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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 22 avril 1983 - Vol. 27 N° 21

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: Les effets néfastes du niveau de la taxe ascenseur sur l'essence


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Gagnon): Bonjour. En ce vendredi 22 avril, nous sommes réunis pour discuter d'une question avec débat. La commission permanente des finances et des comptes publics se réunit au salon bleu pour étudier la question avec débat du député d'Outremont adressée au ministre des Finances et président du Comité du développement économique sur le sujet suivant: Les effets néfastes du niveau de la taxe ascenseur sur l'essence du gouvernement péquiste.

Sont membres de cette commission: MM. Blais (Terrebonne), Desbiens (Dubuc), Fortier (Outremont), French (Westmount), Gagnon (Champlain), Gauthier (Roberval), Grégoire (Frontenac), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Lachance (Bellechasse), Parizeau (L'Assomption), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Fallu (Groulx), Lafrenière (Ungava), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lincoln (Nelligan), Polak (Sainte-Anne), Proulx (Saint-Jean), Rochefort (Gouin) et Ryan (Argenteuil).

Avant de commencer - je vous laisserai la parole immédiatement après - je voudrais vous expliquer que cette commission...

M. Fortier: ...sur les membres, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui, on pourra probablement faire les changements immédiatement après. Je voudrais tout simplement vous expliquer...

M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Gagnon): ...les règles de cette commission. D'abord, c'est l'article 162a de notre règlement qui régit cette commission. Le député qui a demandé la question avec débat fait l'ouverture du débat; il a le droit de parler autant de fois qu'il le veut avec un maximum de vingt minutes à chaque fois. Le ministre des Finances a exactement les mêmes droits, c'est-à-dire qu'il peut parler autant de fois qu'il le veut, avec un maximum de vingt minutes par intervention. Les autres députés membres de la commission ont aussi le droit de prendre la parole autant de fois qu'ils le veulent, avec une enveloppe totale de temps de vingt minutes.

Là-dessus, est-ce que vous voulez faire des changements quant aux membres?

M. Fortier: Oui. Les collègues qui m'accompagneront ce matin sont le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui est déjà membre de la commission...

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Fortier: ...le député Maciocia de Viger et le député Assad de Papineau. Si vous voulez faire les substitutions qui s'imposent.

Le Président (M. Gagnon): ...Papineau. M. le député de...

M. Fortier: ...d'Outremont.

Le Président (M. Gagnon): ...d'Outremont.

M. Fortier: Quoique nous soyons tous d'Outremont, je suis le député d'Outremont.

M. le Président, nous avons voulu avoir cette discussion très importante ce matin avec le ministre des Finances, qui a aussi la responsabilité de présider le comité de...

Le Président (M. Gagnon): Me permettez-vous? J'ai oublié tantôt et c'est important, je crois, que je le fasse immédiatement. Je m'excuse...

M. Fortier: Oui.

Le Président (M. Gagnon): ...je vous redonnerai la parole immédiatement après. Dans le temps alloué, j'essaie de partager le temps le plus également possible pour que chaque parti ait 50% du temps, mais je réserve les vingt dernières minutes, c'est-à-dire qu'à 12 h 40, vous aurez votre droit de réplique de dix minutes et M. le ministre des Finances terminera avec un droit de réplique également de dix minutes. Allez-y.

Exposé du sujet M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: Je vous remercie, M. le

Président. Je disais qu'à la veille de la présentation du budget du ministre des Finances, il était approprié de discuter de ce sujet extrêmement important puisque, à notre avis, cette taxe ascenseur sur l'essence a des effets très pernicieux sur la population en général, mais surtout sur les régions éloignées du Québec. De fait, nous avons insisté dans le passé et nous avons, à l'occasion de la période des questions, posé des questions au ministre des Finances sur l'effet pernicieux et rétrograde de cette taxe sur l'essence. Aujourd'hui, nous aimerions insister davantage sur le handicap très important que la taxe sur l'essence crée pour certaines régions du Québec. Déjà, ces régions sont aux prises avec des problèmes de développement économique très sérieux et, en adoptant cette taxe, le ministre des Finances les a pénalisées encore davantage.

Quelles sont ces régions du Québec? Tous ceux qui, comme nous, ont fait le tour de ces régions dernièrement et ont écouté les doléances des électeurs, que ce soit dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, dans les régions entourant la ville de Québec, dans la Beauce ou ailleurs, que ce soit dans la Mauricie, les Bois-Francs, l'Outaouais, l'Abitibi-Témiscamingue, savent à quel point elles sont pénalisées. Sur le plan du développement économique, d'ailleurs, elles ont eu beaucoup de difficultés dans le passé; mais surtout depuis novembre 1981, le taux de chômage, en particulier, s'est accru considérablement.

Je ne prétendrai pas que ceci est entièrement l'effet de la taxe sur l'essence, mais vous allez voir, à la lecture des statistiques, que cette ponction fiscale qui s'est faite dans les régions n'a sûrement pas amélioré la situation. De fait, si on regarde l'augmentation du taux de chômage par région, on s'aperçoit que, de novembre 1981 à mars 1983, le taux de chômage dans la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent a augmenté de 62%; au Saguenay-Lac-Saint-Jean, il a augmenté de 71%; dans l'Outaouais, il a augmenté de 88%. Curieusement, je crois que, pour la première fois dans l'histoire du Québec, le taux de chômage dans la région de Montréal a augmenté assez fortement, de 58%, mais je crois que, lorsqu'on connaîtra la reprise économique, la région de Montréal sera peut-être la première à s'en remettre puisqu'on y retrouve l'infrastructure industrielle. Compte tenu des problèmes que vivent les autres régions du Québec, si la taxe sur l'essence était maintenue, elles auraient de la difficulté à s'en remettre.

Si on regarde également les pourcentages ou le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale, on s'aperçoit également que chacune des régions du Québec que j'ai mentionnées tout à l'heure a un pourcentage de bénéficiaires de l'aide sociale plus considérable que le pourcentage de la population totale du Québec.

Ceci est vrai entre autres de la population du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie où le pourcentage de la population est de 3,5% alors que le pourcentage de bénéficiaires de l'aide sociale est de 6,7%, donc à peu près le double.

Également, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le pourcentage d'assistés sociaux est plus considérable que le pourcentage de la population du Québec. On retrouve la même chose dans la Mauricie et dans d'autres régions du Québec.

C'est donc dire, M. le Président, que ces régions étaient déjà pénalisées et que le ministre des Finances les a pénalisées davantage. C'est une ponction fiscale qui, comme le disait mon collègue de Vaudreuil-Soulanges, est arrivée au mauvais moment. Le ministre des Finances y était peut-être obligé, mais il n'en reste pas moins que, venant au début de la crise, sa taxe ascenseur va chercher au-delà de 1 000 000 000 $ par année au moment même où l'industrie, où les individus en auraient eu besoin pour relancer l'économie, pour s'assurer que l'économie soit remise sur pied.

Je lisais dernièrement, dans le Soleil, une déclaration du premier ministre qui disait: La taxe ascenseur ne sera pas abandonnée. Cette taxe est là pour rester, comme elle est maintenant bien établie dans plusieurs autres provinces. Je crois qu'à ce sujet, le ministre des Finances sera d'accord avec moi pour dire que cette taxe est beaucoup plus importante que dans d'autres provinces. Lorsque nous visitons les autres provinces, tous et chacun d'entre nous constatons que le prix de l'essence est plus élevé au Québec qu'ailleurs. Je crois que le ministre des Finances l'a admis dans cette Chambre et de fait les statistiques nous disent - j'ai ici les statistiques pour janvier 1983 - qu'au Québec, cela coûte en moyenne 0,544 $ le litre - cela a peut-être baissé quelque peu - mais qu'en Ontario, c'est 0,10 $ meilleur marché et qu'au Nouveau-Brunswick, c'est 0,08 $ meilleur marché.

Donc, je crois que le débat ne portera pas là-dessus. Nous savons que cette taxe est plus importante que dans d'autres provinces et qu'en conséquence le prix de l'essence au Québec est plus élevé qu'ailleurs. À un point tel que ces problèmes sont vécus par plusieurs Québécois et que l'unanimité dans les journaux se fait pour réclamer l'abolition de cette taxe sur l'essence et également pour réclamer que cette taxe, qui est basée sur un pourcentage, soit abolie, du moins quant au pourcentage tel qu'établi par le ministre des Finances au mois de novembre 1981. En fait, le Club automobile réclame le retrait de la surtaxe de 20%. C'était dans le Soleil du 23 mars. Il faut savoir que c'est une taxe régressive, mais, comme elle est

établie en pourcentage et comme le ministre des Finances ne fait pas toujours les ajustements au fur et à mesure de la baisse du prix de l'essence causée par la guerre qui prévaut entre les différents détaillants d'essence, il arrive qu'à certains moments, cette taxe puisse représenter non pas 40% du prix de l'essence ou du prix du pétrole à partir de la base qui est acceptée par le ministre des Finances pour calculer cette taxe, mais qu'à certains moments, cette taxe a augmenté à 46,5%. Étant donné que la taxe de 40% était basée sur un prix de l'essence de 0,532 $ le litre, s'il arrive que le prix de l'essence, à cause de la guerre des prix, baisse à 0,479 $ le litre, ce qui arrive à l'occasion, on s'aperçoit que cette taxe est de 46,5%.

Les coupures de journaux nous parlent des régions frontalières. Je laisserai à mon collègue de Papineau le soin de parler de ce problème. Vincent Prince titre, dans la Presse du samedi 12 mars, que la taxe ascenseur a déjà trop duré. Il dit que cette taxe de M. Parizeau n'est pas défendable sous quelque angle qu'on l'envisage. Elle a d'abord un effet multiplicateur qui se répercute sur le prix de bien d'autres produits et services. Conséquence grave dans la Petite Nation, titre le Droit du 10 février. C'était mon collègue de Papineau qui faisait état des problèmes de sa région.

À une question du député de Vaudreuil-Soulanges, le ministre des Finances répondait, récemment - je cite le journal des Débats -"Je dis simplement que ce gouvernement a cherché à avoir une politique aussi collée que possible aux besoins des gens et, j'imagine, aux besoins réels de la population." C'est ce contre quoi nous en avons, M. le Président, c'est ce que nous allons tenter de démontrer, ce matin.

Quels sont les effets pernicieux, les effets néfastes de cette taxe sur l'essence? On peut dire qu'elle a des effets pernicieux sur les individus, sur les régions et sur certaines industries en particulier. Les effets pernicieux sur les individus, nous en avons souvent parlé. Cela frappe davantage les petites gens. Cela frappe davantage les individus à bas revenus, les gens qui ne peuvent peut-être pas changer leur voiture. Ces gens-là, bien souvent, demeurent dans certaines régions où le développement économique est moins marqué. Certaines personnes, que ce soit en Gaspésie ou ailleurs, dont le revenu est moindre qu'à Montréal, n'ont pas toujours la possibilité d'acheter des voitures comme une Mercedes diesel qui roule 10 ou 12 milles au gallon. C'est donc dire que ceux qui ont des revenus moins importants ne peuvent pas acheter la voiture idéale qui leur permettrait de consommer moins d'essence.

Le ministre des Finances nous avait habitués à des taxes sur des produits de luxe ou non nécessaires que les Anglais appellent les "sin taxes", que ce soit sur les bijoux, les spectacles, les cigarettes. Je crois que ce genre de taxes est défendable, mais, maintenant, à mon avis, on taxe sur un produit essentiel. Surtout en région éloignée, les gens ont besoin d'une voiture pour aller travailler. Bien sûr, ces régions éloignées ont de la difficulté à créer de nouvelles industries et les coûts de transport s'ajoutant aux autres handicaps du développement économique de ces régions, la taxe sur l'essence s'ajoute donc aux nombreux handicaps des régions pour rendre plus difficile la création de nouveaux emplois.

Examinons quelque peu ce phénomène. À l'aide de l'information qui nous a été fournie par le ministère de l'Énergie et des Ressources dans les statistiques sur l'énergie au Québec - vous comprendrez, M. le Président, que nous, de l'Opposition, n'avons pas les ordinateurs dont dispose le ministre des Finances et qui nous auraient permis de faire une étude beaucoup plus détaillée et plus scientifique - on s'aperçoit, lorsqu'on fait la répartition de la vente de l'essence dans les différentes régions et si l'on fait la répartition de la population du Québec dans ces mêmes régions, on s'aperçoit de ce qui était évident, mais le calcul de la consommation d'essence par personne nous en a convaincus, que la consommation d'essence dans les régions est plus marquée qu'à Montréal et dans les grandes villes. Ceci se comprend car, dans les régions du Québec, on doit parcourir de plus grandes distances.

Ici, j'ai certains chiffres. Alors que la moyenne de la consommation pour l'ensemble du Québec est de 1100 litres par personne, au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, ce chiffre monte à 1152; dans la région de Québec - ce n'est pas nécessairement la ville de Québec, mais les régions autour de la ville de Québec - cette moyenne monte à 1221 litres par personne; dans la région de la Mauricie, j'imagine, à cause de l'industrie du bois, la moyenne monte à 1256 litres par personne. Donc, la consommation par litre est plus importante.

Un deuxième phénomène est que le revenu personnel disponible per capita est beaucoup moins grand dans les régions. Ce n'est pas nouveau, mais les statistiques valent la peine d'être mentionnées. Si on prend un facteur de 100 pour l'ensemble du Québec, on s'aperçoit qu'à Montréal, c'est 101,5%; dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, en particulier, le pourcentage tombe à 68,4%; 86% dans la région de Québec; Trois-Rivières-Mauricie, 84,3%; Abitibi-Témiscamingue, 87,8%. Donc, ces gens consomment davantage et ont un revenu per capita disponible moins élevé.

Un troisième phénomène est que le prix de l'essence est plus élevé dans les régions. Ici, je m'en excuse encore une fois, je n'ai

les statistiques que pour janvier 1983, mais je ne crois pas qu'il y ait eu des différences marquées depuis cette date. Ici, on faisait référence au fait que l'essence régulière avec plomb à Montréal coûtait 0,501 $ du litre alors qu'à Gaspé, c'était 0,564 $, à Rivière-du-Loup 0,529 $ et à Sherbrooke 0,541 $. C'est donc dire que les gens vivant dans les régions éloignées sont pénalisés de bien des façons. Mon collègue de Papineau fera allusion à d'autres problèmes qui ont trait aux villes frontières. Mais les gens en région éloignée sont pénalisés parce qu'ils doivent consommer plus d'essence, ils sont pénalisés parce qu'ils ont un revenu personnel disponible per capita moins élevé et qu'ils doivent consommer davantage.

Si on met ces facteurs ensemble, je ne mentionnerai pas tous les chiffres que j'ai ici, mais c'est simplement pour dire que la taxe ascenseur, en pourcentage du revenu disponible, donne les résultats suivants: en prenant 100 pour l'ensemble du Québec, on s'aperçoit qu'au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, ce chiffre est de 153,2%, c'est-à-dire 53% plus élevé que pour l'ensemble du Québec, qu'il est, dans la région de Montréal, de l'ordre de 93,6%, donc, moins élevé que dans l'ensemble du Québec, et qu'il est de 135%, donc 35% plus élevé que dans l'ensemble du Québec, dans la région de la Mauricie. C'est donc dire, M. le Président, que cette taxe sur l'essence a un impact démesuré sur des régions qui étaient déjà pénalisées, et les quelques chiffres que j'ai mentionnés, je crois, nous permettent de croire que la taxe sur l'essence a un impact pernicieux sur les individus, mais qu'elle a également un effet pernicieux sur le développement économique de ces régions et sur la création d'emplois dans ces mêmes régions.

D'ailleurs, mon collègue de Viger traitera tout à l'heure de l'aspect touristique, qui est relié également à ce phénomène, et pour en avoir parlé à plusieurs industriels, on s'aperçoit également que cette taxe sur l'essence a des effets pernicieux sur plusieurs industries du Québec. Prenons l'industrie du bois de sciage. Je crois que l'Association des manufacturiers de bois de sciage mentionnait que cette taxe sur l'essence, y inclus les livraisons au client, a obligé d'augmenter les prix de 5% à un moment où justement la demande du bois baissait. Sûrement, cette taxe n'a pas eu un effet bénéfique sur une industrie qui était en difficulté à cause de la baisse de la construction. Non seulement, M. le Président, cette taxe est venue à un mauvais moment, mais cette taxe a pénalisé davantage les régions. Ce qui est le plus ridicule, lorsqu'on regarde cette ponction fiscale - et je crois que le ministre des Finances pourra nous le confirmer - qui est d'environ 1 200 000 000 $ pour l'ensemble du Québec, c'est que, si on fait la répartition selon la consommation d'essence dans la région, on s'aperçoit que le gouvernement va chercher 44 000 000 $ avec cette taxe dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, 56 000 000 $ dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, 91 000 000 $ dans la région de la Mauricie, 51 000 000 $ dans la région de l'Outaouais et 31 000 000 $ dans l'Abitibi-

Témiscamingue.

C'est donc dire qu'une région du Québec comme la Gaspésie qui a un indice de chômage de 26% ou de 27%, qui ne parvient pas à créer l'emploi qu'elle devrait créer, est pénalisée par une ponction fiscale imposée davantage sur sa région, puisque cela permet en particulier au ministre des Finances d'aller chercher 44 000 000 $ dans la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie.

M. le Président, combien de temps me reste-t-il?

Le Président (M. Gagnon): Trois minutes environ.

M. Fortier: M. le Président, ce bref tour d'horizon - nous aurons l'occasion d'y revenir ce matin - permet de constater ce que j'avançais au début de mon allocution, à savoir que cette taxe est pernicieuse et néfaste pour les individus - nous en avions déjà parlé dans le passé - surtout pour des régions qui souffrent d'un chômage excessif, pour des régions qui, dans le passé, ont toujours eu de la difficulté à créer de l'emploi. Sûrement que cette taxe sur l'essence n'a pas amélioré la situation. Au contraire, les statistiques semblent prouver que le chômage s'est accru et que le taxe sur l'essence a été un facteur important pour pénaliser ces régions.

En conclusion, je ferais deux demandes au ministre des Finances. Je ne saurais croire que le ministre des Finances a décrété cette taxe sans avoir fait des études reliées à ce phénomène d'impact économique sur les régions. Tout le monde sait que le gouvernement - je crois que c'est au ministère de l'Industrie et du Commerce -possède des modèles mathématiques d'input et d'output qui permettent au gouvernement de mesurer l'impact d'une telle taxe sur l'industrie et sur les régions du Québec. J'oserais espérer que ces études ont été faites. Si elles ont été faites, je demanderais que le ministre des Finances les dépose pour que nous puissions les analyser nous-mêmes.

Deuxièmement, je crois que la seconde demande est que, vu que le ministre des Finances est à la veille de compléter son budget, il prenne en considération ces doléances qui nous ont été faites par les différentes personnes que nous avons rencontrées en région, qu'il prenne en considération l'impact négatif que cette taxe

ascenseur a sur les régions du Québec et, en conséquence, qu'il l'annule ou qu'il la réduise considérablement et, d'autre part, qu'il modifie la méthode de pourcentage pour en arriver à la méthode qui existait auparavant et qui était une méthode décrétée statutairement; il s'agit de la taxe en cents par litre.

Cette brève allocution nous permet de situer le problème; nous avons voulu situer ce problème non pas seulement au niveau des individus, mais au niveau du développement économique des régions. J'ose espérer que le ministre des Finances pourra nous en dire plus long vu l'information qu'il possède sûrement sur ce problème et sur ce phénomène.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Qutremont. M. le ministre des Finances.

Réponse du ministre M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, le député d'Outremont, en terminant son intervention, suggérait d'annuler la taxe ascenseur ou, en tout cas, de la réduire considérablement et revenait avec cette expression de taxe ascenseur à plusieurs reprises dans son exposé. Il y a là une ambiguïté qu'il faut clarifier quant à la nature de cette taxe et à la façon de la fixer. Autrefois, à l'époque où le prix de l'essence était beaucoup plus stable qu'il ne l'est devenu, la plupart des gouvernements au Canada avaient comme taxe sur l'essence un certain nombre de cents, non pas par litre, mais, à cette époque, par gallon. Lorsque les prix de l'essence ont monté - ils se sont mis à monter très régulièrement et très rapidement - ces cents par gallon représentaient une sorte de fardeau fiscal décroissant que les gouvernements avaient tendance à augmenter de quelques cents périodiquement. Cela amenait donc des changements dans les taux déclarés de taxes plus ou moins fréquemment.

Effectivement, j'ai été le premier ministre des Finances parmi ceux des provinces à établir la taxe en pourcentage. Cela s'est fait en mars 1980 et c'est cela qu'on a appelé la taxe ascenseur parce que, comme c'était un pourcentage du prix, ce que cela rapporte augmente au fur et à mesure que le prix augmente. Tout le monde a suivi. Le Nouveau-Brunswick a maintenant une taxe ascenseur depuis le 1er juillet 1981; Terre-Neuve, depuis le 15 avril 1981; la Nouvelle-Écosse, depuis le 3 mai 1982; l'Île-du-Prince-Édouard, au 3 mai 1980; l'Ontario, le 1er juillet 1981; le Manitoba, depuis le 1er juin 1980; la Colombie britannique, depuis le 1er octobre 1981. Toutes les provinces qui ont une taxe sur l'essence ont maintenant une taxe ascenseur. Il faut simplement se rendre compte de cela et, quand on dit qu'on devrait supprimer la taxe ascenseur, ce qu'on me demande, j'imagine, ce serait de revenir à l'ancien système de cents par litre ou de cents par gallon. Remarquons bien que, comme les prix de l'essence peuvent être amenés à baisser dans les années qui viennent, si je faisais cela, j'augmenterais en fait le fardeau sur le consommateur; c'est ce que cela voudrait dire. J'ai l'impression que les taxes ascenseurs, c'est-à-dire établies en pourcentage du prix de l'essence, sont là pour rester, au Québec comme partout ailleurs.

Ce qui nous amène maintenant au taux de cette taxe. Si toutes les provinces ont maintenant des taxes ascenseurs, évidemment les taux sont très différents. Et nous avons au Québec, indiscutablement, comme je l'ai souvent souligné - et surtout comme on me le fait remarquer très souvent - le plus haut taux de taxe sur l'essence. Il n'y a que deux provinces qui n'ont pas de taxe du tout, ce sont l'Alberta et, depuis quelque temps, la Saskatchewan. Partout ailleurs il y en a, et nous avons le taux le plus élevé. Depuis quand avons-nous ce taux le plus élevé? Nous l'avons depuis novembre 1981. C'est donc à la fin du mois de novembre 1981 que ce taux a été établi. (10 h 30)

On voudrait faire de ce niveau une cause importante de chômage. C'était la prétention du député d'Outremont tout à l'heure, il a longuement insisté là-dessus. Pour essayer d'en faire la démonstration, il se servait de l'augmentation considérable, depuis quelque temps, nous le savons tous, du chômage non seulement au Québec dans son ensemble, mais dans les régions du Québec. Je voudrais faire remarquer au député d'Outremont qu'il y a un seul problème à cette thèse, qui est le suivant. Depuis un an - puisque nous avons établi le nouveau taux de la taxe à la fin de novembre 1981, prendre les statistiques de l'augmentation du chômage depuis un an est tout à fait pertinent - le taux de chômage au Québec a augmenté de 2,1%, en pourcentage de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire qu'il est passé de 12,5% à 14,6%. L'Ontario, qui n'a pas notre taxe ascenseur au même niveau que la nôtre, mais à un niveau inférieur, a vu son taux de chômage augmenter de 8% à 11,4%, c'est-à-dire de 3,4%. Pas 2,1% comme nous, 3,4%. Le Canada dans sa totalité, qui ne nous a pas suivis quant à l'établissement d'un taux élevé, a vu le chômage augmenter de trois points: 9,6% à 12,6%.

En fait, pour la majeure partie de la période durant laquelle la taxe ascenseur a été établie à ce niveau au Québec, le chômage a augmenté en Ontario et dans le

reste du Canada plus rapidement que chez nous. Il faudrait quand même se méfier, ne pas établir une espèce de corrélation simple comme celle que le député d'Outremont établissait entre le niveau de chômage et le niveau de la taxe sur l'essence.

Lorsqu'il me dit que, cependant, la surtaxe sur l'essence telle qu'établie en novembre 1981 est tombée à un bien mauvais moment, je lui ferai remarquer que c'est vrai. Tous les gouvernements au Canada ont été amenés, depuis un an et demi, à augmenter certaines taxes simplement parce que la récession entraînait une augmentation considérable des déficits. Nous cherchons tous ensemble, depuis quelque temps, à stabiliser ça autant qu'on peut. Il est clair que, si on remonte un an et demi ou deux ans en arrière, on trouve des augmentations de taxes considérables. Au Québec seulement? Pas du tout. En Ontario, par exemple, dans le dernier budget de M. Miller, pas celui qui va venir dans dix jours, mais celui qui a été adopté au printemps dernier, il y avait des augmentations de taxes de vente très importantes pour les consommateurs, plus importantes encore que les augmentations de taxes d'à peu près toute espèce dans des provinces comme la Nouvelle-Écosse.

Le gouvernement fédéral lui-même, en fin de compte, nous est arrivé avec des augmentations de taxes qui tombent à un bien plus mauvais moment, c'est-à-dire au pire de la récession. Pensez par exemple que l'augmentation des cotisations d'assurance-chômage, il y a quatre ou cinq mois, au gouvernement fédéral, plus l'abaissement des pourcentages d'indexation de l'impôt sur le revenu applicable au 1er janvier 1983 - c'est très récent - représentent à peu près une recette totale sur une année entière pour le gouvernement fédéral de 3 500 000 000 $ dont, au bas mot, 600 000 000 $ s'appliquent au Québec. Cela ne vous frappe pas, M. le Président? C'est à peu près le même montant que rapporte la surtaxe sur l'essence. La surtaxe sur l'essence que j'ai dû imposer il y a maintenant presque un an et demi rapporte à peu près le même montant que les augmentations de taxes du gouvernement fédéral au Québec depuis novembre dernier.

Dire que oui, ces augmentations de taxes tombent, à notre époque, à un bien mauvais moment, j'en suis, sauf qu'au Québec, on a essayé de bouger relativement vite, alors que, dans d'autres coins du Canada, à l'heure actuelle, on continue d'augmenter les taxes, et dans des proportions très considérables.

Vous me direz qu'il vaudrait bien mieux ne pas avoir à faire cela. Mais ouiî il vaudrait bien mieux ne pas avoir à faire cela, mais, compte tenu des niveaux de déficit considérables dont on dispose, on est bien forcé de le faire. Remarquez qu'on ne fait pas que cela. On essaie aussi, pour être en mesure de satisfaire à nos obligations à l'égard du chômage, par exemple, de couper dans les dépenses du gouvernement ou des réseaux publics de services.

Il n'y a pas de doute qu'on doit empêcher les déficits d'atteindre des proportions trop considérables, éviter de taxer autant qu'on peut, couper les dépenses autant qu'il est possible et qu'à certains moments, cela impose des gestes comme ceux dont je viens de parler.

J'en viens maintenant à un argument à mon sens intéressant, que le député d'Outremont signalait quant à l'impact régional de la taxe sur l'essence. Il disait en particulier: On consomme plus dans les régions que, par exemple, à Montréal. Et plaçant la moyenne du Québec à 1100 litres par personne, il dit: En Gaspésie, c'est 1152. J'accepte son chiffre, je ne sais pas exactement comment il l'a calculé, mais enfin je vais supposer que le chiffre serait correct. On comprendra que ce n'est pas une différence très considérable. Mais l'argument suivant utilisé par le député d'Outremont consiste à dire: Voyons maintenant de quelle façon ces dépenses en essence dans les régions grèvent des revenus personnels qui, en région, sont inférieurs à ceux de Montréal. Il est évident que, si tout le monde consomme à peu près la même quantité d'essence - j'admettrai un peu plus en région - et qu'on reporte cela à des régions où le revenu personnel est inférieur à celui de Montréal, on constatera que la charge est plus grande en région. Mais on le constatera à tous égards et pour tout le reste.

Je pense que le député d'Outremont ne suggérerait pas que les services publics rendus en Gaspésie soient proportionnels au revenu des gens là-bas. C'est-à-dire que, s'ils n'ont que 70% du revenu des habitants de Montréal, par exemple, ils devraient avoir seulement 70% de la qualité des services publics parce que c'est tout ce qu'ils peuvent se payer. N'est-ce pas? On ne l'appliquerait pas aux services, alors il faut faire attention de ne pas l'appliquer à la taxation.

On dit aux gens de la Gaspésie: Vous avez peut-être seulement 70% du revenu personnel de Montréal, mais vous aurez les mêmes services d'enseignement, les mêmes services de santé, les mêmes services en tout genre.

C'est une des caractéristiques fondamentales d'un État moderne de dire à tous ses citoyens: Où que vous soyez placés et quels que soient vos revenus, vous aurez une qualité approximativement égale de services, mais évidemment vous allez tous payer les impôts sur la même base. C'est comme cela que les gouvernements sont faits.

Je pourrais d'ailleurs renverser l'argument sur le plan fiscal. S'il est vrai que la surtaxe sur l'essence rapporte à peu près 600 000 000 $, nous avons, d'autre part, depuis quelques années, supprimé la taxe de vente sur toute une foule de produits. L'impact de cette suppression, si on utilise l'argument du député d'Outremont, peut se renverser à l'égard des régions où le revenu est faible. Cela a voulu dire un avantage comparativement plus élevé pour ces régions, qu'on ait enlevé la taxe sur une foule de produits dont on conviendra qu'ils sont essentiels.

Il n'y a plus, au Québec, de taxe sur les vêtements; il n'y a plus de taxe de vente sur les chaussures; il n'y a plus de taxe sur les textiles; il n'y a plus de taxe sur les meubles; il n'y a plus de taxe sur un certain nombre d'appareils ménagers.

Qu'est-ce que valent ces exemptions de taxe que nous avons décrétées les unes après les autres depuis quelque temps? Pour l'année en cours, cela vaut 600 000 000 $. Cela vaut le même montant que ce que la surtaxe sur l'essence a rapporté et cela vaut le même montant que les taxes additionnelles que le fédéral a imposées depuis quelques mois. Cela vaut 600 000 000 $.

Si on utilise l'argument du député d'Outremont, ces 600 000 000 $ de coupures de taxes doivent avoir un impact proportionnellement beaucoup plus grand en région qu'à Montréal. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas utiliser cet argument de l'impact ou du poids relatif selon le revenu des régions. Il faut fournir à tout le monde la même qualité de services. Il faut avoir une structure fiscale qui s'applique également à tout le monde. C'est la seule façon à la fois d'aider, à tous égards, certaines régions, d'établir une ponction dans des régions plus riches, d'établir quoi, en somme? Une forme de péréquation.

Je termine sur les remarques suivantes. La surtaxe sur l'essence n'est pas un poids indiscutable parce que cela a eu un certain nombre de conséquences sur le comportement des automobilistes, sur le comportement des gens. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que cela a eu tendance à accélérer le remplacement des très grosses voitures, qui consommaient beaucoup, par des voitures plus petites. L'impact a été assez fort, au Québec, à cet égard. Je rappellerai qu'il n'y a pas si longtemps le plus grand nombre de Cadillac par 1000 habitants, ce n'était pas à Hollywood qu'on le trouvait, c'était à Chicoutimi. Évidemment, le Québécois a toujours aimé avoir des grosses voitures. Cela fait partie de nous et c'est une caractéristique culturelle qu'on accepte comme cela. Sauf qu'avec ou sans surtaxe sur l'essence, le prix de l'essence a tellement augmenté depuis quelques années qu'on voit très bien une décroissance très nette d'achat de voitures de cette taille -d'ailleurs, on n'en fabrique plus - et le remplacement par des voitures plus petites. La surtaxe a sûrement accéléré cela. Je ne suis pas certain que, dans le monde d'aujourd'hui, l'impact soit si mauvais.

Deuxièmement, nous avons aussi des habitudes, des comportements, au Québec, assez remarquables quant au genre d'essence qu'on consomme. Il y a une autre façon d'essayer d'éviter de payer cette surtaxe autant qu'il est possible. C'est de changer un peu nos comportements à cet égard. Est-ce que vous savez, M. le Président, qu'en 1980, nous consommions en essence super, avec ou sans plomb, beaucoup plus de cette essence au Québec que partout ailleurs au Canada? 22% de toute la consommation d'essence, au Québec, était composée d'essence super, avec ou sans plomb. Le chiffre correspondant pour tout le reste du Canada, c'était 8,4%. Dans tout le reste du Canada, on avait seulement 8,4% de sa consommation totale d'essence en super; au Québec, 22%. Non seulement on aimait les grosses voitures, mais on aimait les belles essences.

Le fait qu'on ait surtaxé l'essence a déjà commencé à changer ce comportement. En 1982, par exemple, il n'y a plus, dans la consommation totale d'essence, que 14,5% en super. Dans le reste du Canada, cela a glissé aussi un peu; c'est à 7,2%. On est encore loin en avant du Canada, à 14,5%, dans la consommation d'essence super.

Je conclus là-dessus. Une taxe, une surtaxe qui, à mon sens, était inévitable, qui a eu des effets sur le comportement des gens, qui est largement compensée, sur le plan des taxes de vente ou des taxes indirectes, par tout ce que nous avons enlevé de taxes sur d'autres biens fort essentiels, dans ce sens, je pense que, dans la mesure même où nous avions, il y a un an et demi, augmenté le fardeau fiscal, c'était probablement, de toutes les voies possibles, celle qui me semblait et me semble encore la moins dommageable. On peut dire qu'il aurait mieux valu éviter des hausses de taxes; oui, évidemment. Quand on le peut, on évite les hausses de taxes. Quand on peut réduire le fardeau fiscal, on le réduit. Mais si on doit augmenter les taxes, il faut choisir, j'allais dire, une cible. Il y en a plusieurs possibles. Le gouvernement fédéral, récemment, a choisi d'augmenter les cotisations d'assurance-chômage. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est beaucoup plus progressif qu'une taxe sur l'essence. Mais, en tout cas, le choix étant fait, on voit maintenant que ça n'a pas que des inconvénients. Sur le plan du comportement des consommateurs, cela a eu, je pense, quelques effets assez utiles. (10 h 45)

Quand pourrons-nous réduire ce taux de la taxe ascenseur? Non pas la taxe ascenseur

elle-même, mais le taux, quand pourra-t-on le réduire? On pourra le réduire quand nos moyens nous le permettront. Je ne veux évidemment pas anticiper sur bien d'autres choses, mais quand nous aurons les moyens de nous permettre un abaissement des impôts au Québec, parce qu'il va bien falloir reprendre, à un moment donné, dès qu'on en aura les moyens, cette réduction du fardeau fiscal qu'on avait tellement bien amorcée avant que l'économie s'affaisse. Il faudra déterminer à ce moment, quand on aura de l'argent pour continuer cette chute des impôts, si c'est le taux de la taxe ascenseur qui sera choisi ou bien l'impôt sur le revenu ou d'autres taxes de vente. À ce moment-là, il y aura des décisions à prendre; évidemment, c'est trop tôt aujourd'hui pour en discuter. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. le député d'Outremont.

Argumentation M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: Je voudrais ne faire que quelques remarques et laisser la parole à certains de mes collègues qui ont eu l'amabilité de se joindre à moi pour discuter de ce problème. La première remarque que j'aimerais faire au ministre des Finances est que je n'ai pas dit - il ne faudrait pas me faire dire ce que je n'ai pas dit; en relisant les débats, il le constatera - que l'accroissement du chômage au Québec était causé uniquement par la taxe ascenseur. J'ai dit qu'il y avait eu une augmentation excessive du chômage en région et que la taxe ascenseur, par les effets qu'elle joue dans les régions, en a été un élément important.

Ceci étant dit, j'ai demandé au ministre de déposer les études qu'il a dû faire. Je ne peux concevoir qu'un ministre des Finances responsable établisse une nouvelle taxe comme celle-ci sans faire faire des études d'impact économique qui lui permettraient de savoir à l'avance quel serait l'impact d'une telle augmentation de taxes. S'il ne l'a pas fait, c'est purement irresponsable. S'il a fait faire ces études, nous demandons que ces analyses soient déposées pour que nous puissions, à l'avenir, en discuter avec plus de détails et pour permettre à la population et à l'Opposition d'en discuter en meilleure connaissance de cause.

Il s'agit là d'un problème important. Bien sûr, le ministre des Finances nous a dit qu'il ne voulait pas nous dévoiler maintenant le contenu de son budget. Nous sommes d'accord là-dessus, mais il n'en reste pas moins que la population en général et l'industrie en région font des représentations dans ce sens et on ne peut rejeter du revers de la main de telles demandes qui viennent de plusieurs côtés. Le ministre fait état de la disparition de la taxe sur les vêtements, les meubles, etc. Il aurait pu renverser son argumentation pour dire qu'étant donné que le revenu personnel disponible est plus élevé à Montréal qu'en région, l'abolition de la taxe de vente sur ces éléments importants a favorisé davantage les gens de Montréal que les gens des régions puisque, tout le monde le sait, lorsqu'on a un revenu disponible individuel plus important, lorsqu'on achète une maison plus grande, plus de meubles et plus de vêtements et qu'ils sont plus diversifiés, ce faisant, la disparition de la taxe peut aider l'industrie. Je crois que c'était le but recherché par le ministre, aider l'industrie du vêtement et l'industrie du meuble. Mais, sur le plan individuel, cela a favorisé davantage les individus vivant dans les grands centres, où le salaire individuel est plus élevé. Donc, en abolissant cette taxe, le ministre a favorisé davantage la région de Montréal et les régions où le salaire individuel est plus élevé.

Mon argumentation demeure, quoique le sens de mon argumentation aille vers la pénalité imposée aux individus. Ce que je n'ai pas assez fait ressortir était la pénalité qui était faite à ceux qui voulaient créer de nouvelles industries. Dernièrement, j'avais la chance d'aller dans la région de l'amiante, comme vous le savez, pour rencontrer ceux qui tâchent de remplacer les pertes d'emplois qui sont survenues à Thetford-Mines et à Black-Lake. Comme on le sait, la politique de l'amiante du gouvernement n'a pas donné les effets mirobolants que l'on connaît. Les agents créateurs d'emplois cherchent à créer de nouveaux emplois. Je ne parle pas de milliers d'emplois, je parle de ceux qui cherchent à créer de la petite industrie, 15 emplois, 25 emplois, 50 emplois, une centaine d'emplois. Or, ces derniers me disaient que, dans leur région - et c'est vrai pour plusieurs régions du Québec puisque le gouvernement a coupé dans le budget de construction de routes et d'amélioration routière - c'était une pénalité ajoutée aux autres handicaps, celle qui est de trouver "l'entrepreneurship" afin de pouvoir lancer une nouvelle entreprise, que la taxe sur l'essence ajoutait aux matériaux qu'ils devaient importer pour produire et aux produits qu'ils pourraient manufacturer pour ensuite les vendre dans les grands centres.

C'est donc dire qu'en termes de création d'emplois, cette taxe pénalise les régions éloignées lorsque les entrepreneurs locaux cherchent à créer de nouvelles entreprises. Je laisserai à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce le soin de revenir sur la faute du fédéral qui a pénalisé le Québec en diminuant les revenus fiscaux, parce que

nous avons certaines statistiques qui peuvent peut-être le contredire.

Je reviendrai, encore une fois, avec cette demande que nous avons faite au ministre de déposer les études qu'il a dû faire sur l'impact de la taxe sur l'essence, la taxe ascenseur. Sur le développement du Québec, nous croyons qu'il s'agit là d'un phénomène important, d'un impact important. J'oserais espérer - le ministre le comprendra aisément - que les régions du Québec sont en droit de connaître l'impact scientifique de cette taxe. Nous-mêmes, avec les données que nous avons, ne faisons qu'explorer à la surface l'impact que cette taxe peut avoir. Nous croyons qu'elle a des impacts pernicieux. Je crois qu'il vaudrait la peine d'aller au fond des choses pour remédier à cette situation puisque les régions du Québec qui ont été très souvent pénalisées dans le passé mériteraient davantage de la part du gouvernement.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Outremont. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je n'ai pas l'intention de déposer ce genre d'études. Un ministère des Finances poursuit des études sur l'impact de tous les impôts. Ces études sont faites de façon, sinon permanente, en tout cas, très régulière. C'est ensuite la tâche, pas facile d'ailleurs, du ministre des Finances de trancher là-dedans et de dévoiler une fois par année, parfois plus souvent, le genre de décisions qui paraissent appropriées, compte tenu de la situation des finances publiques et de l'économie. Je ne me souviens pas avoir entendu parler d'un ministre des Finances qui faisait état de ce genre d'études. Il prend la responsabilité des décisions. Il doit examiner toutes ces études, en faire faire, regarder, parce que les choses ne sont jamais simples, les impacts possibles, souhaitables, moins souhaitables, et trancher. Dans ce sens, justement parce que je ne peux pas éviter ma propre responsabilité dans ce genre de décision, je ne me vois pas commençant à déposer des études sur cela et ensuite sur un autre sujet, et ensuite sur un troisième.

Il arrive, de temps à autre, qu'il peut être fort utile, pour une discussion dans le public quant à de nouvelles orientations sur le plan des impôts, de produire certains papiers et de dire: Maintenant, réagissez. Ensuite, c'est préparatoire, normalement, à une nouvelle décision. Répondre à des demandes comme cela qui viendraient périodiquement sur l'ensemble des analyses faites par le ministère des Finances, je ne vois pas que ce soit dans l'intérêt public. Dans la mesure où le ministre des Finances est considéré comme responsable de ces choses, quand on trouve que, pour une raison ou pour une autre, quelque chose ne va pas, on fait ce qu'on fait ce matin, et ce qu'on fait assez souvent d'ailleurs dans d'autres contextes. On essaie de le faire changer d'idée ou on essaie de faire en sorte qu'il renverse ses décisions. C'est dans les règles du jeu.

Deuxièmement, je voudrais revenir sur cet argument utilisé par le député d'Outremont, en disant: Quand on enlève des taxes sur des vêtements ou des chaussures ou des choses comme celles-là, les hauts salariés ou les gens à haut revenu vont en tirer un plus grand bénéfice parce qu'ils achètent plus de vêtements, plus de meubles, plus de chaussures. Cela va de soi, sauf qu'il ne faut pas oublier une chose. Plus le revenu est faible, plus les produits essentiels sont importants dans ces revenus. Donc, quand on détaxe les produits essentiels, on a un impact relatif - j'ai pris la peine de l'indiquer tout à l'heure - bien plus grand. Quelqu'un qui gagne 15 000 $ n'est pas un adepte des voyages autour du monde. Il ne va passer ses vacances en Europe, enfin pas habituellement, alors qu'un individu à haut revenu, oui, pas mal plus souvent. Quand on a un haut revenu, il y a des dépenses qu'on peut considérer comme étant de luxe qu'on ne retrouve pas dans des petits revenus. À quoi est affecté le petit revenu? À peu près essentiellement à des besoins essentiels, à des produits essentiels. C'est pour cela que nous avons suivi pendant plusieurs années cette politique de détaxer des choses qui nous paraissaient absolument fondamentales. On le voit même dans le détail, les mesures que nous avons prises. Pourquoi a-t-on exempté de la taxe de vente non pas tous les produits électriques, mais le poêle et le réfrigérateur? C'est parce qu'on s'est dit que, pour quiconque s'installe dans un logement, il lui faut cela au moins. Il peut peut-être acheter le reste plus tard, mais il lui faut ces articles pour partir. Cela indique une philosophie très précise de détaxer justement des produits qui sont fondamentaux pour les gens à petit revenu parce que presque tout l'argent est affecté à des besoins comme ceux-là. C'est en vertu du même principe qu'on n'a jamais au Québec taxé les aliments. Il n'y a jamais eu de taxe de vente sur les aliments, pour la raison que je viens d'indiquer.

Quant à la création de nouvelles entreprises, n'exagérons pas. Nous avons réorganisé au Québec toute la fiscalité des entreprises depuis quelques années. La question de la taxe sur l'essence, c'est fort peu de choses à côté des modifications fondamentales que nous avons apportées à la fiscalité des entreprises.

Je vous rappellerai les gestes suivants qui, encore une fois, ont bien plus d'importance que tout ce dont on vient de discuter. D'abord, on a doublé la contribution

de l'employeur aux services de santé. Elle était de 1,5%, nous l'avons portée à 3%. D'autre part, nous avons augmenté de 50% la taxe sur le capital, qui représente une fraction de 1% du capital, de 0,33% à 0,45%. Ensuite, nous avons abaissé le taux d'impôt sur les profits des sociétés de deux façons: pour les petites entreprises, de 13% à 3% et, pour les grandes entreprises, de 5,5%.

J'ai commencé par la contribution de l'employeur, ensuite la taxe sur le capital et, ensuite, j'en suis à l'impôt sur les profits et j'entends le député de Notre-Dame-de-Grâce qui me dit: II y a la taxe sur le capital. Je viens d'en parler il y a 30 secondes.

M. Scowen: D'accord.

M. Parizeau: Sur les profits, j'ai donc baissé le taux d'impôt à un niveau beaucoup plus bas qu'avant et qui est de loin le taux le plus bas partout au Canada. Il n'y a pas une province qui a un taux d'impôt sur les profits aussi faible que le Québec. C'est l'ensemble de ces éléments, dont certains comportent des hausses et dont d'autres comportent des baisses, qui nous permet de juger de l'incitation ou non de développer les entreprises, de les faire pousser, de les agrandir, de les créer. Il faut ajouter à cela les programmes de subventions, quand on parle de création d'entreprises. Il faut ajouter, nous diraient certains hommes d'affaires, des considérations comme la loi 101 ou je ne sais quoi. Si on veut parler du climat général au Québec, de l'aptitude à créer de nouvelles entreprises, du volume de ces investissements, de qui investit et qui n'investit pas, grands dieux! prenons le portrait complet et pas seulement le coût de l'essence. Ce n'est pas comme cela qu'on peut discuter du problème de la création d'entreprises au Québec. Voilà ce que j'avais à dire en réponse au député d'Outremont. (11 heures)

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre des Finances. M. le député de Papineau.

M. Mark Assad

M. Assad: Merci, M. le Président. Avant de parler au ministre des régions frontalières et des effets de cette taxe ascenseur, je voudrais juste revenir sur deux points. Vous avez donné des chiffres concernant l'indice de chômage depuis un an, au Québec, qui était de 2,1% et, en Ontario, de 3,4%. Évidemment, il faudrait remarquer qu'on peut prouver presque n'importe quoi avec des chiffres. Je crois, M. le ministre, que l'indice de chômage de 2,1% reflète que nous étions rendus quasiment au point de saturation, concernant le chômage. Il y a toujours une limite au chômage que nous pouvons supporter. Donc, les 2,1% n'expliquent pas que notre taux indice chômage est moins néfaste que celui de l'Ontario; c'est simplement que nous avons un indice de chômage, en général, tellement élevé que les 2,1% signifient que nous étions rendus à un point où il serait assez difficile d'aller plus bas, sauf en cas de catastrophe économique.

Deuxièmement, mon collègue, le député d'Outremont, demande que vous déposiez les études. Vous avez mentionné qu'il n'y avait pas de précédents selon lesquels des ministres des Finances déposaient des études semblables. Mais cela n'empêche pas que, au sein du cabinet, si je me rappelle bien, M. le ministre, vous êtes aussi président du Comité de développement économique. Donc, vous avez la responsabilité de démontrer que cette augmentation de taxe a peut-être des effets néfastes - et il faudrait déposer des études pour en arriver à trouver une solution qui serait moins néfaste pour l'ensemble de l'économie du Québec - et que les gens s'en ressentent depuis le mois de novembre 1981.

Je voudrais souligner un dernier point. Vous avez mentionné qu'en Gaspésie, vu que les gens gagnent seulement 68% du salaire d'un travailleur dans la ville de Montréal et que les gens de la Gaspésie reçoivent les mêmes services, en réalité, ils ne devraient recevoir que 68% des services parce qu'ils contribuent moins. Mais si j'ai mal interprété cela, M. le ministre, j'ai l'impression que, de la façon que vous avez joué avec les chiffres, c'est plutôt une gymnastique mentale et je ne vois pas comment on pourrait justifier que les services soient de moindre qualité dans une région que dans une autre où on paie plus de taxes. Je crois que, dans une collectivité, le rôle du gouvernement est de distribuer les services de la façon la plus équitable possible.

Mais au lieu de continuer dans cette veine, je voudrais surtout, M. le ministre, parler des régions frontalières. Je crois qu'à deux reprises, les associations de garagistes de ma région, de l'Outaouais, les régions près des frontières des États-Unis ou du Nouveau-Brunswick, ont subi les mêmes effets néfastes que ceux que nous avons subis dans l'Outaouais, sauf que, dans l'Outaouais, nous étions dans une situation encore plus importante à cause de la population concentrée qui est près de la frontière de l'Ontario.

Si on regarde dans notre région - et je pense que cela peut s'appliquer pour les autres régions frontalières - il y a eu une baisse de la consommation d'essence à l'intérieur du Québec parce que les gens avaient la chance de traverser la frontière, comme dans ma région; ils pouvaient aller à Ottawa, ils pouvaient aller à Hawkesbury pour faire le plein. Un grand nombre de nos garagistes ont dû fermer leurs portes. Je sais

que vous avez entendu cet argument, mais il reste que les garagistes en ont souffert. Dans ma région, en particulier, nous avons connu un baisse de 50% et nous avons eu des rencontres ici avec des officiers de votre ministère pour démontrer que cette situation a provoqué des faillites au sein des garages tandis que les propriétaires d'autres garages, qui n'ont pas fermé leurs portes étaient obligés de travailler 75 heures et 80 heures par semaine et de mettre à pied deux ou trois employés; à certains endroits, un employé, à d'autres endroits, deux, mais, en général, il s'agit d'environ deux ou trois employés par garage.

Dans les régions frontalières comme la nôtre, les habitudes des consommateurs ont grandement changé. Quand les gens ont décidé d'aller en Ontario pour faire le plein, évidemment, ils ont commencé à fréquenter les centres commerciaux, les magasins d'alimentation et le reste. Des études faites dans notre région peuvent prouver que même les magasins d'alimentation ont connu une légère baisse. Les habitudes des consommateurs, comme vous le savez, c'est une chose très délicate et la taxe sur l'essence a eu un effet sur les habitudes des consommateurs. On peut le prouver, ce n'est pas un mystère, ce n'est pas de la gymnastique mentale, c'est un fait.

Dans notre région, en particulier, le gouvernement du Québec, par l'entremise de la Société d'aménagement de l'Outaouais, a décidé de lancer une campagne d'achat chez nous. Vous savez, la concurrence de la ville d'Ottawa a des effets chez nos consommateurs. Avec cette nouvelle hausse de taxe, notre campagne d'achat chez nous a eu pour effet que c'est l'inverse qui s'est produit. Plus que jamais, les gens ont cette tendance d'aller du côté de l'Ontario pour faire leurs achats en général.

Le point que je considère le plus important, c'est qu'à cause des distances qu'on doit parcourir pour se rendre aux lieux de travail... Je ne vais pas vous donner une leçon géographique de la région de l'Ontaouais, du comté de Papineau en particulier. L'industrie majeure, dans ma région, c'est celle des pâtes et papiers. Ce n'est pas exceptionnel pour des travailleurs de parcourir entre 25 et 50 kilomètres par jour "one way", si vous me permettez l'expression, non pas aller-retour. Pour l'aller-retour, le minimum serait en général de 50 kilomètres par jour, et ça peut même atteindre 100 kilomètres par jour. C'est vrai pour d'autres régions, évidemment, dans la région de la Gaspésie et dans la région de la Mauricie, là où il y a une industrie des pâtes et papiers.

Pour ces travailleurs, le mode de transport, c'est l'automobile ou le camion. Dans les centres urbains comme Montréal, Laval, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, il y a le transport en commun pour aller travailler dans des usines et le reste. Dans ma région et dans les régions frontalières, les gens qui doivent se déplacer n'ont pas de transport en commun. Pouvez-vous imaginer le coût additionnel que ça représente pour se rendre à leur travail? Vous viendrez dans ma région et les gens qui doivent se déplacer sur des distances considérables vont vous dire: Remettez la taxe sur les réfrigérateurs et les poêles parce que, à la longue, ce sera moins coûteux que cette taxe sur l'essence.

L'argumentation que nous avons entendue ici ce matin ne justifie pas cette taxe ascenseur additionnelle qui existe depuis le mois de novembre 1981. Qu'est-ce qu'on vous transmet ce matin? Je suis sûr que vous avez reçu des télégrammes, des lettres et quand vous allez dans les régions... Le premier ministre lui-même s'est rendu dans la région de Saguenay-Lac-Saint-Jean et la principale discussion qu'il a eue avec les gens portait sur l'essence. Il avait dit lui-même qu'il faudrait probablement une baisse. Donc, nous sommes revenus à la charge à plusieurs reprises. C'est très simple, on trouve qu'une étude s'impose. Je suis sûr que vous avez certainement un suivi. On sait que l'effet est néfaste et je suis sûr que les conséquences de votre taxe additionnelle, la taxe ascenseur depuis 1981, sont beaucoup plus néfastes que vous l'aviez cru, et non seulement pour ceux qui font le transport du bois pour les usines de pâtes et papiers, les services de camionnage, les autobus, etc. Il y a eu une augmentation beaucoup plus élevée que celle à laquelle vous vous attendiez. Je crois que, pour le développement, le régionalisme dont vous avez parlé à plusieurs reprises en cette Chambre, avec cette taxe ascenseur, nous avons subi un effet inverse.

Je prends l'exemple dans ma région. La principale industrie est les pâtes et papiers. Le camionnage fait en sorte que la consommation d'essence est beaucoup plus élevée qu'ailleurs dans la province. On voudrait que vous preniez ce fait en considération, que vous le regardiez de nouveau. Nous avons déposé notre suggestion et les autres régions frontalières pourraient la défendre aussi bien que nous, quand vous pensez que tous les organismes possibles dans la région, que ce soit la Communauté régionale de l'Outaouais, les chambres de commerce, le Conseil régional de développement de l'Outaouais, tous les organismes ont appuyé cette demande de l'Association des garagistes, à savoir qu'il y avait moyen de réduire cet effet négatif. 50% de l'essence dans notre région est achetée du côté de l'Ontario maintenant. Donc, cela veut dire que les 20% de taxes qu'on payait au Québec avant 1981 sont perdues. En d'autres mots, on ne reçoit rien, dans notre région, pour 50% de l'essence achetée en Ontario.

Je suis sûr que, dans les autres régions frontalières, ce doit être la même situation. Donc, avec une solution comme celle que nous proposons, c'est-à-dire une zone d'escompte unique - vous avez rencontré l'Association des garagistes ici à Québec -l'effet serait beaucoup moins néfaste pour nous et, en même temps, je suis convaincu que le montant de la taxe en dollars serait presque le même.

En d'autres mots, tout le monde pourrait en bénéficier. On pourrait avoir une réduction de taxe sur l'essence et, en même temps, le ministère des Finances pourrait recevoir la même quantité de taxe. Je voudrais que vous me prouviez le contraire.

Pour terminer, M. le Président, voici la seule demande que je voudrais faire au ministre. Je crois que, lorsqu'on l'a rencontré ici, l'année passée, avec les garagistes, on l'avait formulée à cause de la situation géographique assez unique de la région de l'Outaouais. On pourrait dire la même chose pour les autres régions frontalières au Québec. Je lui demande donc de regarder de nouveau, de faire une révision de la situation et je suis sûr qu'il y a moyen de s'asseoir avec des organismes comme la Communauté régionale de l'Outaouais et les conseils régionaux de développement, etc., qui pourraient sans doute vous prouver que, dans des régions comme la nôtre, cette taxe ascenseur est néfaste et qu'il y a moyen de la réduire considérablement. (11 h 15)

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Papineau.

M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, j'ai l'intention de poursuivre pendant quelque temps l'orientation que prenait le député de Papineau et, lorsque nos amis d'en face seront intervenus à nouveau, je pense que je suggérerai que mon adjoint parlementaire, le député de Roberval, intervienne dans ce débat, par la suite.

Je vais dire deux mots d'abord de certaines considérations générales apportées par le député de Papineau. Quand il commente les chiffres que j'ai fournis quant à l'augmentation du chômage au Québec, en Ontario et dans le Canada tout entier, il dit qu'une des raisons pour lesquelles le chômage a moins augmenté au Québec, c'est parce qu'on en est rendu à presque une sorte de limite du chômage alors que, si je comprends bien, la limite n'est pas encore atteinte nécessairement pour l'Ontario et le reste du Canada.

Je voudrais rappeler au député de Papineau que la limite au chômage, il n'y en a vraiment pas. J'aimerais vous rappeler, par exemple, qu'actuellement, le taux de chômage à Terre-Neuve est de 22,5%, ce qui est évidemment une catastrophe dans cette province.

En fait, normalement, pendant longtemps, pendant des années, quand on voulait établir le taux de chômage au Québec, on pouvait toujours procéder à peu près de la façon suivante. On prenait le taux de l'Ontario, on ajoutait 50%, la moitié, et on regardait le taux du Québec. C'était à peu près cela. Au contraire, depuis environ un an, cette vieille règle ne fonctionne plus. Je dis vieille règle, parce que ce fut comme cela pendant 40 ans. Si on prend l'Ontario actuellement à 12,6% de chômage et qu'on ajoute 50%, cela nous mettrait normalement à presque 19%. Ce n'est pas 19%, c'est 16%. Je parle au brut ici. Si on prend le taux désaisonnalisé, c'est la même chose. L'écart traditionnel entre l'Ontario et le Québec s'est refermé. Remarquez qu'il n'y a pas à en tirer quelque gloriole que ce soit. Il n'y a pas de quoi pavoiser que le taux de chômage au Québec soit rendu à des niveaux pareils. Mais il faut simplement reconnaître qu'effectivement cette espèce de constatation un peu élémentaire que je faisais tout à l'heure, c'est que, depuis à peu près l'imposition de la taxe dont nous parlons, l'écart entre les taux de chômage, Québec par rapport à l'Ontario, Québec par rapport au Canada, a eu tendance à s'amenuiser, c'est-à-dire que le chômage a davantage augmenté là-bas. Encore une fois, cela démontre peut-être une seule chose, c'est que l'impact de cette taxe ascenseur sur le taux de chômage dont le député d'Outremont parlait, n'a peut-être pas une corrélation aussi forte qu'on pense.

De toute façon, je dirai un mot sur la question des services qu'un gouvernement doit accorder à toutes ces régions. Bien sûr, il faut que ce soit des services de qualité égale. C'est d'ailleurs ce que j'avais dit. Je m'excuse si je me suis fait mal comprendre. Le premier rôle d'un gouvernement, à notre époque, c'est d'assurer les services d'une qualité à peu près égale dans toutes ces régions, indépendamment du revenu des régions, de façon que ceux qui n'ont pas les moyens de payer ces services puissent y avoir accès néanmoins.

J'en arrive à des questions beaucoup plus spécifiques sur la consommation d'essence, sur un certain nombre de pistes sur lesquelles le député de Papineau voulait m'orienter.

Commençons d'abord par la baisse de la consommation d'essence au Québec dans sa totalité, ensuite on ira à la baisse de la consommation d'essence dans la région dont parlait le député de Papineau, puis, finalement, à certaines de ses suggestions ou recommandations, et il verra que je suis loin de comment dire? les repousser du revers de la main nécessairement, bien au contraire.

La baisse de la consommation d'essence au Québec a été, en 1981, et davantage encore en 1982, très forte. Non pas en dollars, mais en litres, la consommation a baissé de 6% en 1981. Je vous rappelle que l'introduction de la surtaxe n'intervient que tout à fait à la fin de l'année, à la fin novembre. Donc, il y avait déjà une amorce de baisse importante. Elle a baissé de 13% en 1982. On me dira que c'est l'effet de la surtaxe, que c'est parce qu'on a mis cette surtaxe sur l'essence au Québec que la consommation a tellement tombé. Cela fait quand même 19%, si j'additionne arithmétiquement; je devrais peut-être multiplier, mais enfin, cela fait 19% de baisse de la consommation en deux ans, ce qui est considérable.

Bon, regardons le Nouveau-Brunswick. Au Nouveau-Brunswick, la baisse en 1981 est de 7%. La baisse, en 1982, est de plus de 11%, 11,3%. C'est dire qu'en deux ans - j'ai additionné les pourcentages qui, encore une fois, ne sont pas tout à fait exacts - c'est 19% au Québec et au Nouveau-Brunswick, 18,5%. Remarquable phénomène! Le Nouveau-Brunswick, parmi les provinces qui ont une taxe sur l'essence, a le plus bas taux de toutes et sa consommation a baissé à peu près de la même façon qu'au Québec.

Pour le Canada tout entier, la baisse en deux ans est supérieure à 11%, à peu près à 11,5%. Donc, il faut bien comprendre une chose: nous sommes en face d'une baisse de la consommation qui s'étend partout au Canada. L'Alberta n'avait pas de taxe du tout sur l'essence - ils n'en ont pas - et cela ne les empêche pas, cette année, de voir leur consommation baisser de 5,3%.

Ce phénomène, il faut bien le comprendre, il faut en comprendre les sources. Évidemment, il y a la récession qui a joué là-dedans, il y a aussi le fait que les voitures, les ordres donnés par le gouvernement américain il y a quelques années, quant à la consommation d'essence, aux fabricants d'autos, a entraîné une réduction massive de la consommation d'essence par les voitures américaines. Les Japonais nous ont toujours envoyé des voitures qui ont un appétit d'oiseau. Beaucoup d'Européens aussi. Mais le remplacement de la belle américaine d'autrefois, qui fonctionnait à l'aide de quantités énormes d'essence, par une voiture plus petite, qui en consomme beaucoup moins, c'est un phénomène relativement récent dans ses effets. Il y a quatre ou cinq ans - cela a commencé sous le président Carter - les ordres sont partis aux fabricants et c'est maintenant qu'on voit arriver ces toutes petites voitures qui, elles aussi, ont un appétit d'oiseau. Inévitablement, cela devait entraîner une baisse de consommation d'essence et c'est ce qui s'est produit.

Si vous me passez l'expression, c'est par rapport à ce "background" général qu'il faut regarder la région frontalière dont parlait le député de Papineau. Comment cela se situe-t-il par rapport à cela? Il est évident qu'il y a eu des chutes importantes en 1982 dans les ventes de groupes de vendeurs. Ce que j'ai à cet égard porte sur des groupes de vendeurs identifiés à une compagnie. Pour les vendeurs de Gulf, par exemple, c'est une chute de presque 19% en 1982; Petro-Canada, c'est beaucoup moins, 5,7%; Shell, c'est assez surprenant, c'est seulement moins 4%, j'aurais pensé que ce serait plus; Esso, c'est beaucoup plus considérable, c'est 20% de diminution.

Si vous ramenez cela à une chute de consommation de 13,2% pour l'ensemble du Québec, cela reste néanmoins moins important que ce que le député de Papineau disait. Pourquoi? Parce que nous avons établi une sorte de zonage qui fait qu'à partir de 30 kilomètres d'un point de contact avec l'Ontario, c'est-à-dire un pont ou une voie de passage du côté ontarien, on établit une baisse du prix, on provoque une baisse du prix de 0,06 $ et au fur et à mesure qu'on se rapproche de la frontière, c'est 0,06 $, 0,05 $, 0,04 $, 0,03 $, 0,02 $, etc. De cette façon, nous avons incité les gens qui vivent près de la frontière à s'approvisionner plutôt près de chez eux que de traverser le pont pour aller chercher de l'essence de l'autre côté. Cette proposition, je l'ai acceptée largement à la suite de représentations que m'ont faites surtout des membres de l'Opposition; je l'ai dit à ce moment, d'ailleurs, je les en ai remerciés. Cela a eu indiscutablement comme effet d'empêcher des transferts trop massifs de consommation de l'autre côté des frontières. C'est une formule un peu inspirée de ce qui existait entre la Saskatchewan et l'Alberta à une époque où l'Alberta n'avait pas de taxe et que la Saskatchewan en avait une. Les gens avaient eu exactement le même genre de problème que nous pouvons avoir le long de nos frontières. Tout cela est un peu inspiré de la formule.

Nous en sommes rendus au point, cependant, où les guerres de prix parfois au Québec, parfois en Ontario, mais pas nécessairement au même moment des deux côtés, sont en train de brouiller considérablement la perspective que nous avions tous ensemble, il y a quelque temps. Je vais vous en donner un exemple, M. le Président. Avant-hier - et à cela, vous me direz, c'est juste une journée; bien sûr, c'est juste une journée - nous avons fait une sorte de sondage à Ottawa et à Hull sur le prix de l'essence. Comme on le sait, il y a une guerre des prix qui s'est engagée depuis quelque temps à Hull. Du côté d'Ottawa, c'est plutôt calme, alors qu'il y a quelque temps, c'était le contraire. Savez-vous ce que cela donne? C'est qu'à Hull, avant-hier,

en moyenne, on vendait l'essence régulière 0,06 $ de moins qu'à Ottawa. C'est tout à fait paradoxal compte tenu du portrait qu'on a habituellement. Encore une fois, je n'utilise pas cela comme un argument pour dire: L'espèce de zonage qu'on a fait n'est pas bon, il faudrait le retirer, l'enlever, etc. Ce n'est pas cela que je veux dire. Je dis simplement qu'il faut reconnaître qu'à l'heure actuelle, les guerres de prix qui ravagent constamment cette industrie, ici et en Ontario, avec la même fréquence, d'ailleurs, compliquent singulièrement une vue claire du genre de zonage qu'il faut avoir, parce qu'à un moment donné, on peut renverser encore une fois complètement la situation, comme on vient de le faire.

Normalement, j'imagine que des quantités de gens à Ottawa, à cause de la guerre des prix en cours, s'en vont chercher leur essence à Hull. Ce qui m'amène à ce que disait, en terminant, le député de Papineau. Il disait: Même s'il y a eu cette espèce de zonage par lequel on donne des rabais sur le prix de l'essence, de 30 kilomètres de la frontière jusqu'à la frontière, il faudrait peut-être réexaminer, si je comprends bien, la façon dont le zonage est fait. Examiner l'effet de son gradualisme plutôt que d'avoir un rabais uniforme pour une zone déterminée. Il vaudrait la peine de réexaminer cela à la lumière de la situation telle qu'elle a évolué et telle qu'on la voit maintenant.

Je n'en disconviens pas. Je pense qu'il faut réexaminer la situation de nos zones, pas seulement d'ailleurs celle-là, toutes les autres. De la même façon que - je ne me suis pas buté quand, à un moment donné, des représentations m'ont été faites par les gens de l'Opposition et, comme le disait d'ailleurs le député de Papineau, par des organismes régionaux. Je pense qu'effectivement il peut être fort intéressant de réexaminer la qualité du zonage à l'heure actuelle, son ampleur, les montants qui sont impliqués en termes de cents et voir si cela reste correctement arrimé ou s'il vaut mieux ne pas l'arrimer autrement. Dans ce sens, je dois dire au député de Papineau que j'étais en train de réfléchir à cela avec un certain nombre de fonctionnaires pas plus tard qu'hier. Il n'est pas question d'annoncer ici des décisions à cet égard. Pour cela, je pense que périodiquement on doit effectivement examiner le zonage, voir comment il est fait, s'il correspond à nos objectifs et s'il peut être amélioré. Dans ce sens, comme je le fais habituellement, je remercie le député de Papineau de me rappeler cette obligation morale que, normalement, je dois avoir tous les six mois pour voir dans quelle mesure c'est correctement arrimé. (11 h 30)

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Viger.

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. À une question du député d'Outremont, tantôt, qui demandait au ministre s'il avait fait une étude sur l'impact économique de la surtaxe sur l'essence, de la taxe ascenseur sur l'essence sur l'économie du Québec, le ministre a répondu que c'était la responsabilité du ministre d'augmenter ou non la taxe sur n'importe quel article. Je suis convaincu que c'est la responsabilité du ministre, mais la responsabilité du ministre des Finances est aussi de savoir quel impact a cette taxe sur l'économie en général et sur une industrie donnée. Si cette taxe sur l'essence, par son imposition, cause une perte de revenus et d'emplois égale ou supérieure aux revenus qu'il pourrait retirer par l'imposition de cette taxe, je crois que le ministre devrait savoir à l'encontre de quoi il va avec une imposition semblable.

Je ne peux pas concevoir que le ministre donne une réponse en disant que c'est la responsabilité du ministre d'imposer une taxe. C'est sûr, cette responsabilité lui revient. Je crois que cette responsabilité est basée sur quelque chose de concret. On lui a demandé à ce moment si vraiment il avait fait des études sur les effets qu'aurait pu entraîner cette imposition de la surtaxe sur l'essence. Le ministre nous a répondu qu'il n'y en avait pas apparemment, à moins qu'il y en ait; qu'il ne veuille pas les déposer, c'est une autre histoire.

M. le Président, j'ose espérer que le ministre ne va pas faire le même raisonnement qu'il a fait tantôt, parce que d'après lui, d'après les arguments qu'il a employés tantôt, il semblerait que la surtaxe sur l'essence serait quasiment bénéfique pour la population du Québec.

J'aimerais, ce matin, parler un peu de l'industrie touristique et de l'impact qu'a eu cette surtaxe de l'essence sur l'industrie touristique. L'industrie touristique, comme toutes les industries au Québec, souffre des effets négatifs de la récession économique dans laquelle on vit actuellement et dans laquelle nous sommes plongés depuis deux ans à cause de la récession. Il est vrai aussi que l'industrie touristique, partout au Canada et un peu partout dans le monde, connaît un ralentissement causé par la fluctuation des monnaies et une baisse de la richesse, etc. Au Québec, un peu partout dans les régions, que ce soit la Gaspésie, la Mauricie, n'importe où au Québec, un autre élément qui a vraiment frappé et affecté cette industrie a été la surtaxe sur l'essence.

M. le Président, on n'est pas sans savoir qu'actuellement, au Québec, on a l'essence qui coûte le plus cher au Canada. Selon une étude qui a été faite par le Club automobile du Québec et l'Automobile Touring Club de Montréal, 70% des

travailleurs québécois utilisent leur voiture pour se rendre au travail. En 1980, 91,9% des Québécois voyageaient au Québec en utilisant leur voiture, que ce soit dans le but des affaires, que ce soit dans le but du tourisme. Comme vous voyez, l'automobile est un moyen de transport et de divertissement, si on peut dire, un outil très important. J'ose espérer que le ministre des Finances, au moment où il a imposé cette taxe, a fait une analyse de cela.

M. le Président, ce que j'ai pu déduire en prenant contact avec les gens, que ce soit dans la région de Montréal, que ce soit dans les régions éloignées, comme la Gaspésie, la Mauricie et d'autres régions, les Québécois aujourd'hui, et spécialement les Montréalais, préfèrent aller dans les États voisins comme New York, le Vermont et le Maine, au lieu d'aller visiter la Gaspésie. Il faut se demander pourquoi? Cela est très simple, depuis un an et demi, deux ans, cela se vérifie encore plus. La raison est très simple: si on calcule qu'entre Montréal et Gaspé, il y a environ 900 à 950 kilomètres, pour se rendre à Gaspé en auto - même avec une auto de quatre cylindres, une auto japonaise, comme disait le ministre tantôt -en novembre 1981, cela coûtait environ 65 $ à 66 $; avec la surtaxe sur l'essence, nous sommes rendus à 82 $ à 83 $, disons une augmentation de 22% à 23%. J'espère, j'ose espérer que le ministre des Finances ne nous dira pas à un certain moment que cette surtaxe sur l'essence aidera les Montréalais à aller visiter la Gaspésie. Je crois aussi que vous pouvez constater que, dans ces régions - nous les avons visitées et nous savons les problèmes que vivent ces régions actuellement, cette surtaxe sur l'essence est l'une des raisons, depuis un an et demi, deux ans, qui a empêché ces régions qui en ont tellement besoin, d'avoir des touristes, soit des Québécois, soit des Américains, cette taxe sur l'essence a empêché cette industrie de se développer encore plus.

M. Fortier: Les gens ne font plus le tour de la Gaspésie.

M. Maciocia: Vous savez sûrement - j'ai pris ces renseignements, je ne sais pas si le ministre a essayé d'avoir ces renseignements avant d'imposer la surtaxe sur l'essence -qu'en Gaspésie, on a trois clientèles touristiques. Quelles sont-elles? Ce sont d'abord les gens qui vont visiter leur famille; ce sont les voyageurs itinérants, ce qui veut dire les voyageurs sur le pouce, et la clientèle américaine. Vous savez sans doute qu'aujourd'hui, l'Américain n'est plus porté à venir au Québec. Quand j'ai posé ma question au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, hier, je lui demandais s'il était au courant de cela. Il se vantait à un certain moment que, seulement au Québec, on avait eu 2% d'augmentation des touristes pour l'année 1982. Je lui ai posé la question à savoir combien de touristes étaient venus au Québec en 1981 et 1982 et combien de touristes étaient allés en Ontario, parce qu'il me disait qu'il y avait une baisse de 8% en Ontario. Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a pris la question en délibéré - imaginez-vous -il m'a dit qu'il prenait note de la question et qu'il me répondrait la semaine prochaine. Il n'est pas vraiment au courant, si on peut dire, de la situation touristique au Québec, mais je peux lui dire qu'il y a une différence très grande entre le nombre de touristes qui viennent au Québec et ceux qui vont en Ontario, que c'est au-delà de 500% à 600% en faveur de l'Ontario. La surtaxe sur l'essence et cette taxe ascenseur sur l'essence, est-ce que cela va aider l'Américain qui reste à quelques heures seulement de chez nous à venir au Québec au lieu d'aller en Ontario? Je ne crois absolument pas que ce touriste viendra au Québec, même - j'en suis convaincu et j'essaie justement de le démontrer au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme - s'il faut dire que le Québec est beaucoup plus beau au point de vue touristique, il est naturellement beaucoup plus beau...

M. Fortier: Meilleure nourriture!

M. Maciocia: ...que l'Ontario. Mais c'est à cause justement des différentes lois du gouvernement qui entravent cette ressource première - spécialement dans un temps de crise comme celui qu'on vit actuellement -qui pourrait aider la province à se relever au moins un peu économiquement.

Il faut se rappeler que, novembre 1981 à janvier 1983, aux États-Unis, il y a eu une diminution de 5,6% sur l'essence. Pour les autres Canadiens, la moyenne de la hausse sur l'essence a été de 5,9%. Au Québec, cette augmentation a été de 24,5%. Comment peut-on prétendre, dans l'industrie touristique, que des gens des provinces voisines ou des Américains peuvent venir ici nous visiter? Malheureusement, il y a deux choses, entre autres, qui empêchent les touristes de venir au Québec: les deux taxes imposées par le ministre des Finances. Cela relève du ministère du Revenu, mais c'est le ministre des Finances qui les impose. Le ministre n'est pas sans savoir que, pour les touristes se rendant en Ontario pour un séjour de trente jours au moins, la taxe de vente sur les achats faits en Ontario est remboursable. Les 7% qu'un touriste paie en Ontario pour un achat quelconque, que ce soit un achat de 50 $, 100 $, 300 $ ou 400 $, sont remboursables pour les touristes, qu'ils soient du Québec, qu'ils soient des États-Unis ou d'une autre province.

Au Québec, qu'est-ce qu'on a? Au Québec, on donne aux mêmes touristes, qu'ils viennent de l'Ontario, des États-Unis ou d'une autre province, cette possibilité seulement s'il s'agit d'un achat de 500 $ et plus. Mais il faut faire bien attention: les 500 $, ne sont pas applicables sur plusieurs articles, mais sur un seul article. Cela veut dire qu'une personne qui achète un réfrigérateur au Québec, en retournant à New York, a droit à l'exemption de la taxe sur le réfrigérateur parce que le réfrigérateur coûte un peu plus que 500 $. Mais si, par exemple, le même touriste achète au Québec une petite statue de 30 $ faite en Gaspésie ou n'importe où, il doit payer cette taxe, elle n'est pas remboursable.

J'aurais cru, au moment où le ministre des Finances a imposé cette surtaxe sur l'essence en novembre 1981, qu'il aurait au moins pensé à cet aspect touristique, comme le font beaucoup de pays en Europe et ailleurs, et qu'il aurait au moins pensé à donner un coupon sur l'essence, comme on le fait dans plusieurs pays européens. Un coupon sur l'essence, ça veut dire quoi? Cela veut dire donner à un touriste qui va visiter le Québec, à la frontière, dans les agences de voyages ou n'importe où, un coupon en conséquence de son séjour, grâce auquel il aurait droit à une déduction de la taxe sur l'essence. Je crois qu'à ce moment-là on aurait pu motiver spécialement les Américains ou les autres gens à visiter le Québec. Si ces gens avaient devant eux un litre d'essence, 150, 200 ou 250 litres d'essence et qu'ils épargnaient les 50 $ que représente la taxe sur l'essence ou l'augmentation de 20% de la surtaxe sur l'essence, je crois que les mêmes touristes qui épargneraient 40 $ ou 50 $ resteraient trois, quatre ou cinq jours de plus au Québec et dépenseraient au-delà de 500 $.

Vous savez très bien - le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme l'a toujours prétendu - que c'est l'industrie la plus rentable, c'est l'industrie où il y a très peu d'investissement pour les retombées économiques possibles. Est-ce que, à ce moment-là, le ministre des Finances s'est posé cette question? Je ne crois pas parce que, autrement, il aurait pu au moins essayer de donner à cette clientèle, qui est vitale pour n'importe quel pays, la possibilité de venir au Québec, de nous visiter et de laisser de l'argent, ce qui aurait des retombées économiques pour le Québec.

J'ose espérer que le ministre des Finances tantôt, dans sa réplique, prendra cet élément en considération pour arriver à pouvoir redonner au Québec cette possibilité d'avoir le plus possible de touristes, qu'ils soient des autres provinces, de l'Amérique ou de l'Europe, de les attirer avec des attraits fiscaux qui pourront aider cette clientèle à venir nous visiter. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Viger. M. le député de Roberval. (11 h 45)

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Mon commentaire était plutôt d'ordre général, mais je pense que le député de Viger a soulevé un certain nombre de points qui méritent d'être pris en considération. Il a parlé longuement de l'impact de la taxe sur l'essence sur le tourisme. Effectivement, M. le Président, on remarque en cette période de récession, un phénomène assez particulier. Dans l'ensemble du Canada, les chiffres disponibles actuellement nous démontrent que l'activité touristique a diminué considérablement. Effectivement, les chiffres que j'ai en mémoire et que j'ai consultés assez récemment nous montrent qu'au contraire, au Québec, il y a eu cette année une légère augmentation de l'activité touristique.

Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme aura certainement l'occasion de donner des chiffres très précis à cet égard. Je dois vous dire que, aussi surprenant que cela pouvait peut-être paraître a priori, l'activité touristique s'est développée au Québec l'année dernière. J'aimerais qu'on regarde un peu l'ensemble des facettes du problème. Est-ce que la taxe sur l'essence - parce que c'est la question qu'on se pose et que pose le député de Viger - est celle qui risque de compromettre ou de développer notre industrie touristique?

C'est une dimension, comme l'ensemble des taxes sur les biens à la consommation, comme l'ensemble des taxes que peut payer un touriste qui voyage dans un pays, quel qu'il soit. Toute taxe a un impact, mais certainement pas un impact aussi important qu'on voudrait le laisser croire.

S'il est vrai que le touriste qui prend ses vacances au Québec devra consentir peut-être 2 $ ou 3 $ de plus par jour pour l'essence de sa voiture qu'il ne l'aurait fait peut-être dans un autre coin du Canada, il faut bien réaliser que ce même touriste pourra également bénéficier d'un ensemble de mesures que le ministre des Finances, qui voulait stimuler l'industrie touristique, a mises sur pied.

Je prendrai l'exemple du député de Viger. Le touriste qui se rend en Gaspésie et qui fera plusieurs centaines de kilomètres comme l'a si bien indiqué le député. Selon ses chiffres, il y a environ 15 $ supplémentaires qui devront être consacrés pour l'achat de l'essence. Je ne vérifierai pas ces chiffres, je pense que l'exemple fait image. On peut dire que quelqu'un qui va en Gaspésie pourrait peut-être, à la limite, sur trois ou quatre jours que son voyage pourra

durer pour se rendre en Gaspésie et sur les trois ou quatre jours qu'il prendra probablement pour revenir de la Gaspésie, défrayer quelque 15 $, selon les chiffres du député de Viger...

M. Maciocia: C'est complètement faux. Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Question de règlement, M. le député de Viger.

M. Maciocia: Oui, j'ai dit tantôt et j'ai précisé que sur les 900 ou 950 kilomètres pour l'aller seulement, il y avait une différence de 17 $. Pas pour trois ou quatre jours. Il doit revenir et il doit continuer à rouler en voiture en Gaspésie.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Roberval.

M. Gauthier: D'accord, M. le Président, mais je doute qu'on puisse se rendre de Montréal à Gaspé dans une journée. Il faudrait que le député de Viger essaie cela pour voir ce que cela a l'air.

C'est donc dire que les 15 $ ou 17 $ supplémentaires sont répartis sur une période plus longue parce qu'en général, quand on est en vacances, on ne fait pas 800 milles par jour ou 1000 kilomètres par jour en voiture. C'est ce que je voulais dire. Tout le monde aura compris de toute façon. Ce sont peut-être quelques dollars de plus par jour que devra assumer un touriste qui décide de faire le tour de la Gaspésie; mais ce même touriste, quand il prendra sa chambre d'hôtel, ne paiera pas de taxe au Québec, alors qu'ailleurs, il y a effectivement des taxes sur les chambres d'hôtel.

Ce même touriste, quand il prendra un repas modeste dans un restaurant du Québec, ne paiera pas de taxe tandis qu'ailleurs, il le fera. Quand on veut regarder l'ensemble d'une industrie, il ne faut pas regarder un, mais regarder l'ensemble des éléments.

Je vous pose la question. Si vous aviez comme mandat de stimuler l'industrie touristique au Québec, est-ce que vous choisiriez effectivement de toucher à la taxe sur l'essence ou à la taxe sur les appareils électriques qui, soit dit en passant, n'existe plus au Québec, ou si vous toucheriez à des mesures carrément destinées à stimuler l'industrie touristique? Dans ce cadre-là, M. le Président, - c'est pour cela d'ailleurs que les chiffres disponibles concernant l'activité touristique au Québec sont positifs - des mesures ont été apportées en abolissant la taxe sur les chambres d'hôtel, en ne taxant pas les repas légers, et je pourrais ajouter, pour le bénéfice du député, en maintenant dans le réseau de nos campings, au Québec, un prix relativement bas par rapport à ce qu'on trouve ailleurs. Je pense que ce sont là des mesures qui, assurément, ont aidé à relancer notre industrie touristique et continueront d'aider à la maintenir en position fort concurrentielle.

Je voudrais revenir, cependant, sur le sujet qui nous intéresse plus particulièrement, soit la taxe sur l'essence. Chaque fois qu'on en parle, il y a toujours quelque chose d'un peu odieux là-dedans. On nous dit que la taxe sur l'essence constitue une ponction importante sur l'économie. C'est vrai, M. le Président. Y a-t-il quelqu'un qui connaît une taxe, quelle qu'elle soit, qui ne constitue pas une ponction sur l'économie, que ce soit la taxe de vente, que ce soit une taxe sur l'essence, que ce soit une taxe sur la feuille de paie des entreprises, que ce soit l'impôt personnel? Y a-t-il quelqu'un qui connaît une sorte de taxe qui ne constitue pas une ponction sur l'économie? Cela n'existe pas, M. le Président, parce que taxer, par définition, c'est faire une ponction d'argent pour l'affecter à des services. Alors, cela n'émeut plus personne que de nous dire que la taxe sur l'essence, c'est une ponction néfaste sur l'économie, une ponction énorme de 600 000 000 $. Que ce soit en taxe sur l'essence ou sous d'autres formes de taxes, je pense que ce sera toujours une ponction.

Mais c'est pour cela aussi, M. le Président, que ce gouvernement, depuis quelques années, a appliqué pour bien au-delà de 1 500 000 000 $ de compressions budgétaires. Tout le monde sait que le rôle du gouvernement, c'est de prendre d'une main et de donner des services de l'autre. Le meilleur moyen de ne pas exagérer, de ne pas accroître indûment les ponctions à faire sur l'économie, c'est carrément de limiter le plus possible et de rationaliser les dépenses. Pourtant, je vous ferai remarquer que ce sont ces mêmes députés qui nous interrogent aujourd'hui et qui nous reprochent de faire une ponction sur l'économie avec la taxe sur l'essence qui, lorsqu'on parlait de rationaliser les services, de diminuer les dépenses, de comprimer les dépenses gouvernementales, nous critiquaient, alors que, justement, notre souci était à ce moment-là et est toujours de faire le moins possible de ponctions dans le domaine économique.

Avant de terminer, il y a un autre aspect que je voudrais souligner. On se plaît à présenter la taxe sur l'essence comme étant une taxe odieuse. On dit tout simplement: Les pauvres paient cette taxe, c'est épouvantable! Tout le monde doit payer une taxe sur l'essence. Mais, M. le Président, s'il y a une taxe qui n'a pas ce caractère odieux, c'est bien la taxe sur l'essence. Je m'explique.

Est-ce que les députés de l'Opposition trouvent plus juste et raisonnable d'aller chercher directement, d'une façon obligatoire, chez l'ensemble des citoyens, sans aucune possibilité pour eux de s'en

sortir, le montant de 600 000 000 $ que peut rapporter cette taxe? N'y a-t-il pas, dans une taxe comme celle sur l'essence, la possibilité, pour un citoyen qui ne croit pas devoir la payer, de limiter ses dépenses et de rationaliser son transport? Est-ce qu'on n'a pas assisté au développement du transport en covoiturage au Québec? C'est pour cela d'ailleurs que le ministre des Transports s'est empressé de régulariser cette situation. Est-ce que la taxe sur l'essence ne permet pas à ceux qui n'ont pas les moyens de la payer de s'en exempter en changeant leurs habitudes de vie? Est-il possible - il faut se poser la question - pour un citoyen, à qui on impose directement un pourcentage plus élevé sur sa table d'impôt, sur ses revenus à la source, de s'en exempter? Non. Qu'il soit dans le besoin, qu'il soit mal pris, qu'il ne soit pas capable de donner un seul cent de taxes de plus, peu importe, sur l'impôt des particuliers, tout le monde y goûte. Face à une taxe comme celle-là, que celui qui veut s'en épargner change ses habitudes. C'est ce que les Québécois ont compris et c'est ce qu'ils font. C'est donc dire que la taxe sur l'essence, bien sûr, est une taxe, mais par quoi nos amis d'en face voudraient-ils la remplacer? Connaissent-ils des taxes qui ne constituent pas une ponction dans l'économie?

Deuxièmement, c'est une taxe qui est loin d'être odieuse, c'est une taxe dont les citoyens peuvent s'exempter en changeant leurs habitudes de vie et c'est ce qu'ils font. À cet égard, il faudrait peut-être qu'on apprenne, de l'autre côté, à nuancer le discours quand on parle de la taxe sur l'essence. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. le député de Roberval.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: En écoutant les discours des gens d'en face ce matin, M. le Président, j'ai pensé à l'équipe de hockey de Montréal, les Canadiens. Ils perdent et, après avoir perdu, ils donnent des explications: C'est la faute du gardien de but, c'est la faute de la défense, c'est la faute de l'instructeur, c'est la faute du gérant. Il y a toutes sortes d'explications mais, finalement, les gens se rendent compte que le compte final était: Buffalo 3, Canadiens, 0. C'est clair.

On a eu droit à plusieurs discours ce matin du ministre des Finances et du député de Roberval dont on a écouté les explications. Je veux d'abord vous donner un exemple de la confusion et du manque de rigueur dans ses explications. Le député de Roberval vient de terminer son discours en disant que l'objectif de cette hausse de taxes, mesdames et messieurs, était pour vous persuader de changer vos habitudes, votre comportement. Il voulait que vous commenciez à favoriser le covoiturage et le transport public et que vous arrêtiez de conduire votre voiture. C'est le désir de votre gouvernement, il veut changer vos habitudes.

Le ministre des Finances a dit exactement la même chose en réplique aux déclarations de mon collègue, le député d'Outremont. Le ministre a dit que cette taxe de 40% a pour effet de vous persuader de changer votre comportement. Vous vous souviendrez que cela a été dit par le ministre des Finances vers 10 h 25, ce matin. Cependant, en réplique à mon collègue de Papineau, qui a dit que cette taxe avait pour effet de réduire d'une façon importante la consommation de pétrole ici, au Québec, le ministre a utilisé un tout autre argument. Il a dit: Ce n'est pas vrai, je prends l'exemple du Nouveau-Brunswick où, même s'il n'y a pas la taxe que vous critiquez, il y a eu une baisse, l'année passée, de 18,5% dans la consommation du pétrole alors qu'ici, la baisse était de 19%. C'est donc clair que la taxe de 40% n'est pas la cause de la baisse de consommation.

Deux arguments de la bouche du même ministre des Finances en réponse à deux de mes collègues et l'un ou l'autre est faux. Est-ce clair? Si la taxe n'a pas pour effet de changer les habitudes, puisqu'elles ont changé au Nouveau-Brunswick, où le prix du pétrole aujourd'hui est à peu près de 0,10 $ le litre moindre qu'ici, si c'est le cas, sa taxe était inutile pour changer le comportement des gens. C'est un exemple flagrant et il y en a d'autres. (12 heures)

Le fait est que le ministre des Finances est perdant. Est-il fier de voir qu'aujourd'hui, dans notre province, nous sommes obligés de payer 0,10 $ le litre de plus que nos voisins en Ontario? Est-ce qu'il est fier d'avoir été obligé, depuis le 1er novembre 1981, d'augmenter la taxe sur le pétrole de 24% tandis qu'elle a été augmentée, en Ontario, de 3% ou 4% seulement? Est-ce qu'il est fier, et je passe à deux, trois autres aspects avant d'en arriver au point de notre débat ce matin, que depuis qu'il est arrivé au pouvoir, la dette du Québec ait augmenté de quatre fois? Est-ce qu'il est fier de n'avoir jamais été une seule fois dans un exercice fiscal capable de respecter ses propres prévisions de revenus et de dépenses, dans son budget? Est-ce qu'il est fier que depuis l'arrivée au pouvoir de son gouvernement, depuis qu'il est ministre des Finances, notre part... Oui?

Le Président (M. Gagnon): Je suis en train de constater que vous élargissez le

débat de beaucoup. La question de ce matin était: Les effets néfastes du taux de la taxe ascenseur sur l'essence imposée par le gouvernement péquiste. Vous êtes en train d'élargir le débat de beaucoup. Il faudra, à ce moment, que je permette au ministre des Finances d'aller dans tout ce débat. J'aimerais qu'on revienne à l'objet du débat de ce matin.

M. Scowen: M. le Président, je suis en train de faire une réplique aux dernières déclarations du ministre des Finances qui lui-même avait élargi le débat d'une façon très importante. Si vous voulez que j'arrête, je vais arrêter immédiatement et je vais passer au sujet principal. Le sujet ici, ce n'est pas de dire qu'il ne doit pas y avoir de taxes au Québec. On a toujours eu des taxes. Avant que le Parti québécois arrive au pouvoir, il y en avait. Il va y en avoir après qu'il sera parti. On voulait parler de l'injustice de cette taxe sur l'essence pour les régions du Québec. Je vais me limiter à cet aspect du sujet pour tout ce qui reste de mon intervention, à votre demande, M. le Président. On dit que c'est injuste parce que les régions du Québec, à l'extérieur de Montréal, sont obligées de payer des sommes beaucoup plus importantes et le tableau, qui a été préparé par mon collègue le député d'Outremont, est très révélateur. Je vais en citer de nouveau quelques aspects.

Vous, si vous habitez le Saguenay-Lac-Saint-Jean, Chicoutimi, tenant compte, vous le député de Roberval et vos électeurs, vous êtes obligés d'accepter un fardeau d'impôt dans le cadre de cette taxe sur l'essence qui est de 18% plus élevée qu'elle l'est pour les gens de Montréal. Ils perçoivent 56 000 000 $ par année dans votre région. C'est beaucoup, n'est-ce pas? Vous, si vous habitez, par exemple, l'Estrie, vous portez un fardeau de 30% plus élevé que les gens de Montréal à cause de l'injustice et le manque d'équilibre dans cette taxe. Si vous habitez le Nord-Ouest de la province, Abitibi-Témiscamingue, votre fardeau est de 34% plus élevé qu'à Montréal. Et si vous avez le malheur d'habiter le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, et je ne dis pas malheur dans le sens que ce n'est pas agréable d'habiter dans cette région, je dis malheur dans le sens que vous êtes obligés de porter un fardeau qui est 63% plus élevé que les gens de Montréal, à cause de cette taxe. Derniers chiffres, cette taxe, pas la taxe totale, l'augmentation de la taxe qui a été mise en vigueur par le ministre des Finances en 1981, enlèvera de votre région cette année la somme nette de 44 000 000 $.

C'est quelque chose. Avec 44 000 000 $, on peut faire quelque chose pour le développement économique. Je veux faire référence au discours sur le budget du ministre des Finances quand il a présenté cette augmentation le 17 novembre 1981. Pour parler un peu des justifications qu'il a données pour l'augmentation de la taxe, effectivement, il en a donné deux. Je pense qu'il les a répétées, au moins une fois ce matin. Le premier argument qu'il a donné, a été: Le gouvernement fédéral. Vous avez entendu cette chorale déjà: À cause du fédéral, on ne peut rien faire. Il a dit, en parlant des transferts du gouvernement fédéral, je cite: "L'an prochain, les paiements qui nous viennent du gouvernement fédéral ne vont même pas monter lentement, ils vont baisser en dollars par rapport à cette année." Est-ce clair? Il a dit qu'il était obligé d'imposer cette hausse de taxe sur l'essence parce que les transferts du gouvernement fédéral, à cause des nouveaux arrangements fiscaux, baisseront dans l'année courante. Maintenant, je vais vous donner les chiffres, parce qu'ils sont connus. La réalité, c'est que pour l'année 1981-1982, il avait la somme de 4 500 000 000 $. Cette année, on va avoir les transferts de 4 900 000 000 $. Voilà une augmentation cette année de 400 000 000 $.

Depuis 1980-1981, les transferts du gouvernement fédéral totalisent 750 000 000 $, depuis deux ans, d'augmentation. En dépit de ce que vous a dit le ministre des Finances, dans son budget, pour justifier l'augmentation de taxes, il reçoit des sommes additionnelles du gouvernement fédéral qui équivalent, à toutes fins utiles, à la somme qu'on reçoit de cette taxe ascenseur. Ce qu'il vous avait dit, dans son discours sur le budget de 1981, était faux.

Le deuxième argument qu'il a apporté pour justifier l'augmentation de cette taxe ascenseur a été la flambée du taux d'intérêt. Le service de la dette a été beaucoup plus élevé que prévu. Alors, il a été obligé d'aller chercher des sommes additionnelles. Il faut rappeler quelque chose. Depuis qu'il a fait ce message, depuis qu'il a justifié cette taxe sur le pétrole de cette façon, nous avons vécu une baisse des taux d'intérêt. Cette année, dans les plus récentes prévisions du ministre des Finances lui-même, il nous avise que nous allons avoir une baisse du coût du service de la dette de 200 000 000 $. Effectivement, les deux arguments que le ministre des Finances a utilisés pour justifier l'imposition de cette taxe n'existent pas. Ils n'existeront pas. Les deux éléments que je mentionne nous rapportent un bénéfice au-delà de ce qu'il a prévu, pas loin de 1 000 000 000 $. Si cette taxe de 600 000 000 $ a été justifiée par ces deux éléments, il peut l'enlever demain et il aura encore un surplus d'au moins 300 000 000 $ ou 400 000 000 $. Est-ce clair? La raison des taxes n'existe plus, d'après ses propres arguments.

Je reviens à l'effet. Ce que nous

prétendons, c'est que pour les gens de Chicoutimi, de Sherbrooke, de Rouyn, de Gaspé, de la Côte-Nord, il y a des effets néfastes réels pour l'économie de ces régions. Effectivement, cette taxe a pour effet de vous enlever la somme assez importante de 600 000 000 $ cette année. Cela veut dire à peu près 100 $ par personne de moins, et pour une famille de quatre personnes, 400 $ de moins sur votre revenu. Il y a ceux qui n'ont pas de voiture, bien sûr, mais ne vous y trompez pas. Il y a des augmentations des produits que vous achetez, parce que les camions de Provigo qui apportent les produits au magasin du coin paient l'essence plus cher aussi. Cela se répercute sur le prix de votre alimentation. Pour une famille de quatre personnes qui habite n'importe quelle région du Québec, vous avez 400 $ de moins cette année, pas à cause de la taxe sur le pétrole, mais à cause d'une taxe additionnelle sur le pétrole. Vous payez effectivement 800 $, par famille, mais à cause du budget de 1981, vous payez 400 $ de plus. C'est 400 $ de moins pour l'alimentation. Que tous les épiciers du Québec en prennent note. C'est 400 $ de moins pour acheter des meubles. Que les fabricants et les détaillants de meubles du en Québec prennent note. C'est 400 $ de moins pour acheter une maison. Que l'industrie de la construction en prenne note. C'est 400 $ de moins pour aller dans les restaurants, pour acheter des livres et, surtout, pour acheter de l'essence. C'est 400 $ de moins pour les gens qui travaillaient, auparavant, dans les raffineries de l'est de Montréal, car celles-ci ont commencé, l'une après l'autre, à fermer leurs portes, sans compter la fermeture de postes d'essence partout au Québec. C'est l'effet de ces 600 000 000 $.

Combien d'emplois ont été perdus par cette taxe, par ces 600 000 000 $ à 700 000 000 $ enlevés aux consommateurs, cette année? On ne peut pas le dire, mais on sait que c'est considérable. Une chose que je peux vous dire, c'est que le premier ministre, il y a quelque mois, a annoncé des plans de relance de l'économie pour un total de 235 000 000 $ qui, d'après lui, auraient pour effet de créer 63 000 emplois. Alors, si cette corrélation entre les emplois et les investissements dans l'économie sont valides - je peux le faire très vite - cela créerait 150 000 emplois. Vous me direz: oui, on enlève 600 000 000 $, on perd 150 000 emplois; par conséquent, parce que les gens n'ont plus cet argent pour acheter des choses, ils réinvestissent au moins 235 000 000 $ dans l'économie et on crée 68 000 emplois. Pour le reste, c'est utilisé à d'autres fins, je ne sais pas.

Une chose que je peux vous dire avec certitude - parce que tous ces chiffres, même ceux présentés par le premier ministre, comme vous le savez, sont très douteux; on ne peut jamais faire de corrélation directe entre les investissements dans l'économie et les emplois créés - c'est que cette taxe de 600 000 000 $, et c'est le point central, enlevée du revenu des familles québécoises partout au Québec a des effetsindirects dont on ne peut évaluer exactement les impacts sur l'activité économique dans chaque région. C'est l'évidence même. Alors, je pense qu'il est prouvé que c'était négatif.

D'après les chiffres préparés par mon collègue, le député d'Outremont, et que j'ai présentés, il est clair qu'il y a des régions, surtout les régions les plus éloignées, comme la Gaspésie, la Côte-Nord, le Nord-Ouest du Québec, les Cantons de l'Est, la Mauricie, qui sont plus défavorisés par ces taxes que la ville de Montréal, où c'est régressif dans le sens que tout le monde est obligé de payer. Je n'accepte pas du tout l'argument du député de Roberval voulant que ce ne soit pas régressif parce que les gens ont le choix. La plupart des gens n'ont pas le choix, le covoiturage est peut-être un idéal à long terme...

M. Fortier: ...à Montréal.

M. Scowen: ...à Montréal, mais ce n'est pas quelque chose de réaliste pour le monde ordinaire; oubliez ça. Normalement, les gens qui ont une voiture aimeront se rendre au travail avec leur voiture. Je doute fortement que vous puissiez changer leurs habitudes. C'est régressif dans le sens que beaucoup de gens n'ont pas le choix que de se rendre au travail dans leur voiture et c'est régressif dans le sens que c'est une taxe qui défavorise d'une façon très importante -c'est l'argument central de notre débat aujourd'hui - certaines régions par rapport aux autres. Selon les chiffres de mon collègue, la seule région à ne pas être défavorisée par cette taxe est la région de l'Outaouais. (12 h 15)

Même si les personnes défavorisées sont les personnes qui oeuvrent dans l'industrie du pétrole, les postes d'essence et tout, les chiffres révèlent que, malheureusement, un très grand pourcentage des personnes résidant dans l'Outaouais sont capables d'échapper au taux d'imposition et d'aller de l'autre côté de la rivière. Les gens frappés dans l'Outaouais sont les gens qui oeuvrent dans l'industrie du pétrole, les détaillants d'essence, la population étant en grande partie capable de partir chercher de l'essence ailleurs.

On ne demande pas au ministre des Finances de ne plus imposer les citoyens du Québec. On lui demande, d'abord, d'accepter le fond du problème, à savoir que nos revenus, chaque année, n'arrivent pas à ses

prévisions à cause du climat économique que l'on connaît aujourd'hui, mais surtout de trouver un autre moyen de taxer les gens du Québec, un moyen moins régressif et beaucoup moins défavorable pour les gens des régions. On lui demande aussi juste un peu plus de rigueur dans son argumentation. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, il y a beaucoup de choses à relever dans l'intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce, ce que j'ai l'intention de faire aussi systématiquement qu'il est possible. Il a commencé son intervention en attaquant une sorte de manque de cohérence, dit-il, de notre côté. D'une part, on dit que cette surtaxe sur l'essence a amené des changements dans les comportements mais, d'autre part, dit-il, quand le ministre des Finances regarde la réduction de la consommation d'essence au Québec, il s'appuie sur le Nouveau-Brunswick pour dire que c'est à peu près de la même ampleur. Donc, il n'y aurait pas changement de comportement à cause de la taxe. C'est qu'il ne nous a pas vraiment écoutés, le député de Roberval et moi.

La réduction de la consommation de super, dont j'ai fait état ce matin, on voit très bien que c'est le résultat de la surtaxe. Les chiffres que j'ai donnés le démontrent on ne peut plus clairement. D'autre part, la réduction due à la tendance vers de petites voitures, ça ne vient pas seulement d'une taxe; ça vient aussi du fait que le prix de l'essence, à cause de l'augmentation du prix de l'essence sur le marché international et, au Canada, de l'entente Ottawa-Alberta, a augmenté de façon considérable.

Effectivement, si le député de Notre-Dame-de-Grâce pense que l'augmentation du prix de l'essence, quelle qu'en soit la source, n'a pas provoqué des changements de comportement, il ne constate pas ce que tout le monde constate actuellement en se promenant dans les rues.

Il est clair qu'il est difficile d'établir une corrélation stricte entre l'augmentation du prix de détail avec taxe, tenant compte de l'augmentation du prix de base, et la consommation dans chacune des provinces. Cela, c'est difficile à établir, je ne le cache pas. Mais dans des choses comme la consommation de super dont je parlais, c'est très visible, et c'est un changement de comportement assez remarquable. Il est tout à fait évident que dans les régions urbaines, à Montréal en particulier, on a cherché à favoriser le transport en commun, comme dans beaucoup d'autres grandes villes dans le monde, et faire en sorte que, justement, on se serve moins des autos, surtout dans les centre-ville. Donc, le fond de l'argumentation du député de Roberval demeure entier. Il y a des changements de comportement indiscutables.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce a fait des incursions dans le champ général des finances publiques. On me permettra, M. le Président, même si je sais que ce n'est pas suivre correctement la pertinence du débat, de lui répondre brièvement. Il faisait allusion à l'augmentation de la dette au Québec depuis un certain nombre d'années. Je pense qu'il ne peut pas être sérieux. Personne ne peut être sérieux, actuellement, regardant ce qui se passe au gouvernement fédéral, en revenant une fois de plus sur cet argument. Les déficits au Québec ont augmenté, oui, je veux bien, mais, entre nous, quand on compare à ce qui se produit à l'heure actuelle ailleurs au Canada, il me demande: Suis-je fier d'avoir un déficit de cette taille? Je dois lui répondre: Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Que nous ayons réussi à passer à travers cette période avec un déficit qui n'est pas plus élevé, alors que le fédéral en est rendu à emprunter 1 $ sur 3 $ qu'il dépense, chez nous c'est 1 $ sur 7 $. Alors que sur une base comparable et per capita il y aura cette année au moins cinq ou six provinces, sinon davantage, qui auront un déficit supérieur au nôtre. Je pense simplement qu'un peu comme un moulin à prières tibétain le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui répète toujours les mêmes arguments depuis un an et demi, ne se tient pas suffisamment au fait de l'actualité.

Il m'a dit: Mais, enfin, est-ce que vous êtes fier d'avoir des prévisions de revenus et de dépenses qui sont parfois contredites par la réalité? Eh bien! je vous dirai que si c'est le lot des ministres des Finances, il est évident que la capacité d'être devin est limitée. Je reconnaîtrai une chose cependant, c'est que sur le plan des projections en 1982-1983, quant à l'évaluation du déficit à venir qu'on a faite il y a un an et dont on sait maintenant qu'elle est réalisée, nous avons une des meilleures performances au Canada, sinon la meilleure.

Entre ce qui a été annoncé il y a un an et ce qui est terminé maintenant, montrez-moi d'autres gouvernements au Canada qui ont réussi à prévoir aussi bien. Pourtant, Dieu sait si l'économie a connu des soubresauts effrayants cette année! Ne charrions pas trop. Encore une fois, ne revenons pas sur des arguments qui ont été utilisés longuement mais qui ne correspondent vraiment pas à ce qui se produit maintenant.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait: La taxe sur l'essence a été établie parce que les taux d'intérêt coûtaient très

cher, les dépenses augmentaient très vite au gouvernement de Québec et le gouvernement fédéral avait coupé les fonds. Mais non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Quand on commence à caricaturer la position des gens, on peut leur faire dire n'importe quoi. Je ne sais pas pourquoi il ne m'a pas cité au texte, d'ailleurs, parce que, enfin, c'est public, c'est l'exposé budgétaire de novembre 1981.

Sans doute j'indique qu'on aura des dépenses plus élevées qu'on pense et des revenus moins élevés qu'on pense. C'est donc qu'il me faut aller chercher cette ponction fiscale additionnelle. Sans doute si l'on prévoyait pour l'an prochain une nette amélioration de la situation, pourrait-on prendre certaines latitudes avec les objectifs, mais ce n'est pas le cas. Les taux d'intérêt pratiqués aux États-Unis comme au Canada ont considérablement ralenti l'économie et on ne peut donc espérer dans l'immédiat une accélération des entrées d'impôt. D'autre part, la chute des versements fédéraux fera apparaître un manque à gagner additionnel énorme l'an prochain du double de cette année. Même en continuant énergiquement la politique de compressions budgétaires, l'année 1982-1983 se présente donc, sur le plan budgétaire, comme une année difficile.

Qu'est-ce qui s'est passé avec les transferts fédéraux? Cette année, parce que l'économie s'est effondrée bien davantage au Canada que l'on pensait, le point d'impôt rapporte moins et, donc, les transferts financiers sont plus élevés pour nous comme pour bien d'autres. On sait que dans les arrangements fiscaux que le gouvernement fédéral nous a imposés, il y a une année où cela va tomber. Mais parce que l'économie a été aussi faible, les transferts fédéraux ont augmenté cette année. Sauf que quand viendra mon année où les transferts fédéraux baisseront ou, en tout cas, étaleront? Où j'aurai tout l'impact des arrangements fiscaux? Pas cette année, simplement l'an prochain. C'est roulé d'un an.

Je sais bien que j'aurai à passer à la casserole. L'année où le fédéral rajuste, en fonction des arrangements fiscaux, les transferts aux provinces, et donc l'année où, au lieu de voir les transferts fédéraux augmenter de 8%, de 9% ou de 10%, ce sera zéro ou moins un ou moins deux, là, simplement à cause de l'état de l'économie, je sais que c'est un an en retard mais on y passera. C'est dans la formule.

On me dit aussi: Les taux d'intérêt ont baissé, donc vous pourrez rendre l'argent. Mais cela a toujours été le dilemme affreux de l'Opposition de dire: Baissez les taxes, augmentez les dépenses, mais limitez le déficit. Et on m'accuse de manquer de rigueur! Non, mais... Je répète: Baissez les taxes, augmentez les dépenses et, en tout cas, n'augmentez pas le déficit, réduisez-le, il est trop élevé. Comment fait-on cela? À partir simplement des règles d'arithmétique élémentaires, je demanderai un jour au député de Notre-Dame-de-Grâce de me démontrer cela.

Venons-en maintenant aux questions régionales et à l'effet de la taxe sur l'essence.

M. Scowen: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Question de règlement, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Les trois choix sont: augmenter les taxes, réduire le déficit, réduire les dépenses. La quatrième solution, c'est la croissance économique.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, mais ce n'est pas une question de règlement.

M. Parizeau: M. le Président, si jamais vous trouvez que c'est une question de règlement, j'aimerais aussi que le député de Notre-Dame-de-Grâce me le démontre. En fait, il a cherché simplement à me couper la parole.

Le Président (M. Gagnon): Ce n'est pas une question de règlement, M. le député.

M. Parizeau: Je ne lui en veux pas, cela lui arrive assez souvent.

On en vient à la question de la taxe sur l'essence et de ses effets. On nous a donné des chiffres qui me surprennent un peu. Comme cela, en Ontario, l'essence aura augmenté de 4% ou 5%, selon ce qu'on m'a dit, et 24% au Québec? Écoutez! De mars à mars, j'ai 13% pour l'Ontario et 11,1% pour le Québec. C'est avant, cependant, les dernières modifications, les modifications récentes. Mais, de mars à mars, c'est ce que cela donne.

Deuxièmement, on me dit: Mais l'effet de la taxe sur l'essence dans les régions éloignées de la province fait en sorte que, dans telle région, vous payez 34% de plus qu'à Montréal, dans telle autre région, 45%, etc. Comment concilie-t-on cela avec les chiffres que nous a donnés le député d'Outremont, ce matin? Je n'ai pas vérifié ces chiffres; je ne sais pas comment ils ont fait ces chiffres-là, mais je les prends comme ils me les donnent. Dans l'ensemble du Québec, la consommation serait de 1100 litres par personne et, en Gaspésie, de 1152. D'après moi, c'est 0,5%. Non, c'est plus que 0,5%. C'est 5%. Pas tout à fait. Disons 5% pour simplifier. Comment ces 5% deviennent-ils 35% ou 40%? Je ne comprends pas. Je n'arrive pas à concilier les chiffres du député de Notre-Dame-de-Grâce avec ceux

du député d'Outremont, mais passons.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce nous dit que cette surtaxe sur l'essence représente 400 $ par famille et il dit: Vous voyez, cela fait 400 $ de moins qu'on peut dépenser dans les restaurants; cela fait 400 $ de moins que la famille en question peut placer sur ses achats. Donc, une longue nomenclature. En fait, ce qu'il est en train de dire, c'est que les impôts, c'est toujours gênant à avoir à payer. 0e reprends l'argumentation d'une autre façon.

Sur les particuliers seulement - j'exclus ici les cotisations d'employeurs à l'assurance-châmage - à la fin de 1982 et au début de 1983, le gouvernement fédéral a imposé 600 000 000 $ d'impôt supplémentaire au Québec. Cela fait 400 $ par famille. Maintenant, je vais reprendre le même genre de démagogie. Pour une famille québécoise, parce que le fédéral a augmenté ses impôts, vous avez 400 $ de moins à dépenser dans les restaurants, comme dirait le député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous avez 400 $ de moins à dépenser sur vos achats, comme dirait le député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous voyez l'effet de ces impôts fédéraux tout récents. Ils sont tout chauds ceux-là. Comme la taxe ascenseur, ils viennent de se produire. Voilà ce que cela va coûter aux Québécois. Moi aussi, je peux faire de la démagogie. Un moulin à prières tibétain, on peut tourner cela autant qu'on veut. Cela ne change rien au phénomène. Oui, bien sûr, j'ai dû aller chercher 600 000 000 000 $ d'augmentation d'impôt.

Une voix: 600 000 000 $.

M. Parizeau: 600 000 000 $, pardon. Ce serait beaucoup. 0e me pensais Américain pendant un instant.

Des voix: Ah!

M. Parizeau: 600 000 000 $ d'augmentation d'impôt, il y a quinze mois, seize mois, parce que c'était nécessaire pour l'équilibre des finances publiques au Québec. Le gouvernement fédéral a jugé bon d'aller chercher des augmentations d'impôt récentes parce qu'il jugeait cela nécessaire. Entre nous, c'était probablement plus nécessaire pour lui encore que pour moi, compte tenu de la taille de son déficit, et il nous en annonce d'autres, d'ailleurs, pour les années qui viennent.

Quant à savoir si un impôt enlève de l'argent des poches du consommateur, oui, M. le Président, effectivement, c'est cela. Tous les impôts, comme le disait le député de Roberval; pas seulement un. (12 h 30)

C'est dans ce sens que je crois que, si on veut avoir un débat le moindrement intelligible sur ces questions, je préfère - je vous l'avouerai - infiniment l'approche du député de Papineau qui dit que dans son comté, dans les régions frontalières, il y a peut-être des ajustements à faire dans les zones. Je suis bien forcé de lui dire: Oui, il faut regarder cela périodiquement parce que, des fois, il faut en faire. On en a fait, d'ailleurs. Je pense aussi qu'on continuera d'en faire dans la mesure où on le juge nécessaire.

J'aime infiniment mieux l'approche du député de Viger qui me disait que sur le plan touristique - cela n'a peut-être pas beaucoup de rapport avec le débat mais, dans un certain sens, oui - on devrait réexaminer, à Québec, la taxe de vente payée par les touristes quand ils restent ici pour une période de temps de 30 jours. Je pense qu'il a raison, cela vaudrait la peine d'examiner cela.

J'aime mieux ces approches que celle qui consiste, comme celle du député de Notre-Dame-de-Grâce, à essayer de jeter le bébé avec l'eau du bain dans un fracas considérable. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. le député d'Outremont.

Conclusions M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, nous en sommes au terme de ce débat et le ministre des Finances, et président du Comité interministériel de développement économique, au moins, en conclusion, admettra notre volonté d'être positif dans ce débat. Comme de raison, il n'est pas facile d'infléchir un ministre des Finances qui, à venir jusqu'à il y a quelques instants, donnait l'impression d'être irréductible et d'avoir toutes les réponses, de ne pas vouloir comprendre que certains Québécois avaient de sérieux problèmes avec cette taxe sur l'essence.

Nous avons voulu souligner ces problèmes parce qu'ils sont réels chez certains individus, ils sont une entrave à la création d'emplois, on les retrouve dans les régions et dans l'entreprise. Le ministre des Finances, au moins, nous remerciera, je crois, d'avoir eu une discussion qui, en général, a été très gentleman, très ouverte, très civilisée. Je crois qu'il devrait nous féliciter d'avoir tenu un débat positif dans l'ensemble car nous avons apporté des suggestions extrêmement pertinentes. Si nous l'avons fait, c'est que nous croyons qu'il ne faut absolument pas que l'Opposition fasse de la petite politique sur le dos des régions qui, déjà, souffrent énormément de nombreuses politiques gouvernementales. Nous nous devions d'aborder ce débat dans une attitude

ouverte, franche et positive.

Je remercie le ministre des Finances qui a remercié mon collègue de Papineau -je puis vous assurer, pour avoir coordonné ce débat, que c'était voulu de notre part -d'avoir fait des suggestions. Avant qu'il nous quitte, le député de Papineau me disait qu'il aimerait bien rencontrer le ministre et ses fonctionnaires pour lui faire part de recommandations plus détaillées qu'il n'a pu le faire durant ce débat-ci.

Le député de Viger, en parlant de tourisme, a fait des suggestions, à mon avis, extrêmement pertinentes. On ne peut nier le fait que la taxe sur l'essence a un impact sur l'industrie touristique au Québec, sur les Américains qui ne viennent plus ici, de même que sur les Canadiens qui ne voyagent plus au Québec même autant qu'ils devraient le faire.

Le député de Papineau, en plus de la taxe de vente touchant les touristes de l'extérieur du Québec qui viennent ici - le ministre a dit qu'il examinera cette question a fait une autre suggestion aussi très pertinente, le coupon sur l'essence. Quand on examine le nombre de touristes qui vont en Ontario et ceux qui viennent au Québec, on voit qu'il y a un problème au Québec. Bien sûr, je ne dis pas que la taxe sur l'essence est le seul problème, mais c'est sûrement un problème important.

Cette suggestion, d'un coupon sur l'essence pour les Américains, est une suggestion qui, je l'espère, sera considérée par le ministre des Finances de façon très attentive. Je me souviens moi-même, alors que j'étais étudiant en Europe et que le coût de l'essence était très élevé, que nous pouvions obtenir de tels coupons en France, en Italie. Ceci nous permettait et permettait à bien des touristes de voyager dans ces pays alors que dès ce moment - je remonte aux années soixante - les coûts de l'essence étaient exorbitants. Ce sont des techniques que les pays européens ont utilisées sur une très grande échelle et qui ont donné de bons résultats.

L'adjoint parlementaire du ministre nous a dit que certaines taxes ont été enlevées. Il parle de la taxe sur les repas modestes. Il faut bien comprendre - je ne crois pas que ce commentaire était très sérieux - que pour les hôteliers, que ce soit dans Charlevoix, dans la Gaspésie ou dans l'Estrie, nous osons espérer que les Américains qui viennent dans nos hôtels, dans nos centres de villégiature, prennent des repas qui coûtent plus de 3,25 $, parce que la taxe sur les repas a été abolie sur les repas qui coûtent moins de 3,25 $. Bien sûr, la taxe sur les repas, si on y inclut le vin et l'alcool, est beaucoup plus élevée qu'ailleurs. Mais là n'était pas le point de notre discussion.

Nous aurions pu - c'était, je crois, le but que nous poursuivions - faire des suggestions additionnelles. C'est la raison pour laquelle nous demandions au ministre de déposer les études reliées à l'impact économique de cette taxe sur l'essence. L'adjoint parlementaire, le député de Roberval, nous disait: Si vous croyez que cette taxe sur l'essence a des impacts tellement négatifs, vous de l'Opposition devriez faire des recommandations additionnelles. Nous ne disons pas non à cette suggestion. Pour ce faire, nous aimerions avoir toute l'information utile, mais malheureusement le ministre des Finances nous l'a refusée. Donc, nous ne pouvons pas aller beaucoup plus loin que les suggestions que nous avons faites qui, je crois, étaient pertinentes puisque le ministre des Finances, en gentleman, nous a dit qu'elles étaient intéressantes et qu'il allait en considérer certaines.

On a entendu un autre argument. On a dit: Toute taxe est une ponction fiscale et toute ponction fiscale est une ponction par définition. Je crois que là on fait erreur parce que nous, de l'Opposition, bien sûr, et, je crois, le public en général, nous sommes d'accord, pas tellement pour que les taxes augmentent, mais sur le fait que certaines taxes qui sont imposées sur des biens moins essentiels que l'utilisation d'une voiture, ou moins essentiels que l'essence, ce qui a un impact également sur le transport, sur l'industrie, sur le commerce, nous sommes d'accord, dis-je, sur le fait que certaines taxes sont plus faciles à justifier que la taxe sur l'essence. J'ai fait allusion, dans mon allocution, aux taxes sur les cigarettes. Tout le monde sachant que le premier ministre et le ministre des Finances sont de grands fumeurs, on est tous d'accord pour que ces deux gentlemen paient plus de taxes que les autres.

On est tous d'accord aussi, je pense, bien qu'on n'aime pas beaucoup payer plus cher au Québec, pour taxer l'alcool et le vin. Là je crois que le ministre des Finances serait justifié de nous dire: Écoutez, il s'agit d'un bien de consommation, le vin avec le repas, qui n'est pas nécessaire; que ceux qui veulent boire du vin paient davantage. Malheureusement, il est établi que les vins au Québec coûtent plus cher qu'ailleurs. Encore là, cela peut se justifier parce que ceux qui vont dans les restaurants pour boire du vin ne sont pas obligés d'en acheter une bouteille. Le point que nous avons voulu soulever, c'est que la taxe sur l'essence est d'une autre nature. Il y a des individus qui sont obligés d'utiliser leur voiture pour travailler. Encore là, le député de Roberval disait: On voulait faire en sorte qu'il y ait des changements d'attitude. On voulait favoriser le covoiturage. J'en conviens. Dans une ville comme Montréal, en particulier, et peut-être dans une ville comme Québec, on peut favoriser le covoiturage, mais lorsqu'on

est en Gaspésie, lorsqu'un individu va de Grande-Rivière à Chandler, de Grande-Rivière à Rivière-au-Renard, de Gaspé à Chandler, suggérer que ces gens fassent du covoiturage pour travailler, c'est beaucoup demander. On peut certainement suggérer que le covoiturage soit une solution dans les grandes villes. Non seulement peut-on le suggérer, mais le gouvernement propose présentement des politiques dans ce sens. Or, je crois que dans les régions, surtout dans les régions éloignées, la voiture est un bien quasiment essentiel utilisé par bien des gens pour aller travailler. C'est une nécessité de la vie très souvent. En plus de cela - nous avons voulu le souligner - l'essence qui coûte plus cher ici a un impact sur les commerces, un impact sur l'industrie. Nous n'avons pas toutes les données. C'est la raison pour laquelle nous demandions au ministre de nous donner un renseignement additionnel qui nous permettrait d'en évaluer tout l'impact. Ce que nous savons, c'est que cela a un impact certain.

Pour revenir au tableau que j'ai préparé et auquel le député de Notre-Dame-de-Grâce s'est référé, dès la semaine prochaine, j'en ferai parvenir une copie au ministre, puisqu'il a cru qu'il était intéressant de l'examiner. Il faut bien comprendre, pour corriger peut-être une mauvaise impression qu'il a de l'utilisation des chiffres faite par mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, que si, dans l'ensemble du Québec, la consommation d'essence est de 1100 litres par personne, la référence de base, comme mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce l'a mentionné - et c'est pertinent - c'est la consommation d'essence par personne à Montréal même. Autrement dit, on doit se comparer non pas tellement en fonction de la moyenne nationale québécoise, mais en fonction de la consommation d'essence à Montréal, Montréal étant l'endroit où le revenu personnel disponible per capita est à peu près équivalent à la moyenne des revenus personnels disponibles per capita pour l'ensemble du Québec. C'est la raison pour laquelle certains des chiffres utilisés par mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce étaient légèrement différents des miens; il a utilisé comme base Montréal au lieu d'utiliser la moyenne québécoise. Je crois que cette comparaison est tout à fait pertinente, puisque le but de l'exercice était justement de démontrer que, pour certaines régions du Québec par rapport à Montréal, il y avait des différences importantes.

M. le Président, bien sûr, on n'a pas épuisé le débat. Nous sommes convaincus que cette taxe a un impact négatif sur l'économie, surtout sur l'économie des régions. Nous croyons que le ministre des Finances, étant donné qu'il doit faire des choix prochainement en fonction de son prochain budget, doit se pencher sur ce problème. Il semblerait, d'ailleurs, que le premier ministre ait indiqué, en réponse à certaines questions lorsqu'il était dans la région du Lac-Saint-Jean, que certains ajustements seraient peut-être faits. Nous demandons sincèrement au gouvernement de se pencher sur ce problème, parce que nous croyons que l'impact que cette taxe a eu depuis le mois de novembre 1981 a été maléfique, cela a été un impact négatif et nous croyons que des ajustements importants devraient se faire.

Il y a une autre dimension du problème que j'aimerais aborder, puisque j'avais posé au ministre des Finances une question, en Chambre, à savoir s'il a l'intention d'intervenir auprès du gouvernement canadien pour prévenir toute hausse du coût du pétrole, étant donné que nous avons ici au Québec une taxe ascenseur. Il est bien évident qu'en fonction d'une révision de la politique nationale de l'énergie une hausse du coût du prétrole amènerait automatiquement au Québec une hausse encore plus considérable du coût de l'essence. La taxe, dite ascenseur, s'ajusterait automatiquement à la hausse, s'il y avait augmentation du coût du pétrole au Canada.

D'ailleurs, dernièrement, le ministre de l'Énergie, M. Chrétien, confirmait ce que je disais à l'Assemblée nationale, alors que je posais cette question au ministre des Finances, qu'il y aurait, d'ici au 1er juillet de cette année, une révision de la politique nationale de l'énergie. Dans un discours qu'il prononçait dernièrement à Toronto, il disait qu'un choix devait être fait, soit pour favoriser les producteurs ou les provinces productrices, soit pour protéger les consommateurs. Encore là, je demande au gouvernement, soit au ministre des Finances qui est ici avec nous: Est-ce que le ministre des Finances ou est-ce que le ministre de l'Énergie fera des représentations pour protéger les consommateurs québécois? (12 h 45)

Si, par malheur, le gouvernement canadien décidait qu'il était dans le meilleur intérêt du Canada de favoriser le prix du pétrole, qui se rapprocherait des prix internationaux, est-ce qu'à ce moment ou est-ce que, dès maintenant, le ministre des Finances ferait le nécessaire pour ajuster la taxe ascenseur pour prévenir des hausses encore plus importantes que celles que nous avons connues jusqu'ici? S'il fallait que les prix du pétrole augmentent encore davantage, il est bien évident que cet impact négatif serait encore plus important et qu'il faudrait prévenir ces hausses additionnelles.

En ce disant, je voudrais être bien clair, je ne condamne pas, loin de là, le gouvernement canadien. Le ministre de l'Énergie, M. Chrétien, le disait lui-même, la politique nationale de l'énergie a été voulue pour maintenir le prix du pétrole le plus bas

possible. Malheureusement, les taxes qui ont été imposées par certaines provinces consommatrices, comme le Québec, ont fait dévier l'objectif de cette politique pour faire augmenter le prix de l'essence beaucoup plus que ne le voulait la politique nationale de l'énergie. Aux États-Unis, où il n'y a pas eu ce contrôle du prix du prétrole, où le prix de l'essence, de l'autre côté de la frontière, est sujet au coût du prétrole international, le coût de l'essence est moins élevé qu'ici au Québec où le prix de l'essence est basé sur un prix du pétrole qui est moins élevé que le prix international du prétrole.

Je termine, là-dessus, nous avons voulu ce débat pour faire ressortir ces anomalies très importantes, pour faire ressortir ce qui nous semble une injustice pour plusieurs individus, et pour faire ressortir le fait que les régions éloignées surtout subissent des contretemps très importants à cause de cette taxe qui a été imposée par le ministre des Finances.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Outremont. M. le ministre des Finances, votre réplique.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Merci, M. le Président. Je voudrais terminer aussi en exprimant l'intérêt que j'ai pris à ce débat dans lequel un certain nombre de choses fort intéressantes sont ressorties. J'aurais quelques commentaires, en terminant.

Sur le plan de l'industrie touristique, j'ai signalé que le député de Viger, en particulier, avait fait un certain nombre de suggestions qui me semblaient être matière à réflexion. Mais je tiens à revenir sur ce que disait le député de Roberval quant à tous les éléments qui influencent le volume de tourisme qu'il peut y avoir à un moment donné pendant une saison.

Ce n'est pas rien pour le gouvernement du Québec d'avoir enlevé la taxe sur les chambres d'hôtel. L'Ontario l'a fait pendant deux ans, puis l'a remontée. Elle est à l'heure actuelle de 5%, ça grève un budget sérieusement. Ce n'est pas aussi insignifiant que semblait le dire le député d'Outremont de ne pas avoir de taxe sur les repas de moins de 3,25 $. Il se consomme beaucoup de choses en bas de 3,25 $, surtout que maintenant, en Ontario, on taxe tout. Le hot-dog est taxé de façon imperturbable. Cela aussi grève les budgets, il ne faut pas se faire d'illusion. Il faut tout prendre ensemble si on veut comprendre ce qui se passe. Là encore, je pense que nos amis de l'Opposition ne trouveraient aucun moyen d'établir une correspondance quelconque pour l'année écoulée entre le niveau de la taxe sur l'essence et ce qui s'est passé sur le plan du tourisme. Comme il l'a dit, dans d'autres provinces, le tourisme a baissé; chez nous, il a monté un peu, ce qui va tout à fait à l'encontre des thèses qu'on a pu entendre ce matin.

Deuxième chose, je n'ai pas dit au député d'Outremont... Je le lui répète d'ailleurs, si je me suis mal fait comprendre, je m'en excuse. Je pense qu'il ne serait pas du tout dans l'intérêt public que le ministre des Finances commence à déposer toutes les études d'impact qu'il fait faire pour sa propre gouverne, qui sont très nombreuses, qui, à certains moments, d'ailleurs, peuvent être contradictoires et qui l'amèneront toujours à trancher. Ce sera toujours sa responsabilité de trancher dans des études comme ça. Tout cela ne voulait pas dire que, sur le plan de l'information, et j'irai plus loin que ça, de calcul que l'Opposition voudrait faire sortir, que j'aurais comme position que le ministère des Finances cacherait ces renseignements. Il y a une foule de renseignements que je n'ai pas le droit de refuser puisqu'ils appartiennent au public. S'il s'agit de faire sortir des ordinateurs des séries fiscales, combien on a perçu tel genre d'impôt et de quelle façon, je ne vois pas en vertu de quoi on refuserait ça à l'Opposition comme on ne les refuserait pas à des journalistes qui s'adresseraient à nous pour les obtenir.

En un certain sens, sur le plan des renseignements, comprenons-nous bien, des informations, je suis toujours désolé de voir à quel point on écrit des tas de choses dans les journaux et, une semaine après, on se présente au ministère des Finances en disant: Pourriez-vous valider tout ça? On dit: Pauvre gars, pourquoi n'êtes-vous pas venu avant? Ne confondons pas, s'il s'agit d'informations, bien sûr, je pense qu'il est important pour le débat dans notre société que les renseignements soient disponibles.

Je vais revenir, un instant, à nouveau sur la question des régions éloignées. Je ne viens pas d'une région éloignée, bien sûr, j'ai toujours été un peu Montréalais, mais j'ai beaucoup circulé dans passablement de régions depuis que je fais de la politique, et même avant, souvent, et je n'ai pas tout à fait la même perception que lui. Est-il tout à fait certain, quand il s'amusait aux dépens du député de Roberval sur le covoiturage, que le covoiturage en région est aussi faible que cela et aussi généralisé à Montréal? Je me demande s'il n'a pas le même réflexe naturel de Montréalais que j'ai aussi. Le covoiturage est bien plus répandu en région qu'on ne l'imagine. Il n'est pas du tout évident que le covoiturage en région soit très faible et qu'à Montréal il est soit dense.

Je n'ai jamais fait de calcul pour savoir la densité du covoiturage, mais une chose est claire, c'est que, dans beaucoup de régions du Québec, le covoiturage est rentré sur un vrai temps. Faisons attention de ne

pas nous amuser trop facilement avec des notions comme celle-là. Il faut avoir une perception sur le terrain et je ne suis pas persuadé que la perception du député d'Outremont de ce qui se passe en province, en régions éloignées, est si bonne que cela.

Le député d'Outremont me disait: La raison pour laquelle il semble y avoir un écart considérable entre les chiffres que j'ai utilisés sur la consommation d'essence en région et ceux du député de Notre-Dame-de-Grâce vient de ce qu'on ne se sert pas du même point de départ, de la même moyenne. Le député de Notre-Dame-de-Grâce utiliserait ce qui se passe à Montréal. Je rappellerai une chose au député de Notre-Dame-de-Grâce et au député d'Outremont à cet égard. Cela ne change pas énormément les moyennes, qu'on utilise une base ou l'autre, pour la raison très simple qu'il y a à peu près 45% de toute la population du Québec qui vit dans un rayon de 25 milles de Peel et Sainte-Catherine.

Utilisez une base ou utilisez l'autre, vous n'arriverez jamais et je ne pense pas que ces deux députés arriveront jamais à concilier les chiffres qu'ils nous ont donnés ce matin. Entre ces chiffres-là, je ne vois pas comment 5% de différence à un endroit peut devenir, chez un autre député, 35% à un moment donné. J'ai l'impression qu'il y a des règles de trois qu'ils trouveront pénibles à faire.

Je voudrais terminer maintenant sur le thème qu'a abordé le député d'Outremont à la fin de son intervention et qui est fort intéressant. Il me dit: Est-ce que vous ferez des interventions - mon collègue de l'Énergie et des Ressources ou moi - auprès du gouvernement fédéral pour empêcher ou chercher à empêcher que le prix du pétrole augmente au Canada? M. le Président, je ne suis pas du tout certain qu'il faut recommencer ce débat avec Ottawa. Lorsque le prix international du pétrole a augmenté, d'abord brutalement en 1973 et puis lentement dans les années qui ont suivi, et qu'il a doublé à nouveau en 1979, il y a un certain nombre de pays industriels qui ont compris qu'ils ne pourraient pas échapper à cela et qui donc, tout de suite, ont ajusté leur prix intérieur en conséquence. Le gouvernement américain a été un peu plus lent à réagir. Il a essayé, en un certain sens, de protéger le marché américain contre ces hausses pendant quelques années et, à un moment donné, il s'est fatigué de cela et cela a donné un tas de distorsions. Il a libéralisé le marché, puis il est revenu au prix international.

Au Canada, selon notre bonne vieille habitude, on a - si vous me passez l'expression, M. le Président - "taponné". Pendant quelques années, on a empêché le prix intérieur d'augmenter. On a dû verser des subventions considérables à l'Est du

Canada pour être en mesure de tenir cette situation. Ces subventions ont augmenté considérablement le déficit du gouvernement fédéral. Mais c'était considéré, comme on disait autrefois, pour la bonne cause. Comme un référendum s'en venait au Québec, il fallait persuader les Québécois de l'intérêt d'être Canadiens et, pour cela, il fallait maintenir le taux du pétrole au Canada tout à fait bas par rapport au marché international. De cette façon, on avait un argument politique impeccable.

Pas besoin de vous dire que, tout de suite après le référendum, on a vu l'écart entre le prix international et le prix canadien avoir tendance à se refermer. Il fallait quand même l'augmenter. Les subventions à l'Est du Canada coûtaient bien trop cher. Là, on est rendu à un point où le prix baisse sur le plan international, mais il reste pas mal plus haut que le nôtre et on se demande à nouveau si on devrait le monter au niveau international, lentement, tout de suite, plus tard. On n'échappera pas aux forces du marché. On peut s'en isoler pendant un certain temps. C'est clair, on l'a fait au Canada. On peut donner l'illusion à nos entreprises qu'elles sont davantage concurrentielles pendant un certain temps parce que leur pétrole leur coûte un peu moins cher qu'à leurs concurrents internationaux, sauf que n'importe quel homme d'affaires au Canada sait très bien que, tôt ou tard, on va s'aligner sur le prix international. Je ne vois pas beaucoup de gens qui accepteraient d'investir sur l'espoir que le prix canadien pourrait rester longtemps comme cela.

On va être forcé, bien sûr, entre le fédéral et l'Alberta, de renégocier les accords. On va bien voir ce qui va en sortir. Mais, M. le Président, si on est placé en face d'une situation où le prix du pétrole doit, finalement, rejoindre le prix international, il y a deux façons comme il y a deux façons d'aller chez le dentiste. Quand on a une dent qui fait mal, on peut aller chez le dentiste et lui demander de jouer avec pendant deux ou trois heures. Cela fait très mal, surtout si on sait qu'elle doit sauter. Si on sait que la dent doit sauter, c'est tellement plus simple de la tirer d'un bon coup. Cela fait mal, mais moins longtemps.

Il y a un certain nombre de choses inévitables dans la politique énergétique canadienne. Tout ce que je peux souhaiter, c'est que le gouvernement fédéral mette le moins de politique possible là-dedans et le plus de réalisme par rapport aux marchés internationaux.

Là-dessus, M. le Président, je constate qu'il est 13 heures et je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre, ainsi que vos collègues. Je remercie

aussi le député d'Outremont ainsi que ses collègues.

La commission des finances et des comptes publics ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 59)

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