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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 24 octobre 2000 - Vol. 36 N° 90

Consultation générale sur le projet de loi n° 136 - Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

heures trois minutes)

Le Président (M. Désilets): Le quorum étant constaté, on va déclarer la séance ouverte et poursuivre la consultation générale sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a du monde qui a été remplacé?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Côté (Dubuc) remplace Mme Blanchet (Crémazie); M. Benoit (Orford) remplace M. Gobé (LaFontaine); et M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin).

Auditions

Le Président (M. Désilets): O.K. L'ordre du jour étant: à 9 heures, c'est le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie du cégep de Sainte-Foy; à 9 h 30, c'est l'Association régionale de développement unifié et l'Alliance autochtone Dolbeau-Mistassini de la MRC de Maria-Chapdelaine; 10 h 30, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec; 11 heures, le Conseil régional de concertation et de développement du Bas-Saint-Laurent; et, à 11 h 45, le Parti québécois-région du Bas-Saint-Laurent; à 12 h 15, la suspension.

Sans plus tarder, je demanderais au Centre d'enseignement et de recherche en foresterie du cégep de Sainte-Foy de prendre place et de commencer. Vous avez 10 minutes pour présenter votre projet et, par la suite, 10 minutes aux deux parties en présence. Merci beaucoup. Pourriez-vous vous présenter au départ, par exemple?

Centre d'enseignement et de recherche
en foresterie du cégep de Sainte-Foy (CERFO)

M. Lacasse (Richard): Tout d'abord, j'aimerais, M. le Président, vous saluer, saluer M. le ministre, et Mmes, MM. membres de la commission. Mon nom est Richard Lacasse; je suis le vice-président du conseil d'administration de CERFO. À ma gauche, M. Jean-Pierre Dansereau, qui est le directeur général de CERFO et qui va faire la lecture résumée de notre mémoire.

Avant de débuter, j'aimerais remercier les membres de la commission de recevoir CERFO ce matin et nous donner l'occasion de vous présenter notre point de vue. Merci.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup, et à vous, M. Dansereau.

M. Dansereau (Jean-Pierre): Merci. M. le Président, M. le ministre, distingués membres de cette commission, si je vous demandais, d'entrée de jeu: Est-ce que le secteur forestier québécois a besoin de transferts de technologie? Vous me demanderiez peut-être un temps de réflexion avant de répondre. Mais si je vous demandais: Est-ce que le secteur québécois a besoin d'intégrer de nouvelles connaissances, de nouveaux moyens de produire et de nouveaux savoir-faire? j'ose croire que votre réponse serait affirmative et qu'elle viendrait rapidement.

L'ensemble de l'exercice de la mise à jour du régime forestier ne nous indique-t-il pas que nous sommes à l'heure de l'adaptation et de l'innovation, à l'heure de faire les choses différemment? Malgré tous les avis divergents qui ont été émis devant vous, tous ne convenaient-il pas que des changements étaient nécessaires? Face à ces besoins d'évolution, face aux nouvelles exigences d'un régime forestier mis à jour, on peut laisser les entreprises et les populations à elles-mêmes en espérant qu'elles n'offriront pas trop de résistance aux changements, qu'elles seront naturellement efficaces dans leurs choix technologiques et que toutes évolueront de concert dans des directions compatibles, c'est certainement une approche pour optimistes.

Nous préconisons plutôt l'approche pour réalistes, celle qui choisit d'intervenir activement dans la promotion de nouvelles connaissances, de nouveaux moyens et de nouveaux savoir-faire, celle qui recourt aux outils du transfert de technologies, la recherche appliquée, la veille et l'adaptation technologique, l'information spécialisée, la vulgarisation, le courtage de services experts et toute autre initiative qui peut contribuer à l'avancement technologique de notre société et de nos entreprises.

Notre mémoire est donc un court plaidoyer pour la reconnaissance de l'utilité du transfert de technologies dans le développement et la mise en place d'une foresterie québécoise qui se veut durable et avant-gardiste.

Notre première recommandation au ministre est d'ajouter le transfert de technologie aux activités financées par le fonds forestier. Notre mémoire affirme que le transfert de technologie ne doit pas être qu'un accessoire de la fonction de recherche, il doit être une fonction à part entière avec ses objectifs, ses outils, ses spécialistes et ses budgets. Si le transfert de technologie a un important rôle de valorisation des résultats de recherche à jouer, ce ne doit pas être sa seule raison d'être. C'est pourquoi notre seconde recommandation au ministre est d'instaurer un programme de financement dédié aux activités de transfert de technologie accessible aux organismes de recherche et développement, mais en marge des budgets de recherche.

Le Québec s'est doté d'un réseau d'innovation dont font partie le CERFO, 22 autres centres collégiaux de transfert de technologie, qu'on appelle les CCTT, le Centre de recherche industrielle du Québec et six centres de liaison et de transfert. Le Conseil de la science et de la technologie du Québec et le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie concluent tous deux, dans des documents différents, que le financement des CCTT laisse à désirer. Ils soulèvent aussi tous les deux le principe d'une participation des ministères sectoriels au financement des CCTT qui oeuvrent dans leurs champs d'intérêt. Selon le Conseil de la science et de la technologie, une structure comme la nôtre ne devrait pas avoir à assumer plus de 50 % d'autofinancement; au CERFO, ce niveau dépasse 90 %.

Quoique le ministère des Ressources naturelles contribue de façon importante à nos activités, surtout par l'existence du Programme de mise en valeur des ressources forestières, cette contribution est incertaine et permet difficilement une approche structurée du transfert de technologie. Notre troisième recommandation au ministre des Ressources naturelles est donc d'appuyer formellement la mission du CERFO et de participer à son financement.

À ce chapitre, notre mémoire mentionnait une participation à notre financement de base et à des mécanismes de financement de contrepartie. Nous aimerions attirer aujourd'hui l'attention du ministre sur deux autres avenues de collaboration, des avenues capables d'appuyer des objectifs spécifiques de la mise à jour du régime forestier: une initiative d'innovation et de transfert de technologie en aménagement et sylviculture axée sur le rendement accru, notre mémoire mettant en évidence le fait que, dans le domaine du transfert en aménagement et sylviculture, nos structures sont peu développées; deuxième initiative, la mise sur pied d'un centre sectoriel d'études comparatives, ce qu'on appelle le «bench marking», axé sur la performance des entreprises forestières.

n(9 h 10)n

Notre mémoire contient aussi une série d'avis techniques divers émis en fonction de l'expertise et des préoccupations du personnel professionnel du CERFO, dont plusieurs sur les nouvelles orientations qui entoureront l'exercice du calcul de possibilité des territoires publics. Comme nous l'affirmions dans notre mémoire, ces avis avaient pour but d'attirer l'attention sur quelques problématiques et, si possible, de lancer des réflexions susceptibles de bonifier la mise à jour du régime forestier. Sans être un spécialiste de tous les sujets abordés dans ces avis, je tenterai de répondre aux questions qu'ils ont pu soulever.

En terminant, laissez-moi, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, vous remercier à mon tour d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup, M. Dansereau. Maintenant, je voudrais inviter le ministre à poser des questions et à échanger avec nos invités.

M. Brassard: Merci, M. le Président. Alors, M. Dansereau, M. Lacasse, bienvenue à cette commission et merci pour votre contribution. Je pense que vos préoccupations quant au transfert de technologie sont très clairement exprimées dans votre mémoire et que vos recommandations sont également sans ambiguïté, limpides. Donc, on va les examiner avec beaucoup de sérieux et beaucoup d'intérêt. C'est pourquoi mes questions vont porter sur d'autres éléments de votre mémoire; par exemple, vous indiquer à l'avance que vos recommandations concernant le transfert des technologies seront analysées par les services du ministère.

Ma question porte d'abord sur l'établissement de la possibilité forestière. Vous avez attiré mon attention avec vos commentaires et vos propositions à cet égard. Vous suggérez que l'établissement d'une possibilité forestière ne soit pas une prémisse à la confection d'un plan d'aménagement mais plutôt l'aboutissement d'un ensemble de décisions économiques, écologiques, techniques et sociales synthétisées dans ce plan. Et vous indiquez que le calcul de la possibilité devrait se faire ? vous le recommandez ? en collégialité et que, ce faisant, ça aurait, dites-vous, pour effet d'éloigner le spectre de conflit d'intérêts. Alors, j'aimerais vous entendre sur votre recommandation relativement à la possibilité forestière et surtout à son calcul. Pourquoi cette proposition et comment pensez-vous qu'en procédant de cette façon-là on va éloigner le spectre des conflits d'intérêts?

M. Dansereau (Jean-Pierre): Je me permettrai d'abord de vous situer l'intervention du CERFO dans le domaine du calcul de possibilité. Le CERFO a reçu le mandat il y a quelque temps d'assurer la distribution et la formation du personnel forestier au sein du ministère et des entreprises sur l'utilisation de Sylva II, l'outil informatique utilisé pour calculer la possibilité forestière. Notre personnel a donc sillonné le Québec de part en part pour offrir cette formation et a eu l'occasion évidemment de maîtriser très bien l'outil, et les intrants et la façon de l'utiliser. Nous avons été aussi en contact avec les utilisateurs qui pouvaient recourir à nos services lorsqu'ils rencontraient des problèmes.

Notre préoccupation face aux orientations qui sont proposées dans le projet de loi concerne vraiment la séparation qu'on peut lire à travers les textes qui sont déposés, qui existera entre l'exercice du calcul de possibilité et l'exercice de confection des plans d'aménagement. Les deux sont intimement et doivent être intimement reliés. Si les personnes chargées de faire le calcul de possibilité ne sont pas les personnes chargées de rédiger le plan et d'appliquer ensuite le plan, on craint un risque d'éloignement entre les structures et d'inadéquation dans les choix. Un calcul de possibilité qui serait fait indépendamment peut se retrouver très contraignant pour les gens qui ont à rédiger le plan d'aménagement et créer des problèmes de réalisme de l'application de ce plan d'aménagement, puisque le calcul de possibilité fixe de façon assez rigide des balises importantes au niveau des opérations.

Quant à l'éloignement du spectre du conflit d'intérêts, là aussi, quand on entre des intrants dans le mécanisme complexe de calcul de possibilité, ces intrants-là ont des effets sur les choix du plan d'aménagement. S'ils étaient faits uniquement par des représentants de l'industrie, ça peut amener ces représentants-là à faire des choix qui préconisent leurs intérêts à eux en fonction du type d'essence qu'ils vont utiliser, en fonction des besoins qu'ils ont au niveau de leur usine.

On pense donc que la collégialité entre des représentants du ministère, l'organisme responsable de gestion, ultimement responsable de la gestion des terres publiques, et les représentants des industriels qui ont à appliquer au jour le jour les résultats de ces calculs et de ces plans-là est souhaitable pour obtenir un équilibre et obtenir des résultats qui soient réalistes, qui soient applicables.

M. Brassard: Mais actuellement, comme vous le savez, le calcul de la possibilité forestière est d'abord fait par l'entreprise ou le bénéficiaire de contrat d'aménagement et, à la fin, évidemment il faut trancher, et c'est l'État ou son représentant, le ministre, qui tranche. Et il arrive parfois qu'il y a des conflits, des situations conflictuelles; je l'ai vécu récemment dans certaines régions du Québec, il y avait désaccord entre les entreprises et le ministère.

Donc, ça veut dire que, même si on en fait un aboutissement, ça n'exclura pas les situations conflictuelles, même si on chemine ensemble. Et d'ailleurs, on va cheminer ensemble; c'est évident qu'on va cheminer ensemble, mais il va falloir qu'à un moment donné du processus on tranche, si on ne réussit pas à s'entendre. Alors, que ce soit une prémisse ou un aboutissement, je pense qu'en pratique on va parfois ? pas toujours mais parfois ? se retrouver devant une situation de désaccord ou de mésentente.

Mais, ce que je comprends ou ce je retiens de votre proposition, c'est que vous souhaitez qu'il y ait un cheminement ou un accompagnement, mais vous ne demandez pas cependant que la décision quant au calcul de la possibilité forestière soit conjointe. Il faut qu'à un moment donné quelqu'un tranche.

M. Dansereau (Jean-Pierre): Les inquiétudes que nous exprimons sont vraiment d'ordre technique et pratique et non pas d'ordre politique. Évidemment, il demeure de la responsabilité des autorités gouvernementales de faire ces choix-là. Vous parliez tout à l'heure, vous nous interrogiez tout à l'heure sur ce qu'on entendait par le spectre des intérêts particuliers ou des conflits d'intérêts. Et c'est peut-être là que la responsabilité ministérielle aurait à s'appliquer. Évidemment, c'est un choix qui vous reviendra ou à votre représentant. Vraiment, nous, ce que nous souhaitons, c'est le cheminement le plus prolongé possible au niveau de cet exercice-là.

Nous soulevons aussi dans notre mémoire l'influence que ça peut avoir au niveau du maintien d'une expertise au sein des entreprises. Dans les changements précédents les régimes forestiers, ça a eu pendant quelques années pour effet de faire disparaître une expertise de planification au niveau des entreprises forestières. On y retrouvait une expertise très grande en opération mais les entreprises n'avaient plus les responsabilités de planification et les services forestiers ont été démantelés. On les a reconstitués.

Là encore, on se réfère à toute l'expérience de formation que nous avons vécue dans les dernières années. Nous avons vu cette expertise se développer au sein des entreprises ou au sein du ministère. Ce serait important, si on veut pratiquer une foresterie avant-gardiste et durable au Québec, de maintenir des compétences au sein des entreprises qui oeuvrent en forêt.

M. Brassard: Dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Désilets): Oui, M. le ministre.

n(9 h 20)n

M. Brassard: Vous dites que la contribution du MRN ? ça porte sur un autre sujet ? que la contribution du ministère des Ressources naturelles et des acteurs forestiers en transfert de connaissances, ça se fait surtout sur des bases ponctuelles sans s'inscrire dans un vision réfléchie et dans une approche structurante. Quelle orientation devrions-nous adopter en matière de veille technologique, d'information spécialisée, de vulgarisation, de recherche technologique appliquée pour éviter qu'on demeure, comme vous dites, sur des bases ponctuelles?

M. Dansereau (Jean-Pierre): Sans pouvoir aujourd'hui vous identifier des actions spécifiques, j'aimerais attirer votre attention sur la situation dans laquelle nous vivons. Puisque le financement d'un organisme comme le nôtre n'est jamais assuré à moins de 5 % en début de l'année, nous sommes tributaires des mandats et des contrats que nous pouvons obtenir en cours d'année. Il n'y a donc pas de planification, il n'y a pas de choix stratégique sur des contenus, sur des secteurs où on pourrait souhaiter une évolution, on y va à la pièce, mandat par mandat, alors que, à partir de bases financières établies, il serait possible de faire un exercice en compagnie des entreprises, en compagnie des représentants du ministère pour identifier les secteurs...

Le Président (M. Désilets): Je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît.

M. Dansereau (Jean-Pierre): ...qui ont besoin d'évoluer et définir des stratégies pour permettre l'évolution souhaitée. Actuellement, nous travaillons en évolution technologique avec les entreprises, mais à la pièce, mandat par mandat.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. Maintenant, le député de l'opposition, député de Kamouraska-Témiscouata. C'est à vous.

M. Béchard: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Désilets): Merci.

M. Béchard: M. Dansereau, M. Lacasse, bonjour, bienvenue. Et je dirais que je relève ce matin un nouveau défi, qui est de chausser les souliers de ma collègue de Bonaventure et prédécesseure au niveau de l'énergie et des ressources, de grands souliers, et un retour pour moi à la commission de l'économie et du travail, retrouver certains bons amis dont le député de Groulx, qui se souviendra sûrement de certains bons échanges qu'on a eus ensemble.

Mais donc, une des premières questions que j'avais pour vous ce matin, c'est de savoir... Vous voulez que certaines de vos opérations soient financées par le Fonds, comme tel, forestier. Qu'est-ce que ça modifierait en termes de financement? Ce que j'en comprends, c'est qu'actuellement vous êtes financés par contrats toujours un peu précaires, dépendamment de ce qui arrive. Quel serait le plus grand avantage pour vous d'être financés de cette façon-là et qu'est-ce que ça apporterait de différent par rapport à aujourd'hui? Et est-ce que c'est faisable aussi, est-ce que c'est réalisable?

M. Dansereau (Jean-Pierre): Les deux premières...

Le Président (M. Désilets): M. Dansereau.

M. Dansereau (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Les deux premières recommandations doivent être lues de concert. Nous demandons que le transfert des technologies puisse être financé par le Fonds forestier et nous demandons aussi la mise sur pied de programmes spécifiques de transfert de technologies où nous pourrions présenter des projets de cette nature.

Actuellement, nous avons accès à des programmes de financement qui portent sur la recherche, sur l'acquisition de nouvelles connaissances dans le cadre des volets 1 et 2 du Programme de mise en valeur des ressources forestières. Mais, quand vient le temps de mettre sur pied des activités de vulgarisation, d'information spécialisée, il n'existe pratiquement pas de programmes qui nous permettent de présenter ce type de projets, donc d'obtenir du financement et de mener à bien des activités.

Alors, la reconnaissance de la fonction de transfert de technologies comme une fonction à part entière distincte de la valorisation des résultats de recherche serait pour nous quelque chose d'important et de nouveau, ça nous donnerait un lieu où aller présenter des projets qui pourraient être plus structurés, plus ciblés, plus efficaces.

M. Béchard: Mais présentement, ce que j'en comprends, c'est qu'il n'y a pas de possibilité à ce niveau-là, ou presque pas, au niveau de transfert des technologies, c'est-à-dire que, ni du côté des entreprises ni ailleurs on est intéressé par vos services, alors que c'est tellement important. J'ai un peu de difficulté à comprendre pourquoi vous semblez dire qu'il n'y a pas beaucoup de demandes à ce niveau-là.

M. Dansereau (Jean-Pierre): Ce serait faux de dire qu'il n'y a pas de demandes, puisqu'on fonctionne depuis 16 ans et qu'on atteint un niveau assez élevé d'autofinancement, mais c'est sur des projets pointus, ad hoc, et qui sont très spécialisés dans nos domaines d'intervention. Nous reconnaissons la recherche appliquée, le conseil technique, la formation. C'est assez facile... «assez facile», c'est faisable de trouver du financement et des gens intéressés à ce genre d'activités là, quand vient le temps de faire des interventions qui sont plus larges, par exemple, l'information spécialisée et la vulgarisation, là ça devient très difficile de trouver des sources de financement. Il y a donc une partie de la fonction de transfert de technologies qui n'est pas assumée actuellement.

M. Béchard: Vous mentionnez aussi ? merci ? dans votre mémoire qu'un de vos champs principaux, à la page 2, «est la foresterie, plus précisément l'aménagement et la sylviculture des forêts». Au moment où on veut passer d'un rendement soutenu à un rendement accru, on a entendu certains groupes venir mentionner en commission l'efficacité comme telle des pratiques sylvicoles. Est-ce que ces pratiques-là nous permettent vraiment d'aller plus loin? Il y a des gens qui disent: On n'est pas encore tout à fait sûrs de l'efficacité de nos façons de faire, de nos pratiques sylvicoles. J'aimerais ça que, en quelques mots, vous me disiez où est-ce qu'on se situe. Est-ce que vous en connaissez, des travaux sylvicoles qui se font, leur nature, des façons de faire qu'il y a? Ça peut nous permettre d'aller au niveau du rendement accru.

M. Dansereau (Jean-Pierre): Si j'avais vraiment la réponse à ça, mes services seraient très en demande.

M. Béchard: C'est ce qu'on vise.

M. Dansereau (Jean-Pierre): C'est ce qu'on vise? On a sûrement besoin au Québec de diversifier nos interventions sylvicoles, de diversifier nos façons d'intervenir. Quand on parle de rendement accru, il y a un exercice difficile à mener parce que, se rendre aux rendement accru, il y a une façon très simple d'y aller, c'est de réduire les prélèvements qu'on fait aujourd'hui. Forcément, on en arriverait à un rendement accru dans le futur. C'est un exercice qui ne serait pas sans causer de graves problèmes au niveau de notre structure industrielle, au niveau des emplois; on doit donc trouver d'autres façons de combler.

Quand on parle de sylviculture, ça peut être au niveau de l'amélioration de la qualité des arbres, pas seulement au niveau de l'amélioration du volume, pour permettre, pour faciliter les deuxième et troisième transformations, pour faciliter une adaptation de notre structure de transformation. Ça peut aussi être une sylviculture qui trouverait le moyen de mettre en valeur d'autres ressources, d'autres fonctions des milieux forestiers parallèlement à la fonction de production de fibres.

Alors, il y a donc une série d'approches qui doivent être développées. Nous n'avons pas toutes les réponses mais il est sûr qu'au Québec on peut faire plus qu'on fait actuellement en termes d'intervention sylvicole, en termes de choix d'aménagement au niveau de nos forêts et obtenir de meilleurs rendements que nous en avons actuellement. Il y aura probablement dans cet exercice-là des échanges à faire au niveau de la société.

Le Président (M. Désilets): Merci, M. Dansereau. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui. Un autre point que je voulais aborder avec vous, c'est à la page 6 de votre mémoire, toute la question de la façon au niveau du calcul de possibilité et tout ça. Vous mentionnez que «le principe d'une prise en charge par un seul des intervenants impliqués [...] nous semble présenter des problèmes. C'est une approche qui, selon nous, ne peut répondre adéquatement à la problématique d'amélioration de la planification».

Dans le projet de loi qui est présenté, le projet de loi n° 136, on enlève en plus la possibilité d'aller en arbitrage. Parce que, le problème ? puis on l'a vécu dans les derniers mois ? c'est que non seulement les données sont contestées et il y a des écarts importants entre les données, que ce soient des industriels, du ministère, et bien souvent les gens ? que ce soient les MRC ou les intervenants, la population en général ? s'y perdent complètement. Et là, en plus, on enlève toute la question de l'arbitrage comme tel. Qu'est-ce que vous pensez de ça, du fait que, une fois que la décision est rendue, il n'y aura plus de possibilité de recours?

Le ministre tantôt disait: Il faut que quelqu'un tranche à un moment donné. Mais il ne faut pas non plus que ça devienne une dictature. Et, selon vous, si le ministre n'est pas d'accord avec l'arbitrage, est-ce qu'il y aurait autre chose pour faire en sorte qu'il y ait un recours quelque part ou un appel qui puisse se faire et que ce ne soit pas uniquement à la discrétion de quelques individus qui en bout de ligne disent: Voici par où on s'en va. On ne sait pas quelles sont les données qui ont été mises dans la boîte pour en arriver là, quelles sont les prémisses au calcul, et on s'entend plus ou moins là-dessus. Donc, j'aimerais vous entendre: Est-ce que c'est une bonne chose que le processus d'arbitrage disparaisse? Et, si on n'en a plus, qu'est-ce qui pourrait le remplacer, ce processus-là?

Le Président (M. Désilets): M. Dansereau.

n(9 h 30)n

M. Dansereau (Jean-Pierre): Je peux vous donner ici un avis vraiment personnel et non pas de spécialiste. Dans le contexte où le ministère rapatrie la responsabilité de confection et de détermination du calcul de possibilité et qu'il le fait seul et non pas en collégialité, il me semble que la disparition du mécanisme d'arbitrage n'est pas souhaitable. Il faut que des gens qui ont l'expérience de l'opérationnalisation de ces décisions-là sur le terrain puissent avoir l'occasion d'intervenir. Si le modèle qui est choisi en est un de modèle de collégialité de travail en accompagnement le plus longtemps possible, à ce moment-là, je conçois que le ministre à un moment donné ait des choix à faire et dise: Nous en avons discuté, nous avons écouté, il y a maintenant des choix à faire et je tranche, et qu'on puisse éventuellement mettre fin à cet exercice qui pourrait continuer de façon indéfinie.

Le Président (M. Désilets): Je vous rappelle, M. le député, qu'il reste une minute à votre formation politique.

M. Béchard: Oui, une dernière petite question, rapidement. Justement, quand on regarde tout le processus et la validation des données de part et d'autre, est-ce que, si on enlève le processus d'arbitrage, il ne pourrait pas y avoir, comme l'a suggéré ma collègue de Bonaventure, la mise en place d'un inspecteur des forêts ou d'un vérificateur relié au Vérificateur général, pour au moins dire: Bon, bien, voici la méthode, voici, la validité des données est bonne, voici ce sur quoi on s'est basé et voici les données réelles, si on veut, au-delà, comme vous le mentionnez, de tout spectre de conflit et de quoi que ce soit, d'arriver avec un moyen simple, clair et précis qui donne l'heure juste autant aux industriels, autant à la population impliquée, autant à la population en général?

M. Dansereau (Jean-Pierre): La notion d'un inspecteur des forêts pourrait sûrement remplir d'autres fonctions, mais, en ce qui regarde ce problème-là, il s'agirait forcément d'une intervention a posteriori, alors que nous insistons sur l'importance d'un travail a priori, lors des travaux de détermination de la possibilité forestière et de confection des plans d'aménagement. Et je ne peux qu'insister sur notre vision que ce travail doit se faire en associant le plus grand nombre de professionnels possible lors des travaux mêmes de confection.

M. Béchard: O.K. Merci.

Le Président (M. Désilets): Eh bien, on vous remercie beaucoup, M. Lacasse et M. Dansereau. Je vais suspendre quelques secondes, quelques minutes, le temps de permettre à l'Association régionale de développement unifié et à l'Alliance autochtone Dolbeau-Mistassini de la MRC de Maria-Chapdelaine de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 9 h 32)

 

(Reprise à 9 h 33)

Le Président (M. Désilets): Eh bien, la commission reprend. Je voudrais... M. Pieter Wentholt, oui?

M. Wentholt (Pieter): Ça marche-tu, ça?

Le Président (M. Désilets): Oui.

M. Wentholt (Pieter): Vous m'entendez, oui?

Le Président (M. Désilets): Oui. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire et que les deux parties, après ça, ont chacune 15 minutes pour vous poser des questions.

Association régionale de développement unifié
(ARDU) et Alliance autochtone Dolbeau-Mistassini
de la MRC de Maria-Chapdelaine

M. Wentholt (Pieter): O.K. Bien, je vais vous dispenser de la lecture du mémoire mot pour mot, je vais plutôt faire un lien avec la réalité de ce que nous avons vécu comme Association. Il y a différents points que nous avons soulevés à l'intérieur du mémoire. Ce n'est pas des points techniques, puisqu'au niveau technique on n'a aucune connaissance. C'est beau, des grands termes forestiers, mais, dans la réalité, qu'est-ce que ça mange? C'est plutôt ça qu'on a regardé.

Nous, notre Association, tout d'abord, l'Association régionale du développement unifié, a été créée à partir de l'Alliance autochtone du Québec de Mistassini suite à un constat que nous avions fait. Ce que nous voulions faire, c'était de développer localement, de créer des emplois à partir d'une ressource qui est disponible, qui est sur place.

On avait un projet de forêt habitée que nous avions soumis au niveau de la grande entreprise, qui détient déjà la majorité des CAAF. Parce que, dans notre territoire, ce qu'on déplore au niveau du nouveau régime forestier, c'est l'ouverture à des CAF mais à la condition qu'il y ait des volumes disponibles. Dans notre secteur, il n'y en a plus de volumes disponibles. C'est beau de vouloir créer de l'activité économique supplémentaire, mais il faut d'abord donner un plan légal ou une capacité légale au niveau local à s'intégrer à l'intérieur des CAAF pour en faire des CAF pour vraiment stimuler l'économie.

Nous, où est-ce qu'on était arrivé comme premier projet, c'était des fermes forestières. Nous nous sommes déplacés, nous avons été voir... Je crois que tout le monde doit savoir que la forêt modèle de Rimouski détient des métayers forestiers qui sont en quelque sorte des gestionnaires forestiers sur des territoires déterminés de 1 000 à 1 200 hectares. La formule s'est avérée rentable. La formule est bonne. On est allé vérifier sur place. On a demandé aux entreprises forestières présentes dans notre secteur de venir voir le travail qui se faisait au niveau forestier. Puis, entre la foresterie faite par la grande entreprise et la foresterie faite par les métayers forestiers, il y a toute une marge de différence. C'est socialement beaucoup plus acceptable, c'est beaucoup plus rentable économiquement aussi, de par le nombre d'emplois créés, parce que chaque métayer forestier emploie 1,5 homme annuellement. Donc, nous, c'est à partir de ce principe-là qu'on s'était établi.

Mais, dans la réalité, lorsqu'on a soumis ça aux entreprises forestières, c'est une incapacité de la population à pouvoir s'intégrer à l'intérieur de sa propre forêt pour se développer localement. C'est là qu'on a une dent contre le régime forestier, même contre le nouveau régime forestier, c'est qu'on a beau... La langue française est quelque chose de beau, on peut exprimer de vouloir faire beaucoup de choses, mais, dans la réalité, il n'y a rien qui peut se faire à partir de ça. On ne peut pas intégrer la population à l'intérieur des CAAF pour se développer localement parce que la grande entreprise détient plein de pouvoirs sur la forêt. C'est à partir de ce point-là que nos principales revendications vont. Comment pouvons-nous faire de la gestion intégrée des ressources s'il n'y a pas de place à s'intégrer à l'intérieur même de cette ressource-là à partir de la localité?

Quand on parle de développement local, quand on parle de développement régional, il faut créer des emplois, il y a des possibilités de créer des emplois à partir de la ressource forestière sans nuire à la grande entreprise parce qu'on est quand même conscients que la grande entreprise forestière est un levier économique pour tout le Québec, puis spécialement dans notre région. Sauf que, dans les faits, il n'y a aucune place pour intégrer la population à l'intérieur du système de récolte et d'investigation des autres ressources que la matière ligneuse. La gestion intégrée des ressources, ce n'est pas seulement des deux-par-quatre. Il y a des plantes médicinales, il y a des champignons, il y a toutes sortes de fruits, d'arbres fruitiers en forêt qui pourraient être exploités.

À titre d'exemple, il y a un organisme à Normandin qui a mis en pratique au niveau expérimental la culture du bleuet en forêt en même temps que la récolte d'arbres. Quand vous parlez de rendement accru à l'intérieur de votre régime forestier, le rendement accru s'arrête à une chose, c'est l'augmentation du volume de production à l'hectare des arbres, il ne tient pas compte du reste. Mais l'exemple de la forêt de Normandin est très concluant. C'est qu'ils ont pris une partie de territoire où ils ont amené à 2 500 tiges à l'hectare, ce qui est prescrit normalement par le MRN, mais dans une superficie moins grande que l'hectare, puis, dans le couloir de 15 mètres, on produit du bleuet. Le rendement accru, à l'intérieur de ça, c'est que le bleuet a une valeur, l'arbre a une valeur puis les deux valeurs sont incluses à l'intérieur de ce même hectare. Et la productivité du territoire, le rendement accru, où on le voit à l'intérieur de ça? C'est dans la valeur ajoutée que ça apporte. C'est qu'à partir d'un hectare de forêt ils ont a été capables, à titre d'exemple, de partir d'une valeur de 1 000 $ l'hectare pour les arbres et de 800 $ pour le bleuet, pour en faire une valeur de 1 080 $ ou 1 180 $, quelque chose comme ça. Donc, ils ont augmenté la valeur d'une partie de territoire par une gestion intégrée intelligente des ressources.

On ne voit pas d'ouverture dans le régime forestier à cet effet-là. Oui, les paroles sont là, oui, on parle de gestion intégrée des ressources mais, dans les faits... On le sait, on le vit à l'heure actuelle. On est en train de négocier un projet de forêt habitée avec la grande entreprise forestière puis le milieu, puis ce n'est pas quelque chose de facile. Il n'y a pas de portes ouvertes, il n'y a pas d'appui du ministère à cet effet-là. Les simples citoyens, comme on est, sont laissés à eux autres mêmes puis ils n'ont pas de cadre législatif pour s'intégrer à l'intérieur de ces CAAF là. On sait que partenariat-concertation, de par la grande entreprise, sans cadre législatif, ressemble beaucoup plus à de la soumission. Depuis trois ans qu'on travaille à ce projet de forêt habitée avec la grande entreprise forestière puis qu'on essaie de s'intégrer, puis depuis trois ans, si on avait voulu faire ce qu'ils voulaient tout le temps, c'est-à-dire juste la récolte de matière ligneuse, on aurait été intégrés à l'intérieur des CAAF sans aucun problème. Mais, à partir du moment où on parle de gestion intégrée des ressources, où on parle de foresterie différente de ce qui se fait, il n'y a aucune place pour ça.

Puis c'est ça qu'on est venu revendiquer surtout. C'est qu'au niveau de la gestion intégrée des ressources, au niveau de la capacité de développer notre économie locale, de créer des emplois dans nos localités à partir du régime forestier, je crois que c'est faisable s'il y a un cadre légal, s'il y a vraiment des outils qui sont donnés à la population, à des organismes à but non lucratif comme le nôtre, de s'intégrer à l'intérieur de ces CAAF là, de nous donner des outils pour être capables de dire: Oui, on s'assoit en partenariat, on s'assoit en concertation parce qu'on a des armes égales. On a un cadre législatif qui nous dit: Oui, vous devez laisser intégrer ces formes d'organismes là à l'intérieur de vos CAAF et, oui, vous devez vous asseoir avec eux autres pour discuter de la gestion intégrée des ressources. Parce que, si le gouvernement voulait être concis, si on retourne en arrière en 1993, sur sa plateforme électorale, lorsqu'il avait parlé de forêt habitée, il n'y a rien qui a été fait dans ce sens-là depuis sept ans.

n(9 h 40)n

Puis je pense qu'il y a une belle ouverture à l'heure actuelle en révision du régime forestier. Le gouvernement peut voir lui-même que le régime forestier de 1987 avait été mis de l'avant pour deux raisons principales: c'est l'utilisation maximale de la ressource forestière ? je pense que ça a été atteint, étant donné qu'il n'y a pratiquement plus de CAAF disponibles, il n'y a plus de volume disponible, en tout cas dans notre secteur; le deuxième objectif, c'était la gestion intégrée des ressources et le rendement soutenu ou accru. Mais on est toujours resté à 1,5 mètre cube à l'hectare, grosso modo, on n'a pas monté à 2 ni à 3. Ce n'est pas la volonté de l'entreprise privée d'augmenter le volume de production forestière, ce n'est vraiment pas sa volonté. Puis, je veux dire, si ça avait été sa volonté, dans les 13 dernières années, on aurait réellement vu un accroissement du volume forestier, mais on ne l'a pas vu, on n'est pas capable de le constater de visu. Sûr qu'il existe beaucoup d'études, il y a beaucoup de travail qui a été fait, il y a beaucoup de littérature au niveau du MRN sur la gestion intégrée des ressources, mais, dans son ensemble, il y en a très peu au Québec, il n'y en a pratiquement pas parce que le cadre légal ne laisse pas de place à s'intégrer à l'intérieur de ça. C'est une de nos revendications principales.

Pourquoi le simple citoyen, en association, n'est pas capable de s'intégrer à l'intérieur de sa ressource forestière sans nuire à la grande entreprise forestière? Il y a certainement des moyens de travailler ensemble, de faire quelque chose, mais ça prend la participation de tout le monde. Quand on regarde au niveau des régimes forestiers aussi, le nouveau, ce qui est proposé surtout au niveau de s'autogérer à partir de la grande entreprise, les vérifications forestières, on pense que ça devrait être laissé à deux ou trois ministères ou à plus de monde, la vérification. Tu ne peux pas laisser simplement le MRN seul vérifier l'impact de toute la foresterie. Quand on dit qu'on va donner aux entreprises forestières... Ceux qui font bien leur travail, on va maintenir leur CAAF; ceux qui font mal leur travail, on va les retrancher du CAAF. Qui va dire qu'ils font mal leur travail?

Personnellement, l'année dernière, nous, étant donné qu'on était stagnés avec la grande entreprise forestière puis qu'on n'avait aucun outil pour se débattre pour réussir à faire passer notre projet de forêt habitée, on a levé une pétition où on a récolté un peu plus de 30 % de la population qui a signé ? 4 500 noms ou à peu près ? qu'on a déposée au MRN, demandant un moratoire sur ses plans généraux d'aménagement forestier parce qu'il n'avait pas prévu notre intégration à l'intérieur même de ses plans généraux d'aménagement forestier pour faire un projet de forêt habitée. Ce que le MRN nous a répondu, c'est que notre demande était illégitime. Je ne crois pas qu'il y ait une illégitimité à revendiquer une partie de territoire pour travailler dessus sans nuire à l'approvisionnement de ces entreprises-là.

Moi, je crois qu'il faut qu'il y ait un cadre législatif beaucoup plus ouvert, mais un outil pour la collectivité pour se développer. La grande entreprise, ce qu'elle veut, c'est des deux-par-quatre, c'est tout ce qu'elle veut. Mais la collectivité, elle, ce qu'elle veut, c'est des jobs. Puis c'est sûr que c'est des jobs qui demandent à être soutenues par le ministère, à certains égards, au niveau de la recherche des nouvelles possibilités ou des ressources autres que la matière ligneuse. Mais on ne s'est pas gêné, pendant un quart de siècle, pour soutenir la grande entreprise privée au niveau forestier pour développer son économie. Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui on se gênerait pour soutenir la population dans la recherche de gestion intégrée des ressources pour développer de nouvelles économies à l'intérieur même de cette même ressource de la forêt? Je pense que c'est toutes des questions qu'on a à se poser collectivement. Je pense qu'on a à travailler là-dessus.

Puis je pense que le ministère a une chose à ne pas oublier, c'est qu'il y a une population qui veut travailler, il y en a du monde. Ce n'est pas vrai que tous les assistés sociaux puis les chômeurs le sont par choix; il y en a qui veulent travailler, et je pense qu'il faut leur ouvrir la porte. Puis attendre que les jobs arrivent du ciel, attendre que les idées arrivent d'ailleurs ou qu'une nouvelle ressource émane de je ne sais pas trop où, c'est perdre du temps collectivement, c'est perdre beaucoup. Puis je pense que l'ouverture du nouveau régime forestier à l'heure actuelle devrait prévoir... Comment je dirais ça?

Je suis allé la semaine dernière à un colloque sur la forêt habitée au Québec qui était à Maniwaki. Il y a des exemples d'entreprises collectives qui ont travaillé sur CAF en collaboration avec la grande entreprise, qui sont probablement plus ouvertes que d'autres, avec des subventions provenant du volet 2, qui ont quand même créé des côtés positifs. Il en a d'autres où, non, ce n'est pas réalisable. Ça dépend toujours de l'ouverture. Mais une chose est ressortie puis qui est claire, c'est que ça prend un cadre légal pour forcer la grande entreprise à laisser entrer dans ses parterres de coupe des organismes à but non lucratif pour vraiment développer la gestion intégrée des ressources.

Par exemple, on pourrait prendre un organisme comme le nôtre qui rentrerait sur un CAF où on sait que, dans sa bordure de 20 kilomètres autour des municipalités, pourrait être déterminé comme le territoire de forêt habitée où les interventions forestières devraient être faites différemment. On sait que c'est des territoires qui sont beaucoup plus productifs puis que, s'ils sont travaillés, ils peuvent devenir encore plus productifs. On peut partir de 1,5 à 3 mètres cubes à l'hectare facilement. C'est ce que le CAFN de Normandin a réussi à faire, il a augmenté la productivité. On peut le faire, ça. Puis les volumes dégagés suite à ça pour l'autofinancement, c'est des choses qui viennent à long terme. Mais l'autofinancement des ces organismes-là peut se faire par les volumes supplémentaires dégagés, qui, eux autres, seront vendus aux enchères. Il y a un paquet de solutions puis de pistes qui peuvent être prises. Je suis certain que... Oui?

Le Président (M. Désilets): Oui, M. Wentholt, je voudrais vous rappeler qu'il vous reste deux minutes, si vous voulez maintenant conclure.

M. Wentholt (Pieter): Bien, je vais terminer tout de suite là-dessus. Parce que je pense qu'il y a un paquet de pistes qui ont été ouvertes par d'autres organismes avant nous autres. On ne détient pas le monopole de l'intelligence ou encore des solutions, mais on détient des solutions. On détient surtout une volonté de travailler puis se développer localement. Donc, ce que je demanderais à vous tous, messieurs ? madame est partie ? c'est de voir à faire en sorte que réellement le régime forestier ne soit pas encore une acrobatie de la langue française mais une réalité dans sa réalisation. Merci. Je vais attendre vos questions.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. M. le député et ministre.

M. Brassard: Merci, M. Wentholt, de votre présence et de votre contribution. C'est un projet évidemment que je connais, puisqu'il est né dans ma région, pas très loin de chez moi. Et je sais que vous y avez mis beaucoup d'ardeur et beaucoup de détermination. Il semble, selon vos propos, que les pourparlers ne sont pas, je dirais, interrompus avec la grande entreprise pour en arriver à réaliser votre projet de forêt habitée.

Vous l'avez mentionné cependant, vous avez participé au colloque à Maniwaki, colloque qui regroupait l'ensemble des promoteurs de divers projets de forêt habitée à travers le Québec, et vous en avez d'ailleurs signalé certains ? il y en a même pas très loin de chez nous, vous avez parlé de Normandin ? où on a pu mettre en oeuvre des projets de forêt habitée avec l'appui, la coopération et la collaboration des grands bénéficiaires de contrats d'aménagement, de CAF. Ça s'est fait et avec un certain succès, je pense. Mais, comme vous l'avez dit, c'est inégal. L'ensemble des projets habités n'a pas donné des résultats égaux, c'est inégal.

Mais il y a un problème évidemment, cependant. Il y a un problème légal. C'est peut-être prosaïque puis pas tellement intéressant comme dimension, mais il y a une dimension légale. Il arrive qu'à partir de 1986-1987 on a accordé des CAAF, des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, un peu partout sur le territoire québécois, si bien qu'aujourd'hui on se retrouve avec des CAAF pratiquement partout, y compris à proximité des villages et des municipalités dans les régions forestières.

n(9 h 50)n

Est-ce que vous demandez que l'on modifie la loi pour en arriver à une certaine coercition à l'égard des entreprises pour qu'elles deviennent parties prenantes de projets comme le vôtre ou est-ce qu'on peut y arriver par des moyens incitatifs, et lesquels? Parce que, à partir du moment où on choisit la coercition, là, on a comme un petit problème ? enfin, petit, c'est une façon de parler ? on a un problème juridique, parce qu'il y a des contrats, et des contrats, en vertu des lois, évidemment il faut les respecter. Si on ne les respecte pas, si on les change unilatéralement, on risque de se retrouver devant d'honorables juges. Alors, qu'est-ce qu'on pourrait faire ou qu'est-ce qu'on devrait faire pour en arriver à faire en sorte que des projets comme le vôtre puissent plus facilement voir le jour et se développer?

M. Wentholt (Pieter): Je crois que le cadre légal doit être changé parce que je ne crois pas... Si on recule en arrière, en 1986-1987, lorsque vous avez mis en place le premier régime forestier au Québec, lorsqu'on a mis en place le premier régime forestier, c'était pour en venir à maximiser l'utilisation de la forêt, c'est-à-dire maximiser le côté économique qu'il pouvait y avoir, utiliser au maximum une ressource qui était disponible, qui est renouvelable. Pourquoi, à l'heure actuelle, est-ce qu'on ne pourrait pas transformer son cadre légal d'application pour justement voir des organismes comme le nôtre être intégrés à l'intérieur de tout ça?

Est-ce que ça se fait par des mesures incitatives? Oui, certainement que ça peut se faire par des mesures incitatives. Quelles sont les mesures incitatives qui feraient l'affaire de la grande entreprise? Je pense que c'est des mesures qui vont leur rapporter quelque chose. Mais la grande entreprise n'a pas une vision à long terme, la grande entreprise a une vision à très court terme, puis ça, je l'ai vécu par expérience. La première fois qu'on s'est assis à la table des gestionnaires de CAAF, ils sont sept gestionnaires de CAAF, lorsqu'on leur a parlé de rendement accru, lorsqu'on leur a parlé d'augmentation de la qualité des tiges pour le sciage ? c'est quelque chose qui se voit sur une avenue à long terme et non pas à court terme ? ce qu'ils nous ont répondu, c'est que ce n'est pas important; ce qui compte, c'est de faire des piastres. C'est ça qui est important pour eux autres. Je pense qu'à partir du moment où la grande entreprise...

Je comprends, leur intérêt premier, leur préoccupation première, c'est de rester économiquement rentables puis de faire de l'argent pour leurs actionnaires, qui leur demandent des rendements. Mais, à partir de ça, comment pouvons-nous collectivement souscrire à la rentabilité économique de ces entreprises et en même temps au développement économique de nos communautés au Québec? Je pense que c'est dans un cadre légal ou dans un cadre incitatif à laisser entrer des organismes comme le nôtre sur ces territoires-là ou à les forcer à laisser entrer des organismes comme le nôtre sur ces territoires-là.

Parce que, si on regarde ce qui s'est passé à Normandin ? M. Brassard, vous-même, vous l'avez vu aussi, je crois ? c'est une très belle expérience. Mais, à Normandin tout comme dans les autres corporations forestières, de gestion forestière qui sont affiliées ou organisées avec ces entreprises forestières là, il reste une réalité, c'est que la continuité n'est pas garantie.

À titre d'exemple, lorsque vous aviez parlé de revoir le régime forestier, Produits forestiers Alliance a arrêté de faire de la coupe sélective pour faire de la coupe à blanc pour faire pression pour empêcher de changer, trop de changements à l'intérieur du régime forestier, pour soulever la population, pour l'emmener de son côté. Ça fait partie de la game, c'est correct. Mais, si la game est organisée autrement, dans son cadre légal, c'est des choses qui ne pourront pas se passer.

En bordure des municipalités, si on coupe toutes nos forêts, à l'heure actuelle, qui sont en bordure de nos municipalités dans les 25 premiers kilomètres, on va s'enlever collectivement une grande capacité de se développer économiquement. Sauf que, si on la gère d'une manière différente dans un cadre légal où on dit que les coupes à blanc ne devraient plus être faites sur des grandes superficies mais dans des coupes à blanc de 2 à 4 hectares, un peu comme ils font à Normandin, peut-être que collectivement on va se donner un outil collectif de développement à long terme, peut-être qu'on va développer d'autres économies au niveau de la forêt. Parce que ce n'est pas vrai qu'il y a juste des arbres.

Donc, il y a un paquet de solutions, M. le ministre. Je pense que tout le monde est assez intelligent pour les trouver. Puis je pense qu'il y a un paquet de monde qui est déjà passé puis qui en a soumis, des solutions. Il faut donner un cadre législatif. Il faut peut-être aussi, au niveau des droits de coupe à payer, inciter la grande entreprise à laisser entrer des organismes comme nous autres, subventionner ou les argents pris à même ces droits de coupe là. Il y a un paquet de solutions qui sont réalisables. Tout ce qu'il faut, c'est une volonté de le faire.

Je suis sûr qu'il y a eu une résistance, en 1986-1987, de la grande entreprise pour partir des concessions forestières à venir à un régime forestier où ça allait vers des redécoupages en aires communes. Je suis certain qu'il va y avoir une résistance aussi à partir du moment où on va obliger l'intégration de ces organismes-là à l'intérieur de ces CAF là. Mais il ne faut pas oublier une chose, c'est que le développement économique des communautés ne peut pas se faire sans un cadre légal au niveau de l'intégration des organismes à l'intérieur de ces CAF là. La grande entreprise ne nous accueille pas les bras ouverts. La grande entreprise a peur des organismes communautaires qui vont venir faire de la foresterie différente de ce que tout le monde a toujours vu jusqu'à aujourd'hui.

Le Président (M. Désilets): Merci, M. Wentholt. M. le ministre, pour les six prochaines minutes.

M. Brassard: Oui. Évidement, il faut quand même nuancer vos propos parce que, quand on regarde la réalité au Québec actuellement, on constate que plus de 40 % des travaux d'aménagement, de récolte, des travaux sylvicoles, des travaux de reboisement sur CAF sont faits ou assumés par soit des coopératives soit des organismes de gestion en commun. Alors, il y a quand même eu une évolution des choses assez importante où des organismes locaux, régionaux, des coopératives ont occupé une place de plus en plus grande, même sur territoire de CAF. Alors, il faut quand même constater cette évolution, tout en reconnaissant que, de votre point de vue, c'est insuffisant, ça doit être davantage soutenu.

Mais vous avez parlé de rendement accru. C'est évident qu'actuellement les entreprises ne s'engagent pas dans cette voie-là. Pour s'engager dans cette voie-là, il faut qu'on ait une politique de financement du rendement accru. Il faut une politique de rendement accru, mais aussi il faut une politique de financement du rendement accru. Actuellement, ce n'est pas le cas. Ce qui est financé, c'est le rendement soutenu. Alors, forcément, ça s'arrête là, c'est évident. Je constate que vous êtes d'accord pour qu'on envisage de s'engager dans la voie du rendement accru. Mais, pour ce faire, c'est clair qu'il va falloir prévoir le financement de cette politique, sinon ça ne se fera pas à coup de bénévolat, sûrement pas.

M. Wentholt (Pieter): Non, non, non. D'ailleurs, je pense que c'est une des problématiques majeures de la plupart des OSBL, des organismes sans but lucratif qui travaillent sur les CAF. Entre parenthèses, comme vous disiez tout à l'heure, la permanence de ces organismes-là n'est pas assurée. Ça veut dire, du jour au lendemain, ces bénévoles-là commencent à être épuisés. Le jour où est-ce qu'ils vont baisser les bras, où est-ce qu'ils vont partir parce qu'ils ne sont plus capables, ces corporations-là vont s'en aller, elles ne seront plus présentes. Puis c'est vrai, vous dites qu'il y a un peu plus de 40 %, au Québec, des opérations forestières qui sont faites par des OSBL ou surtout des coopératives forestières, mais les coopératives forestières aujourd'hui ne sont pas différentes de la grande entreprise, mis à part le fait que les profits restent au Québec plutôt que de s'en aller à l'étranger. C'est la seule différence qu'il y a entre les deux.

M. Brassard: En termes de comportement, vous voulez dire?

M. Wentholt (Pieter): Hein?

M. Brassard: Vous voulez dire que le comportement des coopératives forestières actuellement n'est pas...

M. Wentholt (Pieter): N'est pas très différent de la grande entreprise.

M. Brassard: ...n'est pas distinct de la grande entreprise?

M. Wentholt (Pieter): Il n'est pas très différent de la grande entreprise. Si on regarde, je vais prendre à titre d'exemple la Coop forestière de Gérardville, elle est devenue une entreprise de coupe d'arbres. C'est à peu près tout ce qu'ils font. Je veux dire, couper des arbres n'importe qui est capable de faire ça. Tu rentres dans le bois avec un scie mécanique puis tu coupes. Mais, en réalité, la gestion intégrée des ressources, ces coopératives-là ne s'en occupent pas, elles ne consacrent pas des gros montants à la gestion intégrée des ressources, à la recherche des autres ressources que la matière ligneuse. Pour moi, une gestion intégrée, c'est ça, c'est: Oui, il y a des arbres fruitiers, il y a des plantes médicinales, il y a des champignons sur des couverts forestiers, ça demande à être investigué.

Si, demain matin, je vous disais, M. le ministre: J'ai trouvé une solution pour augmenter de 3 % l'économie au niveau de la forêt, dans les arbres, vous diriez que je suis un héros. Mais, si je vous dis qu'à partir des matières autres que la matière ligneuse on peut peut-être développer une autre économie qui représente peut-être aussi 3 % de l'économie actuelle au niveau forestier, vous allez me dire que je suis un imbécile ou que je suis un rêveur.

M. Brassard: Je n'oserais pas. Ha, ha, ha!

M. Wentholt (Pieter): En tout cas, vous le penseriez, si vous ne le disiez pas. Mais pourquoi est-ce qu'on ne se donnerait pas les outils au Québec pour se développer? Pour être concis, dans toutes les volontés du gouvernement, il faut regarder, on veut créer des emplois, on a une ressource, mais on ne veut pas prendre le cadre légal ou on ne veut pas non plus prendre les outils pour soutenir le développement de cette nouvelle ressource-là. Je pense que ça, c'est important. Puis, pour la collectivité, on voit que l'appauvrissement s'agrandit toujours. Dans nos régions, il y a de plus en plus de chômage, il y a de plus en plus d'assistés sociaux. Je pense qu'il faut mettre un frein à ça. Puis ce n'est pas vrai que c'est en envoyant le monde à Montréal ou à Québec, en les sortant de nos villes puis de nos villages et en les fermant qu'on va régler notre problématique.

M. Brassard: Merci.

n(10 heures)n

Le Président (M. Désilets): C'est beau. Merci beaucoup, M. Wentholt. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Wentholt, bonjour. Bienvenue. Vos commentaires sur la forêt habitée sont assez pertinents aujourd'hui d'autant plus que vous avez sans doute pris connaissance de la déclaration de Maniwaki lors du colloque qui s'est tenu du 18 au 20 octobre 2000 et de quelques-uns de ses extraits qui mentionnent notamment que l'approche de la forêt habitée, et les valeurs qu'elle englobe, est incontournable; matérialise les moyens novateurs; promouvoir et soutenir; qui permettent aux communautés une diversification et une mise en valeur intégrée de leurs ressources et qui revendiquent un cadre formel juridique; et que les gens s'engagent à développer un réseau de forêt habitée pour rassembler et appuyer les collectivités qui aspirent à prendre en main la gestion intégrée de leurs ressources assurant ainsi leur avenir. J'imagine que vous souscrivez aussi à cette déclaration-là.

Moi, sur la question de la forêt habitée, vous me rassurez quand vous dites que, chez vous, ça fait six ans que vous avez un projet comme ça, et que vous attendez, et que, finalement, ce n'est pas loin du comté du ministre. Moi, j'en ai un chez nous aussi où on attend depuis quelques semaines... quelques mois, c'est-à-dire. Ça fait que, au moins, vous me rassurez dans l'attente qu'on a face à la politique de forêt habitée.

Parce qu'il y a un défi là-dedans, au niveau de la forêt habitée, qui est extrêmement intéressant. Parce que, même si on dit que ça prend un cadre légal, un cadre juridique, c'est comment en arriver à une formule qui est à la fois assez, je dirais, rigide pour permettre la mise en place de projets de forêt habitée, mais, d'un autre côté, qui est assez souple pour permettre la mise en place de projets de forêt habitée qui répondent aux besoins de chacune des régions, aux particularités de la forêt dans chacune des régions, et, je dirais, aux particularités de l'économie de certains endroits par rapport à d'autres. Et ça, pour moi, c'est un défi qui est intéressant.

Comment on peut arriver avec un cadre législatif réglementaire qui fait en sorte qu'on les met en place, mais, d'un autre côté, qui répond à la diversité des régions et des économies régionales? À l'intérieur de ça ? moi, j'aimerais vous entendre ? est-ce qu'on doit y aller davantage avec une approche réglementaire, avec des normes, de façon stricte: Voici ce que vous devez faire, ou est-ce qu'on devrait envisager davantage une approche où ce serait beaucoup plus selon l'atteinte de résultats: Voici les grands objectifs à atteindre, voici ce que vous devez atteindre? Ou y aller avec des normes claires, nettes et précises: Voici ce que vous devez faire? Laquelle des deux approches, selon vous, devrait être appropriée et, en même temps, comment répondre à ce besoin-là d'avoir des projets qui correspondent aux réalités des différentes régions?

Le Président (M. Désilets): M. Wentholt.

M. Wentholt (Pieter): Oui, bien, je pense que, pour en arriver à des projets qui vont répondre aux réalités des différentes régions, il faut d'abord écouter ce qu'ils demandent. Est-ce qu'ils demandent quelque chose? Est-ce qu'il existe des régions où ils en veulent, des projets de forêt habitée? Oui. Sous quelle forme? C'est quoi pour eux autres, la gestion intégrée des ressources? Mais, à partir de ce moment-là, je ne pense pas qu'on doit mettre des balises pour dire: Il y a une norme, c'est comme ça que ça se fait puis ce n'est pas autrement. On doit laisser place à l'innovation dans ça. On doit laisser la porte ouverte à dire: Bon bien, innovons. Parce que ce j'ai vu à Maniwaki, c'est qu'il y a beaucoup de diversité au niveau des projets de forêt habitée. Il y a beaucoup de choses qui sont intelligentes, il y a beaucoup de choses qui sont belles, il y a beaucoup de choses qui sont en développement. Puis je pense que c'est là-dessus qu'il faut rester. Laissons la porte ouverte à l'innovation puis, dans le temps, voyons si, effectivement, c'est plus nuisible que ça peut être rentable. Est-ce que ça nuit plus à l'environnement? Est-ce que ça nuit plus à la forêt? Est-ce que ça peut faire le mariage entre ? comme je disais tout à l'heure ? le bleuet puis les arbres sur le même territoire ou encore des arbres fruitiers puis des arbres pour les deux-par-trois sur le même territoire? Je pense qu'il faut laisser place à l'innovation. Il ne faut pas normaliser pour empêcher l'innovation à l'intérieur de ça.

Lorsqu'on parle de rendement accru aussi, il ne faut pas oublier que le rendement accru, ça demande souvent des opérations forestières hors normes, entre parenthèses. Ça veut dire des travaux sylvicoles qui ne sont pas reconnus à l'intérieur du MRN comme étant des travaux sylvicoles pour le rendement accru ou soit pour le rendement soutenu. Mais laissons place à l'innovation à l'intérieur de ça. Je pense qu'il ne faut pas normer les projets de gestion intégrée des ressources de forêt habitée. Il faut les laisser faire place à l'innovation. Peut-être que, dans 10, 15 ou 20 ans, on pourra, à partir de ce moment-là, normaliser, dire: Regardez, en 20 ans, on s'est créé une expertise à la grandeur du Québec, voici ce que ça a donné un peu partout. Peut-être qu'on trouvera des liens, peut-être qu'on trouvera des choses qui peuvent s'appliquer dans un endroit aussi puis qu'elles ne s'appliqueront pas dans l'autre.

M. Béchard: Selon vous, est-ce que les CAF qui sont proposés dans le régime actuel ? c'est un premier pas intéressant là-dedans, parce que vous mentionnez entre autres, dans votre document, que c'est bien beau, les CAF, mais, quand il n'y a pas de disponibilité comme telle, c'est un concept qui est un peu vide. Mais, en même temps, le défi face à ça... J'aimerais que vous élaboriez un peu sur les projets de forêt habitée versus le régime actuel qu'on a. Est-ce que les deux peuvent cohabiter, selon vous, de façon, je dirais, efficace? Parce que je ne suis pas sûr que les détenteurs de CAAF avec deux A... Ils doivent vous regarder d'un drôle d'air un petit peu avec ça, là. Puis, est-ce que les CAF à un A correspondent... sont un premier pas intéressant vers ça? Et, deuxièmement, comment gérer la mise en place de ces nouveaux contrats-là face à des disponibilités de ressources qui sont à peu près inexistantes quand on regarde dans plusieurs régions du Québec?

Le Président (M. Désilets): M. Wentholt.

M. Wentholt (Pieter): Pour répondre à votre première question, c'est... Oui, c'est intéressant la possibilité d'avoir des CAF en CAAF, retrancher l'aménagement de la grande entreprise puis le donner à des corporations forestières comme la nôtre. Sauf que, dans le cadre légal, ça ne s'applique pas, il n'y en a pas, de volume disponible. Dans notre région, il n'y a aucun volume disponible, donc la porte est fermée. Quand je disais tantôt «les acrobaties de la langue française», ça en est, ça. C'est qu'on fait accroire qu'il y a quelque chose, mais il n'y a rien, dans le fond.

Sauf que, dans un cadre légal, je crois que oui, ça peut être applicable, je crois que oui, on peut donner un contrat d'aménagement forestier ou une convention d'aménagement forestier à un organisme à but non lucratif comme le nôtre, ou une corporation de gestion, comme on voudra, mais sans pour autant nuire à la grande entreprise forestière dans son approvisionnement à partir de ces mêmes superficies de territoire là. Ça veut dire que, sur 40 000 hectares, à titre d'exemple, pour donner un chiffre en passant, si la productivité moyenne est de 1,5 m³ à l'hectare, bien, on approvisionnera de 60 000 m³ annuellement, sauf que le rendement accru qui aura été travaillé puis qui sera disponible dans 25 ans, peut-être que dans x nombre d'années, suite à ça, on pourra le vendre aux enchères pour, justement, se mettre à rentabiliser ces organismes-là.

Mais je pense que oui, c'est faisable, mais ça prend... La grande entreprise ne nous voit pas d'un bon oeil; ce n'est pas vrai. La grande entreprise nous voit d'un bon oeil à partir du moment où est-ce qu'on dit: Oui, on va couper selon vos normes; oui, ce que c'est qu'on vise, c'est de vous emmener du bois le plus possible. Là, tu es le bienvenu parce que... Depuis trois ans qu'on discute ça avec la grande entreprise, nous autres, puis, si, un jour, on avait dit: O.K., on va scier du bois pour vous autres, on serait déjà sur le territoire en train de travailler, ça ferait au moins deux, trois ans. Mais on n'aurait jamais pu amener une table de concertation, à s'asseoir ensemble pour définir qu'est-ce qu'on veut collectivement comme gestion intégrée des ressources puis comment est-ce qu'on la définit.

Le Président (M. Désilets): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président, sur un autre point. Dans votre document, dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de la volonté, de la transparence qu'on retrouve dans tout le processus, de la place du citoyen, de la place des gens là-dedans. Vous mentionnez même: «Les citoyens perdent encore leurs droits fondamentaux des décisions collectives.» Il y a toujours un élément là-dedans qui est... Oui, la place des citoyens... Premièrement, dans le jargon comme tel, je suis parfaitement d'accord avec vous que c'est bien rare que tu t'en vas au bureau de poste puis les gens parlent de PGAF, ou de CAAF, ou de CAF, puis qui font la différence entre tout ça, là. Je ne suis pas sûr que les citoyens du Québec qui ne sont pas des spécialistes dans le domaine de la forêt comprennent tout ce jargon-là. Et c'est, dans bien des cas, ce qui explique, entre autres dans les derniers mois qu'on a vécus, que plusieurs personnes se disent: Bien, voyons, est-ce qu'elle est bien gérée ou elle est mal gérée, notre forêt? Puis on n'a pas toujours toutes les réponses à ce niveau-là, parfois en raison du langage.

Mais j'aimerais vous entendre sur le comment on doit s'y prendre pour donner plus de place aux citoyens là-dedans. On a beau consulter. Un, il faut qu'ils soient capables de comprendre les termes, les façons de faire, et tout ça. Mais, deuxièmement, à un moment donné, il y a toujours un danger à la consultation, c'est que, quand tu n'en tiens pas compte, c'est une fronde qui souvent revient contre ceux qui consultent, là. Comment on peut faire en sorte de rapprocher le processus des citoyens et citoyennes à qui appartient la forêt au Québec, la forêt publique entre autres? Mais, en même temps, comment être capable d'intégrer leur volonté ou leurs idées dans un processus qui est si complexe et dans lequel, dans bien des cas, des spécialistes disent qu'on n'est même pas capable de comprendre ce qui se passe dans la fameuse boîte noire, entre autres sur le calcul des redevances qu'on doit payer sur les possibilités d'approvisionnement, et tout ça? Comment on peut réunir ces deux éléments-là qui me semblent à des distances vraiment très grandes, c'est-à-dire la capacité du citoyen de s'impliquer et, deuxièmement, de tenir compte vraiment de ce que les gens veulent comme régime forestier?

Le Président (M. Désilets): M. Wentholt.

n(10 h 10)n

M. Wentholt (Pieter): Ce que les gens veulent comme régime forestier, je crois que... Bon, premièrement, à titre d'expérience, quand on est allé voir un CAAF, nous autres même, pour la première fois, un PGAF, c'est vrai que l'ensemble des citoyens ne savent pas ce que ça veut dire. L'ensemble des citoyens, ils ne connaissent pas ça. Personnellement, avant d'aller en voir un une première fois, je ne connaissais pas ça non plus. Quand je suis allé l'année dernière pour voir un PGAF, je me suis senti niaiseux, et complètement niaiseux, parce que ça prend quelqu'un pour te dire ce qu'il y a d'écrit là-dedans.

Puis, en fin de compte, le pouvoir qu'on a, comme citoyen, de voir à intégrer nos préoccupations à l'intérieur de ça n'est pas présent. Il n'y en a pas, de pouvoir. Je veux dire, quand tu réussis à soulever une pétition de 4 500 noms pour demander un moratoire sur quelque chose parce que tu te dis que tu n'as pas été écouté en tant que citoyen, puis que la lettre du ministère qu'il te renvoie, c'est que ta demande est illégitime, tu as des bonnes questions à te poser en tant que citoyen. Je comprends le citoyen d'être désabusé ou de se sentir un peu comme perdre son rêve d'implication à l'intérieur de son développement forestier parce que, dans la réalité, il n'y en a pas, d'outils. Il n'y en a pas. On dit que, oui, il y en a un, mais il n'y en a pas, d'outils. Il peut se prononcer, mais, entre une dictature puis une démocratie chez nous, c'est que la dictature, on dit: Ferme ta gueule, puis, ici, on te dit: Cause toujours. La différence, c'est ça. C'est ça qu'il est important de regarder. Il faut se donner des outils pour travailler. C'est sûr que le citoyen, je pense...

Quand on parle de projet de forêt habitée, si on revient en 1993 lorsque le Parti québécois parlait à un moment donné de «déCAAFer» une partie de territoire, de les enlever sous CAAF, une bordure de 25, 30 ou 50 km en bordure des municipalités, je pense qu'il faudrait diviser la forêt en deux ou trois parties. Tu as les lots intramunicipaux qui sont vraiment près; suite à ça, tu as la forêt qui est à proximité, qui est dans les 50 premiers kilomètres; puis tu as la forêt qui est plus loin, l'épinette noire. La préoccupation première du citoyen n'est pas réellement sur les coupes à blanc qui sont faites à 100 km de chez lui, mais sur les coupes à blanc qui sont faites à proximité de chez lui, dans un rayon de 50 km. Je pense que, à partir de ce moment-là, le citoyen, sa préoccupation première est là. À partir du moment où on... Bien, «déCAAFer», c'est un grand mot, on ne peut pas «déCAAFer» un territoire et dire à la grande entreprise: C'est fini, vous n'avez plus d'approvisionnement, parce qu'on va ruiner notre économie forestière. Mais on peut dire, par exemple, dans la ligne de zone de forêt habitée qui est de 50 km, qu'il y a un cadre légal, législatif pour intégrer les organismes de gestion intégrée des ressources, qui veulent en faire en tout cas, dans ça, avec un soutien financier, oui, à partir de... Écoute, il y a du monde qui est capable de penser à des formules, il y a du monde plus intelligent que moi là-dedans. Je pense que c'est faisable. Mais c'est rien qu'une question de volonté.

Le Président (M. Désilets): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, une dernière question par rapport à tout ça. Justement, vous mentionnez à votre point 10 toute la question de la crédibilité et de savoir quelle est l'instance qui assurera le suivi des analyses. Et vous mentionnez même que, si les organismes actuels en place tels que le MRN se chargent de cela, en sera-t-il différent de ce qu'il en est aujourd'hui. Finalement, dans le prolongement de la discussion qu'on a présentement, c'est un des éléments aussi. Qui, quelque part, en bout de ligne, est crédible dans tout ça? Qui pourrait vraiment dire: Bon, bien, voici quel est l'état actuel? Et peut-être rassurer en quelque part, en même temps, le citoyen et dire: Voici quelqu'un de neutre qui n'est ni d'un côté ni de l'autre. Ça, je pense que la majorité des gens l'ont mentionné lors de cette commission, qu'on soit d'un côté ou de l'autre, on n'est pas plus crédible face au citoyen. Est-ce que la mise en place d'un inspecteur des forêts ou d'une instance neutre serait, selon vous, une réponse intéressante à ça, qui ne serait peut-être pas la réponse à tous les maux mais qui au moins pourrait permettre de donner une vision plus neutre de l'état actuel de la forêt et faire en sorte que... Comme vous le mentionniez tantôt, on est en démocratie, mais des fois on a plus le régime du «toé, tais-toé» ou du «cause toujours», comme vous le mentionniez. Mais comment arriver, avec quelle instance, pour dire: Voici l'état actuel des choses et voici la réalité?

Le Président (M. Désilets): M. Wentholt, tout en vous rappelant qu'il vous reste une minute pour la réponse.

M. Wentholt (Pieter): O.K. Parfait. En passant, je crois qu'on n'a pas à créer un organe supplémentaire. Je pense qu'on a juste à se servir des organes en place mais en partenariat. Le meilleur exemple que je peux vous donner, c'est sur le CAAF qu'on est allé vérifier. Il y a 25 000 hectares annuellement qui sont coupés à blanc. Sur les 25 000 hectares coupés à blanc, la question que je leur ai posé: Est-ce qu'il y a des habitats fauniques à l'intérieur de ce 25 000 hectares là? Est-ce qu'il y a des ouaches d'ours? Est-ce qu'il y a des ravages d'orignaux? Etc., etc. Ils m'ont répondu que non. Ça veut dire que, sur 25 000 hectares coupés à blanc ? je ne sais pas si vous le savez, ça fait une grande superficie ? non, il n'y en a pas, d'habitats fauniques. J'ai dit: Comment ça se fait qu'il n'y en a pas de déterminés à l'intérieur du plan d'aménagement forestier ou du plan général d'aménagement forestier? C'est que le ministère de la Faune n'a pas l'argent pour aller vérifier s'il y en a ou pas.

Bien, je pense que le ministère de la Faune a du travail à faire, mais il a du travail à faire en concertation avec le ministère des Ressources naturelles. Arrêtez de faire des batailles de ministériels ou je ne sais pas trop quoi, mais faire une gestion forestière intelligente. Parce que la faune en proximité, c'est une économie qui est pratiquement aussi grande que l'économie forestière. La chasse, la pêche, c'est économiquement rentable pour des milieux puis des localités. Je veux dire, à partir du moment où est-ce qu'il y aura vraiment une politique, on n'a pas à créer un organe supplémentaire pour avoir des coûts supplémentaires de gestion puis créer encore un autre ministère puis ce que tu voudras, on a à se servir de ce qui est là. Mettons en partenariat ensemble la Faune puis la Forêt, puis qu'ils regardent tout ce qu'il y a à l'intérieur de ça, puis dire: Regarde, c'est ça qu'on a à gérer, mais on a à le gérer intelligemment en fonction d'un développement durable.

Le Président (M. Désilets): Mais, sur ça, M. Wentholt, on vous remercie beaucoup. Je vais suspendre une minute, le temps de permettre à l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec de prendre place pour la poursuite de nos travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 16)

 

(Reprise à 10 h 18)

Le Président (M. Désilets): Bien. On va reprendre les travaux. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier aussi les personnes qui l'accompagnent.

Ordre des ingénieurs
forestiers du Québec (OIFQ)

Mme Gauthier (Johanne): Bonjour, M. le Président. Je suis Johanne Gauthier. Je suis la présidente-directrice générale de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Et, aujourd'hui, je suis accompagnée de deux représentants de notre comité administratif, qui est un peu l'équivalent des comités exécutifs de la plupart des organisations tels qu'on les connaît: alors, M. Daniel Fillion, ici, à ma gauche, qui est ingénieur forestier; à mon extrême gauche, ici, M. Noël Pelletier, qui est un représentant du public nommé par l'Office des professions; et également présent avec nous ce matin, M. Pierre Breton, qui est le directeur des communications à l'Ordre.

Alors, M. le Président, M. le ministre, représentants de l'opposition officielle, Mme et MM. les membres de la commission, à titre d'organisme voué à la protection du public québécois en matière de pratique professionnelle, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec vous remercie de lui donner l'occasion, qui est une occasion unique, de vous présenter les grandes lignes de son mémoire portant sur le projet de loi n° 136. Nos commentaires sont guidés par une préoccupation constante de respecter les principes et surtout de se donner les moyens requis pour atteindre les objectifs du développement durable auxquels souscrivent d'ailleurs les ingénieurs forestiers et tel qu'en fait foi le titre de notre mémoire. Le tout s'inscrit dans un objectif omniprésent de protection du public, il va sans dire, qui est la mission même de notre organisation. Notre contribution se veut constructive ? et j'insiste là-dessus ce matin ? et dans une optique d'amélioration des processus. Aujourd'hui, étant donné le temps limité, on va s'en tenir à un certain nombre de questions de principe. On a 38 recommandations dans le mémoire, comme vous le savez.

Alors, permettez-moi tout d'abord de vous présenter très brièvement notre organisation. L'Ordre compte, depuis peu, maintenant 2 000 membres ingénieurs forestiers dont le champ de pratique exclusif est défini dans une loi et dont la pratique professionnelle est encadrée par des règles elles-mêmes soumises aux règles du système professionnel québécois, depuis 25 ans maintenant.

n(10 h 20)n

Commençons par quelques considérations générales. L'Ordre souscrit globalement aux objectifs du ministre visant à améliorer plusieurs des éléments cruciaux du régime forestier. Il constate que, depuis plusieurs années, des efforts importants ont été consentis avec succès pour accroître l'activité économique liée à l'aménagement et à la récolte forestière de même qu'à la transformation des bois. L'Ordre reconnaît également que de multiples modifications, règlements et instructions de toute nature ont permis d'améliorer sensiblement l'aménagement et la protection de l'environnement forestier au Québec.

Par ailleurs, dans son bilan du régime forestier présenté à l'automne de 1998, le ministère fait le constat que les mesures d'encadrement prévues dans la Loi sur les forêts et les applications concernant les activités d'aménagement forestier n'ont pas donné les résultats escomptés à tous les égards.

L'Ordre s'attend donc, dans ce contexte, à ce que le renforcement des pouvoirs, pour plusieurs déjà existants, et les précisions apportées au texte de loi sur les forêts permettent une application encore plus efficace des mesures déjà préconisées dans l'actuelle loi.

L'examen du bilan de 1998, toujours, montre que les ressources suffisantes n'ont pas toujours été consacrées pour certains aspects des son application, expliquant plusieurs lacunes relevées dans ce même bilan. L'Ordre insiste ce matin sur le fait que les mesures proposées dans le projet de loi nécessiteront un apport important et même peut-être supplémentaire de ressources humaines, techniques et financières autant de la part de l'État que des détenteurs de contrats et des autres acteurs impliqués pour atteindre les objectifs visés.

La population a manifesté, comme vous le savez, plus particulièrement au cours des deux dernières années, des inquiétudes et des interrogations sur les modes de gestion actuels des forêts du domaine public. Dans ce contexte et dans le but de fournir l'information la plus juste possible à la population, l'Ordre recommande d'évaluer périodiquement l'application du régime par le biais d'un cadre d'évaluation basé sur une série de critères précis, notamment les six critères de développement durable, assortis d'indicateurs mesurables, lesquels pourraient être documentés au fur et à mesure de l'application afin d'évaluer les différentes formules de gestion qui sont expérimentées et d'en comparer les résultats, il va sans dire. L'Ordre recommande également que le MRN publie, à intervalles réguliers, un bilan détaillé et vulgarisé de l'état des forêts destiné à informer le public sur la question. Et d'ailleurs, à notre assemblée annuelle de l'an dernier, nos membres nous ont demandé de nous assurer que cette information-là leur soit rendue disponible pour qu'ils puissent bénéficier d'une base d'information commune.

Nous allons maintenant aborder les principaux éléments rattachés plus spécifiquement au projet de loi, avec une attention particulière pour ce qui relève de la responsabilité professionnelle des ingénieurs forestiers.

Alors, l'Ordre réitère son appui à une démarche de gestion participative où la population et les groupes intéressés seraient adéquatement représentés et pourraient influencer l'élaboration des stratégies d'aménagement.

Par ailleurs, l'Ordre juge timides les mesures prévues dans la mise à jour du régime forestier concernant la gestion intégrée des ressources. La concrétisation de la gestion intégrée doit être accélérée, à notre avis, et, pour ce faire, ramenée au rang des priorités. On n'est pas les seuls, je pense, à l'avoir dit. L'Ordre recommande à l'État québécois, dans ce contexte, d'intégrer ses activités en matière de gestion des ressources renouvelables pour favoriser l'intégration et l'harmonisation de leur application sur le territoire. En somme, M. le Président, M. le ministre, il est difficile d'avoir une gestion intégrée sans une préalable intégration de la gestion qui demeure une responsabilité du gouvernement. Nous comprenons, M. le ministre, que vous ne pouvez, seul, prendre cette décision, déterminante pour l'avenir des ressources du milieu forestier, et c'est pourquoi nous vous offrons notre entière collaboration pour toutes les actions futures que vous déciderez de mener en ce sens.

Cette intégration de la gestion au sein de l'État nous apparaît aussi comme une condition préalable à l'aménagement intégré sur le terrain. De plus, celui-ci se réalisera réellement au moment où les intervenants confieront cette importante responsabilité à une organisation chargée d'harmoniser les objectifs, de planifier et d'encadrer la réalisation des travaux multiressources à l'échelle de l'unité d'aménagement et donc à l'échelle d'un territoire. Il serait fort intéressant de tester ce genre de formule s'apparentant à l'aménagiste unique, qui était proposée en 1998 et qui n'apparaît pas dans l'actuel projet de mise à jour, afin d'en comparer les résultats avec ceux des formules qui existent déjà, lors d'une prochaine évaluation, notamment, évidemment, les formules de CAF à un et deux A, et les projets-pilotes mis de l'avant depuis maintenant quelques années dans le cadre de la forêt habitée dont il a été question juste avant et dont il a été également question la semaine dernière à Maniwaki.

Concernant le calcul et le respect de la possibilité forestière maintenant. L'Ordre appuie la volonté du ministre de déterminer lui-même les objectifs de mise en valeur des ressources forestières. La présentation de cette nouvelle approche soulève néanmoins un certain nombre de questions, principalement sur le partage des responsabilités des ingénieurs forestiers qui sont affectés à la réalisation des plans généraux d'aménagement et au calcul de la possibilité forestière. On est convaincu que le calcul de la possibilité et la confection des plans qui en est indissociable doivent s'effectuer dans un contexte de responsabilités clairement définies, à la faveur de l'exercice d'une pratique professionnelle responsable et autonome de la part des ingénieurs forestiers. Dans ce contexte, on a proposé la mise sur pied d'un groupe de travail sur le suivi des activités d'aménagement forestier qui aurait, entre autres, pour mandat de préciser la démarche professionnelle pour guider la confection et la réalisation de ces plans.

L'Ordre considère que le cadre d'application du principe visant à responsabiliser conjointement les intervenants face à leurs performances forestière et environnementale doit être précisé. L'Ordre recommande que l'exigence d'une responsabilité commune pour la production de plans et de rapports soit assortie de mécanismes de fonctionnement entre les détenteurs de contrats à l'échelle de l'unité d'aménagement. On suggère que le groupe de travail sur le suivi des activités d'aménagement forestier, dont il a été question au point précédent, se penche sur la notion de coresponsabilité et qu'il voit à la mise en place de conseils d'aménagement à l'échelle de l'unité qui seraient responsables d'encadrer et de suivre la confection, la réalisation et le suivi des plans et des activités d'aménagement forestier et, éventuellement, qui sait, l'aménagement multiressources à l'échelle de l'unité d'aménagement.

L'Ordre appuie également l'objectif du ministre qui vise à augmenter la production des forêts et qui se traduit, dans le document, par une politique de rendement accru. On vous suggère toutefois de parler plus d'intensification, pour le moment, de l'aménagement forestier. On souligne que cette intensification doit recourir à l'ensemble des techniques sylvicoles reconnues, autant pour les peuplements naturels que pour les peuplements issus du reboisement. On croit également que les résultats de cette politique de rendement accru ne pourront être considérés qu'à moyen et long terme et toujours en gardant à l'esprit un objectif de maintien de la diversité biologique. Incidemment, M. le ministre, notre prochain congrès annuel, en 2001, va se dérouler en Mauricie et portera sur cette question. Alors, j'espère que ce sera l'occasion pour nous de vous proposer un certain nombre de pistes d'action pour cet important dossier.

En matière de protection de l'environnement maintenant, on appuie de façon générale les objectifs visés par le projet de loi et on propose un certain nombre de mesures sur lesquelles je ne reviendrai pas en détail ce matin. Toutefois, je me permets de vous mentionner qu'on sort de notre congrès annuel, tout récemment, il y a à peine trois semaines, qui s'est déroulé sur la Côte-Nord, et dont l'objectif était de porter un regard neuf sur la forêt boréale, c'était le thème. Des échanges ont fait ressortir la volonté de nos membres d'opter pour des pratiques forestières répondant aux impératifs du développement durable et aux exigences d'un public plus préoccupé que jamais, je dirais, de l'avenir de ses forêts. Ce constat doit se refléter par l'examen sérieux, à notre avis, de nouvelles formules d'utilisation du territoire qui permettraient de protéger des portions importantes de ce territoire à des fins de conservation de la biodiversité tout en compensant par la pratique d'une foresterie plus intensive sur d'autres portions de territoire de façon à répondre aux besoins en approvisionnement forestier.

Entre les deux, une foresterie s'inspirant un peu plus des processus écologiques, notamment les perturbations naturelles et les épidémies d'insectes, devrait permettre de mieux répartir les activités de récolte sur le territoire. Ceci amènera les aménagistes forestiers à se préoccuper de conserver de vieilles forêts et à varier la distribution des types de peuplement dans l'espace et dans le temps. C'est ainsi que les ingénieurs forestiers considèrent maintenant comme des options indispensables de nouvelles approches de récolte, comme la coupe avec protection des petites tiges marchandes ou de la haute régénération, et il faut que les normes puissent tenir compte de ces nouvelles techniques. Les ingénieurs forestiers se sont également prononcés en faveur d'une sylviculture adaptée aux divers types de peuplement forestier.

Le contrôle des activités d'aménagement forestier maintenant. Afin d'assurer une plus grande transparence aux yeux du public envers les pratiques forestières, l'Ordre recommande que les entreprises qui interviennent en matière d'aménagement forestier fassent périodiquement l'objet d'audits indépendants, effectués sous l'égide d'un organisme reconnu. Ces audits, qui devraient permettre d'évaluer la qualité des travaux d'aménagement, c'est-à-dire des audits de performance plutôt qu'uniquement de conformité, comme celle qu'on connaît dans le cadre d'ISO actuellement, seraient exigés pour tous les intervenants terrains et constitueraient en quelque sorte une assurance supplémentaire de qualité en nivelant par le haut les exigences des bénéficiaires de CAAF. Ces audits tels que nous les proposons ne visent aucunement, M. le ministre, à remplacer les nécessaires contrôles de l'État, notamment pour fins de paiement des travaux sylvicoles. Au contraire, nous croyons qu'ils pourraient servir pour orienter les contrôles et peut-être les intensifier là où les audits montreraient que c'est souhaitable de le faire.

n(10 h 30)n

Permettez-moi, en terminant, de vous informer que, dans l'optique de préciser et de proposer des méthodologies de travail reconnues et applicables à l'ensemble des activités inscrites au champ de pratique des ingénieurs forestiers et dans un souci de s'entendre entre nous sur des standards de qualité communs, l'Ordre a préparé un guide de pratique professionnelle, dont j'ai une copie avec moi ce matin pour ceux qui voudront le consulter. Alors, une fois adopté par les instances officielles, l'Ordre se propose de le diffuser largement dans tous les secteurs forestiers.

En conclusion, la commission parlementaire sur le projet de loi n° 136 constitue le début d'une série d'événements qui façonneront le secteur des ressources forestières et auxquels l'Ordre entend participer activement au cours des mois à venir. Cet exercice crucial doit être l'occasion de tout mettre en oeuvre pour que le Québec se donne les moyens et, il va sans dire, les ressources nécessaires pour réaliser le développement durable tel que souhaité par la population québécoise qui est propriétaire des ressources du milieu forestier.

Alors, merci bien de votre attention et, évidemment, on sera bien heureux d'échanger avec vous sur les autres questions qui vous intéressent.

Le Président (M. Désilets): Merci, Mme Gauthier, pour la présentation de votre mémoire de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Maintenant, M. le ministre.

M. Brassard: Merci, M. le Président. Alors, Mme Gauthier, M. Fillion, M. Pelletier, M. Breton, bienvenue à cette commission et merci pour votre contribution substantielle aux travaux de cette commission en matière de révision du régime forestier. On pourrait échanger pendant des heures parce que, évidemment, on n'en attendait pas moins de l'Ordre des ingénieurs forestiers que l'Ordre nous présente un mémoire étoffé et comportant de nombreuses recommandations. Je vous assure d'ores et déjà qu'elles seront examinées avec beaucoup de soins et beaucoup d'intérêt.

Quelques questions cependant. On a beaucoup parlé d'audits externes, d'audits indépendants. Les grandes associations industrielles, l'AIFQ, l'AMBSQ, ont fait cette recommandation également. Vous la faites aussi, cette recommandation, et vous dites que ça aurait pour effet que chaque détenteur de contrat fasse périodiquement l'objet d'un audit indépendant, dressant un portrait neutre et public ? c'est ce que vous dites ? de ses performances en matière d'aménagement forestier et de protection de l'environnement, donc de respect des normes qu'on retrouve dans le Règlement sur les normes d'intervention, et cette procédure, s'inscrivant à l'intérieur d'un cadre d'évaluation clairement défini.

D'abord, vous parlez aussi de certification, de processus de certification. Il y a également un bon nombre d'entreprises actuellement qui sont en processus de certification forestière. Est-ce que, d'abord, les deux doivent aller de pair? Le processus de certification exige quand même la mise en place d'un processus d'audits indépendants. Est-ce que les deux doivent être mis en branle ou est-ce que l'un suffit? Et, en matière d'audits indépendants, comment obtenir une véritable neutralité et une véritable indépendance recherchées? Parce qu'on prétend toujours que c'est un peu, comment dirais-je, une idée reçue. Mais est-ce que l'indépendance et la neutralité de l'audit sont vraiment assurées? Comment sont-elles assurées si c'est l'entreprise qui finance, qui embauche la firme qui va faire l'audit? Est-ce qu'on est en face d'un processus dont la neutralité et l'indépendance sont sans équivoque? Comment assurer cette indépendance, d'une part? Et, d'autre part, est-ce qu'un processus de certification qui se propagerait partout, qui se répandrait partout, ne rendrait pas plus ou moins utile la mise en place d'un processus d'audit externe ou indépendant?

Le Président (M. Désilets): Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Johanne): Oui, merci. Pour répondre à votre première question, M. le ministre, concernant le fait: Est-ce que la certification, ce serait suffisant? À l'heure actuelle, la certification, c'est un processus qui est volontaire. Donc, les entreprises s'y soumettent au fur et à mesure qu'elles sont prêtes à le faire.

Et, dans notre esprit, nous autres, un audit indépendant, c'est une condition supplémentaire dans le cadre des CAAF et donc une condition qui est obligatoire. Et à mon sens, un audit indépendant ? je vous le disais dans la présentation ? irait dans le sens d'un audit de performance pour aller vérifier si effectivement... Oui, la conformité aux lois et règlements, c'est une première chose, mais également aller un peu plus loin puis aller à un audit de performance puis vérifier que, dans une certaine proportion, il y a des vérifications, pour voir si les travaux terrains sont effectivement faits selon les normes et les règlements. Et donc, on pourrait penser qu'à moyen terme la certification deviendrait presque automatique pour tout le monde parce que c'est un processus qui serait instauré dans le cadre de la Loi sur les forêts.

Pour ce qui est de la question de la neutralité, bien il existe des exemples, je pense, qui sont assez intéressants, éloquents, comme ce qui se passe dans les processus de certification avec des firmes comme ISO ou CSA qui ont des registraires et qui assignent des auditeurs aux entreprises qui, oui, les paient, ces auditeurs-là, mais ne les choisissent pas en tant que tels. Ils sont assignés par un registraire, et ils ont des règles très strictes au niveau de l'éthique et de l'indépendance. Et, d'une fois à l'autre, avec les révisions, parce que, bon, dans les processus de certification, il y a des révisions aux trois ans, ce n'est généralement pas les mêmes auditeurs qui retournent à la même entreprise.

Donc, il y aurait des formules qui pourraient être développées. Puis là on n'a pas proposé une formule, je pense que ça, c'est des choses qui peuvent être réfléchies si on retient cette option-là. Et il y a des formules qui peuvent être très intéressantes. Puis il pourrait se développer une profession de l'audit, si on peut dire, donc des professionnels qui sont habilités et qui sont reconnus pour faire ce genre de travail là.

M. Brassard: Donc, vous en feriez, en vertu de la loi, une condition essentielle et obligatoire pour l'ensemble des détenteurs de contrats d'approvisionnement. Ce serait...

Mme Gauthier (Johanne): Oui. À notre avis, c'est comme une police d'assurance supplémentaire pour le public.

M. Brassard: Bon. Quelle serait la fréquence, selon vous, dans le temps de ces audits? Ça coïnciderait avec l'élaboration des PGAF, des plans généraux ou...

Mme Gauthier (Johanne): Ça pourrait être une option effectivement qu'il y ait un audit à tout le moins à tous les cinq ans, étant donné la période de temps d'application d'un PGAF. Mais il faut penser qu'il y aurait... Il va falloir que ça se passe régulièrement dans cette période de cinq ans là. Alors, je ne pense pas qu'un audit puisse se faire une fois seulement là.

M. Brassard: Si on envisageait, sur une certaine période, de rendre obligatoire la certification forestière, est-ce que ça remplacerait l'audit externe? Est-ce que l'un ou l'autre serait acceptable selon vous?

Mme Gauthier (Johanne): La compréhension qu'on a de la certification à l'heure actuelle, c'est une certification qui est plus au niveau de la conformité aux lois et règlements. Je pense que, dans l'optique des travaux d'aménagement qui se font quand même sur des superficies importantes au Québec, nous, on souhaiterait que ça aille un peu plus loin.

M. Brassard: Qu'il y ait du suivi terrain.

Mme Gauthier (Johanne): Oui.

M. Brassard: Ce qui n'existe pas dans les processus de certification.

Mme Gauthier (Johanne): M. Breton pourrait peut-être compléter: c'est un dossier qu'il a fouillé passablement là.

Le Président (M. Désilets): M. Breton.

M. Breton (Pierre): Effectivement, très brièvement, c'est ça, la nuance entre les deux, c'est que la certification, comme on la connaît...

M. Brassard: Qui n'est pas anodine comme nuance, ce n'est pas... Ha, ha, ha!

M. Breton (Pierre): Non, non, qui est importante tout à fait. La différence entre les deux actuellement, c'est que les systèmes de certification tels qu'on les connaît, par exemple ISO, CSA et quelques autres, sont des processus où on va vérifier la conformité de l'entreprise à un système de gestion qui est beaucoup un système d'organisation du travail au sein de l'entreprise, mais où il n'y a pas de volet terrain. Et, à ce moment-là, ce que, nous, on dit: Cet audit-là devrait plutôt être ciblé sur la performance et la qualité des opérations sur le terrain.

Et il semble qu'il y a des précédents ou des exemples qui existent actuellement. On n'a pas fouillé très en détail, mais, dans certaines provinces canadiennes, notamment en Ontario et en Saskatchewan par exemple, les entreprises qui sont déjà en démarche de certification par réseau CSA, FSC ou d'autres pourraient, par exemple, confier un deuxième volet, un deuxième mandat à l'auditeur. Le premier, ce serait celui de la certification traditionnelle de la conformité à un système de gestion et un deuxième mandat qui, lui, irait plutôt du côté de la performance terrain. Alors, c'est des choses qui sont déjà examinées ailleurs. Il faudrait fouiller un peu plus.

n(10 h 40)n

M. Brassard: Ce qui veut dire que le processus de certification ne doit pas avoir pour effet de réduire les contrôles et les suivis du ministère, parce que ces derniers se font sur le terrain. Alors, ça, je pense que c'est important de le signaler, ça ne doit pas avoir cet effet-là sur l'ampleur des contrôles et des suivis.

Mme Gauthier (Johanne): Non, exactement.

M. Brassard: Mais est-ce que, que ce soit la certification forestière ou un système d'audit externe rendu obligatoire, dans cette perspective-là, que ce soit l'un ou l'autre, vous croyez qu'il faut absolument à ce moment-là introduire dans la loi le concept de «coresponsabilité» sur un territoire, une aire commune ou une unité d'aménagement?

Le Président (M. Désilets): Mme Gauthier.

M. Brassard: Parce que vous parlez de conseil d'aménagement pour une aire commune. Est-ce que vous pensez que, dans cette perspective-là... Comme, entre autres, par exemple, les plans d'aménagement portent sur un territoire, une aire commune, est-ce que vous croyez à ce moment-là que la coresponsabilité est presque, je dirais, absolument requise?

Mme Gauthier (Johanne): Bien, dans notre esprit, les deux vont ensemble, puisque, pour ce qui est de la confection des plans, on a toujours vu la confection des plans à l'échelle d'une unité d'aménagement. C'est dans ce sens-là qu'on a proposé les fameux conseils d'aménagement, pour que le travail se fasse en collaboration puis en équipe, parce que la coresponsabilité des bénéficiaires, c'est une chose du point de vue de la Loi sur les forêts, mais il y a des implications sur la responsabilité professionnelle des ingénieurs forestiers qui travaillent pour le compte de ces intervenants-là. À l'échelle d'une unité d'aménagement, pour pouvoir avoir un plan qui se tienne, un plan qui soit fait à l'échelle d'un territoire, il faut que ce plan-là soit développé par une équipe, et c'est dans ce sens-là que, nous, on a proposé ces conseils d'aménagement là où les ingénieurs forestiers et les autres professionnels seraient à une même table et commenceraient à discuter, dès le début de la confection d'un plan, des stratégies qu'on met de l'avant, ensuite voir à l'exécution des travaux sylvicoles, des travaux d'aménagement et également à la rétroaction, à l'autocontrôle de ces travaux-là qui seraient finalement vérifiés par un auditeur externe ? comme condition finale, si vous voulez ? qui viendrait un petit peu confirmer le tout.

Le Président (M. Désilets): M. le ministre.

M. Brassard: Ça veut dire que, dans votre esprit, l'audit externe se fait aussi à l'échelle d'une aire commune. Ce n'est pas CAAF par CAAF.

Mme Gauthier (Johanne): Oui.

M. Brassard: C'est à l'échelle d'une aire commune.

Mme Gauthier (Johanne): Tout à fait.

M. Brassard: Donc, ça suppose à ce moment-là une nécessaire coresponsabilité des industries sur cette aire commune.

Une dernière question, M. le Président. Vous parlez d'une politique de concertation; nous, nous parlons d'une politique de consultation à concevoir et à mettre au point. Est-ce que c'est une nuance importante ou on parle de la même chose?

Le Président (M. Désilets): Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Johanne): En fait, on parle d'une politique de concertation. On se dit que, si on veut vraiment consulter et prendre en compte les opinions des divers utilisateurs et de la population... On a plus parlé de concertation pour se donner des structures où les gens auraient le loisir de venir émettre leurs opinions et pourraient participer finalement à l'élaboration des stratégies d'aménagement, avoir une présence très active dans la conciliation des objectifs et dans une gestion qui soit plus participative.

Là, il y a un certain nombre de principes qui viennent avec ça à notre avis, des conditions un peu préalables, si vous voulez. On parle d'une information qui soit plus vulgarisée ? on est bien conscient que les plans généraux d'aménagement, ce n'est pas accessible à tout le monde; une certaine transparence dans la désignation des participants à ces tables-là; la délégation d'un certain nombre de pouvoirs quant à la participation aux stratégies d'aménagement, des rôles assez bien définis; un support professionnel éventuellement et une intégration optimale des commentaires avec un système de rétroaction éventuellement, puisque, une fois qu'on a participé à l'élaboration de ces stratégies-là et de ces plans-là, il faut voir si les travaux terrains répondent vraiment à la commande.

Le Président (M. Désilets): Merci, Mme Gauthier.

M. Brassard: Et juste une petite dernière: Est-ce que vous croyez que la liste des intervenants...

Le Président (M. Désilets): En vous rappelant qu'il reste 30 secondes.

M. Brassard: Parce qu'on fait la distinction évidemment dans le projet de loi entre les organismes qui sont appelés à participer pleinement, dès le départ du processus, à l'élaboration des plans ? et ce sont des organismes qui ont des responsabilités de nature territoriale, les MRC, par exemple ? et d'autres qui seront appelés, une fois les plans élaborés, à une consultation plus large et à s'exprimer sur ces plans. Est-ce que vous croyez que cette liste d'intervenants qu'on appelle, qu'on invite à s'impliquer dès le départ est suffisante? Est-ce qu'il y a des organismes qui pourraient s'y ajouter?

Le Président (M. Désilets): Très brièvement, Mme Gauthier, s'il vous plaît.

Mme Gauthier (Johanne): Oui, M. le Président. Dans notre esprit, les organismes qui ont des responsabilités de gestion et d'aménagement des diverses ressources sur le territoire devraient être appelés à participer à l'élaboration de ces plans-là. Puis les autres organisations, bien, je pense que, dans un bon processus de consultation avec des tables de discussion, ça pourrait répondre certainement aux objectifs puis aux exigences de ces gens-là.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup, Mme Gauthier. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Mme Gauthier, M. Breton, M. Fillion et M. Pelletier, bienvenue. Je vous écoutais échanger avec le ministre sur l'importance d'avoir un audit indépendant, comme vous le proposez à la page 26. J'espère que vous aurez peut-être réussi à le convaincre de la pertinence de la mise en place d'un inspecteur des forêts qui pourrait être cet audit indépendant, parce qu'on se souvient qu'à l'ouverture des travaux je pense que tous les députés ministériels avaient sans exception carrément dit qu'ils étaient contre cette idée-là.

Moi, je vais revenir, juste en quelques secondes, sur votre proposition parce qu'il y a un autre élément, selon moi, qui est extrêmement important face à cet audit indépendant là que vous appelez ? que nous, on appelle un inspecteur des forêts ? c'est toutes les questions reliées, peut-être dans les prochaines années, à l'exportation. Et plusieurs mentionnent qu'au niveau des quotas comme tels ça pourrait peut-être tomber et, advenant le cas, il va sûrement apparaître à un moment donné d'autres types de barrières. Et une de ces barrières-là pourrait justement être reliée à la façon dont les travaux se font sur le terrain: tout ce qui concerne le respect de l'environnement, la pratique comme telle, la façon dont on fonctionne, la récupération, et tout ça.

Et un élément extrêmement important, c'est que vous savez sans doute que les règles au niveau du commerce international, face justement à tout ce qui est de ces audits indépendants là, sont très, très strictes. On le voit au niveau du lait, on le voit dans différents secteurs. Est-ce que, selon vous, éventuellement, cet audit indépendant là pourrait aussi venir donner un peu une espèce de certification au niveau du commerce international, va pouvoir certifier nos méthodes, nos pratiques, nos façons de faire pour peut-être faire face aux barrières prochaines que nous aurons pour remplacer les quotas, notamment avec le marché américain?

Le Président (M. Désilets): Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Johanne): Merci, M. le Président. Alors, comme je le disais tantôt, les audits externes, à notre avis, doivent aller un peu plus loin que ce qu'on voit à l'heure actuelle comme les audits de certification qui sont faits par ISO ou par d'autres organisations, le FSC... C'est ça. Et, à notre avis donc, une fois que les audits... plus de performance serait mise de l'avant, bien, la certification telle qu'on la connaît même dans d'autres pays serait probablement accessible à la majorité des entreprises du Québec. Et donc, au niveau de l'exportation, à moins que les conditions changent et que les exigences changent d'ici quelques années, à notre avis, ça répondrait en bonne partie à...

M. Béchard: Ça pourrait être une très bonne façon de prendre les devants immédiatement...

Mme Gauthier (Johanne): Tout à fait.

M. Béchard: ...et de faire en même temps un peu une expertise de ce qui se passe comme pratique aux États-Unis et dire: Bon, bien... Puis, je suis à peu près, comme vous, convaincu que déjà la majorité des entreprises se situent très bien à ce niveau-là. Mais de déjà mettre en place... Et ça pourrait prendre... Qu'on l'appelle un inspecteur des forêts ou un audit externe ou quoi que ce soit, c'est, selon vous, une pièce maîtresse, non seulement pour rassurer, je dirais, les citoyens et citoyennes du Québec, mais en même temps pour faire face aux nouvelles demandes au niveau des normes à l'exportation.

n(10 h 50)n

Mme Gauthier (Johanne): Tout à fait. On le voit d'abord pour rassurer, comme vous le dites si bien, les citoyens et citoyennes du Québec. Et donc, si ça peut servir à d'autres fins, bien, c'est tant mieux. Moi, je vois un audit comme une interface entre ce qui se fait sur le terrain et finalement le gouvernement qui est le gestionnaire, qui est responsable de s'assurer de la qualité des travaux sur le terrain.

M. Béchard: Donc, c'est ça. Finalement, il faut s'assurer aussi que ce soit indépendant, que ce ne soit pas un peu comme on le voit à d'autres niveaux.

Mme Gauthier (Johanne): Oui, et ça, il y a des organisations qui existent, qui sont réputées dans ce sens-là.

M. Béchard: O.K. Un autre point qui me... Je m'étais promis de vous poser la question. Même si je n'étais pas devenu porte-parole en matière de ressources naturelles en fin de semaine, je voulais absolument vous poser cette question-là. C'est que, au cours de l'été dernier, quand on a eu les nouvelles possibilités d'approvisionnement, moi, il y a quelque chose qui m'a fasciné. C'est que, d'un côté, on a des ingénieurs forestiers qui sont pour le ministère des Ressources naturelles qui disaient que les chiffres qui étaient donnés par le ministère des Ressources naturelles étaient bons, que les inventaires étaient x et que c'était coulé dans le ciment, qu'il n'y a aucun doute là-dessus, puis, de l'autre côté, à chaque fois qu'on rencontrait un ingénieur qui était pour un industriel ou autre, lui contestait ces chiffres-là. Il y a toujours bel et bien un seul Ordre des ingénieurs forestiers au Québec. Donc, je me dis: Comment on peut arriver à des situations, je dirais, aussi abracadabrantes que on regarde que les membres... Moi, il y en a même, des ingénieurs forestiers, qui m'ont dit, sous le couvert de l'anonymat, qu'ils auraient beaucoup de problèmes à signer les nouveaux plans et les nouveaux contrats.

Donc, comment on peut arriver à un système où même les gens qui sont des professionnels d'une pratique reconnue peuvent avoir des opinions aussi divergentes sur ce qu'est l'inventaire forestier et ce que sont les possibilités d'exploitation?

Le Président (M. Désilets): Mme Gauthier, la réponse.

Mme Gauthier (Johanne): Oui, M. le Président. Alors, écoutez, c'est sûr qu'il y a un seul Ordre des ingénieurs forestiers comme vous dites si bien. On est d'ailleurs tous issus à peu près de la même école, l'Université Laval. Et les gens qui effectuent les calculs de possibilité le font dans le respect des normes et des conventions qu'on connaît, qu'on a apprises, et dans un contexte de protection du public.

Les différences entre, des fois, ce qui peut être amené d'un ingénieur forestier pour l'entreprise privée par rapport à un autre qui serait au ministère résident plutôt, à mon avis, dans des choix de stratégies d'aménagement, dans des choix collectifs aussi. Si on décide d'avoir une stratégie d'aires protégées, bien là, il faut en tenir compte: il y aura des territoires qui seront exclusivement réservés à la conservation, donc là, on vient retrancher. On fait des choix de stratégies d'aménagement qui sont différentes. On part des mêmes données de base, des mêmes données d'inventaire et, par la suite, bien là, dépendamment un peu de qui est en charge de faire le travail sur le terrain, du niveau d'investissement aussi qu'on veut faire dans notre forêt, bien, la réponse au bout peut être un peu différente, là.

M. Béchard: Mais... et ça, ça vient à un des éléments que vous avez dans votre mémoire, à la page 10, votre recommandation 7. Parce que, quand les gens ne sont pas des spécialistes en la matière, c'est assez dur de se faire une idée sur la situation réelle. Et, quand vous arrivez avec votre proposition d'un guide de pratiques professionnelles qui pourrait constituer la base des pratiques professionnelles reconnues, est-ce que ce serait, selon vous, un outil qui serait à ce point pertinent et, j'ose espérer, assez vulgarisé pour que les gens puissent le comprendre même s'ils ne sont pas ingénieurs forestiers? Est-ce que ce serait une bonne façon d'arriver à éviter des situations comme on en a vécu? Parce que je veux bien qu'on tienne compte plus ou moins de certaines choses, mais on arrivait à des écarts assez grands. Et, dans bien des cas, il y a des ingénieurs forestiers qui disaient qu'ils ne comprenaient absolument pas comment on pouvait arriver avec un chiffre x quand ils nous disent: Bien, ça fait deux, trois, quatre ans qu'on le fait, le territoire de notre entreprise, qu'on connaît notre territoire. Est-ce que votre guide serait l'une des solutions à ça? Et en quoi serait-il si différent de ce qu'on connaît actuellement comme système?

Le Président (M. Désilets): Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Johanne): Merci, M. le président. Le guide, en tant que tel, c'est un guide méthodologique. Il faut bien comprendre: ce n'est pas un guide forestier. On a des normes, on a déjà nous mêmes un manuel de foresterie qui constitue un peu notre manuel de références. Alors, c'est un guide méthodologique. Les gens peuvent passer à travers les mêmes étapes de travail et, pour les raisons que j'évoquais tantôt, arriver peut-être à des réponses qui soient un peu différentes dépendamment des objectifs de celui qui a la responsabilité de faire ledit calcul et le plan d'aménagement.

Là-dessus, peut-être que M. Fillion pourrait compléter. Je sais qu'il est un peu notre expert dans...

M. Fillion (Daniel): Oui, je peux peut-être donner mon point de vue sur ça parce qu'on sort, nous autres, actuellement, d'un exercice de calcul de possibilité en forêt privée dans la région d'où je viens, là, qui est le Saguenay?Lac-Saint-Jean. C'est vrai que c'est un exercice qui est complexe, hein, puis c'est une partie intégrante des PGAF, des plans de protection de mise en valeur en forêt privée aussi. Qu'est-ce qui se passe dans cet exercice-là? C'est un calcul qui est assez complexe. Comment on procède pour faire ça? Bien, d'abord, on a toute une série de données de base qui proviennent de l'inventaire forestier, de notre territoire de simulation, les tables de rendement, les effets escomptés des travaux sylvicoles.

Donc, à partir de ces données de base là, on procède à une analyse des données puis on détermine des objectifs. Ces objectifs-là, c'est: Qu'est-ce qu'on veut faire avec notre forêt? Puis je peux vous dire qu'en forêt privée on est dans un processus de concertation qui s'appelle les «agences de mise en valeur». Puis on a discuté pas mal des objectifs, même ceux, là, avec les autres partenaires, les MRC, entre autres, là.

À partir de ces objectifs-là, là, l'ingénieur forestier, lui, il va se donner des stratégies sylvicoles, puis c'est là que ça peut un peu changer d'idée, parce que, si tes objectifs, par exemple, concernent plus la protection du territoire, c'est sûr que tes stratégies sylvicoles vont peut-être être plus douces au niveau de la récolte. Si tu dis: Je veux produire de la matière ligneuse, tu vas introduire d'autres stratégies sylvicoles. Et, dans la simulation, ça fait que les résultats peuvent différer pas mal, là, entre, premièrement, les données que tu entres au niveau des inventaires et, deuxièmement, aussi au niveau de tes objectifs d'aménagement.

C'est pour ça qu'on s'est fait souvent poser la question: On a procédé à plusieurs simulations puis on arrive toujours au même résultat. Nos objectifs de protection de mise en valeur qui sont déterminés par le gestionnaire, soit pas concertation ou par consultation, sont très importants dans le résultat final de la simulation.

C'est sûr aussi que ce qui est important, c'est que les hypothèses que tu mets dans ton calcul, c'est de les vérifier après. Est-ce que je rencontre mes stratégies sylvicoles quand je fais des travaux sylvicoles ou des travaux de récolte? Et est-ce que les effets que j'ai mis dans mes travaux sylvicoles sont vrais sur le terrain? Toute la notion de suivi des effets réels est importante à ce niveau-là.

M. Béchard: Merci.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup, M. Fillion. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Mme la présidente, messieurs, il y a une phrase dans votre mémoire qui est de la musique à mes oreilles quand vous dites: «Où arrête le rendement soutenu et où commence le rendement accru?» Ce n'est pas évident, et je vous dirais qu'après tout près de 100 mémoires je ne suis pas plus convaincu d'où est la limite entre l'un et le début de l'autre. Vous nous dites, dans cette même recommandation, qu'il doit y avoir des conditions préalables à une politique d'intensification de l'aménagement forestier. Vous citez, à la page 22, une série, là, de normes et de critères. Et vous dites: C'est important qu'on regarde ça avant de se lancer dans cette politique-là. Est-ce que, ces demandes que vous faites d'information, elles sont déjà connues au ministère? Est-ce que la plus grande partie de cet inventaire est fait ou est-ce qu'on partirait à peu près de rien? Parce que j'ai cru percevoir de la part du ministre une volonté assez rapide d'aller vers cette politique de production accrue, et vous semblez lui mettre un bémol ici en disant: Prenez votre temps. On doit faire une réflexion assez profonde dans tout ça. Alors, jusqu'où on est prêt à aller dans cette direction-là?

Le Président (M. Désilets): Mme Gauthier, aviez-vous, avant, un complément d'information pour l'autre question? J'ai cru vous voir lever la main tantôt, là.

Mme Gauthier (Johanne): Ah! Bien, en fait, c'était pour dire que notre guide de pratiques professionnelles, là, qui va incessamment être adopté, c'est une façon pour nous, là, de se donner des balises. Et on exige, dans tout ce processus-là, de nos membres qu'ils documentent très bien tous les processus et les étapes décisionnelles qu'ils ont prises dans un calcul de possibilité de telle sorte qu'on peut suivre vraiment le cheminement logique qui a été à l'origine de ce calcul-là. Ça fait que ça, c'est un élément pour nous, là, qui est très important. Et pour nous, ça va éventuellement être utilisé en inspection professionnelle et dans toutes nos autres...

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup.

Mme Gauthier (Johanne): Voilà.

Le Président (M. Désilets): Maintenant...

Mme Gauthier (Johanne): Alors, oui, bon, en fait, quand on dit au ministre, là, de définir un peu plus qu'est-ce qu'il souhaite mettre de l'avant en termes de politique de rendement accru, je vous dirais que, même entre nous, on a eu un certain nombre de discussions puis ce n'est pas nécessairement aussi clair, là, entre les professionnels.

n(11 heures)n

Alors, l'idée, c'est vraiment ? et je pense que M. le ministre se donnait une période de deux ans ? de profiter de ces deux ans là pour aller chercher l'information. On sait effectivement qu'il y a des techniques sylvicoles qui permettent d'augmenter la productivité des forêts. On est capable de faire pousser plus de bois sur des superficies moindres au Québec. Ça, il y a des choses qui sont documentées par la recherche, on en connaît des grands bouts. Et, après ça, transposer ça dans une politique de rendement accru au niveau des calculs de possibilité forestière, bien là je pense qu'il y a un certain nombre d'informations et de conditions, comme on disait, préalables à mettre sur la table. Mais, M. le ministre s'était donné une période de mise en application et, nous, on a fait le choix également de faire porter notre congrès annuel sur cette question-là l'année prochaine, justement pour que les gens qui ont les deux pieds dedans et qui devraient normalement être au coeur de la mise en oeuvre de cette politique-là s'entendent sur ces principes-là puis conviennent des façons de faire qui permettraient d'aller de l'avant le plus rapidement possible.

Le Président (M. Désilets): M. le député d'Orford, je vous rappelle qu'il vous reste à peine 30 secondes pour la question et la réponse.

M. Benoit: Oui. Bon, parfait. Le maire L'Allier disait que, si on voulait avoir une belle ville, il fallait d'abord demander aux aménagistes et ensuite aux ingénieurs.

La question que je vous pose: En environnement, si on veut avoir un bel environnement, est-ce qu'on doit d'abord demander aux environnementalistes et ensuite aux ingénieurs comment opérer nos forêts?

Le Président (M. Désilets): Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Johanne): C'est beaucoup des questions de perception.

M. Benoit: En 30 secondes.

Mme Gauthier (Johanne): En 30 secondes? Vous avez toute une question là. Ça vaut au moins 1 million de dollars, ça, je dirais. Je pense que les ingénieurs forestiers sont là pour mettre de l'avant des techniques sylvicoles qui vont répondre à des commandes sociales. Là, à l'heure actuelle, on parle beaucoup d'espacement des coupes dans l'espace et dans le temps. On vous a dit également qu'il y a d'autres techniques très intéressantes, d'autres façons de faire les travaux sur le terrain, très intéressantes, qui donnent des résultats du point de vue du paysage, qui devraient répondre beaucoup aux préoccupations du public, et il faut qu'on ajuste l'application du régime au fur et à mesure qu'on les a expérimentées sur le terrain.

Alors, oui, nous, on est à l'écoute de ce que le public souhaite en matière d'environnement, en matière de paysage....

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup.

Mme Gauthier (Johanne): ...et on souhaite être en mesure de pouvoir appliquer ça le plus rapidement possible.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup, Mme Gauthier. On va suspendre, le temps de permettre au Conseil régional de concertation et de développement du Bas-Saint-Laurent de prendre place, et on poursuit tout de suite après. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 2)

 

(Reprise à 11 h 4)

Le Président (M. Désilets): Eh bien, j'aimerais ça que le porte-parole du Conseil régional de concertation et de développement du Bas-Saint-Laurent se présente et aussi présente ses collègues.

Conseil régional de concertation et
de développement du Bas-Saint-Laurent (CRCD
du Bas-Saint-Laurent)

Mme Saint-Amand (Ginette): Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Ginette Saint-Amand, je suis présidente du Conseil régional de concertation et de développement du Bas-Saint-Laurent. Je suis accompagnée, à ma droite, par M. Émilien Nadeau, qui est vice-président du Conseil régional; et, à ma gauche, par M. Gabriel Auclair, qui est un professionnel au CRCD Bas-Saint-Laurent.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. Madame, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et suivi de 15 minutes pour les questions de chacun des deux partis.

Mme Saint-Amand (Ginette): Merci.

Le Président (M. Désilets): Merci.

Mme Saint-Amand (Ginette): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour. Nous aimerions d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de faire valoir notre point de vue sur quelques aspects touchant le projet de loi de modification sur la Loi des forêts. En guise d'introduction, je vais d'abord vous donner qu'est-ce qu'est un peu le Conseil régional et notre région, Bas-Saint-Laurent, et à quoi elle ressemble au niveau de la forêt.

Le Conseil régional de concertation et de développement du Bas-Saint-Laurent existe depuis 1967, soit un an après le dépôt du rapport final du BAEQ, le Bureau d'aménagement de l'Est du Québec. Le CRCD a pour rôle de promouvoir et soutenir le développement économique et social de la région administrative du Bas-Saint-Laurent par la concertation entre les divers dirigeants politiques, économiques et sociaux du territoire. Le mandat du Conseil régional est d'agir comme interlocuteur du gouvernement du Québec en matière de développement de la région, comme aviseur de l'État sur toute question d'intérêt régional et négociateur d'ententes pour adapter l'action gouvernementale aux particularités de la région.

Sur la base de ce mandat, nous avons conclu avec le ministère des Ressources naturelles cinq ententes spécifiques de régionalisation entre 1994 et 1999. Le territoire d'intervention du Conseil régional du Bas-Saint-Laurent compte huit MRC: Témiscouata, Kamouraska, Rivière-du-Loup et Les Basques, dans l'unité de gestion 11; Rimouski, La Mitis, Matane et la Matapédia, dans l'unité de gestion 12.

Le Bas-Saint-Laurent est recouvert de boisés à 85 %. On y compte plus de 3 000 travailleurs en forêt et 6 000 travailleurs dans pas moins de 150 usines de transformation du bois. Vous comprendrez facilement que la présence des ressources forestières est au coeur des préoccupations des gens de la région depuis toujours, mais plus particulièrement depuis 1970. On cumule dans le Bas-Saint-Laurent 30 ans d'efforts soutenus en matière d'aménagement forestier. Pionnière dans ce domaine au Québec, la région entend en demeurer le chef de file. La révision du régime forestier revêt donc une importance vitale pour notre région.

Aujourd'hui, nous nous limiterons à deux éléments en particulier du projet de loi n° 136, soit le projet de politique de consultation prévue au chapitre 2.1 et le projet de politique de rendement accru dont il est question au chapitre 2.3.

Tout d'abord, le projet de politique de consultation, la gestion participative des forêts du domaine de l'État. Le projet de loi prévoit la mise en oeuvre d'une politique de consultation dans le but de mieux informer les intéressés et leur permettre d'exprimer leurs attentes quant aux stratégies d'aménagement qui seront mises de l'avant. Le ministre se propose de mener des consultations devant l'aider à mieux définir les orientations à privilégier pour chaque territoire forestier, notamment en termes de production, de protection et de mise en valeur des ressources.

Les bénéficiaires de contrats devront inviter le monde municipal et les détenteurs d'autres droits en milieu forestier à participer à l'élaboration de leurs plans généraux. La procédure d'information du public qui prévaut maintenant sera également maintenue et tous les citoyens pourront avoir accès aux plans d'intervention et aux rapports annuels.

Les organismes comme le nôtre, le CRD ou CRCD, font partie des instances qui pourraient être consultées sur les orientations à privilégier au niveau régional, c'est-à-dire le niveau de l'unité de gestion forestière et celui de la région administrative. Dans le Bas-Saint-Laurent, l'expérience de la dernière année sur le renouvellement des PGAF nous a fait réaliser combien il était difficile de se prononcer de manière éclairée sur le fond de la question. Nous avons d'abord été estomaqués de voir les écarts qui existaient entre les calculs du ministère et ceux de l'industrie. On a bien compris que des choix fondamentaux pouvaient induire de grandes différences.

Parmi les choix à faire, voici deux exemples: un premier exemple, la détermination d'un niveau acceptable d'éclaircies commerciales à réaliser dans le futur pour compenser l'absence actuelle de stock mature; deuxième exemple, les superficies minimales de forêts mûres et surmatures à conserver par souci de préservation de la biodiversité. Vous conviendrez que de tels choix ne vont pas de soi. Ce sont, à notre avis, des choix qui sont de l'ordre des orientations que le ministre veut s'engager à définir en consultation, notamment avec les milieux régionaux.

n(11 h 10)n

Dans la dernière année, soucieux de soutenir l'économie régionale et en particulier celle des communautés typiquement forestières, le CRCD du Bas-Saint-Laurent a réaffirmé l'importance de maintenir un haut niveau d'activités sylvicoles en forêt publique de même qu'en forêt privée. Les besoins socioéconomiques et les sensibilités environnementales étant ce qu'elles sont dans les régions forestières, nous ne pouvions accepter que Forêt Québec soit ni trop conservateur ni trop téméraire dans ses décisions.

Aussi, nous nous sommes tournés sans succès malheureusement vers le ministre de l'Environnement pour qu'il nous aide à voir plus clair dans les aspects environnementaux du dossier. Finalement, le ministre Brassard a tranché en approuvant les 15 PGAF de la région, avec de très fortes baisses, sans pour autant que le milieu régional ne sache si le niveau de récolte pouvait assurer à la fois la protection des forêts et la survie des communautés rurales qui comptent sur elles. La baisse est de 20 % pour le sapin, l'épinette, le pin gris et le mélèze; on parle de 215 000 m³. Dans le cèdre, la diminution se chiffre à 40 %, soit 28 000 m³. On voit bien que les choix fondamentaux qui sont faits a priori sont lourds de conséquences.

Aussi, nous croyons maintenant qu'il est absolument nécessaire de faire éclater l'actuel cadre des discussions bipolaires ou bipartites qui précèdent le renouvellement des PGAF. Faire des choix aussi cruciaux implique une réflexion et une transparence que les consultations ponctuelles ne permettent pas. Les enseignements tirés de la pénible expérience du dernier renouvellement des PGAF vont colorer nos actions pour longtemps.

Ainsi, en juin dernier, l'assemblée générale du CRCD Bas-Saint-Laurent a adopté une vision de développement à long terme de même que le premier des trois plans stratégiques quinquennaux qui ne visent rien de moins que faire du Bas-Saint-Laurent une référence mondiale dans la protection et l'utilisation des ressources naturelles, et tout particulièrement dans le domaine forestier.

Nous demandons à l'État de travailler de concert avec nous pour améliorer la santé et la productivité des forêts de la région et pour faire en sorte que les interventions effectuées en forêt assurent en même temps de bonnes perspectives écologiques, économiques, sociales et culturelles. Vous comprendrez que pour faire cela, de notre côté, nous devrons impérieusement approfondir notre connaissance de l'environnement forestier régional et partager l'information pertinente. L'information doit être non seulement disponible mais véritablement accessible aux intervenants régionaux. Dans cette optique, nous avons comme projet de créer de toutes pièces un observatoire de la foresterie régionale qui sera chargé de documenter les grandes problématiques socioforestières et de guider les agents de changement. Nous sommes convaincus qu'une meilleure connaissance du domaine va nous permettre d'exprimer en temps opportun des choix régionaux éclairés.

Le second élément que nous voulions aborder concerne le projet de politique de rendement accru. On se réfère ici au chapitre 2.3 intitulé L'aménagement forestier. Le Bas-Saint-Laurent est, avec la Gaspésie, la région du Québec où la forêt est la plus vulnérable à la tordeuse des bourgeons de l'épinette. La dernière épidémie qui a sévi pendant 20 ans a fait perdre, entre 1971 et 1992, l'équivalent de 15 années de récolte normale. Cette épidémie a eu pour effet de ralentir la croissance des arbres et de provoquer une importante carence de forêts de relève. Elle serait responsable aussi en bonne partie, d'après le ministre des Ressources naturelles, de la baisse de possibilité forestière de 20 % annoncée le 23 août 2000 par le ministre Brassard.

De toutes les régions du Québec, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie sont celles qui subissent les plus fortes diminutions de possibilité forestière pour les essences résineuses, soit les essences principales sur lesquelles repose le développement forestier régional. Depuis plusieurs années, le CRCD défend l'idée que la forêt doit garantir un rendement soutenu en volume de bois qui soit mieux établi. Au minimum, que ce rendement soit établi, premièrement, à partir d'une situation de stocks normaux et non détériorés et, deuxièmement, qu'il tienne compte des pertes futures dues aux épidémies de la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

Le BAPE, à qui le problème du Bas-Saint-Laurent a été exposé par le conseil régional, a fait sienne cette proposition. Dès 1994, le BAPE demandait au ministère des Ressources naturelles d'intervenir rapidement pour bonifier la stratégie d'aménagement des CAAF, dans le but de compenser les pertes anticipées relatives aux futures épidémies de la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

L'acuité de la problématique régionale de la tordeuse a été reconnue par le gouvernement du Québec en 1997 dans le cadre d'une entente spécifique destinée à mettre en place un modèle sylvicole préventif adapté aux forêts publiques sous CAAF dans le Bas-Saint-Laurent. Cette entente vise à établir une stratégie d'aménagement représentative d'une situation de stock ligneux et de possibilité forestière qui considère une distribution normale des peuplements forestiers en termes de classe, d'âge et de densité, qui soit en équilibre écologique avec la série évolutive naturelle des peuplements et qui prenne en compte les pertes anticipées relatives aux prochaines épidémies de la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

L'entente conclue a établi un certain nombre de choses fondamentales, dont celles-ci. Malgré sa vulnérabilité à la tordeuse des bourgeons de l'épinette, le sapin baumier demeure une essence désirée et privilégiée. La régénération naturelle des parterres de coupe demeure le choix sylvicole premier sur tous les titres exploités. On y reconnaît aussi la nécessité de maintenir la composante climacique résineuse dans la forêt publique sous CAAF dans le Bas-Saint-Laurent. On y réaffirme aussi l'importance primordiale des plantations dans la diminution de la vulnérabilité globale des forêts à la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

Cette entente spécifique de régionalisation a permis, pendant trois années, de réaliser...

Le Président (M. Désilets): Mme Saint-Amand, je voudrais vous arrêter 30 secondes, le temps de vous mentionner qu'il vous reste deux minutes à la présentation.

Mme Saint-Amand (Ginette): Deux minutes, O.K., ça ne sera pas long.

Le Président (M. Désilets): Je vous inviterais à conclure.

Mme Saint-Amand (Ginette): Oui. Alors, à notre avis, cette stratégie préventive, qui avait été adoptée lors de l'entente spécifique, doit être maintenue à long terme et même étendue à la forêt privée, laquelle représente 50 % de la superficie du territoire forestier du Bas-Saint-Laurent. Et cette stratégie doit surtout ne pas être confondue avec celle du rendement accru, mais elle doit la précéder.

Je vais aller à la conclusion. Le 23 août dernier, à Rimouski, le ministre Brassard nous a laissé un important message que nous résumons comme suit: Les nouvelles sont mauvaises, la réalité est dure, il faut garder espoir, moins de découvrir dans les forêts des volumes de bois oubliés que de trouver avec le gouvernement du Québec des mesures concrètes d'atténuation des impacts.

Comme ces impacts sont récurrents, le ministre a conclu qu'il fallait tout mettre en oeuvre pour en atténuer la portée. Pour ce faire, il s'est dit ouvert à négocier une entente spécifique de régionalisation avec le CRCD. Nous avons bien compris le message de M. Brassard et nous avons enclenché une réflexion à régime accéléré devant conduire au dépôt d'une proposition d'entente à la fin du mois de novembre prochain. Nous comptons sur la conclusion de mesures applicables pour 2001.

Notre projet d'entente couvrira plusieurs aspects de la forêt publique et de la forêt privée du Bas-Saint-Laurent pouvant être regroupés sur trois chapitres principaux: un milieu forestier; la première transformation et la valeur ajoutée; l'amélioration de la connaissance. Par ces diverses facettes, nous voulons poser des gestes concrets pour atténuer les impacts récurrents des baisses de possibilité décidées.

L'entente projetée vise également à permettre au Conseil régional du Bas-Saint-Laurent d'amorcer, avec les intervenants régionaux, un certain nombre d'actions en relation avec sa vision à long terme en matière de protection et d'utilisation des ressources naturelles.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup, Mme Saint-Amand, pour la présentation de votre mémoire.

Mme Saint-Amand (Ginette): Merci.

Le Président (M. Désilets): Maintenant, j'inviterais le ministre à poser des questions pour les 15 prochaines minutes.

n(11 h 20)n

M. Brassard: Alors, merci, Mme Saint-Amand, M. Nadeau, M. Auclair. Bienvenue parmi nous. Merci aussi de votre témoignage fondé sur, je pense, une expérience qui s'étale sur plusieurs années et qui a conduit, entre autres, le CRCD et le gouvernement, comme vous l'avez mentionné, à conclure une entente spécifique portant sur la mise au point d'une stratégie préventive en regard des dégâts causés par l'épidémie de tordeuses des bourgeons d'épinette. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que nous n'avons pas l'intention de confondre cette entente spécifique avec une politique de rendement accru à venir ou d'intensification de l'aménagement. La distinction sera faite, je peux vous rassurer dès le départ.

Il y a dans le projet de loi évidemment un certain nombre de dispositions qui visent à impliquer davantage un certain nombre d'intervenants comme les MRC, par exemple, et aussi qui annoncent une politique de consultation qui va permettre à un plus grand nombre d'intervenants de pouvoir s'exprimer sur les plans d'aménagement. Ça aussi, évidemment on va la concevoir et on va également s'assurer qu'elle répond aux attentes de tout le monde, de tous ceux qui s'intéressent à cette question.

Et il y a entre autres là-dedans bien sûr un effort de vulgarisation qui est absolument essentiel. Je pense qu'à plusieurs reprises les intervenants se sont exprimés là-dessus, ont réclamé que les documents, que les plans soient plus compréhensibles, plus accessibles, ce qui n'est évidemment pas le cas actuellement, je le reconnais volontiers. Donc, il y a un effort pédagogique, il y a un effort de vulgarisation qui va être absolument essentiel.

Dans ces dispositions-là ? implication de plusieurs intervenants, politique de consultation mieux articulée ? quel rôle, selon vous, un organisme comme le vôtre, un CRD qui a un mandat de concertation à une échelle régionale, d'une région, pourrait-il jouer dans la mise en oeuvre de ces dispositions qui apparaissent dans le projet de loi? Parce que ce sont les MRC qui sont vraiment appelées... Si on parle d'organismes publics, ce sont les MRC qui vont être appelées à jouer un rôle déterminant dans l'élaboration des plans. Comment vous voyez le CRD dans la mise en oeuvre de cette nouvelle politique? Est-ce que le CRD est appelé à jouer un rôle et quel serait ce rôle-là?

Le Président (M. Désilets): Mme Saint-Amand.

Mme Saint-Amand (Ginette): Oui, M. le Président. Nous pensons que le conseil régional effectivement, étant un organisme à caractère régional, est formé des agents de développement ou en tout cas des développeurs de la région, et ce, en provenance de tous les secteurs, autant le politique municipal, l'industriel ou les représentants d'organismes communautaires, sociaux. En fait, au Conseil régional, on a une représentation du territoire qui fait faire des choix.

Je vous donnais l'exemple tout à l'heure, le CRCD s'est donné effectivement une planification stratégique, s'est donné une vision de son développement du Bas-Saint-Laurent auquel tout le monde a adhéré. On pense que le niveau auquel le CRCD pouvait intervenir est davantage sur les choix fondamentaux de ce qu'on va faire avec notre forêt comme région du Bas-Saint-Laurent. C'est à ce niveau-là que le CRCD peut intervenir dans les aspects généraux, pour le développement de l'ensemble de la région Bas-Saint-Laurent et, à l'intérieur de ce développement-là, l'importance du développement de la forêt et être d'accord comment on va la développer.

Évidemment, le rôle territorial de la MRC ou des gens plus localement face au plan d'aménagement est de mise aussi, sauf que le niveau, je dirais, de collaboration que le CRCD peut faire est davantage à moyen et à long terme pour l'ensemble de la région Bas-Saint-Laurent et évidemment de le faire en concertation avec les gens du local et les gens du milieu forestier.

Le Président (M. Désilets): M. le ministre.

M. Brassard: Est-ce qu'actuellement, au fond, et déjà depuis un certain nombre d'années, vous n'assumez pas ce rôle-là? Est-ce que le CRD Bas-Saint-Laurent n'a pas des tables de concertation spécifiquement consacrées à la forêt? Est-ce que vous ne le faites pas présentement? Est-ce que vous comptez le faire également ou est-ce que votre rôle va changer, va être modifié?

Mme Saint-Amand (Ginette): On a eu effectivement une table forêt qui a été mise sur pied ? d'ailleurs, M. Nadeau pourrait peut-être vous en parler davantage, qui était à cette table et qui était président à ce moment-là ? pour la forêt, effectivement. Mais on n'était peut-être pas à discuter des éléments aussi... des choix fondamentaux qu'on peut faire avec notre forêt, à ce moment-là. M. Nadeau.

Le Président (M. Désilets): M. Nadeau.

M. Nadeau (Émilien): En fait, M. le ministre, oui, au Bas-Saint-Laurent on a eu une table forêt, on en a encore une d'ailleurs, mais ça a été sur des sujets particuliers; et très particuliers, je dirais, dans un premier temps. Et c'est ce qui nous a amenés à signer des ententes spécifiques qui sont au nombre de cinq et que je ne vous décrirai pas. Entre autres, au niveau de la chasse, au niveau du cerf de Virginie, pas seulement au niveau sylvicole. On a parlé aussi de fermes forestières dans le coin de Matane ou de forêt habitée.

Mais ce qui nous importe finalement, c'est que, comme région, on ait notre mot à dire dans les choix fondamentaux que fait la région de l'utilisation de sa forêt. Pour nous, dans le fond, quand on parle de rendement accru, on ne se limite pas nécessairement juste à la plus grande production de matières ligneuses. Je vous dirais qu'on parle de rendement accru, oui, d'une plus grande production de matières ligneuses, mais rendement accru aussi pour le milieu social et le milieu économique du milieu, qu'est-ce qu'on peut tirer de la forêt.

On parle beaucoup, à l'intérieur de ces choix-là, de multiressources, je vous dirais. Et, dans ça, il nous apparaît que la région administrative, compte tenu du territoire qu'elle couvre, compte tenu du nombre d'intervenants et de la nature des intervenants qui sont autour de la table, pourrait nous permettre, dès le début du processus des plans généraux d'aménagement, par exemple, d'intervenir dès le départ sur les paramètres qu'on va entrer, moi, je dirais, dans l'ordinateur avant de faire le calcul après.

Autrement dit, les choix, dans le fond, se font avant que les calculs se fassent. C'est où, vers où on veut aller, et c'est un peu ce rôle-là que pourrait jouer, je pense, un organisme comme le nôtre qui regroupe à la fois les gens des MRC ? en fait, tous les préfets ? qui regroupe aussi l'Environnement qui est là, qui regroupe toute la partie culturelle, toute la partie faune. Tout le monde est là finalement et tout le monde vit en définitive de cette forêt-là, parce que c'est la base, chez nous, de notre économie. Et, oui à la matière ligneuse, mais oui à autre chose aussi.

Le Président (M. Désilets): M. le ministre.

M. Brassard: Évidemment, dans votre cas, dans votre région, il y a une caractéristique tout à fait particulière aussi, c'est que la forêt privée occupe 50 % du territoire, ce qui n'est pas le cas dans d'autres régions forestières. Par conséquent, les dispositions du projet de loi qui portent sur l'implication d'un certain nombre d'intervenants comme les MRC, c'est pour les plans généraux en territoire public. Alors, forcément, ça veut dire que si la région veut se donner une vision régionale en matière de développement ou de gestion d'aménagement de la forêt, forcément, la forêt privée ne peut pas être mise de côté ni ignorée. Alors, dans cette perspective-là, je présuppose ou je suppose que ça va être pris en compte dans votre démarche et que ce l'est aussi dans les réflexions et les démarches que vous avez faites au cours des dernières années, et que l'entente spécifique, par exemple, n'exclut pas la forêt privée.

Le Président (M. Désilets): M. Nadeau.

n(11 h 30)n

M. Nadeau (Émilien): Évidemment, je pense qu'il ne faut pas, dans notre cas ? surtout pas ? exclure la forêt privée parce que c'est 50 % de notre territoire. D'ailleurs, le CRD a aussi fait du travail à ce niveau-là, entre autres pour la mise en place de l'Agence forestière en forêt privée, où le CRD a été très actif à ce moment-là. Et on suit de près d'ailleurs les travaux de l'Agence présentement. Pour nous, la forêt, qu'elle soit publique ou privée, c'est un tout.

Il y a aussi une expérience qu'on est en train de faire chez nous, qui est la dernière entente spécifique qu'on a signée sur les lots intramunicipaux, qui sont aussi des terres publiques mais acquis à l'intérieur de certains cadres entendus régionalement avec le ministère. On confie la gestion de ces lots-là à la MRC, par exemple. Et, en confiant la gestion de ces lots-là à la MRC, c'est à l'intérieur de certains paramètres mais à l'intérieur aussi de certains choix de développement que la MRC peut faire pour les lots qui sont, en définitive, sur son territoire. Donc, on se dit: Est-ce que ça ne pourrait pas s'étendre aussi à d'autres parties de territoires publics. Vous avez aussi dans certains coins au Bas-Saint-Laurent où on parle de forêts habitées en territoires privés uniquement. C'est des expériences en tout cas qu'on tente chez nous présentement de mettre sur pied.

M. Brassard: Merci.

Le Président (M. Désilets): Mme Saint-Amand, un complément d'information.

Mme Saint-Amand (Ginette): Oui. Je veux rajouter qu'effectivement dans notre processus, je dirais, accéléré dans lequel on est enclenché maintenant en termes de réflexion pour discussion d'une entente, évidemment la forêt publique et la forêt privée vont faire partie intégrante des éléments de négociation.

Le Président (M. Désilets): Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. Mme Saint-Amand, M. Nadeau et M. Auclair, bonjour, bienvenue. Les premières questions, il y a plusieurs choses extrêmement intéressantes qui se font au niveau de la forêt dans le Bas-Saint-Laurent et, entre autres, par le Conseil de concertation et de développement du Bas-Saint-Laurent. Mais on a tous vécu la même saga au cours des derniers mois, et vous le mentionnez dans votre mémoire.

Moi, sur quoi j'aimerais vous entendre, c'est: Comment on peut éviter, je dirais, de telles sagas? C'est-à-dire que, d'une part, on passe des mois à s'obstiner sur des chiffres de part et d'autre. J'aimerais ça que vous me parliez comme le CRD se retrouvait là-dedans, c'est-à-dire à la fois coincé entre les indicateurs du ministère et aussi son monde, ses entreprises, ses MRC qui voyaient bien les coups venir. Quel est le rôle du CRCD dans ces cas-là et quel a été un peu votre plan d'action face à ça et face à la rencontre qu'il y a eu aussi au mois d'août, là? Est-ce que vous avez été invités à développer des alternatives pour trouver des solutions immédiates à ces problèmes-là. Comment ça s'est joué au niveau du CRCD?

Le Président (M. Désilets): Mme Saint-Amand.

Mme Saint-Amand (Ginette): Oui. Il est clair que le Conseil régional... Bon, on l'a dit dans le mémoire, on a été estomaqué des différences de calcul, mais le CRCD n'a jamais voulu non plus s'immiscer à l'intérieur des spécificités des calculs parce qu'on croit effectivement que ce n'est pas notre rôle.

À partir du moment où est-ce qu'on a eu une décision finale et formelle qui a été prise par le ministre, et qu'il est venu nous annoncer au mois d'août à Rimouski, l'ouverture faite aussi à ce moment-là par le ministre a fait que le conseil régional s'est enclenché sur un projet d'entente. Et un des éléments importants qui est à noter là-dedans, c'est la connaissance de son milieu. Je pense que le terme «observatoire»... Lorsqu'on dit «comme conseil régional et versus la planification stratégique et la vision qu'on s'est donnée», ce qu'on a besoin de savoir actuellement, c'est d'avoir la connaissance du milieu forestier dans son ensemble du Bas-Saint-Laurent et d'être capable de faire contact avec le réseau pour être capable après ça de prendre des décisions sur la production, la transformation et l'environnement.

Ça, je pense que c'est un des éléments fort importants qui nous permettraient d'éviter peut-être, on espère bien, dans l'avenir, où est-ce qu'il y aura à définir les PGAF, la saga effectivement de chiffres ou de différences importantes entre chacun des ministères. Et ce rôle-là qui est finalement... Comme le conseil régional est un organisme de concertation, il est peut-être l'organisme le plus neutre quelque part pour aller chercher ce niveau de connaissances là pour être rediffusées et discutées avec les intervenants du milieu de tout acabit, de tous les milieux du Bas-Saint-Laurent, pour arriver effectivement à faire une meilleure planification au niveau des PGAF ou avoir une meilleure idée de ce qui va arriver des PGAF dans l'avenir.

M. Béchard: O.K. Face à ça, tantôt on entendait l'Ordre des ingénieurs qui nous disait qu'il serait peut-être intéressant d'avoir un intervenant neutre quelque part qui nous donne les vrais chiffres ou qui fait une enquête de tout ça. Eux parlaient d'un audit externe, d'autres parlent d'un inspecteur des forêts. Est-ce que vous croyez, avec l'expérience qu'on a vécue l'été dernier, que ça pourrait être opportun d'avoir une instance comme ça à qui référer pour avoir le vrai portrait de la situation? Pour éviter en même temps les surprises puis que des organismes de concertation et la population en général se retrouvent coincés souvent entre deux versions et, à la fin de la journée, à ne pas avoir plus confiance dans un que dans l'autre. Est-ce que vous croyez que ça pourrait être une bonne idée d'avoir une espèce d'audit externe, d'avoir un inspecteur des forêts, qui donnerait les vrais chiffres?

Puis on a vu aussi tantôt ? et vous en parlez dans votre mémoire, dans vos orientations ? c'est extrêmement important la forêt pour le Bas-Saint-Laurent, c'est extrêmement important au niveau de l'exportation aussi. Peut-être que dans quelques années, si les quotas tombent, les nouvelles barrières pourraient être reliées au processus, à l'environnement, et tout ça. Donc, d'avoir une instance qui est à la fois sur la validation des données, aussi sur la validation des méthodes de production et des méthodes d'exploitation et sur la qualité comme telle pourrait venir un peu valider le processus. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être une bonne chose de regarder à mettre ça en place immédiatement et même prendre les devants, même si ce n'est pas encore... au niveau des exportations?

Le Président (M. Désilets): Mme Saint-Amand.

Mme Saint-Amand (Ginette): En tout cas, nous, ce qu'on propose peut ressembler à... Je pense que, quand on parle d'un observatoire, ça peut ressembler effectivement à quelque chose... un élément plus neutre dans l'organisation, qui permet... Et, nous, on pense que, pour le Bas-Saint-Laurent actuellement, c'est un élément important de base qui va nous permettre effectivement de travailler davantage en milieu forestier parce que c'est la base, nous, là, de notre économie, le milieu forestier, ce n'est pas juste une... c'est la région Bas-Saint-Laurent, je pense que tous les chiffres le montrent très bien.

Donc, à partir de ce moment-là, on a absolument besoin, par le biais d'une entente... Mais pour notre cas, on dit: Oui, ce niveau neutre là qui amène de l'information et qui... En plus, cette formation-là est redistribuée et est discutée au niveau de tous les intervenants localement. On pense que c'est une avenue fort intéressante.

Le Président (M. Désilets): Oui, M. Nadeau, pour un complément d'information.

M. Nadeau (Émilien): En fait, nous, quand on parle d'observatoire aussi... Tout à l'heure, l'Ordre des ingénieurs parlait de concertation dans les décisions. Je pense que le milieu régional doit faire partie de cette concertation-là, et, pour faire partie de cette concertation-là, il faut qu'il y ait l'éclairage pour le faire, d'où l'idée entre autres d'un observatoire.

Dans le fond, si je regarde l'expérience de ce printemps ou de cet hiver, le CRD était, je dirais, entre l'arbre et l'écorce, donc on était déchiré entre: Est-ce qu'on appuie politiquement le ministère ou est-ce qu'on appuie politiquement les industriels? Et, dans ça, on ne connaît pas la forêt. C'est un peu ça qui a débouché à dire: Bien, pourquoi on n'en aurait pas un troisième là-dedans qui s'appelle environnement, pour essayer d'avoir de l'éclairage là-dessus? Parce qu'on ne voulait pas dans le fond prendre position ni pour un ni pour l'autre, on n'avait ni la compétence ni les instruments pour le faire.

Donc, ce qu'on veut finalement, puis dans une future entente spécifique puis quand on parle d'observatoire, c'est de se donner collectivement le moyen d'être en mesure de faire ça, de connaître notre forêt et d'être en mesure de discuter avec le ministère, les industriels ou les gens de la faune sur un même pied puis avec la même connaissance du milieu.

Le Président (M. Désilets): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Et, en même temps, si j'ai bien compris, cet observatoire-là aurait aussi non seulement les données, mais aurait quelque part la responsabilité de regarder quelles sont les alternatives. Si on se rend compte qu'il y a des diminutions, si on se rend compte qu'il y a des changements, des variations, que ce soit du résineux vers le feuillu dur, ça serait un rôle beaucoup plus grand, non seulement de dire: Bien, voici les chiffres tels qu'ils sont, mais aussi de dire: Voici les axes de développement qu'il faut regarder si on ne veut pas se retrouver dans un trou noir à un moment donné où on se retrouve avec des diminutions puis on n'a pas développé d'alternatives encore.

n(11 h 40)n

Mais là-dessus il y a certaines MRC qui sont venues dire à un moment donné: C'est bien beau le niveau régional, mais on aurait peut-être besoin davantage de pouvoirs spécifiques au niveau de la MRC. Parce qu'on regarde au Bas-Saint-Laurent, bien, la MRC du Témiscouata a été touchée plus durement, la même chose pour la MRC de la Matapédia. Donc, c'est toujours la même question un peu: Où on tranche? Qu'est-ce qu'on est prêt à donner comme marge de manoeuvre aux MRC? Justement, si on prend votre modèle d'observatoire, là, j'aimerais ça que vous me disiez quel est le rôle du CRCD là-dedans puis en même temps qu'est-ce qu'on est prêt à donner comme marge de manoeuvre aux MRC pour trouver des solutions qui sont encore plus proches de la problématique distincte qu'ils vivent sur une partie du territoire régional.

Le Président (M. Désilets): Mme Saint-Amand.

Mme Saint-Amand (Ginette): Dans votre première partie, je pense qu'il y a un rôle important aussi qu'il faut voir effectivement à l'observatoire, ce n'est pas juste pour trancher les chiffres. Il y a tous les éléments effectivement de pistes de solutions et il y a tout aussi, à partir de cette organisation-là, qui nous permettrait de faire une certaine éducation, peut-être information à l'ensemble de la population, dans un objectif, comme je disais, de moyen et de long terme, face à l'exploitation de la forêt. Et ça, c'est des éléments importants qui pourraient être discutés. Et le CRCD, qui est l'organisation régionale de concertation, facilite, si vous voulez, l'entrée de ces intrants-là et la négociation, si on veut, alentour d'une nouvelle façon de penser ou nouvelle façon de faire avec la forêt si on veut du développement à moyen et à long terme, toujours relié, il faut le voir, avec la vision du Bas-Saint-Laurent et la planification stratégique sur cinq ans qui va être signée avec le gouvernement du Québec.

Au niveau du rôle des MRC à l'intérieur de ça, elles font actuellement partie intégrante, je pense, du CRCD, et dans tous les sens du mot. Il y a actuellement l'entente au niveau intramunicipal sur les lots intramunicipaux qui se signe, bon, il y en a déjà trois ou quatre sur huit qui ont déjà signé. Il va y avoir une première expérience, je pense, de travail plus local, là, au niveau des MRC, parce que les MRC non plus n'ont pas beaucoup d'expertise en gestion et en organisation au niveau du milieu forestier, non plus, nécessairement. Avec l'entente, ils vont déjà faire un premier travail comme intervenants directs dans le milieu forestier.

En tout cas, on n'est pas capable de donner à ce moment-ci des résultats, puisque, comme vous le savez, ça vient d'être signé il n'y a pas très longtemps, mais déjà là peut-être que les MRC pourront voir avec cette première expérience là le travail qu'il y a à faire et à quel niveau ils pourront continuer à le faire, davantage au niveau de l'exploitation plus grande au niveau de la forêt publique, là. Je ne sais pas si M. Auclair voulait rajouter quelque chose là-dessus.

Le Président (M. Désilets): M. Auclair.

M. Auclair (Gabriel): Oui, il faut comprendre que, avec les dernières décisions gouvernementales concernant les possibilités forestières, c'est que les données de base de la foresterie régionale sont changées. Puis elles ne sont pas changées simplement pour cette année, elles sont changées aussi pour beaucoup plus longtemps que le présent quinquennal. Ça fait qu'on est, nous autres, à l'aube d'une nouvelle étape; il faut l'aborder maintenant différemment. Ça, c'est pour le contexte général.

Maintenant, il y a une culture aussi de collaboration, de concertation dans la Matapédia, pardon, dans le Bas-Saint-Laurent, qui fait que les différents territoires se parlent, notamment en foresterie. Parce que la foresterie s'accommode mal des clôtures des MRC. Et on le voit avec l'entente qu'on a signée avec le ministère des Ressources naturelles sur la gestion des territoires publics. À l'intérieur de cette entente-là, pour donner un exemple, il est convenu de négocier avec le gouvernement du Québec des taux et des normes différenciés pour faire une meilleure gestion de ce territoire-là. Puis, ce qu'on a convenu régionalement, c'est que ces taux-là, ces normes-là, ces pratiques-là, seraient négociés régionalement, appliqués par la suite par le nouveau gestionnaire au niveau local, MRC, mais qu'il n'y ait pas de différences entre deux MRC, où on ne voit pas dans la forêt de toute façon où finit et où commence l'autre MRC.

Il y a une culture. La responsabilité de gestion, elle appartient beaucoup au niveau local, et on ne le conteste à personne, on ne s'avance en gestion, on ne s'avance pas du tout en gestion mais en concertation des joueurs. Et c'est un peu ce qui fait notre force, je pense.

En réponse à la question, le palier local, s'il y a de la délégation de gestion, il faut que ça aille au palier local du monde municipal. Par contre, la concertation régionale, c'est notre domaine, et nos gens ont cette habitude-là de se parler pour essayer de définir ensemble quelles seraient les avenues les plus intéressantes à faire.

L'expérience de la dernière année nous a montré que ça prend des connaissances qu'on n'a pas et puis ce n'est pas... La vulgarisation des connaissances, ça ne sera pas suffisant. Ce n'est pas une question de vulgarisation, c'est une question de comprendre les choix et de décider si ces choix-là, on les partage. Après ça, la machine fera ses additions.

Les choix au départ, puis que, dans une région où la forêt privée occupe 50 % de l'espace, on fait déjà des choix en forêt privée qui sont différents de ceux de la forêt publique, mais c'est le même monde. Ça fait que, là, on a à harmoniser un peu plus, dans nos têtes d'abord, les choix qu'on accepte, ce qu'on demande de faire à notre forêt, et ce qu'on appelle actuellement l'observatoire devrait être un outil pour éclairer des décideurs. Ce n'est pas une instance de gestion. Ce qu'on dit, c'est que le CRCD Bas-Saint-Laurent va mettre sur pied un observatoire. Si on le fait avec le gouvernement du Québec, cet observatoire-là aura plus d'envergure; si on le fait tout seul, on aura un observatoire de toute façon pour nous renseigner et nous aider, nous autres, à exprimer des choix.

Le Président (M. Désilets): Eh bien, je vous remercie. Il nous reste 30 secondes, M. le député de...

M. Béchard: Oui. Bien, à ce moment-là il y a une question très rapide: Est-ce que vous pouvez commencer à percevoir s'il y aura un impact, dans la diminution des capacités d'approvisionnement en forêt publique, sur la forêt privée? Est-ce que vous sentez, là, qu'il pourrait y avoir plus de pression? Comment ça se vit au Bas-Saint-Laurent? Est-ce que vous avez commencé à sentir des choses à ce niveau-là?

Le Président (M. Désilets): Très rapidement, le temps est déjà écoulé, s'il vous plaît. M. Nadeau.

M. Nadeau (Émilien): Il nous paraît évident qu'à partir du moment où il y a moins de garanties d'approvisionnement en forêt publique les industriels, qui sont des scieurs de bois finalement, vont se tourner vers la forêt privée pour essayer d'en avoir et au meilleur coût. Donc, il y aura probablement une pression accrue sur la forêt privée.

L'autre question: Est-ce que la forêt privée bas-laurentienne est en mesure de supporter une pression accrue? Ça, on n'a pas plus la réponse qu'en forêt publique présentement. Donc, quand on parle de connaissance de la forêt, c'est à la fois du privé et du public, c'est des deux, parce que...

Le Président (M. Désilets): C'est bien dommage, mais je suis obligé de vous arrêter sur ce, M. Nadeau. Je vous remercie de votre présentation et de votre mémoire. Je vais suspendre, le temps de permettre au prochain groupe, le...

Une voix: Il ne restait pas du temps?

Le Président (M. Désilets): Pardon?

Une voix: Il ne restait pas du temps?

Une voix: Effectivement, il restait deux minutes et demie.

Le Président (M. Désilets): Effectivement, il nous restait... la partie de l'opposition a terminé, mais il restait quand même deux minutes à la partie ministérielle. Je m'excuse.

Une voix: ...

Le Président (M. Désilets): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci beaucoup. Tout à l'heure, vous avez exposé la question des territoires de MRC, que vous souhaitez avoir une certaine fluidité au niveau du territoire et qu'il n'y ait pas de barrières. J'aimerais savoir: Au niveau de la gestion intégrée des ressources et des utilisateurs qui sont en forêt, les multiusages forestiers que l'on peut faire dans le Bas-Saint-Laurent, comment vous entrevoyez l'avenir avec les diminutions de possibilité?

Le Président (M. Désilets): M. Nadeau.

M. Nadeau (Émilien): En fait...

M. Lelièvre: Est-ce que ça peut avoir un impact sur la cohabitation en forêt?

M. Nadeau (Émilien): En fait, je pense que, si vous me parlez de la diminution des garanties d'approvisionnement, ça va définitivement avoir un impact sur l'emploi au départ.

M. Lelièvre: Ça, c'est sûr, au niveau de l'emploi. Mais au niveau des autres usagers de la forêt?

M. Nadeau (Émilien): Au niveau des autres usagers de la forêt, ça peut avoir un impact. Il peut être positif ou il peut être négatif, dépendamment de quelle manière, à partir de maintenant, on va justement la réaménager et la traiter, notre forêt. Je vous dirai que, quand on a eu, entre autres, une entente spécifique sur le cerf de Virginie, c'est le seul endroit au Québec où on a ça et c'est le seul endroit au Québec, par exemple, où on nourrit le chevreuil l'hiver pendant les périodes critiques. Donc, est-ce que le couvert forestier, ça va l'améliorer, par exemple, pour la chasse, pour le gros gibier? On souhaite que oui, mais on n'a pas cette certitude-là.

M. Lelièvre: Donc, votre manque de connaissances, tout à l'heure...

Mme Saint-Amand (Ginette): C'est ça.

M. Nadeau (Émilien): C'est ça.

M. Lelièvre: ...auquel vous faisiez référence, dans le fond, c'est ça, c'est d'avoir des bases de recherche qui vont vous amener à connaître davantage le territoire puis ses possibilités potentielles, quoi.

n(11 h 50)n

M. Nadeau (Émilien): Et de quelle façon on utilise la forêt. J'étais la semaine dernière à Maniwaki, entre autres sur la Forêt habitée, et M. le ministre, c'est dans sa région, où, à un moment donné, on est en train de regarder comment on exploite la forêt, matière ligneuse, des bleuetières en même temps. Et il y a une certaine analyse qu'on nous disait, que c'était plus rentable présentement pour la forêt de faire à la fois des bleuets et de la matière ligneuse. Bon, bien, ça, je pense qu'il faut avoir une certaine connaissance de son milieu forestier puis avoir fait des calculs pour en arriver à de semblables calculs. Je regarde au Bas-Saint-Laurent, quand on a fait faire l'étude sur la rentabilité de l'acériculture, est-ce que s'en aller vers l'acériculture, c'est plus rentable que continuer à scier le bois franc, bon, bien, faites...

Le Président (M. Désilets): Je suis obligé de... Maintenant, le temps est écoulé pour les deux parties. Mme Saint-Amand, M. Nadeau, M. Auclair, je vous remercie de votre présentation.

Je vais suspendre quelques secondes, le temps de permettre au prochain groupe, le Parti québécois-région du Bas-Saint-Laurent, de bien prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 51)

 

45(Reprise à 11 h 53)

Le Président (M. Désilets): Nous reprenons nos échanges. Je demanderais au représentant du Parti québécois du Bas-Saint-Laurent de s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent.

Parti québécois-région du Bas-Saint-Laurent

M. Lemieux (Jean-Hertel): Alors, merci. Mon nom est Jean-Hertel Lemieux, je suis le président du Bas-Saint-Laurent pour le Parti québécois. J'ai, à ma gauche, M. Jean-Guy Gagnon, qui est membre du Parti québécois de la région et notre expert en matière de forêt, et, à ma droite, Carole Boucher, qui est la présidente des jeunes du Parti québécois de la région du Bas-Saint-Laurent.

Le Président (M. Désilets): Eh bien, avant de commencer, je vous rappelle que vous avez 10 minutes de présentation et 10 minutes, pour les deux parties en présence, à vous poser des questions par la suite. Sur ce, à vous.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Merci. Donc, nous voulons tout d'abord remercier les membres de la commission d'avoir accepté de nous entendre, la forêt est un dossier qui nous tient beaucoup à coeur.

«J'insiste sur ce point. Pour moi, la forêt habitée, c'est la mise en valeur optimale d'une richesse collective par et pour les gens du milieu. C'est un projet de revitalisation des milieux ruraux, la trame de fond d'un tissu social régional fort. C'est la prise en charge par les collectivités locales de la gestion de leur forêt. Bref, c'est une nouvelle approche dans la gestion des ressources renouvelables, qui fera de l'ensemble des ressources du milieu forestier une des assises du développement économique, social et culturel des régions, en tenant compte des particularités de chacune d'elles.» François Gendron, discours prononcé à Trois-Rivières, le 8 mai 1995.

C'est au nom des citoyens et citoyennes des communautés forestières et des travailleurs forestiers de notre région que nous sommes venus dénoncer le fait que l'actuelle révision du régime forestier a complètement ignoré l'une des attentes de ce milieu et du Parti québécois: la mise en place d'une véritable politique de forêt habitée. Au Québec, l'actuel mode d'exploitation des terres publiques s'est consolidé autour d'une approche où la rente générée par cette ressource sert les seuls intérêts financiers de l'industrie forestière, et ce, au détriment de la santé économique des communautés forestières de la zone habitée.

Pour nous, les positions sont claires. D'un côté, l'industrie, jalouse de ses privilèges, qui s'oppose à toute mesure qui aurait pour effet d'assurer un meilleur partage de la rente au bénéfice des populations limitrophes et des travailleurs de la forêt. Nous en voulons pour preuve cet extrait d'une lettre de M. André Duchesne, P.D.G. de l'Association des industriels forestiers du Québec, au premier ministre du Québec datée du 5 décembre 1997, et je le cite: «Nous avons longuement discuté ensemble des gestes à poser pour assurer un contexte propice à la compétitivité de l'industrie. Ce sont, notamment, garantir l'intégralité des CAAF que l'industrie perçoit menacés par l'application du concept de Forêt habitée.» De l'autre, les citoyens et citoyennes du monde rural qui, depuis de trop nombreuses années, revendiquent la gestion de leur forêt sous le vocable forêt habitée.

La plus récente de ces revendications, la déclaration de Maniwaki où près de 200 personnes en provenance de toutes les régions du Québec ont signé, la semaine dernière, une déclaration, dont je me permets de citer un extrait: «Seule la dévolution des véritables pouvoirs de gestion et d'intervention permettra aux collectivités locales de mettre en valeur l'ensemble des ressources du milieu forestier de la zone habitée, engendrant ainsi une nouvelle activité socioéconomique durable.»

Et j'aimerais, si on me le permet, M. le Président, déposer en cette Chambre la déclaration de Maniwaki, au nom de M. Jean-Guy Rioux, président du RESAM.

Document déposé

Le Président (M. Désilets): Oui, vous pouvez le faire. Laissez-le à côté, on va le ramasser, ça ne sera pas long.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Merci. Dès aujourd'hui, nous revendiquons un cadre formel juridique. Nous nous engageons à développer un réseau de forêt habitée pour rassembler et appuyer la collectivité, qui aspire à prendre en main la gestion intégrée de ses ressources, assurant ainsi son avenir. Malgré cette volonté populaire maintes fois répétée, malgré ses propres engagements, le gouvernement du Parti québécois fait la sourde oreille.

Rappelons ici son programme électoral: faire de la forêt habitée une des assises du développement économique, social et culturel des régions-ressources, en redonnant aux collectivités locales un véritable pouvoir gestion de leur forêt; soustraire à l'application des CAAF les terres publiques comprises dans la zone de forêt habitée.

1991. Vaste tournée de consultations des intervenants forestiers des régions du Québec sur le concept de forêt habituée, effectuée par M. Jean-Pierre Jolivet, porte-parole de l'opposition en matière de forêt.

1993. Le président du Parti, M. Jacques Parizeau, rend publique une plateforme électorale sur la forêt, proposant son implantation d'un nouveau mode de gestion applicable dans les zones rurales habitées.

1995. Le ministre des Ressources naturelles, M. François Gendron, annonce la création d'un groupe de travail interministériel, lequel a pour mandat de travailler directement avec les milieux régionaux pour proposer les grandes lignes d'une politique encadrant un projet de plan d'action pour la mise en oeuvre du concept de Forêt habitée.

1996. Le Parti québécois modifie son programme officiel, intégrant au chapitre sur la forêt l'article 3.18 qui vise à faire de la forêt habitée une des assises du développement économique, social et culturel des régions-ressources en redonnant aux collectivités locales un véritable pouvoir de la gestion de leurs forêts.

1997. Le ministre des Ressources naturelles, M. Guy Chevrette, promet une politique de forêt habitée et tient une consultation sur ce sujet.

1999. Lors du Conseil national des 24 et 25 avril, le Parti québécois adopte à l'unanimité une résolution enjoignant les ministres Jacques Brassard, Ressources naturelles, et Jean-Pierre Jolivet, Régions, de tout mettre en oeuvre pour que soit rapidement élaborée et mise en application une politique de forêt habitée. La résolution se lisait comme suit: «Il est unanimement résolu de demander au ministre des Ressources naturelles, M. Jacques Brassard, de donner suite aux engagements du parti en mettant de l'avant sans autre délai une politique de forêt habitée qui deviendra "la trame de fond d'un tissu social régional fort" et qui fera de l'ensemble des ressources du milieu forestier une des assises du développement économique, social et culturel des régions en tenant compte des particularités de chacune d'entre elles.» Je rappelle que ça avait été adopté à l'unanimité à l'époque.

Pour nous, la question est très simple: Devrait-on conclure que ce gouvernement préfère écouter le seul lobby de l'industrie ou le Parti québécois?

Le Président (M. Désilets): Ça complète votre présentation?

M. Lemieux (Jean-Hertel): Oui.

Le Président (M. Désilets): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre.

M. Brassard: Alors, merci, M. le Président. M. Jean-Hertel Lemieux, M. Gagnon, Mme Boucher, bienvenue à cette commission. Je vous remercie également pour votre mémoire et votre contribution aux travaux de cette commission, qui évidemment porte essentiellement sur toute la question du concept de Forêt habitée.

n(12 heures)n

Vous avez fait état, entre autres, du colloque qui a eu lieu récemment à Maniwaki où l'ensemble des promoteurs ou des porteurs de projets de forêt habitée se sont retrouvés pour échanger. Ça a donné lieu, comme vous l'avez mentionné, à une déclaration: Déclaration de Maniwaki sur la forêt habitée.

Bon. C'est vrai que le concept de Forêt habitée n'apparaît pas dans le projet de loi. C'est parce qu'on avait des difficultés à le définir sur le plan strictement juridique. Mais il reste que d'abord, d'une part, il y en a, des projets de forêt habitée actuellement qui sont en cours. C'est inégal; il y en a qui fonctionnent très bien, d'autres moins bien. Alors, l'évaluation est inégale.

Mais est-ce que vous ne pensez pas également qu'il y a un certain nombre de dispositions dans le projet de loi qui vont dans le sens du concept de Forêt habitée, c'est-à-dire l'implication du milieu, l'intervention, la participation du milieu à la gestion de la forêt, par exemple la participation de tiers dans la planification de l'aménagement forestier, l'octroi de bois à des entreprises sans usine. Je comprends que les volumes sont actuellement entièrement attribués, mais, s'il se dégage des disponibilités, il y a cette possibilité-là qu'on va se donner ou cet outil-là nouveau qu'on va se donner. Politique de rendement accru, évidemment où on va devoir forcément impliquer et faire appel aux communautés locales et régionales, politique qu'on a à concevoir et à mettre en place. Possibilité de délégation de gestion aussi, comme on le fait dans le Bas-Saint-Laurent avec les lots intramunicipaux qui ont été délégués, dont la gestion a été remise ou déléguée aux MRC via une entente spécifique. Bon, un certain nombre de mesures qui vont dans le sens que vous souhaitez.

Qu'est-ce que vous souhaiteriez de plus? Quelles mesures, quelles dispositions de plus faudrait-il prévoir pour qu'on puisse être en mesure de mieux mettre en oeuvre des projets de forêt habitée? Parce que, vous le mentionnez, et avec raison, il y en a qui sont venus devant nous, au cours de cette consultation, encore ce matin, où il y a des projets de forêt habitée qui ont pu voir le jour en partenariat avec des détenteurs de CAAF. Dans d'autres cas, les négociations ont été plus difficiles et plus ardues. Est-ce que vous proposez de soustraire des CAAF actuels la partie du territoire qui est à proximité des agglomérations ou des communautés? Est-ce que vous proposez de le faire soit par voie coercitive, c'est-à-dire, de façon coercitive, on enlève cette partie de territoire sous CAAF, ou est-ce que vous avez des moyens incitatifs? Vous parlez, entre autres, par exemple, d'une modulation des redevances. J'aimerais vous entendre là-dessus. Quels sont les moyens que l'on devrait envisager pour en arriver à atteindre l'objectif que vous souhaitez? Est-ce que ça devrait être coercitif ou incitatif? Et, entre autres, cette proposition de modulation de redevances à payer, comme incitatif, j'aimerais que vous me précisiez davantage votre point de vue là-dessus.

Le Président (M. Désilets): M. Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Merci. Alors, pour nous, le concept de forêt habitée, c'est un concept qui a été adopté depuis fort longtemps au sein du Parti québécois. Dans la lecture des documents soumis par le ministère pour cette commission parlementaire là, on a soulevé quelques questionnements qu'on a inclus dans notre mémoire. Lorsque le ministre, tout à l'heure, a parlé de la participation du milieu des tiers, encore faudrait-il que les documents soumis à la population soient des documents qui soient accessibles. J'ai entendu tantôt des gens, des ingénieurs parler justement de documents accessibles et une question aussi de l'opposition officielle parlant de documents accessibles. Il faut rendre les documents accessibles. Pour nous, c'est essentiel.

Ceci étant dit, dans le mémoire, on est aussi très clair. Pour nous, c'est comme vous l'avez dit tout à l'heure, il faut absolument réviser les CAAF autour des... Et une de nos volontés, qui est très clairement dans notre mémoire et dans la position du Parti québécois aussi, dans le programme, c'était qu'une bande de territoire entourant les communautés, justement, soit prélevée des CAAF existants. Il faut réviser les CAAF pour ensuite enlever... Puis on croit, à ce moment-là, que le gouvernement a tout à fait la légitimité et le pouvoir de le faire. Je ne comprends pas encore aujourd'hui que, dans les régions comme le Bas-Saint-Laurent, il y ait des petites communautés locales qui crèvent de faim, alors que les grands centres survivent. Et la seule chose qu'on voit, nous, sur les routes, c'est des camions de bois qui sortent à profusion de nos communautés, et puis ces gens-là, ils n'ont pratiquement rien pour vivre. Donc, la volonté gouvernementale doit être là. Nous croyons que le gouvernement a le droit et le devoir de le faire. Pour la suite, je vais demander à M. Gagnon de compléter.

M. Gagnon (Jean-Guy): Peut-être, M. Brassard, ce que j'aimerais ajouter, c'est que ce qu'on souhaite, dans le fond, c'est que le gouvernement respecte ses propres engagements, le gouvernement du Parti québécois. C'est-à-dire que ce n'est pas nous, c'est vous qui avez, après une première consultation des intervenants forestiers des régions du Québec, mis de l'avant la politique de forêt habitée. J'étais présent quand M. Parizeau, alors chef de l'opposition, rendait public cet élément de programme.

Je rappellerai aussi que vous avez à de multiples reprises, à deux autres reprises à tout le moins, fait une consultation des intervenants sur une politique de forêt habitée. Vous me demandez de la définir. Je vous rappellerais que le groupe de travail interministériel qu'avait mis sur pied votre prédécesseur M. Gendron a bien défini ce concept. Il s'agit d'une zone franche, retirée des CAAF qui est allouée à la gestion des citoyens du milieu et des citoyens des communautés limitrophes. Et, dans la proposition du groupe de travail du ministère, à l'époque, je vous rappellerais que les bois émanant de cette bande de forêt, que j'appellerais libre de CAAF, étaient mis en marché sur un libre marché auprès des industriels.

Alors, ce qu'on demande aujourd'hui, c'est: Comment se fait-il qu'après tant d'engagements, qu'après tant de consultations des intervenants forestiers régionaux et des populations des communautés limitrophes, un gouvernement du Parti québécois n'ait pas réussi encore à mettre de l'avant une politique qu'il a lui-même proposé? Alors, c'est un étonnement de notre part.

Le Président (M. Désilets): Merci, M. Gagnon. M. le ministre, il vous reste 1 min 30 s.

M. Brassard: Oui. La proposition que vous faites, quand vous dites: On soustrait une partie du territoire aux CAAF, c'est évident que, là, il faut être conscient qu'il y a un problème juridique qui va se poser parce que c'est des contrats qui ont été accordés dans le passé, de véritables contrats en bonne et due forme, et ça veut dire évidemment qu'à ce moment-là on va à l'encontre de ces contrats en soustrayant une partie du CAAF. Mais ça, c'est la méthode, je dirais, coercitive, c'est qu'on retranche une partie du territoire là où les communautés le souhaitent, évidemment. Je comprends bien également qu'on ne forcera pas les communautés à aller dans cette direction-là. Là où les communautés le souhaitent.

Mais, moi, je voudrais aussi quand même avoir un peu d'explications sur votre autre proposition, qui, elle, est plus incitative, qui porte sur la modulation des redevances et qui vise aussi évidemment à atteindre le même objectif. C'est ça que j'ai compris, en tout cas.

Le Président (M. Désilets): Il reste 20 secondes pour la réponse.

M. Gagnon (Jean-Guy): Vingt secondes? D'abord, juste un élément. Quand vous parlez de soustraire aux CAAF, je vous rappellerais, M. Brassard, que c'est un élément de votre propre programme. Ce n'est pas moi qui l'ai écrit, là. C'est à l'intérieur du programme du Parti québécois, dans lequel vous dites que la zone de forêt habitée sera constituée à partir de territoires soustraits aux CAAF.

Sur la deuxième, on dit: À défaut d'un plan juridique, il y a peut-être la possibilité laissée au ministre dans son pouvoir discrétionnaire de moduler les droits de coupe pour forcer l'industrie forestière qui conserverait son CAAF ? deuxième option ? à participer à de véritables projets de forêt habitée. Vous avez cité des projets-pilotes en cours. Je voudrais juste préciser qu'il y en a plusieurs d'entre eux qui ne sont pas de véritables projets de forêt habitée. Quand le bois est obligatoirement destiné à une usine en particulier, au prix décidé par l'usine, on peut affubler ça du titre de projet-pilote de forêt habitée, mais ça ne l'est pas. Un projet de forêt habitée, c'est quand les bois sont sur le libre marché.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. Maintenant, le député de Kamouraska-Témiscouata.

n(12 h 10)n

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. M. Lemieux, M. Gagnon, Mme Boucher, bienvenue. Je vais continuer justement sur la question des redevances. Donc, vous, vous seriez d'accord avec l'idée, à partir des droits actuels, de ce qui est fixé, d'en avoir une partie qui demeure dans la région et qui sert au développement de projets spécifiques en forêt habitée. Si j'ai bien compris, on ne parle pas d'une augmentation des redevances. Est-ce qu'on parle, je dirais, de prendre la partie des montants actuels et d'en laisser une plus grande partie en région ou d'augmenter les redevances sur les ressources naturelles pour servir à ces projets-là?

M. Lemieux (Jean-Hertel): Pour ce qui est des redevances, nous, on parle davantage d'augmentation des redevances pour ces zones franches là. Donc, à ce moment-là...

M. Béchard: Une augmentation. O.K.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Exactement. Donc, ça inciterait. J'ai entendu, depuis quelque temps d'ailleurs, quelques jours, la majorité des intervenants disent de concert, donc unanimement, qu'il faut absolument générer davantage de ressources et de dividendes de la forêt. Donc, pour nous, c'est extrêmement important.

M. Béchard: O.K. Donc, vous le voyez avec une augmentation là-dessus pour laisser une plus grande partie.

Un autre point. Quand vous parlez de votre zone franche autour des municipalités ? moi, je parlais de zone franche de ma campagne, mais c'est un autre vocable, une autre fin ? une des questions que j'ai, c'est: Où ça commence puis où ça finit? On a toujours le même problème, puis vous le savez: Où on fixe la limite, là? Là, on peut bien parler que... Je pense qu'il y a déjà des documents où je pense que c'est M. Jolivet qui disait: C'est à peu près 50 kilomètres autour d'un endroit habité. Je ne sais pas au juste si c'est le bon chiffre, il avait tenté de le délimiter comme ça. Mais comment on arrive à dire: Bien, voici où se termine la zone comme telle qui pourrait être votre zone franche autour d'une municipalité?

Le Président (M. Désilets): M. Gagnon.

M. Gagnon (Jean-Guy): En fait, il y a plusieurs éléments de réponse à cette question-là. Un des premiers à avoir parlé du concept de forêt habitée, à l'époque ? fin des années soixante, début des années soixante-dix ? comme solution à la problématique des paroisses en difficulté, le Dr Louis-Jean Lussier parlait d'une dizaine de milles de la paroisse la plus reculée. Ce concept-là, Bouthiller et Dionne, dans une étude plus récente, ont aussi tenté de définir une limite. Mais ce qu'il est intéressant de savoir, c'est qu'elle se définit par la volonté du milieu. Vous savez, c'est de la forêt d'appartenance qu'on parle, celle qui est facilement accessible, celle où les gens ont leurs activités de loisirs.

Je me suis amusé, il y a quelques années, à faire cartographier les projets qu'avaient les citoyens du Bas-Saint-Laurent. Dans ma région, les gens d'Esprit-Saint revendiquent depuis nombre d'années le 30 milles carrés. Pour eux autres, ça a une image, ce 30 milles carrés là. Les gens de Saint-Marcellin, c'est la réserve Ouimet. Pour d'autres, c'est d'autres secteurs forestiers. Et, quand on met ça sur une carte, on voit se dessiner derrière les villages une bande de forêt. Alors, je n'ai pas envie de livrer un chiffre aujourd'hui. C'est-à-dire que le concept de forêt habitée, c'est le milieu qui le définit à partir de ses attentes et de son besoin pour sa relève économique.

Alors, ce qui nous surprend actuellement, c'est que notre gouvernement social-démocrate, qui a promis une politique de forêt habitée, semble n'écouter aujourd'hui que le lobby de l'industrie qui dit: Ne touchez pas à mes droits. Je pense que, si on est rendu, avec les CAAF, à être dans la même situation qu'on était avec les concessions forestières que, comme peuple, on a dû racheter pour reprendre nos droits sur la forêt publique, si, par le régime forestier et les CAAF, on s'est remis dans la même situation où la forêt publique ne nous appartient plus, M. le ministre, au point où on ne peut même pas libérer une zone pour permettre aux collectivités rurales de survivre, on a fait une erreur fondamentale.

Le Président (M. Désilets): Merci, M. Gagnon. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: C'est intéressant, M. Gagnon, ce que vous dites. Moi, mon autre question, c'est de savoir, à un moment donné... Vous dites: En cartographiant les projets, on voit se dessiner une bande. Qui pourrait décider ou déterminer... Parce que je veux bien que ce soit pris au niveau local, mais, à un moment donné, c'est que l'expansion peut faire en sorte que tout le monde va vouloir son projet de forêt habité. Qui décide de la valeur et, je dirais, de l'efficacité ou, appelons-le comme un veut, de la viabilité d'un projet de forêt habitée? Comment vous voyez ça, à un moment donné, dans une région, pour ne pas qu'on en arrive à dire: Bien, il va y avoir de la forêt habitée, toute une région va devenir un projet de forêt habitée, puis chacun des contribuables va avoir sa partie et son projet? Comment on délimite ça? Qui pourrait avoir le pouvoir de dire: Bon, bien, voici votre projet, et, bon, tel autre projet est moins bon, et on y va ou on n'y va pas?

M. Gagnon (Jean-Guy): Je référerais aux travaux des nombreuses consultations que le gouvernement du Québec a faites sur le sujet. Entre autres, je pense à l'époque de M. Gendron, qui avait mis sur pied un groupe de travail interministériel, ça regroupait le ministère de l'Environnement, le ministère des Ressources naturelles, le ministère des Affaires municipales ? parce qu'il y a, à l'intérieur de la définition du concept et d'une politique de forêt habitée, des préoccupations diverses ? qui ont fait un travail extraordinaire, à mon sens, qui a été tabletté, on ne sait pas trop où.

Il y a une farce interne, en région, qui circule au niveau des forestiers. On dit que les ordinateurs du ministère ont été programmés pour remplacer les termes «forêt habitée» par «industrie». À chaque fois qu'il en détecte un dans un texte... En tout cas, on n'en entend plus parler. Ce concept-là mis de l'avant par ce gouvernement est en même temps disparu on ne sait trop où. On nous a fait attendre de consultation en consultation. Après ça, on nous a dit: Bien, attendez, ça va apparaître dans la révision du régime forestier. On a attendu. Oh surprise! il n'est pas là. Actuellement, on commence à nous répondre: Peut-être que ça va être dans la politique sur les régions.

Mais, à votre question, je pense qu'il y a déjà des lignes qui ont été tracées sur ce que pourrait être le concept. En passant, pour l'industrie, qui dit: Attention à mes bois, je voudrais simplement vous dire qu'un concept de forêt habitée, ça ne fait pas disparaître la matière ligneuse, hein, ça l'exploite autrement, et ça l'exploite surtout au bénéfice des travailleurs forestiers puis des collectivités qui en dépendent. Parce que, actuellement, toute l'organisation de l'exploitation de la forêt publique au Québec est érigée en un système qui fonctionne au seul bénéfice de l'industrie forestière. Moi, je n'ai jamais compris comment on peut avoir une industrie forestière en santé puis des communautés forestières menacées. Ça me semble une inéquation dans ma tête.

Le Président (M. Désilets): Merci, M. Gagnon, tout en vous rappelant, M. le député de Kamouraska-Témiscouata, qu'il vous reste trois minutes.

M. Béchard: Oui, bien, c'est vraiment... Je veux revenir avec vous, M. Gagnon, là-dessus. Qui pourrait, en région, dire: Le projet est viable ou n'est pas viable? Je veux bien, sur l'ensemble, mais, à un moment donné, il a besoin d'y avoir quelqu'un quelque part qui tranche: Est-ce qu'on propose un plan d'affaires pour le projet de forêt habitée? Qu'est-ce qu'on propose pour dire: Bon, bien, voici, votre projet, oui, il peut être intéressant, puis, par contre, d'un autre côté, dire: Non, vous n'êtes pas dans la bonne track? Qui aurait cette espèce de rôle là?

M. Gagnon (Jean-Guy): Bien, moi, je pense que les intervenants qui nous ont précédés se sont un peu situés sur l'échiquier de la réflexion régionale. Effectivement, le Conseil régional de concertation et de développement du Bas-Saint-Laurent, depuis un certain nombre d'années, se préoccupe de la chose forestière et serait à même, je pense, de rallier autour d'une table ou de rassembler autour d'une table les intervenants susceptibles de mettre de l'avant ou d'ébaucher ce concept-là.

Sauf que, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on a beau travailler, encore une fois, à une table régionale ou à une table quelconque, s'il n'y a pas la volonté politique de mettre de l'avant le concept de forêt habitée, il n'y en aura pas. Moi, je pense, M. Brassard, qu'il va falloir au ministre des Forêts le même courage politique qu'il a fallu à Jean Garon lorsqu'il a introduit la Loi sur la protection du territoire agricole pour introduire à travers les CAAF une politique de forêt habitée conçue pour et par, si possible, les populations, les communautés forestières, dans notre région, dans la vôtre, dans le fond de l'Abitibi, partout où on côtoie la forêt puis où les communautés sont en train de crever.

M. Béchard: Merci.

Le Président (M. Désilets): C'est beau, c'est tout. Moi, je vous remercie, sur ça, pour votre présence puis votre enrichissement à la communauté. J'ajourne sine die la commission. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

 

(Reprise à 15 h 46)

Le Président (M. Désilets): Je demanderais à l'Ordre des technologues professionnels du Québec de bien vouloir prendre place pour qu'on puisse débuter nos travaux de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Est-ce qu'il serait possible au responsable de l'équipe de se nommer et de présenter son équipe, s'il vous plaît, qui l'accompagne?

Ordre des technologues
professionnels du Québec (OTPQ)

M. Gaudichon (Bernard): Oui. Je me présente, Bernard Gaudichon, administrateur élu à l'Ordre des technologues professionnels du Québec. J'ai avec moi M. Daniel Boucher, technologue en foresterie et président du regroupement de foresterie à l'Ordre des technologues professionnels du Québec; à mon extrême gauche, M. Pierre Bouchard, directeur des communications à l'Ordre des technologues professionnels du Québec; Mme Sarah Thibodeau, directrice des affaires juridiques et professionnelles; et M. Michel Arès, technologue en foresterie.

Le Président (M. Désilets): Michel?

M. Gaudichon (Bernard): Arès.

Le Président (M. Désilets): Pouvez-vous épeler?

M. Gaudichon (Bernard): Oui, A-r-è-s.

Le Président (M. Désilets): O.K. Merci. Je vous rappelle que vous avez 45 minutes pour votre présentation, dont 15 minutes pour votre présentation et 15 minutes pour les deux partis politiques pour vous poser des questions par la suite.

M. Gaudichon (Bernard): Je voudrais tout d'abord vous remercier de nous recevoir aujourd'hui.

Le projet de loi n° 136 pose aux intervenants de la forêt le défi de la gestion durable. Nos forêts, vous en conviendrez, constituent l'un des plus précieux éléments de notre patrimoine public. C'est un patrimoine à protéger, vous nous en faites la démonstration avec ce projet de loi. C'est un patrimoine que tous les intervenants doivent aussi préserver et conserver. Ça peut prendre plusieurs formes: de bonnes méthodes d'aménagement, des mesures de protection, le respect de la possibilité forestière, et j'en passe.

L'Ordre des technologues professionnels du Québec a choisi de vous parler des technologues en foresterie, de leur formation et de l'organisation du travail en forêt. Nous voulons vous faire des suggestions afin de tirer le meilleur parti du potentiel des ressources humaines à l'oeuvre dans nos forêts.

Notre intervention portera sur trois aspects particuliers. Premièrement, je vais attirer votre attention sur l'absence de toute référence aux technologues professionnels sur le plan législatif. Les technologues sont en effet absents de ce projet de loi; pourtant ils constituent une partie essentielle des ressources humaines en forêt. Deuxièmement, je mettrais l'accent sur l'organisation du travail. Il s'agit d'une organisation qui mise sur la collaboration et la mise en commun de compétences afin de tirer le meilleur parti du potentiel des forêts. Enfin, je m'attarderai à nos principales recommandations concernant ce projet de loi. Elles sont de nature plus technique. Mais avant, permettez-moi de vous parler des technologues professionnels en foresterie.

Tout d'abord, un technologue membre de l'Ordre est un professionnel des sciences appliquées. Il possède un Diplôme d'études collégiales dans un programme technique reconnu par le gouvernement. Ce programme donne accès à un permis d'exercice délivré par l'Ordre des technologues professionnels. Les membres de l'Ordre font partie du système professionnel au même titre que les ingénieurs forestiers. Ils sont soumis au Code des professions et aux divers mécanismes de protection du public dont l'inspection professionnelle et le comité de discipline. En plus, les technologues professionnels doivent respecter leur Code de déontologie. Cela signifie, entre autres, que le technologue professionnel engage sa pleine responsabilité professionnelle lorsqu'il signe un document ou qu'il appose son sceau. C'est une protection supplémentaire pour le public.

n(15 h 50)n

Maintenant, qu'est-ce que ça fait concrètement, un technologue en foresterie. M. Daniel Boucher, qui m'accompagne, pourra vous en donner des exemples très précis, ainsi que M. Arès. Disons simplement pour l'instant que le technologue en foresterie est un spécialiste du terrain, un professionnel forestier de première ligne. C'est lui qui, par exemple, réalise les inventaires forestiers ou les prescriptions sylvicoles en arpentant le territoire forestier.

Pour l'Ordre, la place qu'occupe le technologue professionnel en forêt est évidente, mais l'est-elle autant dans ce projet de loi? Il semble que non, puisque le technologue professionnel n'y est jamais mentionné. Pourtant, comme nous venons de vous l'expliquer, les technologues exercent des fonctions-clés dans nos forêts. Or, seul l'ingénieur est mentionné; le projet de loi y fait référence comme le seul professionnel responsable et le seul signataire des plans et des rapports d'aménagement forestier. Vous allez tout de suite vous dire: Encore une chicane de professionnels. Non, ce n'est pas une chicane. Nous n'avons rien contre le fait que l'ingénieur forestier signe ces documents, l'ingénieur a sa place en forêt, mais le technologue professionnel a aussi la sienne. Malheureusement, cette place n'est pas reconnue par le projet de loi. Le technologue n'a pas la prétention d'envahir le champ de pratique de qui que ce soit. Ce n'est pas ce qu'il cherche à faire, ce n'est pas ce qui se passe dans la réalité.

Dans la réalité, en forêt, le technologue fait partie d'une équipe de travail qui réunit d'autres professionnels et d'autres travailleurs. Chacun a sa place, chacun accomplit son travail. C'est la somme de leurs interventions qui compte, c'est la réalité en forêt. Malheureusement, la réalité juridique ne colle pas à ce qui se vit en forêt. Je vous donne un exemple. Selon son Code de déontologie, le technologue professionnel a non seulement le droit mais le devoir de signer et d'apposer son sceau sur les documents qu'il prépare. C'est ça, en principe. Dans la pratique, sa signature et son sceau n'apparaissent jamais. Pourquoi? Parce qu'on lui nie ce devoir, parce que la loi demeure muette sur cet aspect. Ça, c'est la réalité. On ne se gêne pas pour faire disparaître la signature et le sceau du technologue. Les lois et les règlements n'ont pas été aménagés pour confirmer que le technologue professionnel a cette obligation. Vous avez l'occasion de le faire, vous avez la possibilité de corriger ce manque de cohérence dans la législation.

Réfléchissons un instant, demandons-nous pourquoi. Quel tort serait fait aux ingénieurs forestiers si la signature et le sceau du technologue apparaissaient dans les plans d'aménagement? Aucun tort. Au contraire, l'ingénieur pourrait s'appuyer sur un autre professionnel qui engage sa responsabilité pour la partie qu'il a préparée.

On nous répète que le gouvernement valorise la formation technique au collégial. Le gouvernement encourage les jeunes à s'y diriger. C'est vrai, et nous en sommes heureux. Le ministère de l'Éducation reconnaît les compétences des technologues en foresterie qui sortent des programmes collégiaux en aménagement forestier. Jusque-là, tout va bien. Le gouvernement entretient l'espoir chez les jeunes, sauf que, lorsqu'ils accèdent au marché du travail, ils sont confrontés à une dure réalité: on refuse qu'ils signent et apposent leur sceau. Est-ce ainsi qu'on en fait des travailleurs responsables et autonomes? Le projet de loi maintient et bonifie l'obligation faite aux ingénieurs forestiers et seulement à eux de signer les plans et rapports d'aménagement forestier et autres documents. Je vous le répète, à l'intérieur de ces documents se trouvent des relevés, des cartes, des inventaires, des prescriptions produits par les technologues. Or, ces documents portent la signature de qui? Celle de l'ingénieur forestier. Je vous le dis encore, quel tort serait fait aux ingénieurs si l'on permettait aux technologues professionnels de signer leurs rapports? Quel tort y a-t-il qu'un professionnel vienne appuyer un autre professionnel?

Je vous donne un deuxième exemple. Le projet de loi n° 136 propose d'introduire des mécanismes de vérification de la qualité des travaux. Ces mécanismes permettent de vérifier si les objectifs de rendement ont été atteints. Le projet de loi devrait préciser que la personne autorisée à faire les vérifications soit un professionnel forestier reconnu en vertu des lois et des règlements professionnels. Logiquement donc, les technologues professionnels en foresterie devraient compter parmi ces personnes. Or, ici encore, le projet de loi demeure vague.

Votre collègue, Mme Linda Goupil, ministre responsable de l'application des lois professionnelles, a amorcé un processus de mise à jour du système professionnel. Je vous fais grâce des détails sur ce projet, mais j'aimerais attirer votre attention sur un aspect de cette réforme.

Mme Goupil compte revoir les champs de pratique de certains professionnels. Les ingénieurs sont du nombre. Elle veut revoir leur champ de pratique afin, et je cite, «de tenir compte des nouvelles conditions d'exercice afin d'adapter le champ d'exercice du génie aux nouvelles réalités économiques et technologiques». Fin de la citation. Le projet de la ministre poursuit comme objectif de favoriser, et je cite encore, «une plus grande ouverture des milieux professionnels à la multidisciplinarité et à l'interdisciplinarité». Fin de la citation. Plus clairement encore, la ministre affirme qu'«il faut tenir compte des nouvelles compétences issues du collégial et respecter la présence de nouveaux joueurs dans des domaines autrefois réservés à certains professionnels».

Ce que je viens de citer est extrêmement important. Dans la réalité, le travail dans nos forêts repose sur les interventions complémentaires de plusieurs intervenants, professionnels ou autres. Ces travailleurs de la forêt, ces technologues professionnels, ces ingénieurs et tout autre aménagiste mettent en commun leur expertise afin de tirer le meilleur potentiel de nos forêts. C'est ça, la multidisciplinarité et l'interdisciplinarité. Eh bien, vous devez traduire cette réalité dans votre projet de loi. Comment? En ajoutant le technologue professionnel à la liste des personnes autorisées à vérifier la qualité des travaux et à signer les plans et rapports d'aménagement forestier. Les recommandations contenues dans notre mémoire donnent la liste des articles du projet de loi qui devraient être modifiés afin d'inclure le technologue professionnel. Je vous invite à les consulter.

J'en arrive maintenant à nos recommandations sur des aspects précis du projet de loi n° 136. De façon générale, l'Ordre des technologues professionnels du Québec approuve la révision des dispositions de la Loi sur les forêts. Nous ne sommes pas venus ici pour vous adresser des reproches. Au contraire, nous vous appuyons et nous vous offrons toute notre collaboration. Nous avons néanmoins quelques commentaires qui pourraient bonifier la réforme proposée sans en changer l'esprit.

Par exemple, parlons des unités d'aménagement. Nous sommes favorables au principe proposé dans ce projet de loi, nous y voyons une façon de simplifier la gestion forestière. Nous sommes cependant un peu inquiets quant aux critères qui sont utilisés pour modifier les limites des unités d'aménagement. Le projet de loi demeure muet sur cet aspect. Nous espérons que les territoires d'origine seront préservés le plus possible. Il serait dommage que les aménagistes consciencieux perdent des parties de leur territoire et qu'ils héritent de parties moins bien aménagées et peu productives.

Abordons maintenant la possibilité forestière. Dans notre mémoire, nous faisons deux recommandations. Premièrement, nous pensons que le calcul de la possibilité forestière doit être effectué par les bénéficiaires de CAAF. En cas de litige, nous recommandons qu'un arbitre puisse trancher. Cet arbitre devrait être un professionnel de la forêt. Donc, un technologue professionnel pourrait être un arbitre. Deuxièmement, la révision de la possibilité forestière devrait affecter ou profiter, selon le cas, au bénéficiaire responsable de l'aménagement. Cela le stimulerait à réaliser un aménagement optimal.

J'en viens maintenant aux plans et aux rapports d'aménagement forestier. Le projet de loi mentionne que chaque bénéficiaire ne sera tenu responsable que de la réalisation des travaux dont il est chargé selon le plan annuel. Il stipule également qu'il sera garant des autres travaux qui sont prévus comme s'il s'était porté caution solidaire. Nous sommes d'avis que la solidarité des...

Le Président (M. Désilets): Excusez-moi, M. Gaudichon, c'est pour vous faire penser qu'il reste trois minutes à votre période de 15 minutes. Vous pouvez commencer à conclure, parce qu'il vous reste trois minutes.

n(16 heures)n

M. Gaudichon (Bernard): Nous sommes d'avis que la solidarité des bénéficiaires risque de créer des injustices sur une même unité d'aménagement. Des bénéficiaires très différents, en termes de taille et de volumes de bois attribués, se côtoient sur ces unités. Il nous apparaît donc difficilement concevable de tenir pour responsables des petits bénéficiaires pour des travaux qui auraient dû être réalisés par des bénéficiaires d'importance. Si la notion de responsabilité commune des bénéficiaires devait être retenue dans ce projet de loi, à notre avis elle devrait être proportionnelle aux volumes de bois attribués par les différents CAAF.

J'aborde maintenant la participation du public. Dans notre mémoire, nous avons appuyé le principe d'une meilleure consultation du public dès l'étape de la préparation des plans d'aménagement forestier. Nous sommes d'avis qu'il faut apporter des précisions au processus de consultation du public. Nous proposons aussi d'introduire des mesures de partage de coûts, ce qui nous semblerait plus équitable.

Le projet de loi traite également des mécanismes de vérification. Nous appuyons ces mécanismes avec des réserves mineures. Nous craignons que le processus de vérification mène à une multiplication des inventaires forestiers. Il serait préférable d'éviter cette situation.

Parlons maintenant du rendement accru. Nos membres sont à même de constater que le rendement soutenu n'est souvent pas atteint dans plusieurs unités d'aménagement. Nous vous avons donc proposé de faire référence à l'objectif d'intensification de l'aménagement et de développer une véritable politique à ce sujet.

Pour ce qui est de l'assouplissement de la gestion, l'Ordre propose ce qui suit: les professionnels de la forêt doivent pouvoir intensifier leur participation à l'élaboration des normes d'aménagement; le Manuel d'aménagement forestier devrait toujours pouvoir refléter l'expertise des aménagistes et leurs connaissances du terrain; nous souhaitons aussi que le Manuel devienne plus évolutif et s'adapte plus rapidement aux nouvelles connaissances acquises par les aménagistes.

Nous saluons la réforme du régime forestier et nous souhaitons que les recommandations que nous avons formulées contribuent ? oui, une minute ? à l'amélioration du projet de loi n° 136. Le monde professionnel a beaucoup évolué au fil du temps. Les professionnels plus anciens auxquels les lois ont donné des droits exclusifs ne sont plus seuls aujourd'hui à posséder le savoir et les compétences. Nous avons oublié de faire une véritable place à ces nouveaux professionnels. Nous avons omis d'adapter la législation à cette nouvelle réalité. Nous avons négligé de reconnaître le rôle joué sur le terrain par les technologues professionnels.

Le Président (M. Désilets): Je vous remercie beaucoup, M. Gaudichon.

M. Gaudichon (Bernard): Merci.

Le Président (M. Désilets): M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Merci, M. Gaudichon, M. Boucher, M. Bouchard, Mme Thibodeau et M. Arès. Je vous remercie d'abord de votre participation aux travaux de cette commission.

Je voudrais juste peut-être clarifier au départ un sujet qui fait l'objet, de votre part, d'une recommandation. Ça concerne les unités d'aménagement. Vous recommandez que l'on intègre dans la loi les critères qui vont servir à redécouper ou à délimiter les unités d'aménagement. Je ne pense pas que ce soit pertinent de le faire, parce que ? vous avez sans doute pris connaissance du document d'information qui accompagne le projet de loi ? quand on parle de stabilité d'unités d'aménagement, on s'est engagé, dans ce document-là, à faire une consultation, consulter les municipalités, les communautés autochtones, les autres personnes, les autres intervenants qui sont prévus dans la politique de consultation, et aussi évidemment les bénéficiaires de contrats, la plupart des intervenants, les consulter sur les critères et aussi, par la suite, sur des projets de redécoupage ou de délimitation. Alors, simplement pour dire que ce n'est peut-être pas opportun dans les circonstances de fixer dans la loi ou de geler dans la loi un certain nombre de critères. C'est préférable de ne pas le faire parce qu'on compte consulter pour déterminer quels seront ces critères qui vont nous servir pour redécouper les unités d'aménagement et consulter aussi évidemment sur le redécoupage. Alors, il y a peut-être un élément d'incompréhension de part et d'autre ou un malentendu. Je ne sais pas si vous comprenez. Ça ne me semblerait pas pertinent ou approprié de geler ça dans une loi parce que, par la suite, si on en arrive à dire: Il y a d'autres critères qui devraient être pris en compte, qu'on devrait ajouter; par contre, il y en a qu'on devrait retirer... Alors, vous voyez un peu pourquoi on ne s'est pas engagé dans cette voie-là.

Le Président (M. Désilets): M. Gaudichon ou M. Boucher.

M. Boucher (Daniel): Oui. L'idée, M. le ministre, ce qu'on dit dans le fond, ce n'est pas nécessairement de vouloir tout fixer dans la loi actuellement. C'était plus dans le sens de dire: Si on en refait, des nouvelles unités d'aménagement, c'est sûr qu'après consultation de tous les intervenants... mais ce qui serait bien intéressant, c'est d'avoir des unités d'aménagement les plus stables possible et qu'à long terme on puisse suivre nos... autrement dit, de vérifier, dans 15 ans, nos calculs de possibilité qui ont été faits aujourd'hui, si, dans le fond, on a atteint les objectifs qu'on voulait. Notre crainte, dans le fond, était là-dedans, c'est de voir redécouper le territoire puis de ne pas pouvoir suivre l'évolution du calcul de possibilité. C'était juste ça, notre crainte, dans le fond. J'avoue qu'on a peut-être eu une incompréhension à cet égard, mais l'objectif de ça, c'était ça.

M. Brassard: Je comprends très bien, et la stabilité que vous recherchez, je pense qu'on la souhaite aussi de notre côté. Une fois qu'on aura fait le découpage des unités d'aménagement, il faudra que ce soit stable pour une longue durée, pour les motifs que vous avancez.

Vous recommandez que le calcul de la possibilité forestière soit la responsabilité des bénéficiaires de contrats. Actuellement, c'est le cas. Actuellement, vous le savez, ils font le calcul; après ça, ils élaborent leur plan, leur stratégie d'aménagement; le ministère reçoit leur plan, l'examine, l'analyse, et, comme c'est arrivé récemment, on peut y apporter des modifications. Pourquoi tenez-vous tant à ce que finalement on conserve le processus actuel quant au calcul de la possibilité forestière?

M. Boucher (Daniel): Je vous dirais, M. le ministre...

Le Président (M. Désilets): M. Boucher.

M. Boucher (Daniel): Excusez-moi. Je vous dirais, M. le ministre, que, selon nous, de confier les calculs juste à un groupe d'individus, autrement dit le ministère, c'était de réserver à un groupe de professionnels une opinion. Présentement, ce qui est intéressant lors d'un calcul, c'est qu'on a le ministère qui amène son opposition puis on a l'industrie en même temps. On a comme deux visions. Puis ce qui est intéressant dans le fait d'avoir la vision de l'industrie, c'est qu'il y a des industries qui font leur propre calcul et il y a des industries qui confient le mandat à des consultants. Ça fait qu'on se réveille autour d'une seule table avec un groupe élargi, si vous voulez, de professionnels, de sorte qu'on est en mesure, selon nous, d'avoir une heure plus juste. Parce qu'il ne faut pas oublier que, lorsqu'on dit que c'est le ministère qui fait les calculs de possibilité, bien, on donne en région ou juste à un groupe de professionnels qui est ? je ne sais pas combien ? attitré au ministère... Pour nous, c'est indissociable que l'industrie participe.

En plus de tout ça, on parle d'élargir la consultation publique. Bien, chacun dans son village est intéressé à l'industrie. Donc, lorsque le gestionnaire de l'industrie a participé au calcul, bien, il y a déjà eu une grande consultation publique qui a été faite. Pour nous, c'était comme primordial de laisser ça comme ça. C'était dans ce sens-là.

Le Président (M. Désilets): M. le ministre.

M. Brassard: Je comprends. C'est d'ailleurs, je pense, un objectif tout à fait louable, et je pense qu'en pratique, c'est comme ça que ça va fonctionner aussi. Hier, il y a un organisme qui a parlé de faire le calcul de la possibilité en collégialité. Bon, au fond, c'est ça qui va arriver, il va y avoir un cheminement de toutes les parties. Mais ce qu'il faut bien fixer dans la loi cependant, c'est que, au bout du compte, il faut qu'il y en ait un qui tranche puis qu'il le détermine, le calcul, et ça, je pense que ça revient à la responsabilité de l'État. Alors donc, dans la perspective où ça doit se faire de façon, je dirais, coopérative, en partenariat, c'est évident que c'est comme ça que ça va se passer en pratique, sauf que la loi, elle, elle doit être claire sur de qui relève la responsabilité ultimement de fixer la possibilité. Alors, c'est en ce sens-là.

Le Président (M. Désilets): M. Boucher.

M. Boucher (Daniel): Ce que je voudrais juste vous préciser, M. le ministre, c'est qu'en région on avait entendu parler que les prochains calculs, ce serait le ministère qui les ferait. Ça vient de là, si vous voulez, l'optique, on ne l'a pas prise...

n(16 h 10)n

M. Brassard: Oui, mais ça ne veut pas dire que c'est un processus qui va se faire de façon isolée, ça va se faire aussi avec les détenteurs de contrats, hein. Il va y avoir un cheminement commun, en quelque sorte, conjoint, mais il faut que la loi soit claire sur le responsable ultime de fixer la possibilité.

Vous parlez également dans votre mémoire de partager de façon équitable les coûts relatifs à la participation du public à l'élaboration des plans d'aménagement forestier. Bon. Il y en a plusieurs qui nous ont fait cette recommandation-là. Il y en a qui ont évoqué le principe de l'utilisateur-payeur. C'est un peu ça que vous voulez dire. Êtes-vous conscients aussi, cependant, qu'il y a des intervenants qui n'ont pas nécessairement la capacité d'assumer leur part de coûts? Comment on gère ça? Est-ce que vous avez des propositions concrètes pour gérer une situation comme celle-là?

Le Président (M. Désilets): M. Boucher.

M. Boucher (Daniel): Je vous dirais, je n'ai pas de situation concrète, mais, quand on disait... Dans le fond, le but ultime de ça, c'est de faire participer les gens le plus possible, que ce soit le pourvoyeur d'une pourvoirie ou le gestionnaire de la zec. À l'heure actuelle, ce qu'on vit sur le terrain, on fait le calcul, puis on les invite une soirée ou deux, puis là on essaie de leur expliquer ce qui en est, la brique est ça d'épaisse, puis là on dit: Oupelaï! Ils en perdent leur latin, ce n'est pas très, très, très long. Ça fait que ce qu'on dit à quelque part, c'est sûr qu'il y a toute une partie de coûts, il s'agirait de voir comment on pourrait insérer ces gens-là dans le processus de confection des plans. C'est sûr qu'il y aura un coût additionnel, mais, déjà, la consultation serait élargie puis ces gens-là se sentiront plus dans le processus, si vous voulez.

M. Brassard: Juste partie prenante du processus. Vous reconnaissez que c'est ça, l'intention de certaines dispositions du projet de loi.

Une voix: ...

M. Brassard: Merci.

Le Président (M. Désilets): Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. M. Gaudichon, M. Boucher, M. Bouchard, Mme Thibodeau et M. Arès, bonjour et bienvenue. Merci de votre présentation, de votre mémoire qui est très, très étoffé et qui, je pense ? comme le veut la tradition des mémoires des technologues ? a toujours une parenthèse pour l'aspect de la reconnaissance comme telle du rôle des technologues. Je salue votre détermination dans cette reconnaissance-là, parce que, effectivement, on parle beaucoup de la reconnaissance des techniques et je pense qu'il faut aller jusqu'au bout. C'est beau d'avoir des beaux discours du côté du ministère de l'Éducation, j'en ai été témoin pendant deux ans, mais, à un moment donné, il faut que ça passe aussi à la pratique, il faut que ça passe la rampe.

J'ai plusieurs questions sur votre mémoire, mais une des premières, je veux... peut-être pour commencer, de façon plus générale, j'aimerais beaucoup que vous me disiez qu'est-ce qui peut... Vous mentionnez souvent dans votre mémoire que le projet de loi n° 136, les modifications qu'on veut apporter ne reconnaissent pas et ne tiennent pas compte comme tel du rôle du technologue, et j'aimerais que vous me disiez un peu... il doit y avoir des raisons à ça. Je ne peux pas croire qu'on fait exprès pour passer par-dessus des travailleurs qui sont impliqués comme vous, qui sont sur le terrain, qui sont souvent chefs d'équipe, de plusieurs travailleurs sylvicoles. Selon vous, pourquoi on ne reconnaît pas l'impact et le rôle des technologues dans le projet de loi qu'on a devant nous?

Et peut-être en sous-question, savoir... Quand vous parliez tantôt que vous êtes prêts à signer, et tout ça, quel serait l'impact... Parce que vous n'enlevez rien aux ingénieurs là, ce n'est pas une question de dire: Il va y avoir un champ réservé, puis eux autres ne feront plus ça, puis on va le faire. J'ai un peu de difficultés à comprendre pourquoi ça semble poser problème ou du moins que ce n'est pas actuellement dans le projet de révision du régime forestier.

Le Président (M. Désilets): M. Boucher.

M. Boucher (Daniel): Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'à l'heure actuelle le champ de pratique du technologue ou peu importe, là, l'application de son sceau n'est pas reconnue à nulle part. Puis ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que, de par notre formation... on a été formés dans les collèges au Québec, on a eu des programmes élaborés avec les gens concernés, que ce soient les employeurs, et tout. On a une formation technique, on fait partie du système professionnel au même titre que n'importe quel ordre professionnel. On réalise des travaux, que ce soient des travaux d'inventaire, que ce soient des relevés de superficie. Bien, à nulle part on ne nous autorise à authentifier nos documents. Ça fait que c'est de là qu'on dit que, en tant que professionnels faisant partie du même système professionnel que toutes les autres professions, on se doit, selon nous, de pouvoir authentifier ce qu'on fait sur le terrain.

Mme Thibodeau (Sarah): Je peux apporter un complément de réponse.

Le Président (M. Désilets): Oui, Mme Thibodeau.

Mme Thibodeau (Sarah): Exactement. Si je peux apporter un complément de réponse. Vous posez la question: Pourquoi c'est comme ça? Dans notre présentation, on en a parlé un peu. Il y a une question d'évolution aussi des professions, évolution des technologies, évolution du monde du travail. Cette évolution-là a fait en sorte que certaines professions à exercice exclusif étaient là avant des professions plus récentes. L'Ordre des technologues professionnels est un ordre professionnel qui comprend des professionnels d'existence plus récente et la législation souvent n'a pas été adaptée pour tenir compte de ces novelles réalités d'exercice des professions. C'est d'ailleurs pour ça que la ministre Goupil a lancé le processus de mise à jour des lois professionnelles, c'est pour tenir compte de ces nouvelles réalités là dans le monde professionnel et dans le monde du travail.

Donc, ce serait la question: Pourquoi, actuellement, les technologues ne peuvent pas signer, apposer leur sceau? C'est que, dans la pratique, on n'accorde peut-être pas beaucoup de valeur à ça, et des dispositions... comme celle dont on parle ici, dans la Loi sur les forêts, mentionne expressément l'ingénieur forestier comme étant le seul signataire. Donc, à ce moment-là, ça devient difficile de revendiquer une signature selon le texte de loi, de la façon dont il est rédigé.

M. Béchard: Si j'ai bien compris... si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Désilets): Oui.

M. Béchard: Si j'ai bien compris, ce n'est pas qu'on interdit la signature, c'est qu'on ne la reconnaît pas. C'est un peu ça, si j'ai bien compris, là. On ne vous interdit pas de signer comme tel, à la limite vous pourriez les signer, mais, en bout de ligne, ce ne serait pas reconnu. C'est bel et bien ce que j'en comprends? Puis peut-être juste pour nous tenir au courant de ce qui se passe avec Mme Goupil, est-ce que ça s'en vient, cette reconnaissance-là, ou vous ne sentez pas que ça va bouger de ce côté-là?

Le Président M. Désilets): Mme Thibodeau.

Mme Thibodeau (Sarah): Oui, et peut-être Daniel pourra aller dans le même sens. Je pense qu'en ce qui concerne... par exemple, je reviens toujours au plan d'aménagement forestier, ce n'est pas qu'on... effectivement, le technologue ne signe pas, tout simplement, il n'y a pas d'espace pour lui, et la loi prévoit que c'est l'ingénieur, donc, c'est l'ingénieur qui signe. Ce n'est pas nécessairement une question de reconnaissance ou pas de la signature, là.

En ce qui concerne la réforme de la ministre Goupil, seulement pour dire que ce qu'on dit dans le fond par rapport au projet de loi actuel, c'est que cette réforme-là doit être prise en compte quand on modifie, ici, la Loi sur les forêts. Et pourquoi également le technologue professionnel devrait signer? C'est qu'il y a toute la question... avec les plans et rapports d'aménagement forestier puis la coresponsabilité de différents bénéficiaires sur une même aire commune, c'est un lourd fardeau au niveau des responsabilités, et je pense que les ingénieurs forestiers le reconnaissent d'emblée également, qu'à ce niveau-là, étant donné la pluralité de bénéficiaires sur une même aire commune, le fait d'identifier un seul professionnel comme étant le signataire, c'est lourd de responsabilités.

Ce qu'on propose dans le cas des plans et rapports d'aménagement forestier, étant donné que les technologues réalisent sur le terrain des relevés, des inventaires, font du travail qui sert à ces plans-là et rapports d'aménagement forestier... pourquoi le technologue professionnel ne pourrait pas, lui aussi, pas remplacer l'ingénieur, mais appuyer de sa signature ces parties de plan là qui auront été réalisées par lui? Donc, c'est ça, dans le fond, qu'on propose ici, dans le cadre de la révision de la Loi sur les forêts.

Le Président (M. Désilets): M. Boucher, en complément d'information.

M. Boucher (Daniel): Oui. J'irais dans le sens de dire, à savoir c'est quoi que le technologue fait en réalité? Selon nous, ce qu'on dit, c'est: Dans le fond, il faut laisser la chance au gestionnaire qui décide à qui... quel choix de professionnel il devrait faire... son plan quinquennal, si vous voulez. Son plan quinquennal, dans le fond, c'est la planification de ses coupes pour le prochain cinq ans. Lorsque le gestionnaire a dans son équipe un technologue qui, je vous dirais, parle de l'aire commune comme, je vous dirais, votre grand-mère vous parlait de son jardin, bien, c'est intéressant pour ce gestionnaire-là de choisir le technologue parce que, selon lui, c'est la personne idéale. O.K.? C'est dans ce sens-là. Puis là le problème qu'on a, on se réveille, comme on disait tantôt, c'est que notre signature, dans le fond, elle n'est pas reconnue.

M. Béchard: O.K.

Le Président (M. Désilets): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Donc, dans la pratique, vous êtes habilités à faire le travail, mais vous ne pouvez pas signer. C'est un peu ça qui se passe. O.K.

Un autre point que je voulais aborder, c'est à la page 12 de votre mémoire, la recommandation n° 2, quand vous parlez de l'arbitrage. Vous en avez parlé un petit peu tantôt, vous avez dit qu'à la limite le technologue pourrait trancher, pourrait être celui... Dans l'actuel projet de loi, qui est là, on enlève la possibilité après, une fois que les décisions sont prises, d'aller en arbitrage. Ce que vous proposez, c'est un peu d'avoir un autre mécanisme ou un autre système qui pourrait être un arbitrage... serait a priori, non pas à posteriori, c'est-à-dire avant comme tel, puisqu'il n'y aura plus de recours après. Et on se souvient tous, on l'a vécu dans notre région, entre autres, avec toutes les données qui ont été remises en question de part et d'autre, les gens ont bien de la difficulté à un moment donné à se faire une tête puis à dire quelles sont les bonnes données, quelles sont les vraies données.

n(16 h 20)n

Mais ce que j'en comprends, vous, de votre arbitrage avant, c'est que, avant que le ministre décide, vous proposeriez qu'il y ait quelqu'un quelque part d'indépendant qui puisse avoir une espèce de droit de regard et dire: Bon bien, validez un peu les données pour voir si les données sont bonnes, les données sont vraies. Et, à partir de ces données-là, effectivement, on peut déceler et avoir une vue juste, donc ce qui enlèverait les possibilités de contester les chiffres. Mais est-ce que, vous, vous verriez la mise en place... Quand vous parlez de votre arbitre indépendant, est-ce que ça pourrait être un inspecteur des forêts, comme on l'a proposé? Vous parliez de technologue, à la limite, que ce soient des gens... Parce qu'il faut le reconnaître, parce que là il y a plusieurs millions, dans bien des cas, qui sont en jeu. Il faut que ce soit solide, ce qui va se décider là. J'aimerais que vous me parliez un peu de votre processus. Est-ce qu'il est à l'abri de tout recours après, et de poursuites, et tout ça? Comment vous voyez ça, là?

Le Président (M. Désilets): M. Boucher.

M. Boucher (Daniel): La manière dont on voit ça, dans le fond, c'est que présentement... si je me fie par rapport au régime qu'on a vécu, on a participé avec le ministre à faire les calculs. Le ministre a tranché. On arrivait à une possibilité, on a eu une baisse tout à fait, j'imagine, louable, parce que je ne veux pas débattre du dernier calcul qu'on a vécu personnellement chez nous, mais ce que je voudrais...

Quand on parle d'arbitre, c'est que ce comité-là, parce qu'on a dit les technologues, et, dans le fond, c'est un comité de professionnels qui devrait avoir un droit de regard sur ce qui a été arrêté. Pas pour critiquer ce qui a été arrêté. Ce qui a été arrêté, je pense, j'en conviens, c'est au ministre à dire: Oups! on arrête ça là. Mais ce groupe de professionnels là devrait au moins tirer les grandes lignes des points majeurs à vérifier pour le prochain calcul. Parce que là on se réveille... dans le fond, on a adopté une stratégie d'aménagement, mais est-elle vraiment bonne? Je ne veux pas remettre en doute ce que le ministre a fait. Comme je vous dis, c'est tout à fait louable. Mais on est conscients que la foresterie, c'est un domaine qui est en constante évolution. Il resterait, selon moi, des points majeurs à vérifier. Puis, en même temps, c'est que la population serait peut-être rassurée de ce côté-là. Parce que, présentement, sur le terrain, on n'est pas sûr que, là... Le ministre, c'est-u bon avec son affaire? Le ministère, c'est-u bon avec son affaire? L'industrie a-t-elle tiré trop fort sur la couverte? Les gens ne savent plus trop où aller. Avec un organisme indépendant comme ça, bien, on aurait peut-être une vision, autrement dit, plus juste un peu.

M. Béchard: Ça rétablirait la confiance un peu des gens. Et il y a un autre point, et il reste peu de temps. À votre recommandation n° 15, quand vous parlez du Manuel d'aménagement, vous parlez d'un comité restreint responsable de la mise à jour du Manuel d'aménagement forestier pour répondre rapidement et efficacement aux questions et aux commentaires exprimés régulièrement par les bénéficiaires. Il y a des gens qui ont mentionné au cours de la présente commission qu'un des reproches qu'ils faisaient au Manuel d'aménagement, c'est souvent d'être conçu à un seul endroit, un peu déconnecté de la réalité, de ce qui se passe sur le terrain, et que, dans bien des cas, les pratiques qu'on retrouve ne correspondent pas et ne laissent pas la marge de manoeuvre nécessaire pour adapter les pratiques à la réalité de certaines aires par rapport à d'autres. Comment vous voyez ça? Est-ce que vous êtes prêts à aller, je dirais, jusqu'à une décentralisation du Manuel d'aménagement comme tel, qui pourrait être différent d'une région à l'autre; avoir des grands paramètres au niveau national, mais, par la suite, avoir beaucoup plus de souplesse dans l'application? Et quel serait votre rôle exact dans la mise en place de ce manuel-là?

Le Président (M. Désilets): M. Boucher.

M. Boucher (Daniel): Je vous dirais que je pense que, oui, une décentralisation, je pense qu'on en a besoin d'une. Qu'elle soit faite à Québec ou qu'on tienne compte des particularités régionales, ça, peu importe la place où ça va, de sorte que notre Manuel d'aménagement soit, dans le fond, comme on vous le dit dans le mémoire, un peu plus évolutif. On a vécu le même processus un peu en forêt privée il y a quelques années. On avait un cahier de normes qui était établi, c'était du mur-à-mur. On l'a décentralisé en région. Bien, aujourd'hui, on peut rêver à... Si on veut changer de quoi dans notre cahier de normes, que, l'été prochain, il soit changé et qu'on soit adapté avec. Si on s'aperçoit l'été prochain que, dans le fond, on s'est trompé, on le remodifiera. De sorte qu'on ait un processus pas juste à tous les cinq ans, puis que ce soit plus facile de s'adapter, puis que, dans le fond, on ait tous nos traitements sylvicoles admissibles dedans.

M. Béchard: O.K.

Le Président (M. Désilets): Est-ce que ça complète, monsieur?

M. Béchard: Oui, il me reste du temps?

Le Président (M. Désilets): Oui, il vous reste 2 min 30 s.

M. Béchard: Un autre élément qui, moi, me préoccupait aussi beaucoup, c'est quand vous parliez, à votre recommandation 11, à la page 21, de l'amélioration des méthodes pour faire les inventaires forestiers, avoir des inventaires plus fiables et plus précis. Comment vous voyez ça, une amélioration des méthodes pour faire les inventaires forestiers? Est-ce que vous voyez un rôle accru pour les travailleurs comme tels là-dedans, pour les travailleurs sylvicoles, pour vous autres? Comment vous traduisez ça?

Le Président (M. Désilets): M. Boucher.

M. Boucher (Daniel): L'idée de ça, c'est que, dans le fond, ce qu'on voulait... c'est que présentement, à l'heure actuelle, il y a un paquet d'inventaires qui sont pris par l'industrie. Et, lorsqu'on fait les calculs, on s'aperçoit que, souvent, les gens du ministère nous disent: Bien, on n'a pas de données. Puis là on leur dit: Oui, oui, mais on en a pris, des données là; on en a, des données; ça fait cinq ans qu'on en prend. Mais on a un processus d'inventaire qui est un inventaire d'exploitation, mais qui n'est pas nécessairement... autrement dit, dont on ne se sert pas tout le temps. Ce qu'on dit, dans le fond: On aurait un gros travail à faire avec ça, de sorte que toutes les données, ce qui est recueilli sur le terrain, on ait des méthodes d'inventaires communes, de sorte que les inventaires de l'industrie servent autant pour le ministère. Souvent, on se fait dire: Bien là, ça, tu ne l'as pas fait, je ne suis pas sûr si c'est bon ou... Tu sais, qu'on ait des protocoles d'établis d'avance de sorte qu'on ait moins d'énergie perdue de ce côté-là. C'est un peu ça, dans le fond.

M. Béchard: Ça va. Merci.

Le Président (M. Désilets): O.K. Ça va. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Désilets): Il reste cinq minutes à votre formation politique.

M. Lelièvre: Bonjour. Je voudrais revenir pour enchaîner avec ce que le député de Kamouraska avait abordé tout à l'heure concernant les actes que vous voulez que l'on reconsidère comme étant l'exclusivité d'autres professions, entre autres, les ingénieurs forestiers, j'imagine, parce que, à part vous et les ingénieurs forestiers, en forêt, je n'en vois pas. Donc, vous parlez d'augmenter votre degré d'autonomie. Tout à l'heure, vous avez mentionné que, bon, vous vouliez être autorisés à faire la signature des plans. Mais qu'est-ce que vous voulez dire, qu'il ne faudrait pas maintenir aveuglément une situation qui ne reflète pas la réalité parce que... puis il y a des actes qui sont réservés aux professionnels. Actuellement, vous êtes reconnus et l'Ordre des ingénieurs, également, est reconnu. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus parce qu'il y a plusieurs propositions que vous faites qui vont dans ce sens-là. Je comprends qu'ici, c'est un bon endroit pour passer le message, mais la ministre de la Justice est très bien placée, d'ailleurs a la juridiction pour s'occuper de façon plus pratique de votre dossier. Mais j'aimerais ça quand même vous entendre là-dessus parce que vous y accordez une part très importante tout au long de votre mémoire, vous revenez constamment là-dessus.

Et également, vous parlez de la formation. Au niveau de la formation, vous dites que, bon, dans les cégeps, le taux de placement est très élevé, en moyenne 75 %. Mais, à un moment donné, vous glissez une phrase, que la main-d'oeuvre est de plus en plus difficile à recruter en forêt. Est-ce que vous faites aussi référence aux technologues? D'autre part, et c'est là que vous arrivez avec, encore une fois, une recommandation sur l'autonomie à la hauteur de votre formation et de vos responsabilités... Alors, moi, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, quand même assez rapidement parce que je voudrais aussi vous parler du rendement accru versus l'aménagement accéléré.

Le Président (M. Désilets): Il va falloir rapetisser les réponses et rapetisser les questions. Il vous reste trois minutes seulement pour compléter l'ensemble de votre discussion. M. Boucher.

M. Boucher (Daniel): Ce qu'il faut comprendre, M. le député, c'est que, nous, on dit: En tant que professionnels de la forêt, on a été formés, comme je vous disais tantôt, au cégep, puis c'est nous qui faisons les relevés, exemple, de superficie. C'est nous qui établissons la paie des travailleurs sylvicoles, si vous voulez. On est là, on travaille de façon autonome sur le terrain, on fait les inventaires forestiers. On se dit: En tant que professionnels, faisant partie du système professionnel québécois, il me semble que ce serait logique qu'on nous reconnaisse en tant que professionnels. C'est dans ce sens-là.

M. Lelièvre: Oui, je veux bien comprendre...

Le Président (M. Désilets): Pour une courte...

M. Lelièvre: Pour une courte.

Le Président (M. Désilets): Il reste seulement deux minutes, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Je voudrais bien comprendre, puis j'ai vu vos recommandations, j'ai vu votre argumentation également. Comment vous faites pour dire: Il faudrait d'abord aller sur un an au lieu de faire du rendement accru puis de remplacer cette notion par celle de l'intensification de l'aménagement? En quoi le rendement accru... Vous avez certainement apporté une définition ou vous avez certainement des critères pour dire que le rendement accru, c'est telle chose, puis que l'aménagement accéléré devrait être d'autre chose, au moins intensifié. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, la nuance que vous faites entre les deux.

Le Président (M. Désilets): M. Boucher.

n(16 h 30)n

M. Boucher (Daniel): L'idée, c'est que, selon nous, quand on parlait de rendement accru, c'était un terme qui était, à quelque part, vague pour nous autres puis c'était un terme qui était difficile à expliquer à nos travailleurs sylvicoles sur le terrain. Tandis que, si on parle d'intensification de l'aménagement, bien, mes travailleurs sylvicoles, là, ils ont compris, ça n'a pas pris une demi-heure. Ils savent exactement ce qui va se passer: on va faire plus d'éclaircies, on va faire plus d'éclaircies précommerciales, on va faire du reboisement avec des essences améliorées. Et c'est plus facile à expliquer que du rendement accru. Et là, tu dis: Bien, peut-être on va faire ci... Autrement dit, c'était un terme, selon nous, qui paraissait plus juste.

En plus que présentement on a des baisses, c'est difficile pour nous autres de parler d'accru. Tandis que présentement ? on sait qu'on a eu des baisses de possibilités ? si on parle d'intensification de l'aménagement, bien, je pense que tout le monde se claque dans les mains puis tout le monde est d'accord là-dessus. Ce n'est pas qu'on a une politique contre le rendement accru, loin de là.

Une voix: ...

Le Président (M. Désilets): Eh bien, ceci met fin à...

M. Boucher (Daniel): Il y aurait peut-être...

Le Président (M. Désilets): Excusez-moi.

M. Boucher (Daniel): Elle aurait peut-être rajouté.

Le Président (M. Désilets): Très, très brièvement parce que la période est déjà terminée, là.

M. Thibodeau (Sarah): Simplement ajouter que notre mémoire, en fait, tourne autour de l'idée également de la valorisation des travailleurs. Je pense que c'est quelque chose qui a été soulevé par différents groupes. Dans notre cas, c'est la valorisation du technologue professionnel, du diplômé collégial de niveau technique, qui a eu une formation dans laquelle on lui reconnaît certaines compétences, qui sont les compétences qu'on vous a exposées, et on souhaite que vous en teniez compte dans la rédaction de ce projet de loi.

Le Président (M. Désilets): Et on vous remercie beaucoup. Le temps qui nous était alloué est écoulé. On vous remercie beaucoup. Je vais suspendre quelques secondes, le temps de permettre au groupe faisant partie de Makibois inc. de se présenter.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 33)

Le Président (M. Désilets): Bonjour. Le représentant de l'entreprise Makibois inc. peut se présenter et présenter aussi la personne qui l'accompagne, s'il vous plaît.

Makibois inc.

M. Lauzon (David): Bonjour, mon nom est David Lauzon, président du groupe Lauzon et de Makibois, une usine de sciage d'érable, de bouleau située à Maniwaki. Je suis en compagnie de Mike Carson, mon directeur des approvisionnements à nos usines de sciage, qui est nouveau avec nous depuis près d'un mois. Et il y a aussi M. Mario Laframboise, président du Conseil de développement régional de l'Outaouais, qui se joindra à nous.

M. le Président, M. le ministre des Ressources naturelles, Mme la députée de Bonaventure ? je crois qu'il y a eu un changement aujourd'hui ? et MM. les députés, nous vous remercions de nous permettre de venir vous présenter le contenu du mémoire que Makibois a soumis à la commission parlementaire. Nous avons déposé auprès de la secrétaire de la commission une nouvelle version de notre mémoire qui apporte quelques précisions sans réellement changer le sens de notre intervention à notre mémoire. Avant de passer la parole à M. Carson, qui vous présentera l'essentiel de notre mémoire qui couvre surtout les aspects reliés aux feuillus, permettez-moi de vous présenter rapidement le groupe Lauzon et ainsi Makibois. Makibois inc. opère à Maniwaki, depuis 1994, une usine de sciage de feuillus durs dont la production annuelle est d'environ 10,5 millions de pieds mesure de planche de sciage d'érable, de bouleau et d'autres essences feuillues. Celle-ci approvisionne en partie l'usine de lamelles de plancher ? parquet de bois franc ? de la société Les entreprises David Lauzon ltée située à Papineauville, ainsi que la nouvelle usine de lamelles de plancher contre-collées de Maniwaki, une division de Makibois inc. L'usine de sciage de feuillus de Déléage, récemment acquise, complète le groupe Lauzon. Donc, on a maintenant deux usines de sciage feuillus.

Depuis sa création, en 1985, le groupe Lauzon a connu cinq phases de croissance majeures, portant son effectif total à plus de 330 employés permanents et une centaine en forêt, tous dans la région de l'Outaouais. L'ambitieux programme d'intégration verticale du groupe est basé principalement sur la valeur ajoutée de l'érable.

Avant l'entrée en production, au début de cette année, de l'usine de plancher de bois contre-collé qui a été inaugurée le 29 août dernier par le ministre des Ressources naturelles, M. Jacques Brassard, la phase la plus stratégique du développement de l'entreprise a été l'acquisition de Makibois de REXFOR en 1997. Depuis cette acquisition, le groupe a investi plus de 10 millions de dollars dans la valeur ajoutée de bois franc et le chiffre d'affaire du groupe est passé de 42 millions à 100 millions de dollars annuellement.

La mission du groupe est de devenir le leader dans la fabrication de bois de plancher haute gamme en Amérique du Nord, notamment dans la valeur ajoutée de l'érable et du bouleau, deux essences-clés, afin de pénétrer davantage le marché de plancher de bois contre-collé aux États-Unis, en Europe et en Asie. Déjà 80 % de la production des planchers massifs conventionnels prévernis sont exportés vers ces marchés.

Notre intervention dans le cadre du présent débat sur la mise à jour du régime forestier vise essentiellement à mettre en lumière l'importance pour le ministre des Ressources naturelles d'attribuer prioritairement les volumes de la forêt publique aux usines de sciage qui sont intégrées à des entreprises de transformation de valeur ajoutée. Dans les feuillus, dans les pins, cette orientation est essentielle et on veut continuer à créer des emplois en région, bien entendu. Prenons le cas du groupe Lauzon où la valeur du plancher de bois haute gamme est jusqu'à 10 fois supérieure à celle du bois de sciage, un coup transformé.

Je cède maintenant la parole à M. Carson qui vous présentera l'essentiel du mémoire de Makibois.

Le Président (M. Désilets): M. Carson.

M. Carson (Mike): Bonjour. C'est avec plaisir que je salue Mme la présidente, M. le ministre des Ressources naturelles, Mme la députée de Bonaventure et MM. les députés. Je pense qu'il y a eu des changements, mais...

Comme l'a indiqué M. Lauzon, le mémoire du groupe Lauzon couvre surtout les aspects de la révision du régime forestier reliés aux feuillus et, au cours des prochaines minutes, nous en ferons un survol.

Pour Makibois, la croissance de l'industrie de la transformation des feuillus durs débute par une amélioration de toutes les phases de la foresterie, de la forêt jusqu'à l'optimisation du tronçonnage et le développement des marchés pour des produits fabriqués à partir de bois d'oeuvre généré par des billes de sciage de grade inférieur.

Dans un deuxième temps, le développement de la seconde transformation et l'usinage des billes de qualité doivent être favorisés à partir d'entreprises intégrées verticalement. Afin de compléter leur approvisionnement en sciage, ces entreprises doivent être en mesure de recevoir des billes de qualité ou des planches qui seront intégrées à des produits de valeur ajoutée, les billes provenant de la forêt publique ou achetées auprès des propriétaires privés servant de bras de levier.

Pour Makibois, les interventions en forêt publique doivent se faire dans un contexte où le coût de la récolte, des travaux sylvicoles, du règlement sur les normes d'intervention et des autres règlements peuvent être absorbés par la valeur des produits finis sur le marché. Makibois appuie sans réserve les éléments du projet de loi n° 136 suivants: Makibois est en accord avec la proposition de conditionner la prolongation des CAAF à une évaluation de la performance industrielle et demande que la performance industrielle tienne compte de l'utilisation optimale selon la qualité des billes transformées;

Makibois appuie la mise en place d'unités d'aménagement stables. Toutefois, elle demande que le ministère des Ressources naturelles tienne compte de critères feuillus dont notamment celui de limiter au minimum le nombre de bénéficiaires d'un même produit pour une essence donnée dans une même unité d'aménagement;

Makibois est en accord avec les besoins additionnels d'inventaire forestier. Toutefois, nous croyons que son intensité et son mode doivent tenir compte davantage des caractéristiques particulières aux forêts feuillues et mélangées, que les besoins en inventaire forestier doivent être évalués en fonction du rapport coût-bénéfice. Nous demandons à ce que les coûts inhérents à ces inventaires soient défrayés par le Fonds forestier ou crédités sur les droits de coupe.

Makibois demande que l'augmentation de la qualité des travaux sylvicoles et la crédibilité de la foresterie passent premièrement par une plus grande imputabilité des bénéficiaires de CAAF et des officiers du ministère des Ressources naturelles; que les normes de martelage dans les travaux de type jardinatoire soient modifiées pour permettre la récolte de tiges de classes de vigueur supérieure en reconnaissant des classes de diamètre à maturité.

n(16 h 40)n

Makibois demande la mise en place d'un zonage forestier où on reconnaîtra la production forestière comme prioritaire; que la politique de consultation inclue le principe de l'utilisateur-payeur comprenant le partage des coûts entre les utilisateurs, dont notamment ceux pour la planification et les infrastructures; que le permis de récolte ponctuelle s'applique pour les essences feuillues de façon exceptionnelle et tienne compte des superficies et non seulement des volumes attribués, les volumes récoltés n'atteignant jamais à 100 % des volumes attribués à cause des limites imposées aux superficies; que le permis annuel soit émis par secteur de récolte en mettant la priorité sur la récolte des bois intégrés afin de favoriser l'intégration des activités d'aménagement; que le bénéficiaire garde un droit de premier refus sur la propriété des bois provenant d'une aire forestière où est accordé un permis pour la culture et l'exploitation d'une érablière à des fins acéricoles; que les aires forestières retenues pour la production acéricole soient sélectionnées de façon prioritaire dans les peuplements où la qualité des bois pour le sciage est inférieure; que l'article 55 de la Loi sur les forêts, relatif au règlement de différends entre les bénéficiaires d'une même aire commune soit maintenu.

Toutefois, Makibois demande que le ministre permette le règlement des différends selon une formule plus légère, plus rapide et moins coûteuse que l'arbitrage, selon le Code de procédure civile.

Makibois demande que le ministère des Ressources naturelles base le contrôle des activités sur l'autocontrôle par les bénéficiaires selon des grilles d'analyse convenues et que les régions de Forêt Québec aient une plus grande marge de manoeuvre et soient plus imputables.

Makibois demande que le ministère des Ressources naturelles accompagne davantage les communautés autochtones dans leurs demandes et leurs projets de développement économique.

Makibois demande que les coûts additionnels imputés à certains bénéficiaires et émanant des revendications des autochtones entraînant des coûts soient reconnus à titre de crédits sur les redevances forestières.

Le Président (M. Désilets): Il reste deux minutes à votre présentation.

M. Carson (Mike): C'est pratiquement fini. Par contre, Makibois tient à indiquer son désaccord avec les éléments suivants. Makibois est en désaccord avec l'octroi de volumes attribués dans un CAAF mais non récoltés. Une telle mesure va entraîner de l'incertitude sur les plans forestier et financier et affaiblir la compétitivité de l'industrie forestière.

Makibois est en désaccord avec la formule du contrat d'aménagement forestier qui, sans balises, pourrait déstabiliser une usine de sciage de feuillus, toute la qualité des essences feuillues étant attribuée.

Makibois s'oppose à ce que la vente aux enchères d'un approvisionnement marginal serve de référence pour établir la valeur marchande des bois sur pied.

Sur ce, je cède la parole à M. Lauzon pour un dernier commentaire.

Le Président (M. Désilets): Alors, M. Lauzon.

M. Lauzon (David): Merci. Pour justifier les investissements de millions de dollars dans la valeur ajoutée de bois feuillu, il faut s'assurer d'un niveau de risque acceptable appuyé par des sources d'approvisionnement en bois fiables et continues, en quantité suffisante et de qualité recherchée. Notre objectif, au cours des prochains mois, est que nos deux scieries puissent consolider leur position de fournisseur de bois scié de qualité propre à la production de lamelles de plancher pour les usines de parquets de bois franc de Papineauville et de Maniwaki. Pour ce faire, une synergie est hautement souhaitée entre les approvisionnements en forêt publique de Makibois et ceux de la scierie de Déléage, étant donné que ces deux unités de production sont dans les mêmes aires communes.

Un premier objectif est de regrouper les secteurs d'opération des deux usines afin d'optimiser la récolte et l'aménagement; un deuxième objectif est de destiner les bois de l'usine la mieux équipée pour en tirer un rendement maximum. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup, M. Lauzon. M. le ministre.

M. Brassard: Alors, merci beaucoup, M. Lauzon, M. Carson, au nom de Makibois, d'être venus nous rencontrer et exprimer vos commentaires et recommandations sur la révision du régime forestier. Ça me fait plaisir de vous revoir parce que, lors de l'inauguration de votre unité de production, à Maniwaki, j'ai eu l'occasion de constater le dynamisme assez remarquable de votre entreprise, qui va sans doute encore donner des fruits intéressants dans les mois et les années qui viennent.

Quelques questions cependant sur vos recommandations, des explications, des clarifications. Vous mentionnez qu'il serait opportun d'attribuer prioritairement les volumes de la forêt publique aux usines de sciage qui sont intégrées à des entreprises de transformation à valeur ajoutée. Est-ce que vous pouvez expliquer davantage cette proposition et la justifier aussi? Puis comment on peut arriver à mettre en oeuvre une recommandation comme celle-là, de privilégier, dans l'octroi de volumes de bois en provenance de la forêt publique, des entreprises qui, en d'autres termes, ne se contentent pas de la première transformation mais ont passé également à la deuxième et troisième transformation? Concrètement, comment ça pourrait s'aménager, je dirais?

Le Président (M. Désilets): M. Lauzon, M. Carson.

M. Lauzon (David): Ça fait la deuxième fois que...

Le Président (M. Désilets): M. Lauzon.

M. Lauzon (David): Oui, c'est la deuxième fois que je présente cette recommandation au ministre. Bien, il est clair pour nous que, oui, le gouvernement du Québec doit encourager les entreprises qui prennent nos ressources naturelles, qui appartiennent à tout notre peuple, pour en faire le maximum de valeur ajoutée pour qu'il y ait un enrichissement collectif; c'est très clair. Et je pense que notre entreprise et beaucoup d'autres entreprises au Québec le font justement, où on arrive à exporter 80 % de ces produits-là. Donc, ils sont transformés localement, en région, en valeur ajoutée... en produits finis plutôt qui ramènent des dollars très clairs dans notre région.

C'est bien simple, M. le ministre. Pour ma part, il faut favoriser les projets de croissance, les projets de développement dans la valeur ajoutée et, s'il y a des possibilités forestières accessibles, les volumes accessibles, les accorder à ces usines-là, bien entendu, à celles qui justement investissent dans la valeur ajoutée qui en résulte en un enrichissement collectif.

Le Président (M. Désilets): M. le ministre.

M. Brassard: Je comprends bien qu'il s'agit de volumes disponibles, de volumes qui ne sont pas attribués encore. Donc, vous ne recommandez pas qu'on aille réduire les attributions d'autres entreprises forestières qui se sont limitées à la première transformation, mais votre propos concerne les volumes disponibles. Quand il y a des volumes disponibles et qu'on a à les attribuer, les attribuer de façon prioritaire et privilégiée aux entreprises qui font de la deuxième et troisième transformation. J'interprète bien là votre recommandation.

D'autre part, vous demandez que le ministère tienne compte de critères feuillus dont notamment celui de limiter au minimum le nombre de bénéficiaires d'un même produit pour une essence donnée dans une même unité d'aménagement. Quelles sont les raisons en termes d'avantages ou d'inconvénients qui fondent ou appuient cette demande? Pourquoi cette demande?

Le Président (M. Désilets): M. Lauzon.

M. Lauzon (David): M. Carson, s'il vous plaît.

Le Président (M. Désilets): M. Carson.

M. Carson (Mike): Il est toujours question de compétitivité pour les meilleurs secteurs ou la qualité des travaux sylvicoles. Il y a une imputabilité aux travaux sylvicoles à respecter. Il y a des bénéficiaires qui ne veulent pas s'engager, qui font seulement que récolter des volumes intégrés, qui ne font pas d'opérations eux autres mêmes. Donc, c'est des choses qui viennent nuire aux gens qui s'impliquent dans le milieu.

Le Président (M. Désilets): M. le ministre.

M. Brassard: Mais, il y a la question aussi d'imputabilité dans votre mémoire. Vous dites que l'augmentation des travaux sylvicoles passe par une plus grande imputabilité des bénéficiaires de CAAF et des officiers aussi, des employés, des fonctionnaires du ministère. Est-ce que vous pourriez préciser votre pensée à cet égard? Qu'est-ce que vous entendez par cette plus grande imputabilité des bénéficiaires qui devrait exister?

Le Président (M. Désilets): M. Carson.

M. Carson (Mike): C'est: les gens sur le terrain, proches du terrain, devraient prendre une plus grande responsabilité face aux travaux sylvicoles et on devrait dénormaliser un peu les travaux sylvicoles. C'est que plusieurs travaux qui sont faits en région devraient être approuvés en région et non pas selon une norme nationale, qu'on peut dire.

n(16 h 50)n

M. Brassard: Vous demandez en quelque sorte qu'il y ait plus de souplesse dans les normes qu'on fixe et que les bénéficiaires sont obligés de respecter. C'est ça que vous voulez dire?

M. Carson (Mike): Avoir une norme plus adaptée à la forêt de la région. Si on regarde, disons, la forêt de l'Outaouais comparée à la forêt du Bas-du-Fleuve, ce n'est pas la même forêt; par contre, les normes sont pareilles.

M. Brassard: Une plus grande marge de manoeuvre par région pour tenir compte de la réalité forestière qui est différente d'une région à l'autre?

M. Carson (Mike): C'est ça.

M. Brassard: Merci.

Le Président (M. Désilets): C'est beau. Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui. Bonjour, M. Lauzon et M. Carson, et bienvenue. Je suis le changement, comme vous le mentionniez tantôt, c'est moi qui remplace ma collègue qui s'est quand même jointe à nous. Je vous dirais que sur votre mémoire, ce que vous amenez comme... Bonjour, M. Laframboise. Vous aviez d'autres activités aujourd'hui?

Je voulais vous mentionner que de la façon dont vous abordez la question, elle est extrêmement intéressante. Vous dites: Finalement, si on ne fait pas de deuxième, troisième transformation... Il faut que ce soit eux qui aient la priorité dans les nouveaux volumes. Ça, je l'ai bien compris. Il y a un élément, par exemple, qui me surprend de votre mémoire, c'est à la page 5 où vous êtes en désaccord avec la formule du contrat d'aménagement forestier, les CAF. Vous dites que «sans balises, pourrait déstabiliser des usines de sciage de feuillus». Et vous mentionnez plus loin que ça pourrait même avoir des impacts sur les coûts du bois et que, pour maintenir la compétitivité, il est fondamental d'assurer à cette dernière des approvisionnements stables.

J'aimerais peut-être que vous nous expliquiez davantage pourquoi vous êtes contre ces CAF là, des CAF à un A, comme on les appelle, là. C'est quoi le plus gros désavantage? Il n'y a pas beaucoup de gens qui sont venus nous dire qu'ils n'étaient pas d'accord avec cette formule-là, et vous, vous dites carrément que ce n'est pas une option à regarder.

Le Président (M. Désilets): M. Carson.

M. Carson (Mike): Dans notre cas, les volumes feuillus sont tous attribués puis même les usines n'ont pas les volumes qui leur sont attribués. Donc, on verrait mal que quelqu'un vienne ponctuellement chercher des volumes alors qu'on n'a même pas nos volumes présentement. C'est ça qui est la...

M. Béchard: Mais, pour vous, donc il n'y a pas assez de volume, là, à un moment donné, il faut arrêter aussi de multiplier et de multiplier. Ce que vous dites, c'est qu'il n'y a pas assez de volume pour qu'on commence à mettre en place des éléments comme ça. Ça ferait juste redistribuer autrement la même chose. Et votre peur, c'est qu'en bout de ligne ce soient des gens qui justement en ont besoin, qui sont dans la deuxième, troisième transformation, en soient privés. C'est bien ça?

M. Carson (Mike): C'est ça. Là, on parle seulement pour les volumes feuillus, par exemple.

M. Béchard: Pardon?

M. Carson (Mike): J'ai dit: On parle pour les volumes feuillus, que les gens n'ont pas leur volume.

M. Béchard: O.K. Un autre point que j'avais, vous mentionnez dans votre mémoire: «...que les coûts additionnels imputés à certains bénéficiaires et émanants des revendications autochtones [...] soient reconnus à titre de crédits sur les redevances forestières.» Comment vous voyez ça, cette problématique-là? Est-ce que ça vous cause beaucoup de problèmes chez vous? Est-ce que vous êtes appelés à avoir différentes problématiques à ce niveau-là? Et comment ça pourrait se faire, comment peut-on reconnaître les coûts et que vous en soyez crédités, là? Ça me semble être une formule un peu complexe.

Le Président (M. Désilets): M. Lauzon.

M. Lauzon (David): Oui, merci. Bon, dans ces cas-là, ce qu'on mentionne, c'est que, s'il y a des décisions qui se prennent justement à la satisfaction des autochtones, pour leurs droits et tout ça, bien, si jamais ça nous défavorise selon les règles qui sont établies, selon notre contrat de CAAF, bien, qu'on soit compensés vis-à-vis ça parce qu'on est plus près des communautés autochtones, ou vice versa. Mais on ne vit pas présentement de préjudice à ce niveau-là. Pas du tout.

M. Béchard: Un autre point que vous amenez est celui relié au règlement des différents. Vous voulez qu'il y ait un mécanisme d'arbitrage, vous voulez que ce soit léger, rapide et moins coûteux que l'arbitrage selon le Code de procédure civile. Est-ce que, selon vous, la mise en place... quel serait, je dirais, le processus idéal d'arbitrage le plus simple? Est-ce que ça prend quelqu'un de carrément indépendant, un inspecteur des forêts ou autres? Comment vous voyez ça, cette formule-là, pour qu'elle soit simple et moins coûteuse? Est-ce que le système actuel, qui est déjà dans la loi mais qui va disparaître, correspondrait à ça? Qu'est-ce que vous voyez comme processus d'arbitrage qui pourrait vous plaire et répondre à vos critères?

Le Président (M. Désilets): M. Carson.

M. Carson (Mike): Ce qu'on verrait, c'est probablement un processus sur place où est-ce que les gens pourraient s'accorder avec une tierce partie sans être obligés de développer trop de... un processus où est-ce qu'ils verraient les responsabilités des bénéficiaires, où les bénéficiaires s'engageraient...

M. Béchard: O.K.

M. Carson (Mike): ...dans le sens de l'intégration des coupes.

M. Béchard: O.K. Merci. Moi, ça va aller, je pense que mes collègues ont...

Le Président (M. Désilets): Avant de donner la parole à notre collègue de Papineau, ça me prendrait l'autorisation parce qu'il n'est pas membre de la commission. Il faudrait que...

M. MacMillan: Je vous ferai remarquer, M. le Président, que, si vous vérifiez, j'ai le droit, comme whip adjoint, de siéger sur toutes les commissions parlementaires, avec, pas droit de vote, mais droit de parole sur toutes les commissions.

Le Président (M. Désilets): On me dit que vous avez raison, M. le député.

M. MacMillan: J'ai toujours raison, monsieur!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ah! Là, ce n'est pas sûr.

Le Président (M. Désilets): O.K. Ça me fait plaisir, M. le député de Papineau, de vous laisser la parole.

M. MacMillan: Sûrement, surtout étant votre parrain, dans votre coin. Ce n'est pas pour poser une question, c'est juste que c'est la première fois que j'ai la chance de dire à M. Lauzon, à l'Assemblée nationale... un peu rajouter à qu'est-ce que le ministre a dit tantôt, M. Lauzon: le dynamisme que vous avez eu dans notre région, dans le beau comté de Papineau, dans le secteur... pas d'Argenteuil, dans le secteur complètement de Papineau et de Gatineau, vous féliciter de la création d'emplois que vous avez faite depuis 1985.

Je pense qu'il y a beaucoup de gens, puis dans toutes les régions... Puis ce n'est pas politique, mon affaire, M. le ministre, c'est que, si toutes les régions avaient des gens comme ton organisation et les gens qui travaillent chez vous, le nombre d'emplois qui ont été créés à cause de ton dynamisme, à cause ? comment je dirais ça? ? de ne pas avoir peur d'investir non plus dans plusieurs activités dans notre région, je pense que, si on avait ça dans toutes les régions du Québec, on aurait encore plus d'emplois qui seraient créés.

Alors, en mon nom personnel surtout et les gens de Papineau, c'est un gros merci de tout le travail que vous avez fait et le nombre d'emplois que vous avez créés dans toute la région de Papineau et de l'Outaouais aussi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Désilets): Merci. Ce n'était pas une question, c'était un commentaire. Est-ce que Mme la députée de Bonaventure... Non? M. le député d'Orford.

M. Benoit: Exact.

Le Président (M. Désilets): À vous la parole.

M. Benoit: M. Lauzon, M. Carson, bienvenue parmi nous. Une courte question. À la page 4 de votre mémoire, vous dites: «...la mise en place d'un zonage forestier où on reconnaîtra la production forestière comme prioritaire.» Il y a eu deux écoles de pensée ici. On en est rendu au 101e mémoire et il y a deux écoles de pensée: il y a ceux qui pensent comme vous, effectivement, et il y a ceux qui croient que la forêt appartient à l'ensemble des Québécois et qu'on doit en faire une utilisation partagée, les bords de lac, entre les pêcheurs, les chasseurs, etc. Vous semblez prendre une position beaucoup plus: la production forestière comme prioritaire, et puis, s'il reste de la place, on en laissera aux autres. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

Le Président (M. Désilets): M. Carson.

M. Carson (Mike): Le but, ce n'est pas de s'en accaparer uniquement, mais c'est que les gens qui fréquentent la forêt avec nous acceptent que la production forestière est acceptable, est prioritaire. C'est la production forestière qui fait les chemins, c'est la production forestière qui fait les infrastructures, puis les gens, après qu'ils ont les infrastructures, ils ne veulent plus avoir de production forestière. C'est l'industrie forestière qui investit en forêt pour la développer, puis, après, on est rangé parce que les gens y ont accès. C'est dans ce sens-là qu'on veut...

M. Benoit: Oui, sur les routes, vous avez probablement raison. Mais jusqu'où votre raisonnement peut être poussé? Je veux dire, si c'est prioritaire, à partir du moment où vous coupez une forêt, le chasseur va dire: C'est vrai que c'est prioritaire, il n'y a plus de place pour les chevreuils. Si l'érosion vers la rivière empêche la truite de remonter, vous aurez été prioritaire, il n'y aura plus de place pour la truite. Jusqu'où vous pouvez être et devez être prioritaire, finalement? C'est là le sens de ma question.

Le Président (M. Désilets): M. Carson.

M. Carson (Mike): Non. Nous autres, c'est dans le sens juste d'être reconnus comme faisant partie de la forêt puis de l'écosystème, puis que les gens nous acceptent puis qu'ils acceptent les contraintes de l'exploitation forestière une fois tous les 20 ans à peu près.

n(17 heures)n

M. Benoit: Est-ce que vous autres vous êtes prêts à accepter aussi les contraintes des chasseurs, des pêcheurs, des villégiateurs?

M. Carson (Mike): Oui, on le fait déjà puis on essaie de s'accommoder le mieux possible.

M. Benoit: Très bien, merci.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. C'est au député de Dubuc pour trois minutes.

M. Côté (Dubuc): Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour et bienvenue à cette commission. D'abord, moi, je voudrais féliciter la présentation de Makibois, et du groupe Lauzon, de son mémoire. Je pense que je suis impressionné un petit peu par vos usines de transformation. Puisqu'on est dans la deuxième, dans la troisième transformation et qu'un de vos partenaires, M. Laframboise, s'est joint à nous tout à l'heure, j'aimerais peut-être que vous nous donniez, M. Laframboise, la position du CRD de l'Outaouais relativement à la deuxième et à la troisième transformation, et, avec le projet de loi qui est actuellement... qui a été présenté, quelle est votre position en rapport avec le projet de loi.

Le Président (M. Désilets): M. Laframboise.

M. Laframboise (Mario): Merci, M. le député. Tout d'abord pour vous dire que ce n'est pas pour rien que le CRD Outaouais tenait à être présent lors de la présentation de M. Lauzon et des industries Makibois. Vous savez, le concept de la forêt feuillue en Outaouais et le principe de coupe ne sont pas les mêmes que dans le résineux. Donc, il faut tout d'abord évidemment... La régénération de la forêt, la façon dont les coupes ont été effectuées, il y a moins de tort à la forêt qui a été occasionné dans le feuillu qui aurait pu l'être dans le résineux, même s'il y a des bons plans de gestion et si on est d'accord avec la façon dont le gouvernement planifie.

Évidemment, pour nous, la deuxième transformation... Je vais vous donner les trois objectifs du CRD qui font partie de la dernière planification stratégique qui a été adoptée. Les objectifs, puis en ordre décroissant de priorité, sont: d'augmenter l'utilisation optimale et durable de la ressource forestière; d'augmenter, en deuxième objectif, les retombées socioéconomiques au niveau local; et, en premier, d'améliorer la compétitivité du secteur en apportant l'innovation, la valeur ajoutée et l'entrepreneuriat des industries.

Donc, évidemment vous comprenez qu'en feuillus, entre autres, en deuxième et en troisième transformation ? M. Lauzon vous l'a sûrement expliqué ? la valeur ajoutée est très importante, tellement importante que les produits qui en résultent peuvent permettre de créer beaucoup d'emplois, des emplois qui sont rémunérateurs pour la population et les citoyens du Québec. Et évidemment, pour nous, on ne peut que dire au gouvernement: Il faut encourager les entreprises qui ont décidé, comme M. Lauzon, d'investir en deuxième et en troisième transformation. Il faut leur trouver un créneau d'aide. Les contrats d'approvisionnement en forêt peuvent être cet exemple-là.

Mais, cette semaine, j'écoutais M. Landry qui disait à l'industrie de l'aluminium: Bien, il faudra... Faites attention vous devrez investir. Et, moi, je pense que le gouvernement du Québec, avec la forêt, a les moyens ? parce que c'est lui qui contrôle la ressource ? d'être capable d'orienter les entreprises et justement de faire comme le fait M. Lauzon, d'investir au Québec dans la deuxième et la troisième transformation. Et, je vous le dis, ça ne peut être que gagnant dans la forêt feuillue. Évidemment, on est assis sur l'une des plus grandes réserves en Amérique du Nord. La valeur ajoutée est très importante. Et je tiens à signaler, je vais vous déposer la déclaration de Maniwaki, qui est évidemment une déclaration en faveur de la forêt habitée, à laquelle a participé M. Lauzon, et ses entreprises. Donc je vous la dépose, M. le Président, la déclaration de Maniwaki, pour laquelle je veux que ce soit clair, les industries Lauzon... Oui?

Le Président (M. Désilets): Je vous inviterais à conclure parce qu'il nous reste à peine cinq secondes.

M. Laframboise (Mario): C'est beau. Donc, pour vous dire que, nous, le Conseil régional de développement de l'Outaouais ne pouvons qu'être derrière les entrepreneurs comme M. Lauzon qui font de la deuxième et la troisième transformation. Et je vous dépose la déclaration de Maniwaki pour la forêt habitée. Merci.

Le Président (M. Désilets): Je vous remercie beaucoup. Je profite de l'occasion pour suspendre quelques minutes, le temps de permettre à l'entreprise Habitafor de venir s'installer.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

 

(Reprise à 17 h 5)

Le Président (M. Désilets): Bonjour, messieurs. J'inviterais le porte-parole de l'entreprise à se présenter et présenter également la personne qui l'accompagne.

Habitafor

M. Arsenault (Damien): Bonjour, Damien Arsenault, président de la table de concertation Habitafor, et Réjean Arsenault, chargé de projet du concept de Forêt habitée Habitafor.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. Vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, et chaque parti politique a aussi 10 minutes, tantôt, pour vous poser les questions.

M. Arsenault (Réjean): Bonjour. Je vais faire la présentation du mémoire. C'est un mémoire sur le financement permanent...

Le Président (M. Désilets): Réjean Arsenault?

M. Arsenault (Réjean): Oui, Réjean Arsenault.

Le Président (M. Désilets): Merci.

M. Arsenault (Réjean): Comme je disais, c'est un mémoire sur le financement permanent en concordance avec la gestion intégrée des ressources, qui se retrouve au chapitre II.3.7 du projet de loi.

Je vais faire une présentation d'Habitafor, qui est un concept de Forêt habitée, là, témoin de la Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine. C'est suite à la démarche gouvernementale en 1995, dans le cadre d'instauration du nouveau Concept de forêt habitée, que la municipalité de Saint-Elzéar, forte de l'appui, de la collaboration de tous les utilisateurs de grands territoires forestiers, soit près de 30 000 hectares, a fait accepter son projet-pilote Habitafor.

Après plusieurs années de concertation et d'actions concrètes, l'ensemble des partenaires de cette table de concertation régionale réunissant 18 intervenants actifs sur le territoire, dont les principaux secteurs d'activités sont du domaine forestier et récrétouristique, ont identifié comme moyen de financement le plus logique un retour au pourcentage des redevances payées à l'État, ces redevances provenant essentiellement des activités réalisées par les partenaires d'Habitafor.

De par sa structure et les catégories d'activités exercées par ses partenaires, Habitafor ne peut avoir son propre créneau d'activité à gérer. Dans l'optique des buts et objectifs du concept de Forêt habitée, il nous apparaît normal et même souhaitable que ça soit ainsi, nos partenaires ayant déjà l'expertise et la compétence nécessaires pour exploiter l'immense potentiel du territoire concerné. Le rôle d'Habitafor doit en être un de coordination et de gestion de la concertation. Avec une ressource permanente au service de ses partenaires tant sur l'aspect technique que pratique, Habitafor sera en mesure d'optimiser l'exploitation, le développement et le rendement de son territoire et ainsi contribuer aux effets positifs de la forêt habitée.

Je vais passer, là, l'énumération des partenaires, je vous signale juste qu'il y a cinq des partenaires qui sont dans le domaine forestier puis neuf dans le domaine récréotouristique. On a osé mettre des chiffres, là, pour vraiment démontrer l'impact socioéconomique des partenaires au niveau de la région. Au niveau des partenaires en récréotourisme, l'ensemble de ça génère des revenus annuels de près de 9,7 millions de dollars; au niveau des partenaires forestiers, il y a un total de 413 emplois puis pour un chiffre d'affaires annuel de plus de 35 millions de dollars.

Ces chiffres démontrent bien l'importance de l'impact économique régional généré par les activités de l'ensemble des partenaires. Habitafor, comme tout autre projet de forêt habitée, est donc appelée à jouer un rôle de premier plan dans le maintien, la durabilité et la croissance de cet apport économique et social dans le milieu. Les autorités politiques aussi sont tout autant concernées.

Concertation, voilà le mot-clé. C'est en gérant et en coordonnant cette table de concertation que Habitafor contribue présentement à un meilleur développement du potentiel forestier régional, à une meilleure protection de la ressource forestière régionale, à une meilleure valorisation du territoire forestier régional, à une meilleure maximisation de l'exploitation forestière régionale et, par conséquent, à une meilleure qualité de vie régionale. Enfin et surtout, Habitafor contribue à un véritable développement socioéconomique durable.

n(17 h 10)n

Au niveau du développement multiressource du territoire forestier. En cette époque où la gestion de la forêt publique soulève un certain questionnement et même beaucoup de passion, le concept de Forêt habitée préconisée par Habitafor représente la meilleure police d'assurance quant au développement multiressource du territoire forestier. En amenant tous les intervenants tant publics que privés à s'asseoir autour d'une même table pour se consulter, s'interroger, se motiver et surtout se concerter sur les méthodes d'intervention à adopter, Habitafor, par ce concept de Forêt habitée, contribue directement à garantir la meilleure gestion possible de la forêt régionale. C'est un héritage que le Québec doit laisser aux générations présente et future.

Il y a eu plusieurs actions concrètes réalisées ou encore en voie de réalisation par nos partenaires. Je vais faire grâce de la lecture de ça parce que c'est un peu long. Vous en avez sûrement déjà pris connaissance. Mais je vais vous donner quand même des chiffres. On a osé mettre les chiffres, au niveau du fonctionnement, que ça prend pour faire rouler, coordonner la table de concertation dont on fait objet ici.

C'est un budget total de près de 65 000 $ annuellement. Au niveau de la participation du milieu, donc au niveau de la contribution des partenaires, c'est un peu plus de 14 000 $. Donc, ce qu'on aurait besoin comme budget de fonctionnement, ça se chiffre autour de 50 000 $. La participation du milieu est relativement importante. Si vous prenez le 14 000 $ sur 64 000 $, ça fait un 22 % qu'on contribue de notre côté. Au niveau de la source de financement, où on propose d'aller chercher cette source de financement, parce qu'on voudrait que ce soit un financement récurrent. Là, depuis le début, on fonctionne via les volets II, mais on souhaiterait qu'on puisse aller chercher un financement récurrent. Évidemment, on le souhaite aussi pour tous les projets de forêt habitée.

Le budget nécessaire pour le fonctionnement d'Habitafor est relativement peu élevé, ne nécessitant l'embauche que d'une seule ressource permanente. Pourtant, l'incidence d'une gestion, d'une planification et d'une coordination habiles de cette table de concertation agira indirectement sur la préservation des emplois déjà existants chez nos partenaires et même sur une probable création de nouveaux emplois. En effet, en maximisant l'exploitation et le développement de son territoire par la concertation des utilisateurs partenaires, Habitafor contribue inévitablement à la croissance et à l'expansion potentielles des entreprises qui y oeuvrent.

Là, je vais donner un exemple très concret au niveau de l'argent qui pourrait être utilisé, où on pourrait la prendre, la source. Pour la saison 2000-2001, selon les volumes de résineux attribués, les redevances annuelles payées à l'État provenant des trois industriels forestiers partenaires de la table de concertation Habitafor se chiffrent à un peu plus de 1 million de dollars, dont une somme de près de 162 000 $ ne serait pas utilisée par les industriels partenaires pour leurs travaux sylvicoles.

C'est à cette source que nous souhaitons puiser notre financement permanent. La part de l'État demandée pour le budget de fonctionnement, soit un peu plus de 50 000 $, ne représenterait donc à peine que 4 % du total des redevances payées à l'État et serait prélevée à même les sommes non utilisées. Nous croyons logique et surtout rentable qu'une partie du produit des récoltes revienne réensemencer le jardin d'origine. Le rendement ne devrait en être que meilleur.

Maintenant, au niveau des bénéfices de la concertation. Choisie et désignée comme projet-pilote pour la Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine, Habitafor propose une nouvelle façon de réinvestir un faible pourcentage des redevances déjà destinées à l'aménagement forestier, et par surcroît non utilisées par l'industriel, dans la gestion intégrée des ressources du territoire, une mesure qui n'affecterait pas la portion allant au programme volet II, une mesure qui n'exigerait non plus de nouveaux déboursés, une mesure intelligente qui ne servirait qu'à accroître le rendement du potentiel multiressource du territoire forestier.

En participant ainsi de façon concertée à une véritable gestion des interventions multiressources sur le territoire forestier, ce sont tous les utilisateurs de ce territoire qui seront responsables d'une meilleure exploitation de ces ressources, d'une plus grande diversification de son potentiel, d'un meilleur rendement de ses capacités. Ils en seront tous autant valorisés par son meilleur développement durable et les nouvelles retombées économiques dont profitera toute la région.

Avec l'ensemble de la collectivité, ce sont tous les partenaires de la table de concertation qui seront bénéficiaires de l'application de cette nouvelle méthode de gestion intégrée des ressources forestières, une méthode Habitafor qui pourrait s'étendre sur tout le territoire du Québec, en autant que la gestion se fasse obligatoirement par des tables de concertation, une méthode d'intervention régionale au profit de la population régionale et de son territoire forestier.

Je vais aller aux conclusions tout de suite. Non, je vais aller aux rôle et... J'ai une minute? C'est beau.

Au service de ses partenaires et de la région. Avec l'assurance d'un financement récurrent, dans l'optique d'une entente triennale ou quinquennale, le rôle et les actions d'Habitafor et de sa personne-ressource s'étendront largement: continuité dans la planification, coordination et gestion de la table de concertation régionale; refonte nécessaire du plan de développement multiressource; coordination et réalisation des inventaires multiressources du territoire, ce qui favorisera le développement harmonisé des potentiels identifiés; recherche et développement de nouveaux marchés et de nouveaux procédés de transformation de la ressource; recherche et développement de nouvelles méthodes d'intervention multiressource optimale en territoire forestier; et même des démarches techniques et pratiques pour l'obtention éventuelle d'une certification ISO pour la ressource forestière régionale et/ou nationale. Une évaluation annuelle des actions et résultats avec recommandation sera faite par les partenaires industriels forestiers et les ministères concernés.

La conclusion. Un besoin pour la forêt. Le financement permanent pour la forêt habitée, c'est le moyen de gérer ses propres ressources forestières en accord avec les politiques gouvernementales et les priorités régionales, le moyen de doter les régions d'un formidable outil de concertation novateur dans le domaine crucial de la gestion de la forêt publique, le moyen de démontrer la vraie performance socioéconomique du concept de Forêt habitée sainement appliquée, le moyen de donner un nouveau souffle à l'économie régionale.

Ayant atteint une certaine maturité et surtout une conviction certaine, nous croyons que le passage d'un rendement soutenu à un rendement accru du territoire forestier passe inévitablement par la gestion intégrée de ses ressources. Pour y arriver, le concept de Forêt habitée représente la meilleure avenue. La meilleure garantie de ce concept de Forêt habitée là, c'est définitivement le financement permanent de la forêt habitée, un financement provenant de ses propres ressources.

Le Président (M. Désilets): Je vous remercie beaucoup, M. Arsenault. M. le ministre.

M. Brassard: Oui, alors, M. Arsenault. Deux M. Arsenault?

Le Président (M. Désilets): Oui.

M. Brassard: Ah oui!

Le Président (M. Désilets): Réjean et Damien.

M. Brassard: M. le président qui est également maire Saint-Elzéar, c'est ce que je comprends, et M. Réjean Arsenault qui est chargé du projet de forêt habitée, bien, bienvenue à cette commission, puis merci d'être venus justement présenter en détail et avec beaucoup de précision le projet qui est le vôtre présentement. Parce que, évidemment, le concept de Forêt habitée prend diverses formes actuellement au Québec. Je ne sais pas si vous avez participé au colloque de Matagami. Oui?

M. Arsenault (Réjean): J'ai même participé...

Une voix: À la déclaration...

M. Arsenault (Réjean): Au cri de Maniwaki, à la déclaration de Maniwaki.

M. Brassard: Ah oui! D'accord, très bien. Vous êtes donc impliqué. Évidemment, c'est parce qu'il en a plusieurs qui sont venus nous présenter des projets ou revendiquer des projets de forêt habitée, et on constate une grande diversité, il y a beaucoup de diversités.

Cet avant-midi on discutait avec les représentants du Parti québécois de la région du Bas-Saint-Laurent. Pour eux, il n'y a pas de forêt habitée autrement qu'en soustrayant le territoire autour des communautés au CAAF, aux détenteurs de CAAF, pour les transférer ou en déléguer la gestion à la communauté. S'il n'y a pas ça ? c'est comme ça que j'interprétais leur propos ? le concept de Forêt habitée n'est pas vraiment au rendez-vous.

Alors que, dans votre cas, je comprends bien que vous êtes en quelque sorte un chef d'orchestre du développement des potentiels du territoire forestier, vous regroupez tout le monde, tous les intervenants, y compris évidemment les détenteurs de contrats sur deux aires communes, mais d'autres intervenants. Vous n'êtes pas un acteur en termes opérationnels, c'est ce que je comprends, mais vous concertez, vous regroupez, vous rassemblez tous les intervenants pour, au fond, avec comme objectif de faire de la gestion intégrée des ressources. C'est ça, votre objectif, et je me rends compte que, quand on regarde vos réalisations, puis ça ne fait quand même pas longtemps, tout ça s'inscrit dans une démarche de gestion intégrée des ressources. Mais vous prétendez que cette démarche est nouvelle. En quoi est-elle novatrice?

Le Président (M. Désilets): M. Arsenault, Damien ou Réjean, qui va répondre?

M. Brassard: Parce que les tables de concertation des regroupements d'intervenants, d'utilisateurs de la forêt, je pense qu'un peu partout sur le territoire dans les régions forestières, on en retrouve. En quoi votre démarche est-elle plus novatrice que ce qu'on peut retrouver ailleurs?

Le Président (M. Désilets): M. Damien Arsenault.

n(17 h 20)n

M. Arsenault (Damien): Je crois que la phrase la plus simple pour exprimer une réponse à cet égard: Elle force l'intégration d'une vision commune incluant des territoires pourvus de multiples ressources, autant privées que publiques. Le sens de cette phrase-là est que le partenariat établi de ces 18 partenaires au même titre, je dirais, avec la même implication à cette table de concertation, c'est très différent de ce qu'on peut retrouver au niveau de la participation du milieu à la mise en place ou à la préparation de plans généraux ou de plans annuels. C'est une démarche ? comme on retrouve à certains endroits dans le projet de loi ? de concertation continue où tous les utilisateurs sont à la même table pour exprimer leur volonté de développement, et chacun des partenaires doit tenir compte du développement des autres assis à la même table. Je crois qu'elle est novatrice dans ce sens-là.

Une expérience qu'on a vécue récemment est d'avoir impliqué un groupement forestier à des inventaires multiressources dans un territoire de CAAF d'un industriel. Je dois vous dire, pour connaître ces deux partenaires-là, on aurait jamais pu imaginer un partenariat, sauf à la table d'Habitafor.

Encore là, une autre expérience récente, les inventaires karstiques, qui signifient les recherches de grottes, parce qu'on a des grottes qui sont situées à l'intérieur du territoire d'un CAAF. Présentement, depuis hier, il y a des gens qui travaillent à de la prospection dans ce territoire-là pour identifier le territoire à protéger comme territoire renfermant des phénomènes karstiques. Encore là, ça devrait se solder par une meilleure connaissance du territoire pour une meilleure utilisation aussi.

La grande différence, encore une fois, avec les fonctionnements antérieurs, c'est qu'il y a une intégration du développement de l'ensemble des ressources. Je crois que c'est la meilleure définition qu'on peut en donner.

Le Président (M. Désilets): M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Dernière question, parce que mon collègue de Gaspé veut intervenir aussi, la question du financement. Je comprends que vous vous êtes financés à partir du volet II du programme de mise en valeur. C'est ça?

M. Arsenault (Réjean): Oui.

M. Brassard: Et que, évidemment, ça veut dire que c'est annuel. Ce que vous dites, au fond, c'est qu'un projet comme le vôtre devrait avoir une plus grande permanence en termes de financement.

Le Président (M. Désilets): M. Damien Arsenault.

M. Arsenault (Damien): Oui. Absolument. Je crois que ça serait impensable de pouvoir continuer à avoir une concertation sans avoir une ressource qui agit à titre de rassembleur et, je dirais, qui regroupe un peu, là, l'ensemble des volontés de développement de ce territoire-là.

Je me permettrais de citer que, en rapport avec l'article... la sous-catégorie, là, II.5.2 où vous parlez, dans la révision des régimes, là, de la gestion des ressources à l'échelle locale et où vous faites référence aussi à des projets, des programmes spécifiques, je ne sais pas si le terme est... des programmes particuliers. Je crois que ce qu'on retrouve comme fonctionnement à Habitafor devrait, à mon point de vue, aller directement dans le sens que vous proposez à ces sous-catégories là, sous-sections, excusez. Mais, à mon point de vue, on ne peut pas passer à côté d'un financement permanent de cette concertation-là.

Le Président (M. Désilets): Je vous remercie beaucoup. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. MM. Arsenault et Arsenault, bonjour et bienvenue et merci de votre présentation. Je vous dirais d'entrée de jeu que je suis assez impressionné de votre modèle de forêt habitée que vous avez mis en place, et le ministre aimait, tantôt, faire allusion à la présentation que nous avons eu ce matin de la part du Parti québécois. Je lui dirais à la blague qu'après avoir eu beaucoup de difficultés avec la section environnementale de son parti, le printemps passé, dans le cadre du projet de loi sur la Régie de l'énergie, il semble qu'il va en avoir aussi avec la section forêt habitée Bas-Saint-Laurent.

Et la raison est assez simple, c'est que, quand je compare les deux présentations, eux, ce qu'il nous disaient ce matin, c'est que, un, il faudrait augmenter les redevances sur les ressources naturelles pour réussir à donner de l'argent, les financer, et, deuxièmement, que carrément ça ne pouvait pas se faire, la forêt habitée, sur un même territoire qu'un territoire qui est déjà alloué en vertu d'un CAAF.

Et, si j'ai bien compris ce que, vous, vous nous dites, c'est que, premièrement, au niveau du financement, uniquement en termes de redevances qui sont payées, il y a la marge de manoeuvre pour vous financer. Ça, c'est très clair. Deuxièmement, vous, votre projet est avec des gens qui ont des CAAF, donc vous êtes sur un territoire, vous travaillez conjointement avec ces gens-là. Donc, le modèle que vous proposez peut très bien s'appliquer sans nécessairement avoir à sortir des gens qui présentement utilisent un CAAF, qui font des travaux sur un CAAF.

Moi, ce que j'aimerais entendre de vous, c'est que, dans le cadre du financement comme tel sur les redevances, sur les ressources naturelles, comment on peut arriver et quelle serait la meilleure formule pour faire en sorte que ces redevances-là vous soient allouées? C'est-à-dire de faire en sorte qu'on ne soit pas... Même si on dit: Cette année, il y a des surplus au niveau de l'aménagement qui n'est pas fait, peut-être qu'éventuellement il n'y aurait pas de surplus, il y aurait même des problèmes de ce côté-là. Est-ce qu'on peut y aller avec une formule permanente, où on dirait: Bien, par principe de redevances sur les ressources naturelles, sans les augmenter, il y a un pourcentage qui va aller à l'aménagement sylvicole, comme on le connaît actuellement, et il y aura un pourcentage de réservé pour la forêt habitée? Selon vous, ça, ça serait la voie à privilégier pour vous assurer d'une permanence, je dirais, dans le fonctionnement.

Et ma sous-question à ça, c'est... Quand on voit ce qui a été dit ce matin par le Parti québécois et ce qui est dit par vous, moi, ça m'amène à une question fondamentale: Qui, à un moment donné, quelque part, pourrait dire: Voici, tel projet est viable et tel autre projet de forêt habitée ne l'est pas?

Le Président (M. Désilets): M. Damien Arsenault.

M. Arsenault (Damien): Oui. Bien, la façon de s'y prendre, premièrement, à notre point de vue, est assez simple, c'est que le ministère devrait obliger les bénéficiaires de CAAF à mettre en place une table de concertation et de la financer à même ses redevances. Et quand je dis «obliger», c'est que... C'est sûr que ce qu'on retrouve dans le projet de loi, on parle d'inviter le milieu à participer aux plans généraux et aux plans d'aménagement, mais, par contre, c'est beaucoup plus que ça qu'on fait dans une formule comme Habitafor. Les gens sont tous ensemble à travailler et à développer l'ensemble des potentiels, beaucoup plus que juste un plan d'aménagement qui tient compte de la ressource forestière ou la matière ligneuse.

Dans cette optique-là, on dit que le ministère devrait obliger les bénéficiaires de CAAF à faire une table de concertation impliquant le milieu et, deuxièmement, devrait aussi leur donner le pouvoir de financer ces tables de concertation là à même les redevances. Ce qui n'est pas le cas présentement. C'est sûr qu'indirectement présentement on est financé à même les programmes de mise en valeur, mais par contre ça devrait, dès le départ, être un pouvoir que l'industriel ou le bénéficiaire de CAAF aurait, de financer ces tables de concertation là avec un pourcentage établi, de quoi de raisonnable. On a chiffré, ici, ce que la table de concertation Habitafor pouvait représenter comme coûts, mais il y aurait un travail à faire pour voir si c'est les mêmes coûts qui sont envisageables pour une façon d'exporter ce principe-là.

Le Président (M. Désilets): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

n(17 h 30)n

M. Béchard: Merci, M. le Président. Et, selon vous, en le faisant avec des tables de concertation, est-ce que ça éviterait à quelqu'un, quelque part, de dire: Un projet est valable ou ne l'est pas? Moi, c'est un peu ça, c'est qu'à un moment donné, oui, on peut y aller avec des projets de forêt habitée, mais qu'est-ce qui fait que c'est un bon projet ou que c'est un projet qui n'est pas viable? Et c'est là-dessus que j'aimerais voir. Pour vous, d'après votre expérience, oui, quand la concertation y va, mais est-ce que la concertation est à ce point forte que, dans votre cas, par exemple, elle fait en sorte que les gens à côté ne pensent pas à se partir un autre projet de forêt habitée? Parce que vous êtes l'exemple à suivre, vous êtes déjà là. C'est un peu ça: Qui pourrait valider est-ce qu'un projet de forêt habitée est valable ou ne l'est pas?

Le Président (M. Désilets): M. Damien Arsenault.

M. Arsenault (Damien): Bien, dans le même sens il est certain que le concept de Forêt habitée qu'on développe est l'implication de tous les utilisateurs de la forêt. À partir de quand il y a des tables de concertation qui sont mises en place où on est sûr de faire reconnaître l'implication de l'ensemble des utilisateurs... Moi, je sais en tout cas que, pour le territoire dans lequel on travaille, on dit qu'on est 18 partenaires, et ça regroupe l'ensemble des utilisateurs de ce territoire-là. Il y a des secteurs privés, ça regroupe le Syndicat des producteurs de bois, il y a un OGC, il y a un représentant. Je crois que pour dire qu'un projet est valable il faut s'assurer qu'il y ait une représentativité de l'ensemble des utilisateurs de ce territoire-là.

M. Béchard: O.K. Merci.

M. Arsenault (Réjean): Est-ce que je peux rajouter quelque chose?

Le Président (M. Désilets): Oui, M. Réjean Arsenault, en complément d'information.

M. Arsenault (Réjean): O.K. Moi, dans le même sens évidemment que Damien Arsenault, je dirais que juste le fait que la concertation se fasse, que les utilisateurs s'assoient autour de la même table puis qu'ils se mettent d'accord, qu'il y ait un consensus sur leur propre intervention qui va être faite sur le territoire, c'est déjà un gage que le projet, que la concertation qui se fait, que la réunion de ces gens-là est valable. Si un projet n'est pas efficace, à ce moment-là ça va s'effriter, à ce moment-là ça veut dire que la concertation ne sera pas atteinte. Ça fait que, si la concertation est atteinte... Comme on a fait avec un industriel forestier qui avait à intervenir dans une ancienne réserve forestière, le fait qu'il soit autour de la table de concertation, ça lui a fait changer un peu sa manière d'intervenir pour qu'elle coïncide, pour qu'elle concorde vraiment, pour qu'elle réponde vraiment aux attentes de tous les utilisateurs du territoire forestier, autant récréotouristiques que fauniques, qu'environnementaux. Ça fait que ça, c'est le gage d'une table de concertation efficace, valable.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup.

Pour la prochaine intervention, ça me prendrait l'autorisation des membres de la commission, parce que Mme la députée de Bonaventure n'est plus membre de notre commission.

Mme Normandeau: C'est vrai, j'ai oublié. Oui, effectivement. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Désilets): Alors...

Mme Normandeau: Alors, il y a une hésitation, M. le Président, qui m'inquiète. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Désilets): Ah, oui? Ha, ha, ha!

M. Brassard: Au contraire, on est content de vous revoir. Ha, ha, ha!

Mme Normandeau: Excellent, c'est partagé, c'est réciproque. Alors, M. le Président, vous permettez?

Le Président (M. Désilets): Pour la minute et demie qui nous reste.

Mme Normandeau: Merci. Alors, vous me permettrez de saluer d'une façon particulière, évidemment, MM. Arsenault, Damien et Réjean, pour leur participation. Évidemment, Habitafor et la municipalité de Saint-Elzéar font partie du comté de Bonaventure que je représente.

Il me reste très peu de temps, sinon évidemment de souligner votre participation et de vous remercier pour la commission et également insister sur le fait qu'Habitafor est un concept bien particulier, je pense que vous l'avez fait ressortir de façon importante, 18 partenaires autour d'une table de concertation, il y a évidemment tout le milieu qui s'est mobilisé, hein? Vous avez fait preuve d'un très grand leadership. Et ça se comprend, d'autant plus que Saint-Elzéar a une vocation forestière très, très prononcée. Donc, il y a une sensibilité toute particulière chez vous.

À la page... En fait, il n'y a pas de page, il n'y a pas de numéro de page, à la page 4 de votre mémoire, vous faites référence à la concertation mais également aux objectifs que vous poursuivez, c'est-à-dire aménagement du territoire, meilleure protection de la ressource forestière, meilleure valorisation du territoire forestier régional.

Ma question est toute simple: Qu'est-ce que vous faites, chez vous, qu'on ne fait pas ailleurs, qui fait en sorte qu'on est en mesure de préserver la forêt d'une façon telle qu'on puisse assurer la pérennité de la ressource? Est-ce qu'il y a des pratiques d'aménagement qui se font d'une façon particulière chez vous, qu'on ne fait pas ailleurs?

Et peut-être une sous-question: Est-ce que les baisses d'approvisionnement, qu'on connaît, qu'on va connaître en Gaspésie, vont vous toucher, compte tenu qu'il y a deux partenaires industriels qui sont associés au projet, qui seront touchés par les baisses d'approvisionnement?

Le Président (M. Désilets): Mme la députée de Bonaventure, il reste deux secondes à nos invités pour répondre à vos deux questions. Ha, ha, ha!

M. Arsenault (Damien): Bien, je dois dire que oui, sûrement que ça va toucher nos partenaires. On n'a pas encore eu le détail de tout ça, mais par contre, c'est sûr que ça va affecter ces partenaires-là.

Par contre, si j'ai le temps, au niveau de la première question, ce qu'on fait de particulier, je crois que d'impliquer de façon réelle, puis je tiens à le mentionner, de façon réelle, 18 représentants autour d'une table, je crois que c'est de la vraie concertation, et ça peut déboucher sur des vrais travaux. Exemple, un lot privé qui a été aménagé de façon multiressource, je crois que c'est assez exceptionnel, ce n'est pas des travaux malheureusement qui sont autorisés ou subventionnables avec l'agence. Merci.

Le Président (M. Désilets): Je vous remercie beaucoup.

Mme Normandeau: M. le Président, je demande peut-être le consentement pour laisser à tout le moins M. Damien de compléter sa réponse, également M. Réjean Arsenault.

Une voix: Vous êtes trop dur, M. le Président.

Le Président (M. Désilets): Trop dur?

Mme Normandeau: Vous êtes un peu sévère, M. le Président, effectivement. Ha, ha, ha!

M. Brassard: Consentement.

Le Président (M. Désilets): Ah, avec le consentement, on peut toujours tout faire. Oui, M. Réjean Arsenault, vous pouvez continuer un complément d'information.

Une voix: On va prendre ça sur le temps du député de Gaspé.

M. Arsenault (Réjean): Merci. On est venu de loin, ça fait que vous pouvez nous permettre ça. Moi, je voudrais juste dire que la réussite, si vous voulez, en tout cas, de notre projet, c'est le fait qu'on s'assoie, puis on se parle. Puis aussi, comme je l'avais noté dans la présentation du projet en 1995, à Saint-Elzéar, ça fait 75 ans qu'on habite la forêt, ça fait qu'on vit avec la forêt, on vit par la forêt, puis on vit pour la forêt aussi. C'est ce qui nous amène tant notre qualité de vie qu'on a dans notre coin de pays. Ça fait qu'on sait que la concertation, c'est ce qui va permettre de protéger, de préserver ça, puis de faire durer cet état de choses.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup.

M. Lelièvre: ...

Le Président (M. Désilets): Il vous restait une minute, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Plus une légère prolongation.

Le Président (M. Désilets): Allez-y.

M. Lelièvre: Je vais y aller très rapidement. Bonjour. Je sais, M. Damien Arsenault et vos collaborateurs, vous avez travaillé très fort pour réaliser ce projet au niveau de la concertation, comme maire, vous avez mis énormément d'énergie, c'est dans votre secteur. Vous êtes signataire de la déclaration de Maniwaki, vous l'avez mentionné dès le début de votre intervention. Vous revendiquez plus de pouvoirs, vous demandez, dans le fond, une délégation de pouvoirs pour faire des interventions plus particulières, pouvoirs de gestion également, et vous dites qu'il y a plusieurs possibilités pour vous permettre de bien fonctionner, dont celle de recadrer les droits consentis sur certains territoires visés. Quand on parle des droits consentis, on parle des droits des industriels, j'imagine.

J'aimerais ça, dans le peu de temps que le président va bien vouloir me concéder ou vous concéder pour répondre, que vous nous expliquiez quelle est la nature de ces pouvoirs, comment ça pourrait s'opérationnaliser sur le terrain, et qu'est-ce qui arrive des droits consentis, parce que vous avez des industriels dans votre projet?

Le Président (M. Désilets): M. Damien Arsenault.

M. Arsenault (Damien): Est-ce qu'on fait bien référence à la déclaration de Maniwaki? Je comprends bien ça, M. Lelièvre?

M. Lelièvre: Oui, oui, oui, oui, parce que je pense que ça fait partie intégrante de votre mémoire qui a été déposé. Ha, ha, ha!

M. Arsenault (Damien): Oui, absolument. Mais il faut dire que, à la déclaration de Maniwaki, l'ensemble des projets de forêt habitée ne correspondent pas nécessairement à la démarche d'Habitafor. Mais par respect pour l'ensemble et les principes de forêt habitée, je crois que, le sens de ce qui est dit là-dedans, de redéfinir les droits consentis, dans certains cas on ne pourra pas passer à côté de redéfinir ces droits-là, dans le sens qu'il y a des secteurs où on ne pourra pas passer à côté de ça pour vraiment avoir une gestion multiressource ou intégrée des ressources.

Je crois qu'il faut reconnaître que, lorsqu'il y a un industriel qui possède ces droits-là, c'est très difficile d'impliquer le milieu. Puis je le redis une dernière fois, mais ce n'est pas en impliquant dans le milieu, au sens qu'on le voit dans la révision du régime forestier, à la préparation des plans qu'on va réellement voir une gestion intégrée des ressources. C'est plutôt, en tout cas dans certains cas, dans certaines régions, en redéfinissant ou en réévaluant les droits consentis pour impliquer de façon plus équilibrée le partenariat avec le milieu. C'est dans ce sens-là, à mon point de vue, que va la déclaration.

n(17 h 40)n

Le Président (M. Désilets)): C'est bien. Est-ce que, M. Réjean Arsenault, vous vouliez ajouter quelque chose? Non? C'est beau?

M. Arsenault (Réjean): Bien, moi, je vais tout simplement conclure en remerciant la commission de nous donner l'occasion de venir revendiquer qu'est-ce qu'on a à revendiquer, et on espère que ça va... On se sentait un petit peu mis de côté, entre guillemets, ou orphelin quand on a vu que, les concepts de forêt habitée, il n'y avait rien qui en parlait directement dans le projet de loi n° 136 qui a été déposé. Mais on est conscient aussi que le projet de loi va quand même dans le sens des concepts de forêt habitée en parlant de gestion intégrée des ressources puis de développement des multiressource. Voilà.

Le Président (M. Désilets): O.K. Bien, sur ces paroles j'ajourne sine die la commission. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 42)



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