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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 28 février 2001 - Vol. 36 N° 114

Consultation générale sur le projet de loi n° 182 - Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission de l'économie et du travail va donc poursuivre la consultation générale sur le projet de loi n° 182, Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant d'autres dispositions législatives.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Jutras (Drummond) remplace M. Kieffer (Groulx) et Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

Auditions

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Nous rencontrons ce matin le premier groupe, il s'agit de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Alors, vous êtes Mme Ratté?

Fédération canadienne
de l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Ratté (Sylvie): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, madame, si vous voulez vous présenter, avec votre titre, et tout ça. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour effectuer votre présentation et que par la suite il y aura une période d'échange, autour de 40 minutes, avec les parlementaires.

Mme Ratté (Sylvie): Merci. Donc, je suis Sylvie Ratté, économiste principale à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je tiens à remercier la commission de l'économie et du travail de l'occasion qui est donnée à la Fédération de faire part de ses commentaires sur le projet de réforme du Code du travail.

En guise d'introduction, j'aimerais tout simplement nous présenter davantage et réitérer le fait que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante regroupe plus de 20 000 PME québécoises qui oeuvrent dans tous les secteurs d'activité et qui sont situées sur tout le territoire du Québec.

En ce qui concerne nos réactions au projet de loi n° 182, je vais limiter mes commentaires à trois questions principales, soit les articles 45 et 46, la notion d'entrepreneur dépendant ou de prestataire de services dépendant et finalement la constitution, la structure, en fait, de la Commission des relations du travail.

Dans un premier temps, nous déplorons ? et ça ne sera pas une surprise pour personne ? le fait que, par le biais de l'article 45 du Code du travail, le gouvernement du Québec continue de se distinguer des autres juridictions d'Amérique du Nord en restreignant le recours à la sous-traitance. En agissant de la sorte, le gouvernement perpétue une situation où les entreprises qui sont situées au Québec se retrouvent désavantagées par rapport à leurs concurrents des autres juridictions. Pour les PME du Québec, cette question est primordiale. La sous-traitance constitue une importante source de revenus et a permis la création de plusieurs d'entre elles.

À cet égard, une étude réalisée par un chercheur des HEC révélait que 72 % des PME du Québec dans les secteurs manufacturier, du transport et de certains sous-secteurs des services avaient été créées suite à l'obtention d'un contrat de sous-traitance et maintenaient un niveau d'activité adéquat à cause de l'accès qu'elles avaient à l'impartition. Cette étude faisait aussi état des effets positifs de la sous-traitance en ce qui concerne la croissance du chiffre d'affaires des PME de ces secteurs et du nombre de leurs employés. Et, comme l'émergence de nouvelles PME est la principale source de création d'emplois au Québec, on ne doit pas sous-estimer les effets positifs de l'impartition.

Toutefois, nous reconnaissons que la modification apportée à l'article 46 ajoute une certaine flexibilité quant au recours à la sous-traitance. Par contre, nous sommes d'avis que cette modification a une portée beaucoup trop limitée. En effet, dans un premier temps, nous voyons mal quel serait l'intérêt de la partie syndicale à négocier une clause permettant la sous-traitance même si cela n'avait pas d'effets négatifs sur le niveau d'emploi au sein de l'entreprise, parce que, en agissant de la sorte, un syndicat se prive d'une augmentation possible du nombre de ses adhérents, ce qui va tout à fait à l'encontre de ses intérêts. De plus, même si la partie syndicale était prête à considérer une telle avenue, ce ne sont que les entreprises en croissance qui pourraient se permettre de s'engager à respecter une clause voulant que la sous-traitance n'ait aucun impact sur le nombre de leurs employés.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que constater que la position prise par le gouvernement fait état d'une conception étroite des effets de la sous-traitance sur le marché de l'emploi. Cette position ne tient pas compte que l'impact sur les emplois au sein de l'entreprise ayant recours à l'impartition prend très peu en considération les effets de ce réaménagement du processus de production sur la création de nouvelles entreprises et, par conséquent, sur la croissance de l'emploi dans son ensemble. Donc, on ne s'attarde qu'à l'effet sur une entreprise en particulier, mais on ne tient pas compte des effets sur l'ensemble de l'économie.

De plus, le Code du travail actuel impose aux sous-traitants des contraintes qui rendent la réalisation du contrat impraticable et leur fait subir des pertes de revenus importantes. Nous ne surprendrons donc personne en recommandant que le gouvernement suive les recommandations du rapport Mireault et modifie l'article 45 afin d'exclure la sous-traitance de sa portée.

Le deuxième aspect que nous voulons soulever est celui de l'élargissement de la définition de «salarié»par l'introduction de la notion d'«entrepreneur» ou de «prestataire de services dépendant». Nous devons admettre que nous accueillons cette modification avec beaucoup d'appréhension. Contrairement à ce qui est prétendu, c'est-à-dire que cette modification n'a pour but que de codifier la jurisprudence actuelle, nous craignons que de véritables travailleurs autonomes soient désormais assimilés à des salariés.

En effet, l'état actuel du droit permet très bien de départager les travailleurs autonomes des salariés et d'assimiler les faux travailleurs autonomes à des salariés, finalement. Pour ce faire, des critères sont actuellement utilisés, tels que la propriété des outils ou la responsabilité de pertes ou de profits, et on examine toujours ces critères en conjonction les uns avec les autres. En introduisant la notion d'«entrepreneur dépendant» dans la définition de «salarié», on se trouve à accorder un poids supérieur à cette notion par rapport aux autres et, en agissant de la sorte, on risque fort d'inclure dans le giron de salariés de véritables travailleurs autonomes qui se trouvent en état de dépendance économique, soit parce qu'ils débutent leurs activités, soit de façon circonstancielle, pour une année donnée, par exemple.

Pire encore, si on se fie à ce qui se passe ailleurs, notamment sous le Code canadien du travail, l'introduction de la notion d'«entrepreneur dépendant» pourrait faire en sorte qu'une convention collective soit étendue non seulement au travailleur autonome agissant seul, mais aussi à l'employé de ce dernier. Plutôt que de vouloir s'inspirer de ce qui se fait ailleurs, on pourrait tout simplement se préoccuper de savoir si le Code actuel remplit bien son rôle. Et, à notre avis, il le fait.

n (9 h 40) n

La modification proposée est non seulement problématique du point de vue d'une association d'entrepreneurs comme la nôtre, mais aussi selon les travailleurs autonomes en situation de dépendance économique, donc aussi selon les principaux concernés. En effet, c'est ce que révèle une enquête Léger Marketing qui a été menée l'été dernier, puisque 88 % des travailleurs autonomes en situation de dépendance qui ont répondu à cette enquête se disent en désaccord avec l'intention du gouvernement. Nous recommandons à celui-ci de ne pas modifier la définition actuelle de «salarié», car cela risque d'avoir un effet indésirable en ayant une portée plus large que celle qui existe actuellement.

Le dernier sujet que nous aimerions aborder est celui de la nouvelle Commission des relations de travail et nous aimerions vous faire part des préoccupations que nous avons à l'égard de sa structure. Tel que nous le comprenons, la Commission donnera beaucoup plus de pouvoirs à chaque commissaire mais limitera de façon substantielle les possibilités d'appel. C'est simplifié à l'extrême, mais c'est un petit peu la conception qui se dégage de la nouvelle Commission des relations du travail. Nous croyons qu'une telle approche risque de faire en sorte que chaque partie, qu'elle soit issue du milieu syndical ou patronal, se retrouve à la merci d'un commissaire sans possibilité véritable de faire valoir son point de vue.

Le Tribunal du travail, que l'on se propose d'abolir, a pour rôle de recevoir les appels et de trancher sur les questions qui sont souvent les plus complexes. En agissant de la sorte, le Tribunal assure une certaine certitude du droit. Nous pouvons facilement anticiper que le nouvel article 46 et la nouvelle définition de «salarié» pourront poser certains problèmes d'interprétation, et, sans la possibilité d'être entendu par un tribunal, nous nous inquiétons de la façon dont ces questions seront traitées.

Nous recommandons donc que la Commission ait un fonctionnement similaire aux autres commissions du travail au Canada et qu'un banc, composé d'un président ? du président, en fait, souvent un juriste ? d'un représentant du monde syndical et d'un représentant du monde patronal, devrait être constitué lorsque la Commission fait face à des questions plus litigieuses. Il ne s'agit pas d'une solution parfaite, mais elle aurait pour avantage d'inspirer davantage confiance aux parties et d'assurer une plus grande impartialité et une uniformité sur les questions de droit.

En conclusion, la FCEI est d'avis que le projet de modification du Code du travail comporte plusieurs éléments préoccupants pour les dirigeants de PME et les travailleurs autonomes du Québec. Nous osons espérer que nos commentaires concernant la sous-traitance, la définition de «salarié» et le fonctionnement de la Commission n'auront pas été faits en vain et qu'ils serviront à réajuster le tir afin d'éviter d'accentuer une tendance déjà très présente voulant que la réglementation du travail pèse plus lourdement au Québec qu'ailleurs. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme Ratté. Pour débuter la période d'échanges, je cède donc la parole à Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, merci, Mme la Présidente. Mme Ratté, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je voudrais aborder... Mme la Présidente, rappelez à mon sous-ministre qu'il doit fermer son téléphone cellulaire.

Une voix: Excusez-moi, madame, je ne savais pas qu'il était ouvert.

Mme Lemieux: C'est un excellent sous-ministre, par ailleurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vais en profiter de toute façon pour faire le rappel à ceux qui sont présents. S'il y en a qui ont des appareils cellulaires, je vous demanderais de les fermer, s'il vous plaît. Alors, vous pouvez poursuivre.

Une voix: Excusez-moi!

Mme Lemieux: Je crois qu'il est aussi rouge que cette salle, Mme la Présidente.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lemieux: Alors, Mme Ratté, je voudrais aborder deux, trois éléments. Le premier, vous dites que certaines pistes qui sont proposées dans l'article 46 sont intéressantes. Je crois comprendre, donc, que vous reconnaissez qu'il y ait des ententes autour de la sous-traitance, ça peut être intéressant. Mais vous posez la question: Quel est l'intérêt pour les syndicats de se mettre à la table de négociations et de discuter avec l'entreprise dans laquelle ils oeuvrent de modalités permettant un plus grand accès à la sous-traitance? Si je vous dis que, puisque...

Parce qu'il y a deux éléments dans l'article 46. Je pense que vous l'avez compris, là, il y a deux changements importants qui sont proposés à l'article 46. Le premier concerne, j'appelle ça, moi, la gestion du changement, c'est-à-dire, si on se retrouve dans une organisation du travail, par exemple, fusionnée, où il y a un flot de nouveaux travailleurs qui arrivent avec leur histoire, leur bagage et leur convention collective, faisant en sorte qu'il y a des problèmes d'agencement. Plusieurs unités d'accréditation, par exemple, pour représenter des salariés qui font le même type de travail, ça peut poser des problèmes d'agencement, ou alors des conventions collectives qui statuent sur un certain nombre de questions et puis ce n'est pas agencé. Par exemple, pour le personnel de l'entreprise, un système de reconnaissance de l'ancienneté dans la convention A et un autre genre de système de reconnaissance d'ancienneté dans la convention B, ça peut créer des problèmes en termes d'organisation de travail. Alors, l'article 46 prévoit donc une mécanique permettant à un commissaire de gérer ces superpositions d'unités d'accréditation et de conventions collectives adéquatement et intelligemment. Et le deuxième aspect, vous l'avez souligné, il peut arriver, donc, que nous donnions une valeur à une convention collective négociée, dûment négociée, qui comporte des dispositions au sujet de la concession d'entreprise.

Alors, je reviens donc à mon point de départ. Vous dites: Quel serait l'intérêt des syndicats? Les syndicats me disent la même chose, ils me disent un peu la même chose: Quel serait l'intérêt des patrons à négocier des modalités au sujet de la sous-traitance? Si je vous dis qu'il se pourrait qu'avec ces nouvelles dispositions les syndicats ne puissent plus compter sur un résultat prédéterminé, dit autrement, ils ne peuvent plus se dire: Bon, 45 s'appliquera, alors on n'a pas d'intérêt à négocier, est-ce que vous ne pensez pas que ça peut changer la dynamique?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): Comme je l'ai mentionné tantôt, ça ajoute une certaine flexibilité. Mais la difficulté qu'on a avec ça, c'est que la portée de ce paragraphe supplémentaire de l'article 46 est trop limitée, à notre point de vue. Vous venez de mentionner que les syndicats se demandent quel va être l'intérêt des patrons, de la partie patronale de négocier une clause sur la sous-traitance, qui dispose des conséquences de la sous-traitance. Nous, on se pose la question: Quel va être l'intérêt de la partie syndicale? C'est donc dire qu'il n'y a peut-être pas un intérêt très grand de part et d'autre, ce qui vient appuyer le fait que ça va avoir une portée qui est limitée. Comme je le disais, du point de vue patronal, par exemple, une entreprise qui fait face à une situation de croissance peut s'engager plus facilement peut-être dans cette voie-là, mais ce ne sont pas toutes les entreprises qui font face à ces conditions-là, et ce n'est pas dans toutes les circonstances économiques non plus.

Donc, à notre avis, Mme la ministre, vous n'allez pas assez loin. Et on est tout à fait en désaccord avec l'interprétation et les conclusions que Mireault tirait dans son rapport, c'est-à-dire que, dans un cas de sous-traitance ou d'impartition, une convention collective n'a pas à se retrouver de donneur d'ouvrage à son sous-traitant. Et, comme je le mentionnais tantôt, c'est tout à fait impraticable aussi du point de vue du sous-traitant.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Oui, Mme la Présidente. Vous abordez, à la page 18, une question très technique, très pratique, mais je voudrais l'aborder avez vous, parce que, bon, ça fait quelques groupes qu'on entend et il y a peu de gens qui nous ont fait des remarques sur le processus suivant la requête en accréditation. Vous dites que jusqu'à maintenant, lorsqu'une requête en accréditation était formulée, c'était le Bureau du commissaire général du travail qui en avisait l'employeur. Nous avons proposé un certain nombre de modifications à ce sujet-là qu'on est en train de réexaminer. On veut effectivement être sûrs que tout le processus est vraiment correct, adéquat et qu'il répond aux objectifs qu'on s'est donnés. Et là vous faites une remarque ? le troisième paragraphe ? en disant... Parce que là on porte le poids sur le futur syndicat à transmettre une copie de sa requête à l'employeur, et vous dites que ça pourrait poser un certain nombres de problèmes. J'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté

n (9 h 50) n

Mme Ratté (Sylvie): Oui. En fait, c'est une modification qui a été apportée à l'article 25 qui vise à accélérer le processus d'accréditation, si je comprends bien, et avec laquelle, nous, on a des difficultés. On n'a pas des difficultés majeures avec cette disposition-là, sauf qu'on trouve que faire porter la responsabilité d'aviser l'employeur du dépôt d'une requête en accréditation à la partie syndicale, ça va peut-être faire en sorte qu'on n'alertera pas suffisamment ou convenablement l'employeur de ses responsabilités vis-à-vis l'accréditation. Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on préférerait grandement que le mode de fonctionnement actuel finalement soit préservé.

Mme Lemieux: Je retiens cette remarque-là, je pense qu'elle est très pertinente. Je vais la réexaminer. Pour l'instant, moi, je vais arrêter, à ce moment-ci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, Mme la Présidente. D'abord, moi aussi, je voudrais vous souhaiter la bienvenue. Merci d'être ici, merci aussi pour votre mémoire. J'ai quelques commentaires et questions. La première porte toujours sur l'article 46. Vous parlez d'une portée très limitée, à cet article-là. Vous dites: «Seulement les entreprises en croissance pourront vraiment bénéficier...» En tout cas, c'est votre opinion, et je la respecte. Et aussi vous ne voyez pas l'intérêt des syndicats de s'asseoir et de négocier de telles clauses de sous-traitance. Et, en conséquence, vous recommandez de laisser tomber, j'imagine... Je ne suis pas sûr que j'interprète vos paroles. Est-ce que vous recommandez de laisser tomber les modifications à 46 à ce sujet-là et d'inclure à l'article 45 une clause qui permettrait à l'ensemble des entreprises québécoises de pouvoir faire de la sous-traitance de fonctions, par exemple?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): Notre recommandation vise ? la deuxième partie, là, de votre intervention ? que l'article 45 soit modifié de façon à spécifier plus clairement le fait que la transmission partielle de l'entreprise ne s'applique pas dans des cas de sous-traitance. Et on pourrait même ajouter une exception à ce genre de situation là dans un contexte où un entrepreneur vise à faire de la sous-traitance de façon à se départir de son syndicat ou de façon mal intentionnée, en fait. Mais, de notre point de vue, il est très clair que le Code du travail du Québec doit s'harmoniser avec les autres juridictions de travail en Amérique du Nord et ne pas limiter la sous-traitance, que ça soit dans des cas de la sous-traitance de la production ou la sous-traitance d'activités périphériques, par exemple, les services informatiques, les services d'entretien, on sait que c'est assez répandu. Et, dans l'état actuel des choses, en fait, la pire des situations serait qu'à la fois on ne modifie pas l'article 45 et on se départisse de l'assouplissement qui a été introduit dans l'article 46.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, madame. La deuxième question que je voudrais vous poser, c'est au sujet de la vente en justice. Parmi les intervenants, à date, vous êtes probablement celui qui a touché le plus à ce concept de la vente en justice, qui est maintenant introduit dans la loi et qui n'existait pas dans la loi précédente. Pourriez-vous nous expliquer quelles seraient les conséquences d'inclure justement cette clause de l'accréditation qui se poursuivrait dans le cas de vente en justice, contrairement à ce qui est le cas présentement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): En fait, actuellement, on exclut des situations de vente en justice. Et là, en se proposant d'enlever ce bout de phrase là, un employeur qui voudrait reprendre l'entreprise qui a fait faillite finalement peut se retrouver dans une situation où l'accréditation syndicale doit suivre, ce qui n'est pas le cas actuellement, ce qui deviendrait le cas si la modification à l'article 45 est maintenue. Et ce qu'on dit à ce sujet-là, c'est que cette contrainte supplémentaire là pourrait nuire aux possibilités de redémarrage d'une entreprise. Donc, il faut faire bien attention si on décide d'enlever cette partie de l'article 45 parce que ça pourrait nuire à l'activité économique dans une région donnée.

Si on pense, au Québec, par exemple, à des régions où le niveau d'activité économique est relativement faible, en Gaspésie, par exemple, ou ailleurs, il s'agit d'une contrainte supplémentaire finalement au redémarrage d'une entreprise qui a fait faillite. Donc, à notre avis, cette modification-là va au détriment du développement économique de ces régions-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci. En d'autres mots, Mme Ratté, vous êtes en train de nous dire que finalement, ultimement, il serait peut-être mieux de considérer une entreprise sans accréditation syndicale qui redémarrait, plutôt qu'une entreprise avec accréditation syndicale mais qui serait malheureusement fermée. C'est ça que vous êtes en train de nous dire.

Mme Ratté (Sylvie): Tout à fait.

M. Tranchemontagne: Parfait. Je vous remercie. Dernière question, au niveau de la Commission, vous vous inquiétez évidemment du banc de la Commission, vous recommandez un banc de trois personnes, un président, un représentant patronal et un représentant syndical, afin d'assurer une certaine impartialité, une certaine crédibilité. J'en suis, je n'ai pas de problème avec ça, bien au contraire. Par contre, vous effleurez seulement le sujet de l'appel au tout début de votre mémoire. Vous l'effleurez en disant... Bon. Vous vous en servez pour soutenir un banc plutôt, d'autant plus que, vous dites, il n'y a pas d'appel possible à partir des décisions de cette nouvelle commission. Alors, est-ce que vous avez une opinion au sujet justement du non-appel des décisions de la Commission, indépendamment de votre autre recommandation?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): Bien, en fait, notre perception de la structure de la Commission actuelle est telle qu'on croit que chacune des parties, que ce soit la partie syndicale ou patronale, sera un petit peu à la merci de l'opinion d'un seul commissaire. Donc, si on fait partie de la partie patronale et que le commissaire est plutôt un sympathisant patronal, évidemment je pense qu'il n'y a peut-être pas beaucoup de problèmes là. Mais, si ce n'est pas le cas et qu'il n'y a pas de possibilité de faire d'appel, donc que la cause soit entendue une deuxième fois de façon peut-être un peu plus impartiale... C'est pour ça qu'on recommande un banc de trois personnes. On considère que les possibilités de se faire entendre sont vraiment très limitées. Et, pour nous, c'est une question qui est assez problématique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Mont-Royal, vous avez d'autres questions?

M. Tranchemontagne: Merci, encore une fois. Peut-être une dernière question, toujours sur la Commission. Ce n'est pas très clair dans votre mémoire, je trouve, l'étendue des pouvoirs de la Commission. Par exemple, une commission qui peut intervenir en tout temps pour désigner une personne pour favoriser l'établissement ou le maintien de relations harmonieuses entre un employeur et ses salariés ou encore l'association qui les représente, à titre d'exemple, c'est un pouvoir quand même très vaste, énorme que la Commission aurait. Est-ce que vous n'avez pas certaines inquiétudes de ce côté?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): Oui, on a certaines inquiétudes. On ne l'a pas vraiment exprimée. Mais, en fait, l'inquiétude qu'on a, c'est que ça nous apparaît très flou. Comme je le disais tantôt, c'est qu'on accorde énormément de pouvoir à un seul commissaire sans vraiment baliser ce pouvoir-là, et donc, encore une fois, les parties se retrouvent un petit peu à la merci d'un seul commissaire. Et c'est une situation qu'on juge inquiétante.

M. Tranchemontagne: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame. Je voudrais revenir sur la notion de travailleur indépendant et travailleur dépendant. Dans votre mémoire, vous soulignez que vous avez fait des sondages, et c'est des très forts pourcentages, 87 %, qui ont choisi cette voie-là. Mais, lorsque vous demandez à ceux qui sont dépendants qui se considèrent comme des entrepreneurs, effectivement je pense qu'il se considèrent... À partir du moment où ils sont obligés de gagner leur vie puis qu'ils dépendent de quelqu'un, ils sont des entrepreneurs au sens qu'on connaît. Mais, lorsqu'on se retrouve devant des situations où un entrepreneur, que ce soit dans le domaine de la forêt ou autre, décide de modifier son organisation puis, un bon matin, il dit à ceux qui font la récolte de la forêt: Dorénavant, ce sera des entrepreneurs indépendants, vous allez devenir des entrepreneurs indépendants, mais qu'on les retrouve sur la liste de paye de l'entreprise, que les salariés qui travaillent pour cet entrepreneur indépendant également se retrouvent sur la liste de paye et qu'au bout du compte on découvre que, dans le fond, l'entreprise a fait cette démarche-là uniquement pour faire des économies au niveau de la CSST, pour transférer le fardeau sur ces petits entrepreneurs ou ces nouveaux entrepreneurs...

n (10 heures) n

J'essaie bien de saisir parce que... toujours la portée de la demande au niveau des travailleurs dépendants vis-à-vis des vrais travailleurs autonomes. J'en connais plusieurs dans mon comté. Ils n'ont pas toujours choisi de le faire parce que l'entreprise décidait un bon matin: Bon, bien, maintenant, vous allez être à la pige, vous allez faire d'autre chose. Dans vos sondages ou dans vos membres ? je ne sais pas si vous les regroupez tous ? j'aimerais savoir si vous avez des opinions sur l'état de la situation économique de ces gens-là. Est-ce que, par exemple, il y a eu une baisse considérable des conditions de travail par rapport à ce qu'ils avaient antérieurement? Est-ce que vous avez sondé là-dessus, sur les nouveaux entrepreneurs, ceux que vous dites qui sont devenus des travailleurs dépendants puis qui se considèrent comme des entrepreneurs?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): On a fait beaucoup d'enquêtes sur cette question-là, c'est un sujet qu'on a assez bien étudié, je dirais, et on a aussi fait une revue de la littérature qui existe, visant à étudier le phénomène du travailleur autonome. Il y a des situations effectivement où les travailleurs autonomes ne se retrouvent pas dans cette situation-là par choix, mais, ce qu'on s'est rendu compte en faisant des enquêtes ? soit par le biais de sondages, on a fait deux sondages: un en 1997, un l'été dernier ? c'est que c'est une situation qui est très minoritaire. Contrairement à ce qu'on véhicule dans le domaine public, là, de façon générale, la grosse majorité des gens qui sont travailleurs autonomes aujourd'hui le sont devenus par choix, par désir d'être plus autonomes justement, d'être son propre patron, d'avoir plus de flexibilité aussi, de créer quelque chose et, dans le cas de certains aussi, d'améliorer leurs conditions de travail, leurs conditions financières, parce qu'il faut comprendre que les travailleurs autonomes aussi ont des avantages fiscaux que les salariés n'ont pas.

Et notre compréhension du Code du travail actuel est que le Code du travail réussit très bien à distinguer les faux travailleurs autonomes des vrais travailleurs autonomes et permet, dans des situations comme celle que vous venez de décrire ? de camionneurs dans le secteur forestier... pas de camionneurs mais plutôt de travailleurs forestiers qu'on oblige finalement à devenir travailleurs autonomes ? de questionner cette réalité-là et peut-être, après un examen approfondi, de les considérer comme des salariés. Si ces gens-là changent de statut mais que leur condition de travail est toujours la même, c'est-à-dire que le travail est contrôlé complètement par un donneur d'ouvrage, qu'ils n'ont pas vraiment de possibilités de pertes ou de profits supplémentaires, les risques de pertes et de profits ne sont pas nécessairement sur les épaules du travailleur autonome, on va considérer ces gens-là comme des salariés.

Et, à cet égard-là, je pense qu'il faut distinguer deux choses, c'est-à-dire ceux qui sont travailleurs autonomes en exclusivité, par choix, et ceux qui ne sont pas dans cette situation-là par choix. Et nos enquêtes démontrent que la très grande majorité des travailleurs autonomes ont choisi de le devenir. Donc, dans le cas de dépendance économique, par exemple, dans le cas de la notion d'«entrepreneur dépendant» et de dépendance économique, on trouve ça dangereux d'accorder un poids supplémentaire à cette notion-là par rapport aux autres que je viens de décrire, les possibilités de pertes et de profits, et tout ça, parce qu'on pourrait considérer comme des salariés des gens qui ont choisi, pour une période donnée, de faire affaire tout simplement avec un seul donneur d'ouvrage. On est conscients que cette notion-là puisse englober ceux qui n'ont pas choisi de devenir travailleurs autonomes, mais le risque d'englober d'autres travailleurs autonomes, qui, eux, ont fait ce choix-là volontairement, est présent. Et c'est là toute notre inquiétude.

D'une part, parce que ça va à l'encontre de leur volonté, mais ensuite parce que les enquêtes qu'on a faites démontrent que ces gens-là se considèrent comme des entrepreneurs, et le travail autonome est un embryon d'entrepreneurship aussi. Ce n'est pas tout le monde qui va élargir ses activités, engager de nouvelles personnes et fonder une véritable entreprise, mais il y a une proportion importante des travailleurs autonomes qui va le faire, et, en modifiant le Code du travail, on tue dans l'oeuf des possibilités nouvelles d'entrepreneurship.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va, M. le député de Gaspé, ou si vous avez de quoi à ajouter?

M. Lelièvre: Oui. Bien, je vais donner la chance à mon collègue de Maskinongé de poser des questions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non, il reste encore un peu de temps.

M. Lelièvre: S'il reste du temps, je reviendrai peut-être, Mme la Présidente, à la fin. S'il reste peut-être du temps.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Ratté, merci beaucoup pour le mémoire fort intéressant, je l'ai lu avec grand intérêt et je reconnais dans ce mémoire la qualité professionnelle de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. On va rester sur le même sujet, celui des travailleurs autonomes. Je sais que c'est un dossier sur lequel, la Fédération, vous avez travaillé beaucoup, que vous avez fait des sondages, des études et également beaucoup de recherches.

Hier, on a abordé aussi cette question-là avec d'autres groupes. Dans votre mémoire, il transparaît que le phénomène des travailleurs autonomes à l'origine est apparu suite à une difficulté d'accéder au marché du travail, dans une situation de difficulté économique. Mais vous dites aussi que, même dans une situation où l'économie marche bien, le travail autonome continue son évolution. D'autres nous ont dit que c'est un phénomène qui est propre à une crise économique ou à une récession économique. Est-ce que vous pouvez peut-être nous éclairer sur cette situation particulièrement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): En fait, il y a deux thèses qui se confrontent à l'égard du travail autonome, ce qui nous amenés, nous, à faire des enquêtes, à faire une revue de la littérature. Si on regarde la littérature scientifique qui émerge de Statistique Canada, qui est un organisme qui ne peut pas être jugé vraiment partial mais plutôt un organisme indépendant, neutre en fait, Statistique Canada a fait des études longitudinales, sur une période de 20 ans, et a regardé l'évolution du phénomène de travail autonome en relation avec l'évolution du contexte économique, du cycle économique, des périodes de récession ou des périodes de croissance, et a démontré qu'il n'y avait aucune relation entre ces deux phénomènes.

Donc, les périodes de récession, les périodes où on a une hausse du taux de chômage finalement, ne sont pas des périodes où on a une hausse dramatique du travail autonome. À l'inverse, dans des périodes de croissance, on ne connaît pas non plus un phénomène chez les travailleurs autonomes... on ne connaît pas nécessairement une baisse du phénomène du travailleur autonome. Donc, il n'y a pas de lien entre ces deux éléments d'une part. C'est ce que Statistique Canada statuait.

L'autre élément qui était assez intéressant, qui origine de trois études réalisées par Statistique Canada, c'est qu'ils attribuent le développement accéléré du travail autonome à quatre causes principales. D'une part, le vieillissement de la population. On observe chez les travailleurs autonomes que très souvent c'est une voie vers une deuxième carrière. Les gens vont acquérir de l'expérience sur le marché du travail comme ça arrive, vont progressé, et à un moment donné ils vont décider de travailler à leur propre compte, ils vont trouver ça très avantageux et ils vont offrir des services de cette façon-là.

Un autre élément qui facilite le travail autonome, c'est le progrès technologique aussi. C'est beaucoup plus facile maintenant de travailler à la maison, d'avoir son propre ordinateur. Dans une économie de service aussi, c'est d'autant plus facile. Donc, ça, c'est le troisième élément, le fait que l'économie s'est développée davantage dans le secteur des services.

Et le dernier élément aussi qui explique le développement du travail autonome, c'est l'accroissement des taxes sur la masse salariale. La fiscalité actuelle désavantage... agit comme un désincitatif plutôt à la création de positions de salariés et incite finalement au développement du travail autonome du fait qu'on a des avantages au niveau de l'impôt importants: on peut déduire nos dépenses. Donc, dans certains cas, c'est beaucoup plus profitable d'être travailleur autonome que d'être salarié.

Donc, c'est quatre éléments principaux qui font en sorte qu'on a assisté à une émergence là ou une croissance importante du nombre de travailleurs autonomes et ce n'est pas nécessairement... en fait, il n'y a pas de lien direct entre cette croissance-là et les périodes de hausse du chômage où c'est plus difficile de se trouver un emploi salarié.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui, merci, Mme la Présidente. Est-ce que vous voyez un lien entre la croissance du travailleur autonome et la croissance du phénomène de la sous-traitance?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté.

n (10 h 10) n

Mme Ratté (Sylvie): Je crois qu'il y a un lien à faire d'une certaine façon. La sous-traitance est utilisée pour accroître la flexibilité de l'entreprise, pour lui permettre de s'ajuster plus rapidement aux changements économiques, lui permettre d'avoir accès à des compétences supérieures aussi, des technologies plus avancées, un savoir-faire qui est supérieur dans certains cas. Et le travail autonome peut aussi être utilisé de cette façon-là. Pour une entreprise, avoir recours à des travailleurs autonomes lui permet aussi d'avoir accès à des travailleurs des fois un peu plus spécialisés, à faire face à une demande, à une période de pointe. Donc, il y a un parallèle à faire, oui, probablement, entre ces deux phénomènes-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui. Sur la question des faux travailleurs autonomes, parce qu'on en a entendu parler, puis un peu une des raisons pourquoi le projet de loi n° 182 veut cerner cette problématique des travailleurs autonomes, c'est présumément parce qu'il y a un problème avec les faux travailleurs autonomes. À votre connaissance, est-ce que ce phénomène-là est cerné chez vous? Est-ce qu'on a une idée de ce que ça représente, les faux travailleurs autonomes par rapport aux vrais travailleurs autonomes? Vous l'avez dit vous-même tantôt, des fois, l'entreprise, pour des raisons de recherche de flexibilité, de diminution des coûts aussi, des avantages sociaux afférents liés au salaire, on va probablement détourner les choses et puis créer de faux travailleurs autonomes. Mais ça représente quoi ce phénomène? Est-ce que c'est un phénomène très problématique, très endémique? Est-ce que c'est une tendance en croissance ou est-ce que c'est un phénomène marginal?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): D'après les enquêtes qu'on a menées, il s'agit d'un phénomène qui est vraiment minoritaire. La première enquête qu'on a faite, en 1997, démontrait qu'il y a 87 % des travailleurs autonomes qui ont choisi cette voie-là, ce qui veut dire qu'il y a environ 13 % des travailleurs autonomes qui n'ont pas choisi mais qui le sont devenus un peu par dépit. On peut penser que peut-être la majorité d'entre eux ne sont pas nécessairement contents de leur sort, mais c'est une découverte qui fait contrepoids à ce qui est véhiculé plus couramment, que finalement l'ensemble des travailleurs autonomes sont des gens qui rêvent à un paradis perdu, celui du salariat, finalement. Selon notre compréhension, ce n'est pas du tout la réalité.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Même dans le 13 % de travailleurs autonomes qui n'ont pas choisi de l'être, on ne peut pas nécessairement conclure que c'est des faux travailleurs autonomes parce que certaines personnes pourraient avoir perdu leur emploi; donc, elles cherchent une façon de gagner leur vie et elles optent pour le statut de travailleur autonome, dépendamment de comment ça va tourner. Parce que, des fois, on commence très petit avec pas de salaire, parfois avec un petit salaire, et, si ça marche, bien, la personne va se confirmer dans son statut de travailleur autonome. On ne peut pas déduire des statistiques que vous nous avez données, à l'effet que 87 % des travailleurs autonomes le sont par choix, donc l'autre 13 %, c'est par contrainte, mais cette contrainte-là, ça peut être une contrainte économique, ça peut être une façon de se repositionner sur le marché du travail mais pas nécessairement une façon de détourner les lois puis de se constituer faux travailleur autonome.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): Je crois que vous avez raison. On ne peut pas déduire que ces gens-là sont des faux travailleurs autonomes, mais, en fait, ce n'est certainement pas des gens qui sont là par choix non plus.

Mme Houda-Pepin: Alors, en terminant, Mme la Présidente, si je comprends bien votre analyse et si, en partant, il y a 13 % de travailleurs autonomes qui optent pour ce statut-là sans l'avoir choisi, mais qu'à l'intérieur de ce 13 % ils ne sont pas tous des travailleurs autonomes, est-ce qu'on est justifié comme législateurs de vouloir encadrer un champ d'application du travail qui est relativement marginal?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): Notre point de vue, en tout cas, ce n'est pas par le biais du Code du travail qu'on doit intervenir auprès des travailleurs autonomes qui n'ont pas nécessairement choisi cette situation-là, il y a d'autres moyens indirects qui peuvent permettre peut-être à ces gens-là de faire le pont vers des emplois salariés plus stables; par exemple, des programmes de perfectionnement. Il se peut que, parmi ce 13 % là, on retrouve des gens qui ont besoin d'un nivellement de leurs compétences pour accéder aux postes qu'ils désirent, à certains postes. Donc, à notre avis, il y a d'autres façons d'aider les travailleurs autonomes, qui ne se retrouvent pas dans cette situation-là par choix, que par le biais du Code du travail à cause des dangers de glissement qui existent, principalement par l'introduction de la notion d'«entrepreneur dépendant».

Mme Houda-Pepin: En terminant...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, très rapidement. Il reste une minute.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Est-ce que le phénomène du travail autonome, selon vous, dans notre culture québécoise, c'est quelque chose qui va s'accroître? Est-ce qu'il y a des indices qui vous indiquent que c'est un phénomène qui va devenir pratiquement la norme, si ça continue à cette tendance-là, ou est-ce que c'est quelque chose qui pourrait éventuellement décliner, bien que vous ayez fait référence tantôt au vieillissement de la population qui amène des personnes à sortir assez jeunes, même si on parle de vieillissement, du marché du travail avec une bonne expérience et qu'ils convertissent cette expérience-là sous forme de travail autonome?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Ratté, en 30 secondes, est-ce que vous êtes capable de répondre à cette question?

Mme Ratté (Sylvie): C'est difficile de faire des prévisions à cet égard-là. Je pense que, depuis quelques années, le pourcentage de travailleurs autonomes stagne à à peu près 15 % de la population active. Si le vieillissement de la population est un des facteurs qui agit comme incitatif au développement du travailleur autonome et que ce secteur-là s'accroît, possiblement qu'il va y avoir une augmentation du phénomène.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme Ratté. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Brièvement, vous avez mentionné à quelques occasions que, pour vous, l'harmonisation avec les lois canadiennes ou avec les Américains, dans le sens versus le Code du travail, ça serait quasiment l'idéal. Mais on comprend qu'il faut essayer d'améliorer le contexte économique pour que ça soit plus rapide, mais on veut aussi protéger les travailleurs, à ce niveau-là. C'était juste un petit commentaire dans le sens qu'on essaie de travailler pour améliorer les lois, mais pour aussi que ça soit rapide pour les entrepreneurs, mais également en protégeant aussi les droits des travailleurs au maximum dans ce contexte-là.

Une question que j'aimerais vous poser. Vous en avez parlé durant votre présentation tantôt, vous disiez que le gouvernement du Québec s'occupe plus de l'entrepreneur comme s'il avait une vision de l'entreprise mais qu'il n'avait pas de vision globale, de l'ensemble. J'aimerais vous entendre là-dessus, quelle est votre perception ou qu'est-ce que vous voulez dire au juste.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté.

Mme Ratté (Sylvie): Ce que je voulais dire par là, c'est que, dans le fond, en s'obstinant à ne pas vouloir changer l'article 45 et ne pas permettre autant de flexibilité qu'ailleurs à des entreprises qui veulent faire de la sous-traitance, c'est considérer l'emploi dans le cadre étroit de l'entreprise, de la grande entreprise syndiquée finalement, et ne pas reconnaître que le mode de fonctionnement industriel, qui est l'impartition et la sous-traitance, est générateur d'activités économiques supplémentaires à l'extérieur du cadre de cette entreprise syndiquée là et est un mode qui permet l'émergence de nouvelles entreprises et la croissance de ces entreprises-là, et donc la création de nouveaux emplois dans un sens global. Donc, c'était le sens de mon propos.

M. Désilets: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Peut-être une dernière remarque.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, il vous reste quatre minutes.

n (10 h 20) n

Mme Lemieux: Vous avez discuté tout à l'heure avec le député de Mont-Royal sur la vente en justice. Dans votre mémoire donc vous n'êtes pas confortables avec le fait que nous levions cette exception. J'imagine que vous êtes consciente que cette exception, elle n'existe pas ailleurs au Canada et que, malgré la description que vous en faites quant à l'effet de la levée de cette exception, il reste que les entreprises restent toujours liées par les dispositions de la Loi sur la faillite, qui est de compétence fédérale. Alors, il y a un processus qui est prévu à un niveau fédéral. Donc, c'est un peu difficile de plaider que cette exception demeure considérant que la réalité que vous décriez... Parce que c'est un peu ça que vous dites, vous êtes une nouvelle entreprise qui se... reprendrez les activités d'une entreprise en faillite serait liée par... Bien, c'est des obligations qui n'existaient pas plus dans le reste du Canada.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Ratté.

Mme Lemieux: Pourquoi on maintiendrait cette exception-là?

Mme Ratté (Sylvie): Bien, le fait de la maintenir, cette exception-là, permet plus facilement le redémarrage d'entreprises suite à une faillite. Bon. On se distingue peut-être du reste du Canada par le fait qu'on a beaucoup de faillites au Québec. Peut-être qu'à l'égard de cette disposition-là on est plus contraignant que les autres juridictions, les juridictions des autres provinces, les lois du travail des autres juridictions, mais il nous apparaît clairement qu'il s'agit d'une contrainte supplémentaire finalement au redémarrage d'entreprises. Et, du point de vue du développement économique, c'est une contrainte et non un avantage.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la ministre?

Mme Lemieux: Ça va.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va. Alors, ça termine l'intervention. Mme Ratté, merci de votre participation à cette commission. Je vais suspendre pour quelques instants les travaux pour permettre à l'autre groupe de pouvoir prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 22)

(Reprise à 10 h 24)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, on va donc poursuivre nos travaux. Nous rencontrons maintenant la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain. J'aimerais que la personne qui est responsable, en fait le porte-parole, puisse se présenter et nous présenter la personne qui l'accompagne. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura une période d'échanges de 40 minutes avec les parlementaires.

Chambre de commerce et d'industrie
du Québec métropolitain (CCIQM)

M. Hamad (Sam): Merci. Mon nom est Sam Hamad, je suis le président de la Chambre de commerce de Québec métropolitain. À ma droite, M. Alain Kirouac, qui est vice-président exécutif et directeur général de la Chambre.

Tout d'abord, merci de nous avoir donné l'opportunité de présenter notre mémoire et de nous donner la chance de discuter avec vous ce matin. Vous ne savez pas que vous manquez une très belle journée dehors. Alors, la Chambre de commerce et d'industrie de Québec métropolitain, avec ses 2 600 membres provenant de tous les secteurs de l'économie, constitue le plus important regroupement des gens d'affaires de l'Est du Québec. Regroupement de forces vives, elle permet à la communauté des affaires de participer activement au développement de la région et d'exprimer son opinion sur les sujets susceptibles d'influencer ce développement. Que ce soit lors de la Commission sur l'efficacité et le financement des services publics au Québec ou encore à l'occasion de la Commission sur les finances et la fiscalité locale, la Chambre s'est fait un devoir d'exprimer son point de vue, comme elle le fait aujourd'hui devant vous qui étudiez le projet de loi n° 182 modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations de travail et modifiant d'autres dispositions législatives.

Concernant d'ailleurs ce projet de loi, nous nous attarderons plus particulièrement à la création de la Commission des relations de travail, à l'article 45, et traiterons de dossiers qui touchent plus spécifiquement la région de Québec. En fait, nous, aujourd'hui l'objectif principal, c'est parler d'une application de la loi sur les dossiers majeurs, que nous jugeons, dans la région de Québec.

Premier élément. À part quelques modifications mineures, le Code du travail, tel que nous le connaissons aujourd'hui, n'a guère été modifié depuis près de vingt ans. Il était donc temps que nous l'adaptions aux nouvelles réalités de l'économie québécoise. Au cours de ces vingt ans, plusieurs modifications ont bien sûr été proposées, surtout à la suite des rapports Mireault, Boudreau, Lemaire et Bernier, mais sans qu'aucun changement majeur n'ait été apporté.

Vous conviendrez qu'après autant de temps, d'études et de rapports, nous aurions pu nous attendre à une mise à jour beaucoup plus complète et beaucoup mieux adaptée à la réalité des nouveaux enjeux économiques que le projet de loi qui nous est présenté.

Je vais laisser passer concernant la création de la Commission des relations de travail, vous l'avez déjà dans notre mémoire. Je vais être plus succinct et plutôt laisser le temps pour l'échange. Alors, l'actuel ministre des Finances, M. Bernard Landry, reconnaissait, dans une déclaration de l'automne dernier, que l'article 45 du Code du travail nuisait à l'économie du Québec. Nous partageons son opinion et avons eu l'occasion de l'exprimer à plusieurs reprises au cours des dernières années. À l'instar de la Chambre de commerce du Québec et du Conseil du patronat du Québec, pour ne citer que ceux-là, nous trouvons inacceptable que le projet de loi présenté ne propose aucune modification à l'article 45 pour faciliter la sous-traitance.

Et que dire des conséquences que cela pourrait avoir dans les dossiers des fusions municipales, alors que dans la seule région de Québec il existe 54 conventions collectives qui devront être fusionnées. Dans un récent article publié dans le quotidien Le Soleil, publié le lundi 29 janvier dernier, une consultante responsable des fusions municipales qui ont mené à la création du nouveau Grand Ottawa, Kathryn Butler-Mallette, a déclaré que ce sera toujours le salaire le plus haut qui sera choisi avec les fusions. Belles économies en perspective!

Nous voudrions justement nous attarder quelques instants sur trois dossiers qui touchent plus spécifiquement la région de Québec, soit ceux des fusions municipales, la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec et du développement des entreprises et plus particulièrement des PME.

Premier sujet, les fusions municipales. Nous avons déjà pris position officiellement en faveur des fusions municipales sur le territoire de la région de Québec métropolitain. Cependant, nous avons toujours affirmé qu'une telle réforme n'était possible que dans le mesure où le gouvernement apportait des modifications importantes à l'article 45 sur la sous-traitance. En n'apportant pas les modifications souhaitées, il nous apparaît clair que le gouvernement risque l'échec. Nous souhaitons donc que le gouvernement révise sa position afin de disposer des conditions gagnantes pour mener à bien cette importante réforme.

La ministre nous objectera peut-être que les lois 124 et 170 règlent déjà la mécanique qui déterminera rapidement la constitution des unités de négociation et des associations accréditées, qui aplanira les difficultés relatives à l'application simultanée des conditions de travail différentes pour les groupes de salariés qui oeuvraient auparavant pour des municipalités qui ont cessé d'exister au profit d'une autre à naître. Et elle aura raison. Cependant, pour y parvenir, le gouvernement aura justement dû avoir recours aux lois 124 et 170. Jamais dans le cadre du Code du travail actuel aurions-nous réussi à y parvenir avant le prochain siècle.

Deuxième élément, la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec. Le dossier de la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec ne doit pas être entièrement étranger à la ministre, compte tenu du nombre important de fois où elle a dû intervenir lors du seul dernier conflit à l'automne 2000. C'est grâce à Mme la ministre qu'on a réglé le conflit temporairement dans cette période-là qui était très critique pour les commerçants de la région pendant les périodes des fêtes où les gens attendaient... c'est un chiffre d'affaires important pour eux.

n (10 h 30) n

C'est justement lors et à cause de ce conflit que la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain a suggéré d'envisager un partenariat public-privé ? on parle bien de partenariat public-privé et pas de privatisation de la Société ? pour instaurer un service de transport en commun fiable et efficace. Nous avons d'ailleurs en main une étude fort détaillée à ce sujet, puis l'étude démontrait beaucoup des avantages pour la région, pour la Société et pour les utilisateurs. Compte tenu des parties en présence à la STCUQ, de leurs antagonismes, comment la ministre pense-t-elle que nous pourrions arriver à négocier de la sous-traitance? Des modifications à l'article 45 sont essentielles si l'on veut pouvoir adapter le service de transport en commun de la nouvelle ville de Québec.

Juste une petite parenthèse pour parler de la STCUQ. En fait, l'étude qui a été faite, c'est une étude qui a été faite sur la région de Montréal en premier et on en a fait une application pour la région de Québec. Et l'étude, ce qu'elle disait finalement, c'est qu'on fait une formule de sous-traitance qui est échelonnée sur une dizaine d'années et, à chaque année, on va donner un petit volume de sous-traitance et finalement on arrive à 50-50 dans une dizaine d'années, toujours garder le contrôle sur la STCUQ par un pouvoir public. Et cette formule-là, c'est basé sur une étude qui a été faite sur une dizaine de villes au monde ? on parle de Londres, Stockholm, on parle de San Diego et aussi des villes américaines ? et ailleurs elle a démontré des résultats très intéressants dans des économies, l'augmentation de l'achalandage, des économies sur les coûts, etc. Et c'était intéressant qu'on applique cette étude-là ici, à Québec, et aussi dans la région de Montréal. Cependant, l'article 45 devient un élément qui empêche nécessairement d'aller de l'avant vers cette formule-là.

Troisième élément dont je vais vous parler, c'est l'économie basée sur la PME. Une bonne partie de l'économie du Québec et en particulier de la région de Québec est fondée sur les petites et moyennes entreprises. Elles sont la démonstration du dynamisme et du savoir-faire des Québécoises et Québécois et le fer de lance de notre économie, en tout cas, dans les discours officiels. Mais, quand vient le temps de leur faciliter la tâche, quand vient le temps de répondre à leur demande de modifier l'article 45, les officiels font la sourde oreille.

Le rapport Mireault cite à la page 169 un sondage Banque Nationale-Groupe Everest-La Presse mené auprès de 300 dirigeants de PME québécoises et qui démontrait que 60 % des PME étaient liées par des contrats de sous-traitance, soit à titre de donneur d'ouvrage ou encore de sous-traitant, ce qui n'est pas rien quand on sait le nombre et la place de ces entreprises dans l'économie québécoise. Ces petites et moyennes entreprises ne disposent pas toujours des infrastructures ou de tout le savoir-faire dont elles ont besoin. Pour elles, la sous-traitance est souvent une question de vie ou de mort, car elle permet de répondre avec souplesse à des besoins ponctuels ou encore à des besoins spécifiques comme en haute technologie.

La région de Québec, on a eu un développement endogène. En fait, ce n'est pas des grandes compagnies qui sont venues donner un grand coup de main au développement économique de la région. C'est des entreprises de la région... en partenariat avec les universités qu'on a créé beaucoup d'entreprises dans la région et c'est toutes des petites entreprises. Et ces petites entreprises-là évidemment, lors de la période de démarrage, au début, elles n'ont pas les moyens de faire tout à l'intérieur de cette entreprise-là, mais plutôt on base beaucoup faire des sous-traitances ailleurs pour éviter des investissements majeures dans les entreprises et ce qui permet aussi une indépendance de ces entreprises-là. Donc, la sous-traitance devient un élément important aussi pour développer les PME.

Et un exemple au niveau américain, Nike, c'est une très grande entreprise mondiale. Les gens pensent qu'il y a des milliers et des milliers d'emplois. En fait, Nike ne fabrique rien, Nike sous-traite toute la fabrication à des entreprises. Et la conception, c'est fait vraiment... C'est ça, la force de Nike. C'est un exemple de l'importance de sous-traitance pour une entreprise.

Alors, ces entreprises ont développé de nouvelles façons de faire. Elles se complètent, elles s'entraident, chacune contribue au tout. Le plus bel exemple de ce type d'interdépendance est celui de la Cité de l'optique. Dans une entrevue accordée à Pierre Maisonneuve au réseau de la télévision RDI, plus tôt cette semaine ? en fait avant-hier ? avec M. Bernard Landry, il a déclaré: «Le chômage est nom ennemi.» Et un des succès que M. Landry a fait, c'est qu'il a décidé de dire: J'en fais mon propre ennemi et là-dessus je me bats pour diminuer le chômage. Comment réconcilier une déclaration comme celle-ci avec un projet de loi comme il est proposé aujourd'hui ou encore avec l'initiative du premier ministre Bouchard et de son Comité sur la déréglementation? Il me semble y avoir dans tout ça des contradictions évidentes dans l'action du gouvernement.

La Chambre tenait hier son 10e forum économique, qui avait pour thème Des échanges économiques interaméricains et l'exportation. Dans un contexte de mondialisation et d'économie de la libéralisation des échanges, nous ne devons plus élever des barrières au développement mais faciliter la compétitivité de nos entreprises sur le grand marché américain. Juste attirer votre attention que, dans la région de Québec, la moyenne d'exportation en fonction du PIB, c'est 20 %, et la moyenne provinciale, c'est 30 %, tandis qu'à Montréal on a 40 %. Donc, la région de Québec a besoin de renforcer sa structure d'exportation. C'est un élément important aussi, parce que l'exportation, c'est finalement une étape importante dans l'expansion de nos entreprises et les emplois.

L'an dernier, une étude réalisée par KPMG décrivait ce que certains ont appelé le paradoxe québécois, c'est-à-dire que le Québec est une des meilleures terres d'accueil sur le plan économique mais que c'est aussi un des endroits qui attirent le moins d'entreprises. Nous posons comme hypothèse qu'une des raisons qui pourraient expliquer ce fameux paradoxe serait le nombre de contraintes qu'impose le Code du travail et la trop grande réglementation que nous connaissons ici, au Québec, et que plusieurs considèrent comme des irritants importants. En refusant d'apporter ces modifications à l'article 45, le gouvernement nous rend beaucoup moins compétitifs sur le plan économique par rapport à nos voisins ontariens ou encore américains, qui ont déjà un encadrement beaucoup moins rigide que le nôtre.

À ce sujet, la Chambre de commerce du Québec pourra, lors de sa prochaine présentation devant vous, vous dévoiler des chiffres éloquents pour démontrer cet état de fait. Le gouvernement n'est pas sans ignorer cela, c'est probablement pourquoi il n'a toujours pas rendu publiques les études d'impact économique qu'il a fait réaliser sur les conséquences du projet de loi n° 182 et ses effets sur la compétitivité des entreprises et sur la création d'emplois.

En conclusion, déposé à quelques jours de Noël sans qu'il y ait eu même consensus avec les principaux partenaires intéressés, ce projet de loi a des répercussions beaucoup trop importantes et à beaucoup trop long terme pour être adopté à toute vapeur et sans modifications importantes. Nous invitons le gouvernement à prêter une oreille attentive à ceux et celles qui viendront se prononcer sur ce projet de loi à l'occasion de ces consultations parlementaires. Ce projet de loi peut et doit être enrichi, il doit être un outil de croissance plutôt qu'un frein au développement. Merci pour votre écoute.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Hamad. Alors, nous passons maintenant à la période d'échanges. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci, Mme la Présidente. M. Hamad, M. Kirouac, je vous souhaite la bienvenue à cette commission parlementaire. Votre mémoire et votre présentation soulèvent un certain nombre de questions, je vais essayer de les choisir. Mais je vais commencer par une assez simple et que vous trouverez peut-être un peu audacieuse de ma part, mais, puisque vous avez illustré vos propos notamment en vous appuyant sur la réalité, par exemple, de la STCUQ, je voudrais juste... On convient qu'on ne fera le procès de personne là-dedans, mais je voudrais reprendre cet exemple-là que vous nous donnez.

Vous nous dites, en gros: Enlevez toutes les dispositions autour de 45, ça ne devrait plus exister. C'est ça que vous dites, en gros, qu'il ne devrait plus y avoir une certaine ligne de conduite dans les cas de concession partielle. C'est votre droit le plus légitime de faire ce plaidoyer-là. Mais je me pose la question suivante. On me dit que la convention collective de la STCUQ limite de manière incroyable le recours à la sous-traitance. Alors, quand bien même ? je vous pose la question crûment ? il n'y a plus de ligne de conduite sur la gestion des situations où il y a des concessions d'activités d'une entreprise à l'autre, comment une organisation comme la STCUQ... Mais on pourrait parler de n'importe quelle autre parce qu'il y a plusieurs conventions collectives qui interdisent littéralement le recours à la moindre sous-traitance. Comment vous allez passer à côté de ça? En d'autres mots... Je pense que vous comprenez ce que je vous dis. Je veux bien, moi, qu'on dise: Il n'y a plus de ligne de conduite, mais, je m'excuse, là, au moment où on se parle, il y a des situations pires dans les conventions collectives.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hamad.

M. Hamad (Sam): Je comprends bien ce que vous me dites, c'est que le problème, c'est dans la convention collective de la STCUQ et pas dans l'article 45.

Mme Lemieux: Bien, en tout cas, il y en a un gros problème.

M. Hamad (Sam): Mais qui gouverne la STCUQ? Qui fait la loi à la STCUQ? Est-ce que c'est la convention collective ou c'est le gouvernement du Québec? Alors...

Mme Lemieux: O.K. Là, M. Hamad...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: ...j'ai nommé cette organisation-là, mais on ne fera pas de discussion personnalisée. O.K.?

M. Hamad (Sam): Non. O.K.

Mme Lemieux: Reconnaissons qu'il y a au Québec un certain pourcentage ? on me sortira les pourcentages ? de conventions collectives, dans toutes sortes de secteurs, qui interdisent formellement le recours à la sous-traitance. Comment on va gérer ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hamad.

n (10 h 40) n

M. Hamad (Sam): Bien, il y a plusieurs façons de le faire, et je pense que vous êtes mieux placée que moi pour avoir une vue d'ensemble. Ce que je vous dirai, pour l'exemple... Je ne vais pas personnaliser, comme vous l'avez bien dit, mais, en fait, actuellement, dans la région de Québec, il y a toute une révision globale de la structure municipale, de tous les organismes autour, et il faut profiter de cette occasion-là, c'est unique, ça. Ce qu'on vit là, ça n'arrivera pas toutes les années. Et il faut profiter de ce mouvement-là, de remettre les choses à leur place, dans une position de développement économique et dans une position que le gouvernement veut poursuivre. C'est mettre la région sur la map. Ça, c'est la première chose. Donc, on peut apporter beaucoup de modifications à la structure de la STCUQ, etc.

Deuxième chose, on parle aussi de développement. Il y a eu des créations d'entreprises de la région de Québec depuis très peu de temps, énormément d'entreprises. Et ce qu'il faut faire, c'est qu'il faut penser pour le futur, c'est-à-dire que l'article 45 est là encore et il va empêcher les futures entreprises à avoir des facilités à avoir de la sous-traitance. Donc, le fait que vous soulagiez un peu l'article 45, au moins, ça va permettre à ceux qui n'ont pas signé encore des conventions collectives ou qui n'ont pas eu encore des conventions comme ça, d'avoir la facilité de bien négocier, les deux parties, pour avoir une entente. Et actuellement, comme vous le savez, l'article 45, c'est d'ordre public, c'est-à-dire que, même s'il y a des ententes entre les deux parties, il reste qu'on ne peut pas «by-passer» l'article 45. Donc, au moins pour le futur, il faut faire le «move», pas parce qu'il y a je ne sais pas combien de pourcentage des conventions collectives qui l'ont, mais ceux qui s'en viennent, il y a beaucoup d'entreprises qui sont créées et elles sont en expansion.

La région de Québec, on ne peut pas la reconnaître aujourd'hui si on regarde, depuis cinq ans, le nombre d'entreprises qui ont été créées, le nombre d'emplois qu'il y a. Dans le domaine de l'optique, par exemple, on a eu notre premier milliardaire dans la région de Québec. Ces entreprises-là, un jour, elles vont avoir peut-être une convention collective. Et là actuellement, avec l'article 45, on n'aidera pas davantage ces entreprises-là à continuer leur développement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Très bien. Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Hamad, ces succès-là, dans la région de Québec ? puis je pense qu'il y a des succès un peu partout au Québec dont on doit effectivement se réjouir ? ils ont été réalisés dans un contexte où il y avait des règles du jeu. Savez-vous ce qui m'inquiète, M. Hamad? Moi, je sens... Bien, je pense que votre Chambre de commerce est une chambre de commerce qui est extrêmement tournée vers des objectifs de développement de la région de Québec, de la capitale nationale, et ça, je ne le mets aucunement en doute, vous êtes des leaders, et il faut que les leaders régionaux et locaux soient présents. Mais ce qui m'inquiète un peu dans vos propos puis quand je regarde votre mémoire, vous dites, à un moment donné... Puis je ne veux pas vous citer hors contexte, mais vous dites: Si on n'assouplit pas nos règles, si on n'accepte pas ceci, cela...

Moi, je suis pour le développement économique à mort parce que ça donne, un, de l'emploi puis, occuper un emploi, c'est ce qui, en général, donne un sens à notre vie, hein. C'est ce qui fait qu'on a le goût de se lever le matin, c'est ce qui fait que, le soir, on est fier de soi. Mais là il y a des règles, on vit en société. Puis j'ai un peu de crainte, quand je vous entends. Je vais un petit peu charrier mon propos, là, je vais vous provoquer volontairement mais gentiment. Mais est-ce qu'on va faire ce développement-là au prix des personnes, au prix des droits de base? Il y a des droits de base qui sont consacrés dans certains de nos instruments mais qui sont aussi dans les conventions internationales. Est-ce qu'on fait tout ça sans règles du jeu?

Vous savez, ma conviction profonde, M. Hamad? Les États qui vont s'en sortir le mieux quand on fera le bilan et quand la mouvance actuelle... On s'en sortira. Parce qu'on est dans une mouvance, hein. Les règles du jeu sont moins claires, les points de repère sont moins clairs. Qui décide de quoi? Est-ce que c'est un État comme le nôtre? Est-ce que c'est notre Assemblée nationale? Est-ce que c'est l'OMC? Est-ce que... Bon. On est dans une mouvance, on en convient? L'ouverture des marchés, ça nous donne un potentiel extraordinaire, mais, en même temps, il y a quelque chose d'affolant là-dedans parce que les règles du jeu ne sont pas claires et qu'elles sont féroces, on doit en convenir. Dans 10, 15 ans, quand ça se sera fixé, ce modèle-là, les États qui pourront être fiers d'eux seront les États qui, à la fois, auront été capables de suivre le rythme mais à la fois qui auront été capables de prendre soin de leurs gens.

Alors, moi, je veux bien, assouplir, s'ajuster. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis quelqu'un qui est pour le changement; je ne suis pas quelqu'un qui résiste. Mais là on fait tout ça pas de règles du jeu, puis au diable ce que des gens ont pu négocier, au diable les conditions de travail actuelles des gens, on scrape là-dedans? C'est ça que je crains un peu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Hamad.

M. Hamad (Sam): Je suis d'accord avec vous. On ne veut rien scraper. Tout ce qu'on veut, on veut bâtir, O.K.? C'est l'avenir, Mme Lemieux, qui est important pour le Québec, pour l'avenir de nos entreprises et l'avenir du monde au Québec. Ce qui est important, en fait, c'est de voir qu'est-ce qui va aller de l'avenir. C'est ça qui est important. Vous savez très bien que les PME, c'est les créatrices d'emplois au Québec; ce n'est pas les grandes entreprises, ça a été démontré. Et, si on veut travailler pour l'avenir, pour les aider à continuer à développer, à percer le marché international, à faire de l'argent puis amener cet argent-là au Québec, il faut les aider à faire ça. Les aider, c'est assouplir ce qu'on fait. C'est ça.

Les règles du jeu dont vous parlez, bien sûr, il faut avoir des règles du jeu, toute notre société est basée sur des règles du jeu, mais les règles du jeu, actuellement, sont contraignantes. Et là on arrive avec des modifications. Le gouvernement du Québec, actuellement, propose des modifications qui rendent les règles du jeu plus difficiles et rendent les règles du jeu d'une façon à empêcher ces entreprises-là à continuer à travailler puis à se développer. On s'entend ensemble pour dire: On veut développer. Mais nous, ce qu'on vous dit: Le gouvernement, maintenant, ce qu'il a ajouté...

Puis ce qui est un peu spécial, c'est que cette tendance-là est un petit peu à contre-courant de ce qu'on entend parler, et c'est la volonté du gouvernement. Quand M. Bouchard a nommé le Comité de déréglementation, c'est pour faciliter le développement des entreprises, ce n'est pas pour empêcher les entreprises de se développer. M. Landry, il dit clairement qu'il veut attaquer le chômage. Il l'a attaqué puis il veut attaquer. Puis là on arrive, on veut attaquer le chômage, mais, en même temps, on met des freins de l'autre côté. Il y en a qui veulent peser sur le gaz, mais en même temps on va mettre les freins. Ça ne marche pas. C'est ça qui est important. Mais ça veut dire, pas qu'on ne respecte pas les règles du jeu... Donner de l'air aux PME pour se développer, c'est majeur et important pour l'avenir. C'est ça qu'on veut, c'est ça qu'on vous demande de considérer, qu'on demande au gouvernement du Québec de considérer dans son...

En fait, vous avez amené des modifications, vous modifiez la loi. Vous modifiez, mais vous ne touchez pas... Modifier quelque chose, il ne faut pas nécessairement le rendre plus rigide. La vie est de plus en plus flexible. La flexibilité, c'est une force, et il faut se rendre flexible pour l'entreprise. C'est ça qu'on demande.

Mme Lemieux: M. Hamad, je ferai une dernière remarque sur ça puis je voudrais que mes collègues puissent avoir l'occasion de vous poser des questions. Mais le droit à la syndicalisation, c'est un droit, ça. C'est un droit. Un code du travail, c'est là pour gérer des situations où des gens décident volontairement de se regrouper pour négocier collectivement leurs conditions de travail. Ça se peut qu'il y en ait qui n'aiment pas ça. Ça se peut. Mais c'est un droit. Et ce droit-là, bien, je pense qu'il faut l'organiser et il faut lui permettre de s'exprimer correctement. Ce n'est pas un caprice.

M. Hamad (Sam): Mme Lemieux, on n'a jamais dit qu'on était contre la syndicalisation. On n'a jamais dit que le syndicat, c'était... Ça n'a aucunement rapport avec ce qu'on a dit. Ce qu'on dit, nous, là... Le syndicat, de toute façon, peut jouer un rôle important dans une entreprise, c'est évident.

Mme Lemieux: Bien oui!

M. Hamad (Sam): Puis on n'a rien contre ça. Ce qu'on dit: Il ne faut pas avoir des contraintes de développement à l'entreprise. En fait, vous savez que la technologie est très vite, aujourd'hui. O.K.? Et, quand vous avez une technologie très rapide, il faut qu'on soit flexible pour suivre la technologie. Si la convention collective et l'article 45 nous empêchent d'aller faire de la sous-traitance... L'avantage de faire de la sous-traitance, c'est d'aller chercher le savoir-faire qui est à jour dans une autre entreprise ailleurs quand je n'ai pas cette expertise-là à l'intérieur de mon entreprise. Et, si on allège l'article 45, ça va me permettre de suivre la vitesse puis permettre à des gens de petites entreprises plus pointues qui développent des connaissances d'aller chercher ces connaissances-là, qui vont enrichir, après, mon entreprise à l'intérieur, qui vont enrichir mes travailleurs.

On n'a jamais dit que le syndicat, ce n'est pas un droit. On a un beau système, on a du bon monde partout puis on a une bonne volonté. C'est juste dire: Laissez-nous sur le drive puis aller plus vite. C'est ce qu'on veut, là. On veut aller plus vite. Parce que, si une entreprise s'enrichit, des emplois vont être créés, tout le monde est heureux après. C'est ça, l'objectif. Un chef d'entreprise, son objectif, ce n'est pas de couper des emplois. Un chef d'entreprise, c'est de créer de l'emploi puis donner la prospérité à son entreprise puis donner le bien-être à tout le monde, parce que, si le monde n'est pas bien, on n'avancera pas.

Donc, je réitère de dire: Ce n'est pas le syndicat qui est en jeu pour moi, c'est juste l'évolution technologique, l'évolution de l'information. Aujourd'hui, les choses changent tellement vite que, des fois, les PME n'ont pas le moyen de suivre l'évolution de la technologie, et ça, c'est une chose... On peut le faire par la sous-traitance ou des gens spécialisés qui...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va, Mme la ministre? Alors, Mme la députée de La Pinière, je pense.

n (10 h 50) n

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Hamad, M. Kirouac, bienvenue. Le mémoire de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain est assez intéressant, vous soulevez des points très pertinents. Mon collègue le député de Mont-Royal et critique en matière du travail va certainement avoir le temps d'aborder avec vous un certain nombre de points.

Pour ma part, je m'arrête à la page 4 de votre mémoire, lorsque vous parlez des fusions municipales et de l'impact en ce qui a trait au projet de loi n° 182, ce que ça vous permet de faire et ce que ça ne vous permet pas de faire. Et vous nous dites que, dans le territoire visé par les fusions municipales dans le Québec métropolitain, il y a 54 conventions collectives qu'il faut harmoniser, et vous citez une recherchiste qui a fait une étude pour dire que ce sera toujours le salaire le plus haut qui sera choisi, avec les fusions.

Moi, je peux vous parler d'une petite fusion sur mon propre territoire, les fusions des commissions scolaires. Et on l'a vu effectivement que les directeurs commissions scolaires, des petites commissions scolaires, lorsqu'ils sont devenus directeurs adjoints dans une grosse commission scolaire, leur salaire a été augmenté à cause justement de l'importance de l'organisation. Donc, c'est un souci très légitime que vous avez.

Vous dites que vous avez déjà manifesté votre position en faveur des fusions municipales dans la région. Mais en même temps vous vous questionnez par rapport à l'article 45 et vous dites: Le gouvernement risque l'échec si cet article 45 n'est pas modifié de façon à permettre la sous-traitance. Et vous ajoutez que les lois nos 124 et 170 disposent déjà d'une mécanique qui permet la constitution des unités de négociations et des associations accréditées.

Si j'ai bien lu votre mémoire et si je vous ai bien compris, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que la loi n° 124, par laquelle le gouvernement se donne le pouvoir d'imposer les fusions forcées, et la loi n° 170, par laquelle la fusion est faite dans certaines régions au Québec, ces deux lois vous sécurisent davantage que ce que la ministre vous propose dans le projet de loi n° 182. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Hamad (Sam): En fait, ce qu'on a dit, c'est qu'on a fait recours...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hamad.

M. Hamad (Sam): Merci. On a pu avoir recours aux deux lois parce que l'article 45 ne permettait pas de faire ça. C'est la preuve qu'actuellement l'article 45 ne permet pas de faire ça, exactement. C'est ça qu'on dit.

Mme Houda-Pepin: Ma compréhension de la loi n° 170, c'est qu'elle assure aux employés municipaux de garder leur emploi. Alors, comment est-ce que vous pouvez vous appuyer sur une loi qui assure le maintien de l'emploi tel quel, peut-être avec une normalisation à la hausse, compte tenu de la réorganisation municipale? Comment est-ce qu'on peut s'appuyer sur cette loi-là pour dire qu'on pourrait éventuellement faire des économies, ce que vous semblez rechercher dans les fusions municipales?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hamad. Alors, M. Kirouac.

M. Kirouac (Alain): Bien, disons que la loi à laquelle vous faites allusion prévoit des mécanismes qui devraient normalement empêcher effectivement de prendre la meilleure des conventions collectives et de l'appliquer à l'ensemble des municipalités. Le propos de M. Hamad tout à l'heure était pour exprimer le point qu'il a fallu recourir à des lois, 124 et 170, pour régler le problème des municipalités quand, nous, on pense que des modifications à l'article 45, tel que souhaité, auraient pu effectivement permettre ces modifications sans les lois en question, 124 et 170. Comprenons cependant que les lois nos 124 et 170 sont beaucoup plus vastes, beaucoup plus larges et viennent régler évidemment la question des regroupements des municipalités.

Mais ce qu'on veut démontrer aujourd'hui, c'est que les modifications qu'on devraient ou qu'on souhaite, nous, voir apportées auraient permis ces modifications-là sans se retrouver devant la difficulté effectivement qu'on connaît et qu'on a connue à Ottawa de voir les conventions collectives monter vers les meilleures conventions. Et ça, c'est un problème qui nous préoccupe énormément. On parle d'économie, en termes éventuellement de regroupements. On est d'accord et on le répète que les fusions municipales nous sont apparues un enjeu important, et on est d'accord, mais que, si on veut assurer un succès, compte tenu que, dans les municipalités, ça représente près de 60 % des budgets quand on parle des employés, de la masse salariale, c'est un enjeu majeur.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui.

Mme Houda-Pepin: Alors, si je comprends, à la lumière de votre explication, vous êtes en train de nous dire que la loi n° 124 et la loi n° 170, c'est une avancée, en fait, puisque ça permet de ne pas utiliser la convention collective la plus avantageuse, c'est une avancée dans le milieu municipal, appliquée seulement au milieu municipal, et qu'au niveau du Code du travail il faut aller au-delà, avec l'article 45. C'est bien ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Kirouac.

M. Kirouac (Alain): Écoutez, la perception... Évidemment, je dois vous avouer qu'on n'est pas les spécialistes des lois nos 124 et 170. Vous me permettrez d'apporter ce commentaire-là, parce qu'on n'en est pas des spécialistes. Mais, moi, je veux reprendre, je veux revenir, si vous me permettez, au fondement même. Toute la question du regroupement municipal nous apparaît être un enjeu majeur qu'on va vivre actuellement et que nous vivrons malheureusement s'il n'y a pas des modifications importantes et majeures qui sont apportées aux modifications à l'article 45, qui permettraient à la nouvelle municipalité, par exemple, l'utilisation plus systématique de la sous-traitance.

Mme Houda-Pepin: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. J'ai d'abord un commentaire, peut-être que vous pourriez y répondre par la suite. À la page 2 de votre mémoire, lorsque vous parlez de la Commission, vous portez un jugement très sévère à l'égard des personnes qui actuellement sont au Bureau du Commissaire du travail et qui iraient éventuellement à la nouvelle Commission. Je voudrais bien comprendre, de vos propos, que l'impartialité actuellement dont ils font preuve au Bureau du Commissaire du travail... Va-t-elle disparaître parce que, demain matin ou un autre jour, ils vont appartenir à la Commission? C'est clairement ça que vous exprimez à la page 2 de votre mémoire.

Par ailleurs, je voudrais revenir sur la question de la sous-traitance. C'est clair, à mon avis, lorsqu'une entreprise décide d'acheter une autre entreprise, elle fait une acquisition stratégique. Donc, elle fait la vérification diligente, elle est au courant de ce qui se passe dans l'entreprise, elle connaît le niveau des salaires, les obligations de l'entreprise, les carnets de commande, etc. Elle sait où elle s'en va, lorsqu'elle procède à une acquisition. Vous présentez ça comme étant un problème relié à l'article 45 parce que là il y aurait des salaires plus élevés dans une entreprise qu'on va acquérir. J'ai un peu de difficultés à suivre votre argumentation concernant la justification. Je ne dis pas que je suis contre la sous-traitance, remarquez bien, mais vos arguments, j'ai de la misère à les suivre dans cette mesure-là.

Et par ailleurs j'aimerais bien comprendre jusqu'où vous voulez que les parlementaires se rendent pour adopter des mesures qui vous satisferaient au niveau, par exemple, de la sous-traitance. Parce que, au niveau de la sous-traitance, si une entreprise n'est pas en mesure de fabriquer un produit... Exemple, des semi-conducteurs, elle en a besoin absolument pour la fabrication de son produit. Elle n'a pas la technologie, pas les compétences, il n'y a pas de transfert de connaissances qui est fait, donc, si les employés à l'intérieur de cette boîte, ils ont besoin des semi-conducteurs pour fabriquer les machines, ils vont nécessairement aller en sous-traitance.

n (11 heures) n

J'essaie de comprendre jusqu'où, par le biais de l'article 45 ou 46, etc, des modifications au Code du travail, vous voulez qu'on aille. Parce que vous avez l'air de présenter le monde actuel comme étant vivable et, en même temps, ce qu'on va faire, c'est, dans le fond, on ne prendra pas nos responsabilités. Puis, en même temps, vous faites différents liens avec les conventions collectives existant dans le municipal. Puis, quand vous parlez des belles économies en perspective, vous passez des jugements de valeur quand même très sévères. Vous savez comme nous que ce sont les municipalités qui ont décidé des conditions de travail de leurs employés. Ce sont ces mêmes municipalités qui les ont signées, les conventions collectives. Et, par la suite, elles reviennent en disant: Nos coûts sont astronomiques, sont très élevés dans nos villes puis dans nos municipalités. Mais, quand elles arrivent à la table de négociations, bien, elles négocient puis elles acceptent de donner ces conditions de travail. Alors, vous faites différents liens. En même temps, c'est tout imbriqué dans vos commentaires sur le Code du travail. Mais j'aimerais bien comprendre, par rapport à la Commission et à ceux qui feraient le transfert, en quoi ils pourraient être métamorphosés en devenant... à la future Commission et, d'autre part, jusqu'où on se rend avec les modifications sur la sous-traitance.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Hamad, si vous pouvez répondre assez rapidement.

M. Hamad (Sam): Je lui demande de me reformuler la question.

M. Lelièvre: Bien, très simplement, vous dites que les gens qui actuellement sont au Bureau du Commissaire du travail sont prosyndicaux et qu'ils vont se métamorphoser, entre autres, ils vont aller à la future Commission puis ils vont devenir partiaux. Alors, j'aimerais bien comprendre sur quoi vous vous appuyez pour faire une affirmation comme ça, à la page 2. Parce que vous dites: «Comme ce personnel vient surtout du milieu syndical, on peut en effet comprendre que certains puissent entretenir des réserves sur l'impartialité de la future Commission.» Alors, vous avez certainement des arguments à l'appui de ça. L'autre élément: Jusqu'où on se rend avec des modifications du Code du travail pour la sous-traitance?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va, parce que, là, il n'aura plus de temps pour répondre. Alors, allez-y, M. Hamad.

M. Hamad (Sam): O.K. En fait, la première question, la réponse c'est qu'on dit, au dernier paragraphe: «Puisque la ministre s'est réservé, à bon droit, le privilège de nommer le premier président ou présidente de la Commission dont le mandat sera de cinq ans, renouvelable pour cinq autres années, nous souhaiterions qu'avant d'arrêter son choix définitif elle consulte la partie patronale pour obtenir son accord. C'est pour nous une condition essentielle au succès et à la crédibilité de la future Commission. Comme vous le savez sûrement, au Nouveau-Brunswick, le législateur a adopté des règles qui assurent une totale impartialité. En effet, les membres de sa Commission sont nommés à parts égales à partir de personnes suggérées par les associations patronales et syndicales.» Je pense que c'est une règle du jeu tout à fait normale d'avoir un équilibre. L'équilibre, là, c'est de dire: On va balancer ça.

M. Lelièvre: Bien, je ne suis pas contre ça. C'est le fait que vous dites qu'ils vont devenir impartiaux...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé, je suis désolée, mais le temps est terminé du côté ministériel. Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Hamad et M. Kirouac, d'être ici présents et aussi pour votre mémoire. Je voudrais excuser ma collègue, qui avait d'autres engagements et qui a dû nous quitter.

Sûrement, vous le savez, en tout cas, vous n'êtes pas le premier groupe à venir ici et à voir des problèmes sérieux avec le projet de loi n° 182, en particulier les articles 45, 46 et même 222, qu'on doit absolument rattacher à 46. Il y a une chose importante que j'aimerais vous dire, et puis je ne sais pas si vous le partagez, mais, si jamais on prévoyait un nouveau Code du travail où on permettrait le droit à la sous-traitance, il m'apparaît certain que, si on donnait le droit à la sous-traitance, à l'article 45, ça ne veut pas dire qu'on enlèverait le droit à la syndicalisation. Bien au contraire. Ce sont deux choses détachées complètement. Il n'y a rien qui empêcherait un syndicat d'aller resyndiquer le sous-traitant en question. Il n'y a rien qui empêche ça. C'est ouvert, c'est disponible. Alors, je comprends difficilement, quand on fait des commentaires, que le droit à la sous-traitance est comme une atteinte au droit à la syndicalisation. Absolument pas, c'est deux choses qui sont totalement séparées.

Et, reconnaître le droit à la sous-traitance, ça serait permettre aux entreprises du Québec de fonctionner dans un contexte légal similaire à ce qui se passe en Amérique du Nord et ça n'empêchera pas les syndicats d'aller syndiquer les sous-traitants, s'ils veulent. Ça, ça sera leur choix. Et ça sera le choix aussi des employés de dire, oui ou non, s'ils veulent se syndiquer, puisque, eux autres aussi, ils auront le droit. Alors, je trouve ça difficile de dire qu'on va imposer un carcan additionnel à celui qu'on a dans le moment avec l'article 45 sans nécessairement améliorer le 45 dans la mesure où les gens le veulent, où les entreprises le désirent pour avoir cette flexibilité, cette souplesse qui leur est nécessaire pour faire face à la compétition nord-américaine qu'on voit de plus en plus.

Je suis d'accord que c'est une mouvance, mais, la mouvance, j'aime autant être en avant de la mouvance qu'en arrière de la mouvance. Parce que, moi, ce qui est important, je pense, c'est qu'on protège les emplois au Québec, pas qu'on protège les emplois syndiqués nécessairement. Je n'ai rien contre la syndicalisation, mais un emploi c'est un emploi, syndiqué ou pas, selon moi. Et, à ce moment-là, permettre la sous-traitance, au 45, ça serait la seule, seule et unique façon de permettre aux entreprises québécoises de sortir, de se battre dans cette mouvance-là, donc, qu'on vient de définir.

Finalement, pour revenir aux problèmes que vous soulevez, vous soulevez également, comme d'autres, des problèmes à l'égard de la Commission. Par exemple, la largeur de ses pouvoirs, etc., ça vous amène certaines inquiétudes. Mais là n'est pas mon propos. Mon propos est plutôt de la surprise que j'ai de ne pas vous avoir entendu parler de la nouvelle définition du salarié, qui, comme vous le savez sûrement, prévoit englober ce qu'on appelle l'entrepreneur dépendant, celui qui est dépendant du donneur d'ouvrage. Est-ce que vous avez, à ce sujet, une opinion?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Hamad.

M. Hamad (Sam): En fait, la Commission, et tout ça, la Chambre de commerce du Québec va vous présenter ? je ne sais pas c'est quand dans l'horaire ? la position encore davantage plus approfondie. Je préfère rester dans mes dossiers région de Québec qu'aller plus loin là-dessus.

M. Tranchemontagne: Alors, est-ce que je vous...

M. Hamad (Sam): Parce que, mon défaut... Je suis ingénieur, je ne suis pas avocat. Alors, moi, j'aime mieux travailler les dossiers qui me touchent directement.

M. Tranchemontagne: Monsieur, ne pas être avocat, ce n'est pas un défaut, c'est une qualité. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Avez-vous d'autres questions, M. le député de Mont-Royal?

M. Tranchemontagne: Oui, oui, j'ai d'autres questions, mais l'opportunité était trop bonne pour parler contre les avocats.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous ne vous ferez pas nécessairement rien que des amis, là, aujourd'hui.

M. Tranchemontagne: Ha, ha, ha! Ce n'est pas grave, ce n'est pas la première fois. Alors, si je vous comprends bien, vous dites que vous endossez la position de la Chambre de commerce du Québec, qui va venir je ne me souviens plus quand exactement. Merci beaucoup, là-dessus.

Deuxième commentaire, et il est un peu dans le style de ma consoeur, vous parlez des fusions municipales évidemment, et j'en suis fort heureux. Si vous saviez, hier, on a eu, par exemple, la Fédération des cégeps, qui, eux aussi, administrent des fonds publics, ils sont venus nous dire: S'il vous plaît, ajoutez la sous-traitance, reconnaissez la sous-traitance à l'intérieur de l'article 45. Vous dites des choses comme: Les fusions municipales, oubliez ça, ça va être un échec, ça n'apportera pas les bénéfices escomptés si on ne permet pas la sous-traitance, à l'article 45. Et je suis avec vous.

Là où j'ai plus de difficultés, personnellement, à vous suivre, c'est quand vous semblez insinuer, à la page 4 de votre mémoire, justement que les projets de loi nos 124 et 170 permettraient de faire ce que l'article 45 ne permet pas de faire, donc la sous-traitance. J'ai de la misère à vous suivre, parce que, de mémoire, les lois nos 124 et 170 ne parlaient pas de sous-traitance. De mémoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hamad.

M. Hamad (Sam): Oui. En fait, elles ne parlaient pas de sous-traitance, mais elles vont faciliter la négociation en terme salarial, niveau plancher puis les salaires, à ce niveau-là, ça règle une partie.

M. Tranchemontagne: Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît? Excusez-moi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On a mal compris, M. Hamad.

M. Hamad (Sam): Vous avez raison, ils ne parlaient pas de la sous-traitance, mais ça aide à régler le problème quand même de régler le plancher d'emploi et les salaires des employés municipaux.

M. Tranchemontagne: En termes de moyenne. C'est-à-dire que ça ne devrait pas être...

M. Hamad (Sam): Une normalisation.

M. Tranchemontagne: Une normalisation. Pas supérieure à l'ensemble des... Ne croyez-vous pas qu'en dépit des lois nos 124 et 170, on peut voir apparaître ce qu'on appelle en bon français le «cherry picking», c'est-à-dire le menu à la carte, c'est-à-dire qu'on va aller chercher ce qu'il y a de mieux dans chacune des conventions? Puis ce n'est pas nécessairement des lois qui ont une incidence monétaire tangible, comme un salaire, par exemple. Ça peut être des incidences monétaires différées, par exemple, manque de souplesse dans l'organisation du travail, etc. Est-ce que vous ne croyez pas que c'est un risque important dans les fusions municipales justement pour arriver... ou pour ne pas réussir justement à faire les gains qu'on devrait escompter avec les fusions municipales?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Kirouac.

M. Kirouac (Alain): En fait, ce qu'on souhaite, nous, c'est la souplesse, c'est d'amener dans un cadre où effectivement on s'en va vers des nouvelles structures, des nouvelles villes, que ce soit Montréal, Québec, Hull, plusieurs prochainement, dans la prochaine année. Comment peut-on amener un cadre qui va permettre effectivement l'harmonisation de toutes ces conventions collectives là, qui va permettre effectivement aux nouvelles municipalités d'avoir la possibilité, par les règles existantes, de faire de la sous-traitance et de pouvoir négocier avec leurs employés des conventions collectives qui vont faire en sorte qu'on va viser évidemment des économies au niveau des nouvelles municipalités?

n (11 h 10) n

Ça fait que je vous ramène ça dans un cadre beaucoup plus global. Je pense que ce qu'on recherche fondamentalement, de façon peut-être simple, de la façon que je l'exprime: la souplesse, la souplesse qui va permettre aux nouvelles municipalités de faire en sorte que ce projet de loi, qui est maintenant loi, de regroupement municipal va nous amener vers le succès et non pas vers l'échec. Nous nous répétons, nous croyons au bien-fondé du regroupement des municipalités. Maintenant, pour assurer le succès de ce regroupement, il faut qu'on ait des conditions gagnantes qui permettent effectivement le plus possible de viser, d'atteindre des objectifs qui vont nous permettre d'avoir des nouvelles villes performantes à des coûts... à des réductions de coûts importantes aussi pour les citoyens et les citoyennes. Donc, c'est beaucoup plus dans l'assouplissement de toutes les conditions propices au développement de ces nouvelles villes là que nous souhaitons qu'on apporte des modifications et qu'on apporte la souplesse aux nouvelles municipalités.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci. Finalement, une dernière question au niveau de la Commission. À la page 3 de votre rapport, vous soulignez que la ministre abandonne le pouvoir de médiation et d'arbitrage et vous continuez en disant: «Nous croyons qu'elle y perd au change et nous aussi par la même occasion.» Pourriez-vous élaborer un petit peu sur ce sujet pour nous dire comment vous voyez que, vous, vous y perdez au change?

M. Kirouac (Alain): Excusez-moi, monsieur, parce que j'étais en train de regarder la page 3. Je n'ai pas...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voulez-vous répéter votre question, M. le député de Mont-Royal?

M. Tranchemontagne: Je reprends. Alors, à la page 3, deuxième paragraphe, vous dites que la ministre abandonne, dans son nouveau projet de loi, le pouvoir de médiation et d'arbitrage. Et vous poursuivez en disant: «Nous croyons qu'elle y perd au change et nous aussi par la même occasion.» Alors, la perte de la ministre, j'espère qu'elle la comprend. Mais je voudrais vous entendre élaborer sur la perte que, vous, vous y voyez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Kirouac.

M. Kirouac (Alain): Oui. C'est un élément effectivement qui demanderait une plus profonde... un approfondissement de notre côté. La personne qui nous a aidés, malheureusement, à préparer le mémoire n'est pas avec nous ce matin. Je dois vous avouer très honnêtement que cette personne-là nous aurait aidés à répondre. Je prends bonne note, si vous me permettez, de votre question, et ça nous fera effectivement plaisir de vous transmettre la réponse.

M. Tranchemontagne: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, puisque ça met fin à l'échange, messieurs, je vous remercie d'avoir accepté de changer, de modifier, finalement, votre horaire pour accommoder les membres de la commission.

Avant de suspendre, je voudrais aussi aviser les membres qu'on peut laisser nos documents ici, que la salle va être fermée sur l'heure de suspension. Alors, je suspends donc les travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 13)

 

(Reprise à 14 h 5)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission va donc reprendre ses travaux et poursuivre les rencontres, en fait poursuivre la consultation générale sur le projet de loi n° 182. Nous recevons donc, cet après-midi, le premier groupe. C'est le Syndicat de la fonction publique du Québec. J'aimerais que la personne, en fait le porte-parole, puisse se présenter et nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura échange bien sûr avec les membres de la commission.

Syndicat de la fonction
publique du Québec inc. (SFPQ)

M. Thibaudeau (Richard): Merci. Nous vous remercions de nous accueillir à la commission de l'économie et du travail, qui étudie le projet de loi n° 182 modifiant le Code du travail et instituant la Commission des relations de travail.

Je suis Richard Thibaudeau. Je suis vice-président au Syndicat de la fonction publique. Je vous présente Mme Lucie Tessier ainsi que M. Conrad Berry, qui sont deux conseillers au service de notre organisation.

À titre de représentant de quelque 40 000 salariés à l'emploi du gouvernement du Québec et de différentes sociétés d'État, le Syndicat de la fonction publique du Québec trouve qu'il est important qu'il partage avec les membres de la présente commission ses commentaires relativement au projet de loi n° 182. Avant d'entrer dans le détail du projet de loi, il nous paraît opportun d'indiquer brièvement pourquoi nous estimons qu'une réforme en profondeur du Code du travail s'impose au Québec.

D'une part, comme d'autres, nous constatons le caractère désuet du Code du travail élaboré pour répondre aux impératifs d'une économie essentiellement industrielle au sein de laquelle le salariat occupait une place prépondérante. Or, les transformations de l'économie et du marché du travail rendent aujourd'hui urgente l'adaptation de la réglementation du travail aux réalités contemporaines. On pense, entre autres, à l'émergence de nouvelles formes de travail, à titre d'exemple: montée des travailleurs autonomes, des entrepreneurs dépendants, chauffeurs de taxi, camionneurs.

D'autre part, il nous faut rappeler que la responsabilité incombe au gouvernement de mettre en oeuvre les droits reconnus aux citoyens en matière d'association et de négociation collective de leurs conditions de travail. Toutefois, bien que ces libertés syndicales soient prescrites au plan international, notamment au sein des conventions 87 et 98 de l'Organisation international du travail, nous observons partout dans le monde un déclin des taux de syndicalisation. On souligne qu'ici, au Québec, le taux de syndicalisation est passé de 48,5 % en 1991 à 39,7 % en l'an 2000.

Enfin, nous ne saurions passer sous silence le besoin pressant de rehausser l'efficacité de notre régime de rapports collectifs du travail qui accuse de sérieux dysfonctionnements, comme l'a démontré si justement l'expérience des salariés des restaurants McDonald's. En effet, la lourdeur des mécanismes de reconnaissance des droits des travailleurs, leur relative complexité et l'ouverture qu'ils offrent en termes de contestation systématique et dilatoire de la part de certains employeurs nous convainquent de la nécessité d'apporter des correctifs majeurs. Sur la base de ces considérations, il nous faut constater que le projet de loi proposé, sans être parfait, comporte certaines améliorations. Cependant, en recherchant à tout prix le consensus entre les parties, en voulant ménager la chèvre et le chou, le gouvernement n'a pas envisagé des modifications plus musclées qui auraient conduit, selon nous, à une véritable réforme, réforme dont auraient profité un plus grand nombre de citoyens, et nous le déplorons.

Ce n'est pas tout, car, en procédant à la révision du Code, le gouvernement introduit des règles nouvelles, lesquelles agiront comme autant de contraintes à la syndicalisation ou d'entraves à la vie syndicale. C'est de ces questions dont nous aimerions vous entretenir dans les prochaines minutes. Nous nous attarderons d'abord à souligner brièvement les aspects positifs du projet pour ensuite faire état des réserves qu'il nous inspire. Ce faisant, nous en profiterons pour émettre certaines recommandations.n(14 h 10)n

Nous saluons d'abord l'initiative de la ministre qui consiste à élargir la notion de «salarié» de manière à inclure les entrepreneurs ou prestataires de services dépendants. Cet amendement aurait pour effet d'assujettir au Code du travail un nombre grandissant de salariés qui se voyaient privés d'un droit fondamental sans motifs valables. Qui plus est, ces personnes, plus souvent qu'autrement des salariés déguisés, se trouvent fréquemment dans une situation de précarité. Cependant, tout en étant favorables à de telles mesures, nous ne voudrions pas donner l'impression que nous cautionnons ces nouvelles formes de salariat, puisque notre organisation s'est toujours prononcée contre toute forme d'emploi ayant pour effet de précariser la main-d'oeuvre.

Notre organisation voit également d'un bon oeil l'instauration de la nouvelle Commission des relations de travail, dotée de pouvoirs importants. Nous croyons en effet que la formation d'un guichet unique, disposant d'une expertise complète et, il va de soi, des ressources appropriées permettra un traitement plus rapide et efficace des questions entendues. Cette instance chargée de surveiller l'application des dispositions du Code devrait gagner en crédibilité par rapport au fonctionnement à paliers multiples qui donnait ouverture à d'interminables débats juridiques.

Ceci dit, nous nous interrogeons sur la composition de cette Commission et sur la possibilité pour les commissaires actuels d'y poursuivre leur travail. Concernant la nomination des membres de la Commission, nous trouvons important que le gouvernement établisse des critères de sélection stricts pour occuper ces fonctions et que le processus de sélection soit transparent et connu à l'avance. À cet égard, nous suggérons que les membres de la Commission soient nommés après consultation des parties et en tenant compte de leurs recommandations. Nous proposons de plus que ces membres occupent leur fonction de façon permanente pour assurer ainsi leur indépendance judiciaire et, du même coup, la qualité de la justice.

Un dernier mot sur la Commission des relations du travail. Bien que la diminution des recours juridiques relatifs aux questions du travail nous paraisse un objectif à rechercher, nous exprimons un malaise à un processus qui ne nous permettrait plus d'en appeler des décisions. Cette question doit, selon nous, être l'objet d'une plus grande attention, puisque la permission d'en appeler d'une décision est un droit généralement reconnu. Le décideur unique n'est jamais à l'abri d'erreurs de droit ou de fait, et l'importance des matières soumises au Commissaire nous apparaît justifier clairement de prévoir une possibilité pour la personne qui s'estime lésée d'en appeler de la décision.

Nous comptons également, au nombre des améliorations apportées au Code du travail, la disparition de l'exception de vente en justice qui prévaut à l'article 45, tout comme nous endossons les mesures prévues à l'article 45.1 lors de transferts de juridiction, soit lors du passage sous la compétence législative québécoise d'une entreprise dont les relations de travail étaient auparavant régies par le Code canadien du travail.

Ces observations étant faites, nous voudrions maintenant aborder certaines dispositions du projet de loi qui, de notre opinion, représentent des reculs inacceptables si l'intention derrière ce projet vise à favoriser l'accès à la syndicalisation. D'abord, nous nous expliquons mal qu'au moment où le Code semble vouloir élargir la notion de «salarié» pour limiter les exclusions non fondées le législateur ajoute une exclusion pour le personnel de la nouvelle Commission des relations de travail. Vous comprendrez que nous recommandons le même droit pour ces salariés tel qu'il en était du personnel du Bureau du Commissaire général du travail.

Par ailleurs, il est fait mention, au premier alinéa de l'article 25, que la requête en accréditation doit être accompagnée «d'une preuve à l'effet qu'une copie de cette requête a été transmise à l'employeur». Nous nous opposons fortement à cet ajout, puisque cela pourrait avoir comme effet de permettre aux employeurs de mieux contrer la syndicalisation de leurs personnels en les faisant bénéficier d'un préavis à la syndicalisation. Dans un tel contexte, différentes tactiques bien réelles, telles les mesures de rétorsion contre le personnel ou les nouvelles embauches, quoique interdites par le Code, risqueraient de se multiplier. Nous recommandons par conséquent d'abolir cette obligation.

Également, nous nous objectons à l'augmentation des droits d'entrée fixés à 10 $ dans le projet de loi. Il s'agirait là d'un important frein à la syndicalisation, surtout lorsqu'on pense aux salariés les plus précaires de notre société, soit ceux et celles qui travaillent à contrat ou à temps partiel. Augmenter de 2 $ à 10 $ les droits d'entrée serait donc commettre une injustice à leur égard, et ce serait également aller à l'encontre de l'esprit de cet article, puisque ces droits doivent d'abord et avant tout être symboliques. Nous recommandons par conséquent le statu quo sur cette question.

Les nombreuses modifications apportées à l'article 46 dans le projet de loi nous font craindre que le Code du travail ne s'éloigne de son objectif premier en devenant un instrument visant à rendre plus difficile le libre choix de l'association par les salariés plutôt que de permettre et de favoriser sa mise en oeuvre. Par exemple, actuellement, une partie doit démontrer des difficultés insurmontables découlant de l'article 45 pour justifier l'intervention du commissaire. Avec le nouvel article, l'employeur n'aura qu'à démontrer à la Commission que sa gestion serait facilitée si elle pouvait déterminer, modifier ou fusionner une de ces unités de négociation ou encore accorder, modifier ou révoquer une accréditation. Comme il s'agit là de l'impasse la plus courante, on peut penser que le recours à cet article sera fréquent avec, pour résultat, des débats judiciaires dont la finalité est pour le moins douteuse. En effet, les raisons d'être du Code étant de favoriser l'accès aux droits syndicaux, il nous semble donc totalement non fondé de modifier l'article 45 pour le motif de faciliter la gestion de la main-d'oeuvre.

Quant au cinquième alinéa, il constitue également un désavantage indu pour les petites unités d'accréditation si l'on compare à la situation actuelle, et nous craignons que l'utilisation de cet article ne contrevienne à la démocratie syndicale, puisque les groupes s'étant prononcés sur leur désir d'appartenance à une organisation syndicale particulière verraient leurs droits violés à cause de leur taille restreinte.

Finalement, le dernier alinéa de l'article 46 est de nature à faire subir un préjudice important aux travailleurs syndiqués, puisque la disposition semble éliminer toute possibilité de recourir à l'article 45 dans les cas de sous-traitance lorsque la convention collective traite des concessions partielles. La modification aurait donc comme conséquence que cet article ne soit plus d'ordre public dès lors que les parties auraient convenu de clauses concernant la sous-traitance. Le procédé est à plusieurs égards discutable et nous craignons que les employeurs utilisent cet article pour affaiblir le Syndicat par diverses stratégies. Dans ces circonstances, nous recommandons de revenir à l'esprit de l'article actuel.

Dans un autre ordre d'idées, nous nous opposons à toute ingérence dans les affaires syndicales et nous dénonçons vivement le fait que l'on puisse forcer le vote des syndiqués sur décision de la Commission ou sur demande de l'employeur. Une telle disposition aurait comme effet de modifier complètement le portrait de la négociation, sans parler du rapport de force des parties qui se retrouverait bouleversé en faveur des employeurs. En effet, ceux-ci, lorsqu'ils croiront que leur proposition pourrait récolter 50 % plus un des voix seront portés à demander un vote forcé. Il est évident que, lorsqu'un groupe de travailleurs est aussi divisé sur l'issue d'une négociation, les relations de travail deviennent plus pénibles, ce qui risque de menacer la paix industrielle. Aussi, nous recommandons d'éliminer complètement les nouvelles dispositions prévues à cet effet.

n(14 h 20)n

Nous tenons maintenant à faire connaître notre déception face à l'absence de dispositions nouvelles qui auraient permis aux salariés d'accréditations différentes de se regrouper aux fins de négociations collectives tout en liant du même coup les employeurs. Concernée à cette démarche de négociation, l'accréditation multipatronale ou la négociation regroupée permettrait, selon nous, de favoriser l'accès au régime de rapports collectifs du travail pour de petites unités de salariés. Des avancées sociales pourraient alors être envisagées dans des secteurs problématiques comme le secteur de l'hôtellerie ou encore les carrefours jeunesse-emploi. En conséquence, nous recommandons d'ajouter une disposition qui permettrait à une association syndicale, dans le cadre d'accréditations similaires ou semblables, de demander l'accréditation multipatronale en s'adressant à la Commission.

Dans la même veine, nous déplorons le fait que le projet de loi n'a pas retenu la notion des agences de placement ou de certaines structures corporatives complexes dans sa nouvelle définition d'«employeur». On le sait, ces situations donnent souvent lieu à une relation triangulaire, c'est-à-dire employé, agence, employeur, où il est difficile de déterminer précisément qui est l'employeur, ce qui complique considérablement l'exercice du droit d'association. Or, dans le cas des agences de placement qui sont en forte expansion au Québec, il a été démontré que les employés temporaires qu'elles embauchent gagnent en moyenne 20 % de moins que les employés réguliers qu'ils côtoient. Ce sont des milliers de personnes qui sont ainsi lésées, laissées-pour-compte. C'est pourquoi nous recommandons que la définition d'«employeur» prévoie ces situations de relation triangulaire. Voilà, Mme la Présidente, pour l'essentiel, les commentaires que nous souhaitons adopter à la commission relativement au projet de réforme du Code du travail.

En terminant, nous tenons à rappeler que l'équilibre entre les parties à la négociation ayant toujours été fragiles, toute modification au Code du travail doit être savamment soupesée afin de ne pas compromettre ce délicat équilibre, d'autant que de cet équilibre découle une paix industrielle nécessaire au développement économique du Québec. Or, à notre avis, certaines des modifications proposées dans le projet de loi n° 182 contribuent à rompre avec cet équilibre et menacent la paix industrielle. Il en va ainsi lorsqu'on veut donner le droit aux travailleurs de s'immiscer dans les affaires syndicales ou lorsqu'on cherche à affaiblir la portée de l'article 45 par des modifications significatives à l'article 46. Les enjeux sont trop importants pour les travailleuses et travailleurs syndiqués du Québec pour que le législateur remette en question les assises fondamentales de notre régime de rapports collectifs du travail. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Thibaudeau. Nous passons donc à la période d'échanges. Je demanderai donc à la ministre si elle a des questions.

Mme Lemieux: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Thibaudeau, je vous salue. Je vous remercie d'être présent à cette commission parlementaire. Je salue également les gens qui vous accompagnent. En fait, j'aurais plusieurs questions, mais je vais aborder deux choses en priorité. D'abord, vous dites dans votre mémoire, en parlant du processus de nomination des commissaires, à un moment donné: «Le processus de sélection devrait donc être clair, précis, transparent et connu à l'avance.» Vous n'élaborez pas davantage. Pouvez-vous vous avancer un peu sur cette question-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): Pour nous autres, il devrait y avoir, en fin de compte, un mécanisme qui pourrait être choisi entre les parties pour que d'avance ça soit connu, l'ensemble des modalités, pour que les parties puissent s'exprimer et par la suite procéder à la nomination, tout comme pour nous il est important que ce ne soit pas des personnes ? et vous allez comprendre notre réflexion ? à statut précaire, c'est-à-dire à durée déterminée dans le temps, qui pourrait leur permettre d'être, tel que le projet l'indique, cinq ans. Pour nous, en fin de compte, c'est qu'on veut que ça soit fait de façon paritaire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Mais vous voulez que le processus de choix des commissaires soit fait de manière paritaire, de l'ensemble des commissaires?

M. Thibaudeau (Richard): C'est que, nous autres, ce qu'on exprime de cette façon, c'est: le choix pourrait être fait de façon paritaire, les mécanismes prévus, également. Ça pourrait être ainsi fait, ce qui permettrait en fin de compte à l'ensemble des parties du monde syndical et du gouvernement de partir avec une notion de transparence avec laquelle on n'aurait pas de doute sur les personnes qui sont nommées là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Écoutez, vous savez qu'on a prévu, enfin... Bon. O.K. Ça va pour ça, là.

L'autre question que je voudrais aborder... Et vous allez un peu comprendre parce que j'assume différentes fonctions au gouvernement, je suis également ministre responsable de l'Emploi. Vous dites, dans certains éléments de votre conclusion, à la page 12: «En terminant, nous sommes déçus que le projet de loi ne laisse aucune place à l'accréditation multipatronale ou à la négociation regroupée, car nous sommes d'avis que ces moyens auraient permis de syndiquer de petites unités de salariés et auraient permis d'importantes percées dans différents secteurs problématiques, comme le secteur de l'hôtellerie ou encore les carrefours jeunesse-emploi.» J'apprécierais que vous m'expliquiez en quoi il s'agit de secteurs problématiques.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): Problématiques à la syndicalisation si on regarde lorsque le ministère crée les carrefours jeunesse-emploi. Lorsqu'on parle de libre accession à la syndicalisation, lorsque le gouvernement crée 85 organismes, subventionne ces organismes-là, des organismes de deux, trois personnes, comment pouvons-nous en fin de compte croire qu'un syndicat ? je parle pour le nôtre ? pourrait déposer 85 requêtes à des employeurs? C'est des employeurs différents.

Pour nous, la possibilité... Puisque c'est des services de même niveau, c'est de même type d'entreprises, on pourrait s'adresser à la Commission pour lui demander d'avoir une accréditation multipatronale qui nous permettrait de représenter l'ensemble des salariés et d'avoir en fin de compte un regroupement patronal, mais qui est en face de nous, comme vis-à-vis, alors que, si on voulait le faire actuellement, vous comprendrez qu'il y aurait 85 dépôts de requête, qu'il y aurait 85 négociations qui pourraient être différentes de l'une à l'autre, et c'est des unités de deux, trois personnes, trois, quatre. Donc, pour nous, on pense que le gouvernement pourrait permettre, par une disposition au Code, cette possibilité-là. En complément, M. Berry.

M. Berry (Conrad): Est-ce que je peux compléter un peu?

Mme Lemieux: Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Berry.

M. Berry (Conrad): Il faut se mettre aussi dans le contexte au niveau de l'organisation que ça implique pour un syndicat, là, d'aller syndicaliser, tenter de syndicaliser 40, 85 ou 100 unités ? je pense que c'est plus de l'ordre du 100, pour être exact ? et de négocier 100 autres conventions collectives pour trois, quatre personnes. Comme le disait M. Thibaudeau, ça implique des ressources énormément pour une organisation syndicale et l'organisation va se demander très certainement, avant de faire un geste comme ça, en quelque part là, combien ça va lui coûter en termes d'énergie, en termes d'investissement en tant que tel.

Donc, et pour les personnes visées, ça constitue un frein à leur accès au Code parce que rares sont les organisations syndicales qui vont s'engager justement dans une démarche aussi coûteuse, aussi lourde, aussi complexe pour deux, trois personnes, malheureusement. Et ce n'est pas parce que les syndicats ne voudraient pas regrouper ces gens-là, c'est qu'on n'a pas les mécanismes justement pour faciliter leur accès au Code, alors que, si on mettait ces gens-là ensemble, ça serait beaucoup plus facile et intéressant pour l'organisation syndicale en question.

Mme Lemieux: Bien, je veux juste comprendre, le Syndicat de la fonction publique du Québec, à moins qu'il y ait eu quelque chose qui m'ait échappé là, mais essentiellement vos membres, c'est des gens, c'est du personnel de la fonction publique, parapublique également?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): C'est qu'on a 90 % de notre représentation qui est issue des ministères et organismes du gouvernement du Québec et, l'autre 10 %, c'est des sociétés d'État telles la SEPAQ, le Musée de la civilisation, le Musée d'art contemporain, l'École nationale de police, qui sont des personnes qui, voilà en fin de compte 15 ans, 10 ans, étaient dans des ministères et organismes. Et, suite a des cessions et des sociétés d'État qui ont été créées, on a poursuivi la représentation de ces groupes-là.

Mme Lemieux: Donc, entre vous et moi, on pourrait dire: La grande famille de la fonction publique, finalement, là.

M. Thibaudeau (Richard): Le gouvernement du Québec.

Mme Lemieux: Le gouvernement du Québec, O.K. Est-ce que je comprends, dans votre commentaire, quand vous parlez de... Parce que je sais qu'il y a eu des... J'apporte peut-être un sujet un peu plus large, mais pourquoi pas? Vous avez donné un exemple des carrefours jeunesse-emploi et j'imagine que l'hôtellerie, c'est un peu les mêmes motifs que vous invoquez, la difficulté...

M. Thibaudeau (Richard): Oui, dans l'hôtellerie, ça peut être...

Mme Lemieux: ...du fait que ce soit de plus petites unités?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant, s'il vous plaît. Oui, Mme la ministre, vous aviez terminé?

Mme Lemieux: Oui, j'ai terminé.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Thibaudeau.

n(14 h 30)n

M. Thibaudeau (Richard): Je m'excuse. C'est que, dans l'hôtellerie, c'est la même difficulté où, en fin de compte, si on prend les auberges ou beaucoup plus petits que... On peut prendre le Hilton ou quelque chose du genre, on voudrait permettre la syndicalisation de même niveau. Bien, pour nous, lorsqu'on dit que ça doit être de niveau apparent, comme les CJE, c'est qu'on voudrait en fin de compte pouvoir représenter ces personnes-là, mais dans une accréditation multipatronale. Ça serait beaucoup plus facile et libre à l'accession des syndicats.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Dernière remarque là-dessus, M. Thibaudeau. Moi, je comprends bien ce que vous dites. En même temps, on a un dilemme, parce que ce que plusieurs intervenants nous disent ? vous allez me dire que c'est des représentants patronaux, mais, bon, ils ont le droit de s'exprimer aussi puis d'avoir leur angle de vue sur le Code du travail: Écoutez, on a plusieurs particularités dans nos lois du travail et, notamment dans le Code du travail, si on se compare, dans l'environnement où nous sommes, à d'autres juridictions. Lorsque j'ai publié les orientations ministérielles, au printemps dernier, pour camper un peu les problématiques auxquelles on voulait s'attarder, j'ai dit, dans les principes qui devaient nous guider, que nous devions tenir compte du contexte nord-américain dans lequel nous sommes. Or, le multipatronal, les négociations regroupées, à quelques exceptions près dans quelques États américains, ça ne fait pas partie du paysage nord-américain dans lequel nous sommes. Vous allez peut-être me dire: Bien, au diable! ça fera partie du nôtre puis on n'a pas à être comme les autres. Bon, oui, je veux bien, mais il y a des limites à vouloir ajouter des couches sur nos spécificités. C'est difficile à calculer, mais, un moment donné, ça finit par nous distinguer tellement que ça nous étouffe. Alors, bon, vous dites... Je comprends que, techniquement, ça serait formidable pour un meilleur exercice du droit d'association. Mais, en même temps, l'addition de nos particularités finissent par nous causer des problèmes. Comment vous gérez ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): Moi, je pourrais en fin de compte vous répondre comme étant: Pourquoi le Québec ne débuterait pas? Je pense qu'au Québec on veut être une société distincte. Pourquoi ne pas le faire de cette façon? On peut en fin de compte être avant-gardiste, permettre à des salariés, des citoyens à part entière, de pouvoir, eux, avoir le libre accès à la syndicalisation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Berry, vous vouliez ajouter.

M. Berry (Conrad): Complément, oui, si on me permet. J'ai de la misère un petit peu avec le discours qui dit que ça nous étouffe. Je trouve que la démonstration, les démonstrations souvent ne sont pas faites et on traîne beaucoup de ces idées qui, pour moi, en ce qui me concerne, ne sont pas toujours fondées. Je pense qu'il y a un discours avec lequel il faut en découdre au Québec actuellement et qui est très alarmiste et qui nous dit que, la croissance économique et la syndicalisation, ça s'oppose. Or, je regrette, mais la réalité est tout autre et je pense qu'il y a des expériences à travers le monde qui le démontrent. Il y a des pays scandinaves, par exemple, qu'on pourrait nommer qui affichent des taux de syndicalisation supérieurs à ceux du Québec et qui ont pourtant des taux de chômage de 5 %, 6 %, 7 %. Il y a, au Québec, des secteurs industriels qu'on considérait comme morts il y a quelques années et qui affichent des taux de 50 % de syndicalisation et qui maintenant font leur place dans le contexte de la mondialisation en exportant aux États-Unis partout à travers le monde.

Donc, cessons de dire que la syndicalisation est une entrave à l'économie. Je regrette, je suis plutôt d'avis que la syndicalisation favorise la croissance, parce qu'elle favorise la responsabilisation des travailleurs, la prise en charge des questions qui les concerne, soit l'avenir de l'organisation, la formation professionnelle, les investissements, le renouvellement technologique. Une entreprise syndiquée, c'est une entreprise performante par définition et il y a de nombreux exemples qui pourraient être mentionnés.

Maintenant, je terminerais juste en disant que, si on doit s'inspirer du modèle américain, qui est notre concurrent, il faut bien l'admettre, pour élaborer nos lois sociales, et ça, pour le motif que l'économie là-bas est très vigoureuse et que le chômage est presque inexistant, eh bien, je voudrais qu'on garde également à l'esprit une donnée fondamentale: aux États-Unis, il y a 20 millions de «working poors», des gens qui travaillent 40 heures par semaine, mais qui sont pauvres et qui ne réussissent pas à sortir de leur condition de pauvreté pour la simple et bonne raison que les conditions d'emploi de ces personnes-là sont misérables. Alors, l'accès à la syndicalisation, c'est également, Mme la Présidente, l'accès à l'amélioration de ces conditions de travail. Et, au Québec, on fait des choix de société, je pense, qui nous distinguent, comme le disait M. Thibaudeau, et qui font en sorte qu'on est une société d'avant-garde et qu'il y a des protections sociales qu'on n'a pas ailleurs, effectivement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, M. Thibaudeau, de vous souhaiter la bienvenue ainsi qu'aux gens qui vous accompagnent. Merci d'être ici.

Ma première question a trait à votre conclusion, une de vos conclusions. Vous dites, à la page 17 de votre rapport, que certaines modifications qui sont proposées dans le texte de loi menacent la paix industrielle et le développement économique du Québec, et là vous dites: Notamment ? et je passe un bout ? parce qu'on permet, par exemple, le vote sur les dernières offres patronales. Pouvez-vous m'expliquer comment le fait de demander un vote sur les dernières offres patronales aurait un effet sur le développement économique du Québec, puisque c'est ce que vous dites?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): Nous, c'est à titre de paix industrielle où... C'est qu'on ne veut pas en fin de compte aller dans des conflits où on doit régler normalement au niveau de la table de négociations. Lorsqu'on est en période de négociations, il serait facile pour nous de demander à l'employeur... c'est-à-dire que l'employeur demande à la Commission de forcer un vote, donc de s'immiscer carrément dans les affaires syndicales. Un mouvement syndical veut s'assurer que la très grande et très grande majorité de ses travailleurs acquiescent aux conditions de travail qui sont présentées. C'est à nous à présenter à nos travailleurs les offres qui sont faites. On ne va pas rencontrer les gens dans les conseils d'administration pour qu'ils prennent une position; on veut que chacune des parties se mêle de ses affaires. Pour nous, c'est carrément de s'immiscer, ce qui va faire en sorte qu'il y aura des conflits dus à ça, alors qu'il y a suffisamment de choses parfois qui peuvent arriver à un conflit. On pense que le climat de travail au Québec, depuis certaines années, il est dans un bon climat. Pourquoi venir apporter des modifications qui risqueraient de briser la paix industrielle et un bon climat de travail?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci. Je comprends bien votre réponse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant, s'il vous plaît, M. le député. Vous vouliez, M. Berry, ajouter. Il y avait un complément de réponse?

M. Berry (Conrad): Je veux compléter la réponse, si on me permet. Il faut penser aussi en termes de stratégie, là, en quelque part. Imaginez-vous, là, le vote qui obtient 49 % et qui ne passe pas, l'exécutif syndical se retrouve à aller rencontrer l'employeur qui est au courant que les résultats sont ceux-là, c'est-à-dire qu'il manque à peu près trois personnes pour que son option passe. Est-ce que vous pensez que l'employeur va être disposé à négocier, puis à ouvrir, puis à donner un peu plus? Ça va durcir énormément le ton des négociations. Et c'est dans cette optique-là qu'on pense qu'à plus large étendue cette disposition-là aurait pour effet de modifier à la baisse le climat de travail et, oui, effectivement, de menacer la paix dans les organisations.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci. Moi, j'interprétais cette intervention dans le projet de loi comme un essai justement d'éviter des longs conflits, de longues négociations qui n'arrêtent pas, qui ne se terminent jamais et de justement s'assurer d'éviter des genres de conflits qui perdurent tout le temps. Et je ne vois toujours pas dans votre réponse comment demander un vote serait un risque pour le développement économique du Québec. Je ne comprends toujours pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): Pour nous, la connaissance qu'on a de ces situations-là, M. le député, c'est de façon exceptionnelle. On ne connaît pas... Du moins, dans notre organisation, c'est exceptionnel en fin de compte qu'il y a des négociations qui peuvent être de longue durée et qui pourraient apporter un employeur à demander aux commissaires de forcer un vote. Il y a des mécanismes qui sont prévus, conciliation ou quoi que ce soit. À ce moment-là, on pourra, les parties... Le Code, je pense qu'il a suffisamment de dispositions pour permettre, s'il y a lieu, à une tierce personne d'intervenir dans ces cas-là. Ce n'est pas en forçant un vote qu'on va pouvoir en fin de compte améliorer dans ces cas d'exception là le climat de travail.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

n(14 h 40)n

M. Tranchemontagne: Merci. Ne croyez-vous pas que de forcer un vote justement qui peut aller d'un côté ou de l'autre ? on peut parler de ça, on n'est pas devant un conflit présent ? c'est justement dans le but d'essayer de résoudre une trop longue négociation qui s'éternise et qui ne va nulle part et qui envenime les relations entre des employés et le patron. Alors, moi, ça m'apparaît parfaitement normal de dire à un moment donné: Il y a une limite, puis là ça prendrait un vote, on va savoir qu'est-ce qui en est.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): C'est que nous ne croyons pas que les cas d'exception que nous avons eus dans ce cadre-là justifient le gouvernement de modifier le Code du travail dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Tessier.

Mme Tessier (Lucie): Oui, juste pour compléter, là. À notre avis, on n'a pas besoin d'institutionnaliser cette possibilité-là. Actuellement, les dispositions prévues dans le Code n'enchâssent pas assez bien ça, et on ne sait pas encore de quelle façon les commissaires pourraient décider de donner le droit à l'employeur de forcer le vote. Alors, nous, on est contre cette disposition-là, en tout cas de la façon... de l'institutionnaliser vraiment. Ça se fait, je crois, ailleurs au Canada, mais de façon ad hoc; ce n'est pas institutionnalisé dans la loi. Alors, on ne comprend pas pourquoi il faudrait qu'au Québec on innove de ce côté-là en l'enchâssant dans le Code du travail, plutôt que de laisser les commissaires décider si vraiment c'est absolument nécessaire pour des circonstances très particulières.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: J'aurais juste le goût de vous dire: Tantôt, vous parliez d'innover justement au Québec. Alors, je vais arrêter là cette discussion-là, je voudrais vous parler de l'article 45. Évidemment que vous êtes contre l'article 45, et, évidemment, je ne suis pas surpris. Êtes-vous d'accord avec moi que l'article 45, dans le moment, du Code actuel, est unique en Amérique du Nord? Ça nous met dans une classe à part par rapport à l'Ontario, les autres provinces canadiennes et les États américains. Première question: Êtes-vous d'accord avec ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Tranchemontagne: Est-ce que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah, un instant. Vous avez posé vos... Oui, allez-y, M. le député.

M. Tranchemontagne: C'est une série de questions qui découlent de celle-là. La deuxième question qui en découle, à mon point de vue, c'est: Êtes-vous d'accord que, parce qu'on se donne ce carcan-là ? je vais utiliser le mot parce que ça en est un ? on nuit à la compétitivité de nos entreprises, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent pas, par exemple, faire de sous-traitance autant que les États américains et aussi que les provinces canadiennes ? et il y a des statistiques là-dessus, dont je vous fais grâce ? et que, si on nuit à la compétitivité de nos entreprises, on nuit par le fait même à leur croissance? Et, si on nuit à la croissance de l'entreprise, ne croyez-vous pas qu'on nuit aussi directement à l'emploi au Québec et, par conséquent, à la progression de la richesse, du produit nationale du Québec?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): Peut-être une précision, c'est qu'on n'est pas contre le 45. Ce qu'on disait tout à l'heure, c'est sur le 46, l'article 46, O.K., où, pour nous, en fin de compte, c'est qu'on ne doit pas se servir de l'article 46 du Code pour désaccréditer ou accréditer des organisations syndicales. On doit plutôt s'en servir pour déterminer que l'association accréditée va représenter le salarié. Parce que, pour nous autres, c'est définitif qu'actuellement, avec les modifications qui sont apportées là, le taux de syndicalisation risque de baisser. On dit que, pour nous, c'est qu'on veut penser que, pour protéger les emplois, les conditions de travail et les accréditations, s'il le faut, le statu quo actuellement est de beaucoup supérieur aux modifications qui sont apportées par le gouvernement.

M. Berry (Conrad): En complément?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Berry.

M. Berry (Conrad): Oui, merci. Moi, je trouve ça drôle, ce débat sur la sous-traitance, comme si, au Québec, la sous-traitance n'existait pas. Mais il faut regarder ce qui se passe dans les entreprises, la sous-traitance est une réalité bien, bien présente au Québec. Il y a des municipalités qui sous-traitent pour 50 % de leurs dépenses. Les entreprises, les mégaentreprises, qu'il s'agisse de GM, Chrysler sous-traitent à peu près le tiers de leurs activités, sinon plus. Bien sûr, on nous dit: On aimerait que ça aille un petit peu plus loin du côté patronal. On peut le comprendre effectivement. Mais ne disons pas que la sous-traitance est impossible au Québec, ce ne serait vraiment pas exact. Je veux dire, les chiffres démontrent totalement le contraire: la sous-traitance est une réalité bien présente. Et c'est même, je vous dirais, un cauchemar des syndicats à l'heure actuelle. Bon.

Maintenant, on nous dit qu'on sera plus performant si on sous-traite, on pourrait en débattre. C'est vrai que les coûts de main-d'oeuvre souvent ? les coûts de main-d'oeuvre des gens qui ont des contrats de travail en sous-traitance ? sont moindres que ceux des travailleurs syndiqués ? c'est peut-être un facteur qui est positif, qui va à la diminution des coûts de main-d'oeuvre ? mais, en revanche, moi, je maintiens que des travailleurs syndiqués, ce sont des travailleurs productifs, ce sont des travailleurs performants, des travailleurs qui ont à coeur leur entreprise. Et je ne crois pas que ce soit une stratégie patronale gagnante de vouloir sous-traiter des activités, bien au contraire. Dans ce sens-là, nous, nous ne pouvons endosser l'article 46, qui justement est une porte ouverte à la sous-traitance et qui pourrait donner lieu, je pense, à l'application de stratégies patronales dans certains cas qui seraient plutôt malveillantes, qui viseraient à se débarrasser ou à affaiblir considérablement les syndicats. Et je ne crois pas que, collectivement, nous serions gagnants d'une telle stratégie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Oui. Merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous parler maintenant deux secondes ou vous entendre parler de la Commission. Si je vous ai bien compris, M. Thibaudeau, vous avez dit que vous étiez inquiet de la non-parité des nominations à la Commission et vous étiez aussi inquiet, je crois, de l'élimination de l'appel dans le projet de loi, je pense.

Ma question est dans un domaine que vous n'avez pas touché ou, du moins, à ma compréhension, vous ne l'avez pas touché. La question est la suivante: N'êtes-vous pas inquiet aussi du pouvoir très élargi de la Commission, d'autant plus que c'est dans le cadre d'un pouvoir qui est sans appel, en plus de ça? Je parle dans le contexte du projet de loi qu'on nous propose, pas avec des modifications qui viendront peut-être.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): O.K. C'est sûr que notre préoccupation, à nous, en fin de compte, c'est qu'on veut qu'il y ait un paritarisme. O.K. Je pense que le monde syndical cherche de plus en plus un paritarisme, d'autant plus que la Commission des relations du travail, selon nous, les personnes qui sont là devraient être nommées, mais de façon paritaire. Il pourrait y avoir...

Au niveau de notre organisation, je sais qu'on en a parlé un peu à cet effet. Il pourra peut-être y avoir un banc de trois, des commissaires, qui feraient en sorte en fin de compte d'entendre les problèmes, les plaintes, les recours. Et, à ce moment-là, si les trois commissaires sont unanimes à la décision, je pense bien qu'on est capable de comprendre un peu. Du fait que ça soit nouveau également, on pense que, dans le temps, il devrait y avoir trois commissaires. Je vous dirais que, pour nous, la réflexion, pour un certain nombre d'années, c'est qu'il devrait y avoir trois commissaires dans le but d'établir la jurisprudence et aussi d'y avoir en fin de compte des procédés d'appel ou de révision dans le cas où les parties pourraient penser que la décision, pour nous, en fin de compte n'est pas bonne. On veut à tout prix, et je pense que la Commission des relations de travail doit être instituée dans ce sens-là, que l'ensemble des parties puisse discuter. Mais, pour ce faire, le mécanisme de nomination doit être paritaire, et ça va nous permettre en fin de compte, à chaque partie, je pense, de trouver chacun nos propos là-dedans.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va, M. le député de Mont-Royal?

M. Tranchemontagne: Ça va.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Oui. Merci, Mme la Présidente. Je vais reprendre certains points qui ont été soulevés. Je vais essayer d'être le plus bref parce que mes collègues ont aussi des questions.

Tout d'abord, un commentaire, je lisais votre mémoire puis il y a des éléments qui soulèvent toujours ma surprise et simplement ? je ne veux pas partir une discussion philosophique ? quand vous parlez des travailleurs autonomes et que vous dites, bon: «En même temps, nous sommes mal à l'aise ? et vous me direz si on se comprend mal, si j'ai mal lu le rapport ? face à tout ce qui pourrait donner l'impression qu'en étant favorables à de telles mesures, nous cautionnons ces nouvelles formes de salariat...»

n(14 h 50)n

Et, ça, j'ai lu ça aux pages 2 et 3 de votre mémoire. Et je peux vous dire, comme personne qui côtoie régulièrement des gens qui sont... Et là je vous parle de vrais travailleurs autonomes et qui ne sont pas plus malheureux que les autres là, dans le sens qu'ils aspirent à d'autres choses. Et, souvent, d'ailleurs, c'est des jeunes, je vous dirais ? je ne vous dis pas que vous n'êtes pas jeune évidemment, vous avez l'air en pleine fleur de l'âge ? qui sont au début de leur carrière et qui se sentent très à l'aise. Et ça me surprend toujours d'entendre cette rhétorique-là qui ne conviendrait pas... qui convient plus aux faux travailleurs autonomes qu'à ceux effectivement qui l'assument et qui sont une façon... Et ça touche un pourcentage important des travailleurs du Québec. Alors, ça, c'était une forme de commentaire. Vous me direz si j'ai peut-être mal compris votre propos.

Une chose que je voulais vous dire aussi, par rapport au vote qui pourrait être décrété par la Commission. Parce que, d'un côté, au niveau de la cohérence, vous dites: Bon, la Commission, ça lui prend beaucoup de pouvoirs et, lorsqu'on en indique un ? et la Commission évidemment va être une commission qui va être au-dessus des partis ? eh bien, vous dites: Non, ce pouvoir-là, on pense qu'il n'est pas bon, alors que, moi, je pense qu'elle va l'exercer en toute discrétion, mais aussi, j'imagine, avec jugement et en sous-pesant les intérêts de chacune des parties. Donc, d'un côté, j'ai lu dans votre mémoire que vous disiez: Ça prend une commission avec plus de pouvoirs et, quand il y en a un ? je vous dis que c'en est un en particulier; je comprends que vous souhaitez encore plus renforcer ? celui-là, là, bien, vous avez beaucoup, je vous dirais, de retenue, alors que, moi, je pense que c'en est un, mais il peut y en avoir d'autres. Et, à l'usage, on va voir effectivement quel usage va faire la Commission de ce pouvoir-là.

Une voix: ...

M. Bédard: Oui, je vais aller... Une autre question par rapport à l'appel. Vous disiez tantôt, que, bon, il y avait... Un seul décideur c'est plus risqué par rapport aux décisions. Et, le fait qu'on n'ait pas d'appel, ça peut conduire à des résultats qui ne vont pas dans le sens de la preuve, là. C'est ce que j'ai vu, mais je vous rappellerais là-dessus qu'on a le système des arbitres de grief qui est un système au Québec, je crois, que personne ne remet en question et qui n'a pas d'appel, qui ne permet pas l'appel. Et, en tout cas, pour avoir pratiqué dans le domaine, c'est un système qui fait, au contraire, l'affaire des deux parties et qui...

Vous savez, qu'on soit un, qu'on soit trois ou qu'on aille même en appel, et pour y avoir déjà été, ça ne fait pas enlever toute possibilité d'erreur de fait et de droit, au contraire. Alors, on ne fait que reporter sur un autre une décision avec une appréciation qui est différente. Donc, au contraire, ce qu'on souhaite, nous tous, c'est d'avoir un système qui est plus rapide. Et on le sait que, avec l'appel, c'était un des éléments qui faisaient en sorte que les délais étaient plus grands pour les travailleurs.

J'ai vu souvent des travailleurs ne pouvoir avoir accès à leurs droits en attendant une décision en appel, donc soit à la réintégration ou à une autre décision du tribunal. Et, si on le compare avec le système des arbitres qui est beaucoup plus expéditif et qui fait en sorte que la décision finale est sans appel et qui n'enlève pas, en cas d'erreur grossière, erreur manifestement déraisonnable, que quelqu'un puisse aller en révision, donc, je suis surpris un peu, là, de votre réaction là-dessus parce que j'y vois là un intérêt des travailleurs principalement quant au caractère expéditif des décisions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Berry.

M. Berry (Conrad): Oui, en fait, sur la première question, le premier aspect de la question, dans le fond, quand on compare le travailleur précaire ou la précarité de la main-d'oeuvre et qu'on le dénonce, évidemment, on n'a pas à l'esprit les travailleurs autonomes, je dirais, qui ont choisi d'être des travailleurs autonomes. Et donc c'est un fait délibéré de leur part, une décision délibérée de leur part. Et il y en a, et on l'admet effectivement, des gens qui préfèrent la liberté associée à un statut de travailleur autonome et les nombreux avantages que cela peut comporter.

Malheureusement, un très grand nombre et un nombre qui est en croissance ne vit pas cette situation. Pour eux, ils sont travailleurs autonomes parce qu'ils n'ont pas d'autre choix. C'est une question de survie et ça s'impose à eux. Ils préféreraient de loin, ces gens-là, travailler comme salariés 40 heures par semaine, et j'en côtoie de nombreux, je peux vous le dire.

Donc, nous, lorsqu'on s'insurge un peu contre la montée du travail atypique, les formes de travail atypique, que ça soient les emplois à temps partiel, les emplois temporaires, bien, on inclut dans ça les travailleurs autonomes, mais, évidemment, ceux qui n'ont pas choisi d'être travailleurs autonomes. Et il faut bien faire cette distinction, elle est importante, et je pense que votre propos m'amène à le préciser là-dessus.

Mais, pour nous, les travailleurs autonomes devraient faire l'objet d'une attention particulière autant ceux, je dirais, qui l'ont choisi que ceux qui ne l'ont pas choisi. Et ceux qui vivent la précarité et qui sont en fait des travailleurs dépendants devraient bénéficier du Code, comme on l'a mentionné, et les autres travailleurs autonomes qui ne sont pas dans la même situation devraient également faire l'objet davantage d'attentions de façon à bénéficier de certaines protections sociales auxquelles ils n'ont pas droit malheureusement. On pense à l'assurance chômage ou à d'autres mesures qui ne leur sont pas permises, étant donné leur statut. Alors, c'est une clarification que je voulais apporter.

Sur les autres aspects, je vais laisser mes collègues répondre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): Si on prend en fin de compte... Parce que vous m'indiquez que, les griefs, c'est devant un arbitre seul. Oui, c'est vrai. Cependant, c'est une procédure d'appel où, en deuxième instance, si on parle des arbitres de griefs, on s'en va devant le tribunal, où on demande au tribunal...

M. Bédard: Ce n'est pas un appel, c'est une révision. C'est une révision judiciaire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un à la fois.

M. Thibaudeau (Richard): C'est ça, c'est une révision.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, vous pouvez continuer, monsieur.

M. Thibaudeau (Richard): O.K. Donc, pour nous, en fin de compte, c'est qu'il y a un palier judiciaire qui permet de réviser la décision de l'arbitre de griefs. Donc, bien, dans ce cadre-là, pour nous, on dit: L'erreur est humaine. Et heureusement que l'erreur est humaine. Cependant, lorsqu'il s'agit de droits de travailleur, c'est qu'on voudrait bien, nous autres, à ce moment-là, qu'il puisse y avoir un palier où il pourrait y avoir une révision de décision. On sait que, par la Commission, par la nouvelle Commission, il y a abolition du Tribunal du travail, mais, pour nous, il doit y avoir un mécanisme, à tout prix, de révision. Et ça, l'ensemble des parties, bien, qu'on rencontre, pour eux, je pense que c'est important dans le projet de loi qu'il puisse y avoir une réelle révision de l'apport de la décision.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement terminé, M. le député de Chicoutimi. Mme la députée de La Pinière, je vous signale qu'il reste six minutes à votre formation politique.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Thibaudeau, M. Berry, Mme du Syndicat de la fonction publique. Vous avez parlé tantôt de la syndicalisation et de la nécessité d'avoir une accréditation multipatronale et vous avez donné l'exemple des carrefours jeunesse-emploi ? il y en a 85, ça se développe ? et vous auriez aimé que vous puissiez syndiquer le personnel de ces carrefours jeunesse-emploi. Est-ce que, de leur côté, ils ont manifesté un intérêt pour être syndiqués? Est-ce que vous avez des cas ou des contacts ou des indications à l'effet que les carrefours jeunesse-emploi souhaiteraient se syndiquer, par exemple?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): Oui. Lorsque le ministère a créé en fin de compte les carrefours jeunesse-emploi, oui, nous avons eu des contacts avec certains salariés qui auraient apprécié qu'on puisse faire des démarches avec eux et pouvoir déposer une requête. Tel que mon collègue vous le disait tout à l'heure, déposer une requête en accréditation pour syndiquer deux, trois personnes, par la suite, l'effet d'enchaînement qui fait qu'on pourrait déposer 85, 100 requêtes avec 100 employeurs différents, un syndicat comme le nôtre, on ne serait pas en mesure d'assurer le service auquel ces travailleurs-là ont droit. Donc, pour nous, c'est important.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui. Vous représentez 40 000 travailleurs et travailleuses dans le gouvernement du Québec, essentiellement des employés de bureau, des ouvriers, etc. Hier, on a entendu un groupe qui nous a parlé qu'une commission scolaire a décidé de donner... de soumettre le travail de l'entretien à la sous-traitance. Je voudrais savoir si, au gouvernement du Québec, le phénomène de la sous-traitance prend forme et, si jamais... comment ça se manifeste. Est-ce que vous constatez que c'est un phénomène croissant? Est-ce que ça vous menace? Si vous pouvez nous en parler.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau.

M. Thibaudeau (Richard): Effectivement, le phénomène est très croissant normalement au ministère du Revenu, au ministère de l'Emploi. Au ministère des Transports, c'est qu'on a connu les années 1993 où le gouvernement a cédé aux municipalités et à des entrepreneurs beaucoup de ce qu'on dit, nous autres, dans notre langage, «des bouts de chemin». Et, si on regarde aujourd'hui le réseau routier, je pense qu'on est capable de constater que les services qui étaient offerts par les travailleurs du gouvernement étaient plus qu'adéquats, puis je ne suis pas sûr que ça ait été rentable de donner l'entretien des routes à la sous-traitance.

n(15 heures)n

Pour nous, c'est qu'il y a des services que l'État doit maintenir. C'est des services à la population, qui a droit à ces services de qualité qui sont offerts par les travailleurs et les travailleuses que nous représentons. On croit que, pour le gouvernement, aujourd'hui, c'est rendu trop facile de céder à des tiers des services qui devraient être maintenus par le gouvernement du Québec où c'est croissant. Et, pour nous, c'est très alarmant pour notre organisation de voir ce qui s'en vient aux termes du gouvernement du Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui. Merci. C'est pour ça... Ça m'a surprise que vous ne n'abordiez pas la question dans votre mémoire parce que, dans votre cas, c'est assez spécial parce que c'est le gouvernement du Québec qui, en fait, fait partie aussi du législatif et de l'exécutif, qui, en même temps, nous propose des projets de loi et qui pratique la sous-traitance qui vous préoccupe. Alors, j'ai trouvé ça assez préoccupant de ne pas voir ce point-là développé dans votre mémoire en tant que tel. D'autant plus que vous nous dites qu'effectivement c'est un phénomène croissant et que c'est quelque chose qui, dans le quotidien, vous préoccupe.

Il y a d'autres groupes syndicaux qui nous ont parlé aussi de la nécessité de syndiquer les cadres. Je sais que ça ne relève pas de votre niveau syndical, il y a déjà le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec. Mais qu'est-ce que vous pensez de la nécessité de syndiquer les cadres?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Thibaudeau, très rapidement, il reste une minute.

M. Thibaudeau(Richard): Je dois vous dire que... Bien, considérant qu'un regroupement syndical... Pour nous, c'est qu'on est d'accord avec la libre syndicalisation; ce n'est pas en fonction nécessairement des postes des personnes. Pour nous autres, c'est la libre syndicalisation. Donc, c'est un citoyen, c'est un salarié, lui aussi, il reçoit un salaire de quelqu'un, pour nous, on n'a pas en fin de compte... Il y a une association, de toute façon, qui existe pour les cadres. Il y a une association qui existe déjà.

Si vous me permettez, rapidement, lorsque vous dites que, dans notre mémoire, on traite peu de la sous-traitance, je vous inviterais... lorsqu'on parle de carrefours jeunesse-emploi, c'est de la sous-traitance qui a été faite au sein du gouvernement du Québec où on a continué à les créer. Parce que, pour nous, c'est, de la part du gouvernement du Québec, une création. Donc, pour nous, c'est de la sous-traitance. Actuellement, il y a d'autres discussions qui se passent au niveau du même ministère et on sera sur tous les paliers pour pouvoir maintenir des services publics de qualité au sein du gouvernement du Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, malheureusement, le temps est complètement écoulé, on l'a même dépassé. Alors, merci pour votre présentation. je vais suspendre quelques instants les travaux de la commission.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

 

(Reprise à 15 h 5)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons donc poursuivre, puisque nous rencontrons maintenant la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec.

Alors, bonjour, messieurs. Bienvenue à cette commission. Vous avez, je vous le rappelle, 20 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, il y aura échange. Je pense que vous avez assisté à la présentation du groupe précédent. Cependant, avant de présenter votre mémoire, j'aimerais que le porte-parole puisse se présenter et nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Fédération des policiers et policières
municipaux du Québec (FPMQ)

M. Prud'Homme (Yves): Alors, merci, Mme la présidente. Yves Prud'Homme, président de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec. À ma gauche, Pierre-David Tremblay, vice-président de la Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal. Ça s'en vient, Montréal, tantôt. Et, à ma droite, M. Alain Rousseau, avocat, conseiller juridique au niveau de la Fédération.

Donc, je tiens à adresser mes remerciements à ladite commission pour son invitation à participer à ces débats et à cette consultation concernant le projet de loi n° 182.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous, votre nom, c'est M. Prud'Homme?

M. Prud'Homme (Yves): Yves Prud'Homme.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous comprendrez, c'est pour les besoins de la transcription qu'on vous demande ces choses-là.

M. Prud'Homme (Yves): Je pensais que je l'avais dit au début, mais je l'ai peut-être dit trop vite. Excusez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous pouvez poursuivre.

M. Prud'Homme (Yves): Donc, je remercie la commission pour son invitation à participer à ces consultations publiques concernant le projet de loi n° 182 touchant certaines modifications à souhaiter au Code du travail. Je rappellerais à ladite commission que la Fédération regroupe près de 120 associations syndicales policières et qui représentent à elles globalement plus de 8 800 policiers, policières municipaux à travers le Québec, incluant évidemment ceux de la CUM.

D'entrée de jeu, nous reconnaissons qu'à certains égards le projet de loi a le mérite de clarifier certaines situations juridiques qui méritaient, à notre avis, cette intervention du législateur. Toutefois, il nous semble que la nouvelle commission se voit octroyer des pouvoirs exorbitants qui risquent de changer le fragile équilibre qui doit exister dans notre domaine de relations de travail.

Nous croyons hasardeux l'abolition du tribunal d'appel et que la possibilité d'imposer des frais pour l'application de dispositions d'ordre public est incompatible avec le rôle social indubitable des différents recours et plaintes en vertu du Code. Nous avons donc divisé en suivant l'ordre des modifications suggérées dans le projet de loi, et les premiers commentaires s'adresseront à l'ordonnance à une association de procéder à un vote au scrutin secret portant sur les dernières offres patronales qu'on retrouve à l'article 40 du projet de loi.

C'est ? tout le monde va en convenir ? une modification majeure, et nous la qualifions d'ingérence directe dans le processus démocratique syndical. Et, quant à nous, ça risque d'entraver sérieusement la liberté syndicale dans la stratégie de négociations. D'ailleurs, à l'appui de nos prétentions, les réactions des représentants patronaux confirment nos dires lorsqu'ils qualifient cette disposition d'encadrement de la démocratie syndicale et osent même aller jusqu'à demander que cette possibilité leur soit offerte plus d'une fois. Si le Code, d'une part, prévoit la non-ingérence de l'employeur dans les affaires syndicales d'une façon très directe, le projet de loi va permettre, par le bon office de la Commission des relations de travail, de le faire indirectement, ce qui nous apparaît comme étant une dichotomie dans le discours.

n(15 h 10)n

La nouvelle Commission doit se voir imputée d'une crédibilité à toute épreuve, à notre avis. Alors, si l'employeur peut utiliser ce type de dispositions au seul bénéfice de ses préoccupations, comment un pouvoir aussi exorbitant peut-il être conciliable avec ses objectifs de neutralité et de crédibilité? On n'a qu'à penser à des menaces que pourra faire l'employeur de recourir à cette disposition pour venir influencer les forces de la libre négociation. Donc, si l'on constate un ou des problèmes, selon la Fédération, c'est, d'abord et avant tout, aux membres du syndicat ou de l'association d'agir par le biais de leurs statuts et règlements ou encore sous l'égide des articles 20.1 à 20.5 du Code du travail.

Deuxième commentaire, juridiction du tribunal d'arbitrage de différenda. Cette modification a le mérite de clarifier une situation qui a soulevé une polémique juridique qui perdure depuis plusieurs années. Et, dans ce sens, nous n'avons qu'à féliciter la ministre du Travail, Mme Lemieux, de mettre un terme à cette saga judiciaire. Toutefois, nous osons vous suggérer, nous osons suggérer à la ministre d'ajouter au texte proposé, après le texte «d'au plus trois ans»: «depuis l'expiration de la convention collective précédente ou de l'accréditation dans le cas d'une première convention collective». Et, quant à nous, selon la Fédération, je pense que ça aurait l'avantage de mettre un terme à tous ces débats judiciaires et ces sagas juridiques auxquels nous avons assisté au cours des dernières années.

Le troisième commentaire s'adresse à la Division des plaintes et recours. Nous avons divisé ou subdivisé nos commentaires en quatre sous-titres.

3.1. L'ordonnance prévue à l'article 134 du Code du travail. Nous nous interrogeons quant à la possibilité de chevauchement dans l'exercice de leur juridiction respective ? parce qu'on sait qu'il n'y a pas abolition des services du Conseil des services essentiels, qui n'est pas aboli... et celle de la nouvelle commission. Nous tenons tout simplement à vous souligner qu'à notre avis l'octroi d'un pouvoir aussi étendu pour que la commission puisse intervenir efficacement et rapidement dans les rapports collectifs exige d'autant une qualité de décideur à la hauteur de l'importance des pouvoirs, surtout en l'absence d'un tribunal d'appel. Parce qu'il faut se le rappeler, on abolit le tribunal.

Demande de révision ou révocation d'une décision de la Commission. Je l'ai dit tantôt, le projet de loi prévoit l'abolition du tribunal. À notre avis, l'article 137.4, paragraphe 3, procède d'une notion tellement large que celle-ci couvre la plupart des motifs pour lesquels nous pouvions en appeler auparavant d'une décision du commissaire. Nous croyons que ce processus, même s'il est répandu, manque de transparence. Les commissaires issus d'une même commission vont réviser ou révoquer les décisions de leurs collègues, il faut en être conscient. On peut comprendre, à la Fédération, qu'en matière de rapports collectifs de travail il peut être opportun de l'implanter à cause des frais moins coûteux et, etc., les délais beaucoup plus courts. Selon nous ? et là c'est une mise en garde que nous faisons au législateur ? il en va autrement en matière de droits de nature individuelle. Il est fondamental de maintenir, en matière d'éthique professionnelle, un tribunal transparent et tout à fait indépendant. Et nous en vivons des exemples quotidiennement. Il faudrait endiguer la tendance du législateur à vouloir abolir les tribunaux d'appel.

Autorisation du dépôt d'une décision au bureau du greffe de la Cour supérieure. Nous sommes en accord avec l'intention du législateur de rendre exécutoire une décision de la Commission. On se pose la question: Pourquoi on devrait attendre ou obtenir l'autorisation de ladite commission avant de procéder au dépôt si les délais de révision ou de révocation sont expirés? Nous sommes d'avis qu'aucun délai ou autorisation ne soient nécessaires avant le dépôt de cette ordonnance. L'objectif du législateur ainsi que les critères applicables à l'exercice de cette discrétion par la Commission mériteraient d'être précisés, quant à nous.

Les règles de preuve et procédures. L'article 137.15 introduit une nouvelle règle quant au versement systématique du dossier, devant la Commission, du rapport d'enquête. Nous vous suggérons que, sauf du consentement exprès des parties, ce rapport d'enquête devrait faire l'objet d'une preuve spécifique. Si le législateur décidait d'aller de l'avant, ce dépôt systématique ne devrait être limité, quant à nous, que dans l'application des articles 12 et 23.1, deuxième alinéa, traitant de l'ingérence d'un employeur sur les questions relatives à l'accréditation et à la protection des droits d'association.

Règlements et politiques. L'article 138 traite de l'imposition de tarifs et des coûts que le gouvernement pourra déterminer. L'intention du gouvernement est, selon nous, nébuleuse, et il nous apparaît dangereux que des demandes ou services rendus puissent faire l'objet de frais. Il s'agit de l'application d'une loi dont le rôle social est primordial dans l'amélioration et le maintien d'une paix sociale dans les rapports collectifs. Entend-on ? et là je pose la question à la ministre ? imposer des frais pour les arbitrages de différends que le ministère souhaite depuis des années? Si c'est le cas, la Fédération s'oppose vigoureusement à cette éventualité, et vous comprendrez pourquoi.

Nous vous rappelons qu'en 1983 on a modifié le Code du travail, faisant en sorte qu'au tribunal d'arbitrage de différends on retrouverait des assesseurs syndicaux et patronaux, et, antérieurement, c'étaient des arbitres syndicaux et arbitres patronaux, et c'était défrayé par le gouvernement. Depuis 1983, ce sont les parties qui en assument les coûts. En 1996, d'autres modifications adoptées modifiant les critères à l'article 99.5 ont grandement contribué à une augmentation des coûts aux parties. Et là j'ai en tête les experts, l'équité interne, l'équité externe, les perspectives économiques du Québec. C'est donc dire que nous avons à faire face à des preuves de rémunération globale, des experts en économie, des actuaires, et tout cela allonge, étire, étend d'autant les audiences. Ça serait mettre en péril l'accessibilité et, quant à la Fédération, il ne saurait être question de donner notre aval à cette intention.

Les dispositions transitoires et finales. Rapidement. Ces dispositions ne précisent pas si les modifications à l'article 99.5 s'appliquent aux dossiers référés devant le tribunal lors de l'entrée en vigueur de l'article 59 du projet. Je pense que la ministre devrait le préciser et, tout cela, dans la même préoccupation d'éviter des sagas ou des polémiques juridiques.

En conclusion, nous considérons que cette réforme du Code du travail amenant la création de la Commission des relations de travail et ses deux divisions est une initiative du législateur qui va dans la bonne direction. Toutefois, ses pouvoirs nous semblent exorbitants et risquent de changer le rapport de force entre les parties. Sous réserve des commentaires que nous avons tenus, nous déplorons également l'abolition du Tribunal du travail en tant qu'organisme judiciaire indépendant et crédible. Finalement, nous vous rappelons que l'accessibilité à l'arbitrage de différends est un recours assurant une paix sociale au Québec en matière de relations de travail chez les policiers et pompiers. Le fardeau financier associé à ce type de recours est suffisamment lourd sans qu'il n'y ait besoin d'en ajouter et de compromettre ainsi son accessibilité chez nos associations.

Nous vous remercions donc à l'avance de l'attention que vous porterez à nos commentaires, et je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Blanchet): Alors, merci, M. Prud'Homme. Nous allons donc débuter la période d'échanges. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, M. Prud'Homme, je vous salue, ainsi que les gens qui vous accompagnent. Je vous remercie d'être présents à cette commission.

Je voudrais aborder deux éléments plus substantiels. Mais, avant de le faire, je vous dis que, sur la question de l'article 59, vous nous refaites une petite suggestion, on va l'examiner, on verra ce que ça donnera, dans la mesure où ça ne dénature pas le sens de ce qu'on a voulu faire dans le projet de loi.

Sur la première partie de votre mémoire ? vous savez, il arrive qu'il y a des groupes qui nous parlent d'un sujet, alors que d'autres nous l'ont signifié par écrit, ne l'ont pas fait à haute voix ? ça se peut que vous payiez un peu pour les autres, c'est ça que je veux vous dire, parce que vous n'êtes pas le seul à avoir abordé la question de l'ordonnance à une association, cette idée de tester les votes, de tester les offres patronales par un vote au cours d'une négociation, vous n'êtes pas le seul syndicat, mais c'est vous que je vais interpeller. Alors, vous passerez le message à vos collègues, parce que j'aurais pu leur poser la même question, mais l'opportunité ne s'est pas présentée.

n(15 h 20)n

Il faut dire que vous avez une petite tournure de phrase qui prête à un certain nombre de commentaires. Alors, à la page 3, ce que je comprends, c'est que vous êtes inconfortables avec cette idée qu'un employeur puisse s'adresser à la Commission et que la Commission ? ce ne serait pas automatique, là ? puisse évaluer la pertinence de tester donc ces offres patronales à l'occasion d'un vote. Et vous dites, au premier paragraphe de la page 3: «Il est à prévoir que cette tentative de l'employeur et de la Commission de faire en sorte que les membres de l'association accréditée désavouent leur propre comité de négociation favorisera davantage la confrontation.»

Je vais vous dire crûment, M. Prud'Homme, que, si un comité de négociations a négocié au nom de ses membres et que, là, pour plusieurs raisons, l'employeur dit: Je voudrais être bien, bien sûr que c'est ça que les salariés à la base veulent et que, mon offre, elle est clairement rejetée ou clairement acceptée, il y a des comités de négociations... Vous dites: Le risque, c'est que des membres puissent les désavouer. Ça se peut que des fois le comité de négociations mérite d'être désavoué. On se comprend-tu?

M. Prud'Homme (Yves): Est-ce que je peux répondre immédiatement?

Mme Lemieux: Attendez, je vais finir. Ha, ha, ha!

M. Prud'Homme (Yves): O.K.

Mme Lemieux: Ce que je veux dire, c'est qu'il y a plusieurs groupes qui nous ont parlé de ça et, moi, je vois bien qu'il y a une corde sensible, mais je me dis qu'on est en train de toucher à quelque chose de vrai, à peut-être un vrai problème.

Les employeurs, ils nous disent ? puis je ne dis pas qu'ils ont toujours raison: On aimerait ça, nous, que le poids, il ne soit pas juste du même côté, puis on aimerait ça avoir de temps en temps la garantie que les choses ? passez-moi l'expression ? soient «clean». Quand, par exemple, ils nous disent: Quand on reçoit une requête d'accréditation, on veut être bien sûr que c'est ça que notre monde veut. Hein? Ils vont jusqu'à dire: On devrait avoir un vote automatique, etc.

Bon. En cours de négociation, ils nous disent: Bien, de temps en temps, là, on voudrait être bien sûr aussi que c'est ça que les salariés à la base veulent. Alors, oui, il doit arriver un certain nombre de situations où le comité de négociations aurait avantage à être reviré de bord parce qu'il n'a pas fait ses devoirs, parce que tout est devenu un objet stratégique. Comment vous pouvez être contre ça, cette possibilité-là, que les membres à la base soient interrogés de manière formelle au moins une fois en cours de négociation?

La Présidente (Mme Blanchet): M. Prud'Homme.

M. Prud'Homme (Yves): Mme la Présidente, je ne sais pas si je suis la première victime de la ministre, mais, si tel était le cas, je voudrais la rassurer. Premièrement, à combien de reprises avons-nous dit aux syndicats: Ce n'est pas de vos oignons, entre parenthèses, parce que je sais que c'est un terme français, mais... Vous n'avez pas à vous ingérer dans la gestion de nos entreprises et ce n'est pas de vos affaires. Premier commentaire.

Deuxième commentaire. Je rappellerais à la ministre du Travail que, dans la majorité des syndicats, il y a une obligation quant au vote sur le renouvellement de la convention collective. Ça, tout le monde, on s'entend, ça existe, c'est dans les statuts et règlements.

Lorsque nous avons inclus dans notre mémoire que, si jamais il y avait des irrégularités, ça revient à ceux qui en font partie, donc les membres... Les règles, vous savez que les employeurs les respectent quand ça fait leur affaire et peut-être que la ministre pourrait ajouter: Aussi les syndicats. Je pense que, étant du côté syndical, il m'apparaît très clair dans mon esprit que les règles sont beaucoup plus respectées du côté syndical quant au membership qu'il représente.

Je vais vous parler de mon expérience. Le cahier de demandes fait l'objet d'une consultation auprès du membership. À chaque fois qu'on présente un cahier de demandes, il est entériné dans une assemblée générale, les membres ont un droit de parole. À chaque fois qu'on veut modifier une convention collective, ça fait l'objet évidemment d'un vote.

Dans ma petite expérience ? je ne parlerai pas de vaste expérience ? j'ai été témoin, je dirais, de lignes à pêche: On a parlé de ça au comité de négociations, parlez-en à votre président. On envoyait sur le terrain des demi-informations, si vous voulez, ou des demi-vérités, devrais-je dire. Savez-vous pourquoi? Parce qu'on créait une pression, de la part de l'employeur, sur le comité de négociations pour justement l'amener petit à petit à peut-être aller offrir ce que le comité de négociations jugeait inacceptable. Je dis, Mme la Présidente, à Mme la ministre que c'est d'abord une stratégie patronale, une stratégie de représentants syndicaux et qui peut faire en sorte que l'employeur pourra créer un chiffre, mais à l'intérieur du membership, suffisant pour que le comité de négociations soit désavoué. Et savez-vous qu'est-ce qui va se passer? Ça va être la confusion. On va assister à des gens qui peut-être vont venir remplacer et qui, à cause de la désinformation, vont être encore plus indicatifs que l'autre ne l'était, mais sans raison.

Il y a tellement de moyens de désinformer les employés par des bribes d'information: On a parlé de ça au comité de négociations. Mais le comité de négociations ne doit pas rendre compte, compte tenu du rôle et du mandat qu'il a dans une espèce de perspective de règlement global. J'ai été témoin, moi, de fuites volontaires du patron ou de l'employeur. Écoutez, vous vous doutez pourquoi, Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Prud'Homme, moi, écoutez, j'ai une confiance très grande envers l'être humain et je pense que l'être humain, quel qu'il soit et de quelque côté de la clôture qu'il soit, dans une négociation, a des ressources infinies pour pouvoir développer des stratégies de tous ordres. Et vous pouvez nous faire... Et je peux vous le dire parce que j'en vois passer, des conflits de travail. D'ailleurs je ne vois plus souvent les situations malheureuses que les situations heureuses, mais j'en vois des deux bords, là. La bêtise humaine, ça se répartit bien entre les deux, puis les stratégies douteuses, là, regardez bien, c'est la vie, là. Vous pouvez nous décrire des stratégies des employeurs ? puis j'en conviens, j'en vois passer de tous ordres ? mais il y en a aussi du côté syndical.

La question que je vous pose... Vous savez, le Code du travail, c'est, en quelque sorte, les règles du jeu. C'est ? je sais que c'est un exemple un peu simpliste ? un peu comme un contrat de mariage: quand ça va bien, on ne ressort pas notre contrat de mariage, c'est quand ça chauffe qu'on est content qu'on ait quelque part des règles pour gérer des situations tendues. C'est en quelque sorte, le Code du travail, un lieu de rencontre, un code d'éthique dans un certain sens. C'est les règles du jeu. C'est un peu l'éthique que nous nous donnons lorsqu'on a à être en interaction en matière de conditions de travail et qu'on a donc un contrat collectif de travail.

La question que je vous poserais... En même temps, je nage peut-être dans la philosophie, mais, d'un autre côté, le public n'est pas fou non plus. Les gens, ils voient des choses aussi, il n'y a juste: Ah, les patrons nous disent que, mais les gens... Il y a toutes sortes d'informations qui nous viennent aussi de la population. Qu'est-ce qu'on fait devant des pratiques syndicales qui ne sont pas impeccables du point de vue démocratique? Est-ce que les organisations syndicales ont les moyens de gérer des pratiques qui ne sont pas souhaitables? Est-ce qu'elles ont les moyens, est-ce qu'elles ont les outils aussi de gérer des questions éminemment complexes?

Vous êtes dans votre business depuis fort longtemps, je suis pas mal sûr que vous convenez que c'est peut-être plus complexe maintenant aborder la question des relations de travail, des conditions de travail qu'il y a un certain nombre d'années. On n'est plus dans le noir et blanc, on est dans la gestion de la complexité. Et il y a des conflits éthiques quelquefois que les syndicats ont à gérer. Je repense au dossier des clauses orphelin, bon, où des jeunes ont dit aux plus vieux: Regardez bien, là, ça a bien été, votre affaire, à votre époque, mais, là, nous, vous êtes en train de compromettre un certain nombre de choses qui vont avoir une influence sur notre avenir. Il y a des conflits éthiques aussi à gérer. C'est un peu sur cette piste-là que je veux vous lancer parce que vous ne me convaincrez pas que tout est blanc d'un seul côté et tout est noir d'un autre côté. On se comprend?

La Présidente (Mme Blanchet): M. Prud'Homme.

n(15 h 30)n

M. Prud'Homme (Yves): Non, Mme la Présidente, je ne convaincrai pas la ministre que tout est blanc des deux côtés. Ça, c'est vrai. Mais les employeurs, eux, ont un mandat et répondent à la population, à ceux qui l'ont élue. C'est vrai pour ceux qui sont des deux côtés de la Chambre. Et, moi, je reviens toujours au principe de la démocratie. Les membres qui ont voté, qui ont élu un exécutif syndical, c'est à eux que revient la responsabilité de décider s'il y avait des anomalies, Mme la ministre. Quand vous me dites qu'il y a des moyens et que certaines personnes ou des citoyens se posent la question: Êtes-vous au courant? Bien non. Vous devez le savoir, que les moyens sont beaucoup plus grands sur le côté de l'employeur que sur le côté syndical, soit dit en passant. Oui. Mme la ministre semble en douter, mais je vous affirme qu'ils sont beaucoup plus grands. Ce n'est pas important, pour une question de x milliers de dollars, la partie... l'employeur va se permettre de contester puis, s'il y a lieu, d'aller très haut au niveau des constations.

Les pratiques syndicales, elles sont encadrées par les statuts et règlements de l'organisation syndicale. Et, lorsque Mme la ministre nous parle de clause orphelin, c'est justement un des points que l'employeur pourrait facilement utiliser, à cause des fossés qui se sont évidemment creusés au niveau des générations par la non-embauche dans certaines sphères d'activité, que l'employeur pourrait peut-être utiliser à l'encontre de l'intérêt de l'ensemble. Et en laissant échapper, à tort, des bribes d'information. Parce que, lorsque nous négocions, on négocie toujours dans une espèce de contexte de règlement global. Aujourd'hui, le portrait peut être celui-ci et demain totalement différent. Et je me suis déjà fait dire, moi, comme président d'un syndicat et porte-parole sur la table de négociation, par certains de mes membres: Est-ce qu'on ça se pourrait qu'on vous ait parlé de ça? Mais il y avait un objectif en arrière de tout cela, Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Prud'Homme, vous ne faites jamais ça vous...

M. Prud'Homme (Yves): Madame...

Mme Lemieux: ...laisser aller des bribes d'information? Voyons donc, M. Prud'Homme.

M. Prud'Homme (Yves): Mais comment... Non, mais je ne comprends pas. C'est que l'intérêt est totalement différent. L'intérêt de l'employeur, c'est justement de discréditer le comité de négociation, de discréditer cet exercice-là. Je m'excuse...

Mme Lemieux: M. Prud'Homme, M. Prud'Homme...

M. Prud'Homme (Yves): Quand vous me dites: Est-ce que, moi, comme représentant syndical, je fais ça? Comment je dirais? Le jeu n'est pas le même, Mme la ministre. Ce n'est pas moi qui détient le cordon de la bourse. Ce n'est pas moi comme syndicat qui décide de dire oui à des conditions demain matin. Ce sont les représentants de l'employeur. Ce que, moi, j'ai quand je m'en vais négocier, j'ai un cahier de demandes que mes membres ont entérinées en assemblée générale et qui me disent d'aller négocier. C'est moi qui est en demande sur l'amélioration de conditions de travail. L'employeur, lui, est en demande du contraire. Il faut aussi comprendre ça.

Alors, si, moi, l'employeur quand il vient me voir et il veut réduire mes conditions de travail, je vais le dire à mes employés. Mais, si l'employeur va laisser glisser en douce qu'il aurait peut-être accepté ou il aurait offert telle, telle, telle chose sans parler du reste, du global: Moi, j'ai offert à votre syndicat une augmentation de 15 %, il omet de dire, bon, les conséquences sur l'ensemble des autres clauses de la convention collective, par exemple. C'est ça aussi.

Les règles du jeu ne sont pas les mêmes lorsque tu es employeur par rapport à un syndicat. Mais un syndicat, nous, notre rôle, c'est l'amélioration des conditions de travail de l'ensemble de notre membership. L'employeur, c'est d'en donner le moins possible, vous allez en convenir. Donc, ce n'est pas tout à fait le même «minding».

La Présidente (Mme Blanchet): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Je pense que, M. Prud'Homme, on va conclure là-dessus. J'espère que je ne négocierai pas avec vous dans l'avenir parce que ça va être dur. Ça va être dur.

Une voix: Pourquoi?

M. Prud'Homme (Yves): Ce serait difficile?

Mme Lemieux: Parce que vous ne reconnaissez pas des réalités fort simples.

M. Prud'Homme (Yves): Lesquelles?

Mme Lemieux: Bien, notamment quand vous dites qu'il y a une utilisation stratégique, là, hein, de ce moment de négociations. Je m'excuse, mais il y a une utilisation stratégique d'un moment de négociations de la part des représentants syndicaux. Puis c'est normal, je ne vous en fais par le reproche.

M. Prud'Homme (Yves): Oui. Je n'ai jamais dit, je n'ai jamais refusé de reconnaître ça, madame.

Mme Lemieux: Et également du côté de l'employeur. On est dans la stratégie par-dessus la tête à un moment où on négocie une convention collective...

M. Prud'Homme (Yves): C'est vrai...

Mme Lemieux: ...il faut reconnaître ça d'un côté comme de l'autre.

M. Prud'Homme (Yves): Mais j'en conviens, mais les représentants d'employeurs ont la responsabilité de s'adresser aux représentants des travailleurs. Lorsque, moi, je m'en vais négocier, je m'adresse aux représentants de l'employeur. Je ne m'adresse pas, moi, à n'importe qui. J'ai un comité de négociation qui est face à moi et eux la même chose. Or, il doit absolument... Et, moi, quand j'ai négocié où j'étais dans mon autre vie avant d'être à la Fédération, parce que je ne négocie plus, il y a toujours eu ce respect des règles. Ce qui se passait en comité de négociation, ça demeurait en comité de négociation. Mais c'est évident et je ne vous dis pas que je n'ai pas utilisé des stratégies. Je veux bien me faire comprendre.

La Présidente (Mme Blanchet): Merci, M. Prud'Homme. Ça va, Mme la ministre?

M. Prud'Homme (Yves): ...négociateur que ça parce que j'ai au moins signé cinq conventions collectives et renouvelé le régime de retraite à deux reprises.

La Présidente (Mme Blanchet): Merci, M. Prud'Homme. Ça va, Mme la ministre? M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, Mme la Présidente. Je trouve la discussion tellement intéressante que je vais la poursuivre. Écoutez, moi, d'après mon vécu, je pense... Tantôt vous avez parlé... Je vais commencer par ce que vous avez dit. Vous avez dit plusieurs choses, mais vous avez dit, par exemple, entre autres, que le côté patronal faisait de la désinformation. Je ne suis pas prêt à dire le contraire, mais je ne suis pas prêt non plus à dire que le parti syndical, croyez-en mon expérience, ne fait pas également de la désinformation, ce que la ministre appelle de la stratégie tactique de négociation, etc., soit de la désinformation ou on ne dit pas toute la vérité, des fois. Et je pense que, si on y mettait une balance, là, bien les deux plateaux seraient peut-être pas mal égaux. Êtes-vous au moins d'accord avec ça?

M. Prud'Homme (Yves): Moi, je dirais plutôt: Il pencherait plutôt sur le côté de l'employeur.

M. Tranchemontagne: Ça va mal. On part mal.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Prud'Homme (Yves): En termes de désinformation? Oui.

La Présidente (Mme Blanchet): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Bien, permettez-moi de m'objecter à votre ? merci ? permettez-moi de m'objecter. Mon vécu personnel, et il est assez important, c'est pour le moins égal, et puis, si vous me demandiez d'être bien, bien, franc, je dirais, à l'inverse de vous, que le poids est peut-être de l'autre côté. Alors, ceci étant dit, on ne s'obstinera pas si la balance est un petit peu plus basse. Ce qu'on se dit, c'est qu'il y en a des deux côtés, O.K., puis on va oublier si les deux balances sont égales ou pas. Il y en a des deux côtés, et ça fait partie de la stratégie de négociation, de n'importe quelle négociation, que ça soit une négociation pour acheter une maison, ou que ça soit une négociation pour un contrat collectif, ou pour quoi que ce soit. Ça fait partie de la stratégie de négociation.

Et est-ce que vous êtes d'accord que l'employeur est également partie prenante à cette convention qu'on est en train de discuter ou de négocier? Il est partie prenante, ce sont ses employés. Je comprends que ce sont vos membres, mais ce sont d'abord et avant tout ses employés. Et, donc, si un conflit s'étire, s'il y a lieu, s'il est inquiet de la situation que, là, on est en dehors d'une stratégie tactique mais qu'on s'enligne vers un «dead end» ? excusez l'expression anglaise ? un cul-de-sac, est-ce qu'il ne vous apparaît pas juste que soit l'employeur ou la Commission elle-même décide de dire: Bien, écoutez, la personne la plus importante dans tout ça, là, c'est ni l'employeur puis ni le syndicat, c'est l'employé lui-même, le travailleur lui-même? Et, donc, on va passer par-dessus les deux, parce qu'ils passent par-dessus quand ils font ça, et on va aller demander où est-ce que le travailleur se situe devant ces offres-là qui sont mises sur la table, et après un certain temps, j'imagine que ce n'est pas la deuxième journée de négociations qu'on fait ça, là. Je présume, en tout cas.

M. Prud'Homme (Yves): Mme la Présidente.

M. Tranchemontagne: Je suis rendu que je défends la ministre, ça ne se peut pas!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Blanchet): M. Prud'Homme.

M. Prud'Homme (Yves): C'est super bon.

n(15 h 40)n

Des voix: Ha, ha, ha! Mme la Présidente, moi, je m'interroge sur l'exercice. C'est une façon de «bypasser», en québécois, le comité de négociation. On se comprend-u? Bon. Si on est d'accord avec cet énoncé, à qui les représentants, les travailleurs ou les salariés ont-ils confié la responsabilité de voir à la gestion de leurs relations de travail? Est-ce qu'on peut prétendre, ici, dans cette Chambre, que M. et Mme Tout-le-monde qui font partie d'une entreprise ou de n'importe quelle autre association connaissent de fond en comble, de A jusqu'à Z, les tenants et les aboutissants de certaines dispositions de la convention collective? La réponse, c'est non. Et, si l'on confie la responsabilité de gérer et d'administrer les relations de travail à un exécutif syndical, à un comité de relations de travail, comme nous le faisons à vous, là, hein? On confie le soin à des députés d'aller devant le gouvernement, tantôt c'est dans l'opposition, tantôt c'est au pouvoir, c'est à eux qu'on confie le soin de gérer et d'administrer pour le mieux-être de la collectivité. Moi, je fais ce parallèle-là. Lorsque le patron va décider de «bypasser» le comité et les représentants syndicaux dûment élus par l'assemblée générale de tous les membres, de tous les travailleurs, il va s'adresser à un travailleur qui a un an, deux ans, 10 ans, 30 ans, 20 ans. Quelle va être la réaction de la personne en fonction de ce qu'elle connaît, en fonction de ses besoins individuels?

Et, M. le député, quand vous avez dit au début de votre question: C'est une convention collective de travail, ce n'est pas un contrat individuel dont on parle. Alors, à qui l'on confie la responsabilité d'aller devant l'employeur et d'aller négocier une convention collective? C'est un contrat qui est collectif non pas individuel. La personne dans son petit salon ne connaît pas les antécédents, les raisons qui ont justifié telle ou telle demande parce que, à court, moyen et long terme, on peut assister à des répercussions au niveau du plan de carrière dont se fout et peut se foutre éperdument l'employeur, parce que l'employeur, c'est une question de coût, uniquement.

Et on n'est pas rendu, malgré l'année 2001, à cet échange de partenariat que les syndicats revendiquent depuis des décennies. Et c'est ça, la différence. Alors, si vous permettez indirectement aux employeurs d'aller tester ou de «bypasser» le comité de négociation ou de «bypasser» ou de court-circuiter ceux et celles qui ont eu le mandat de les représenter, à quoi sert-il d'avoir des associations syndicales, à quoi sert-il d'avoir des comités de négociation, à quoi sert-il d'avoir un Parlement puis un gouvernement, un parti politique? On va aller s'adresser directement à M. et Mme Tout-le-monde dans leur salon. Alors, le Code du travail, là, existe pourquoi?

La Présidente (Mme Blanchet): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci. À tous les quatre ans, soit dit en passant, on s'adresse à la population...

M. Prud'Homme (Yves): Bien, nous aussi, monsieur.

M. Tranchemontagne: ...et elle s'exprime...

M. Prud'Homme (Yves): À tous les trois ans, moi.

M. Tranchemontagne: ...et des fois elle met un gouvernement...

M. Prud'Homme (Yves): À tous les trois ans, moi, j'y fais face à ce vote.

La Présidente (Mme Blanchet): Excusez, M. Prud'Homme. M. le député.

M. Tranchemontagne: Là, c'est à mon tour, ha, ha, ha! Alors, en politique, pour reprendre votre analogie, on consulte la population, on y va à la population, puis elle dit: Oui, non, j'accepte ce que vous avez fait, je ne l'accepte pas, puis je vous change à ce moment-là. Laissez-moi finir.

Êtes-vous d'accord qu'un patron est partie prenante à la négociation collective à travers, lui aussi, son comité de négociation? O.K. Êtes-vous d'accord qu'il y a des syndicats qui passent aussi par-dessus le comité de négociation patronal pour aller voir le vrai boss, voir s'il n'y a pas quelque chose qui reste en quelque part? Êtes-vous d'accord avec ça? Ça arrive. Dans la vraie réalité, dans la vraie vie, là, vous nous dites que là, ce que vous voyez, vous, c'est le patron qui passe par-dessus le comité de négociation syndical pour aller direct aux travailleurs. J'ai dit: Moi, mon vécu m'a aussi démontré que j'ai vu des comités de négociation syndicaux passer par-dessus le comité de négociation patronal pour aller s'adresser au patron directement pour voir s'il ne reste pas quelques trente-sous à quelque part dans les poches du boss. O.K.?

Ceci étant dit, je pense qu'il ne faut pas oublier le focus ultime ? et je veux revenir là-dessus parce que c'est bien important: d'après moi, le Code du travail est là pas pour les syndicats puis il n'est pas là pour les patrons; il est là strictement et uniquement pour le travailleur lui-même. Et, si on a une apparence de conflit qui risque de se revirer, de s'envenimer, de devenir quelque chose qui perdure, qui ne finit plus, pour des raisons stratégiques internes, soit le patron ou soit le syndicat donne de la désinformation ou ne donne pas toute la vérité, etc., si évidemment on pense que c'est ça, il m'apparaît que la Commission est en droit, à juste titre... Ce n'est pas le patron directement; je pense qu'il demande, et la Commission examine. C'est ce que je comprends en tout cas, et la ministre pourra m'expliquer si je me trompe. La Commission regardera la demande du patron et décidera si oui ou non cette demande est justifiée et que peut-être dans ce cas-là il y a lieu de s'adresser directement au principal intéressé, c'est-à-dire le travailleur de l'entreprise.

La Présidente (Mme Blanchet): M. Prud'Homme.

M. Prud'Homme (Yves): Mme la Présidente, on est en train d'institutionnaliser, d'un seul côté, le court-circuitage des instances responsables de la négociation. Et, si vous ne comprenez pas que le rôle de l'employeur est totalement différent du rôle d'un syndicat, je ne sais pas comment vous l'expliquer. Moi, là, mon vécu, c'est le contraire du député de Mont-Royal, jamais un syndicat ne va s'adresser à autre personne qu'à un employeur. Jamais. Mais qu'un employeur aille chez la personne comme individu qui est regroupé, que fait-on d'abord de cette association-là? On va tout simplement mettre un x sur le droit d'association ou le regroupement des travailleurs. C'est ça, le résultat. L'employeur ne joue pas le même rôle qu'un syndicat. Il n'a pas les mêmes responsabilités. Il a, lui, l'obligation de négocier avec des représentants, et les représentants syndicaux ont cette obligation d'amélioration des conditions de travail.

Et je pense que vous devriez comprendre que ce n'est pas la même game qui se joue. Est-ce que, moi, on me permet d'aller prendre des décisions sur les décisions des employeurs? On m'a toujours dit de ne pas m'ingérer dans la gestion et l'administration des entreprises, qu'elles soient publiques ou privées ? ça, on vous l'a souligné dans notre mémoire. Et je ne suis pas en position, moi, de donner, je suis en position de demander. Et, si on s'adresse en court-circuitant et en tassant ni plus ni moins ceux et celles qui ont le mandat de leur assemblée... Il faut reconnaître qu'ils ont un mandat de l'assemblée générale, Mme la Présidente, et ça, on semble totalement l'ignorer. Si les stratégies syndicales sont à ce point déloyales, les membres ont des recours par le biais des statuts et règlements de leur organisation syndicale mais aussi chez le Code du travail, que je vous ai cité.

Je n'ai jamais été, moi... Je n'ai jamais vécu les situations que le député de Mont-Royal a vécues, j'ai plutôt été habitué au contraire, au début... Mais, lorsque je suis arrivé comme président d'une association, les règles ont été très claires, et j'ai dit au représentant de l'employeur: La journée où vous allez vous permettre de court-circuiter le comité de négociation syndical, les livres vont être fermés, et là on jouera la même game. Excusez, partie.

La Présidente (Mme Blanchet): Merci.

M. Prud'Homme (Yves): Je ne peux pas vous parler d'autre chose que mon expérience, mais vous allez dans une très mauvaise direction, ça, je peux vous le dire.

La Présidente (Mme Blanchet): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci. Je vais changer de sujet parce que je ne sais plus comment revenir. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

n(15 h 50)n

M. Tranchemontagne: J'aimerais juste vous entendre deux secondes sur la Commission. Vous dites quelques affaires puis je veux voir si je les mets toutes ensemble comme il faut. Premièrement, je pense que vous êtes inquiet des pouvoirs exorbitants de la Commission. Vous semblez douter de ? je vais utiliser vos mots ? la qualité des décideurs qui ne serait pas nécessairement à la grandeur ou à la hauteur, devrais-je dire, des décisions à prendre, étant donné ces pouvoirs exorbitants, surtout que c'est sans appel, et je pense que vous êtes en faveur du maintien du Tribunal du travail, si je vous ai bien compris.

M. Prud'homme (Yves): Oui.

M. Tranchemontagne: Certains... Laissez-moi juste finaliser, là. Ça, je pense que ça résume un peu votre scénario et puis vos positions. Certaines autres personnes qui sont venues, qui vous ont précédé, ont parlé de la même inquiétude, par exemple du non-appel, bon, etc., mais ont fait une suggestion qui est d'avoir un ban, par exemple, pour juger plutôt qu'une seule personne. Je ne sais pas. Par exemple, surtout au début, tantôt, les fonctionnaires, je pense, là, le Syndicat des fonctionnaires, parlait d'un ban pour une période, tout au moins pour essayer de faire une jurisprudence qui est plus solide, aussi peut-être de donner plus de crédibilité à la Commission elle-même dans ses jugements.

Alors, où est-ce que vous êtes dans cette situation-là?

La Présidente (Mme Blanchet): M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Yves): Nous avons, Mme la Présidente, à faire une distinction. C'est vrai qu'on se questionne sur cette abolition. On est prêt à accepter que, pour des droits collectifs, ça puisse, oui, être mis de l'avant. Lorsqu'on vous a soulevé que... Et ça, c'est l'expérience, hein, ce n'est sûrement pas les... c'est, la majorité du temps, pas les structures qui font défaut, c'est beaucoup plus les hommes ou les femmes qui en font partie.

Alors, la question qu'on s'est posée: Est-ce que c'est à cause de cela? Et, si on abolit le Tribunal du travail, peut-être que dans des matières de droit collectif, ça pourrait être acceptable pour les raisons que nous avons indiquées dans notre mémoire: moins coûteux, les délais plus courts lorsqu'on a des démarches d'accréditation, parce que, encore là, en parenthèses, l'employeur utilise beaucoup de subterfuges pour étirer, pour étirer et pour étirer.

Donc, en matière de droits collectifs, je pense que... pas je pense, on est d'accord avec le gouvernement, mais on vous sensibilise sur le fait que c'est la qualité des personnes qu'on nomme.

Par contre, en matière de droits individuels, nous avons... Parce que ça semble être pour le gouvernement une certaine tangente. Peut-être que la ministre peut nous rassurer, mais on semble abolir les fameux tribunaux d'appel ou les droits d'appel. Nous avons un comité de déontologie et on se présente en appel à la Cour du Québec, et, s'il fallait ? s'il fallait ? que la révision de leurs décisions soit entendue par les mêmes personnes du comité de déontologie, moi, je prends ma retraite. Vous ne savez pas à quel point nous sommes confrontés à des incompétents en cette matière. Ce n'est pas pour rien que la Cour du Québec révise pratiquement au-delà de 75 % des décisions du Comité de déontologie policière, pas parce que nous sommes beaux et fins; il y a des erreurs manifestes en droit.

Or, on dit à la ministre: Si ce n'est que pour les droits collectifs, on est d'accord avec cela parce qu'on comprend la situation des autres syndicats; c'est une situation à laquelle nous ne sommes pas confrontés, au niveau des policiers, on se comprend: accréditations, etc., on ne vit pas ça.

Mais pour les droits individuels, si la tendance se maintient... Et j'espère que la tendance ne se maintiendra pas et qu'elle devra s'endiguer pour qu'on n'aille pas jusqu'à l'abolition de tribunaux d'appel en matière de déontologie, c'est ce que nous avons indiqué dans notre mémoire. Alors, ça serait, quant à nous, catastrophique.

La Présidente (Mme Blanchet): M. le député de Mont-Royal, ça complète?

M. Tranchemontagne: Merci, oui.

La Présidente (Mme Blanchet): Alors, Mme la ministre, il vous resterait une minute et demie, environ.

Mme Lemieux: Bien, en conclusion, on a eu une longue conversation qui a été partagée avec le député de Mont-Royal. Et je vais me permettre de relire l'article dont il est question, parce qu'il y a des gens qui nous écoutent; je ne sais pas s'ils nous ont suivis. Mais en fait, ce que l'article dit, c'est la chose suivante: «Lorsqu'elle ? elle, étant la Commission ? estime qu'une telle mesure ? c'est-à-dire un vote sur des offres patronales ? est de nature à favoriser la négociation ou la conclusion d'une convention collective, la Commission peut, à la demande de l'employeur, ordonner à une association accréditée de tenir, à la date ou dans les délais qu'elle détermine, un scrutin secret pour donner à un groupe de salariés représenté par cette association l'occasion d'accepter ou de refuser les dernières offres que lui a faites l'employeur sur toutes les questions faisant toujours l'objet d'un différend entre les parties.

«La Commission ne peut ordonner la tenue d'un tel scrutin qu'une seule fois durant la phase des négociations d'une convention collective.»

Alors, moi, je veux qu'on comprenne bien que c'est des dispositions qui demandent une évaluation, que ce n'est pas parce qu'un employeur le demande que ce serait nécessairement accordé. La Commission devra soupeser un certain nombre de choses et, notamment, évaluer si ça sera de nature à favoriser la négociation ou la conclusion d'une convention collective. Je pense que ça vaut la peine, pour faire en sorte que le processus soit clair des deux côtés, d'envisager une option comme celle-ci.

La Présidente (Mme Blanchet): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de La Pinière, il vous resterait également 1 min 30 s, s'il vous plaît.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Alors, M. Prud'Homme et messieurs de la Fédération des policiers. Vous nous avez entretenus un peu de vos préoccupations par rapport au projet de loi n° 182, mais vous n'avez pas abordé le contexte des fusions municipales, qui ont un impact sur les services policiers. Ce matin, on a entendu les représentants de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain qui nous ont dit que les municipalités étaient mieux servies par la loi n° 170 que par le projet de loi n° 182, en ce qui a trait évidemment aux négociations avec les employés municipaux. Je voudrais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Blanchet): Alors, M. Prud'Homme, rapidement.

M. Prud'Homme (Yves): Moi, Mme la Présidente, je connais assez bien le projet de loi n° 170 et le projet de loi n° 124, j'ai parcouru avec Me Rousseau le projet de loi n° 182, mais je ne vois pas nécessairement le lien avec ces éléments-là, parce que 182 traite d'une partie de 99.8, je l'ai dit tantôt, mais je ne vois pas le lien, moi, là.

Mme Houda-Pepin: D'accord.

La Présidente (Mme Blanchet): Malheureusement, on n'a plus de temps.

Mme Houda-Pepin: On n'a plus de temps; je voudrais expliquer, mais on n'a plus le temps. Merci.

La Présidente (Mme Blanchet): Alors, M. Prud'Homme, MM. Rousseau et Tremblay, merci d'être venus. Nous allons suspendre quelques instants, le temps d'accueillir l'autre groupe. Une dizaine de minutes, pardon. Merci. Alors, on reprendrait à 16 h 10 environ.

(Suspension de la séance à 15 h 59)

 

(Reprise à 16 h 14)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc poursuivre. Nous accueillons maintenant l'Union des municipalités du Québec. Vous avez l'habitude, je le sais, des commissions parlementaires. Vous savez donc que vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, que par la suite il y aura période d'échanges. J'aimerais cependant que la personne... le porte-parole, en fait, puisse se présenter et bien sûr nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. LeBlanc (Guy): D'accord. Alors, Mme la ministre, Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés, mesdames, messieurs, je voudrais justement vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Tout d'abord, à ma gauche, le maire Jacques Brisebois, qui est maire de Mont-Laurier, et Aline Laliberté, qui est conseillère en main-d'oeuvre à l'Union des municipalités du Québec.

Alors, Tout d'abord, je vous remercie d'offrir à l'UMQ l'opportunité de venir présenter le point de vue des municipalités qui représentent 77 % des budgets municipaux. Le monde municipal représente à lui seul un peu plus de 3 % des travailleurs québécois. C'est quelque 80 000 Québécoises et Québécois qui oeuvrent dans une municipalité ou encore une société de transport au Québec. Ces fonctionnaires reçoivent une masse salariale d'environ 3,6 milliards, soit plus de 40 % des budgets municipaux, évalués à 9 millions de dollars. Les chiffres que je viens de vous mentionner sont pour l'année 1999.

Les municipalités, vous le savez, font face à un double défi. Elles sont tout d'abord à la recherche d'une gestion plus souple et efficace des activités municipales afin d'améliorer la productivité de leurs travailleurs et ainsi offrir des services de qualité à leur population à un prix concurrentiel. Elles doivent ensuite composer avec des conditions de travail prévues aux conventions collectives de leurs employés qui laissent peu de marge de manoeuvre dans la gestion de leurs coûts de main-d'oeuvre.

Dans le cadre de la réorganisation municipale et avec la refonte du Code du travail, l'UMQ souhaite rétablir l'équilibre lors de négociations de conventions collectives en milieu municipal. En matière de gestion des ressources humaines, le Code du travail doit introduire de nouveaux pouvoirs et de nouveaux moyens pour les municipalités afin qu'il existe un réel rapport de force entre l'employeur municipal et l'ensemble de ses employés. C'est ainsi et seulement ainsi que nous réussirons à rétablir l'équilibre entre les employés municipaux et les citoyens payeurs de taxes.

Malheureusement, la lecture que nous faisons du projet de loi qui est devant nous et la compréhension que nous en avons ne vont pas dans ce sens. Le projet de loi, tel que présenté, ne permet pas de rétablir l'équilibre entre les parties. Notre mémoire commente les dispositions qui portent sur la notion de salarié, sur la sous-traitance, sur la Commission des relations de travail et l'absence du droit de lock-out dans les municipalités.

En matière de rémunération, le monde municipal comporte certaines particularités qu'il importe de spécifier dès le départ. À première vue, le monde municipal peut être comparé à un pouvoir public semblable aux autres réseaux que sont la santé et l'éducation, par exemple. Toutefois, le monde municipal s'en distingue, dans le sens que c'est la collectivité locale qui en constitue le bailleur de fonds pratiquement exclusif. Le conseil municipal est constitué de multiples employeurs ayant des caractéristiques, des ressources et des moyens qui sont tous très différents.

Le dernier rapport de l'Institut de la statistique du Québec publié en novembre dernier constate que la fonction publique québécoise accuse un retard par rapport au secteur municipal de 14,4 % sur les salaires et de 24,3 % sur la rémunération globale. Il est toutefois important de vous spécifier que le regroupement retenu, le groupement témoin retenu pour l'étude ne comporte que les municipalités de 25 000 habitants et plus. Avec les projets de regroupement qui auront lieu à la suite de l'adoption du projet de loi n° 170 en décembre, c'est environ 60 % de la population du Québec qui se retrouvera dans les municipalités dont la population sera supérieure à 25 000 personnes.

Pour faire connaître nos commentaires sur les principaux éléments du projet de loi, je cède maintenant la parole au maire Jacques Brisebois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous, vous êtes M. LeBlanc. C'est pour les besoins de la transcription, vous comprendrez.

M. LeBlanc (Guy): Guy LeBlanc, je m'excuse. Oui. Guy LeBlanc, président de l'UMQ, maire de Trois-Rivières.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord, merci. Alors, M. Brisebois.

M. Brisebois (Jacques): Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, donc sur la notion de salarié, le projet de loi apporte une redéfinition de «salarié» en y intégrant la notion d'«entrepreneur» ou «prestataire de services dépendant» sous deux conditions, soit l'assujettissement à une direction et à un contrôle assimilables à ceux applicables aux salariés ainsi que l'état de dépendance économique. Le libellé de cette disposition laisse croire qu'une seule condition pourrait être rencontrée afin qu'un travailleur soit déclaré un entrepreneur ou un prestataire de services dépendant. L'Union estime que le projet de loi devrait indiquer clairement que ces deux critères sont cumulatifs.

De plus, l'UMQ est inquiète de l'ouverture qui est faite à la syndicalisation des travailleurs autonomes, ouverture qui pourrait mener jusqu'à la syndicalisation des camionneurs artisans qui détiennent des contrats avec les municipalités. La possibilité pour les municipalités de faire appel à des travailleurs autonomes permet d'établir une saine concurrence et une flexibilité d'opérations. L'élargissement de la notion de salarié priverait ainsi les municipalités d'un outil de gestion efficace.

La sous-traitance. L'Union des municipalités du Québec tient à signifier sa déception quant à l'absence de modifications à l'article 45 du Code du travail dans le projet de loi. Le système de relations de travail en milieu municipal est actuellement désuet et porte préjudice aux municipalités en créant des coûts de prestation de services plus élevés. Ce sont tous les contribuables qui font les frais de ces coûts plus élevés.

La possibilité pour les municipalités d'en référer aux entreprises privées introduit une certaine souplesse et une efficacité accrue dans la gestion municipale qui leur permettent de réduire les dépenses d'opération et de réaliser des économies. Le transfert des conditions de travail des travailleurs municipaux aux sous-traitants constitue un frein important à l'amélioration de la quantité et de la qualité des services dispensés à la population à un coût compétitif.

n(16 h 20)n

Je sais que j'aborde ici un sujet que nous avons maintes fois discuté, mais je vous rappelle qu'à l'origine l'article 45 visait à protéger les travailleurs d'une éventuelle vente d'entreprise. Cette éventualité n'est pas envisageable dans le milieu municipal. Même en cas de regroupement, les municipalités doivent continuer à assumer tous les services. On ne fait pas disparaître les activités, elles demeurent. Il s'agit ici d'une institution pérenne. L'article 45 ne devrait donc pas s'appliquer aux institutions municipales. Le législateur devrait ainsi soustraire la notion de sous-traitance de l'article 45 pour le milieu municipal sauf si des municipalités recouraient à la sous-traitance pour éluder ou éliminer l'accréditation. Le fardeau de la preuve appartiendrait alors à la municipalité. Comme il existe un régime d'exception dans le cas d'arbitrage de différends chez les policiers et pompiers municipaux, que nous connaissons bien, il est donc envisageable pour le législateur de reconnaître cette autre exception dans ce cas-ci.

Abordons maintenant la problématique de l'article 46. L'UMQ est très inquiète des impacts qu'apporteraient les changements proposés par le nouvel article 46. À la lecture du paragraphe 5° de cet article, on comprend que la nouvelle Commission des relations de travail aurait le pouvoir d'ordonner un vote afin de permettre aux salariés d'un sous-traitant de choisir une convention collective qui leur soit applicable. L'Union présume facilement que les salariés choisiront la convention collective de la municipalité, étant donné qu'il est reconnu que les salaires sont plus élevés en milieu municipal. Dans un tel contexte, les économies escomptées par des contrats de services ou de sous-traitance ne se matérialiseront pas et, encore une fois, les payeurs de taxes se verront refiler des montants afférents à ces augmentations de coûts.

Avec l'introduction des nouvelles dispositions de l'article 46, la Commission pourrait décider, lorsqu'une municipalité octroie un sous-contrat, même si ce dernier n'occasionne pas la mise à pied d'employés, de transférer ou non l'accréditation et la convention collective chez le sous-traitant. Puisque ce pouvoir est laissé à la discrétion de la Commission, les employeurs municipaux se questionnent sur l'opportunité qui est faite maintenant au syndicat de ne plus négocier des dispositions qui empêcheraient l'application de l'article 45 afin de protéger leurs accréditation et convention collective.

Les membres de l'Union estiment que, si les parties ont convenu entre elles d'une disposition traitant des conséquences d'une telle concession, la Commission des relations de travail ne devrait pas intervenir. Concrètement, il faut permettre la sous-traitance en milieu municipal. L'UMQ propose d'en faire un projet-pilote qui s'étendrait sur une période de cinq ans, au bout de laquelle une analyse serait faite pour en évaluer les conséquences. On pourra préciser évidemment le sens du processus dans lequel on souhaiterait que ça s'engage.

La Commission des relations de travail. Le projet de loi prévoit la mise sur pied d'une nouvelle Commission des relations de travail. Cette Commission assumera certaines des fonctions actuellement dévolues au ministère du Travail, au Bureau du Commissaire général du travail, de même qu'au Commissaire de l'industrie de la construction. Sa création provoque également l'abolition du Tribunal du travail.

L'UMQ est préoccupée par la largesse des pouvoirs discrétionnaires qui seront octroyés à la Commission. En ayant le pouvoir d'émettre des ordonnances de faire ou ne pas faire, la Commission viendra s'immiscer dans la gestion des ressources humaines des employeurs. Dans le projet de loi, les pouvoirs de la Commission en de telles matières ne sont pas balisés. L'UMQ demande que la portée de ces pouvoirs soit définie avant de se prononcer.

L'UMQ craint également la disparition de la jurisprudence élaborée au fil des ans par le Tribunal du travail, de même que la nécessité pour les tribunaux supérieurs d'être appelés à circonscrire les nouveaux pouvoirs de la Commission. Ainsi, le rôle des tribunaux se verra alourdi, ce qui occasionnera des frais judiciaires importants pour les parties. De plus, la disparition du Tribunal du travail entraîne la perte du droit d'appel pour les parties. Ces dernières n'auront d'autre choix que celui de demander une révision des décisions auprès des tribunaux supérieurs, qui n'interviennent en de telles matières que très rarement, étant donné leur devoir de réserve. L'UMQ estime essentiel le maintien d'un palier d'appel. Enfin, le législateur ne doit pas permettre une si grande concentration de pouvoirs à un organisme administratif en confiant certaines responsabilités à la Commission plutôt qu'au ministre du Travail. Et je repasse la parole, Mme la Présidente, au président, M. LeBlanc.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): Je vais vous parler de l'absence du droit de lock-out. Vous savez que les municipalités ne voudraient plus être privées du droit de lock-out parce que ça crée une inéquité entre le monde patronal et le monde syndical, qui, lui, conserve son droit de grève. Les nouveaux moyens de pression utilisés par les syndicats sont maintenant chose courante et permettent de ralentir les activités et même les paralysent. Les syndiqués peuvent ainsi maintenir leurs moyens de pression à long terme sans que l'employeur ne puisse exercer aucun lock-out. Les conditions de travail sont ainsi maintenues pour les travailleurs, mais la prestation de travail s'en trouve tout de même ralentie, voire diminuée pour les citoyens.

L'UMQ déplore la position attentiste dans laquelle les employeurs municipaux se trouvent confinés par les dispositions du Code du travail. L'interdiction de lock-out signifie un déséquilibre complet du rapport de force en faveur du syndicat. Il faut donner aux municipalités le droit de lock-out. Ainsi, le employeurs municipaux détiendraient les mêmes droits et obligations que les syndicats, et, je le répète, il s'agit là d'une question d'équité entre employeurs et travailleurs.

En conclusion, Mme la ministre, Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés, l'Union des municipalités du Québec souhaite fortement que la réforme du Code du travail contienne les mesures demandées par les municipalités pour raffermir leur droit de gérance. Il est primordial que cette réforme réponde aux besoins des employeurs municipaux afin qu'ils puissent offrir à leurs citoyens des services mieux adaptés, concurrentiels et à un coût que les contribuables peuvent se permettre, tout en conservant notre compétitivité avec les autres provinces.

Mais nous constatons également que nous ne possédons pas les outils qui nous permettent d'établir un rapport de force avec le milieu syndical. Dans le secteur privé, les employeurs peuvent utiliser le droit de lock-out, le secteur gouvernemental possède le droit de légiférer, mais, nous, dans le milieu municipal, nous ne possédons aucun de ces outils de négociations. C'est pourquoi l'UMQ demande au gouvernement de rééquilibrer le rapport de force, de rétablir la pondération entre le monde syndical et le milieu patronal municipal. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Nous allons donc passer à la période d'échanges. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci, Mme la Présidente. M. LeBlanc, M. Brisebois, Mme Laliberté, bienvenue à cette commission. Je sais que certains d'entre vous ont eux-mêmes négocié comme maire dans leur propre municipalité. Vous savez qu'il y a des moments dans la négociation, il y a des périodes. Il y a des périodes où on dit des généralités, puis il y a un moment où on arrive à: il faut se dire les vraies affaires puis il faut atterrir, il faut sortir de la rhétorique. J'ai peut-être ma dose de rhétorique pour la journée, j'aime autant vous le dire. Votre mémoire, il est correct, mais j'aurais pu l'écrire, dans le sens où ? je ne vous en fais pas le reproche ? on entend vos préoccupations, elles sont dites de la même manière depuis fort longtemps.

Moi, ce qui m'inquiète beaucoup, c'est... On est dans le cadre d'une révision du Code du travail, on est donc en train de regarder les règles du jeu, et notamment, dans votre mémoire, vous avez certains éléments... Par exemple, dans votre introduction, vous dites: «Elles doivent ? en parlant des municipalités ? ensuite composer avec des conditions de travail prévues aux conventions collectives de leurs employés ? conditions consenties, tout de même ? qui laissent peu de marge de manoeuvre dans la gestion de leurs coûts de main-d'oeuvre.» Vous dites un peu plus loin: «La rémunération globale [...] plus élevée en secteur municipal a un impact significatif sur le coût des services dispensés aux citoyens.» Ça, c'est des objets de négociations. Comment vous voulez qu'on consacre des solutions quant à ces réalités-là dans un Code du travail?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Leblanc.

M. LeBlanc (Guy): Alors, si vous me permettez, peut-être, je ferais juste une petite entrée en matière et un commentaire sur ce que M. Prud'Homme disait tout à l'heure, quand il a eu un échange avec vous où il disait que le représentant du syndicat défend ses syndiqués et l'employeur défend ses prérogatives d'employeur. Mais je voudrais rappeler qu'effectivement le comité de négociations du syndicat défend des prérogatives de ses membres et il défend, je ne dirais pas des privilèges, mais, en tout cas, des principes corporatistes.

L'employeur, c'est vrai qu'on négocie à titre d'employeur, mais on doit s'occuper d'un portrait beaucoup plus large. On négocie comme employeur, oui, mais on doit s'occuper de l'intérêt général, premièrement, des autres groupes de travailleurs à l'intérieur de la municipalité. On va aussi vivre avec ces gens-là comme employés, parce qu'on ne négocie pas avec eux comme syndiqués, c'est quand même des employés avec qui on va continuer de vivre. Et surtout et ultimement on représente l'ensemble de la population. Et ça, en tout cas, j'ai trouvé qu'on simplifiait beaucoup trop rapidement tout à l'heure, quand M. Prud'Homme disait: Ils sont là comme employeurs. Eux, ils ont des intérêts beaucoup plus étroits, corporatistes, mais, quand vous négociez comme conseil de ville ou comme maire, vous avez à vous préoccuper de tout ça.

Et, quand on demande ? je donne juste deux exemples ? l'indexation, nos taxes ne sont pas indexées. Quand on demande un salaire, je ne sais pas, moi, de 50 000 $ quand la moyenne de vos payeurs de taxes est de 18 000 $, vous êtes obligé de tenir compte de tout ça et non pas juste comme employeur. Alors, moi, je pense qu'il faut, en tout cas, dans le milieu municipal, tenir compte de cette réalité-là et qu'autant les syndiqués, les employés que les élus, on est au service de la population, comme, en tant qu'élus provinciaux québécois, vous l'êtes également.

n(16 h 30)n

Alors, c'est vrai que les conditions de travail sont là, existent puis ont été presque toujours librement consenties, sauf dans les cas d'arbitrage où, finalement, quelqu'un, un tiers a tranché, entre autres dans le cas des policiers ou des pompiers. Alors, c'est vrai. Cependant, je vous le dis et je tiens à ce qu'on en reparle dans la conclusion, l'entreprise privée, elle, elle peut toujours avoir un élément de négociations important, dire: Nous, on ferme ou on déménage. Il y a un moyen de pression important. Nous, jamais on ne va déménager, jamais on ne va fermer, la municipalité a une pérennité. Et on va continuer, qu'on soit regroupés ou pas, les obligations vont rester, et on sera toujours là. Et on n'a pas, je dirais, cette menace-là.

Au provincial, au gouvernement québécois, vous avez le droit de légiférer. Si on remontait dans l'histoire, tous gouvernements confondus, pour voir combien de conventions se sont réglées par des lois spéciales, si vous n'aviez pas eu ça, vous seriez peut-être avec des conditions qui seraient semblables au monde municipal. Alors, oui, on va en porter une partie, mais je vous dis aussi: Donne-nous des outils et, à ce moment-là, on n'aura pas vraiment de moyens... ou, en tout cas, on n'aura pas à dire: Écoutez, on est un peu liés aussi quand on négocie avec nos syndiqués. Je ne sais pas si Jacques a des choses à rajouter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brisebois.

M. Brisebois (Jacques): Oui, Mme la Présidente. C'est vrai que notre langage est très standardisé depuis fort longtemps, c'est tout à fait vrai. Mais, dans le fond, ce que ça démontre, c'est qu'on ne travaille pas à armes égales, je dirais, on n'est pas en équilibre dans les moyens. Et ce qu'on demande, dans le fond, c'est des ajustements qui nous permettraient d'être en équilibre par rapport à la partie syndicale. J'ai pris la peine moi-même de négocier directement à la table à plusieurs reprises, chez nous. Bien, d'ailleurs le record n'est pas si mauvais que ça, je pense. Dans une douzaine d'années, il n'y a pas eu une journée de grève chez nous, on a réglé nos affaires... À moins que ça soit imposé. Et je peux vous dire une chose d'ailleurs, on vit actuellement une négociation difficile suite à une première convention imposée où l'arbitre a beurré la hache du côté syndical, je peux vous dire ça, et il faut reprendre maintenant. Et évidemment le modèle qui est établi là a toujours tendance à se retrouver dans les demandes des autres syndicats.

On n'a pas actuellement, je pense, les moyens... Il n'y a pas un équilibre. C'est beaucoup en faveur, je pense, de la partie syndicale. Et tantôt j'entendais l'échange entre vous et M. Prud'Homme et je vous dirais que je me rappelais très bien de... Ce n'est ni noir ni blanc, effectivement, c'est des zones grises, là, j'en conviens, la négociation. De part et d'autre, on a des stratégies, évidemment. Mais il reste que, quand on a des stratégies, avec des moyens comme ils en ont, on n'est pas à armes égales, j'en suis convaincu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Oui. M. LeBlanc, M. Brisebois, ça fait plusieurs fois qu'on se rencontre. Vous êtes des gens solides. J'imagine que négocier avec vous, ça ne doit être simple, hein, ils ne doivent pas vous passer n'importe quoi. Bon. Vous m'apparaissez aussi des gens vigoureux, vous êtes passés, comme organisation, à travers des choses assez intenses et complexes. En même temps, quand j'entends: Il faut avoir des outils, il faut avoir des armes égales, je ne veux pas non plus qu'on développe... Comment je vous dirais ça sans être... Je ne veux pas être blessante, mais on ne va pas infantiliser les municipalités, non plus, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brisebois.

M. Brisebois (Jacques): Mme la ministre. on ne veut pas être traités comme des enfants, au contraire. Et on reconnaît d'ailleurs une partie de la responsabilité du fait des conditions qu'on retrouve dans les conventions collectives municipales. Sauf qu'il y a des raisons aussi qui nous sont externes qui expliquent une partie de ça et qui sont reliées aux moyens que nous avons de négocier.

Mme Lemieux: Je vais vous poser une question... Bon. Une des questions qui revient souvent de la part des municipalités, c'est toute la question de la sous-traitance et, donc, des modalités des articles 45 et 46. On propose un certain nombre de choses. Vous faites des commentaires là-dessus. Je ne veux pas revenir là-dessus. Je vais vous poser la question clairement. J'aimerais savoir...

Parce que, je vous le dis, l'article 45, c'est une légende urbaine. À chaque fois que je pose cette question-là, je n'ai jamais la réponse. Je veux savoir, pas ce que vous craignez, ce que vous anticipez, ce qui pourrait peut-être arriver. Je veux savoir ce que 45 vous a empêché de faire. Je veux des noms, je veux des exemples, je veux des dates. C'est une légende urbaine des deux côtés de la clôture. C'est très dur, comme législateur, de s'attaquer à de la mythologie puis à des symboles, ça nous glisse entre les mains. Alors, pouvez-vous me donner un exemple, pas de choses que vous craignez ou que vous anticipez, des choses qui sont arrivées?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): Mme la ministre, je voudrais peut-être faire un commentaire sur ce que vous avez dit au départ, que vous auriez pu écrire notre mémoire. On aurait aimé ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. LeBlanc (Guy): Pourquoi on revient encore avec ça puis qu'on répète le même message? C'est parce qu'il s'impose avec une urgence et une importance renouvelées à la veille de la création de nouvelles villes qui ont été souhaitées par le gouvernement.

Mme Lemieux: M. LeBlanc, vous allez répondre à ma question, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. LeBlanc (Guy): Oui, oui! Ah, soyez sans inquiétude!

Mme Lemieux: Là, je ne vous lâche pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): Non, ne soyez pas inquiète là-dessus. Pourquoi on revient là-dessus? C'est à cause de ça. Il y a des nouvelles villes qui vont être créées. La première étape, c'est bien, on passe des lois puis on crée des nouvelles villes. Mais la deuxième étape, c'est de réussir ces regroupements-là. Et ça va prendre quelques moyens. Il y en a dans la loi n° 170, où on dit que ça doit se faire à coûts nuls, mais on parle de la première convention. Il ne faudrait pas, après la première convention, assister à une escalade importante des coûts alors qu'ils sont déjà très... en tout cas, de façon importante, plus élevés que l'ensemble des salaires au Québec, entre autres des employés du gouvernement provincial. Ça, c'était pour... Le fait qu'on revient avec le même... on croit qu'il y a une urgence puis une importance renouvelées à la veille de ces regroupements-là.

Je vais vous parler de vrais cas, puis je vous en avais parlé aussi quand on s'était vus. Chez nous, on a donné de la sous-traitance, entre autres dans le déneigement. Et on ne parlera pas... Je vais vous parler de faits, de réalités.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): S'il vous plaît, un instant. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Je m'excuse, M. LeBlanc, vous avez donné de la sous-traitance.

M. LeBlanc (Guy): Oui, on en a donné.

Mme Lemieux: Vous avez actuellement des activités de sous-traitance?

M. LeBlanc (Guy): Oui, absolument, c'est ce que je vous dis. C'est de la réalité, là. Je ne parle pas de...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant, s'il vous plaît. J'aimerais qu'on parle un à la fois parce qu'il y a des gens qui transcrivent nos propos et c'est très difficile.

M. LeBlanc (Guy): Ça doit.

Mme Lemieux: C'est dommage. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre...

Mme Lemieux: O.K. Je vous écoute.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...vous avez terminé?

Mme Lemieux: J'ai terminé.

M. LeBlanc (Guy): O.K. Alors, on en donne. On a aussi des causes qui sont pendantes parce qu'on a déposé... Bon. Mais ça, sans aller jusqu'au bout de ça, ça crée des problèmes parce que les gens qui font de la sous-traitance ont comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Souvent, ils vont augmenter leurs coûts, ils veulent augmenter leurs coûts pour se prévenir si jamais ils se retrouvaient avec une suite de la convention. Ça, c'est de la réalité. Les coûts, quand ces causes-là ont été déposées... Comment on appelle ça?

Une voix: Les requêtes.

M. LeBlanc (Guy): Les requêtes en vertu de 45 ont été déposées, on en a une vingtaine, bien, c'est certain qu'elles mettent en cause les sous-contractants. Les sous-contractants reviennent en courant à l'hôtel de ville dire: Écoutez, wo! une minute, ça peut être dangereux pour moi, alors je vais augmenter mes coûts pour tenir compte de ça. Ça, c'en est un cas. Oui?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...

M. LeBlanc (Guy): On peut préciser celui-là, je vais continuer après.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Une minute, là. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Une petite question supplémentaire parce que je veux bien comprendre. Bon. Vous dites: Il y a certaines requêtes en 45. Ça, entre vous et moi, il faut vivre avec ça, c'est la vie, hein.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): On va vivre avec.. Si jamais ils étaient entendus et qu'on donnait gain de cause, ça veut dire que l'entrepreneur va être pris avec des coûts similaires à ce qu'on paie chez nous, et, à ce moment-là, il y a certains avantages qui peuvent disparaître.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. LeBlanc, est-ce que, en général, par exemple... Prenons un exemple de sous-traitant en déneigement. Est-ce que c'est des petites, moyennes entreprises, syndiquées, pas syndiquées? Quel genre... Les conditions de travail, elles se comparent de quelle manière avec les conditions de travail de vos employés de la ville qui font du déneigement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): Pour nous, on a privilégié de fractionner nos contrats pour permettre aussi à des petites entreprises de soumissionner, c'est-à-dire permettre à des gens de se mettre au monde, en bon français, de se partir en affaires et aussi pour s'assurer qu'en bout de ligne dans cinq ans, on ne soit pas prisonniers de juste une grande entreprise, on n'a plus d'avantages. L'autre avantage qu'on a, c'est qu'en ayant plusieurs petites entreprises au lieu d'avoir deux équipes qui partent le matin d'une tempête de neige, il y en a cinq qui peuvent partir en même temps.

n(16 h 40)n

Et on va se parler aussi de coûts. Dans certains cas, la sous-traitance peut amener des économies. Dans d'autres cas, il n'y aura pas d'économies, O.K.? Parce que, ça aussi, on dit: La sous-traitance, c'est automatiquement des économies, des fois, il y a des coûts qui sont à peu près égaux, équivalents, mais il y a aussi la flexibilité. Ce n'est pas seulement des questions de coûts, il y a des questions de flexibilité. La neige, il ne neige pas 200 jours par année, il peut neiger 25, 30 jours par année. On a besoin de gens 25, 30 jours par année et non pas de 200 ou 150 cols bleus à l'année longue parce qu'il neige 30 jours par année. Alors, ça apporte aussi de la flexibilité. Ça, c'est des choses vécues. Parce que, chez nous, les coûts, il n'y a pas eu nécessairement d'économies, mais, au lieu d'être déneigé en sept jours ? parce que les citoyens avaient identifié ça comme priorité un ? on est déneigé en 36 heures. C'est ça qu'ils veulent, c'est ça qu'ils ont choisi. Puis ils paient la facture de ça en bas.

Puis, par contre, il y a des choses où jamais on n'irait en sous-traitance. Je pense, entre autres, à l'usine de traitement d'eau. On a des gens qui font un travail extraordinaire. Tu ne penses même pas à aller chercher de la flexibilité ou des coûts parce qu'on est pleinement satisfait de comment ça fonctionne. C'est juste de s'enlever des carcans, des chaînes, puis se donner de la flexibilité.

Et l'autre légende urbaine. Ce n'est pas parce qu'on ne serait plus, admettons, les municipalités, soumises à 45 puis qu'on pourrait faire de la sous-traitance que demain matin vous allez assister à une sous-traitance effrénée. Les employés municipaux, en général, font un excellent travail, puis on va continuer comme ça. Sauf que, dans certains cas, il peut y avoir des questions de coûts, il peut y avoir des questions de flexibilité, et ça, je pense, Mme la ministre, qu'on ne peut pas passer à côté quand on va créer les nouvelles villes qu'on est en train de mettre en place pour le 1er janvier prochain.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: Dans mes remarques, une des hypothèses que j'ai présentées dans ce projet de loi, à l'article 46, c'est la possibilité de dire: Il peut y avoir des ententes entre un employeur et le syndicat sur un processus, des modalités, une manière de faire dans les cas où ouvertement l'employeur voudrait faire appel à de la sous-traitance. Vous dites d'ailleurs dans votre mémoire que, dans ce cas-là où il y aurait des ententes, il faudrait s'assurer qu'elles soient validées et respectées par l'éventuelle Commission des relations de travail. Pourquoi vous ne sautez pas sur cette possibilité-là? Ça se discute, ça, avec un syndicat.

M. LeBlanc (Guy): Bien sûr.

Mme Lemieux: Ça se discute.

M. LeBlanc (Guy): Absolument.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): Mais, quand on va en... Même si demain matin on avait le choix d'aller en sous-traitance, ça va se discuter aussi quand même. Mais le syndicat a juste à dire non, puis quand bien même on discuterait pendant 10 ans, 15 ans, s'il dit non, il dit non, et on ne peut pas aller outre à ça. Et c'est pour ça que, nous, on suggère...

Premièrement, on sait que 45, au départ, c'était pour s'assurer que l'accréditation syndicale puisse demeurer. On vous dit: La ville, il n'y a pas de problème, elle ne déménage pas, elle ne ferme pas ses portes, elle ne fait pas faillite, elle est là en continue, donc il n'y aura pas d'accréditations syndicales qui vont disparaître. On dit: Pourquoi on ne ferait pas l'essai pendant cinq ans de ça, puis on va voir si c'est un si grand désastre que ça? Et on verra si c'était uniquement une légende urbaine ou, si dans la réalité, tout le monde va se retrouver possiblement pas si malheureux que ça, en bout de ligne, si on l'a levé de façon temporaire pour les municipalités, parce qu'on sait qu'elles vont demeurer.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Pour l'instant? Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, Mme la Présidente. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue, messieurs, madame. Merci d'être ici, merci de votre mémoire. M. LeBlanc, ma première question est pour vous. Ce matin, on a eu la Chambre de commerce de Québec qui est venue nous voir, et elle nous a dit globalement que les modifications à l'article 45 n'étaient pas nécessaires mais essentielles au succès, ou à l'insuccès, si ça n'a pas lieu, des fusions municipales. Vous-même, comme maire de Trois-Rivières, vous allez, si je comprends bien, être touché prochainement. Et ma question est: Premièrement, est-ce que vous êtes d'accord avec l'énoncé de la Chambre de commerce de la ville de Québec qui disait qu'une modification à 45, proprement une modification à 45 est essentielle?

Puis la deuxième question que j'ai, qui touche aussi 45 et 46: Dans le 46, plusieurs personnes qui sont venues nous voir ? du côté patronal en tout cas, tout au moins ? nous ont dit que le 46, dans le fond, est très risqué parce que le prix qu'on devra payer pour avoir une entente de sous-traitance sous la forme de 46 et qui s'insérerait dans 46 va faire que finalement ça va effacer tous les bénéfices qu'on pourrait générer par une sous-traitance, par exemple, des bénéfices de coûts, dans le cas d'une municipalité.

Alors, deux questions, donc: Est-ce que vous êtes d'accord avec la Chambre de commerce de Québec pour dire: C'est à 45 qu'il faut travailler et non pas à 46? Et, deuxièmement, ma question à moi, c'est: Est-ce que, dans le cas de 46, vous devrez payer un prix tel... Et les déclarations, par exemple, du président de la CSN, que j'ai lues hier et que je n'ai pas besoin de relire aujourd'hui, laissent présager justement que le prix à payer va être exorbitant ou qu'il n'y en aura même pas de prix à payer, ils vont s'asseoir puis ils vont mettre les breaks, comme on dit en bon québécois, et puis il n'y en aura plus d'entente de sous-traitance. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): Effectivement, l'UMQ tient le même langage depuis des années et, on le répète, à cause de l'imminence de la création de ces nouvelles villes au 1er janvier de l'année qui vient, ça rend encore plus souhaitable, plus que jamais, que l'article 45, en tout cas, que les municipalités en soient exemptées. Là-dessus on rejoint la Chambre de commerce de Québec. Et effectivement ? puis c'est un peu la question que la ministre posait tout à l'heure ? si on s'en va à 46 puis on fait des ententes, dans le fond, on est à la merci du syndicat qui aura le droit... en tout cas, qui a le privilège de nous dire oui ou non. Et, nous, on croit que ce n'est pas la bonne approche.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci. Je ne suis pas sûr que vous répondez clairement à la question du 46, par contre. Le 46, si je comprends bien les patrons qui sont venus et si je comprends bien les syndicats qui sont venus, les patrons nous ont dit: On va être dans un carcan, ça va nous coûter une fortune de négocier une entente de... Et les syndicats qui sont venus, à date, en tout cas, nous ont dit: Bien, avant qu'on négocie 46, il va faire beau. Alors...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Brisebois.

M. Brisebois (Jacques): Un commentaire, Mme la Présidente. Peut-être qu'ensuite Mme Laliberté pourra compléter parce que c'est technique, cette portion-là. Mais, dans le fond, l'article 46, on pourrait arriver à une situation où la Commission pourrait décider, lorsqu'une municipalité octroie un sous-contrat, même s'il n'y a pas de perte d'emplois à la municipalité, de transférer la convention collective chez le sous-traitant. Et là ça met, dans le fond, en porte-à-faux 45 et 46. C'est sûr que, nous, de toute façon, on dit: À 45, ce n'est pas une cession partielle d'une entreprise, là, l'activité, elle ne disparaît pas, on est en pérennité, nous. Ce qu'on demande, c'est de préciser dans 45, ce n'est pas d'éliminer 45. On est parfaitement conscients que cet article-là a sa valeur intrinsèque en fonction de l'objectif premier. On n'est pas dans le cas d'une concession partielle. C'est ça qu'on dit, dans le fond, dans 45. Peut-être que Mme Laliberté, Mme la Présidente, pourrait compléter la partie technique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Laliberté.

Mme Laliberté (Aline): Alors, notre crainte, c'est que, dans nos conventions collectives qui contiennent des dispositions prévoyant un libellé qui dirait: L'employeur a le droit de faire de la sous-traitance à la condition que ça ne crée pas de mises à pied... Alors, dans les négociations de conventions collectives, c'était un enjeu syndical, on voulait que cette disposition-là soit là pour protéger les employés en place d'une municipalité. Là, notre crainte, c'est que ça devienne un enjeu patronal, c'est-à-dire que le syndicat va vouloir éliminer cette disposition-là, puisque, en l'absence d'une telle disposition, 45 s'appliquerait.

M. Tranchemontagne: Exactement. Vous avez compris ma question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Exactement. Vous avez compris ma question. Je pense que, la journée où ce Code-là devient en application, les syndicats, comme j'ai dit tantôt, vont mettre les breaks puis ça va être fini.

M. LeBlanc (Guy): Ils vont s'asseoir là-dessus.

M. Tranchemontagne: Ils vont s'asseoir dessus. Alors donc, ça rend caduc le 46. Et seul un ajout à 45 pourrait en arriver à permettre la sous-traitance dans le cas des municipalités et, j'ose espérer, dans le cas des entreprises aussi. Parce que je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre commentaire: seulement en milieu municipal.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): Ça pourrait être un banc d'essai.

M. Tranchemontagne: Pardon?

M. LeBlanc (Guy): Ça pourrait être un banc d'essai.

M. Tranchemontagne: Ha, ha, ha! Ça commence toujours comme ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: J'aimerais revenir à la page 18, dans vos conclusions. C'est une question de compréhension de ma part. Sous le titre toujours Relativement à la sous-traitance, vous avez trois items, et je voudrais vous parler du premier et du troisième, puis je ne suis pas sûr que je comprends la nuance entre les deux. Vous dites, dans le premier: «Que les dispositions de l'article 45 du Code du travail ne s'appliquent pas dans les cas de sous-traitance en milieu municipal.» Bon, je vais passer outre à ça. Et, troisièmement, vous dites: «Que la Commission des relations du travail décline compétence lorsque les parties ont convenu de dispositions traitant de concession partielle d'entreprise.» Je présume que vous parlez du 46, je ne sais pas.

M. LeBlanc (Guy): C'est-à-dire que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): ...on n'a pas pris de chance.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(16 h 50)n

M. LeBlanc (Guy): Si 45 s'applique toujours et que... Nous, ce qu'on demande, c'est d'en être exemptées, les municipalités. Si on ne l'était pas, bien, que, s'il y a des municipalités qui ont déjà négocié des conventions de sous-traitance, au moins on respecte ça. Mais, si on n'est plus soumis à 45, la troisième tombe, autrement dit.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Alors, c'était une option de...

M. LeBlanc (Guy): Oui, oui, c'est ça.

M. Tranchemontagne: C'est correct, je comprends. Un petit peu plus tôt, dans votre mémoire, quand on parle de la Commission des relations de travail, comme la plupart des intervenants, sinon tous, vous avez manifesté certaines inquiétudes à l'égard de la Commission, vous avez manifesté une inquiétude sur l'étendue du pouvoir, par exemple, vous avez manifesté une inquiétude sur la question de l'appel. Vous n'avez pas parlé de parité et puis vous n'avez pas parlé aussi de qui devrait entendre les causes.

Je vais vous dire deux choses. Plusieurs ou la plupart des groupes ont parlé de parité pour ce qui est des nominations à la Commission, premièrement; ça les rassurerait. Et la deuxième chose qui est intervenue, c'est qu'au lieu de faire affaire avec une seule personne à la Commission ça serait peut-être intéressant qu'on regarde la possibilité de faire affaire avec un banc plutôt, c'est-à-dire qu'il y aurait comme trois personnes, un président, un représentant patronal et un représentant du côté syndical. Est-ce que vous avez des opinions et sur la parité et sur le concept du banc?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): C'est certain qu'au niveau de la parité c'est quelque chose qui nous apparaît éminemment souhaitable. L'idée d'avoir un banc est également un élément qui nous sourit également parce qu'il y a peut-être plus de chances d'en arriver à une décision qui va respecter l'ensemble du dossier que d'avoir une seule personne qui va pencher plutôt d'un côté que de l'autre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, M. le président. Puis je veux juste repousser sur la question du banc. Ce matin d'ailleurs un représentant syndical nous faisait voir ou partageait avec nous que peut-être c'est encore plus important au début de la Commission ? une nouvelle commission, à peu pas de jurisprudence, etc. ? et donc l'assurance qui viendrait du fait que ça serait un banc plutôt qu'une seule personne qui prendrait des décisions assurerait au départ, en tout cas, tout au moins, une meilleure jurisprudence, une jurisprudence plus crédible, assise sur des discussions internes entre trois personnes et non pas une seule personne qui décide tout d'un coup qu'elle s'en va à gauche ou à droite. Alors, est-ce que vous êtes plutôt d'accord avec ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): Effectivement, on est d'accord. D'ailleurs, on le souligne dans notre mémoire qu'on souhaite... En fait, on souhaiterait que ça reste comme c'est là si c'est possible. Mais qu'on enlève tout, qu'on donne le pouvoir à un seul commissaire, on trouvait ça exorbitant. Et on s'interrogeait aussi, comme vous le mentionnez, sur les coûts et le temps. Parce que, là, on va arriver avec zéro jurisprudence, avec ces nouveaux articles là. On trouvait que c'était, au niveau des coûts puis, je dirais, de toute l'incertitude qu'on va vivre à l'intérieur d'incertitudes qu'on va vivre jusqu'à temps qu'il y ait un courant jurisprudentiel bien identifié... Je pense que ce n'est pas bon pour les relations de travail au Québec. Et le fait d'avoir un banc, en tout cas, pourrait, sans nous sécuriser, minimiser peut-être les risques.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce que ça va, M. le député de Mont-Royal? D'autres questions?

M. Tranchemontagne: Oui, merci. Une dernière question sur ce qui a trait à la notion de salarié. Vous manifestez vos inquiétudes dans votre mémoire. À partir de vos expériences, puisque vous êtes deux maires, vous avez un vécu, je voudrais reprendre un exemple d'un sous-traitant qui travaille pour vous. Par exemple, prenons le déneigement, dont vous avez parlé tantôt. Et vous dites que vous avez morcelé les contrats potentiels de telle sorte que vous pouvez faire affaire avec des petits entrepreneurs. Est-ce que vous craignez, par exemple, qu'un petit sous-traitant qui ferait du déneigement pour la ville risquerait d'être interprété ou d'être classé comme un salarié au sens de ce nouveau Code du travail?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): Écoutez, même si on a des petits entrepreneurs qui peuvent travailler pour nous, ils ont quand même d'autres clients aussi. On n'est pas trop inquiets de ce côté-là. Mais, par contre, ça pourrait être l'entrepreneur qui a un seul camion, lui, qui fait un travail pour nous. Ça, ça pourrait être plus inquiétant que l'entrepreneur qui a plusieurs équipements, plusieurs machineries. Ça, ça nous inquiète moins. Mais des camionneurs indépendants, par exemple, qui feraient beaucoup de travaux pour la ville, ça, ça nous inquiète, et on l'a mentionné dans notre mémoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Parce que j'imagine qu'un petit entrepreneur qui a un seul camion, etc., vous devez vous assurer sûrement que vous êtes son client principal. Autrement dit, quand il y a de la neige, c'est pour vous autres qu'il travaille, là, tu sais.

M. LeBlanc (Guy): En priorité.

M. Tranchemontagne: L'été, ça vous dérange moins, peut-être qu'il charrie d'autres choses. Alors, j'imagine que ça pourrait peut-être être... Avec la notion élargie de salarié, peut-être qu'il pourrait être interprété comme étant un salarié au sens du Code.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): C'est pour ça qu'on demandait qu'il y ait deux conditions, que ça soit des conditions conjonctives et non pas une ou l'autre, alternatives.

M. Tranchemontagne: D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va?

M. Tranchemontagne: Merci

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il n'y a pas d'autres questions? Parce qu'il reste trois minutes à peu près d'interventions possibles du côté du parti ministériel. Alors, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Non, simplement, ça a été abordé tantôt, mais pour pousser un peu plus loin, au niveau de l'absence du droit de lock-out, j'aimerais que vous précisiez votre pensée par rapport à ça, dans le sens... En quelles circonstances... Est-ce que ce moyen serait effectivement de nature... Et c'est ce que je lis un peu, et ça me surprend un peu, je vous avouerais. Peut-être essayer de me convaincre que c'est un droit... Je le sais qu'il est revendiqué depuis longtemps. Mais quel effet réel aurait-il? Et je vous avouerais que j'en doute fortement, d'autant plus, par rapport aux services qui sont accordés par les municipalités aux citoyens.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): Il faut quand même comprendre qu'il y a des services essentiels qui sont réduits au strict minimum. Il y a la question de santé et de sécurité de la population qui est préservée, mais c'est tout. Alors, les situations dont on se rend compte, parce que les tactiques, les stratégies syndicales évoluent et se raffinent, c'est que finalement, ils ne font pas vraiment de véritable grève, ils veulent continuer à retirer leur salaire, mais ils vont faire des grèves tournantes, des choses comme ça qui vont créer autant sinon plus de problèmes dans l'administration municipale mais sans les conséquences, c'est-à-dire pas de perte de salaire. Alors, vous êtes obligés d'endurer ça. On pense à Verdun, par exemple, où la grève a duré pendant deux ans. Alors...

M. Bédard: Et, vous, ce que vous voudriez, ça serait...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant, là. Oui, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Si vous parlez, vous, le droit de lock-out, ça veut dire que.. Au-delà des services essentiels? Donc, autrement dit, vous...

M. LeBlanc (Guy): Les services essentiels...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): ...minimalement, doivent être respectés.

M. Bédard: Bon.

M. LeBlanc (Guy): Quand vous parlez d'une usine de traitement d'eau, là...

M. Bédard: Non, non, mais on est d'accord.

M. LeBlanc (Guy): Oui, oui, ça, ça va, mais...

M. Bédard: Alors donc, c'est vrai pour le droit de grève.

M. LeBlanc (Guy): Oui.

M. Bédard: Et ça serai vrai pour le droit le lock-out aussi.

M. LeBlanc (Guy): Oui.

M. Bédard: O.K.

M. LeBlanc (Guy): Oui.

M. Bédard: Donc, mais c'est pour ça que je veux que vous nous convainquiez. Quel effet réel aurait-il sur les négociations, à partir de ce que vous me dites d'ailleurs, là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): C'est ce que je vous mentionne, c'est que c'est assez rare qu'on va assister à des grèves où les employés sortent, sauf qu'ils perturbent de façon importante et de façon continue les services aux citoyens, tout en retirant leur salaire. Alors, ils ont les deux côtés. Ils ont de la pression sur nous, ils n'ont aucune pression sur eux parce qu'ils continuent, l'ensemble des syndiqués continuent de recevoir leur salaire. Alors, nous, on est obligés de subir ça et on n'a aucun moyen de répondre à ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Chicoutimi, très rapidement.

M. Bédard: Très rapidement. Mais, même le lock-out, vous seriez dans la même situation?

M. LeBlanc (Guy): Non, parce que, là, on pourrait...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Guy): ...dire: Quant à avoir des services perturbés, on n'en aura pas, sauf le service minimal, les services essentiels.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, voilà.

M. LeBlanc (Guy): C'est ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci...

M. LeBlanc (Guy): Non, mais une usine de traitement d'eau...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Leblanc.

M. LeBlanc (Guy): ...vous ne pouvez pas couper l'eau aux citoyens, là. On est quand même au service des citoyens.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, messieurs, M. LeBlanc, M. Brisebois, Mme Laliberté, de votre participation.

Je vais suspendre pour seulement quelques instants les travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

 

(Reprise à 17 h 2)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous reprenons donc nos travaux.

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

Document déposé

Nous rencontrons à ce moment-ci la Centrale des syndicats démocratiques. Je remarque qu'il y a une annexe que vous venez de nous déposer. L'annexe est donc déposée pour que les membres de la commission puissent avoir copie.

Alors, M. Vaudreuil, bienvenue à cette commission. Vous connaissez la procédure: vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, et, par la suite, ce sera la période d'échanges. Mais auparavant ça serait important de nous présenter aussi les personnes qui vous accompagnent.

M. Vaudreuil (François): Merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, je voudrais vous présenter, à ma gauche, Me Robert Toupin, qui est procureur de la CSD et qui aura l'occasion d'intervenir au cours de cette présentation; à ma droite, Serge Tremblay, qui est trésorier du comité exécutif de la CSD et responsable de l'organisation de nouveaux syndicats à la Centrale; ainsi que, à sa droite, Normand Pépin, qui est responsable du service de recherche à la CSD.

Dans un premier temps, Mme la Présidente, je voudrais vous saluer, ainsi que les dames et les messieurs qui font partie de cette commission, vous remercier de l'invitation qui nous a été adressée. Alors, cet après-midi je n'ai pas l'intention de lire le mémoire, puisqu'il contient 67 pages, et d'ailleurs on se retrouve avec un projet de loi qui est substantiel, qui contient lui aussi 68 pages. Je vais plutôt tenter de vous transmettre la position de la Centrale sous six grands thèmes: alors, le premier, c'est l'accès à la syndicalisation; le deuxième, la procédure d'accréditation; le troisième, la protection de l'accréditation; le quatrième point, la négociation collective; le cinquième, la Commission des relations de travail; et, le sixième, les différents aspects qui ne sont pas touchés par ce projet de loi et dont la CSD aurait voulu voir inscrits dans celui-ci. Bon, évidemment la présentation que je vous fais ne contient pas tous les éléments qui sont prévus au mémoire. Nous prenons pour acquis que vous avez lu attentivement le mémoire qu'on vous a soumis et que les différents éléments qui y sont contenus vont sûrement être retenus dans l'analyse future du projet de loi.

Donc, je voudrais aussi, avant d'attaquer les six points comme tels, rappeler à la commission que la CSD représente près de 60 000 membres dans à peu près tous les secteurs de l'économie du Québec, à l'exception de la fonction publique fédérale et de la fonction publique provinciale, avec une très forte concentration dans les PME. C'est donc vous dire que nous sommes très au fait, nous sommes conscients de l'évolution du marché du travail, principalement dans le secteur privé. Nous sommes bien conscients de l'évolution, dans ce marché du travail, de la taille des entreprises, c'est-à-dire qu'il y a de moins en moins de grandes entreprises et de plus en plus de petites entreprises. Les entreprises qui se créent sont très majoritairement de petites entreprises.

On est aussi bien au fait, très conscient de la précarité des emplois, de l'évolution des différents statuts qu'on retrouve sur le marché du travail, de l'importance, par exemple, qu'occupent toutes les travailleuses et les travailleurs autonomes sur le marché du travail au Québec.

On est aussi bien conscient ? et ça, je pense que c'est important de le réaliser ? que le marché du travail de plus en plus se dessine comme étant un marché des extrémités, c'est-à-dire qu'à un bout on retrouve les gens qui travaillent dans la nouvelle économie, qui, en raison de leurs compétences, sont capables d'établir un rapport de force en négociant collectivement avec les personnes qui les embauchent, et, de l'autre côté, les gens qui ont de plus en plus de difficultés et pour lesquels les conditions sont de plus en plus pénibles dans des secteurs traditionnels qui sont très importants dans l'économie du Québec et pour lesquels la situation n'est pas toujours rose. Et on est aussi bien au fait de l'importance de la sous-traitance dans plusieurs secteurs d'activité économique.

Donc, on va reprendre, à la lumière des six points, ces différents éléments du marché du travail. Alors, le premier point concernant l'accès à la syndicalisation, bien, évidemment on voudrait rappeler à ce Parlement qu'il est très important de préciser au départ que le Code du travail a été fait avant tout et sa finalité est de favoriser l'accès à la syndicalisation et de protéger les accréditations syndicales. Il ne faut jamais oublier ça, parce que les employeurs, eux, sont organisés. Les employeurs ont des ressources. Les employeurs possèdent de l'argent, possèdent de nombreuses ressources, ce qui fait en sorte que le Code du travail est là ? et ça a toujours été le cas ? pour limiter les droits de gérance, les droits de direction des entreprises, pour favoriser l'accès à la syndicalisation, et ça, à notre avis, ça ne doit pas changer.

Actuellement, le développement de la syndicalisation est très difficile. La conjoncture qu'on vit au Québec ne favorise pas l'accès à la syndicalisation, et c'est la raison pour laquelle on prétend, à la CSD, qu'il faut de toute urgence modifier les dispositions pour permettre des ajustements qui vont faire en sorte que la syndicalisation va être encore plus facile, parce que malheureusement, en 2001, la syndicalisation, pour qu'elle réussisse, elle doit se faire dans la clandestinité.

Et, quand je vous disais tantôt que, sur le marché du travail, il y a de plus en plus de petites entreprises, on a juste à regarder la présence syndicale dans les petites entreprises pour s'apercevoir qu'il y a à peu près 16 % de la main-d'oeuvre qui est syndiquée et qui travaille dans des entreprises de une à 19 personnes. Il y en a 39 %, c'est-à-dire 40 % qui travaillent dans des entreprises de 20 à 99 personnes et qui sont syndiquées. Et, quand on tombe dans la grande entreprise de 100 personnes et plus, bien, on a 58 % des travailleuses et des travailleurs qui oeuvrent dans ces grandes entreprises, qui sont syndiqués.

Donc, il faut développer des stratégies pour répondre aux nouveaux besoins de ces petites entreprises là. Et, une des stratégies qui permettrait de favoriser l'accès à la syndicalisation, c'est de mettre sur pied la possibilité d'une négociation regroupée. Parce que, quand on organise aujourd'hui dans des petites entreprises, il y a des difficultés en raison de la compétition très vive qui existe pour ces petites entreprises là, et, si elles vivent dans un secteur de sous-traitance, comme, par exemple, l'industrie du vêtement, bien, on a beaucoup de difficultés à améliorer les conditions de vie des gens sans mettre en danger la survie de l'entreprise. Alors, ça, évidemment il va falloir donc réfléchir pour ces petits secteurs là, et particulièrement ceux qui sont affectés par la sous-traitance, à des approches sectorielles. On ne peut plus réfléchir uniquement par établissement.

n(17 h 10)n

Mais même si la syndicalisation est difficile, à la CSD, on n'a pas adopté une attitude attentiste. On a été la première centrale syndicale au Québec à ouvrir une structure d'accueil aux travailleuses puis aux travailleurs autonomes du transport routier, par le Syndicat des routiers autonomes, parce qu'il y avait des besoins. Et on a aussi tenté d'organiser ceux que Natrel avait convertis en travailleurs autonomes. Il y avait ici, dans la région de Québec, près de 200 personnes qui voulaient se syndiquer. On a déposé une requête en accréditation. On a regardé leurs besoins, parce que, quand on syndique les gens, c'est pour améliorer leurs conditions de vie à partir de leurs besoins, de leurs réalités qu'ils vivent.

Or, ça, on a déposé, ça, cette requête en accréditation là, en novembre 1994, et on a eu une conclusion de ce dossier au mois de mai 2000. Or, ça a pris presque six ans avant de faire reconnaître à la Cour d'appel le droit à la syndicalisation pour les agents distributeurs de Natrel. Or, évidemment l'approche de la Commission à cet égard nous plaît. J'y reviendrai un peu plus tard. Mais, concernant l'accès à la syndicalisation, la définition du statut d'entrepreneur dépendant tel qu'il est prévu au projet de loi n° 182 nous apparaît beaucoup trop restrictif et va sûrement nous conduire dans des batailles comme on a vécues avec Natrel s'il n'y a aucune modification. Pour la CSD, on prétend que l'entrepreneur dépendant devrait être défini uniquement par la dépendance... le concept de la dépendance économique qui y apparaît et que les autres concepts qui apparaissent à la définition devraient disparaître.

Le dernier élément sur lequel je voudrais intervenir sur l'accès à la syndicalisation, c'est la hausse de la première cotisation syndicale qui est demandée. Passer de 2 $ à 10 $, ça constitue, dans notre société, en 2001, un frein à la syndicalisation. Et je ne crois pas de l'intention, je ne prête pas cette intention au législateur de vouloir mettre un frein à la syndicalisation. Bon. Qu'on fasse des parallèles avec l'inflation des salaires dans la société, il y a un phénomène qui existe actuellement, c'est qu'en raison de la précarité des emplois, et, ça, ça n'existait pas au début des années soixante, les gens sont beaucoup plus pauvres. Et, quand on a vérifié auprès du personnel chez nous qui fait de l'organisation syndicale, qui va dans les maisons pour faire signer des cartes et pour prendre de l'argent, souvent ? souvent ? les gens sont obligés d'aller chercher leur monnaie pour payer leur 2 $. C'est ce qui se passe dans la vie. Et, nous, ce qu'on pense, c'est que le geste symbolique du 2 $ est nettement suffisant et on trouve carrément inapproprié de le majorer à 10 $. On ne voit pas l'utilité de majorer le montant qui apparaît actuellement à 2 $.

Deuxième élément, concernant la procédure d'accréditation. Bon, il y a un élément qui nous fatigue beaucoup dans la procédure d'accréditation, c'est à l'article 13 du projet de loi qui réfère à l'article 25 du Code du travail et qui mentionne que dorénavant, quand on voudra déposer une requête en accréditation, il faudra transmettre une copie de la requête à l'employeur. Tout le monde sait, tout le monde qui a travaillé à l'organisation d'un syndicat ou à un changement d'allégeance syndicale sait que le dernier jour de la période légale ou le dernier jour de la période pour déposer, c'est le jour le plus crucial et que ça va entraver, si jamais, ça, c'est adopté, l'exercice libre et volontaire du droit d'association. Ça ne concerne aucunement l'employeur. Ce qu'on vous propose comme modification au texte de loi, c'est d'inscrire que cette copie-là sera transmise le lendemain du jour du dépôt à la Commission à l'employeur. On n'a aucun problème à le transmettre le lendemain, mais pas cette journée-là, l'employeur autrement va s'immiscer.

Il y a une étude de l'Université de Kingston en Ontario qui révèle que plus de 90 % des employeurs au Canada ? malheureusement, on n'a pas les statistiques au Québec, mais on peut présumer que c'est la même tendance ? s'objectent à l'arrivée d'un syndicat. Donc, il faudrait avoir une vision d'angélisme pour prétendre que les rapports sont suffisamment matures ou civilisés au Québec pour faire en sorte que les employeurs ne bougeront pas quand les travailleurs vont vouloir se syndiquer. Or, ce qu'on vous demanderait, c'est évidemment de retirer cette modification-là.

Concernant la protection de l'accréditation, bien, évidemment ce qui nous inquiète énormément, c'est le fait qu'on puisse révoquer une accréditation après cinq ans. Les juges des différents tribunaux à maintes reprises ont affirmé qu'il valait mieux laisser somnoler l'accréditation que de la révoquer. Et, si les juges ont décidé ça, c'est parce qu'il y a des raisons. Il y a des raisons. Évidemment, je ne voudrais pas prêter aujourd'hui, par exemple, l'intention à McDo de réouvrir son McDonald de Saint-Hubert dans cinq ans, c'est sûr qu'ils ne le feront pas. Alors. s'ils ne le font pas, il faut que l'accréditation puisse sommeiller.

Par contre, on salue dans la protection de l'accréditation au niveau de l'article 45 la disposition qui vise le retrait de l'exclusion de la vente en justice, ça, on trouve ça très intéressant, on l'accueille favorablement, ainsi que le transfert d'activités pour les groupes de compétences fédérales aux compétences provinciales. Cependant, ce qu'on vous demande, c'est de porter une attention. On est d'accord à ce qu'il y ait des transferts, on l'a même demandé, mais quand il s'agit d'un syndicat accrédité. Parce qu'il n'est pas de notre culture au Québec de reconnaître volontairement des syndicats, c'est-à-dire des arrangements entre les employeurs et les syndicats pour une convention collective. Donc, on voudrait qu'il puisse se transférer uniquement quand il y a un syndicat accrédité au fédéral. Bon.

Là où le bât blesse, c'est le fameux article 46, l'élément de facilité, le projet de faciliter la gestion de la main-d'oeuvre et des conditions de travail. Nous, ce qu'on prétend, c'est que les principes qui gouvernent actuellement la jurisprudence concernant l'article 46, il y en a trois, devraient demeurer intacts.

Le premier principe, c'est le maintien des accréditations et des conventions collectives. Le deuxième, c'est que, s'il y a des difficultés d'application, on dit à l'employeur qu'il a l'obligation de tenter de régler avec les syndicats. Et, s'il n'est pas capable de régler avec les syndicats, à ce moment-là, prenant acte de l'échec de la démarche, il revient à l'employeur de démontrer devant un tribunal qu'il a des difficultés réelles, sérieuses et insurmontables.

Et pourquoi ça a été fait, ça? Pour une raison bien simple, c'est qu'il faut protéger l'accréditation, et ça, à notre avis, c'est immuable, ça ne peut pas bouger. Nous comprenons qu'il puisse y avoir des cas qui peuvent paraître parfois loufoques, mais il faut regarder l'ensemble. On a essayé de trouver des solutions, Mme la ministre, on s'est creusé les méninges et on n'a pas été capable d'en venir à autre chose que de maintenir les principes qui gouvernent actuellement le courant jurisprudentiel.

Et, enfin, le troisième alinéa de l'article 46 du projet de loi où il manifeste l'intention de circonscrire certaines situations qui sont peu fréquentes, où il y aurait eu des ententes avec des syndicats concernant une renonciation à l'article 45, nous, on pense que ce sujet-là, l'élément de la protection de l'accréditation, est trop important et on exige le retrait de cet alinéa-là. Parce que, si jamais cette disposition-là passait, ce qu'on va avoir comme conflit puis comme tension dans les milieux de travail, ça va être beaucoup plus grand que ce qu'on a vécu au niveau des clauses orphelin. Et il ne faudrait pas se retrouver dans des situations de tension, de chantage. On ne peut pas laisser l'accréditation syndicale aux aléas de la conjoncture économique de la négociation où les employeurs vont pouvoir exercer des pressions qui vont conditionner la perte d'une partie de l'accréditation au développement de leur entreprise. Ça n'aura pas de bon sens, ça va créer des tensions incroyables, et, nous, ce qu'on demande évidemment, c'est que ce troisième alinéa là disparaisse.

Concernant la négo, ça, c'est mon quatrième point, il y a deux éléments, il y a 57.2 et 58.2. Combien il me reste de temps, Mme la Présidente, cinq minutes?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous reste trois minutes, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil François): Bon, je vais faire vite. Concernant 57.2, 58.2, encore là on prétend que plutôt... à 57.2, plutôt que la Commission puisse après une grève ou un lock-out intervenir, ce qu'on recommanderait, c'est un mécanisme de médiation spéciale où le médiateur spécial pourrait faire soumettre les offres à scrutin secret, ça, on n'a pas d'objection là-dessus. Quant à la possibilité sur les offres finales de les faire voter, nous, on prétend qu'on ne règle mais absolument d'aucune façon le problème des négociations et, à cet égard-là, on vous demande de retirer 58.2.

n(17 h 20)n

Sur la Commission, je vous dirais que, sauf les quelques éléments techniques qu'on vous a présentés dans notre mémoire, on est d'accord avec l'idée de la Commission, on accueille ça favorablement.

Le sixième point, les aspects non touchés de la réforme. Bon, comme je vous l'ai indiqué au moment de l'accès à la syndicalisation, on souhaiterait élargir la notion de personne couverte par le Code plus qu'aux entrepreneurs dépendants; on voudrait que les travailleurs autonomes, on voudrait que le personnel cadre puissent avoir droit de se regrouper pour négocier collectivement.

L'autre élément qui n'apparaît pas et qui, à notre avis, est très important, c'est la définition d'un employeur unique. Enfin, autre élément, c'est la négociation regroupée. On ne croit pas que la perspective d'une négociation regroupée pour les travailleurs des PME les rendra craintifs d'entreprendre une démarche de syndicalisation, mais ça va permettre d'établir un nouvel équilibre, parce qu'on a besoin de cette approche sectorielle là dans la nouvelle réalité de l'économie.

Enfin, dernier élément concernant les durées de conventions collectives, évidemment on s'était présenté ici, à la commission parlementaire sur l'analyse des conventions collectives longue durée, et, à cet égard-là, on trouve que le changement d'allégeance est beaucoup trop grand dans les conventions collectives longue durée.

Donc, ça présente l'essentiel du mémoire. Comme je vous dis, il y a plusieurs aspects qu'on n'a pas touchés. Alors, c'était la présentation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Vaudreuil, on va pouvoir poursuivre avec les périodes d'échange. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci, Mme la Présidente. M. Vaudreuil, je vous salue, ainsi que les gens qui vous accompagnent, que j'ai déjà eu l'occasion d'ailleurs de rencontrer à d'autres moments. Écoutez, je ne sais pas si c'est la fatigue ou quoi, mais je pense que je vis un petit moment de désespoir. Tout à l'heure, j'avais ma dose de la rhétorique, là je suis désespérée.

Moi, je comprends très bien qu'une organisation syndicale, surtout dans une démarche comme celle-ci, cherche à obtenir le maximum, c'est légitime, humain, mais là à un moment donné je me demande si on vit sur la même planète. Je l'ai dit hier, ce n'est pas simple. Les syndicats ont très mauvaise presse ces années-ci, il faut se le dire. Je persiste à croire, c'est une conviction personnelle, que le Code du travail, c'est un instrument qui a le droit de vivre et d'être rajeuni parce qu'il consacre un droit qui fait partie de notre histoire, de nos chartes, et un droit qui est aussi de plus en plus présent dans les conventions internationales et que les États qui vont passer à côté de ça vont finir par avoir l'air un peu... ça ne sera pas enviable, la situation des États et des pays qui vont passer à côté de ces droits-là.

Mais là, quand je vois les enchères qui montent de tout bord et de tout côté, je peux-tu avoir un petit moment de désespoir? Parce qu'à un moment donné il va falloir se mettre les deux pieds à terre puis regarder la réalité. Parce que, d'un côté, je fais des résumés, des raccourcis, on a des organisations syndicales qui voudraient de temps en temps... enfin, certaines d'entre elles nous donnent l'impression qu'elles voudraient tout massacrer, et je vais combattre ça de toutes mes forces, mais en même temps elles nous soulèvent des problèmes qui sont réels aussi, et, de l'autre côté, j'entends les organisations syndicales qui disent: On veut syndiquer. Vous, vous ne me dites pas que la définition est plus ou moins justes, vous me dites: On veut syndiquer des travailleurs autonomes.

Là, écoutez, un salarié, c'est un salarié, puis un travailleur autonome, c'est un travailleur autonome. On va venir mêlé. Vous me parlez de la syndicalisation des cadres. Je le sais qu'il y a des situations intermédiaires qui sont un petit peu plus difficiles, mais là, un cadre, c'est un cadre, puis un salarié, c'est un salarié. Vous me parlez de la négociation regroupée. Ça n'existe à peu près pas dans l'univers nord-américain. Moi, je veux bien que le Québec soit une société distincte, mais là il y a des particularités, quand on les additionne, qui finissent ? c'est difficile à chiffrer ? par nous rentrer dans le corps. Alors, est-ce qu'on pourrait faire, pendant les minutes que nous avons devant nous, un exercice de pragmatisme?

Alors, moi, je tiens à ce que le processus d'accréditation soit plus fluide. Il s'est développé au fil des années des astuces, des trucs pour éviter, non seulement éviter, mais faire en sorte que les gens ne puissent pas exercer ce droit-là. Je ne suis pas insensible à la question de la déclaration de l'employeur unique, je suis en train de la regarder, parce que je vois bien que ça pourrait corriger les astuces, on pourrait débusquer des astuces.

Mais je vous le dis, là, si je mets employeur unique, je vais vous mettre un poids sur d'autre chose. Alors, qu'est-ce qui, dans le processus d'accréditation, ferait vraiment en sorte qu'on pourrait le rendre plus performant, plus efficace, qu'on ne bouscule pas les droits de personne, y compris des employeurs, parce que, là, les employeurs, vous l'avez dit vous-même, on est dans une économie de petite entreprise. Ce n'est pas tout du mauvais monde, là. Puis il y a des employeurs qui reçoivent une requête d'accréditation, puis ils tombent en bas de leur chaise, puis ils disent: Coudon, ça allait-u si mal que ça chez nous? À tort ou à raison. Puis ils n'engagent pas 50 avocats tout le temps pour faire face à ça, ils sont juste un peu désemparés.

Alors, qu'est-ce qui est vraiment essentiel ou majeur pour faire en sorte que ce processus-là se passe adéquatement, correctement, dans des délais qui ne bousculent pas les droits des uns et des autres? Quel est l'essentiel là-dedans à votre point de vue? Donne-moi un peu d'espoir.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vaudreuil.

Mme Lemieux: Je vous le dis en riant, là, mais on a un vrai problème au Québec. On monte les enchères, là, puis ils perdent la réalité. Il n'y a grand monde qui se confronte à essayer de passer au travers. Il y a les élus, puis c'est tout nous autres qu'il y a le trouble. Il n'y a grand monde qui le partage, le test de la réalité au Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Mme la ministre, je partage votre préoccupation et je peux aussi très bien comprendre les différentes pressions qui peuvent vous venir de tous côtés...

Mme Lemieux: M. Vaudreuil...

M. Vaudreuil (François): ...d'un peu partout, quoi.

Mme Lemieux: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, bien, Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Vaudreuil, j'ai accepté ce métier, j'accepte la pression. Ce n'est pas ça que je vous dis, là.

M. Vaudreuil (François): Mais ce n'est pas ça que je vous dis, là.

Mme Lemieux: O.K.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...s'il vous plaît, là. Alors là, M. Vaudreuil, c'est à vous la parole.

M. Vaudreuil (François): Merci, Mme la Présidente. Donc, je comprends très bien... Mme la ministre, je comprends, donc, très bien la situation dans laquelle vous êtes. Je voudrais aussi être capable de vous apporter... Je pense que la présentation que je vous ai faite, elle est très pragmatique, elle est très concrète, là, bon.

Un des problèmes qu'on a dans le débat de la réforme du Code du travail ? et ça, c'est depuis le début ? c'est qu'on cherche à obtenir un équilibre, mais le débat, il n'est pas là. Et, à partir du moment où on a ce constat-là, on ne pose pas à notre avis les bonnes prémisses. Parce que le Code du travail, il est là pour permettre l'accès à la syndicalisation, la protection des accréditations, et il faut l'adapter à la nouvelle réalité.

Je vais vous donner un exemple que vous connaissez très bien dans la négociation regroupée. Je vous ai donné l'exemple de Natrel. Nous croyons fermement qu'avec la nouvelle Commission, avec les nouveaux dispositifs on ne devrait pas avoir à répéter des cas comme on a vécu qui ont duré six ans pour s'accréditer. Ça, tout le monde est d'accord avec ça, là, ça frise le ridicule, là. Je veux dire, ça n'a pas de bon sens, parce qu'on se demande... Parce que notre objectif ? puis ça aussi il faut toujours répondre ça ? la première chose qu'on demande aux gens: Comment on peut vous aider à améliorer vos conditions de vie? Bon, dans le cas des agents distributeurs de Natrel, après six ans on se dit: On n'a pas pu les aider comme on aurait voulu; on a au moins préservé les droits qu'ils avaient parce que dans l'article du Code du travail existe l'article 59 qui, pendant la période d'accréditation, protège le maintien les conditions de travail. Donc, on a protégé leurs conditions de travail.

n(17 h 30)n

Mais prenons un autre exemple. Dans l'industrie du vêtement, hein, qui, à 75 %, 80 % est de la petite, petite entreprise et qu'ils sont en compétition les uns contre les autres, au niveau de la gestion il y aurait des gains importants à faire dans la mutualisation, par exemple. Tu sais, si on pouvait raisonner autrement la compétition, là, si on pouvait la voir sur une base sectorielle, en mutualisant des compétences au niveau des ressources humaines ? il n'y a rien sur le développement des ressources humaines ? des équipements... Tu sais, dans les Bois-Francs, il y a 50 et quelques petites usines puis il y a 50 et quelques copieurs, il y a 50 et quelques réceptionnistes, il y a 50 et quelques secrétaires de direction... On multiplie plutôt que de mutualiser les compétences et, à l'égard de marché, être capable d'être performant.

Une négociation regroupée pourrait permettre ça parce que, quand on organise des petites entreprises ? et je vous donne cet exemple-là ? la première affaire, c'est qu'on est très limité et on ne raisonne plus dans le vêtement les coûts de revient, alors on les raisonne à la minute. Maintenant, ce qu'on évalue, c'est qu'une fille qui travaille dans le jeans ne doit pas coûter plus que 18 cents la minute, parce que, autrement, ils vont perdre leur contrat.

Donc, il faut, pour permettre l'accès à la syndicalisation puis la protection, modifier la façon d'établir le rapport de force. Puis, les syndicats, ça fait longtemps qu'on a compris, à la CSD, depuis le début des années 80, parce qu'on est dans le secteur privé, que le seul adversaire qu'on a, ce n'est pas l'employeur, c'est le marché. Et on a travaillé sur l'organisation du travail. On sauvé des dizaines et des dizaines d'entreprises. On a créé de l'emploi par nos interventions, et ça, on est bien conscients de ça. Sauf qu'avec les instruments qu'on a actuellement ? je vous donne l'exemple de la négociation regroupée dans le secteur du vêtement, par exemple ? ça pourrait permettre de civiliser ça et de trouver des réponses, puis on pourrait travailler sur des plages intéressantes. Mais on ne les a pas, ces mécanismes-là, c'est par établissement.

Donc, ce qu'on vous propose, c'est bien concret et c'est à partir de la difficulté qu'on a. Puis ce n'est pas parce qu'on est moins bon que nos précédents étaient, là, c'est parce que la conjoncture a changé. On a de la difficulté à organiser des syndicats puis on a de la difficulté à aider le monde comme on voudrait.

On a rencontré un groupe dans la distribution: des entrepreneurs dépendants qui n'ont pas été reconnus par le Tribunal du travail comme des entrepreneurs dépendants dans une grande firme que je ne nommerai pas, et là, première affaire qu'il faut faire, c'est de travailler sur la légitimité, deuxième, regarder pour voir si on n'est pas capable de négocier un contrat civil collectif, parce que le Code du travail ne nous permet pas d'accueillir ces gens-là. Il y a pourtant une volonté démocratique des gens, en assemblée générale à scrutin secret, de s'organiser pour être pris avec d'autre chose qu'un contrat d'adhésion puis être capables de négocier puis améliorer leurs conditions de vie. Parce que, au Québec, actuellement, on se retrouve soit dans des situations de sous-traitance avec des très petites entreprises, puis là on n'a pas d'approche nouvelle pour être capable de permettre aux gens d'améliorer leurs conditions de vie, ou bien non, on se retrouve avec des multinationales. Dans le lait, là, à part de Parmalat puis à part de Natrel, il n'y a pas grand-chose. Dans le pain, à part de Weston, à part de Multi-Marques puis à part de Gadoua, il n'y a plus de joueurs.

Donc, les gens sont pris avec des contrats d'adhésion puis ces des employeurs, pour baisser leurs coûts de production, dans les stratégies, qui les déguisent en travailleurs autonomes. Puis, ces compagnies-là, elles ont de l'argent, elles vont voir les grandes firmes d'avocat puis elles tricotent les contrats pour échapper à la syndicalisation, parce qu'elles veulent sortir des relations de travail pour les mettre dans des relations commerciales sachant que ces gens-là ne sont pas capables de faire le poids. Puis, quand on regarde, dans le lait, les agents distributeurs, leurs conditions de travail depuis une décennie, leur pouvoir d'achat, il a baissé grandement.

Moi, comme président de la CSD, quand je côtoie ces gens-là, je viens chargé d'émotions, Mme la ministre, chargé d'émotions, et je voudrais les aider. Sauf que les instruments qu'on a sont désuets et ne répondent pas à cette nouvelle réalité là. Et ce qu'on demande, ce n'est pas l'obligation de syndiquer les cadres, on ne demande pas d'obliger de syndiquer les travailleurs autonomes, on dit: Enchâssons ça dans la loi et, si ces gens-là démocratiquement veulent se regrouper pour améliorer leurs conditions de vie, bien, bravo! les centrales syndicales sont là pour les accueillir.

Mais, entre-temps, on en arrache, puis pas à peu près, puis on n'est pas capable de les aider comme on voudrait les aider. On en fait, des bouts de chemin, mais on voudrait aller beaucoup plus loin avec eux autres. Et ce qui est très difficile pour nous, du mouvement syndical, c'est que, quand on se présente à l'Assemblée nationale, on a l'impression de venir quêter, de venir quêter un droit qui est fondamental dans une société démocratique. C'est fondamental, ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va, Mme la ministre? Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, Mme la Présidente. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue, M. Vaudreuil, ainsi que messieurs qui vous accompagnent.

Vous avez commencé par nous parler que le climat d'aujourd'hui n'était pas favorable à la syndicalisation et que c'était un climat difficile. Moi, je pensais que la CSD, étant donné qu'elle fait affaire avec des petites et moyennes entreprises, elle était plus près de la réalité que ça. Est-ce qu'il y a quelque chose qui est plus facile aujourd'hui qu'autrefois? Jamais, il n'y a rien de plus facile. Vous le savez sûrement, vous qui travaillez et qui êtes appelé à négocier et à discuter avec des petits entrepreneurs, qu'il n'y a rien de facile. Le marché s'est agrandi, la compétition s'est agrandie, on parle d'une compétition internationale, en tout cas tout au moins nord-américaine. Alors, j'ai de la misère, bien gros, à comprendre que vous trouviez que votre climat n'est pas favorable, il n'est favorable pour personne.

Donc, vous êtes aussi victime que n'importe qui, et ce dont j'ai l'impression, c'est qu'en conséquence vous venez demander au gouvernement de dire: Donnez-nous un projet de loi qui va nous ouvrir les portes à la syndicalisation du plus grand nombre de personnes possible. Ça me surprend énormément, parce que, quand vous faites affaire avec des petites et moyennes entreprises, vous devez en voir, des cas dramatiques où ils ont besoin d'aide, ces petits entrepreneurs là. Ce n'est pas des grandes entreprises, ça. Alors, j'ai beaucoup, beaucoup de misère avec plusieurs de vos commentaires à l'égard du projet de loi. Pas que je favorise le projet de loi, parce qu'il n'y a personne qui l'a favorisé à date. Tout le monde qui est venu ici, je dirais, jusqu'à maintenant a eu des choses à dire négatives, et plusieurs choses se recoupent d'ailleurs. Alors, ça, c'était mon entrée en matière.

J'aimerais vous entendre parler également de votre définition d'«entrepreneur dépendant», puisque vous dites que celle proposée est trop restrictive. Ce matin, on a eu l'opportunité de voir des statistiques que, moi, je voyais pour la première fois, en tout cas de la Fédération des entreprises indépendantes, statistiques qui nous disaient que la majorité, par exemple, des travailleurs autonomes ? je ne me souviens plus du pourcentage exact, mais c'était au-delà de 80 %, 87 %, 88 % ? 88 % d'entre eux sont heureux d'être des travailleurs autonomes, ils ne sont pas malheureux. Ils ne le font pas à contrecoeur, ils le font parce que soit ils veulent une plus grande liberté, ils veulent de l'autonomie, ils n'aiment pas ça avoir un boss. Quelles que soient leurs raisons, ils ne sont pas malheureux d'être des entrepreneurs indépendants.

Hier, venant du côté syndical, on a eu la FTQ, entre autres, qui est venue et on a parlé avec M. Massé. M. Massé semblait, à mes yeux en tout cas, comprendre que ce qu'on essaie de viser ou ce qu'on essaie de faire, c'est de travailler à éliminer le concept des «faux autonomes», c'est-à-dire... Je ne sais pas si Natrel s'appliquerait à ça, puis, d'après ce que vous dites, il semblerait... Weston, il donnait l'exemple, lui, de Weston.

Alors, il me semblait qu'on arrivait à un compromis qui était intéressant quand on parlait de faux autonomes. Mais les employeurs, les autonomes d'aujourd'hui, vous savez, ils ne sont pas malheureux. Ils sont 88 % à dire, selon cette étude-là ? qui était basée sur 500 ou 1 000 questionnaires, je ne me souviens plus exactement ? qu'ils sont heureux dans cette situation-là. Alors, ils n'ont pas besoin d'être syndiqués, ces gens-là; ils ne se sentent menacés d'aucune façon. Alors, je dois admettre que je ne comprends pas votre raisonnement de ce côté-là de vouloir un élargissement de la définition de l'«entrepreneur dépendant».

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Vaudreuil.

n(17 h 40)n

M. Vaudreuil (François): Alors, M. le député, premier élément, je voudrais réagir à votre commentaire général où rien n'est facile actuellement. Écoutez, on est bien conscients qu'il y a une complexification des rapports sociaux puis économiques dans notre société. Ça, c'est inéluctable, on ne conteste pas ça, on vit avec... On vit d'ailleurs avec cette réalité-là quotidiennement comme tout le monde. Cependant, ce que j'ai tenté d'expliquer ? puis je vous l'ai peut-être mal expliqué ? c'est que, compte tenu de l'évolution du marché du travail, de cette nouvelle réalité économique, la loi du travail qui a été bâtie en 1964, le Code du travail a été fait pour favoriser la syndicalisation dans des grands ensembles parce que, en 1964, dans l'économie, c'était le secteur manufacturier qui était prépondérant et c'étaient des grands ensembles. Donc, on a défini ces mécanismes-là pour des grands ensembles.

Aujourd'hui, c'est les petites entreprises qui se développent et là ce qu'on dit... J'ai pris l'exemple des Bois-Francs dans le vêtement. Récemment, on vient d'organiser deux syndicats dans des petites entreprises qui sont en sous-traitance. La première, avant qu'on commence la négociation, est près de la faillite. On a un service à la Centrale qu'on appelle le service de main-d'oeuvre, qui vient en aide, où là le syndicat des travailleuses de l'usine, avec notre conseiller syndical, voit un plan de redressement. Il y a différents programmes qui existent à Emploi-Québec qu'on utilise. On intervient énergiquement dans ce cadre-là.

L'autre entreprise, ça va relativement bien. Mais, quand on vient pour négocier des conventions collectives, on ne peut pas améliorer les conditions de ces gens-là comme on le voudrait parce que l'espace au niveau de la compétition n'est pas possible. Et, nous, ce qu'on dit: La seule façon de le faire, c'est par la formule de négociation regroupée où, là, on pourrait rencontrer les gens puis dire: Regardez là, il y a 50 usines et quelques dans les Bois-Francs en termes de vêtements qui sont en sous-traitance. Est-ce qu'on ne pourrait pas, par exemple, réfléchir pour organiser... Et là, avec les employeurs, il y aurait une table de négociations, et la négociation se fait toujours en tenant compte du marché extérieur, mais on pourrait mutualiser les compétences, on pourrait.

Ça, c'est une solution qu'on prévoit qui pourrait être mise au Code du travail pour régler la solution puis permettre à ces gens-là d'améliorer leurs conditions de vie. Parce que la syndicalisation, ça a constitué, au cours des dernières décennies, un antidote à la pauvreté et aux inégalités dans notre société. On a fait ça, ces choses-là, souvent parfois dans des horizons qui ont pris des fois une décennie. Tu sais, dans le cas des agents distributeurs, quand on regardera ça dans huit, 10 ans, on réalisera les grands progrès qu'on a faits. Donc, quand on est dedans, c'est plus difficile parce que c'est long, mais, je veux dire, on réalise donc des grandes choses.

Alors, quand on arrive au niveau des travailleurs autonomes, la réalité que je vous pose, c'est une réalité structurelle. Ce que la FCEI vous a apporté ce matin... Et la FCEI, c'est sa marque de commerce, ils font tout le temps ça. Ils sont dans des sondages de perception d'opinions, ce que les sondeurs appellent du «psychopop». Un gouvernement, à mon avis, n'a pas à travailler dans la perception puis dans le psychopop. Un gouvernement a à travailler sur la réalité structurelle, et la réalité structurelle...

Prenez le lait, vous travaillez pour Natrel ou vous travaillez pour Parmalat. Allez dans le pain, vous travaillez pour Weston, pour Gadoua ou bien non pour Multi-Marques. Expliquez-moi donc quel pouvoir que vous avez de négocier avec ces quasi-multinationales là. Dans certains cas, c'est des multinationales. Dans le cas de Gadoua, ça n'en est pas une puis Multi-Marques non plus, mais parfois il y a des multinationales. Mais c'est des géants, c'est des géants.

Alors, le travailleur autonome, oui, il est heureux. Il est son propre patron, il organise son travail à sa guise. Il bénéficie de plus d'autonomie qu'un salarié. Puis, le modèle de salarié, probablement qu'il l'a rejeté. D'autres n'ont pas fait le deuil du salariat. Mais, peu importe, peu importe qu'ils soient heureux ou pas, ce qu'on dit, c'est que la législation du travail au Québec devrait permettre à ces gens-là, lorsqu'ils le désirent, sur une base volontaire, lorsque la majorité de ces gens-là décident de se regrouper pour négocier collectivement parce que le donneur d'ouvrage, la multinationale ou le gros a décidé de les écraser, a décidé de faire ci, de faire ça... On ne l'a pas, cet instrument-là dans le Code du travail, M. le député. Et c'est ça qu'on demande: qu'il y ait une possibilité de changer cette réalité structurelle là pour qu'on puisse aider les gens encore plus à améliorer leurs conditions de vie, parce que, avec la définition de «salarié» qu'on a, avec la définition d'«entrepreneur dépendant» qu'on a actuellement, on laisse sur le pavé, on exclue du monde, du monde. On aura beau les costumer en travailleurs autonomes, on aura beau expliquer que c'est des gens d'affaires, on aura beau... C'est du monde, ça. Puis, nous, ce qu'on dit: Du monde, ça devrait avoir le droit de se regrouper. De toute façon, on n'a pas besoin du Code. Ça, la Charte le permet, de se regrouper.

Mais ce dont on a besoin au niveau du Code, c'est de permettre un processus de négociations comme on a, de protection d'accréditation. Donc, ce qu'on dit: Ouvrons le Code du travail à ces gens-là et, s'il y a une possibilité... Puis je vous ferai remarquer, par exemple, que les cadres en Europe, en France, entre autres, ont la Confédération générale des cadres, et c'est rentré dans la culture de la société. Bon. Puis toutes les organisations syndicales ont des fédérations de cadres. Elles interviennent à d'autres niveaux. C'est d'autres réalités.

Quand on va négocier une convention collective avec des travailleurs autonomes, on ne négociera pas de congé de maladie, de clause d'ancienneté puis ces trucs-là. On va négocier à un autre niveau. On va négocier à partir de leurs besoins, de leur réalité. On va peut-être réfléchir avec eux autres à un réseautage. Tu sais, la solidarité va prendre d'autres formes, un réseautage souple, qui répond à leurs besoins, à leurs aspirations.

Actuellement, on peut le faire. On peut le faire d'une façon, un, en allant chercher de la légitimité chez l'employeur. Regardez chez Natrel ce que ça a fait, là: ça fait six ans puis ce n'est pas encore réglé. La Cour d'appel a statué, mais, là, il faut vérifier qui est capable de répondre à la définition qui a été convenue par le jugement de la Cour d'appel. Il y a 800 personnes au Québec qui attendent, qui attendent puis qui veulent se syndiquer. Puis ils ne veulent pas se syndiquer pour les frissons de la solidarité, ils veulent se syndiquer parce que leurs conditions de vie dépérissent, parce que, de plus en plus, ils s'appauvrissent.

Puis 60 % des pauvres, selon le Conseil national du bien-être social, 60 %, de 50 à 60 %, c'est des gens en emploi, parce que les emplois qui se créent, c'est des emplois précaires. C'est des emplois précaires, c'est du temps partiel, c'est de l'autonome. Puis, tu sais, les travailleurs autonomes, ils sont heureux, la FCEI vous l'a dit, mais, selon la dernière étude qui a été faite, quand on regarde la pyramide des revenus puis qu'on voit, par exemple, que, chez les femmes, 70,3 % des femmes travailleuses autonomes au Québec gagnent moins de 10 000 par année... Elles sont heureuses. Voyons donc. Voyons donc, ils ont des besoins, ces gens-là. Et, si le Code du travail leur permettait de se regrouper pour négocier collectivement, je suis certain qu'on pourrait travailler à améliorer ces gens-là.

La syndicalisation des travailleurs autonomes, ce n'est pas de les attacher. On va leur reconnaître leur autonomie. On va la leur reconnaître. On va bâtir des syndicats selon leur volonté, leurs aspirations. C'est un projet démocratique qu'on veut. Et ce qu'on vous demande en légiférant comme gouvernement, c'est justement, à l'intérieur de la démocratie, d'enchâsser ces droits-là, de permettre à ces gens-là de pouvoir, librement et volontairement, se regrouper pour négocier collectivement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci. Ce n'est pas parce que quelqu'un gagne 10 000 $ par année qu'il est malheureux. Peut-être que cette personne-là est heureuse de travailler à temps partiel et temps très limité parce qu'elle peut s'occuper de ses enfants, etc. On ne peut pas faire des généralités à partir d'une moyenne comme celle que vous faites.

J'aimerais revenir sur votre exemple. Je pense que c'est dans la Mauricie que vous avez dit qu'il y a une cinquantaine d'employeurs.

M. Vaudreuil (François): Bois-Francs.

M. Tranchemontagne: Bois-Francs? O.K. Vous admettrez avec moi que, ces 50 employeurs là, ils n'ont pas tous le même niveau, vous l'avez dit vous-même: il y en a un qui est sur le bord de la faillite ou même en faillite, un autre fait de l'argent puis l'autre végète, etc. Si vous faisiez une négociation regroupée, vous feriez comme une moyenne de tout ça et ça contribuerait, selon moi, à mettre à pied ou à fermer des portes d'entreprises, parce que la réalité nord-américaine est très différente et ça se fait seulement sur une base individuelle. Il faut connaître et comprendre l'entreprise, pas l'industrie. Il faut connaître et comprendre l'entreprise avec ses problèmes, ses difficultés, ses opportunités aussi pour arriver à faire une négociation qui se tient et qui colle à la réalité de cette entreprise-là, pas de son voisin puis pas de son compétiteur, mais vraiment...

Parce que vous pouvez faire et défaire une entreprise si vous faites ça, parce que vous travaillez avec l'industrie, la moyenne du groupe que vous représentez, puis c'est correct de le faire comme ça, mais, par contre, il faut réaliser une chose, c'est que vous pouvez tuer des entreprises, et des pertes d'emploi en découleraient en faisant ça. C'est mon commentaire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Oui. On a trop à coeur l'emploi des gens, on a trop à coeur le maintien de l'emploi pour se diriger vers des situations suicidaires comme ça. Puis, je vous l'ai expliqué tantôt, on a un service de main-d'oeuvre qui intervient régulièrement sur l'organisation du travail, qui travaille à des redressements en appui avec le syndicat local, avec l'employeur, et on réussit des belles choses.

n(17 h 50)n

Dans l'exemple que je vous donnais dans les Bois-Francs, tu sais, on a mis la CSD avec nos gens. On a créé une compagnie à but non lucratif. Puis on a 200 personnes et quelques qui travaillent dans une usine qui avait été fermée à l'époque, qui est Utex, qui appartient aux travailleuses puis aux travailleurs puis qui ont les meilleures conditions qu'il y a dans le secteur. Sauf que le problème qu'on a, c'est que, depuis la disparition des décrets de convention collective, il y a des pressions qui se font sur ces gens-là, parce que, là, ils s'en vont en négociation avec leur conseil d'administration et l'espace qu'ils ont pour améliorer leur conditions de travail n'est pas grand.

Nous, ce qu'on dit, c'est que, si on pouvait travailler dans le cadre d'une négociation regroupée ? puis ça, c'est bien concret ? on pourrait élargir la négociation, les échanges à autre chose, dans un deuxième temps. Dans un premier temps, on négocierait les conditions de travail, mais, dans un deuxième temps, on pourrait travailler à l'amélioration de la productivité qui est essentielle. On pourrait travailler à la mutualisation des compétences. On pourrait travailler à des alliances stratégiques pour faire en sorte que les entreprises puissent s'en sortir.

Vous savez, ce qu'on veut empêcher... On ne veut pas empêcher les entreprises de vivre, au contraire. Au contraire, on ne veut pas empêcher les entreprises de faire des profits. Ce qu'on veut empêcher, c'est les abus actuellement qu'on connaît où on se retrouve avec une partie de la population qui travaille et qui s'appauvrit de plus en plus, ce qu'on appelle, aux États-Unis, les «working poors». Bon. Et on veut aider le monde qui veut améliorer leurs conditions de vie, sauf que le Code du travail a besoin d'être modernisé, d'être ajusté à la nouvelle réalité du travail parce qu'il a été fait pour les années soixante.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais juste faire un commentaire puis, après ça, passer à une autre question que j'ai, qui est d'un autre domaine. Mais je ne pense pas qu'on fasse une loi à cause d'abus, de quelques abus. Une loi, c'est fait pour la généralité, et ce serait mon dernier commentaire que je ferais là-dessus, je vais vous permettre quand même d'y répondre.

J'aimerais revenir à l'article 46 où vous parlez de protection de l'accréditation, et donc vous êtes absolument contre toute sous-traitance. Là aussi, je suis très surpris parce que je pensais que la CSD, étant donné qu'elle travaille avec des PME, justement était un syndicat qui connaissait la sous-traitance et qui avait l'avantage justement de travailler avec des entreprises qui sont nées elles-mêmes de la sous-traitance. Et c'est là que je débarque, je ne comprends plus, tu sais?

M. Vaudreuil (François): Bien, M. le...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Pardon, Mme la Présidente. M. le député, on n'est pas contre la sous-traitance. On n'est pas contre la sous-traitance. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut protéger les accréditations syndicales. Et, voyez-vous, de la façon dont ça évolue, c'est parce que... Puis quand on dit: Protéger les accréditations syndicales, ce n'est pas de protéger les cotisations, c'est l'emploi des gens, les conditions d'emploi qu'ils ont. Et, sur près de 400 syndicats affiliés qu'on a à la CSD, les 300 et quelques qui sont dans la PME, qui sont dans l'entreprise privée ? j'ai Me Toupin à côté de moi ? combien d'articles 45 qu'on peut vivre par année dans le secteur privé? Je ne parle pas du public, parapublic, du secteur hospitalier. Combien qu'on peut en vivre, Robert?

M. Toupin (Robert): ...

M. Vaudreuil (François): Tu sais... Bon. Il me dit qu'on en a beaucoup, mais ce n'est pas des problèmes majeurs. Moi, je n'ai pas vu d'entreprises... Puis Robert pourrait peut-être vous en entretenir parce que c'est lui, le praticien, à la base, là, qui le fait à tous les jours. Mais, moi, comme président de la Centrale, je ne me souviens pas ? ça va faire quatre ans que je suis à la présidence de la CSD ? d'avoir eu à intervenir au sujet d'un article 45 dans le secteur privé. Robert peut plus vous en parler, c'est lui qui pratique. Robert.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Toupin, très rapidement. Il reste deux minutes.

M. Toupin (Robert): Alors, la question que ça soulève toujours, les débats du 45, c'est que vous partez du principe qu'une entreprise, si elle n'est pas empêchée par la convention collective, elle peut sous-traiter, parce que, évidemment, si sa convention collective l'empêche, il n'y en aura pas, de sous-contrat. Le seul moyen pour elle de sous-contracter, c'est de négocier avec le syndicat en place une ouverture à la clause de sous-contrat. Alors, évidemment, le jeu de la négociation, des pressions du marché fera en sorte que l'entreprise aura ou pas du succès à ce niveau-là. Alors, dans l'hypothèse où il n'y a pas de clause dans la convention collective qui empêche le sous-contrat, chaque fois qu'il va y avoir un cas qui va se présenter devant le bureau du Commissaire général pour un cas de 45, ce qui sera toujours en litige, ça va être le maintien de l'accréditation.

Dès le moment où l'employeur se départit d'une partie de ses activités par sous-contrat pour faire en sorte qu'il n'ait plus à remplir les obligations conventionnelles de la convention collective ou pour se débarrasser à la pièce de l'accréditation et du syndicat, la bataille va se faire nécessairement devant le Bureau du Commissaire général du travail pour le maintien de l'accréditation. Dans les cas où ce n'est pas le but, où ce n'est pas l'enjeu, alors, évidemment, il n'y aura pas à ce moment-là les débats devant l'instance quasi judiciaire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça met fin au temps qui était alloué à l'opposition officielle. M. le député de Chicoutimi, tout en vous rappelant qu'il reste sept minutes...

M. Bédard: Alors, je vais être bref.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...sur le temps du parti ministériel.

M. Bédard: C'est possible que je finisse avant. Alors, ça me fait plaisir. J'ai lu avec attention votre mémoire et j'ai vu l'annexe aussi. Je tiens à vous le dire, c'est une belle contribution. J'ai d'ailleurs un de mes collègues qui a fait beaucoup d'études là-dedans et qui a le souci du terme juridique. Puis, j'ai lu, il y a des choses intéressantes que j'ai trouvées là, même par rapport... Vous faites référence à des définitions, j'ai trouvé ça intéressant.

M. Vaudreuil (François): Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): En passant, là-dessus, la CSD ? il faut toujours bien faire un peu de pub ? a produit...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vaudreuil (François): ...un guide de rédaction de conventions collectives dans une qualité de français très intéressante, et on est très préoccupé à la CSD... C'est mon confrère Serge Tremblay qui s'occupe du dossier et on travaille intensivement sur toute la question du français dans les relations de travail.

M. Bédard: C'est important parce que, souvent, on a tendance...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: ... ? oui, merci, Mme la Présidente ? à couper court, effectivement. Donc, l'annexe, évidemment... Pour l'ensemble de l'oeuvre, mais l'annexe... Puis c'est peut-être le seul que j'ai vu qui s'était intéressé aussi précisément à la terminologie.

L'autre élément. Je ne veux pas reprendre ce qu'a dit la ministre, mais je n'ai pas assisté à la journée, hier; j'étais avec d'autres préoccupations. Mais la réforme du Code est vraiment un projet de loi qui m'intéresse beaucoup et depuis longtemps. Mais ce que je constate, c'est qu'on est vraiment face à un dialogue de sourds et je vous le dis dans le sens que j'entends, d'un côté... Bon, j'ai lu certains éléments qui sont intéressants par rapport au mémoire, mais, de l'autre côté, il y en a d'autres qui relèvent, moi, d'une situation... On dirait qu'à certains égards on n'est pas sur la même planète.

Et j'entends, de l'autre côté, je voyais des employeurs revendiquer l'abolition de l'article 45 et, pour moi, j'ai le même ressentiment. Je me dis: Coudon, on est-u sur la même planète? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui allait penser que l'article 45 allait être aboli? Mais on arrive ici et on s'en venait en commission en disant: Oui, c'est ce qu'on pense et c'est ce qui devrait être. Là, c'est un peu le sentiment que j'ai, alors que l'exercice... Mais ce n'est pas seulement par rapport à vous, là. Ça fait depuis un petit bout de temps que je lis les mémoires, que je lis l'ensemble des mémoires puis on a l'impression qu'on ne prend pas en considération l'ensemble des données, notre environnement nord-américain par rapport à tout ça.

Alors, des deux côtés, on réclamait une réforme et j'ai l'impression que c'étaient deux réformes complètement différentes qu'on réclamait. Et l'exercice qu'on aura à faire, qu'on fait actuellement, en est d'autant plus rendu difficile et ardu parce qu'on ne perçoit pas toutes les véritables intentions et où se trouvent souvent, dans une négociation, qu'est-ce qu'on peut laisser, ou qu'est-ce qu'on ne peut pas, ou qu'est-ce qui est fondamental et qu'est-ce qui ne l'est pas. Et, en commission, là, je ne suis pas dans l'ensemble des discussions qui ont eu lieu, mais celles des commissions et les rapports que j'entends font en sorte que ça nous enlève cette opportunité-là.

Mais je vais quand même tenter de le faire avec vous par rapport à l'article ? très rapidement, comme j'ai peu de temps, oui, Mme la Présidente ? 46, le dernier paragraphe de l'article 46 où ? et, moi, pour l'avoir vu ? il est prévu qu'en cas d'entente... Et je vous avouerai, je vais vous donner un exemple sans aussi citer le nom des entreprises où tout le monde s'entendait: l'employeur, l'ensemble des employés. Ça avait été voté, on avait tout prévu, les conditions de transmission, il y avait eu des comités de transition, des comités de formation pour replacer. Tout ça avait été fait et, au bout d'un certain temps, il y a quelqu'un qui s'est levé, un seul, et qui a lu l'article 45 puis qui a dit: Non, il y a une entente, mais, moi, ça ne marche pas. Et là il a mis le free-for-all vraiment, pour reprendre en bon français, et là, bon, le syndicat, il a payé un avocat. Et tout ça a fait que tout le monde s'est retrouvé dans une situation d'insécurité totale.

Et, moi, je me disais, et vous le constatez aussi, je le lisais dans vos commentaires: Il faut résoudre ça. Mais vous dites un peu plus loin, dans l'autre paragraphe finalement: Bof! On va tellement loin, on ouvre une boîte de Pandore, oublions ça, finalement. Et, moi, j'ai tendance à croire: Au contraire, ouvrons-la, je veux dire, allons de l'avant, il y a une situation qu'il faut corriger. Alors là j'ai pris beaucoup de temps, malheureusement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, vous allez avoir à peine le temps de répondre. Il reste à peu près deux minutes, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Bon. Je n'interviendrai pas sur vos commentaires de départ, qui étaient très intéressants là, puis bon. Simplement sur l'article 46, je vais tenter de résumer là-dessus parce que votre question est bonne. Peut-être par naïveté ou je ne sais pas, on avait rencontré Mme la ministre, et, bon, elle nous avait livré des préoccupations comparables à ce que vous nous dites. Après ça, on a regardé ça entre nous puis là on s'est dit et je me souviens d'avoir dit: Il y a sûrement quelque chose à faire, ça n'a pas de bon sens. Puis, bon, on avait des cas concrets. Vous avez un cas concret, on en a d'autres où, dans le fond, il y a eu une entente, mais il y en a un des deux qui s'est fait faire par l'autre parce que ça n'a pas été respecté puis il ne pouvait rien faire parce que c'est d'ordre public, puis bon.

n(18 heures)n

Là, on s'est mis à regarder ça. Et là il y a des gens qui m'ont ramené sur terre. Il y a des gens qui m'ont ramené sur terre. Puis ils ont fait un parallèle avec les clauses orphelin, et c'est pour ça que je parlais des clauses orphelin. Tu sais, je me souviens, à Sherbrooke... Quand on était venu pour les clauses orphelin, ici ? il y a une grande entreprise dans le textile qui va très bien et qui fait des profits ? on venait de prendre un vote de grève à 90 % ou 95 %. Il y avait un ralentissement parce que l'employeur avait dit: Moi, ça me prend, comme modèle de croissance, une clause orphelin ou je baisse les salaires. Il avait imposé ça, il voulait imposer ça. Alors, les gens ont dit non. Peut-être quelques jours après le ralentissement de travail qu'il y avait dans l'usine, là, l'employeur a convoqué le syndicat puis il a dit: Regardez, je ferme l'usine si vous n'acceptez pas la clause orphelin. Or, les gens l'ont accepté. C'était avant que la loi soit adoptée. Les nouveaux ont été embauchés avec 20 % de moins de salaire, et l'employeur fait son développement sur du «cheap labor».

C'est sûr que le monde qui ont accepté ça, ils l'ont accepté à contrecoeur, ça leur a été imposé. Mais prenez l'exemple d'une partie de l'accréditation syndicale, le même employeur, avec une disposition comme ça dans le Code du travail reviendrait puis dirait: Regardez, les petits gars, ça, là, cette partie-là, je vais la donner à la sous-traitance, si vous ne marchez pas, je ferme parce que mes coûts d'exploitation sont trop grands, c'est ça qui arriverait. La vie, c'est fait comme ça, puis autrement c'est de l'angélisme ? ce que j'ai dit tantôt. J'aimerais bien ça que ce soit de l'angélisme là, on serait probablement ailleurs, on ne serait pas ici après-midi. Mais la vie n'est pas faite comme ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement tout le temps dont on disposait. Merci de votre participation à cette commission.

J'ajourne donc les travaux à demain, jeudi le 1er mars, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 2)



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