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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 25 mai 1983 - Vol. 27 N° 67

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi 8 - Loi concernant l'adoption des chapitres 35 et 45 des lois de 1982 et modifiant certaines conditions de travail dans le secteur public


Journal des débats

 

(Onze heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des finances et des comptes publics s'est réunie ce matin en vue d'étudier article par article le projet de loi no 8, Loi concernant l'adoption des chapitres 35 et 45 des lois de 1982 et modifiant certaines conditions de travail dans le secteur public.

Les membres de la commission sont M. Blais (Terrebonne), Mme Lachapelle (Dorion), M. Fortier (Outremont), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Gagnon (Champlain), Mme Juneau (Johnson), MM. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Lachance (Bellechasse), Bérubé (Matane), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Les intervenants à la commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Fallu (Groulx), Lafrenière (Ungava), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Lévesque (Kamouraska-

Témiscouata), Lincoln (Nelligan), Polak (Sainte-Anne), Proulx (Saint-Jean), Rochefort (Gouin), Ryan (Argenteuil).

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Paré): Oui, Mme Lavoie-Roux, députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Y aurait-il possibilité que vous remplaciez M. French (Westmount) par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) s'il vous plaît?

Le Président (M. Paré): C'est déjà corrigé, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Ah! c'est déjà fait. Je m'excuse, je ne vous avais pas entendu.

Le Président (M. Paré): À ce moment-ci, je demanderais qu'on désigne un rapporteur à la commission.

Une voix: M. Lachance. Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Paré): Donc le rapporteur sera M. Lachance, de Bellechasse.

J'aimerais vous rappeler qu'il y a déjà 35 minutes d'écoulées depuis l'ouverture et, selon le mandat, les travaux de la présente séance doivent se terminer à 12 h 30.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement, d'une façon un peu plus officielle, réitérer la demande que j'ai adressée tout à l'heure officieusement au ministre, pensant pouvoir épargner un peu de temps. L'objet de la demande, c'est qu'il y a ici le groupe - j'ai leur nom exact - le Syndicat des travailleurs unis de l'Institut Pinel qui aimerait être entendu devant cette commission parlementaire. Très brièvement, ces gens-là, du point de vue salarial, étaient jusqu'à maintenant régis par une clause remorque découlant des conventions collectives des agents de la paix.

Ils n'étaient pas certains, d'abord, s'ils étaient inclus dans le décret et voulaient faire valoir certains points de vue. Du point de vue normatif, ils relèvent du ministère des Affaires sociales. C'est strictement cela et je voulais vous référer, à l'article 154 puisque je ne voulais quand même pas en faire une proposition formelle. Si vous désirez que je la formalise: "En commission plénière ou élue, après la deuxième lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi et il ne peut y avoir audition publique que devant une commission élue pourvu que celle-ci y consente." C'est dans ce sens-là que je demande officiellement le consentement du ministre et du parti ministériel pour que ces personnes soient entendues. Je pense qu'ils seront quand même brefs, j'imagine qu'ils en auraient suffisamment d'une demi-heure, et peut-être même pas; c'est tout.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, de notre côté, je pense qu'il n'y a pas d'objection à entendre ce témoignagne, d'une part. D'autre part, il se pose une question d'application un peu plus stricte quant au mandat de notre commission, puisqu'il y a toujours le problème de précédent avec lequel nous devons vivre dans ce régime parlementaire et le précédent risquant d'être le suivant: Dans quelle mesure une commission parlementaire qui n'a pas avisé les citoyens qu'ils peuvent venir témoigner peut-elle accepter d'entendre un groupe et non pas d'autres? Cela pourrait amener certains de nos concitoyens à prétendre qu'ils n'ont pas eu une chance égale d'être entendus.

Cela m'apparaît cependant une

objection peut-être importante pour nos légistes de l'Assemblée nationale mais pas tellement forte dans la mesure où la commission parlementaire peut très bien choisir de se donner l'éclairage approprié lors de l'étude d'un article. Je pense qu'au moment de l'étude de l'article 12, nous voudrons apporter un amendement et à ce moment, nous pourrons les entendre puisque l'amendement spécifique porte sur le point d'intervention qu'ils veulent soulever ici à la commission.

Donc, M. le Président, si vous n'avez pas une longue jurisprudence interdisant un tel comportement de la part d'une commission, pour autant que je suis concerné, je suis prêt à donner mon accord.

Le Président (M. Paré): Toujours en fonction de l'article 154, par une décision rendue en 1974, il est spécifié: "Dans l'économie de notre règlement, l'audition publique de la commission se fait immédiatement après la première lecture, avant l'adoption du principe même de la loi. Lorsqu'on entendra, par exception, des témoins en commission élue après la deuxième lecture, ce ne sera que pour recevoir certaines explications sur des particularités de cette loi".

Donc en fonction de cela, s'il y a consentement, on pourrait, à l'article qui concerne les gens, les recevoir pour apporter justement des explications supplémentaires, soit lors de l'étude de l'article 12.

Est-ce que nous nous entendons sur ce point?

M. Bérubé: Votre grande sagesse nous éclaire, M. le Président.

M. Blais: II faut finir de bonne heure, disons dix minutes au maximum ou quelque chose du genre. Est-ce que...

Mme Lavoie-Roux: M. Le Président, ces personnes ne sont pas venues ici pour prendre le temps de la commission. Nous commençons 35 minutes en retard. Je suis un peu mal à l'aise de fixer dix minutes. Tant mieux si cela ne prend que dix minutes. S'ils ont besoin d'un quart d'heure... Je pense qu'il faut comprendre l'objet de leur requête. Nous avons ordre de siéger jusqu'à 12 h 30 mais si par hasard nous n'avons pas terminé à 12 h 30, que voulez-vous, nous serons obligés de revenir. Nous on n'a pas - je vais demander à mon collègue d'Argenteuil -l'intention de faire durer la commission. On prendra le temps qu'il faut.

M. Bérubé: On verra durant le déroulement de nos travaux M. le Président.

Le Président (M. Paré): D'accord. Si j'ai bien compris, M. le député de Bellefeuille.

M. de Bellefeuille: M. le Président, Mme la députée de L'Acadie avait d'abord parlé d'une demi-heure. Il me paraît sage de fixer cette limite, qui est une période de temps assez longue.

Mme Lavoie-Roux: Si on peut prendre moins de temps, tant mieux!

M. de Bellefeuille: Si cela dure moins longtemps tant mieux. Il est peut-être préférable d'avoir un maximum.

Le Président (M. Paré): D'après ce que je peux voir, il se dégage un consensus qui serait le suivant: en fonction de l'article 154 nous allons pouvoir questionner les gens qui sont ici pour éclaircissement à l'article 12 et on limite le temps maximum à une demi-heure. C'est un maximum. Est-ce que nous nous entendons là-dessus?

M. Ryan: Seulement une chose, parce que là vous nous mettez dans un carcan. Il peut très bien arriver que nous consacrions assez de temps aux Il premiers articles ou que ces gens n'aient pas l'occasion d'être entendus aujourd'hui. À ce moment-là, ils seraient obligés de revenir à un autre jour. Il serait peut-être mieux de les entendre tout de suite au début afin qu'on sache à quoi s'en tenir.

M. Bérubé: On peut inverser l'ordre d'analyse de l'article tout simplement.

Mme Lavoie-Roux: Bien oui.

Le Président (M. Paré): Après les remarques préliminaires, de part et d'autre on ira immédiatement à l'étude de l'article 12 du projet de loi no 8.

Ceci étant dit, on va considérer que c'est de cette façon que nous allons procéder cet avant-midi. La parole est immédiatement au ministre pour les remarques préliminaires.

M. le ministre la parole est à vous.

M. Bérubé: La parole est à moi. Quel article a été appelé?

Une voix: Ce sont les remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Les remarques préliminaires. Ce sera très bref, M. le Président.

En fait, nous devons ici étudier un projet de loi qui, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer, vise essentiellement trois objectifs. Lepremier est de s'assurer que

toute contestation juridique des lois adoptées par l'Assemblée nationale ne puisse entraîner de difficultés d'application des régimes de conditions de travail des employés du secteur public, de telle sorte que l'on puisse assurer à la population du Québec les services publics auxquels elle a droit, d'une part. D'autre part, cette mesure de sécurité de précaution juridique étant acquise, il s'agissait également d'apporter certaines modifications aux décrets, qui sont essentiellement de deux ordres, avec un amendement que nous avons l'intention d'apporter à l'article 12.

La première modification aux conditions de travail a trait aux employés oeuvrant à temps partiel pour le gouvernement. Dans le cas de ces employés, il s'est tenu de nombreuses heures de discussions, à savoir si on devait appliquer un régime de rémunération différent pour eux. Je dois souligner que les discussions avec la partie syndicale nous avaient convaincus du peu d'intérêt de la partie syndicale à apporter de telles modifications au nom du principe suivant: à travail égal, salaire égal. On ne voyait pas pourquoi un employé à temps partiel se verrait rémunéré sur une base différente d'un employé à temps plein -j'entends sur une base différente, à un taux horaire différent - alors qu'il effectuait le même travail. Par contre, un principe que nous avons cherché à défendre depuis le début a été de faire en sorte que pour traverser la période économique très difficile, cela nous amenait à demander aux employés du secteur public un effort - je pense qu'il ne faut pas chercher à le minimiser, il est important - qui demandait une plus grande abnégation de la part des employés du secteur public.

En temps normal, je pense, en bonne période de croissance économique, il aurait été approprié de maintenir des objectifs de négociation du type de réalignement des salaires dans le secteur public sur ceux du secteur privé pour des activités comparables. Il aurait été sans doute approprié également que l'on recherche une certaine amélioration de la productivité, productivité prise au sens d'une modification de l'organisation du travail de manière que le coût des services publics devienne comparable pour des services semblables à ce qui peut se donner ailleurs dans d'autres appareils gouvernementaux performants. (Il h 45)

Partant donc de ces principes, on pourrait dire que même en période de bonne croissance économique, il aurait été approprié de maintenir ces objectifs, mais de le faire de façon plus graduelle. Il est clair qu'en période de crise comme celle que nous venons de traverser, le virage était plus brutal, plus difficile à prendre et nous avons été amenés, à ce moment, à envisager de traiter de façon différente les employés mieux rémunérés des employés moins bien rémunérés. C'est ce qui nous a amenés à faire, dès avril 1982, une proposition de réouverture et d'augmentation de salaire modulée en faisant en sorte qu'un salarié gagnant autour de 16 000 $ par année n'aurait pas connu de réduction salariale par rapport à ce qu'il s'attendait par rapport à la convention collective précédente.

Evidemment, quant au salarié gagnant plus de 37 000 $, il était complètement gelé. Donc nous avons modulé en protégeant, de façon inégale, les salariés suivant qu'ils se classaient dans les hautes échelles salariales ou les basses.

Or, le problème que cela pose pour les employés à temps partiel, c'est que ceux-ci, souvent, du fait qu'ils travaillent à mi-temps, sont amenés à recevoir une rémunération moyenne sur l'année que l'on peut qualifier de basse même si sur le plan de la rémunération horaire, ils sont considérés comme des salariés peut-être mieux traités que d'autres de nos concitoyens.

On peut donc partager les deux points de vue, à savoir que, à travail égal salaire égal et, par conséquent, ne pas modifier la rémunération pour les employés à temps partiel ou, au contraire, on peut choisir, effectivement, de donner une meilleure sécurité, une meilleure protection salariale pour les employés à temps partiel en se basant sur l'argument que devant le peu d'emplois à temps complet disponibles, un grand nombre de citoyens font du travail à temps partiel non pas par choix mais par nécessité. Par conséquent, il était approprié de leur appliquer un régime un peu différent.

Donc la loi que nous déposons ainsi vient bonifier les conditions de travail pour les employés à temps partiel sans cependant le faire pour les employés gagnant une rémunération de plus de 13 $ l'heure, c'est-à-dire lorsque nous avons affaire à des employés mieux rémunérés sur une base horaire, donc souvent disposant d'un bagage d'éducation plus important qui leur donne une plus grande mobilité, une plus grande flexibilité sur le marché du travail. Nous avons estimé que pour les salariés gagnant plus de 13 $ l'heure, il n'était pas approprié d'apporter une telle modification mais de le faire essentiellement toujours en respectant le principe que les gens qui sont peut-être moins bien outillés pour faire face à une crise économique doivent être ceux que l'État doit protéger avant tout.

C'est donc un des éléments de modification. Également, le deuxième élément de modification aux conditions de travail a trait à des bonifications qui ont été longuement discutées à la commission parlementaire de l'éducation, sur lequel je ne veux pas revenir et qui portait essentiellement sur une introduction plus

graduée de l'objectif d'accroissement de tâches que nous avions pour le niveau collégial.

Soulignons que dans la mesure où il y a eu entente au niveau primaire et au niveau secondaire, cette entente remplace les décrets prévus à la loi no 105. Il n'y avait donc pas lieu d'adapter de telles modifications. Mais comme il n'y avait pas d'entente au niveau collégial, nous avons bon espoir, d'ailleurs, d'après les discussions en cours à l'heure actuelle, qu'il y aura entente mais néanmoins pour ne pas préjuger des conclusions des discussions, nous avons apporté les modifications qui avaient été discutées à la commission parlementaire de l'éducation. En ce qui a trait au régime d'enseignement au niveau collégial, j'aurai l'occasion, si on veut, de revenir sur ces modifications en cours de discussion.

Signalons enfin qu'existe - c'est le troisième point - un article 19a. Nos concitoyens qui ont demandé à être entendus seront intéressés à connaître la position gouvernementale. Il vaut peut-être la peine de mentionner en quelques mots la situation des employés de soutien de l'institut Pinel. Le cas de ces employés de soutien est un peu particulier dans la mesure où leur convention collective est négociée par la Fédération des affaires sociales et donc incorporée dans les décrets de la loi no 105 en ce qui a trait à toutes les conditions de travail. Par contre, au chapitre salarial, une clause de la convention collective existait, une clause remorque en vertu de laquelle ces employés étaient rémunérés comme l'étaient les agents de la paix du gouvernement. Or, vous savez que nous sommes en négocation avec les agents de la paix du gouvernement à l'heure actuelle et que, par conséquent, leurs conditions de travail ne sont pas précisées dans les décrets de la loi no 105.

Or, effectivement, lorsque nous avons adopté la loi no 70, nous avons prolongé les échelles en cours, ce qui a fait que la clause remorque de la convention à laquelle ils étaient astreints a été prolongée de trois mois.

Lorsque nous avons apporté la loi no 105 nous avons retiré la clause remorque sans cependant insérer d'échelles salariales. En effet, rappelons-nous que la loi no 105 modifiait les échelles salariales pour tenir compte d'une meilleure protection des bas salariés. En retirant la clause remorque mais en n'insérant pas d'échelles, ces employés se sont retrouvés dans un vide juridique complet, c'est-à-dire qu'il n'y avait plus d'échelles salariales s'appliquant à eux. C'est ce qui explique pourquoi, dans le document sessionnel 86, que j'ai déposé à l'Assemblée nationale, nous avons remis des échelles applicables à ces employés. Toutefois, après discussions avec le syndicat, dans la mesure où, semble-t-il, nous sommes prêts à signer une entente couvrant ces employés en particulier et nous sommes prêts à incorporer dans ladite entente la réintégration de cette clause remorque qui existait dans leur convention antérieure, cela serait fait directement par entente et non pas voie législative, la seule chose que je comptais faire était de déposer à l'Assemblée nationale, cet après-midi, un nouveau document sessionnel, le 142, qui retirerait les échelles salariales de manière...

Mme Lavoie-Roux: Qui retournerait à la clause remorque.

M. Bérubé: Qui retirerait simplement les échelles salariales et on incorporerait par discussions, par négociations, la clause remorque.

C'étaient là les modifications. Le dernier point qu'il est important de souligner est l'article 19 du présent projet de loi qui fait en sorte que l'on peut alléger le processus d'adoption des conventions collectives et qu'une fois qu'il y a entente à l'échelle nationale, c'est-à-dire dans le cadre des négociations prévues par la loi 55, cette entente n'a pas besoin d'être ratifiée localement par chacune des commissions scolaires ou par chacun des syndicats au niveau collégial. C'est, en pratique, pour alléger le processus d'approbation des décrets et/ou conventions collectives modifiés par entente entre les parties.

M. le Président, on peut donc qualifer ce projet de loi essentiellement de positif dans la mesure où il bonifie les conditions de travail des employés du niveau collégial, pour les employés à temps partiel, pour les employés de l'institut Pinel, et il assure également une mise en application rapide des ententes entre les parties.

C'est donc essentiellement un projet de loi contre lequel on peut difficilement avoir de critiques.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au député d'Argenteuil.

M. Bérubé: À moins de parler hors sujet, mais j'attends le député de Sainte-Marie.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, nous avons fait valoir, à l'occasion du débat de deuxième lecture, les objections que nous nourrissons à l'endroit de ce projet de loi qui sont essentiellement les mêmes que nous avons formulées à maintes reprises au sujet des textes législatifs dont il n'est qu'un prolongement légèrement amélioré, textes dont le principe lui-même encourait notre réprobation et l'encourt toujours. Par conséquent, les objections que nous avons

formulées à un stade antérieur valent d'autant plus que le ministre n'a annoncé ce matin aucun amendement nouveau. Je croyais, quand il a commencé à parler, qu'il allait annoncer des amendements qui amélioreraient encore davantage les conditions qu'il avait décrites dans la première version du projet de loi. Mais, en l'écoutant, je me suis rendu compte qu'il n'avait que redit ce qu'il nous avait déjà communiqué. Par conséquent, nous en sommes exactement au point où nous en étions.

Le premier but du projet a été passé sous silence par le ministre parce que les intentions du gouvernement à ce sujet demeurent profondément équivoques. Le premier but du projet - on ne saurait l'oublier - est de rétablir la régularité en matière d'obligation du gouvernement touchant le bilinguisme de nos lois. C'est la raison d'être du projet de loi. C'est la raison d'être première; je suis étonné que le ministre n'en ait point soufflé mot tout à l'heure. J'écoutais l'autre jour le député de Deux-Montagnes émettre des réserves à propos de l'article 1 dont nous aurons l'occasion de discuter. Je voulais lui dire que nous étions profondément d'accord avec lui et que les objections de principe qu'il a soulignées au sujet de cette partie du projet de loi vaudront d'être examinées soigneusement et nous les partageons de ce côté-ci entièrement.

En ce qui touche la rémunération, nous sommes très heureux des améliorations que le projet de loi apporte pour les catégories de salariés qui sont à temps partiel et qui touchent moins de 13 $ de l'heure. Nous trouvons que l'adoucissement aurait dû s'appliquer également à tous les salariés à temps partiel qui gagnent moins de 16 000 $ par année et dont cette activité est leur seul gagne-pain, ce qui serait le cas - dans le secteur de l'enseignement - de 70% des enseignants à temps partiel. Je pense que, tout à l'heure le ministre nous disait qu'on pouvait aborder ce problème à partir de deux philosophies différentes, mais on ne peut choisir les deux en même temps. Si l'on choisit une philosophie qui consiste à ne pas rogner de manière démesurée le revenu des personnes qui touchent moins de 16 000 $ par année, il me semble qu'elle peut s'appliquer à tout le monde sans comporter d'injustices pour personne. J'ose espérer que le ministre garde encore dans son sac des réserves qui permettront de voir clair à ce sujet.

Un autre point qui avait été souligné... Je préviens tout de suite le ministre que nous voudrons avoir un débat là-dessus. Le gouvernement nous dit d'un côté: Dans le secteur des affaires sociales, nous n'avons pas inséré dans le projet de loi des propositions d'améliorations qui avaient été formulées par le gouvernement dès le mois de janvier, dans le cadre de règlements proposés à l'époque par le premier ministre lui-même et dans les discussions qui avaient eu lieu à la table des négociations avec les représentants de ce secteur. Le ministre des Affaires sociales a dit bien clairement: On n'incorpore pas ces éléments dans le projet de loi pour une raison c'est que ces gens-là n'ont pas voulu les accepter sous la forme d'une entente signée, d'une entente dûment convenue. Nous n'acceptons pas la raison, nous la comprenons.

Maintenant, il faudrait que le ministre nous explique ce que veut dire l'article 12 du projet de loi suivant la même philosophie. Et là je ne veux pas du tout enlever à un autre groupe de travailleurs quoi que ce soit. Je crois comprendre que le ministre incorpore dans la loi no 105, avec l'article 12, des propositions qui ont fait l'objet d'ouvertures, soit le 9 février dernier, soit à l'occasion de la commission parlementaire ou de la phase de conciliation, l'ouverture de la part de la partie patronale comprenant le gouvernement. Ces dispositions seraient incluses dans la loi et elles viendraient modifier directement les décrets sans qu'il y ait eu d'entente signée en bonne et due forme. Le ministre entrevoit une entente; nous la souhaitons vivement de notre côté. Mais à supposer qu'il n'y ait point d'entente - ce qui est le cas aujourd'hui - il faudrait qu'on nous explique pourquoi l'on a une double règle de mesure pour une certaine catégorie d'employés et pour d'autres catégories d'employés. C'est un problème qui se dégage à nos yeux de l'examen du projet de loi.

Pour le reste, je pense que tout ce que nous aurons à signaler, nous pourrons le faire à l'occasion de l'examen article par article du projet de loi. Je ne voudrais pas parler trop longtemps parce que j'aimerais bien que les gens de l'institut Pinel qui sont ici puissent être entendus avant l'ajournement de la présente séance.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: Je serai très rapide pour les mêmes raisons que vient d'évoquer le député d'Argenteuil. Je voudrais intervenir, M. le Président, aux fins de ne pas faire apparaître comme trop certaine la joyeuse assurance du ministre quant à l'unanimité qui se dégagerait de ce projet de loi-là. Quant à moi, je pense qu'on peut avoir les mêmes raisons de voter contre la loi 8 qu'on pouvait avoir de voter contre la loi no 70, la loi no 105 et même la loi no 111. (12 heures)

Je voudrais indiquer au ministre que

l'article 1 du projet de loi est, selon moi, abusif dans le sens que le ministre a présenté ce projet-là comme loi palliative qui corrige un certain nombre d'aspects des décrets, mais qui corrige aussi des situations. Or le ministre se rend compte que les devoirs avaient été mal faits, et ayant été mal faits, il prend les mesures, à l'article 1, non seulement pour refaire ces devoirs, mais, en même temps, pour nous faire croire qu'ils avaient été bien faits la première fois. C'est ce que dit l'article 1. Il dit qu'il y a une portée rétroactive qui prend la place ou qui se substitue aux tribunaux.

Les tribunaux ont eu à se prononcer sur la portée et sur la façon dont les choses avaient été faites au moment de l'adoption de la loi 70 et de la loi 105. Si l'on n'est pas d'accord avec le jugement qui en ressort, la procédure judiciaire doit poursuivre son cours et l'on doit aller en appel contre cela, mais l'on ne doit pas, par un projet de loi, faire en sorte d'annuler ou de recommencer à rebours le devoir mal fait. Je pense que le ministre pourrait, par ce projet de loi, corriger la situation à partir de maintenant et dire: À partir d'aujourd'hui, on refait notre travail comme il faut. Mais, pour la partie passée, il me semble que cela devrait rester comme c'est présentement et que le gouvernement se fasse blâmer s'il a mal fait son travail au moment où il l'a fait la première fois. Je trouve que l'article 1 est un abus de pouvoir qui permet à n'importe quel gouvernement de faire n'importe quoi sans jamais être pénalisé, peu importent les mauvais gestes ou les coches mal taillées.

Je passerais évidemment les mêmes commentaires, M. le Président, sur le temps partiel. Le ministre nous a donné une argumentation qui aurait pu militer en faveur de ne pas donner de traitement particulier aux employés à temps partiel en disant: À travail égal, salaire égal, et si l'on fait un travail à temps partiel, on doit avoir le même statut. Il nous a donné une autre argumentation qui allait dans le sens de reconnaître que, dans les circonstances et à cause du climat économique particulier, on pouvait donner un traitement particulier aux employés à temps partiel, sauf qu'il le fait partiellement. Il ne le fait pas de façon uniforme pour l'ensemble des travailleurs à temps partiel. Donc, par son argumentation, c'est comme s'il détruisait lui-même par la suite celle qu'il nous avait donnée en ne donnant pas le même statut et le même traitement à l'ensemble des travailleurs à temps partiel. Je sais que les députés ministériels sont d'accord avec moi. Il n'y a pas de différence, à partir du moment où l'on sait que ce n'est pas par choix que quelqu'un travaille à temps partiel et que l'on peut reconnaître qu'il y a une bonne partie de ceux qui travaillent actuellement à temps partiel dans les secteurs public et parapublic ne le font pas par choix, mais par obligation. Si l'on accepte ce principe, si l'on est d'accord avec l'argumentation du ministre, je ne vois pas la différence entre quelqu'un qui travaille à temps partiel à 8 $ l'heure et quelqu'un qui travaille à temps partiel avec un revenu de 14 $ l'heure. C'est la même fonction. Son choix à lui n'est pas de travailler à temps partiel à 14 $ l'heure. Son choix pourrait être de travailler à temps plein, alors que c'est nous qui ne lui offrons pas de travail à temps plein.

Donc, qu'on rétablisse les choses et si l'on embarque dans cette argumentation qu'on traite uniformément tous ceux qui travaillent à temps partiel avec le danger que cela peut représenter. Ce danger est que, éventuellement, il soit plus intéressant de travailler à temps partiel qu'à temps plein. Avec le temps, cela pourrait se développer, mais cela irait dans le sens de l'argumentation du message inaugural qui vise à développer, de toute façon, le travail partagé et le travail à temps partiel. Cela devrait être un argument additionnel pour le ministre qui, me semble-t-il, devrait réviser sa position sur le temps partiel.

Pour ce qui est des autres arguments invoqués par le député d'Argenteuil, M. le Président, je ne les reprendrai pas. Je voudrais tout simplement lui faire part de mon accord avec ce qu'il a développé.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Je vais être très brève parce que je pense que tous les arguments ont été développés à la fois par le député d'Argenteuil et le député de Sainte-Marie. En ce qui a trait au temps partiel, je considère que c'est un programme important si l'on compare le point de départ au moment où la loi 105 a été adoptée. Mais il reste que, si l'on se réfère au point de vue de ceux qui gagnent moins que 16 000 $, quel que soit leur salaire horaire et qu'importe le fait qu'ils ne le fassent pas par choix, je pense qu'on les pénalise inutilement.

C'est surtout sur le deuxième point que je veux appuyer - on aura l'occasion d'y revenir - sur le fait que l'on ait établi comme condition sine qua non pour l'incorporation des dernières offres, c'est-à-dire des offres patronales du 21 janvier, la signature d'une entente alors que cela ne semble pas être la même condition qui est exigée ou que l'on n'ait pas la même exigence dans le cas d'autres groupes de syndiqués. Pourtant, si je me réfère aux paroles du président du Conseil du trésor, celui à qui il en voulait le plus et de façon presque irrémédiable, c'était le groupe des

enseignants qu'il trouvait intraitable. Il n'a pas eu ce même jugement sévère à l'endroit des membres de la Fédération des affaires sociales qui - et le ministre l'admettra -sont ceux qui, dans le passé, dans les cinq ou six dernières années, disons les quatre ou cinq dernières années, ont été les plus touchés au point de vue des coupures, des restrictions budgétaires, de pertes d'emplois, d'abolition de postes, etc. dans toute la fonction publique et dans le secteur parapublic. Quand on en arrive à la rédaction finale des décrets ou enfin des conditions de travail qui vont régir les syndiqués jusqu'en 1985, ce sont encore eux qui font le moins de gains et ceci, en dépit de la publicité gouvernementale qui, pour le moins, prête à ambiguïté. Je rappellerai au ministre, en passant, que la FAS n'a pas fait la grève sauf deux heures, une journée du mois de décembre, de mémoire, et peut-être une dernière journée, une partie des membres de la FAS dans des institutions et des établissements bien précis. On peut s'étonner de la sévérité du gouvernement à leur endroit alors qu'ils sont aussi des travailleurs qui oeuvrent auprès de la population la plus faible et où la motivation est absolument essentielle pour assurer la qualité des services dans ce domaine. C'est tout ce que je voulais ajouter, M. le Président.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je me demande ce qui se passe. Est-ce que nous allons entendre ou pas les gens qui sont devant nous. Je pense que c'est le temps là.

M. Bérubé: Ce sont les remarques préliminaires et ensuite on pourra les entendre.

Le Président (M. Paré): Oui, on termine sur les remarques préliminaires.

M. de Bellefeuille: Oui, j'avais compris que nous entendrions d'abord les gens qui sont devant nous et que le reste serait fait après. Est-ce qu'on pourrait passer à cela maintenant?

Le Président (M. Paré): II avait été entendu comme...

M. de Bellefeuille: Cela n'a pas d'importance. Je ne veux pas provoquer un débat de procédure avec le ministre, mais est-ce que vous êtes d'accord, M. le Président, que le moment est maintenant venu d'entendre les gens qui sont devant nous.

Le Président (M. Paré): Si les remarques préliminaires sont terminées, oui.

M. Yves Bérubé (réplique) M. Bérubé: Oui, M. le Président, dans la mesure où justement je pourrai apporter quelques réponses aux points qui ont été soulevés.

D'une part, la députée de L'Acadie vient de dire que c'est le réseau des affaires sociales qui a été le plus touché par les compressions, ce qui n'est pas exact. C'est dans la fonction publique que l'impact a été le plus grand. Je sais que, d'une façon générale, on a toujours tendance à dire que c'est la bureaucratie, que les fonctionnaires ne font rien et que, par conséquent, eux, ils peuvent prendre n'importe quelle compression, mais c'est d'avoir une vision complètement erronée des choses. Je ne cherche pas à minimiser l'effort qui a été demandé dans le réseau des affaires sociales, loin de là, mais je suis cependant obligé de rendre à César ce qui est à César et c'est dans la fonction publique que l'effort demandé a été le plus grand, premièrement. À titre d'exemple, il y a présentement environ 5000 fonctionnaires de moins au gouvernement qu'il y en avait en 1976, ce qui n'est quand même pas le cas dans le réseau des affaires sociales. Deuxièmement, je pense que l'on pourra reprendre le débat après, mais je vais aller rapidement pour rendre à César ce qui est à César.

Le député de Sainte-Marie oppose les deux principes. En effet, j'ai indiqué qu'on pouvait d'une part poser le principe "à travail égal, salaire égal" et d'autre part, chercher à protéger les petits salariés et à ce moment en faire un principe qui est contradictoire. Je pense que le problème du député de Sainte-Marie est la difficulté qu'il a à justement comprendre les nuances et les compromis, en ce sens que rien n'est jamais si clair et si précis et qu'à un moment donné, on peut avoir à viser des situations intermédiaires.

Que veut dire le montant de 13 $? Il veut dire essentiellement quelqu'un qui, s'il travaillait à temps plein, par exemple sur la base de 37 heures de travail, serait capable d'aller se chercher un salaire de 25 000 $ par année. Quelqu'un qui peut, sur une base annuelle, aller se chercher un salaire de 25 000 $ par année, c'est déjà quelqu'un qui est bien muni face à l'adversité, face à la vie en général.

M. Bisaillon: Quand il le gagne.

M. Bérubé: Quelqu'un qui est bien équipé sur le plan personnel, qui a soit une longue expérience, de bonnes connaissances, ou des études quelconques, est donc mobile. Par conséquent - c'est le point important -cette personne étant plus en mesure de choisir le genre de travail qu'elle accomplit, si elle travaille à temps partiel, c'est en bonne partie son choix. Mais quelqu'un qui gagne un salaire de 16 000 $ par année n'a

peut-être pas beaucoup de choix comme emploi au Québec. Il mérite une protection privilégiée. C'est essentiellement le sens de la loi et l'on reste exactement dans la même pensée.

Quant au point soulevé par le député d'Argenteuil concernant certaines bonifications au décret de la loi no 105 s'appliquant aux enseignants du niveau collégial, mais ne s'appliquant pas à d'autres employés du secteur public, nous avons eu l'occasion de l'expliquer. Il y a eu, avec les partenaires du gouvernement, de nombreuses séances de travail qui d'ailleurs ont conduit à la commission parlementaire et à un débat public dont tout le monde a pu prendre connnaissance. Ce qui nous a amenés à juger qu'effectivement, tout en maintenant l'objectif d'accroissement de productivité que nous nous étions imposé pour faciliter son implantation dans le milieu scolaire de façon plus progressive au lieu de le faire instantanément en une année, nous avons estimé qu'il était en effet possible d'étaler ces mesures sur trois ans et d'atteindre les mêmes objectifs. Donc, essentiellement pour faciliter la tâche de l'administration scolaire, nous avons estimé qu'il était approprié de reconnaître les remarques qui nous étaient faites et de modifier les décrets en conséquence. C'est la raison pour laquelle nous l'avons fait dans le cas du secteur de l'enseignement.

Nous n'avons eu aucune demande similaire de la part de nos partenaires dans le réseau des affaires sociales ni de la part du ministère de la Fonction publique. À titre d'exemple, par conséquent, il s'agissait d'un cas particulier où la négociation, si je me permettais une mauvaise blague, s'est peut-être faite davantage avec nos partenaires qu'avec les syndicats en face de nous dans ce cas particulier des modifications aux décrets.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Paré): M. le député d'Argenteuil, avant de vous céder la parole, j'aimerais vous rappeler que les travaux finissent à 12 h 30, nous n'avons pas commencé et il sera bientôt 12 h 15. Nous avions accepté d'écouter certaines explications de la part des gens qui sont ici.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, très brièvement, d'abord je trouve que le ministre ne répond pas à l'objection que nous apportons dans le cas des enseignants. Ces gens n'ont pas la liberté d'aller produire leurs services sur le marché du travail comme d'autres. Ils ont une compétence très spécialisée qui trouve à s'exercer dans un réseau institutionnel très déterminé. C'est là qu'il y a injustice à leur endroit que je vous souligne avec force.

Deuxièmement, sur l'autre point, je trouve que vous n'avez pas répondu à la question de principe qui a été posée par le gouvernement lui-même. On aura l'occasion d'y revenir, mais je voulais simplement vous prévenir que cette affaire n'est aucunement réglée par le semblant d'explication que je viens d'entendre.

Le Président (M. Paré): J'appelle maintenant...

M. Bérubé: II n'y aura pas réplique à la réplique, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci M. le ministre. J'appelle maintenant l'article no 12.

Modifications de

certaines conditions de

travail dans le secteur public

M. Bérubé: M. le Président, tel que je l'ai indiqué, j'ai l'intention de déposer à l'Assemblée nationale le document sessionnel 142. À cette fin, j'aimerais indiquer la volonté gouvernementale d'apporter un amendement à l'article 12 qui le modifierait en ajoutant à la fin ce qui suit: "et au document sessionnel no 142 déposé le 25 mai 1983 devant l'Assemblée nationale". Cela permet donc de déposer ce document sessionnel à l'Assemblée nationale et de le reconnaître comme tel dans la loi.

Quant au document sessionnel, il consiste tout simplement à retirer les échelles salariales de manière à s'entendre avec la partie syndicale. Il semble qu'il y aurait possibilité de règlement lors d'une rencontre, cet après-midi, et de réintroduire la clause remorque qui existait dans la convention collective. (12 h 15)

Le Président (M. Paré): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je me demande si l'on devrait tout de même inviter les gens à faire leurs remarques s'ils en ont, à prendre cinq minutes pour faire valoir leur point de vue. Je pense que le ministre semble y avoir répondu en grande partie mais ils ont peut-être quelques autres points à apporter.

Si vous voulez bien venir ici en avant.

Le Président (M. Paré): À la suite de la motion de Mme la députée de L'Acadie au début de nos travaux et à la suite du consentement unanime des membres de cette commission, j'invite maintenant M. Robert Castonguay, délégué syndical, et M. Denis Turbide, président du Syndicat des travailleurs unis de l'Institut Pinel, à venir nous donner certaines explications pour éclairer les membres de la commission qui

étudient l'article 12.

La parole est à vous.

Syndicat des travailleurs unis de l'Institut Pinel

M. Turbide (Denis): Je remercie la commission d'avoir bien voulu nous entendre. J'avoue que M. le ministre a un peu désamorcé les observations qu'on voulait faire ici ce matin, mais par contre nous allons laisser tomber la présentation que nous voulions faire. En ce sens, je pense que les paroles du ministre, en tout cas pour moi, semblent assez claires: il est d'accord avec le principe d'une clause remorque et avec sa reconduction sous forme d'entente. C'est ce que nous préférons.

M. Bisaillon: Est-ce qu'on peut s'assurer auprès du ministre que l'amendement que vous déposez à l'article 12 et le document sessionnel que vous allez déposer cet après-midi en Chambre, régleront le problème présenté par le syndicat?

M. Bérubé: Pour les échelles salariales, ce qui s'est produit, c'est ce que j'ai expliqué tout à l'heure. La loi 70 avait prolongé la convention collective, donc couvrait les conditions salariales. Mais dans la loi 105, la clause remorque a sauté. À ce moment-là, nous nous sommes retrouvés sans échelles salariales pour ces employés durant la période de janvier à avril. C'est clair que cela n'avait pas de bon sens. La proposition qui nous avait alors été faite était de remettre dans le document sessionnel des échelles salariales, mais dans la mesure où l'on est prêt à s'entendre sur une formule de clause remorque, nous sommes d'accord pour cette clause remorque. Il n'y a donc pas de problème.

M. Ryan: Et le document que vous déposerez cet après-midi a une portée plus large que le cas des employés de l'Institut Pinel.

M. Bérubé: Retirer les échelles... Ah oui! le document 86 de cet après-midi n'a qu'un seul but, c'est-à-dire retirer les échelles salariales de leur convention collective à eux, la leur.

M. Bisaillon: Seulement la leur.

M. Ryan: Cela porte seulement sur les employés de l'Institut Pinel? Très bien.

M. Bérubé: En fait, on...

Mme Lavoie-Roux: Pouvez-vous nous dire les avantages que vous y voyez, plutôt que d'être dans le décret?

M. Turbide: C'était beaucoup plus une question de principe qu'autre chose. Les tâches qu'on accomplit à l'institution se comparent à celles qui sont accomplies par les agents de la paix en institution pénale. D'ailleurs, l'administration le reconnaît, elle ne le nie pas. Nous avons cette clause remorque depuis déjà quinze ans et nous nous questionnions un peu sur le bien-fondé de l'enlever. Comme je le dis, pour autant que le ministre... moi je considère cela comme un engagement.

Mme Lavoie-Roux: Je dois dire que vous êtes des chanceux parce que ce n'est pas...

M. Castonguay (Robert): J'aurais seulement une question à poser au ministre Bérubé, si les membres de la commission me le permettent. Lorsqu'il parle d'avoir une entente avec certaines personnes, que veut-il dire par entente? Est-ce une entente verbale ou écrite?

M. Bérubé: Une entente écrite, signée.

M. Castonguay: Ecrite. Cet après-midi même ou dans un autre contexte ou avec d'autres personnes?

M. Bérubé: On me dit qu'une rencontre est prévue cet après-midi.

Une voix: Avec le Syndicat des agents de la paix?

M. Bérubé: Non, je pense avec leur syndicat... On me dit que ce que l'on essaie de faire présentement, c'est avec le représentant des affaires sociales, parce que vous êtes intégrés à la Fédération des affaires sociales.

M. Castonguay: C'est cela, oui.

M. Bérubé: Et je sais qu'il y avait des discussions avec M. Rioux, de la CSN, ce matin. Il me semble, d'après ce qu'on m'a donné comme information, qu'on était d'accord, qu'on était sur la même longueur d'onde. C'est la raison pour laquelle on me disait: Retirez directement les échelles salariales puisque dans le cadre de l'entente que nous sommes prêts à conclure, nous allons insérer la clause remorque.

M. Bisaillon: Mais la clause remorque dont on parle est une clause-remorque qui, au plan salarial, ferait en sorte que les employés de ce syndicat ou les membres de cette unité d'accréditation recevraient le même traitement salarial que celui qui va être négocié avec le Syndicat des agents de la paix. Est-ce cela?

M. Bérubé: Exactement. On vous remercie et on s'excuse de vous avoir fait venir. J'ai moi-même pris connaissance du problème ce matin en arrivant à la commission parlementaire, je n'étais pas au courant.

Mme Lavoix-Roux: Par inadvertance, je suppose!

M. Bérubé: Je m'excuse des inconvénients que nous vous avons causés.

M. Castonguay: On voulait soumettre un dossier. Mais la réponse que vous avez donnée correspond, je pense, aux attentes que nous espérions de la commission.

M. Bisaillon: II y a au moins un syndicat de content au Québec.

M. Castonguay: Pour cet aspect-là. M. Turbide: Encore, vous pensez?

Le Président (M. Paré): MM.

Castonguay et Turbide, nous vous remercions des explications que vous avez apportées aux membres de la commission.

M. Bérubé: Je peux vous dire, M. le député de Sainte-Marie, que les relations, à l'heure actuelle, avec plusieurs syndicats au Québec, ne sont pas mauvaises et il y a un effort réel pour regarder l'avenir dans la mesure où les temps que nous avons traversés étaient passablement pénibles. Maintenant, nous allons chercher quelque chose de plus positif et optimiste.

M. Bisaillon: Très heureux d'avoir cette information et cette admission du ministre, ce qui justifierait probablement l'abrogation de la loi 111.

Le Président (M. Paré): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, avant de donner congé aux représentants du syndicat et étant donné ce que le ministre a voulu ajouter, pourrait-on leur demander si l'entente particulière annoncée signifie qu'ils approuvent tout le processus suivi par le gouvernement dans cette affaire-ci?

Le Président (M. Paré): La réponse est non, M. le...

M. Bérubé: M. le Président, avec à peu près tous les syndicats, il y a eu refus de leur part...

M. Ryan: Je n'ai pas demandé, M. le Président...

M. Bérubé: ...d'entériner, par la conclusion d'une entente, les décrets comme tels. Ils ont toujours été très clairs sur ce point, l'ensemble des centrales syndicales, et ce n'est pas moi qui leur en ferai le reproche.

M. le Président, on n'a même pas besoin...

Le Président (M. Paré): Un instant s'il vous plaît, s'il vous plaît...

M. Ryan: Je ne crois pas qu'il y ait une loi qui autorise le ministre à s'ériger en porte-parole des syndicats et je sais qu'il est capable de le faire. Il me semble que j'avais posé ma question pour obtenir une réponse des représentants syndicaux présents ici.

Le Président (M. Paré): À votre réponse, M. le député d'Argenteuil, c'est non puisqu'on avait demandé à ces gens de venir nous apporter certaines explications pour éclairer la commission sur l'article 12 et non pas nous donner leurs commentaires.

À la suite de cela, est-ce que je considère que l'amendement apporté à l'article 12 est adopté?

M. Ryan: Question de règlement, si ce n'était que du peu de temps, j'aimerais discuter cette conclusion que vous tirez. Je ne veux pas que vous pensiez que je l'accepte comme de l'argent comptant parce qu'elle ne tient pas debout, je trouve...

Le Président (M. Paré): C'est exactement le texte de la motion présentée et de l'invitation faite aux personnes qui se sont présentées ici en avant, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, j'inscris ma réserve très forte, mais je ne veux pas faire de débat interminable ici, cette affaire est...

Le Président (M. Paré): Est-ce que l'amendement apporté à l'article 12 est adopté?

M. Ryan: Non. J'insiste pour que l'article soit repris. Vous comprenez... Franchement, il serait ridicule de demander l'adoption ce matin. Nous n'avons même pas le texte du document qui va être annexé cet après-midi.

M. Bérubé: M. le Président, il me fait plaisir de reprendre le document sessionnel à l'article 1.

M. Bisaillon: Oui...

M. Ryan: Je pense qu'on est mieux de reprendre au début. D'ailleurs, il y a bien d'autres choses à propos de Il et 12 que

nous allons discuter et qui ne peuvent être réglées dans deux minutes.

Le Président (M. Paré): Donc, on revient. J'appelle l'article 1.

M. le député de Deux-Montagnes.

Interprétation et application

M. de Bellefeuille: M. le Président, je vais intervenir à propos de l'article 1 de ce projet de loi. Ce projet porte un titre en trois lignes que je ne vous lirai pas. Il a aussi été appelé "projet de loi remédiatrice", on a aussi entendu le mot "réparatrice".

Après les propos du ministre, ce matin, qui a professé une très grande admiration pour sa loi, je pense que nous devrions appeler cette loi "la loi de Pygmalion".

J'ai exprimé l'avis, dans le débat en deuxième lecture, que le deuxième alinéa de l'article 1 était fondé sur une confusion entre le législatif et le judiciaire et, à la suite d'une réflexion, je me suis rendu compte que cette confusion n'est pas que double, mais qu'elle est triple. Le deuxième alinéa de l'article 1 repose sur une confusion entre le législatif, le judiciaire et l'exécutif.

Le député de Sainte-Marie a parlé d'un devoir mal fait. Si tel est le cas, M. le Président, il importe de savoir qui a mal fait son devoir. Moi, je ne me souviens pas que le Parlement ait délibéré ou tranché la question de savoir si les documents sessionnels seraient présentés en français seulement ou en français et en anglais. Cela n'a pas été délibéré ni décidé par l'Assemblée nationale, mais bien par le gouvernement. Ce n'est donc pas le législatif qui a pris cette décision, mais bien l'exécutif. Ce n'est certainement pas le judiciaire non plus qui a pris cette décision.

La responsabilité du devoir mal fait, s'il en est une, M. le Président, c'est donc la responsabilité ...

M. Bisaillon: Justement, c'est parce que l'on ne nous écoute pas assez souvent...

Le Président (M. Paré): À l'ordre s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: C'est exactement cela, on n'écoute pas.

Le Président (M. Paré): À l'ordre s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: II y a quelqu'un qui s'adresse à vous, M. le ministre.

M. de Bellefeuille: Cette responsabilité du devoir mal fait, M. le Président, s'il en est une est donc celle du gouvernement et non pas des tribunaux ni de l'Assemblée nationale.

Je crois que le ministre et ses collaborateurs manifestent un détestable mépris du Parlement. Ils font exprès pour parler pendant que j'interviens. Cela ne me paraît pas acceptable, M. le Président, et je vous prie de faire respecter le règlement.

M. Bérubé: Question de privilège, M. le Président.

M. de Bellefeuille: II n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire.

M. Bérubé: M. le Président, j'invoque le règlement de cette commission.

Le Président (M. Paré): Question de règlement, M. le ministre.

M. Bérubé: Le député de Deux-Montagnes - je ne sais pas sur quel pied il s'est levé ce matin, il ne semble pas que ce soit sur le bon - indique que je n'ai pas à préparer un élément de réponse aux arguments qu'il soulève et, par conséquent, lorsqu'il me pose une question, que je n'ai pas à solliciter des avis des gens qui m'entourent et qui sont là pour me conseiller.

C'est une procédure hautement irrégulière. Si le député de Deux-Montagnes est incapable de respecter le droit des parlementaires qui sont assis en sa compagnie, à cette table, je ne vois pas ce qu'il fait à cette commission parlementaire.

Le Président (M. Paré): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, sur la question de règlement, le droit des parlementaires ne comporte pas celui de refuser d'écouter le parlementaire qui a la parole.

Cela dit, je reviens à mon propos. Je disais que s'il y a eu un devoir mal fait, c'est le gouvernement qui l'a mal fait et non pas les tribunaux ni le Parlement.

Je vais demander au ministre, M. le Président, s'il consent à retirer le deuxième alinéa de l'article 1, mais je voudrais vous informer tout de suite qu'advenant un refus du ministre, je procéderai par voie de motion.

J'invite le ministre à ne pas s'entêter inutilement, à ne pas trancher la décision à la légère parce que je la considère grave. Je voudrais vous rappeler, ainsi qu'à tous les membres de cette commission, que tout récemment, nous avons eu l'occasion de constater l'importance du principe de la séparation des pouvoirs.

En date du 10 mai 1983, le président de l'Assemblée nationale, M. Richard Guay, a écrit au juge en chef de la Cour supérieure,

M. Jules Deschênes, à propos de requêtes qui avaient été présentées aux tribunaux dans le cadre ou en marge des travaux de la commission parlementaire de l'énergie et des ressources, relativement à l'éventuelle convocation de Me Jasmin. Dans sa lettre, le président, M. Guay, affirmait notamment "au surplus, selon le droit parlementaire, toute personne qui chercherait par des procédures devant une cour de justice à dicter à l'Assemblée ou à ses membres la façon dont ils doivent exercer leur mandat pourrait porter atteinte aux droits et privilèges de l'Assemblée".

C'est donc une affirmation du principe de la séparation des pouvoirs qui établit bien la base du pouvoir législatif.

Ultérieurement, M. le Président, l'honorable juge Pierre Pinard a rendu une décision consécutive à cette demande; dans les trois dernières pages de cette décision, on trouve l'affirmation de l'importance fondamentale du principe de la séparation des pouvoirs.

Dans le deuxième alinéa de l'article 1, on nous invite à affirmer que la présente loi "ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance que ces lois, les décrets pris en vertu de celles-ci et les documents sessionnels auxquels elles réfèrent doivent être adoptés, pris ou déposés autrement que de la façon dont ces lois, décrets et documents sessionnels l'ont été". Je prétends que pareille affirmation ne doit pas être faite par le Parlement. Pareille affirmation peut être faite, sous forme d'expression d'opinion, par le gouvernement; il a fait plus qu'affirmer l'opinion, il en a appelé de la décision des tribunaux, ce qu'il avait parfaitement droit de faire. Mais puisque le gouvernement en a appelé auprès des tribunaux, il me paraît absolument évident que le Parlement n'a qu'à attendre que les tribunaux se soient prononcés. (12 h 30)

Si le Parlement intervient avant que les tribunaux se soient prononcés, il pourrait être tenu responsable d'outrage à la magistrature puisqu'il se mêlerait de trancher une question que le gouvernement lui-même a mise devant les tribunaux. C'est donc aux tribunaux et non pas au Parlement qu'il appartient de dire si ces lois, ces décrets et ces documents sessionnels ont été adoptés de la façon qu'il le fallait. Il n'appartient pas au Parlement de le faire. Et s'il devait trancher cette question, il refuserait de respecter le principe de la séparation des pouvoirs que la magistrature elle-même vient de nous rappeler en l'acceptant.

En ce qui nous concerne la magistrature a reconnu la plénitude de nos pouvoirs législatifs. Il nous appartient maintenant de reconnaître de la même façon la plénitude du pouvoir judiciaire.

Par conséquent, je considère, M. le Président, qu'il est extrêmement important, dans le respect de nos institutions, de retirer ce deuxième alinéa de l'article 1. Et je répète que si le ministre refuse de le faire, j'en ferai une motion.

Le Président (M. Paré): Je m'excuse, M. le député de Deux-Montagnes, mais toujours dans le respect aussi de nos règlements, il était prévu que les travaux seraient arrêtés à partir de 12 h 30 et cette heure est dépassée.

À moins de consentement unanime...

M. Bisaillon: Pour permettre de régler un problème, comme nous avons siégé trente minutes en retard ce matin, pourrions-nous au moins disposer de l'article 1, puis par la suite...

Le Président (M. Paré): C'est exactement ce que je viens de dire. Pour pouvoir poursuivre les travaux, s'il y a consentement unanime des membres de la commission...

M. Bisaillon: C'est cela, je me trouvais à demander le consentement, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Bérubé: Malheureusement, cela n'est pas possible parce que j'ai dû faire reporter des documents au Conseil des ministres de manière à pouvoir les discuter durant la période du dîner et, par conséquent, je dois m'absenter.

M. Bisaillon: Cela va.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, cette fois, on voudrait pouvoir voter sur une telle motion mais..

Une voix: Je n'en doute pas.

Le Président (M. Paré): La commission ajourne donc ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 32)

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