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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 25 octobre 1996 - Vol. 35 N° 22

Interpellation : La politique d'emploi du gouvernement


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Table des matières

Journal des débats


(Neuf heures cinq minutes)

Le Président (M. Sirros): Alors, mesdames et messieurs, j'aimerais déclarer la séance ouverte pour la commission de l'économie et du travail. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est, pour cette séance, de procéder à l'interpellation adressée à M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances par le M. le député de Bourassa sur le sujet suivant: La politique d'emploi du gouvernement.

Mme la secrétaire, pouvez-vous me dire s'il y a des remplacements, d'abord?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau (Bourassa) remplace M. Cherry (Saint-Laurent).

Le Président (M. Sirros): Merci. Je me permets également de vous rappeler brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation: dans un premier temps, l'interpellant, M. le député de Bourassa, aura un temps de parole de 10 minutes; il sera suivi de M. le ministre pour également 10 minutes; et, par la suite, pour des périodes de cinq minutes, la séquence suivante sera suivie: un député de l'opposition officielle, M. le ministre, un député du groupe ministériel; 20 minutes avant 11 heures, j'accorderai 10 minutes de conclusion à M. le ministre et un temps de réplique égal à M. le député de Bourassa. De plus, si un intervenant n'utilise pas entièrement le temps qui lui est alloué, ceci ne réduit pas pour autant la durée de l'interpellation. Enfin, le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser 11 heures. Alors, ainsi, comme on a débuté à 9 h 7, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de 11 heures, soit jusqu'à 11 h 7? Consentement.

Alors, sur ce, M. le député de Bourassa, vous avez la parole pour 10 minutes.


Exposé du sujet


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. L'opposition, à ce moment-ci, pose la question de l'emploi, interpelle le gouvernement sur l'emploi, dépose des motions dans le but d'obtenir de ce gouvernement des engagements fermes, un plan d'action sur l'emploi. Pourquoi? Bien, évidemment, parce que, dans une société, s'il y a de l'emploi, on est en route vers la prospérité, vers l'autonomie, vers le développement, les gens vont pouvoir être heureux dans la société. Mais, s'il y a moins d'emploi, comme c'est le cas maintenant, on s'en va vers l'appauvrissement, vers la dépendance et vers des problèmes sociaux énormes.

Pourquoi l'opposition insiste-t-elle sur l'emploi maintenant? Parce que, depuis les neuf derniers mois, le bilan net au niveau de l'emploi, c'est une perte de 54 000 emplois. Parce que le taux de chômage, au Québec, est rendu à 12,6 %, c'est-à-dire 2,7 % de plus que dans l'ensemble canadien, et, si on soustrait le Québec et qu'on regarde le reste du Canada, c'est 3,5 % de plus que nous avons de chômage au Québec. Le taux le plus élevé en 28 mois. Ça frappe les jeunes, ça frappe Montréal, ça frappe certaines régions. Le nombre d'emplois créés dont parle le ministre souvent, eh bien, il n'est pas capable de compenser pour le nombre d'emplois que l'on perd, que l'on détruit. Alors, c'est des conséquences dramatiques pour les uns et les autres.

Pourquoi maintenant l'emploi? Parce que, dans quelques jours, il va y avoir un sommet à Montréal, un sommet sur l'emploi. À la conférence de mars, on s'est quitté le dernier jour en se donnant rendez-vous sur l'emploi, pas rendez-vous sur les finances publiques et 10 autres questions, rendez-vous sur l'emploi. Les attentes de la population au chapitre de l'emploi, les attentes des partenaires, elles sont très élevées. Les femmes, les jeunes, les groupes qui représentent la main-d'oeuvre attendent du concret. C'est pour ça qu'ils ont consenti à des sacrifices, c'est pour ça qu'ils ont dû avaler des coupures et accepter ou subir des hausses de taxes, M. le Président, parce qu'il y a une contrepartie qui leur a été promise: l'emploi. On attend le gouvernement là-dessus.

Le 16 octobre, l'opposition a soulevé un débat, a déposé une motion à l'Assemblée demandant au gouvernement de déposer en toute urgence un plan d'action pour l'emploi, de cesser d'en parler et de le faire. Il a toutes les données pour le faire. L'opposition a souligné que, à la source de l'emploi, il y a l'investissement, il y a l'entrepreneurship, il y a le goût et la décision d'entreprendre et d'investir ici plutôt qu'ailleurs. Mais les investissements sont en baisse actuellement: investissements globaux, investissements privés, investissements étrangers. Le Québec n'a pas sa part actuellement. D'où nos problèmes d'emploi.

(9 h 10)

Quelle a été la réplique du gouvernement par la bouche de la ministre de l'Emploi? Eh bien, d'abord, elle s'est étonnée qu'on soit préoccupé d'investissements. Elle a dit: Les investissements n'entraînent pas toujours de l'emploi. Elle a blâmé le fédéral, alors que la SQDM, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, le conseil d'administration lui dit: Arrêtez de regarder le fédéral, vous avez plein de leviers entre les mains ici, au Québec, et les investissements sont nécessaires pour la création d'emplois. C'est ce que lui dit la SQDM. La ministre s'étonne qu'on parle de ça. Mais, aujourd'hui, on a devant nous le ministre d'État à l'Économie et aux Finances, responsable du Revenu, responsable de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et aussi président du Comité ministériel de l'emploi et du développement économique.

Alors, j'aurais trois questions à soulever pour lancer ce débat. La première. Hier, le ministre a présenté la synthèse des opérations financières à mi-année. Ça fait six mois. Il a dit: Finalement, il y a un manque à gagner de 245 000 000 $ qu'on constate. Et quelle est la source de ce manque à gagner? Bien, principalement diminution dans les revenus autonomes, les revenus propres du gouvernement: au chapitre de l'impôt sur le revenu des particuliers, manque à gagner 265 000 000 $; taxe de vente au détail, 180 000 000 $ de manque à gagner qui ont été compensés par une augmentation nette des transferts fédéraux. Si bien qu'on arrive à dire: Bien, il y a un trou de 245 000 000 $. Si on regarde les revenus propres du gouvernement, c'est pire que ça, le trou est de l'ordre de plus de 300 000 000 $.

Alors, les conséquences, le ministre a été clair là-dessus, il a dit: Ça va être des compressions additionnelles. On va aller chercher, dans les six mois qu'il nous reste, des compressions, des coupures additionnelles dans les services et on va demander aux sociétés d'État de contribuer davantage. Comme ça, on va arriver à nos objectifs.

Ma question ce matin au ministre d'État de l'Économie et des Finances: Est-ce que le ministre ne pourrait pas reconnaître que le déclin continue malgré les annonces ronflantes d'investissements à gauche, à droite, les promesses dans le futur, etc.? Le déclin continue. La dérive continue. Si l'État collecte moins d'impôt sur le revenu et moins de taxes sur les ventes, est-ce que le ministre ne pourrait pas reconnaître que c'est parce que les gens travaillent moins ou bien parce que ceux qui travaillent se sentent dans l'insécurité, donc dépensent moins, ils gagnent moins et dépensent moins? Est-ce qu'il ne pourrait pas reconnaître ça, M. le Président, ce matin?

Ma deuxième question part du rapport de la Commission sur la fiscalité où il est rappelé que le Québec fait face à un chômage structurel plus élevé que le reste du Canada, en moyenne 2,5 % à 3 % de plus que le reste du Canada, à travers les différentes périodes. Parce que, souvent, le ministre dit: Écoutez, il y a des mois où c'est bon, des mois où c'est moins bon, la météo... Il ne faut pas s'exciter avec ça, il faut regarder les grandes tendances. Mais, si on regarde les grandes tendances, M. le Président, toujours le Québec est en retard et est en déficit de 2,5 % à 3 % par rapport au reste du Canada. Est-ce que le ministre pourrait nous dire, ce matin, comment son gouvernement va s'attaquer au problème du chômage structurel, ce noyau dur de chômage qui fait que le Québec est toujours en retard par rapport au reste du Canada de centaines de milliers d'emplois?

Troisième question. Le gouvernement a déposé, en vue du sommet, une mise à jour du cadre financier du gouvernement pour l'année en cours et les prochaines années. On s'aperçoit, dans ce cadre financier, que le gouvernement a dû réviser à la hausse sa prévision du taux de chômage pour cette année et pour les prochaines années et a dû réviser à la baisse sa prévision de création d'emplois pour 1996-1997 et pour les autres années, et c'étaient déjà des prévisions difficiles à supporter, au niveau de 11,5 %, 11,4 % de chômage. On en rajoute dans la prévision du ministre et on dit: La création d'emplois, ça va être plus difficile que prévu.

Comment le ministre, qui fait de tels constats gris et des prévisions aussi sombres pour les prochaines années, peut-il se présenter avec sérieux et sérénité devant le sommet pour l'emploi, devant un sommet pour l'emploi, et inviter tous et chacun à sortir de la morosité, alors que, à cause de sa propre politique budgétaire, il y a moins d'emplois au Québec, il y a des problèmes du côté des salaires, des problèmes du côté de la consommation, on reçoit moins au niveau de la taxe sur la vente au détail? Le ministre lui-même a dit: L'État québécois, actuellement, nuit à l'emploi. Alors, à cause de sa propre politique budgétaire, on recule, et, en raison de la stagnation ou de la chute au niveau des investissements, eh bien, il y a moins d'emplois, l'emploi est difficile, l'emploi est remis en question, la sécurité du revenu augmente, donc les finances de l'État sont sous pression. Comment le ministre peut-il se présenter devant le sommet et dire: Bien, on va encore serrer l'étau, et toujours plus, on va faire encore des coupures, des compressions, puis on va sortir de l'étau en serrant l'étau? Comment le ministre pourrait-il éviter de se rendre à l'évidence devant des faits têtus, comme aimait le dire un ancien premier ministre? Des faits têtus, c'est-à-dire que le bateau ne va pas dans le sens que l'amiral dit qu'il va actuellement, M. le Président.

Voilà les questions de base. Comment est-ce qu'on peut intéresser le secteur privé à investir dans le Québec, alors que, nous-mêmes, on désinvestit en nous-mêmes? C'est ça que nous propose le gouvernement à travers ses politiques budgétaires et à travers l'annonce d'autres compressions. Jusqu'où ça peut aller, ce genre de discours et ce genre d'action gouvernementale, et en même temps nous dire: Bien, on s'en va vers la création d'emplois, alors qu'on a sous les yeux des chiffres qui nous montrent que le bateau s'en va à la dérive, M. le Président, continue de s'enfoncer?

M. le Président, je pense qu'il faudrait de la cohérence, il faudrait surtout un plan d'action qui aille au coeur des enjeux, un plan d'action qui nous dise comment on va répondre aux défis de l'emploi. Mais le chômage structurel, M. le Président... Le ministre aime dire: Bien, moi, je ne vais pas m'exciter à tous les mois, des mois sont comme ci, des mois sont comme ça. Comment va-t-il attaquer le débat de fond, alors, puisqu'il ne faut pas s'exciter sur les statistiques mensuelles, d'après lui, encore qu'elles soient alarmantes parce qu'on s'en va vers une situation de plus en plus dure pour les jeunes et pour certaines régions, et pour la région de Montréal en particulier? Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le député de Bourassa. Avec ça, le temps de parole est à M. le ministre pour 10 minutes. Merci.


Réponse du ministre


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Merci, M. le Président. En écoutant le député de Bourassa, je n'étais pas frappé de nostalgie, mais ma mémoire était stimulée. J'entendais encore sa voix retentir au sommet de Pointe-au-Pic où il était présent et y jouait un rôle brillant en préconisant l'interventionnisme étatique à un niveau comparable à peu près à celui de l'ex-Union soviétique en disant que l'État était le seul moteur du développement économique et que lui seul, par ses entreprises, par son activité, par ses réglementations et ses lois, pouvait remettre le Québec sur la voie.

Les temps changent, et pour le mieux! L'Union soviétique n'est plus, et je pense que c'est une bonne chose pour l'humanité. L'Union soviétique s'était trompée lourdement et lamentablement avec, par ailleurs, pour consoler un peu le député de Bourassa, beaucoup d'idéalisme et beaucoup de bonne foi. C'est vrai que le communisme sur papier, c'est bien supérieur au capitalisme, c'est rationnel, c'est logique, il y en a pour tout le monde, ils appelaient ça la prise au tas qui arrivait au grand soir, etc. Mais ça s'est terminé par une catastrophe monstrueuse. Il y a 500 000 000 d'êtres humains en ex-Union soviétique seulement et dans ce qu'on appelait les pays satellites qui souffrent aujourd'hui de ces mécomptes et de ces erreurs de trajectoire. Et, hélas, le passé est lourd de conséquences.

Alors, le député de Bourassa, par son profil, m'inspirait ces réflexions pendant quand même que je l'écoutais parler, et je trouve qu'il pose les bonnes questions. Poser la question de l'emploi ce matin – puis, d'ailleurs, c'est bien, parce que je trouve que, dans nos séances régulières, à la période de questions, on ne la pose pas assez souvent – faire une interpellation ce matin sur ce sujet est une très bonne idée, surtout avant le sommet.

(9 h 20)

Les notes de notre rencontre de ce matin, ce que dira l'opposition officielle, ce que moi-même et mes collègues dirons peuvent être partie de la documentation disponible pour le sommet. Alors, essayons de faire un bon déblayage factuel et conceptuel de la question de l'emploi au Québec, qui est une question sérieuse, grave, qu'on doit, par ailleurs, mettre dans son contexte, comme toutes les autres questions, et relativiser. Je sais que c'est une marotte de l'opposition officielle, surtout dans son opposition au projet national québécois, d'invoquer l'insécurité politique. Ce matin, si nous pouvons aller au fond de cette théorie fausse qui ne résiste à aucune analyse économique et qui ne résiste à aucun grand texte économique et dégonfler cette baudruche, on aura déjà fait quelque chose de bien.

Je vais essayer de commencer par une citation, ce qui n'est pas ma manière habituelle de commencer mes interventions. D'abord, c'est en anglais, une langue estimable qui est devenue l'espéranto mondial et qui est employée par le Financial Post , en particulier, qui dit: «No political uncertainty here». C'est écrit assez gros, je pense que l'opposition peut le voir. Et «here», évidemment, c'est Québec. Le sous-titre, et il est écrit en gros aussi, c'est le suivant, et c'est humoristique, en plus: «Québec's ventured capitalists might worry about stability if they weren't so busy investing in promising high tech firms». En d'autres termes, les capitalistes du Québec – j'espère que le mot ne choque pas le député de Bourassa – pourraient se préoccuper de l'incertitude politique s'ils n'étaient pas si occupés à investir dans les entreprises de haute technologie.

Et c'est ça, la relativisation d'une réalité pénible, qui est un des grands problèmes de notre temps, que le député de Bourassa et l'opposition officielle amènent avec beaucoup de pertinence ce matin, le chômage et l'incapacité des économies contemporaines à créer autant d'emplois qu'il y a de demandeurs d'emplois. Je dis des économies contemporaines parce que le Québec n'est pas dans une situation singulière. Le Québec est à peu près au niveau de chômage de pays qui sont de grands succès économiques et de grands succès technologiques: la France, par exemple, l'Allemagne qui souffre d'un taux de chômage extrêmement élevé malgré un dynamisme exemplaire, un très grand nombre de provinces du Canada. Dans des endroits où la question de la souveraineté ne se pose pas, comme à Terre-Neuve, comme au Nouveau-Brunswick, comme au Manitoba, comme dans quelques autres provinces, le taux de chômage s'est élevé plus ces temps derniers qu'au Québec.

Je sais que vous avez l'habitude de dire: Comment nous comparer à Terre-Neuve? Hé! Hé! Un peu de respect pour vos compatriotes du reste du Canada. Vous défendez que le Québec reste une province éternellement comme Terre-Neuve est une autre province, une province soeur d'ailleurs. Alors, si vous avez du mépris pour Terre-Neuve, on peut faire tout imprimer ça, puis envoyer ça à Saint-Jean pour dire comment les libéraux du Québec sont leurs amis et leur font des manifestations d'amour. On peut envoyer ça à Brunswick aussi, on peut envoyer ça à Prince-Édouard, si c'est ça que vous voulez, on peut envoyer ça à nos amis au Manitoba. Si vous avez du mépris pour eux, nous, nous avons du respect et de l'amitié; ce sont nos clients. Le Québec vend plus à l'est de sa frontière est jusqu'à la mer, et y compris Terre-Neuve, qu'en Europe de l'Ouest. Alors, nous autres, on ne méprise pas Terre-Neuve puis on ne méprise rien de ce qui se passe à l'est, sauf qu'ils ont des problèmes plus grands que les nôtres. C'est ça que je veux vous dire. Alors, reste le cas de l'Ontario, province industrialisée, la seule vraie province industrialisée avec le Québec. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des économies puissantes à... L'Alberta, c'est très puissant, B.C., c'est très puissant, mais ce n'est pas une diversité industrielle comme Québec et Ontario.

Alors, là, je voudrais, M. le Président, que mes collègues me suivent bien, mes collègues d'en face. Ah! Vous avez l'air d'être sceptique. J'imagine que vous êtes habitué à leur incapacité de suivre quoi que ce soit sur le plan intellectuel. Non, il faisait des dénégations pendant que je disais: Qu'ils me suivent bien. Il faisait des dénégations, une gestuelle de dénégation.

Le taux de chômage entre le Québec et l'Ontario évolue en parallèle depuis qu'on a des statistiques. Alors, si vous dites que c'est l'incertitude politique, il faudrait que vous prétendiez que Maurice Duplessis secrétait l'incertitude politique, de même que Jean Lesage, de même que Daniel Johnson, de même que Paul Sauvé pendant 100 jours. C'est une thèse absurde. La différence entre le Québec et l'Ontario est... Un ouvrage récent que je vous conseille de lire – l'ancien président de la CEQ doit avoir gardé quelque habitude intellectuelle de lecture – Pierre Fortin, «The Great Canadian Slump», établit hors de tout doute que le taux non pas de chômage, mais d'emploi au Québec est plus élevé qu'en Ontario par 1 000 habitants et que l'écart entre le taux d'emploi et le taux au Québec et en Ontario est à un niveau historiquement bas. Alors, malgré des handicaps extrêmement graves et une situation extrêmement sérieuse, le Québec rattrape.

Vous avez parlé de chômage structurel, vous avez raison. C'est quoi, du chômage structurel, sinon une chose due à la structure? Et c'est quoi, la structure, sinon des tendances lourdes qui n'ont rien à voir avec vos prétentions d'incertitude politique et qui sont en place depuis la Deuxième Guerre mondiale et avant? La première: l'industrie de l'automobile. L'industrie de l'automobile est à 95 % concentrée en Ontario. Imaginez-vous, M. le Président, si la France n'avait pas l'industrie de l'automobile, si l'Allemagne n'avait pas l'industrie de l'automobile et si les États-Unis n'avaient pas l'industrie de l'automobile, quel serait le taux de chômage? Le Québec, à cause de ses richesses naturelles, consomme énormément de camions, de véhicules automobiles de toutes sortes, tout ça étant fabriqué en Ontario, pour le plus grand bien de l'Ontario. Ce n'est pas de l'envie, ce n'est pas du ressentiment, mais, si vous voulez voir les différences entre le taux de chômage, si vous voulez parler de structure, bien, pensez à cette structure de l'industrie de l'automobile.

Dans mes autres interventions, j'aurai la chance de parler aussi d'autres éléments structurels si la chose vous intéresse, mais mon temps, pour l'instant, est écoulé.

Le Président (M. Sirros): M. le ministre...

M. Landry (Verchères): N'est-ce pas, M. le Président?

Le Président (M. Sirros): Oui, effectivement. M. le ministre, merci pour ces paroles que ma fonction d'aujourd'hui ne me permet pas de qualifier. Avec ça, le temps est à l'opposition pour cinq minutes.


Argumentation


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Je comprends mal l'attitude du ministre ce matin, M. le Président, parce qu'on voit bien qu'il est sur la défensive, défensive d'une attaque qui n'est pas venue de mon confrère de Bourassa, qui a été très calme, et il ne s'est même pas adressé aux questions qui lui ont été posées. Alors, je trouve ça un peu déplorable que le ministre soit tellement sur la défensive. D'ailleurs, je dois lui dire que ce n'est pas bon pour son coeur, il devrait prendre une grande respiration.

Lorsqu'il nous parle de l'insécurité politique, M. le Président, je dois vous dire que, comme on dit souvent, dans la vie, la perception, c'est la réalité. Et la perception, ça ne résiste à aucune analyse scientifique. Lorsque quelqu'un a des argents à investir, il se fiche de toutes les analyses. Si sa perception est qu'il y a une insécurité, il va la vivre. Et c'est ce qu'on nous dit toujours en politique, alors je dois le lui répéter ce matin. Peut-être qu'il devrait prendre un de ces vieux adages, que la réalité en politique, c'est souvent la perception que les gens en ont.

Depuis de nombreuses années, M. le Président, les entreprises québécoises plient sous les charges fiscales. On a entendu parler tantôt de Terre-Neuve. On n'a aucun mépris pour Terre-Neuve, on les respecte infiniment. Mais il faut quand même comprendre que notre structure industrielle est bien différente de celle de Terre-Neuve qui est en grande partie orientée vers les pêcheries. Alors, nos vrais compétiteurs, ce n'est pas Terre-Neuve, et je trouve ça regrettable que le ministre nous oriente vers cette avenue, ce n'est pas non plus la France, ni l'Allemagne, ni le Japon; ce sont les États-Unis, c'est l'Ontario, ce sont nos voisins immédiats qui nous entourent.

81 % des exportations du Québec, M. le Président, sont dirigées aux États-Unis, et l'Ontario y va pratiquement pour ce qui reste de nos exportations. Si la structure d'imposition de l'Ontario avait été appliquée aux entreprises québécoises en 1995 – on ne recule pas en 1980 ou en 1985, en 1995 – c'est près de 1 000 000 000 $ que les entreprises québécoises auraient vu en diminution d'impôts, ce qui se traduit par un excès d'appétit du fisc québécois de plus de 25 %. En fait, c'est 29,4 %. Alors, l'appétit du fisc québécois, là, le Québec, le gouvernement, il est trop gourmand. Le gouvernement est trop gourmand, puis il devrait cesser de manger, manger dans la poche des entreprises et des citoyens.

(9 h 30)

De plus, il ne faudrait pas oublier les augmentations de taxe sur la masse salariale que nous avons connues au Québec, dernièrement, alors qu'en Ontario, bien au contraire, on y apportait des baisses. En effet, pour la majorité des secteurs d'activité économique, les charges fiscales des sociétés québécoises sont plus élevées pour toutes les PME qu'elles ne le sont en Ontario, sauf pour trois, soit le vêtement pour dames, les produits pharmaceutiques et les produits chimiques industriels. Cet écart est principalement dû aux charges sociales ou à la taxe sur la masse salariale. Sans autres arguments, ces charges sont un incitatif aux dirigeants d'entreprises à refuser le temps partagé.

Par ailleurs, pour certains secteurs, comme les pâtes et papiers, l'alimentation, l'ingénierie, les taxes sur le capital et sur la masse salariale sont tellement plus élevées au Québec que la charge fiscale totale est de 6,2 % à 24 % plus élevée que pour leurs concurrents ontariens. Ceci est encore plus grave, M. le Président, lorsqu'on est en état de perte, car le fait que l'impôt sur le revenu soit moins élevé au Québec – comme la compagnie est en perte, elle ne paiera pas d'impôt sur le revenu – il n'y a plus aucun impact sur cet avantage, car elles sont en balance négative. En effet, non seulement elles font des pertes, mais souvent elles doivent s'endetter pour réussir à assumer les taxes et les charges fiscales trop lourdes. Depuis au-delà de 15 ans, le gouvernement du Québec a mis la main sur près des trois quarts de l'enrichissement des Québécois. Comment voulez-vous qu'on s'en sorte, M. le Président? 85 % de l'effort fiscal des entreprises se retrouve sur les taxes sur la masse salariale et sur le capital.

À la veille du sommet économique, M. le Président, est-ce que le ministre peut s'engager à revoir certains aspects irritants de la fiscalité des entreprises afin de favoriser la création d'emplois et de mettre en place tous les éléments susceptibles de créer cette nouvelle richesse tant attendue? Ce qui coûte cher au Québec, M. le Président, c'est l'emploi. Ça coûte cher, M. le Président. Alors, que fera le ministre d'État à l'Économie, aux Finances, au Revenu, à l'Industrie et au Commerce, Science et Technologie – j'ai l'impression parfois qu'il en a trop – pour essayer de corriger ces avenues qui sont si lourdes pour nos entreprises québécoises?

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, le député d'Argenteuil vient de nous rendre un grand service en faisant d'abord un aveu et puis en me permettant de faire une mise de garde à l'opposition officielle. L'aveu, c'est qu'il dit que la perception, c'est la réalité. Si c'est vrai, le Québec jouit d'une fabuleuse réalité, parce que les investissements étrangers, c'est-à-dire des gens qui ne sont pas du Parti libéral, puis qui n'ont pas de querelles à régler avec le PQ, ou avec Jean Chrétien, ou avec quiconque, des gens qui sont à Toulouse, ou à Düsseldorf, ou à Washington D.C., eux, ils ont mis 2 000 000 000 $, jusqu'à ce jour, dans l'industrie et l'investissement au Québec, et l'année n'est pas finie. Hier encore, je suis allé annoncer deux investissements de ce type; je le fais au rythme de deux, trois par semaine.

Alors, si le député d'Argenteuil a raison, alléluia! La perception du Québec et la réalité du Québec est absolument fantastique, sauf peut-être un peu moins à l'intérieur, et c'est ce qui me permet de faire une mise en garde à l'opposition: Faites attention quand vous parlez de perception! Le rôle de l'opposition, c'est un rôle très ingrat, ce n'est pas très comique. La plupart des gens que je connais aiment beaucoup mieux le pouvoir que l'opposition. Mais, quand on est dans l'opposition, on a une responsabilité ingrate de faire la critique sans tirer dans le dos de l'économie du Québec. Si la perception est bonne à Düsseldorf, c'est parce qu'ils n'entendent jamais parler le chef de l'opposition officielle ni Jean Chrétien. Si elle est bonne à Dallas-Fort Worth, c'est parce qu'ils ne savent pas qui est Daniel Johnson, puis qu'ils ne savent pas qui est le député d'Argenteuil, puis qu'ils ne connaissent pas le passé du député de Bourassa. Alors, eux, ils investissent ici. Mais ceux qui vous écoutent, ceux et celles qui vous écoutent à l'intérieur, si vous ne tenez que des propos déprimants, puis dire: La perception, c'est la réalité, puis la réalité n'est pas bonne, la perception n'est pas bonne... Critiquez tant que vous voulez, c'est votre rôle, vous êtes payés pour ça comme on est payés pour gouverner, mais faites attention de ne pas écorner injustement l'économie québécoise.

Deuxième élément. Je remarque qu'aucun des députés de l'opposition présents n'était dans l'ancien gouvernement, sauf erreur. Non? Lui, oui. Oui, effectivement. Pardon?

Une voix: C'est rafraîchissant.

M. Landry (Verchères): Oui, mais ça ne le sera pas quand il va avoir entendu ce que j'ai à dire. J'allais justement dire que, au moins pour trois d'entre vous, vous ne pouvez pas supporter le passé, vous n'étiez pas là. Pourquoi est-ce que le Québec est écrasé sur le plan fiscal, sauf pour les entreprises? Et vous connaissez l'étude de Price Waterhouse qui dit que, pour les entreprises, nous sommes concurrentiels. Pourquoi est-ce que les taxes sont si lourdes? Et elles le sont, c'est vrai, et notre idéal, c'est de les baisser, puis de les baisser le plus tôt possible. C'est parce que le gouvernement qui nous a précédés a oublié que les trente glorieuses étaient finies, ne s'est pas rendu compte que le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, toutes les provinces dont on a parlé tout à l'heure plus l'Alberta, plus la Colombie-Britannique avaient compris le danger, avaient vu le signal d'alarme, avaient vu le feu rouge et avaient décéléré la dépense publique.

Et ça, je vous le dis franchement, M. le Président, ça va être un des grands mystères de ma vie et, si jamais la politique m'abandonne de nouveau et que je vais faire de la recherche à l'UQAM, ce sera un de mes grands sujets: Pourquoi est-ce qu'un parti de droite comme le Parti libéral, qui devait «runner» l'État comme une business – je ne ferai pas de commentaires sur le niveau de langage – remplacer l'État-Provigo par l'État-providence – quand on est arrivés au pouvoir, on s'en allait vers un déficit de 6 100 000 000 $ qui a quand même, malgré nos mesures, fini par 5 700 000 000 $ – pourquoi le précédent gouvernement s'est-il conduit comme une équipe de marins en goguette, alors qu'une tempête économique incroyable déferlait sur le Québec et sur le Canada? Aujourd'hui, pas moi personnellement, mais le gouvernement et mes collègues, on ressuie vos mécomptes. Ce n'est pas facile. Si vous aviez commencé en même temps que Manitoba, en même temps que B.C. à faire le ménage, on serait déjà à déficit zéro, puis je pourrais peut-être penser à annoncer des baisses d'impôts et de taxes. Je ne peux pas le faire à cause de 10 ans de négligence en pleine reprise économique.

Alors, je dis encore amicalement à l'opposition officielle que nos actes nous suivent et que ce qu'on a fait dans le passé, on ne peut pas le balayer du revers de la main, ni sur le plan personnel ni sur le plan collectif. Alors, partageons, si vous voulez bien, la problématique québécoise. Avouez ce que vous avez fait à l'économie du Québec, avouez qu'une grande partie des emplois perdus sont des emplois du secteur public, oui, parce qu'on fait des coupures. Le gouvernement du Canada en fait pour 55 000, de coupures, dont probablement 10 000 au Québec. J'ai fini pour l'instant, M. le Président?

Le Président (M. Sirros): C'est fini pour l'instant, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je vous garantis que ce n'est que pour l'instant.

Le Président (M. Sirros): Voilà. On prend votre parole, j'en suis certain. M. le député d'Arthabaska.


M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Comme le ministre des Finances l'a dit tout à l'heure, c'est un débat très important qui ne pouvait tomber mieux pour le gouvernement, parce que ça nous permet évidemment de démontrer la confiance que ce gouvernement-là a envers les entreprises québécoises, envers les hommes et les femmes qui font des efforts inouïs pour justement continuer à développer l'économie, à s'adapter aux marchés étrangers.

On le sait, au Québec, nous sommes 7 000 000 de population. Donc, l'avenir pour la création de l'emploi, il faut regarder à l'extérieur du Québec, nos voisins au sud, nos voisins à l'est, à l'ouest, bien entendu, pour être capable davantage de développer notre économie. Quand on dit ça... Je ne reprendrai pas ce que le ministre a dit tout à l'heure au sujet du gouvernement qui nous a précédés, neuf années de gouvernement libéral dont j'ai eu à en vivre, pour ne pas dire subir, cinq années comme député de l'opposition. Et je comprends, aujourd'hui, vous subissez le nôtre, mais ça ne sera pas de la même façon.

(9 h 40)

Juste à titre d'exemple, pendant que les tendances du marché étaient justement à l'exportation, étaient au libre-échange, à la mondialisation des marchés, je me souviens très bien que c'est du bout des lèvres que le gouvernement de M. Bourassa défendait ou préconisait cette politique. Contrairement, il voulait faire un peu mieux, étant la succursale d'Ottawa, que le Parti libéral du Canada qui, eux, menaçaient même, si ma mémoire est bonne, de déchirer l'entente, le traité de libre-échange s'ils prenaient le pouvoir. Imaginez-vous que c'est quelque chose, hein. Je le répète, pendant que les tendances étaient à l'ouverture des marchés, le Parti libéral dans l'opposition à Ottawa disait: Nous autres, quand on va prendre le pouvoir, on va déchirer ça. Ils sont arrivés au pouvoir. Le premier ministre, parce que, là, la tendance était là, puis il avait compris, en retard malgré tout, là il a couru un peu partout à travers les États-Unis, le Mexique, le Chili pour faire partie du train. Au lieu d'être dans le train d'en avant, il était dans le train d'en arrière, le train de queue.

Sur ça, le ministre des Finances actuel, M. Landry, a été un des précurseurs, a été un des pionniers, des apôtres, je devrais dire, du libre-échange, puisque, contre vents et marées, il a défendu cette politique. Je l'ai vu à plusieurs reprises, entendu à plusieurs reprises aussi défendre cette orientation qui était nécessaire, qui était importante pour l'économie québécoise. À certains endroits, il ne se faisait pas seulement que des amis, puisque les gens n'étaient pas tous favorables, ne comprenaient pas tous le sens de cette orientation que nous devions prendre. Et le ministre avait même écrit un livre ou un document, en 1988 – ça fait déjà, M. le ministre, huit ans, ça passe vite, hein, ça fait déjà huit ans – c'était «Le commerce sans frontières, le sens du libre-échange».

Donc, le ministre, dans sa continuité, dans son esprit de visionnaire, si je peux dire, aussitôt que nous sommes arrivés au pouvoir – ça fait seulement deux ans que nous sommes au pouvoir – a pris la situation économique dans le sens qu'elle était, qui était quand même bonne parce que j'ai toujours fait confiance aux hommes et aux femmes qui justement maintiennent cette économie-là – mon Dieu, il me reste juste une minute, ça passe vite – le ministre des Finances, tout de suite, avec son gouvernement, avait bien compris l'enjeu et il a pris des engagements fermes pour favoriser l'ouverture du Québec vers l'étranger afin d'appuyer des entreprises qui veulent conquérir des nouveaux marchés à l'extérieur et d'encourager les investissements étrangers.

Et, je me souviens, six mois à peine après avoir pris le pouvoir, le ministre était venu dans la région chez nous, à Drummondville, entre autres pour créer une sorte de commissariat à l'exportation en collaboration avec trois corporations de développement économique de la région, un groupe qui va uniquement supporter les entreprises pour l'aide à l'exportation. J'aurais aimé, bien entendu, si le temps me l'avait permis, donner encore plein d'autres exemples, comme une mission que le ministre a pilotée au Brésil et au Chili qui a été profitable pour le Québec. J'aurais des exemples à donner, mais d'autres de mes collègues les donneront. On parlera d'autres situations pour démontrer que l'économie au Québec, ça va bien. Il ne faut pas décourager nos investisseurs.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui. Alors, merci, M. le Président. M. le Président, tout d'abord, vous me permettrez de faire part de mon grand étonnement en cette Chambre ce matin de voir que non seulement on n'a aucune proposition d'emplois, on a aucune discussion positive, mais le ministre et ses collègues passent leur temps à se défendre et à essayer de faire en sorte de démontrer que le piètre état de la situation qui prévaut actuellement au Québec au niveau de l'emploi est dû à l'ancien gouvernement, à la conjoncture et à des entreprises qui ont des comptes à régler avec Lucien Bouchard, ou avec le PQ, ou avec je ne sais pas trop qui, disaient-ils.

En plus de ça, j'aimerais quand même faire une petite mise au point. Le député qui vient de parler semble oublier que le premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard, a reconnu le rôle clé et majeur joué par l'ex-premier ministre du Québec, M. Bourassa, dans la mondialisation de l'économie du Québec et qu'il l'a aussi qualifié comme un des grands personnages qui a développé le Québec moderne. Donc, je pense qu'il faut remettre les choses dans la réalité et faire attention de ne pas tomber dans la basse démagogie, particulièrement lorsqu'on parle du rôle, qui a été reconnu aussi par le ministre actuel de l'Économie et du Travail, de M. Robert Bourassa dans notre développement collectif à tous.

Moi, M. le Président, je veux parler de choses plus positives. J'aimerais que le ministre nous indique, lorsqu'il aura le temps de parole, ce qu'il entend faire dans un dossier assez particulier, c'est le dossier des décrets de convention collective. Alors, là, il n'aura pas besoin de justifier le passé, je veux savoir ce qu'il va faire dans l'avenir.

On sait, M. le Président, que, au Québec, un grand nombre d'entreprises et de services sont régis par ce qu'on appelle les décrets de convention collective qui fixent les conditions de travail pour leurs employés. Un grand ménage est nécessaire d'être fait dans ce domaine, et je pense qu'il devrait être fait décret par décret, industrie ou service par service, afin de voir la justification encore actuelle on non de certains de ces décrets, ce qui ne veut pas dire que tous devraient être enlevés ou que tous devraient être maintenus.

Particulièrement, il y en a deux qui font actuellement l'objet de demandes très pressantes de la part de manufacturiers, et je parle, là, des décrets du verre plat et du bois ouvré qui affectent d'une manière assez importante l'industrie de la fenestration au Québec. On sait que c'est une industrie qui est extrêmement sensible à la concurrence internationale, une industrie qui doit actuellement compétitionner avec des concurrents qui sont établis en Ontario, au Nouveau-Brunswick, aux États-Unis et qui, dans le contexte de libre-échange actuel, se trouve aux prises avec un carcan assez important et très difficile à vivre du fait de leurs décrets. Ces entreprises, M. le Président, nous laissent entendre et démontrent, encore dernièrement dans une conférence qu'ils tenaient, que le maintien de ces décrets fait en sorte qu'elles seraient obligées ou que certaines entreprises vont être obligées peut-être d'aller s'établir ailleurs, une d'entre elles étant déjà rendue aux États-Unis pour une partie de sa production.

Alors, là, on parle de milliers d'emplois en jeu, on parle de 7 000, 8 000 emplois qui sont dans cette industrie au Québec. Aussi, particulièrement, ils sont en région, ces emplois, ils ne sont pas tous dans la grande région de Montréal, et c'est là une occasion pour les régions d'avoir certaines entreprises. S'il fallait que, du fait du carcan et de la lourdeur, des difficultés que ces décrets engendrent, leur compétitivité soit affectée encore plus et qu'elles partent ou qu'elles ferment, eh bien, je pense que ça serait des catastrophes dans les régions, un peu comme Kenworth a été dans la région de Boisbriand. Et là je pense qu'à l'époque le ministre nous avait dit: Bien, écoutez, Boisbriand, on ne le savait pas, on ne pensait pas que ça fermerait, on a été surpris. Le ministre du Travail a dit: Ça m'est tombé sur la tête comme une avalanche, ou je ne sais plus trop quoi. Là, le gouvernement est prévenu. Il y a plusieurs mois, déjà, que le ministre actuel de l'Économie a été contacté par les gens de l'industrie de la fenestration, il y a plusieurs mois que les demandes sont là, que le dossier est ouvert. Je dois dire que, malheureusement, aucune réponse n'a été donnée.

J'ai eu l'occasion cette semaine, au nom du Parti libéral, en cette Chambre, à deux reprises, de demander au ministre du Travail quelles étaient ses intentions et s'il entendait procéder rapidement pour abroger ces deux décrets particulièrement. Pour les autres, je ne veux pas que vous me fassiez un historique, on aura l'occasion d'y revenir peut-être dans un autre forum. Mais, pour ces deux-là en particulier, est-ce que vous avez l'intention de profiter du sommet – où vous allez être et où je vais être avec mes collègues – pour donner suite aux demandes de l'industrie de la fenestration du Québec, soit d'abroger les décrets du verre plat et du bois ouvré pour leur rendre leur compétitivité et leur permettre non seulement de se maintenir, mais aussi de prendre de l'expansion et d'aller compétitionner sur les marchés extérieurs au Québec? Alors, c'est là une question très positive, M. le ministre, qui n'a pas pour but de vous embarrasser, mais de faire avancer un dossier important pour l'économie montréalaise et des régions aussi, en particulier.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député de LaFontaine. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Il l'a dit avant moi, M. le Président, mais je confirme que c'est là une question très positive, très importante. Le député de LaFontaine vient de nous rendre service à tous et à toutes, je parle de l'ensemble du Québec, en posant cette question des décrets de convention collective. À la Faculté de droit, le juge André Montpetit, qui nous a enseigné ça, il appelait ça, encore un peu suivant le calque de l'expression anglaise, les conventions collectives extensionnées. C'est comme ça que ça s'appelait, puis littéralement, c'est ça. On étendait une convention collective à un ensemble d'industries, puis on a fait ça entre les deux guerres. Ça s'est fait à quelques endroits en Amérique du Nord, sauf que, eux, ils ont abandonné ça assez rapidement puis, nous, on est restés. Donc, c'est un monument historique, c'est vrai. Plusieurs de ces décrets et de ces comités paritaires, vous le savez, ont eu des mésaventures allant jusqu'au droit pénal, et ce n'est pas encore réglé.

Oui, c'est une chose qu'il faut régler. Le sommet va être une bonne occasion. Il y a un grand ménage à faire dans les décrets de convention collective. Il y a des absurdités à faire rire ou à pleurer. Dans la même usine, il y a un certain nombre de décrets qui s'entrecroisent, des industries qui sont à convention collective régulière négociée, d'autres qui sont à décret. Certaines entreprises, pour montrer la complexité, détestent au fond les décrets mais veulent les garder pour empêcher qu'un concurrent ne vienne dans le secteur, bref une opération antiéconomique totale et complète.

Oui, je ne suis pas évidemment spécialisé dans la question comme mon collègue du Travail, mais le ministère de l'Industrie et du Commerce, qui est sous ma responsabilité et de celle la ministre déléguée, Mme Marsolais, a donné son opinion, a travaillé très fort pour introduire l'aspect économique dans le dépoussiérage et l'abolition de certains décrets et le ministre du Travail a fait le reste. Je crois qu'il y aura des positions pertinentes et vraiment orientées vers l'action à l'occasion du sommet.

(9 h 50)

Encore une fois, là, ce n'est pas un reproche, mais il me semble que ça aurait pu être fait avant. Dans la foulée du rapport Gobeil et... Non, mais l'État-business puis l'État-providence-Provigo, ça aurait été le temps de donner un sacré coup. Même Mme Thatcher était à droite. Elle ne s'en cachait pas, elle s'en réjouissait, elle s'en glorifiait. Elle faisait le ménage! Mais, nous, on est dans la position des sociaux-démocrates qui succèdent à un gouvernement de droite et qui sont obligés de faire le travail de la droite et de la gauche. C'est ça que vous nous avez condamnés à faire. Si vous vouliez nous mettre au supplice, vous avez réussi. En ne faisant pas votre travail, vous nous forcez à faire ce que M. Gobeil aurait dû faire et ce que M. Scowen et... On va le faire, on va mener les deux tout en restant progressistes. Et on mène les deux en restant progressistes.

La réforme Rochon de la santé, par exemple, est à la fois un monument de rigueur des finances publiques et un monument de progrès pour mettre notre médecine à l'heure d'aujourd'hui; 1 000 000 de personnes, dont je ne sais plus combien d'enfants, seront et sont couverts par une assurance-médicaments, ce qui n'était pas le cas avant, les familles devaient assumer. Le premier ministre a déjà évoqué, et il l'annonce de façon plus précise de jour en jour, une politique de la famille, une politique de l'équité salariale qui va être le document le plus avancé probablement du monde sur cette question. Alors, ça veut dire qu'on a sur nos épaules la lourde tâche de faire le travail mal fait et non fait par une droite qui nous a précédés et, en même temps, de rester sociaux-démocrates. On va le faire, et c'est assez bien parti. Dans ce champ d'action, bien, il y a ce que le député de LaFontaine a évoqué si judicieusement. Il m'excusera de ne pas y aller sur le fond technique et en détail, c'est le ministre du Travail qui va le faire. Je sais qu'il le questionne régulièrement. Pendant le sommet, ces questions-là seront abordées.

Il me reste une minute pour parler de Kenworth, vous avez évoqué Kenworth. Je dois vous dire que, depuis la fermeture, il ne s'est presque pas passé une journée où je n'ai pas consacré moi-même du temps à ce dossier. L'espoir était infinitésimal au début, presque inexistant; il s'est consolidé, il est toujours présent. Une chose sur laquelle je ne me suis pas trompé, j'avais dit: Ce dossier sera complexe, difficile, inattendu, inusité. Ça, je suis sûr d'avoir eu raison. Une chose sur laquelle je voudrais bien avoir raison, c'est que nous allons de nouveau faire des camions à Boisbriand bientôt. Je ne peux pas l'affirmer ce matin, tout ce que je peux dire, c'est que le travail continue. Il y a eu des rencontres cette semaine, il y aura des rencontres la semaine prochaine, et rien ne nous serait plus agréable, vous le pensez bien, puis le député de LaFontaine se réjouira avec nous, que de dire – encore une fois, je vais prendre une expression anglaise, mais elle est amusante: «We will go on trucking.»

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de La Prairie.


Mme Monique Simard

Mme Simard: M. le Président, bien, écoutez, on dit qu'il n'y a pas de propositions, qu'on ne parle pas de réalisations, moi, je vais vous en parler ce matin. C'est peut-être de bonne guerre de la part des membres de l'opposition officielle que d'affirmer qu'il n'y a pas de stratégie de création d'emplois, bien, je regrette, il y en a.

Dès la prise du pouvoir, en 1994, il y a eu une stratégie de création d'emplois, notamment. Une des premières initiatives qui a été mise en place, eh bien, c'est évidemment ce programme d'investissement de démarrage d'entreprises qu'on appelle couramment le plan Paillé. Cet objectif-là, il est clair et pas contredit à ma connaissance, c'est de renforcer la création d'emplois en favorisant le démarrage d'entreprises et plus particulièrement en facilitant la création des petites et moyennes entreprises. On le sait tout le monde, et ça encore, ce n'est pas contredit, c'est le type d'entreprise qui crée la plupart des emplois au Québec actuellement. C'est très difficile, dans bien des cas, on le sait, pour ces nouvelles entreprises d'obtenir un financement de démarrage nécessaire, là, à leurs opérations, et c'est encore plus difficile pour les jeunes entrepreneurs, hommes ou femmes. Alors, on le sait, l'entrée sur le marché du travail est parfois très, très difficile malgré le fait que, dans bien des cas, ils soient très compétents. Alors, le plan Paillé, c'est précisément ce qu'il voulait corriger en allouant, oui, des fonds importants à ce type d'entreprise.

Alors, les interventions auprès des PME ont été très significatives et particulièrement dans le contexte économique actuel qui, on va le reconnaître, n'est pas facile pour tout le monde. C'est un succès. Encore là, il n'est pas contredit, ce succès. Il y a des statistiques qui ont été produites récemment qui nous le confirment et qui nous indiquent qu'on est dans la bonne voie, que l'essor de l'économie québécoise va dans ce sens-là et que plusieurs entrepreneurs – encore une fois, je le répète – de jeunes femmes et de jeunes hommes, ont pu réaliser leur projet. Leur rêve, dans bien des cas, c'est de créer leur propre entreprise, de créer leur propre emploi et de créer des emplois pour d'autres aussi.

Alors, il y a des investissements d'à peu près 1 000 000 000 $ qui ont été générés par ce plan-là, ce n'est pas à nier et à mettre de côté, et, en tout, il y a eu environ 10 500 PME qui ont été créées. Ça correspond à 54 000 emplois ou à peu près. Juste dans les trois régions que les députés, ici, de l'opposition officielle représentent: pour les Laurentides, 700 projets, 3 448 emplois; pour l'Estrie, 261 projets, 1 286 emplois; pour Montréal, 2 570 projets pour 16 207 emplois.

Alors, est-ce qu'on peut mettre ça de côté et dire qu'on n'a rien fait? Bien, je regrette, il y a là des réalisations très concrètes. Et il est à souligner que le taux d'échec est bien en bas de ce qui avait été estimé par les gens qui normalement estiment ce type de démarrage d'entreprises, il est autour de 13 % ou 14 %.

Le plan Paillé a connu un tel succès que le ministre des Finances a annoncé la semaine dernière la prolongation par une phase 3 qui va aider celles qui ont bien réussi et dont les financiers nous disent qu'ils ont bien en main le succès de leur entreprise et qu'ils ont besoin d'un coup de pouce additionnel, eh bien, va leur permettre d'atteindre aussi un niveau de croissance supérieure. Eh bien, on annonce, on a annoncé la prolongation du plan Paillé pour les soutenir dans leur cheminement. Alors, le nouveau volet du plan Paillé vise à la croissance et à la consolidation de ces entreprises qui ont déjà bénéficié d'un prêt et qui pourront bénéficier d'un supplémentaire. Il y a un certain nombre de conditions: bon, qu'elles aient déjà été en opération depuis un an; que, comme je l'ai dit tout à l'heure, leur institution financière leur dise qu'elles sont bien positionnées pour croître. Donc, il n'y a pas de risque, là, il n'y a pas de risque additionnel qui est pris. C'est vraiment d'aller dans la continuité de ce que nous avons entrepris et de leur permettre une aide qui n'excédera pas 50 000 $.

Alors, la poursuite de ce programme-là, M. le Président, bien, va permettre à plusieurs petites et moyennes entreprises, qui, on le répète, sont les créatrices d'emplois au Québec, de continuer à prospérer et de contribuer au redressement de l'économie et de l'emploi au Québec. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, Mme la députée. Le temps de parole est maintenant au député de Shefford.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Nous sommes ici ce matin pour... Nous avons donné l'opportunité au gouvernement d'entendre des suggestions pour la création d'emplois pour le futur. Ce qu'on entend parler depuis le matin: on a passé par l'Union soviétique, l'Europe, Washington D.C., Chili, Brésil pour enfin entendre tantôt le député d'Arthabaska nous dire que tout va bien au Québec. Donc, j'imagine que les gens qui nous écoutent à la maison sont heureux d'entendre ça. Ensuite de ça, on vient de nous parler aussi, là, du plan Paillé, des supposés succès du plan Paillé. C'est curieux que ce soit la seule députée qui n'était pas là à cette époque-là qui en fasse un résumé et un bilan. J'aimerais quand même, puisqu'elle a soulevé ce point-là, discuter un peu du plan Paillé, justement, et poser des questions à cet effet-là.

M. le Président, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Depuis janvier dernier, il y a 54 000 emplois de moins au Québec, ce qui dénote hors de tout doute, quant à moi, quant à nous, qu'il y a une absence totale de stratégie du gouvernement péquiste pour relancer l'économie et surtout pour créer des emplois. Le gouvernement a lancé, à la fin de l'année 1994, en précampagne référendaire, un plan, que je qualifierais de tape-à-l'oeil, de démarrage d'entreprises. Le gouvernement a cautionné pour 300 000 000 $ de prêts dans une première phase, 100 000 000 $ dans une seconde phase, ce qui totalise 400 000 000 $.

Dans la première phase, ce plan de démarrage était géré par les milieux financiers. Les nouveaux entrepreneurs devaient disposer d'un plan d'affaires démontrant des perspectives intéressantes de rentabilité et de création d'un minimum de trois emplois permanents ou l'équivalent de trois personnes-année au cours des trois premières années d'exploitation. En contrepartie, les entrepreneurs pouvaient obtenir un prêt de 50 000 $ garanti par le gouvernement du Québec et remboursable sur une période de huit ans. Aucun remboursement de capital n'était exigé au cours des trois premières années. Le gouvernement subventionnait les intérêts pour la première année jusqu'à un maximum de 10 % de la valeur du prêt. Toutefois, les entreprises en démarrage appartenant au secteur du commerce de détail et de la restauration n'étaient pas admissibles à la prise en charge des intérêts.

(10 heures)

Les deuxième et troisième années, seuls les intérêts mensuels sur le prêt étaient exigibles. Enfin, du début de la quatrième à la huitième année, l'entreprise devait procéder au remboursement du capital et des intérêts.

Dans la deuxième phase, les caractéristiques du programme initial ont été maintenues, à l'exception de quelques ajustements comme l'abolition de la prise en charge des intérêts et l'abaissement des garanties gouvernementales de 90 % à 80 %. De plus, le secteur du commerce au détail a été exclu.

Vous avez remarqué sûrement, M. le Président, que ce plan de démarrage ne nécessitait aucune étude sectorielle, ce qui fait que les nouvelles entreprises favorisées par le plan de démarrage du gouvernement du Parti québécois pouvaient compétitionner de façon déloyale dans des secteurs déjà saturés. Il ne faut pas oublier que la plupart des entreprises déjà existantes n'ont pas eu la chance de bénéficier des avantages économiques du plan Paillé. Ces mêmes entreprises avaient traversé la crise économique et se trouvaient souvent en crise de capitaux. Comble de malheur pour ces entreprises, le gouvernement a financé les compétiteurs pour se faire du capital politique à la veille du référendum. De plus, M. le Président, vous aurez aussi remarqué qu'aucune obligation de résultat n'était nécessaire afin d'obtenir le cautionnement du gouvernement.

Ce que nous reprochons au gouvernement, ce n'est pas d'avoir voulu subventionner la création d'emplois, mais de ne pas avoir pris les bons moyens de contrôle afin de s'assurer que l'argent investi servirait à la création d'emplois et non au déplacement d'emplois. On n'a pas le droit, M. le Président, de dilapider les fonds publics comme on l'a fait avec ce programme, et, je le répète, tout cela à la veille d'un référendum. On aurait pu créer véritablement, M. le Président, et je le crois fermement, 80 000 emplois net avec ces mêmes capitaux.

Vous pouvez vous rappeler – et vous faisiez partie de l'ancien gouvernement – du Fonds décentralisé de création d'emplois mis en place par le parti qui occupe l'opposition maintenant. Sans avoir la prétention d'être une formule parfaite, cette dernière avait tout de même des règles de base importantes: la nécessité d'une étude sectorielle, obligation de résultat, déboursés séquentiels qui s'effectuaient après un an. On assurait au moins deux choses: la première, que l'emploi était vraiment créé de façon réelle et non hypothétique et qu'il n'y avait pas de compétiteurs déloyaux qu'on pouvait créer à ce moment-là. Le résultat, M. le Président: les fonds utilisés nous assuraient, même après un an, que l'économie était vraiment, là, rassurée au point de vue création d'emplois.

Je sais qu'il me reste très peu de temps, M. le Président, je voudrais juste souligner qu'il y a quelques jours, une semaine environ, comble du ridicule, on annonçait encore la semaine dernière un ajout de 12 000 000 $ au programme de démarrage d'entreprises afin de sauver les meubles. Je suis surpris, M. le Président, que le vice-premier ministre, économiste de formation, souscrive à un programme aussi mal structuré et absolument pas créateur d'emplois.

Donc, en résumé, M. le Président, si on se fie aux chiffres du vice-premier ministre, qui annonçait que son gouvernement annonçait, en 1994, la création de 54 000 emplois avec ce programme, même chose en 1995, on l'annonce en 1996, en bout de ligne, aujourd'hui, ce qu'on a, après neuf mois, c'est une perte de 54 000 emplois au Québec.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Bon, M. le Président, le député d'Arthabaska s'est absenté, mais je veux bien souligner qu'il n'a jamais dit que tout allait bien au Québec. Quand on a un taux de chômage de 12 %, qu'on soit au pouvoir ou dans l'opposition, de droite ou de gauche, on ne dit pas que tout va bien.

Nous avons admis, dès le début de cette séance, que le mal de notre temps, c'est le chômage, et c'est une des choses les plus pernicieuses qui soient arrivées à l'humanité depuis la révolution industrielle. On y avait échappé relativement bien pendant ce qu'on a appelé les trente glorieuses, les 30 années d'expansion qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, mais tout ça s'est terminé abruptement et nous sommes en train d'essayer de récupérer. Ce qu'on fait ce matin quand on vous donne des raisons d'espoir, c'est de relativiser la situation, non pas de la nier. Mais ce serait aussi, je l'ai dit, pernicieux de ne rien reconnaître de ce qui va bien au Québec et de ce qui est porteur d'avenir et d'espoir.

J'ai fait allusion, avec une manchette du Financial Post , aux emplois de haute technologie. Bien, ça prouve, premièrement, qu'on est sur la bonne voie et que le Québec fait très exactement ce qui doit être fait, aussi bien que d'autres et mieux que d'autres, mais ça prouve aussi que ça prend du temps pour qu'une politique porte ses fruits. Savez-vous ce que nous récoltons aujourd'hui? Nous récoltons les fruits d'une politique exprimée dans un vaste document qui s'appelait «Bâtir le Québec», suivi d'une annexe spécialisée qui s'appelait «Le virage technologique», et où toutes les politiques que le gouvernement a appliquées depuis, y compris du temps du Parti libéral, avec mon ami Gérald Tremblay en particulier qui avait très bien compris l'importance de bâtir le Québec et du virage technologique... Après 15 ans, il a fallu qu'on soit dans l'opposition pendant 10 ans et qu'on revienne au pouvoir pour commencer à voir vraiment lever les fruits de cette moisson. Alors, vous pouvez déchirer vos vêtements, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, l'économie, c'est une chose difficile, c'est une chose capricieuse. Si les tendances lourdes sont contre nous, c'est un combat impitoyable. Mais n'allez pas croire qu'on est en train de le perdre, le combat; on est en train de le gagner.

Je vais vous redonner une chose que j'ai évoquée hier, lors de l'inauguration de Merck Frosst, sa phase d'investissement actuelle. Dans un rayon d'une trentaine de kilomètres de l'usine que nous avons inaugurée hier, c'est-à-dire la grande région économique de Montréal, c'est l'endroit en Amérique du Nord où il y a le plus d'emplois de haute technologie par 1 000 postes de travail occupés. Alors, Boston, c'est fantastique, hein, Boston, c'est une capitale intellectuelle, il y a 30, 40 universités et collèges de premier rang, pour ne pas dire les centaines qu'il y a de deuxième et de troisième; Dallas-Fort Worth, c'est fabuleux, c'est une «booming town»; Atlanta, Georgia, on l'a vu; L.A.; tout ça vient après Montréal, métropole du Québec, en termes d'emplois de haute technologie par tête d'habitant. Il faudrait que vous le disiez, ça aussi, de temps en temps. Vous rendriez service au Québec et vous rendriez votre thèse plus crédible. Celui qui fait une critique pondérée est toujours plus crédible que celui qui ne voit que le côté noir des choses.

Je vais aussi vous évoquer quelques tableaux qui relativisent et démentent vos thèses, et je vais les déposer, en plus. L'indice de confiance des consommateurs, Conference Board 1996: l'Ontario, cette prodigieuse machine économique – je ne le nie pas – 88 % de confiance des consommateurs; Québec, 89 %, malgré les efforts de l'opposition officielle et malgré tout ce qu'ils ont réussi à dire.

Ce que Raymond Garneau appelait le «spread» et que nous appelons l'écart entre les obligations du Québec, de l'Ontario et du Canada, qui est aussi un signe de confiance, en 1996, il est à 49; durant les années 1990 à 1995, il était à 91; puis, 1980 à 1989, il était à 77. On est à un des niveaux les plus bas de l'histoire de l'écart entre le taux payé par le Québec pour se financer et le taux payé par le Canada et par l'Ontario. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire le désespoir, le manque de confiance, ou ça veut dire que nous sommes sur la bonne voie, tout en étant dans des souffrances considérables et que nous espérons les plus courtes possible?

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je voudrais déposer les documents, M. le Président.


Documents déposés

Le Président (M. Sirros): Oui, on pourrait faire le dépôt. Merci, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): En espérant que nos collègues d'en face vont vraiment les regarder et les méditer.

Le Président (M. Sirros): Avec ça, on va passer la parole à M. le député de Roberval.


M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Dès les premiers mots du député de Bourassa, il a bien identifié, je pense, la dépendance. Vous avez parlé de la dépendance, et je crois que l'élément clé des années antérieures, des années du gouvernement libéral, c'est qu'il a créé justement la dépendance économique. Parce que, d'une façon imagée que je voudrais vous donner, vous savez, lorsqu'on est arrivés au pouvoir, en 1994, on a constaté un peu la même chose que ce qu'on a constaté après le déluge du Saguenay: les digues avaient cédé. Les digues des dépenses économiques, les digues des dépenses publiques avaient cédé sous le poids des dépenses publiques. On a été obligé, le gouvernement actuel a été obligé de recréer cette confiance, recréer les moyens de communication, rebâtir les ponts de la confiance entre la population et également ceux qui ont à créer le développement. Parce que le gouvernement ne s'est pas engagé lui-même à créer des emplois, mais à créer une situation économique favorable à la création d'emplois.

(10 h 10)

Parce qu'il ne faut pas oublier la situation du Québec: on est la province la plus endettée, au Québec. Ça, on est conscients de ça. C'est comme ni plus ni moins l'exemple d'une famille. Si on gagne 37 000 $, qu'on en dépense 41 000 $ puis qu'on a une dette de 75 000 $ sur la maison, vous savez, c'est difficile d'arriver. Après cinq ans, après 10 ans, on va être dans une situation économique très vulnérable. Et je crois que c'est par cette situation économique que le Québec est le plus vulnérable, c'est l'endettement du Québec qui est réparti sur l'ensemble de la population, quand on sait très bien que, en 1971, le service de la dette coûtait 0,04 $ du 100 $ de taxation, aujourd'hui, il en coûte 0,20 $.

Vous savez, quand je suis arrivé au gouvernement, moi, j'administrais une municipalité, et c'était bien défendu de faire des déficits; au contraire, on s'efforçait de faire des surplus et, en plus, de baisser nos dettes afin de soulager la population de cet endettement-là. Quand on sait que l'impôt sur les revenus des particuliers, l'impôt sur les salaires des particuliers, au Québec, ne paie pas ce que coûte l'assurance-hospitalisation, en termes de milliards, vous savez, ça demeure quand même inquiétant.

Alors, c'est pourquoi le gouvernement du Parti québécois a dû rationaliser de façon très énergique les dépenses publiques, pour recréer cette confiance dans l'économie. Parce que tout ce dont on parle actuellement ce matin, la création d'emplois qui est l'élément clé de la discussion, de l'interpellation, ne peut pas se faire, le relancement de l'emploi, sans justement une rationalisation des dépenses économiques, une reprise de confiance dans notre économie. Je crois que cette reprise de confiance là est en train de se créer par l'attitude énergique du gouvernement, un peu à l'exemple de la population du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui s'est virée de bord le lendemain du déluge, qui a retroussé ses manches et qui a recréé cette confiance-là dans le développement de la région qui s'est répandue à travers tout le Québec dans une solidarité inexplicable qui est à l'honneur de tout le peuple du Québec. Et je crois que le sommet économique de la semaine prochaine va justement recréer cette confiance dans l'économie du Québec et va permettre à chacun des investisseurs, à chacun des propriétaires d'entreprises de se sensibiliser à cette responsabilité collective qu'il a de créer, lui aussi, des emplois.

Le gouvernement du Québec va voir à supporter moralement et financièrement, selon ses capacités, cette volonté, cette détermination, cette créativité qu'on va retrouver dans l'ensemble des Québécois. Et je crois que cette confiance-là, le Parti québécois est en train de la recréer. Cette dépendance-là, qui est ni plus ni moins une dévalorisation du peuple québécois... On est dépendants des décisions des autres pour l'ensemble de nos décisions importantes. On est dépendants des décisions qui viennent d'ailleurs. On est dépendants, bien souvent, des entreprises, dans nos régions, qui utilisent nos richesses premières et sur lesquelles nous n'avons aucun pouvoir de décision.

Alors, je crois que le gouvernement du Québec, actuellement, est en train de recréer cette confiance, comme on a vu dans les années soixante, la Révolution tranquille, avec l'arrivée d'Hydro-Québec. Les Québécois ont retrouvé cette fierté de prise en main de leurs richesses naturelles, cette fierté de participer à la construction de ce pays dans lequel on veut vraiment demeurer. Et je crois que cette situation du Québec, vous savez, ce revirement de situation du Québec a permis également de conserver une bonne cote au Québec, et ça, c'est important pour le développement et la création d'emplois. La réaction rapide du Québec à la prise en main de nos finances publiques va permettre justement de protéger le Québec d'une décote qui a été néfaste sur le plan économique. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le député de Roberval. La parole est maintenant au député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Toujours dans un souci de positivisme et de faire avancer notre débat ce matin et de faire en sorte qu'il sorte de cette discussion, de ce forum que nous avons aujourd'hui des informations ou des choses intéressantes pour la population et les gens qui nous écoutent, bien sûr, j'aimerais aborder maintenant avec le ministre un dossier assez important, et je me serais attendu à ce qu'il en parle dans son discours d'ouverture, un dossier qui est presque sur toutes les lèvres et sur beaucoup de tables de travail actuellement, qui, pour certains, est la panacée à nos problèmes et, pour d'autres, serait simplement une coquille vide, et là je parle du concept du travail partagé.

Alors, je n'ai pas entendu le ministre du tout nous parler de ça, comme s'il n'y avait rien du tout qui se passait dans ce gouvernement. Pourtant, on a déjà, à l'occasion, entendu certains des membres de ce gouvernement l'évoquer. Moi, personnellement, j'ai entendu des collègues députés du ministre dire: On va partager le travail, on va réduire les temps de travail, enfin on va créer beaucoup d'emplois avec ça. Et là le ministre n'en parle pas. Pourtant, j'ai en main un document qui vient du bureau du premier ministre, qui est daté du mois de septembre 1996, qui n'est pas si vieux que ça, et qui est intitulé «Rapport d'étape, proposition du partage du temps de travail». Alors, je pense que c'est quand même un document important. Je ne sais pas si les députés du gouvernement l'ont vu. J'espère que le ministre et son gouvernement font circuler des documents comme celui-là. C'est un rapport d'étape en vue du sommet du début de la semaine prochaine. Il y a des choses là-dedans qui, quand même, si c'est mis en place, mériteraient que ça soit un débat public. C'est quelque chose qui irait changer fondamentalement les habitudes de travail et de fonctionnement non seulement des travailleurs, qui les toucherait directement dans leur qualité de vie, leurs habitudes de travail, dans leurs ressources, mais aussi les entreprises.

J'ai relevé, entre autres... Juste parce que je vois ma collègue, là-bas, la députée de La Prairie qui, elle, a toujours été très touchée par les droits des travailleurs et par l'effort social. Est-ce qu'elle sait que, dans le projet du gouvernement Bouchard, il est dit: Les propositions doivent supposer une très grande flexibilité aux entreprises. Au-delà des droits nouveaux créés par certains individus, il n'est pas question de dicter aux entreprises le mode de réallocation du temps de travail ainsi libéré. Autrement dit, chaque entreprise décidera dans quelle mesure elle met dans sa poche les économies salariales réalisées et dans quelle mesure elle embauche du personnel nouveau pour accomplir la tâche restante. Alors, voilà en gros l'orientation du projet qui circule au bureau du premier ministre et dans certaines autres officines en ce qui concerne le partage du temps de travail.

Moi, je m'inquiète beaucoup, car je crois voir dans cette direction-là une attaque peut-être directe envers les droits, la qualité de travail et la qualité de vie de nos travailleurs qui, pour beaucoup, sont déjà dans des positions précaires. Je n'ai pas entendu le ministre nous parler là-dessus. Moi, j'aurais souhaité que, en cette Chambre, en ce Parlement, nous fassions un débat. Il y a des commissions parlementaires, il y a des comités qui existent. Je sais qu'actuellement on parle de la réforme électorale, la réforme des heures du Parlement, puis il y a des comités qui se font là-dessus. Mais, sur une chose aussi importante qu'une évolution comme celle-là, qui va toucher des dizaines et des dizaines de milliers de travailleurs, sans forcément créer des emplois... Parce que, en plus de ça, il est reconnu à peu près par l'ensemble des gens que ces mesures donnent peu de résultats.

En France, en Allemagne, ils ont été obligés de faire des réductions de temps de travail en gardant les mêmes salaires. Ici, ce n'est pas le cas. On dit même dans cette proposition que, contrairement à la situation française ou allemande où la réduction du temps de travail ne s'accompagne pas d'une réduction équivalente de la rémunération, la proposition doit supposer que ces deux réductions vont de pair. Ça veut dire que, au Québec, contrairement à la France et à l'Allemagne, la proposition de réduction du temps de travail proposée par le gouvernement – à moins que le ministre dise que ce n'est pas un bon document, puis qu'il n'y a rien, qu'on n'a pas le rapport en début de semaine – ça va avec une réduction du salaire. Alors, est-ce que c'est là qu'on veut aller?

Bon. Moi, j'aimerais ça que le ministre, quand il va avoir le temps... Malheureusement, il aura juste cinq minutes pour nous l'expliquer, mais j'aurais aimé ça qu'il prenne son temps. Ça, c'est fondamental. Ça, ce n'est pas des histoires, des décrets d'avant, puis d'économie du Parti libéral, puis la social-démocratie, puis Moscou, et, enfin, tout ça. Ça, c'est des choses concrètes qui concernent le travailleur et la travailleuse de la base. Ça concerne aussi les gens de la fonction publique. Est-ce que le gouvernement a l'intention de baisser le temps de travail dans la fonction publique en même temps que les salaires pour en engager d'autres? On a besoin de le savoir. C'est toute la cohésion sociale, là, actuellement, qui est en cause avec ça, à ce moment-là. J'espère que la collègue... J'aurais pensé qu'elle était au courant de ce dossier-là puis qu'elle en aurait parlé; ancienne vice-présidente de la CSN, militante des droits des travailleurs.

Alors, voilà, M. le ministre, c'est de ça que j'aimerais que vous m'entreteniez, que vous entreteniez les téléspectateurs, les collègues députés ainsi que vos collègues, sur ce document du projet du bureau du premier ministre...

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député.

M. Gobé: ...et savoir si vraiment il y a un projet qui va être discuté au sommet dans cet ordre-là.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. La parole est au ministre. M. le ministre.

(10 h 20)


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Oui. J'aurais aimé répondre davantage au député de Shefford sur le plan Paillé, je voudrais parler aussi de ce dont nous a entretenu le député de Roberval, mais le député de LaFontaine veut que je lui fasse plaisir en parlant de... Je vais lui faire plaisir. En fait, c'est pour la population que je le fais et non pas pour lui, c'est pour notre plaisir à tous et à toutes.

J'espère que nous allons aborder cette question de partage du temps de travail. Il y a là-dedans plus qu'une intuition. L'approche purement économique par l'investissement, par les exportations, par la recherche, le développement porte des fruits. On l'a vu, on en a parlé. Mais, moi, j'ai acquis la conviction, comme beaucoup d'autres observateurs et comme beaucoup d'autres gouvernants dans le monde, que l'approche purement économique ne sera pas suffisante pour nous sortir du problème de l'incapacité de donner de l'emploi à toute notre main-d'oeuvre active. Il va falloir aller vers des approches comme celle évoquée par le député de LaFontaine qui touche les temps, le mot «temps» et le concept «temps».

Pourquoi est-ce que je dis ça? Et je ne veux pas que vous me reprochiez de faire des allusions historiques. Ceux qui ne font pas des allusions historiques ne connaissent pas l'histoire, ils ne vont nulle part puis ils répètent toujours les mêmes erreurs. C'est pour ça que j'ai fait allusion à l'ex-Union soviétique, surtout que la présence parmi nous du député de Bourassa m'incitait fortement à le faire. Mais je veux simplement dire, M. le Président – et que le député de Bourassa ne le prenne pas mal – que les références historiques sont des choses importantes, les références historiques empêchent les peuples de toujours répéter les mêmes erreurs. Alors, je vais faire une référence historique brève sur le sujet fondamental évoqué par le député de LaFontaine. S'il n'y avait pas eu réduction des temps de travail depuis 1850, nous aurions un taux de chômage de 70 %. Comment l'humanité a réglé son problème de progrès technologique et de maintien à l'emploi d'une partie acceptable de la population? Par la réduction des temps. Le mouvement syndical a eu un très grande rôle là-dedans, c'est évident, il a été porté par un fort courant technologique qui portait dans le même sens.

Ça a commencé en agriculture, et ça s'est fait avec la vitesse de l'éclair. Moi, j'ai vu mon propre grand-père, donc au cours du présent siècle, sans aucun doute, faucher à la faucille – à la faux au début, puis, après ça, progrès technologique, une faucille, pas de marteau, par exemple – et ça lui prenait une demi-journée pour faire ce qu'il appelait une planche – il appelait ça une planche – c'était un segment de son champ. Aujourd'hui, dans mon comté de Verchères, en face de chez moi, je vois une machine que mes voisins appellent une combine, qui non seulement fauche, mais bat le grain et l'ensache, faire dans trois ou quatre petites minutes ce que mon grand-père faisait dans un après-midi.

Alors, c'est sûr qu'on a dégagé des millions de personnes qui étaient engagées dans l'agriculture avec la faucille; on les a remplacées par un sur la combine qui fait beaucoup plus qu'eux en beaucoup moins de temps. Alors, ils se sont reportés dans l'industrie. Dans l'industrie, au bout de quelques petites années, on avait une main-d'oeuvre très excédentaire parce que le mouvement de progrès technologique de l'agriculture est passé à l'industrie. Alors, qu'est-ce qu'on a fait? D'abord, on a eu recours au chômage massif, capitalisme brutal de la fin des... Émile Zola, celui qui a parlé d'Émile Zola ici, ce matin, c'était ça, «Germinal». Puis, après ça, le mouvement syndical, le monde ouvrier s'est organisé, puis on a réalisé la réduction des tâches. Et c'est ça qui nous a sauvés de très grands malheurs socioéconomiques.

Alors, le député de LaFontaine a raison, les cinq brèves minutes sont trop courtes. On y reviendra, je l'espère, on y reviendra au sommet. La réduction des temps est au coeur de la question.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de La Prairie.


Mme Monique Simard

Mme Simard: M. le Président, un mot seulement sur mes convictions et mes intérêts dans la défense des droits des travailleurs. J'ai toujours les mêmes convictions – pour le député de LaFontaine. Mais, en ce qui concerne le partage du temps de travail, ce qu'il faut savoir... D'ailleurs, de votre côté, vous avez des représentants qui ont déjà eu, s'ils n'ont pas encore, les mêmes convictions en ce qui concerne l'avantage des droits sociaux des travailleurs et du partage du temps de travail. Il faut savoir que ça se réalise, ça se réalise de plus en plus, mais chose qui est importante à souligner, c'est ce que nous encourageons d'ailleurs, c'est que ça se fasse de façon consensuelle entre les employés et les employeurs, et c'est déjà une réalité dans bon nombre d'entreprises.

Je veux revenir sur le fait de se tirer un peu dans le pied lorsqu'on critique sans regarder tout ce qui a pu être fait comme projet. Il y a une admission ici, et personne au Québec va dire que... C'est catastrophique que d'avoir un taux de chômage de 12 %, on le déplore tous. Il est clair qu'on ne peut pas être tenus les seuls responsables de cette situation-là, et je pense qu'il faut avoir un peu de mesure. Quand on critique tout, comme la critique du plan Paillé qui a quand même créé près de 54 000 emplois, 10 000 entrepreneurs qui ont pu avoir leur chance pour démarrer leurs entreprises, bien, allez dire à ces gens-là que ce plan n'est pas bon, et je pense que vous allez avoir des réponses méritées de la part de ces personnes-là. Ce plan-là est positif. Il a permis aux PME de créer des emplois. Ces emplois-là sont existants, sont là pour rester, et, s'il faut en aider quelques-unes, de ces entreprises, à poursuivre, eh bien, je pense que c'est notre responsabilité de le faire et que le geste est bienvenu de l'ensemble de la société au Québec, et particulièrement des petites et moyennes entreprises.

Je veux revenir sur un autre élément positif, et c'est l'annonce qui a été faite récemment d'une série d'investissements. Alors, on le sait, bon, on a besoin d'investissements pour créer des emplois et on sait que ce sont des entreprises qui recevront ces investissements qui vont constituer le moteur de l'économie et que c'est elles qui décident aussi d'investir ou non au Québec. L'intervention du gouvernement pour attirer des investissements, eh bien, oui, ça a changé au cours des dernières années. Je pense que, quand on constate un petit peu l'évolution des positions sur cette question-là, on va être d'accord pour dire que, oui, les façons de faire ont changé. Il y avait une façon de faire où on demandait à l'État d'investir massivement. Eh bien, plus personne ne considère que c'est la meilleure solution pour arriver à avoir de l'argent pour créer des emplois, bien, d'abord parce que les finances publiques ne le permettent plus – et ça, je ne pense pas que ça soit contredit non plus – et aussi parce qu'il y a des accords internationaux qui font que les choses se font différemment. Parfois, c'est plus difficile, effectivement. On doit le dire aussi, parfois, lorsque l'État a investi massivement dans certains projets, on se rend compte que ce n'était peut-être pas les meilleurs investissements et que beaucoup ont perdu leur chemise dans ces projets-là.

Alors, il s'agit maintenant pour le gouvernement de créer des conditions favorables à l'investissement, c'est notre responsabilité pour l'investissement dans les entreprises, et qu'on puisse faire une promotion du Québec à l'étranger. Je pense que c'est notamment ce qu'a fait le ministre d'État de l'Économie et des Finances lorsqu'il a effectué cette tournée il y a quelques semaines en Amérique latine. Et, non, on n'est pas restés inactifs. Toute l'action du gouvernement en ce qui concerne les finances publiques est quelque chose qui est relié effectivement à cette stratégie et qui est de la responsabilité de notre gouvernement pour attirer des investissements au Québec. Alors, déjà – c'est Statistique Canada qui le dit – Statistique Canada a révisé fortement à la hausse ses données sur les intentions d'investissement dans le secteur manufacturier au Québec, et on sait que c'est un secteur qui est particulièrement important pour la création d'emplois. Alors, ces investissements-là vont augmenter ou devraient augmenter en 1996 de 10 % – c'est loin d'être négligeable – et ils avaient déjà augmenté en 1995 de 4,6 %.

Il y a 84 projets qui ont été amorcés qui totalisent des investissements de 3 000 000 000 $. On ne peut pas dire que ce n'est important, on ne peut pas rejeter ça du revers de la main. C'est de l'irresponsbilité que de le faire et, en plus, c'est de témoigner d'un certain mépris à l'égard de ceux qui ont décidé d'investir ici, qui ont décidé de créer des entreprises. On n'a qu'à voir la liste des projets qui ont été annoncés hier dans Le Devoir dans l'Est du Québec, une des régions qui est le plus frappée par le chômage ici, la totalité des investissements annoncés vont permettre de créer ou de maintenir 10 000 emplois. Est-ce qu'on va oser dire que c'est rien? Est-ce qu'on va oser dire que ça n'a pas de signification? Non, je le regrette, c'est important et au coeur, au fond, de la stratégie économique du gouvernement du Québec, qu'on attire ici les investissements qui seront une des sources importantes du maintien et de la création d'emplois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée. M. le député de Shefford.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Avant d'aller au prochain propos, j'aimerais juste souligner quand même qu'on s'est donné la peine de préparer un texte tantôt sur le plan Paillé – à la députée de La Prairie – j'ai quand même posé une question, j'ai pris mon cinq minutes sur le plan Paillé. De deux choses l'une: soit qu'on ne veut pas répondre à la question ou bien on prend du temps, on cherche quelque chose pour trouver une réponse la plus complète possible, et on sait que le vice-premier ministre est très habile là-dessus.

(10 h 30)

En fin de compte, je reviens au sujet présent, nos petites et moyennes entreprises au Québec sont bien diversifiées. Elles se situent dans différents secteurs d'activité comme l'entreprise de services, le commerce au détail, l'entreprise manufacturière, la restauration, le tourisme, etc., tout cela sans oublier les secteurs de la nouvelle économie comme l'informatique, l'environnement, la pharmaceutique. Nous passons trop souvent sous silence la grande importance qu'ont les PME dans l'équilibre et la stabilité de notre économie, et plus particulièrement au Québec. En 1995, on dénombrait plus de 170 000 PME au Québec, soit plus de 99 % des entreprises québécoises. Ces PME emploient plus de 42 % de la main-d'oeuvre. En quelque sorte, ce sont les PME qui créent la majorité des nouveaux emplois au Québec. La PME demeure la pierre angulaire dans notre économie, car celle-ci appartient majoritairement à des intérêts québécois.

Donc, M. le Président, dans ce contexte, vous comprendrez l'importance d'instaurer des mesures qui favorisent la création d'emplois ou la création de PME au Québec. Nous sommes convaincus que la déréglementation demeure une des principales solutions pour favoriser l'expansion et la création d'emplois. Le gouvernement parle, jase, dit, répète qu'il veut créer de l'emploi. Pourtant, dans les faits, il fait le contraire, à moins qu'il ne sache pas ce qu'il fait dans les faits. Malheureusement, aucune mesure sérieuse n'a encore été prise. La création d'emplois demeure encore aux discours mais jamais dans l'action gouvernementale.

Le 22 octobre, M. le Président, cette semaine, vous vous en souviendrez, je demandais au premier ministre si, lors du prochain sommet, il s'engageait à déréglementer plutôt que d'abolir deux ou trois règlements pour épater la galerie. Dans un complément de réponse, le premier ministre m'a répondu, et je cite, tout le monde s'en souviendra: «Mais je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question qui mérite une longue réponse.» Et le 23 octobre dernier, la ministre de l'Éducation nous disait, encore en cette Chambre: «Je pense qu'on nous a dit hier qu'il y avait peut-être un peu trop de règlements, ce avec quoi on est d'accord, et qu'il fallait en réviser un certain nombre.» M. le Président, quand ce gouvernement va-t-il agir de façon concrète lorsque, de toute évidence, il y a un urgent besoin d'action plutôt que d'interminables dialogues?

Dans le journal Les Affaires , édition du 12 octobre 1996, en page 4, un article intitulé «Pas de relance de l'emploi sans déréglementer les lois du travail». L'ex-ministre Rodrigue Tremblay, enseignant à l'Université de Montréal, a déclaré – et le vice-premier ministre le connaît très bien: «En alourdissant continuellement les coûts salariaux par des taxes et des réglementations, les gouvernements poussent les entreprises à utiliser davantage de machines et moins de travailleurs.» Dans ce même article, il déclarait: «Les gouvernements devraient subventionner et encourager l'emploi au lieu de le taxer et de le réglementer à outrance, comme ils le font présentement.»

Dois-je vous rappeler, M. le Président, que le vice-premier ministre avait qualifié M. Rodrigue Tremblay comme étant un des meilleurs économistes du Québec?

Au congrès de la Chambre de commerce du Québec, deux propositions concrètes ont été mises sur la table. «La première est une invitation aux gouvernements fédéral et québécois de se doter d'un bureau de déréglementation comme l'a fait le Michigan – qui a fait abolir 1 000 règlements en une année [...]. Depuis cette déréglementation, le taux de chômage du Michigan est passé sous la moyenne du taux de chômage américain. Selon M. Tremblay, Ottawa et Québec pourraient se donner comme objectif d'éliminer chacun 1 000 règlements en deux ans.»

«La seconde proposition de M. Tremblay veut qu'Ottawa et Québec réduisent de moitié les charges sociales sur les salaires pour toute création nette d'emplois pour une période de 10 ans. Les premiers bénéficiaires seraient les jeunes, qui seraient moins nombreux sur les listes des chômeurs et des assistés sociaux.» On pouvait lire aussi, dans le même article, et c'est très important de le citer, que M. Tremblay a déclaré qu'il fallait être un véritable héro pour créer de l'emploi en 1996, ici, au Québec. Donc, il y avait aussi des citations qu'on avait relevées, de M. Marcoux qui dénonçait aussi la réglementation à outrance.

Donc, ce que je désire tout simplement ici, et je résume, je vais reposer la même question au vice-premier ministre que j'ai posée au premier ministre cette semaine, et c'est très simple: Lors du prochain sommet, le vice-premier ministre peut-il s'engager à convaincre son premier ministre de la nécessité de déréglementer plutôt que d'abolir deux ou trois règlements pour épater la galerie? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député de Shefford. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Oui. Bien, d'abord, le député de LaFontaine nous a quittés. Alors, il était plus équitable, je pense, de lui répondre avant de répondre au député de Shefford. J'aime mieux parler à quelqu'un qui est là qu'à quelqu'un qui n'est pas là. Je pense que c'est plus logique. Mais je vais maintenant répondre au député de Shefford, bien volontiers.

D'abord, sur le plan Paillé, je ne comprends pas son attitude. Ça, c'est un mauvais cadeau que son parti lui a fait, de le nommer critique d'une des choses les plus extraordinaires que le gouvernement a faites – c'est difficile en diable – 55 000 emplois, 11 000 entreprises. Même la phase 3 qu'il critique, ça a été accueilli avec un enthousiasme universel chez tous les commentateurs. Parce que la phase 3, c'est une approche darwinienne qui consiste à prendre les meilleurs. Un peu comme aux Olympiques, on commence sur une base très, très, très large et on monte vers une pyramide qui conduit aux médailles d'or. La phase 3 du plan Paillé, c'est ça, une base très large et par élimination.

La phase 3 répond – c'est ça qui encore plus paradoxal – à tous les critères que le député voudrait qu'on y mette. Il ne veut pas qu'il y ait de pizzerias dans le plan Paillé? Dans la phase 3, il ne peut plus y en avoir, parce que c'est circonscrit par secteur avec des impératifs de concurrence. Et là j'ai fait une erreur, je le reconnais, j'aurais dû inviter le député de Shefford quand j'ai fait le lancement de la phase 3, parce que j'avais avec moi des chefs d'entreprises qui m'entouraient et qui sont candidats à la phase 3. Vous auriez dû les voir et les entendre, des jeunes hommes et des jeunes femmes qui, à cause du plan Paillé, sont aujourd'hui des chefs d'entreprises, et pas des chefs d'entreprises misérables, des chefs d'entreprises exportateurs dans des produits de haute gamme. Il y avait Husky, en particulier, là, les vêtements pour le grand froid, mais conçus avec élégance, qui font un malheur sur les marchés mondiaux. Il a dit clairement qu'il ne serait pas en affaires s'il n'y avait pas eu le plan Paillé. Et il y en avait plusieurs autres. La prochaine fois que je ferai une conférence de presse là-dessus, je m'engage à inviter le député de Shefford. Puis je n'en parlerai pas beaucoup plus, parce que je pense que, là, comme on dit, res ipsa loquitur, la chose parle par elle-même. Allez voir des entreprises qui ont profité du plan et vous ne nous critiquerez plus jamais là-dessus.

Vous parlez de Rodrigue Tremblay. Vous avez raison, c'est un des meilleurs économistes du Québec. Je partage beaucoup de choses avec lui. Nous avons eu l'honneur d'être dans le cabinet du premier ministre René Lévesque. Nous avons été tous les deux des défenseurs, avant quiconque, du projet de libre-échange entre les États-Unis et le Canada. D'autres sont venus, dont l'ancien premier ministre Robert Bourassa, pour lequel j'ai beaucoup d'amitié et d'estime. D'ailleurs, je vous ferais remarquer que, quand il était jeune député libéral, Robert Bourassa, moi, j'étais dans le cabinet d'un jeune ministre libéral et je parlais beaucoup à Robert Bourassa. Dans des débats comme ce matin, là, j'aurais pu, comme personne de cabinet, fournir des informations à Robert Bourassa, parce que mon patron, c'était René Lévesque. Robert Bourassa et René Lévesque étaient en contact étroit. Bourassa était mieux formé en économie et M. Lévesque voulait s'entourer des meilleurs conseillers possible. Dans le sous-sol de Robert Bourassa, les deux ont écrit Option Québec , qui a donné naissance au grand mouvement souverainiste, au Parti québécois, etc.

Ce qui me ramène à Rodrigue Tremblay, troisième chose que j'ai en commun avec lui; on a été ministre de Lévesque, on a préconisé le libre-échange puis on est des souverainistes. Parce qu'on sait très bien que le salut économique du Québec n'est pas dans la dépendance, mais qu'il est dans l'indépendance et qu'un peuple qui a la négligence de faire régler ses affaires par les autres le paie très cher et le paie longtemps. Alors, si vous êtes d'accord avec moi que Rodrigue Tremblay est un des meilleurs économistes du Québec, bien, ne faites pas que citer ses phrases qui font votre affaire pour la défense de vos intérêts partisans. Regardez la vie et l'oeuvre de Rodrigue Tremblay, lisez les milliers de pages qu'il a écrites à ce sujet et vous aurez d'autre chose à dire que simplement les petites remarques que vous avez faites.

Pour les règlements, là, on vous a donné un meilleur dossier. Ça a mal commencé, votre affaire, par ailleurs, puis, quand vous avez fait votre pile de documents sur votre table de travail, là, si ça avait été du temps des libéraux, avec votre pile, on ne vous aurait plus vu. Ça aurait été dommage, d'ailleurs, pour l'ensemble de l'Assemblée, surtout de notre point de vue à nous qui sommes en face. Vous auriez disparu derrière les règlements libéraux. Alors, vous avez raison. Là, vous avez un bon filon. Continuez à nous pousser dans ce sens-là, puis on y va, puis on va y aller. On a diminué le rythme de la réglementation. Puis, au sommet, on va en parler encore. Là, on peut faire des choses intéressantes ensemble.

(10 h 40)

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le ministre. M. le député d'Arthabaska.


M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Tout à l'heure, en terminant mon intervention, j'ai terminé en disant que l'économie va bien. Et j'ai vu mon ami le député d'Argenteuil se poigner la tête à deux mains, mais en voulant dire: Ça n'a pas de bon sens de dire que l'économie va bien. Bon. C'est sûr, mon cinq minutes était écoulé, je ne pouvais pas aller plus loin dans les explications. Je vais continuer pour rassurer le député d'Argenteuil, et je suis certain qu'il va en être réjoui, lui aussi, avec l'intérêt que je lui connais envers les PME.

C'est bien entendu, quand je dis que l'économie va bien, tout le monde ici, en cette Chambre, aimerait que ça aille mieux, et c'est pour ça qu'on travaille. Pour démontrer ce que j'avançais, j'ai fait un relevé des investissements qui ont été faits depuis les deux dernières années dans la MRC de L'Érable et dans la MRC d'Arthabaska. Je pense que ça vaut la peine, même si c'était juste pour féliciter, souligner le travail, la confiance des investisseurs, ce qu'ils ont accompli, ont réalisé dans notre milieu. Parce que, souvent, on parle de Montréal, les investissements de Montréal et de la région, mais, dans la région des Bois-Francs, là, au centre du Québec, il y a des hommes et des femmes qui croient en l'avenir du Québec et investissent. Je vais tout de suite les énumérer, parce que je suis certain que, dans cinq minutes, je n'aurai pas le temps de finir.

Ce qui est important, vous avez tout un développement, depuis les 10 dernières années, mais qui s'accentue dans les années qu'on vit présentement, au niveau du développement ou de la culture de la canneberge. Ceux et celles qui circulent sur la 20, vous ne pouvez pas ne pas voir ça. Quand vous passez à la hauteur de Manseau, si vous avez le temps, arrêtez voir ça, c'est très intéressant. En 1996, il y a eu pour 2 500 000 $ d'investissements. On crée 10 emplois permanents, 30 à 40 durant la récolte. On a également, cette année, établi, construit une usine pour des pressoirs pour faire du jus pour la canneberge, encore 1 500 000 $ d'investissements. Ça ne crée seulement que trois emplois, mais c'est là, puis l'avenir est là pareil. Il y a un projet qui est sur la table actuellement, puis les gens ont déjà acheté les terres, les espaces, pour 9 000 000 $ d'investissements dans les trois prochaines années, toujours dans la canneberge.

À Plessisville même, Carbotech, une usine, et Plessitech qui travaillent le métal, qui machinent le métal, un investissement, cette année, là, c'est en train de se réaliser, de chacun 400 000 $, ce qui va créer, dans les deux entreprises, 12 à 15 employés, ce qui veut dire tout de suite une trentaine.

Vous avez, à Princeville, Shamcraft-Sadolin. Ils ont signé le contrat la semaine dernière, un investissement de 650 000 $, c'est dans la fabrication de peinture. On retourne à Plessisville, la compagnie Essor, anciennement Forano, dont tout le monde se souvient. On pensait que c'était fermé, mais on a réussi, tant bien que mal, avec trois investisseurs dynamiques, à sauver les meubles. C'est reparti aujourd'hui. Ils fabriquent – j'ai cherché le mot français, je ne le sais pas, vous m'excuserez – des «lifts» – je ne le sais pas, en français, c'est quoi – des élévateurs mécaniques, je ne sais pas quoi.

Des voix: Des chariots.

M. Baril (Arthabaska): Bon, chariots élévateurs. Bon, voilà! Aujourd'hui, ils ont acheté des brevets, actuellement, pour fabriquer des écorceurs pour le bois. Ils reviennent un peu dans le domaine où Forano était avant. Donc, un investissement important au niveau de l'usine Essor à Plessisville.

Vous avez aussi – nous allons l'annoncer sous peu – à Princeville, un fabricant de hockey qui va créer encore une quinzaine d'emplois. Vous avez, encore à Princeville, en 1995, un investissement de 1 500 000 $, l'usine Guitabec, on y fabrique des guitares, 145 emplois. Ça fonctionne, ça existe. J'allais dire: Ils jouent de la musique. Non, mais ils fabriquent pour que les autres en jouent, de la musique.

Sur ce point, j'aimerais quand même signaler comment l'économie a changé. Ici, là, dans la MRC de L'Érable, je n'ai pas eu le temps de relever les investissements de 50 000 $, 100 000 $, 75 000 $. Je n'ai pas eu le temps de le faire parce que je me suis mis là-dessus hier soir. Pour un investissement de plus de 25 000 000 $, on crée aux environs de 70 emplois. À Princeville, Guitabec, parce que c'est une fabrication artisanale, pour 1 500 000 $, on en crée 140. Voilà 10 ans, si on avait fait le même investissement, 25 000 000 $, on aurait créé au moins 1 000 à 1 500 emplois. Mais l'économie a changé d'une façon remarquée et remarquable, parce qu'on s'en va vers de la technologie, et c'est ça, l'avenir, puis c'est ça qui est un bon indice comme de quoi notre économie québécoise est vigoureuse, puis elle prépare les années à venir qui seront prospères.

À Plessisville, pour vous démontrer, Provigo vient d'investir 4 000 000 $. Ça a été ouvert, le magasin, dernièrement. Provigo – 30 secondes, ça n'a pas de bon sens – habituellement, ils investissent, ils font des études de marché avant de savoir où investir, comprenez-vous, et, donc, ils ont investi. McDonald's, une chaîne de restauration, encore, qui a investi à Plessisville, et Subway. Ça fait tous des études de marché. Si l'économie était à terre, ils n'iraient pas investir là.

Je termine en disant que, dans la MRC d'Arthabaska, puis j'ai beaucoup de regret de ne pas en parler, plus de 100 000 000 $ d'investissements dans la MRC d'Arthabaska, ce qui va créer 200 emplois, voyez-vous?

Donc, c'était ça que je voulais dire, que l'économie, là, il faut arrêter de dire que ça va mal. Il faut encourager ces hommes et ces femmes qui croient à l'avenir. Il faut dire: Vous faites une bonne job, on a confiance en vous, continuez comme ça. Puis, nous, en tant que gouvernement, ce qu'on va faire, on va essayer de vous faciliter davantage les choses, parce que les argents sont rares pour les supporter davantage au point de vue financier, ou subventions, ou autre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le député d'Arthabaska. M. le ministre, votre temps de 10 minutes est arrivé pour faire le sommaire de vos interventions.

M. Landry (Verchères): Il n'y a pas un autre député de l'«oppos»?

Le Président (M. Sirros): Il manque un tour. Mme la secrétaire? Oui, c'est vrai.

Une voix: Oui, il y a cinq minutes de l'opposition, là.

M. Landry (Verchères): Oui.

Le Président (M. Sirros): Je pense qu'il faut reconnaître M. le député d'Argenteuil avant le ministre.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci beaucoup, M. le Président, d'avoir reconnu mon temps. Je voudrais juste assurer le député d'Arthabaska que ce n'est pas que les investissements, ce n'est rien, que tous les investissements ne sont rien, mais ils ne sont pas suffisants. Ils ne peuvent pas répondre aux pertes d'emplois qui se créent et qui arrivent, surviennent ailleurs pour répondre à une création de l'autre bord.

Ceci dit, je pense que je reconnais aussi la petite phrase que le ministre d'État a bien voulu reconnaître, l'élitisme dans les compagnies, dans les PME, car ce sont elles qui vont nous sortir des difficultés actuelles. Alors, il faut arrêter de penser à niveler par le bas et de favoriser l'élitisme non seulement dans les entreprises, mais aussi dans l'éducation et dans tous les autres secteurs. Il ne faudrait pas l'oublier, cet élément-là.

Nous savons tous, M. le Président, que la pauvreté, ça n'enrichit personne, que partager la pauvreté, ça n'enrichit personne. En effet, quand nous affichons un taux de chômage de 12,6 % et que nous proposons comme solution le partage du temps de travail, nous n'ajoutons aucun nouvel apport d'argent, aucun enrichissement, il s'agit de partager ce que nous avons déjà. Alors, nous sommes tous un peu moins riches puis tous un peu moins pauvres. Mais, collectivement, ça n'ajoute rien, bien que je reconnaisse que la diminution du travail, elle est inévitable dans l'avenir, c'est inéluctable, on ne peut pas s'y soustraire.

Le vice-premier ministre a bien reconnu que la technologie diminue le temps de travail et diminue les emplois. Quand il parlait de son père, ils font dans trois minutes ce qui lui prenait une journée. Alors, ça va diminuer l'emploi, la technologie, et non pas l'augmenter. Alors, je pense que la seule façon qu'on pourra régler le problème, c'est par des investissements. Et un des prérequis pour les investissements, M. le Président, c'est évidemment de corriger l'insécurité.

Dans le cas du Québec, il y a deux volets à l'insécurité: il y a l'insécurité économique et l'insécurité politique. Dans l'agenda gouvernemental, la réduction agressive du déficit et une orientation favorable aux entreprises devraient suffire. Mal nous en prend, parce qu'on s'attaque au premier de façon agressive, mais, en même temps, on oublie le deuxième. Et subsiste toujours cette insécurité politique, celle-là qui n'est pas encore réglée, le gouvernement ne semblant pas vouloir s'y soumettre et mettre son option de côté.

Ainsi, tel que bien démontré dans un article de Yakabuski qui a été présenté récemment, après chacune des prises de pouvoir par le Parti québécois, il y a eu une baisse significative dans les investissements au Québec. Et je pense que le graphique l'illustre très bien: à chaque fois que le Parti québécois a pris le pouvoir, il y a une baisse significative des investissements au Québec. Je pense que ce n'est pas négligeable comme situation. Encore pire, M. le Président, lorsque nous regardons les investissements étrangers au Québec, la part du Québec tombe à 11 %, ce qui est loin de notre poids démographique de 24 %. Au total, les investissements privés et publics atteindront 24 900 000 000 $ en 1996. Et je reconnais tous les investissements qui ont été mentionnés par le député d'Arthabaska et par la députée de La Prairie, il n'en reste pas moins que c'est une baisse prévue de 2 % par rapport à l'an dernier. L'an dernier, il y avait une baisse de 4,6 %, M. le Président, de sorte que, en 1994, il y avait 26 600 000 000 $ et, cette année, il y en aura 24 000 000 000 $, et ça, je pense que ce n'est pas glorieux dans notre situation. On a une baisse dans tous les secteurs d'investissements, publics, privés, étrangers, et tout cela, M. le Président, ne peut améliorer notre situation.

«En matière de création d'emplois, le capital est moins important que les idées, le savoir-faire et le sens de l'entreprise» dit Paul-Arthur Fortin, qui est directeur de la Fondation québécoise de l'entrepreneurship. J'en conviens, M. le Président, que tout ça, c'est moins important, mais encore faut-il que les investissements créateurs de nouvelles richesses soient au rendez-vous. Comment répondre à l'arrivée de tous ces jeunes sur les marché du travail? Comment le ministre trouvera-t-il les solutions à la pénurie d'investissements au Québec pour rétablir l'emploi? Et le ministre va nous débouler une série d'investissements; je ne voudrais pas qu'il nous répète celui d'hier où Noranda emmène un investissement de 124 000 000 $, mais on perd 120 emplois. Je pense qu'il aura le courage d'adresser ses efforts à corriger les irritants pour les investisseurs, les taxes élevées, les irritants linguistiques, le fardeau de réglementation excessif et, naturellement, l'insécurité politique, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. On arrive actuellement, donc, à la dernière phase de cette interpellation. M. le ministre, vous avez un droit de parole de 10 minutes.

(10 h 50)


Conclusions


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Bon. Alors, le député d'Argenteuil vient de nous donner une belle démonstration de ce qu'il ne faut pas faire quand on est dans l'opposition, c'est-à-dire, pour des fins partisanes, dire des choses qui vont à l'encontre de l'économie québécoise et qui vont à l'encontre du taux de confiance.

Je vais lui donner une série de chiffres, là. M. Yakabuski, ce n'est pas Rodrigue Tremblay. J'ai beaucoup de respect pour la plume de M. Yakabuski, c'est un bon journaliste, mais ce n'est pas un économiste. Les économistes et les statisticiens, voici ce qu'ils disent – en particulier, le député d'Argenteuil dit: Après chaque prise du pouvoir du Parti québécois, l'investissement diminue: 1989, niveau d'investissements, dernière année de pouvoir du Parti québécois, Pierre-Marc Johnson, 17,4 %; en 1989, le Parti libéral arrive, 1990, moins 2,8 %; 1991, moins 14,7 %; 1992, moins 7,7 %; 1993, moins 5,8 %; 1994, retour du PQ, 5,4 %; 1995, première année complète du PQ, 5,9 %. M. Yakabuski devrait réviser ses chiffres et, par conséquent, celui qui a cité les chiffres de M. Yakabuski devrait réviser les siens aussi, M. le Président.

Quelques autres chiffres du même ordre. Le fameux écart du taux de chômage entre le Québec et l'Ontario, j'ai parlé du taux d'emplois en citant Pierre Fortin. Maintenant, je vais citer Statistique Canada. L'écart entre le taux de chômage, Québec et Ontario, le différentiel, il est, aujourd'hui, en 1996, d'environ 2,5 %. En 1988, donc gouvernement libéral, 1989, il est à près de 5 %. Voyez-vous que toutes vos thèses d'élection du PQ qui déferaient les mouvements positifs sont renversés par les statistiques? C'est quand vous partez que ça va mieux et quand le PQ arrive, puis ça, c'est vrai à court terme, puis c'est vrai à long terme aussi. Bien, je dépose l'écart du taux de chômage, M. le Président.

Le produit intérieur brut réel par tête Canada-Québec est rigoureusement en parallèle avec l'évolution canadienne. Alors, insécurité politique, ça veut dire quoi, ça, concernant le Québec seul? Le Canada a de graves problèmes constitutionnels, c'est vrai. Ça fait que la stabilité, par définition, est moins grande ici au Canada qu'aux États-Unis où ils ont réglé leurs problèmes constitutionnels à la fin du siècle dernier, qu'en France où ils les ont réglés d'une république à l'autre ou que même en Belgique.

Ici, on ne l'a pas réglé. Nous avons essayé, vous avez essayé. Robert Bourassa a passé l'essentiel des cinq dernières années de sa vie à essayer de régler ça. Il n'a fait à peu près que cela, de la Constitution, M. Bourassa, dans son dernier mandat. Ça a fini par un échec lamentable dont il n'est évidemment pas le seul responsable. Nous avons essayé il y a un an, encore une fois. On a convaincu six francophones sur 10, ce qui est une proportion fabuleusement élevée, puis un Québécois sur deux, à peu près, qu'il fallait modifier le statut constitutionnel. Nous avons échoué, comme Robert Bourassa. Lui, il n'est plus là pour recommencer; nous y sommes et nous allons recommencer. Et René Lévesque, en 1980, a dit: À la prochaine! Nous, nous avons dit: À bientôt! Et comptez sur nous que la seule voie pour arriver à la stabilité politique au Canada comme au Québec, c'est la souveraineté du Québec assortie d'un partenariat inévitable à l'échelle continentale nord-américaine et peut-être des deux Amériques plus rapidement qu'on ne le pense et, bien sûr, avec ceux qui seront nos ex-compatriotes du Canada anglais. C'est une logique implacable.

Je demande aux députés, de même qu'au président, malgré qu'il est neutre, de réfléchir à ça, parce que je sais qu'il s'intéresse, de temps en temps, à ces choses-là. Et je ne rappellerai pas les phrases célèbres qu'il a dites et avec lesquelles j'étais en désaccord total, ça ne serait pas bien de parler du président dans ces termes-là, et je ne le ferai pas.

Le Président (M. Sirros): Parlez-en à l'opposition, à ce moment-ci.

M. Landry (Verchères): M. le Président, je le ferai quand vous ne serez pas président.

Le Président (M. Sirros): Merci.

M. Landry (Verchères): Mais je vous garantis que je le ferai. Mais, M. le Président, je voudrais que les députés de l'opposition pensent à ceci. Quand un groupe humain comme les Québécois et les Québécoises, qui forment une nation et un peuple par tous les critères possibles – les Québécois forment une nation autant que la Grèce forme une nation, que la Turquie en forme une autre, que les Palestiniens en forment une et qu'Israël en forme une – réalise cela, il ne se repose jamais tant qu'il n'a pas l'égalité avec les autres peuples et les autres nations. C'est une fatalité comme les montagnes en Suisse, sauf que les montagnes en Suisse, elles sont là pour l'éternité, puis l'insécurité du statut politique, elle n'est pas là pour l'éternité. Elle va se régler, mais d'une seule manière: la souveraineté.

Alors, si vous êtes logiques et que vous cherchez la stabilité, commencez à penser sérieusement à cette option, commencez à penser sérieusement à un certain nombre de phrases célèbres prononcées par Robert Bourassa, qui était un homme d'économie et un homme de politique aussi. Réfléchissez sérieusement à la question de Bruxelles: «Deux États souverains associés». Réfléchissez sérieusement à la phrase du lendemain du lac Meech: «Le Québec est une société libre de ses choix et capable de les assumer.» Ça a été dans les grandes paroles prononcées par un député libéral dans cette Chambre; il y en a eu d'autres.

Alors, commencez à penser à ça, puis là vous verrez sur quoi s'établit, et sur des bases solides, une économie créatrice d'emplois. Ça s'appuie, comme on l'a dit précédemment, non pas sur la dépendance, le député de Roberval l'a dit, mais sur l'indépendance, sur le fait de se gouverner soi-même. Regardez dans les nations les plus prospères de la terre la concentration de petits peuples capables et libres d'assumer leur destin, regardez les Danois, regardez les Norvégiens, un des taux de chômage les plus bas du monde, regardez les Suisses, j'ai parlé de leurs montagnes, ils sont moins de Suisses qu'il y a de Québécois et de Québécoises et c'est une petite minipuissance au plus haut niveau de vie du monde. Je l'ai dit bien des fois, ça choque mes amis d'en face et ça choque au Canada anglais, le Québec à lui seul est la 15e puissance économique du monde. Le Québec à lui seul est le 8e partenaire commercial des États-Unis d'Amérique au même niveau que des grands pays de 60 000 000 d'habitants et plus comme la France et la Grande-Bretagne. Regardez ces réalités, et puis, là, vous pourrez considérer les chiffres d'investissements à leur juste valeur.

Je reviens un peu sur votre question des investissements. Vous dites que les investissements diminuent quand le PQ vient au pouvoir. J'ai commencé cette séance en vous parlant d'investissements étrangers, je vous en parle encore, mais avec leur étalement dans le temps, cette fois-ci. Les investissements étrangers – ça, encore une fois, c'est libre de toute attache partisane – c'est du capital international, c'est l'incarnation de la globalisation des marchés. Ça peut aussi bien venir de Djakarta en Indonésie via le Mexique jusqu'à Contrecoeur – ce n'est pas un exemple théorique que je donne, c'est le groupe Ispat qui a acheté Sidbec – comme ça peut venir de France, d'Angleterre, de partout. Ces gens-là, ils ont porté un regard froid sur le Québec. En 1991, ils ont investi 1 000 000 000 $; en 1992, le double; en 1993, baisse, 1 800 000 000 $; 1994, Daniel Johnson, premier ministre du Québec, 900 000 000 $; 1995, Jacques Parizeau, premier ministre du Québec, 1 500 000 000 $; 1996, Lucien Bouchard, premier ministre du Québec, jusqu'à ce jour, puis il reste encore plusieurs mois devant nous, 2 100 000 000 $.

Est-ce que le député d'Argenteuil, qui a eu une carrière professionnelle non pas en économie, mais dans un domaine de l'activité humaine plus qu'estimable, à la frontière de la science et de l'humanisme, pourrait réfléchir à ça puis arrêter de dire que, quand le PQ vient au pouvoir, les investissements diminuent? Ça n'a rien à voir!

Il me reste 30 secondes pour vous remercier d'avoir provoqué cette séance, surtout avant le sommet. Ça, je pense qu'on doit rendre hommage au député de Bourassa de nous avoir donné cette occasion. S'il veut récidiver, c'est une belle façon d'occuper un vendredi matin qu'essayer d'aller au fond des choses en matière d'économie du Québec et de création d'emplois. Merci, M. le Président, pour votre présidence efficace, neutre et presque sympathique.

(11 heures)

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le ministre, pour vos paroles également efficaces, neutres et presque sympathiques. M. le député de Bourassa, pour votre droit de réplique de 10 minutes.


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Pendant que le bateau s'enfonce et dérive, ce qu'on a eu devant nous ce matin, c'est le capitaine qui claironne et chantonne. Hier même, il convoquait une conférence de presse pour rendre publique la synthèse des opérations financières, et force lui était de constater que la réalité est différente de ses prévisions, est différente de ce qu'il aimerait qu'elle soit. Il a dû réduire ses prévisions quant à la création d'emplois pour les prochaines années de plusieurs milliers d'emplois par année – ce sont ses chiffres – et il a dû augmenter ses prévisions quant au taux de chômage, M. le Président. Aujourd'hui, il claironne, il chantonne: Il faut garder l'espoir, les prochaines années, etc.

M. le Président, ce n'est pas dans cette direction-là que le bateau est parti sous leur gouverne. Il a été obligé de confesser hier que les revenus de l'État, les revenus autonomes du Québec diminuaient, n'étaient pas conformes aux prévisions: moins de revenus sur l'impôt des particuliers, moins de revenus sur les taxes de vente. Donc, l'économie ne tourne pas, M. le Président, comme elle devrait tourner, selon leurs prévisions. Il claironne aujourd'hui et il nous fait des grands exposés. C'est un fin causeur, le ministre d'État de l'Économie et des Finances, M. le Président, tout le monde le sait, il est très renseigné.

Mais je crois que, lorsqu'il aborde la question de l'option, question qui a été soulevée par mon collègue, là-dessus, il a fait preuve davantage de transparence que son chef. J'examinais le discours de son chef, M. Bouchard, le premier ministre, devant la Chambre de commerce de Laval, pas un mot sur l'option, pas un mot sur la souveraineté. Quand on questionne les uns et les autres, ils nous disent: Bien, on ne la met pas de côté, notre option. D'autres disent: On ne la cache pas. D'autres disent: Oui, mais on ne trouve pas bon de la proclamer, de la mettre de l'avant. Ce matin, le vice-premier ministre dit: Voici notre option, la souveraineté, l'indépendance, c'est ça qui est notre option. Il est plus transparent que son chef, M. le Président. À l'écouter parler, c'était presque un discours d'aspirant à la première fonction du gouvernement que nous avons entendu ce matin, un discours de remplacement aux discours guimauves, ni chair ni poisson, que l'actuel chef du gouvernement nous sert sur cette question fondamentale.

On nous dit: L'option, ça ne dérange personne. Regardez les statistiques. Moi, je ne vais pas regarder les statistiques, je vais tout simplement regarder et vous rapporter ce qu'on entend dans nos comtés. À chaque fois qu'il nous est arrivé de rencontrer une chambre de commerce, des gens d'affaires, des entrepreneurs, des gens qui ont la possibilité d'investir ici ou ailleurs, ils nous ramènent toujours cette question. Ce n'est tout de même pas inventé par nous, ça. Ils citent le ministre, citent des exemples d'investissements, mais la colonne des destructions d'emplois est plus longue que celle des investissements. Qu'est-ce que vous voulez, on n'aime pas ça dire ça, mais on est obligés de le constater quand même. La liste des destructions d'emplois est plus longue que celle des créations d'emplois. Il faut tout de même s'en rendre compte, il doit y avoir une cause derrière ça. M. le Président.

Ce matin, on n'a pas eu beaucoup de réponses. Ceux qui cherchaient un échantillon du sommet, bien, s'ils s'en remettent aux réponses en termes d'engagements, en termes de plan d'action, en termes de vision, les réponses que nous avons eues du côté gouvernemental, il n'y a pas grand-chose, M. le Président, c'est très décevant. Mes questions, on les a jugées pertinentes, on a voulu rigolé un peu sur celui qui les posait, mais les questions, elles ont été très pertinentes. Le ministre l'a dit. Bien, pourquoi il n'a pas répondu?

Question sur le chômage structurel, il dit: On évolue en parallèle avec le Canada. Bien, à 3,5 %, 3 % de moins de travail, de plus de chômage, en parallèle, je veux bien, mais toujours en dessous. Il ne nous a pas répondu. Quant à son plan d'action pour faire face à cette dure réalité, pas un mot, pas de réponse. C'est un gros problème. Il ne nous a pas répondu, M. le Président, quant à la tendance lourde sur les investissements. Oui, il y a des investissements par ci, par là, on est fiers de les annoncer, mais la tendance lourde, expression qu'affectionne le ministre, elle va dans un autre sens. Il ne nous a pas répondu là-dessus.

On a parlé de l'abolition de certains décrets. Il nous a dit: J'ai fait mes représentations auprès du ministre du Travail, on verra. On a parlé du plan Paillé, qu'on pourrait aussi appeler le plan éparpillé, M. le Président, si vous me permettez l'expression, à tel point éparpillé que, dans la troisième phase, on a décidé de le recibler. Là, le ministre, il nous dit: Maintenant, on a corrigé ça, on va être plus structuré, plus ciblé à l'avenir. C'était un aveu qui allait dans le sens des propos de mon collègue.

On a parlé du partage du temps de travail. Ah! Question! Grosse question! Le gouvernement a fait circuler des propositions. Personne n'en veut. On a vu la controverse. Les journaux sont remplis de titres là-dessus. Pourtant, c'est une question socialement importante. La députée de La Prairie nous dit: Ça devrait être négocié. La principale préoccupation au-delà de la négociation, c'est au profit de qui il y aura réduction ou partage du temps de travail. L'orientation qui est dans le document du bureau du premier ministre, elle est très inquiétante. Il n'y a rien qu'une des deux parties qui va mettre le profit de ces restructurations-là dans sa poche. C'est ça qu'il dit, le document en question. C'est pour ça qu'il ne circule plus, sans doute.

Alors, M. le Président, grande déception quant à la qualité des réponses. Je veux bien entendre qu'on a posé des questions de qualité, mais il y a beaucoup de zigzagages, beaucoup de manoeuvres défensives: le passé, 20 ans, le tour du monde, Tatcher, Gobeil, plongée dans le passé, M. le Président. D'ailleurs, ce n'est pas inquiétant rien que pour nous. Ce n'est pas les libéraux qui le disent, là, la revue Relations , M. le Président, du mois d'octobre, elle parle du sommet, numéro spécial consacré au sommet. Ce sont des jésuites, ça, un mouvement chrétien, une équipe de chrétiens associés à la Compagnie de Jésus. Ils disent: «Le sommet a suscité son lot d'inquiétudes. Comment évaluer ce rassemblement extraordinaire? S'agit-il d'un moment décisionnel crucial de notre histoire ou d'un simple exercice de légitimation des décisions prises ailleurs? Ne vaut-il pas mieux s'en méfier?» Ce ne sont pas des marxistes, ça, M. le Président, ce sont des jésuites. «À quel prix pourrait-on s'en abstenir? Les politiques réelles du gouvernement Bouchard ne permettent pas d'estomper ces inquiétudes. Coupures à l'aide sociale, compressions en éducation et en santé, recul sur l'équité salariale sont autant de signes de la dominance de la pensée néolibérale au sein du cabinet péquiste.»

Je pensais au ministre que nous avons devant nous, dominance de la pensée néolibérale. Il s'autoproclame social-démocrate, mais les observateurs et ceux qui ont des intérêts ancrés dans la réalité quotidienne, celle que nous voyons tous les jours, les gens qui viennent nous voir dans nos bureaux qui n'ont pas d'emplois, les entrepreneurs qui n'osent pas prendre de l'expansion parce qu'ils ne savent pas en quel dollar, en quel type de dollar leur investissement va se retrouver dans quelques années, ceux qui ont le choix d'investir ici ou d'aller réinvestir au Liban, M. le Président, ces gens-là qui nous parlent nous font état de leur profonde inquiétude quant au futur. Le vice-premier ministre a des propos plus clairs que son chef, et on ne va pas l'en blâmer pour ça, M. le Président. Les gens vont savoir davantage à quoi s'attendre de ce côté-là. Mais je pense que ça peut créer quelques problèmes pour ceux qui avaient quelque confiance dans la clarté et la transparence de ce gouvernement ou dans sa cohérence.

Face au sommet, les attentes sont élevées. Si les réponses d'aujourd'hui, c'est un échantillon du plan d'action qui s'en vient, c'est pas mal mêlé, M. le Président. Il y a beaucoup de confusion et c'est très défensif. C'est ça qui m'a frappé, un petit peu attristé ce matin, très défensif. Ça m'attriste pour le Québec, parce qu'on a besoin de rebondir et on devrait avoir un plan d'action clair, autant du côté de l'emploi que du côté de l'économie. Face aux questions fondamentales, pertinentes que nous avons soulevées ce matin, on n'a rien, on a des sparages, on a des manoeuvres de défensive. On a essayé de s'excuser en se comparant à gauche, à droite, mais qu'en est-il de nos intentions à nous? Qu'en est-il du plan d'action de ce gouvernement?

La relance de l'emploi, c'est la reprise des investissements, la reprise de l'entrepreneurship, c'est l'exportation, c'est la consommation, mais c'est aussi un développement égalitaire, dans le sens des régions, M. le Président. On devrait avoir plus d'équité entre les régions. On devrait avoir également un développement qui favorise les jeunes, qui favorise les catégories sociales qui ont le plus souffert, qui ont été le plus malmenées ces dernières années. On doit nous rassurer là-dessus si on veut nous demander de sortir de la morosité et de rebondir dans les prochaines années. Il faut nous rassurer sur nos services publics aussi, M. le Président. Je pense que ce n'est pas rien qu'en faisant des comparaisons ou en faisant des rappels historiques déplacés qu'on fait avancer le débat, c'est en répondant aux questions qui sont posées. Ce n'est pas en les esquivant, M. le Président, qu'on va rassurer la population, qu'on va mettre de la sérénité et qu'on va chasser la morosité, c'est en répondant à ces questions. Et j'espère que, la semaine prochaine, on aura des réponses plus claires et plus convaincantes qu'aujourd'hui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le député de Bourassa. Cette intervention met fin à nos travaux. La commission ayant accompli son mandat, elle met fin à ses travaux sine die. J'aimerais juste remercier l'ensemble du personnel et tous les participants pour le temps qu'ils ont consacré aujourd'hui. Merci.

(Fin de la séance à 11 h 10)


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