune et on ne le fait pas travailler plus que 15 heures, puis, après, bien, tu retournes à l'école. Et on a essayé d'aménager... Les centres de ski vont très bien, d'une manière ou d'une autre, donc ça a augmenté le travail.

D'autre part, pour juste être conscient de mon ex-employeur, il n'y a pas juste La Presse qui est distribuée par des jeunes, il y a le Journal de Montréal aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le député de Prévost. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, c'est toujours sur la même chose. Il y a un aspect qui est quand même assez inquiétant aussi dans le travail des jeunes, de ces jeunes-là, c'est qu'une partie d'entre eux, bien sûr, va travailler au marché noir – du travail au noir – mais aussi, en particulier, ils échappent à tout encadrement de formation, qu'elle soit professionnelle ou scolaire. Est-ce que, lorsqu'un jeune quitte l'école pour aller travailler, même s'il le fait à plein temps ou à temps très, très, très plein, pas officiellement à plein temps, mais presque... que le législateur ou nous prévoyions que l'employeur soit obligé de l'envoyer prendre des cours généraux ou reliés au travail qu'il occupe un certain nombre d'heures par semaine ou par mois – comme ça se fait, par exemple, en Allemagne actuellement, où un jeune qui travaille comme caissier dans un supermarché doit aller prendre des cours de gestion de rayons et travailler sur «point-of-sale» et des choses comme cela, en plus de prendre du général – alors ce qui permettrait peut-être de donner à ces jeunes, vu qu'ils ne veulent plus aller à l'école, au lieu de les faire décrocher et aller travailler complètement... sortir du système, ils travailleraient, mais ils auraient droit à un nombre d'heures par semaine qui leur permettraient d'acquérir... Alors, au lieu de travailler à temps partiel, ils étudieraient à temps partiel. Je ne sais si vous comprenez ce que je veux dire, parce qu'il y aurait peut-être là une avenue à regarder qui pourrait...

M. Rioux: C'est intéressant de voir le jeune qui cumule le travail et les études; ça, c'est un cas intéressant. Mais ce que je voudrais vous dire, c'est que, avant d'examiner sérieusement, avant d'évaluer si une action gouvernementale est nécessaire, il faut faire le tour de la question. Le Conseil supérieur de l'éducation a une préoccupation de ce côté-là, j'ai déjà eu l'occasion d'en discuter avec eux, et il y a plusieurs autres organismes dont j'ai parlé tout à l'heure, dont j'ai évoqué les noms tout à l'heure. Mais c'est certain que, lorsque quelqu'un a 16 ans... Vous le savez, l'âge légal pour aller à l'école, c'est 16 ans. Après 16 ans, bon, on sait ce que ça veut dire, aussi, une personne, un gars ou une fille qui a 16 ans et qui arrive sur le marché du travail dans une perspective de temps plein. Je vous le dis, la tentation de les exploiter est très forte et elle existe. Et c'est pour ça, d'ailleurs, que vous soulevez la question et c'est pour ça qu'on s'en préoccupe. Mais, avant de discuter aujourd'hui ça va être quoi, l'encadrement législatif, ça va être quoi, les amendements aux lois, on va approfondir ça, parce que c'est un sujet délicat.

Le Président (M. Kieffer): M. le ministre, merci. M. le député de LaFontaine.


Révision de certaines dispositions du Code du travail qui s'appliquent aux municipalités

M. Gobé: On va passer à une question, maintenant. M. le ministre, vous avez dit dans votre discours du 3 avril, vous l'avez repris tout à l'heure: Le Code du travail – je vais vous citer – doit être révisé. Autant du côté syndical que du côté patronal, on demande une révision du Code du travail pour améliorer les relations entre patrons et syndicats dans les municipalités, surtout de 25 000 habitants et plus. Dans leur état actuel, certains articles du Code paraissent difficiles à interpréter et à appliquer par les municipalités. Il faut donc revoir ça.

Dans le contexte, on sait que, par exemple, la ville de Montréal et d'autres municipalités demandent au gouvernement la possibilité d'avoir un droit de lock-out, car, disent-elles, ça permettrait de rétablir l'équilibre des pressions et des forces dans les négociations avec leurs employés municipaux. Dans le cas contraire, où les syndicats, eux, sont bien sûr opposés à cela, le ministre ayant fait son intention clairement dans son discours et étant donné que le sujet est très important... On connaît actuellement des conflits, comme à Montréal, qui perdurent, qui sont larvés, qui sont toujours à la veille d'explosion. On a vu, hier encore, un jugement qui a été rendu sur des cols bleus qui avaient, semble-t-il, molesté ou humilié un de leurs contremaîtres. Le syndicat a dit: On va aller en appel. Enfin, il y a une espèce de situation qui est en pourrissement et dont on ne sait jamais comment elle va aboutir. Des fois, elles aboutissent comme dans la construction, où ça va dans la rue, où ça trouble l'ordre public, ça met les citoyens en danger, ça perturbe l'image de la société québécoise à l'étranger.

Quelles sont les voies que le ministre entend donc prendre en ce qui concerne la révision des articles 45 et 46 du Code du travail pour essayer de concilier, là, les municipalités – l'Union des municipalités appuie M. Bourque, si je ne me trompe pas, c'est ce qu'il nous dit, semble-t-il, c'est ce qu'ils lui ont écrit – et les syndicats. C'est quoi l'action qu'on fait concrètement, rapidement pour trouver des solutions?

(11 heures)

Le Président (M. Kieffer): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, la question est bonne, j'espère que la réponse le sera également. Mais j'aimerais informer le député de LaFontaine qu'en l'espace de 24 heures, la semaine dernière, j'ai rencontré la haute direction de la FTQ et la ville de Montréal pour la reprise des négociations avec ses cols bleus. Ce n'est pas une négociation formelle, M. le député, je tiens à vous le dire, c'est une reprise du dialogue, où j'ai demandé que, du côté syndical, on délègue une personne, et cette personne, c'est Henri Massé, qui est vice-président de la FTQ, qui va rencontrer le chef négociateur de la ville de Montréal pour que les négociations reprennent et qu'on règle en dehors d'un contexte législatif. Parce que la tentation est forte, tant chez la partie syndicale que patronale, lorsqu'on est rendu à bout de souffle en négociation, de demander à l'État de régler à notre place. Pas question. On les a retournés à leurs devoirs et c'est une excellente nouvelle que je peux vous dire, aujourd'hui, M. mon collègue le député de LaFontaine.

Quant à votre question, sur les articles 45 et 46 du Code, on va essayer de mettre les choses en perspective. D'abord, vous savez qu'il y a eu le comité de trois personnes, présidé par M. Jean-Roch Boivin, qui a fait une étude et qui a remis son rapport il y a quelques mois, qui avait examiné la négociation des pompiers et des policiers dans le secteur municipal. Les recommandations ont été faites et il y aura amendement au Code du travail afin de faciliter les négociations des pompiers et des policiers dans les municipalités du Québec.

Je tiens à préciser une autre chose, c'est qu'il y avait un mécanisme là-dedans, moi, qui m'a toujours fatigué, c'est la médiation obligatoire. Vous savez, cette étape où on était obligé de passer par la médiation... Je suis content qu'on jase de ça un peu parce que ça va nous rappeler des bons souvenirs du passé, de jaser de ça ensemble. Les relations de travail, j'haïs pas ça. La médiation obligatoire m'a toujours fatigué parce que c'était un excellent moyen de tuer le temps pour ne jamais en arriver à un règlement. Et, deuxièmement, ce qu'il est important de comprendre aussi, c'est que les arbitres avaient la bride sur le cou pour décider à peu près n'importe quoi mais sans paramètres économiques et sociaux.

Alors, ce qu'on va faire, dans le projet qui s'en vient, c'est qu'on va faire sauter la médiation obligatoire, on va la mettre facultative, c'est-à-dire voulue par les parties. Et, deuxièmement, ce que je peux vous dire, mon cher collègue, c'est qu'on va mettre des critères économiques à l'intérieur desquels les arbitres vont devoir se comporter pour rendre des sentences qui évitent que les municipalités paient des salaires à leur monde de 27 % supérieurs à l'ensemble de la moyenne québécoise.

Ensuite, pour être plus complet, M. Boivin occupant d'autres fonctions, on a nommé un autre président avec les deux mêmes experts pour poursuivre maintenant l'étude des articles 45 et 46 sur la propriété d'entreprises, la fusion d'entreprises, le démembrement d'entreprises, les villes qui ont des tendances lourdes vers la sous-traitance où on en arrive à ne plus trouver l'employeur. Il y aura là, M. le Président, une autre série de recommandations qui feront l'objet d'interventions législatives.

Maintenant, je reviens... Je vais terminer avec les SEM. Le projet de loi qui a été déposé, on l'a regardé. Moi, je suis un fervent de l'économie mixte. Je pense que vous le savez. Souvent, dans des régions du Québec – je pense à la région d'où je viens – si le capital public et le capital privé ne s'étaient pas joints ensemble à des fins de développement, jamais, M. le Président, il n'y aurait eu d'investissement. L'entreprise privée seule aurait probablement hésité dans des secteurs à plus haut risque ou encore dans des régions très éloignées du Québec. Et je suis favorable à l'économie mixte, c'est une façon moderne de faire du développement économique régional.

Maintenant, quant à toute la notion d'économie mixte dans les services publics, ah bien là, le député de LaFontaine va me comprendre, on tombe dans un autre «bag». C'est vrai qu'il y a des municipalités qui aimeraient diminuer leurs coûts dans la prestation des services. Et je les comprends à part de ça, c'est légitime de penser comme ça. Il s'agit de voir maintenant avec le ministre des Affaires municipales comment on va organiser ça concrètement, l'économie mixte dans les municipalités.

C'est compliqué. Moi, j'aimerais dire à mon collègue que c'est plus compliqué qu'on ne le croit. Dans l'entreprise privée, une grande entreprise et le gouvernement s'associent à des fins de développement économique ou industriel, c'est moins problématique. Mais, quand il s'agit de la gestion des eaux, quand il s'agit des ordures ménagères, confier ça à une entreprise privée en partenariat avec une ville, à un moment donné, il va falloir décider il est où, l'employeur. S'il est minoritaire, c'est la ville. S'il est majoritaire, est-ce que c'est encore la ville, qui, elle, a une responsabilité collective vis-à-vis de ses citoyens? M. le député, avant de fouiller dans le Code du travail, vous comprendrez bien qu'on va commencer par se comprendre sur ce que signifie l'économie mixte en milieu municipal quant à la gestion des services publics.

Et je ne veux pas terminer sans vous parler du droit de grève et de lock-out, parce que vous l'avez évoqué. Là, il faut que je sois franc avec vous.

M. Gobé: Des fois, on ne l'est pas?

M. Rioux: Il faut que je sois franc avec vous. Le droit de grève et de lock-out dans les services publics est encadré par la loi sur les services essentiels. Jusqu'à maintenant, mon observation, moi, de la réalité, savez-vous, je trouve ça pas pire. Je trouve que le Conseil des services essentiels, qui est né presque dans la disgrâce et meublé d'une polémique féroce au cours des années, a fait ses preuves et a géré raisonnablement bien les conflits d'ordre public.

Quant à la demande de certaines villes de leur donner le droit au lock-out, je ne peux pas non plus ne pas aller jusqu'au bout de ma pensée de jésuite. Supposons qu'une ville a le droit au lock-out – le député de LaFontaine connaît ça, je ne lui annonce rien – s'il y a une grève et que les ordures ménagères ne sont pas ramassées, vous savez ce qui va arriver: la ville va se tourner vers le gouvernement pour qu'on passe une loi pour rétablir l'ordre, que les ordures ménagères soient ramassées ou que la gestion des eaux soit bien faite ou encore que les cols bleus donnent leurs services.

Alors, je voudrais laisser le député de LaFontaine sur une interrogation. Qu'est-ce que ça donnerait dans les faits de donner le droit au lock-out, pour que le gouvernement l'enlève en cas de conflit majeur? On aura réglé quoi à ce moment-là?

Moi, j'en suis là dans ma réflexion. Je n'ai pas de conclusion. J'ai juste un traumatisme. Alors, qu'est-ce...

Le Président (M. Kieffer): M. le ministre, merci.

M. Gobé: Oui, en terminant, peut-être, M. le Président.

Le Président (M. Kieffer): Mais, oui, oui, allez-y.

M. Gobé: Et je vais passer la parole aux collègues après.

M. Beaudet: On peut traiter ça, M. le ministre, les traumatismes.

Le Président (M. Kieffer): Allez-y, M. le député de LaFontaine. Et ensuite de ça, je...

M. Rioux: Ah oui! C'est vrai, c'est ton métier, ça.

Le Président (M. Kieffer): Je voudrais vous rappeler que la règle de l'alternance au niveau de l'étude des crédits...

M. Beaudet: Veux-tu une prescription?

M. Rioux: Non.

Le Président (M. Kieffer): ...n'est pas un bloc de ciment non plus. Alors, j'y vais en fonction des orientations et des...

M. Rioux: Ça «marcherait-u» avec la carte?

Le Président (M. Kieffer): ...thèmes. Allez-y.

M. Gobé: Merci, M. le Président, j'apprécie beaucoup. Alors, si je comprends la réponse du ministre particulièrement... On ne reviendra pas sur les autres. Je pense qu'on a pris ça en note et on aura l'occasion d'en discuter. Mais, sur la dernière, en particulier, vu qu'il y a quand même des demandes assez pressantes de la ville de Montréal en particulier, est-ce qu'on doit comprendre du ministre que la réponse à M. Bourque en ce qui concerne le droit de lock-out, c'est non?

M. Rioux: J'ai rencontré le maire.

M. Beaudet: Il est traumatisé.

(11 h 10)

M. Rioux: J'ai rencontré le maire – vous n'améliorez pas mon sort, là – et la présidente du comité exécutif de la ville de Montréal sur le conflit des cols bleus, et le maire m'a carrément posé la question. D'abord, il voulait savoir si on allait légiférer pour régler son problème. Je lui ai dit que non. Et, deuxièmement, il aimerait bien que la ville de Montréal ait droit au lock-out.

Une ville, c'est une entreprise de services publics. C'est ça, sa job, de donner des services à la population. Et, quand je regarde – je me répète – l'encadrement du droit de grève, de l'exercice du droit de grève actuel, l'encadrement qui est géré par le Conseil des services essentiels, la marge de manoeuvre commence à être mince pour les syndicats et pour l'employeur aussi. La beauté de l'affaire, c'est que la liste est dressée par le syndicat, la liste des services à donner, les services qu'on doit minimalement assurer à la population, c'est dressé par la liste syndicale. Hein, Mme la Présidente, c'est ça?

Je vous dis que, moi, je commence à ne pas haïr ça, le travail qui a été fait à ce jour et l'évolution qu'a connue la gestion des services essentiels au Québec. Donner le droit au lock-out à une ville, j'essaie de voir, dans l'économie générale du Code du travail et des législations que nous avons: Est-ce qu'on améliore le sort des villes? Est-ce qu'on améliore le sort des collectivités? Je suis encore en profonde réflexion. Je me réveille presque la nuit pour y penser. C'est un traumatisme profond, je vais aller voir le docteur.

M. Gobé: On vous le souhaite, monsieur le...

Le Président (M. Kieffer): M. le député de LaFontaine...

M. Gobé: M. le ministre, on vous souhaite de vous réveiller...

Le Président (M. Kieffer): M. le député de LaFontaine...

M. Gobé: ...rapidement parce que M. le maire Bourque s'en vient bientôt...

Le Président (M. Kieffer): M. le député de LaFontaine...

M. Gobé: ...nous rencontrer pour faire une demande.

Le Président (M. Kieffer): Merci.

M. Gobé: C'est correct.

Le Président (M. Kieffer): Ça va. Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole... Alors, il y a le député de Saint-Jean qui veut intervenir là-dessus aussi, je pense bien. Alors, M. le député de Saint-Jean, à vous la parole.

M. Paquin: Oui. Vous avez mentionné tantôt la situation des sociétés d'économie mixte et vous avez dit que vous étiez favorable à ça. Un des aspects importants qui balisent cette situation-là, je pense que c'est l'article 45 du Code, qui fait en sorte que les personnes qui sont sous une juridiction au sein d'une municipalité et qui occuperaient les mêmes fonctions à l'intérieur d'une société d'économie mixte, en tout cas, si vous posez des problèmes de dévolution... Et, chez nous, on en a une, une société d'économie mixte qui fonctionne, Compo-Haut-Richelieu. Et, effectivement, c'est une question qui est assez fondamentale et pour laquelle j'aimerais connaître vos réflexions sur cet aspect-là.

M. Rioux: Moi, j'aimerais ça examiner de près ce qui se fait chez vous. J'en ai entendu parler, mais j'avoue bien honnêtement que je n'en connais pas les tenants et aboutissants et le fonctionnement interne. Mais je reste convaincu qu'une société d'économie mixte, dans le domaine des services, ça doit poser un problème quelque part dans la liberté de la ville, comme gestionnaire de services à donner à sa population. Parce qu'ils sont élus pour ça. Les maires et les échevins sont élus pour donner des services à leur population.

En même temps qu'on intègre l'économie mixte à la gestion municipale, qui est une gestion publique, moi, je pense qu'il faut faire attention pour ne pas emprisonner la gestion des services dans un cadre administratif qui desservirait la population soit en cas de conflit soit pour toutes sortes de raisons. Et c'est pour ça que vous comprendrez bien que je suis «cédulé» la semaine prochaine avec mon collègue Rémy Trudel pour aller au fond des choses là-dessus. Parce qu'on ne s'aventure pas à modifier des législations parce qu'un jour on a pensé que l'économie mixte pouvait être l'élément qui va sauver l'économie des finances municipales. Non, non, non, ça ne marche pas de même. On essaie de voir si les premiers pas qu'on va franchir dans ce domaine-là, on les franchit bien. Parce que c'est l'intérêt de la population qu'il ne faut surtout jamais perdre de vue là-dedans; pas l'économie mixte en soi, pas la fusion du capital privé et du capital public pour donner des services. Il s'agit de voir si, en bout de ligne, la population est gagnante et si c'est vrai qu'on peut gérer, à meilleur coût, en maintenant une même qualité des services municipaux. C'est là qu'est mon inquiétude, et puis je vous avoue, M. le député, je n'ai pas fini de...

M. Paquin: De réfléchir.

M. Rioux: ...de jaser avec Trudel.

M. Paquin: Et il reste que... Et vous comprendrez que, chez nous, on a peut-être une expertise un peu particulière parce que c'est en marche, ça fonctionne, et ça nous fera plaisir, le cas échéant, de contribuer, d'une façon ou d'une autre, à ce dossier-là. Mais je suis content de voir que votre réflexion est très actuelle là-dessus et que c'est à ce moment-ci que ça se passe.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le ministre. Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole au député de Roberval.

M. Laprise: Oui. Concernant le droit de grève et le droit de lock-out, M. le ministre, si vous avez besoin d'aide à votre réflexion, je pourrais y collaborer, pour avoir vécu certains...

M. Rioux: Dans quel sens?

M. Laprise: Hein? Vous aider à réfléchir dans le bons sens, là. Je suis prêt à collaborer avec vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: Je reconnais, derrière le député, l'ancien maire.

M. Laprise: L'ancien maire, exactement. Et je crois que, pour avoir un réel rapport de force, si on a des services essentiels, que ce soit la grève ou le lock-out, les services essentiels s'appliquent à ce moment-là. Tu sais, si c'est... Que ce soit la grève puis les syndicats qui décident de faire une grève, vous avez les services essentiels qui s'appliquent. Que ce soit la ville qui décide de faire un lock-out, vous avez encore les services essentiels qui s'appliquent. Moi, personnellement, comme expérience, disons que ce n'est quand même pas Montréal. Remarquez bien, là, j'aurais été prêt à affronter ça, moi, un lock-out ou une grève, avec les services essentiels. Puis on aurait eu un rapport de force pour protéger vraiment la population à ce moment-là, je suis convaincu de ça.

M. Rioux: Vous connaissez un peu...

Le Président (M. Kieffer): M. le ministre.

M. Rioux: Je ne suis pas étonné. Mais, moi, ce que j'aimerais qu'on essaie de faire comme exercice, c'est raffiner un peu nos instruments d'analyse. Dans quel secteur une municipalité de 15 000 habitants, dans quel secteur pourrait-elle prendre son courage à deux mains, pour dire: Je ferme ça, à matin, je ferme ça? Les gars s'excitent, là. Le syndicat s'énerve. Je mets la clé dans la porte pour le service... je ne sais pas, moi, ramasser les vidanges. Comment, là, lucidement, un maire de municipalité décide ça un bon matin, puis il dit à son monde: Ça va sentir mauvais dans la ville, mes amis, mais on va régler, on va y aller par la force. Hum! Je ne sais pas. Vous n'avez pas vécu ça, M. le député?

M. Laprise: Non.

M. Rioux: Vous auriez aimé ça, je pense?

M. Laprise: J'aurais aimé ça, le vivre.

M. Rioux: Oui? Je ne vous souhaite pas ça.

M. Laprise: Face à une radicalisation, là, d'un affrontement syndical, tu sais, quand des négociations ont été rendues...

M. Rioux: ...je comprends.

M. Laprise: ...au bout de la... là, tu n'en as plus à donner, là. Face à ça, à un moment donné, je pense qu'il faut être capable de poser des gestes comme ça. Un gouvernement local, c'est un gouvernement qui est responsable de...

M. Rioux: Vous croyez que le législateur québécois, dans sa sagesse, devrait donner le lock-out aux villes, le droit de lock-out?

M. Laprise: S'il ne le donne pas, qu'il donne autre chose pour être capable d'asseoir les gens puis de faire comprendre aux gens le bon sens.

M. Rioux: M. le Président, c'est déjà intéressant, ce que le député vient de dire.

M. Laprise: Je suis ouvert à n'importe quoi. Mais il faut donner signe...

M. Rioux: Mais, s'il n'offre pas ça, il faudrait offrir autre chose?

M. Laprise: Oui. De qualité.

Le Président (M. Kieffer): M. le député, M. le ministre. J'aurais une courte question, M. le ministre. Dans l'éventualité d'un droit de lock-out qui serait donné aux villes, quel serait le niveau de soumission de la ville face aux services essentiels? Les syndicats sont soumis à la règle des services essentiels lorsqu'ils annoncent la grève et lorsqu'ils la font. Donc, elle est balisée... Le droit de grève, l'exercise du droit de grève est très balisé. Pourquoi est-ce que l'exercice du droit de lock-out ne serait pas balisé de la même façon, ce qui préviendrait évidemment les catastrophes que vous nous prédisez?

M. Rioux: Oui, mais il ne faut jamais perdre de vue que le lock-out, c'est la grève de l'employeur.

Le Président (M. Kieffer): Oui.

M. Rioux: Hein?

Le Président (M. Kieffer): Oui, tout à fait.

M. Rioux: C'est la grève de l'employeur...

Une voix: Pour des services...

M. Rioux: Est-ce qu'on baliserait de la même façon la grève de l'employeur, comme on le fait présentement pour la grève des syndiqués? Moi, je pense qu'on n'aura pas le choix. Il faudrait penser, en tout cas, à encadrer ça pour que ça devienne civilisé ou que ça devienne respectueux des services qu'on doit minimalement offrir à une population.

Le Président (M. Kieffer): Ce que vous nous dites, c'est que ça fait partie de votre réflexion, ça?

M. Rioux: Ah! si.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le ministre. Alors, je cède la parole au député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Je voudrais juste aider le ministre, moi aussi, dans sa réflexion, essayer de diminuer ses traumatismes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudet: Je ne voudrais pas qu'il en perde le sommeil. Mais les élus municipaux n'ont pas comme rôle de donner des services aux citoyens. Ils ont comme rôle de voir à ce que les citoyens aient accès à des services de qualité au meilleur prix. Et, si, pour les citoyens, le meilleur prix, c'est une société d'économie mixte et que l'efficience et la qualité, c'est la SEM, je pense qu'on devrait s'orienter vers ce genre de fonctionnement. Et, dans ces temps difficiles, nous, on voit les municipalités qui n'ont pas investi depuis des années dans leur système d'aqueduc – et des milliards et des milliards devaient être investis – parce qu'elles n'en ont plus les moyens aujourd'hui, je pense qu'il faut être très créatif et innovateur.

(11 h 20)

Et peut-être que... Puis, moi non plus, ma réflexion est loin d'être terminée, sur la SEM. Je n'ai pas à prendre de décisions. Mais on peut quand même y réfléchir. Mais il va falloir que les municipalités soient très créatrices et innovatrices dans leurs moyens de se financer, parce que les citoyens n'en peuvent plus, et je suis loin de croire aujourd'hui, au moment où on se parle, que les cols bleus des municipalités sont le meilleur moyen de rentabilité pour les payeurs de taxes et que c'est le moyen d'avoir les services les plus efficaces et les plus efficients. Et le rendement qui nous a été donné, en tout cas, dans les années passées, si on doit se fier au passé, il faudrait peut-être regarder d'autres solutions que celle de laisser aux cols bleus actuels le fonctionnement de tous les services que les municipalités doivent voir... auxquels les citoyens doivent avoir accès. Et je suis sûr que, dans votre réflexion, vous allez trouver des mécanismes ou des idées novatrices pour essayer d'aider les municipalités à trouver des solutions, mais meilleures que celles qu'on a actuellement dans plusieurs d'entre elles.

Le Président (M. Kieffer): C'est fini, M. le député? Est-ce que ça appelle une réponse...

M. Rioux: Non.

Le Président (M. Kieffer): Ça se trouvait à être le commentaire et la question. Mais, M. le ministre, allez-y.

M. Rioux: Oui. Et, d'ailleurs, ce commentaire m'en suggère un autre. D'abord, j'aime mieux cette question-là que celle d'hier à l'Assemblée. Celle d'hier à l'Assemblée, ce n'était pas une question, c'était une accusation. Mais aujourd'hui je constate...

M. Beaudet: M. le Président, il est hors d'ordre.

M. Rioux: Je suis «borderline».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: Mais je voudrais dire au député qu'il ne faut pas se fermer à ces formules-là qui s'offrent à nous et qu'on doit les examiner sérieusement. Mais ce que j'aime dans ce que vous dites, c'est que l'effort doit être fait par les municipalités elles-mêmes. Ce n'est pas au gouvernement du Québec de leur trouver la formule miracle qui va s'ajuster à leur municipalité. Mais on souhaite ardemment qu'elles trouvent leurs solutions elles-mêmes. Ça peut être l'économie mixte, mais ça peut être d'autres choses aussi.

Le Président (M. Kieffer): C'est terminé, M. le ministre?

M. Rioux: Oui.

Le Président (M. Kieffer): D'autres questions? M. le député de LaFontaine.


Possibilité de confier à la Commission des normes du travail la gestion de la politique d'équité salariale

M. Gobé: Là on change de sujet encore. Je pense qu'on rentrerait maintenant... Il y a juste sur les normes du travail. J'avais une courte question là, je ne pense pas que ça amène un grand débat. Il n'y a aucuns crédits qui sont prévus pour la Commission des normes autres que ce qu'il y a actuellement alors qu'ils viennent d'avoir ou ils vont avoir un mandat sur l'équité salariale. Il y a un projet d'équité salariale actuellement dans l'air. Qui va financer ça, là? Est-ce que c'est le 0,8 %, le 0,08 % ?

Le Président (M. Kieffer): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, j'aimerais dire au député de LaFontaine que la Commission des normes est financée totalement par les employeurs, par la cotisation des employeurs, alors c'est pour ça que n'apparaissent pas de crédits très détaillés à son sujet. Mais c'est quand même une entreprise, la CNT, qui donne des services à tous les salariés du Québec et aux employeurs du Québec non couverts par des conventions collectives. La CNT, là, si ça n'existait pas, il faudrait l'inventer. C'est une organisation très importante dans la gestion des relations de travail que j'appelle non organisées, au sens du Code. Deuxièmement, il est vrai qu'on a évoqué la possibilité que la Commission des normes soit l'organisme qui gère la loi sur l'équité salariale.

M. Gobé: C'est ça.

M. Rioux: Mais, aussi, on a pensé à un autre organisme, c'est la Commission des droits et libertés de la personne. Le cas de la CNT a été soupesé, je l'avoue, mais la réflexion porte surtout, par ces temps-ci, vers la Commission des droits et libertés de la personne. C'est possible – pour être plus complet encore, suite à la question du député de LaFontaine – qu'on atterrisse ailleurs qu'à la CNT ou à la Commission des droits et libertés. Mais je peux dire au député qu'avant qu'on crée un organisme nouveau on va fouiller dans ce qu'on a présentement.

Le Président ( M. Kieffer): Merci, M. le ministre. Il y avait le député d'Argenteuil.

M. Gobé: Non, bien je n'ai pas fini, là.

Le Président (M. Kieffer): Est-ce que c'est une courte complémentaire?

M. Gobé: Oui, bien, rapidement, parce que, écoutez, c'est important, je pense que...

Le Président (M. Kieffer): Merci.

M. Gobé: Dans le discours du ministre et du gouvernement, on parle de simplifier, on parle d'éviter, là, toute cette lourdeur et cette complication administrative des lois du travail et de la fiscalité. Là on envisage de donner à la Commission des droits de la personne la gestion ou la réglementation d'une loi qui touche toutes les entreprises, tous les entrepreneurs. Est-ce qu'on ne serait pas mieux de conserver ça dans le ministère du Travail, où les gens sont qualifiés, ils savent de quoi ils parlent? On va éviter de se retrouver encore avec des dédoublements d'un bord puis de l'autre, un comité qui va faire des études pour donner à l'autre qui va le supporter. Ça, ça me semble totalement irréaliste et irresponsable. Il me semble que le ministre fait bien de nous en parler maintenant, il devrait s'objecter, absolument, au sein de ce Conseil des ministres, à ce que ça sorte de chez lui, et je suis d'accord avec lui qu'il ne faut pas créer non plus une nouvelle commission. Mais je pense que la Commission des normes, qui avait été envisagée, peut certainement remplir, à très faible coût, cette nouvelle mission. Et d'autant plus qu'il faudrait se poser la question: Est-ce qu'on va faire payer, à ce moment-là... À qui on va le faire payer, ce coût d'opération? La Commission des normes, vous dites, c'est les employeurs. Bon, est-ce qu'ils le savent que, si ça vient à la Commission des normes, ça va être eux qui vont payer?

M. Rioux: Oh oui!

M. Gobé: Bon. Si ça va à Commission des droits de la personne, qui va le payer? C'est le fonds consolidé de la province? Il va venir d'où, cet argent-là? Il va y avoir une taxe spéciale pour faire ça? Est-ce que c'est une taxe sur la masse salariale, c'est une taxe sur quoi, là? Alors, je pense que c'est un sujet quand même assez important. Et, moi, je crois que le ministre devrait s'objecter absolument à ce que ça lui échappe et conserver ça au sein de son ministère, pas se faire dépouiller de cette affaire-là. C'est fondamental.

Le Président (M. Kieffer): M. le député. Heureusement que c'était une courte complémentaire.

M. Gobé: Oui, mais elle est importante pour bien du monde, M. le Président, écoutez.

Le Président (M. Kieffer): Tout à fait. Je ne préjuge pas et je n'évalue pas non plus le contenu. M. le ministre.

M. Rioux: Ça fait partie de la marque de commerce du député de LaFontaine, de poser des bonnes questions. Moi, je n'exclus pas la possibilité que la Commission des normes du travail puisse gérer éventuellement la loi sur l'équité salariale. Je ne l'exclus pas. Mais ce que je dois faire comprendre au député, par exemple: encore faut-il que les parties le veuillent. Et les gens qui ont été rencontrés à ce jour, dans les syndicats, chez le patronat, les groupes, n'ont pas semblé opter pour la Commission des normes. Il faut être franc. Par ailleurs, lorsqu'on s'est mis à examiner comment la Commission des droits et libertés de la personne pourrait s'acquitter de cette mission, je pense que là aussi on découvre que l'organisme, avec toutes ses qualités, ce n'est pas sûr que ce soit l'organisme approprié non plus. O.K.?

M. Gobé: Ce n'est pas l'organisme.

M. Rioux: Mais je dis au député de LaFontaine: On est en train d'examiner s'il n'y aurait pas d'autres organismes qui pourraient assumer cette fonction-là. Mais, si, un jour, la gestion de la Loi sur l'équité salariale aboutit aux normes du travail – c'est une opinion personnelle – ça sera probablement le meilleur endroit. Ça, c'est une opinion personnelle.

Le Président (M. Kieffer): C'est tout, M. le ministre? Merci. Je cède maintenant la parole au député d'Argenteuil.


Mesures visant à éviter les licenciements collectifs

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Dans vos remarques préliminaires, M. le ministre, vous avez mentionné les fermetures d'entreprises sauvages, qui ont des conséquences importantes dans des régions et souvent pour toute la province. Par ailleurs, vous avez aussi mentionné votre intention d'en arriver à une réglementation qui ou pénaliserait ou assurerait une transition entre ces fermetures sauvages et afin de les éviter.

Permettez-moi de vous soulever juste une inquiétude quant à la réglementation additionnelle. Vous le savez probablement tout autant que moi, sinon beaucoup mieux, en France, actuellement, on vit des difficultés importantes avec les entreprises, parce que c'est très difficile et d'implanter une entreprise en France et de la fermer. Alors, les entrepreneurs, les bâtisseurs, au lieu d'aller se créer des problèmes éventuels, vont ailleurs. Et il serait malheureux qu'au Québec, par une réglementation qui serait, sur le plan humain, tout à fait souhaitable et à laquelle je serais le premier à concourir et avec laquelle je serais d'accord, les entrepreneurs, au lieu de venir ici, à cause des conséquences possibles devant une fermeture éventuelle, se dirigent plutôt ailleurs. Alors, si jamais on en vient à des réglementations, j'espérerais qu'elles prennent en considération cette notion que, maintenant, on n'est plus limité à un secteur très particulier de la terre pour faire nos affaires, qu'on fait face à une globalisation et que les entreprises, ça se déplace maintenant presque aussi rapidement que l'argent sur les ordinateurs. Alors, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Quelle sorte de réglementation vous aimeriez envisager pour éviter les fermetures sauvages qui sont brutales et traumatisent tant de familles et de gens dans nos milieux?

(11 h 30)

Le Président (M. Kieffer): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, je suis content qu'il y ait concordance de vue entre nous, M. le député. C'est que j'essayais de réfléchir, dans ces quelques mots que j'ai adressés au début de la commission. J'essaie de lutter contre les gens qui sont des fervents de la pensée unique, pour qui le développement économique, ça passe par la voie royale du néolibéralisme, où ce qui est important, c'est de diminuer les revenus de l'État, sabrer dans les déficits, couper la main-d'oeuvre dans les entreprises, rationaliser pour maximiser les profits et faire en sorte que, même si on met du monde dehors à la pelletée, ce qui est important, c'est d'assurer la pérennité d'une entreprise en marchant sur la main-d'oeuvre.

Ce que je veux tout simplement dire quand je tiens ce discours-là, c'est que ce n'est pas vrai qu'on bâtit une économie en travaillant comme ça. Un jour ou l'autre, on va se faire rejoindre puis on va le payer cher. Moi, j'estime qu'on peut rentabiliser une entreprise tout en étant soucieux de la formation de sa main-d'oeuvre et d'une bonne gestion des ressources humaines.

Il est possible aussi de négocier avec des syndicats, intelligemment, une rationalisation des opérations, de sorte que l'entreprise marche bien mais qu'en même temps on valorise les travailleurs. Moi, je n'ai pas rencontré – puis j'ai fait le tour du Québec plusieurs fois, M. le Président, pour donner des conférences sur la gestion des ressources humaines, parce que c'est ma spécialité – je n'ai pas connu un employeur au Québec, qui a valorisé son personnel, qui leur a donné plus de responsabilités dans le fonctionnement de son entreprise, qui a investi en collaboration avec l'État dans la formation et le recyclage puis le perfectionnement de sa main-d'oeuvre, qui a coulé à pic en cours de route. Je n'ai jamais vu ça. Alors, les spécialistes de la pensée unique qui disent que c'est en mettant le monde dehors qu'on développe une industrie, qu'on développe une économie, ce n'est pas vrai. Je n'ai jamais cru à ça et je ne commencerai pas à croire à ça aujourd'hui.

Cependant, pour répondre peut-être un peu à la réflexion que vous faisiez – et puis, sur l'essentiel, on se rejoint – il est dans l'intention du gouvernement et du ministère du Travail de simplifier la législation. Je vais vous donner un exemple. Il y a peu d'années, on ne pouvait pas signer de contrat de travail de six ans, de cinq ans. Ça n'existait pas, ça. Il y a quelques années, ça ne se négociait pas, la flexibilité et l'aménagement du temps de travail. Aujourd'hui, on commence à le faire. Il y a une nouvelle culture des relations de travail qui s'installe. Moi, je regarde juste – puis je veux en profiter pour leur rendre hommage – je pense juste à l'équipe de conciliateurs et de médiateurs au ministère, hein. Ça, c'étaient des gens de qui on ne parlait à peu près jamais et dont on n'a jamais su apprécier le travail immense. Vous retrouvez, au ministère du Travail, une pléiade de femmes et d'hommes d'une compétence incroyable, qui ont mis au point des formules de conciliation, de médiation, de négociation raisonnées, d'intervention et de prévention, qui ont mis sur la table toutes sortes de scénarios qui amènent même des employeurs et des syndicats dans des sessions de formation pendant les week-ends, pour leur montrer à se parler, à dialoguer ensemble puis à essayer de se comprendre.

La médiation préventive, c'est devenu maintenant ce que j'appelle la façon moderne de jaser entre syndicat et employeur. Un employeur qui met ses viscères sur la table puis qui dit à ses syndiqués: Voici ma situation, voici les livres, là, regardez ça; vous demandez 3 %, on va avoir de la misère un peu. Ça se discute, ça. Ça se discute, ça. Il y a des employés, après 15 ans d'expérience dans une shop, ils aimeraient ça changer de travail, ils aimeraient ça être affectés à faire d'autres choses, ils aimeraient ça que l'employeur leur dise: Mon vieux, tu vas aller te recycler, on va t'affecter à d'autres choses, tu vas être encore plus productif et plus motivé.

La motivation au travail. Être heureux de rentrer là-dedans le matin puis être conscient que tu participes au développement d'une entreprise, et tu t'en sens un peu partenaire. On a du millage à faire, mais, moi, je vous dis qu'au ministère on a tout ce qu'il faut pour aider ce monde-là. Qu'ils s'en servent, on est prêt à les aider, on est prêt à les accompagner, on est prêt à leur parler, à les rencontrer. C'est ça, la vocation du ministère du Travail. C'est un ministère neutre. Ce n'est pas le ministère des syndicats puis ce n'est pas le ministère des employeurs, c'est le ministère des deux. On est là pour travailler avec eux.

Le Président (M. Kieffer): Vous avez terminé, M. le ministre? Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui, merci, M. le Président. J'aimerais savoir de la part du ministre, en fait, comment, à l'intérieur du ministère, vous percevez le paritarisme, comment ça doit se vivre, tout ça, d'une part. Et j'aurais une deuxième question – parce que je sais qu'il nous coupe assez facilement – qui n'a rien à voir avec ça, aussi, et ma deuxième question sera sur le salaire minimum, si vous aviez l'intention de l'augmenter. Alors, dans un premier temps, un premier concept... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kieffer): Mon Dieu! j'ai une mauvaise réputation, madame.

Mme Vermette: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kieffer): Ha, ha, ha! M. le ministre.


Fonctionnement du paritarisme

M. Rioux: M. le Président, vous allez me permettre d'évoquer un bon souvenir. Je me souviens, lorsqu'on était un peu plus jeune, qu'on réfléchissait sur le nombre de personnes qui se faisaient tuer sur les chantiers, l'insécurité terrible qui existait dans les industries comme la construction et d'autres. Et on se disait: Comment faire pour arrêter cette folie? Et je me souviens d'avoir rencontré M. Castonguay à l'époque, qui était membre du gouvernement, et on en avait discuté ensemble. Et, lorsqu'il a quitté la politique, il avait rédigé un beau rapport, un sacré beau texte que j'avais lu, et, Pierre Marois, qui était ministre des Affaires sociales, ministre d'État au Développement social dans le gouvernement de René Lévesque, on l'avait convaincu que le moment était venu de passer une loi sur la santé et la sécurité au travail: Il faut faire quelque chose. Et les péquistes se vantaient d'être des sociaux-démocrates avec un préjugé, comme disait M. Lévesque, favorable aux travailleurs. Bon, bien, j'ai dit: C'est le temps de le prouver.

Et, en 1979, on a voté la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Ça aussi, ça n'a pas commencé très vite. Ça a commencé durement, à part de ça. Les employeurs n'étaient pas chauds, chauds là-dessus. Les syndicats n'avaient pas une grosse pratique de se parler paritairement entre employeurs et travailleurs. Mais je dois vous dire que, même si la Commission de la santé et de la sécurité du travail a été, à un moment de sa vie, assez peu sortable, parce qu'elle avait des difficultés considérables, le paritarisme qu'on a vécu au Québec est assez exemplaire. Non seulement faut-il le consolider, mais il faut le développer, et ce qui se vit à la CSST est assez merveilleux. Ce n'est pas parfait. Loin de moi l'idée de dire que c'est parfait. Mais ça nous a permis au moins de comprendre une chose, c'est qu'après ces années-là le moment est venu d'améliorer le fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Quand vous regardez les étapes – et le député de LaFontaine le sait mieux que quiconque – là, si on regarde les étapes qu'un travailleur doit franchir avant d'obtenir justice, il a le temps de devenir fou. Et il n'est plus malade physiquement, après trois ans ou quatre ans ou cinq ans, il est malade mentalement, parce que le système a réussi à le dévorer vivant. On a eu des rencontres, on a réussi à se parler, avec la CSST. On va alléger la législation. On va essayer de faire sauter cinq, six étapes qui vont permettre à un travailleur qui est blessé, en dedans de six mois, un an, d'obtenir justice. Ça n'a pas de bon sens que le régime actuel soit aussi lent, aussi lourd et aussi coûteux, aussi, disons-le, et on s'en va vers des modifications qui vont faire plaisir à l'opposition et au parti gouvernemental, c'est sûr, parce qu'on va donner un grand coup.

(11 h 40)

On a l'expérience. Le paritarisme est une réussite malgré ses difficultés. C'est une réussite, et ces gens-là se parlent et c'est eux autres qui gèrent la CSST. Le président est en haut comme président de tribunal, mais il gère les deux parties, et on peut dire que, sous la présidence de notre président actuel, la CSST est sortie de l'ornière. Aujourd'hui, elle affiche des surplus et, d'ici quelques années, elle aura réglé ses déficits. Mais tout ça, M. le Président, en terminant, pour vous dire que les travailleurs ne sont pas oubliés. La raison d'être de la CSST, c'est de faire en sorte que quelqu'un qui, un jour, par malheur, est blessé puisse retourner le plus vite possible sur le marché du travail, puis, sinon, bien, qu'il ait droit à une réparation efficace, puis aussi à un dédommagement. C'est ça, se comporter comme du monde civilisé à l'endroit des travailleurs accidentés.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Marie-Victorin, vous pouvez préciser votre deuxième question?


Révision du salaire minimum

Mme Vermette: Alors, ma deuxième question est à l'effet, à savoir si... À chaque année, au mois de juin, on annonce une augmentation du salaire minimum. Avez-vous l'intention, en fait, cette année, d'apporter cette nouvelle-là ou de regarder ça différemment?

M. Rioux: La réponse va être courte. Je suis en train d'examiner quelques scénarios. J'en ai discuté avec M. le président de la Commission des normes, on est en train d'examiner ça très sérieusement ensemble et aussi avec le personnel du ministère du Travail. Et, cette année, il faut examiner la question du salaire minimum en mettant en perspective aussi toute l'incitation qu'on veut garder pour retourner le plus grand nombre d'assistés sociaux aptes au travail, essayer de les réintégrer en emploi. Mais vous me permettrez, M. le Président, pour aujourd'hui, d'être assez discret quant au salaire minimum. Je sais qu'il y a des gens qui sont en attente de la position du gouvernement là-dessus, mais probablement que je ferai une recommandation au Conseil des ministres d'ici un mois et demi. Je sais que ce n'est pas satisfaisant pour la députée de Marie-Victorin, mais...

Mme Vermette: Mais ce qui me rassure...

M. Rioux: ...à l'impossible, nul n'est convié.

Mme Vermette: Mais ce qui me rassure, M. le ministre, c'est la démarche que vous êtes en train d'entreprendre, parce que, en fait, ce qu'on entend très souvent dans nos comtés, c'est que le salaire minimum est trop haut ou, en tout cas... Et puis il n'y a pas d'incitatifs pour les gens qui sont sur l'aide sociale de vouloir aller travailler. Il y en a d'autres qui trouvent que, finalement, ce n'est pas assez, alors, c'était dans ce sens-là. Alors, ça me réjouit... qu'il est trop bas... Enfin, non, en tout cas, ça dépend pour qui, là...

Le Président (M. Kieffer): Qu'il était trop bas initialement, on avait tout compris.

Mme Vermette: Trop bas... Oui. Alors... Mais ça me réjouit de voir, par contre, que vous ne prenez pas ça à la légère, tout simplement comme un cadeau politique à la fin d'une session, mais plutôt de le prendre dans une approche plus globale, en fait, avec toutes les préoccupations que nous avons, en tant que société, d'équité et de justice sociale.

M. Rioux: Parce que les employeurs ont fait des représentations. Moi, j'ai rencontré les gens du patronat québécois, et puis ils ont des idées intéressantes à ce sujet. Il y a bien des employeurs qui aimeraient être capables d'être fixés, sur une période de trois ans, quant au salaire minimum sur deux ans. Il y en a qui n'aiment pas voir le salaire minimum augmenter à chaque année parce que ça les empêche d'organiser leurs affaires en conséquence. Par ailleurs, il y en a qui prétendent que proposer au gouvernement et accepter que le salaire minimum soit planifié avec des augmentations successives sur... Il y en a qui sont violemment contre ça. Alors, on va regarder ça très, très sérieusement, parce que, vous savez, le salaire minimum arrive cette année en même temps qu'il y a un immense chantier sur l'emploi, suite à la conférence sur l'avenir économique et social du Québec qui a été convoquée par le premier ministre il y a quelques semaines. Et nous sommes intégrés à ces équipes de travail, le ministère, et on aura aussi à faire nos travaux là-dessus. Mais, quant au salaire minimum comme tel, c'est un dossier que je traite, là, de façon privilégiée, avec le président de la Commission des normes qui est ici présent.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le ministre. Alors, je redonne la parole au député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci, M. le Président. Là, il reste 15 minutes, j'aurais peut-être eu trois questions assez rapides à poser au ministre.

M. Rioux: Bien, vas-y.

M. Gobé: D'abord, j'aurais aimé ça qu'il nous fasse le point – je comprends qu'il ne peut pas nous donner la réponse finale mais... – sur, actuellement, les négociations dans l'industrie de la construction, premièrement. Deuxièmement, vous avez mentionné, M. le ministre – et c'est un secteur où beaucoup de gens, beaucoup de personnes sont, des fois, dans des conditions précaires – l'intention de toucher les décrets de convention collective, à l'extension des décrets de convention collective. Et vous dites que ça va être difficile, qu'il va falloir faire preuve de courage, que ça va demander un certain courage – c'est vos mots – j'en suis conscient moi aussi. Alors, est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous vous préparez à déposer un avant-projet de loi ou un projet de loi? Et, aussi, en terminant, il y avait ce point de l'IRIR, mais on en a parlé tout à l'heure, est-ce que vous voulez peut-être plus nous éclairer? Vous entendez le faire? Ce serait intéressant que vous nous le disiez peut-être plus profondément. Mais les deux premières sont très importantes, je pense.

M. Rioux: M. le Président, on va tout faire ça dans quatre minutes.

Le Président (M. Kieffer): Oui, c'est ça, attendez une minute, M. le ministre. Je vois poindre à l'horizon une nouvelle stratégie qui consiste à...

M. Gobé: Non...

Le Président (M. Kieffer): ...accumuler les questions.

M. Gobé: ...il n'y a pas de... Non, non, il n'y a pas de stratégie.

Le Président (M. Kieffer): Monsieur...

M. Gobé: Il y a l'heure qui tourne puis j'aimerais ça, conclure... Si vous voulez donner une heure de plus, moi, je peux bien revenir. C'est parce que c'est dans l'intérêt général, on est là puis...

Le Président (M. Kieffer): M. le député...

M. Gobé: ...j'ai laissé le temps à tout le monde de parler le plus possible, j'aimerais avoir des réponses.

Le Président (M. Kieffer): M. le député, merci. Alors, vous savez très bien que nous sommes limités...

M. Gobé: Il n'y a pas de stratégie.

Le Président (M. Kieffer): ...à deux heures. Je sais qu'il y a aussi une question du côté du groupe parlementaire au pouvoir. Je demanderais au ministre de répondre à vos questions mais de prévoir aussi qu'il y a une dernière question qui viendrait du député de Saint-Jean. Alors, M. le ministre, c'est à vous la parole.


Modifications aux décrets de convention collective

M. Rioux: Sur la Loi sur les décrets de convention collective, il y a un mémoire de prêt. On devrait être capable de légiférer, si ce n'est pas au printemps, ce sera à l'automne. C'est un sujet immense, complexe, vous n'avez pas idée. Le député l'a souligné et il a raison. Mais, par ailleurs, on n'a pas le choix, il faut bouger là-dessus.

Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a fait des recommandations au ministre. Et je vais vous annoncer une bonne nouvelle, les syndicats et le patronat ont fait consensus autour du projet qu'on va déposer. Ce n'est pas rien. Ils se sont parlé franchement et directement et c'est tout à leur honneur.

Je pense, M. le Président, qu'on va devoir bouger là-dessus puis je suis content de la question. On ne peut plus trop, trop retarder ça. Le Conseil consultatif a probablement un autre avis qu'il devra me formuler d'ici quelques jours et on devrait aller de l'avant avec cette question immense. Ce n'est pas croyable comme c'est... Ça touche les rapports collectifs de milliers, de centaines de milliers de personnes, c'est inimaginable.

Le Président (M. Kieffer): Attendez une minute. Est-ce que vous avez fini parce qu'il y avait comme deux ou trois questions là-dedans.

M. Rioux: Quatre.

Le Président (M. Kieffer): Quatre. M. le député de LaFontaine, laissez-le terminer la réponse aux quatre questions. S'il y a du temps après, j'y reviendrai.

M. Rioux: Parce que, oui, je termine avec ça. C'est 126 000 personnes, ce n'est pas rien.


Négociations dans l'industrie de la construction

Dans l'industrie de la construction, on a créé la commission de médiation. On a essayé de prendre nos responsabilités. On a pris nos responsabilités en demandant aux parties patronale et syndicale dans l'industrie de prendre les leurs. Ils nous ont demandé, en 1993, de ne pas se mettre le nez là-dedans. On leur a dit: Bien, vous avez une chance, là, de nous prouver que vous êtes capables.

Il y en a qui aurait aimé ça qu'on intervienne par législation puis qu'on règle ça. Non, ça ne marche pas de même. Il y a trois autres secteurs qui sont en négociations. Je ne peux pas vous dire que ça va très mal puis je ne peux pas vous dire non plus, compte tenu des dernières informations, que ça va, que tout est beau puis qu'on va en arriver à une entente avant le 15 mai. Mais il y a une date butoir, pour le secteur résidentiel, puis, après ça, on verra.

Mais, en même temps que le domaine résidentiel évolue dans sa négociation, bien, les autres secteurs aussi, tant et si bien qu'ils vont tous converger, à un moment donné, vers soit la porte d'entrée soit la porte de sortie. Mais on suit ça attentivement. Je peux dire au député de LaFontaine que ça, c'est un sujet qui est prioritaire et qui a retenu notre attention dès le départ. Aussitôt que je suis arrivé là, on a été confronté à ça.

(11 h 50)

Mais, même si certains échevelés dans l'industrie ont dit qu'on se traînait les pieds là-dedans et que le ministre du Travail n'a pas pris ses responsabilités, ça, c'est des propos d'invertébrés. D'ailleurs, ça nous a coulé sur le dos comme l'eau sur le dos d'un canard. On a fait notre job et c'est ça qui a mis un certain nombre de personnes en rogne, puis on a fait ça discrètement. Comme disait Thomas d'Aquin: «La vérité ne fait pas de bruit.» Alors, c'est de même qu'on a travaillé.

Le Président (M. Kieffer): Ça va? C'est complet, votre réponse? Je cède maintenant la parole au député de Saint-Jean.


Présence des femmes dans l'industrie de la construction

M. Paquin: En fait, j'ai apprécié passablement le climat dans lequel on a travaillé, j'en remercie le député de l'opposition. Et je veux noter aussi que beaucoup des questions qu'il a posées, ce sont des questions que j'avais aussi, alors il y avait comme une concordance au niveau des préoccupations. Comme il ne reste pas beaucoup de temps et que j'avais le choix entre le travail au noir et le travail au rose...

M. Gobé: Tu a pris le rose?

M. Paquin: On va parler du travail au rose. Alors, la présence des femmes, par exemple, dans l'industrie de la construction, je pense qu'il y avait des situations à corriger, puis la loi 46 a donné à la CCQ l'obligation d'élaborer des mesures qui visent à favoriser l'accès des femmes au domaine de la construction. Et on pourrait aussi élargir peut-être la question aux autres domaines non traditionnels. Qu'est-ce qui a été réalisé en ce sens depuis un an et qu'est-ce qui est sur la planche à dessin pour l'année qui vient?

M. Rioux: Oui. On ne peut pas dire que les femmes sont envahissantes dans le domaine de l'industrie de la construction, il y en a à peu près 250. Ce sont là des femmes qui exercent des métiers non traditionnels, vous l'avez bien compris. Mais je vais vous dire ce que je souhaiterais. Je souhaiterais que, pour toute petite PME de 10 personnes et moins, il y ait au moins une femme. C'est rien que des gars là-dedans. C'est une industrie d'hommes, il ne faut pas se raconter d'histoires. Mais il reste que c'est à l'étude, ça, cette question-là. La CCQ réfléchit à ça, et tous ceux qui touchent de près ou de loin à la construction essaient de voir comment on pourrait faciliter l'entrée, sur le marché du travail, dans l'industrie de la construction, aux femmes. Comment on accède à cette industrie-là? Qu'est-ce qui pourrait être fait concrètement? Comment lutter contre la discrimination? Parce que, pour un entrepreneur ou les dirigeants syndicaux dans l'industrie, moi, je ne suis pas sûr qu'ils se réveillent la nuit pour faire faciliter l'entrée des femmes dans l'industrie de la construction. Je ne veux pas les accuser. Au contraire.

Il y a donc un objectif de redressement de ce côté-là, M. le Président, et on va essayer de favoriser l'accès à l'information, on va essayer de favoriser l'accès à la formation des filles et des femmes qui veulent travailler dans cette industrie-là. On va essayer d'alléger le nombre d'heures pour avoir accès à la qualification. On a vraiment quelque chose à faire avant d'atteindre le chiffre de 1 000 femmes dans l'industrie sur 100 000. Je ne pense pas qu'il y ait de menace, mais c'est une évaluation qui va être faite. Et on va essayer, nous autres, de produire le plus rapidement possible des indications claires, comme ministère, à nos organismes qui oeuvrent dans l'industrie – je pense à la Régie du bâtiment du Québec, qui sont ici aujourd'hui, je pense à la Commission de la construction du Québec – et tout ce monde-là doit se mettre à l'oeuvre. Puis ce n'est pas offensant de dire ça devant la Régie du bâtiment du Québec et la Commission de la construction du Québec. Jusqu'à maintenant, ça n'a pas été dans leur culture. Mais là il faut se mettre à l'oeuvre et il faut bouger de ce côté-là, et on a l'obligation de bouger vite. Une femme qui travaille dans l'industrie de la construction, il faut se mettre dans la tête que c'est normal, alors qu'on voyait ça comme incongru il y a moins de deux ans.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean, si vous voulez formuler votre question sur le noir, vous auriez le temps.

M. Paquin: Bon, bien, disons qu'il reste cinq minutes...

Le Président (M. Kieffer): On a commencé à 10 h 5.

M. Paquin: Une petite question exploratoire, à ce moment-là, puis ça va permettre au ministre de répondre sur l'ensemble de la question du noir.

Le Président (M. Kieffer): Allez-y.


Mesures visant à enrayer le travail au noir

M. Paquin: Bon, alors, en fait, qu'est-ce qui s'est fait, au niveau de la construction en particulier, pour lutter contre le travail au noir et qu'est-ce que le gouvernement compte faire, dans l'année qui vient, là-dessus? Parce que, on le constate sur le terrain, il y en a encore beaucoup. Il y a même des dispositions qui, finalement, encouragent presque des gens à aller au noir plutôt que de rester dans l'économie non parallèle. Alors, je pense que c'est une question peut-être que vous pourriez aborder brièvement, compte tenu qu'on n'a pas beaucoup de temps.

M. Rioux: Je voudrais rappeler vite, vite, vite que le budget Campeau nous avait donné déjà un premier signe. Il avait donné des contraintes au parti gouvernemental de bouger dans cette direction-là, et le plus tôt possible, parce que le gouvernement veut lutter contre l'économie souterraine, il veut lutter contre le travail au noir. Et, au ministère du Travail, M. le député de Saint-Jean, il y a déjà un comité interministériel qui y travaille. J'ai pris connaissance d'un premier rapport. Jacques Henry et moi – où est-ce qu'il est Jacques? il est là – on s'en est parlé très, très, très souvent et les choses vont assez bien, vont assez bien. Mais là où on est obligé d'accélérer, c'est que, dans le groupe de travail qui a été formé par M. Bouchard... Et, suite au sommet, au sommet sur le développement social et économique du Québec, il y a eu un chantier d'élaboré, puis le travail au noir est au coeur de ce chantier-là.

Intéressant aussi, M. le président, il y a des gens qui sont venus me rencontrer pour me donner leur théorie et expliquer leur théorie sur comment bannir le travail au noir dans l'industrie de la construction. Je vous jure qu'il y en a qui ont des idées intéressantes. Il s'agira de voir avec la CCQ, avec la Régie du bâtiment, qui, eux autres, ont une obligation incroyable... La Régie du bâtiment ne peut pas tolérer des entrepreneurs sans licence. La CCQ ne peut pas tolérer des travailleurs sans carte de compétence. Fort de ces deux éléments-là, si on se concerte un peu et si on se donne des mécanismes structurés de collaboration, moi, je vous dis, on peut faire du millage assez vite. On a ce qu'il faut. Avant ça, on disait qu'il manquait la volonté politique. Elle est là, la volonté politique. Ce qu'il faut maintenant, c'est mettre nos organismes, qui sont à notre disposition, les mettre en marche, les mettre au travail. Puis ils sont tous convaincus. Moi, je pense aux électriciens, par exemple, c'est devenu les ténors contre le travail au noir. Alors, j'écoute ça, voyez-vous, avec un frisson dans le dos. Ça fait plaisir que des organismes comme ceux-là, du côté patronal, aient des préoccupations de cette nature. En compagnie de gens comme ça, je pense qu'on peut bouger, on peut bouger rapidement et très bien. Je pourrais vous en dire bien long, mais c'est assez. On y reviendra.


Remarques finales

Le Président (M. Kieffer): Merci M. le ministre. Si vous voulez, à la fois l'opposition et M. le ministre, présenter vos remarques finales, s'il y a lieu, il va me falloir le consentement de la commission pour dépasser midi. On peut le faire de toute façon, nous avions débuté à 10 h 5, mais il me faut le consentement.

M. Gobé: Oui, deux ou trois minutes chacun.

Le Président (M. Kieffer): Alors, j'ai le consentement pour dépasser midi? Oui, ça va, de part et d'autre? Alors, je vous cède la parole.

M. Gobé: Oui, vous l'avez. Il n'y a pas de problème. Vous pouvez l'avoir jusqu'à une heure si vous voulez.

(12 heures)

Le Président (M. Kieffer): Vous savez comme moi que la règle nous limite à 2 heures en tout, M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui, alors, merci, M. le Président. Vu que ça va servir de remarques finales, je dois dire que l'exercice d'aujourd'hui est un exercice assez particulier pour une étude de crédits, où, en général, on fait plutôt l'étude des dépenses du ministère. Il semblerait que, le ministère ayant déjà fait ses devoirs dans les années précédentes en termes de compression et de restructuration de personnel et autres domaines liés à son administration, il m'était plus important d'aller voir maintenant ce qu'il voulait faire. Parce que, si les citoyens nous demandent de vérifier les crédits, l'argent, encore faut-il que nous vérifiions à quoi ils servent. Et je ne pense pas seulement à l'achat de gommes à effacer, de crayons ou de téléphones cellulaires. Ça peut être certaines questions, certains secteurs à questionner dans certains ministères plutôt que d'autres. Mais dans celui-là je pense qu'il était de notre responsabilité d'aller plus vers le fond des choses.

Je me pose la question quand même. On sait qu'il y a actuellement une somme de 100 000 000 $ pendante, au Conseil du trésor, de coupures peut-être additionnelles qui pourraient venir dans l'année. Il faudrait souhaiter que le ministre soit vigilant et ne se retrouve pas avec des crédits périmés ou des... D'accord. Parce que, le 100 000 000 $, il faudra aller le chercher quelque part. Il ne tombera pas du ciel. Ou alors le ministre peut-il peut-être aller vers la tarification? On ne le sait pas. À titre d'exemple, les services de conciliation feront peut-être dans l'avenir l'objet de tarifs qui seraient à payer par les parties ou une partie des deux. Peut-être que c'est une avenue qui pourrait être amenée. On ne le sait pas encore. Alors, ce sera à suivre dans les prochains mois. Je remarque que, sur les principaux dossiers de l'heure, le ministre semble vouloir y mettre son attention, et que ses fonctionnaires sont là. Et, en ce qui concerne particulièrement les aménagements, les changements, assouplissements, modifications de Code du travail, législations, organismes comme CSST dans son fonctionnement, ça semble être une direction qui correspond à la réalité de tous les jours, bien que, on se rende compte en discutant, que, une loi comme l'équité salariale pourrait être encore... Il y a encore des gens qui pensent emmener ça à droite, à gauche, là, qui n'ont pas forcément compris le message du guichet unique, là, qu'il devrait y avoir. Le ministre en a déjà parlé, d'ailleurs, le premier ministre aussi.

Alors, ce serait donc d'être vigilant là-dessus. Pour le reste, je souhaiterais, moi, que le ministre, dans les changements importants, de mandats d'organismes comme la CSST ou on parlait des décrets d'extension de conventions collectives ou du Code du travail, que le ministre n'hésite pas à recourir aux consultations des commissions parlementaires.

Je pense que, dans ce Parlement, depuis 11 ans que je suis là, j'ai participé à nombre et moult consultations publiques, semi-publiques, sur invitation, ou simplement de groupes de travail de députés, venant de la part de demandes de la part de ministres qui cherchaient à être mieux éclairés, mieux assis dans les réformes qui touchent la population dans son ensemble. Et, par exemple, l'extension des conventions collectives, des décrets, je pense, est un domaine particulier: ça touche 160 000 presque, peut-être un peu plus, de personnes. Je pense que les parlementaires que nous sommes, qui sommes tous les jours, quel que soit notre côté de la Chambre, confrontés à des problèmes, des demandes, des récriminations, ou des exemples de situations malheureuses de la part de ces gens-là, nous puissions peut-être être associés en faisant écouter, peut-être, le Conseil consultatif du travail en commission, ou d'autres organismes que la commission jugerait bon, peut-être, de vouloir entendre.

Alors, ce serait peut-être un souhait que j'émettrais, au nom de l'opposition, que nous soyons le plus possible, et je pense que ça fait plaisir... Mais, la députée, elle, le sait. Elle a participé aussi depuis de nombreuses années à ça: le rôle important du parlementaire.

Le Président (M. Kieffer): En conclusion, M. le député.

M. Gobé: Alors, voilà. Pour conclusion, j'aimerais ça la faire durer plus longtemps, mais, malheureusement, on va respecter le temps. Alors, je tiens à dire au ministre qu'on va le suivre, faire notre travail d'opposition pendant le restant de l'année. On sera vigilant. Quand il s'agira de collaborer pour le meilleur intérêt de tout le monde, on va le faire; quand il s'agira de, malheureusement, le dénoncer ou s'opposer dans l'intérêt général de la population et des travailleurs, bien, nous le ferons aussi. En attendant, nous réitérons notre collaboration.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le député. M. le ministre.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Je reste, M. le Président, convaincu que les liens organiques qui doivent exister entre les relations de travail et la performance des organisations, c'est majeur. La compétitivité, les gains de productivité dont j'ai parlé au début de mon discours, ça ne laisse plus aucun doute, ça.

Il s'agit de sortir de l'ornière, là, de notre longue tradition conflictuelle. On n'a jamais été capable de réfléchir en dehors de cette notion conflictuelle. Parce que le Code du travail est bâti sur un rapport de force. Puis on a toujours pensé que le meilleur moyen de régler un conflit, c'est par la force. Moi, je pense qu'il y a, en matière de relations de travail, des médecines douces qu'on va devoir explorer et des avenues à ce jour inédites qu'on va devoir emprunter. Et, ça, ça veut dire travailler dans le respect des uns et des autres.

Il y a des employeurs qui haïssent les syndicats comme ce n'est pas possible. Il va falloir qu'ils se mettent dans la tête qu'ils sont là parce que la loi le permet. Et, ça, ce n'est pas illégal, de se syndiquer. Puis c'est normal de se syndiquer. Il faut que les syndicats comprennent aussi que les créateurs d'emplois et créateurs de la richesse, il faut les aider et les soutenir si on veut la distribuer. Ça, il va falloir être habité par ce genre de problématique. Et je sais, et c'est ça qui est encourageant, je sais qu'il y en a qui sont prêts à ça.

Mon collègue, ici, qui a une pensée moderne en matière de relations de travail et qui me demande si on va consulter la commission parlementaire, oui, bien sûr. On n'ira pas se priver de l'apport de matière grise qu'il y a dans l'opposition pour aider le gouvernement à mieux légiférer ou à faire évoluer les lois du travail.

Alors, cette conception-là, statique, conflictuelle, axée sur le rapport de force, je dis: Bien, il faut maintenant se mettre dans la tête qu'il faut aller plus loin.

Je voudrais dire à tous les organismes qui se sont déplacés pour venir nous rencontrer et venir participer à la commission parlementaire... J'annonce une bonne nouvelle: Vous allez être tous mis à contribution, tous et toutes, Conseil des services essentiels, Régie du bâtiment, les normes du travail, la CCQ, l'IRIR, tout le monde va être mis à contribution dans leur sphère de compétence pour nous permettre de faire évoluer la législation.

On devient assez inconfortable quand on pense, M. le Président, et je termine avec ça, au nombre de personnes dont la seule protection est la loi des normes. Dans une société industrielle avancée comme le Québec, moi, je me dis qu'on a un coup de barre à donner. Il faut retourner examiner notre Loi sur les normes du travail et faire en sorte qu'elle soit suffisamment souple et moderne pour mieux protéger les gens qui n'ont pas la structure syndicale, qui n'ont pas les lois pour faire valoir leurs points de vue et régler leurs griefs.

La Loi sur les normes du travail fait son possible dans la limite de ses moyens et de ses juridictions. Mais je pense qu'on ne doit jamais perdre de vue qu'il faut aider les travailleurs et les travailleuses, il faut demeurer constamment préoccupé de leur bien-être et, aussi, de leur développement et de leur mieux-être dans les entreprises. Et il faut dire aux employeurs que le ministère du Travail n'est pas là pour les enfarger, n'est pas là pour leur nuire. On est là aussi pour les aider. Puis ce que je souhaite, c'est que, d'un bord comme de l'autre, syndicat et patronat, opposition et gouvernement, tous les intervenants... Ils auront toujours une oreille attentive au ministère du Travail lorsqu'ils ont une idée porteuse d'espoir. Merci.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le ministre.


Adoption des crédits

Alors, ayant utilisé le temps absolu qui était alloué à la commission pour l'adoption des crédits, je dois maintenant mettre le programme aux voix. Alors, est-ce que le programme 1, Travail, est adopté?

M. Gobé: Adopté.

Le Président (M. Kieffer): Alors, adopté. Alors, la commission ayant accompli son mandat, j'ajourne ses travaux sine die. Et merci beaucoup à tous et à toutes.

(Fin de la séance à 12 h 8)


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