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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 6 octobre 1999 - Vol. 36 N° 36

Consultation générale sur le projet de loi n° 67 - Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement


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Table des matières

Auditions

Mémoire déposé

Remarques finales


Autres intervenants
Mme Denise Carrier-Perreault, présidente
M. Stéphane Bédard, président suppléant
M. Guy Lelièvre
M. Rémy Désilets
M. Yvon Vallières
*M. Jean-François Cailhier, FMRQ
*M. Jean Gouin, idem
*M. Jacques Castonguay, idem
*M. Marc Laviolette, CSN
*M. Éric Morin, idem
*M. Clément Gaumont, idem
*Mme Lise Poulin, idem
*M. Michel Nadeau, CCDA
*M. Benoît Giraldeau, idem
*M. Benoît Beaulieu, idem
*M. Michel Gadbois, ADA
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mmes, MM. les députés, je déclare donc la séance de la commission de l'économie et du travail ouverte, vous rappelant que le mandat de notre commission est de poursuivre la consultation générale et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Marsan (Robert-Baldwin) est remplacé par M. Vallières (Richmond) et Mme Normandeau (Bonaventure) est remplacée par M. Lamoureux (Anjou).

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, ce matin, nous avons donc trois groupes qui vont venir nous rencontrer, puis nous allons terminer avec les remarques finales, celles de l'opposition officielle, bien sûr, pour terminer avec celles de la partie gouvernementale.


Auditions

J'inviterais donc le premier groupe à venir prendre place. Il s'agit de la Fédération des médecins résidents du Québec. M. Jean-François Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Oui, bonjour.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Cailhier, vous êtes le président, vous êtes donc le porte-parole officiel. Je vous demanderais de nous présenter les gens qui vous accompagnent et vous rappeler que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire.


Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ)

M. Cailhier (Jean-François): Merci bien. Alors, je remercie beaucoup la commission, Mme la ministre, Mme Lemieux, et l'ensemble des membres de la commission de bien vouloir accepter la Fédération pour présenter un peu son mémoire sur les clauses orphelin. Donc, je vous présente, à ma droite, le Dr Michel R. Pâquet, secrétaire de la Fédération; le directeur général, M. Jean Gouin; et notre conseiller juridique, Me Jacques Castonguay, à ma gauche, qui vont être présents ici aujourd'hui avec moi.

Donc, en fait, débuter tout d'abord par un rappel historique un petit peu qui explique la raison pour laquelle la FMRQ tient à s'impliquer dans ce débat. On n'en est pas à nos premières armes en commission parlementaire quant à cette problématique que constituent les clauses orphelin et, enfin, on vous rappelle que le 14 août 1998 la FMRQ avait déposé, à la commission parlementaire de l'économie et du travail, un mémoire relatif au projet de loi n° 393 qui fut présenté alors par M. Mario Dumont.

Ce projet de loi, on s'en souvient, proposait de modifier le Code du travail afin de proscrire d'une convention collective de travail toute clause ayant pour effet de désavantager les nouveaux salariés. À ce moment-là, on avait effectivement donné notre appui à l'adoption d'un tel projet et on avait démontré alors, à ce moment, qu'en 1995 les jeunes médecins spécialistes québécois avaient été victimes d'une entente intervenue entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Fédération des médecins spécialistes du Québec, entente suivant laquelle on faisait presque entièrement supporter les récupérations monétaires reliées aux contraintes budgétaires par la mise en place d'une rémunération différenciée à la baisse.

C'est ainsi qu'en octobre 1995 les jeunes médecins spécialistes récemment certifiés ont vu leurs tarifs de rémunération réduits de 15 % à 30 % pendant une période pouvant s'étendre jusqu'à quatre ans, et ce, rétroactivement au 1er juillet 1995 plutôt que de réduire la rémunération de tous les médecins spécialistes d'environ 1 %, ce qui aurait eu le même effet au niveau des récupérations budgétaires. Les gens en place ont alors choisi la solution la plus facile et la plus égoïste, créant ainsi un fossé entre les générations de médecins en pénalisant uniquement les nouveaux médecins. En plus de cette mesure en 1995, également en 1982, une mesure semblable avait été adoptée.

Après quelques années d'application effectivement, à la suite des multiples et véhémentes objections de la Fédération des médecins résidents face à la FMSQ et au ministère – on avait prévu, on avait annoncé que ces clauses, cette façon de fonctionner était pour engendrer moult problèmes – les effets pervers prévus engendrés par une telle mesure inéquitable ont pu être constatés. C'est ainsi qu'en 1997, par un amendement à l'entente, l'écart de rémunération des jeunes médecins spécialistes pratiquant en région intermédiaire éloignée fut réduit d'une année.

Malgré cela, les effets néfastes d'une telle disposition faisant supporter par les jeunes presque tout le fardeau de récupération budgétaire se sont lourdement fait sentir et continuent de se faire sentir encore maintenant pour expliquer une bonne partie de la situation dans laquelle nous vivons. En effet, les jeunes médecins spécialistes sont plus endettés que jamais à la fin de leur formation. Dans le contexte, en fait, du profil du médecin résident, pour un peu vous le rappeler, la moyenne d'âge est autour de 29 ans et, lorsqu'un médecin termine sa pratique, un médecin généraliste a environ 30 ans et un médecin spécialiste a près de 32 ans, avec une dette qui est de plus de 50 000 $.

Donc, c'est une dette accumulée durant ces années, non seulement pour la formation médicale en soi mais également la formation antérieure à la formation médicale qui très souvent est nécessaire parce que les universités ont ouvert leurs portes aux candidats ayant obtenu des certifications antérieures, soit des bacs, des maîtrises ou des doctorats dans différents domaines, pour ensuite les admettre en médecine. Donc, beaucoup, en fait, en plus de traîner leurs connaissances des bacs antérieurs, traînent également leurs dettes pour un peu expliquer l'importance de cette somme à la fin de la formation médicale. Donc, en plus de cette dette accumulée lors de la formation, évidemment, le jeune médecin fait face au fardeau financier d'installation initiale. Et puis, évidemment, ce n'est pas avec une mesure de la sorte qu'on favorise l'implication des jeunes dans la société, pas avec une telle mesure discriminatoire envers un groupe de médecins, un groupe de jeunes médecins qui s'installent pour donner des soins à la population.

Donc, la rémunération différenciée à la baisse, imposée aux jeunes médecins spécialistes en 1995 par le biais d'une entente librement consentie entre le gouvernement et l'organisme représentant les médecins spécialistes, continue de représenter à nos yeux un exemple frappant d'injustice, de discrimination, d'inéquité, qui n'a pas de place dans notre société.

Tout en dénonçant cette malheureuse entente conclue sur le dos des jeunes médecins, on veut toutefois préciser qu'en 1998 il n'aurait pas été suffisant, en fait, de modifier le Code du travail pour éviter que surviennent à nouveau de telles injustices sur le dos des jeunes médecins. En effet, les jeunes médecins ne sont pas couverts par le Code du travail ni par les normes du travail. Donc, à ce moment-là, on proposait plutôt de modifier le Code civil du Québec pour y ajouter, au début du livre cinquième portant sur les obligations, le texte qui suit: «Est contraire à l'ordre public et prohibée par la loi toute disposition d'un contrat collectif de travail visant, après une date donnée, à attribuer à une personne des conditions de travail moindres que celles accordées aux autres personnes visées avant cette date par ce contrat.»

(9 h 40)

Le projet de loi n° 393 étant mort au feuilleton, la ministre du Travail revient à la charge en déposant le projet de loi n° 67 intitulé Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement. Le gouvernement choisit maintenant de modifier la Loi sur les normes du travail plutôt que le Code du travail, rejoignant ainsi la volonté – on le reconnaît – des principaux groupes représentant les jeunes qui, avec raison, cherchaient à étendre la portée de la loi à tous les jeunes travailleurs, qu'ils soient ou non syndiqués. Enfin, je pense que l'intention était bonne.

Toutefois, nous réitérons que cette modification proposée par la Loi sur les normes du travail n'est pas suffisante pour les jeunes médecins, mais également n'est pas suffisante évidemment pour d'autres travailleurs. Qu'on pense, par exemple, aux exceptions incluses dans les normes du travail: les étudiants qui travaillent sur les campus et évidemment les travailleurs dans la construction qui sont régis par leur propre loi, les jeunes médecins étant exclus sciemment des normes du travail et du Code du travail par l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie du Québec. Donc, cet article vient invalider, en fait, les normes du travail pour l'ensemble du corps médical. Donc, l'entente de 1995 n'aurait pu être conclue sans contrevenir à la nouvelle loi puisque, en vertu du dernier alinéa de l'article 19, comme je disais, nous ne sommes soumis ni au Code du travail ni à la Loi sur les normes du travail.

Hormis cette insistance pour que ce soit plutôt le Code civil du Québec qui soit amendé, nous tenons néanmoins à vous transmettre nos commentaires à l'égard du projet de loi tel que déposé pour, en fait, un peu l'analyser à la lumière des différents commentaires. Dans l'ensemble, nous sommes d'accord, comme en 1998, avec l'introduction dans la loi d'une disposition qui prohiberait l'intrusion des clauses dites orphelin en matière de relations de travail. Par ailleurs, une fois énoncé ce principe, nous croyons que le projet de loi n° 67, tel que présentement libellé, a une portée si restreinte, si limitée, que malheureusement il ne pourrait pas avoir de véritables effets ou du moins grandement atténuer la portée que le gouvernement voudrait lui donner comme symbolique de justice sociale auprès de ces différentes populations affectées par les clauses orphelin.

Donc, si on examine en premier lieu l'article 1, il introduit l'article 87.1 de la Loi sur les normes du travail qui prohiberait toutes conditions de travail moins avantageuses pour les nouveaux salariés au regard des matières visées par les normes du travail prévues aux sections I à VI et VII du présent chapitre.

Le chapitre IV de la Loi sur les normes du travail porte précisément sur les normes de travail elles-mêmes. Ces normes touchent une multitude de facettes de l'organisation du travail et prohiber des conditions moins avantageuses pour les nouveaux salariés à l'égard de ces différentes facettes serait éminemment souhaitable. Cela dit, avec la formulation proposée à l'article 87.1, nous avons de sérieux doutes que la plus importante condition de travail, soit le montant même du salaire, serait protégée.

En effet, la section I du chapitre IV contient des normes sur le salaire. Or, à l'exception du salaire minimum prévu à l'article 40, il n'existe aucune autre norme portant sur le montant du salaire en soit. L'interprétation quelque peu restreinte des matières visées par les normes du travail pourrait alors enlever à la loi le principal effet qu'on cherche à lui donner: empêcher que les nouveaux salariés reçoivent une moindre rémunération. Nous proposons donc que l'article 87.1 soit reformulé afin de s'assurer que le montant du salaire serait le même pour les nouveaux employés.

Toujours relativement à l'article 87.1, nous croyons qu'exiger d'un salarié qu'il effectue les même tâches qu'un autre employé pourrait constituer un échappatoire facile. Ainsi, dès qu'une tâche du nouvel employé diffère d'un autre employé déjà embauché, on pourrait prétendre que la loi ne s'applique pas. L'employeur qui voudrait s'y soustraire n'aurait qu'à modifier quelque peu les tâches du nouveau salarié et il pourrait ainsi échapper à la nouvelle loi. À notre avis, il faudrait donc que l'article 87.1 ait une portée plus globale lorsqu'il traite des tâches effectuées par le nouveau salarié afin d'éviter ceci.

Par ailleurs, l'article 87.2 vient fortement atténuer le principe énoncé à l'article 87.1. Si le premier alinéa nous paraît normal et souhaitable, nous croyons cependant que le second alinéa pourrait malheureusement annuler les effets d'une loi tant demandée. Ainsi, une entreprise qui n'aurait pas embauché de nouveaux employés depuis un certain temps pourrait leur proposer un salaire moindre en augmentant simplement l'amplitude des échelles salariales, et cela, sans toucher aux salaires des gens déjà en place.

À notre avis, il ne faudrait pas permettre à un employeur de faire indirectement, par l'augmentation de l'amplitude des échelles salariales, ce que la loi prohibe de faire directement. Dans sa formation actuelle, nous croyons que c'est bien l'effet que risque de provoquer l'article 87.2. Encore une fois, une reformulation s'impose afin d'encadrer plus adéquatement cette exception au principe stipulée à l'article 87.1.

Il y a pire encore. L'article 87.3, tel qu'il se trouve formulé dans le présent projet, vient à notre avis enlever tout effet à la nouvelle législation. Permettre des conditions plus avantageuses à des salariés en place, même temporairement, à la suite de la réorganisation interne d'une entreprise, annule tous les bénéfices que l'on recherche avec le projet de loi. De plus, que vont signifier des conditions «temporairement» plus avantageuses? Temporairement pourrait signifier plusieurs années. Rappelons-nous que la rémunération différenciée à la baisse des jeunes médecins se veut temporaire, même si elle produit ses effets sur quatre années. Et pourquoi la période dite temporaire ne pourrait-elle pas être plus longue encore? Donc, là encore, il y a quelque chose.

Enfin, permettre qu'une entreprise puisse transgresser au principe en invoquant sa réorganisation interne fait en sorte que la loi n'aura aucun effet. Tout employeur pourra toujours invoquer une réorganisation interne, très difficilement contestable, pour justifier sa conduite. Accepter une aussi large acception signifie à notre avis enlever tous les bénéfices désirés de la loi. Si le gouvernement veut que sa loi soit autre chose qu'un voeu pieux, il devra selon nous obligatoirement retrancher cette importante exception du projet de loi.

Terminons nos commentaires généraux sur les articles 3 et 4 du projet de loi. Pour permettre une adaptation progressive du principe introduit par le projet de loi, le gouvernement propose une période de transition de trois années. Ainsi, si le projet de loi devait être adopté par l'Assemblée nationale et sanctifié d'ici la fin de l'année, il ne serait pas en vigueur avant le début de l'année 2003. Or, l'article 4 nous annonce tout de suite qu'il n'aura plus d'effet à compter du 31 décembre 2004 ou même avant. Si le gouvernement en décide ainsi, pourquoi prévoir une période d'adaptation aussi longue, si la loi devient sans effet deux ans plus tard? Voyant arriver la fin de la période d'application, les employeurs conviendront sans doute de reporter certaines décisions ou l'embauche de nouveaux employés après ce délai, sans risquer d'être touchés par la loi. Ceci nous apparaît totalement inacceptable.

En conclusion, on appuie très clairement le principe avancé par le projet de loi n° 67. Il est temps que cesse définitivement, une fois pour toutes, ces injustices qui veulent que l'on fasse payer aux plus jeunes et aux nouveaux employés les erreurs ou les abus du passé. Les gens en place ont profité des largesses et puis ça serait aux jeunes principalement à assumer un peu les pots cassés?

Pour qu'une loi ait un véritable effet, nous insistons pour que ça soit le Code civil du Québec qui soit modifié et non pas la Loi sur les normes, afin que tous les travailleurs puissent être protégés. Ça peut passer évidemment par une modification du Code civil. Toutefois, un autre projet à portée tout aussi large, soit une loi qui pourrait s'appliquer et ainsi modifier toutes les lois régissant les conditions de travail ou régissant un rapport de travail, permettrait également d'avoir un tel impact pour ainsi couvrir toutes les personnes visées par les exceptions des normes du travail et du Code du travail, s'il est vraiment l'intention du gouvernement de légiférer en cette matière et de proscrire à jamais ce fléau, en fait, que constituent les clauses orphelin.

D'un côté, on y va pour l'équité entre les sexes, mais semble-t-il que l'équité entre les âges ne soit nullement une priorité. Si on fait des clauses orphelin une croisade, bien, on poursuit cette croisade. On ne s'arrête pas jusqu'à Venise mais on poursuit jusqu'à Jérusalem.

Et si on tient à accomplir vraiment ce que l'on désire faire, on se doit de se doter des outils nécessaires. Et actuellement, tel que proposé, le projet de loi n° 67, selon nous, est grandement atténué par rapport aux grandes ambitions que le gouvernement, aux grandes ambitions que les jeunes, les différents groupes, qui étaient venus antérieurement à la commission parlementaire et également de tous les groupes qui sont venus ici exiger que le gouvernement propose une loi qui élimine à jamais ces clauses orphelin, pour qu'un jour nous puissions avoir une société qui respecte à la fois les gens peu importe leur sexe, et également respecte les gens à la fois peu importe leur âge. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Cailhier. Nous allons donc passer à la période d'échanges. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci, Mme la Présidente. M. Cailhier, merci, ainsi que tous les gens qui vous accompagnent.

D'abord, deux petites clarifications. La première, bien, vous faites, comme plusieurs, plusieurs commentaires sur la période de transition, la clause crépusculaire, etc. Hier, j'ai dit clairement que c'est des choses que nous allons examiner, je pense qu'il y a moyen d'aménager un certain nombre de choses. Deuxièmement, je ne sais pas si on a un conflit de juristes, là, mais je constate que dans certains cas, certains médecins sont couverts par la Loi sur les normes du travail et du Code. Bon, on sait que le cadre général qui établit vos conditions de travail et les relations de travail, c'est la Loi sur l'assurance-maladie, mais ce que je crois comprendre – on va creuser ça, là – c'est que certaines ententes, en vertu de l'article 19.1 de la Loi sur l'assurance-maladie, n'excluent pas l'application du Code et la Loi sur les normes pour des médecins résidents. Mais, en tout cas, ça reste à creuser, là, on va mettre des juristes là-dessus.

(9 h 50)

J'aimerais revenir sur votre rappel historique. Vous dites: En 1995, il y a eu des modifications, il y a eu une entente entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Fédération des médecins spécialistes, et vous dites que, plutôt que de réduire la rémunération de tous les médecins d'environ 1 %, ce qui aurait eu le même effet, il y a eu une autre entente.

M. Cailhier (Jean-François): Tout à fait.

Mme Lemieux: J'imagine que ça a dû être invoqué, ça, ce scénario de réduire de 1 % tout le monde. Est-ce que ça a été évoqué? Expliquez-moi la dynamique autour de ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Merci bien. En fait, on aurait bien aimé, nous-mêmes, comprendre cette dynamique et pouvoir siéger au sein des différents conseils de notre syndicat aîné que sont les fédérations de médecins spécialistes. On a fait de multiples représentations pour enfin... Je ne sais pas si, enfin, j'oserais dire, les médecins déjà en place ont oublié la calculatrice ou quoi, mais l'exercice financier qui leur était demandé ne demandait qu'une seule coupure de 1 % faite sur l'ensemble du salaire. 1 %, c'était même une coupure drastique, en fait, parce que certains scénarios avaient évoqué 0,5 %.

Cependant, les gens de chiffres, du côté des spécialistes, évidemment, dans leur tête, c'était évident qu'on devait protéger nos membres déjà en place. Donc, comme les nouveaux s'en venaient dans le système, on va faire payer aux jeunes les laxités ou les joies du système, et puis, à ce moment-là, on devra couper les médecins en début de pratique de 15 % à 30 % pour permettre de récupérer cette masse supplémentaire, enfin ce montant d'argent qui manquait. Et, en fait, l'autre scénario qui avait été utilisé, c'était de faire porter, enfin, le poids de cette charge monétaire à aller chercher seulement sur le dos des jeunes, toute notre carrière.

À ce moment-là, les scénarios proposés par les gens à la Fédération, c'étaient: On va couper les jeunes – tous ceux qui entrent à partir de juillet, on va dire – environ de 5 %, 7 % toute leur vie, versus 15 % à 30 %. C'étaient les deux seuls scénarios proposés aux gens de la FMSQ. Et je les remercie d'avoir choisi seulement le scénario de 15 % à 30 %. Cependant, ils n'ont pas daigné étudier les différentes possibilités et les scénarios étudiés n'ont focussé seulement que sur faire porter le fardeau sur les épaules des jeunes qui étaient déjà, là... Les forces fraîches arrivant sur le marché, on leur fait payer le scénario, et nos aînés ont décidé d'opter pour le 15 % à 30 % sur quatre ans plutôt que d'imposer cette coupure, en fait, permanente des médecins à rabais pour l'ensemble des professions.

Mais aucunement, en fait, malgré nos représentations constantes... Enfin, ceux qui étaient présents se souviennent du tollé que ça a suscité auprès de nos membres de la Fédération, au niveau des étudiants en médecine également, de voir cette injustice flagrante, alors que les médecins spécialistes restaient immobiles face aux représentations et aux chiffres. Dieu sait maintenant que la seule langue que les gens d'associations, de syndicats ou de gouvernements comprennent, ce sont les chiffres. Et, malgré que les chiffres parlaient en notre faveur et parlaient en faveur d'une équité, de justice envers les différentes générations de médecins, ceux-ci ont opté pour poursuivre un peu dans la lignée de ce qui existait déjà, soit de faire payer le fardeau sur le dos, les épaules des jeunes médecins.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Cailhier, je vais y aller à gros traits. En général, la rémunération des médecins est plutôt équivalente, c'est-à-dire que peu importe les gestes posés, c'est une rémunération plutôt équivalente. Là, ça introduit des échelles salariales. Une échelle salariale, c'est l'avis aussi... Toutes les entreprises au Québec, même le gouvernement a une échelle salariale dépendamment de l'ancienneté, de la formation, l'expérience, etc. Est-ce que c'est ça que vous contestez?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Oui, merci. Au niveau de ce concept-là, en fait, c'est que la tarification a été amoindrie pour la population médicale. Puis ce que l'on sait, en fait, c'est que, dans la population médicale, au niveau de l'échelle, les médecins qui arrivent en place sont les gens qui possèdent la connaissance la plus à date. C'est des gens qui ont l'expertise et la connaissance, et en fait le meilleur bagage pour faire face à la médecine, au niveau des connaissances actuellement, et la demi-vie des connaissances médicales est de cinq ans. Donc, un médecin qui ne fait pas d'éducation médicale continue durant 10 ans n'est plus à jour du tout. Donc, j'oserais même dire: À l'inverse, les jeunes médecins devraient même peut-être être payés davantage que les anciens parce que leur bagage de connaissances est supérieur – évidemment, c'est au niveau de la fine pointe, des technologies et tout ça, puis les différents consensus et différents modèles – à un médecin qui est déjà en place, qui ne se serait pas tenu à jour.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Ouais! J'ai un petit choc, là. Bien, écoutez, la manière dont on fonctionne en Amérique du Nord et dans les pays occidentaux – peut-être qu'on a tort depuis des siècles et des siècles – mais on reconnaît le fait que quelqu'un travaille dans une entreprise, une organisation gouvernementale, paragouvernementale, quelqu'un qui travaille depuis longtemps peut avoir un niveau de salaire plus élevé. C'est tout ça, là, que vous remettez en cause.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Merci. Il s'agit en fait d'une taxe de bienvenue qui vient d'être imposée ainsi sur les nouveaux médecins. C'est un concept qui n'existait pas auparavant puis qui vient d'être créé comme ça pour justifier une coupure sur le dos des jeunes médecins alors que ceux-ci assument la même responsabilité, voient les mêmes patients, ont la même autonomie et ce concept de progression: ont déjà séjourné durant la résidence, un médecin résident effectue un travail de professionnel avec des échelles salariales, à ce moment-là, avec un niveau de responsabilités qui progresse. Mais au terme de la résidence, celui-ci arrive, comme j'oserais dire, au top de l'échelon. Donc, à ce moment-là, d'insérer un échelon supplémentaire, c'est inéquitable, injuste.

Également, de toute façon, sur ce que vous évoquez, naturellement, il existe un phénomène, j'oserais dire un «phase-in», si on exclut, par exemple, dans un monde idéal où il n'y a aucune rémunération différenciée à la baisse. Pour un jeune médecin qui s'installe actuellement, il existe cette période d'adaptation au milieu sur une période d'environ trois ans. Ça lui prend de trois à quatre ans avant d'avoir le même salaire moyen, le même revenu moyen que ses collègues médecins déjà en place. Donc existe ce phénomène naturel qui n'est qu'exacerbé par cette rémunération différenciée à la baisse.

En fait, ce qu'il faut noter, c'est que cette notion est là. Actuellement, c'est quelque chose qui est dommageable et ça engendre des conditions tout à fait défavorables au sein de la profession médicale, qui sont non loin sans expliquer une bonne partie des problèmes que nous vivons actuellement.

Mme Lemieux: Je comprends donc que, que l'expérience soit reconnue par un niveau de salaire plus élevé, ce n'est pas une valeur qui vous interpelle.

M. Cailhier (Jean-François): En médecine, non. Les responsabilités sont les mêmes et, face au patient, que ce soit un médecin que ça fasse cinq ans, 10 ans, 20 ans, le médecin a la même responsabilité et la même tâche. Il n'a pas à compter sur son échelon 4, 12, 25 à l'arrière pour effectuer le travail. Il est seul, il a la même compétence, la même expertise et même des connaissances, en fait, supérieures, plus modernes que son collègue du même âge. Il existe un équilibre par la suite vraiment entre l'expérience et les connaissances, peut-être, cependant on ne peut justifier des coupures de la sorte, si on regarde au niveau de l'expérience par rapport aux connaissances, parce qu'il existe un juste équilibre constant entre expérience et connaissances tout au long de la pratique médicale.

Mme Lemieux: Une dernière question technique. Dans le fond, vous faites un plaidoyer que ces dispositions sur les clauses orphelin soient incluses dans le Code civil. Je comprends bien que vous cherchez une manière d'être couverts mur à mur, si je peux m'exprimer ainsi, et le Code civil vous semble la meilleure voie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Merci. Notre souhait, en fait, est une couverture totale. À la lumière des différents commentaires du gouvernement, notre interprétation: On voit vraiment le désir du gouvernement d'exclure, de bannir à tout jamais les clauses orphelin. Enfin, on pointe le Code civil comme étant l'endroit où protéger tous les travailleurs au Québec, non seulement les salariés ou les gens syndiqués mais vraiment tout le monde. Des modifications au Code civil ou une loi qui toucherait toutes les lois qui affectent les conditions de travail, le salarié et tout, pour vraiment exclure ce fléau que constituent les clauses orphelin du Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, j'ai une autre personne. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. M. Cailhier, je relis votre mémoire, là, je viens de vous entendre. Vous nous dites, dans le fond, que la rémunération différenciée... On a réduit vos salaires, les jeunes médecins spécialistes, de 15 % à 30 % sur une période de quatre ans. Au bout de quatre ans, vous allez atteindre le même niveau que vos collègues qui sont plus âgés, qui sont dans le réseau.

(10 heures)

On a eu ici, en commission, l'Association des jeunes médecins du Québec qui sont venus aussi nous dire qu'eux étaient contre la rémunération différenciée. Et je crois comprendre que la rémunération différenciée fait en sorte qu'on incite les jeunes médecins à aller s'installer dans les régions dites éloignées des grands centres. Donc, je comprends aussi que cette entente qui est intervenue, ça a été par un vote à l'intérieur de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Donc, le gouvernement verse une enveloppe, hein? On me dit, selon les jeunes médecins, 1 275 000 000 $ par année pour les médecins spécialistes – il y en a environ 7 500 au Québec – puis que le salaire moyen, selon eux, serait de 165 000 $, selon les données de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Donc, là-dessus on s'entend, sur les données.

Moi, je veux comprendre, si la rémunération différenciée n'existe plus, comment on va faire pour inciter les jeunes médecins spécialistes à aller s'installer en région, comme en Abitibi, en Gaspésie, sur la Côte-Nord, aux Îles-de-la-Madeleine ou ailleurs? Avez-vous une recette miracle qu'on pourrait appliquer?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Bien, tout d'abord, je veux juste faire une petite rectification. En fait, effectivement, il y avait jadis ce concept. Toutefois, même les médecins qui allaient travailler à Gaspé, les médecins qui allaient travailler à La Sarre, les médecins qui allaient travailler à Rouyn étaient affectés par cette clause orphelin. Est-ce que c'est une façon de souhaiter la bienvenue aux jeunes médecins qui s'installent?

M. Lelièvre: Vous étiez affectés en même temps?

M. Cailhier (Jean-François): En même temps. En 1995, la rémunération différenciée à la baisse s'appliquait à tout jeune médecin spécialiste qui s'installait au Québec, sur une échelle variant de 15 % à 30 %. Belle façon de souhaiter la bienvenue à un médecin à Gaspé, à La Sarre, à Montréal!

M. Lelièvre: Mais je veux bien comprendre. S'il sortait de la région de Montréal pour aller à l'extérieur, est-ce qu'il avait la même rémunération différenciée basée sur la décision de la Fédération des médecins spécialistes?

M. Cailhier (Jean-François): L'écart de rémunération était plus grand. Toutefois, les gens qui allaient là où il y avait un besoin identifié étaient tout à fait pénalisés de la même façon. Et ce concept est injuste, qu'un médecin qui s'installe là où, enfin, on a besoin, entre autres... Mais les besoins... Un médecin s'installe partout où il y a un besoin. Ça, c'est... On ne peut pas s'installer n'importe où, là. Les médecins spécialistes travaillent en majorité dans les hôpitaux et vont là où il y a des plans d'effectifs qui les acceptent, donc là où le ministère autorise une place pour un médecin. Donc, souvent les gens se sont placés un peu de la sorte et se sont orientés vers les régions, finalement, qui les appelaient, et même les gens qui allaient en région étaient affectés par cette rémunération différenciée à la baisse. Donc, il y avait peut-être un gradient entre celui qui venait s'installer à Gaspé et celui à Montréal. Toutefois, les deux étaient pénalisés, et ceci constitue une injustice.

Et puis tout le concept des effectifs médicaux, de la répartition, c'est un concept excessivement intéressant, puis je vous invite à venir discuter avec nous à la table de concertation des effectifs médicaux, parce que ça fait des lustres, en fait, qu'on essaie de trouver des solutions. Certes, la Fédération, on a beaucoup d'ingrédients. Toutefois, je pense que c'est avec plusieurs ingrédients qu'on a une recette. Mais on est sur le bord d'avoir la recette, puis...

M. Lelièvre: Vous me rassurez.

M. Cailhier (Jean-François): Si vous regardez, par exemple, au niveau de la répartition des effectifs, il y a 22 % des finissants qui se sont installés en région – donc, il y a un effort – puis la proportion de la population représentée par ces régions représente seulement 13 %. Donc, il y a vraiment un effort, et l'ensemble des régions semblent d'accord pour dire qu'elles attirent suffisamment de médecins. Il y a peut-être un problème, cependant, à la rétention vers la fin de l'année, donc il y a des incitatifs à mettre pour inciter. Puis les gens sont d'accord et les gens se sentent tout à fait... Enfin, les régions, c'est un peu une guerre parce qu'il manque... C'est un peu l'offre et la demande. À la fois, il y a Gaspé, il y a Rouyn, Trois-Rivières, Sainte-Marie qui manquent de gens, de spécialistes. Mais, s'il y a un médecin qui est là, on va regarder, puis c'est sûr qu'il y a un centre qui va être bien content, puis les deux autres vont être tristes. Actuellement, il y a 1 000 places qui sont disponibles, en approximation, et il y a 500 finissants par année. On ne peut pas remplir les 1 000 places d'un coup. On souffre actuellement des choix du gouvernement antérieur.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Oui, Mme la Présidente. Bon, vous savez que les régies régionales ont mis en place des plans régionaux d'organisation de services. Le corollaire de ça, ça fait qu'on ait aussi un panier de rémunération affecté à ces régions ou à ce panier de services. Est-ce que vous êtes en accord avec l'hypothèse qu'on régionalise également les budgets de la Régie de l'assurance-maladie du Québec en fonction des besoins des populations qui sont déterminés dans ces paniers de services? Et, par la suite, bien, vous comprendrez que la rémunération qui va s'ensuivre... Bien, s'il y a 200 médecins de trop à Montréal puis, s'il y en a moins en Gaspésie, bien, la rémunération ne sera pas plus élevée en Gaspésie, mais peut-être différente à Montréal, ou à Québec, ou à Trois-Rivières.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Merci. En fait, la Fédération des médecins résidents est venue ici pour se prononcer sur le projet de loi n° 67, qui touche aux clauses orphelin, et finalement nous avons donné notre position à cet effet que, en fait, le Québec devrait se départir de ce concept de notion de clause orphelin. Et, en fait, ceci constitue notre message quant à la seule législation sur laquelle nous sommes appelés aujourd'hui.

M. Lelièvre: ...au niveau de la rémunération vous nous dites: Abolissez les clauses orphelin parce qu'il y a des incitatifs à amener les gens en région éloignée, hein? Donc, si vous nous dites d'abolir ça, de mettre de côté l'entente qui est intervenue entre le gouvernement du Québec et votre Fédération, ça veut dire qu'on remplace ça par quelque chose, hein? On ne peut pas laisser ça dans le vide. Alors, comme hypothèse que je vous suggère, j'aimerais entendre vos commentaires. Si vous me dites que vous ne voulez pas vous prononcer, c'est votre choix, mais est-ce que, en pratique, il ne serait pas plus logique d'avoir une régionalisation des budgets nécessaires à la dispensation des services selon les spécialités requises dans une région?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Je laisserais à M. Jean Gouin...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gouin.

M. Gouin (Jean): Il faudrait, dans un premier temps, que le gouvernement ait le courage de mettre ses culottes puis de terminer sa réforme de la santé. Le projet de loi n° 404, qui a été accepté en juin 1998, n'a même pas vu le jour encore. Ça, c'est l'implantation des DRMG, des directions régionales de médecine générale au Québec, qui viendrait justement faire en sorte qu'il y aurait peut-être une meilleure répartition intrarégionale des médecins omnipraticiens à travers le territoire. Ça, c'est dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, vous parlez de coupure de paniers de services, on ne sait jamais, on ne sait pas encore où le gouvernement s'en va là-dessus, il ne s'est pas prononcé. Il y a le rapport Arpin qu'ils viennent de sortir, il ne s'est pas encore prononcé là-dessus. On attend les indications du gouvernement. C'est la même chose au niveau... Si vous régionalisez des enveloppes, il y a tout le principe d'équité dont le gouvernement aussi va devoir tenir compte, intrarégionale et entre les régions aussi et de façon nationale aussi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Gouin. Malheureusement, on pourra reprendre ça à un autre moment, c'est tout le temps qui nous était alloué avec le gouvernement. Je céderais maintenant la parole au député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, merci, Mme la Présidente. Messieurs, il me fait plaisir de vous accueillir ce matin. Votre mémoire, en plus étoffé, reprend certainement les mêmes revendications que l'Association des jeunes médecins du Québec qui est venue nous voir, qui a été d'ailleurs le premier groupe à venir nous rencontrer ici la semaine dernière, et elle nous fait un certain nombre de suggestions. Vous, vous en faites aussi, mais vous êtes surtout allés sur l'analyse du projet de loi.

Dans les suggestions que ces jeunes médecins nous font... Et, je vais les lire, peut-être, j'aimerais ça entendre vos commentaires là-dessus.

«L'Association des jeunes médecins du Québec propose des moyens non discriminatoires, peu coûteux et qui assureront des meilleurs soins à la population, peu importe le territoire. Les moyens suggérés sont, entre autres, des mesures incitatives plutôt que punitives: un partage des responsabilités par toute la profession médicale, peu importe le nombre d'années d'exercice, et le jumelage des hôpitaux mieux nantis avec ceux qui sont en difficulté.

«L'Association des jeunes médecins du Québec propose également de réduire la bureaucratie actuelle et d'impliquer davantage les médecins dans le processus décisionnel pour une meilleure gestion des ressources et une meilleure planification des besoins de la population en matière de santé.»

Eux, ils disent que, si on faisait ça, il n'y aurait pas besoin de recourir à des coupures, donc à des clauses orphelin, des clauses discriminatoires, dans votre cas. Est-ce que vous pourriez nous donner un peu vos opinions ou votre opinion, si l'un d'entre vous veut nous parler là-dessus?

M. Cailhier (Jean-François): Évidemment, c'est sûr qu'on...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Merci. On s'éloigne un peu, en fait, là, de la Loi sur les normes du travail et de la matière de disparité de traitement qui est la raison pour laquelle la Fédération des médecins résidents est venue ici à Québec, mais, concernant ce point, en fait, c'est que l'AJMQ, bien, afin de se prononcer entièrement, évidemment, a produit un document là-dessus qui... La phrase que vous venez de lire, ça fait, en fait, le résumé de cette position.

Il est clair, enfin... Puis, je pense, le message que je veux laisser, c'est qu'on doit porter à contribution l'ensemble de la population. Et ce n'est aucunement en incombant, finalement, une responsabilité accrue sur le dos des jeunes médecins qu'on va arriver à quelque chose. Enfin, si je peux avoir un message global, c'est, en fait, cet esprit d'équité et de responsabilisation de groupe que nous avons en tant que profession auprès de la population plutôt que de procéder de la sorte avec... finalement, de mettre des moyens coercitifs et des clauses discriminatoires sur le dos des jeunes médecins.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Je suis bien content de votre explication. On nous a dit ici – vous savez, on termine presque ces audiences – aussi bien dans le milieu patronal, syndical, lorsqu'on posait la question aux gens: Mais pourquoi ils sont... Tout le monde est contre, hein? Le patronat, il est contre, les syndicats sont contre. Personne ne nous a dit que c'était de leur faute. Un, il dit que c'est la faute du syndicat, l'autre que c'est la faute du patron. Alors, lorsqu'on les a devant nous, très sympathiquement, d'ailleurs, on leur pose des questions. On n'est pas là pour les ennuyer, mais pour savoir. Alors, une des questions que je leur posais, c'était: Vous, là, êtes-vous pour les clauses orphelin? Et là on me disait: Bien, non, si les syndicats ne nous obligeaient pas, on n'en ferait pas. Et, lorsqu'on a eu les syndicats, ils ont dit: Nous, si les patrons ne nous obligeaient pas, on n'en ferait pas.

(10 h 10)

Et, à la fin, on a fini par entendre la réponse commune de tout le monde qui était, en allant un peu plus loin dans les questions: Bien, vous savez, c'est plus facile de mettre des clauses orphelin que d'aller baisser, ou négocier, ou d'obtenir une équité, une participation de l'ensemble des gens, une responsabilisation. Donc, on semblait nous dire que les anciens travailleurs, ce qu'ils veulent, ils disent: Arrange-toi avec tes problèmes de compétitivité ou de profits en baisse, moi, je garde mes affaires, puis fais porter ça sur les plus jeunes, hein, puis, moi, je conserve mon niveau de vie. Ça nous a été confirmé par les deux parties, à peu près, alors le patron disant: Voyez-vous, nous autres, on n'a pas de moyens de faire autrement. Nous, on ne veut pas rentrer dans les problèmes de négociation, donc on dit: D'accord. Et puis les syndicats, eux, nous disent: Bien, les patrons ne nous donnent pas le choix, sinon ils disent qu'ils vont licencier du personnel.

Dans votre cas à vous, est-ce qu'il y a une raison qui explique ce manque de solidarité de vos collègues? Parce que ce n'est pas la même situation que dans le secteur privé, je présume. Les gens n'ont pas dit: On va aller en grève. L'entreprise ne fait pas de profits. Les profits sont en baisse. Enfin, la compagnie peut fermer. Il n'y a pas ces argumentations-là, hein? Comment se fait-il que des gens de niveau aussi élevé – habituellement solidaires de la société – que la profession médicale, qui connaissent un peu des principes humanitaires ou humanistes peut-être plus développés que d'autres secteurs de notre société, vous soyez rendus là, vous aussi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Merci.

M. Gobé: Excusez, c'était un peu long, mais...

M. Cailhier (Jean-François): ...dans le contexte. En fait, vous faites appel aux notions d'humanisme, je pense que les notions d'humanisme sont présentes. Toutefois, pour parodier un adage populaire, là où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Et puis, en fait, la même réflexion qu'on peut avoir dans les différents champs d'activité que vous avez mentionnés, soit les champs syndicaux ou les champs patronaux, où chacun regarde dans sa cour, puis je veux avoir le gazon le plus beau, je veux avoir les plus belles fleurs, je veux avoir ci, bien, c'est certain que, si je peux voler le plus d'engrais à mon voisin pour que mon gazon soit plus beau, tant mieux. C'est un peu cette attitude, j'oserais dire, d'égoïsme du fossé intergénérationnel. En fait, finalement, je me fous de mon voisin en autant que je préserve mes conditions de travail, ou mon salaire, ou je préserve mes profits, mes dividendes. Tant mieux, mais en autant que ça ne me touche pas. Puis, en fait, les médecins ne sont pas, malgré tout le travail qu'ils font, l'humanisme et tout, à l'abri – et on retrouve ça dans tous les groupes, que ce soit les avocats, les notaires, les comptables – les médecins ne font pas exception à ça, et ces mêmes principes animent les gens qui ont opté pour ces mesures.

M. Gobé: On a retrouvé...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Merci, Mme la Présidente. On a retrouvé, en effet, dans d'autres secteurs, entre parenthèses, les jeunes professeurs, comme vous le savez, les jeunes enseignants qui, eux, se sont fait couper d'une manière très, très drastique pendant que l'autre partie a eu une augmentation de salaire de 1,4 %. Et, hier, je posais la question à la présidente de la CEQ, Mme Monique Richard, à l'effet de savoir si elle allait profiter de cette négociation, actuellement, avec le gouvernement pour obliger le gouvernement à mettre fin au gel des échelons de ces jeunes professeurs, donc d'arrêter de les pénaliser, et ça, dans une condition sine qua non d'une signature d'une convention collective. La réponse – alors qu'elle venait nous déposer un mémoire s'élevant contre le principe des clauses orphelin – a été d'abord lénifiante, un peu. En allant un peu plus loin, elle a fini par nous admettre que, non, elle pourrait signer une convention collective. Ça, c'était un autre genre de problème.

Alors, c'est le genre de message qu'on envoie. Est-ce que vous pensez que ce message qui est envoyé aux nouvelles générations peut avoir un effet sur la cohésion de notre société et sur aussi la manière dont ces jeunes, aujourd'hui, vont envisager leurs responsabilités vis-à-vis des plus vieux plus tard lorsqu'ils seront au gouvernement, des chefs d'entreprise, ou des directeurs d'hôpitaux, ou des médecins en chef? En d'autres termes, vous ne pensez pas qu'on serait en train de créer une réaction ou des problèmes futurs dans notre société par manque – comment dirais-je? – de solidarité, cet égoïsme que vous avez mentionné?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cailhier.

M. Gobé: Voyez-vous des effets à...

M. Cailhier (Jean-François): Je n'aurai qu'un mot: oui.

M. Gobé: Oui, hein?

M. Cailhier (Jean-François): Tout à fait. En fait, dans toute l'argumentation que la Fédération a tenue en 1995 pour, un peu, essayer de décourager ou... En fait, l'aspect visionnaire qu'on attribue aux jeunes... En fait, dans notre boule de cristal, jeunes, on avait anticipé beaucoup des problèmes, actuellement, avec lesquels nous sommes aux prises au niveau effectifs et tout le conflit intergénérationnel que ces iniquités, cette injustice ont engendré auprès de la profession médicale, et ça ne fait que cristalliser, en fait, ce fossé et ces iniquités intergénérationnelles qui s'attaquent même, je veux dire, au tissu social qui forme les liens entre individus.

Et de répertorier le nombre croissant de ces clauses orphelin ces dernières années ne fait que s'attaquer... C'est comme, un peu, les mites dans la laine, et puis je pense qu'un projet de loi de la sorte, étoffé, pourrait avoir l'effet de boule à mites. Puis, si on pouvait avoir un tissu social commun à tout le monde, solide, avec des mailles bien cousues, exemptes de porosités ou de faiblesses quelconques, on aurait des liens entre la société qui seraient beaucoup plus forts, et, je crois, on aurait une meilleure société, peut-être. Enfin, où les jeunes se sentent... Enfin, je dis les jeunes, mais les femmes et les immigrants et autres travailleurs sont également des gens affectés par ces clauses orphelin. Mais on arriverait à créer un sentiment de justice et, vraiment, de prendre part à part entière dans cette société et non pas de se faire taxer via ces mécanismes de clauses orphelin ou de clauses discriminatoires pour se faire souhaiter la bienvenue sur le magnifique marché du travail.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Je suis très, très heureux de vous entendre dans cette ligne-là. Vous êtes le premier groupe qui a attaché le grelot de ces problèmes, hein, si je crois bien.

M. Cailhier (Jean-François): J'oserais dire qu'on est...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cailher.

M. Cailhier (Jean-François): ...les orphelins de l'ère moderne, les premiers. Enfin, c'est que ça a commencé en 1982, déjà, à imposer des clauses sur les plus jeunes et, évidemment, en 1995. Puis, en fait, c'est arrivé juste avant, le boom des clauses orphelin, avec les municipalités, qui a vraiment fait boule de neige pour amener toute la réflexion sociale qui s'en est suivie. Mais, effectivement, les jeunes médecins spécialistes et, évidemment, les médecins omnipraticiens également souffrent de l'affre de cette injustice face à ces clauses orphelin qui ne s'appliquent seulement qu'aux jeunes médecins pour une période déterminée de temps. Mais les jeunes médecins au Québec ont été parmi les premiers à souffrir, en fait, de ces iniquités posées exclusivement sur le dos des jeunes médecins.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Je suis content que vous soyez presque à la fin. Même, on aurait probablement dû terminer avec vous, parce que vous nous apportez le côté moral de tout ce dossier-là. Parce que, au départ, lorsqu'on a parlé des clauses discriminatoires, on ne parlait pas uniquement de conditions de travail, d'avantages sociaux ou d'argent, on parlait d'un principe, hein, qui faisait en sorte qu'une partie de la société a décidé, pour conserver des acquis, ou un niveau de vie, ou une qualité de vie qu'elle pense légitimes, mais qu'elle n'a peut-être plus les moyens de se payer sous sa forme actuelle ou à cause de son administration déficiente ou à cause de sa compétitivité en tant qu'entreprise privée, eh bien, elle, de faire porter ça sur d'autres qui sont les derniers arrivés, généralement les plus jeunes, les femmes, les immigrants. Hier, on nous parlait de cela. On en revient au vieux principe de l'exploitation de l'homme par l'homme. C'est le XIXe siècle, ça, hein? Est-ce que vous...

M. Cailhier (Jean-François): Le pendule.

M. Gobé: Pardon?

M. Cailhier (Jean-François): Le pendule. En fait, c'est...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): ...l'exploitation de l'homme par l'homme. Merci. Oui, enfin, encore une fois, je pense que vous soulevez... Faire référence à l'aspect moral, je trouve ça intéressant. En fait, que vous attribuiez l'aspect moral à la Fédération des médecins résidents en touchant un peu la lignée d'humanisme que vous jetiez aux médecins, je vous en remercie. Mais, également, je pense qu'on revient à ce concept extrêmement fondamental qui gère l'économie de marché dans laquelle nous sommes, et puis vous avez tout à fait bien résumé la situation, je crois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: C'est pour ça que je trouve dommage de voir dans... Lorsqu'on a commencé cette commission, le premier document qu'on nous a déposé, c'est le fameux rapport de la ministre qui permettait de faire un titre le lendemain dans les médias: 3 800 emplois vont être perdus . C'était le premier message moral qu'on a envoyé à la population. On disait: On vous demande de venir nous parler, ici, d'équité, de justice. Parce qu'on est des élus, on n'est pas juste là pour faire des comptes, là. On a à en faire, mais on est aussi là pour donner un encadrement moral à une société, hein, un encadrement civique à une société. C'est notre responsabilité première si on veut qu'elle ait une cohésion puis qu'elle aille dans une bonne direction. Mais le premier message qu'elle a envoyé, elle, ce n'est pas un message moral, c'est un message de fric qui a été contesté, d'ailleurs, par plusieurs groupes.

Trois mille huit cents emplois perdus, ça, ça permettait de donner une petite tape sur la tête des gens qui arrivaient ici pour dire: On a des recommandations à vous faire. Alors, ça permettait de dire: Bien, attention, là, hein, parce qu'il y a des emplois. À chaque fois, elle est arrivée comme pour laisser entendre qu'il y aurait des emplois qui se perdraient, qu'il fallait être raisonnable, vous savez. Comme si on pouvait tolérer une forme de discrimination, comme si la discrimination, hein, c'était tolérable dans certains cas. On va tolérer.

(10 h 20)

Alors, moi, je ne pense pas qu'on puisse accepter une proposition comme celle-là ou une vision comme celle-là, parce que, si on commence à tolérer une discrimination chez les jeunes dans le travail pour des raisons économiques, pourquoi on ne tolérerait pas, la prochaine fois, une discrimination basée sur le sexe ou les femmes pour des raisons économiques, basée sur la couleur, basée, enfin, sur beaucoup de choses, sur le handicap aussi? D'après moi, on ouvre la porte, et ça, j'ai beaucoup de difficulté à accepter ça, et, comme élus qui avons cette responsabilité pas seulement de faire les comptes de l'État et des impôts, mais aussi les comptes de la cohésion et de la morale communautaire, commune, je trouve que c'est dommage qu'on n'ait pas été plus dans la direction que vous nous amenez aujourd'hui.

Peut-être que vous pouvez terminer, je pense qu'il reste quelques minutes. Je vais vous laisser le mot de la fin.

M. Cailhier (Jean-François): Oui, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Effectivement. Bien, d'ailleurs, je pense que l'action du gouvernement était d'y aller – bien, on le souhaite, du moins – avec cette intention de faire enfin une chasse aux sorcières – je faisais référence aux croisades dans mon allocution – aux clauses orphelin, puis ça serait bien, en fait, d'aller jusqu'au bout, finalement, de ne pas se limiter aux normes du travail, parce que, comme on vous disait, les jeunes médecins, tant spécialistes qu'omnipraticiens, sont exclus des normes du travail par l'article 19 de la RAMQ. Donc, là-dessus... peut-être notre conseiller juridique juste pour vous expliquer un peu, là, en faisant référence à ce qui avait été évoqué antérieurement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Castonguay.

M. Castonguay (Jacques): Oui, il y aurait peut-être une autre possibilité. On a mentionné dans le mémoire qu'on aurait souhaité que le Code du travail soit modifié pour s'assurer évidemment que tout le monde soit couvert, incluant les jeunes médecins.

Il y aurait une autre possibilité, c'est que, à l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie, qui exclut les médecins ou les professionnels de la santé de l'application de la Loi sur les normes et du Code du travail, on ajoute une exception à cette exception disant que le principe qu'on retrouverait dans le projet de loi n° 67 s'applique malgré cela à ces gens-là. Ça serait aussi une autre possibilité pour arriver à solutionner le problème des jeunes médecins. Ça n'a pas la portée, à mon sens, d'une modification qu'on ferait au Code civil du Québec, mais, quand même, je pense que, en y allant par exception, si on veut s'assurer que, les gens qui ne sont pas couverts par la Loi sur les normes – si on y va cas par cas – le principe du projet de loi n° 67 s'applique à ces gens-là, ça aurait à toutes fins pratiques presque le même effet.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Castonguay. Il reste à peine deux minutes, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Bien, écoutez, deux minutes, je n'aurai peut-être pas le temps, alors je vous remercie de votre témoignage. Je pense que vous apportez un côté très intéressant. Il reste deux minutes, une minute et demie, je vais les laisser en plus à mon collègue de Rivière-du-Loup qui, lui, en a juste cinq, et je suis certain, pour avoir travaillé avec vous, qu'il a des questions à vous poser aussi qui méritent peut-être sept minutes et demie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah bon. En fait, vous allez avoir une minute de plus, M. le député de Rivière-du-Loup. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, à vous la parole.

M. Dumont: Merci. D'abord, bienvenue à la Fédération des médecins résidents.

Il y a quelque chose de désolant dans votre mémoire – et ce n'est pas un reproche que je vous fais – parce qu'on en est rendu où la Fédération des médecins résidents, à la suite de démarches nombreuses, nous dit: Il faudrait modifier le Code civil, mais pour encadrer qui – parce que votre employeur n'est pas un employeur privé – pour encadrer le gouvernement. Alors, finalement le message de la Fédération des médecins résidents, c'est de dire: On en est rendu à un niveau où on ne sent tellement pas de conviction du gouvernement dans ce dossier-là, dans l'ensemble du dossier des discriminations qu'on a appelé les clauses orphelin, que les gens veulent modifier le Code civil, les gens cherchent des poignées pour dire: Il faut restreindre le gouvernement lui-même dans son envie... Puis la ministre passe ses journées à nous dire: Ah, il n'y en aura plus. Cherchez-en dans le gouvernement, vous n'en trouverez plus, pendant qu'il y a des groupes qui viennent à chaque jour nous décrire des situations.

La ministre, ce matin, nous démontre qu'elle ne comprend même pas le principe de base de la rémunération médicale qui est la médecine à l'acte. Une fois que tu es chirurgien cardiaque, que tu sois dans ta première année de pratique ou la seizième... C'est le principe de l'ancienneté qui est reconnu dans notre milieu de travail, c'est: la première année que tu travailles, on considère que, dans un milieu de travail, tu apprends un petit peu, puis, la deuxième année, tu connais un petit peu plus les airs, puis, au bout de 10 ans, bien, on va te rémunérer davantage parce que tu es plus établi. Ce n'est pas tout à fait le principe qu'on a voulu appliquer à la médecine parce qu'on a pris pour acquis qu'un chirurgien cardiaque qui fait un pontage, on ne peut pas dire: Bien, lui, c'est sa première année de pratique, il n'est pas dit que ça ne coulera pas un peu, que ça ne refrisera pas, il n'est pas dit que ça va être bien étanche, ça, mais, en gros, ça devrait... Non, il faut que le pontage soit fait, il faut que ce soit rattaché, il faut que ce soit tout... Alors, il n'y a pas de demi-opération, il n'y a pas de demi-chirurgie, il n'y a pas de demi-diagnostic, alors on a établi le principe de la médecine à l'acte.

Alors, pour arriver à des ententes comme celles-là, il faut se mettre les yeux en face des trous, c'est le gouvernement qui est coupable de ces signatures-là, comme il est coupable dans le monde municipal. Hier, les municipalités nous l'ont dit: Ah, le gouvernement est dans une bien drôle de position d'arriver avec un projet de loi... Bon, tout le monde comprend que le projet de loi, c'est mitigé et que la ministre veut essayer de sauver la face au nom du gouvernement, mais je me demande comment ils vont pouvoir voter ou faire semblant de voter une loi pour nous faire des discours en Chambre sur des clauses orphelin pendant qu'eux-mêmes, dans leur cour, en conserveraient une foule pour les médecins, pour les enseignants, pour les gardiens de prison, pour un paquet de professionnels ou de travailleurs, garderaient des clauses orphelin. Alors, ça, c'est important de mettre le doigt sur cette culpabilité du gouvernement et dont la ministre est tellement vite à se défiler depuis le début de la commission. Remarquez que vous avez été chanceux, vos prédécesseurs médecins se sont fait dire qu'ils s'étaient trompés de commission, qu'ils n'étaient pas à la bonne place. On a réussi à réprimer ses ardeurs. Au moins, aujourd'hui, elle a pris la peine de vous écouter.

Ma question, cependant... On parle du gouvernement comme employeur, je connais vos démarches, vos revendications, j'aimerais savoir... Parce que ce que j'essaie de comprendre, moi, c'est l'intention réelle du gouvernement. Alors, je suppose que vous avez des discussions avec le ministère de la Santé et la ministre de la Santé et des Services sociaux. Si le premier ministre veut régler le cas des clauses orphelin, il a peut-être mandaté la ministre du Travail, mais il a dû mandater d'autres collègues, d'autres ministres qui ont, à l'intérieur de leur ministère, des cas comme celui-là. Est-ce que, vous autres, dans la dernière année, vous avez senti de la part de la ministre de la Santé ou du ministère de la Santé en général une impulsion pour corriger cette situation-là? Est-ce que vous avez été convoqués pour vous dire: Là, il faut qu'on règle votre cas? Dans vos discussions que vous avez eues, est-ce que vous avez senti, là, que le virage est pris dans le ministère qui vous concerne le plus?

M. Cailhier (Jean-François): Bien, en fait, concernant un petit peu les efforts qui ont été faits, comme on disait dans le mémoire, en 1995, la portée de ces clauses discriminatoires était, en fait, générale, provinciale, dans l'ensemble du territoire, à la fois pour les régions éloignées, pour quatre ans, et, tranquillement, on assiste à une forme d'atténuation de ces modèles, donc trois ans, et puis là on parle de réduire, possiblement l'enlever à certaines régions. Mais, cependant, le fléau, mettons juste le... Comme dans Astérix, il suffit qu'il y ait un seul petit village qui soit encore victime de clauses orphelin, c'est un petit village de trop. Il faut s'assurer que ce concept de clause orphelin ou de rémunération discriminatoire envers les jeunes médecins soit totalement aboli. En fait, que ce soit omnipraticiens, que ce soit spécialistes, les gens donnent des soins, prodiguent des soins à une population qui en a besoin, les gens s'installent là où il y a des places, et puis, à ce moment-là, ce n'est pas parce que... Est-ce que, en fonction du lieu d'installation, les gens vont avoir des besoins différents d'une autre région? Je pense qu'on doit poursuivre ce mouvement de chasse à ces clauses discriminatoires et poursuivre ce phénomène jusqu'à ce qu'on voie la disparition totale de ce phénomène.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Rivière-du-Loup...

M. Dumont: Oui. Une autre...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...avant de vous redonner la parole, je voudrais seulement vous rappeler une certaine prudence. Ici, en commission, on applique les mêmes règlements qu'à l'Assemblée nationale. Alors, selon 35.6°, vous savez qu'on ne peut, ici non plus, tout comme en Chambre, imputer des motifs indignes à un député et refuser d'accepter sa parole, etc. Alors, c'est seulement un rappel pour vous rappeler à la prudence, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Je suis toujours très, très prudent. De toute façon, vous savez comme moi qu'on n'a pas besoin... C'est les groupes qui viennent dire au gouvernement qu'il manque à sa parole, les députés, on n'a même pas besoin de le faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Monsieur, j'accepte beaucoup de choses des groupes, les groupes ont la parole ici, mais mon rôle est de procéder selon le règlement pour les parlementaires.

M. Dumont: Voilà.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Alors, je remercie les groupes de mettre en lumière l'incohérence du gouvernement, on n'a pas besoin de le faire.

Donc, il y a beaucoup de groupes de jeunes qui sont venus nous dire, devant l'incapacité du gouvernement de respecter sa parole dans ce dossier-là – en tout cas, ce qui semble être le cas – que ça remettait en question leur enthousiasme à participer au Sommet du Québec et de la jeunesse, je présume que la Fédération doit être invitée. Je ne sais pas si vous avez reçu une invitation pour le Sommet de la jeunesse, mais je suppose qu'un regroupement de jeunes professionnels comme vous autres devrait être là. Est-ce que vous autres, vous établissez ce lien-là? C'est-à-dire, si vous sentez que le dossier des clauses orphelin tombe à l'eau cet automne, est-ce que ça va réduire votre enthousiasme à participer à un rassemblement, un événement comme celui-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Cailhier.

M. Cailhier (Jean-François): Merci bien. Une chose est certaine, en fait, c'est que les clauses orphelin, actuellement, s'inscrivent justement dans cette année de sommet. Enfin, là, c'est certain, donc...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous demanderais quand même d'aller assez rapidement, là, parce qu'il reste très peu de temps.

(10 h 30)

M. Cailhier (Jean-François): Oui. O.K. Donc, en cette année de sommet, effectivement, ce projet sur les clauses orphelin tombe à pic, et puis c'est certain que l'intention ou la façon dont le gouvernement va gérer ce phénomène risque d'être garante, un peu, de ce qui risque de s'en venir ultérieurement, au mois de février. En fait, on peut utiliser la gestion entourant ce projet de loi un peu comme garante des initiatives qui vont sortir du Sommet. C'est comme, en fait, un projet sur l'avenir. Si on dit que le passé est garant de l'avenir, je pense que ça s'appliquera au gouvernement. Donc, on laisse la chance au gouvernement, à la lumière des auditions des différents groupes, de modifier sa loi pour engendrer un produit qui, nous le souhaitons, protège l'ensemble des travailleurs, syndiqués ou non, qui oeuvrent au sein de la société de ces clauses orphelin. Puis, si celui-ci procède de la sorte, ce sera garant pour le futur de la jeunesse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Merci, M. Cailhier. C'est vraiment tout le temps dont nous pouvions disposer. Merci pour cette présentation à cette commission.

Je suspendrai donc quelques instants pour permettre au prochain groupe de venir s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 31)

(Reprise à 10 h 35)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons donc reprendre nos travaux. Je voudrais souhaiter la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux. Alors, M. Laviolette, vous êtes le porte-parole principal, je vous demanderais donc de présenter les gens qui vous accompagnent et je vous rappelle bien sûr que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Laviolette (Marc): Bonjour. Je voudrais présenter, à ma gauche, Lise Poulin, qui est secrétaire générale de la CSN; à ma droite, c'est Éric Morin, qui est le président du Comité des jeunes, CSN; et, à la droite d'Éric, Clément Gaumont, qui est adjoint à l'exécutif de la CSN; et moi-même, Marc Laviolette, président de la CSN.

Je remercie la ministre de permettre à la CSN d'exprimer son point de vue sur la question des clauses orphelin, entre autres, sur le projet de loi qu'on a devant nous. On a suivi avec attention les débats de la commission parlementaire. Je pense que le moins qu'on puisse conclure: les opinions de part et d'autre, des différents groupes n'ont pas tellement évolué. La seule chose qui a évolué depuis l'an dernier, où la CSN était en commission parlementaire... Ce qu'on exprimait, c'est qu'il fallait légiférer et que le projet de loi devait modifier la Loi des normes du travail parce que les normes du travail touchaient l'ensemble du marché du travail, l'ensemble des travailleurs et des travailleuses sur le marché du travail, et c'était important que les clauses orphelin ne touchent pas seulement les groupes syndiqués. Je pense qu'on a un projet de loi devant nous qui modifie les normes, la Loi sur les normes du travail. Je pense que ça, c'est extrêmement positif.

Parce qu'il faut voir que les clauses orphelin, d'abord, ça a commencé dans les années quatre-vingt, dans les années de grande récession, particulièrement aux États-Unis, à la General Dynamics, qui est la première entreprise qui a introduit des clauses orphelin. Et le problème que ça cause, une fois introduites, ces clauses orphelin là, même si, au moment où on les impose, les nouveaux salariés ne sont pas encore à l'embauche, c'est qu'une fois qu'ils sont à l'embauche ça introduit des différences et des distorsions dans les organisations, qui sont sources de conflits et sources de conflits potentiel en matière de relations de travail. Et c'est pour ça que la General Dynamics, celle qui a parti le bal aux États-Unis, a abandonné cette pratique quelques années plus tard. Et c'est ce qui nous inquiète de ces fameuses clauses orphelin là. Et, même si ce qui est recensé, c'est ce qui a été négocié par les parties, on sait que ce n'est pas tout le monde qui est syndiqué au Québec et on pense qu'il y a énormément de clauses discriminatoires là où ce n'est pas syndiqué. Le problème, c'est d'être capable de le mesurer. Donc, en modifiant la Loi des normes du travail, on couvre l'ensemble de ce terrain-là, et ça, c'est positif.

Ceci étant dit, on pense que le projet de loi mérite d'avoir plus de dents. Ça ressemble un peu, ce projet de loi là, à Mission impossible : lorsque la cassette a donné ses instructions, elle s'autodétruit. C'est-à-dire qu'on a un permis de signer des clauses orphelin jusqu'à la fin de 2004, et, après ça, ça s'applique pendant deux ans, et la clause crépusculaire autodétruit le projet de loi. On pense que ça, ce n'est pas la voie à suivre. Il faut absolument que, si on parle d'une loi... puis la CSN, quand elle parle d'une loi, il faut qu'elle soit durable. Il faut donc que le projet de loi soit là pour rester. Parce que, pas de projet de loi, les individus ou les organisations qui veulent se défendre contre l'introduction de clauses orphelin sont ramenés à des règles de preuve de discrimination systémique, comme on a pu le voir sur la question de l'équité, et c'est très laborieux, c'est long, et ce n'est pas tout le monde qui a les moyens de faire ça. Et on pense qu'il ne faut pas aller de ce côté-là. Et, le projet de loi, avec sa clause crépusculaire, qu'on le veuille ou non, après qu'il se sera autodétruit lui-même, va nous ramener à cette réalité-là.

(10 h 40)

Bien entendu, on a eu droit, dans le débat, à toutes sortes de menaces patronales sur l'emploi. Il y a la bande des neuf qui s'est coalisée dans une coalition pour le maintien de l'emploi. À première vue, je pensais que c'était des syndicats ou des groupes de chômeurs, mais, quand on a regardé les membres, on s'est aperçu que ce n'était pas tout à fait ça. Ça fait qu'on s'est dit: Tiens, le patronat s'est déguisé en travailleur. Ça nous fait toujours sourire un peu. D'ailleurs, ils vont nous suivre. Je pense qu'ils chassent en meute, ce matin. C'est l'autre groupe qui nous suit. J'ai bien hâte d'entendre ça.

Mais je ne pense pas que les municipalités au Québec vont déménager en Ontario parce qu'elles n'ont plus le droit de faire des clauses orphelin. Je ne pense que les épiceries du coin, non plus, vont déménager en Ontario ou au Nouveau-Brunswick parce qu'elles n'ont plus le droit d'avoir des clauses orphelin, puis les commerces non plus. Et puis je ne pense pas, non plus, que le CPQ va voter oui au référendum parce qu'il n'y aurait pas de projet de loi sur les clauses orphelin. En tout cas, à regarder ce discours-là, ça nous inquiète parce qu'on se demande qu'est-ce qu'il va arriver quand on va parler de modifier le Code du travail. Il y en a qui vont rentrer en transe sûrement. En tout cas, ça risque de coûter cher au système de santé pour les ramener. Mais, franchement, ce n'est pas sérieux.

Et, d'ailleurs, l'étude de l'OCDE qui vient de sortir est très claire, la rigueur de la réglementation n'a aucune influence sur le niveau global d'emploi – l'étude de l'OCDE qui parle sur les perspectives d'emploi. Donc, c'est clair. Ce n'est pas parce qu'on réglemente le marché du travail que ça nuit à l'emploi. Il faudrait qu'ils serrent ce discours-là qui, à mon avis, fait partie de l'ère jurassique des relations de travail.

Ce qu'on demande, c'est une loi à effet réel, maintenant, donc qui va être durable, qu'il y ait une période de transition pour permettre, là où il y a des clauses orphelin, de faire le passage, période de transition qui pourrait être de trois ans pour celles qui sont déjà signées. Mais l'interdiction d'en signer de nouvelles devrait s'appliquer au moment de la promulgation de la loi. Et la loi devrait être durable. On n'a plus le droit d'imposer des clauses orphelin. Pour celles qui sont en vigueur, comme je disais, il pourrait y avoir une période de transition pour permettre aux organisations de s'adapter.

D'autres remarques aussi qu'on a à faire sur le projet de loi. Il faudrait rajouter à l'article 3.3 sur les normes le secteur de la construction pour que la loi s'applique aussi à ce secteur-là. Et comme le groupe qui nous précédait, l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie devrait être modifié aussi pour permettre la protection des professionnels de la santé face aux clauses orphelin.

À l'article 87.2, qui donnerait la permission aux employeurs de transformer les taux uniques de salaire par des échelles de salaire, on est absolument contre. Le principe à travail égal, salaire égal est essentiel pour nous. On ne devrait pas avoir le droit de transformer les taux uniques en échelles de salaires. Je pense que s'il y a des problèmes, bien, les parties s'ajusteront, mais que faire porter la solution des problèmes sur un seul groupe d'employés, c'est à la fois discriminatoire et surtout on risque d'avoir dans l'organisation des distorsions qu'on ne cherche pas et des sources de conflits.

À 87.3, sur le devoir d'accommoder les personnes handicapées par des conditions temporaires, on pense que, quand tu es handicapé – du moins, la compréhension qu'on a de la portée de cet article-là – bien, souvent c'est permanent. Ça fait qu'on ne voit pas pourquoi les handicapés seraient accommodés de façon temporaire.

Ça fait que ça, c'étaient les remarques particulières qu'on avait à apporter sur le projet de loi. Et, bien entendu, un véritable projet de loi qui s'applique maintenant et qui est durable, c'est un test pour le gouvernement par rapport aux jeunes. Et je pense que ça demande un courage politique pour le faire. Si on cherche le consensus, on ne l'aurait jamais obtenu sur la question de la formation professionnelle, encore moins sur la question de l'équité salariale ni sur la langue ni sur la loi antiscab, encore moins sur le droit de refus en santé et sécurité ni sur l'environnement ni sur la nationalisation de l'électricité. Je pense que le gouvernement est là pour prendre des décisions, et, en ces matières-là, c'est important qu'on les prenne dans le sens des droits des jeunes, qui sont les mêmes que l'ensemble des salariés dans l'entreprise dans laquelle ils travaillent.

Et je voudrais dire aussi que la CSN va être particulièrement vigilante sur le remplacement du taux unique par des échelles, entre autres, dans les ententes qui vont se faire en matière d'équité salariale et de relativité salariale. S'il faut que, dans ces discussions-là, on se mette à remplacer des taux uniques par des échelles de salaires, bien là vous allez sûrement nous entendre causer sur cette question. Parce que non seulement le principe vaut pour l'ensemble des taux uniques, mais on sait qu'il y a des discussions qui se passent présentement à cause de la Loi sur l'équité et des discussions aussi avec le gouvernement et des organisations syndicales et on ne tient absolument pas à ce que les taux uniques se transforment en échelles par le bas. Ça, je pense que c'est clair.

Donc, en gros, c'était les différentes remarques qu'on avait à faire sur le projet de loi. On a un projet de loi devant nous, c'est bien. Il modifie les normes du travail, c'est bien. Mais il manque de dents. Et on ne devrait pas s'inspirer de Mission impossible pour le mettre en oeuvre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Laviolette. Alors, je comprends donc qu'on est prêt à passer à la période d'échanges. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Laviolette, je vous salue ainsi que les gens qui vous accompagnent. Je vous remercie pour votre présentation. Avant d'aborder certains éléments de votre présentation, je voudrais juste faire une petite mise au point. Je suis désolée de vous prendre à partie, mais, bon, c'est la vie. Je pense qu'il faut éviter ça. On est dans un processus parlementaire, il faut régler ce qu'on a à régler ailleurs. Mais, je vais vous avouer, ce matin, quand je regarde l'attitude et les propos de mes vis-à-vis, le député de LaFontaine et le député de Rivière-du-Loup, et que je vois le sondage ce matin dans Le Devoir , où 54 % des citoyens du Québec pensent que les politiciens défendent leurs intérêts personnels, je peux les comprendre, les Québécois et Québécoises, quand je vois comment cet exercice si parlementaire se passe. Alors, ce n'est pas votre problème. Je ne vous inclus pas dans cette discussion-là, mais je me permets de faire cette remarque. Ceci étant dit...

M. Gobé: Mme la Présidente, je m'excuse...

Mme Lemieux: Ceci étant dit...

M. Gobé: ...question de règlement. Vous avez...

M. Laviolette (Marc): Bien, écoutez, pourquoi vous me prenez à partie, là?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Oui. C'est ça.

Mme Lemieux: Non, non. Je ne vous prends pas à partie. Je ne vous prends pas à partie, M. Laviolette, parce que...

M. Laviolette (Marc): Non, mais j'allais dire, vous allez avoir une belle occasion de faire démentir les sondages...

Mme Lemieux: Voilà!

M. Laviolette (Marc): ...en ayant du courage politique sur les clauses orphelin...

Mme Lemieux: Ceci étant dit...

M. Laviolette (Marc): ...ainsi que le réseau de santé et de l'éducation par rapport à son renchaussage dont on a besoin dans la prochaine période. Mais je ne comprenais pas pourquoi on faisait une bande sur moi pour parler à eux autres, là.

Mme Lemieux: Non, non. Vous ne faites pas partie de ça, pas du tout. C'est vraiment quant au processus parlementaire. Ceci étant dit, peut-être une première remarque. Vous avez illustré de manière assez colorée le fait que les organisations patronales, appelons ça s'organisent, si je peux m'exprimer ainsi, par rapport à ce projet de loi là. Mais je suis sûre, en grand démocrates que vous êtes, que vous conviendrez qu'on peut être en accord, en désaccord avec les propos qui sont exprimés par les associations patronales. Elles ont tout à fait le droit, un, de les exprimer. Deux, elles ont aussi le droit de s'organiser. Je pense que c'est des stratégies qui sont utilisées dans le monde syndical, dans le monde communautaire. On est en démocratie. Alors, on se comprend quand même, là-dessus.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc): Tout à fait. Mais il ne faudrait pas qu'ils se surprennent qu'on leur réponde.

(10 h 50)

Mme Lemieux: Bon. Voilà.

M. Laviolette (Marc): C'est ce que je faisais ce matin.

Mme Lemieux: Deuxième remarque plus technique. Je l'ai dit à plusieurs reprises, on a eu plusieurs remarques sur la période de transition, la clause crépusculaire, etc. C'est des choses que je vais réexaminer. Évidemment, on a le défi de... Je pense qu'il faut avoir une période de transition. Ce ne sera pas la première fois. Par exemple, la réduction de la semaine normale de travail, on ne l'a pas fait d'un coup. La Loi sur l'équité salariale, il y a des étapes.

Il faut une période de transition. Il faut trouver la bonne période de transition. Mais c'est des choses que je vais réexaminer. Et malheureusement le sens de l'article 4... En tout cas on va voir si on a besoin de clarifier des choses. L'objectif, ce n'est pas de prévoir que la loi va s'éteindre. L'objectif, c'est de prévoir qu'après une évaluation de l'atteinte ou non des objectifs le gouvernement ait une prise pour poser les gestes qu'il faut dans une continuité: Y a-t-il des réajustements? etc.

Une question pratique puis une question plus... Enfin, deux questions pratiques. La première, c'est que vous dites: Notamment, les employés de la construction devraient être inclus. Vous connaissez assez bien ce secteur-là. Est-ce que vous êtes en train de me dire qu'il y a des clauses orphelin dans le secteur de la construction? Premièrement.

Et, deuxièmement, vous n'êtes pas mal à l'aise avec le fait que nous avons décidé au Québec, dans certains cas, qu'il était justifié d'avoir des régimes particuliers qui encadrent certains secteurs? Prenons l'exemple de la construction. La construction, ce n'est pas dans la Loi sur les normes du travail, ce n'est pas là que ça se passe. C'est encadré ailleurs, dans une loi spécifique, avec ses propres règles du jeu. Vous n'êtes pas mal à l'aise que, quand ça fait notre affaire, on utilise d'autres véhicules? Il y en a un véhicule. Et la Loi sur les normes, je vous rappelle, c'est dans le minimum, on est dans les normes minimales, alors qu'il y a un régime particulier pour le secteur de la construction, par exemple.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc): Écoutez, l'idée c'est qu'il y ait un secteur économique important qui ne soit pas exclu ou interpellé par le projet de loi. On parle de modifier la Loi des normes. Vous me dites qu'il y a une loi particulière, c'est vrai. Ça pourrait être là aussi. Mais l'idée, c'est que la question des clauses orphelin interpelle tout le marché du travail sans exception, tout le monde. C'est ça, l'idée. Et on n'est pas obligé d'attendre qu'il y ait des clauses orphelin pour dire: Bien, il n'aurait pas dû y en avoir, puis légiférer, là, tu sais, je veux dire... Je ne sais pas vraiment s'il y a des clauses orphelin dans la construction, je n'ai pas... Mais on trouvait particulier qu'il y ait un secteur qui soit exclu. C'était bon pour tout le monde, sauf pour la construction. C'est ça, l'idée. Mais...

Mme Lemieux: Mais...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Bien, excusez, Mme la ministre, je pense que M. Morin...

Mme Lemieux: Oui, pardon, je m'excuse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...veut ajouter à la réponse.

M. Morin (Éric): Juste pour rajouter sur les régimes particuliers, oui, on est pour des régimes particuliers, mais on n'est pas pour qu'il y ait une discrimination via là. C'est une lutte contre une discrimination qui se fait, elle doit se faire partout. Comme au niveau de l'équité salariale, ça ne se fait pas à un simple endroit, ça doit se faire partout.

Pourquoi aussi, sur le point au niveau des périodes de transition? Oui, une période de transition, mais pas une période qui permet aussi d'en signer encore un coup que la loi sera adoptée, là. Un coup qu'elle sera sanctionnée, ça doit être terminé, il ne doit plus y avoir de signatures. On voudrait permettre que celles qu'on aura signées auparavant... de pouvoir négocier, de trouver une entente, de pouvoir réparer ce petit bobo là qui est là.

Et, dernier point, au niveau des consensus, moi aussi, j'ai lu les débats qui se sont faits ici et, malheureusement pour moi, je trouve qu'on entend beaucoup parler qu'il faut plaire à tout le monde dans ce dossier-là, que tout le monde se sente une partie visée là-dedans. Ça fait qu'il y en a qui sentent que ça leur plaît, il y en a qui sentent qu'il n'y a pas assez de dents. Ça fait qu'on essaie de plaire à tout le monde.

Mais je vous dis juste un point de vue. J'espère, Mme la ministre, surtout que vous êtes à Emploi-Québec et qu'il y a un comité aviseur jeunes à Emploi-Québec, que vous lisez leurs avis. Et, justement, l'année passée, on avait un avis sur les clauses orphelin. Et, justement, quand on parlait, comme titre, quand on disait de placer les droits de la personne au premier rang de nos valeurs en tant que société, je pense que c'est important. Et ça, là-dessus, le consensus, c'est qu'il y a des jeunes syndicats, il y a des jeunes patrons qui sont là, et communautaires, étudiants qui sont tous regroupés à l'entour de ce comité-aviseur là. Pourtant, il y a eu consensus là-dessus. Si vous cherchez un consensus, on en a un. Ça fait que j'espère qu'on va...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bien. Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Morin, je sais pertinemment qu'il n'y a pas de consensus, hein. Ça fait quatre jours, cinq jours, six jours, je le sais. Je cherche une voie pratique et pragmatique pour intégrer un principe. C'est juste ça. Le reste, je vais vous dire, ça me passe 100 pieds par-dessus la tête. Qui dit quoi, qui est dans quel lobby, je n'en suis pas là. On a un principe, on a un problème qui est très troublant, bien, comment on attache ça dans la réalité? C'est juste ça que je cherche.

Ceci étant dit – puis je veux que vous compreniez bien le sens de mon intervention – j'ai dans les mains une convention collective qui a été signée par la CSN. Mon intention n'est pas du tout... Si on veut avancer dans le débat, il faut se pousser un petit peu, tous, dans nos derniers retranchements. Bon. C'est une convention collective avec une ville, qui date de 1996 jusqu'à l'an 2000 et qui contient toutes sortes de dispositions. Je ne suis pas en train de vous gronder puis de dire qu'on n'est pas fin. C'est plus compliqué que ça. Mais je veux comprendre comment vous êtes arrivés là et comment vous allez gérer la suite des choses aussi. Je pense que c'est intéressant qu'on se pose la question.

Bon. Par exemple, il y a une certaine disposition dans cette convention qui dit: «Les personnes salariées embauchées avant le 1er janvier 1998 conservent l'échelle salariale à 72 mois. L'échelle salariale de 84 mois s'applique aux personnes salariées embauchées après le 1er janvier 1998.» Il y a d'autres dispositions qui disent: «Les heures de travail des personnes salariées permanentes embauchées avant le 1er juin 1973 sont [...] – x, y, z – et celles – on parle toujours des heures de travail – pour les personnes embauchées après le 21 juin 1976 sont différentes.» C'est une clause orphelin, ça, en fonction... Si on faisait passer le test de cette convention-là avec notre projet de loi, ça ne passerait pas le cap.

Bon. Vous n'êtes pas arrivés là pour rien, j'imagine que vous avez eu à gérer... Il y avait des réalités de cette ville-là qui voulait contrôler ses coûts, etc. Vous vous êtes dit: Oui, on va faire un bout de chemin avec cette municipalité-là. Vous aviez des anciens travailleurs qui étaient là depuis un bout de temps puis qui n'avaient pas envie qu'on tire vers le bas leurs conditions de travail. Puis c'est les solutions que vous avez trouvées. Je ne les juge pas, je veux qu'on se comprenne bien. Puis là vous acceptez de jouer le jeu avec moi ou pas. Donc, vous n'avez pas négocié ça pour rien, vous étiez dans un contexte. Et, supposons que la loi s'applique maintenant, vous allez avoir du monde à convaincre, hein. Vous allez avoir du monde à convaincre parce que, là, il y en a une distinction qui est faite en fonction de la date d'embauche. Comment vous allez gérer ça? Et comment je peux articuler ça, moi, dans le projet de loi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc): Oui. Pour le contexte, ce qu'on avait à gérer, ça s'appelait la loi n° 414 du gouvernement du...

Mme Lemieux: Non, 196. Je pense que c'est avant.

M. Laviolette (Marc): C'est avant?

Mme Lemieux: Oui.

M. Laviolette (Marc): Bon, bien, c'est une bonne raison pourquoi est-ce qu'il faut légiférer...

Mme Lemieux: O.K.

M. Laviolette (Marc): ...pour ne pas que ça se permette. À la CSN, on a des clauses orphelin, on n'a pas dit qu'on n'en avait pas. On est le groupe qui en a le moins, mais on en a pareil. Ce n'est pas parce que tu en as moins que ça dispense de les examiner. Moi, je pense que c'est une des raisons pourquoi il faut que ça soit défendu. On ne peut pas laisser ça à la libre négociation, parce qu'il s'agit d'une question de droit fondamental. Même si, par démocratie, on décide parce que la majorité dans une assemblée ou parce que l'employeur l'impose puis que tu n'as pas le choix puis que la majorité décide que, même si les plus jeunes sont pris avec, on ne peut pas laisser ça à ce jeu-là, parce que c'est un droit fondamental qui est en jeu ici. Et c'est pour ça que ça prend une loi pour empêcher ça. Et les lois sont d'ordre public. Si on avait une loi, là, cette disposition-là serait tout simplement caduque parce que illégale. Ça fait que c'est ça.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Morin.

M. Morin (Éric): Vous savez, on a demandé une loi. Depuis 1986 que, nous autres, on a des positions, à la CSN, pour essayer de contrer les clauses orphelin. À un moment donné, on a essayé de faire un pacte social, mais ça ne marche pas. C'est pour ça qu'on demande une loi. C'est justement parce que des fois, oui, même s'il peut y avoir une volonté de ne pas en signer, il arrive certaines situations où est-ce que les gens sont obligés de négocier une discrimination. C'est juste qu'on trouve ça aberrant qu'on demande une loi et qu'on ne devrait pas être capable du jour au lendemain, que ce soit patronal ou syndical, de décider si on est capable d'imposer une discrimination dans une convention.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Maskinongé.

(11 heures)

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. J'aurais deux petites questions. Je n'ai pas vu, dans votre rapport, des moyens face aux recours. Vous êtes muets face aux recours. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Et, sur l'autre point, le groupe qui est passé avant vous, les médecins résidents, nous a parlé du Code civil. Avez-vous une opinion là-dessus, face à l'importance de...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gaumont.

M. Gaumont (Clément): Oui, peut-être pour un bout. Au niveau des recours, je vais vous dire, à la CSN, il se signe à peu près – en tout cas, si je pars des études du ministère du Travail – trois conventions collectives par année où il y a des clauses orphelin. Dans plusieurs cas d'ailleurs, c'est imposé – je me souviens d'un conflit dans les abattoirs, à Berthier, ça n'a pas été de gaieté de coeur que ça s'est fait; à Saint-Damase, la même chose, où il y a des clauses orphelin – mais après des conflits de travail. Moi, je ne vois pas la possibilité, s'il y a une loi, qu'il se signe des clauses orphelin; mais s'il s'en signait, à la CSN on a une tradition, c'est de défendre les salariés, et les griefs vont être défendus.

Maintenant, je comprends qu'il y a des gens, des syndicats – en tout cas, qui se donnent le nom de syndicats – qui sont plus des business qui auraient peut-être la tentation, de connivence avec l'employeur, de signer de telles clauses. Et ça pose effectivement, je pense, un léger problème parce que dans la Loi des normes, c'est clair que c'est la procédure de grief qui doit d'abord s'appliquer et c'est ton syndicat qui est ton porte-parole pour te défendre devant un arbitre. Alors, à la limite, possiblement qu'il faut, dans cette situation-là, stipuler que pour l'article 87.1 et son application on n'est pas obligé de procéder par grief. En tout cas, à la limite, laisser le choix, mais qu'il n'y ait pas d'obligation là-dessus parce que, effectivement, il y a eu des jugements de cour à cet effet-là.

Sur le bout du Code civil, je ne suis pas avocat, je ne m'y connais pas, je vais laisser ça à... S'il y a un avocat dans la salle, qu'il se lève! Ha, ha, ha! Sûrement qu'il y en a beaucoup du côté des députés, mais je ne peux pas répondre à cette question-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, là, il me reste trois minutes. M. le député de Chicoutimi aussi a une question. Est-ce que vous aviez terminé, M. le député de Maskinongé?

M. Désilets: Juste un complément. La CEQ – on les a rencontrés hier – eux autres, ils nous ont parlé du recours, de porter plainte au bureau du Commissaire général du travail. Pour vous, c'est-u une solution qui a un certain bon sens?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gaumont.

M. Gaumont (Clément): Oui, je ne vois pas de problème avec ça, hormis le fait que nos commissaires sont malheureusement débordés, hormis le fait que les délais s'étirent souvent en termes de requêtes en accréditation, congédiements, etc. Mais enfin, ça serait à analyser sans doute, mais si ça s'accompagne d'autres réformes qu'on espère, on ne pense pas qu'il y ait de problème.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Chicoutimi, il vous reste deux minutes.

M. Bédard: Deux minutes. Mon Dieu! Alors, on va faire simplement une petite... C'est par rapport aux délais d'application, pour aller au sujet, là. Je faisais la même réflexion que vous, j'avouerais, depuis le début des travaux, soit: Comment se fait-il qu'immédiatement après l'adoption du projet de loi on n'interdit pas immédiatement toute signature de nouvelle convention collective qui aurait des clauses orphelin? Or, ça m'a amené à une certaine réflexion à l'effet que pendant cette période-là il y a quand même des entreprises qui ont des clauses actuellement et qui vont s'appliquer jusqu'à... Bon, on peut signer maintenant des conventions au-delà même de trois ans, alors qui vont s'appliquer pendant cette période-là. Or, si on empêche immédiatement la signature de clauses de cette nature-là, est-ce que ça n'a pas pour effet de créer une concurrence déloyale?

Et je vous dirais, par rapport aux secteurs qui sont visés plus particulièrement... Moi, il y a un secteur... Les villes, je n'ai pas de problème avec ça, il n'y a pas de concurrence déloyale dans les villes, mais au niveau de l'alimentation. Et je comprends le principe, je suis d'accord aussi avec le principe, mais pendant une période de trois ans, c'est quand même assez important, les «mark-up» sont très peu élevés. Je me demande: Est-ce que l'État n'a pas pour effet à ce moment-là de dire: Oui, nous, on crée une situation de concurrence déloyale. J'aimerais peut-être vous entendre un peu là-dessus. Au-delà des principes, là, dans la réalité de tous les jours.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): En une minute, Mme Poulin, si possible.

Mme Poulin (Lise): D'abord, si on se rappelle, quand on a décidé de modifier les normes du travail à l'article 41.1, où c'était le statut de salarié qui faisait discrimination, on a modifié, on a donné une période de transition, bon, aux échéances de conventions, là, dans ce cas-là. Il y en a que ça pouvait être une année, d'autres deux ou trois ans. Les temps ont changé. Maintenant, le Code du travail a été modifié, il n'y a plus de limite, mais il y a des périodes de renégociation même dans ces ententes-là. Et les secteurs où on trouve la majorité des clauses orphelin, c'est au niveau de l'alimentation. Je sais qu'il y a beaucoup de monde d'inquiet par rapport à l'alimentation et aux marges de manoeuvre, mais je rappellerai qu'à 41.1, quand on a modifié les normes, on avait 50 000 000 $ en enjeu de pertes ou de coûts pour l'alimentation, juste cette modification-là. À l'époque – c'est fin des années quatre-vingt – les heures d'ouverture devaient créer des emplois à ouvrir sept jours-semaine. Une étude du ministère du Travail démontre qu'il n'y en a pas eu de créés.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Madame, s'il vous plaît. Un petit moment, j'aurais besoin d'un consentement pour pouvoir terminer la réponse. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Gobé: Pour tout le monde, Mme Poulin, c'est très intéressant, vos explications. Il me fait plaisir de vous céder quelque temps pour continuer.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il y a consentement. Merci. Je m'excuse de vous avoir interrompue. Vous pouvez continuer, Mme Poulin.

Mme Poulin (Lise): Alors, je pense que le projet de loi actuel... il faut immédiatement, comme on le dit, que la loi entre en vigueur. Si elle interdit ou elle dit que les conventions collectives devront devenir «nil», les clauses de convention, on ne s'opposera pas à ça. Mais, ce qu'on a toujours souhaité, c'est qu'on donne le temps aux parties de se rasseoir puis de modifier les affaires. En fait, c'est ça qu'on propose. Et ça s'est fait, ça va toujours se faire, il y a la possibilité de le faire. Et, quand vous dites que ça pourrait être – je ne me souviens pas du terme que vous avez employé – de la concurrence déloyale, moi, je pense que le temps pour permettre de rectifier les affaires, ça peut se faire rapidement. On parle d'un secteur où les taux de salaire ne sont pas... Et les conventions collectives, ce n'est pas difficile s'asseoir puis rectifier ça. Le temps, c'est de modifier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Maintenant, je cède la parole au député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Je ne voulais pas en parler, mais vu que Mme la ministre s'est permis de lire le journal devant la commission, vous me permettrez de peut-être faire une petite réponse. C'est vrai que la crédibilité des hommes politiques – et nous sommes dans un processus parlementaire – et des femmes politiques est mise en péril et sans doute par une partie importante de la population.

Moi, j'ai peut-être quelques explications autres que de nommer le député de Rivière-du-Loup et le député de LaFontaine. On se retrouve devant des gouvernements qui promettent des choses aux gens, devant des ministres qui promettent de légiférer dans le Code du travail pour sauver la job des employés de Bell Canada, des téléphonistes, ce qui n'a pas été fait. On se retrouve devant des gouvernements qui, en campagne électorale, promettent d'abolir les clauses orphelin alors qu'on dépose des projets de loi qualifiés par l'ensemble des intervenants de passoires.

Et là j'ai devant moi un mémoire – et je reviens à la commission. Hier, il est venu un organisme que vous connaissez bien certainement, M. Laviolette, et vous, Mme Poulin, Le Pont entre les générations, où siège entre autres votre ancien président, M. Marcel Pépin. Je vais vous lire un paragraphe de ce mémoire, je pense que ça va résumer les remarques de Mme la ministre concernant la crédibilité des hommes politiques. En tout cas, ce qu'ils ont promis en campagne électorale.

«On ne sent pas de grande conviction ni d'ardente volonté à combattre ces dispositions discriminatoires dans ce projet de loi. Au mieux, on y retrouve un geste timide posé par des gens qui n'y croient pas beaucoup. Au pire, on efface un mirage flou et indécis. Personne n'est dupe de ces entourloupettes. Le Pont entre les générations aurait souhaité l'adoption d'une loi claire et ferme applicable immédiatement.»

Voilà le genre de raisons qui font que la population a perdu la confiance envers la crédibilité des politiciens, et ça n'a rien à voir avec le travail que le député de Rivière-du-Loup fait – il le fait très bien, il défend les causes, il défend les groupes – et le travail que l'opposition libérale fait dans le même esprit. Nous voulons, nous, un projet de loi qui va correspondre à ce que nous croyons être la norme de l'équité et de la justice sociale, qui est celle de ne pas faire porter sur une partie de la population les avantages qu'une autre partie en découle, ne pas exploiter l'homme par le travail d'un autre homme. Voilà ce en quoi nous croyons, voilà ce que nous faisons ici. Et si nous prenons le temps de le dénoncer, madame, c'est parce que votre projet de loi ne correspond pas à cela et correspond encore moins à ce que vous aviez promis, vous et votre gouvernement, pour attirer le vote des jeunes à la dernière élection. Alors, quand vous lirez le journal et vous verrez ces sondages-là, pensez à vous et à votre gouvernement et faites votre examen de conscience.

M. Laviolette, moi, j'ai quelques questions. J'ai lu votre mémoire, j'y ai trouvé des choses très intéressantes, quelques divergences avec d'autres mouvements syndicaux, entre autres les gens de la Fédération des travailleurs du Québec, qui eux, dans leur mémoire, sont favorables au maintien de l'amplitude des échelons salariaux et de la transformation d'un taux unique en échelles salariales. Je vois qu'il y a une divergence entre deux porte-parole importants de centrales ouvrières de tendance nationale au Québec. Pouvez-vous m'expliquer qu'est-ce qui peut créer cette divergence entre vos deux organisations?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Laviolette.

(11 h 10)

M. Laviolette (Marc): Oui. Bien, c'est ce qui fait la beauté du Québec, le pluralisme syndical, n'est-ce pas?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laviolette (Marc): Le pluralisme syndical. Les gens ne sont pas tous pareils. Il faudrait demander à la FTQ... Vous leur avez sûrement demandé pourquoi. Nous, on pense que de transformer des taux uniques en échelles par le bas, c'est une grave erreur parce que, encore une fois, on fait porter chez les gens qui sont nouvellement embauchés, chez les plus jeunes, le fardeau d'un ajustement de l'entreprise, alors que l'entreprise est collective, là.

Une entreprise, peu importe l'entreprise, de production de biens ou de services, peu importe, c'est une organisation collective qui fait un effort pour produire des biens ou des services. Quand l'entreprise, comme entreprise, a un problème, ça doit interpeller toute l'organisation. Et quand on accepte des taux uniques, de produire des échelles pour une catégorie, on fait porter le poids de l'entreprise sur une partie de... Et, en faisant ça, on soulève une pierre qu'on se laisse tomber sur les pieds parce qu'on introduit une distorsion qui va être source de conflits un jour ou l'autre dans l'entreprise, qu'elle soit syndiquée ou pas. Soit que ça va entraîner des problèmes de productivité, de relations de travail, etc. C'est pour ça que notre principe, il est clair. Si on a un taux unique, s'il y a un problème, les parties doivent s'asseoir et on va le résoudre. Il y a différentes façons de résoudre les problèmes, mais pas en écrasant. C'est contre nos valeurs fondamentales. Ce n'est pas dans nous autres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant, M. le député de LaFontaine, il y a M. Morin qui tenait à apporter un complément d'information.

M. Gobé: Excusez.

M. Morin (Éric): Il faut dire que nous autres, à la CSN, ça fait un bout, je vous l'ai dit, qu'on réfléchit là-dessus. Il y a un comité national des jeunes à la CSN justement, on a sensibilisé les gens de la CSN, depuis 1986. Nous autres aussi, au début, quand on a commencé à parler de clauses orphelin, on parlait simplement de double échelle. Mais on a évolué là-dedans, on est allé voir plus loin. C'est pour ça qu'aujourd'hui justement on est à un processus encore plus large que bien d'autres endroits. Mais ça aide justement d'avoir un comité des jeunes.

M. Gobé: D'accord, M. Morin.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. Laviolette, vous avez cité une étude de l'OCDE. La rigueur, la réglementation n'a pas d'effet sur l'emploi, j'ai cru comprendre. Je souhaiterais que vous puissiez me faire parvenir cette partie-là parce que ça répond à un certain nombre de questionnements de notre société actuellement, et en particulier de la commission parlementaire.

On se rappellera que, lors du début de la commission parlementaire, le premier geste que la ministre du Travail a eu dans cette commission, ça a été de déposer une étude de son gouvernement, de son ministère – donc commanditée, d'accord? – qui a eu comme résultat de démontrer le lendemain, dans les journaux, que, si on adoptait une législation sur les clauses orphelin, même une passoire comme la sienne, ça ferait perdre 3 800 emplois. D'accord? Alors, c'est quelque chose qui va un peu à l'encontre de ce que vous disiez. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

D'abord, est-ce que vous trouvez normal – vous n'êtes pas obligé de répondre à celle-là – qu'on dépose une étude comme ça le matin du début d'une audience publique? Pour orienter le débat, probablement. Si vous voulez me répondre à celle-là, ça me fera plaisir, mais sinon, vous pouvez peut-être me dire pourquoi les études de l'OCDE semblent démontrer, selon vous, que la rigueur d'une réglementation dans le milieu du travail n'a pas d'effet sur l'emploi. Je vous laisse les deux choix.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc): Moi, je n'ai pas de problème à ce qu'on dépose des études qui viennent supporter le débat. Le problème, c'est que ça n'a pas d'incidence sur l'emploi. Puis les parties ont à s'ajuster, tu sais. C'est bien entendu – je reprends la même explication – s'il y a un problème dans l'entreprise et qu'on le fait porter sur les jeunes puis on dit: Si on ne le fait plus porter sur les jeunes, on va avoir un problème d'entreprise, c'est vrai, ça. Mais il faut que la solution soit portée par l'ensemble de l'entreprise. C'est que, si on enlève les clauses orphelin, peut-être que ça a un incidence sur les 3 000... Je ne me rappelle pas du chiffre, là...

M. Gobé: Les 3 800.

M. Laviolette (Marc): ...les 3 800 et que c'était la solution aux problèmes de l'entreprise puis qu'on ne trouve pas d'autres solutions, là, on a un problème. Mais la solution doit être recherchée par l'ensemble de l'organisation et non pas portée sur une minorité.

Pour ce qui est de l'étude de l'OCDE...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gaumont.

M. Gobé: Ça va?

M. Gaumont (Clément): On va vous la faire parvenir, sans problème.

M. Gobé: Ça me fera plaisir, je vous remercie, ça m'évitera d'avoir à faire la recherche. Mais je suis content...

M. Laviolette (Marc): Elle a 300 pages.

M. Gobé: J'espère que vous l'avez annotée, les bons passages. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bon. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci. D'ailleurs, j'ai eu connaissance aussi, selon des études américaines, faites aux États-Unis, dans des situations de clauses discriminatoires, que leur présence avait eu des effets négatifs sur la productivité des entreprises américaines et qu'elles avaient dû les abandonner. Vous n'avez pas lu le General Dynamics, ce matin?

M. Laviolette (Marc): Oui.

M. Gobé: Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu, nous dire qu'est-ce qui s'est passé là-bas, peut-être, rapidement, si vous l'avez en mémoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc): Bien, écoutez, la seule chose qu'on a constaté, là – je n'ai pas étudié le cas de General Dynamics – c'est qu'ils l'ont retirée. Mais je peux vous parler de cas concrets. Par exemple, sur les horaires de travail ou les nouveaux embauchés, on leur donne les pires horaires de travail. On a connu ça à Bridgestone-Firerestone. Les gens ne voulaient pas passer sur les sept jours et ils ont créé des équipes de fin de semaine pour les nouveaux, et ça a duré deux ans. C'est-à-dire, tout le monde était d'accord avec ça quand on l'a adopté, parce que les nouveaux n'étaient pas encore embauchés, mais quand ils sont rentrés, bien, ils ont dit: Ce n'est pas rien qu'à nous autres de travailler les fins de semaines. Et ça a créé des problèmes internes dans l'organisation syndicale et dans l'organisation de la production. Ça entraîne...

Tu sais, quand les gens sont insatisfaits au travail, ils sont malheureux, tu as une incidence directe sur la productivité. Et finalement, on a trouvé une solution collective aux horaires de travail dans la convention qui a suivi. C'est la même chose, je pense, c'est le même principe qui s'applique. C'est facile à comprendre. S'il y a des gens qui se sentent discriminés, habituellement ils ont tendance à s'organiser puis à résister à ça. Ou, s'ils ne s'organisent pas, ils vont résister de façon passive, individuelle ou collective, dépendant de la culture des milieux de travail. Mais ce n'est jamais bon d'avoir... Tu sais, quand on parle de convention collective, le mot le dit, «collectif», ça veut dire que ce n'est pas la grosse gang qui profite de la petite gang, il faut qu'il y en ait pour tout le monde.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous vouliez ajouter, madame? Non? Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, madame. M. Larose, Mme Poulin ou une autre personne...

M. Laviolette (Marc): Laviolette.

M. Gobé: M. Larose! Je m'excuse, hein. Mais, vous savez, après des années...

M. Laviolette (Marc): Il n'y a pas de problème. Ça reste une fleur, on a beaucoup de respect...

M. Gobé: Surtout que je vous connais bien, en plus, M. Laviolette. Je m'excuse. Je suis désolé. M. Laviolette, on sait que le projet de loi – et la ministre l'a confirmé lorsqu'elle l'a présenté et, par la suite, elle l'a répété à satiété à qui voulait l'entendre – va permettre de continuer à négocier des clauses orphelin, même après son adoption, pendant une période de trois ans.

Mme Lemieux: Je n'ai jamais dit ça!

M. Gobé: Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation?

Mme Lemieux: Ouais! Bien là...

M. Gobé: Êtes-vous d'accord avec cette façon de faire dans un projet de loi?

M. Laviolette (Marc): Bien, comme je l'ai indiqué dans la présentation du mémoire, effectivement il y a une période qui se termine au 31 décembre 2004, si ma mémoire est bonne, où on va pouvoir continuer à négocier – du moins, c'est la compréhension qu'on en a du projet de loi – des clauses orphelin. Il y a seulement deux années, dans le projet, où c'est interdit, et ensuite de ça le projet de loi s'autodétruit. On n'est absolument pas d'accord avec ça.

Nous, quand on parle de période de transition, la première des choses, ce qu'on dit, c'est que dès la promulgation de la loi, interdiction de négocier des clauses orphelin. Et pour celles qui sont déjà négociées, tu as une période de transition, qui reste à déterminer, où les parties ont à s'entendre pour trouver la solution collective aux problèmes, comme je l'indiquais tantôt. Ne pas la faire porter sur un groupe, mais que l'ensemble des groupes... Et quand je parle d'une solution collective, là, c'est solution collective dans l'organisation, pas juste pour les salariés. Je veux dire: pour toute l'organisation. Si l'organisation est en problème, ça interpelle toute l'organisation.

Donc, cette période de transition là pourrait être – moi, tantôt, je lançais trois ans – la plus courte possible, quant à nous. Une convention collective, ça se réouvre. Ce n'est pas parce qu'elle est signée... De toute façon, à la fin de la période de transition, les clauses qui demeurent deviennent illégales. C'est aussi simple que ça. Ça fait que ça force les parties à trouver des solutions autres que de faire porter sur les plus jeunes ou les nouveaux embauchés les problèmes de l'organisation.

(11 h 20)

Mme Lemieux: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Écoutez, je ne connais pas les règles par coeur, mais le député de LaFontaine, dans sa dernière question, a affirmé que j'avais dit quelque chose. Je considère que je n'ai jamais dit ça. Je ne sais pas c'est quel article, quel bout du règlement, mais là il me semble qu'il y a des limites. S'il dit que j'ai affirmé ça, je voudrais qu'il trouve la source.

M. Dumont: Je l'ai trouvé dans son étude.

M. Gobé: Je l'ai trouvé dans votre étude.

M. Dumont: Bien oui, bien oui!

Mme Lemieux: Non, on ne parle pas de preuves.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non. Écoutez, là...

Mme Lemieux: Il a dit que j'avais dit telle chose.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Autrement dit, réfutez les propos, c'est tout.

Mme Lemieux: Or, je n'ai pas dit ça.

M. Gobé: Bien, écoutez, vous déposez des études... Vous l'avez mentionné même dans votre conférence de presse quand vous avez présenté le projet de loi.

Mme Lemieux: Non, non. Vous me dites, M. le député de LaFontaine...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bon. Écoutez, je n'ai pas...

M. Gobé: Moi, je veux bien faire un débat avec vous là-dessus, madame...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Attention...

M. Gobé: ...mais il me semble que ce n'est pas l'intérêt commun. Alors, on est là pour écouter des groupes; on fera le débat après, si vous voulez.

Mme Lemieux: L'interprétation... Ah bien, écoutez, c'est vous qui...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non. Écoutez, là, un instant, s'il vous plaît.

Mme Lemieux: L'interprétation d'une étude, c'est une chose, et ce que je dis, c'est autre chose.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre, un instant, s'il vous plaît, là, je pense que la correction, elle a été faite. Je n'ai pas encore l'article du règlement, mais il n'en reste pas moins que je pense que ce qui avait à être dit a été dit. Alors, M. le député de LaFontaine, j'aimerais qu'on poursuive avec le groupe, s'il vous plaît.

M. Gobé: Oui. Très bien, Mme la Présidente. J'espère que ce temps-là ne sera pas déduit du temps qui m'est imparti pour questionner le groupe.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça a duré à peine une minute, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: D'accord. M. Laviolette, hier, la commission a entendu les gens qui sont venus de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, M. Claude Filion, le président, qui nous a fait un certain nombre de représentations. Entre autres, il dit: Interdire les clauses temporaires à échelons vers le bas; en ce qui concerne les recours, exclure l'article 102 de la Loi sur les normes du travail, qui est d'épuiser les recours avant d'avoir accès aux commissaires; ensuite de ça, commissaire des normes, la Commission aurait l'obligation de faire enquête de sa propre initiative dès qu'il aurait connaissance d'une clause discriminatoire; réduire la période de transition – d'accord? – prévue à l'article 3; et enlever, bien sûr, la clause crépusculaire qui fait en sorte que la loi sera nulle après deux ans d'existence. Est-ce que vous pensez que c'est là le cadre qu'on devrait retrouver dans une loi efficace, qui correspondrait à ce que vous, vous voulez?

M. Laviolette (Marc): Bien, écoutez, là, dans ce que vous venez...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc): Oups! Excusez. Dans ce que vous venez de m'indiquer, là où je trouve qu'il y a un problème, c'est: réduire la transition prévue à l'article 3. Nous, ce qu'on dit, la CSN, c'est: dès la promulgation de la loi, c'est interdiction de signer de nouvelles clauses, tandis que la période de transition dont on parle ici, il n'y a pas interdiction. Ce n'est pas une période de transition pour permettre aux parties qui en ont déjà signé de les enlever, c'est une période de transition qui permet aux parties de continuer d'en signer. C'est là que le bât blesse. Les autres suggestions – je n'ai pas lu leur mémoire – m'apparaissent tout à fait intéressantes et vont dans le même sens, et même complètent ce que nous-mêmes, la CSN, on affirme dans notre mémoire.

M. Gobé: Je vous remercie, et je tiens à déplorer que Mme la ministre vous ait plongé dans une bataille parlementaire, un exercice parlementaire. Je sais que vous n'êtes pas là pour ça, vous êtes là pour témoigner et faire valoir votre opinion, votre point. Je crois que vous l'avez bien fait et je tiens à vous en remercier.

M. Laviolette (Marc): Ça doit être la neige. Pour moi, c'est la neige, dehors, là!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Laviolette, vous avez bien compris qu'on est en processus parlementaire...

M. Laviolette (Marc): Bien oui!

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...qu'il arrive qu'il y ait des questions de règlement et qu'on doive faire appliquer le règlement. Alors, je reconnaîtrai donc maintenant le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, Mme la Présidente. Je pense que la CSN va très clairement au point sur une affaire, c'est que l'article 87.1, quand on le lit conjointement avec 87.2, 87.3 puis le délai, c'est un petit peu comme quand il y a des travaux sur la 20, on détourne le trafic. C'est-à-dire qu'on dit: Vous ne pourrez plus passer sur cette voie-là. Pendant une certaine période de temps, le trafic va être détourné. C'est un peu la même chose. On dit: Pendant deux ans, il va y avoir cette loi-là mais, entre-temps, passez-vous un échelon par le bas, vous allez être bons pour traverser les deux ans, puis après ça... Alors, c'est comme ça que les gens se sentent.

Et je suis surpris que la ministre essaie de faire des fausses questions de règlement avec ça parce que, je veux dire, elle a déposé un projet de loi qui va permettre de continuer à signer des clauses orphelin. Je veux dire, il faut qu'elle l'assume, là, ce n'est pas de notre faute. Elle dit: Je ne l'ai pas déclaré. On ne se souvient pas de son mot à mot mais, depuis deux semaines, en commission, elle défend les clauses orphelin. Elle a défendu les clauses orphelin devant les jeunes médecins. Je veux dire, on est obligé d'entendre l'ensemble de son propos. Si elle veut qu'on l'interprète autrement, bien, qu'elle modifie son projet de loi, qu'elle respecte les invitations que lui a faites l'unanimité des groupes des jeunes, plusieurs autres groupes. On ne peut pas accuser les gens de comprendre ce qu'on lit.

Ma question maintenant, c'est sur le caractère moral de l'offre ou de la suggestion qui est faite à l'intérieur de la loi d'aller vers des ajouts d'échelons. Je m'explique: Il y a des entreprises à l'heure actuelle qui n'utilisent pas de clauses orphelin. Et mon sentiment – vous connaissez plus les relations de travail que moi – c'est qu'à partir du moment ou le gouvernement, dans une loi, inscrit que c'est correct, ni plus ni moins, l'ajout d'échelons, c'est une procédure qui est légitime, légale, nommément dans un article de loi. Est-ce qu'il n'y a pas des entreprises, qui jusqu'à maintenant n'ont même pas eu recours à aucune forme de clauses orphelin, qui pourraient être tentées de dire: Bien, savez-vous? Je n'avais pas pensé à ça. Le gouvernement nous suggère ça, ce n'est pas fou. Ça, c'est ma première question.

Ma deuxième question, c'est sur votre dernier, dernier, dernier paragraphe, vos dernières lignes. Vous parlez d'un test pour le gouvernement. C'est peut-être plus à M. Morin que je m'adresse pour la deuxième partie. J'aimerais vous entendre plus là-dessus, ce que vous voulez en regard du mandat de la jeunesse, en regard du Sommet de la jeunesse. Qu'est-ce que vous entendez par un test pour le gouvernement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Tout en vous rappelant qu'il reste trois minutes à peu près. M. Laviolette.

M. Laviolette (Marc): O.K. Oui. Pour reprendre votre exemple de l'autoroute 20, la question morale de l'offre est l'équivalent de la flèche qui flashe, que tu vois avant le détour. Tu sais? Effectivement, ça n'a pas à être écrit dans un projet de loi, ça, c'est une incitation à, et on pense qu'on ne devrait pas. Je l'ai exposé assez clairement tantôt. Pour ce qui est du test, je pense qu'Éric est bien placé pour répondre à cette question-là, par rapport au Sommet de la jeunesse.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Morin.

M. Morin (Éric): Peut-être, quand on parle de test, on parle de volonté, de voir jusqu'où elle est, la volonté du gouvernement. La question qu'on se pose, à l'heure actuelle, avec le Sommet, c'est de savoir qu'il faut arriver au Sommet avec une certaine volonté, si on veut régler, exemple, la précarité des jeunes. On sait que les clauses orphelin ne régleront pas la précarité des jeunes. On sait, on se comprend, imaginez-vous, il y a certains débats sur les clauses orphelin mais quand on arrive pour régler, que ce soit la précarité des jeunes, bien il va y avoir des débats encore plus houleux sur cette partie-là.

Et là, tant qu'à nous, quand on parle de test, c'est que le gouvernement a la chance de montrer sa volonté de justement améliorer les conditions des jeunes Québécois, tandis que, améliorées d'une façon assez simpliste, celles-ci demande simplement une loi contrairement à, à un moment donné, quand on voudra régler, exemple, la précarité des jeunes au niveau du travail atypique ou travail autonome, ça risque de demander beaucoup plus de choses que simplement une loi. Et là on dit que c'est un test. On veut voir la volonté que le gouvernement peut avoir face à ça.

M. Dumont: Là, je comprends très bien votre propos.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Rivière-du-Loup, en 40 secondes.

M. Dumont: En 40 secondes. Non, je pense que je comprends très bien ce que vous voulez dire par un test. Je peux vous dire que le test, à l'heure où on se parle, est mal parti parce que Le Pont entre les générations – le député de LaFontaine l'a résumé tout à l'heure dans un paragraphe – nous a dit le sentiment qu'on a dans la commission. La première journée, la ministre est supposée faire la promotion d'un projet de loi. Première journée, elle lance elle-même une étude, puis elle commande son étude, puis elle souffle son étude en démontrant que son propre projet de loi n'est peut-être pas bon. C'est du jamais vu, en termes de législation.

Je vous donnais l'exemple: Quand Jean Garon a lancé le projet de loi sur le zonage agricole, il n'est pas arrivé, le premier matin, en commission parlementaire, en disant: Là, je suis en train de faire un moyen gâchis. Il est arrivé en disant: Moi, je pense que je fais un projet de loi... Puis là, on pourrait prendre tous les grands projets de loi qui ont été faits pour changer les choses dans la société. Le ministre est un promoteur des changements sociaux qu'il veut inculquer, et là...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, je regrette...

M. Dumont: ...on va demander la même chose à la ministre du Travail, peut-être.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...mais on dépasse un peu. Alors, voilà, c'est tout le temps que nous avions, M. Laviolette, merci. Merci à votre groupe pour être venu nous présenter votre mémoire. Là-dessus, je vais suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de venir s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 30)

(Reprise à 11 h 36)

Le Président (M. Bédard): Alors, on va recommencer les travaux. J'inviterais le groupe, ici, à se présenter. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Suivra par la suite une période de questions de chaque côté, le côté ministériel et l'opposition. Alors, vous avez 20 minutes, en commençant par vous présenter.


Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA) et Conseil canadien de la distribution alimentaire (CCDA)

M. Nadeau (Michel): Merci, M. le Président. Mme la ministre, membres de la commission, j'aimerais vous présenter les collègues qui sont avec moi ce matin. Mon nom est Michel Nadeau. Je suis vice-président du Conseil canadien de la distribution alimentaire. À ma gauche, deux membres de notre Conseil: M. Benoît Beaulieu, vice-président ressources humaines chez Sobeys Québec, et M. Benoît Giraldeau, directeur des relations de travail chez Métro-Richelieu; à ma droite, mon collègue Michel Gadbois, qui est président-directeur général de l'Association des détaillants en alimentation du Québec.

Pour en savoir davantage sur nos organismes respectifs, je vous invite à feuilleter l'annexe 1 de notre mémoire qui indique qui nous sommes. Également, à l'annexe de notre mémoire, vous retrouverez copie du mémoire que nous avions présenté l'an dernier à la commission parlementaire qui avait eu lieu en août.

Cette année, nous aimerions présenter à cette commission des aspects nouveaux qui ne figuraient pas dans le mémoire que nous avons déposé l'an passé. Alors, ce que nous vous proposons comme déroulement est le suivant. Je vais vous parler des impacts que nous avons quantifiés en termes économiques et en termes de pertes d'emplois. Je vais vous parler également brièvement de l'étude que le professeur Cousineau a rendue publique le 10 septembre dernier et que nous déposons à la commission si nos prédécesseurs ne l'ont pas fait. Et M. le secrétaire m'a indiqué que ça n'avait pas été fait antérieurement.

Troisièmement, nous allons vous parler de choses concrètes qui s'appliquent à notre industrie en vous illustrant quatre cas réels qui démontrent que, dans notre industrie, l'utilisation des clauses orphelin a permis non seulement de maintenir des emplois, mais même d'en créer dans certains cas. Et mes deux collègues du Conseil vont pouvoir vous expliquer ces cas réels qui se sont passés dans leurs entreprises. Et je vais demander à Michel, en terminant, de vous présenter notre recommandation et de conclure pour notre exposé.

Alors, d'entrée de jeu, je vous souligne que notre secteur est le champion des clauses orphelin, on ne le cache pas. L'an passé, M. Rioux était tombé en bas de sa chaise quand il avait appris que 82 % des employés syndiqués de notre secteur contiennent, dans leurs conventions collectives, des clauses orphelin. Le projet de loi de Mme Lemieux vient toucher un secteur qui, historiquement, a été un des meilleurs rémunérateurs des travailleurs au Québec. Depuis 50 ans, nos bâtisseurs d'entreprises, au niveau du commerce de détail, au niveau du commerce du gros, ont contribué à payer des salaires nettement au-dessus de la moyenne d'autres industries, avec des bénéficies marginaux qui peuvent varier de 35 % à 50 % du salaire de base.

Donc, avec un projet de loi comme celui-là, on vient pénaliser en quelque sorte les entreprises qui, au fil des ans, ont contribué à améliorer les conditions de nos travailleurs et travailleuses au Québec. Il est important également de souligner, pour nous, que nous sommes un secteur où la rentabilité nette est mince comme une lame de rasoir. Vous avez sûrement lu dans le mémoire que la rentabilité nette après impôts, c'est moins de 1 % et que nos coûts en salaires et avantages sociaux, ça représente 55 % des coûts d'exploitation d'un magasin d'alimentation au Québec, alors vous pouvez vous imaginer que la marge de manoeuvre, elle est très mince pour nous.

Alors, pour nous, les aspects nouveaux qu'on aimerait vous présenter ce matin, c'est d'abord que les coûts associés à l'implantation du projet de loi auraient pour nous des conséquences épouvantables en termes économiques. On parle de 90 000 000 $ échelonnés sur cinq ans. Et, durant la période de questions, évidemment nous allons pouvoir répondre à vos questions sur soit la méthodologie ou comment nous sommes arrivés à ces chiffres-là, mais, à tout le moins, ce qu'on peut vous dire, c'est que ça a été calculé à partir des écarts réels entre les doubles échelles, et ça, au niveau des trois grandes chaînes alimentaires au Québec qui constituent la très grande majorité des ventes et des emplois dans notre secteur.

(11 h 40)

Donc, 90 000 000 $ sur cinq ans comme impact. Et, tout récemment, suite à la publication par le ministère du Travail qui vient confirmer ce que nous avons dit l'an passé et ce que nous répétons encore cette année dans notre mémoire, c'est qu'il va y avoir des pertes d'emplois. On ne veut pas déclencher une guerre de chiffres ici ce matin. On endosse le principe qui a été évoqué dans l'étude économique qui a été déposée par le ministère du Travail, mais on dit et on rajoute à cela que notre secteur va être encore davantage pénalisé que ce qui est mentionné dans l'analyse.

Et j'aimerais bien, M. le secrétaire, si vous voulez passer à vos collègues... Nous avons préparé le tableau qui fait référence à l'étude d'impact qui a été déposée par le ministère du Travail et, en parallèle, nous avons mis une autre colonne qui indique ce que nous estimons que seraient les pertes d'emplois pour notre secteur, qu'on estime à trois fois et demie ce qui a été déposé par le ministère du Travail. Donc, on parle d'un écart assez considérable, on parle de 7 000 emplois perdus dans notre cas, seulement dans l'alimentation. Mais, de toute façon, l'important, c'est de déterminer qu'on a un risque réel de perte d'emplois. Et, avec le taux de chômage qu'on a actuellement au Québec, on ne peut pas se permettre de perdre un seul emploi, Mme la ministre, je pense que vous allez être d'accord avec moi là-dessus.

Donc, des impacts économiques, des impacts en termes de perte d'emplois. Il y a une étude du professeur Cousineau, qui est un professeur en relations industrielles à l'Université de Montréal, qui démontre, après avoir fait le tour de la question à l'extérieur du Québec, aux États-Unis, que les clauses orphelin, c'est un outil, un levier qui est utilisé dans le processus de négociation, et il n'y a aucune réglementation qui est en voie d'être déposée dans ces institutions-là. Nous avons également fait des recherches en Europe, et, également en Europe, les clauses orphelin sont utilisées dans certaines industries, et il n'y a pas de réglementation qui existe pour les empêcher non plus.

Alors, là-dessus, j'aimerais demander à mes deux collègues, ici, d'illustrer par des cas concrets des situations qui se sont passées dans leurs entreprises avec des cas réels, et nous allons commencer avec mon collègue Benoît Giraldeau, qui va exprimer le premier cas. Ça va être suivi de mon autre collègue, Benoît Beaulieu, qui va faire un autre exemple, et ainsi de suite. Alors, Benoît.

M. Giraldeau (Benoît): Alors, bonjour, tout le monde. Le premier cas – parce qu'on s'est penché sur des situations vécues – remonte à 1993. On avait un de nos centres de distribution dont la survie était menacée par des changements importants de marché à l'échelle pancanadienne. Au niveau des viandes en particulier, il y avait eu des changements profonds au niveau des conditions de travail, et on était dans une position soit de fermer complètement ce secteur-là et de voir plusieurs emplois se perdre ou de s'ajuster au marché. Alors, à ce moment-là, il y a eu une négociation collective, et, parmi les différents choix qui ont été faits à ce moment-là, il y a eu des concessions faites par l'ensemble des salariés, qui ont abandonné certains bénéfices, certains avantages, mais il y a également eu l'introduction d'une nouvelle échelle salariale pour les salariés qui seraient embauchés par la suite.

Parallèlement à ça, il y a eu des demandes pour mettre en place un programme de départs volontaires et pour permettre à des gens d'un certain âge de pouvoir volontairement quitter leur poste pour permettre à des nouveaux d'entrer dans l'usine. Alors, le règlement s'est fait. Il y avait association à un investissement d'environ 12 000 000 $ qui a été fait par la suite, et 83 employés ont bénéficié d'un programme de départs volontaires qui a coûté aux alentours de 1 200 000 $ à l'entreprise. Par la suite, il y a 111 nouveaux employés qui ont été engagés pour travailler dans ce secteur-là. Il y a donc eu une création nette d'emplois, et, aujourd'hui, évidemment, l'écart salarial subsiste toujours.

Et l'exercice qu'on a fait, c'est que, si on avait à appliquer un projet de loi comme celui qui est sur la table, bien, ça causerait une augmentation instantanée de la masse salariale aux alentours de 7 %, ce qui, soit dit en passant, est beaucoup plus élevé que ce qu'on peut retrouver dans l'étude du ministère, qui parle de 1,69 %. On est dans un secteur, ici, de gros, de distribution alimentaire, et, évidemment, l'impact de cette hausse de la masse salariale nous rendrait à nouveau non compétitifs par rapport au secteur. Donc, on a là, ici, un premier cas concret où il y a eu des investissements reliés à l'acceptation, par un ensemble d'employés, de nouvelles conditions pour se rendre conformes au marché. Et des nouvelles conditions qui, soit dit en passant, sont équivalentes à celles qui s'offrent dans ce secteur-là et, évidemment, comme je l'ai dit tantôt, des primes de départ qui ont été payées pour un montant de 1 200 000 $. Alors, vous avez là un premier cas concret de l'impact qu'une telle loi pourrait avoir sur un de nos secteurs chez nous.

Une voix: ...

M. Beaulieu (Benoît): Oui. Alors, bonjour, tout le monde. Le deuxième cas que je voudrais illustrer ressemble, à certains égards, au premier qu'on vient de voir. Essentiellement, dans le deuxième cas que vous avez au mémoire, à la page 10, c'est un distributeur qui prévoit effectivement investir 12 000 000 $ dans l'agrandissement. À l'origine, la question qui se posait, c'était: On agrandit le centre actuel ou encore on en bâtit un deuxième à côté ou ailleurs au Québec? Alors, la décision a été prise d'agrandir ce centre-là au coût de 12 000 000 $, et la conséquence venait qu'on consolidait par un mégacentre, un méga-entrepôt. Et des centres de distribution, au Québec, qui ont 400 employés, là, il n'y en a pas des tonnes. Alors, on venait consolider les 400 emplois actuels et on prévoyait en embaucher une centaine de nouveaux par l'agrandissement de cet entrepôt-là qui, d'ailleurs... Je peux vous le dire au moment où on se parle, on pensait embaucher une centaine d'employés d'ici 2005, et c'est un cas de 1998, et, près de pas tout à fait deux ans après, on a une cinquantaine d'employés, déjà, d'embauchés pour vivre dans cet agrandissement-là.

L'investissement d'agrandissement dépendait évidemment de la signature d'une convention collective. Vous avez un certain nombre de chiffres. C'est deux échelles, bien sûr. Vous avez une première échelle qui variait de 13 $ à 21 $ et une deuxième échelle qui varie de 10 $ à 16 $. Tantôt, j'écoutais nos prédécesseurs, il y a des questions qui étaient posées, on parlait de conditions minimales. 13 $ à 21 $ ou 10 $ à 16 $ de l'heure, on est loin des conditions minimales, c'est des bonnes conditions. Quand on rajoute 50 % de bénéfices marginaux, là, on est loin des conditions minimales malgré une deuxième échelle. Effectivement, également à ça, dans la convention collective on a créé une nouvelle charte de bénéfices pour les nouveaux employés, ce qui a eu un impact global.

Un autre point, qui ressemble au cas qu'on a vu tout à l'heure, c'est qu'on a mis en place un programme de préretraite pour forcer l'attrition, pour rentrer le plus de nouveaux employés dans la nouvelle échelle, et on a également instauré un programme de rachat des années de service pour, encore là, maximiser l'effet de la nouvelle échelle à un taux de 10 $ à 16 $ par rapport à 13 $ à 21 $.

Concrètement – pour prendre 30 secondes pour vous expliquer – un programme de rachat, quand on l'explique comme ça dans le «day-to-day» – puis ce n'est pas unique, cette disposition-là chez nous – c'est de calculer les gens qui sont, exemple, à 21 $ de l'heure dans l'ancienne échelle, les ramener à 16 $ de l'heure dans la nouvelle échelle et de combler l'écart pour un nombre d'années, dans notre cas, qui a été pour les trois prochaines années. C'est ça, un programme de rachat. On les prend de l'ancienne échelle puis on les met dans la nouvelle, et on comble la différence pour les trois prochaines années. Donc, quand on parle d'un programme de rachat d'ancienneté, c'est cette mécanique-là qui est appliquée.

Tout ça pour vous dire qu'en bout de ligne ce programme-là – autant les retraites anticipées que les programmes de rachat pour chercher à avoir le plus de monde dans la nouvelle échelle – a coûté environ 3 000 000 $ dans le cas présent. Et, quand dans le mémoire on voit que cette nouvelle échelle-là ne va prendre effet qu'à la quatrième année, c'est bien évident parce qu'on a compensé les trois premières années des employés qui sont passés de l'ancienne à la nouvelle échelle, d'une part. Puis, d'autre part, le fait d'avoir forcé les retraites anticipées a eu pour effet que l'attrition, dans les prochaines années, va être beaucoup plus réduite parce que ceux qui avaient à partir parce qu'ils étaient près de la retraite sont partis dans le cadre de ce programme-là. Donc, quand on dit que les clauses orphelin ont un effet à très long... on parle de plusieurs années, bien, c'est bien évident, là, que c'est plusieurs années, notamment dans ce cas-là.

Le Président (M. Bédard): Ça va?

M. Giraldeau (Benoît): Le cas numéro 3 est un cas qu'on pourrait multiplier à de nombreux exemplaires partout à travers la province de Québec. Si on regarde, on est, ici, dans une municipalité de la Rive-Sud, à Longueuil, sur le boulevard Roland-Therrien. Il y a là un supermarché a qui existe depuis environ 20 ans. Là, je suis à la page 10 du mémoire. Si on regarde rapidement les principales conditions de travail de ce supermarché-là, on se rend compte que, par rapport à deux nouveaux concurrents qui se sont installés dans les dernières années, soit un en novembre 1997 et un en avril 1998, déjà, au niveau des conditions de travail, qu'on parle des heures de travail, de certaines primes, bonis, vacances, les conditions sont plus généreuses que le compétiteur, sauf que, jusque-là, il n'y a pas de clauses orphelin.

(11 h 50)

Quand on arrive au niveau des taux de salaire, on se rend compte que notre supermarché a, qui est là depuis 20 ans, a deux échelles de salaire: une qui, par exemple, si on prend une classification qui est très représentative dans un supermarché – prenons les commis A – on voit un taux maximum de l'échelle à 12,76 $ par rapport à un taux d'employés hors échelle à 13,54 $. Alors, ça, c'est ce qu'on appellerait une clause orphelin selon le projet de loi. Il y aurait une clause orphelin dans chacune des classifications qui sont mentionnées.

Si on jette un coup d'oeil chez les concurrents qui sont installés, évidemment, eux, ils n'ont pas de clauses orphelin. Ils ont ouvert, tout le monde est arrivé en même temps. Ils n'ont pas, depuis 20 ans, négocié convention par-dessus convention. Qu'est-ce qu'on remarque? On remarque que les mêmes commis A sont rémunérés, dans un cas, à 10,35 $ de l'heure maximum et, dans l'autre cas, à 11,60 $.

Alors, quelles conclusions peut-on tirer de ça? C'est qu'une loi qui empêcherait des clauses orphelin viendrait pénaliser le meilleur payeur des trois qui, d'emblée, même au niveau de la clause orphelin, offre des conditions supérieures à ses concurrents. Alors, nous, on s'interroge beaucoup sur l'impact d'une telle loi qui favoriserait, dans le fond, les nouveaux arrivants sur le marché. Puis des nouveaux arrivants qui, dans bien des cas, sont souvent non syndiqués ou arrivent de l'extérieur du Québec. Donc, on pense que ça viendrait carrément pénaliser des gens qui sont là depuis 20 ans – et plus dans certains cas – qui ont bâti le marché. Et, comme je vous le dis, on n'a même pas examiné dans cette analyse-là l'impact, par exemple, des bénéfices qui représentent des coûts additionnels par rapport à la concurrence. Alors, ça nous apparaît un exemple très, très clair d'un impact négatif d'une telle loi sur le commerce au Québec.

M. Beaulieu (Benoît): Et le quatrième cas, c'est encore un distributeur alimentaire, et il vient toucher, dans ce cas-là, une corde sensible, toute la notion de sous-traitance. On sait qu'on est interpellés souvent à ce niveau-là. Ce cas-là illustre qu'il y avait un sous-traitant dans des entrepôts qui faisait le travail de déchargement des remorques, des vans, et, suite à la signature d'une clause orphelin pour l'intégration de ces salariés-là au sein de la compagnie, ça a permis la consolidation de... On parle de 349 postes, dans l'ensemble de ces entrepôts-là, qui étaient donnés à la sous-traitance et qui avaient des conditions de travail et de salaire qui variaient de 6,90 $ à 7,50 $, pour amener à une échelle de salaire de 8,50 $ à 18,14 $. L'effet direct d'une clause orphelin, parce que la nouvelle échelle varie de 8,50 $ à 18,14 $ au lieu de l'échelle actuellement en vigueur qui est de 13 $ à 22 $... Alors, la conséquence de ça, c'est la consolidation de 349 emplois. Puis, incidemment, la moyenne des salaires payés à ces gens-là aujourd'hui, c'est 13,85 $. Alors, c'est carrément un effet où, à ce moment-là, ça a annulé la sous-traitance et ça a consolidé ces emplois-là au sein de l'entreprise. Puis là je ne vous reparlerai pas encore du pourcentage des bénéfices marginaux qui s'appliquent à ces gens-là, qui sont propres à notre industrie.

M. Nadeau (Michel): Merci, Benoît. Alors, je demanderais maintenant à Michel de vous présenter notre recommandation et de conclure.

M. Gadbois (Michel): La recommandation est fort simple, c'est de retirer le projet de loi, tout simplement. Je voudrais quand même l'entourer, il y a des solutions. Il y a d'autres solutions, mais, chez nous, les conditions qui ont créé l'utilisation de ces clauses-là n'ont pas changé, même elles s'amplifient. Croyez que, dans le secteur de l'alimentation, qui est le plus important pour l'impact des clauses orphelin, ce n'est pas pour le plaisir de la chose que ça s'est fait, c'est tout simplement parce que, effectivement, il y a des pressions dans un marché qui n'est plus mature. C'est un marché qui est saturé. Quand on parle de pressions par les entreprises extérieures, les Wal-Mart, les Club Price, etc., on leur tient tête, mais ils ont déjà grugé 15 % du marché.

Alors, pour nous, c'est évident... Quand je dis pour nous, là, je le spécifie un petit peu plus, c'est les entreprises qui sont établies depuis une cinquantaine d'années. Ces propriétaires, les familles québécoises qui ont ces entreprises-là depuis des années, vous en avez tous dans vos comtés. Chacun de vous a au moins, je dirais, pas loin de 1 000 employés du secteur alimentaire dans son comté, puis vous avez sûrement une centaine d'entreprises de ce secteur-là. Elles ne sont pas toutes affectées par les clauses, mais, essentiellement, ce que vous devez comprendre, c'est qu'elles sont toutes à risque.

Quand on parle de 7 000 emplois qui disparaissent, ce n'est pas juste des emplois – déjà ça, c'est horrible juste d'y penser, et c'est sérieux – parce que c'est des éléments avec lesquels on tient la compétition au Québec. C'est les seuls éléments qu'on a. On n'est plus capables, là, on est au fond du baril des éléments qu'on possède. Donc, ce que je vous dis, c'est que, quand il y a 7 000 emplois qui disparaissent, ils vont tous partir dans vos comtés, puis, ce n'est pas juste partir, les entreprises vont devoir fermer, parce que, chez nous, ce qui fait la différence avec les Club Price puis les Wal-Mart, vous le savez, c'est le service, c'est le nombre d'employés au pied carré qu'on offre aux gens. C'est ça qui nous distingue. C'est ça que le Québec fait de différent d'ailleurs, même au Canada. La raison pour laquelle encore 70 % des marchés d'alimentation sont à propriété d'entrepreneurs québécois, c'est pour ça. C'est ce type de magasins là, supermarchés, moyens, grands, dépanneurs, etc. Ils ne sont pas affectés dans les plus petites surfaces, mais, pour rester en vie, c'était essentiel.

L'autre élément qui est important, c'est que ça a été fait de bonne foi, et les syndicats qui travaillent avec nous depuis des années l'ont fait de bonne foi. C'était la solution, et, dans le contexte, les raisons qui nous ont portés à faire ça ne disparaîtront pas. Alors, si ce n'est pas possible de les utiliser, c'en est fini pour beaucoup de commerces, parce que, dans certains commerces, vous éliminez 10 emplois, puis le commerce ferme, il n'est pas capable de compétitionner parce que sa différence n'existe plus par rapport au Wal-Mart.

Il y a des solutions, en conclusion, et on...

Le Président (M. Bédard): Il vous reste 10 secondes pour les solutions.

M. Gadbois (Michel): D'accord. Les solutions passent par une chose, c'est s'attaquer au vrai problème, les droits acquis. C'est ça, la raison pour laquelle il faut négocier. Et, le deuxième, c'est l'éducation. Et on est les seuls à avoir un programme de formation universitaire pour les jeunes, pour embarquer comme professionnels dans notre secteur. Et, on l'a mis sur pied, on a dépensé de l'argent, il est dans le réseau de l'UQAM, alors ce n'est pas juste des paroles, qu'on vous dit, on travaille là-dessus. On pense donc qu'il faut le retirer, repenser l'approche.

Le Président (M. Bédard): Merci. Alors, on va passer maintenant à la période de questions.

M. Nadeau (Michel): Je vais demander, M. le Président...

Le Président (M. Bédard): Oui.

M. Nadeau (Michel): ...pour le bénéfice de mes mauvaises oreilles, de s'assurer de bien utiliser le microphone et de parler le plus près possible pour que je puisse entendre.

Le Président (M. Bédard): Parfait. Et simplement me faire signe, à ce moment-là, si vous entendez mal, puis je vais rappeler à l'ordre les personnes.

M. Nadeau (Michel): Merci.

Le Président (M. Bédard): Alors, j'inviterais tout d'abord la ministre, Mme Lemieux, à faire ses commentaires.

Mme Lemieux: Alors, M. Nadeau, bonjour. Je salue aussi vos collègues qui sont là. Écoutez, je ne sais pas trop comment je vais aborder cette période d'échanges avec vous, parce que vous savez qu'on m'a reproché, on m'a beaucoup reproché d'avoir introduit dans le projet de loi des éléments de souplesse. Il y a beaucoup de gens qui auraient voulu que je codifie strictement le principe et que je ne me préoccupe pas du reste. J'ai fait le choix de codifier un principe, c'est vrai, mais de tenir compte de la réalité. J'ai fait le choix que ce soit un projet de loi gérable, vivable, qui aurait le plus d'effets positifs possible, donc le moins d'effets négatifs.

Vous savez que j'ai rencontré beaucoup de gens. Vous faites partie des gens que j'ai rencontrés. Vous savez... Ça, vous le savez très bien, vous lirez, là, tous les jours qu'on a siégé ici, le supermarché a et le supermarché b, j'en ai beaucoup parlé, et que le secteur de l'alimentation, il est préoccupant, et je partage cette préoccupation-là. La preuve, c'est qu'on l'a documenté dans notre étude. Vous ne pouvez pas me reprocher, ni au gouvernement, de ne pas avoir considéré ça.

Je sais très bien que la rentabilité de ce secteur-là, elle est mince. Comment vous avez dit ça, comme une feuille?

Une voix: ...

Mme Lemieux: Comme une lame de rasoir. Mais là le problème que j'ai, vous dites: J'ai lu votre communiqué de presse. Vous dites: Le gouvernement s'est lancé les yeux fermés en déposant un tel projet de loi. Je peux-tu vous dire que ça me reste un peu dans la gorge? Parce que ce n'est pas vrai qu'on s'est lancés les yeux fermés. Si on s'était lancés les yeux fermés, on aurait dit: Pas de clauses orphelin, point. On n'aurait pas essayé de trouver des modalités, des règles. On prévoit que le réaménagement des échelons, c'est une possibilité. On a fait des efforts de flexibilité, et on me le reproche.

Alors, la difficulté que j'ai... Et j'ai essayé de tous nous pousser dans nos derniers retranchements, si on veut avancer, parce qu'il y a un problème. Il y a un problème, les jeunes sont extrêmement en colère par rapport à ce dossier-là. On a vu des jeunes enseignants... Bon, enfin, je ne vous sortirai pas tous les exemples, mais nous avons un problème collectif, et, pour toutes sortes de raisons, il ne s'est pas géré, et là c'est le législateur qui doit intervenir. Alors, moi, je comprends que vous teniez la position dure de dire: On retire le projet de loi. Mais, là j'aime autant vous le dire, il y a un projet de loi et, jusqu'à nouvel ordre, il y a toujours un projet de loi. Alors, là, vous dites: Retirez le projet de loi. Ouais, good deal! Mais comment on va faire pour passer à travers ce problème-là?

Et l'autre élément que je veux partager avec vous, je ne veux pas revenir... Enfin, il y a des éléments de votre étude, là, il y aurait des questions techniques. Mais, comme on le sait que le milieu de l'alimentation est particulièrement affecté par les clauses orphelin – je ne pose pas de jugement là-dessus, on le constate – si la nouvelle règle du jeu est la même pour tout le monde, on va trouver d'autres solutions. Je ne peux pas croire qu'on ne trouvera pas d'autres solutions.

(12 heures)

Et, finalement, je comprends que vous voulez bien faire valoir votre point de vue. Vous dites: Il faut retirer le projet de loi. Et là vous annoncez des catastrophes nationales, en termes de nombre d'emplois perdus. Vous savez, l'enquête du ministère du Travail, on me le reproche encore. Hein, si on n'avait pas fait d'étude d'impact... Il faut se brancher. On veut-u documenter les effets d'une loi, oui ou non? On l'a fait. Mais ce qu'on dit là-dedans, c'est que, si on ne bouge pas, il y a un potentiel de pertes d'emplois. C'est bien évident. Si notre seule manière de résoudre les problèmes, c'est la manière actuelle, oui, il y a des risques de pertes d'emplois. Mais on sait que, dans certains cas... Prenons le cas des municipalités, les municipalités sont aussi affectées par les clauses orphelin. Mais toutes les municipalités n'ont pas réagi de la même manière. Il y en a qui n'en ont pas négocié.

Alors, moi, je vous demande de nous aider. Je veux dire, vous pouvez continuer à plaider qu'il faut retirer le projet de loi, mais là de deux choses l'une, ou on essaie de trouver des solutions... Je suis dans un méchant dilemme. Et je n'ai pas cessé de véhiculer les exemples du secteur de l'alimentation, puis vous m'arrivez ce matin, vous me dites: Retirez le projet de loi. Mais comment on va le régler, le problème?

M. Nadeau (Michel): Mme la ministre...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui.

M. Nadeau (Michel): ...la première partie de votre question, notre élément de solution, nous, comment on peut vous aider, c'est justement de s'adresser à la racine du problème. Et puis, pour nous, il y a des éléments de compétitivité, de structure de marché qui ne peuvent pas se régler comme problèmes par des réglementations.

Je vous donne un exemple. Quand vous regardez l'industrie aéronautique ou de l'informatique, où c'est un secteur qui est en pleine croissance et puis où la demande est très forte et où on offre une job de 40 000 $ par année puis on ne l'a pas parce que le marché paie 60 000 $, bien, c'est ça, la réalité.

À l'inverse, si vous avez un secteur ou une industrie où on est à maturité, où il n'y a plus de croissance, où, à ce moment-là, on est obligé de faire certaines concessions, où on fait face à des récessions, bien, ce n'est pas des mécanismes de réglementation gouvernementale qui vont régler le problème, c'est des mécanismes comme on a commencé à utiliser avec les clauses orphelin qui vont être capables de nous sortir du trou.

Puis, pour faire ça, pour aller plus loin dans l'étape suivante, on se dit: Mettons les principaux intervenants à une même table et essayons de trouver des solutions en mettant les vaches sacrées sur la table. Les droits acquis, l'ancienneté, les listes de rappel, la sous-traitance, ce sont toutes des choses qu'il faut qu'on regarde très sérieusement pour être capable d'arriver avec des compromis puis des solutions qui vont être achetables pour tout le monde. Actuellement, on n'a pas de marge de manoeuvre, on ne peut pas fonctionner. Mais, si on s'attaque aux vrais problèmes, je pense qu'on va être capable de trouver une solution.

M. Giraldeau (Benoît): J'ajouterais à ça, moi...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Beaulieu. M. Beaulieu?

M. Giraldeau (Benoît): Giraldeau.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Giraldeau. Je m'excuse.

M. Giraldeau (Benoît): J'ajouterais à ça tantôt que j'étais ici, dans la salle, quand M. Laviolette a fait son intervention et, quand on dit que le problème n'est pas géré, je trouve qu'il a donné un excellent exemple de gestion de ce problème-là quand il a mentionné que, dans un contexte où il y avait eu des nouveaux arrivants pour des nouveaux horaires, après un certain temps, les gens se sont assis ensemble et ont retravaillé ça. Et ça, moi, j'appelle ça la libre négociation.

On sait très bien, puis on le mentionne à plusieurs places dans notre mémoire, que toutes ces clauses orphelin là n'ont pas été imposées. La situation imposait des choix, les choix ont été faits. Et ce qui n'est pas interpellé, d'aucune façon, à ma connaissance, c'est la fameuse question des droits acquis que M. Nadeau vient de mentionner. On dirait que ces gens-là ne sont pas dans le débat. Ces gens-là qui sont les premiers visés par la cause des clauses orphelin parce que c'est ces gens-là qui veulent protéger leur 20, 25, 30 ans de vie dans une entreprise qui leur a permis d'acquérir des bénéfices, ils ne sont pas ici pour s'exprimer, ces gens-là. Mais, si on leur disait qu'ils sont menacés dans leurs conditions de travail, je suis convaincu qu'ils seraient ici les premiers à venir dire: Un instant! cette business-là, on l'a créée, on l'a développée, on a le droit de maintenir ce qu'on a.

D'ailleurs, on voit des exemples, moult exemples. Quand les heures d'affaires ont été changées par le gouvernement, au début des années quatre-vingt-dix, dans la loi même, il y avait une clause orphelin qui nous disait à nous: Vous allez protéger les gens qui sont chez vous depuis des années en leur interdisant ou en leur laissant sur le volontariat l'obligation de travailler le dimanche. Alors, on ne les a pas inventées, les clauses orphelin. Donc, je pense qu'il faut se poser les vraies questions. Et les droits acquis, moi, je n'entends pas beaucoup de commentaires par rapport à ça ici.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, pour un complément d'information, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Benoît): Oui, brièvement...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Là, c'est bien M. Beaulieu cette fois-ci?

M. Beaulieu (Benoît): Oui, M. Beaulieu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci.

M. Beaulieu (Benoît): L'autre Benoît. Notre choix à nous, Mme la ministre – puis vous avez dit: Je ne sais pas comment aborder ça ce matin – était l'approche de cas, et on voulait illustrer des cas réels puis pas des cas uniques. Vous avez bien compris, à travers les cas, que c'est des cas qu'on peut répéter. Le coin de rue du boulevard Roland-Therrien, là, il y en a des coins de rue comme ça au Québec, puis pas juste à Montréal, il y en a en région également. Alors, ça a été notre choix à nous autres de parler de cas pratiques.

Deuxièmement, on ne reproche pas au ministère de faire son étude puis de sortir les chiffres. Ce qu'on dit, c'est que, à partir de l'étude qui a été faite, nous, les spécialistes de l'industrie qui connaissons les conventions collectives sur le bout de nos doigts parce qu'on les a puis on les négocie à tous les jours, on n'a pas changé la méthodologie du ministère pour arriver à l'impact emplois, mais on a ajusté des chiffres sur une réalité basée sur le travail que les trois grands de l'alimentation ont fait pour changer le chiffre d'impact d'emplois en bas. C'est ce qu'on a fait par rapport à l'étude.

Le dernier élément, c'est de se lancer les yeux fermés. Un commentaire: ce qu'on trouve curieux ou ce qu'on a trouvé curieux à l'origine, c'est de voir à ce qu'essentiellement on parle d'un taux de présence des clauses orphelin, dans la société, minime, un simple pourcentage, c'est marginal. Or, chez nous, c'est très important dans notre secteur. Et, si on en retrouve ailleurs, on en retrouve au niveau des municipalités. Alors, on a lancé un paquet de chiffres en disant: Bien, des clauses orphelin, il n'y en a pas partout, là. Mais, chez nous, ça vient nous interpeller parce que, effectivement, il y en a. On est en concurrence, puis c'est un levier, pas un levier unique de l'employeur, c'est un levier qu'ensemble avec les employés on a levé. Donc, c'est en réponse par rapport aux yeux fermés, là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça complète donc. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Mais vous allez comprendre, là... Peut-être que vous allez me trouver un peu brutale, ce matin, mais, bon, de toute façon, ma réputation est faite, mais je veux vraiment... Ce n'est pas dans le but – jamais – l'objectif de confronter pour confronter, mais je pense qu'il faut faire un bout de chemin. Vous avez parlé tantôt du fait qu'il faudrait peut-être trouver une manière de requestionner les droits acquis. C'est bien évident que c'est ça qui est en cause. Je constate aussi que, dans le secteur de l'alimentation – puis ça, je l'ai dit à plusieurs reprises – vous avez un peu raison de dire, M. Beaulieu, que le taux... D'abord, c'est assez ciblé, c'est vraiment dans certains secteurs. Les taux, on est à peu près à moins de 7 %, de ce qu'on en sait évidemment, parce qu'on ne peut pas documenter le secteur non syndiqué, méthodologiquement parlant, c'est presque impossible.

Mais il reste que, moi, ce qui m'inquiète, c'est: Est-ce que c'est en train de s'incruster dans nos pratiques de rémunération, nos pratiques salariales? On reste quand même avec un problème. Et je reviens à la question des droits acquis. Concrètement, comment on met ça au jeu, cette question-là – si vous me dites qu'il faut agir à la source – concrètement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Gadbois.

M. Gadbois (Michel): Oui. Je pense que je vous ai choquée un peu tout à l'heure, mais c'était volontaire.

Mme Lemieux: Ha, ha, ha!

M. Gadbois (Michel): Essentiellement, je pense que vous venez de mettre le doigt dessus. Le problème... Il faut faire attention, on est en train de créer des sorcières ou des espoirs pour les jeunes, qui ne sont pas les solutions véritables au problème qu'on veut régler. Les clauses orphelin, si vous regardez l'étude du professeur, il n'y a pas eu une exagération, il y a comme... Dans les secteurs très ciblés qui vivent une situation très similaire à la nôtre, c'est là que, par entente, ça s'est fait pour trouver une solution.

Ce qui serait très triste, c'est que, comme groupe, on propose une loi comme étant une solution où les jeunes vont espérer avoir accès à des emplois. Ça, c'est totalement faux. Ça va être le rêve plate qui va se terminer quand les jeunes vont réaliser qu'on a mis quelque chose en place. C'est pour ça que je vous dis retirez-le. Retirez-le, parce que c'est un faux rêve, ça ne marchera pas. Première chose.

On veut laisser les jeunes entrer plus facilement sur le marché du travail, vous l'avez dit. Les règles, si vous voulez qu'elles changent... Parce que vous dites: Les règles seront les mêmes après. Ce n'est pas vrai. Les règles font que les entreprises québécoises qui ont créé ce marché-là, O.K., sont étouffées par ceux qui n'ont pas à être syndiqués et qui sont en train de nous tuer tranquillement. Ce n'est pas la concentration de la distribution qui nous tue, c'est les nouveaux arrivants du style Wal-Mart, qui n'ont pas besoin de se syndiquer. Nous, on a payé des bons salaires pendant des années pour garder notre monde puis on s'est distingué là-dessus, ne l'oubliez pas.

Alors, ce qu'on dit, c'est: Est-ce que vous voulez ouvrir la porte pour les jeunes? Attaquez-vous aux droits acquis. Comment est-ce qu'on le fait? Enlevons-nous cette épée de Damoclès sur la tête. Nous, ça nous fait très peur. C'est tragique, là. Ça arrive demain matin, je vous dis, ce n'est pas une blague que je vous raconte, là.

Alors, ce qu'on peut faire, c'est s'asseoir avec les syndicats puis dire: Honnêtement, les syndicats, interpellez vos plus anciens travailleurs... Puis, vous savez, il y a de la politique dans le syndicat, ça ne sera pas facile, parce que c'est eux qui votent dans les assemblées, qui donnent la permanence aux gens qui les représentent. Alors, essentiellement, il y a un problème à l'intérieur des syndicats de dire: Attaquons-nous à ce qui empêche les jeunes de rentrer sur un pied d'égalité sur le marché. Premier point.

(12 h 10)

Faisons ce travail-là sérieusement. La CSN dit: Faisons-le après avoir amené une loi. Moi, je vous dis: La loi est inutile, elle n'atteindra pas ses objectifs. Regardez l'étude, il n'y a pas d'exagération. Elle répond à un contexte économique particulier dans des secteurs particuliers. Enlevons ça. Travaillons ensemble.

Nous, on a déjà pris de l'avance. Ça fait cinq ans qu'on travaille sur un programme universitaire pour que les jeunes qui rentrent chez nous rentrent avec un diplôme reconnu. Il y a des crédits, et c'est donné, c'est dans un programme. Et, à ce moment-là, ceux qui vont rentrer, ils ont un avantage sur le marché. Mais ils sont bloqués en ce moment par le syndicat. C'est ça, le problème fondamental. Il faut l'adresser.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. Gadbois, le fait d'adopter cette loi-là avec des éléments réalistes, est-ce que ce n'est pas là la manière de forcer le jeu et de forcer la question des droits acquis? Sinon, quelle est l'autre manière?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Giraldeau.

M. Giraldeau (Benoît): Si vous permettez, moi, j'aurais peut-être un élément de réponse par rapport à ça. D'abord, quant au taux, l'étude du professeur Cousineau, au tableau 1, page 6, démontre qu'il y a une stabilité depuis 1994. Et c'est une étude qui actualise quand même les choses. Le tableau parle de données de 1998, donc c'est très récent. Et le taux est plus faible au Québec, en moyenne, qu'au Canada et aux États-Unis. Donc, je pense que là-dessus, au niveau de l'inquiétude, ça demeure quand même un phénomène relativement marginal.

Quant à l'emploi, on vous a dit tantôt, dans nos exemples, que souvent une clause orphelin est accompagnée d'un programme de départs volontaires. Et c'est là que la création d'emplois se fait parce que, pour tous ceux pour qui ça vaut la peine peut-être d'investir des sommes d'argent pour leur permettre de prendre leur retraite, ce sont des nouveaux arrivants qui en profitent sur le marché du travail. Donc, à ce moment-là, la création se fait par cette rotation-là. Mais l'argent qui est dépensé pour permettre aux gens plus âgés de partir, c'est qu'on escompte le rentabiliser par le fait que nos coûts vont être un peu plus bas avec les nouveaux qui arrivent.

Finalement, la solution. Si je prends, moi, l'exemple du cas 1 de tantôt, de 1993, cette convention collective là, elle a une expiration, elle va devoir se renégocier. J'ai 111 nouveaux arrivants sur peut-être 250 employés, là-dedans. Qu'est-ce que vous pensez qu'il va arriver en négociations? C'est définitif qu'il va se trouver des solutions, et les parties en négociations vont trouver des aménagements pour contenter tout le monde là-dedans.

Alors, moi, je pense qu'on est dans un système où il faut laisser la place à la libre négociation. Il y a eu un choix de fait en 1993, on se doit aujourd'hui, en 1999... Et d'ailleurs on est effectivement en négociations. C'est une préoccupation qu'on a. Et on va trouver des solutions qui sont appropriées à notre secteur à nous, pas une solution qui va être la même pour l'ensemble du Québec, mais une solution propre à ce qu'on vit chez nous.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il reste une minute. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Je vais la laisser à M. Gadbois.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gadbois.

Mme Lemieux: En autant qu'il réponde à ma question.

M. Gadbois (Michel): Oh oui! Si vous voulez vraiment une solution claire, précise... O.K.? Parce que, je vous dis, ça ne réglera rien, puis on va créer des espèces d'attente qui ne seront pas là. Le secteur public, je n'ai pas un mot à dire dessus. Si vous voulez l'appliquer dans le secteur public, pour les municipalités, c'est votre choix.

Par contre, si vous interpellez les centrales syndicales puis vous nous interpellez pour dire: On veut régler la situation des droits acquis pour voir si là-dedans il y a une possibilité beaucoup plus réelle de création d'emplois en respectant les acquis des gens qui sont là pour un bon bout de temps – je veux dire, ils ont des familles, ils ont des responsabilités, mais il va falloir qu'on trouve un équilibre quelque part – je vous dis, nous, on va être à cette table-là, puis on est prêts à en discuter. Je ne pense pas que le syndicat pourrait ne pas être là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement tout le temps qui était alloué à la partie ministérielle. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission parlementaire. Alors, c'est évident que vous représentez un secteur très important et qui est particulièrement sensible à la situation actuelle. Votre démonstration semble nous démontrer les réticences que vous avez à une réglementation qui viendrait éliminer cette plaie – qu'on peut qualifier comme ça – qu'est la discrimination.

Dans une société, la discrimination, elle est sous toutes les formes, hein, soit sur la couleur, sur la race, sur l'accent, sur la manière dont quelqu'un va se comporter par rapport à d'autres. Et il y a aussi, dans la société, de la discrimination qui fait en sorte qu'un groupe puisse tirer des avantages d'un autre groupe, de son travail, de sa présence, de ses biens ou de ses acquis. Actuellement, nous sommes dans ce cas-là.

Ce que vous nous dites – et je ne vous blâme pas de le faire, vous êtes dans une situation qui a peut-être été pour vous tellement compliquée que la seule porte de sortie était ça – c'est que, pour garder les salaires et les acquis d'une partie de nos travailleurs qui sont là depuis 25 ans, eh bien, on va engager des nouveaux moins chers, hein.

C'est un principe qu'on ne peut pas accepter. Parce que, lorsque ces travailleurs qui ont des acquis, les ont acquis, ces acquis-là, c'est parce qu'il y avait une prospérité dans l'entreprise, la compétitivité était moins forte. D'accord? C'est ça, là. Ils ont négocié à la hausse des avantages. Aujourd'hui, vous vous retournez et vous dites: Maintenant, on est moins florissants, la compétition est beaucoup plus féroce, on a besoin de se rajuster.

Alors, moi, il me semble tout à fait logique que, dans une situation comme celle-là, eh bien, que ça soit l'ensemble des gens qui, lorsqu'il y avait prospérité, étaient prêts à progresser, bien, qui, lorsqu'il y a moins de prospérité, soient prêts à concéder que maintenant ils doivent gagner moins cher, peut-être travailler plus et avoir peut-être des avantages différents. Ça, c'est la base, la justice la plus équitable. Et c'est le marché qui est comme ça. On ne parle pas du gouvernement, qui est autre chose, hein, des municipalités. Mais, dans le marché, c'est comme ça, c'est la logique.

Lorsqu'on pose la question aux syndicats, ils nous disent: Bien, nous autres, là, c'est compliqué pour nous autres. On serait prêts à faire ça, nous autres, mais c'est les travailleurs qui votent dans leurs affaires qui, eux autres, ne sont pas prêts. M. Massé de la FTQ, l'autre jour, nous disait: Nous autres, on n'est pas d'accord avec ça, des clauses orphelin. Vous les patrons, vous dites: Nous non plus, parce que vous êtes des pères de famille, vous êtes des citoyens responsables, vous n'êtes pas des gens au ban de la société.

Je suis certain que vous non plus vous n'aimez pas ça comme principe, l'inéquité. Puis je suis certain, en plus, que ça vous crée des problèmes dans l'entreprise au niveau des relations de travail. Parce qu'on ne me fera pas accroire que deux personnes qui font le même travail, qui ne gagnent pas le même salaire, à moyen terme ou à court terme, ça ne crée pas quelque part, à un moment donné, des... Ça peut être passif, ça peut être actif, mais ça crée un certain nombre de problèmes. Bon.

Moi, ce que je crois, c'est que cette situation-là, personne ne l'a voulue, elle s'est créée d'elle-même. Il était plus facile d'aller là que de prendre le taureau par les cornes. Les gens des syndicats nous le disaient. Ils disaient: Ça été plus facile... Des patrons sont venus, la semaine dernière, nous dire: Oui, on aurait aimé ça, mais, vous savez, c'est compliqué d'obtenir ça, puis là les négociations vont être difficiles, puis ça va traîner, puis, nous, on a besoin de produire puis on a besoin d'avoir la paix dans nos entreprises, donc on accepte ça aussi.

Il faut en sortir. Une société comme la nôtre ne peut pas tolérer qu'une partie de ses citoyens soient discriminés par rapport à d'autres pour assumer la partie de richesse de l'autre groupe de la société. On ne peut pas accepter ça. Moi, je ne peux pas, en tout cas, mon parti ne le peut pas, comme principe, puis je ne pense pas que vous le puissiez non plus. Il y a des présidents d'entreprises, chez vous, il y a des vice-présidents. Vous êtes des gens qui n'aimeriez pas ça, vous, dans une entreprise, un V.P. qui, pour le même travail, soit payé 50 000 $ ou 20 000 $ ou je ne sais pas combien de moins cher ou discriminé d'une autre manière: Lui, il a une plus grosse voiture, l'autre en a une plus petite. La base de la discrimination, c'est ça.

Alors, l'avantage d'un projet de loi, c'est qu'il va obliger tout le monde à s'asseoir puis à prendre les mesures nécessaires. Si vous dites qu'une entreprise, ça peut la mettre en faillite, ça peut jouer sur sa viabilité si elle ne peut plus adopter de clauses orphelin, bien, moi, je suis certain que les travailleurs qui jusque-là refusaient peut-être de négocier une répartition équitable et juste de la décroissance, eh bien, ils auront le choix là: ou ce que vous dites c'est vrai, l'entreprise va devoir fermer, ou alors on s'assoit, tout le monde, puis là, bien, tout le monde baisse, du président jusqu'au gars qui met la clé dans la porte, le soir, avant de passer la...

Alors, s'il n'y a pas de loi, ce qu'on nous dit, là, c'est que ce n'est pas réalisable parce que, d'abord, c'est compliqué, il n'y a pas forcément de volonté de tout le monde d'y arriver ou ça peut créer des remous. Une loi bien faite va avoir ça comme effet. Et c'est dans ce sens-là que je comprends vos problèmes et que je crois que c'est certainement une manière pour vous de régler votre problème. La loi va vous aider, d'après moi. Et c'est de ce côté positif là que vous devez la regarder.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, est-ce qu'il y a commentaires, réactions? Oui, M. Gadbois.

M. Gobé: J'ai mes collègues qui ont des questions à poser, après, madame.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Gadbois.

M. Gadbois (Michel): Certainement, j'ai des commentaires. Si vous nous garantissez que toute l'entreprise qui vient dans notre secteur au Québec va être syndiquée au même taux que nous l'avons fait depuis les 50 dernières années, bravo, bravo! Vous parlez de discrimination, bien, en voilà une. Pourquoi est-ce que celle-là n'est pas considérée comme une discrimination? Je ne le sais pas. Pourtant, on dit: Il y a la Charte des droits, il y a les normes du travail, etc., tout est là pour protéger les employés. Ce n'est pas des gens qui sont bafoués. On n'est pas dans une société de ce niveau-là.

(12 h 20)

Donc, ce que je vous dis au départ, c'est que, dans notre contexte à nous, on a dû réagir à une situation techniquement inéquitable dans la concurrence qu'on vit. Puis je vous le répète, ce n'est pas des grandes entreprises, c'est M., Mme Tout-le-Monde, qui ont bâti l'entreprise de deuxième, troisième, même quatrième génération aujourd'hui. C'est des entrepreneurs. C'est la base de l'économie québécoise. Puis ces gens-là, n'oubliez pas, ils donnent des jobs à tout le monde en amont dans l'alimentaire au Québec, puis c'est drôlement important.

Ce que j'essaye de vous dire, c'est que, encore, on tombe dans l'espèce de faux rêve de croire que c'est un problème majeur, au Québec. Ce n'en est pas un. Il est à deux endroits de façon très spécifique, et il n'y a pas de croissance, il n'y a pas d'abus. Il est chez nous pour des raisons très particulières. Je vous ai dit: donnez-moi un projet de loi qui syndicalise tout le monde là-dedans, c'est correct, je n'en parle plus. L'autre chose, c'est que je vous dis: essentiellement, ça ne règle rien, parce que... Appliquez-le dans le secteur public, si vous voulez le faire. Faites-le comme test pour donner bonne conscience. Mais l'exercice, il doit se baser sur les droits acquis. C'est là qu'est l'inéquité. Et vous dites au départ que l'inéquité, ce sont les clauses. Non. L'inéquité, c'est de dire: Est-ce qu'on accepte, comme société, qu'il y a des gens qui ont des droits acquis pour toujours?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Beaulieu, vous vouliez apporter un complément de réponse?

M. Beaulieu (Benoît): Oui, effectivement, puis je vais enchaîner avec ce que Michel disait. Dans votre démonstration, M. Gobé – le marché qui augmente, qui est plus florissant puis les salaires qui augmentent puis, quand c'est plus difficile, ça baisse – c'est une évidence tellement claire. Sauf que vous oubliez, je pense, cette notion-là de droit acquis, vous l'oubliez carrément. Ça ne se fait pas comme ça. Quand on augmente, on augmente, puis on est les premiers à le faire. Mais, quand on diminue, on ne peut pas diminuer sans passer par les droits acquis. C'est ça qu'on soulève.

Alors, si vous me dites: Écoutez, tout le monde va mettre la main à la pâte, on va avoir une loi qui va dire que tout le monde met la main à la pâte, bienvenue. Mais je ne pense qu'on est rendu là. Mais il ne faut pas oublier cette notion-là. C'est pour ça qu'on la brandit, cette notion-là de droit acquis, d'une part.

D'autre part, je voudrais juste attirer votre attention, encore là, sur des faits. Dans notre industrie, en 1980, les salaires... Puis là je parle de Steinberg puis de Dominion, ils ne sont pas ici pour en parler, mais c'était ça, l'industrie de l'alimentation au détail au Québec, Dominion et Steinberg. Une caissière ou un caissier qui était à un taux moyen de l'industrie gagnait 12 $ de l'heure en 1980. Ce n'est plus un salaire qu'on rencontre aujourd'hui dans nos magasins. Curieux!

Parallèlement, dans la même période, les entreprises d'alimentation, leur bénéfice n'a pas augmenté. On ne peut pas dire que l'entreprise s'est enrichie sur le dos des salaires des employés. La compétitivité a régi le marché – parce que vous parlez de marché – d'une part. Puis, d'autre part, prenez des circulaires puis regardez la laitue, on la vend le même prix qu'on la vendait à l'époque. Donc, d'un côté, le bénéfice n'a pas augmenté, au cours des 20 dernières années, les salaires ont baissé, et c'est la compétitivité qui a créé ça. Puis vous voudriez que, quand ça allait bien, payé à 12 $ de l'heure, puis aujourd'hui, bien, qu'on maintienne puis qu'on dise: On va monter ces gens-là. Je pense que ce n'est pas réaliste, dans une économie de marché. Et justement parce que l'économie de marché est là, ça a fait qu'on a réagi par des leviers comme les clauses orphelin.

M. Gobé: ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant. M. Nadeau.

M. Nadeau (Michel): M. Gobé...

M. Gobé: C'est parce que j'ai deux...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, mais il veut répondre.

M. Nadeau (Michel): ...j'aimerais reprendre la dimension aussi puis poursuivre sur l'aspect de la compétitivité. Dans notre industrie, on a colligé... Juste à titre d'exemple, pour vous illustrer les écarts qu'il y a déjà puis qui seraient, encore une fois, amplifiés avec une réglementation. On a pris 10 magasins franchisés au Québec qu'on a comparés avec 10 magasins franchisés en Ontario, pour une fonction comme un commis-caissier, par exemple. Alors, M. Gobé, savez-vous quelle est la différence du taux horaire entre les deux provinces actuellement? Le taux moyen du franchisé commis-caissier, au Québec, 12,47 $; en Ontario, 11,41 $. Il y a un écart de 1,06 $ de l'heure. Ça, c'est du cas concret. On a pris – pour ne pas les mentionner – des Métro puis des Loeb. Bon, alors, on n'a pas inventé ces chiffres-là, là. On amène un projet de loi comme les clauses orphelin. Qu'est-ce que ça va avoir comme impact? On est déjà 1,06 $ moins concurrentiels que l'Ontario. Les entreprises, elles ont des choix économiques à faire. Ça, c'est au niveau du magasin.

Je peux prendre le même exemple au niveau des entrepôts. Il serait pire encore, parce que, l'entrepôt, ils peuvent prendre la décision de le construire à Hawkesbury au lieu de le construire à Valleyfield. Puis, encore une fois, ça, on n'a pas pu le quantifier, mais c'est des risques qui sont là. Dans le contexte où on se fait braquer avec une autre réglementation – puis Dieu sait si on en a déjà sur le dos, des réglementations en matière de relations de travail puis de salaires, puis tout ça – on ne vient pas faciliter les choses pour demeurer compétitif.

Encore une fois, dans le secteur privé, nous, on dit que la solution passe par la négociation entre les parties, pour dire: La tarte est ça de grosse, comment on peut la répartir différemment? Comment on peut amener les anciens travailleurs à s'asseoir avec les nouveaux travailleurs, avec les syndicats, avec les employeurs puis à trouver des solutions gagnantes où tout le monde va faire son petit bout de chemin, mais où, en bout de piste, on va arriver avec une alternative qui va être acceptable pour tout le monde?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, il reste peu de temps. Il y a quand même deux membres de l'opposition qui eux aussi ont des questions. Je vous demanderais, si possible, d'accélérer ou de donner des réponses moins longues, la même chose pour les questions. Alors, M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, merci, Mme la Présidente. D'abord, peut-être saluer ceux qui présentent le mémoire de ce matin et vous demander, puisque je pense que vous étiez au Rendez-vous des décideurs où on parlait amplement des objectifs de croissance en agriculture: Compte tenu de ce que vous nous dites dans votre mémoire, les effets catastrophiques de l'application des clauses orphelin, est-ce que c'est un sujet que vous avez soumis à l'ordre du jour du Rendez-vous des décideurs en présence du premier ministre et des autres décideurs du gouvernement du Québec?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Gadbois.

M. Gadbois (Michel): Je vais vous répondre à vous, puis il y a une autre remarque qui m'a été donnée... Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on ne pensait pas que ça procéderait aussi rapidement. O.K.? Ce qu'on pensait, c'est que, quand il y aurait une analyse, on dirait: Oups! il ne faut pas y aller les yeux fermés.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gadbois (Michel): Les conséquences sont tellement dramatiques pour nous et l'objectif n'étant pas visé correctement, on s'est dit: Bien, avec des analyses, des études qui vont sortir préalablement, avant un projet de loi... C'est plus le fun d'avoir ça avant, etc. Parce que là on est rendu qu'on fait des batailles de chiffres. Mais, essentiellement, on aurait pu interpeller. Mais là, on ne s'y attendait pas. Ce qui nous a préoccupés, je peux vous dire, c'est l'équité salariale qui s'en vient. Ça, ça a un impact majeur sur notre secteur et ça va avoir un impact sur l'industrie aussi.

Mais, vous savez, des réseaux de distribution, il peut s'en construire. Il s'en construit tout le temps. C'est des entreprises québécoises, dans le réseau de distribution, qui sont en train de disparaître et qui sont à risque là-dedans. O.K.? Ce n'est pas les Wal-Mart. Est-ce que le fait d'avoir plus de Wal-Mart, les produits québécois vont être sur le marché autant que chez nous? J'en doute. Mais c'était ça, le débat à l'intérieur du Rendez-vous des décideurs.

M. Vallières: Mais je reviens, là...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Richmond.

M. Vallières: Compte tenu que vous nous dites, que c'est la catastrophe si ça arrive, il est pour le moins surprenant, moi, en tout cas, comme parlementaire, de voir qu'à une rencontre aussi importante que le Rendez-vous des décideurs, compte tenu de l'impact que vous connaissiez déjà à ce moment-là, vous n'ayez pas soumis ça comme étant un des enjeux majeurs pour tout l'ensemble du commerce du détail au Québec. Moi, je vous dis que, probablement, vous avez manqué une excellente occasion de le plaider à ce moment-là en présence du premier ministre.

Tantôt, vous avez insisté sur la rémunération d'une caissière. J'ai ici une étude de l'évolution de l'emploi et de la rémunération dans l'industrie du commerce de détail alimentaire, qui a été faite par le ministère de l'Agriculture, avril 1998, donc des données qui, somme toute, ont pu changer mais très légèrement, et qui fait un constat par rapport à la rémunération hebdomadaire moyenne pour l'ensemble des salariés du secteur. Je vais vous en lire un petit bout, puis vous me direz ce que vous en pensez.

On nous dit que «la rémunération hebdomadaire moyenne, incluant le temps supplémentaire, pour l'ensemble des salariés dans le commerce de détail alimentaire est nettement supérieure en Colombie-Britannique, en Ontario qu'au Québec». Et on nous dit que «l'écart atteint en 1997 une marge appréciable de 35 % entre la rémunération moyenne du travailleur en Colombie-Britannique et du Québec. Les salariés québécois étaient mieux rémunérés que ceux de l'Ontario jusqu'en 1990. Depuis 1991, l'écart tend à être sensiblement le même d'année en année entre le Québec et l'Ontario au bénéfice des travailleurs de l'Ontario. Au total, les salariés du Québec avaient un avantage de 8 % en 1987, comparativement à ceux de l'Ontario, et c'est l'inverse aujourd'hui.»

Le constat que, moi, je fais à lire ça, c'est que, dans le fond, la masse salariale globale qui est utilisée est beaucoup plus faible au Québec que ce qu'elle est chez ceux que vous considérez comme étant vos compétiteurs. Et l'étude conclut d'ailleurs qu'ici même, «à l'intérieur du Québec, l'ensemble des salariés du commerce de détail alimentaire sont en moyenne moins bien rémunérés pour une semaine de travail que ceux de l'ensemble du commerce au détail. Il n'y avait pas un tel écart en 1987. L'écart s'agrandit peu à peu avec le temps et atteint maintenant 15 %, soit environ 43,50 $ par semaine.»

(12 h 30)

Moi, ce que je voudrais savoir de vous, c'est: Est-ce que vous identifiez la présence de clauses orphelin dans cette situation-là ou est-ce que vous avez pu quantifier l'impact de l'application ou de l'élimination des clauses orphelin par rapport à la situation qui est décrite dans ce document? Et est-ce que vous partagez cette information-là? Est-ce que vous êtes d'accord avec l'étude du ministère de l'Agriculture?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, très rapidement parce qu'il reste une minute, messieurs, pour répondre à ça. M. Nadeau, une minute.

M. Nadeau (Michel): Écoutez, je n'ai pas pris possession de cette étude, j'aimerais la consulter après la conférence et regarder la méthodologie qui a été utilisée. Mais évidemment...

M. Vallières: Votre point de vue sur le niveau de rémunération des employés au détail?

M. Nadeau (Michel): Mais il faudrait que...

M. Giraldeau (Benoît): Peut-être une précision. Ce que M. Nadeau a donné tantôt comme chiffres, qui semble contredire votre étude, ça dépend comment on analyse le taux, de quoi il est composé. Si on prend les échelles régulières en Ontario, effectivement il y a un écart important, les taux sont plus élevés. Exemple: 15,33 $ pour la caissière par rapport à 13,02 $, nous, pour la plus payée, puis 11,91 $ pour la moins payée. Par contre, en Ontario, où il n'y a pas de contrainte, dans ces mêmes conventions collectives, on a une échelle de temps-partiels pour engager avant une telle date à 10,75 $; une pour les engager après, à 10,29 $; une pour les étudiants en haut de 18 ans, à 10,68 $; puis une pour les étudiants en bas de 18 ans, à 9,99 $. Alors, quand vous mettez tout le mixe des heures faites par ces gens-là, c'est là que vous arrivez avec un écart positif pour le Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. C'est donc tout le temps dont disposait l'opposition officielle. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. Je souhaite la bienvenue à un groupe qui est certainement touché, interpellé directement par le sujet. D'abord, j'ai une première réflexion pour vous inviter quand même à une certaine prudence. C'est toujours difficile de plaider les intérêts des autres. Et quand vous nous dites que ce n'est pas souhaitable que ça arrive aux jeunes, après deux commissions parlementaires où, au total, des jeunes représentant je ne sais pas combien de centaines de milliers de jeunes sont venus unanimement dire la même chose, c'est peut-être une grosse erreur de jeunesse mais, en tout cas, si c'est le cas, c'est toute la jeunesse québécoise qui se trompe. Et de venir nous plaider ce qui est l'intérêt de tout ce monde-là qui se trompe, c'est un peu délicat, tout en reconnaissant – puis ça tout le monde le reconnaît – qu'effectivement ça ne réglera pas l'ensemble du problème de l'emploi des jeunes. Je pense qu'il y a un groupe – je ne me souviens pas quel groupe – qui a bien résumé ça. Par contre, on peut dire que c'est la pointe de l'iceberg. Mais si on n'est pas capable de régler ça, ça augure mal pour le reste.

Là où je veux vous amener, c'est que M. Gadbois nous a dit: Si vous nous convoquiez à une table où on mettrait sur cette table-là la question des droits acquis par rapport à la question des jeunes, on y participerait. Bien, moi, je vais vous dire: Vous y êtes convoqués parce que c'est de ça dont il s'agit. Jusqu'à maintenant, particulièrement dans votre secteur, dans le secteur municipal... En passant, ce qui est commun à l'ensemble des secteurs et des clauses orphelin, ce n'est pas la compétitivité – parce que dans le secteur municipal, ça n'existe pas – ce qui est commun à ça, c'est l'existence de salaires qui sont hors marché. C'est des secteurs où, à un moment donné, on a échappé la rémunération puis tout à coup on est revenu dans un contexte économique différent, puis les salaires hors marché font souffrir.

Alors, la décision qu'on prend à ce moment-là, c'est de placer les droits acquis au-delà de l'équité, de dire: les droits acquis viennent en premier, l'équité vient en second, donc on introduit des clauses orphelin. Or, ce à quoi vous êtes convoqués par la loi actuelle, c'est pour inverser ça. Je pense qu'aucun des groupes qui sont venus ici ne nous ont dit: Les droits acquis n'existent pas. Tout ce qu'on dit, ce que je dis – je pense que le député de LaFontaine... – c'est: Les droits acquis existent, mais dans un certain contexte ils viennent en deuxième. Je veux dire, quand les droits acquis nous obligeront à créer deux échelles, à créer deux catégories de travailleurs, ils n'existeront plus, les droits acquis. À ce niveau-là, ils n'ont plus d'effet et ils doivent passer en deuxième, derrière la nécessité de faire un effort collectif.

L'exemple que je donnais à un groupe précédent – vous êtes dans le domaine économique, vous connaissez bien ça – c'est de voir les coûts et les bénéfices. Quand une entreprise, exemple, se fait installer des concurrents nouveaux sur son territoire, l'intérêt commun de l'entreprise, c'est d'être encore en business parce que tout le monde veut garder son emploi. Donc, si l'entreprise parvient à s'adapter à la nouvelle concurrence et à demeurer, le bénéfice commun de tous les travailleurs, c'est de garder sa job, c'est de continuer à exister, puis le bénéfice du boss, c'est de continuer à faire des profits. Donc, le coût pour aller chercher ce bénéfice-là, il devrait aussi être partagé par tous ceux qui vont aller chercher le bénéfice. C'est-à-dire que, si tous les travailleurs sortent gagnants de garder leur emploi, tous les travailleurs devraient passer à la caisse pour aller chercher le bénéfice.

Quand vous dites: Les droits acquis, on participerait à une discussion là-dessus, bien, moi, je pense qu'on y est là. Il n'y a pas d'enjeux dans la société québécoise où les droits acquis ont été aussi clairement visés que dans le débat sur les clauses orphelin.

Ma question, parce que vous appréhendez la catastrophe... M. Gérald Ponton, de l'Association des manufacturiers, quand on le questionnait un peu plus poussé sur le projet de loi, puis les trous qu'il y a dans le projet de loi, puis la capacité de faire encore des clauses orphelin, il disait: En bout de ligne, moi, je suis tout à fait confortable avec le projet de loi. Je voudrais savoir si vous partagez le point de vue de l'Association des manufacturiers qui, en bout de ligne, dit: C'est vrai que le projet de loi a suffisamment d'exceptions, de passe-passe, que, côté business, on peut être tout à fait confortable avec le projet de loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous allez devoir aller très rapidement, il reste une minute au temps alloué au député indépendant. M. Gadbois.

M. Gadbois (Michel): Je serai le plus direct possible. D'abord, il nous a tous surpris en disant ça, donc qu'il reste dans son coin avec ses décisions. Ce que je trouve de terrible – je vais être très direct – c'est qu'en confondant les droits acquis avec les clauses orphelin, c'est de la démagogie puis on la fait envers la jeunesse. Je suis convaincu que, par le raisonnement de base de dire que les clauses orphelin, O.K., comme on les fait en ce moment, vont régler le problème, quand c'est à peu près juste notre secteur puis les municipalités qui sont touchés par ça et qu'il n'y a pas de croissance, vous visez le mauvais cheval. Visez autre chose.

Et quand on vous dit que les droits acquis sont importants, on ne les a pas enlevés, on est poignés avec. Alors, comme j'ai dit à M. Gobé, réglez-nous le cas de la syndicalisation de tous nos concurrents au Québec, parfait, O.K., on est avec vous, mais vous ne pouvez pas penser que c'est équitable au départ. Et, en plus de dire aux jeunes que la solution passe surtout, en ce moment, par les clauses orphelin, c'est – non, je vais être poli – de la poudre aux yeux parce que c'est une infime partie de leur problème d'entrée sur le marché du travail; une infime partie, et ça ne solutionnera rien.

Alors, ce que je vous dis, c'est qu'on aurait pu dire: On n'est pas intéressés. Mais on vous dit: On est prêt à l'attaquer de front.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Gadbois. Je suis désolée, c'est vraiment le temps qui était alloué à votre groupe. Je vous remercie d'être venu présenter votre mémoire, discuter avec nous. Je vais suspendre quelques instants pour qu'on puisse clore les travaux après.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

(Reprise à 12 h 39)


Mémoire déposé

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission va donc reprendre ses travaux. Je dois vous aviser, avant de passer à l'étape suivante, que nous avons reçu un mémoire supplémentaire – il est arrivé hier – celui de la Chambre de commerce du Québec métropolitain. Alors, je voudrais le déposer, bien sûr, pour que tous les membres de la commission puissent le recevoir et en prendre connaissance.


Remarques finales

Nous en sommes donc à la période des remarques finales, nous avons entendu tous les groupes qui ont manifesté leur désir de nous rencontrer. À ce moment-ci, compte tenu de l'enveloppe de temps qui a été allouée à chaque formation politique pour faire les remarques finales, j'aurais besoin d'un consentement pour qu'on puisse dépasser de quelques minutes l'heure qui était fixée pour la fin des travaux.

M. Gobé: Oui, oui, tout à fait.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, pas de problème?

Mme Lemieux: Ça va. C'est beau.

(12 h 40)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): J'ai un temps de fixé. Alors, je cède donc la parole au député de Rivière-du-Loup pour ses remarques finales. M. le député, vous avez cinq minutes.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. Le premier constat qu'on a à faire au terme de ces travaux, c'est que ceux parmi les groupes, ceux parmi les représentants de la jeunesse, ceux parmi les autres groupes de la société qui souhaitent l'élimination des clauses orphelin sont catégoriquement contre le projet de loi qui est présenté par le gouvernement du Parti québécois.

Ceux qui veulent maintenir des clauses orphelin et qui le disent nommément dans leur mémoire sont ceux qui ont appuyé le projet de loi. Les seuls appuis qu'il y a eu au projet de loi, c'est de l'Association des manufacturiers du Québec, entre autres. Jeudi après-midi, le 23 septembre, le président de l'Association des manufacturiers disait: Je suis tout à fait confortable avec le projet de loi qui est là. Les groupes syndicaux qui souhaitaient le maintien de l'ajout d'échelons, donc de clauses orphelin, ont dit: On est d'accord avec le projet de loi. Alors, il faut revenir à la notion fondamentale pour laquelle on n'a jamais pu avoir la position de la ministre: Est-ce qu'on veut, oui ou non, comme le gouvernement du Parti québécois s'y est engagé, éliminer les clauses orphelin? Et ceux qui répondent oui sont venus devant la commission dire que le projet de loi ne fait pas le travail.

D'où on est parti il y a deux semaines avec le projet de loi? La ministre nous a dit, probablement pour excuser l'intention de son gouvernement de revenir sur ses engagements: Je souhaite que personne ne reste sur ses positions. En d'autres termes: Nous, notre gouvernement, on a l'intention de manquer à notre parole puis on voudrait qu'il y en ait le maximum qui nous suivent dans cette voie-là. Bien, c'est un échec, l'unanimité avait été faite parmi tous les groupes jeunes, incluant des jeunes représentant le monde patronal, entre autres, la Jeune Chambre de Montréal, en août 1998; cette unanimité-là a été répétée devant cette commission-ci. Donc, si la ministre cherche un consensus à l'intérieur des groupes jeunes, il existe, le consensus, et, contrairement à son gouvernement, les gens, les citoyens, les groupes sont restés sur leurs positions parce que ces groupes-là ont pris des positions sur des bases de principes. Peut-être que le gouvernement en place n'en a plus, de principes, mais il y a encore des gens dans la société qui ont cette continuité-là dans les principes et qui agissent comme ça.

La ministre nous a aussi dit à l'ouverture des travaux, nous l'a répété tout le long: Il ne faut pas établir un lien entre la conclusion du dossier des clauses orphelin et le sommet de la jeunesse. Bien, ça aussi, c'est un échec de sa part parce que les groupes sont venus, un après l'autre, incluant un groupe gouvernemental, le Conseil permanent de la jeunesse, un organisme-conseil du gouvernement, gouvernemental, tous les groupes jeunes sont venus dire: Oui, il y a un lien entre le Sommet de la jeunesse qui s'en vient parce que c'est un test pour le gouvernement, c'est un test sur la parole du gouvernement et, si le gouvernement ne respecte pas ses engagements contractés en pleine campagne électorale, que vaudront des engagements contractés durant un sommet? Si, quand on s'adressait à toute la population pour avoir son vote, on lui a conté des blagues, qu'est-ce qu'on va faire dans un sommet? Les gens se la posent, la question. Les jeunes se la posent, la question, et ils font bien. Ils font bien de se la poser. Je pense que le test est placé sur le gouvernement à partir de maintenant pour montrer à quelle enseigne il se loge et pour montrer surtout...

Il y a deux outils qu'on peut utiliser pour s'orienter. Quand on sait où on va puis qu'on a des principes, on utilise une boussole: la flèche pointe dans une direction puis on s'en va par là. Quand on ne sait pas où on va, on utilise une girouette pour se diriger, et c'est ça que le gouvernement a démontré à l'heure actuelle dans le dossier des clauses orphelin. Et je vous fais une prédiction. Après avoir entendu ce qui a été dit aux jeunes médecins, après avoir entendu ce qui a été dit aux jeunes enseignants, après avoir entendu ces gens-là qui disent «aux tables de négociation, personne ne veut régler nos clauses orphelin», à la fin de l'année, ma prédiction, c'est que le gouvernement va maintenir plus de clauses orphelin que son projet de loi ne pourra en régler.

Alors, le test est clair, le gouvernement doit nous revenir avec un projet de loi qui va éliminer toutes les clauses orphelin, qui ne proposera pas lui-même de porte de sortie, qui va être immédiat, permanent, et surtout qui doit s'accompagner d'une volonté mur à mur du gouvernement de régler, par le ministère de la Santé avec les jeunes médecins; par le Conseil du trésor dans les négos du secteur public; par le premier ministre qui va devoir parler à l'ensemble de ses ministres pour dire: Oui, les clauses orphelin, d'un bout à l'autre du spectre d'action gouvernementale, on va les corriger.

Ça, ça ne se fait pas avec un gouvernement qui avance à reculons, ça ne se fait surtout pas avec un gouvernement qui cherche tous les moyens pour se défiler d'un engagement électoral puis qui cherche des façons de noyer le poisson. C'est ce que la ministre a commencé à faire: 30 secondes après l'ouverture des travaux, elle a commencé à noyer le poisson. C'est ce qu'elle a fait tout le long en essayant de dire que les clauses orphelin n'en sont pas vraiment, en essayant de dire que ce n'est pas vraiment la solution totale. Avec des gens qui nient un problème au départ, on n'est pas du tout sur la voie des solutions. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député de LaFontaine, vous avez 12 min 30 s pour vos remarques finales.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, j'aimerais, à la fin de cette étape, remercier mes collègues députés du Parti libéral, de l'ADQ et du parti gouvernemental qui ont participé à ces travaux. Ça a été long, fastidieux à quelques reprises, mais je crois que l'exercice valait la peine d'être fait.

Nous avons pu remarquer, tout au long de ce projet de loi, de ces témoignages, un certain nombre de choses. En particulier, c'est que la ministre ne démontrait pas beaucoup d'enthousiasme dans la défense du projet de loi, elle naviguait entre les uns, entre les autres. Rarement, dans ma carrière politique, j'aurai vu un ministre titulaire d'un projet de loi aussi symbolique et important déclarer en commençant que son projet de loi est insatisfaisant en partant, qu'elle était désarçonnée, et nous avons dû subir et vivre avec cette attitude de la ministre tout au long du projet de loi.

Je nommerai et citerai un des mémoires qui résument le mieux ce que nous avons entendu dans cette commission parlementaire, c'est le mémoire du Pont entre les générations où siègent des gens de la Faculté de théologie de l'Université de Montréal, où siège M. Marcel Pépin, ancien président de la CSN. Je vais lire le passage: «On ne sent pas de grande conviction ni d'ardente volonté à combattre ces dispositions discriminatoires dans ce projet de loi. Au mieux, on y retrouve un geste timide posé par des gens qui n'y croient pas beaucoup; au pire, on est face à un mirage flou et indécis. Personne n'est dupe de ces entourloupettes. Le Pont entre les générations aurait souhaité l'adoption d'une loi claire, ferme et applicable immédiatement.» Je crois que ce passage de ce mémoire reflète exactement ce que l'ensemble des groupes sont venus nous dire ici.

On trouve dans le projet de loi n° 67, tel qu'il est formulé, quelque chose qui est pernicieux pour la jeunesse parce qu'il cherche à envoyer un message alors qu'il fait le contraire. Plutôt que d'interdire le recours aux clauses discriminatoires, il en légalise plus de la moitié en donnant une recette, un mode d'emploi vers le bas pour l'embauche des futurs travailleurs et travailleuses. Le projet de loi n° 67, dans sa forme actuelle, est ambigu, manque de clarté et propose un grand nombre d'exceptions douteuses: entre autres, l'effet temporaire du projet de loi, destiné à mourir en 2004, est un très mauvais message pour l'ensemble de la société. La vie de notre jeunesse est une affaire qui concerne tout le monde, des plus âgés aux plus jeunes. La clause crépusculaire proposée par le gouvernement est une attaque en règle contre un principe inscrit dans la Charte des droits et libertés.

La ministre et son parti, en agissant ainsi, prennent les jeunes de demain en otages et contribuent à saper la confiance des jeunes d'aujourd'hui envers les institutions démocratiques. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, laisse tomber des centaines de jeunes travailleurs qui sont aux prises avec des statuts d'emplois précaires, discriminatoires, des gels d'avancement d'échelons, comme les professeurs, des conditions de travail inférieures.

Le gouvernement refuse toujours d'abolir les clauses orphelin qu'il a lui-même négociées contre les jeunes médecins, contre les jeunes professeurs, contre les jeunes travailleurs à statut précaire, occasionnels et permanents, de la fonction publique.

Enfin, Mme la Présidente, à notre avis, la ministre du Travail, contrairement à son discours sur les emplois, ne se préoccupe pas du tout de l'emploi, elle s'en sert pour agiter un épouvantail. Elle se sert de l'emploi pour se disculper auprès des jeunes de sa mollesse, de son ambiguïté, des astuces faussement tourmentées de son projet de loi. Si la ministre se préoccupait vraiment et sincèrement des impacts d'un projet de loi pour contrer la prolifération des clauses orphelin sur l'emploi, pourquoi refuse-t-elle d'agir sur ce front autrement qu'en faisant payer les jeunes? Pourquoi? N'est-ce pas là un dossier qui préoccupe l'ensemble de la société?

Comment les jeunes d'aujourd'hui prendront-ils leurs responsabilités demain et s'occuperont de nous, si nous, les élus du peuple, aujourd'hui, acceptons la discrimination, qu'elle soit totale, partielle ou temporaire? Si mettre un frein à la discrimination dans les milieux de travail constitue une première marche dans l'échelle de la vie active, permettant à nos jeunes – notre plus grande richesse – de prendre place dans l'honneur et la fierté, de sortir du cercle de l'appauvrissement et de l'exclusion, cette marche doit en effet être solide, ce qui n'est pas le cas dans le projet de loi. La ministre a tort. Elle minimise la portée d'un projet de loi qu'elle aurait dû avoir solide et prévoyant pour l'avenir. Elle commet, d'après nous, une grave erreur et son gouvernement devra en payer le prix.

Le dossier de l'équité entre les générations, à l'origine du projet de loi n° 67, s'appuie sur une volonté populaire réelle profondément ancrée dans les croyances de notre population et de notre société. Tous les partis politiques présents à l'Assemblée nationale ont présenté, lors de la campagne électorale, une plateforme sur cette question. Le but, diront certains, était d'attirer le vote des jeunes, un miroir aux alouettes. Les Québécois et Québécoises, qu'ils soient du milieu des affaires, du monde ouvrier, du monde agricole, des villes, qu'ils soient pauvres ou riches, veulent laisser à leurs enfants et à leurs petits-enfants un avenir meilleur et juste.

Mme la Présidente, c'est pourquoi la ministre du Travail doit reprendre son projet de loi, le revoir et l'adapter. Ce gouvernement doit respecter les engagements qu'il a contractés aussi avec la jeunesse lors de la période électorale. Il est une question de perception de l'intégrité du discours des élus politiques. On ne peut pas impunément promettre à des générations de régler leurs problèmes s'ils votent pour nous et lorsqu'on est élu faire le contraire de ce que l'on a promis et essayer de se cacher derrière un projet de loi qui est reconnu comme étant une réelle passoire par l'ensemble des intervenants qui devront vivre avec.

Nous croyons, nous, du Parti libéral, que l'engagement qui a été pris par notre parti, par le Parti québécois et par l'Action démocratique, est un engagement fondamental envers l'équité et que ce message-là devrait recevoir le résultat et la réponse qu'il mérite et avoir l'unanimité de l'ensemble des partis politiques présents à cette commission parlementaire et qui représentent leur formation à l'Assemblée nationale du Québec.

(12 h 50)

Nous disons à la ministre que le projet de loi n'est pas bon. Ce n'est pas un projet de loi pour les jeunes, c'est un projet de loi pour sauver la face du gouvernement et lui permettre de dire qu'il a fait quelque chose alors qu'il n'aura rien fait. Nous demandons son retrait et qu'elle revienne faire ses devoirs plus tard.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de LaFontaine. Mme la ministre, vous avez aussi 12 min 30 s pour vos remarques finales.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, Mme la Présidente. Il y a eu beaucoup de reproches qui ont été adressés à ce projet de loi mais je vais vous dire, au terme de ces jours de commission parlementaire, je suis encore profondément convaincue que nous avions raison de déposer un projet de loi qui comportait un principe important mais qui pouvait être vivable, concret, qui avait donc déjà prévu des éléments de souplesse.

Et quand j'entends le député de LaFontaine, j'avoue que je suis fascinée. Enfin, on a plusieurs témoignages qui nous démontrent qu'il nous faut à la fois, oui, consacrer ce principe-là, mais en même temps faire en sorte qu'on puisse le véhiculer correctement dans les milieux de travail.

On reproche aussi... On a eu plusieurs plaidoyers sur le sens de l'engagement. Écoutez, en 1987, la Commission-Jeunesse du Parti libéral avait posé le problème des clauses orphelin. À ce que je sache, entre 1987 et 1994, il ne s'est rien fait. Alors, je ne pense pas que le Parti libéral ait des leçons à faire au gouvernement du Parti québécois. C'est la deuxième commission parlementaire que nous tenons sur le sujet. La première a plus eu pour objet de débattre du problème, maintenant on travaille autour de la recherche de solutions. Alors, vraiment, moi, je suis très contente de la démarche que le gouvernement du Parti québécois a entreprise dans ce dossier-là.

Je pense que le gouvernement du Parti québécois a démontré aussi qu'il était capable d'être audacieux, de poser des gestes dans des dossiers controversés et de s'avancer dans des dossiers qui étaient une valeur ajoutée pour la société québécoise et pour les milieux de travail. Je prends un exemple, la Loi sur la formation professionnelle, ce qu'on appelle la loi du 1 %. Il y avait beaucoup de résistance, c'est devenu une valeur ajoutée maintenant. Alors, je pense que là aussi le gouvernement du Parti québécois n'a pas de leçon à recevoir sur sa capacité d'affronter des questions difficiles.

Et on me reproche, enfin, bien des choses sur mes intentions. Écoutez, quand bien même que je dirais un million de choses pour justifier tout ça, il y a un projet de loi sur la table. Je ne vois pas qu'est-ce qu'on a besoin de prouver de plus, on a un projet de loi sur la table, on va progresser malgré les difficultés. Il y a un projet de loi sur la table, nous sommes en consultation et nous allons continuer ce processus.

J'aimerais beaucoup remercier les gens qui ont pris la peine de partager leurs préoccupations, leurs réalités, leurs solutions. Je pense que, à plusieurs moments, on a été capable d'aller plus loin et c'était important de le faire. C'est clair, et je suis contente de constater qu'on a devant nous un problème qu'il nous régler collectivement. Je pense que cette recherche collective de solutions a été partagée largement par les gens qui se sont adressés à nous.

Sur les éléments plus pratiques – il est bien évident, bon, il y a beaucoup de travail encore à faire – il y a un certain nombre d'éléments pratiques sur lesquels j'ai déjà donné des indications: qu'il nous fallait réfléchir, rajuster. Bon. Par exemple, la portée de la loi. Il y a des incompréhensions, il nous faudra donc clarifier ça. Par exemple, certains ont associé la portée de cette loi à des avantages ayant une valeur pécuniaire comme les régimes de retraite et d'assurance. Bon, il nous faudra clarifier ce genre de questions. Il y a eu beaucoup de commentaires sur la question de l'amplitude à l'échelle salariale. Il y a eu lieu même à des interprétations différentes. Alors, nous examinerons si le texte proposé ne pourrait pas être modifié de manière à faciliter la compréhension et l'application, parce que, oui, oui, lorsqu'on propose un projet de loi, il faut se soucier de l'application.

La question de la période d'adaptation, elle est aussi extrêmement importante. Nous avons fait une proposition de trois ans, ça a soulevé plusieurs commentaires. Certains proposent des périodes d'adaptation plus courtes. Bon, je ne pense pas qu'il soit anormal qu'il y ait une période d'adaptation de prévue lorsqu'on a une loi comme celle-là. Par exemple, la réduction de la semaine normale de travail ne s'est pas faite d'un seul coup, elle s'est faite progressivement. Alors, je vais examiner les commentaires à ce sujet-là. Évidemment, une date trop rapprochée pourrait créer des problèmes. Et les derniers représentants du secteur de l'alimentation l'ont bien illustré. Il nous faut donc prévoir une période d'adaptation réaliste. Évidemment, ce qui a été abordé aussi, c'est de quelle manière, durant la période d'adaptation, on pourrait éviter qu'il y ait de nouvelles clauses orphelin de négociées. C'est une question aussi que je vais examiner.

Il y a eu plusieurs commentaires sur l'article 4 et plusieurs ont interprété cet article-là comme étant le fait que la loi pourrait cesser d'avoir des effets en 2004. Je tiens à redire que cet article-là nous dit qu'à la lumière d'un rapport, qui devra obligatoirement être produit sur l'application des nouvelles dispositions, le gouvernement se donnait un moyen d'apporter les correctifs appropriés. Bon, je me suis engagée à réexaminer cette question-là, je le ferai.

La question des recours aussi est extrêmement importante, c'est un défi particulièrement pour le milieu non syndiqué. Alors, je pense qu'il faut prendre acte de plusieurs représentations qui ont été faites à cet égard et s'assurer que les recours prévus soient, dans la mesure évidemment des possibilités, accessibles et efficaces.

Pour le reste – parce qu'il reste encore certaines questions en suspens – j'ai besoin personnellement, avec des membres du gouvernement, avec le personnel du ministère du Travail, je pense qu'on a besoin de faire le point sur les représentations qui nous ont été faites. Il y a eu beaucoup d'éléments, il y a beaucoup de densité, beaucoup d'émotivité aussi, alors il y a peut-être d'autres questions de fond qu'il nous faudra aborder. Mais, ça, j'ai besoin d'un peu de temps pour le faire, pour intégrer tout ce matériel qui nous a été proposé.

Je termine en disant que je demeure aussi persuadée – et on pourra me le reprocher encore, je pense qu'il faudra vivre avec ça; je suis une nouvelle politicienne et c'est comme ça que j'ai décidé que j'exercerais mon rôle, c'est-à-dire j'ai décidé que le ferais avec le plus d'honnêteté possible, le moins de raccourcis possible – pour le reste, je demeure convaincue que le dossier des clauses orphelin soulève un problème important, troublant – on a beaucoup parlé des droits acquis tout à l'heure – mais ça demeure la pointe du iceberg. Ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas intervenir, mais ça demeure la pointe du iceberg, et ça ne nous dispense pas, qui que nous soyons, que nous soyons du côté gouvernemental, que nous soyons du côté des entreprises, que nous soyons des membres impliqués dans des syndicats, que nous soyons des gens impliqués dans nos communautés, de travailler extrêmement intensément sur des questions de fond: la précarité des jeunes face à l'emploi, le problème d'accès des jeunes à l'emploi, le problème de nouveaux emplois pour les jeunes, le problème de l'intégration durable des jeunes à l'emploi. Ça ne nous dispensera jamais, jamais de ces questions-là. Je suis ministre responsable du Travail, je suis aussi ministre responsable de l'Emploi, et ces questions-là, je compte être le plus offensive possible, notamment à l'occasion du Sommet du Québec et de la jeunesse. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme la ministre. À mon tour, je voudrais remercier, bien sûr, les parlementaires pour leur assiduité à cette commission. Je pense que ça démontre l'intérêt que nous portons et je suis persuadée que les échanges vont meubler notre réflexion.

Là-dessus, puisque nous avons complété notre mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 59)


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