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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 1 juin 1983 - Vol. 27 N° 76

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du Conseil du trésor et de la CARR et du projet de loi 8 - Loi concernant l'adoption des chapitres 35 et 45 des lois de 1982 et modifiant certaines conditions de travail dans le secteur public


Journal des débats

 

(Onze heures trente minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des finances et des comptes publics reprend ses travaux suivant un ordre de la Chambre. Après les deux heures qu'il nous reste, nous continuerons à étudier article par article le projet de loi no 8, Loi concernant l'adoption des chapitres 35 et 45 des lois de 1982 et modifiant certaines conditions de travail dans le secteur public.

Il reste à étudier dans les crédits de 1983-1984 la Commission administrative du régime de retraite et les crédits du Conseil du trésor. Les crédits des Finances et du Conseil exécutif ont déjà fait l'objet d'adoption.

Les membres de cette commission sont: M. Blais (Terrebonne), M. Lafrenière (Ungava), M. Fortier (Outremont), M. French (Westmount), M. Gagnon (Champlain), M. Gauthier (Roberval), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Marquis (Matapédia), M. Bérubé (Matane) et M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Fallu (Groulx), M. Desbiens (Dubuc), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Lincoln (Nelligan), M. Polak (Sainte-Anne), M. Proulx (Saint-Jean), M. Rochefort (Gouin) et M. Ryan (Argenteuil).

On me dit qu'au moment de l'ajournement, hier, la parole était au ministre sur les crédits du Conseil du trésor et de la Commission administrative du régime de retraite.

M. le ministre.

Conseil du trésor

M. Scowen: M. le Président, peut-on s'entendre sur le temps qu'il nous reste? Si ma mémoire est bonne, il nous restait deux heures.

Le Président (M. Laplante): Deux heures, oui. Cela veut dire qu'on suspend à 13 heures...

M. Scowen: On va travailler...

Le Président (M. Laplante): On reprend à 15 heures, cela veut dire qu'à 15 h 30 cela serait censé être terminé pour reprendre l'étude du projet de loi no 8.

M. Scowen: Alors on travaille ce matin jusqu'à 13 heures et on reprend à 15 heures jusqu'à 15 h 30. Est-ce cela?

Le Président (M. Laplante): Oui, à 15 heures jusqu'à 15 h 30, à moins que vous vous entendiez pour tout finir pour 13 heures. C'est vous qui allez décider.

M. Scowen: Non. Si le ministre ne s'y oppose pas, je vais suivre le programme que vous avez proposé.

Le Président (M. Laplante): C'est votre droit, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Oui, M. le Président. Il ne faudrait pas que nous oubliions cette année, comme nous avons failli le faire l'année dernière, d'approuver les crédits de la Commission administrative du régime de retraite. Pour être bien certain qu'on calcule notre temps comme il faut, je restreindrai mes remarques préliminaires à peu de choses, seulement pour rappeler essentiellement l'opération qui est en cours depuis deux ans, une opération de rajustement du niveau des dépenses publiques à un niveau qui soit plus compatible avec la capacité de payer de nos concitoyens.

M. le Président, nous avons dû traverser, au cours des deux dernières années, une situation économique difficile avec une chute très réelle du produit national brut au Québec qui devait se traduire soit par des hausses d'impôt substantielles, soit par une augmentation du déficit, soit par une réduction des dépenses, ou les trois à la fois. De fait, c'est ce que l'on a observé, c'est-à-dire que nous avons attaqué sur les trois plans, si l'on peut dire.

Effectivement, au cours des deux dernières années, incluant cette année, nous aurons réussi à réduire les dépenses publiques, par rapport à une croissance naturelle, d'à peu près 1 900 000 000 $, ce qui représente une réduction qui s'approche

de 10% du niveau global des dépenses gouvernementales. C'est donc appréciable.

L'objectif visé en était un d'accroissement de productivité qui peut se traduire -on le voit d'ailleurs dans le livre des crédits qui a été déposé - par l'évolution des effectifs, puisque, si j'examine les effectifs au cours des dernières années, en 1980-1981 il y avait 72 046 postes gouvernementaux proprement dits et en 1983-1984 ce niveau global des effectifs, incluant les effectifs permanents et les effectifs occasionnels, sera de 66 010, donc une diminution très substantielle des effectifs, tout en remplissant essentiellement les mêmes missions et même en accroissant souvent l'importance de certains mandats gouvernementaux. Donc, il y a eu un effort très réel pour faire plus avec moins, d'une part. Également, l'effort a porté - on en a longuement discuté - sur une réduction de l'importance de la masse salariale au niveau de la rémunération. Les études qui étaient effectuées au gouvernement depuis de nombreuses années indiquaient systématiquement, bon an mal an, que le secteur public rémunérait pour du travail comparable à un niveau qui, globalement, représentait un écart de presque 16% par rapport au marché privé pour la même fonction. L'effort visait à ramener cela. Cela s'est fait en plusieurs étapes, en pratique, puisque nous sommes partis, en 1978-1979, d'un écart de 16,3% pour le ramener, en 1979-1980, à 13,3% et, en 1980-1981, à 10%. Toutefois, en 1981-1982, cet écart remontait à 11,8%. Cela explique en partie pourquoi nous avons dû adopter une politique salariale nettement plus restrictive avec pour objectif de ramener l'écart, si on prend la période de juillet 1982 à mars 1984, à environ 4,8%.

Donc, il s'agit de continuer ce réalignement progressif et de tendre, pour janvier 1985, avec la rémunération du secteur privé, vers un écart de 0,5% en présumant que la rémunération dans le secteur privé évoluera au Québec suivant les prévisions du Conference Board, en avril 1983, de la rémunération hebdomadaire moyenne pour le Canada. Si ces prévisions sont respectées, l'objectif gouvernemental de réalignement des salaires devrait nous amener sensiblement, pour des emplois comparables, à des niveaux de rémunération équivalents à ce qu'on trouve dans le secteur privé pour des tâches comparables. Donc, l'effort devait porter sur le plan salarial.

Il doit également porter - plus particulièrement au niveau de l'éducation -sur un accroissement des tâches pour faire en sorte qu'on obtienne une productivité comparable, par exemple, à celle de nos voisins. À titre d'exemple, lorsqu'on examine les ratios maître-élèves dans le système d'éducation québécois, on constate - je devrais avoir les chiffres sous les yeux - que ce rapport était d'environ 1-20 en 1973-1974 et qu'il a décrû, en 1976-1977, à 1-18. En 1979-1980, il atteignait 1-16, 8, en pratique. À la fin de la présente convention, il sera revenu à 1-18, c'est-à-dire, essentiellement, au niveau de 1976-1977. Donc, comme objectif de productivité, on voit que l'on cherche à ramener le système d'éducation à peu près là où il était à la fin de la période 1970-1975.

Cet effort devrait ramener le coût per capita de notre système d'éducation plus en ligne avec celui, par exemple, d'un système comparable comme celui de l'Ontario, mais avec des différences qui s'expliquent par une organisation différente au niveau de l'éducation, tant par le transport scolaire que par la façon de financer la dette reliée aux immobilisations des commissions scolaires. Donc, il y aura toujours un écart, mais cet écart est structurel et peut difficilement, compte tenu des décisions passées, être modifié. Cela nous permet de dire, en pratique, que nous avons cherché, ces deux dernières années, à ramener le coût des services publics pour des services comparables à un niveau qui soit également comparable aux coûts qu'on peut observer dans d'autres systèmes de provinces canadiennes, par exemple, ou même à l'étranger.

Cet objectif a - je pense qu'on peut le dire - été atteint ou sera atteint à la fin de l'application des présentes conventions collectives, de telle sorte qu'on aura demandé un effort de réduction des dépenses dans le secteur de l'éducation d'environ 9% par rapport aux dépenses antérieures. Dans le réseau des affaires sociales, c'est aussi une réduction de 9%. Toutefois, au niveau de l'appareil gouvernemental, on vise à une réduction des dépenses d'environ 15%.

On voit donc, en gros, le portrait de cet effort de redressement des dépenses publiques qui, je pense, fera en sorte que les Québécois pourront, dans les années qui viennent, accepter de comparer leur secteur public avec celui d'autres gouvernements dans des situations semblables et ne pas craindre de souffrir de la comparaison.

Évidemment, l'effort de redressement n'a pas été facile. Je pense qu'on a demandé beaucoup de sacrifices à nos concitoyens. Toutefois, je pense que l'essentiel de l'effort a maintenant été consenti. Il faut souligner, à cet égard, le travail assez remarquable de cet appareil gouvernemental qui s'appelle le secrétariat du Conseil du trésor, le Conseil du trésor proprement dit, puisque cet effort a été demandé, d'abord et avant tout, à cet organisme gouvernemental chargé de surveiller les dépenses. On devait tenter d'évaluer des objectifs de redressement réalistes, faisables. Et, subséquemment, les ministères, je dois le dire, ont coopéré de telle sorte qu'on a pu réussir, je pense, une

opération au cours des dernières années très sensible de redressement. Je désire souligner le travail fort apprécié et absolument remarquable en tout point de tous les gens qui m'entourent et qui m'accompagnent ici ce matin à cette revue des programmes, c'est-à-dire à cette revue des crédits. Merci M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci monsieur. Maintenant la parole est au député de Notre-Dame-de-Grâce.

Les salaires dans la fonction publique

M. Scowen: M. le Président je veux remercier le ministre d'avoir eu la gentillesse de m'accorder deux entrevues assez longues avec son sous-ministre, ou son secrétaire si vous préférez, qui a bien voulu me donner des renseignements sous forme d'une espèce de "briefing" dont j'avais bien besoin quand M. Lévesque m'a confié le dossier du Conseil du trésor il y a quelques semaines.

Si j'hésite à trop vous critiquer ce matin, vous comprendrez que ce n'est pas parce que j'approuve nécessairement tout ce qui s'est fait chez vous, mais parce que je suis encore dans une certaine période de formation. Car, même avec toute la bonne volonté de votre principal collaborateur et adjoint, le sujet est fort complexe.

J'ai tout de même quelques questions à vous poser. Vous avez dit, au début, que vous aviez pris la décision et je vous cite: "de ramener les dépenses publiques à un niveau plus compatible avec la capacité de payer de nos citoyens". On est donc sur la même longueur d'ondes quant aux objectifs.

Vous avez parlé de deux choses précises que vous avez réalisées. Vous avez dit que dans le cas des salaires qui sont comparables avec le secteur privé, d'ici la fin de 1985, l'écart entre le secteur privé sera ramené à un niveau qui est essentiellement le même; vous avez parlé de 0,5% plus élevés.

Dans un premier temps, j'ai l'intention de vous demander de préciser davantage la façon selon laquelle vous pouvez en arriver à cette comparaison, l'étendue de la comparaison possible parce qu'il y a certains des aspects qui sont comparables et d'autres qui ne le sont pas. Nous aimerions savoir si nous avons déjà en notre possession toutes les études qui ont été faites et que vous utilisez pour établir cette base de comparaison. C'est donc la première série de questions auxquelles j'aimerais avoir une réponse.

Est-ce que vous préférez que je pose une question à la fois?

Le Président (M. Laplante): Allez-y et l'on adoptera ensuite le programme en entier. Il n'y a pas de problème.

M. Scowen: Je demande au ministre si l'on ne devrait pas prendre les questions une à la fois.

Que veut dire cette comparabilité?

M. Bérubé: II a dans ces comparaisons, d'une part, des décisions politiques, c'est-à-dire un choix de critères de référence et il y a l'analyse objective des niveaux de rémunération à partir des critères. Il y aurait probablement quelqu'un ici du bureau de recherche en rémunération qui pourrait fournir des détails sur la partie plus technique. En fait, la comparaison se fait non pas pour tous les emplois mais pour des emplois comparables, c'est-à-dire qu'il y a à peu près 100 000 emplois qui sont comparables au gouvernement, avec des emplois équivalents dans le secteur privé. De ces 100 000 emplois, nous en comparons environ 75 000. (Il h 45)

Nous prenons donc des emplois que l'on peut retrouver dans le secteur privé qui présentent un niveau de responsabilité, une complexité des tâches qui puissent permettre la comparaison. D'autre part, nous choisissons de ne comparer que les emplois dans des grandes entreprises du secteur privé de 500 employés et plus, ceci pour éviter de devoir comparer un appareil administratif de grande taille, avec des classifications d'emploi bien précises, avec des emplois dans de plus petites entreprises où on sait que la polyvalence est nettement plus importante. Nous choisissons donc de faire la comparaison avec les grandes entreprises de 500 employés et plus, syndiqués ou non. Notre échantillon nous donne environ 35% de syndicalisation, ce qui est essentiellement représentatif du niveau de syndicalisation dans ces entreprises.

Voilà donc pour le choix des grands paramètres de comparaison. Si vous voulez détailler davantage...

M. Scowen: Juste quelques questions précises. Premièrement, parmi tous les postes qui existent dans la fonction publique, quel est le pourcentage comparable à quelque chose dans le secteur privé?

M. Bérubé: Je pense que je vais demander à M. Bessette de vous donner les détails sur le nombre d'emplois, de classification d'emplois qui sont comparés, combien cela rejoint de personnes...

M. Scowen: Avant qu'on se lance dans les réponses, longues ou courtes, est-ce que la personne qui va répondre va simplement citer des documents qui sont disponibles?

M. Bérubé: Oui.

M. Scowen: Dans ce cas-là, il peut plutôt nous référer aux documents ou nous donner les documents si nous ne les avons pas. Comme cela, on peut gagner du temps.

M. Bérubé: Ce sont des documents publics. En fait, il y a 24 corps d'emploi repères: 4 chez les professionnels - selon l'information que j'avais il y a peut-être six ou huit mois - 7 catégories d'employés de bureau, et 9 d'ouvriers. On peut entrer dans le détail.

M. Scowen: Ma question précise est -je ne sais pas combien d'emplois différents existent dans la fonction publique - quel est le pourcentage comparable?

M. Bérubé: Ce n'est pas tellement en nombre d'emplois parce que vous avez des emplois où vous pouvez avoir simplement quelques employés. Je pense qu'il y a un poste entre autres, responsable des horloges, où il n'y a qu'un employé dans ce corps d'emploi-là. Il y a un deuxième problème. C'est difficile parce qu'il y a trois secteurs, alors est-ce qu'on doit les considérer comme trois emplois différents ou un emploi différent? On a préféré, en termes de calcul, parler des employés dans les emplois qu'on a retenus, qu'on a définis comme les 24 emplois. Dans ces emplois-là, il y a 76 000 sur 250 000 employés qui correspondent aux catégories de syndiqués.

M. Scowen: 76 000 sur...

M. Bérubé: 76 000 sur les 250 0000, mais dans les emplois qui sont comparables, pour lesquels il y a des comparaisons possibles, c'est 76 000 sur 100 000. Autrement dit, les 150 000 autres sont 70 000 enseignants, 30 000 infirmières. Vous en avez déjà 100 000 pour lesquels vous avez déjà des explications. Il est impossible de faire une enquête dans le secteur privé. Il est vrai qu'il existe des infirmières dans le secteur privé mais c'est tellement un groupe marginal comparativement au nombre qu'on a.

M. Scowen: Exception faite des infirmières et des enseignants, c'est 76 000 sur...

M- Bérubé: 76 000 sur environ 150 000 qui resteraient. Mais dans les 150 000 qui restent, vous avez des catégories spécialisées comme dans le domaine des affaires sociales, les inhalothérapeutes. Vous avez des groupes de travailleurs sociaux où...

M. Scowen: Quand le ministre nous a dit 85,5% des cadres, il ne parle que de ces 76 000. C'est cela?

M. Bérubé: C'est cela.

M. Scowen: Et pour le reste, on ne sait pas si le salaire est excessif ou non parce qu'on n'a pas de point de comparaison.

M. Bérubé: C'est cela. Une façon d'y arriver, c'est par rangement interne, en ce sens que si un enseignant d'un niveau de classification donné au cours des rondes de négociation a pu se négocier un salaire équivalent à celui d'un ingénieur professionnel, classe II, de tel niveau, et que nous tirons la conclusion lors d'une étude que l'ingénieur est trop payé par rapport au marché, si l'enseignant recevait le même salaire que l'ingénieur, lorsque nous baissons le salaire de l'ingénieur, forcément, par rangement interne, l'enseignant était essentiellement aligné sur l'ingénieur et, à ce moment-là, on aligne de la même façon l'enseignant. Donc, on aligne l'enseignant non pas par rapport au marché, mais par rapport à son ou à sa collègue qui occupe une tâche qui, elle, fait l'objet d'une comparaison. Il y a donc deux activités en cours: il y a la comparaison avec le marché pour les emplois repères et le rangement interne qui est l'interdépendance de toutes nos structures de rémunération au gouvernement.

M. Scowen: Avant de parler de cet alignement, est-ce que vous pouvez me donner une idée de l'ampleur de la comparaison de la masse salariale impliquée dans ces 76 000 sur 150 000? J'imagine que, en termes de masse salariale, ce n'est pas 76 000 sur 150 000. C'est à peu près la moitié qui est comparable, mais, en termes de masse salariale, quel est le pourcentage?

M. Bérubé: II faudrait s'entendre. Il y a à peu près 100 000 employés pour lesquels nous pouvons comparer les corps d'emplois au gouvernement, sur les 300 000 ou les 250 000 dont vous parliez tantôt. Et, de ces 100 000, il y en a 75 000 ou 76 000 qui font l'objet de comparaisons.

M. Scowen: Bon. Il y a 250 000...

M. Bérubé: ...employés du secteur public.

M. Scowen: II y en a 150 000 qui sont comparables. Il y en a 100 000 qui sont comparés et la comparaison est faite sur la base de 75 000?

M. Bérubé: Non, pas tout à fait. Il y a 300 000 employés du secteur public, dont 50 000 qui sont non syndiqués; on les met de côté. Il en reste 250 000 qui sont syndiqués, n'est-ce pas?

M. Scowen: Oui.

M. Bérubé: Sur les 250 000 syndiqués, il y en a 100 000 pour lesquels on peut retrouver l'emploi, la fonction, d'une façon comparable, entre le secteur privé et le secteur public. Et, sur ces 100 000, il y en a 75 000 pour lesquels on effectue une comparaison.

M. Scowen: Quel était le sens du chiffre de 150 000 que vous avez mentionné?

M. Bérubé: Ce que j'ai mentionné tantôt, c'est la différence qu'il y avait entre les 100 000 et les 250 000. Il y avait 150 000 personnes pour lesquelles il n'y avait pas de comparaison possible. On en expliquait déjà 100 000 avec les infirmières et les enseignants.

M. Scowen: Quand vous faites ces comparaisons, vous comparez les bénéfices marginaux aussi j'imagine? Est-ce que vous attribuez une valeur à la sécurité d'emploi?

M. Bérubé: Dans les éléments qui sont retenus dans la comparaison, ce qui est mentionné justement dans le document qui a été rendu public et remis aux syndicats, apparaissent ceux qui représentent les bénéfices marginaux les plus représentatifs. Il y a une exception à cette règle qui est la sécurité d'emploi, laquelle n'est pas comprise dans les calculs. La raison, c'est la difficulté d'évaluer correctement ce que pourrait représenter la sécurité d'emploi. On sait qu'elle est certainement plus avantageuse dans les secteurs public et parapublic que celle qu'on peut retrouver dans le secteur privé. Par contre, il est difficile de mettre un chiffre pour évaluer ce que cela pourrait représenter comme pourcentage de la rémunération au taux régulier.

M. Scowen: La sécurité d'emploi est donc le seul aspect de l'ensemble des bénéfices directs et indirects qui n'est pas dans la comparaison?

M. Bérubé: C'est-à-dire le seul aspect important.

M. Scowen: J'ai entendu, probablement...

M. Bérubé: Cela couvre à peu près 95% ou 99% des bénéfices marginaux et, évidemment, on exclut la sécurité d'emploi. Car la sécurité d'emploi représente un coût très différent suivant que vous êtes dans un secteur où vous avez des effectifs en surplus ou non. Dans le réseau des Affaires sociales, où nous avons besoin essentiellement de l'ensemble de nos effectifs, il s'agit peut-être de les réallouer en fonction de besoins différents. Mais, globalement, on peut dire que nous sommes en équilibre. La sécurité d'emploi représente un coût moindre qu'au secteur de l'éducation où nous avons une diminution de clientèle et une augmentation de tâche qui vont se traduire par un dégagement du surplus.

De la même façon, au gouvernement, il n'y avait pas traditionnellement de problème de sécurité d'emploi en ce sens qu'il n'y avait pas d'effectif mis en disponibilité. Souvent, on ne peut pas normaliser la tâche, dans l'administration publique, à un point tel qu'on puisse décider a priori s'il y a des effectifs de trop. Cependant, lorsque nous appliquons des objectifs de compression plus spécifiques - à titre d'exemple, si on décidait de supprimer une mission gouvernementale spécifique - on risque de se retrouver avec un nombre d'employés mis en disponibilité qui excède le niveau que l'on peut résorber par simple attrition. Lorsque nous appliquons une compression générale de 1% ou 2% de l'effectif, comme nous avons actuellement un niveau d'attrition qui atteint 3%, à peu près, au gouvernement, la compression générale est inférieure à l'attrition, donc aux départs normaux de la fonction publique. On peut imaginer que, si la compression se fait de façon étalée et uniforme dans l'ensemble du secteur public, elle pourra se résorber d'elle-même grâce à l'attrition.

Cependant, il est possible que ce niveau de 1% ou 2% de compression soit appliqué très ponctuellement. À ce moment-là, on se retrouve avec un nombre de mises à pied dans un service, si l'on veut utiliser l'expression, beaucoup plus élevé que ce que l'attrition peut permettre d'absorber. C'est ce qui nous amène, depuis maintenant quelques mois, à mettre en place une mécanique dite de banque d'effectif où nous mettons cet effectif en disponibilité dans une banque sans que les employés ne quittent leur travail ministériel tant et aussi longtemps qu'on ne les a pas replacés ailleurs. Cette banque nous permet de commencer à identifier ce qu'on peut appeler maintenant des mises en disponibilité dans la fonction publique.

Avant que l'on mette en place une telle mécanique, on pouvait dire que la sécurité d'emploi ne représentait aucun coût au gouvernement puisqu'il n'y avait personne en disponibilité. Donc, la notion de coût, associée à la sécurité d'emploi, est directement reliée à la politique administrative que l'on veut imposer. Si on veut accroître la tâche de nos employés en réduisant leur nombre, si on le fait rapidement, il y a nécessairement un problème de sécurité d'emploi, donc un coût.

M. Scowen: Vous devancez mes questions avec vos réponses. Je vais quand même y revenir.

M. Bérubé: J'anticipe, je devine.

M. Scowen: II y a des mauvaises langues qui disent que la qualité de votre analyse laisse à désirer. Est-ce que vous pourriez très brièvement expliquer l'argument de ces personnes, qui sont certainement dans l'erreur, et me dire pourquoi elles sont dans l'erreur?

M. Bérubé: C'est plutôt politique. Je ne sais pas si M. Bessette veut se défendre, mais je vais le laisser répondre et, après cela, j'interviendrai sur le fond de la question.

M. Scowen: Je pose la question à n'importe qui.

Le Président (M. Laplante): Je vous dis cependant, M. le ministre, que si ce que M. Bessette va déclarer est politique, c'est en votre nom qu'il parle.

M. Bérubé: II va parler techniquement.

Le Président (M. Laplante): Tout de même, les paroles qu'il prononce sont au nom du ministre et c'est toujours comme si c'était le ministre qui parlait. Je pensais que c'était du tabac que vous cherchiez.

M. Bérubé: La critique qui est faite quant aux échantillons, c'est le fait de dire: Pourquoi le bureau de recherche n'utiliserait-il pas des échantillons de type aléatoire tirés au hasard, un peu comme cela pourrait se faire dans les sondages d'opinion ou dans d'autres types de recherche ou d'étude dans ce sens-là?

La réponse technique qu'on donne à cette argumentation, c'est ceci: pour faire un échantillon de type aléatoire de ce genre de tri, il faudrait avoir des listes d'établissements par corps d'emploi. En d'autres mots, si je veux être capable de faire un échantillon parfaitement aléatoire dans le domaine d'une enquête sur les ingénieurs, il faudrait que je sache exactement quelles sont les entreprises au Québec qui engagent des ingénieurs. Il faudrait que j'en sache aussi la distribution, si l'on veut, dans les différents secteurs économiques. En tout cas, c'est ce genre d'information. (12 heures)

Ces données n'existent pas comme telles, de sorte que, pour s'en aller - ce serait certainement un pas très positif - dans ce domaine, il faudrait obtenir des données de l'emploi. Il y a eu des tentatives qui ont été faites par Statistique Canada pour obtenir ce genre de données. Cela n'existe pas. Ce qu'il faudrait faire, à ce moment-là, c'est un pas en arrière, c'est-à-dire aller faire un échantillon d'établissement. Nous, ce que nous avons comme prétention, c'est qu'un échantillon d'établissement ne nous donne aucune garantie que cet échantillon sera représentatif par corps d'emploi. C'est pourquoi nous préférons, en partant d'une liste d'entreprises importantes - ce sont des entreprises, dans notre échantillon, de 500 employés et plus - nous adresser à un échantillon où on est susceptible de trouver les emplois qu'on obtient. Ce que nous ferons, c'est que, d'après l'expérience qu'on a du domaine des enquêtes, nous utiliserons d'autres sources de données - je pense à des enquêtes qui viennent d'organismes comme le Bureau de recherche sur les traitements du gouvernement fédéral ou d'organismes qui mènent des enquêtes comme l'Ordre des ingénieurs - pour savoir où sont les employeurs les plus importants. C'est là que nous allons chercher l'information.

Ce qui fait que nous avons obtenu notre échantillon en prenant une liste de toutes les entreprises de 500 employés et plus. On vise à aller chercher 50% des employés dans ces entreprises et on retient une entreprise sur trois.

On oriente - c'est pour cela que nous parlons souvent d'un échantillon dirigé - la cueillette des données là où on sait que l'information est disponible. Ainsi, on peut savoir que les compagnies de papier engagent des ingénieurs, par exemple. Ce qu'on fera, c'est qu'on tirera au hasard, dans les compagnies de papier, les plus importantes, parce qu'on ne retient que les entreprises de 500 employés et plus.

M. Scowen: J'imagine que...

M. Bérubé: Je compléterais sur l'aspect plus politique. Je pense que si on devait juger de la façon de travailler du Bureau de recherche en rémunération, on devrait dire qu'au lieu de travailler à partir d'un échantillon aléatoire petit, le Bureau de recherche en rémunération préfère travailler littéralement sur quasiment toute la population. Car lorsqu'on rejoint 50% des employés couverts dans un secteur d'activité, on ne fait plus affaire avec un échantillon, on fait pratiquement affaire avec la population, puisque, généralement, un échantillon statistique - je pense par exemple aux études sur les intentions de vote -rejoint rarement beaucoup plus que 1% d'une population étudiée. Donc, l'échantillon pris par le Bureau de recherche en rémunération tient davantage de la population que de l'échantillonnage comme tel.

Je pense que ce qui est intéressant de souligner, c'est le genre d'appui qu'on a pu lire dans le public venant d'autres chercheurs. J'avais tantôt - j'ai malheureusement fait sauter la page - des notes.

Je pense qu'il faut d'abord souligner

que vous avez eu des études de professeurs d'universités. M. Rondeau, M. Proulx et M. Fortin ont fait des études semblables au Québec, évidemment avec moins de moyens, donc avec des échantillons beaucoup plus petits. Ces études ont confirmé essentiellement nos études.

Il y a également un comité de sept experts, dont quatre universitaires, qui valident les conditions de travail du Bureau de recherche en rémunération pour s'assurer que nos mesures sont bien faites.

Je pourrais vous amener certains commentaires de chercheurs comme André Bocage et Bernard Élie, qu'on pouvait lire dans le Devoir du 10 avril 1979, où on disait que ces études étaient extrêmement sérieuses. Je pourrais mentionner les travaux de M. Paul Martel-Roy, qui soulignait que le travail fait par le Bureau de recherche en rémunération était un véritable travail de bénédictin qui se révèle aujourd'hui fort utile. Je pourrais d'ailleurs vous souligner une étude fort récente de M. Mario Rondeau qui, utilisant une approche différente pour l'évaluation de telles comparaisons, tire des conclusions qui sont essentiellement les mêmes. Tout ce que je pourrais dire, c'est que tous ceux qui ont la moindre crédibilité dans le domaine ont tiré les mêmes conclusions que le Bureau de recherche en rémunération.

Ces méchantes langues dont vous parlez m'apparaissent relever davantage de méchantes gens ayant peut-être des objectifs politiques inavouables ou inavoués qui, par leurs déclarations, pourraient tenter de suggérer des conclusions, mais je dois vous dire que leurs déclarations ne reposaient malheureusement sur aucune étude de quelque nature que ce soit. Vous avez raison de dire qu'il s'agissait de méchantes langues au sens réel du terme.

M. Scowen: Je peux établir la crédibilité des chercheurs au Québec par rapport au degré d'appui qu'ils donnent à votre système, en gros. Est-ce que j'imagine qu'on n'est pas seul au monde, au Canada, dans ce domaine du travail - le Conseil du trésor, au fédéral ou en Ontario, font le même genre d'étude? Je ne veux pas une réponse exhaustive, je veux simplement savoir si vous avez comparé les résultats à d'autres systèmes, d'autres études du même genre qui ont été faites, pour essayer d'établir s'il existe une concordance?

M. Bérubé: En fait, il existe l'organisme qui produit des études au gouvernement fédéral, qui est le Bureau de recherche sur les traitements, qui travaille non pas seulement pour la partie patronale, il travaille aussi pour la partie syndicale. Le Bureau de recherche sur les traitements utilise une méthodologie très semblable à la nôtre au niveau des échantillons, utilise la même approche que je vous mentionnais tantôt, c'est-à-dire des échantillons dirigés. On a eu l'occasion de comparer des résultats, c'est-à-dire les données du Québec pour l'enquête du Bureau de recherche sur les traitements. L'enquête s'appelle Autocods. En utilisant les appariements que le gouvernement fédéral fait lorsqu'il vient nous visiter comme employeur, les résultats de ces enquêtes concordent, sont du même ordre. Ce n'est pas un élément de surprise parce que lorsque le bureau a été créé, en 1974, les premières expériences de recherche, on les a faites conjointement avec les gens du Bureau de recherche sur les traitements parce que l'expérience était à ses débuts ici, de sorte que plusieurs des méthodologies qu'on a retenues viennent directement du gouvernement fédéral. Il y a d'autres organismes; des organismes d'enquête, comme Hay, Chapman, pour n'en nommer que quelques-uns, où des employeurs qui font des enquêtes - je pense à Bell Canada - utilisent des méthodes très semblables. Ils viennent enquêter chez nous, au bureau de recherche, pour qu'on puisse répondre au nom du gouvernement. On a ces études. On est à même de valider et de comparer nos résultats en regardant les résultats de ces enquêtes.

M. Scowen: Si je peux maintenant passer à l'autre élément de cette comparaison, le ministre nous dit qu'en 1985, les salaires seront ramenés à un niveau où il y aura un écart de 0,5%.

M. Bérubé: En tenant compte de certaines hypothèses, c'est-à-dire en présumant que les prévisions d'avril dernier du Conference Board quant à l'évolution de la rémunération hebdomadaire moyenne au Canada serait respectée et en présumant que l'évolution des salaires au Québec serait identique à la moyenne au Canada, évidemment, en comparant avec les termes de notre convention collective.

M. Scowen: Qu'est ce que vous pouvez me dire, à la suite de vos études, sur la productivité? C'est l'autre côté. En 1985, quelle comparaison serez-vous capable de faire entre la productivité des gens dans le secteur public, qui font un travail comparable, à celle du secteur privé? Je pense que vous allez admettre que l'une sans l'autre, ce n'est pas une évaluation complète.

M. Bérubé: Les études de productivité sont extrêmement difficiles à faire sur une base comparée. D'une part, parce qu'il faut s'assurer qu'il s'agit bien des mêmes tâches; on peut simplement comptabiliser le nombre d'employés du secteur public, le ramener per capita et tirer certaines conclusions, mais

ces conclusions pourraient être totalement erronées parce qu'il y a plusieurs façons de comptabiliser. Il y a, par exemple, en Ontario, des professeurs qui relèvent directement du gouvernement de l'Ontario, ce qui n'est pas le cas, évidemment, au Québec, où ils relèvent des commissions scolaires. Nous n'avons que très peu de professeurs. Donc, on peut se retrouver avec des bases de comparaison qui ne sont pas véritablement valables.

Le premier problème, dans une comparaison, c'est d'arriver à ajuster les mandats confiés à différents appareils gouvernementaux pour les ramener sur une base qui soit véritablement comparable. Il y a des choses relativement plus faciles à faire. Dans le secteur hospitalier par exemple comme en général les fonctions de soins aux patients sont des fonctions qui se reproduisent...

M. Scowen: Si le ministre me permet, j'ai l'intention de revenir aux deux secteurs qui ne sont pas comparables. La question que j'ai posée est dans le sens des comparaisons que vous faites avec les 76 000, si vous voulez.

M. Bérubé: II n'y a pas d'étude de productivité de faite.

M. Scowen: Cette partie n'est pas faite.

M. Bérubé: On ne peut pas faire d'étude de productivité comparée pour des fonctionnaires à moins de faire des études d'ergonomie et d'ergonométrie pour arriver à mesurer exactement la tâche de chaque fonctionnaire et aller faire une comparaison équivalente, ce qui est absolument immonde comme travail. Il n'y a aucune étude de productivité comparée.

M. Scowen: II me semble, à première vue, que c'est une faille importante parce que vous avez les deux éléments. L'un sans l'autre n'est pas capable de vous donner une comparaison entre les coûts du secteur public et ceux du secteur privé. Le ministre, par exemple, peut faire une déclaration très impressionnante en 1985, qu'il est arrivé au point où les salaires dans le secteur public sont maintenant égaux basés aux autres sur vos critères et acceptés par tous les chercheurs crédibles au Québec et, on pourra encore avoir les coûts du secteur public beaucoup plus élevés que dans le secteur privé pour les mêmes activités et pour le même travail. J'ai l'impression qu'il y a des choses à faire.

M. Bérubé: Ce dont on peut parler, c'est de l'évolution des effectifs. Ce qui est clair, c'est qu'à l'heure actuelle vous voyez le nombre d'employés du secteur public décroître, par exemple, dans l'administration publique. Dans la mesure où les mandats n'ont pas été modifiés essentiellement, les lois n'ont pas été abolies, la réglementation n'a pas été modifiée de façon significative, il faut donc tirer la conclusion que l'appareil étatique est plus productif et mieux organisé sur le plan organisation du travail qu'il ne l'était il y a cinq ans; on peut au moins tirer cette conclusion. Mais, si vous nous demandez: Est-ce que vous faites des études de productivité comparée avec l'Ontario? c'est non. J'ai déjà vu des résultats préliminaires sur le nombre d'employés engagés en Ontario dans des missions proprement comparables. Lorsqu'on regarde le nombre d'employés en Ontario par rapport à la population, on se rend compte qu'il y a moins d'employés du secteur public ou d'employés gouvernementaux per capita qu'au Québec, c'est clair. Toutefois, lorsque l'on élimine les agences gouvernementales - il n'y pas de régie d'assurance automobile en Ontario - lorsqu'on défalque, c'est un ensemble de missions gouvernementales que l'on ne retrouve pas en Ontario. Lorsque, également, on fait attention de ne pas comptabiliser en Ontario des professeurs que l'on ne comptabilise chez nous, lorsque l'on tient compte, en réduisant encore davantage les effectifs ontariens, on arrive à la conclusion qu'il y a pour des missions comparables à peu près 6% ou 7% d'écart entre le nombre d'employés du secteur public au Québec et en Ontario. Et, comme nous aurons effectivement réussi à réduire les effectifs dans le secteur public d'à peu près 5% ou 6% ou 7% d'ici peu de temps, on pourrait donc conclure que, s'il n'y a pas eu de mesures semblables aux mesures qui ont été prises au Québec, l'on va se retrouver avec un nombre d'employés per capita essentiellement comparable à celui de l'Ontario. Mais, attention, ceci présume qu'il n'y a pas en Ontario, à l'heure actuelle, un effort comparable à ce qui est fait au Québec. Je crois que c'est la réalité.

M. Scowen: Je vais essayer juste une dernière fois d'obtenir une réponse à ma question qui ne touche pas la comparaison avec le secteur public en Ontario. Vous avez décidé de faire une comparaison entre certaines postes et certains occupations qui se trouvent également dans le secteur public et dans le secteur privé. Vous avez 76 000 personnes qui travaillent dans des postes qui ont des équivalents à l'extérieur. Vous avez comparé les salaires. Si je comprends bien jusqu'ici, vous n'avez fait aucun effort pour comparer la productivité dans les tâches de ces 76 000 personnes. Les études qui sont faites jusqu'à ce jour portent uniquement sur les salaires. (12 h 15)

M. Bérubé: Ce sont des études de rémunérations où l'on compare des structures salariales avec des structures salariales, c'est un fait.

M. Scowen: Je comprends un peu ce domaine. N'est-il pas possible d'imaginer, si vous avez trouvé des emplois comparables, la possibilité de comparer non seulement les salaires, mais ce que font les gens? Je parle uniquement des 76 000 personnes. Je demande au ministre de ne pas parler des autres postes, mais seulement de ces 76 000 personnes.

M. Bérubé: Le problème, c'est qu'on a des éléments mineurs de productivité, comme le temps chômé qui entre dans la comparaison, qui ramène aux mêmes bases le travail effectué dans le secteur privé et celui effectué dans le secteur public. Le problème de comparer, c'est qu'il faut essayer de mesurer le "output" des deux systèmes. Je ne dis pas que c'est infaisable, mais ce serait certainement très complexe.

On commence, évidemment, à s'intéresser très sérieusement au phénomène de la productivité. On a entrepris une série d'études considérables, les études horizontales sur des grandes fonctions que l'on retrouve dans tous les ministères, par exemple, toute la gestion du personnel, la comptabilité, l'informatique, l'organisation et la méthode, les communications. Nous essayons de comprendre et de mesurer pour chacune de ces fonctions le nombre de personnes et la nature des productions et de les comparer d'un ministère à l'autre, de façon à pouvoir déjà discerner des variations et en tirer ce qu'on pourrait appeler une productivité cible. Quelle est la meilleure productivité dans ces fonctions qui se retrouvent partout dans l'organisation pour le gouvernement comme tel, les emplois dont on parlait, premièrement?

Il est clair aussi que l'on va tenter de la valider, une fois qu'on aura trouvé notre productivité cible sur laquelle les autres devraient théoriquement s'aligner, par rapport à ce qui peut se faire en Ontario et, peut-être, à ce qui se fait dans le secteur privé, mais cela ne prendra pas l'allure d'une enquête aussi complexe que celle qui est faite par le bureau de recherche. Ce seront des éléments de validation parce qu'il nous apparaît plus rentable actuellement de procéder en mettant une pression constante sur la ressource. On ne peut pas se tromper beaucoup en disant que, si l'on réduit la ressource et que l'on exige un "output" comparable, la productivité va s'accroître. Pour être sûr, cependant, dans les secteurs qui sont mesurables, on est actuellement au stade de la compilation des renseignements sur les études horizontales. Alors, c'est un peu l'approche que l'on prend.

M. Scowen: J'aimerais seulement poser une dernière question au ministre dans ce secteur. Il a parlé d'environ 85 illégalités, avec des hypothèses. Si je comprends bien, l'objectif politique, c'est d'accorder aux gens du secteur public une rémunération égale à celle du secteur privé. Si c'est le cas, j'aimerais savoir si j'ai raison et pourquoi cette égalité a été établie comme objectif. Y a-t-il des raisons plus compliquées que celles qui sont évidentes, à savoir que pour les mêmes postes les gens doivent recevoir un traitement égal dans les deux secteurs? Est-ce à ce moment que l'on doit tenir compte des autres avantages qui ne sont pas mesurables dans le secteur public ou dans le secteur privé? Si vous réussissez à ramener les salaires à un niveau égal, pensez-vous que vous serez en mesure de dire: Mission accomplie?

M. Bérubé: II y a deux raisons qui sous-tendent cette poursuite de l'objectif de parité salariale ou de parité de rémunération, devrais-je dire, puisqu'il ne s'agit pas nécessairement de parité salariale. D'une part, il y a un principe d'équité dans la mesure où nos concitoyens doivent payer les impôts et les taxes qui permettent de maintenir l'appareil de l'État qui dispense les services, il ne m'apparaît pas équitable de demander à quelqu'un qui est moins bien rémunéré de devoir se taxer davantage pour offrir à son concitoyen qui fait exactement le même travail que lui un niveau de rémunération supérieur.

Il n'appartient donc pas à quelqu'un de plus pauvre de devoir se saigner pour garantir des conditions travail meilleures à une autre personne mieux nantie. C'est un principe d'équité assez évident. Il est donc normal que deux personnes accomplissant le même travail, dans des conditions comparables, reçoivent un niveau de rémunération également comparable. Il n'y a donc pas d'injustice: les deux employés sont fondamentalement égaux devant la loi et devant l'impôt. C'est donc un principe d'équité qui sous-tend l'objectif.

Deuxièmement, l'État est sur le marché de l'emploi comme un autre employeur et doit donc bénéficier d'un pouvoir d'attraction et de rétention de ses effectifs qui, à ce moment, l'oblige à tenir compte du marché. Il est clair que si le gouvernement offre des rémunérations plus élevées que celles du secteur privé, il pourra attirer davantage; mais en même temps il mettra les entreprises qui sont en concurrence avec lui dans une situation relative de faiblesse puisqu'il est toujours placé dans une position où il peut taxer ses concurrents de manière à se donner un avantage comparatif.

Il s'agit donc à nouveau, pour l'État, de maintenir un pouvoir d'attraction ou de rétention qui ne l'amène pas, au même

moment, à bénéficier d'un avantage comparatif indu ou d'une capacité concurrentielle anormale. Donc, au nom de la concurrence saine sur le marché du travail, on peut également viser un objectif de parité. Il y a ainsi deux principes sous-jacents: l'équité de tous les citoyens face à l'État, qu'ils soient du secteur privé ou du secteur public, l'équité de traitement dis-je, et une saine concurrence qui doit également exister entre le secteur privé et le secteur public sur le marché du travail.

Le secteur de l'enseignement

M. Scowen: Très bien. Maintenant j'aimerais passer brièvement au secteur de l'enseignement où les critères sont différents, si je comprends bien. Selon son rapport préliminaire, le ministre s'est donné comme objectif de ramener le ratio enseignant-élèves au niveau de l'année 1977, si ma mémoire est bonne.

M. Bérubé: À la fin de la convention collective signée en 1973 essentiellement.

M. Scowen: Cette problématique contient certainement d'autres éléments. Le ministre a mentionné aussi qu'il pensait qu'à la fin de la convention collective les coûts de l'enseignement au Québec, si j'ai bien compris ses commentaires, seront égaux à ceux de l'Ontario, abstraction faite de certains faits structurels tels que le transport scolaire et la méthode de comptabilisation de la dette.

Selon ma compréhension, dans le cas présent les critères sont: le coût de l'enseignement per capita dans la province de l'Ontario. Ce serait l'objectif que le ministre désirerait atteindre d'ici la fin de son mandat actuel. Non? Alors quel est l'objectif.

M. Bérubé: L'objectif était essentiellement de demander un effort de la part du secteur de l'éducation qui soit comparable à ce que nous demandions au niveau des affaires sociales par exemple.

Nous aurons demandé, sur une période de 5 ans, dans le réseau des affaires sociales un effort de réduction des dépenses d'environ 9%. Nous voulions un effort sensiblement équivalent dans le secteur de l'éducation, qui n'avait pu à date ne fournir qu'un effort d'environ 4%. La raison est que les contraintes résultant de l'application des conventions collectives lient directement les effectifs d'enseignement, qui représentent plus de 80%, je pense, du coût de l'éducation, au nombre d'élèves à qui on doit dispenser l'enseignement. Ce qui, à ce moment-là, implique une rigidité qui ne permet pas la recherche d'un accroissement de productivité, par exemple.

M. Scowen: Comment le ministre peut-il définir le mot "effort"? Qu'est-ce que cela veut dire? Quel est le sens précis que l'on donne à cette expression "un effort a été fait dans les Affaires sociales"? Vous voulez faire le même effort. On cherche la définition du mot "effort". Un effort, quant à moi, implique un processus, mais quel est l'objectif? L'effort est-il de réduire les dépenses actuelles d'un certain pourcentage équivalant aux coupures qui ont été faites à l'intérieur d'autres secteurs?

M. Bérubé: Oui, essentiellement. D'ailleurs, vous l'avez dans les renseignements supplémentaires du cahier des crédits. Vous avez la réduction des dépenses dans le réseau des affaires sociales, dans le réseau de l'éducation et dans les ministères. Vous constatez, en 1983-1984, que le réseau des affaires sociales a consenti un effort de réduction des dépenses d'environ 3,9% plus 3,8%, cela veut dire 7,7%, auxquels s'ajoutent, en 1983-1984, 0,6%, donc, environ 8% d'effort en trois ans.

Cependant, si vous comparez avec l'effort de réduction des dépenses dans le réseau de l'éducation, il est de 2,5% en 1981-1982; 1,2% en 1982-1983 et de 2,4% en 1983-1984; si j'enlève l'année 1983-1984, il était donc essentiellement de 3,7%. Donc, l'effort de compression des dépenses dans le secteur de l'éducation avait été, jusqu'à cette année, nettement inférieur à ce qui avait été consenti dans le réseau des affaires sociales et, d'ailleurs, à ce qui avait été consenti également aux ministères.

L'objectif est donc d'accroître, si on veut, la productivité et la tâche dans le secteur de l'éducation, de manière à réduire les coûts de l'éducation. Tout ce que je dis est que l'effort qui aura été demandé ramènera essentiellement la charge de travail, si on relie cette charge de travail au nombre d'enfants en moyenne par professeur, telle que mesurée par le ratio, à peu près au niveau où elle était en 1976-1977.

M. Scowen: À première vue, je trouve cette façon de procéder un peu moins cohérente que pour l'autre cas. J'imagine que vous demandez à deux personnes ou à deux groupes de faire un effort. Vous établissez comme point de départ, au moment où l'exercice commence, que les deux personnes fassent également le même effort, que le "gras" qui existe, si vous voulez, dans les deux systèmes est équivalent.

Est-ce que vous avez pris la peine d'établir, avant que le premier effort ait été fait dans le domaine des affaires sociales, que le manque d'effort était équivalent dans les deux systèmes?

M. Bérubé: D'abord, lorsqu'on parle de "gras" - c'est l'expression que vous avez

utilisée - soyons bien clairs: Il n'y a pas de critères absolus en ce qui a trait au niveau des dépenses dans un secteur. Il est évident...

M. Scowen: J'ai choisi votre expression "le vif et le gras" utilisée au Sommet économique à l'Auberge des gouverneurs. Ce sont des expressions que j'ai apprises de vous.

M. Bérubé: Non, ce ne sont pas les miennes. Je disais donc qu'il n'y a pas de critères absolus quant à l'effort que l'on peut demander à un employé. Il est bien évident que, si on réduit le nombre d'enfants dans une classe, on peut permettre à un professeur de disposer davantage de temps pour préparer ses cours et il peut en résulter une amélioration de la qualité de l'enseignement. Donc, l'effort portera sur une amélioration de la pédagogie plutôt que sur le nombre d'élèves à encadrer. (12 h 30)

Quel montant doit-on consacrer à ce moment-là à des services publics? Il n'y a pas de limite à l'amélioration de la qualité des services publics. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que je pourrais doubler les employés dans les hôpitaux du Québec de manière à disposer d'un service encore plus léger, plus agréable, plus souriant, moins lourd a porter pour les employés, donc forcément meilleur, sans doute meilleur, pour les patients. Il n'y a donc pas de limite au peu d'effort qu'on peut demander à des employés travaillant dans le domaine des services. Pour en arriver à déterminer si oui ou non on peut demander un effort accru, il n'y a qu'une façon. C'est de regarder ce qui se fait ailleurs, de porter un jugement de valeur sur la qualité du système. Est-ce qu'en Alberta, en Colombie britannique, en Ontario le système hospitalier est de moins bonne qualité? Si on tire la conclusion qu'il semble d'assez bonne qualité, d'une qualité raisonnable, qu'on s'en contenterait au Québec, à ce moment-là on peut faire les comparaisons.

Qu'est ce que les comparaisons qui ont été faites depuis quelques années ont révélé? À peu près systématiquement, par exemple, dans le secteur hospitalier au niveau du nombre d'employés par lit, 10% de plus pour le nombre d'heures travaillées. Dans le secteur de l'éducation, on devait constater qu'alors qu'il y a un professeur pour 21 élèves en Ontario au Québec nous étions arrivés à 1 professeur par 16,8 élèves. À nouveau il faut bien constater que la tâche de nos enseignants en termes de nombre d'élèves dont il doivent s'occuper ou du nombre de cours qu'ils doivent donner -parce que finalement cela se traduit par une tâche d'enseignement - est plus légère au Québec qu'en Ontario et plus légère que partout ailleurs dans le monde puisqu'il faut quand même reconnaître que toutes les études faites par Statistique Canada nous indiquent, année après année, que le nombre de dollars dépensés per capita au Québec pour l'éducation est plus élevé que dans n'importe quelle autre province canadienne, d'une part, et que le Canada est le pays qui consacre le plus grand pourcentage de son produit intérieur brut à l'éducation. Il faut donc tirer la conclusion que le Québec dépense sans doute la somme la plus élevée au monde pour l'éducation de ses enfants.

C'est un constat et à partir de ce constat, si vous décidez que vous devez réduire vos dépenses - il y a une décision politique à prendre, vous devez décider si vous augmentez le déficit ou si vous augmentez les taxes ou si vous réduisez vos dépenses - si vous réduisez vos dépenses, vous allez donc faire porter cet effort de réduction partout où vous percevez une différence dans le coût des services par comparaison à des coûts que vous pouvez mesurer ailleurs. Or chaque fois que nous pouvions faire des comparaisons, nous devions reconnaître que dans le secteur de la santé, nos coûts étaient plus élevés; dans le secteur de l'éducation, nos coûts par élève ou nos coûts per capita étaient plus élevés; dans l'administration publique - ce que je vous soulignais tantôt - nos coûts étaient également plus élevés.

C'est donc à partir de cette analyse-là qu'on a pu tirer effectivement la conclusion qu'il y avait une différence importante. Par exemple, par étudiant au Québec le primaire-secondaire nous coûte 652 $ de plus qu'en Ontario. On peut relier cela - je pense que ce sont des chiffres de 1980, c'est 335 $ - à la fois au salaire et au nombre d'enseignants. On pouvait relier cela au transport scolaire qui représentait 90 000 000 $ d'écart. On pouvait également relier cela au service de la dette pour 183 000 000 $. On pouvait relier cela au coût de la sécurité d'emploi. On peut identifier des raisons qui font qu'effectivement les coûts de certains services publics sont supérieurs au Québec à ce qu'ils sont ailleurs.

Dans la mesure où vous avez pris la décision de réduire vos dépenses, à ce moment-là il est clair que, s'il nous en coûte plus cher pour donner le même service, c'est donc qu'il doit y avoir moyen de réorganiser ces services de manière qu'ils coûtent moins cher. Vous demandez donc un effort qui est sensiblement comparable. Il est clair que l'effort que nous devions demander dans le secteur de l'éducation devait être plus élevé que celui que nous devions demander ailleurs. En pratique, nous avons choisi de ne demander que ce que vous avez maintenant sur la table, c'est-à-dire un effort qui sera sensiblement comparable à celui des affaires sociales. Certains pourraient dire que ce que

nous avons demandé comme effort additionnel dans le secteur de l'éducation est insuffisant, qu'il faudrait aller plus loin, que le coût de notre système en termes de masse salariale pour les enseignants sera encore supérieur à ce qu'il est en Ontario -à partir des chiffres que nous avons, c'est ce qu'on pourrait conclure en ce moment -qu'on n'a pas exigé suffisamment, sauf qu'on a estimé que c'était raisonnable d'essayer de ramener l'effort demandé à nos employés dans le secteur de l'éducation à peu près au niveau où il était à la fin de 1975-1976.

M. Scowen: Vous me donnez la tentation, à laquelle je me soumets...

M. Bérubé: Résistez, résistez, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: ...de retourner brièvement aux critères que vous avez établis pour les secteurs comparables qui sont surtout à l'extérieur des deux grands réseaux. Dans les réseaux où il y a des institutions plus ou moins autonomes à qui vous accordez des budgets, vous leur donnez le choix, vous leur donnez même l'obligation d'augmenter la productivité, parce que le critère que vous avez établi pour ces compressions, c'est un effort de compression budgétaire. Mais, dans d'autres domaines dont on a parlé tantôt, vous n'exigez pas cette même compression. Vous dites: On ne va pas regarder la masse, on va simplement comparer les salaires. Si les salaires sont égaux, on va dire: Mission accomplie. Moi, j'aurais pensé que vous auriez pu dire les mêmes choses aux secteurs qui ne sont pas dans les grands réseaux et leur dire d'accepter... Prenons l'Assemblée nationale, dont je fais partie des coûts. Si vous dites...

M. Bérubé: On peut régler votre problème, si vous voulez.

M. Scowen: C'est notre problème, parce que vous en êtes membre aussi.

M. Bérubé: Vous feriez un objectif de compression absolument idéal.

M. Scowen: Si vous disiez: On demande une compression X au réseau des affaires sociales, on demande une compression égale au secteur de l'éducation et, mesdames et messieurs de l'Assemblée nationale, on exige de vous la même compression, arrangez-vous avec votre productivité. Mais, non, vous n'avez pas fait cela. Vous avez dit: En ce qui vous concerne, je veux simplement vérifier que tous ici ont des salaires équivalents et, en ce qui concerne la productivité, cela ne nous concerne pas. Or, les institutions, les réseaux, eux doivent s'occuper de la productivité.

M. Bérubé: C'est inexact. Au contraire...

M. Scowen: Je ne comprends pas.

M. Bérubé: Non, c'est inexact. Au contraire, l'effort demandé à l'appareil gouvernemental est supérieur à l'effort demandé dans les réseaux. En 1985-1986, à la fin de cet effort de rationalisation des dépenses, l'effort global demandé dans le réseau des affaires sociales aura représenté une réduction des dépenses de 8,9%, dans le réseau de l'éducation, de 9,1% et, dans les ministères, de 15,6%. Donc, c'est un effort nettement plus élevé d'accroissement de la productivité.

Pourquoi plus d'efforts demandés dans l'administration publique que dans les réseaux? Il n'y a pas vraiment d'absolu là-dedans, il y a des opinions. D'une part, le réseau des affaires sociales et le réseau de l'éducation dispensent directement des services à la population. Ils sont en contact direct, immédiat, avec une population et ils doivent être disponibles pour leur donner des services de qualité, alors qu'au gouvernement on fait davantage de la gestion, de la rationalisation, du contrôle. Une société peut se passer de contrôle; pas intégralement, mais elle peut réduire le niveau de contrôle, trouver des façons plus efficaces de contrôler. Donc, il est sans doute plus facile de sabrer dans l'appareil administratif de réglementation, ce qui, parfois même, représente une amélioration pour les citoyens. Si vous déréglementez parce que vous n'avez pas l'effectif suffisant pour exercer un contrôle a priori, il se peut qu'effectivement, globalement, au plan de la société, on soit avantagé.

Donc, un objectif de compression dans l'appareil administratif peut se traduire par des avantages pour la société. Ce n'est pas tout à fait la même chose que d'accroître la tâche d'un enseignant. Là, on ne peut pas dire que c'est avantageux pour la société si ce n'est qu'elle va payer moins cher pour l'éducation de ses enfants et qu'elle va pouvoir utiliser ces sommes à d'autres fins. Or il est clair que si j'accrois la tâche d'un enseignant, mon objectif n'est pas d'améliorer la qualité de l'éducation, c'est un objectif de réduction des coûts. Cela, je pense qu'on ne l'a jamais caché. Donc, un accroissement de la productivité dans un hôpital ou dans une école ne peut avoir le même objectif qu'un accroissement de la productivité au gouvernement. Cela nous amène à revoir les mécanismes de gestion qu'on expliquait tantôt: nous, effectuons une série d'études horizontales, par exemple, au niveau des directions de communication, de gestion du personnel, pour voir dans quelle mesure on ne pourrait pas alléger le processus et faire en sorte qu'on ait un

appareil gouvernemental tout aussi et même plus avec moins de monde.

L'effort demandé au niveau de l'appareil administratif est plus important que ce qui est demandé dans les réseaux, mais je pense qu'il peut se justifier. À nouveau ce que je vous donnais tantôt comme chiffres j'ai pu retrouver les notes auxquelles je faisais référence... Une comparaison faite au niveau de la fonction publique nous avait amené, lorsqu'on tenait compte de toutes les missions gouvernementales différentes, lorsqu'on défalquait certains employés qui relevaient de l'État à un endroit et non à l'autre, on arrivait à la conclusion - je l'émets sous toute réserve puisque l'étude ne peut pas être parfaitement rigoureuse - qu'il y avait à peu près 7,6% de plus de fonctionnaires au Québec qu'en Ontario. Il est clair qu'avec l'effort en cours, on va maintenant avoir moins de fonctionnaires per capita pour des services équivalents qu'en Ontario. Je ne suis pas convaincu pour autant que, parce que nous aurons moins d'employés pour donner les mêmes services, nous aurons des services de moindre qualité. Il est possible que nos services soient de meilleure qualité.

À nouveau c'est une hypothèse, c'est-à-dire qu'il y a une limite à ce qu'on peut faire dans la réduction d'effectifs. Mais également - et là je mets en garde l'Opposition - une des tendances normales de toute opposition c'est de surveiller la gestion gouvernementale, d'essayer d'identifier toute erreur de gestion et de s'étonner de ce que le gouvernement n'ait pas pris les moyens nécessaires pour mieux contrôler les dépenses publiques.

À titre d'exemple je me souviens d'un célèbre scandale - je suis à la commission des engagements financiers - de ces célèbres mini-scandales que l'Opposition nous trouve à intervalles je dirais assez réguliers, parce qu'elle a de la misère à en trouver. De temps en temps elle trouve une dépense mal faite et il y en a évidemment. Elle s'étonne qu'il n'y ait pas un contrôle suffisant. La logique d'une telle attitude de la part de toute Opposition - puisque nous faisions sans doute la même chose lorsque nous étions dans l'opposition - c'est d'accroître les mécanismes de contrôle gouvernementaux et par conséquent d'alourdir l'appareil de l'État.

Donc, il y a une sorte de contradiction dans cette manie qu'ont les parlementaires -et je dirais en général les médias - de vouloir un système qui garantit a priori qu'il n'y ait jamais d'erreur. Cela suppose la mise en place d'un contrôle bureaucratique épouvantable à un coût considérable. Il faut accepter un certain risque et trouver des mécanismes de contrôle qui sont peut-être davantage a posteriori, où on fait davantage appel à l'imputabilité, la responsabilité des gestionnaires, avec des mécanismes de pénalisation quand il y a erreur, et en acceptant l'erreur à ce moment-là, je pense.

M. Scowen: Est-ce que je peux demander au ministre - on a seulement deux heures pour l'étude de ces crédits et je veux m'informer sur les questions les plus précises possible - s'il peut garder ses commentaires, et répondre aux questions que j'ai posées? On va faire des commentaires à la fin, vous et moi. J'aimerais, dans les brefs moments que nous avons, avoir les réponses les plus précises possible parce que c'est la seule occasion que j'ai de poser des questions.

M. Bérubé: La précision de mes réponses est directement reliée à la précision des questions.

Les dépenses gouvernementales

M. Scowen: D'accord. Je passe à la page 68 du discours sur le budget, tableau 4, qui est si vous le voulez le "bottom line" de tout cet exercice. C'est la seule indication que nous avons quant à l'évolution probable des revenus et dépenses et du déficit pour les trois prochaines années. Je ne ferai pas de commentaire sur l'ampleur de ces renseignements parce que je ne veux pas de commentaire du ministre là-dessus. Je veux simplement vérifier ce que, je pense, votre secrétaire m'a dit: Ces prévisions des revenus et dépenses pour 1983-1984, 1984-1985 et 1985-1986 sont faites en fonction d'aucune volonté politique additionnelle d'un côté ou de l'autre; ce sont simplement les projections des revenus et dépenses - je parle pour le moment des dépenses - qui vont se réaliser à la suite des décisions politiques et des conventions collectives qui ont été déjà signées. En 1985-1986, les dépenses seront de 27 400 000 000 $, si on continue avec les mêmes programmes qui sont déjà en vigueur. Si tout ce que le ministre nous a dit arrive, les contrats collectifs actuels, on va se retrouver avec des dépenses et des revenus comme cela en 1995. Est-ce que c'est cela? La question que je pose... (12 h 45)

M. Bérubé: À une exception.

M. Scowen: À une exception.

M. Bérubé: Ce que vous avez dit est exact, c'est-à-dire que c'est la projection mécanique de nos dépenses en évaluant l'évolution des clientèles dans les programmes gouvernementaux, évolution naturelle et sans contrainte, et en introduisant les paramètres économiques quant à l'évolution, par exemple, du coût de la vie pour le calcul et la détermination des dépenses, à une exception près: ces prévisions incorporent un programme de gain de productivité qui représente à peu près

1,5% de gain de productivité désiré, année après année, et qui implique une contrainte, en partant, sur le système pour le forcer à avoir une meilleure performance à chaque année.

M. Scowen: Dans le cas des revenus, c'est une projection des taxes qui sont en vigueur aujourd'hui, les 40% sur l'essence, les impôts au taux actuel, etc.?

M. Bérubé: 0e dirais oui, bien que c'est une question qui devrait être adressée au ministre des Finances.

M. Scowen: Ah bon!

M. Bérubé: Je m'occupe des dépenses.

M. Scowen: Oui. Est-ce que vous êtes en mesure de me dire, oui ou non, que c'est fait, probablement?

M. Bérubé: On me dit que c'est à structure fiscale constante.

M. Scowen: Je voudrais faire un très bref commentaire, probablement que le ministre sera d'accord avec moi. Arriver d'ici trois ans avec un fardeau fiscal qui est, d'après tout le monde, trop élevé - je ne demande pas au ministre de l'accepter, le ministre des Finances l'a déjà dit et la population est d'accord...

M. Bérubé: Effectivement il est revenu à peu près à un niveau semblable à ce qu'il était en 1976, à la fin de l'administration libérale, et je suis absolument d'accord avec vous que c'est trop élevé.

M. Scowen: D'accord. On va avoir encore un déficit de 3 000 000 000 $ qui n'est pas tout à fait le déficit de 1976, même en tenant compte du taux d'inflation. Je pose cette question par ce que je veux revenir à un troisième élément de la volonté politique de rendre les dépenses du secteur public à un niveau plus compatible avec la capacité de payer de nos citoyens. La capacité de payer, c'est réfléchi dans les taxes. Nous avons parlé, jusqu'ici, d'un effort pour réduire le coût des services existants. Est-ce qu'au sein du Conseil du trésor vous avez comme mandat d'examiner l'utilité des services comme tels et de proposer ou même d'insister pour que certains services, certaines directions, certaines activités gouvernementales soient réduits ou même éliminés? Est-ce que cela fait partie de votre mandat? Si oui, est-ce que vous pouvez me donner un bref résumé de vos intentions dans ce domaine dans un prochain avenir?

M. Bérubé: La technique de préparation des budgets fait davantage appel à l'initiative des ministères, d'une part, et à la prise de décisions politiques par le gouvernement. Je m'explique. Ce que nous faisons, c'est que nous demandons aux ministères d'identifier, dans leur budget, un certain pourcentage d'activités. Par exemple, nous pourrions dire - c'est ce que nous faisons cette année - si le gouvernement devait décider de vous imposer 1% de réduction de vos dépenses, donnez-nous, par ordre de priorité décroissante, les dépenses que vous supprimeriez. On peut également leur poser la question avec une réduction de 2%, de 3%, de 4%, de 5% et de 15%. Ce qui amène les ministères à réévaluer, au sein de leurs activités, les activités auxquelles, s'ils étaient absolument pris à la gorge et qu'ils devaient supprimer quelque chose dans leur budget, ils s'attaqueraient.

Ce qui nous permet d'avoir, pour chaque ministère, une liste d'activités en priorité décroissante qui permet au comité des priorités d'évaluer cette liste et de faire des choix de priorité à l'intérieur même des objectifs de compression possibles identifiés par les ministères.

Donc, le Conseil du trésor a tendance à vouloir laisser aux ministères, puisqu'ils connaissent mieux - c'est normal - les besoins de la population dans le secteur qui leur est confié et puisqu'ils ont le mandat, en vertu de la loi, d'assurer des services à la population, le soin de choisir les services qu'ils doivent assurer à la population. Donc, nous avons tendance à favoriser l'intervention du ministère quant à l'identification des activités qui pourraient faire l'objet d'une réduction.

Ce qui n'empêche pas, évidemment, le secrétariat du Conseil du trésor, parce qu'il doit annuellement procéder à une revue de programmes, de bien connaître certaines faiblesses dans les ministères et de pouvoir émettre des suggestions lorsque nos ministères manquent d'imagination. Je ne peux pas vous cacher que lorsqu'arrive la revue de programmes, il nous arrive effectivement de faire preuvre d'imagination et de suggérer certaines choses, souvent, au grand désespoir des ministères. Ce qui amène des débats chaleureux, c'est le mot. Certaines de nos propositions sont rejetées parce qu'elles sont non praticables, ayant oublié tel ou tel élément, mais d'autres de nos propositions sont retenues, parce qu'on doit convenir que notre analyse n'était pas mauvaise. Donc, il nous arrive de faire des suggestions, mais nous nous limitons à des suggestions.

Par contre, nous avons en place, à l'heure actuelle, deux mécanismes d'évaluation qui peuvent être des évaluations de programmes quant à la pertinence, l'efficience des programmes et nous avons également mis en place - ce qui vous a été expliqué tantôt - un mécanisme d'évaluation

d'activités horizontales, par exemple, les activités de communication au gouvernement, les activités de gestion du personnel au gouvernement. Nous effectuons alors une évaluation comparée de la performance d'une même activité dans plusieurs ministères différents pour identifier s'il n'y a pas des failles, des excès, des abus, dans certains secteurs et s'il n'y a pas lieu d'appliquer des compressions plus sélectives.

M. Scowen: Je reviens à ce tableau. Je cite une projection d'évolution des équilibres financiers du gouvernement. On voit que, en 1985-1986, on aura des revenus de 24 500 000 000 $, des dépenses de 27 400 000 000 $ et un déficit de 2 900 000 000 $. On sait que ce ne sont que des projections. Vous avez, je pense, expliqué la façon dont elles sont développées.

J'aurais pensé qu'un gouvernement responsable ferait aussi une espèce de plan parce que si, par exemple, vous dites que le total des impôts exigés des Québécois - je reviens à votre déclaration sur la capacité de payer de nos citoyens - est présentement trop élevée et que cela a toujours été ainsi. Vous manifestez le désir de corriger la situation et vous acceptez aussi ce que M. Parizeau a accepté à plusieurs reprises. Plusieurs autres personnes ont aussi insisté, à maintes reprises, sur le fait que les déficits de 3 000 000 000 $ en 1985-1986 sont excessifs. Vous auriez non seulement une projection de l'évolution des équilibres financiers, mais un plan, tout comme le ferait une société privée face à une situation semblable, alors que les dépenses et les prix sont trop élevés.

Est-ce qu'il existe quelque part, au sein du Conseil du trésor ou ailleurs, mais je dois probablement me limiter au Conseil du trésor, un autre tableau qui ressemble un peu au format du tableau 4, mais qui reflète l'intention ou la volonté du gouvernement de corriger la situation qui apparaît ici, à la dernière colonne du tableau 4? Même si on garde la taxation à son niveau actuel, avec les augmentations de dépenses prévues et basées sur les services qu'on rend présentement ainsi que les coûts pour cette période, on va se retrouver dans une situation telle que nous devrons assumer un grand déficit et une taxation en conséquence. Existe-t-il au Conseil du trésor un tableau 4 qui représente la réflexion d'une volonté politique de corriger le problème dont tout le monde est conscient?

M. Bérubé: Je vous ai donné la réponse il y a quelques instants. Par exemple, cette année, nous avons mis en oeuvre un programme de gains de productivité qui permettait de réduire d'à peu près 200 000 000 $ les dépenses par rapport à leur évolution naturelle. Or, l'effort de compression cette année a été d'environ 412 000 000 $, je pense. Il est donc supérieur à l'économie résultant des simples gains de productivité. D'où vient cet effort additionnel? Il vient de l'analyse que je vous ai décrite il y a quelques instants, qui a consisté à faire identifier par les ministères des activités équivalant à 15% de leur budget, des activités que l'on pourrait qualifier de moins prioritaires pour les ministères en question. Il est évident qu'une chose qui semble moins prioritaire pour un ministère peut sembler très prioritaire au gouvernement. On pourrait très bien choisir de ne pas sabrer dans une activité d'un ministère purement et simplement parce que ce ministère effectue une mission qui apparaît très importante au gouvernement.

Donc, c'est par ce processus d'élaboration des priorités décroissantes dans les ministères et par la prise de décision par le gouvernement du niveau de réduction des activités, laquelle décision se prend annuellement, avant le dépôt du budget, que le gouvernement peut décider de l'effort qu'il s'imposera. Or, dans les prévisions que vous avez pour les années subséquentes, nous ne présumons pas de la décision gouvernementale quant à l'effort additionnel de compression. Vous l'avez en 1983-1984, il est supérieur au programme de gains de productivité mais, pour 1984-1985 et 1985-1986, on ne tient compte que du programme de gains de productivité décidé par le gouvernement pour une période de trois ans et on ne tient pas compte de l'effort additionnel qui pourrait être décidé par le gouvernement. Il est donc intégré au programme de gains de productivité à l'intérieur du programme budgétaire que vous avez présentement. Il y a donc déjà un effort de compression, mais il peut y avoir un effort additionnel. Cet effort additionnel est décidé annuellement sur la base de l'évaluation qui est faite par les ministères des activités moins prioritaires. (13 heures)

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a encore une question?

M. Scowen: Oui.

Le Président (M. Laplante): Oui.

M. Bérubé: II est seulement 16 h 45.

Le Président (M. Laplante): J'ai encore deux minutes pour faire une heure. Voulez-vous poser une dernière question?

M. Scowen: J'ai beaucoup de choses à dire. Je ne sais pas si j'ai une question de deux minutes. Si je comprends bien, la réponse à ma question est non. Il n'existe pas... Comme vous l'avez dit dans cette analyse-ci, cela va de soi; vous ne présumez pas des intentions du gouvernement, des

intentions politiques du gouvernement pour les trois prochaines années. Il n'existe, aujourd'hui, au sein du Conseil du trésor, aucune prévision, projection des coûts et des dépenses reflétant les intentions politiques de votre gouvernement pour les deux ou trois prochaines années?

M. Bérubé: C'est-à-dire que le Conseil des ministres a adopté, sur trois ans, un cadre financier qui repose sur au moins deux objectifs. Le premier objectif est que les dépenses pour les programmes existants ne croissent pas plus vite que l'inflation. La deuxième hypothèse c'est que l'écart entre une croissance de nos dépenses au rythme du produit intérieur brut et la croissance des dépenses à l'inflation, constitue une marge de manoeuvre qui peut servir soit à accroître le niveau des dépenses en fonction des besoins, soit à réduire l'effort fiscal, soit à réduire le déficit. Donc, le cadre financier général, au gouvernement, est de maintenir la croissance des dépenses existantes au niveau de l'inflation et cela, par des gains de productivité. Car il est bien clair que nous avons des programmes qui croissent plus vite que l'inflation. Lorsque nous mettons en place des programmes comme Corvée-habitation, Loginove, lorsque nous devons faire face à des programmes sociaux comme l'aide sociale, il y a une croissance, dans le coût de ces programmes, qui est supérieure à l'inflation. Il faut, à ce moment-là, compenser par des croissances moins rapides ailleurs, de manière que, globalement, nos dépenses courantes pour les programmes existants ne croisssent pas plus vite que l'inflation. Voilà les deux objectifs budgétaires que nous avons adoptés pour une période de trois ans.

Le Président (M. Laplante): Dernier objectif.

M. Bérubé: Nous pourrions, évidemment, ajouter à cela un programme de compression des dépenses qui amènerait la croissance des dépenses régulières à un niveau inférieur à l'inflation. Mais, ceci est décidé sur une base annuelle, lors de la revue des programmes, lorsqu'on soumet au Conseil des ministres, essentiellement, l'évaluation des anti-priorités décelées par les ministères.

Le Président (M. Laplante): D'accord? Il est 13 heures. Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 05)

(Reprise de la séance à 15 h 36)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre s'il vous plaîti Nous reprenons la commission des finances et des comptes publics pour étudier les crédits budgétaires de 1983-1984.

Lorsque nous avons suspendu nos travaux à 13 heures, la parole était au député de Notre-Dame-de-Grâce.

Commission administrative du régime de retraite

M. Scowen: Comme il ne nous reste que 30 minutes avant la fin des travaux, j'aurais une suggestion à faire au ministre. Je constate qu'un autre collègue présent ici ce matin voudra probablement prendre la parole. Je n'étais pas au courant qu'il assisterait à cette commission mais mon intention première était la suivante.

Premièrement, lorsque j'ai parlé à votre secrétaire, il a été convenu qu'il m'enverrait quelqu'un pour m'expliquer un peu en profondeur tout ce qui touche le CARR. Il m'a téléphoné pour me donner le nom de cette personne alors que j'étais absent. Toutefois, je crois que cette entente tient encore. Dans l'affirmative, je propose d'adopter les crédits du CARR aujourd'hui sans débat en attendant un "briefing", c'est-à-dire une information dans ce dossier fort complexe, que nous aurions la semaine prochaine.

Conseil du trésor (suite)

Pour compléter le temps qu'il nous reste, j'aurais une dernière question précise à poser au ministre à la suite de laquelle j'aurais l'intention de lui exprimer quelques impressions sur cette expérience que nous avons connue aujourd'hui. Il aimera peut-être ensuite ajouter ses commentaires. C'est tout. Quant à moi, cela constitue l'ordre du jour.

Le Président (M. Laplante): Posez votre question, M. Scowen. Bien d'accord, c'est à vous de décider.

M. Scowen: La question que je voulais poser touche le BRR. Le secrétaire m'a dit que votre intention serait de transférer la plupart des activités de ce groupe au ministère du Travail et que dorénavant une institution serait chargée de s'occuper de cette recherche très importante.

J'ai deux questions à poser. À la première, si la réponse est tout simplement que vous ne voulez pas de chevauchement dans l'entreprise privée avec les études qui sont faites par le ministre du Travail, il n'est pas nécessaire de répéter ces commentaires, mais si vous connaissez d'autres aspects qui pourraient être pertinents, j'aimerais que vous nous en fassiez part.

La deuxième question est que j'aurais pensé qu'il serait utile d'envisager une institution plus paritaire que le BRR qui est

essentiellement une institution patronale et qui, en conséquence, est sujette à certaines réserves et critiques parce que c'est un peu unidirectionnel. Est-ce qu'il y aurait possibilité d'envisager une participation des personnes visées par ces études? C'est la question que je voulais poser.

M. Bérubé: Premièrement, lors de la dernière ronde des négociations, en 1979, une volonté avait effectivement été exprimée d'intégrer au ministère du Travail une équipe, qui est actuellement au Conseil du trésor, pour faire les études de marché.

Deuxièmement, il y a, dans le cadre de la dernière ronde de négociations, entente pour constituer des équipes de travail qui vont se pencher sur le niveau de rémunération pour la troisième année de la convention collective qui, comme vous le savez, est fixée par les décrets mais avec une offre gouvernementale de rouvrir cette troisième année. En même temps, en profitant de cette réouverture, profiter des deux années qui vont s'écouler pour examiner toute la problématique des politiques salariales, des objectifs que l'on pourrait viser, de la mesure de paramètres salariaux sur lesquels on pourrait au moins faire consensus, non pas qu'on puisse espérer faire consensus nécessairement sur les objectifs, mais il reste que dans la mesure où l'on pourrait s'entendre sur la façon de mesurer certains paramètres salariaux aux paramètres des avantages sociaux, il serait certainement plus facile de s'engager dans une ronde de négociations avec au moins des faits sur la table sur lesquels les deux parties sont d'accord.

Donc, nous avons convenu de créer ce groupe paritaire de travail. Or, il est clair que, avec le transfert du BRR au ministère du Travail, advenant le cas où les deux parties s'entendraient pour créer un tel organisme paritaire, on pourrait très bien imaginer que syndicats et gouvernement s'entendent pour décider que les études de marché devraient se faire en s'appuyant sur un certain nombre de bases scientifiques que l'on définirait et que de telles études devraient être surveillées par un comité paritaire. Un peu comme à la Commission administrative du régime de retraite, il y aura dans la nouvelle loi un comité paritaire pour l'application du régime à la clientèle couverte par ce régime. Donc, on peut imaginer que s'il y avait entente à cet effet, il pourrait y avoir création d'un comité paritaire, mais il est bien clair que ceci n'est possible que si les deux parties sont d'accord. Ce sera là le sujet de la discussion, c'est-à-dire qu'on ne peut pas imposer la création d'un comité paritaire si les deux parties ne s'entendent pas d'abord sur des objectifs à poursuivre et sur l'utilisation de telles données. Donc, la première démarche va consister à s'asseoir à la table centrale de négociations et voir dans quelle mesure on ne peut pas mettre en place un tel mécanisme qui pourrait amener un transfert définitif de cette unité de recherche en rémunération du ministère du Travail vers un autre organisme si on décidait d'en créer un autre.

M. Scowen: Merci. J'espère que vous allez me permettre de vous donner quelques brèves impressions que je dégage de cette expérience d'aujourd'hui. Je dois dire d'abord que nous sommes très contents d'avoir un Conseil du trésor. Nous avons un ministre travaillant et capable comme responsable. Je dois aussi dire que la réunion que j'ai eue avec votre secrétaire m'a impressionné aussi. Cependant, l'impression que je dégage de cette expérience, c'est que nous avons un Conseil du trésor traditionnel, primitif même, un peu dépassé et surtout décourageant dans ses activités, en tenant compte de la situation actuelle. Je veux m'expliquer...

M. Bérubé: Oui. Que vous précisiez. M. Scowen: Oui. Je ne parle pas...

M. Bérubé: D'abord, je dois vous dire qu'on ne sait jamais, les revers électoraux pourraient vous mettre à ma place et vous seriez très gêné de vos propos.

M. Scowen: Je vous promets de ne pas vous interrompre pendant votre réplique. Vous pouvez dire n'importe quoi. D'accord? La question est quand même sérieuse. Je m'explique. Nous avons ici au Québec aujourd'hui une entreprise, l'État, qui est en difficulté financière. Depuis 1976, la dette a triplé ou quadruplé d'une façon unique. Nous avons des charges fiscales qui sont trop élevées pour tout le monde et je n'insiste pas sur le fait que cela a commencé avec vous; on va laisser ce débat pour un autre moment. Mais on est d'accord que c'est trop élevé. (15 h 45)

On a un déficit sur lequel tout le monde s'entend pour dire qu'il est trop grand. Nous avons une entreprise ici qui est en grave danger; la population est mécontente et les gens ne sont pas en grande partie conscients de la gravité du problème. Alors, on cherche quelque part à l'intérieur de l'appareil gouvernemental quelques groupes qui sont en train de s'occuper de ce problème et, moi, j'espérais que peut-être je le trouverais à l'intérieur du Conseil du trésor. Je veux pas parler de vos travaux quotidiens, le contrôle des dépenses. On n'a pas parlé de cela aujourd'hui, c'est une autre affaire que, j'imagine, vous faites très bien. Je parle surtout de la volonté politique de régler une situation qui est

grave. Je regarde le seul document qui existe et qui indique ce qui va nous arriver, c'est la page 68 du discours sur le budget, tableau 4, et je vois qu'en 1985-1986 on va avoir les mêmes impôts qu'aujourd'hui, les dépenses seront à 27 000 000 000 $ plutôt qu'à 24 000 000 000 $ et le déficit sera encore à 3 000 000 000 $. Alors, il n'y a pas de plan de redressement dans ce document. Je pose la question au ministre: Est-ce qu'il existe un autre document à l'intérieur du Conseil du trésor qui est l'expression de la volonté politique du gouvernement de régler le problème? Le ministre me répond - et je pense que je suis fidèle à ses paroles: Non, notre politique actuelle, c'est d'accroître les dépenses chaque année au même rythme que l'accroissement du taux de l'inflation, ce qui nous laisse, comme marge de manoeuvre pour faire quelque chose, l'accroissement du PIB, s'il y en a. C'est cela la politique de redressement du gouvernement.

Alors, je me dis que c'est clair que cette politique - oh! il a ajouté une autre chose: II y a d'autres décisions politiques qui se prennent d'année en année. C'est selon la conjoncture. C'est cela, effectivement, l'ensemble du plan de redressement de ce grave problème que nous avons à l'intérieur du Conseil du trésor. Je pose la question: Qu'est-ce que ces gens font? Je répète que je suis encore dans le cadre de la planification à moyen terme, je ne parle pas du côté... Ce que je dégage, c'est ceci. Premièrement, sur une partie de 100 000 fonctionnaires, vous avez entrepris des études complexes et fort crédibles d'après les recherchistes crédibles indépendants concernant un élément seulement de ce problème qui est le taux de salaire comparé avec le secteur privé.

Je vous demande si vous avez fait ou si vous entreprendrez des études semblables en ce qui concerne la productivité et vous me dites: C'est compliqué, on n'a pas commencé.

M. Bérubé: Non, ce n'est pas exact, M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai répondu.

Le Président (M. Laplante): Vous répondrez tout à l'heure.

M. Scowen: Je me réserve une interruption. C'est un peu comme si on réalisait que l'édifice de l'Assemblée nationale était en mauvais état de santé et qu'on décidait, entre autres, de rendre plus propres les couloirs, alors on commencerait à nettoyer les couloirs. On fait des comparaisons avec la propreté des couloirs dans d'autres parlements. On promet de régler la propreté des couloirs et en trois ans on va avoir une propreté égale. On fait des déclarations là-dessus. On fait du progrès et, finalement, on arrive en 1985 avec des couloirs aussi propres que les autres parlements, mais l'ensemble du problème n'est pas réglé. Alors, une seule chose impressionnante c'est la comparaison d'une centaine de milliers de fonctionnaires avec le secteur privé.

Quand j'arrive de l'autre côté, les deux grands réseaux de l'éducation et des affaires sociales, je trouve la politique encore plus incohérente. Quels sont les critères sur lesquels vous basez le niveau des dépenses? La première réponse, c'est qu'on demande aux enseignants un effort de compression égal à l'effort demandé au réseau de la santé il y a quelques années. C'est, au plan intellectuel, d'une cohérence pas très forte. Quel est cet effort? Où était-il avant? Comment cet effort est-il mesuré? Comment arriveriez-vous à un niveau acceptable? Pour moi, ce n'est pas quelque chose qui se tienne debout comme la base d'une politique salariale ou une politique des dépenses dans ces deux grands réseaux qui comptent pour environ la moitié de nos dépenses.

Le ministre va un peu plus loin. Il change un peu son orientation. Il dit qu'il fait la comparaison avec l'Ontario. Encore là, ce n'est pas clair; pourquoi est-ce l'Ontario? Est-ce que l'Ontario est une base sur laquelle on doit se fier? Quand il commence à parler de la comparaison qu'il fait avec l'Ontario, cela devient de moins en moins clair. Même si, à la fin, l'objectif est l'équivalence des salaires de nos enseignants avec ceux des enseignants ontariens, si l'objectif est un coût par étudiant ou per capita égal à celui de l'Ontario, si c'est la même chose dans le réseau des affaires sociales, si c'est plutôt l'idée de demander des efforts de compression que personne n'est capable de définir, c'est encore moins clair que dans le premier cas où nous n'étions pas satisfaits non plus.

Je pose la troisième question: Qui, chez vous, s'occupe de l'évaluation des programmes? Vous me décrivez un système qui me fait penser à une compagnie pour laquelle je travaillais il y a 25 ans. Je demande à chaque service de donner une liste de choses, par priorité décroissante, me permettant de couper ici et là. Ce n'est pas très sophistiqué comme planification de tout le secteur public. Je vous demande: Comment allez-vous décider si vous devez couper au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation plutôt qu'au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme? Comment allez-vous le faire? Qui le fera? Est-ce qu'il existe des enveloppes budgétaires par secteur, comme on en voit au moins dans quelques autres entreprises? Non, tout ce à quoi on a droit, c'est une liste; un, deux, trois, quatre, cinq, six et on coupe au fond. C'est cela qui se dégage: une

analyse plus ou moins acceptée des coûts comparatifs avec le secteur privé, sans analyse parallèle quant à la productivité; la confusion presque totale dans le domaine des critères dans les deux grands réseaux; une évaluation des programmes presque non existante et aucune vue d'ensemble à moyen terme qui pourrait permettre de dire: Messieurs et mesdames, d'ici à trois ans, sur la base des hypothèses suivantes, accroissement du PIB canadien, national, international, on a l'intention de vous donner un bilan qui sera le suivant.

J'imagine que la compagnie Chrysler, avant sa crise, avait un système de contrôle un peu semblable à celui-ci. C'est primitif, ce n'est pas quelque chose d'impressionnant, du moins de la façon dont cela a été décrit aujourd'hui par le ministre. C'est compliqué, j'en conviens - une entreprise de 27 000 000 000 $ par année, c'est compliqué - mais je reste avec l'impression qu'au sein du Conseil du trésor on a un système qui est dépassé et que les gens passent beaucoup de temps sur les petites choses précises qui leur tiennent à coeur et dans lesquelles ils développent une expertise sensationnelle; ils connaissent bien la patte droite de l'éléphant, sans jamais avoir une idée de tout ce qui constitue l'éléphant. Et, en conséquence, M. le ministre, et c'est peut-être le plus décevant, je suis porté à croire qu'effectivement, ce document et les chiffres qu'il comporte sont l'expression des intentions ou de la volonté, ou de la compétence, ou de la capacité de ce gouvernement pour les trois prochaines années. Tout ce que je peux dire à la population, à la suite de la réunion d'aujourd'hui, c'est que la seule chose que le gouvernement est capable de nous dire, c'est que probablement en 1985-1986, il faut que vous vous attendiez que vos impôts et vos taxes soient exactement les mêmes que celles que vous avez aujourd'hui, dont le 40% sur l'essence. Vous aurez les dépenses qui vont continuer d'augmenter avec le taux d'inflation. S'il y a une augmentation dans la croissance économique, le PIB, ils vont faire quelque chose avec. Et il faut s'attendre que vous n'ayez pas une dette de 20 000 000 000 $, comme nous aurions à la fin de l'exercice, à peu près, 18 000 000 000 $ ou 19 000 000 000 $, je ne me souviens pas exactement. Mais, c'est 7 000 000 000 $ ou 8 000 000 000 $ de plus et un déficit d'encore 3 000 000 000 $. C'est cela que nous réserve le gouvernement, d'après ces chiffres. Et, à moins que le ministre puisse m'informer aujourd'hui du contraire, c'est malheureusement tout ce qui existe comme planification de l'avenir des dépenses publiques et des revenus publics et donc, de 40% du produit intérieur brut de notre province. Je suis déçu.

M. Bérubé: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de Notre-Dame-de-Grâce qui, je l'espère, manifestera la même attention en écoutant mes réponses. Ce qui m'a frappé, c'est que dans son intervention, à de nombreuses reprises, il m'a attribué des affirmations, des déclarations qui montraient très nettement qu'il n'avait pas tout à fait écouté ce matin. Il posait ses questions, mais il se bouchait méthodiquement les oreilles, de manière à ne pas entendre les réponses, avec comme conséquence qu'il pouvait ensuite poursuivre son monologue en s'imaginant que ce monologue serait crédible. Mais, malheureusement, je vais être obligé de le ramener un peu sur terre et lui demander d'écouter.

Essentiellement, ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce nous dit, c'est que nous avons une machine, un appareil gouvernemental inefficace et que le Conseil du trésor ne porte aucune attention à la productivité au sein de cet appareil pour faire en sorte que l'on puisse réduire encore davantage les dépenses. D'abord, je souscrirai avec lui au fait que l'appareil de l'État est lourd et important. En effet, en 1970-1971, il y avait 239 559 fonctionnaires: éducation, affaires sociales, fonction publique. En 1974-1975, il y en avait 302 726. En 1976-1977, on nous léguait 335 787 fonctionnaires. Je reconnais avec lui qu'il a oeuvré de façon très positive à la mise au monde de cet éléphant. Et, je dois dire que si aujourd'hui nous connaissons la patte droite de l'éléphant, nous connaissons aussi la patte gauche, la patte arrière et nous savons d'où vient l'éléphant. C'est un legs que nous apprécions, mais je n'apprécie pas tellement qu'on vienne me reprocher ensuite de ne pas savoir mettre en place des cures d'amaigrissement d'éléphant. Il aurait été plus intelligent de prendre garde à ce que l'éléphant ne grossisse pas trop. (16 heures)

Malheureusement, en 1976, l'électorat a pris une décision. Il a constaté qu'effectivement, ceux qui alimentaient l'éléphant étaient dangereux et qu'il fallait les remplacer. Nous avons cherché à faire subir une cure d'amaigrissement à l'éléphant. Mais, ce n'est pas facile. Vous savez, faire maigrir un éléphant dans un sauna c'est compliqué. Et on ne réussit pas immanquablement, mais on peut faire certains efforts. On voit d'ailleurs les résultats. Les résultats nous montrent qu'aujourd'hui, dans la fonction publique, en dépit de toutes les accusations de l'Opposition concernant les nombreux programmes qui alourdissent l'appareil de l'État - que l'Opposition ne manque pas de souligner - en 1982-1983, il y aurait 335 030 fonctionnaires - pas un de plus - dans l'ensemble du réseau. Lorsqu'on aura terminé, en 1983-1984 et même plus

que cela, on pourra dire que tous ces gigantesques programmes mis en place par le gouvernement pour répondre à des besoins nouveaux se seront faits avec les ressources dont nous disposions en 1976, et même avec moins de ressources que ce dont nous disposions en 1976. Donc, il faut reconnaître que l'éléphant subit la cure d'amaigrissement à l'heure actuelle.

Lorsqu'il dit qu'il n'y a pas d'étude de productivité, c'est faux. On lui a expliqué que cette année le programme d'évaluation portait sur les directions de personnel, les directions d'informatique, l'organisation et les méthodes, les services comptables et les services de communication. Nous avons choisi cette année, en guise d'efforts particuliers, d'y aller de façon horizontale. On pourrait certes choisir un programme vertical au sein du gouvernement également. Cette année, nous voulons mettre l'accent sur l'analyse plus horizontale là où nous croyons qu'effectivement il y a des surplus de ressources et qu'il faut essayer de voir comment on pourrait réallouer ces ressources pour faire face à des besoins nouveaux ou encore faire en sorte même qu'on puisse tranquillement réduire le nombre de nos effectifs.

Donc, lorsque le député de Notre-Dame-de-Grâce nous dit qu'il n'y a pas en place d'instruments pour mesurer la productivité, c'est inexact. Il y a, au contraire, des programmes d'évaluation en place dont l'objectif est d'accroître la productivité, et les faits sont là pour montrer que, depuis six ans, cela marche. Je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le Président, se laisse influencer par le gouvernement qu'il a connu avant 1976. Malheureusement, les chiffres sont là pour démontrer que ce n'est plus le cas. Il n'y a plus cette croissance explosive des effectifs. Bien au contraire, il y a un contrôle beaucoup plus rigoureux de la croissance qui nous amène même à un résorption graduelle des effectifs.

M. Scowen: M. le Président, le chiffre que j'ai démontrait qu'en 1976, la dette du Québec était de 5 000 000 000 $, et qu'aujourd'hui, elle n'est pas loin de 20 000 000 000 $.

Le Président (M. Laplante): J'aimerais vous avertir qu'il reste encore quatre minutes.

M. Bérubé: Oui, M. le Président, en quatre minutes je peux réussir.

Parlons maintenant de la dette. Si le député de Notre-Dame-de-Grâce, au lieu de se référer simplement au tableau 4, voulait prolonger un peu la course de son regard et se rendre jusqu'au tableau 5 qui est situé exactement à 7cm et quart plus bas, il verrait que le déficit par rapport au produit intérieur brut, en 1980-1981, était de 4,1%, et qu'en 1985-1986 il sera à 2,8%. Donc, l'importance du déficit par rapport à la richesse collective décroît. Voilà une indication assez réelle d'une réduction de l'importance du déficit.

Quand le député de Notre-Dame-de-Grâce fait mine d'ignorer le rôle de l'inflation, il fait mine d'ignorer qu'un déficit qui croît avec l'inflation ne croît pas, toute proportion gardée; il se maintient stable. Je ne prétends pas qu'il n'y a pas eu d'augmentation du déficit à Québec en termes réels, bien au contraire. Si nous comparons les déficits en dollars constants de 1970, il faut bien reconnaître qu'il y a deux étapes dans la croissance des déficits: une qui a eu lieu à peu près en 1973-1974, et l'autre qui a eu lieu en 1979-1980. Ces deux étapes correspondent aux deux chocs pétroliers que les économies occidentales ont connus, c'est-à-dire que lorsque les économies occidentales se sont mises à freiner, on constate dans tous les pays du monde, et on le voit très bien par exemple à Ottawa, l'évolution d'un déficit particulièrement spectaculaire. Il n'y a plus beaucoup d'administrations libérales au Canada parce qu'il n'y a plus de provinces qui veulent élire des administrations libérales. Très bientôt, d'ailleurs, elles vont disparaître. En fait, nous avons devant nous les derniers dinosaures de l'espèce libérale au Canada.

Effectivement, quand on veut voir comment fonctionne une administration libérale, on n'a qu'à aller à Ottawa. Alors à 30 000 000 000 $ de déficit par rapport à des dépenses autour de 80 000 000 000 $, vous pouvez faire le calcul et constater que c'est près du tiers des dépenses de l'État qui doivent être financées par le biais du déficit. Nous sommes loin de là à Québec.

Si on examine également l'évolution des déficits aux États-Unis ou ailleurs on constate qu'il y a eu des augmentations substantielles de déficit en deux étapes, deux marches; si vous les ramenez en dollars constants, vous verrez très clairement les deux marches. Nous ne les nions pas. Ce que nous disons c'est que, si nous voulons maintenant ramener progressivement ce déficit plus en ligne avec un niveau simple, ce qu'il faut faire c'est le maintenir au moins en dollars courants. On constate que le déficit est autour, comme vous l'avez souligné, de 3 000 000 000 $ et se maintient à 3 000 000 000 $, de telle sorte qu'avec l'inflation et la croissance économique naturelle il en résulte que le déficit en pourcentage du produit intérieur brut décroît. Donc, le déficit décroît en importance de façon continue.

Le troisième point, c'est le dernier que vous avez soulevé, c'est concernant l'absence

d'évaluation verticale de programmes. À nouveau, c'est inexact. Nous avons réalisé des études à l'aide sociale, à l'aide juridique, à un grand nombre de programmes au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, à la SDI, au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme - il y en a un très grand nombre - dans le domaine de la forêt privée, dans le domaine du transport en commun, du transport scolaire, de la réévaluation de la politique salariale, des régimes de rentes, des réformes importantes au crédit agricole.

Il y a eu bien au contraire toute une série d'évaluations verticales de programmes qui expliquent comment on a pu réussir à réduire les dépenses de 2 000 000 000 $. Si nous avons pu atteindre cet objectif d'une limitation beaucoup plus importante de nos dépenses que ce que l'on pouvait observer par le passé, c'est en bonne partie parce qu'on a mis en place des mécanismes d'évaluation tant verticaux pour les programmes et activités qu'horizontaux pour des types de fonctions communes à l'ensemble des ministères de telle sorte que l'on puisse viser un objectif de réduction des coûts essentiellement par un effet croisé d'une attaque sur deux plans. Contrairement à ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce a pu invoquer, la performance du contrôle des dépenses est là pour souligner que c'est de beaucoup supérieur à ce qu'on a observé avant 1976. Que tous les objectifs ne soient pas atteints, c'est bien évident. Je reconnais qu'il y a de l'amélioration à apporter mais il n'y a absolument pas là matière à soulever le genre de critique que le député de Notre-Dame-de-Grâce a soulevée mais j'attribue cette critique un peu acerbe au fait, comme le disait le député de Notre-Dame-de-Grâce au tout début, qu'il n'a pas eu beaucoup de temps pour pouvoir étudier le dossier. Cela me fera certainement plaisir de lui fournir toute l'information nécessaire pour qu'il puisse continuer.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs.

Maintenant les crédits du Conseil du trésor, le programme est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté. Les programmes 1 et 2 de la Commission administrative du régime de retraite, adopté?

M. Bérubé: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté.

Je prierais maintenant le rapporteur de faire rapport à l'Assemblée nationale que les crédits du Conseil du trésor, de la Commission administrative du régime de retraite, des Finances et du Conseil exécutif ont été adoptés.

Sur ce, les travaux vont continuer avec l'appel du projet de loi no 8.

Avant de faire l'appel du projet de loi no 8, je voudrais savoir s'il y a des changements parmi les membres et intervenants de la commission. Je vois Mme Lavoie-Roux qui s'approche. Elle remplace M. French (Westmount), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie). Y a-t-il d'autres changements?

Mme Lavoie-Roux: Je crois que M. Bisaillon...

Le Président (M. Laplante): M. Bisaillon est inscrit comme intervenant. Il n'y a pas de place.

Mme Lavoie-Roux: De notre côté, il n'y a pas d'autres personnes.

Le Président (M. Laplante): II n'y a pas d'autres personnes. C'est vous qui avez le projet de loi no 8, M...

Juste une minute, il faut que je fasse l'appel de la loi.

Le député d'Argenteuil s'inscrit-il comme membre ou comme intervenant? Comme membre? À la place de qui? À la place de M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges)? D'accord!

Étude du projet de loi no 8 (suite)

J'appelle le projet de loi no 8, Loi concernant l'adoption des chapitres 35 et 45 des lois de 1982 et modifiant certaines conditions de travail dans le secteur public. Lorsque les travaux ont été suspendus sur le projet de loi no 8, l'article 1 avait été appelé. L'article 1 est-il adopté?

M. de Bellefeuille: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

Interprétation et application (suite)

M. de Bellefeuille: Durant notre séance de la semaine dernière, vous vous souviendrez, étant à la présidence - non pas vous comme personne, car c'était un autre président - que j'ai demandé au ministre de retirer le deuxième alinéa de l'article 1 de ce projet de loi. Je ne vais pas immédiatement reprendre l'argumentation que j'ai présentée à ce moment-là, je vais plutôt demander au ministre s'il a une réponse à faire à cette demande.

Le Président (M. Laplante): Pour être bien clair - je m'excuse si c'est une personne différente qui était à la présidence - je voudrais savoir s'il y a eu une motion

de retrait du deuxième alinéa de l'article 1.

M. de Bellefeuille: Non, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): II n'y en a pas eu? D'accord.

M. de Bellefeuille: Ce que j'ai dit la semaine dernière, c'est que je demandais au ministre de retirer le deuxième alinéa et que, si le ministre ne consentait pas à le faire, je présenterais une motion dans ce but.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, j'appelle l'article 1.

M. Bérubé: M. le Président, bien que je comprenne le sens de l'interprétation du député de Deux-Montagnes qui voudrait éviter, de par le type d'amendement qu'il envisage, dans son esprit à tout le moins, que le pouvoir législatif n'interfère avec le pouvoir judiciaire, je crains, à la lumière des avis qui m'ont été fournis quant à sa proposition, que le résultat qu'il recherche ne soit à l'opposé de ce qu'il croit. Je m'explique. Le fait d'adopter une loi qui remplace une loi précédente, si le Parlement n'indique pas explicitement le sens de sa démarche, peut être interprété par quelqu'un de l'extérieur comme signifiant que le Parlement juge ses lois invalides. Ce simple geste posé par le Parlement pourrait servir à influencer, par exemple, le pouvoir judiciaire qui, dans son évaluation de l'invalidité des lois, pourrait se référer au geste du Parlement et s'en servir pour argumenter que, puisque le Parlement lui-même juge ses lois invalides, il est difficile pour le juge de faire autrement. Donc, le simple fait de présenter une loi pour remplacer une loi antérieure pourrait être interprété comme invalidant la loi précédente.

Or, ce n'est pas l'intention du gouvernement de souscrire à l'idée que les lois précédentes sont invalides. Il appartient aux cours de décider si elles sont valides ou invalides et non, à notre avis en tous les cas, au gouvernement et même au Parlement. Alors, que faisons-nous? Nous adoptons une autre loi qui peut apparaître plus sécuritaire dans le contexte actuel, tout en laissant au pouvoir judiciaire le soin d'effectuer une évaluation objective de la loi antérieure et d'indiquer au Parlement, dans le cadre de cette séparation des pouvoirs, si cette première loi était, oui ou non, valide. (16 h 15)

Pour être certain que le juge ne sera donc pas influencé par l'action du Parlement, on introduit cet alinéa qui dit: "Cette loi ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance que ces lois doivent être adoptées autrement que de la façon dont ces lois l'ont été". En d'autres termes, cet alinéa dit tout simplement au juge que le fait, pour le Parlement, d'adopter une loi remplaçant la première ne doit pas être interprété comme voulant dire que le Parlement estime sa première loi invalide; dans ces conditions, il laisse le pouvoir judiciaire totalement libre d'interpréter la loi objectivement sur la base des principes constitutionnels et des principes juridiques les plus normaux.

Soulignons enfin - c'est le deuxième et dernier point que je voulais soulever - qu'il existe une Loi d'interprétation pour interpréter les lois du Québec. Qu'est-ce que cette Loi d'interprétation signifie? Elle signifie qu'il est normal, pour le Parlement, qu'il prenne la peine d'expliciter très clairement comment les lois qu'il adopte doivent être interprétées, puisqu'il n'appartient pas au pouvoir judiciaire de faire des lois, mais il appartient au pouvoir judiciaire de faire respecter les lois ou de s'assurer que les lois sont valides. Dans cet exercice normal du pouvoir judiciaire, il est tout à fait normal et courant que le Parlement, en cas de doute possible, s'assure que le pouvoir judiciaire ait les éléments de référence nécessaires pour interpréter correctement la pensée du législateur.

D'ailleurs, dans la présente loi que nous déposons, nous aurons l'occasion de voir ultérieurement - je n'arrive pas à trouver l'article exact - qu'on fait référence spécifiquement - c'est bien cela, c'est à l'article 20 - à l'article 40.1 de la Loi d'interprétation pour indiquer clairement au pouvoir judiciaire comment une clause de la loi doit être interprétée, dans quel sens il doit l'interpréter. Il est tout à fait normal, c'est le rôle du Parlement, de préciser le sens qu'il veut donner à ses lois.

Donc, non seulement cet alinéa ne va pas dans le sens que voudrait lui donner le député de Deux-Montagnes, mais il va dans le sens contraire. Il ne représente pas une intervention du Parlement pour empêcher le pouvoir judiciaire d'agir, mais il représente une intervention du Parlement pour préciser très clairement le sens de la loi telle qu'elle est adoptée, de telle sorte que le pouvoir judiciaire ait tous les éléments nécessaires pour pouvoir juger.

Le Président (M. Laplante): D'accord, M. le député d'Argenteuil.

M. de Bellefeuille: M. le Président, j'aimerais pouvoir commenter la réponse du ministre si vous me...

Le Président (M. Laplante): Après le député d'Argenteuil, on est d'accord là-dessus?

M. Ryan: On peut le laisser continuer. L'article...

Le Président (M. Laplante): D'accord, M. le député de Deux-Montagnes. Je jouais avec l'alternance.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je trouve qu'il est indispensable que ce débat ait lieu. Nous allons regarder ensemble, si vous le voulez bien, cet article premier dont il s'agit. Le premier alinéa se lit comme suit: "La présente loi a pour principal objet, eu égard à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, d'assurer la validité des documents sessionnels auxquels réfèrent la Loi concernant la rémunération dans le secteur public et la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public". Vous savez, M. le Président, qu'il s'agit des lois 70 et 105. Donc, le principal objet de la loi qui est devant nous est d'assurer la validité des documents sessionnels.

Le deuxième alinéa nous dit que la loi ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance que ces lois, les décrets pris en vertu de celles-ci et les documents sessionnels auxquels elles réfèrent doivent être adoptés, pris ou déposés autrement que de la façon dont ces lois, décrets et documents de la session l'ont été. Dans l'intervalle, nous avons tous pu prendre connaissance d'un nouveau jugement qui a été rendu par M. le juge Deschênes, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, le lundi 30 mai dernier, dans lequel il est dit que la loi 105 - je crois qu'il est dit aussi que la même chose s'applique à la loi 70 -est frappée d'un vice constitutionnel fatal et que l'Assemblée nationale a adopté une procédure tortueuse. C'est l'opinion donnée par une autorité hautement respectée dans les domaines juridique et judiciaire au Québec.

Il est évident, d'après le premier alinéa, que le gouvernement demande à l'Assemblée nationale de corriger précisément ce qui nous est signalé par le juge Deschênes. Me rappelant que Montesquieu disait, dans l'Esprit des lois, que "les lois doivent être faites pour les personnes de simple entendement", et ne croyant pas que Montesquieu ait entendu cette expression d'une façon péjorative mais plutôt en ayant à l'esprit la sagesse populaire, il me semble que, pour une personne de simple entendement qui n'est pas juriste, ces deux alinéas sont contradictoires. On présente un premier alinéa disant qu'on veut corriger ce qui a été mal fait et, ensuite, un deuxième alinéa qui dit que nous ne reconnaissons pas que quoi que ce soit ait pu avoir été mal fait.

Il me semble que cet article contradictoire procède d'une recherche de la sécurité juridique absolue, d'une espèce de sécurité juridique mur à mur par laquelle on veut se garantir contre tout éventuel jugement défavorable. C'est le genre d'attitude - et là, je ne fais pas de comparaison entre les deux articles parce qu'ils sont très différents dans leur contenu, mais je parle de l'attitude - qui a mené, par exemple, à l'article 28 de la loi 111 qui est, à mon avis, aberrant et je ne suis pas le seul à penser cela.

J'estime que, de toute façon, cette sécurité juridique mur à mur a des chances d'être assez trompeuse, car à fin procureur, fin procureur et demi. Plus on joue au fin-finaud avec les tribunaux, plus on incite les procureurs d'autres parties à jouer au fin-finaud avec nous et à gagner peut-être la partie. J'estime, comme législateur, qu'il vaut mieux éviter de jouer au fin-finaud et de choisir un terrain plus sûr qui est celui des principes fondamentaux qui sont très simples: par exemple, que la fin ne justifie pas les moyens. En l'occurrence, comme moyen, cette contradiction évidente ou le principe de la séparation des pouvoirs qui fait que nous respecterions strictement dans l'esprit et dans la lettre l'idée du sub judice, ces questions étant sub judice, nous éviterions de faire en sorte que le Parlement dise ou ait l'air de dire aux tribunaux qu'il ne reconnaît pas leur compétence et se moque de leur jugement.

Ceci dit, M. le Président, je voudrais vous informer que je n'ai pas l'intention de présenter un amendement parce que j'estime avoir rempli mon rôle de parlementaire, parce qu'on m'a expliqué, durant la période qui s'est écoulée depuis notre dernière séance, que ce deuxième alinéa de l'article 1 n'est pas là seulement pour satisfaire la gloriole du gouvernement mais qu'il est là aussi pour éviter des répercussions possibles, auxquelles le ministre vient de faire allusion.

J'estime qu'il ne m'appartient pas, comme député ministériel, de me substituer au ministre ni au gouvernement qui, en la matière, engagent totalement leur propre responsabilité, comme ministre et comme gouvernement. Comme parlementaire, je marque avec force mon opposition à ce genre d'article qui me paraît irrespectueux des tribunaux, qui me paraît procéder d'une confusion déplorable entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Mon rôle consiste à signaler les lacunes que je reconnais, mais je n'ai pas à assumer d'autre fardeau que celui-là et je laisse le gouvernement porter entièrement le poids de la responsabilité d'avoir présenté à l'Assemblée nationale cet article contradictoire.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

Discussion générale M. Ryan: Je pense que l'article 1 du

projet de loi no 8 est un témoignage de l'incompétence du gouvernement. C'est l'aveu le plus net qu'on puisse désirer - connaissant la difficulté pour certains porte-parole gouvernementaux d'être complètement limpides - d'une impéritie notoire qui s'est glissée dans l'adoption de la loi 105 et de la loi 70 parce que les deux ont été condamnées de la même manière, au chapitre de l'inconstitutionnalité, par le dernier jugement du juge Deschênes en particulier. À la lumière de ce qui s'était passé à l'Assemblée nationale il y a à peine deux ans - parce que la Cour suprême avait invalidé tout le chapitre de loi la loi 101 qui traite de la langue des tribunaux et des lois - il semblait évident que le gouvernement aurait dû considérer qu'il avait l'obligation de présenter dans les deux langues tous les éléments constitutifs des projets de loi nos 70 et 105. Or, par un coup de tête ou sous l'effet de la négligence - je ne veux pas entrer dans les motifs - on a présenté les parties très importantes de ces deux lois dans une des deux langues seulement. On s'est aperçu après coup qu'on -avait fait une erreur et, loin de la reconnaître, on a soutenu devant les tribunaux, jusqu'à maintenant, des arguments fort curieux, des arguments qui, du point de vue de la logique, ne résistent pas à l'examen, des arguments vraiment tortueux.

Je voudrais, avant qu'on s'engage davantage dans ceci, qu'on fasse le point ensemble sur la situation. Le ministre aura peut-être des éclaircissements à nous donner. J'espère que ses conseillers juridiques l'accompagnent. Est-ce qu'ils l'accompagnent de fait? Est-ce qu'on pourrait demander au ministre si ses conseillers juridiques sont... Il y en a un. Est-ce que je pourrais avoir son nom?

Une voix: Brigitte Paradis et Louis Sormany.

M. Ryan: Mme Brigitte Paradis et M. Louis Sormany. C'est votre fonction, conseillers juridiques auprès du ministre?

M. Bérubé: M. Sarmony est du ministère de la Justice.

M. Ryan: Vous êtes du ministère de la Justice. Très bien, cela me fait plaisir. Je serais très heureux d'être contesté ou corrigé si mes propos sont erronés. Jusqu'à maintenant nous avons connaissance de quatre jugements qui ont traité de l'aspect constitutionnel des lois 105 et 70. Il y a eu d'abord en premier lieu le jugement du juge Girouard dans l'affaire Collier. Le juge Girouard a conclu que les documents de la session faisaient partie du corps de la loi 105 et que par conséquent ils tombaient sous le coup de la prescription de l'article de la constitution qui impose l'obligation du bilinguisme au législateur québécois de même qu'au législateur fédéral... Il l'imposait avant les dernières modifications à la constitution canadienne, mais ces deux obligations sont restées de toute manière.

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait possibilité d'avancer votre micro parce qu'on se plaint qu'on ne vous entend pas?

M. Ryan: Très bien. Il y a eu d'abord le jugement du juge Girouard, de la Cour provinciale, dans l'affaire Collier. Il y a eu ensuite, quelques jours plus tard, un jugement de M. le juge Jean Dutil - dans ce cas-là je crois que le plaignant était M. Louis Albert, un fonctionnaire - puis il y a eu un jugement d'un magistrat de la Cour supérieure de Québec, le juge Gérald Boisvert. Hier ou avant-hier, il y avait le jugement du juge en chef de la Cour supérieure du Québec, M. Deschênes. Que ressort-il de tous ces jugements? Je pense qu'il y a un jugement qui n'a pas traité de l'aspect linguistique de la loi 105. C'est celui du juge Boisvert dont nous dirons un petit mot tantôt. Les deux jugements des juges de la Cour provinciale, le juge Dutil et le juge Girouard, concluaient tous les deux, avec force et clarté, que l'Assemblée nationale avait manqué... (16 h 30)

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Laplante): Je ne voudrais pas occasionner à cette commission des... Si on s'entend bien, lorsque le projet de loi a été appelé... Je n'étais pas ici et je voudrais une information à ce sujet. Jusqu'à maintenant, ce sont des remarques préliminaires que vous faites et cette étape est terminée. L'article 1 a été appelé et...

M. Ryan: On va vous soumettre tous les amendements que vous voudrez...

Le Président (M. Laplante): Et c'est là-dessus que je voudrais...

M. Ryan: Si vous ne voulez pas qu'on discute librement, on va soumettre des amendements pour aller au fond de l'affaire.

Le Président (M. Laplante): Écoutez, moi, je suis les règles de l'Assemblée nationale. Je ne voudrais pas que vous pensiez que c'est moi qui les ai faites.

M. Ryan: D'accord. Je vous dirai une chose à ce sujet, M. le Président. Comme vous étiez absent l'autre jour...

Le Président (M. Laplante): C'est cela que je veux savoir.

M. Ryan: ...nous avons eu très peu de temps pour les déclarations ou les débats d'ouverture. Il y avait un groupe de témoins qui voulaient se faire entendre et nous avions très peu de temps. Par courtoisie pour ces témoins, nous avons abrégé au strict minimum les déclarations d'introduction. Nous avons discuté avec ces témoins. Ensuite, nous avons convenu de commencer par l'article no 1. Étant donné la portée très large de l'article no 1, nous nous sommes dit de ce côté-ci qu'il y avait des choses qu'il fallait dire et que nous nous exprimerions à l'occasion du débat là-dessus. C'est là que nous en sommes.

Le Président (M. Laplante): Donc, il y a eu une entente?

M. Ryan: Non, il n'y a pas eu d'entente en vertu de laquelle on limiterait...

Le Président (M. Laplante): C'est seulement une information que je veux avoir...

M. Ryan: Oui, oui.

Le Président (M. Laplante): ...pour être dans le bon chemin. Je veux bien que vous continuiez, mais j'aimerais avoir l'approbation des gens pour me couvrir comme président suivant les règles qu'on a établies en commission parlementaire.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Oui, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Si vous me permettez d'intervenir, je pense que les remarques que le député d'Argenteuil fait présentement sont tout à fait pertinentes à l'article no 1. On discute justement du problème. D'ailleurs, cela a été abordé à l'article no 1 par le député de Deux-Montagnes et je pense que c'est dans la même foulée. Enfin, ce ne sera peut-être pas nécessairement la même argumentation, mais je pense que cela traite de l'article no 1. Et, pour faire valoir son point, le député d'Argenteuil évoque ce qui est pertinent à l'article no 1, c'est-à-dire les différents jugements qui ont été portés sur la légitimité ou la validité de la loi...

Le Président (M. Laplante): Je ne veux pas en faire une discussion.

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas eu d'entente, parce qu'on est à l'article no 1. On n'a pas eu besoin de faire d'entente.

Le Président (M. Laplante): C'est qu'actuellement, d'après l'expérience que j'ai depuis sept ans à la présidence de commissions, ce sont des remarques préliminaire concernant notre projet de loi...

Mme Lavoie-Roux: Non, non, on n'est plus là-dedans.

Le Président (M. Laplante): Je n'ai pas d'objection à ce qu'il continue, pour autant qu'il n'y ait pas de membres autour de cette table qui invoquent le règlement.

Mme Lavoie-Roux: On n'est pas en dehors du règlement.

Le Président (M. Laplante): Comme il ne semble pas y en avoir, vous pouvez utiliser vos 20 minutes, si vous voulez.

M. Ryan: Je me demande si on pourrait demander le consentement du ministre pour qu'on élargisse un peu le débat à ce moment-ci, dans le cadre du débat autour de l'article no 1...

Le Président (M. Laplante): Moi, je suis d'accord. C'est vous qui...

M. Ryan: ...ou même en revenant aux préliminaires pour un instant. Mais je crois que c'est très important qu'on fasse le point sur la situation où nous nous trouvons aujourd'hui pour l'étude de tous les autres articles du projet de loi.

Le Président (M. Laplante): Qui ne dit rien accepte. M. le ministre n'a rien dit...

M. Ryan: Très bien, je l'apprécie énormément, M. le Président.

M. Bérubé: Je n'ai pas d'objection, M. le Président.

M. Ryan: Je pense que c'est dans l'intérêt général. D'ailleurs, je n'entends pas réciter tout ce qu'il y a dans ces jugements-là, mais vous allez voir qu'il y a un lien très important...

Le Président (M. Laplante): D'accord, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Ah oui, et après on verra à prendre les moyens voulus. J'allais dire...

Le Président (M. Laplante): Je prends toujours bonne note.

M. Ryan: Pardon?

Le Président (M. Laplante): Je prends toujours bonne note des remarques.

M. Ryan: J'allais dire que les deux premiers jugements établissaient clairement à ce niveau de décision judiciaire que la loi no 105 contredisait l'article no 93 de l'Acte constitutionnel canadien et, par conséquent, elle était invalide. Ensuite, il y a eu un jugement du juge Boisvert de la Cour supérieure qui avait été appelé à examiner le jugement de Me Dutil. Assez curieusement, le juge Boisvert a décidé qu'il ne se prononcera pas sur l'aspect constitutionnel. Il a dit qu'il laissait cela à d'autres instances. Mais, il s'est prononcé sur une autre question et c'est celle-là que je veux rappeler à l'attention du ministre à ce moment-ci. Est-ce qu'il y avait une convention collective qui existait à ce moment-là ou non? Et le juge Boisvert a conclu qu'il en existait une. Il n'a pas osé dire laquelle. Mais, il a dit: II en existe une. Par conséquent, la grève que ces messieurs et dames ont faite était en violation de la loi. Or, le juge Deschênes arrive ensuite dans son jugement d'hier et tranche les deux questions. Je pense qu'on peut tous constater que le juge Deschênes aime embrasser les choses dans une perspective assez large. Alors, il a pris l'aspect constitutionnel et il a pris également la question de savoir s'il y avait une convention collective à ce moment-là. Sur l'aspect constitutionnel, le juge Deschênes a tranché avec une clarté métallique, une clarté cristalline. Il a dit: Si les documents sessionnels dont on conteste l'obligation de les présenter dans les deux langues au stade de la discussion du projet de loi ne font pas partie du texte de la loi car la loi ne veut rien dire, ce sont des éléments constitutifs qui sont de l'essence même de la loi. C'est sa décision très nette et très ferme.

Deuxièmement, il a dit: Est-ce qu'il existait une convention collective à ce moment-là? Lui sa conclusion est négative. Il nous dit: Je conclus que pour qu'il y ait eu délit, il aurait fallu qu'il y eu violation d'une convention collective existante. Il dit: II n'y a pas de convention collective puisque la convention collective antérieure était prolongée par une loi qui est elle-même invalide et inconstitutionnelle. C'est un deuxième problème très sérieux qui, sous l'angle des procédures judiciaires qui ont été engagées par le gouvernement consécutivement à ces lois et à la loi 105 en particulier, crée une difficulté sur laquelle on aura besoin d'éclaircissements très importants.

Ce que je veux dire à ce stade-ci se résumerait à ceci. D'abord, devant la convergence des jugements portés jusqu'à maintenant sur l'aspect constitutionnel, est-ce que le gouvernement a vraiment un intérêt sérieux à pousser plus loin les procédures dans cette affaire puisque cela va entraîner des frais judiciaires considérables? Ce n'est pas intéressant pour le Québec de se faire débouter en Cour d'appel et en Cour suprême, surtout quand toutes les indications laissent craindre que le jugement aille dans le même sens que toute la jurisprudence qu'on a connue jusqu'à maintenant.

C'est là qu'on nous ramène au deuxième alinéa, que nous contesterons tantôt, dont nous demanderons par voie d'amendement qu'il soit enlevé du projet de loi. Cela nous amène à nous demander si ceci n'est pas une justification de cette manie qu'a le gouvernement actuel d'aller chercher des désaveux en Cour suprême. En tout cas, sur la foi de ce que j'ai lu, je ne vois pas comment le gouvernement pourra s'en sortir. C'est son droit d'aller plus loin mais c'est mon droit de penser qu'il engage inutilement et avec prodigalité des fonds publics en agissant ainsi.

Deuxièmement, c'est une question que je vais poser au ministre parce que cela va nous éclairer pour le reste du débat. Où en sommes-nous au point de vue juridique en ce qui touche la convention collective? Quelle est la position du gouvernement là-dessus au moment où surviennent des grèves qui ont fait l'objet de litiges devant les tribunaux? Est-ce qu'il y a une convention collective qui est en vigueur aux yeux du gouvernement, laquelle est en vigueur? Il y en a sûrement une qui est vigueur aux yeux du gouvernement, mais, dans l'hypothèse où on peut nous dire affirmativement qu'il y en a une, laquelle? Où le gouvernement en est-il au sujet des procédures judiciaires instituées contre les personnes qui ont fait une grève présumément illégale en janvier dernier?

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Bérubé: Évidemment, ma formation est celle d'un scientifique et non d'un légiste. Par conséquent, je dois aborder cette question avec une humilité que ne caractérise peut-être pas les propos du député d'Argenteuil, qui comme on le sait...

Mme Lavoie-Roux: ...qui ne vous caractérise pas généralement.

M. Bérubé: ...a une vaste connaissance du droit qui l'autorise à trancher de façon presque pontificale des questions aussi confuses et discutables.

M. Ryan: ...assuré que tantôt.

M. Bérubé: Aussi j'essaierai simplement, à partir de notes dont je dispose, de préciser notre pensée et les raisons pour lesquelles nous allons en appel. En ce qui a trait au jugement récent du juge en chef de la Cour supérieure, notre intention, non seulement intention mais, si je ne me trompe pas, les démarches seront entreprises en temps

opportun pour aller en appel et contester ce jugement.

Le député d'Argenteuil a souligné qu'un juge en première instance a estimé qu'il y avait bien convention collective de janvier à avril. Un autre juge a estimé le contraire pour des raisons cependant différentes, reconnaissons-le. En appel, la Cour supérieure a tranché en indiquant que les lois, de l'avis du juge, étaient inconstitutionnelles et nous allons en appel à la Cour suprême. Les deux jugements de la Cour supérieure sont d'ailleurs contradictoires puisque, tantôt, il y avait eu inversion. On se rend bien compte que la question est peut-être plus complexe que l'on ne voudrait le laisser entendre dans l'intervention du député d'Argenteuil.

L'article 133 du BNA Act dit: "The Acts of the Parliament of Canada and of the Legislature of Québec shall be printed and published in both languages". Les expressions "printed and published" ont été interprétées comme signifiant "adoptées dans les deux langues" par la Cour suprême qui est allée plus loin que la simple interprétation que l'on aurait pu donner de la traduction et de l'impression de cette traduction qui doit accompagner l'adoption de toute loi, dans quelque langue que ce soit, à l'Assemblée nationale.

Soulignons que le caractère même de la décision de la Cour suprême lors du jugement Blaikie, si je ne m'abuse, a dû être précisé ultérieurement en ce sens que l'on s'est interrogé sur la portée de ce jugement. Par exemple, est-ce que la législation déléguée ou les règlements adoptés par l'exécutif dans l'exercice normal des prérogatives qui lui sont reconnues par une loi-cadre, par exemple, doivent être adoptés dans les deux langues? Il en est de même, d'ailleurs, des règlements municipaux adoptés par les municipalités au Québec dans le cadre d'une loi, le Code municipal, les autorisant à adopter de tels règlements. De tels règlements devaient-ils être adoptés dans les deux langues? On sait bien qu'au Québec ils ne l'ont été, traditionnellement, nulle part. Il y a bien des municipalités qui en font faire la traduction dans certains cas, mais il n'y a pas d'adoption dans les deux langues. Une question assez importante: ces règlements devaient-ils être adoptés dans les deux langues? La Cour suprême a donc été saisie de la question et a dû préciser sa pensée en décrétant que les décrets, les règlements adoptés par l'exécutif dans le cadre des lois adoptées par cette Assemblée nationale doivent être adoptés dans les deux langues. Il en va de même de tout autre organisme qui doit obtenir l'autorisation du gouvernement pour l'adoption de ses règlements.

Cependant, la Cour d'appel du Manitoba a manifesté, elle, une attitude beaucoup plus restrictive quant à l'effet de l'article 133, toujours par d'honorables juges. En effet, on précise dans cet arrêté de la Cour d'appel du Manitoba qu'il s'agit d'une disposition constitutionnelle de caractère indicatif et non impératif, de sorte que les actes juridiques posés par les Parlements sans respecter ces exigences ne seraient pas nécessairement nuls. Deux aimables juges de deux provinces différentes interprètent l'article 133 d'une façon différente. Il semble donc qu'il y ait matière à interprétation. Je vous ferai remarquer que si l'on posait la question à un ingénieur, à savoir si son pont va tenir, si l'ingénieur répondait qu'il y a deux ou trois façons d'interpréter cela, peut-être que oui, peut-être que non, cet ingénieur serait en prison. Enfin, il semble que la loi se prête davantage à ce type d'imprécision et acceptons qu'il puisse y avoir des opinions divergentes sur un même texte que nous croyons avoir adopté de façon claire et limpide. (16 h 45)

II y a une question à laquelle personne n'a répondu. Il s'agit de savoir ceci: Est-ce qu'un document sessionnel auquel se réfère une loi doit être déposé dans les deux langues? C'est une question à laquelle nous n'avons pas de réponse. Nous sommes dans un champ neuf. Par exemple, si l'Assemblée nationale devait décider qu'un code de sécurité automobile américain devient en application réglementaire et que l'article de loi que nous déposerions en cette Assemblée nationale se lirait essentiellement ainsi: "tel code, tel qu'adopté à tel endroit, s'applique au Québec", la question que l'on pourrait poser serait: "Est-ce constitutionnel", puisque ledit règlement n'a pas été adopté dans les deux langues? Question qui mérite d'être posée. Il s'agit à ce moment-là de faire la distinction entre la législation par référence et la législation déléguée. Or, la Cour suprême n'a pas fait cette distinction. Donc, nous ne pouvons pas savoir si dans le cas de la législation par référence notre loi sera jugée invalide.

Le député d'Argenteuil, qui s'étonnait que le gouvernement ait suivi cette procédure, ne sait sans doute pas que depuis 1967, à six reprises, des documents sessionnels ont été déposés dans la langue d'origine des conventions collectives qu'ils étaient destinés à remplacer, c'est-à-dire en français seulement: en 1967, dans une grève impliquant le front commun, en 1969, impliquant des enseignants à Chambly, en 1976, dans le domaine de la santé - avant novembre 1976 - et on me dit qu'il y en a encore quelques-unes. En d'autres termes, c'est une procédure juridique qui a été suivie sous une administration de l'Union Nationale, sous une administration libérale et sous l'actuelle adminsitration gouvernementale. On se doute que les hommes et les femmes politiques passent mais que la haute fonction

publique reste et qu'il y a une tradition juridique qui se transmet d'année en année puisqu'on retrouve une certaine continuité. De fait, lorsque nous avons déposé le document sessionnel pour y faire référence, nous avons suivi une longue tradition parlementaire ici à l'Assemblée nationale. Il ne s'agit pas d'un geste exceptionnel, mais, au contraire, de la façon traditionnelle utilisée par ce Parlement depuis qu'il adopte des lois de ce type.

Pourquoi cette approche? Nous l'avons assez longuement discuté. Il aurait été possible de faire adopter par l'Assemblée nationale une loi-cadre autorisant l'exécutif à décréter les conditions de travail. Évidemment, il n'aurait pas été possible dans une telle loi de baliser l'exercice de ce pouvoir puisque les conventions collectives comportent tellement de détails qu'il n'aurait pas été possible de définir dans la loi un cadre que l'exécutif aurait dû respecter. Forcément, la loi aurait dû être de portée très générale et aurait donné un pouvoir que d'aucuns auraient pu juger exorbitant à l'exécutif de pouvoir décréter dans le détail, sans aucune balise par le Parlement, sans en saisir le Parlement même, de pouvoir décréter les conditions de travail.

Évidemment, ceci aurait donné plus de temps pour polir les textes, les traduire et les faire adopter par le Conseil des ministres dans les deux langues. D'ailleurs, si je ne m'abuse, il y a une série de décrets que nous avons adoptés dans le cadre de la loi 105 qui ont été adoptés dans les deux langues. Donc, on aurait pu suivre cette procédure avec l'inconvénient que le Parlement aurait dû donner un blanc-seing à l'exécutif sans connaître le contenu.

Nous avons estimé que dans une matière de cette importance, le gouvernement devait faire connaître ses couleurs au moment de faire adopter la loi. Il a donc déposé un document sessionnel décrivant exactement dans le détail les conditions de travail, de telle sorte que l'Assemblée nationale ne pouvait pas plaider l'ignorance du pouvoir conféré par un tel document parlementaire et la loi.

Nous nous heurtions également à un deuxième obstacle. Nous ne voulions pas faire adopter par le Parlement directement des conditions de travail qui auraient nécessité l'intervention du Parlement ultérieurement pour toutes modifications. Nous voulions donc essentiellement pouvoir déposer au Bureau du commissaire du travail, tel que le prévoit le code, un texte qui tiendrait lieu de convention collective et qui pourrait ultérieurement être amendé par les parties, d'un commun accord. Forcément, un texte de loi ou de règlement adopté par le Parlement n'aurait pu être modifié par les parties sans l'approbation du Parlement.

En procédant de la sorte, en faisant de ces documents initiaux des documents dits de la session, et en les déposant au Bureau du commissaire du travail, nous conférions, comme Parlement, à ces documents un rôle de convention collective.

Par exemple, on pourrait imaginer une situation tout à fait plausible où des parties négocient et en viennent, à la table de négociation, à une entente, laquelle n'est pas entérinée par toutes les instances. Une instance décide de tenir tête au Parlement et de ne pas la ratifier. Pour des raisons d'intérêt public, le Parlement déciderait d'intervenir et déciderait, par une loi, en se référant à cette entente conclue à la table de négociation mais non entérinée par toutes les instances, que cette entente, en dépit du fait qu'elle ne soit pas entérinée par toutes les parties, s'applique, peut être déposée au Bureau du commissaire du travail et tenir lieu de convention. Voilà à nouveau un exemple de législation par référence.

On pourrait imaginer un jugement d'une cour, si on veut parler d'un...

M. Bisaillon: ...

M. Bérubé: ...jugement d'une cour auquel le Parlement voudrait donner force, une interprétation juridique, j'imagine que le Parlement pourrait déposer une loi. On pourrait imaginer que, par exemple, dans le cas de la frontière du Labrador, un Parlement pourrait faire référence à un jugement du Conseil privé et dire que ce jugement définit la frontière. Il fait référence à un document qui n'est pas un document de l'Assemblée nationale. Ce document, évidemment, n'a pas été adopté dans les deux langues. Le Parlement le peut-il? C'est ce problème de la législation par référence qui est au coeur du débat et qui va bien au-delà du problème des conventions collectives. Il s'agit de voir si ce Parlement pourra, à l'avenir, faire référence à des documents pour les rendre d'application obligatoire. C'est là le coeur du problème.

On peut imaginer énormément de situations, puisqu'il y a énormément de situations du même type qui se sont produites dans le passé et où, à chaque fois, le Parlement a suivi la procédure qui a été suivie lors du dépôt des lois 70 et 105 et de leur adoption.

Donc, au-delà du débat entourant les conventions collectives, il y a quelque chose de beaucoup plus fondamental qui porte essentiellement sur le droit futur de ce Parlement de légiférer de cette façon. Je suis convaincu que le député d'Argenteuil, la députée de L'Acadie, le député de Sainte-Marie et également les députés de notre formation voudront aller plus à fond dans toute cette problématique du processus législatif. Mais il faut bien se rendre compte que le débat va bien au-delà du problème

bien spécifique des lois 70 et 105. Il se réfère à tout un processus législatif. Les décisions des cours sont d'une telle importance pour le fonctionnement de notre propre Assemblée nationale qu'il paraissait approprié au ministre de la Justice de poursuivre jusqu'aux instances suprêmes le débat sur la question, car nous croyons qu'en se référant à un document de la session et en décrétant un mécanisme en vertu duquel ce document pouvait être déposé au Bureau du commissaire du travail et devenir une convention collective, l'Assemblée nationale a choisi un processus législatif qui n'est pas soumis, à ce moment-là, à la décision antérieure de la Cour suprême concernant la législation déléguée.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: D'abord, je soulignerai qu'il y a toute une partie des questions que j'avais posées qui n'ont pas été traitées par le ministre. Je les rappellerai tantôt. Sur les points qu'il a soulignés, je voudrais faire une couple d'observations.

Tout d'abord, quand nous traitons de ces questions, nous ne nous attribuons pas de science particulière, sinon celle qui est disponible pour tous les honnêtes citoyens qui prennent la peine de lire les textes et de se renseigner. Je me souviens, quand le premier jugement de la Cour suprême a été rendu public au sujet de la validité du chapitre de la loi 101 qui traite de la langue des tribunaux, que nous avions dit, ce jour-là, au gouvernement qu'il avait agité des épouvantails, qu'il avait tenté de faire croire - il n'a pas été cru - que c'était la fin du français dans nos commissions scolaires, dans nos municipalités et dans nos organismes de toutes sortes. Nous lui avions dit, à ce moment-là, que c'était une interprétation qui ne tenait pas debout. Il y a des témoins qui étaient là aussi. Ils sont allés jusqu'en Cour suprême et la Cour suprême a rendu une décision qui était très proche de la position qui avait été tenue par l'Opposition. Cela a fait disparaître la plupart des épouvantails que le gouvernement avait essayé d'agiter à ce moment-là. M. Brière s'en souvient très bien.

Le ministre veut nous faire croire que la dernière décision rendue par la Cour supérieure entraînerait comme conséquence que tout ce qui sera à l'avenir un document de la session devra nécessairement être présenté dans les deux langues. Ce n'est pas du tout ce qui est dit et vous n'aurez pas de réponse...

M. Bérubé: Ce n'est pas ce que j'ai dit non plus.

M. Ryan: C'est ce que j'ai compris.

M. Bérubé: Eh bien, si vous n'avez pas compris ce que j'ai dit, c'est votre problème.

M. Ryan: Mais, parfois, ce n'est pas facile à comprendre parce que vous parlez avec d'autant plus d'assurance que vous n'avez pas l'air de connaître le domaine.

Ce que le juge en chef de la Cour supérieure a dit, c'est que les documents de la session concernant la loi 105 sont, de toute évidence, au coeur même de la loi. Il a très bien dit dans son jugement d'ailleurs qu'il peut arriver que des documents de la session échappent à l'obligation du bilinguisme, étant donné la nature même de ces documents. Il n'a pas rendu de décision de principe engageant tout l'avenir dans ce domaine. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose d'aller en quémander une à la Cour d'appel et à la Cour suprême non plus. Il y a des cas où c'est beaucoup mieux de les prendre un à un.

Dans ce cas-ci, l'évidence est tellement fulgurante que nous vous demandons de reconnaître le bon sens le plus élémentaire et de ne pas engager des fonds publics inutilement en allant jusqu'au bout de cette démarche. C'est l'objet de l'interrogation et des représentations que nous vous adressons à ce sujet. Pour que cela soit bien clair, je pense que je vais être obligé de lire une couple d'extraits du jugement Deschênes pour qu'on voie exactement la portée de ce qu'il a dit, parce que, tantôt, on a reçu un cours qui est complètement à côté de la question.

Le juge Deschênes établit clairement que, dans certains cas: "Peut-être la méthode des documents sessionnels sera-t-elle acceptable s'il s'agit, par exemple, de valider par une loi un contrat préexistant, encore qu'il vaille mieux reproduire le contrat en annexe de la loi; peut-être aussi cette méthode permet-elle d'alléger un texte de loi, lorsque celui-ci n'a pour but que de ratifier ou valider un contrat sans pour autant créer d'obligation nouvelle ou imposer une convention aux parties. Mais il doit en aller tout à fait différemment lorsque les documents sessionnels constituent en vérité l'essence même de la loi. Or, que reste-t-il -je cite le jugement Deschênes - de la loi 105 si l'on fait abstraction des documents sessionnels 651, 653 et 665? D'après le procureur de l'appelant - c'est-à-dire le gouvernement - la section II de la loi ne s'applique pas à l'intimé. La période du 1er janvier au 1er avril 1983, couverte par cette section, sera maintenant couverte par la convention collective. Seule s'appliquent la section III de la loi et plus particulièrement ses articles 6, 9 et 10. Mais ces trois articles, privés de leur renvoi aux documents sessionnels, deviennent vides de sens et de substance". Là je passe quelques détails.

"Ces trois documents sessionnels sont donc à la racine de la législation. Sans eux, il n'y a ni dépôt de conditions de travail, ni convention collective, ni entrée en jeu du Code du travail. Sans ces trois documents, la loi no 105 ne veut rien dire et n'est qu'une coquille vide. Ces trois documents constituent en vérité l'essence et la substance de la loi. C'est en eux et par eux que se manifeste et se concrétise la volonté du législateur".

C'est cela que nous vous demandons de reconnaître. C'est une vérité qui ne peut pas être plus évidente que celle-là. J'entendais le ministre dire, il y a quelques instants, que le gouvernement aurait pu à la rigueur - et là je l'ai peut-être mal compris mais il me fera plaisir d'être corrigé sur ce point - dire: On va adopter cela par décret ou par arrêté en conseil, le contenu des conventions collectives, on va seulement vous faire adopter la loi-cadre.

Je ne suis pas surpris qu'il ait eu cette pensée mais elle m'apparaît monstrueuse, et je répète monstrueuse.

M. Bérubé: Cela s'est fait dans le passé.

M. Ryan: Non pas cette fois-ci. Je ne me souviens pas que cela ait été fait dans ce détail-là et je vous défie de me mentionner des cas.

On a réglé des aspects particuliers mais lorsque le gouvernement a édicté une convention collective de A jusqu'à Z, comme vous l'avez fait avec la loi 105, je serais bien intéressé de savoir quand cela s'est fait.

M. Bisaillon: Aucun exemple, cela ne s'est jamais fait.

M. Ryan: Mais, lui, il connaît tout. Il en connaît des cas.

M. Bisaillon: C'est dramatique...

M. Ryan: Je serais volontiers interrompu s'il y avait une réponse à cette question.

M. Bérubé: Non.

M. Ryan: Que cette pensée vous soit venue, je le regrette. Je suis heureux qu'elle ne se soit pas réalisée. J'aime cependant encore beaucoup mieux l'erreur qui a été commise sous l'aspect constitutionnel en ne nous présentant ces documents qu'en langue française seulement. C'est une erreur qui peut être corrigée. S'il avait fallu qu'on aille jusqu'à un stade où le gouvernement aurait décrété, par arrêté en conseil, tout le contenu des conventions collectives, cela aurait été encore pire que ce qui s'est fait, même si ce qui s'est passé en décembre dernier méritait une très forte réprobation.

J'avais demandé au ministre en deuxième partie, et cela nous y reviendrons plus tard lorsqu'on aura terminé cet échange préliminaire, nous allons revenir sur l'article 1... J'aurais un amendement à proposer à l'article 1. Je reviens sur la question que j'avais posée au ministre et à laquelle je n'ai pas eu de réponse. Dans la pensée du gouvernement, qu'elle est la situation juridique qui a existé entre le 1er janvier 1983 et le 1er avril 1983, à la lumière des jugements qui ont été rendus par deux magistrats de la Cour supérieure en sens différents? Un des magistrats conclut qu'il y avait une convention collective en vigueur, sans oser cependant préciser laquelle, ce qui fait assez étrange comme document, mais quand même. L'autre magistrat, le juge Deschênes, conclut qu'il n'existait pas de convention collective. Il déclare: Le législateur avait dit dans sa loi 105 et dans sa loi 70 que les conventions qui existaient seraient prolongées ou modifiées selon le cas. Mais, là, il nous dit: Comme ces lois ne sont pas constitutionnelles, il n'existait pas de convention. Donc il ne peut pas y avoir eu de manquements à ces conventions-là. Je pense que cela ne peut pas être la position du gouvernement, d'un point de vue administratif. Quelle est, d'un point de vue juridique, la position du gouvernement sur cette question? Existait-il, dans l'hypothèse où le jugement du juge en chef de la Cour supérieure aurait du bon sens et durerait, une situation juridique à ce moment-là et quelle situation existait précisément?

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Bérubé: Dans la mesure où nous sommes en procédure d'appel à la Cour suprême, il est clair qu'il n'est pas approprié de donner la position gouvernementale en dehors de l'endroit normal où elle doit être présentée et défendue.

Tout ce qu'on peut dire c'est que, compte tenu de la procédure d'appel, ces lois sont présumées valides et, par conséquent, à l'heure actuelle, il y a assurément des conventions collectives en vigueur telles que la loi les a définies. Tant qu'il y a appel, la loi originale est valide.

M. Bisaillon: Ce n'est pas la question.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Si vous me le permettez, M. le Président, la question posée par le député d'Argenteuil n'est pas de cet ordre. Le député d'Argenteuil demandait ceci: En supposant que le jugement Deschênes soit confirmé jusqu'en Cour suprême, y a-t-il une

convention collective ou pas, en supposant que la Cour suprême confirme le jugement du juge Deschênes?

M. Bérubé: C'est une question hypothétique. Je pense que la loi...

M. Bisaillon: Ce n'est pas très hypothétique, M. le Président.

M. Bérubé: ...que nous adoptons ici est là pour régler le problème.

M. Bisaillon: II y a des réponses à cela.

Mme Lavoie-Roux: Elle est moins hypothétique qu'hier.

M. Bérubé: Je voudrais seulement illustrer une chose. Dans le Recueil de jurisprudence du Québec, Cour supérieure, 1978, on souligne - c'était également un jugement du juge Deschênes - que la cour est d'opinion que l'obligation prévue à l'article 133 doit s'étendre à la législation déléguée aussi bien qu'à la législation parlementaire. De ce fait, les articles 9 et 10, etc., contredisent encore l'article 133. On parlait à ce moment-là de toute la législation déléguée. Ultérieurement, la Cour suprême en a restreint l'interprétation initiale. Alors, ce n'est pas du tout impossible que, finalement, vos hypothèses en restent là véritablement et que la Cour suprême tranche en faveur de la parfaite constitutionnalité des lois que nous avons adoptées à l'Assemblée nationale.

M. Bisaillon: M. le Président, je veux seulement souligner qu'il y a quelque chose d'hypothétique dans la question à partir du moment où je suppose l'existence d'un jugement de la Cour suprême qui serait identique à celui de la Cour d'appel, mais si je me base uniquement sur le jugement Deschênes il n'y a rien d'hypothétique dans le fait de dire qu'il y avait effectivement une convention. Donc, la convention collective antérieure ou les conditions de la convention collective antérieure devraient normalement continuer à s'appliquer.

M. Bérubé: Là où il y a des clauses de reconduction automatique, mais je souligne qu'il y a plusieurs de nos conventions collectives où il n'y a pas de clause de reconduction.

M. Bisaillon: Mais il y en avait dans celle des enseignants...

M. Bérubé: Bien oui.

M. Bisaillon: II y en avait dans celle de la FAS et il y en avait dans celle des fonctionnaires.

M. Bérubé: Mais il y a de nombreuses conventions collectives et il y en a où il n'y a pas de clause de reconduction.

M. Bisaillon: Pas dans celle des fonctionnaires? Cela fait déjà deux groupes importants qui avaient une clause de reconduction à l'intérieur de leur ancienne convention collective. Or, la clause de reconduction, entendons-nous bien, ce n'est pas une clause qui reporte la convention collective, c'est une clause qui dit: Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas conclu une nouvelle convention collective, l'employeur sera tenu d'appliquer les mêmes conditions de travail. Ce n'est pas une clause de reconduction, c'est une clause de maintien de l'application des conditions de travail. Moi non plus, je ne suis pas juriste, M. le ministre...

M. Bérubé: Fort heureusement, on va s'entendre.

M. Bisaillon: ...mais je peux aussi bien me risquer. Je sais que l'expérience des relations du travail, c'est cela. Donc, il n'y avait pas de convention collective selon le juge Deschênes, mais il y avait des conditions de travail qui devaient être maintenues par l'employeur. Or, cela veut dire que les échelles de salaires doivent être maintenues. Cela veut dire que les conditions de travail, en termes d'horaire et de nombre d'enseignants, cela doit être maintenu aussi. Là, cela pose tout un problème et c'est dans ce sens-là qu'on a intérêt à se pencher sérieusement sur la question posée par le député d'Argenteuil: Au moment où on se parle, est-ce qu'une obstination à essayer d'obliger la Cour suprême à se prononcer sur un principe plus large que le problème qui nous est présenté ne nous amènera pas à un cul-de-sac qui va finalement coûter plus cher à l'État qu'un règlement honorable? Les règlements hors cour, cela se fait.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil, avez-vous autre chose à ajouter?

M. Ryan: Oui, parce que je trouve qu'on n'est pas avancé beaucoup avec ce qu'on entend, en tout cas, du côté gouvernemental. Il y a une question que je voudrais poser au ministre. Il nous dit: Notre position - hautement théorique, à mon humble point de vue, comme dans certaines autres affaires qui sont en cour d'ailleurs -c'est qu'il y avait convention collective vu que cela a été décidé ainsi par une loi que nous continuons de défendre devant les tribunaux supérieurs. Très bien...

Le Président (M. Laplante): Je voudrais faire une remarque, aux fins du journal des

Débats, que vos questions s'adressent toujours au président.

M. Ryan: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): ...parce qu'il n'y a pas de M. Lamontagne...

M. Ryan: C'est très bien. On se servira volontiers du bureau de poste.

Le Président (M. Laplante): Parce que c'est un projet de loi.

M. Ryan: II n'y a pas de problème. On est pour cela, la poste.

Le Président (M. Laplante): Pour autant qu'elle soit efficace.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais, par votre gracieuse entremise, m'enquérir auprès du ministre sur les intentions...

Le Président (M. Laplante): Cela, c'est bien, c'est suivant la règle.

M. Ryan: ...que pourrait nourrir le gouvernement en ce qui touche les poursuites qui ont pu être instituées à la suite d'arrêts de travail survenus en janvier et en février dernier. Je voudrais de plus m'enquérir auprès du ministre également afin de savoir si le gouvernement a examiné la possibilité que les tribunaux soient appelés à établir un lien de parenté assez étroit entre la loi 70, la loi 105 et la loi 111 pour que, éventuellement, même les mesures prises à la suite de la loi 111 soient aussi contestées ou mises en doute.

Mais, à ce moment-ci, je m'inquiète particulièrement des poursuites qui ont été instituées à la suite des arrêts de travail de janvier dernier, c'est-à-dire sous l'empire d'une loi qui est déclarée inconstitutionnelle par le dernier arrêt judiciaire. Est-ce que le gouvernement entend continuer ces poursuites pour l'instant? Est-ce qu'il entend les mettre sur la glace jusqu'à ce que soient terminées ces démarches en Cour suprême, c'est-à-dire jusque dans deux ou trois ans? Est-ce que tous ces individus et groupements qui sont sous le coup de poursuites, de sanctions pénales éventuelles, auront une épée de Damoclès au-dessus de leur tête pendant tout ce temps? Est-ce que c'est la politique du gouvernement?

M. Bérubé: M. le Président, nous avons là un cas d'élargissement significatif du débat. Je suis convaincu, toujours par votre bienveillante entremise, que vous pourriez indiquer au député d'Argenteuil que l'article 2 répond très spécifiquement à sa question et que, néanmoins, nous n'en sommes qu'à l'article 1. Si nous pouvions revenir à une discussion article par article du projet de loi, il est possible qu'on pourrait avoir l'occasion de débattre ce point.

Par ailleurs, je n'ai pas d'objection -comme je l'ai indiqué tantôt - si le député d'Argenteuil voulait élargir le débat en évitant de référer spécifiquement à des articles, je n'ai pas d'objection à ce qu'on le fasse maintenant dans un geste - comme vous pourrez le noter, d'ailleurs, M. le Président - d'une très grande ouverture d'esprit à toutes les remarques que voudra émettre le député d'Argenteuil, toujours en passant par votre biais, évidemment.

Le Président (M. Laplante): Allez-y.

M. Ryan: Oui, j'accepte très bien cela. On pourra le reprendre à l'article 2, cela ne dérange pas. Mais avant qu'on en vienne à l'article 1, je voudrais demander s'il serait possible pour le gouvernement de produire une opinion juridique quant à la nature de la situation qui a existé entre le 1er janvier et le 1er avril à la lumière du dernier jugement qui vient d'être rendu en particulier. À supposer que ce jugement doive éventuellement être entériné par des tribunaux supérieurs, quelle situation juridique a existé entre le 1er janvier et le 1er avril? C'est une question de très grande importance...

M. Bérubé: ...M. le Président.

M. Ryan: ...et sur laquelle nous aimerions énormément connaître les avis des conseillers juridiques du gouvernement. Car cela entraîne une foule de conséquences pratiques, non seulement pour le gouvernement et pour nous de l'Opposition, mais pour des centaines d'organisations syndicales et patronales qui sont directement visées par les lois 70, 105 et 111.

M. Bérubé: M. le Président, les lois 70 et 105 sont valides tant que les instances suprêmes n'auront pas statué autrement et, par conséquent, elles s'appliquent. Si jamais il devait en être autrement dans un jugement de la Cour suprême, à ce moment-là, la loi 8 prendrait la relève et, par conséquent, les lois 70 et 105 s'appliqueraient.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. le député de Sainte-Marie.

M. Bérubé: M. le député de Sainte-Marie, de son profond sommeil...

M. Bisaillon: Le député est très vigilant, M. le Président, même s'il a parfois à attendre très longtemps le ministre. Les périodes d'attente nous amènent à être très vigilants. L'article 1 n'est évidemment pas

adopté, M. le Président. D'une part, je n'ai pas les mêmes réserves que le député de Deux-Montagnes, ni le même statut et évidemment l'article 1, dans sa forme actuelle, ne peut me convenir. S'il n'y a pas d'amendements présentés par l'Opposition, il y a en aura sûrement un de ma part quant au deuxième paragraphe.

Par ailleurs, quant au premier paragraphe de la loi, si la position du gouvernement est celle qui vient d'être exprimée par le ministre, je me pose des questions sur l'existence même de l'article 1 et, finalement, sur l'existence même de la loi. Si les lois sont valides tant et aussi longtemps qu'on n'a pas un jugement, pourquoi sent-on le besoin de réparer un certain nombre de choses? Je comprends qu'il y a des améliorations des conditions de travail. On peut donc, à partir de la réponse du ministre, penser que le projet de loi no 8 vise uniquement - puisque les lois 70 et 105 sont toujours valides, étant donné le choix gouvernemental d'aller en appel - à bonifier les décrets, les documents de la session qui accompagnaient les lois 70 et 105, mais en termes de contenu et non en termes de forme. (17 h 15)

Or, l'article 1 vise à corriger aussi la forme et vise à répondre à l'avance à un jugement éventuel qui serait défavorable au gouvernement. Donc l'article 1 n'est pas nécessaire. Si le ministre continue à prétendre que les lois 70 et 105 sont valides tant et aussi longtemps qu'on ne se rend pas en Cour suprême, supprimons l'article 1, carrément. On n'en a pas besoin. Bonifions les décrets tels qu'ils existent en français et, par la suite, on verra. On attendra le jugement de la cour. Mais le ministre a bien dit que les lois 70 et 105 étaient valides, et si elles sont valides, l'article 1 est tout à fait inutile, et je persiste à dire que non seulement le deuxième paragraphe devrait être supprimé mais l'article au complet.

M. Bérubé: M. le Président, le député de Sainte-Marie n'a certainement jamais travaillé dans la vente d'assurance car s'il lisait l'article 1, il verrait que la présente loi a pour objet d'assurer la validité. Lorsque je prends une assurance contre l'incendie, je ne présume pas pour autant que je vais passer au feu, mais au cas où je devrais passer au feu, je bénéficierais d'une certaine protection financière.

M. Bisaillon: Le ministre ne pense pas que la meilleure assurance aurait été d'adopter correctement et dans les formes, la première fois, les lois 70 et 105?

M. Bérubé: J'ai eu l'occasion de dire exactement pourquoi nous les avons adoptées de cette façon-là. Je lui ai rappelé six précédents où le Parlement a adopté par référence des documents de la session et les a....

M. Bisaillon: Toujours avant le jugement de la Cour suprême.

M. Bérubé: ...imposés en guise de convention collective. Ce n'est donc pas un précédent législatif...

M. Bisaillon: Le jugement de la Cour suprême n'existait pas à ce moment. Quand vous nous donnez ces exemples de précédents, c'est une procédure qui a déjà été utilisée à un moment ou à des moments où le jugement de la Cour suprême n'était pas connu.

M. Bérubé: Le jugement de la Cour suprême n'a jamais porté sur la législation par référence mais a uniquement porté sur la législation déléguée et a même dû restreindre la notion de législation déléguée à laquelle l'article 133 référait. Or, dans le cas présent, il est clair qu'il est nécessaire... D'ailleurs dans le jugement du juge Deschênes, celui-ci, soulignant que ce n'est pas absolument, complètement évident, fait référence à la loi approuvant la Convention de la Baie-James et du Nord québécois qui, comme vous le savez, a été... En fait, cette Convention de la Baie-James est le résultat d'une longue et patiente négociation entre les autochtones et les représentants gouvernementaux. Deuxièmement, tous les autochtones n'ont pas entériné la Convention de la Baie-James. Certains villages, trois villages inuits dissidents ont refusé d'entériner le texte de la Convention de la Baie-James. Il apparaissait, à ce moment-là, approprié pour le Parlement d'adopter une loi approuvant la Convention de la Baie-James et du Nord québécois pour lui donner force.

On se rend bien compte que, même dans son jugement, le juge Deschênes se rend bien compte que la méthode de législation par référence peut s'avérer fort utile comme processus parlementaire. Il n'est nullement évident qu'en Cour suprême la décision finale n'ira pas dans le sens que nous prétendons, c'est-à-dire que les documents de la session qui ont été déposés à l'Assemblée nationale n'avaient pas à être traduits dans les deux langues.

M. Bisaillon: M. le Président, je ne sais pas si le député d'Argenteuil avait annoncé un amendement tantôt. J'aimerais, avant de continuer sur l'article no 1, connaître la nature de l'amendement qu'il avait à présenter.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le

député d'Argenteuil.

Motions d'amendement

M. Ryan: Évidemment, l'article no 1, dans sa forme actuelle, est inacceptable à mes yeux. S'il s'agissait seulement du premier alinéa, je crois bien qu'il serait acceptable si la loi n'avait consisté qu'à régulariser cette situation créée par la manière dont on a procédé en décembre et en juin dernier pour l'adoption des lois nos 105 et 70. Cela ne ferait pas de grosses difficultés. Les objections de fond qui avaient inspiré l'attitude de l'Opposition à ce moment-là demeureraient, évidemment, mais nous serions très heureux de collaborer à la régularisation de la situation. Mais là, le gouvernement, en ajoutant le deuxième alinéa, crée deux sortes de difficultés.

Tout d'abord, ainsi que l'a souligné le député de Deux-Montagnes dans ses interventions précédentes, il crée une certaine confusion entre les choses qui relèvent du domaine législatif et les choses qui relèvent du domaine judiciaire. C'est comme s'il voulait créer l'impression que les opinions ou les avertissements qu'exprime une Législature vont avoir quelque influence que ce soit sur les jugements que rendront les tribunaux. Les tribunaux ne s'occupent pas beaucoup de paragraphes déclaratoires comme ceux-ci quand ils rendent des jugements en matière constitutionnelle. Ils examinent le texte des lois, ils examinent la manière dont les choses se sont développées. Ce n'est pas la façon de procéder. Des petits avertissements politiques de portée étroite, ce n'est pas cela qui conditionne la jurisprudence constitutionnelle dans un pays comme le Canada. On doit dire que la jurisprudence constitutionnelle au Canada s'est développée de manière souvent contestable. Même quand elle émane de la Cour suprême, elle n'est pas toujours de nature à susciter l'adhésion unanime de tout le monde. Cela s'est développé à un niveau passablement élevé. Je pense qu'il y a lieu d'être fiers, comme citoyens de ce pays, du niveau élevé où s'est développée la jurisprudence constitutionnelle au cours du dernier quart de siècle. Je suis sûr qu'un paragraphe comme celui-ci n'aura aucune espèce d'impact sur les décisions que rendront les tribunaux ultérieurement, à supposer que le gouvernement persiste dans sa démarche actuelle.

Deuxièmement, en lisant l'article comme il est formulé, on a l'impression de quelqu'un qui veut jouer gagnant sur les deux tableaux. Il me semble qu'on s'attend du législateur qu'il soit ferme, qu'il soit clair, qu'il soit net, contestable très souvent, mais au moins qu'il ait une position et qu'il la tienne. On n'aime pas qu'il dise: Oui, je fais cela, mais au fond, j'aurais fait le contraire si je n'avais pas eu peur de me faire donner un petit coup de bâton sur les doigts par les tribunaux. J'ai l'impression que cela donne ceci. Si le législateur est convaincu que c'est dans l'intérêt général qu'il reconnaisse par la loi no 8 qu'il fallait que les documents sessionnels soient dans les deux langues, qu'il le dise dans le premier alinéa et qu'il laisse faire la petite morale qui est contenue dans le deuxième alinéa. On n'en a pas besoin. Il a le droit d'avoir cette opinion-là. Il peut la défendre sur des tribunes politiques. Il peut la défendre dans les discours qu'il fera à l'Assemblée nationale. C'est très bien. Mais nous ne voyons pas du tout le bien-fondé de l'insertion d'un tel alinéa dans le texte même de la loi no 8. Nous le trouvons redondant, nous le trouvons inutile et nous le trouvons de nature à semer la confusion dans les esprits. Dans cette perspective, je voudrais proposer que l'article no 1 soit amendé en laissant tomber le second alinéa commençant par les mots: "Elle ne doit pas être interprétée" jusqu'aux mots "l'ont été." Il me semble que si cet alinéa était enlevé, cela n'enlèverait absolument rien à la force que pourrait éventuellement avoir l'argumentation du gouvernement devant les tribunaux, et cela donnerait une impression de clarté et de cohésion beaucoup plus forte...

Le Président (M. Laplante): C'est l'amendement que vous faites, M. le député?

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Laplante): Avant de le juger recevable, je voudrais l'avoir par écrit d'abord.

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Laplante): Que l'article 1 du projet de loi no 8 soit amendé en retirant le paragraphe commençant par les mots "Elle ne doit pas" et se terminant par les mots "décrets et documents sessionnels l'ont été". C'est qu'à la première vue mon jugement est passablement fait là-dessus, en lisant l'article 70 du règlement: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée et ne peut avoir que les objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres. Il est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport à un amendement".

L'article 1 se lit: "La présente loi a pour principal objet, eu égard à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, d'assurer la validité des documents sessionnels auxquels réfèrent la Loi concernant la rémunération dans le secteur public et la Loi concernant

les conditions de travail dans le secteur public". Pour être plus explicite, à l'article 1, le législateur veut que ce deuxième alinéa fasse partie du premier tel qu'il l'explique en partant. "Elle ne doit pas être interprétée -à l'article 1 - comme une reconnaissance que ces lois, les décrets pris en vertu de celles-ci et les documents sessionnels auxquels elles réfèrent - toujours à ce même article 1 -doivent être adoptés, pris ou déposés autrement que de façon dont ces lois, décrets et documents sessionnels l'ont été".

C'est que notre règlement ne permettrait pas actuellement de faire disparaître l'article.

M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Ce que vous pourriez faire ce serait d'ajouter des mots, de les remplacer par d'autres. Mais de l'éliminer, tel que l'article 70 de notre règlement le dit, je suis donc obligé de considérer cet amendement non recevable.

M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que je peux vous poser une question?

Le Président (M. Laplante): Oui.

M. Bisaillon: II était clair, M. le Président, que vous vous attendiez à ce qu'un amendement de cette nature soit présenté. Je comprends que vous ayez pris la précaution de vous préparer à cet effet. Est-ce qu'il ne serait pas plus prudent, pour respecter un peu les parlementaires qui présentent des amendements, de leur laisser expliquer ce en quoi, à partir du moment où vous doutez de la recevabilité d'un amendement, ils pourraient prétendre à la recevabilité de l'amendement? Vous nous enferrez par une décision que vous venez de rendre à ne pas pouvoir discuter de la recevabilité ou de l'irrecevabilité, ce qui me semble un peu précipité dans les circonstances.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Marie, vous-même vous venez de dire que j'étais préparé à recevoir l'amendement. D'ailleurs, il a été annoncé par le député d'Argenteuil et vous-même vous en avez aussi parlé. Longuement le député de Deux-Montagnes en a parlé aussi, pas de faire un amendement mais sur...

M. Bisaillon: M. le Président, ce dont on a parlé c'est qu'on présenterait un amendement, on n'a jamais parlé de la recevabilité.

Le Président (M. Laplante): Une minute, sur l'utilité du deuxième alinéa. Le ministre a même donné une réplique au député de Deux-Montagnes. D'autant plus, le député d'Argenteuil, avant la proposition de son amendement, est allé sur le fond de l'amendement, il a expliqué pourquoi. Le règlement dit aussi que si le président se sent éclairé il peut donner une décision sur le champ et c'est ce que j'ai fait. Si vous avez d'autres amendements à proposer à l'article 1, je suis prêt à les recevoir et à regarder s'ils sont conformes au règlement. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, me permettez-vous d'émettre une opinion sur ce que vous venez de dire?

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil, si c'est en discussion sur la décision que je viens de rendre, c'est non.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): ...parce que vous-même vous dites que vous êtes un grand respectueux des choses.

M. Ryan: Oui.

M. Bisaillon: Pour autant qu'on est respecté, M. le Président. Il ne faut quand même pas charrier. On n'a même pas eu l'occasion de s'exprimer. (17 h 30)

M. Ryan: M. le Président, je me permets de vous signaler deux choses. Tout d'abord, comme l'a dit le député de Sainte-Marie, il aurait été d'élémentaire prudence que vous demandiez l'avis des députés sur la recevabilité de la motion avant de rendre votre décision. Deuxièmement, je voudrais vous demander s'il ne serait pas judicieux, avant de rendre votre décision définitive, que vous consultiez la présidence de la Chambre quant à la décision que vous venez de rendre, parce que à sa face même elle me paraît éminemment contestable.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil, je vais vous arrêter là. Tout en respectant votre droit de parole, j'aimerais aussi - ce sont vos habitudes depuis que je vous connais - que vous respectiez les décisions du président. Le président n'est pas infaillible, je pense que cela est reconnu de tous il rend des jugements au meilleur de sa connaissance dans l'attribution de la tâche qu'il doit accomplir. C'est pour cela que je demanderais votre coopération et, si vous avez d'autres amendements à apporter au deuxième alinéa ou à l'article 1 au complet...

M. Bisaillon: ...

Le Président (M. Laplante): ...M. le député d'Argenteuil, je suis prêt à les

recevoir.

M. Ryan: Je demande une suspension de cinq minutes.

Le Président (M. Laplante): Oui, je vais vous accorder une suspension si vous en avez besoin.

M. Ryan: Oui. Nous en avons besoin. Nous allons vous revenir avec un autre amendement.

Le Président (M. Laplante): D'accord. La séance est suspendue pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

(Reprise de la séance à 17 h 37)

Le Président (M. Laplante): Reprise des travaux. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Les quelques minutes d'interruption nous auront permis de digérer davantage les sentiments qui pouvaient nous habiter au moment de l'ajournement. Je voudrais vous adresser une demande dans tout le respect que l'on doit à la façon dont vous avez mené les travaux de cette commission. Est-ce qu'il serait possible que, rétroactivement, de la même façon que le projet de loi comporte des correctifs de façon rétroactive, vous accordiez un certain temps limité aux parlementaires pour leur permettre de vous expliquer - sans que cela change votre décision, puisque vous l'avez déjà énoncée - ce en quoi ils se sentaient justifiés de présenter un amendement de la sorte? En supposant qu'on revienne en arrière et qu'on prenne cinq minutes pour expliquer en quoi, selon nous, la recevabilité était possible... Vous avez rendu, après cinq minutes, votre décision qui demeurera la même. Au moins on aurait l'occasion d'expliquer ce en quoi on se sentait justifiés de présenter un amendement. Est-ce que cette procédure, simple et de bonne entente, sans créer de précédent aucun, serait possible?

Le Président (M. Laplante): J'aime beaucoup la façon dont vous le demandez, M. le député de Sainte-Marie...

M. Bisaillon: Cela est fait élégamment, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Cela est fait élégamment, mais ce n'est pas possible à ce moment-ci, parce que justement je ne veux pas occasionner de...

M. Bérubé: Non, c'est non.

Le Président (M. Laplante): Maintenant, il y a une chose que je peux vous suggérer, M. le député de Sainte-Marie. Je suis encore réceptif aux amendements, l'article est encore là, on n'en a pas disposé. À ce moment-là, vous pourriez peut-être - je connais votre habileté parlementaire - sans trop être dérangé - exprimer vos sentiments sur un amendement.

M. Bisaillon: M. le Président, je vais attendre pour voir si d'autres amendements arrivent sur la table et quel accueil vous leur ferez, en vous disant peut-être cette fois-ci que j'accepte votre décision, et que c'est parce que j'y suis forcé que je l'accepte; en vous disant, moins élégamment, que pour les prochains amendements si vous aviez des doutes quant à leur recevabilité, nous apprécierions comme parlementaires que vous nous donniez, cette fois, les brefs moments nécessaires pour vous les expliquer.

Le Président (M. Laplante): J'apprécie aussi, M. le député de Sainte-Marie, que vous ayez ajouté le mot doute. Je n'avais pas ce doute. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je veux vous dire que j'étais complètement d'accord avec le député de Sainte-Marie dans la requête qu'il vous a faite. Je vais vous soumettre un projet d'amendement qui, tout en gardant entre parenthèses les réserves, les objections que je nourris à l'endroit de votre décision, est peut-être de nature à répondre à vos attentes.

Le Président (M. Laplante): Allez-y avec votre amendement, monsieur.

M. Ryan: Je propose que dans le deuxième alinéa de l'article 1, les mots commençant au début de la deuxième ligne de l'alinéa: "Ces lois, les décrets pris en vertu de celles-ci et les documents sessionnels auxquels elles réfèrent", soient remplacés par les mots suivants: "toute forme de document sessionnel doive" et le reste de l'article sera remplacé par les mots suivants: "Être adopté, pris ou déposé dans les langues française et anglaise."

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous pourriez me relire l'article...

M. Ryan: Reconstitué?

Le Président (M. Laplante): ... complet à votre amendement.

M. Ryan: Oui. "Elle ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance que toute forme de document sessionnel doive être adopté, pris ou déposé dans les langues française et anglaise."

Si vous me permettez de vous expliquer l'amendement, cela me fera plaisir de vous l'expliquer.

Le Président (M. Laplante): Je voudrais avoir des explications sur cette nouvelle forme d'amendement, mais je voudrais l'avoir devant moi.

M. Ryan: II y en a qui ont déjà entrepris de faire l'exégèse avant que j'aie eu le temps de l'expliquer.

Le Président (M. Laplante): Je voudrais avoir, d'abord, une copie de l'amendement que vous avez apporté, et copies aussi pour les autres membres qui sont autour de la table. Je voudrais aussi que vous me décriviez comment le paragraphe se lirait.

M. Ryan: Je voudrais d'abord vous rappeler, M. le Président, que l'objet principal du projet de loi numéro 8 et en particulier de l'article 1, ce n'est pas de ménager les susceptibilités doctrinales du gouvernement, mais d'assurer la validité des documents sessionnels auxquels réfèrent la loi 70 et la loi 105. Cela, je pense, qu'il faut l'établir clairement. S'il s'était agit principalement de ménager les susceptibilités du gouvernement, on n'aurait pas été obligé de faire cet exercice du tout, il aurait très bien pu être fait sur le plan politique. Il fallait une intervention législative parce qu'il s'agissait, comme le dit très bien d'ailleurs le premier alinéa, d'assurer la validité constitutionnelle des documents sessionnels auxquels réfère la loi, etc. Ce qui assure la validité constitutionnelle, c'est justement l'ensemble de ce projet de loi-ci, et le deuxième alinéa veut préserver la position du gouvernement. Vous avez décidé tantôt qu'il était essentiel au texte; nous ne le pensons pas du tout.

Ce que je propose aurait l'effet suivant. Quand je suggère qu'on écrive: "Elle ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance que toute forme de documents sessionnels doive être adoptée, prise ou déposée" et, à la rigueur, je pourrais laisser tomber la dernière partie de l'amendement: "autrement que de la façon dont ces lois, décrets et documents sessionnels l'ont été", je veux dire que le gouvernement ménage sa position mais, au moins, il ne vient pas affirmer à propos de ces documents-ci qui corrigent - je fais A et B en même temps -ils corrigent pour les documents sessionnels dont il est question. On se trouverait à dire que pour d'autres formes de documents sessionnels comme ceux auxquels a pu faire allusion le ministre tantôt - que je lui serais reconnaissant, entre parenthèses, de me donner en détail, je ne sais pas s'il y aurait moyen de me faire donner en détail. Je ne sais pas s'il y aurait moyen de me faire donner, peut-être même avant la suspension des travaux à l'heure du souper, les références précises des autres exemples de documents sessionnels dont il a parlé, de manière que je puisse en faire faire une vérification tantôt. On verra s'il y a des différences substantielles. Je pense que ce sera très intéressant, quand on se retrouvera après la suspension du souper, de pouvoir parler de ces autres formes de documents sessionnels en connaissance de cause.

On a mentionné des exemples à la volée, comme cela. Dans certains cas, on est allé les chercher jusqu'à quinze ou même vingt ans en arrière. Si le gouvernement pouvait nous donner les indications précises dont nous avons besoin, cela nous aiderait beaucoup. Mais, en conformité avec le passage du jugement Deschênes que j'ai cité tantôt, je n'aurais pas du tout objection à ce qu'on dise, dans le deuxième alinéa du paragraphe, que nous n'entendons point signifier, en adoptant l'article 1, que, dorénavant, toute forme de document sessionnel qui pourrait accompagner un texte de loi devra...

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil, pour m'éclairer vraiment puisque j'ai des doutes...

M. Ryan: Encore des doutes?

Le Président (M. Laplante): Là, j'ai des doutes. Je voudrais savoir comment la première motion, que vous avez présentée tout à l'heure, pour éliminer le deuxième paragraphe concorde avec l'amendement que vous venez de proposer. Quel effet a cet amendement vis-à-vis de la motion que vous avez proposée en premier, voulant biffer le deuxième alinéa?

M. Ryan: Je veux bien vous le dire, si vous suspendez.

Le Président (M. Laplante): Non, non. Vous voulez que je sois éclairé?

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Laplante): Je veux l'entendre de votre bouche.

M. de Beliefeuille: II faudrait qu'il soit recevable.

Le Président (M. Laplante): Non, avant la recevabilité.

M. de Bellefeuille: II faudrait que le premier soit recevable pour qu'on puisse faire une telle comparaison.

M. Ryan: Si vous êtes prêt à remettre en question votre première décision, je vais

vous donner volontiers des explications.

Le Président (M. Laplante): Non, c'est parce qu'il y a aussi l'article 63 de notre règlement.

M. Ryan: Pardon? L'article 63? Le Président (M. Laplante): Oui. M. Ryan: On va regarder cela.

Le Président (M. Laplante): "Une motion ne doit pas soulever non plus une question identique au fond à une question qui est..." déjà posé. C'est le corollaire des deux que je voudrais...

M. Ryan: Oui, je vais très bien vous l'expliquer.

Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît!

M. Ryan: La première motion d'amendement que j'avais proposée avait pour but de faire abstraction' de toute considération d'opinion politique. Elle avait pour but de faire abstraction, dans le texte de la loi que nous approuverons, de toute considération d'opinion politique particulière. Le gouvernement pose un geste. Il redresse une insuffisance qui s'est manifestée dans les lois 70 et 105. Disons que le gouvernement garde ses réserves au point de vue constitutionnel et au point de vue des recours judiciaires, c'est très bien. Nous sommes en désaccord avec lui mais nous reconnaissons son droit de le faire, sauf que nous lui demandions, tout simplement par respect pour le pouvoir judiciaire et pour les objets que nous voulons servir dans l'étude de ce projet de loi, de laisser tomber complètement le deuxième alinéa qui n'est pas nécessaire pour assurer l'objet principal de la loi, lequel est d'assurer la validité constitutionnelle des documents sessionnels auxquels se réfèrent les lois 70 et 105.

J'étais convaincu qu'il n'était pas nécessaire. Vous avez décidé que c'était pris ensemble. Vous êtes même allé jusqu'à dire qu'il était greffé au premier alinéa alors que ce sont au moins deux alinéas très distincts. Je pense que le gouvernement avait raison de faire deux alinéas très distincts.

Le Président (M. Laplante): II fait référence au premier.

M. Ryan: Oui. Maintenant, dans le nouvel amendement que je vous présente, en législateur soumis à l'autorité de la présidence, je dis qu'on va tenir compte de l'opinion du gouvernement. Quand le ministre a fourni des explications tantôt, qu'a-t-il dit? Il n'était pas capable de nous dire clairement que les documents sessionnels 350, 650 et 652 ne font pas partie du coeur de la loi, parce que c'est une chose évidente. Mais il nous a dit qu'il y avait d'autres cas, qu'il voulait réserver sa latitude pour l'avenir, qu'il connaît d'autres précédents qui n'ont pas fait l'objet de contestation judiciaire et qui, donc, avaient toutes les apparences de la validité, étant donné qu'ils n'avaient pas été contestés.

En vue d'aller un petit peu au-devant de cette préoccupation gouvernementale, je vous propose un amendement qui ne touche pas aux changements que nous faisons ici. Je ne veux pas que nous nous contredisions. Je ne veux pas que nous fassions une chose et son contraire en même temps. Nous reconnaissons qu'il y avait une insuffisance. Nous la corrigeons dans le premier alinéa. Dans le deuxième, nous disons que ce que nous faisons ne veut pas dire que nous ferions nécessairement la même chose à propos de toute forme de document de la session. Il me semble que cela va tout à fait dans l'esprit du paragraphe ici. Cela laisse la question ouverte autant du point de vue judiciaire que du point de vue politique, d'ailleurs. Cela me semble plus conforme à l'esprit de la démarche qui nous est imposée. On peut bien faire tous les sophismes qu'on voudra, on peut bien faire tous les exercices de ratiocination dans lesquels certains se complaisent, on ne peut pas changer une évidence. Si on est ici aujourd'hui pour l'étude du projet de loi no 8 c'est parce qu'il y a eu des jugements de cour qui ont laissé voir au gouvernement qu'il est engagé sur une piste dangereuse et qu'un entêtement obstiné à rester dans la voie stricte qui a été définie par le texte actuellement connu de 105 et 70 pourrait entraîner des conséquences graves. Je pense que le gouvernement fait bien de procéder à un redressement. Mais je lui dis: Ne faites pas le redressement et son contraire en même temps. Faites le redressement mais gardez-vous une certaine marge dans le deuxième alinéa si vous y tenez. Je crois que ce n'est pas nécessaire, mais si vous y tenez au moins circonscrivons l'exercice de manière qu'il reste un exercice qui ait un peu de sens et qui ne soit pas contradictoire.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, sur l'amendement qui est présenté...

M. Ryan: Nous vous déposerons le texte au début de la séance de ce soir, si vous permettez. Il est 17 h 50, si je vois bien. Si vous voulez nous déposerons le texte à 17 h 55.

Le Président (M. Laplante): ...en

attendant.

M. Bisaillon: Est-ce qu'on préfère ajourner maintenant?

M. Ryan: Nous, nous sommes prêts jusqu'à 18 heures. Si vous avez des choses à dire, je suis bien disponible.

M. Bisaillon: Ce que je voulais souligner quant à l'amendement présenté, en regard de l'article 1 tel qu'il se présente devant nous, c'est que dans le premier paragraphe de l'article 1 selon les propres termes - je vous soulignerai que tout ce qui virevolte autour du ministre nous indispose. Le député de Deux-Montagnes l'a déjà souligné. On aimerait cela que le ministre essaie de nous écouter quand on essaie de présenter nos positions.

M. Bérubé: Nous n'avons pas à discuter du fond de l'amendement. J'invoque le règlement dans ce cas.

Le Président (M. Laplante): Sur la recevabilité.

M. Bisaillon: C'est sur la recevabilité que je parle.

Le Président (M. Laplante): C'est cela.

M. Bérubé: Sur la recevabilité et lorsque le député de Sainte-Marie plaide pour la recevabilité il plaide à votre intention, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): C'est cela.

M. Bérubé: Par conséquent, je me permettrai à ce moment de bien vouloir penser à quoi que ce soit mais certainement pas nécessairement aux propos du député de Sainte-Marie.

Sur la question même de la recevabilité je pense qu'il doit plaider auprès du président...

M. Bisaillon: Cela m'avait semblé important, M. le ministre, que vous puissiez entendre.

M. Bérubé: Par conséquent... Le Président (M. Laplante): ...

M. Bérubé: ...j'aimerais que le député de Sainte-Marie...

M. Bisaillon: Y compris sur la recevabilité d'après ce que j'ai compris.

M. Bérubé: ...me permette d'avoir les réflexions que je voudrai bien avoir de mon côté.

Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Sur la recevabilité toujours, le premier paragraphe de l'article 1, comme l'a souligné le député d'Argenteuil, c'est un texte qui vise à corriger une situation dans laquelle le gouvernement s'était placé. Ces corrections que le gouvernement apporte dans le premier paragraphe font suite à des jugements de cour. Selon les propres termes du ministre qu'on a entendus tantôt il dit: Le premier paragraphe, c'est se prendre une assurance. Vous vous souviendrez, je lui opposais le fait que dans le fond tout l'article 1 était inutile puisqu'il nous expliquait que c'était en Cour d'appel et qu'on attendait un jugement. Tant qu'il y avait un jugement les lois existaient toujours sous les formes dans lesquelles elles ont été votées. Le ministre nous a répondu à ceci: L'article 1 dans son premier paragraphe c'est prendre une assurance. Il m'a même dit que j'aurais fait un très mauvais assureur. Il m'a dit: Dans le premier paragraphe, on prend une assurance. Ce que nous disons, c'est que dans le deuxième, après en avoir pris une dans le premier, il nous dit du même souffle: Vous savez, je n'en avais peut-être pas besoin. C'est exactement cela l'article qu'il y a là.

Ce que le député d'Argenteuil apporte comme amendement, dans un premier temps, ce qu'on prétendait c'est que le gouvernement n'avait pas d'affaire à se refaire une virginité. On disait qu'il était suffisamment amoché comme cela qu'il n'avait pas à prétendre à une nouvelle virginité en créant son deuxième paragraphe. On disait aussi que le deuxième alinéa se présentait quasi comme un jugement sur les démarches judiciaires ou les jugements rendus par des juges de première instance avant même d'avoir été renversés par d'autres.

Notre prétention était donc que même le deuxième paragraphe était du "fafinage" de la part du gouvernement comme vous nous dites que c'est intimemement relié à la première partie, ce qu'il nous reste à présenter comme amendement c'est de dire, au moins dans la deuxième partie, reconaissez que la première partie était valide. Reconnaissez dans la deuxième que la première partie, dans les circonstances et au moment où on se parle, avait sa raison d'être sans pour autant reconnaître que dans d'autres circonstances où, à la suite de jugements ultérieurs ou des jugements à venir, ou dans d'autres formes de documents, les mêmes conditions seraient obligatoirement appliquées. Autrement dit, le gouvernement dit, je corrige, mais il nous annonce au même moment qu'il ne corrigera pas nécessairement de la même façon et pas toujours non plus.

C'est cela la portée de l'amendement

dans le deuxième paragraphe. C'est de dire, si le gouvernement reconnaît dans la première partie qu'il doit corriger une situation, que ses restrictions mentales et que sa deuxième virginité ne s'appliquent qu'à cette situation précise. Qu'il nous informe qu'il ne s'engage pas, à l'avenir, dans d'autres formes - lorsqu'il aura des jugements ultérieurs - qu'il ne s'engage pas à procéder exactement de la même façon qu'il le fait dans le premier paragraphe.

Il me semble donc que c'est un complément valable et justifiable, à l'alinéa 1, que c'est, selon les propres termes que vous avez utilisés, parfaitement rattaché à l'objet même du premier paragraphe et que cela précise exactement la position que le gouvernement veut faire connaître.

Dans son deuxième paragraphe, le gouvernement ne voulait pas créer de précédent. Il le fait encore et ne crée toujours pas de précédent mais il avoue au moins, dans le deuxième, qu'il le fait aussi dans le premier.

Le Président (M. Laplante): Ce que je vous demande, M. le député de Sainte-Marie, c'est comment pouvez-vous relier le premier paragraphe au deuxième paragraphe lorsque, à deux reprises, on se réfère à deux lois et que vous biffez, en somme, par l'amendement les mots "ces lois".

M. Bisaillon: Je dois vous avouer honnêtement M. le Président, que je suis fort mal pris parce que je ne reliais pas les deux paragraphes.

Le Président (M. Laplante): D'accord.

M. Bisaillon: Mais vous nous avez forcés à les relier.

Le Président (M. Laplante): D'accord.

M. Bisaillon: Alors, étant lié par votre décision, je ne peux faire autrement, dans ma discussion, M. le Président, que de vous le présenter sous cette forme.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, sur la recevabilité.

M. Bérubé: M. le Président, je ne saurais dire si l'amendement doit être recevable ou non et je ne voudrais pas m'engager dans un débat de fond quant à l'article lui-même. Si vous le jugez recevable, à ce moment, je débattrai du fond étant d'opinion que, tel quel, il n'est pas acceptable mais croyant deviner dans la nature de l'amendement un propos qui est un peu différent peut-être de celui tenu par le député d'Argenteuil, mais sur lequel on pourrait possiblement trouver un terrain d'entente. Il serait peut-être possible de lui apporter un sous-amendement qui le rendrait recevable et, par conséquent, je vous laisserai statuer sur sa recevabilité.

Le Président (M. Laplante): C'est une tâche qui est peut-être plus facile pour le président aussi. Lorsqu'on est unanime à accepter un amendement, je n'ai pas à me prononcer. Si c'est là votre voeu, je n'ai pas d'objection. Dans ce cas, on va...

M. Bérubé: Je n'ai pas d'objection.

M. de Bellefeuille: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Oui, M. le député de Deux-Montagnes. Non, je n'ai pas d'autre choix.

M. de Bellefeuille: Je ne partage pas l'indifférence du ministre sur la question de la recevabilité, bruyante ou silencieuse. Je considère que cette motion est tout à fait recevable et je me permets de m'étonner que cette question vous inspire des doutes. Si vous avez des doutes sur la recevabilité de cet amendement, M. le Président, je crains que le règlement ne nous impose un carcan dans lequel il serait à peu près impossible de travailler.

Vous nous avez lu, il y a quelques instants, un article du règlement. Je crois que le député d'Argenteuil a mis en pratique cet article du règlement en retranchant certains mots, en les remplaçant par d'autres et je n'y vois rien qui contredise l'essence de cet article. Cela ajoute des modalités, des considérations différentes de celles qui se trouvent dans le deuxième alinéa, mais cela ne contredit en aucune façon, il me semble, l'essentiel du premier alinéa. Il me paraît très clair que cela est typiquement un amendement acceptable.

Le Président (M. Laplante): MM. les membres de cette commission, je n'aurai pas à la juger recevable ou irrecevable vu la volonté unanime des membres d'accepter cette motion. De par la volonté des membres, elle sera recevable.

Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 16)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des finances reprend ses travaux sur l'étude article par article du projet de loi no 8. Nous en étions à l'article 1. Un amendement a été proposé par le député d'Argenteuil et les membres de cette commission ont accepté de recevoir

l'amendement à l'article 1, deuxième paragraphe, à savoir: Que les mots à partir de "ces lois, les décrets..." jusqu'aux mots "l'ont été" soient remplacés par les mots "que toute forme de document sessionnel doive toujours être adopté, pris ou déposé en français et en anglais".

L'article 1, deuxième paragraphe, se lirait comme suit: "Elle ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance que toute forme de document sessionnel doive toujours être adopté, pris ou déposé en français et en anglais."

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, j'aimerais vous expliquer cet amendement pour qu'il n'y ait aucun malentendu entre nous et qu'on voie clairement la raison d'être et la justification de ce projet d'amendement. Tout d'abord, l'objet principal de la loi, comme j'ai eu l'occasion de le dire plus tôt, c'est d'assurer la validité des documents de la session qui forment le coeur de la loi 105 et qui sont essentiels éqalement à la loi 70, en faisant en sorte que ces documents soient inscrits dans nos lois dans les deux langues.

Le Président (M. Laplante): J'aimerais vous entendre. Je ne vous entends pas. D'accord. Allez-y, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: L'objet principal de la loi, c'est de faire en sorte que les documents sessionnels, qui sont au coeur de la loi 105 et de la loi 70 soient assurément valides en étant incorporés dans la loi dans les deux langues, dans la version française et dans la version anglaise, ou, si on veut, dans le texte français et dans la version anglaise de chacune de ces deux lois. Lorsqu'on pose un geste comme législateur, il doit y avoir une présomption qu'on est convaincu de bien agir. Il me semble qu'on n'agira pas du tout si on pense qu'on agit mal ou d'une façon erronée et, lorsqu'on agit, on présume qu'on agit bien. Dans ce cas-ci en particulier, lorsqu'on décide de faire en sorte que les documents sessionnels soient dans les deux langues, il me semble qu'il y a une présomption qui veut que le législateur, surtout le gouvernement qui propose la loi, agisse bien. Par conséquent, il n'est pas logique et il ne sera sûrement pas souhaitable qu'on donne l'impression de vouloir défaire ou de vouloir se donner la chance de défaire éventuellement, à l'aide d'un second alinéa, ce qu'on essaie de faire ou ce qu'on veut faire dans le premier alinéa.

Pour éviter tout malentendu, il y a autre chose que je voudrais ajouter: Quand le législateur rédige une loi, il doit éviter de laisser se créer l'impression qu'il voudrait s'ingérer dans le processus judiciaire. Il doit faire en sorte qu'il soit parfaitement clair qu'il agit à l'intérieur de ses responsabilités propres et dans le plein respect des responsabilités qui appartiennent aux tribunaux. Alors, l'amendement que nous proposons à l'alinéa 2 de l'article 1 a précisément pour effet de dissiper une certaine confusion qui découle de la rédaction actuelle du deuxième alinéa et je vais vous l'expliquer. En disant: Elle ne doit pas... Je comprends le souci du gouvernement, le gouvernement ne voudrait pas qu'à l'aide de cet article, on laisse créer l'impression que le gouvernement accepterait pour toujours sans aucune espèce de réserve ou de distinction ou de nuance que toute forme de documents sessionnels devraient à l'avenir être nécessairement adoptés, déposés ou pris en français et en anglais. Il veut se garder une marge. Il dit: Un document sessionnel, cela peut revêtir diverses formes, cela peut avoir divers degrés d'impact sur la législation ou l'action éventuelle du gouvernement. Ce sont des considérations qui sont respectables, même si j'estime personnellement qu'il n'est pas essentiel de les dire dans un texte de loi. Il me semble que le gouvernement, quand il présente un projet de loi, doit être présumé conscient de considérations comme celles-là et qu'on doit être capable de supposer qu'il en a tenu compte quand il rédigeait son projet. Mais comme le gouvernement veut une police d'assurance, le ministre nous a expliqué tantôt qu'il veut se transformer en assureur, en vendeur de polices d'assurance, on va essayer de satisfaire à son désir tout en respectant les deux exigences que j'ai formulées.

L'amendement comme il est présenté ne donne pas l'impression qu'on penserait mal agir en faisant ce qui est dans le premier alinéa. On fait ce qui est là. On dit: C'est bien, cela. On le fait parce qu'on pense qu'on a à le faire; comme législateur, on le fait. On ne vient pas du tout infirmer ou diminuer, dans l'amendement qui est proposé ou, si on veut, dans l'alinéa modifié comme nous le proposons, la portée de ce qui est dans le premier alinéa et en même temps, on ne donne pas l'impression de s'ingérer dans le processus judiciaire. Si on retenait la formulation qui est dans le texte gouvernemental, quand le texte dit: Elle ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance que ces lois, les décrets pris en vertu de celles-ci et les documents sessionnels auxquels elles réfèrent doivent être adoptés etc., là, on dit presque au juge en chef de la Cour supérieure, aux deux magistrats de la Cour provinciale qui se sont prononcés en sens contraire de manière catégorique... Le juge en chef de la Cour supérieure a parlé d'un vice fatal dans la loi, comme il en a été saisi, c'est-à-dire comme elle existe jusqu'à ce moment-ci. En donnant une formulation plus large au deuxième alinéa, on évite toute apparence d'ingérence

ou d'immixtion dans le processus judiciaire. On élimine par conséquent deux vices qui me semblent présents dans la formulation qui a été présentée par le gouvernement et en même temps, on dit clairement: Pour l'avenir et en dehors de ce cas-ci qui est réglé par le premier alinéa, toute forme de document sessionnel ne doit pas nécessairement être adopté, pris ou déposé en français et en anglais. Cela veut dire que le gouvernement se réserve une marge de discrétion. Le législateur voit qu'à lui aussi une marge de discrétion est réservée pour juger des cas qui pourraient se présenter dans l'avenir. Mais je ne pense pas qu'on puisse régler ce cas-ci et en même temps, dire qu'on doute qu'on agisse bien. Là, il y a une contradiction flagrante qui me semble contraire à un bon esprit législatif.

C'est pour ces deux raisons que je propose que l'amendement dont la commission parlementaire a été saisie soit adopté par le gouvernement. Quand on dit d'un côté que la présente loi ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance que toute forme de document sessionnel..., cela laisse intact le cas actuel et cela nous laisse toutes portes ouvertes pour les cas susceptibles de survenir à l'avenir. Ils doivent toujours - le mot toujours ici implique qu'on se réserve également une marge de discrétion. Cela veut dire qu'on admet aussi implicitement qu'il peut arriver des cas où un document sessionnel, comme viennent de le dire consécutivement trois magistrats, fasse partie du coeur d'une loi et qu'à ce moment il devrait être soumis à la même exigence de bilinguisme que l'article 133 de la constitution canadienne impose au Parlement du Québec de même qu'au Parlement canadien et de même, maintenant, qu'au Parlement du Nouveau-Brunswick, au Parlement du Manitoba également et j'espère éventuellement aux Parlements d'autres provinces.

M. le Président, ce sont les raisons qui justifient la présentation de cet amendement. J'ose souhaiter que le gouvernement veuille se montrer compréhensif parce que, sans détruire du tout les buts qu'il poursuit, cela permettrait de situer notre intervention législative à un niveau plus élevé, plus digne de la fonction qu'il nous est demandé de remplir.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le député de Sainte-Marie. Est-ce que, M. le ministre...

M. Bérubé: J'aimerais entendre les arguments du député de Sainte-Marie. Est-ce que le député de Sainte-Marie entend...

M. Bisaillon: Le député de Sainte-Marie a déjà tenté à trois reprises, M. le Président, de convaincre le ministre. C'est maintenant au tour du ministre de faire son lit.

M. Bérubé: Alors, M. le Président, j'ai écouté le député d'Argenteuil. Il existe une règle en législation à savoir que le législateur n'est pas censé parler pour ne rien dire. Hélas! J'ai dû conclure que le député d'Argenteuil n'était pas un bon législateur. Lorsque je prends l'amendement qu'il nous soumet, on constate que cet amendement ne dit absolument rien. Il dit: "Cette loi ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance que toute forme de document sessionnel - n'importe quelle forme de document sessionnel - doive toujours être adopté, pris ou déposé en français ou en anglais". Ceci, tel que rédigé, implique qu'il pourrait y avoir certains documents sessionnels qui pourraient ne pas être ou être déposés dans les deux langues. Il ne dit pas lesquels. Par conséquent, il ne dit rien quant aux documents sessionnels qui ont été déposés lors du dépôt de la loi 70 et de la loi 105. En effet, les exceptions que cet alinéa implique pourraient très bien recouvrir lesdits documents. Par conséquent, l'amendement n'est absolument pas explicite quant aux documents que l'alinéa entend couvrir. Or, le législateur n'étant pas censé parler pour ne rien dire, il faut donc conclure que cet amendement légifère pour ne rien légiférer.

Le député d'Argenteuil, M. le Président, aurait pu rédiger son amendement de la façon suivante: Que cette loi ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance qu'un document sessionnel doit être déposé autrement que de la façon dont les documents l'ont été ou encore dans les deux langues. Il aurait pu présenter son amendement, c'est-à-dire simplement énoncer de façon générale que les documents sessionnels n'ont pas à être déposés dans les deux langues pour couvrir l'ensemble des documents sessionnels, donc en même temps, si on couvre l'ensemble des documents, on couvre ceux de la loi 70 ou de la loi 105.

Il a choisi de ne pas le faire justement parce qu'il voulait rédiger un alinéa permettant à l'Assemblée nationale de dicter - c'est ce que j'ai eu l'occasion de répondre à la commission cet après-midi - l'interprétation que les cours doivent donner aux lois. En effet, c'est un alinéa tel que l'Assemblée nationale pourrait sembler dicter aux cours ce que j'ai expliqué cet après-midi, mais de toute évidence, le député d'Argenteuil, dans son intervention, a fait mine totalement d'ignorer l'intervention que j'avais faite cet après-midi, en n'écoutant aucun des arguments qui, effectivement, répondaient à ses interrogations. Ce qui démontre assez clairement que l'objectif poursuivi par le député d'Argenteuil est davantage un objectif politique qu'un objectif

législatif comme tel. Je pense que c'est son droit le plus strict. Toutefois, dans ces conditions il n'y a pas lieu, à mon avis, d'entrer dans ce jeu-là.

Ce que le député d'Argenteuil fait, essentiellement, c'est ceci: du simple fait que l'Assemblée nationale, en vue d'assurer, de garantir qu'il ne puisse pas y avoir de questions autour de la validité de certains documents, adopte une loi, il n'est pas de l'intention en tout cas de la partie gouvernementale de reconnaître que des documents sessionnels du type de ceux qui ont été déposés lors de la loi 70 et de la loi 105 devaient être déposés dans les deux langues, ce n'est pas dans l'intention du gouvernement. Si les cours en statuent, elles en statueront après analyse objective de l'information. (20 h 30)

Le jour où l'Assemblée nationale adopte une loi correctrice, elle indique au pouvoir judiciaire essentiellement qu'elle reconnaît son erreur. Donc, le juge peut utiliser l'intervention de l'Assemblée nationale pour décider de l'invalidité des lois antérieures. Or, ceci serait dicter au juge une interprétation à donner aux lois. Ce serait effectivement donner une indication au juge qu'il doit interpréter la loi comme étant inconstitutionnelle. Cet alinéa qui a été introduit dans l'article 1 est à cet égard beaucoup plus sécuritaire, car ce qu'il dit essentiellement au pouvoir judiciaire, c'est: Vous devez juger les lois 70 et 105 sans égard à la loi 8 sur la base de l'évidence juridique qui vous est fournie en vertu des lois existantes au Québec et non en alléguant l'existence de la loi 8.

Donc, l'intervention du député d'Argenteuil vise carrément à influencer les pouvoirs judiciaires et m'apparaît une intervention directe du pouvoir législatif dans l'autonomie de la cour. Par conséquent, elle m'apparaît tout à fait non fondée et doit être rejetée, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Juste une demi-minute. M. le Président, j'aimerais plaider que cet amendement n'est pas recevable. La recevabilité, c'est de cela qu'on traite?

Le Président (M. Laplante): Non. La recevabilité est admise.

M. Blais: D'accord. Je voudrais attirer votre attention...

M. Bérubé: Mais vous pourriez dire qu'il n'est pas bon!

M. Blais: ...non, mais je vais changer ma phraséologie de sorte que l'amendement...

Supposons qu'on vote en faveur de celui-ci, on ne pourrait pas l'inscrire dans la loi parce qu'on demande que ce soit écrit en français et en anglais. D'abord, ce document n'est pas écrit en français...

M. Bérubé: ...en anglais.

M. Blais: Que toute forme de document sessionnel...

M. Bérubé: M. le Président, c'est un scandale!

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blais: ...doive toujours être adoptée...

M. Bérubé: S'agit-il d'un document sessionnel couvert?

Le Président (M. Laplante): Pour la bonne compréhension de tout le monde.

M. Blais: Ce n'est pas une forme qui est déposée en Chambre, c'est un document sous une certaine forme. Pour le prouver, l'adjectif s'accorde non pas avec le sujet du verbe, parce qu'on l'a mis au masculin; autrement, on l'aurait mis au féminin. Il faudrait changer la phraséologie si jamais on voulait que ce texte passe dans la loi.

C'est un document quelle que soit sa forme ou de quelque forme que ce soit, je ne sais pas. On ne peut pas déposer une forme de document sessionnel, on dépose un document sous une forme quelconque.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je dois vous indiquer que j'ai davantage apprécié la finale de l'intervention du ministre, même si je ne suis pas d'accord avec les propos qu'il a tenus. Je les trouvais plus cohérents avec le fond de l'article même et de l'amendement, plutôt que son début d'intervention. Je tiendrais à rappeler au ministre que, si on est ici ce soir à étudier un projet de loi 8, c'est que probablement les devoirs ont été mal faits à 70 et à 105. En conséquence, je pense que le ministre serait mal placé de traiter qui que ce soit dans cette commission de mauvais législateur. Il me semble qu'il faudrait qu'il se rappelle qu'on est ici à corriger ou à tenter de corriger le mieux possible les erreurs qu'il a lui-même commises et qu'il a forcées dans la gorge de tous les parlementaires au moment où il s'est imposé à l'Assemblée nationale.

Je souligne que l'argumentation qu'a utilisée le ministre pour rejeter

l'amendement proposé par le député d'Argenteuil est quasi identique à l'argumentation que nous utilisions pour souhaiter voir la disparition du deuxième alinéa. C'est en tous points identique, ou à peu près. Il dit: Dans le fond, on ne peut pas accepter l'amendement du député d'Argenteuil parce que cela serait porter un jugement sur les tribunaux. Il me semble que c'est effectivement ce que nous argumentions quand nous disions que le deuxième alinéa de l'article 1 tel qu'il est rédigé se présente non seulement comme défaisant ce que dit l'article 1, mais en même temps portant un jugement sur les tribunaux de première instance qui se sont prononcés sur la question. En conséquence, M. le Président, il me semble que, si on est d'accord sur l'argumentation, il faudrait peut-être qu'on s'entende sur la formule. On n'aurait pas d'objection à retirer tout simplement le deuxième alinéa, ce qui pourrait correspondre à l'argumentation que le ministre a mise de l'avant lui-même, en voulant détruire l'amendement présenté pas le député d'Argenteuil.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Tout d'abord, je suis content que le député de Sainte-Marie ait répondu à la toute première partie de l'intervention du ministre. Quand on a fait un travail aussi piteux que celui qu'a parrainé le président du Conseil du trésor, le moins qu'on pourrait manifester c'est une plus grande humilité devant les idées qui viennent de gens de bonne volonté qui essaient d'améliorer un texte de loi. On ne vient pas prétendre régenter la qualité de la part de chacun au travail législatif, on essaie de voir s'il y a quelque chose de bon. Si on le refuse, on peut au moins se dispenser de porter des jugements dessus, de peur que cela ne nous retombe sur le nez comme c'est le cas actuellement.

Deuxièmement, je rappelle encore au ministre la distinction fondamentale qu'on essaie de faire entre ce cas-ci et le cas des documents sessionnels en général. Dans ce cas-ci, j'ai la conviction - je ne veux pas parler pour tout le monde, chacun parlera pour lui-même - que le gouvernement a erré en présentant ses documents sessionnels seulement en français parce qu'il agissait à l'encontre des dispositions de l'article 133 de la constitution canadienne, laquelle - je le rappelle au ministre qui semble l'ignorer -est maintenant disponible et officielle dans les deux langues. Il pourra faire des petits actes de théâtre en citant des extraits en anglais de l'article 133. Il sait très bien comme moi que l'article 133 est aussi valide en français qu'en anglais depuis déjà un bon bout de temps. Dans ce cas-ci, je dis au ministre qu'il est dans un dilemme qui est absolument simple: ou le gouvernement a eu raison de procéder comme il l'a fait avec les documents sessionnels qui sont incorporés dans la loi 105 et la loi 70 et s'il a eu raison - je vais le dire selon l'expression du président Reagan: "Let them stay the course" - qu'il maintienne l'attitude qu'il a tenue jusqu'à ce que les tribunaux en aient disposé autrement... Tu ne peux pas jouer sur les deux tableaux en même temps. Si vous avez eu tort, reconnaissez-le donc franchement et n'essayez pas de récupérer dans le deuxième paragraphe l'aveu d'erreur que vous faites dans le premier paragraphe. C'est cela qui nous fatigue dans la formulation qui est présentée par le gouvernement, un dilemme que n'importe quel citoyen de bonne volonté va comprendre facilement. Quand on a eu raison, on tient la ligne de conduite qu'on a tenue, même si cela doit entraîner des inconvénients. Il faut penser à la balance des inconvénients, c'est évident. On ne va pas jouer sur les deux tableaux, comme le fait le gouvernement. C'est un jeu d'enfant qu'on nous propose, un jeu d'enfant gâté, je dirais.

C'est le dilemme dans lequel vous êtes emprisonné du côté du gouvernement et vous voulez vous en sortir par de la casuistique, des raisonnements jésuistiques qui ne sont tout simplement pas acceptables. J'entendais - je ne sais pas lequel a parlé de cela tantôt - quelqu'un dire qu'avec l'amendement que nous proposons, nous voulons nous ingérer dans le processus judiciaire. C'est tout le contraire. C'est exactement le contraire que nous voulons faire et nous disons au gouvernement, depuis le début du débat, que nous ne tenons aucunement à ce que cette affaire aille plus loin devant les tribunaux, justement, parce que nous craignons qu'emporté par sa logique partisane, et je dirais son nationalisme étroit, le gouvernement n'aille, encore une fois, demander aux tribunaux supérieurs de nous donner plus que nous ne voulons. Nous ne tenons pas à avoir trop d'interprétations littérales de la part des tribunaux dans les domaines où une certaine marge de responsabilité, de discrétion et d'initiative nous est laissée.

Par son entêtement, comme il l'a montré déjà dans plusieurs autres cas, le gouvernement va nous amener encore une situation où on aura plus que ce qu'on voulait. On aurait pu disposer d'une marge plus grande. À un moment donné, s'il arrive que cette expression de "document sessionnel" soit interprétée de manière restrictive à un autre stade des procédures dans lesquelles semble vouloir s'obstiner le gouvernement, je pense que c'est le Québec, je pense que c'est la capacité législative du Québec qui pourrait être affectée. C'est à ces choses que nous pensons en proposant cet amendement. Je ferai cependant une

concession au ministre. Si l'alinéa 2 n'existait pas du tout, toute la force de l'alinéa 1 resterait; le but de la loi qui est très bien résumé dans le premier alinéa serait servi. Il n'y aurait aucun débat entre nous. Au cas où on voudrait nous soupçonner de vouloir favoriser indirectement une ingérence dans le processus judiciaire, je préviens le ministre qu'on pourra lui présenter un autre amendement tantôt qui dissipera ses doutes ou ses inquiétudes à ce sujet. Je ne voudrais pas être obligé de le faire. Je pense qu'on est capable de s'entendre autrement. Ce sont des points qui me sont inspirés par l'intervention du ministre et je les soumets en toute fermeté, en toute simplicité aussi; c'est le fond de ma pensée.

Le Président (M. Laplante): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas revenir sur les arguments qui ont été utilisés mais peut-être appuyer ce que dit le député d'Argenteuil en ce sens qu'il n'y a pas de gain à faire à multiplier les démarches judiciaires ou à rechercher indéfiniment des opinions des tribunaux sur l'interprétation de textes comme cela.

Quelqu'un me faisait la remarque et disait: Comment se fait-il que vous n'ayez pas pensé, au moment de la loi 105 ou même de la loi 110, vous qui pensiez à tous les arguments possibles, à l'argument de la bilinguisation ou enfin, de la production des textes dans les deux langues? Je pense que j'entendais le ministre dire avant le souper: Écoutez, il y a déjà eu d'autres textes qui n'ont jamais été adoptés, soit des règlements ou des décrets qui n'ont jamais été adoptés dans les deux langues, et on n'en a jamais entendu parler.

Je pense que tout ce processus dans lequel on semble maintenant continuellement embarqué est dû aux effets de la loi 101 quand, à ce moment, vous avez voulu soustraire à la constitution toute la question des textes législatifs dans les deux langues. C'est vraiment depuis ce moment qu'on est toujours enfargé - je pense que c'est peut-être le meilleur mot que je puisse trouver -dans cette continuelle contestation devant les tribunaux de la validité des lois parce qu'elles ne sont pas dans les deux langues ou devraient être dans les deux langues.

C'est vraiment parti, parce c'est vrai qu'avant cela il y avait des choses qui, comme le ministre le disait lui-même, traditionnellement se faisaient comme cela, les fonctionnaires fonctionnaient comme cela et c'était dans une langue; cela n'avait pas été nécessairement dans les deux langues en ce qui touchait des règlements adoptés par l'Assemblée nationale ou des décrets. C'est vraiment à partir de ces positions du gouver- nement que des gens ont contesté parce que, tant que les gens ne contestent pas une chose, c'est-à-dire que si une loi est adoptée par l'Assemblée nationale, elle reste et, dans ce sens, je crois que plus on multiplie les interprétations, plus on complique la vie de l'Assemblée nationale et l'interprétation des textes de lois.

En tout cas, je voulais seulement ajouter cela, parce que je pense que le gouvernement est largement responsable de ces multiples contestations de toutes sortes d'un grand nombre de lois qu'il a voulu faire voter, particulièrement durant la dernière année.

Le Président (M. Laplante): Merci. Est-ce que...

M. Bérubé: Alors moi, un seul point, M. le Président. Je n'ai pas eu de réponse du député d'Argenteuil. Je lui indiquais tantôt que s'il supprimait dans son amendement les mots "toute" et "toujours" de manière que l'amendement puisse se lire à peu près comme... Elle ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance. Qu'un document sessionnel doit être adopté, puis déposé en français et en anglais, j'aurais admis une telle formulation. La seule chose que j'aurais attendue, dans l'intervention du député d'Argenteuil, c'est un commentaire à cet effet, à savoir s'il envisageait un sous-amendement à son amendement, de telle sorte qu'on puisse le rédiger de cette façon.

M. Ryan: Est-ce que vous avez terminé?

M. Bérubé: Oui, oui.

M. Ryan: Je ne veux pas vous interrompre.

Le Président (M. Laplante): Non. Allez-y, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, au tout départ, je voudrais rappeler au ministre une demande que je lui avais faite avant l'ajournement du souper. Est-ce qu'il y aurait moyen que ses conseillers nous fassent parvenir une liste des documents sessionnels dont il a fait mention dans son intervention inaugurale aujourd'hui, les documents sessionnels qui auraient été annexés à des lois antérieurement? Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir la liste de ces documents?

M. Bérubé: Je ne peux vous donner une liste exhaustive de documents, de lois...

M. Ryan: Non, non, mais des exemples que vous avez mentionnés.

M. Bérubé: Des exemples?

M. Ryan: Je ne sais pas s'il y aurait moyen que vos services envoient chercher des copies de ces lois. Il serait bon qu'on les ait.

M. Bérubé: Par exemple, prenons le chapitre 68 du 23 octobre 1969. Vous avez l'article 2 qui se lit ainsi: "Le document sessionnel no 250 et toute modification apportée à l'entente qu'il reproduit par les parties à cette entente, ainsi que le document sessionnel no 251 déposés sur le bureau du secrétaire de l'Assemblée nationale le 23 octobre 1969 lient l'Association, les salariés et la Commission jusqu'au 1er juillet 1971." Vous avez un exemple de législation faisant référence à un document sessionnel déposé à l'Assemblée nationale. (20 h 45)

M. Ryan: Voulez-vous me rappeler la date de cette loi et la lire encore une fois?

M. Bérubé: Oui. Sanctionnée le 23 octobre 1969.

M. Ryan: Et de quel conflit s'agissait-il? Les policiers?

M. Bérubé: Chambly.

M. Ryan: Chambly, n'est-ce-pas?

M. Bérubé: La commission scolaire régionale de Chambly.

M. Ryan: II n'y a pas eu...

M. Bérubé: J'en ai une autre ici concernant l'industrie de la construction, sanctionnée le 8 août 1970, l'article 7. C'est un long article. Je vous...

M. Ryan: Non, ce n'est pas nécessaire. Ce n'est pas nécessaire. Non, non.

M. Bérubé: On dit tout simplement: "...sont aussi liés par les documents sessionnels nos 69 et 70 déposés sur le bureau du secrétaire de l'Assemblée nationale le 7 août 1970, qui font partie intégrante de cette ordonnance..."

M. Ryan: Très bien. Je pense que ce sont des... Si vous voulez me transmettre la liste par écrit, cela va m'intéresser parce que cela fera partie...

M. Bérubé: Je n'ai pas de liste. M. Ryan: Non?

M. Bérubé: On a simplement... Comme il s'agit d'une procédure assez courante...

M. Ryan: Pouvez-vous me les montrer?

M. Bérubé: ...on a retracé deux projets de loi pour vous illustrer le type de législation, par référence, auquel s'est adonné le Parlement depuis un certain nombre d'années. Je voulais également, simplement pour expliciter... Le député d'Argenteuil...

M. Ryan: Regardez, sur ce point-ci... Continuez. Je vous poserai la question. Continuez. Excusez-moi.

M. Bérubé: Oui, sur le deuxième point, le député d'Argenteuil a loué le gouvernement de ne pas avoir suivi une première orientation en vertu de laquelle il se serait fait donner par l'Assemblée nationale un mandat général de décret de manière à pouvoir, subséquemment, décréter sans contrôle par l'Assemblée législative du contenu de ces décrets. Or, M. le Président... D'ailleurs, le député d'Argenteuil a présenté cette hypothèse comme étant un abus de législation absolument éhonté auquel seul un parti politique sans scrupule pourrait s'adonner. Malheureusement, le passé parlementaire du Québec nous indique, par exemple, dans une loi - je pourrai regarder tantôt le titre - qui se lisait, à l'article 3: "Si le lieutenant-gouverneur en conseil est d'avis qu'une entente ne pourra intervenir entre deux parties habilitées à négocier et à agréer une convention collective, il détermine par décret...

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de... M. le ministre.

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Est-ce que le député pourrait citer la source, s'il vous plaît?

M. Bérubé: Oui, oui. Je vais vous la donner. C'est parce que...

M. Ryan: J'aimerais mieux l'avoir avant parce que cela permet de comprendre mieux parfois.

M. Bérubé: Oui, oui. Je vais vous donner la source. Je vais essayer de la retrouver tantôt. Alors, je vous dis simplement: "Si le lieutenant-gouverneur en conseil est d'avis qu'une entente ne pourra intervenir entre deux parties habilitées à négocier et à agréer une convention collective, il détermine par décret...

M. Bisaillon: Quelle source?

M. Bérubé: ...toutes ou certaines des conditions de travail des salariés." Voilà donc...

M. Bisaillon: Quelle source?

M. Bérubé: ...effectivement un processus législatif qui déshonore le parti politique qui se serait adonné à une telle... Elle a été sanctionnée le 21 avril 1972 et s'intitule: "Loi assurant la reprise des services dans le secteur public".

M. Bisaillon: ...? Une voix: Oui.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Est-ce que vous avez terminé vos remarques?

M. Bérubé: Oui, oui, oui.

M. Ryan: Je signalerai d'abord au ministre qu'il n'a pas établi la preuve que, dans le cas du chapitre 68 la mesure décrétant le retour au travail des enseignants de Chambly, le document sessionnel 250 avait été déposé seulement en français. On ne peut l'inférer seulement en lisant ceci, en tout cas.

M. Bérubé: Exact. Mais les services de recherche du Parti libéral, M. le Président, se feront un plaisir d'aller vérifier.

M. Ryan: Je signale seulement le défaut de la preuve, l'affirmation est plus faible que la preuve.

Mme Lavoie-Roux: C'est l'argumentation que vous...

M. Bérubé: ...d'argumentation plus complète.

M. Ryan: Deuxièmement, je souligne justement, à supposer qu'il avait été présenté seulement en français, que c'est un bon exemple de choses qui, quand on ne les fait pas régler par les tribunaux, nous laissent une marge plus grande d'action. Dans ce cas-ci, dans le dernier cas, l'abus était tellement grand de la part du gouvernement que les conseillers juridiques des syndicats ont cherché toutes sortes de moyens pour trouver ces lois invalides ou pour les faire déclarer invalides, et leurs yeux se sont ouverts sur cette faiblesse de la loi. Mais cela ne veut pas dire que ceci avait été établi comme étant d'une solidité constitutionnelle absolument inattaquable. Je pense qu'on va en convenir facilement.

Dans les cas dont le ministre a parlé, les cas où le gouvernement aurait décrété des conditions de travail, il est arrivé des cas, et je rappellerai au ministre que dans les cas dont j'ai eu connaissance - je pense que la députée de L'Acadie et le député de Sainte-Marie se souviendront comme moi de ces choses - de manière à peu près universelle, le gouvernement a décrété le point où on en était rendu dans les négociations plus quelques points particuliers sur lesquels il fallait imposer une solution. La solution imposée a toujours été le caractère particulier et exceptionnel par rapport à l'ensemble d'une convention ou à des conditions de travail dans un secteur donné tandis que, cette fois-ci, c'était le caractère total, le caractère entier de la mesure qui faisait vraiment inédit. Je tiens à le rappeler parce qu'il me semble que c'est conforme à l'histoire.

Troisièmement, le ministre a fait une ouverture au début de son intervention qui m'étonnait mais qui m'intéressait en même temps parce que cela contredisait un petit peu ce qu'il avait dit avant, mais ce n'est pas grave. Il a dit: Si le député d'Argenteuil était prêt à accepter un compromis quelconque, s'il était prêt à accepter qu'on dise, par exemple: Elle ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance qu'un document sessionnel... Je serais prêt à accepter cela, à la condition que le ministre fasse la moitié du chemin. Si le ministre est prêt à accepter qu'on continue, comme le proposait l'amendement que nous suggérions: ...doivent toujours être adoptés, pris ou déposés en français et en anglais..., ce serait acceptable.

M. Bérubé: Malheureusement, M. le Président...

M. Bisaillon: We will make a deal with you.

M. Bérubé: Malheureusement, M. le Président, justement, une des caractéristiques de l'amendement déposé par le député d'Argenteuil est qu'il y avait une redondance en déposant à la fois le mot "toute" et le mot "toujours" dans le même amendement, de telle sorte qu'il pouvait toujours reculer en abandonnant un des deux et cela donnait exactement le même amendement.

M. Bisaillon: Trop fort ne casse pas. M. Bérubé: Alors, M. le Président...

M. Bisaillon: Comme dirait le président du Conseil du trésor: Trop fort ne casse pas.

M. Bérubé: C'est exactement cela.

M. Bisaillon: On voit cela au premier et au deuxième paragraphes.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'amendement du député d'Argenteuil sera adopté?

M. Bisaillon: Adopté.

M. Ryan: Évidemment.

M. Bérubé: Non, M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Voulez-vous un...

M. Bérubé: Je comprends de l'intervention du député d'Argenteuil qu'il n'accepterait pas...

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, je vous interromps là. Je ne voudrais pas avoir de commentaire. Nous en sommes au vote. Est-ce que l'amendement sera rejeté en majorité ou si vous voulez avoir un vote nominal?

M. Bérubé: II est rejeté.

Le Président (M. Laplante): Rejeté.

Mme Lavoie-Roux: Non, non, un vote nominal.

Le Président (M. Laplante): Un vote nominal.

M. Ryan: C'est sur l'amendement que nous avons proposé. J'ai compris...

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Est-ce qu'un sous-amendement a été proposé en bonne et due forme?

Le Président (M. Laplante): Non, mais il proposera ensuite un autre amendement s'il veut modifier l'article. J'aurais accepté un sous-amendement, mais il ne semble pas que vous puissiez vous entendre là-dessus actuellement.

M. Ryan: Mais le ministre est libre d'en proposer un, s'il le veut.

M. Bisaillon: Pour un sous-amendement, habituellement, M. le Président, on convient...

Le Président (M. Laplante): Oui, mais personne n'en a annoncé. On a essayé d'avoir une entente mais je ne vois pas d'entente actuellement.

M. Bisaillon: M. le Président, vous avez bien raison. Je voudrais seulement souligner au ministre qu'un sous-amendement, normalement, vise à amender quelque chose qui existe déjà et qui est présenté par d'autres. Il est rare que quelqu'un qui présente un amendement présente en même temps un sous-amendement à l'amendement qu'il vient de présenter. Si le ministre voulait présenter un sous-amendement, il n'avait qu'à le faire lui-même.

Le Président (M. Laplante): II a dit non, dans l'intervention qu'il a faite au député d'Argenteuil. Je suis encore prêt à accepter, si...

M. Bérubé: Non. Vous avez appelé le vote. Tantôt, je pense que vous m'avez interrompu en faisant respecter...

Le Président (M. Laplante): D'accord. M. Biais (Terrebonne), pour ou contre?

M. Blais: Contre.

Le Président (M. Laplante): M.

Lafrenière (Ungava)? M. Fortier (Outremont)? Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Gagnon (Champlain)? M. Gauthier (Roberval)?

M. Gauthier: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. de

Bellefeuille (Deux-Montagnes)? M. Ryan (Argenteuil)?

M. Ryan: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Marquis (Matapédia)?

M. Marquis: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Contre.

Mme Lavoie-Roux: On va se faire battre.

Le Président (M. Laplante): Contre: 4; Pour: 2. La motion est rejetée.

M. Bérubé: L'Opposition ne résiste pas à l'analyse.

M. Bisaillon: II est dommage, M. le Président, que je n'aie pas été membre et que je n'aie pas eu le droit de vote, car j'aurais pu voter favorablement à l'amendement.

Le Président (M. Laplante): II y a seulement une chose. Je pense que cela

m'aurait causé beaucoup d'embêtement si l'honorable Opposition avait dit d'inscrire comme membre le député de Sainte-Marie. Il aurait fallu que vous preniez la place d'un député libéral.

M. Bisaillon: Ce que j'aurais refusé, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Je ne sais pas ce que j'aurais pu faire à ce moment-là.

M. Bisaillon: Ce que j'aurais refusé, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Pardon? M. Ryan: ...aurait pu le proposer?

Le Président (M. Laplante): Oui. Je ne sais pas ce que cela ferait dans les règles. Je serais obligé de suspendre pour vrai afin de savoir si on peut.

M. Bisaillon: Ne vous posez pas trop de problème, M. le Président, car le problème ne se pose pas.

M. Ryan: Les règles... On enverra cela à la Cour suprême.

Le Président (M. Laplante): En Cour suprême. Maintenant, est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Ryan: Sur division.

M. Bérubé: Peut-être que dans le nouveau nationalisme qui va jaillir au sein du Parti libéral...

M. Bisaillon: Veuillez rappeler le ministre à l'ordre, M. le Président.

Application aux poursuites pénales

Le Président (M. Laplante): Maintenant, article 2. M. le ministre, j'espère que vous suivez article par article. Article 2? M. le ministre.

M. Bérubé: L'article 2, M. le Président, est très clair. S'il s'agit d'une loi assurant la validité des conventions collectives, advenant un jugement défavorable de la cour, sans préjuger cependant de l'invalidité de ces lois, il demeure qu'il n'est pas dans l'intention du gouvernement de proposer que les infractions qui auraient pu être commises avant l'adoption de la présente loi soient couvertes par la présente loi. Par conséquent, il ne s'agit pas d'appliquer rétroactivement des sanctions pénales. Cet article est donc explicite. Il dit tout simplement que la présente loi ne s'applique pas à une poursuite pénale concernant une infraction au Code du travail commise avant la date de la sanction ou de l'entrée en vigueur.

La présente loi n'aurait donc aucun effet sur les poursuites pénales en cour et c'est aux tribunaux qu'il reviendra de décider si les lois, décrets et documents sessionnels sur lesquels elle s'appuie sont valides.

Le Président (M. Laplante): Des commentaires, madame et messieurs les députés, sur l'article 2?

M. Ryan: Je reprends la question que je posais plus tôt. J'aimerais avoir une réponse aussi précise que possible sur cela. Des poursuites ont effectivement été instituées devant les tribunaux à la suite des grèves de janvier dernier. Est-ce qu'on pourrait avoir des renseignements sur l'état de ces poursuites? Où en est-on? Combien de personnes ont été poursuivies devant les tribunaux en raison de manquements présumés au Code du travail, à la suite de l'adoption des lois 70 et surtout 105?

M. Bérubé: Je n'ai malheureusement pas l'information, M. le Président.

M. Ryan: Vous n'avez aucune information à communiquer là-dessus?

M. Bérubé: Je n'en ai pas.

M. Ryan: Vous étiez bien préparé. Magnifique!

M. Bérubé: M. le Président, le projet de loi ne porte pas sur les poursuites pénales. L'état, le nombre et la nature des poursuites qui sont présentement intentées, cela relève directement du ministère de la Justice. Je me suis nullement opposé à ce que le député d'Argenteuil adresse toutes les questions qu'il voudra au ministre de la Justice.

M. Ryan: Mais, M. le Président, le ministre nous a dit plus tôt qu'il était accompagné d'un officier supérieur du ministère de la Justice, M. Sormany. Est-ce qu'il pourrait se tourner vers son voisin et lui demander s'il le sait, lui?

Le Président (M. Laplante): C'est délicat.

M. Bérubé: Les conseillers qui m'entourent me soulignent qu'ils n'ont pas l'information.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez d'autres commentaires sur l'article 2, M. le député d'Argenteuil?

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je vais sûrement formuler au

moins un commentaire sur cela. Je trouve pour le moins étonnant qu'on nous présente un projet de loi faisant directement allusion aux poursuites pénales ayant pu être instituées consécutivement à une grève qui a découlé directement de l'adoption de la loi 105 et qu'on n'ait aucun renseignement de faits à nous soumettre au moment où on demande d'adopter un article qui est très important dans ce projet de loi.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que M. le ministre donne une réponse au député d'Argenteuil?

M. Bérubé: M. le Président, le député d'Argenteuil, je pense, peut s'étonner. Je ne lui nie pas le droit d'avoir recours à tous les effets oratoires qu'il jugera bon, néanmoins la réalité reste toujours la même. C'est que je n'ai pas l'information et ceux qui m'entourent n'ont pas l'information. Par conséquent, je ne peux la fournir.

Le Président (M. Laplante): Autre question, M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Je déplore profondément cette carence d'information et le peu d'empressement que l'on semble manifester du côté du gouvernement. Essayer de recueillir ces renseignements... Il me semble que tous les parlementaires, à peu près tous les ministres sont dans l'enceinte du Parlement à ce moment-ci. Je trouve qu'il aurait été important qu'on sache où on en est dans cette affaire, pas seulement d'un point de vue quantitatif, mais à quel stade on en est dans les procédures. Est-ce qu'il y a eu des jugements de rendus dans certains cas? Est-ce qu'il y a des causes qui ont commencé à être instruites ou non? On n'a aucun de ces renseignements et c'est très important qu'on ait quand même ces renseignements pour avoir une idée de l'ampleur du problème qu'on nous demande de trancher dans deux lignes sibyllines.

M. le Président, si vous me permettez de continuer...

Le Président (M. Laplante): Oui, parce qu'il y avait une chanson de commencée.

M. Ryan: Pardon?

Le Président (M. Laplante): "Bien voyons donc..." Il y avait une chanson de commencée. (21 heures)

M. Ryan: Je voudrais m'assurer de ce que veut dire cette disposition du projet de loi. J'ai cru comprendre qu'il y en avait des centaines. On est mieux renseigné en lisant les journaux qu'en écoutant le ministre. J'ai cru comprendre qu'il y avait des centaines de personnes du monde de l'enseignement qui avaient été traduites devant les tribunaux ou avisées qu'elles le seraient à la suite des grèves de janvier et février dernier.

À supposer que les tribunaux supérieurs confirmeraient les conclusions auxquelles en sont déjà venus trois magistrats - deux de la Cour provinciale et le juge en chef de la Cour supérieure - est-ce que cet article-ci, comme il est formulé, signifie que toutes ces procédures tomberaient, à toutes fins utiles, qu'il n'en serait plus question?

M. Bérubé: Oui, forcément.

M. Ryan: Maintenant, la décision ne sera prise qu'au terme de tout le processus, c'est-à-dire peut-être dans trois ou quatre ans, si je comprends bien l'intention du gouvernement de vouloir aller jusqu'au bout de ceci. Cela veut dire que le gouvernement... Et c'est là le gros avantage, M. le Président, de l'argument que je vous faisais valoir en faveur d'une décision claire et nette qui dirait: On ne s'entête pas dans notre affaire et on pense au bien général, au bien pratique de la population. Si le gouvernement décidait maintenant de dire: Ces poursuites, on a notre petit cas et on va l'expérimenter, dans l'avenir, dans des circonstances moins coûteuses pour la communauté, à ce moment, voici un problème qui serait réglé dès maintenant. Tandis que, par suite de l'obstination du gouvernement, plan constitutionnel, obstination dont il devrait se méfier à la lumière des résultats plutôt lamentables qu'il a obtenus jusqu'à maintenant dans ce genre de cause dans le passé, c'est une épée de Damoclès qui va rester suspendue au-dessus de la tête des syndiqués qui étaient poursuivis, au-dessus de la tête de leur syndicat également, qui va constituer un facteur qui conditionne sérieusement l'exercice de leur liberté fondamentale, l'exercice de leur liberté syndicale dans l'avenir.

Imaginez qu'un conflit se présente dans un an; je ne sais pas ce qui va arriver mais il est question d'abroger la loi 111. Le ministre s'est prononcé en faveur de l'abrogation de la loi 111 à un moment donné, à la fin du débat de deuxième lecture. L'Assemblée nationale, à l'unanimité, a adopté une mesure demandant au gouvernement d'agir dans les plus brefs délais afin d'obtenir l'abrogation de la loi 111. Il pourra arriver qu'un conflit se présente dans un an mais les gens devront prendre une décision sur ce conflit et il y aura toujours cette épée de Damoclès qui va rester suspendue, qui va pourrir l'atmosphère et empoisonner les relations pendant une période... Je ne sais pas combien cela peut prendre de temps mais avant que ce soit terminé en Cour suprême, j'ai bien l'impression qu'il faut mettre au moins deux, trois ou quatre ans.

Est-ce que c'est ce que le gouvernement vise comme effet avec ceci? Je voudrais m'en assurer bien clairement.

M. Bérubé: II est clair que les poursuites sont suspendues tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas de jugement définitif quant à la validité des lois 70 et 105 et que, par conséquent, ce que craint le député d'Argenteuil - je comprends cependant le sens de son intervention - m'apparaît néanmoins un peu immatériel au sens où si les lois sont jugées constitutionnelles, il est normal que des citoyens ayant violé la loi soient poursuivis, tel que cela est normal. On ne doit pas inciter nos concitoyens à violer les lois et si nos lois sont jugées valides par la Cour suprême, à ce moment les poursuites devront s'exercer.

Si, d'autre part, la loi n'est pas jugée valide, toutes les poursuites tombent et, par conséquent, il n'y a personne de pénalisé. Donc, ce que le député d'Argenteuil appelle "l'épée de Damoclès", c'est l'épée de la justice. En effet, cette épée ne pourra tomber sur la tête des gens que si ces lois sont bel et bien constitutionnelles et cela m'apparaît normal que des citoyens qui violeraient les lois et seraient condamnés par les cours, que ces citoyens, à ce moment, soient soumis aux sanctions que les lois prévoient. Cela ne m'étonne pas, c'est un processus normal.

M. Ryan: Je vais poser une autre question au ministre, M. le Président: Est-ce que le ministre est en mesure de dire la ligne de conduite que le gouvernement entend suivre au sujet des poursuites intentées en vertu de la loi 111? Je vais lui dire pourquoi je lui pose la question. C'est parce que, aujourd'hui même, j'ai eu l'occasion de causer avec un juriste de grande autorité, qui a une expérience considérable des conflits de travail, qui n'est impliqué dans aucune des causes dont nous avons discuté implicitement tantôt et qui me disait qu'à la lumière du jugement du juge Deschênes il se demandait très sérieusement si le projet de loi 111 n'était pas aussi entaché d'un vice d'inconstitutionnalité. Il n'y a pas de procédures qui ont été instituées à ce sujet pour l'instant, mais ce serait assez curieux, à supposer que le gouvernement, vu le hiatus qui va se produire dans les poursuites instituées en vertu de la loi 105, allait continuer les poursuites instituées en vertu de la loi 111 et que, lors de l'instruction d'une cause, des objections d'ordre constitutionnel s'élevaient contre la loi 111. On se trouverait pris avec un certain nombre de décisions qui auraient été rendues dans certains endroits et à un moment donné il y aurait une invalidation de cette loi-là. Est-ce que le ministre est prêt à considérer la possibilité de mettre également entre parenthèses, tant que l'aspect constitutionnel n'aura pas été complètement nettoyé, les procédures qui ont pu être instituées à la suite de l'adoption de la loi 111?

M. Bérubé: C'est une question qui relève directement du procureur, donc, du ministre de la Justice, et qui ne relève pas du président du Conseil du trésor. Je pense qu'il faudrait adresser la question au ministre de la Justice.

M. Ryan: Est-ce que le président du Conseil du trésor, qui a la lourde responsabilité de veiller aux bonnes relations entre le gouvernement et ses salariés syndiqués, a eu au moins l'occasion d'en causer avec le ministre de la Justice ou s'il est complètement ignorant de ces choses, encore une fois?

M. Bérubé: Le président du Conseil du trésor, pour tout dire, M. le Président, est appelé, par la nature même de ses fonctions, à intervenir dans les faits et gestes, la vie quotidienne d'à peu près tous les ministères du gouvernement. Il a développé une certaine sagesse avec le temps qui l'amène à se mêler de ses affaires.

M. Ryan: Donc, il confesse ignorance?

M. Bérubé: II n'y a aucune confession d'ignorance. Il y a une affirmation très claire de me mêler de mes affaires; en d'autres termes, je n'interviens pas dans les dossiers de mes collègues et ne les commente jamais publiquement.

M. Ryan: Alors, vous n'avez rien à dire sur la loi 111.

M. Bérubé: Cela est exact...

M. Ryan: De la part du gouvernement. De notre côté, nous avons beaucoup à dire...

M. Bérubé: ...de la part du président du Conseil du trésor assis à cette table, il n'y a rien à dire, effectivement.

M. Ryan: Pas d'information à communiquer, aucune connaissance des intentions du gouvernement à ce sujet?

M. Bérubé: Là, il y a une différence. Il pourrait y avoir connaissance des intentions du gouvernement, mais il pourrait n'y avoir rien à dire.

M. Ryan: Vous venez de dire que vous ne le saviez pas, que vous n'en aviez pas parlé avec le ministre de la Justice. C'est bien beau de faire de la casuistique, mais... Alors, on n'a pas beaucoup d'information sur

cet article-là, comme vous pouvez le constater. Je ne sais pas s'il y a autre chose à ajouter à ce sujet. Encore une fois, je déplore... Le seul argument que j'ai entendu sur les lèvres du ministre a été que ceux qui ont violé la loi, qu'ils gardent cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête, c'est le sort qu'ils ont justement encouru, en somme. Je voudrais lui rappeler à ce sujet-là qu'il est arrivé des situations dans le passé beaucoup plus graves que celle-ci où des travailleurs syndiqués, grâce aux bonnes relations qu'ils avaient avec le gouvernement, ont pu être l'objet d'une considération plus humaine et plus compréhensive que celle dont on a entendu parler. Personnellement, j'ai souvent émis l'opinion - et je la formule de nouveau sans la moindre hésitation - que les manquements à la loi qui surviennent à l'occasion ou autour d'un conflit de travail sont des manquements à la loi mais ne sont pas exactement de la même nature que d'autres. Je vous soumets d'autres exemples. Il m'a été donné de parler ces jours-ci du problème des enfants illégaux dans les écoles anglaises à Montréal. Pendant longtemps, le gouvernement a cherché refuge dans une attitude strictement légaliste. Je me rappelle un ministre de l'Éducation qui avait dit un jour: Aux yeux du gouvernement, ce sont des "non persons". Fort heureusement, ces "non persons" ont continué d'exister, ont continué de grandir, de se développer. Aujourd'hui, j'espère qu'on va en arriver à une attitude un peu plus humaine et plus compréhensive. J'ose espérer que dans ce cas-ci - et c'est la dernière chose que j'ai à dire sur cet article-ci - le gouvernement se souviendra de la dimension humaine du problème et qu'on trouvera un dénouement à ceci le plus tôt possible. Je rappelle encore une fois que la façon la plus efficace et la plus intelligente, à mon point de vue, de trouver un dénouement, ce serait que le gouvernement quitte son attitude d'entêtement en ce qui regarde la poursuite des contestations judiciaires qui sont en cours, quitte à réserver... Je ne lui demande pas d'abdiquer et de se mettre à genoux, je ne veux pas qu'on reprenne le vote qui a été pris. C'est une exhortation très ferme et très justifiée, je pense, que j'adresse au gouvernement. S'il décidait de régler ce problème, de le nettoyer une fois pour toutes, je crois qu'on réglerait un paquet de problèmes. Ce serait infiniment mieux pour tout le monde. Après la période d'extrêmes difficultés que nous avons connue depuis un an, je pense que ce serait un dénouement beaucoup plus intéressant, alors qu'avec cet article-ci on s'embarque dans une période d'indéfinition, d'incertitude et d'insécurité qui va se prolonger pendant plusieurs années et qui va aboutir, à mon point de vue... En fin de compte, vous savez comme moi, M. le Président, que, lorsque arrivera la décision des tribunaux, si jamais on se rend là, d'abord il y a tellement de changements qui peuvent survenir au cours des prochaines années; que cela ne connaîtra pas le dénouement que ces choses pourraient entraîner, soit une interprétation trop littérale.

Inutile de vous dire qu'en conséquence de tout cela, et surtout à cause de l'absence totale d'information à ce sujet et du peu de justification d'un prolongement de cette sanction morale qu'on fait peser sur des gens, je ne serai pas capable de voter pour cet article.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, avant de faire une intervention, j'aurais une question à poser au ministre responsable du projet de loi. Dans des réponses qu'il a données au député d'Argenteuil, le ministre a indiqué que si, par exemple, les jugements des cours de première instance étaient maintenus jusqu'en Cour suprême, la portée de l'article 2, tel qu'il est rédigé, ferait en sorte que les poursuites pénales qui auraient été intentées avant la date de mise en vigueur du projet de loi seraient caduques et devraient être abandonnées. Est-ce exact?

M. Bérubé: Oui.

M. Bisaillon: En termes de contenu, n'aurait-on pas aussi le même problème? Par exemple, en faisant les mêmes suppositions que le ministre a faites en fonction des poursuites pénales, qu'arriverait-il en termes de contenu? Si les conventions collectives, si les lois 70 et 105 étaient maintenues comme anticonstitutionnelles dans un jugement de la Cour suprême, je comprends que, là, on aurait une loi qui aurait corrigé à partir de la date de son adoption un certain nombre de choses. Il y aurait cependant un vide qui s'étalerait entre le 30 juin et la date de l'adoption de cette loi. Puisqu'il y en aurait un pour les poursuites juridiques, n'y en aurait-il pas un en termes de contenu?

M. Bérubé: Non, car la loi est très claire. J'essaie de retrouver l'article. Mais, de toute façon, elle remplace les documents sessionnels à la date où ceux-ci ont été déposés à l'Assemblée nationale. On fait comme si les documents déposés lors des lois 70 et 105 avaient été déposés dans les deux langues. Par conséquent, il est...

M. Bisaillon: Donc, vous rendez le contenu rétroactif.

M. Bérubé: Le contenu est rétroactif, oui.

M. Bisaillon: Alors, dans le fond, cette loi fait en sorte qu'on va voter rétroactivement un contenu comme si on l'avait fait correctement la première fois.

M. Bérubé: Oui, exactement comme cela a été fait dans le cas de la loi remédiatrice à la loi 101 où on a réadopté rétroactivement toutes les lois du Québec dans les deux langues de manière à les rendre conformes à la décision des tribunaux.

M. Bisaillon: M. le Président, je discuterai au moment où on arrivera à ces articles de l'ensemble de cette opération. Si on est d'accord pour ne pas le faire pour les poursuites pénales, je me demande ce qui peut nous justifier de le faire dans d'autres domaines. En tout cas, on y reviendra à ce moment-là. Je voudrais demander au ministre quelle est son évaluation. Le gouvernement va en appel sur le jugement Deschênes. Est-ce que, dans ces cas-là, il y a une procédure accélérée? Autrement dit, vers quelle date peut-on attendre un jugement de la Cour d'appel?

M. Bérubé: Je n'ai pas d'idée, M. le Président, mais on connaît les proverbes concernant la rapidité de la justice et, par conséquent, je ne me risquerai pas à faire une prévision. (21 h 15)

M. Bisaillon: M. le Président, je vais me risquer à faire une intervention sur l'article 2. L'article 2 fait en sorte que le gouvernement reconnaît que si un jugement d'une instance suprême confirmait les jugements de première instance, cela invaliderait les poursuites pénales et qu'en définitive les personnes qu'on a poursuivies supposément parce qu'elles étaient en état d'illégalité ne l'étaient pas finalement, parce que c'était le gouvernement lui-même qui l'était.

Je ne comprends pas qu'on puisse accepter que, pendant une certaine période de temps, il soit normal qu'on balaie des poursuites qui n'ont plus cours, qui n'ont plus lieu d'être, d'exister. Je comprends mal comment on peut le faire et comment on pourrait accepter de le faire à partir du moment de la votation de la loi 8.

Le gouvernement a fait un choix. Son choix a été de passer les lois 70 et 105 de la façon dont elles ont été votées. Il y a des contestations sur la façon dont les lois 70 et 105 ont été votées et le gouvernement, là encore, est obligé, jusqu'à un certain point, de suivre le processus judiciaire, de respecter le processus judiciaire et de contester les jugements de première instance.

Motion d'amendement

Dans les circonstances, M. le Président, je serais tenté d'apporter un amendement qui se lirait comme suit et qui est sûrement recevable, puisqu'il s'agit de modifier une date. Mon amendement vise à enlever à l'article 2, à rayer dans les parenthèses les mots "insérer ici la date d'entrée en vigueur du projet de loi 8" et à remplacer le tout par "au 30 juin 1985". Je pense, M. le Président, qu'on peut trouver raisonnable de penser qu'un jugement de la Cour d'appel ou de la Cour suprême pourrait arriver dans le délai du 30 juin 1985. À partir de ce moment, toute poursuite pénale...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Marie, est-ce qu'on peut en juger la recevabilité avant de commencer à entrer dans...

M. Bisaillon: Bien sûr, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Je pense que vous allez être content, vous allez être fier. La justice veut que votre motion soit recevable.

M. Bisaillon: M. le Président, c'est assurément une motion recevable.

M. Bérubé: M. le Président...

Une voix: Allez-vous rendre la justice, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): Si vous voulez que j'explique la recevabilité, je peux le faire. C'est qu'elle ne détruit pas l'article 2 et elle ne va pas contre les notes explicatives. C'est la grande différence avec l'article 1, lorsqu'on oublie les notes explicatives. C'est que vous donnez une extension dans le temps sur l'application de l'article 2, qui est tout à fait normale et qui est une des meilleures motions.

M. Bisaillon: Quand vous dites, M. le Président, que c'est tout à fait normal, vous vous prononcez aussi sur le contenu?

Le Président (M. Laplante): Non, pas du tout. Allez, sur votre...

M. Bisaillon: M. le Président, mon argumentation, finalement, à l'appui de cette motion d'amendement, c'est d'indiquer que, comme le lit est fait, il faut s'y coucher et qu'il faut donc attendre à une date que je fixe au 30 juin 1985, parce qu'il me semble probable qu'on aura à ce moment-là des jugements d'instances supérieures qui confirmeront ou infirmeront des jugements d'instances inférieures et qui, à ce moment-là, nous permettront d'être placés devant une situation claire.

Si le jugement d'une Cour suprême, par exemple, infirmait les jugements de première

instance, l'article va s'appliquer tel qu'il est là, c'est-à-dire que les poursuites pénales qui ont déjà été entreprises continueront. Si le jugement confirmait les jugements de première instance, les poursuites pénales seraient caduques dans tous les cas.

Pourquoi ferait-on des distinctions entre des citoyens placés sur un même pied et placés devant les mêmes lois 70 et 105 finalement? Il y en aurait qui auraient été privilégiés par le fait, et c'est un peu absurde, qui ont été accusés les premiers alors que les autres pourraient éventuellement être rattrapés par la main de fer du président du Conseil du trésor. Il me semble qu'en repoussant l'échéance à une date normale, probable, comme étant raisonnable, pour obtenir un jugement de la Cour suprême, on aurait là toutes les garanties pour les personnes qui sont concernées.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil, des commentaires?

M. Ryan: Je voudrais demander des explications au député de Sainte-Marie. J'ai peur de ne pas avoir bien saisi la portée de l'amendement qu'il propose.

Le texte de l'article 2, comme je le comprends, stipule que la loi 8, si elle est adoptée, ne s'appliquera pas à une poursuite pénale concernant une infraction au Code du travail commise avant le..., soit le moment de l'adoption du projet de loi no 8. Il faudrait qu'il nous explique. Cela va jusque là, justement, parce que dans l'hypothèse la moins favorable, je dirais, pour le gouvernement, la période d'inconstitutionnalité présumée prendrait fin avec l'adoption de la loi 8. Par conséquent, comme la loi aurait été présumée invalide du moment de son adoption jusqu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi 8, les offenses qui auraient été imputées à des gens pendant ce temps-là tomberaient parce que la loi était invalide. J'essaie de comprendre le meilleur sens du terme car, aujourd'hui, le gouvernement nous invite à légiférer rétroactivement quant à l'effet positif des lois 70 et 105. Cependant, il dit qu'on ne veut pas légiférer rétroactivement quant à l'aspect pénal.

À partir du moment de l'entrée en vigueur de la loi 8, je ne crois pas... Il y a un problème avec la loi 111, cependant, que j'aimerais que vous m'expliquiez comme il faut, parce que cette loi 111 vient s'ingérer là-dedans et elle est en vigueur depuis le 17 février. Il faudrait que vous nous expliquiez cela clairement. Ce que je comprends c'est que, une fois adopté le projet de loi no 8 adopté, tout le monde est sur un pied d'égalité, tout le monde y compris ceux qui auraient fait des manquements à la loi entre le 1er janvier et le 1er juin, disons, ou le 1er juillet, tout le monde tombe sur un pied d'égalité à ce moment-là parce qu'on entre dans la constitutionnalité.

Si vous disiez que la présente loi ne s'applique pas à une poursuite pénale concernant l'infraction au Code du travail commise jusqu'à la fin de décembre 1985, cela veut dire que vous accordez l'impunité complète à n'importe qui qui pourrait faire une grève illégale ou n'importe quoi d'ici décembre 1985. Je serais plutôt porté à demander, pour commencer, qu'on se débarrasse de la loi 111 et qu'on tombe tous sous le Code du travail ordinaire.

M. Bérubé: C'est l'anarchie.

M. Ryan: Je ne sais pas, mais j'essaie de voir comment tout cela peut s'agencer et j'ai de la difficulté.

M. Bisaillon: M. le Président, je comprends...

Le Président (M. Laplante): Je voudrais dire une chose avant que vous amorciez la discussion. Je n'avais pas à entrer là-dedans mais tel que l'amendement du député de Sainte-Marie est présenté, il retarde, en somme, parce qu'il ajoute la date d'entrée en vigueur du projet de loi, l'entrée en vigueur du projet de loi en 1985. Ce sont les mots qu'il a ajoutés.

M. Ryan: Non. Je pense bien que le président du Conseil du trésor va vous sauter à la figure, si vous interprétez cela comme cela.

M. Bisaillon: Ah oui!

M. Ryan: II va demander d'ajouter un autre article à la fin, en disant que cela entre en vigueur à minuit, ce soir. Donnez-nous une chance!

M. Bisaillon: Mais il serait préférable, effectivement, M. le Président...

M. Bérubé: M. le Président, il s'agit d'une affirmation gratuite, celle disant que je vous sauterais à la figure. Tout le monde se connaît et j'ai un bon caractère et on sait que jamais je ne sauterais à la figure d'un président de l'Assemblée nationale, fût-il libéral, M. le Président.

M. Ryan: M. le Président, je veux seulement m'excuser. Je pose des questions au député de Sainte-Marie. S'il voulait expliquer davantage le sens de l'amendement qu'il propose, peut-être réussirais-je à mieux le comprendre.

M. Bisaillon: D'accord.

M. Ryan: Ce n'est pas que je le

rejette, mais j'essaie de le comprendre. Je lui ai fait part d'un certain nombre de subtilités.

M. Bisaillon: M. le Président, je comprends l'argumentation du député d'Argenteuil et je suis d'accord aussi. Dans le sens de cette argumentation, il est clair que mon amendement n'a pas de sens. Avant, j'avais posé des questions au ministre et il m'a répondu en termes de contenu. Je reliais cela aussi au contenu puisque c'est par le contenu que des infractions au Code du travail vont être commises. C'est par la non-application ou le non-respect du contenu que des infractions au Code du travail seront possibles. Les infractions au Code du travail ne sont pas uniquement en termes de grève, elles peuvent être aussi en termes de non-respect d'une convention collective ou d'une clause de convention collective.

Or, comme vous m'avez répondu que les conventions collectives ont été ramenées rétroactivement par la loi 8, il me semble qu'on aurait intérêt à repousser l'entrée en vigueur de cet aspect. Je comprends que, si on se limite uniquement aux poursuites pénales, vous avez raison. Dans, le fond, je pénalise plus les gens que je ne les avantage par mon amendement. Mais si on le relie au contenu, il me semble que ce n'est pas la même chose.

M. Ryan: Cela va préparer la voie si on adopte votre affaire...

M. Bisaillon: Quelles peuvent être les infractions au Code du travail, dans le fond, M. le Président? C'est cela...

M. Bérubé: M. le Président, je pense que l'article tel qu'il est là est on ne peut plus clair. S'il devait y avoir eu des infractions au Code du travail entre le 1er janvier, par exemple, et la date d'entrée en vigueur de la présente loi, on ne pourrait poursuivre en invoquant le Code du travail si les lois 70 et 105 sont jugées définitivement inconstitutionnelles. C'est le sens très clair de l'article 2. Il ne va pas au-delà des poursuites pénales pouvant être intentées à la suite d'une violation du Code du travail. Évidemment, si on reporte, suivant l'amendement du député de Sainte-Marie, à 1985 cette date limite pour commettre une infraction au Code du travail, cela voudrait dire que tout employé de l'État pourrait, jusqu'en 1985, violer le Code du travail et il ne serait pas passible des sanctions prévues au Code du travail. Ce serait instaurer en système l'anarchie. Évidemment, je savais que le député de Sainte-Marie était tenté...

M. Bisaillon: Ah! M. le Président, M. le Président.

M. Bérubé: ...par ce courant politique qui a eu cours dans les années 1880, je crois.

M. Bisaillon: À votre époque!

M. Bérubé: Mais, M. le Président, disons que je ne m'offusque pas du courant anarchique que veut représenter ici le député de Sainte-Marie, mais je n'y souscrirai pas et je ne pourrais donner mon accord à un tel amendement.

Retrait de la motion

M. Bisaillon: Avec les explications que j'ai eues, M. le Président, je serais porté à le retirer davantage qu'à le faire voter.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous retirez votre amendement? À l'article 2, l'amendement du député de Sainte-Marie est retiré.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: De nouveau sur l'article 2, il y a un point sur lequel le ministre n'a pas donné toutes les précisions nécessaires. On dit à l'article 2 que cela ne s'appliquerait pas à des poursuites pénales concernant une infraction au Code du travail commise avant l'entrée en vigueur du projet de loi 8. Cela soulève une question intéressante à propos de la loi 111. Normalement, si la loi 111 est constitutionnelle, cela veut dire que les sanctions qui étaient prévues par la loi 111 sont d'un autre ordre que celles du Code du travail.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Par conséquent, les gens qui auraient violé la loi 111 seraient traduits devant les tribunaux et jugés sous l'empire de la loi 111 pour des infractions allant après le 17 février 1983.

M. Bérubé: Oui, ils le pourraient.

M. Ryan: Ils ne peuvent pas relever de deux lois en même temps. S'ils relevaient de la...

M. Bérubé: Hélas! nous relevons de beaucoup plus que de deux lois en même temps.

M. Ryan: ...mais dans ce cas-ci je ne pense pas que vous puissiez encourir deux sortes de sanctions en même temps. On peut faire des farces, mais c'est sérieux cela. On ne peut pas relever des deux en même temps.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Ils relèvent soit de l'une, soit de l'autre des deux lois, dans ce cas-ci.

M. Bérubé: Ils peuvent relever des deux.

M. Ryan: On aura des explications, mais votre réponse péremptoire est loin d'être satisfaisante parce qu'elle ne comprend aucune explication raisonnable.

La question que je pose, il y a celle-ci d'abord. Deuxièmement, à supposer que la loi 111 soit contestée un jour - cela peut arriver au moment le plus imprévu - et qu'elle soit déclarée inconstitutionnelle elle aussi. Que faites-vous avec tout votre train de sanctions qu'elle comporte? Est-ce que cela veut dire que les gens tombent sous le coup du Code du travail ordinaire? Est-ce qu'il y avait une convention de travail qui existait à ce moment, à propos de la loi 111? Supposez qu'elle soit déclarée un jour inconstitutionnelle, la même difficulté va surgir.

M. Bérubé: La loi 111 ne fait pas référence à l'existence d'une convention collective quelconque. Elle intime.

M. Ryan: M. le Président, c'est assez formidablel

M. Bisaillon: Elle fait référence à des cas d'illégalité qui n'existeraient plus.

M. Bérubé: Non. Elle intime aux employés du secteur public de regagner leur travail. (21 h 30)

M. Bisaillon: Parce qu'ils étaient dans l'illégalité, présumément.

M. Ryan: À cause de la loi 105.

M. Bérubé: Absolument pas. La seule chose... La loi 111, à la section II, portant sur la continuité des services, dit tout simplement: "Un salarié qui était à l'emploi d'un employeur le 25 janvier 1983 doit, compte tenu de son horaire de travail, retourner au travail au plus tard le 17 février 1983." Elle ne fait qu'intimer à une personne de retourner à son travail. C'est tout.

M. Ryan: M. le Président.

M. Bérubé: Elle ne fixe pas de conditions de travail.

M. Ryan: M. le Président, si un travailleur a été poursuivi par le gouvernement sous l'empire de la loi 111 pour avoir violé une loi qui a été ensuite déclarée inconstitutionnelle, qu'arrive-t-il? C'est là le problème qu'on pose avec ceci. J'aimerais que ce problème soit approfondi. Je pense qu'on n'aura pas le temps de tout terminer ce soir. C'est un problème sérieux. Il m'a été posé par des personnes qui le traversent et moi-même je crois avoir une certaine expérience de ces choses. J'en ai suivi des causes depuis une vingtaine d'années, une et une autre. Ce sont des choses inédites, mais qui découlent presque fatalement du caractère tout à fait inédit. La politique a suivi le gouvernement dans ce domaine et je pose la question au ministre. Ce sont des gros problèmes.

M. Bérubé: M. le Président, je comprends le sens de l'intervention du député d'Argenteuil, qui dit: Voilà des citoyens qui ont choisi - hypothétiquement, cela s'entend - de ne pas retourner au travail, arguant qu'il n'existait pas de convention collective valide les couvrant, d'une part, et que, d'autre part, les lois 70 et 105 étant inconstitutionnelles, ils auraient acquis le droit de grève, un droit de grève légale et que, par conséquent, cette grève était légale. Parfait.

Mais ce que la loi 111 vient faire, c'est rendre cette grève illégale. En effet, à de nombreuses reprises dans le passé, on a connu des cas de grèves mais parfaitement légales, comme les grèves d'employés du secteur public, qui ont choisi de débrayer. Après un certain temps, l'Assemblée nationale a voté une loi de retour au travail. Elle a transformé une grève légale en grève illégale et, ce faisant, a fait en sorte que les grévistes ont violé des lois s'ils ne rentraient pas au travail.

La loi 111 est absolument identique dans sa nature. Nous n'avons pas à nous préoccuper de la nature de la grève qui pouvait avoir cours, à savoir si elle était légale ou illégale. Nous n'avons qu'à examiner la loi 111 à sa face même et à conclure que la loi 111 faisait de cette grève une grève illégale et, ce faisant, les sanctions applicables en vertu de la loi 111 doivent s'appliquer.

M. Bisaillon: M. le Président, l'argumentation du ministre est inattaquable.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

M. Bisaillon: II a parfaitement raison. La seule chose, c'est que le discours et tout le climat qui a justifié la loi 111 étaient justement le contraire, dont le sien, son discours. Je suis d'accord avec lui dans les faits, si on prend le texte de la loi 111 actuelle. Son interprétation est parfaitement justifiée et justifiable, sauf que la loi 111 n'a pas été votée pour ces raisons et ce n'est pas pour ces raisons qu'on a justifié les

dures pénalités qui l'accompagnaient. On a justement argué du côté gouvernemental que c'est parce qu'on était en situation illégale qu'on se devait d'être davantage dur parce que, déjà, selon le gouvernement, les travailleurs étaient dans l'illégalité, n'avaient déjà pas respecté une loi spéciale. On en était rendu à la deuxième.

M. Bérubé: M. le Président, le député de Sainte-Marie oublie un principe fondamental dans notre système législatif, c'est le principe de la présomption de validité des lois.

M. Bisaillon: Cela va avec la présomption d'innocence, je suppose.

M. Bérubé: Par conséquent, les lois étant présumées valides au moment de ces grèves, elles étaient donc des grèves illégales.

Le Président (M. Laplante): Article 2. Adopté sur division. Est-ce qu'il est adopté, M. le...

M. Ryan: Non. J'allais faire une autre remarque, M. le Président. J'allais faire une autre remarque.

Le Président (M. Laplante): Allez-y. Allez-y, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je crois qu'il est important de souligner le contexte dans lequel a été adoptée la loi 111. Elle a revêtu ce caractère de sévérité à cause justement du caractère d'illégalité qui entachait, selon le gouvernement, les actes faits par les enseignants grévistes avant l'adoption de la loi et si on a attaché une telle gravité à l'acte de grève qui a été fait par des milliers d'enseignants, c'est parce qu'on disait que cela violait la loi 105. C'est un défi à la loi. C'est comme cela que cela nous fut présenté à l'Assemblée nationale. Si la loi était inconstitutionnelle, le défi à la loi n'a pas du tout la même gravité et la gravité des sanctions devient drôlement compromise d'autant, du moins selon le jugement d'une personne qui regarde cela froidement. Je ne veux pas prolonger davantage le débat là-dessus. On a soulevé le problème avec assez de sérieux et je pense que c'est un problème sur lequel nous allons devoir continuer de réfléchir de notre côté.

Le Président (M. Laplante): Article 2, adopté?

M. Ryan: Sur division.

Réadoption de lois

Le Président (M. Laplante): Sur division.

J'appelle l'article 3 de la section II. M. le ministre.

M. Bérubé: Cet article propose simplement la réadoption en français et en anglais de la Loi concernant la rémunération dans le secteur public et de la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public, ainsi que les documents sessionnels auxquels elles réfèrent.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je crois bien que cet article-là est conforme. Je veux simplement m'assurer qu'au deuxième alinéa, le document sessionnel 350, c'est 70...

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: ...650 et 651 sont ceux qui ont été déposés le 9 décembre lors du dépôt du projet de loi 105.

M. Bérubé: Exactement.

M. Ryan: Le document sessionnel 653 est celui qui a été déposé deux jours plus tard avec quelques amendements.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: C'étaient les mêmes documents mais moyennant quelques amendements, si mes souvenirs sont bons. Je me souviens moins du document 665, le 15 décembre. Vous souvenez-vous sur quoi il portait exactement?

M. Bérubé: Je ne me souviens plus sur quoi il portait, mais il a été déposé lors du débat portant sur le bill omnibus; nous avons profité de ce qu'il était débattu en Chambre pour introduire une correction sur laquelle on s'était mis d'accord avant.

M. Ryan: Très bien, cela va: "...ainsi que par le texte anglais de ces documents sessionnels déposé devant l'Assemblée nationale le 5 mai 1983 comme document sessionnel numéro 84". C'est tout l'ensemble des conventions collectives en anglais, c'est-à-dire des décrets. Je m'excuse, M. le Président, j'ai fait une grosse erreur de langage. Ce sont des décrets et non pas des conventions collectives, quoi qu'en dise la loi. Je pense qu'il n'y a pas de problème là-dessus.

Le Président (M. Laplante): Article 3, adopté?

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Laplante): J'appelle

l'article 4. Concordance?

M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait nous expliquer l'expression "forment respectivement une loi distincte et un document ses-sionnel distinct"?

M. Bérubé: Je ne suis pas spécialiste. Il s'agit d'un article à caractère proprement technique qu'on avait introduit dans les lois remédiatrices faisant suite à l'arrêt Blaikie. Maintenant, ce sont essentiellement des raisons de référence aux lois pour permettre, lors de la préparation de statuts refondus, des références explicites et claires aux lois...

M. Bisaillon: Aux lois 70 et 105. "Ces lois": normalement - c'est un "ces" démonstratif - cela se rattache à quelque chose dont on a déjà parlé précédemment. Or, il n'en a pas été question précédemment. Ne serait-il pas mieux de les nommer comme on le faisait dans un article précédent?

Le Président (M. Laplante): L'article 3 le dit, le premier et le deuxième alinéa.

M. Ryan: C'est le premier alinéa de l'article 3. Je pense que c'est assez clair. Il faudrait réviser comme il faut. À l'article 3, le premier alinéa, comprend la loi. Regardez, on va recommencer au début pour que cela soit bien clair. Le chapitre 45 des lois de 1982, est-ce la loi 70? Il faudrait s'assurer de cela comme il faut.

Le chapitre 45, c'est la loi 105.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: La loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et modifiée par l'article 85 du chapitre 58 des lois de 1982, laquelle est-ce?

M. Bérubé: On va vous les identifier.

La loi concernant la rémunération dans le secteur public, c'est ce qu'on appelle la loi 70.

M. Ryan: Cela va.

M. Bérubé: Elle est modifiée par l'article 13, chapitre 45, de lois de 1982, c'est-à-dire la loi 105 qui est venue modifier la loi 70. La loi concernant les conditions de travail dans le secteur public, c'est la loi 105.

M. Ryan: La loi 105, oui.

M. Bérubé: Loi modifiée par l'article 85, chapitre 58 des lois de 1982, c'est ce qu'on appelait la loi 101, le bill omnibus dont on vient de parler...

M. Ryan: Cela, c'est correct.

M. Bérubé: Et par l'article 27 du chapitre 1 des lois de 1983, c'est le projet de loi no 111.

M. Ryan: C'est intéressant, cela. Vous établissez un lien.

Pardon? C'est important d'identifier ces choses-là clairement. Je vois que la loi 111, par conséquent, conformément à ce que j'avais soutenu plus tôt, n'est pas sans lien de parenté avec les lois antérieures, de l'aveu même du gouvernement qui est l'auteur de ce projet de loi. Je préviens le gouvernement des complications possibles.

Cela étant dit, on est à l'article 4. Personnellement, je ne veux pas présumer de ce que le député de Sainte-Marie pense, mais je crois qu'une fois qu'on a identifié clairement ces lois, il est évident à l'article 4 que chacune de ces lois, c'est chacune de ces quatre lois. Il n'y a pas de problème, mais ce qui m'intéresse, c'est qu'encore ici, il y a une réaffirmation par le gouvernement: le texte français et le texte anglais de chacune de ces lois, donc aussi de la loi 111, et le texte français et le texte anglais de chacun des documents sessionnels forment respectivement une loi distincte... Cela veut dire, si je comprends bien, vous allez me l'expliquer, que la loi 70 et le document sessionnel 350 forment une loi distincte. La loi 105 et les documents sessionnels 651, 653 et 665 forment une loi distincte. Est-ce cela que cela veut dire?

M. Bérubé: Oui. M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Laplante): L'article 4 est-il adopté?

M. Ryan: Sur division, toujours.

Le Président (M. Laplante): Sur division, toujours. Merci.

J'appelle l'article 5.

M. Bisaillon: M. le Président, quand on parle des autres exigences de publication et de formalité, ce sont les avis dans la gazette ou quoi? À quoi se réfère-t-on?

Le Président (M. Laplante): L'article 5. M. Bérubé: Oui.

M. Bisaillon: Au deuxième paragraphe de l'article 5, on termine en disant: "Ils ne sont assujettis à aucune autre exigence de publication ni formalité."

Le Président (M. Laplante): Oui. Il va donner une réponse au député de Sainte-Marie.

M. Ryan: J'aimerais faire une suggestion sur cet article. (21 h 45)

M. Bérubé: On me dit que les exigences de publication sont précisées dans la loi sur l'Assemblée nationale et antérieurement, dans la Loi d'interprétation. Or, ce que nous faisons ici, c'est que nous précisons qu'on n'exigera pas pour les documents sessionnels un mécanisme de publication identique au mécanisme de publication pour le reste des lois du Québec. En d'autres termes, c'est l'Éditeur officiel du Québec qui, dans le fond, rédige des documents pour diffusion auprès des membres syndiqués, par exemple, qui veulent obtenir copie des conventions collectives en question. Or, nous ne voulions pas que...

M. Bisaillon: II n'y a pas un...

M. Bérubé: ...le document sessionnel soit assujetti à une publication dans la Gazette officielle du Québec suivant les procédures habituelles entourant la publication de nos lois, car alors, évidemment, les coûts encourus auraient été absolument faramineux. Donc, il s'agit ici, par cet article, de s'assurer que si les documents sessionnels font bel et bien partie de la loi, les exigences de diffusion pour ces documents sessionnels sont cependant modifiées par l'article 5, de manière à ne pas étendre aux documents sessionnels les critères qui président à la diffusion générale des lois du Québec.

Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, cela me pose une difficulté parce que j'éprouve le besoin de vérifier l'interprétation que la Cour suprême avait donnée des exigences relatives à l'impression et à la publication des documents législatifs. Je ne sais pas si vous pouvez garder cet article en suspens et si on peut faire une interruption de quelques minutes à un moment donné. On pourrait la faire tout de suite, si vous voulez, ce ne sera pas long parce que j'ai le jugement devant moi, mais je pense que c'est important de le vérifier pour qu'on sache exactement ce qu'on nous propose.

Si j'ai bien compris l'explication du ministre, il voudrait que les textes en anglais des décrets, pour prendre un exemple concret, le décret qui s'applique à la CEQ dans l'enseignement primaire et secondaire, que ce décret ne soit pas publié en anglais à la Gazette officielle.

M. Bérubé: Que les documents sessionnels ne soient pas publiés à la Gazette officielle, point. À ce moment-là, ce que dit le deuxième alinéa, c'est que les documents sessionnels auxquels ces lois réfèrent sont imprimés et publiés, puisqu'ils doivent être imprimés et publiés en vertu de nos lois et de la constitution elle-même, et distribués par l'Éditeur officiel selon les modalités qu'il détermine. Donc, l'adoption des lois, c'est fait dans les deux langues, l'impression, le "print and publish" de ces lois, c'est fait également dans les deux langues. La diffusion, laquelle est prévue dans la Loi sur l'Assemblée nationale du Québec qui spécifie comment les lois du Québec sont soumises à une diffusion dans le public, ces articles de caractère général qui président à la diffusion de nos lois ne doivent pas s'appliquer pour être remplacés par un article ici, l'article 5, qui permet à l'Éditeur officiel de diffuser ces lois suivant un processus beaucoup plus rationnel, c'est-à-dire un processus à l'intention des clientèles directement concernées.

M. Ryan: Dois-je comprendre que l'obligation dont le gouvernement veut s'exempter dans ce cas-ci ne fait pas partie des obligations constitutionnelles définies par les jugements de la Cour suprême?

M. Bérubé: C'est bien cela. M. Ryan: C'est sûr?

M. Bérubé: Ce sont les avis juridiques que nous avons.

M. Ryan: Des fois, c'est bon. Je suis content. Vous en avez un écrit là-dessus?

M. le Président, je demanderais encore une fois que vous gardiez cet article-là entre parenthèses pour qu'on puisse faire une vérification tantôt. Si vous voulez que nous interrompions tout de suite, je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Laplante): Oui. Vous pouvez la faire tout de suite. On va suspendre pour deux minutes, si vous voulez.

(Suspension de la séance à 21 h 49)

(Reprise de la séance à 21 h 52)

M. Ryan: Les formalités relatives à l'impression et à la distribution. "Les formalités relatives", qu'est-ce que cela veut dire au point de vue légal exactement? Est-ce que vous pourriez avoir l'avis de votre conseiller là-dessus, M. le ministre, et nous dire exactement ce que cela veut dire? Si c'est mis dans le texte de loi, cela veut dire que c'est plus que des habitudes. Si on pouvait avoir la signification exacte de cela, je pense que le problème serait réglé.

M. Bérubé: Les formalités dont il est

question concernant l'impression, la publication et la diffusion sont l'impression par l'Éditeur officiel du Québec, la publication à la Gazette officielle du Québec, la publication dans le Recueil des lois annuelles et la distribution du Recueil annuel.

M. Ryan: L'impression par l'Éditeur, voulez-vous...

M. Bérubé: ...alors ces formalités sont, si je ne m'abuse, incorporées dans la Loi sur l'Assemblée nationale et prévoient donc les mécanismes de diffusion normaux pour ces lois.

M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait avoir la référence à la Loi sur l'Assemblée nationale?

M. Bérubé: Ce sont les articles 35 et suivants.

M. Ryan: Est-ce qu'il en a beaucoup? Est-ce que ce serait bien long de les lire?

M. Bérubé: "Après la sanction d'une loi, le secrétaire général en transmet, avec diligence, une copie certifiée conforme à l'Éditeur officiel du Québec pour impression". L'ancienne Loi de la Législature exigeait que cette impression se fasse dans la Gazette officielle. Au fond, la seule exigence s'applique au Recueil annuel des lois. L'exigence de la publication dans la Gazette officielle est disparue de la Loi sur l'Assemblée nationale sauf que, si on ne précise pas un mode de publication, l'article 17 de la Loi sur le ministère des Communications imposerait par défaut la publication dans la Gazette officielle.

L'article 17 de la Loi sur le ministère des Communications se lit comme suit: "Les documents, avis et annonces dont la loi exige la publication - on pourrait considérer que la constitution, c'est la loi dans ce sens-là -sont publiés à la Gazette officielle à moins que la loi ne prescrive un autre mode de publication." C'est pourquoi on dit ici que c'est l'Éditeur officiel qui va prévoir le mode de publication. Autrement, vous comprenez que cela signifierait un fardeau financier important pour l'Éditeur officiel, qui aurait dû transmettre à tous ses abonnés, pour le prix de l'abonnement annuel, l'ensemble des conventions collectives imposées. Cela lui permettrait de l'imprimer sous forme de fascicule, comme il l'avait déjà fait d'ailleurs, et dans sa version anglaise, et de le distribuer dans ses dépôts de vente.

M. Ryan: Explication satisfaisante.

Le Président (M. Laplante): Article 5, adopté sur division.

M. Ryan: Oui, toujours.

Le Président (M. Laplante): Article 6.

M. Ryan: À l'article 6, je vais demander une explication, M. le Président. La sanction de la présente loi vaut pour chacune des lois édictées en vertu de la présente loi. Nous avons vu tantôt à l'article 4 que cela comprenait la loi 111. Est-ce que je dois comprendre que l'article 6 embrasse aussi la loi 111?

M. Bérubé: Non, cela ne s'applique pas à la loi 111. Cela s'applique à la loi 105 telle qu'amendée.

Oui, parce que l'effet d'un amendement, tel qu'il a été fait par la loi 111, est tout à fait éphémère. Dès que la loi modifiante est sanctionnée, instantanément, cela est intégré dans la loi modifiée. Cela est donc devenu partie de la loi 105.

Le Président (M. Laplante): D'accord. M. Ryan: Sur division.

Le Président (M. Laplante): Sur division. Article 6, adopté. Article 7?

M. Bérubé: Sur perplexité.

M. Ryan: Oh! oui. J'ai besoin de regarder cela de près. Le gouvernement a soumis des arguments de même nature au tribunal et le tribunal ne les a pas retenus. Il a dit qu'on ne peut pas diviser les lois. On va regarder cela.

Le Président (M. Laplante): Concordance à l'article 6, article 7?

M. Ryan: Pardon?

Le Président (M. Laplante): Concordance?

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Laplante): Adopté?

M. Ryan: Oui, sur division.

Le Président (M. Laplante): Sur division. Article 8?

M. Bérubé: M. le Président, il s'agit tout simplement de déposer un texte qui reproduise les dispositions des documents sessionnels, c'est-à-dire que cette fois-ci, évidemment, les textes seront deux fois plus volumineux que les précédents.

M. Ryan: M. le Président, à ce sujet... Le Président (M. Laplante): Oui.

M. Ryan: ...j'ai eu vent qu'un certain nombre de décrets n'auraient pas été déposés auprès du Commissaire général du travail dans les délais qui avaient été prescrits par la loi 105. Est-ce que j'ai été mal informé?

M. Bérubé: Cela a été corrigé par la loi 111.

M. Ryan: Oui, vous avez adopté cela. Heureusement qu'on a voté contre. Pardon?

M. Bérubé: Cela a été corrigé lors de l'adoption du bill omnibus.

M. Ryan: Oui, oui, je m'en souviens. Alors, il n'y en a pas eu d'autres. Le bill omnibus a été adopté avant Noël et, d'après les renseignements que j'aurais eus et d'après ce que j'ai cru comprendre - j'ai peut-être été mal informé - il y a des décrets qui auraient été déposés auprès du Commissaire général du travail, même après Noël. Est-ce qu'on peut m'assurer que ce n'est pas le cas?

M. Bérubé: C'est exact, mais cela a été corrigé dans la loi 111. Il y a eu un amendement qui a été apporté à la loi 105 et nous avons remplacé...

M. Ryan: Nouveau lien.

M. Bérubé: ..."cinq jours" par "45 jours".

M. Ryan: Oui, c'est celui-là.

M. Bérubé: De telle sorte que nous avons rétroactivement respecté nos délais.

M. Ryan: Vous savez que vous allez avoir le record de la rétroactivité. C'est rendu que...

M. Bisaillon: ...sauf pour les salariés. Ils sont forts sur la rétroactivité quand elle n'est pas pour les salariés.

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Laplante): Article 8, adopté sur division. Article 9?

M. Ryan: M. le Président, sur l'article 8, vous passez vite. Je comprends que vous êtes pressé...

Le Président (M. Laplante): Ah non! Je ne voudrais pas vous bousculer. Si vous avez d'autres questions, posez-les, M. le député.

M. Ryan: Non, je m'excuse. J'ai une autre question à poser au ministre. Je ne sais pas si le ministre pourrait nous communiquer, pour notre information, les dates auxquelles les décrets avaient été déposés auprès du Commissaire général du travail. Est-ce qu'on pourrait avoir cette information ces jours prochains?

M. Bérubé: Oui, on peut vous fournir cela ces jours prochains. Enfin, peut-être même que ce soir on va essayer de retracer les dates.

M. Ryan: Je vous dirais bien avant la Trinité, mais c'était dimanche dernier et votre diligence ne va pas jusque-là.

M. Bérubé: Vos connaissances du calendrier liturgique m'épatent.

Le Président (M. Laplante): D'autres questions sur l'article 8?

M. Ryan: Non.

Le Président (M. Laplante): Adopté sur division?

M. Ryan: C'est cela.

Le Président (M. Laplante): Adopté sur division. Article 9? (22 heures)

M. Bérubé: II s'agit tout simplement de faire réadopter une série de décrets par le Conseil des ministres, dans le vrai sens du terme. Là, il s'agit de véritables décrets puisque ce sont les décrets qui s'appliquent aux universités et aux institutions d'enseignement privées. Cette fois on n'est pas obligé de reprendre tous les décrets antérieurs, mais, par références générales, on les reprend globalement.

Le Président (M. Laplante): Cela fait que tout le monde est unanime sur cet article.

M. Ryan: Attendez un peu. Non, pas du tout, au contrairel M. le Président, je veux bien m'assurer que cela concerne uniquement les conditions salariales dans le cas des universités et des institutions d'enseignement privées.

M. Bérubé: C'est bien cela. Oui, cela ne s'applique qu'à la loi 70.

M. Ryan: Maintenant, si j'ai bien compris, dans ce secteur, je crois que le gouvernement ne nous a jamais communiqué les instructions qui ont été transmises aux universités et aux institutions d'enseignement privées. À moins que je ne fasse erreur, je ne me souviens pas d'en avoir eu.

M. Bérubé: Les décrets ont dû être publiés suivant, normalement...

M. Ryan: Est-ce qu'ils ont paru dans la...

M. Bérubé: ...les prescriptions de la loi.

M. Ryan: Pourrait-on me donner la date et l'endroit où ils ont paru?

M. Bérubé: Je pourrais essayer de le retracer.

M. Ryan: Pour bien situer ces choses, dans le cas des universités, par exemple, les conventions collectives expiraient plus tard que le 31 décembre; la plupart allaient quelque part en 1983.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Les décrets que vous avez pris, si je comprends bien, auraient décrété des réductions de salaires à compter de l'expiration de leurs conventions collectives. C'est-à-dire que si, dans une université, par exemple, la convention expirait le 31 mars, la coupure de trois mois aurait été effective du 1er avril jusqu'au 1er juillet. Est-ce que c'est cela?

M. Bérubé: C'est le sens des décrets qui devaient être adoptés par le Conseil des ministres. Il va de soi que je n'ai pas examiné chaque décret un par un, mais la loi est bien claire. Elle prolonge les conventions collectives existantes de trois mois et permet l'application d'une correction du même type que celle qui est prévue par la loi 70. Les décrets qui ont été déposés au Conseil des ministres, évidemment, devaient permettre l'application de la loi 70.

M. Ryan: Vous parlez de la loi 70, il y a eu la loi 105 après cela. Dans le cas des universités et des institutions d'enseignement privées, pour la période de trois mois qui comportait des coupures, vous avez transposé ce qui était dans la loi 70, mais est-ce que d'autres mesures ont été prises par le gouvernement pour transposer au secteur des universités et des institutions d'enseignement privées les catégories salariales de la loi 105 ou bien si ce sont des choses à venir encore? Il ne le sait pas.

M. Bérubé: Je ne suis pas absolument certain que j'ai compris le sens de votre question.

Pourriez-vous reprendre votre question, précisément, M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Oui.

M. Bérubé: Évidemment, je ne peux pas vous poser une question mais on pourrait demander au président de bien généreusement...

Le Président (M. Laplante): Oui, répétez votre question.

M. Bérubé: ...accepter de transmettre cette pieuse intervention.

Mme Lavoie-Roux: Par sa gracieuseté.

M. Ryan: Les choses sont tellement complexes que le pouvoir lui-même s'y perd.

M. le Président, ce que je demandais au ministre, c'est ceci: II y a eu la loi 70 qui décrétait deux choses: d'abord, des coupures de salaires du 1er janvier au 31 mars et, dans le cas des universités et des institutions d'enseignement privées, des coupures de salaires à la fin de leurs conventions collectives respectives.

Deuxièmement, la loi 70 décrétait des seuils minimaux de rémunération à compter du 1er avril qui devaient être l'objet de négociations qui n'ont jamais eu lieu, mais, en tout cas, c'était cela qui était dans la loi 70. Ensuite, est arrivée la loi 105 qui, elle, a décidé d'imposer des catégories salariales non seulement à compter du 1er avril, mais à compter du 1er janvier. Ce que je veux savoir, c'est si en vertu de la loi 105 il y a des mesures quelconques qui ont déjà été instituées par le gouvernement devant s'appliquer aux universités et aux institutions d'enseignement privées.

M. Bérubé: Oui. Par exemple, la loi 105 a bonifié les conditions de travail pour les salariés à faible rémunération et, par conséquent, cette bonification s'est appliquée également aux employés des institutions d'enseignement privées par décret.

M. Ryan: Est-ce la seule transposition qu'il y aurait? Est-ce que tout le reste est à venir?

M. Bérubé: II n'y a rien d'autre? Non, il reste encore quelque chose.

M. Ryan: Très bien. Non, je suis satisfait. S'il n'y a rien d'autre, c'est parfait.

M. Bérubé: Dans le document sessionnel 86 déposé en vertu de la présente loi, je vous soulignerais qu'il y a également des bonifications apportées aux employés oeuvrant à temps partiel et, par conséquent, il y en a dans ce cas également. Nous verrons tantôt, d'ailleurs, un article qui permet au gouvernement d'adopter les décrets en conséquence.

M. Ryan: Ce n'est pas ma question. Je le sais et on va le voir tantôt. Ma question est la suivante: Dans le régime salarial pour les salariés du secteur universitaire et du secteur privé de l'enseignement, on a eu la

coupure pour les trois premiers mois qui suivent l'expiration de la convention collective. Après cela, où en est-on?

M. Bérubé: II n'y a aucune intervention gouvernementale.

M. Ryan: À ce jour? M. Bérubé: Oui. Aucune.

M. Ryan: Maintenant, vous n'avez pas de renseignements sur les dates d'expiration des conventions collectives dans ces institutions. Est-ce qu'il y en a qui expiraient récemment, au cours des trois derniers mois?

M. Bérubé: Je l'ignore. On me dit que la majorité ont fini en novembre, mais, si je ne me trompe pas, l'Université de Montréal voit sa convention arriver à échéance en 1984, en juin. Mais, pour les autres institutions universitaires, c'était l'automne dernier en général.

M. Ryan: À l'automne 1983? M. Bérubé: À Laval, cela se termine. M. Ryan: À l'automne 1982 ou 1983? M. Bérubé: En 1982.

M. Ryan: Les institutions privées? Il y en a une bonne centaine.

M. Bérubé: Oui, c'est juste, et je n'oserais répondre compte tenu du nombre d'institutions en cause.

M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait demander, M. le Président, au ministre de nous apporter, peut-être demain, un complément d'information là-dessus pour qu'on ait une information complète, pour savoir exactement la portée de ceci?

M. Bérubé: Alors, un tableau, si je comprends bien l'interrogation du député d'Argenteuil, qui présenterait la liste des décrets, les institutions visées, les dates d'expiration des conventions collectives.

M. Ryan: C'est cela. Et si vous nous donniez la date et le lieu où les décrets ont paru, de manière qu'on puisse aller les consulter, pour le reste, on fera nous-mêmes notre ouvrage. On ne veut pas que cela coûte trop cher. On le fera nous-mêmes.

M. Bérubé: Veuillez, M. le Président, remercier le député d'Argenteuil de sa proverbiale générosité.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 9 sera adopté?

M. Bisaillon: On retrouve bien là son sens de l'économie.

M. Ryan: Attendez un peu, M. le Président. Vous me faites rire. Vous m'inquiétez aussi, parce que, justement, on aura des renseignements et vous êtes prêt à voter.

Le Président (M. Laplante): Non. Je vous pose la question.

M. Ryan: Très bien. Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Laplante): On peut toujours poser la question.

M. Ryan: Mais on s'est déjà fait faire cela et on s'est plaint.

Le Président (M. Laplante): Oui? Mais ce n'est sûrement pas par moi, n'est-ce-pas?

M. Ryan: Non.

Le Président (M. Laplante): Bon. Je me réhabilite.

M. Ryan: Je vous avoue que, tant que je n'aurai pas regardé cela d'un peu plus près j'ai de la misère à le comprendre. Je ne m'étais pas rendu compte que cela visait les universités, les institutions privées d'enseignement. J'avais un "quid?" à côté. Je voulais savoir ce que c'était, mais je suis embêté. Si vous voulez le voter, cela ne me fait rien, mais cela va être évidemment toujours sur division. J'aurais aimé mieux que vous le réserviez, pour qu'on le comprenne comme il le faut.

Le Président (M. Laplante): Non, non. Posez les questions qu'il y a à poser, M. le député.

M. Ryan: Oui, mais c'est parce que je n'ai pas les réponses ce soir. C'est cela, le problème.

Le Président (M. Laplante): Ah! Alors, ils peuvent le voter, mais s'engager à donner les réponses, par exemple.

M. Ryan: D'habitude, quand les réponses sont satisfaisantes, c'est très bien. On n'essaie pas de prolonger pour rien. Si on finissait ce soir, je serais bien content, mais je ne regarde pas l'heure, je ne suis pas conditionné par l'horloge. Peut-être que, si vous le gardez en suspens un peu, s'il y a des renseignements additionnels tantôt, je n'ai pas d'objection. Je ne veux pas faire d'obstruction avec cela, mais c'est parce que

ce n'est pas clair pour moi.

M. Bérubé: On va essayer d'avoir ce que vous demandez. M. le Président, croyez-vous que le député d'Argenteuil se satisferait si on pouvait lui fournir un tableau qui serait bon à peut-être 90%? Mais on ne pourrait pas l'assurer que tous les décrets y ont été inscrits. Toutes les dates d'expiration des conventions pourraient ne pas avoir été incorporées au tableau.

M. Ryan: Je vais vous dire ce qui m'intéresse là-dedans. Ce n'est pas parce que je veux ramasser de la documentation que je n'aurais pas le temps de lire le lendemain. Il faut être réaliste aussi. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir quel régime salarial va être imposé par décret aux enseignants dans le secteur privé et dans le secteur universitaire à compter de la période qui suit les trois mois.

M. Bérubé: Aucun. Il n'y a pas de régime qui est imposé à l'expiration de la période de trois mois d'extension des conventions collectives.

M. Ryan: En vertu de cet article-ci, si je comprends bien, le gouvernement pourrait l'imposer par décret.

M. Bérubé: Non, le gouvernement ne peut pas modifier les décrets qui ont été pris. Le texte de l'article 9 dit bien: "Le gouvernement peut, par décret, prendre, par référence générale et sans les modifier - un article important - tous les décrets pris en vertu de la Loi concernant la rémunération dans le secteur public... et dont les textes français et anglais ont été publiés dans la Gazette officielle du Québec." Essentiellement, ce que le gouvernement fait, c'est qu'il doit, compte tenu de cette loi-ci, reprendre les décrets qui avaient été pris antérieurement. Il ne le fait pas, évidemment, en représentant toute la liste des décrets pour approbation par le Conseil des ministres, mais il fait adopter un décret général qui réfère à ces décrets antérieurs. Il les reprend à nouveau.

M. Ryan: Si je comprends bien, vous nous reportez à la loi 70. Si on regarde les dispositions de la loi 70, il faudrait qu'on vérifie s'il y avait des clauses dans la loi 105, qui s'appliquaient aux institutions privées. Sûrement. Et aux universités? Je crois que cela donnait des pouvoirs beaucoup plus larges que cela au gouvernement.

M. Bisaillon: C'est un chèque en blanc.

M. Ryan: Cela devait être comme le reste.

M. Bisaillon: II y en avait quatre ou cinq comme cela.

M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait vérifier cela? Si je prends la loi 70 pour commencer, qui reste la base de tout notre exercice, c'est là que tout a commencé, regardez ce qu'on disait. Le gouvernement par la loi 70 s'était fait donner des pouvoirs qui allaient au-delà de la période de trois mois, en ce qui concerne la rémunération dans le secteur des universités et des institutions privées, au moins en partie. Regardez l'article 13.

Mme Lavoie-Roux: On arrêtera à minuit, M. le Président.

M. Bérubé: Si vous regardez l'article 13, il est dit que "le gouvernement peut rendre applicables aux salariés les dispositions de l'article 5." Or les dispositions de l'article 5 réfèrent spécifiquement au gel d'échelons. Dans la mesure où les situations observées étaient, évidemment, très variables, il fallait voir sur quelle période s'appliquerait ce gel des échelons. Effectivement, la loi 70 permet d'étaler dans le temps l'application de certaines contraintes sur une période supérieure à trois mois, mais uniquement en ce qui a trait au gel des échelons.

M. Ryan: Je ne détesterais pas qu'on regarde l'article Il également pour voir exactement la portée de cet article-là. Est-ce qu'il était seulement pour trois mois?

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Simplement une période de prolongation possible de trois mois de la durée de la convention collective en vigueur le 26 mai 1982 pour fixer les salaires que pourront recevoir les salariés pendant cette période. Est-ce que vous avez des dispositions de la loi 105 qui visent les universités et les institutions privées? (22 h 15)

M. Bérubé: Oui. À l'article 4, on dit que "le gouvernement peut, par décret, modifier les conventions collectives dont la durée a été prolongée de trois mois en vertu de l'article Il de la Loi concernant la rémunération dans le secteur public de manière à rendre applicable aux salariés liés par ces conventions collectives un ajustement de rémunération comparable à celui qui résulte de l'application de l'article 2." Il s'agit ici des bonifications pour les bas salariés.

Si je me réfère à l'article 2 de la loi 105, on disait: "Dans les cinq jours - ce qui a été modifié ultérieurement par 45 - de la date de la sanction de la présente loi, le président du Conseil du trésor dépose au greffe du bureau du commissaire général du

travail le texte de dispositions relatives aux traitements, traitements additionnels, primes, montants forfaitaires et, le cas échéant, aux montants additionnels que peuvent recevoir, du 1er janvier au 1er avril 1983, les salariés liés par une convention collective dont la durée a été prolongée..." On voit bien que l'article 2 ne réfère qu'à des bonifications d'échelles de traitements possibles pendant la période de gel prévue par la loi 70.

M. Ryan: Je veux relire une dernière fois l'article 4 pour être bien sûr: "Le gouvernement peut, par décret, modifier les conventions collectives dont la durée a été prolongée de trois mois en vertu de l'article Il de la Loi concernant la rémunération dans le secteur public - cela, c'est la loi 70 - de manière à rendre applicable aux salariés liés par ces conventions collectives un ajustement de rémunération comparable à celui qui résulte de l'application de l'article 2."

M. Bérubé: Or l'article 2 permettait une bonification pour les bas salariés. On peut donc par décret appliquer des bonifications comparables aux employés des institutions privées. D'ailleurs, Mme la députée de L'Acadie hoche la tête d'un air sardonique.

M. Ryan: L'article 2, c'était le document sessionnel no 650; cela va bien plus loin que la bonification pour les bas salariés. Si mes souvenirs sont bons, le document sessionnel no 650, c'est pour trois ans. Vous ne l'avez pas ici, le document sessionnel 650? Il me semble que c'étaient des échelles de salaires pour trois ans.

M. Bérubé: Le document sessionnel 650 reproduit le document sessionnel 350 pour la période des trois mois de gel salarial en modulant ces échelles pour protéger les bas salariés et, de plus, couvre la période des trois années subséquentes.

M. Ryan: C'est plutôt opaque.

Le Président (M. Laplante): C'est technique.

M. Ryan: C'est opaque. La technique, quand elle est claire, cela se comprend, mais ici, on a un grand nombre de données à considérer en même temps et ce n'est pas facile de faire le lien entre tout cela.

M. le Président, vu que cette clause ouvre des avenues qui sont complètement différentes que cela s'en va dans le secteur des universités et de l'enseignement privé, je voudrais vous demander de retenir le vote au moins jusqu'à la fin de la soirée.

Le Président (M. Laplante): Bien oui.

M. Ryan: On va y penser un peu. Peut-être qu'on va trouver des joints. On va regarder cela pendant que le ministre nous fera des discours politiques.

M. Bérubé: M. le député de Sainte-Marie, le député d'Argenteuil cherche un joint.

M. Ryan: Je me dis que parfois les discours politiques du ministre nous donnent le temps de faire autre chose.

Le Président (M. Laplante): L'article 9 est suspendu.

M. Ryan: II n'y en a pas eu beaucoup depuis une heure, d'ailleurs. Je suis bien content.

Le Président (M. Laplante): Article 10?

M. Bérubé: Mon conseiller du ministère de la Justice n'aime pas beaucoup que le député d'Argenteuil cherche un joint.

Une voix: II n'est pas dans la ligne.

M. Ryan: D'habitude, c'est le gouvernement qui les trouve directement avec certains éléments.

Le Président (M. Laplante): Article 10? M. Ryan: Je n'ai pas de concurrence.

Mme Lavoie-Roux: II vaut mieux trouver un joint que de trouver un trou.

M. Ryan: Très bien. Si vous me le permettez, juste pour terminer sur l'article 9...

Le Président (M. Laplante): On ne peut pas y retourner parce que c'est suspendu.

M. Ryan: ...pour que notre réflexion ne reparte pas de choses qui auraient déjà été dites, si j'ai bien compris, le ministre nous assure que cet article donne au gouvernement l'autorité de prendre, "par référence générale et sans les modifier", tous les décrets pris en vertu de la loi. Est-ce que c'est simplement une transposition technique qu'on veut faire ici pour ajustement du texte de la loi et ne rien changer à la substance des lois 70 et 105?

M. Bérubé: Exactement. Si les décrets ont été pris en vertu de lois inconstitutionnelles, ils sont eux-même inconstitutionnels. Il faut donc les reprendre à nouveau, mais, cette fois-ci, sous l'empire d'une loi constitutionnelle.

M. Bisaillon: Cela ne pourrait pas être

repris en modifiant? M. Bérubé: Non.

M. Bisaillon: II faut que ce soit repris en conservant les mêmes conditions?

M. Bérubé: C'est cela, avec la générosité qui prévalait la première fois.

M. Bisaillon: Oui, merci.

M. Ryan: Je vous réitère ma demande: Si vous voulez suspendre le vote sur celui-ci jusqu'à la fin de la soirée, cela va nous permettre...

Le Président (M. Laplante): D'accord, article 9, suspendu.

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article 10.

M. Ryan: Si je comprends bien, à l'article 10, on dit: "Dans le cas..."

M. Bérubé: L'article 10 est absolument identique à l'article 9, sauf qu'il s'applique cette fois-ci à des décrets qui n'auraient pas été publiés dans les deux langues. Il existe effectivement un certain nombre de décrets qui n'ont été publiés qu'en français.

M. Ryan: C'est parce que, justement, la formulation demeure peut-être insatisfaisante. On dit que "le gouvernement peut prendre un décret pour remplacer ce premier décret". On ne dit pas qu'il doit le prendre dans les deux langues. Connaissant les convictions du ministre et de certains de ses collègues à ce sujet, est-ce qu'on risque de se retrouver devant une nouvelle impasse judirique?

M. Bérubé: Non, dans le cas des décrets, je pense que c'est beaucoup plus clair puisqu'il s'agit de législation déléguée et l'arrêt Blaikie exige nécessairement l'adoption de ces décrets dans les deux langues.

M. Ryan: Est-ce que le ministre a dit que toute forme de décret devait être rendue dans les deux langues en vertu de l'arrêt Blaikie?

M. Bérubé: Excusez-moi, les règlements.

M. Ryan: Merci. Il est chanceux d'être bien entouré parce qu'on le ferait embarquer.

M. Bérubé: C'est la législation déléguée.

Le Président (M. Laplante): D'accord, article 10, adopté?

M. Ryan: Très bien. Alors, ce serait de la redondance que de le dire. On peut compter sur la gestion par implication.

Mme Lavoie-Roux: II faudrait qu'il le dise. Des signes de tête, cela ne paraît pas dans le journal des Débats.

M. Ryan: Oui, cela ne paraît pas.

M. Bisaillon: Comment se fait-il que ceci n'ait pas été fait la première fois?

M. Ryan: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Comment se fait-il que ceci n'ait pas été fait?

M. Bisaillon: Comment se fait-il que ceci n'ait pas été fait la première fois? Le ministre nous dit que c'est de la législation déléguée et qu'en fonction de l'arrêt Blaikie cela doit être fait dans les deux langues.

M. Ryan: Oui, mais justement...

M. Bisaillon: Comment se fait-il qu'il y a des décrets qui étaient pris seulement en français à ce moment-là?

M. Ryan: J'ai cru comprendre que le conseiller juridique du ministre avait soufflé qu'il s'était engagé sur une glace sur laquelle il ne survivrait pas longtemps. C'est pour cela qu'il a retiré son opinion et qu'il est revenu à un jugement mieux informé.

Le Président (M. Laplante): D'accord, article 10, adopté sur division.

M. Ryan: Oui, là, on entre dans la viande.

Modification de certaines

conditions de travail dans

le secteur public

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant la section III, Modification de certaines conditions de travail dans le secteur public. M. le ministre, sur l'article Il.

M. Bérubé: M. le Président, pour répondre à une demande du député d'Argenteuil, je lui remets, en fait, la liste complète des décrets concernant les universités et institutions privées de telle sorte qu'il pourra tout à son loisir consacrer les dernières heures de sa nuit à les lire.

Le Président (M. Laplante): Article Il, M. le ministre.

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

M. Ryan: Qu'est-ce que j'ai compris, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): L'article Il est appelé, M. le ministre. Je demande des explications sur l'article Il.

M. Bérubé: Un instant, M. le Président.

M. Ryan: Très bien. Je pensais que vous demandiez le vote.

Le Président (M. Laplante): Oh non!

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Oui.

M. Ryan: Dans un texte d'une annexe, lorsqu'on trouve un paragraphe qui semble contredire l'objet principal que nous disait viser le législateur à l'article 1, est-ce que vous nous permettrez de proposer un amendement, même si cela postule l'ablation du paragraphe entier?

Le Président (M. Laplante): C'est qu'on est soumis à une décision qui a déjà été prise lors de l'adoption de la Loi sur l'assurance automobile. Même le ministre a essayé de retirer un article du projet de loi qui faisait, cependant, partie de la préface du projet de loi et il s'est vu refuser de pouvoir retirer cet article parce que la loi et toute sa préface avaient été votées en deuxième lecture. Donc, cela avait été refusé au ministre à ce moment-là. C'est une décision rendue, à ce moment-là, par le président et député de Vanier, je crois.

M. Bisaillon: Sauf que le ministre peut revenir en troisième lecture.

Le Président (M. Laplante): II est obligé de faire un amendement à sa loi à l'Assemblée nationale.

M. Ryan: Je voulais trouver un prétexte pour fournir un peu de temps au ministre afin de préparer ses explications. Je ne sais pas s'il est prêt.

Le Président (M. Laplante): Oui, mais je ne sais pas si vous êtes satisfait de la réponse que je vous ai donnée, à savoir que des modifications peuvent être faites à l'Assemblée nationale, qu'on ne peut pas faire en commission, quand cela touche le préambule d'un projet de loi.

M. Ryan: Je vais quand même essayer tantôt.

Le Président (M. Laplante): C'est un peu comme à l'article 1, sans vouloir revenir là-dessus et sans discussion. C'est ce qui me chatouillait le plus.

M. Ryan: Mais si c'est un document sessionnel. Mais si c'est un amendement à un document sessionnel.

Le Président (M. Laplante): Oui, là, c'est technique. Je pense que je serais obligé de suspendre pour aller m'informer ailleurs sur ce point.

M. Ryan: Bon. Préparez-vous.

Le Président (M. Laplante): Ce n'est pas la coutume. Cela dépendra de la façon dont vous présenterez l'amendement.

M. Ryan: Très bien. Merci.

M. Bérubé: M. le Président, je dois dire, d'une part, que j'ai induit les membres de la commission en erreur, il y a quelques instants...

Mme Lavoie-Roux: Involontairement.

M. Bérubé: Oui, involontairement... lorsque j'ai indiqué que les bonifications à apporter aux employés à temps partiel pouvaient, en vertu de la présente loi, être étendues aux employés des institutions privées et des universités. Ce n'est pas le cas. Elles ne s'appliquent qu'aux employés du gouvernement.

Mme Lavoie-Roux: C'est plus que les trois quarts.

M. Bérubé: Alors, concernant l'article Il...

M. Ryan: Excusez-moi. Vous aviez dit cela à propos de l'article 9, n'est-ce pas?

M. Bérubé: Je pense que oui.

M. Ryan: Alors, comme on l'a gardé en suspens, cela fera un élément de plus pour notre réflexion.

M. Bérubé: M. le Président, je ne sais pas où nous en sommes maintenant. Vous avez appelé l'article Il.

Le Président (M. Laplante): J'ai appelé l'article Il et je vous ai demandé des explications sur cet article.

M. Bérubé: II s'agit ici, par le document sessionnel, de modifier les échelles de rémunération pendant les trois mois de l'application de la loi 70 afin de donner une protection accrue aux employés salariés à

temps partiel.

Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le député d'Argenteuil. (22 h 30)

M. Ryan: Oui. Remarquez que, dans l'ensemble, les dispositions qui sont définies dans le document sessionnel no 85 contiennent des améliorations que nous accueillons avec plaisir. En particulier, je crois que le gouvernement, avec ce document, donne suite à la demande qui lui avait été faite à maintes reprises, en particulier par la députée de L'Acadie, voulant qu'il soit tenu compte de manière spéciale des employés des Affaires sociales, des surnuméraires en particulier, des salariés à temps partiel qui voyaient leur rémunération coupée radicalement par la politique du gouvernement. Ici, on a des ajustements qui nous paraissent intéressants en ce qui regarde les travailleurs des affaires sociales.

Maintenant, en ce qui regarde des salariés à temps partiel du secteur de l'enseignement, une difficulté se présente dont nous avons déjà fait part au ministre à l'occasion du débat de deuxième lecture. Elle découle du sous-paragraphe 2 de l'article V du document sessionnel. On dit à l'article 2: "Malgré le paragraphe qui précède, le salarié dont le taux horaire de traitement, défini en C du paragraphe I est supérieur à 13 $ n'a droit à aucune compensation forfaitaire."

Je ne veux pas entreprendre une explication détaillée et interminable de la position que nous avons déjà soumise à l'attention du ministre à ce sujet. Mais, pour les enseignants à temps partiel dans le secteur de l'éducation des adultes, ceci comporte des changements de conditions salariales qui sont très onéreux. J'ai déjà soumis au ministre une lettre à ce sujet, que j'avais reçue d'un enseignant. Beaucoup d'autres m'ont parlé dans le même sens. Il y a deux principes dont on pouvait s'inspirer que le ministre a déjà exposés. On peut décider qu'on va appliquer le principe: à salaire égal, travail égal. Donc, si vous travaillez la moitié du temps, vous aurez exactement la moitié du traitement. Si on appliquait ce principe, cela voudrait dire que des employés des affaires sociales, qui sont des surnuméraires à temps partiel, n'auraient pas droit à une considération spéciale. Il faudrait appliquer cela littéralement. Le ministre a dit: On comprend cela, il faut bien que chaque personne ait un certain plancher de revenu pour être capable de subsister dans les conditions actuelles. Cela va très bien, nous en sommes très heureux. Mais ce qu'on a semblé sous-estimer du côté gouvernemental, c'est la situation difficile dans laquelle se trouve la très grande majorité des enseignants à temps partiel dans le secteur de l'éducation des adultes et cela, à deux titres différents.

D'abord, vous savez comme moi que, sur environ 12 000 enseignants que l'on compte dans l'éducation des adultes, il y en a peut-être entre Il 000 et Il 500 qui sont des enseignants à temps partiel. Par conséquent, contrairement à la légende très répandue dans certains milieux voulant que ce soit des professeurs de jour qui aillent s'engraisser ou enrichir leur revenu en donnant des cours du soir, la réalité n'est pas celle-là. La très grande majorité des personnes qui enseignent dans le secteur des adultes dans les commissions scolaires ne sont pas des enseignants réguliers; elles l'ont déjà été dans plusieurs cas, mais ne le sont plus. Dans la grande majorité des cas, ce sont des personnes dont c'est la seule source de revenu, un revenu qu'elles vont tirer de cours qu'elles donnent à temps partiel.

D'après les données qui sont disponibles que vous avez dans votre documentation, qu'on pourra vous fournir et que vous pourrez obtenir d'une manière plus détaillée, il y aurait à peu près 70% des enseignants à temps partiel dans le secteur de l'éducation des adultes publique qui n'auraient que cette source de revenu.

M. Bérubé: N'auraient que cette source?

M. Ryan: Oui.

M. Bérubé: C'est là la question. Lorsque vous dites qu'ils n'auraient que cette source de revenu...

M. Ryan: Oui.

M. Bérubé: ...vous présumez qu'ils n'exercent aucune autre activité en dehors des heures à l'éducation des adultes.

M. Ryan: Oui, c'est ce que je vous dis. C'est ce qui est établi par des données qui ont été portées à mon attention. Je suis prêt à faire des recherches plus élaborées pour vous le prouver, mais ce sont des données qui ont été portées à mon attention par les meilleures sources. Si c'est le cas, je pense qu'il y en a un grand nombre là-dedans dont le revenu annuel va se situer quelque part entre 10 000 $ et 20 000 $. Nous conviendrons tous que ce n'est pas un revenu pour engraisser quelqu'un.

Il y en a qui ont dit, à l'occasion des dernières négociations: On va mettre des enseignants de jour et cela va nous permettre de régler le cas des disponibles. C'est bien facile de faire n'importe quel plan entre technocrates. Cela va très bien. On peut tous faire nos équations et dire: J'en soustrais 4000 là, j'en ajoute 1500 là, cela va m'en faire seulement 2500 et cela règle mon problème. "That is not the way it

works." Ce n'est pas la manière dont cela fonctionne parce que, dans le secteur de l'éducation des adultes... Pardon? Pardon?

M. Bérubé: Le député d'Argenteuil est bilingue puisqu'il traduit tout couramment dans les deux langues.

M. Ryan: Oui. Il en est, d'ailleurs, très fier et il n'a pas de confession à faire à personne à ce sujet. Il a travaillé fort pour le devenir. Vous aussi, d'ailleurs.

Maintenant, ces personnes représentent un bassin de ressources qu'on ne peut pas remplacer par des calculs technocratiques. Il y en a un qui est un gars qui peut être bon en menuiserie, l'autre est un très bon professeur d'anglais, l'autre est une très bonne professeur de couture, l'autre est un bon professeur de musique. Je ne sais pas, il y a toutes les disciplines qu'on enseigne dans les cours aux adultes. On ne pourrait pas, seulement par des équations faciles, dire: On va prendre des surplus du jour et on va les envoyer là. Ce n'est pas comme cela que cela fonctionne. L'éducation des adultes est une réalité beaucoup plus distincte que cela.

Le danger que représentent les décrets en plus, c'est... Je pense que le ministre s'en souviendra. Je ne sais pas s'il était là le dernier soir où la commission de l'éducation a siégé sur le conflit des enseignants. Je pense qu'il était présent quand le directeur général de l'Institut canadien de l'éducation des adultes est venu témoigner vers une heure du matin.

Mme Lavoie-Roux: Non, il avait quitté à ce moment.

M. Ryan: II avait quitté à ce moment.

Mme Lavoie-Roux: II a fait son petit laïus et est reparti.

M. Ryan: Oui. C'était encore l'époque des laïus faciles, mais je pense qu'on en sort tranquillement. C'est excellent.

À ce moment, M. Bélanger est venu porter à notre attention que le grand danger des décrets dans le secteur de l'éducation des adultes était celui du "bumping", c'est-à-dire du déplacement qui pourrait forcer des centaines d'enseignants spécialisés dans l'éducation des adultes et dans des matières particulières à s'en aller pour faire place à des enseignants réguliers. Nous, nous favorisions l'intégration des enseignants réguliers dans l'enseignement aux adultes, mais moyennant des conditions pédagogiques acceptables.

Alors, là, ils vont être comme exposés de tout côté. Au point de vue de la rémunération, on les a frappés durement et il va arriver en plus - on leur a coupé cela au début de l'année comme tout le monde, les trois premiers mois - qu'ils vont être exposés à perdre cette source de revenu à cause des effets des décrets.

Il y a quelqu'un qui m'a dit aujourd'hui, je pense, du côté gouvernemental: Qu'ils fassent comme les autres, qu'ils s'en aillent sur le marché et qu'ils se trouvent d'autre travail. C'est facile à dire quand on est bien assis dans une fonction déterminée pendant un certain nombre d'années et qu'on a toutes sortes d'avantages qui s'y rattachent. Mais je ne pense pas qu'on puisse parler de cette manière de personnes dont on ne connaît pas de manière sérieuse la condition réelle.

Je porte le problème à l'attention du ministre et je l'avertis qu'un peu plus tard, quand on aura eu un peu plus de discussions là-dessus, je présenterai un amendement de manière à tenir compte de la condition de ces personnes. Mais je pense qu'on leur crée une injustice. Une personne, par exemple, qui a fait 16 000 $ dans le secteur de l'éducation des adultes l'an dernier et qui a vu son revenu coupé, disons à 15 000 $, 15 400 $ ou 15 300 $ à cause des coupures des trois premiers mois de l'année et qui va peut-être se ramasser sans travail pour le mois de septembre, je ne pense pas qu'elle a mérité ce genre de traitement de la part de la communauté québécoise. Je pense qu'on est capable de la traiter avec un peu plus de considération.

J'ai essayé de faire des calculs pour m'imaginer ou me représenter ce que pourrait signifier une formulation plus généreuse de ce fameux article 2 dont j'ai parlé au début. J'en arrive, ma foi, en faisant les calculs les plus généreux possible... Je pense que c'est une disposition qui ne coûterait pas des fortunes au gouvernement et il me semble qu'on a un devoir de bien traiter ces gens. On a dit qu'on portait une considération spéciale aux travailleurs à revenu modeste à temps partiel. C'est une catégorie qu'on exclut actuellement et, personnellement, j'en suis affligé d'autant plus que déjà, par ailleurs, à cause des mesures de compression du gouvernement depuis trois ans, le secteur de l'éducation des adultes a fait un chute comme cela au Québec, une chute comme cela, une diminution radicale des inscriptions, une diminution des effectifs enseignants, une baisse d'enthousiasme et d'optimisme dans ce milieu, qui est inquiétante pour la qualité de l'éducation des adultes. Je me dis: Voici un point où on frappe de front probablement la majorité de ces Il 000 ou 12 000 dont j'ai parlé. Je me demande si le ministre ne pourrait pas considérer de nouveau sa position et envisager de traiter ces gens-là avec un peu plus d'humanité.

Le Président (M. Laplante): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais appuyer le député d'Argenteuil. Il en a parlé dès l'étude de la loi 105 où on avait commencé à suggérer cette possibilité de ne pas pénaliser les gens qui avaient un revenu en bas de 16 000 $, même si, pris annuellement, ceci pouvait être un revenu supérieur à 16 000 $. Je peux confirmer, dans une large mesure, les propos du député d'Argenteuil selon lesquels, à l'éducation des adultes - c'est vrai qu'il y a des professeurs de jour qui travaillent le soir; je ne mets pas cela en doute - on fait appel à un grand nombre de personnes dont l'expérience est très souvent strictement une expérience de vie. Vous faisiez allusion tout à l'heure à des gens qui étaient bons en couture parce que l'éducation des adultes est très différente de l'éducation au niveau scolaire.

À cet égard, je me demande aussi si on a pris en considération ces professeurs. Je ne sais pas s'ils tombent là-dedans, mais il y a aussi des professeurs qui ne sont même pas en disponibilité, mais qui sont des diplômés de l'université, qui viennent de compléter leurs études. C'est un peu le même problème que pour les infirmières. Il n'y a pas d'ouvertures pour eux puisqu'on a X professeurs en disponibilité. Alors, ces gens-là, du moins pour une période indéfinie, n'acquerront jamais une permanence quelconque ou une sécurité d'emploi quelconque. Le travail qu'ils font est un travail de suppléance. Ils essaient de prendre le temps de suppléance qu'ils peuvent pour essayer éventuellement de finir par se qualifier si à un moment donné ils accumulent deux années de cours. Ce n'est pas un manque de désir de travailler plus longtemps de leur part, bien au contraire. C'est que les ouvertures sur le marché du travail en éducation sont rares. Dans ce cas-là, il s'agit de professeurs qualifiés au niveau universitaire. Ils sont incapables d'avoir plus. Parfois, ils ont deux jours de suppléance; parfois, ils peuvent être un mois sans suppléance. Ils font simplement quelques jours de travail ici et là; parfois, cela peut être une semaine et il peut arriver que ce soit un mois complet, mais sûrement ils n'ont pas pu s'assurer un revenu d'au-delà de 16 000 $. Je pense que ces gens-là tombent dans la même catégorie. Le député d'Argenteuil n'en a pas parlé. Je pense que toutes les interventions qui ont été faites auprès de lui l'ont été par des professeurs de l'éducation des adultes.

Il y a aussi cette catégorie de professeurs. Il y a ceux qui sont chargés de cours et il y a aussi ceux qui sont sortis des universités qui ne peuvent que faire de la suppléance occasionnellement. Souvent, ils se trouvent un autre emploi, mais c'est loin d'être assuré que, dans le contexte actuel, ces gens-là puissent aller supplémenter leur salaire. Ils sont tous dans le même bateau - c'est le cas des infirmières - parce que se sont des travaux spécialisés et il faut qu'ils se tiennent en disponibilité au cas où ils seraient appelés pour faire de la suppléance. C'est comme cela que ces gens-là fonctionnent. Ce sont les conditions actuelles du travail qui font que ces gens-là n'ont pas pu s'assurer un revenu minimal convenable.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'on a eu, lors des remarques préliminaires entourant le projet de loi, l'occasion de discuter de ce point particulier. Prenons, par exemple, le cas dont on nous parle en ce moment de ces enseignants à l'éducation des adultes. Ils peuvent gagner par heure de cours entre 23 $ et 27 $ l'heure. Il s'agit d'une personne qui peut aller se chercher, quand même, pour une heure de travail une rémunération passablement élevée, ce qui s'explique, d'ailleurs, - comme les députés de l'Opposition l'ont souligné - par une formation spécialisée qui mérite d'être rémunérée à un niveau raisonnable.

(22 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Pas nécessairement.

M. Bérubé: De fait, à l'éducation des adultes, on va trouver un bon nombre de diplômés universitaires ou, encore, on va trouver des professeurs qui possèdent une expertise technique particulière, que ce soit la soudure, la foresterie ou autre, qui les rend compétents et aptes à donner un enseignement. Cela explique pourquoi on peut leur donner un niveau de rémunération de 25 $ l'heure. Mais, en même temps, cela suppose, de la part de ces employés, des atouts, en général, dans la vie qui font que ce sont des gens mobiles, qui ont des possiblités de carrière de travail que n'ont pas la plupart de leurs concitoyens.

C'est la raison pour laquelle, lorsque nous avons décidé de ne pas respecter le principe: à travail égal, salaire égal, mais d'avantager les salariés à temps partiel gagnant de plus petits salaires, le compromis que nous avons fait a été essentiellement le suivant: nous sommes partis du principe qu'un employé oeuvrant à temps partiel à un niveau de rémunération horaire faible est sans doute une personne qui n'a pas beaucoup de possibilités de rechange. En d'autres termes, n'étant pas en mesure de se dégager un taux horaire élevé, il détient donc un emploi pour lequel les exigences de spécialisation sont nettement plus faibles. Il n'a donc pas la flexibilité et la mobilité d'un employé qui détient, par exemple, un diplôme universitaire ou une formation spécialisée. Donc, nous avons cherché à protéger, chez les employés à temps partiel, essentiellement ceux qui gagnaient en moyenne moins de

16 000 $ par année, mais qui, en même temps, sur la base de leur taux horaire, oeuvraient dans des domaines d'activité qui, sans doute, leur laissaient relativement peu de choix quant au type de travail qu'ils pouvaient rechercher. Donc, on a cherché à protéger des gens moins bien outillés face, si on veut, à la situation économique qui prévaut.

C'est la raison pour laquelle nous avons mis un plafond de 13 $ l'heure, qui correspond à peu près à un salaire annuel de 25 000 $, en disant: Quelqu'un qui n'est pas capable de gagner un salaire supérieur à 25 000 $, c'est quelqu'un qui, dans le fond, n'a pas beaucoup de choix qui s'offrent à lui. On est justifie de le protéger. Mais de quelqu'un qui, compte tenu du salaire horaire, peut aller chercher, s'il fait une semaine normale de travail, 25 000 $ ou 30 000 $ par année, on dit: Voilà une personne qui, sur la base de son taux horaire, dispose indéniablement d'atouts, d'avantages qui, normalement, devraient l'amener à pouvoir se débrouiller plus facilement dans la vie et dans une situation économique difficile. J'admets que ce n'est pas une règle absolue, mais elle dit, tout simplement, que quelqu'un qui est capable d'aller se chercher 25 000 $ par année en salaire, c'est une personne qui a des moyens pour se débrouiller qu'une personne qui ne peut aller chercher que 15 000 $ ou 16 000 $ n'a pas.

Par conséquent, c'est ce que nous avons choisi, pour des raisons carrément d'économie. C'est bien évident que nous étions limités dans la marge de manoeuvre et dans la quantité d'argent que nous voulions injecter dans les masses salariales. Compte tenu, donc, de l'argent limité que nous voulions injecter, nous avons cherché à nous accrocher à des principes qui feraient en sorte que, tout en respectant un certain nombre de règles d'équité, en même temps on ne serait pas entraînés à des déboursés trop considérables.

Le Président (M. Laplante): Oui, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je me demande si le président du Conseil du trésor peut me dire quel est le taux pour une journée de suppléance d'une enseignante et d'un enseignant qui entrent sur le marché du travail. Je sais bien qu'un enseignant peut se rendre éventuellement à 40 000 $ avec 19 ans de scolarité et 15 ans d'expérience, mais dans le cas des débutants, est-ce que quelqu'un a cette donnée-là ici?

M. Bérubé: On devrait être capable de vous la trouver.

M. Bisaiilon: M. le Président, est-ce que je pourrais me permettre de poser une question au président du Conseil du trésor? Comme la base qu'il a choisie est celle du salaire horaire, est-ce qu'il n'y a pas un certain déséquilibre? Là, on parle, évidemment, de travail à temps partiel. On dit: Pour les personnes qui gagnent un revenu supérieur à 13 $ l'heure, il n'y aura pas application de mesures particulières. La base du salaire horaire ne nous indique pas nécessairement le revenu qui est procuré par le travail. Par exemple, quelqu'un qui a un salaire horaire de 8 $, qui travaille à demi-temps, donc s'il fait 20 heures dans la semaine, cela lui fait un revenu de 160 $. Si je prends un enseignant, peu importe sa condition, qui sort de l'université ou pas et qui enseigne au niveau de l'éducation aux adultes, même si la base du salaire horaire est de 25 $, s'il enseigne trois heures par semaine, cela lui fait un revenu de 75 $. Parce que la base qui a été choisie est celle du salaire horaire, il va être plus pénalisé finalement, en termes de revenu hebdomadaire, qu'un autre.

M. Bérubé: Ce que je dis...

M. Bisaillon: Je ne voudrais pas que le ministre me réplique par un argument que j'ai déjà entendu, qui est celui de la mobilité. Il s'agit de quelque chose de factuel. Il y en a un qui travaille sur une base horaire qui ne peut pas se trouver plus de travail que trois heures par semaine, alors que l'autre à côté qui en travaille 20 est sur une base horaire de 10 $; leurs revenus sont, quand même, différents.

M. Bérubé: M. le Président, c'est parfaitement exact. Il existe, par exemple, des conseillers hautement spécialisés que nous pouvons engager comme contractuels à un taux horaire de 90 $ l'heure. Il est tout à fait plausible que je ne l'engage que dix heures dans son année et que cela représente 900 $ et qu'à ce moment-là je dise: Voici un petit salarié que je devrais protéger étant donné qu'il ne gagnera que 900 $ durant son année. Je m'arrête et je me dis: Quelqu'un qui peut gagner 90 $ l'heure, qu'il se débrouille. Ce n'est pas moi qui vais le protéger sous prétexte que je ne lui ai payé que 900 $. Ce que j'essaye de poser, c'est le principe. Donc, quelqu'un qui peut aller se chercher 90 $ l'heure, je dis que ce n'est pas un petit salarié. Même si je ne l'ai engagé que dix heures durant l'année et qu'il n'a travaillé que pour 900 $, je persiste à dire que ce n'est pas un petit salarié. C'est quelqu'un qui peut aller se chercher un salaire élevé sur le marché du travail. Il dispose donc d'atouts, de moyens pour aller se chercher une rémunération intéressante et, à ce moment-là, on fait appel à sa débrouillardise.

Le député de Sainte-Marie met l'accent uniquement sur la dépendance. Je préfère mettre l'accent sur la débrouillardise, car quelqu'un qui peut gagner 27 $ l'heure dans l'enseignement n'est pas dépourvu. C'est quelqu'un qui dispose soit d'un talent naturel dans un domaine donné, soit d'une spécialisation dans un domaine donné, soit d'un diplôme universitaire. À ce moment-là, compte tenu des atouts dont il dispose, je n'ai pas à jouer continuellement à l'Etat providence qui serait chargé perpétuellement de faire en sorte que les citoyens n'aient jamais à subir aucun impact négatif de quelque nature que ce soit. C'est cette mentalité de dépendance, je pense, qu'il faut pourchasser.

Or, voulant protéger les employés à temps partiel d'un côté, on a fixé un plafond horaire de 13 $ qui correspond à une capacité d'aller chercher sur une base de temps plein à peu près 25 000 $ par année. On a dit: Quelqu'un qui peut gagner 25 000 $ par année et plus, c'est quelqu'un qui peut se débrouiller. S'il n'est pas content de travailler à temps partiel pour le gouvernement, qu'il se cherche un emploi ailleurs. C'est aussi simple que cela. Il n'y a pas plus de philosophie et de métaphysique que cela.

M. Bisaillon: Sauf que cela va à l'encontre de ce qu'il a dit, M. le Président, et c'est cela que je veux rappeler. Je comprends que le ministre est fermé et qu'encore une fois il nous présente un mur qui va être difficile à franchir, mais je veux juste lui souligner que j'embarquais, tout simplement, dans l'argumentation qu'il nous a lui-même servie. C'est assez étrange de voir jusqu'à quel point le ministre utilise des arguments quand ils font son affaire et qu'il les défait lui-même aussitôt que cela ne le sert plus.

L'argument utilisé par le ministre quant aux employés à temps partiel était celui d'un choix. Quand il a fait son choix, il a dit: On peut choisir la base: à travail égal, salaire égal, puis on peut considérer que, si actuellement il y a des gens qui sont à temps partiel, ce n'est pas par choix. Il ne nous a pas dit que c'est parce que ce sont des bas salariés ou des hauts salariés. Il nous a dit: S'il y en a qui sont à temps partiel, on peut considérer qu'à cause du contexte économique actuel, ce n'est pas par choix personnel qu'ils le sont.

Quand il arrive dans l'application - là, il faudrait qu'il soit assez honnête pour nous le dire - tout le reste de son argumentation ne correspond plus à sa démarche première, mais correspond davantage à un besoin ou à un goût ou un désir d'économiser un peu plus d'argent encore aux dépens de personnes qui n'ont pas nécessairement le revenu dont il parle.

On est d'accord avec lui pour dire que quelqu'un qui gagne 90 $ l'heure, ce n'est pas un petit salarié. Il ne s'agit pas de savoir si, dans les circonstances, c'est un petit ou un haut salarié. Il s'agit plutôt de savoir si, dans le secteur public, avec les limites qu'on leur fixe de plus en plus quant aux possibilités et aux ouvertures d'emplois, quelqu'un qui travaille trois heures par semaine, parce qu'il n'a pas le choix et qu'il n'a rien d'autre... Mobile ou pas, il n'y a pas plus d'engagement d'enseignants spécialisés en maternelle à Montréal qu'il n'y en a au Lac-Saint-Jean. La mobilité là-dedans n'est plus un argument. Comment se fait-il que le ministre ne traite plus de cette question selon l'argument premier qu'il nous avait servi? C'est cela.

M. Bérubé: Le député de Sainte-Marie y a lui-même répondu. Il a dit qu'un des principes pouvant sous-tendre la rémunération des employés à temps partiel pourrait être, comme il s'agit, dans la conjoncture économique, d'employés qui enseignent à temps partiel non par choix, mais par nécessité, qu'à ce moment-là on pourrait déroger à l'autre principe qui dit à salaire égal, travail égal et privilégier les employés à temps partiel ayant une rémunération moyenne moindre sur l'année. Le principe est qu'ils y sont non par choix, mais par nécessité. C'est là que j'introduis la réponse. Lorsqu'un employé...

M. Bisaillon: Est-ce que je peux seulement vous poser une question, pour que vous complétiez cela?

M. Bérubé: Non, non, dès que j'aurai terminé. Je n'ai absolument aucune objection à ce que le député de Sainte-Marie intervienne, mais je tiens à terminer mon intervention. Merci, M. le Président.

M. Bisaillon: C'est parce que cela me permettrait peut-être d'avoir des explications plus complètes, M. le Président.

M. Bérubé: Non, mais, M. le Président, malheureusement, vous m'avez donné la parole, n'est-ce pas?

M. Bisaillon: Si sa base horaire est de 13 $...

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

M. Bisaillon: Tu as gagné, mon petit garçon. Content, là? Tu as gagné.

M. Bérubé: M. le Président, je pense que le député de Sainte-Marie est

présentement en train de faire une sainte colère à peu près comme quand il avait deux ans et qu'il tapait du pied.

Le Président (M. Laplante): Si vous voulez répondre, s'il vous plaît, M. le ministre.

M. Bérubé: Mais, enfin, M. le Président, je continue. Donc, j'ai simplement dit ceci: Je ne peux pas aller vérifier si tous les employés oeuvrant à temps partiel au gouvernement le font simplement par nécessité. D'abord, ce serait totalement faux de prétendre que les employés qui travaillent à temps partiel au gouvernement le font tous par nécessité. On peut reconnaître qu'un certain nombre d'entre eux peuvent le faire par nécessité. Le problème est, lorsque nous réglons le problème, que nous le réglons pour tout le monde, qu'on le fasse par choix ou qu'on le fasse par nécessité. Or, il est clair que, chaque fois qu'un employé à temps partiel le fait par choix, ce n'est pas normal que je le rémunère mieux que son voisin à côté qui, lui, travaille à temps plein, les deux ayant choisi le mode de travail qui leur convient. Néanmoins, lorsque je ne fais pas de distinction entre quelqu'un qui a choisi de travailler à temps partiel ou qui y est forcé, je suis conscient d'une certaine injustice, en un sens, que je crée.

Aussi, je pose un deuxième principe. Je ne veux pas que l'avantage que je confère à un employé à temps partiel devienne abusif lorsque cet employé est rémunéré à un taux horaire plus élevé, car, alors, je dis: Voici un citoyen qui dispose d'une mobilité, qui dispose d'atouts qui font que, s'il n'est pas content de son sort, il peut regarder ailleurs. Il est censé avoir assez d'avantages par rapport à ses concitoyens qui n'ont pas son éducation, qui n'ont pas son expérience, qui n'ont pas ses avantages. Il est avantagé par un si grand nombre de facteurs qu'alors on dit que, dans son cas, nous ne lui accorderons pas de protection particulière.

Simplement pour répondre à la question de la députée de L'Acadie, je prends le cas d'enseignants à temps partiel suppléants. Pour 14 années ou moins de scolarité, 23,16 $; pour 20 années ou moins de scolarité, 37,26 $.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela tient compte du nombre d'années d'expérience?

M. Bérubé: Bien oui. Ce sont 20 ans de scolarité.

Mme Lavoie-Roux: C'est la scolarité, mais il y a aussi l'expérience qui entre en ligne de compte.

M. Bérubé: Ce sont des taux fixes, ici.

Mme Lavoie-Roux: Donc, 23,16 $ pour un enseignant à l'élémentaire et au secondaire. (23 heures)

M. Bérubé: Oui. Donc, il ne s'agit pas de petits salariés. Il s'agit là de nos concitoyens qui vont chercher, pour une heure de travail, un des plus hauts taux de rémunération que l'on puisse espérer. Évidemment, je reconnais qu'il y a dans cela de la préparation de cours et que, par conséquent, il faut toujours prendre garde, lorsqu'on regarde la rémunération horaire d'un enseignant, à ne pas présumer que cet enseignant n'a travaillé qu'une heure pour le niveau de rémunération en question. Mais il demeure qu'il s'agit là de niveaux de rémunération horaire importants consentis à des gens qui ont accumulé une expérience, qui ont accumulé des connaissances qui les avantagent dans la vie. Sur cette base, nous disons qu'il n'y pas lieu de chercher à les avantager encore plus, c'est tout.

M. Bisaillon: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Excusez, il y avait juste une petite remarque.

Mme Lavoie-Roux: Ah! oui, c'était à vous.

M. Bisaillon: Ce ne sera pas long. M. le Président, l'essentiel de mes propos, c'était de souligner au ministre que, la base de son calcul étant le salaire horaire, il désavantageait un certain nombre de personnes pouvant travailler moins d'heures dans une semaine. Si je prends sa base horaire, quelqu'un qui travaillerait, par exemple, à mi-temps, qui ferait du travail à temps partiel, 20 heures, cela lui ferait donc 260 $ par semaine. Le ministre reconnaît que, pour cette personne qui travaillerait à temps partiel, sur une base de 20 heures par semaine, à 13 $ l'heure, il pourrait consentir un traitement spécial. Il consent déjà un traitement spécial. Dans le cas des enseignants dont parlait Mme la députée de L'Acadie, puisqu'il n'est pas question de salaire horaire, la plupart du temps, dans leur cas, de façon générale, est-ce qu'on ne pourrait pas prendre la base hebdomadaire pour équilibrer le salaire de ces deux personnes qui travaillent à temps partiel? Pour tout enseignant qui travaillerait à temps partiel et qui gagnerait moins de 260 $ par semaine, parce qu'il fait moins d'heures, parce que et parce que, est-ce qu'on ne pourrait pas tenir compte, autrement dit, du revenu hebdomadaire calculé à partir de la base salariale horaire que le ministre veut mettre de l'avant? C'est seulement cela que je dis et c'est là-dessus qu'il ne me répond jamais. Là, il va peut-être me répondre.

M. Bérubé: M. le Président, lorsque nous négocions des conditions de travail, prenons le cas d'un enseignant au collégial, lorsqu'un enseignant au collégial travaille à mi-temps, il reçoit la moitié d'un salaire et personne n'a cherché à lui donner un niveau de rémunération supérieur sous prétexte qu'il travaille à mi-temps.

M. Bisaillon: Parce qu'autrefois, quand ils négociaient vraiment, ils ne les coupaient pas, ils les augmentaient.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Bisaillon: Vous, vous les coupez.

Mme Lavoie-Roux: Bien oui, ce n'est pas du tout...

M. Bisaillon: Vous ne négociez pas, en plus.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil depuis longtemps demande la parole.

M. Ryan: Je ne suis pas pressé, je peux laisser parler Mme la députée de L'Acadie. Je suis un homme poli.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je remercie le député d'Argenteuil.

M. Bérubé: M. le Président, le député d'Argenteuil vient de dire qu'il est un homme poli et je voudrais ajouter cela à la liste des qualificatifs dont il s'est attribué la paternité depuis le début: humilité, simplicité, politesse.

M. Ryan: Je vous ai recommandé l'humilité à vous, comme gouvernant, et vous ne la pratiquez pas beaucoup. Nous, de l'Opposition nous y sommes obligés.

M. Blais: Vous allez partir une chicane. Cela commence à être un terrain glissant.

M. Ryan: Dans l'Opposition, quand vous connaîtrez cela, vous verrez qu'il y a bien des sources d'humilité; vous n'êtes pas obligés de courir après.

Le Président (M. Laplante): Mme la députée de L'Acadie, si vous voulez utiliser votre droit de parole.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, disons qu'au point de départ j'accepte votre principe du taux horaire. Mais quand vous poursuivez votre raisonnement et que vous dites: À partir de ce taux horaire, j'en déduis que ceux, hommes ou femmes, qui gagnent plus de 13 $, c'est nécessairement des gens débrouillards, ce sont des gens qui, normalement, peuvent trouver un complément de revenu ailleurs, je pense que, si on était dans des circonstances économiques régulières, il y aurait de bonnes chances, en tout cas, que, dans 90% des cas, votre raisonnement soit juste. Je crois que même un diplôme d'enseignant ou d'ingénieur ne donne pas nécessairement de la débrouillardise.

M. Bisaillon: Non.

M. Bérubé: En tout cas, je suis d'accord pour la référence au diplôme d'enseignant, parce qu'on pourra le confirmer. Le diplôme d'ingénieur, j'aimerais qu'on l'étudie davantage.

Mme Lavoie-Roux: Comment m'expli-queriez-vous que, même aujourd'hui, tous ces ingénieurs très, très débrouillards... C'est cela, il vient de nier. C'est seulement chez les enseignants qu'il peut y en avoir qui sont moins débrouillards. Sérieusement, quand on sait que le marché du travail est tel que même des ingénieurs et un grand nombre de professionnels sont en chômage, je pense qu'il y a parmi eux, et chez les enseignants et chez les ingénieurs, des gens qui sont en chômage ou qui ont des contrats d'une très courte durée à cause de la conjoncture économique.

C'est là que je trouve que, même si j'accepte le point de départ de la base du raisonnement du taux horaire, on ne peut partir de cela et dire: C'est simplement leur faute; s'ils ne vont pas chercher un supplément de salaire ailleurs, c'est parce qu'ils manquent de débrouillardise. Je pense qu'à ce moment le ministre est peut-être trop porté à généraliser. Là, je vais peut-être lui faire une petit compliment; je pense que lui est débrouillard et que, s'il était pris dans le même pétrin, il se trouverait quelque chose. Mais il ne faut pas toujours - vous savez, il ne le fait pas par mauvaise volonté, il ne s'en rend pas compte - identifier sa position à lui comme ministre...

M. Blais: Débrouillard, mais innocent. Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): J'espère que ce n'est pas enregistré, n'est-ce-pas?

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas moi qui ai dit que le ministre était innocent. C'est le député de...

M. Blais: Viau.

Mme Lavoie-Roux: ...Terrebonne. Vous

l'avez bien entendu.

Le Président (M. Laplante): Continuez.

Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je pense que vous commettez une injustice ou un manque d'équité envers ces gens qui, dans les circonstances actuelles, peuvent avoir des revenus aussi minces que ceux à qui on ne demandera pas de récupération.

On pourrait aussi se placer sous un autre angle. La raison pour laquelle le gouvernement est allé récupérer de l'argent chez des gens, c'est que le gouvernement a dit: J'ai un manque à gagner de 500 000 000 $ - enfin, c'était de l'ordre de 500 000 000 $ - et la raison pour laquelle j'ai ce manque à gagner, c'est que j'ai donné trop d'argent à X personnes qui vont chercher des revenus que je ne peux plus assumer.

Je ne dis pas que le gouvernement est à blâmer pour tout cela; je laisse cela de côté. Ce n'est pas le cas des gens qui ont des revenus à temps partiel qui sont en bas de 16 000 $. L'État n'a pas eu à assumer à l'endroit de ces gens des coûts faramineux. Ce n'est même pas un minimum que ces gens allaient chercher dans bien des cas. Je pense que toute la question de la base horaire - je comprends que le gouvernement ait essayé de se donner une base pour en exclure le plus grand nombre possible - ne change pas la situation des gens qui, sur une même base, ont des revenus absolument égaux qui sont en bas de 16 000 $ parce qu'ils ont travaillé à temps partiel.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Bérubé: M. le Président, n'y a-t-il pas le principe de l'alternance? Non?

Le Président (M. Laplante): Ah oui! Le ministre a toujours le droit de parler dans un projet de loi, aussi souvent que cela lui plaît. Le règlement le dit, monsieur.

M. Bérubé: Je vous remercie infiniment, M. le Président, de votre grande générosité, mais comme la députée de L'Acadie...

Le Président (M. Laplante): C'est le règlement, monsieur. Ce n'est pas...

M. Bérubé: ...vient de faire une intervention qui m'apparaît pertinente, rigoureuse, empreinte d'une grande générosité, tout à l'honneur de la députée de L'Acadie, il me semblait qu'il était approprié, à tout le moins, que je puisse y aller d'une ou deux remarques.

Mme Lavoie-Roux: Ce doit être les fleurs avant le pot.

Le Président (M. Laplante): Je pense que vous n'avez pas compris ce que j'ai dit tout à l'heure, M. le ministre. C'est que le règlement permet au ministre une réplique aussi souvent...

M. Bérubé: Alors, vous me donnez la parole?

Le Président (M. Laplante): Je vous la donne, c'est sûr.

M. Bérubé: Ah! Merci, M. le Président. Vous êtes d'une rare générosité ce soir. D'abord, je voudrais dissiper une impression que certains de mes propos semblent avoir laissée dans l'esprit de la députée de L'Acadie à savoir que, pour moi, quelqu'un qui gagne 13,01 $ l'heure peut se débrouiller dans la vie et que quelqu'un qui gagne 12,99 $ l'heure ne saurait se débrouiller dans la vie. Or, objectivement, si on regarde la proposition dans le document 86, on se rend bien compte que c'est ce qu'elle veut dire en pratique, c'est-à-dire que quelqu'un qui gagne 12, 99 $ l'heure...

Mme Lavoie-Roux: Mais c'est vous qui disiez cela.

M. Bérubé: ...se verra mieux protégé que quelqu'un qui gagne 13,01 $ l'heure. On pourrait certainement imaginer une modulation, enfin, on pourrait compliquer à plaisir le problème et tenter de l'administrer. C'est clair qu'il fallait prendre un certain nombre de décisions simples, faciles à administrer, il fallait mettre un plafond. Dans le cas de la projection des bas salariés, nous avons introduit, si vous vous le rappelez, une sorte d'échelle progressive avec des marches, des paliers et des gradations progressives des niveaux de rémunération. Cela implique, quand même, une très grande complexité, d'une part.

Pour ce qui est des employés a temps partiel, c'est encore plus complexe car il faut compter le nombre d'heures effectivement faites. Il y a un très grand travail de comptabilité. Il faut bien se dire une chose. Lorsqu'on parle d'une réduction salariale de 20%, c'est sur trois mois. Il ne faut pas oublier qu'antérieurement il y avait eu une augmentation sur six mois de Il%, ce qui fait que l'effet net est de laisser environ 6% résiduels dans la poche des employés de l'État. Les 6% résiduels ne sont quand même pas négligeables en période économique aussi difficile que celle-ci. De fait, il reste 6% d'augmentation de salaire après la loi 70, compte tenu de l'augmentation qui a été versée de juillet à décembre. Il reste que beaucoup de nos concitoyens se seraient contentés de 6% d'augmentation et auraient dit merci. À Matane, il y a 32% de chômage, à Sainte-Anne-des-Monts 55% et

j'aime autant vous dire que les gens que je rencontre dans la rue, si on leur donnait 6% d'augmentation, ils trouveraient cela nettement mieux que le moins 50% ou moins 60% qu'ils ont en revenus cette année.

Il fallait donc arriver à quelque chose qui soit raisonnablement simple sans vouloir amplifier de façon absolument dramatique le problème que nous soulevons. Nous disons, pour un employé à temps partiel dont le taux horaire est faible: Acceptons de lui assurer un meilleur niveau de rémunération. Pour les employés à temps partiel reconnaissons que nous touchons essentiellement les chargés de cours parce que ce sont eux qui se retrouvent dans cette catégorie - gagnant, plus de 13 $ l'heure, nous estimons que le taux horaire qui leur est versé est déjà suffisamment raisonnable. Ce ne sont pas des petits salariés et, même si en moyenne, durant l'année, ils ne font peut-être pas de gros salaires, on ne peut pas prétendre que c'est le seul emploi qu'ils occupent. Dans la plupart des cas, il y a plus d'un emploi. Les gens font de l'enseignement à l'éducation des adultes le soir, mais très fréquemment ils ont d'autres activités, car, pour enseigner à l'éducation des adultes, il faut un minimum de compétence et cette compétence-là peut être mise à profit ailleurs qu'à l'éducation des adultes.

Il m'apparaît que la proposition que nous avons qui coûte quand même 17 000 000 $ - elle est, quand même, assez coûteuse - n'a pas à être améliorée, d'autant plus - c'est le troisième point, M. le Président, que je veux soulever - qu'on peut toujours se mettre dans la position de demander. Je comprends, c'est le rôle de l'Opposition, de dire: Vous m'en mettez pas assez. Mon problème n'est pas là.

Mme Lavoie-Roux: On a été modestes dans nos demandes.

M. Bérubé: Mon problème est que j'ai d'autres demandes. Il y a des jeunes à l'aide sociale. Je n'ai pas d'argent à leur donner, je n'en ai pas. Si j'avais 20 000 000 $ à donner, est-ce que je les donnerais à quelqu'un qui gagne 25 $ l'heure ou si je le donnerais à un jeune à l'aide sociale? Je le donnerais à un jeune à l'aide sociale. Le principe est là.

Une voix: Vous étiez supposé leur donner...

M. Bérubé: C'est un principe d'équité sociale. Ce sont des gestes inconsidérés comme ceux que nous propose l'Opposition qui font qu'à un moment donné il y a des gens qui sont mal pris dans la société, que l'État devrait aider et qu'on ne peut pas aider parce qu'on a mis l'argent ailleurs. Si j'avais 20 000 000 $ à mettre, je ne les mettrais pas sur quelqu'un qui gagne 25 $ l'heure. Point à la ligne. Je les mettrais ailleurs où il y a du monde qui en a besoin. C'est tout.

M. Bisaillon: C'est épouvantable!

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Bisaillon: Ils ont passé un an à nous dire qu'ils donneraient les 541 000 000 $ aux assistés sociaux et là il vient de nous dire qu'il n'a pas une "cenne", après avoir coupé 541 000 000 $. Épouvantable!

M. Bérubé: M. le Président, j'ai l'impression que le député de Sainte-Marie n'avait pas le droit de parole.

M. Bisaillon: II est président, en plus!

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, ce n'est pas mauvais que le ministre se laisse aller à sa logique naturelle qui est exceptionnellement limitée et restreinte. Plus il parle, plus il est intéressant de voir les défaillances de raisonnement déplorables qui président à des décisions très importantes de notre gouvernement. (23 h 15)

J'ai un certain nombre de points à soulever avec lui. Le ministre a mentionné un montant. C'est la première fois que je l'entends. Il a prévu 97 000 000 $ pour cette opération-ci...

M. Bérubé: Non, 17 000 000 $.

M. Ryan: 17 000 000 $. Combien cela couvre-t-il de personnes, d'après vos calculs?

M. Bérubé: Essentiellement, à temps partiel, dans le réseau des affaires sociales, il doit y avoir 125 000 personnes, puisque cela touche 50 000 à 60 000 employés à temps partiel en équivalent à temps plein. Alors, si vous ramenez cela sur la base de mi-temps, ce serait autour de 110 000 personnes et, si vous ramenez cela sur une base quelque part entre un quart de temps et mi-temps, vous l'ajustez en conséquence. Donc, c'est quelque part entre 100 000 et 150 000 personnes.

M. Ryan: Attendez un peu. Je n'ai pas fini. Il faut que je fasse un calcul. Le ministre a-t-il sa calculatrice?

M. Bérubé: Hélas, non! J'ai dû la faire réparer. Elle chauffait.

M. Ryan: Je voulais lui demander combien cela fait par personne, en moyenne. Si vous calculez 125 000 personnes, 17 000 000 $, c'est à peu près...

M. Bérubé: M. le Président, le problème avec les moyennes, c'est qu'il y a des gens qui se sont noyés dans une rivière dont la profondeur moyenne était de trois pouces.

M. Ryan: Pourrait-on avoir une réponse plus sérieuse que cela, M. le Président? Je comprends que le ministre soit fatigué, il commence à divaguer, mais je lui ai posé une question sérieuse. D'après mes calculs, cela fait une différence de 170 $ par personne, en moyenne. Supposons qu'on dise 125 000, est-ce que je me trompe beaucoup?

M. Bérubé: Non.

M. Ryan: Alors, j'établis ce point pour commencer. Je veux en venir au deuxième point maintenant. Nous avons parlé de manière plus détaillée des enseignants à temps partiel dans le secteur de l'éducation des adultes. Il y a aussi les chargés de cours qui tombent dans la même catégorie. Je voudrais seulement faire un calcul au ministre, parce que je le vois lever les bras au ciel et je l'entends penser qu'on va l'engloutir...

M. Bérubé: Si c'est vers le ciel, cela doit vous faire plaisir.

M. Ryan: Vous autres, vous étiez pour oublier un zéro; vous étiez bien plus forts qu'on ne l'est de ce côté-ci et cela nous a coûté cher, à part cela. Vous avez été obligés de le prendre de force dans la poche des gens. Ce n'est pas ce qu'on vous demande. Je vais vous faire un calcul et, si vous avez votre calculatrice, j'aimerais que vous le fassiez avec moi pour qu'on ne se trompe pas.

Je vous disais tantôt: II y a à peu près Il 000 enseignants à temps partiel dans le secteur public de l'éducation des adultes. Il y en a un bon nombre qui ont gagné au-delà. D'après le document sessionnel 85, vous êtes plus près de 18 000 $ que de 16 000 $, à moins que je ne sache pas compter. Vous mettez 14 504 $ pour un trimestre. Est-ce que cela fait 18 000 $ ou 16 000 $?

M. Bérubé: II me semble que c'est 16 000 $, le point de départ.

M. Ryan: II ne le sait pas encore, mais cela fait 18 000 $. 4500 multiplié par 4, cela a toujours fait 18 000. Pas besoin de calculatrice pour savoir cela.

M. le Président, nous avons Il 000 enseignants à temps partiel, disons 10 000 enseignants. Là-dessus, il y en a un bon nombre qui ont au-dessus de 18 000 $, pour toutes sortes de considérations. Ceux qui sont enseignants de jour, disons qu'il y en a 1000 ou plusieurs centaines. Il y en a d'autres qui vont probablement chercher au-delà de 18 000 $. Disons qu'il resterait 8000 enseignants qui auraient été, pour la période dont nous parlons, au-dessous de 4504 $. Vu qu'ils sont sous le du seuil de 4504 $ qui a été fixé, la moyenne qui sera disponible pour eux ne peut pas être tellement plus grosse. Disons qu'elle serait un peu plus grosse, que ce serait une moyenne de 300 $, mettons un chiffre généreux. Il ne faut pas oublier que nous discutons toujours de la réduction qui est infligée à des salariés pendant la période du 1er janvier au 1er avril. On discute seulement de cela. Je pense qu'on est d'accord que l'article Il ne traite que de cela. Si je multiplie 8000 par 300 $, cela fait 2 400 000 $ au maximum. Je pense qu'on est d'accord sur ces chiffres-là. On est d'accord sur ces chiffres-là, je pense.

M. Bérubé: Oui, mais est-ce de 10 000 enseignants équivalent à plein temps que vous me parlez?

M. Ryan: Non, ce sont des unités. Là-dessus, même quand j'en mets 8000, je suis généreux, M. le ministre, parce qu'il n'y en a pas plus que 70% dont c'est la seule source de revenu. C'est facile à vérifier, ce sont les commissions scolaires qui nous ont communiqué ce renseignement. Je ne l'ai pas pris dans les poubelles. On met 8000 pour les fins du calcul; disons que ce serait entre 2 000 000 $ et 3 000 000 $. Si vous étiez prêt à nous dire ce soir: On regardera cela avec le ministre de l'Éducation et, si c'est un montant de cet ordre-là, on est prêt à regarder la possibilité d'un ajustement, je pense que vous feriez un geste d'une grande humanité et d'une grande ouverture qui n'est pas de nature du tout à mettre en péril l'équilibre des finances publiques du Québec.

C'est cela, la proportion du problème qu'on pose. Je vous assure que ce sont des termes réels. Si vous me disiez que vous êtes prêt à l'examiner avec le ministre de l'Éducation, je demanderais que l'article 2 soit mis entre parenthèses jusqu'à la prochaine séance qu'on aura parce qu'on ne pourra pas finir pour minuit comme on est parti là parce qu'on a un gros problème à poser à l'article suivant, l'article 12. Je comprends qu'on ne discute pas dans ces perspectives-là. J'apprécie l'ouverture du ministre, par exemple, parce qu'il ne nous a donné aucun signe d'impatience, rien. On discute d'une manière qui est intéressante, finalement, même si on n'est pas d'accord.

Je pose le problème dans ses dimensions véritables. S'il y a lieu de me contredire, j'en serais très heureux. Mais, c'est dans ces proportions-là, il me semble

que cela vaudrait la peine parce que j'ai eu l'impression que le problème avait été réglé de manière un petit peu preste. Il m'a été donné d'interroger le ministre de l'Éducation à ce sujet en commission parlementaire de l'éducation lors de l'étude des crédits du ministère. Tout ce que le ministre de l'Éducation a trouvé à me répondre, c'est qu'il avait posé le problème et qu'apparemment on s'en venait avec une limite de 13 $. À ce moment-là, on n'avait pas le temps d'aller plus loin parce que, pour ce secteur de l'éducation aux adultes, on n'avait que deux ou trois heures à la commission parlementaire et on n'a pas pu fouiller plus loin. Ce n'est pas du tout par entêtement personnel. Je me dis: Le gouvernement a voté contre nous et nous avons voté contre le gouvernement depuis le début de la séance. Une fois de plus, une fois de moins, cela ne change rien à nos bons rapports. Je vais écouter le ministre avec intérêt tantôt. Je lui soumets ce problème.

Deuxième considération que je voudrais faire. C'est un point que j'avais soulevé dans le débat de deuxième lecture, mais nous n'avons pas eu l'occasion d'y revenir. Le ministre avait dit dans son discours de deuxième lecture que les dirigeants syndicaux n'avaient pas manifesté de chaleur spéciale à l'endroit de ce problème. Ils semblaient plutôt indifférents. Ils se disaient plus sympathiques au principe: à salaire égal travail égal, finalement, qui n'est pas du tout le premier principe dans ce cas-ci.

J'ai signale à l'attention du ministre que, dans le cas de la CEQ, plus exactement, je pense, de la Commission des enseignants de commissions scolaires, qu'eux étaient très préoccupés par ce problème. Ils avaient adopté, à ma connaissance, une résolution. J'imagine qu'ils ont dû la transmettre au gouvernement. Je ne l'ai pas reçue. J'imagine qu'ils ont dû la transmettre au gouvernement, car c'était une résolution demandant au gouvernement d'examiner ce problème de très près. Je pense que c'est leur sentiment véritable.

Ensuite, je souligne encore à l'attention du ministre le cas des 70%. Si le ministre est intéressé à poursuivre l'examen du problème, je m'engage à lui apporter des données plus complètes là-dessus. 70% tirent de ce travail leur seule source de revenu professionnel.

Je regarde maintenant l'instrument qu'a fabriqué le Conseil du trésor pour le calcul du montant forfaitaire de compensation qui sera versé aux travailleurs à revenu modeste. Il y a un plafond qui est fixé de 4 504 $ pour le premier trimestre. S'il appliquait ce plafond à tout le monde, . puis en prévoyant que, pour le cas des enseignants à temps partiel, que ce soit dans l'éducation des adultes ou dans d'autres secteurs, surtout pour les enseignants de l'éducation des adultes étant donné l'importance encore plus grande de ce côté-là... Je pense qu'il n'y a tout ce qu'il faut pour éviter qu'il y ait des excès. Encore une fois, on a établi un ordre de grandeur qui est, quand même, très modeste.

J'ajoute un dernier point au sujet de la mobilité. Il me semble que, dans une période où nous avons au Québec... Combien avons-nous de chômeurs au Québec? 450 000, 500 000?

M. Bérubé: 450 000 chômeurs.

M. Ryan: Nous avons 450 000 à 500 000 chômeurs déclarés et sans doute 600 000 en comptant ceux qui ne sont pas déclarés, qui se sont retirés.

M. Bérubé: C'est-à-dire que vous avez à l'aide sociale, aptes au travail, à peu près 260 000 personnes.

Mme Lavoie-Roux: On arrive à tout près de 1 000 000, les deux ensemble, 575 000 vivant de l'aide sociale.

M. Ryan: Maintenant, dans l'aide sociale, il y a ceux qui sont aptes au travail et ceux qui ne le sont point.

M. Bérubé: C'est cela. 270 000 aptes au travail.

Mme Lavoie-Roux: II y a des enfants parmi les 600 000, je crois, qui vivent de l'aide sociale.

M. Ryan: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il y a des enfants quand on compte 600 000.

M. Ryan: Mais il a dit 270 000 aptes au travail.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui! C'est cela.

M. Ryan: Cela fait, en tout, entre 800 000 et 900 000 personnes qui sont sans emploi pour une raison ou l'autre. Je ne veux pas m'embarquer dans cela, disons que c'est au-delà de 700 000 facilement. Il y a des considérations qu'il faudrait faire, qui sont extrinsèques à notre discussion. Ce que je voudrais signaler à l'attention du ministre, c'est que, dans une conjoncture de chômage comme celle-là, il me semble que ce n'est pas le moment pour un porte-parole gouvernemental d'aller lancer le flambeau de la mobilité à tous les vents dans une discussion comme celle-ci. Il y a des gens qui voudraient avoir la mobilité. Je pense que nous en connaissons tous, des diplômés qui sont sans travail et, quand ils peuvent

trouver une petite heure d'enseignement ici et là ou une petite activité, ou un petit concert, ou une petite occupation pour leur permettre de gagner quelques dollars, ils sont extrêmement reconnaissants de pouvoir le faire. Il faut s'approcher de ces gens-là. Vous en avez parlé pour votre comté de Matane. On pourrait en parler pour bien d'autres comtés. C'est un phénomène qui est encore plus prononcé, je pense, dans les centres urbains parce que la proportion des gens qui ont fait des études plus développées est plus grande de ce côté pour des raisons qu'on comprend tous, d'ailleurs. Tout en reconnaissant objectivement qu'il y a un bon argument-là, il me semble que dans le contexte où nous sommes, c'est un argument qui est plus difficile.

Encore une fois, je pense qu'on a donné la dimension du problème. Je pense qu'on a donné à peu près toutes les considérations qui pourraient être fournies. Il me semble qu'il faudrait avoir de la part du ministre une ouverture qui ferait que ce problème pourrait être envisagé en vertu du paragraphe 1, qui est très bien, quitte à mettre quelques autres réserves qui empêcheraient les excès. Je comprends le ministre de ne pas vouloir jeter de l'argent là où il n'y a pas lieu d'en jeter; je le comprends très bien. Mais il me semble qu'on a montré la nature, l'acuité et aussi le caractère relativement circonscrit du problème de manière assez claire pour que cela justifie un peu d'ouverture.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. En fait, je n'ai pas voulu essayer de suivre les calculs détaillés du député d'Argenteuil. Je veux bien qu'il me dise que, si cela coûte 2 500 000 $, cela coûtera 2 500 000 $ -qu'est-ce que 2 500 000 $, comme disait l'autre - mais, évidemment, ces calculs sur le coin de la table sont toujours un peu dangereux. Je me souviens de l'intervention du député de Jean-Talon à l'Assemblée nationale lorsqu'il s'étonnait de la pingrerie du gouvernement et qu'il nous faisait une proposition dans son discours. J'ai, d'ailleurs, extrait les termes exacts et fait calculer le coût de la proposition que nous faisait le député de Jean-Talon. En fait, elle coûtait 2 000 000 000 $ de plus que les demandes du front commun. Alors, cela vous donne une petite idée de la façon dont le Parti libéral gère les finances publiques: il offrait 2 000 000 000 $ de plus que ce que le syndicat demandait, il faut le faire!

M. Ryan: Quelle mesquinerie! Quelle légèreté!

M. Bérubé: Ce n'est pas de la légèreté, c'est de l'inconséquence...

M. Ryan: Oui, M. le Président, c'est complètement en dehors de ce qu'on discute ce soir.

M. Bérubé: ...dans un effort pour aller chercher le vote...

M. Ryan: Démagogue! "Cheap shot"!

M. Bérubé: ...de gens honnêtes et sincères. Essentiellement, on manipulait des chiffres d'une façon absolument éhontée et scandaleuse, sachant très bien que la société québécoise n'avait pas les moyens. Mais cela ne fait rien, on jetait, pour faire de l'esbroufe, des chiffres élevés de manière à pouvoir s'attirer des appuis que l'on espérait les plus élevés possible.

M. le Président, c'est une attitude totalement irresponsable de la part du Parti libéral qui a fait en sorte que, effectivement, les finances publiques au Québec sont dans une situation difficile. Comme on a eu l'occasion de le souligner avant que les travaux de cette commission commencent, en examinant la croissance des effectifs gouvernementaux de 1970 à 1976, on voit bien que l'appareil gouvernemental dont nous avons hérité, il est né avant que nous arrivions parce qu'il n'y a pas plus d'employés dans le secteur public maintenant qu'il n'y en avait quand nous sommes arrivés. Cela veut dire que le fardeau était déjà là, que le poids était déjà là. Donc, M. le Président, c'est largement à la suite d'une incohérence, d'une absence, je dirais, de rigueur dans la gestion de l'appareil de l'État qu'aujourd'hui on se retrouve avec un appareil d'État lourd et coûteux. (23 h 30)

Or les demandes qui nous sont adressées sont considérables, M. le Président. Nous avons des maisons de jeunes au Québec en nombre insuffisant, qu'il faudrait financer. Nous avons des demandes plus que nous ne pouvons en accepter pour des regroupements de femmes qui veulent venir en aide à certaines de leurs consoeurs qui ont des difficultés de transition dans la vie. Nous avons des demandes pour accroître le nombre de lits pour les personnes âgées en hébergement. Nous avons des demandes pour des millions de dollars, des demandes auxquelles nous ne pouvons répondre. Eh bien! je vous dis qu'avant de mettre de l'argent sur quelqu'un qui gagne 25 $ l'heure, je vais m'occuper de ces autres demandes. Vous ne pouvez comprendre cela, et vous ne le comprendrez jamais.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je ne peux laisser ces remarques démagogiques sans réponse. Je rappellerai au ministre qu'il fait partie d'un gouvernement. Quand le ministre des Finances avouait, il y a une couple d'années, que lors de la ronde de négociations précédente il avait lancé sur la table, d'un seul coup, sans savoir ce qu'il faisait, 1600 postes de trop, dans le secteur de l'enseignement, à une moyenne de 25 000 $ par année par poste, à l'époque...

M. Bérubé: On ne les a pas injectés, ces postes-là.

M. Ryan: ...cela faisait tout de suite 40 000 000 $, d'un seul trait.

M. Bérubé: Nous n'avons pas eu à les injecter, pour la simple raison...

M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais parler? Est-ce que vous pourriez lui apprendre à vivre?

Le Président (M. Laplante): Jusqu'à maintenant, je vous ai laissés, aller pas mal, mais je m'aperçois que je vous ai trop laissés aller, suivant l'article Il. J'aimerais que les deux côtés puissent user de modération et revenir autant que possible à l'article Il, s'il vous plaît, parce qu'on déborde de beaucoup...

M. Ryan: Est-ce que vous voulez dire que je n'ai pas le droit de répondre à toutes les remarques qui ont été faites en dehors du sujet?

M. Bérubé: L'insolence du député d'Argenteuil, M. le Président, est également inadmissible puisqu'il passe son temps à m'interrompre.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre. M. le ministre. Dans les trois interventions, on a débordé ce cadre.

Mme Lavoie-Roux: On plaide notre cause sur l'article Il.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): II a élargi le débat dans ses réponses, mais je ne voudrais pas que cela continue.

M. Ryan: M. le Président, je vous signalerai que dans l'intervention que j'ai faite avant celle du ministre je suis resté complètement dans le sujet.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Ryan: J'ai présenté des données relativement précises dont je ne prétends aucunement qu'elles soient définitives, des données qui ont une ampleur modeste, et le ministre a essayé de faire de la démagogie en ajoutant des zéro à une discussion qui ne comportait aucunement de justification pour le faire.

Si vous me dites que c'est mieux que je ne lui réponde pas, pour la dignité de nos travaux, je vais obtempérer à votre directive, mais en regrettant ce qu'il a fait, en trouvant qu'à cette heure tardive il devrait plutôt chercher le rapprochement que de chercher à nous éloigner et chercher à nous faire passer pour des gens qui essaieraient d'engraisser des "fat cats" quelque part. Ce n'est pas du tout notre mentalité. Ce n'est pas du tout notre approche à ces problèmes.

Je rappelle encore une fois...

M. Bérubé: ...du contraire.

M. Ryan: Je rappelle encore une fois l'ordre de grandeur dont il est question. Je pense qu'au point où nous en sommes arrivés nous allons présenter un amendement. Si celui-là n'est pas accepté, il faudra peut-être en présenter un autre, mais on va en présenter un, en tout cas, qui nous paraît raisonnable.

Motion d'amendement

L'amendement que je proposerais est le suivant: Que les mots "Malgré le paragraphe qui précède" et allant jusqu'à "aucune compensation forfaitaire" du document parlementaire no 85 soient retranchés.

Le Président (M. Laplante): Je m'excuse. Êtes-vous à l'article Il?

M. Ryan: Oui.

M. Bérubé: On ne peut amender le document sessionnel, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: C'est complexe, c'est complexe.

Le Président (M. Laplante): Oui, c'est très technique. On ne peut amender le document parce que ce n'est pas l'objet actuellement de l'ordre de l'Assemblée nationale. On est ici seulement pour la loi 8. Je ne pourrais pas accepter de motion qui amenderait autre chose...

Mme Lavoie-Roux: L'autre jour, on a fait un amendement, on a ajouté un amendement.

M. Ryan: Bien oui.

Le Président (M. Laplante): ...qui amenderait autre chose que le...

M. Ryan: Que quoi?

Mme Lavoie-Roux: Les protégés de Pinel; on a quand même accepté un... Cela ne modifiait pas...

M. Ryan: M. le Président...

M. Blais: Question de directive. Il faut amender la loi.

Le Président (M. Laplante): Amender la loi mais je ne peux pas ici amender les documents sessionnels. Je m'en excuse.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Sur l'observation que vous venez de faire, je voudrais vous soumettre quelques considérations. J'ai participé moi-même aux travaux de la commission de la justice qui a été saisie des amendements au document sessionnel - je pense que c'était 350 - auquel il fallait apporter des amendements. Nous l'avons fait en commission parlementaire. Nous l'avons fait en commission parlementaire au document sessionnel 350 par le biais du projet de loi no 101. Nous avons fait des amendements au document sessionnel. À plus forte raison, si nous discutons d'un projet de loi, il suffit que le consentement du gouvernement soit là pour qu'on puisse le faire. Je vous reconnais des pouvoirs immenses mais je ne vois pas en vertu de quelle règle vous pourriez nous dire que nous ne pouvons pas toucher à cela.

M. Bérubé: ...recevabilité, M. le Président.

M. Ryan: C'est un document... M. le Président, est-ce que je pourrais continuer?

Le Président (M. Laplante): Continuez, M. Ryan.

M. Ryan: Merci. C'est un document qui, en vertu d'une décision rendue par un tribunal, pas plus tard qu'il y a deux jours, le juge en chef de la Cour supérieure, fait partie intégrante de cette loi-ci comme les autres documents faisaient partie des lois antérieures dont nous discutons. Je ne vois pas de quel droit on pourrait décider qu'on n'a pas le droit de faire de proposition de modifier ces décrets-là. J'essaie de comprendre.

Le Président (M. Laplante): Pour être juste avec vous, M. le député d'Argenteuil, vous allez faire votre motion. Je vais vous la laisser continuer jusqu'au bout et demain matin j'irai me renseigner auprès des gens que nous consultons sur des décisions à prendre. Je vous répondrai sur la recevabilité demain avec l'argumentation qu'il faudra autour de cela. Présentez-la en bonne et due forme.

M. Bisaillon: M. le Président, avant que le député d'Argenteuil présente l'amendement que vous prendrez en délibéré - si j'ai bien compris - est-ce que je pourrais vous poser une question additionnelle qui pourrait aussi faire l'objet d'un délibéré? Advenant qu'après délibéré vous reconnaissiez que l'amendement que le député d'Argenteuil voulait présenter est recevable, il n'y a pas de problème mais si vous en arriviez à la conclusion que l'amendement que se prépare à présenter le député d'Argenteuil n'était pas recevable, est-ce que vous pourriez vérifier si un des moyens d'introduire, sans corriger le document sessionnel, la notion que veut apporter le député d'Argenteuil ne peut pas s'ajouter à la fin du paragraphe de l'article Il?

Autrement dit, l'article Il renvoie à des notions qui apparaissent au document de la session no 85 déposé le 5 mai 1983 devant l'Assemblée nationale. Si j'ajoute à la fin de cette phrase-là un texte qui dit: En tenant compte, cependant, de quelque chose d'additionnel ou en retranchant quelque chose que je mets dans le texte même de l'article Il, est-ce que cela pourrait - advenant le cas évidemment où l'amendement du député d'Argenteuil ne serait pas recevable - est-ce que cela ne serait pas une façon d'introduire l'amendement prévu par...

Le Président (M. Laplante): II y a un danger dont j'aime mieux vous prévenir tout de suite: c'est que l'article 64 du règlement édicte que tout amendement qui comporterait des déboursés additionnels à l'État ne peut pas être présenté par quelqu'un d'autre que le ministre.

M. Bérubé: C'est le point que je voulais soulever.

Le Président (M. Laplante): Je voudrais satisfaire le député d'Argenteuil mais il y a un comportement là-dedans de l'article 64 qui le rend irrecevable. Je ne voudrais pas -je voudrais être prudent aussi - peut-être a-t-on commencé par une petite contestation de l'article 1, je voudrais être très coopératif avec tout le monde et si cela peut satisfaire le député d'Argenteuil, je rendrai une décision demain, après consultation auprès du bureau du président.

M. Bisaillon: La question qui est posée demeure entière. Est-ce qu'en principe on peut modifier, par un amendement, un document de la session? Peu importe le fait que l'article 64 s'applique ou non, la question

posée par rapport au document sessionnel demeure entière et il serait intéressant que vous la preniez en délibéré aussi.

Le Président (M. Laplante): Oui. M. le député de...

M. Bisaillon: On peut modifier quelque chose à un document sessionnel qui n'est pas nécessairement financier.

Le Président (M. Laplante): Oui, c'est exact. C'est pour cela que je vais recevoir la motion du député d'Argenteuil s'il veut me l'écrire et me la dicter pour le journal des Débats, s'il n'a pas changé d'idée.

M. Ryan: Non, je n'ai pas changé d'idée du tout sur ce point.

M. le Président, j'aimerais peut-être mieux vous remettre le texte de cet amendement demain matin.

Le Président (M. Laplante): J'ajournerai demain matin et j'irai à la présidence. C'est ce à quoi je m'engage avec le texte: aller à la présidence et mener une consultation avec eux pour que la présidence puisse supporter l'entière responsabilité de la décision.

M. Ryan: C'est cela. Je pense que nous n'avons pas reçu de directive au sujet du calendrier des travaux pour demain.

Le Président (M. Laplante): Ou pour une autre journée, parce que j'ajourne sine die ce soir.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, demain matin c'est la période des questions à 10 heures.

M. Ryan: C'est cela. Je pense qu'il faudra attendre les directives du leader du gouvernement pour connaître le moment où la commission va siéger. J'aimerais mieux dans ces conditions... Il est Il h 45 et je ne crois pas que, dans un quart d'heure, on puisse avancer beaucoup sur cette question.

Le Président (M. Laplante): Non, mais on peut suspendre l'étude de l'article Il et aller à l'article 12.

M. Ryan: Je vous avertis qu'à l'article 12 on a d'aussi gros problèmes à poser.

Le Président (M. Laplante): Aussi gros? Je sais qu'il y a un amendement du ministre là-dessus.

M. Bérubé: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Je n'oserais pas vous proposer l'article 22.

M. Bérubé: On pourrait sauter les articles Il et 12 pour organiser nos travaux plus simplement.

Le Président (M. Laplante): Oui, M. le député.

M. Ryan: Je n'ai pas d'objection à en prendre une couple...

M. Blais: M. le Président, seulement 30 secondes. Il demeure quand même que la question générale est: est-ce qu'on peut amender un document sessionnel ici? C'est une bonne question à poser, mais dans le cas précis qui nous préoccupe, à l'article Il le changement a une incidence monétaire. Il est automatique qu'on ne pourrait pas le faire, mais pour le bien général des autres commissions parlementaires, on peut poser la question. Ce n'est pas cela qui devrait retarder la continuation des travaux jusqu'à minuit.

M. Bérubé: Sur la question de règlement ou de directive, M. le Président, je pense qu'il faut souligner que nous avons amendé les documents sessionnels depuis quelque temps et à quelques occasions. La façon de le faire consiste d'une part, à déposer à l'Assemblée nationale un document sessionnel additionnel et d'autre part, à prévoir dans un article de la loi le dépôt de ce document sessionnel additionnel. Ce que nous avons fait à quelques reprises puisque nous avons déposé à l'Assemblée nationale le document sessionnel 86, le document sessionnel 142 et que nous avons prévu -d'ailleurs, j'aurai un amendement à la loi quand nous arriverons aux articles 12 et 13, si je ne m'abuse - proposer un amendement pour ajouter un document sessionnel, lequel doit évidemment avoir été déposé à l'Assemblée nationale. Donc, il est possible -et indéniablement nous l'avons fait à plusieurs reprises - de modifier un article de loi pour permettre le dépôt d'un document sessionnel additionnel à l'Assemblée nationale et de déposer ledit document de manière à pouvoir amender les textes en conséquence.

M. le Président, je ne veux pas vous dicter une interprétation. Je pense qu'il peut être intéressant que la présidence réfléchisse à la question, puisqu'il s'agit d'un mécanisme de loi un peu inhabituel. Il y a certainement lieu de se méfier de tout précédent. Mon opinion serait que c'est une façon de modifier les documents sessionnels et nous avons exercé cette façon à quelques reprises, ici même. Donc, ceci ne fait pas obstacle. Par contre, le député de Terrebonne a souligné le point crucial qui est que nul ne peut présenter d'amendement ayant une incidence financière quelconque sans que cet amendement soit soumis par un représentant du gouvernement. Or, il est clair qu'on ne

peut pas, d'une façon très générale et très systématique, modifier des conventions collectives sans qu'il y ait en même temps une incidence monétaire sur le coût des dites conventions collectives. Par conséquent, tout amendement qui serait de nature à modifier le contenu des conventions collectives serait irrecevable, en vertu de l'article 64 de notre règlement. (23 h 45)

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je trouve que le président du Conseil du trésor va très loin. Il y a des dispositions, dans les conventions collectives, qui n'ont pas d'incidences financières. Il y a des dispositions d'ordre normatif qui traduisent une certaine conception que l'on se fait des relations du travail dans une société civilisée et qui ne peuvent pas être interprétées comme ayant des conséquences pécuniaires. Il y en a un grand nombre. Je pense que, à cause de cela...

M. Bérubé: ...pense...

M. Ryan: ...nous en avons vu nous autres aussi. À cause de cela, M. le Président, je pense que la question de fond qui consiste à déterminer si des amendements peuvent être présentés dans un document de la session, c'est une question très pertinente, une question qui demande à être examinée soigneusement, surtout à la lumière des dernières décisions judiciaires qui ont déjà influencé le gouvernement dans le premier alinéa de l'article 1, même s'il ne veut pas le dire. C'est pour cela qu'on est ici, c'est parce qu'il y a eu des décisions qui leur ont fait peur.

Je trouve que cela vaut la peine qu'on regarde cela, à savoir s'il y a des possibilités qu'on amende le document, et alors on verra si l'on peut trouver un amendement. C'est pour cela que je vous ai demandé de vous soumettre mon amendement, demain, qui réponde à vos exigences et qui tienne compte des autres dispositions de notre règlement.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: C'est pour abonder dans le même sens, puis aussi me raccrocher à l'intervention du ministre. Si j'ai compris l'intervention du ministre, un autre moyen d'amender un document parlementaire, c'est de s'entendre, à la commission, sur un texte, sur un amendement, qui n'est pas un amendement qu'on passe à la loi mais qui devient une entente, à la commission, sur le dépôt à l'Assemblée nationale d'un nouveau document.

Le Président (M. Laplante): J'aurais une question...

M. Bisaillon: ...et cela peut être une autre façon...

Le Président (M. Laplante): J'aurais une question à poser au député d'Argenteuil.

M. Bérubé: Oui, mais peu probable.

Le Président (M. Laplante): M. le député, votre amendement, vous voulez l'apporter au début de l'article 2, si je suis ce que vous avez dit.

M. Ryan: À l'article Il.

Le Président (M. Laplante): À l'article Il?

M. Ryan: Oui, c'est là qu'on était rendu.

Le Président (M. Laplante): Vous avez fait une référence, au tout début de votre intervention, à l'article 2. C'est pour cela que j'avais peur, parce que là, cela prendrait un autre consentement.

M. Ryan: M. le Président, est-ce que vous me permettez de vous expliquer ce que j'ai voulu dire?

Le Président (M. Laplante): D'accord, non, c'est tout ce que je veux.

M. Ryan: Je me suis probablement mal expliqué. Si vous me permettez de vous l'expliquer, je vais vous le dire.

Le Président (M. Laplante): Non, non, d'accord. Je voulais juste m'en assurer. D'accord. Oui, Mme la député de L'Acadie.

M. Ryan: Je me référais à l'article 1, d'ailleurs.

Mme Lavoie-Roux: Non, M. le Président, je vais le laisser parler, et quand il aura terminé, j'aurais quelque chose à dire.

Le Président (M. Laplante): Allez au bout. Moi, j'ai terminé.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, par votre entremise toujours, j'aimerais demander, dans un esprit constructif, compte tenu qu'il est 23 h 50, que nous ajournions nos travaux jusqu'à demain. On pourrait peut-être continuer, pour dire qu'on continue jusqu'à minuit, sur d'autres articles, mais je pense que...

Le Président (M. Laplante): Je suis bien

d'accord avec vous.

Mme Lavoie-Roux: ...sinon, je...

Le Président (M. Laplante): Je voudrais éclaircir juste un petit point avant. M. le député d'Argenteuil nous avait demandé de suspendre l'article 9 jusqu'à la fin de la soirée pour finir ce chapitre. Est-ce que vous seriez prêts à adopter, sur division ou comme vous l'entendez, l'article 9?

M. Ryan: Non, M. le Président. Le président du Conseil du trésor m'a dit tantôt qu'il me soumettrait une liste plutôt partielle.

M. Bérubé: Vous l'avez. Elle va vous permettre de passer la nuit et nous pourrons reprendre la discussion demain.

Mme Lavoie-Roux: On pourrait peut-être arrêter à 23 h 50...

M. Ryan: Si vous vouliez prendre le vote au début de la prochaine séance, il faudra au moins jeter un petit coup d'oeil là-dessus.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Je pense que c'est la volonté des membres de...

M. Bérubé: M. le Président, je voudrais quand même intervenir, en réponse à l'intervention de la député de L'Acadie. Une expérience parlementaire qui s'allonge m'a enseigné une chose, c'est que lorsque l'Opposition a décidé de mettre bas les armes et de cesser le travail pour aller se coucher, j'ai fini par découvrir, M. le Président, que quand bien même nous nous y opposerions, l'Opposition trouvait le moyen finalement de nous faire consacrer ce temps à du travail totalement improductif en gâchant littéralement le temps de la commission. Compte tenu que la députée de L'Acadie vient de manifester très clairement qu'elle n'a absolument plus l'intention d'apporter de contribution constructive aux travaux de la commission, M. le Président, je n'ai aucune objection à ce que l'on ajourne.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, compte tenu...

Le Président (M. Laplante): Cela mérite une réplique.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Elle va être très courte, parce que je ne veux surtout pas me rendre jusqu'à minuit. C'est peut-être pour s'amuser que le ministre a tenu ces propos, mais compte tenu que c'est au journal des Débats, il faudrait quand même faire remarquer qu'il nous reste huit minutes et qu'on entrerait dans un autre article si on continuait. C'est dans ce sens-là que j'ai proposé qu'on ajourne, surtout que beaucoup de choses sont restées en suspens et qu'on a exprimé le désir de disposer de quelques minutes pour aller examiner certaines choses.

Le Président (M. Laplante): Je suis bien d'accord avec vous. Les travaux de cette commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 23 h 51)

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