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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 9 juin 1983 - Vol. 27 N° 96

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi 8 - Loi concernant l'adoption des chapitres 35 et 45 des lois de 1982 et modifiant certaines conditions de travail dans le secteur public


Journal des débats

 

(Douze heures dix minutes)

Le Président (M. Laplante): La commission des finances et des comptes publics se réunit afin d'étudier article par article le projet de loi 8, Loi concernant l'adoption des chapitres 35 et 45 des lois de 1982 et modifiant certaines conditions de travail dans le secteur public.

Les membres de cette commission sont: M. Blais (Terrebonne), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Fortier (Outremont) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. French (Westmount), M. Blouin (Rousseau), M. Marquis (Matapédia), M. Lafrenière (Ungava), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Lachance (Bellechasse), M. Bérubé (Matane).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Fallu (Groulx), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque

(Kamouraska-Témiscouata), M. Lincoln (Nelligan), M. Polak (Sainte-Anne), M. Proulx (Saint-Jean), M. Rochefort (Gouin), M. Ryan (Argenteuil). Je m'excuse, M. Ryan (Argenteuil) remplace M. French (Westmount) comme membre.

Modification de certaines

conditions de travail dans

le secteur public (suite)

Nous étions rendus à l'article 12 qui avait été appelé avec la modification apportée par le ministre est-il adopté? Maintenant, est-ce qu'il y a d'autres commentaires à l'article 12?

Mme Lavoie-Roux: Oui, M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Si vous voulez bien me donner une seconde...

M. Bérubé: Certainement, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Je sais qu'il y a déjà eu, je crois, des motions qui ont été faites sur l'article 12 - vous me corrigerez, malheureusement, je n'étais pas ici hier soir - touchant les salariés à temps partiel du domaine de l'éducation; en particulier ceux de l'éducation des adultes. Moi, aujourd'hui, je ne ferai pas un long préambule. J'aimerais faire une motion - je pense que cela m'est permis, à ce moment-ci, M. le Président -touchant les salariés des Affaires sociales. On se souviendra que, dans le projet de loi qui nous est soumis présentement on n'inclut pas les propositions qui avaient été faites aux salariés des affaires sociales le 30 janvier et auxquelles le gouvernement faisait allusion lors d'une conférence de presse que le premier ministre tenait à la toute veille du fameux vote qui avait été pris par les employés des affaires sociales touchant un débrayage possible ou le déclenchement d'une grève que finalement ils ont rejeté.

Il reste que, dans les propos qui avaient été tenus par - je l'ai ici, je pense - le premier ministre lors de cette conférence de presse et qui étaient repris dans la publicité gouvernementale du 5 février 1983, le gouvernement avait dit: Bien que rejetées par le conseil fédéral de la Fédération des affaires sociales, ces offres demeurent toujours valables, mais ne pourraient plus être considérées comme maintenues en cas de grève illégale. Ces offres touchaient des ajustement salariaux pour les employés à temps partiels - ceci a été maintenu, c'est inclus - la priorité à l'ancienneté, le "bumping" avec statu quo amélioré, des dispositions en cas d'invalidité et de l'argent pour les garderies. Ceci, je pense, dans l'ensemble est maintenu, puisque le gouvernement - cela doit s'appliquer à elles - s'est engagé à la création de 2000 places de garderie sur trois ans, ce qui ferait 6000 places de garderie. Enfin, on me corrigera si je me trompe, je donne cela de mémoire.

Motions d'amendement

Ma motion est celle-ci, M. le Président, cela ne sert à rien de perdre du temps. "Que le document sessionnel no 86 soit modifié de manière à y inclure les propositions gouvernementales du 30 janvier 1983 aux salariés des Affaires sociales, dans la mesure où ces propositions n'avaient pas d'incidences financières." Je sais que vous avez statué, ou quelqu'un a statué à un moment donné. Je reconnais fort bien qu'il n'est pas loisible à l'Opposition de faire des incidences qui ont des instances financières. Je m'excuse, je n'ai qu'une copie.

Le Président (M. Laplante): La motion se lirait comme suit: "Que le document sessionnel no 86 soit modifié de manière à y

inclure les propositions gouvernementales du 30 janvier 1983 aux salariés des Affaires sociales, dans la mesure où ces propositions n'avaient pas d'incidences financières."

Sur la recevabilité de cette motion -c'est une motion qui est un peu floue - vous ne m'apportez pas de documents, vous n'apportez rien de ce qui peut être inclus là-dedans.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que le gouvernement a tous les documents sur les propositions salariales qu'il a faites à la Fédération des affaires sociales le 30 janvier. J'aurais pu tomber dans une grande énumération.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Sans en faire ici un cas exceptionnel en commission parlementaire, je vais la juger recevable dans le sens où il n'y a là aucune incidence financière. Elle est reçue.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, pour ne pas prolonger la discussion, je vais attendre la réaction du ministre, ou il est peut-être préférable que je plaide avant, parce que une fois que le ministre s'est prononcé, c'est toujours difficile pour lui de revenir...

M. Bisaillon: Surtout qu'il est têtu.

M. Bérubé: M. le Président, le député de...

Mme Lavoie-Roux: De Sainte-Marie.

M. Bérubé: ...de Sainte-Marie vient de m'accuser d'être têtu. C'est une accusation qui, personnellement, me choque profondément quand tout le monde sait l'ouverture d'esprit que je témoigne devant toutes les demandes de l'Opposition. D'ailleurs, j'avais pu le voir, plus tôt, s'asseoir à son siège et j'ai noté qu'il prenait un siège à l'extrême droite de notre commission. M. le Président...

M. Bisaillon: Pour mieux vous manger, mon enfant...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sur ce, j'accepte bien les remarques du ministre. J'ose espérer qu'il saura faire mentir le député de Sainte-Marie et qu'il sera flexible.

Je voudrais faire remarquer que ces propositions avaient été faites le 30 janvier. Elles touchaient, en particulier, - je ne veux pas les énumérer de nouveau - la priorité à l'ancienneté, le "bumping", ce qu'il appelait un statu quo amélioré, selon le langage du gouvernement. Est-ce qu'il s'agissait des proposition principales, selon ce qui nous avait été remis, ou y avait-il d'autres propositions qui n'ont pas fait l'objet de la publicité gouvernementale et qui étaient aussi incluses dans ces propositions à la Fédération des affaires sociales?

Comme je le mentionnais, le gouvernement, dans la publicité, avait dit que ses offres demeuraient toujours valables mais qu'elles ne pourraient plus être considérées comme maintenues en cas de grève illégale.

L'on se souviendra du suspense, à ce moment, qu'ont vécu à la fois la population et certainement le gouvernement, les employés eux-mêmes et particulièrement les bénéficiaires, à savoir quel serait le résultat de ce fameux vote-là.

Les salariés ont rejeté la grève illégale. Évidemment, c'est difficile de sonder les reins et les coeurs pour savoir quelles étaient leurs motivations, mais il était important, selon moi, pour la population et pour tout le monde en bout de piste, que la grève n'ait pas lieu parce que déjà les institutions ou les établissements de santé avaient antérieurement, été passablement pénalisés par une journée ou quelques heures de débrayage. Il y a aussi paralysie que les menaces de grève occasionnent dans les hôpitaux, ce qui n'est pas le cas dans le domaine de l'éducation parce qu'on continue d'accueillir les élèves jusqu'au moment où la grève se déclenche. Tandis que, dans le réseau des affaires sociales, on est obligé de prendre des dispositions pour protéger la population. Alors, même une menace de débrayage, de grève, a déjà des inconvénients très sérieux pour la population, compte tenu que tout fonctionne au ralenti: l'admission, les traitements, etc.

Le gouvernement, par une décision que je m'explique mal - je le dis très honnêtement - au plan logique - est-ce que c'est pour punir davantage la Fédération des affaires sociales? - ne semble pas être capable de dissocier ce qui a été le geste posé par l'ensemble des syndiqués qui ont refusé cette grève-là, c'est-à-dire la majorité des syndiqués qui l'ont refusée, et ce que peut-être le gouvernement veut interpréter comme des attitudes dures de la part de la Fédération des affaires sociales. Le résultat net est qu'on traite différemment les salariés des Affaires sociales des salariés de l'Éducation. C'est tout récemment d'ailleurs que les enseignants des cégeps qui, eux aussi... Et on utilise comme prétexte qu'ils devraient d'abord signer une entente pour que ces propositions puissent être acceptées, incorporées. On utilise comme prétexte le fait qu'ils n'ont pas signé d'entente alors qu'il y a à peine quelques jours, au moment où le gouvernement était déjà prêt à incorporer les propositions gouvernementales faites aux enseignants des cégeps et que ces derniers ne signaient pas l'entente, néanmoins on proposait de les inclure. Cela m'apparaît vraiment comme deux poids deux mesures.

On me dira que, depuis ce temps-là et tout récemment - je pense que c'est hier ou avant-hier, en tout cas j'ai lu cela quelque part - les enseignants des cégeps ont finalement signé. Mais il reste que l'intention du gouvernement était de toute façon d'incorporer les dernières offres salariales ou celles qui avaient été discutées par l'entremise de la conciliation, au moment de la conciliation, dans les derniers décrets. On s'apprête à prendre une mesure tout à fait différente pour les salariés des Affaires sociales. C'est dans ce sens que je m'explique mal la décision du gouvernement. J'aimerais au moins, si le ministre ne veut pas revenir sur sa décision, qu'il nous explique le bien-fondé ou la logique d'une décision qui, à sa face même, paraît être injuste à l'endroit d'un bon nombre de salariés, ceux des Affaires sociales.

M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Oui, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: ...si vous me le permettez je voudrais ajouter quelques commentaires à ceux de la députée de L'Acadie. On reconnaîtra - je pense que le ministre va l'accepter facilement - que la procédure utilisée actuellement par la députée de L'Acadie est finalement un moyen de faire discuter de la position gouvernementale, puisque c'est un amendement qui vise à intégrer les ententes ou ce que le gouvernement avait annoncé qu'il était prêt à faire pour améliorer les conditions qui avaient déjà été déposées, mais on est obligé de dire dans l'amendement que c'est en autant que cela n'a pas de répercussions financières.

On reconnaîtra que l'idéal serait que le ministre nous annonce aujourd'hui qu'il va effectivement intégrer dans les décrets puisque - j'y reviendrai tantôt - c'est une loi qu'on nous annonçait comme une loi "remédiatrice", de lui-même intégrer dans les décrets tout ce qui avait été offert au groupe de syndiqués. Le moyen utilisé ne réglerait pas l'ensemble de la question même s'il était endossé par le ministre. L'amendement déposé par la députée de L'Acadie ne couvre qu'une partie de ce qui avait été offert par le gouvernement, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas "financier", mais il y avait quand même d'autres aspects qui avaient déjà été offerts.

Je voudrais souligner au ministre que, vu de l'extérieur et à moins que le ministre ne puisse nous justifier fortement et avec des arguments qui devront être forts une position différente ou des motifs qui pourraient être différents, cela ressemble étrangement à une position revancharde. Contre qui finalement? Contre les personnes auxquelles le ministre ne doit rien avoir à reprocher.

Si on se rappelle les faits, les représentants du gouvernement avaient mis sur la table un certain nombre d'éléments nouveaux; ils avaient même convenu de ces éléments avec des représentants de la Fédération des affaires sociales. Cela n'est que dans une instance intermédiaire, au moment où cette entente a été soumise à une instance intermédiaire que ces aménagements ont été refusés par l'instance intermédiaire. Il n'en reste pas moins que l'ensemble des membres avait respecté les orientations et les demandes gouvernementales de ne pas procéder à des grèves illégales. Donc l'ensemble des membres a répondu jusqu'à un certain point aux attentes gouvernementales. Compte tenu du fait que l'ensemble des membres a répondu aux attentes gouvernementales, qu'il y avait déjà eu des ententes entre le gouvernement et les représentants à la table des négociations des syndiqués et que cela n'est qu'une instance intermédiaire qui a refusé, repoussé le tout, de qui le ministre veut-il effectivement se venger? Sûrement pas de ceux qui négociaient et sûrement pas non plus de l'ensemble des syndiqués puisqu'ils ont répondu à l'attente du gouvernement. Il ne reste qu'à penser que le ministre voudrait rejoindre les quelque 300 ou 400 délégués de la Fédération des affaires sociales qui avaient à ce moment-là repoussé ce qui était proposé comme aménagement par le gouvernement. Cela me semble un peu abject de ne pas accorder aux syndiqués - puisque c'est à eux maintenant qu'il faut penser - à l'intérieur d'une loi qu'on nous dit "remédiatrice", ce qui avait déjà été convenu, d'autant plus qu'ils ont répondu aux attentes gouvernementales.

L'argument qui veut qu'on attende qu'ils signent, qu'on désire qu'ils procèdent à une signature ne tient pas quand on sait qu'il y a déjà beaucoup de choses dans les décrets qui ont été imposées sans qu'il y ait eu ni entente ni signature. Si cela valait pour ces clauses dans les décrets, pourquoi cela ne vaudrait-il pas aujourd'hui pour des choses qui ont fait l'objet d'ententes? D'ailleurs, il faudrait se souvenir du discours gouvernemental aussi à l'époque. Lorsque l'instance intermédiaire, par exemple, avait refusé d'entériner l'espèce d'entente qu'il y avait eu à la table des négociations sur les aménagements, on a assisté à toute une série d'accusations gouvernementales dénonçant la non-représentativité des gens qui siégeaient à l'instance intermédiaire, alors que, la veille, on trouvait fort représentatives les trois, quatre ou cinq personnes qui, elles, avaient accepté de soumettre une entente à leurs délégués. Il y a eu là des difficultés de parcours. Il faut reconnaître qu'il y avait effectivement eu entente au niveau d'une table des négociations et engagement, à tout

le moins du côté syndical, de présenter ces aménagements à une instance intermédiaire qui les a refusés. Bon, soit! elle les a refusés, c'était son droit. Est-ce qu'on va les punir à tout jamais? D'autant plus qu'on sait maintenant que les membres, eux, ne sont pas entrés dans ce que le gouvernement craignait davantage et voulait le plus éviter, c'est-à-dire la grève illégale.

Compte tenu de tous ces arguments, M. le Président, et compte tenu du fait surtout que le ministre, lorsqu'il a déposé le projet de loi en Chambre, a voulu indiquer qu'il s'agissait de remédier à des difficultés qu'on avait pu rencontrer par la suite et de corriger un certain nombre d'erreurs dans les décrets... D'ailleurs, déjà, dès l'ouverture de la session, il avait annoncé à l'article 12 un amendement qui visait à déposer un autre document sessionnel le 25 mai pour corriger justement une situation qui lui avait échappé dans l'espèce de folie furieuse qu'on a connue au moment où on a voté l'ensemble des décrets de 50 000 pages sans les lire, auxquels on vient d'ajouter 50 000 pages de traduction qu'on n'a pas d'ailleurs davantage lues. Le ministre a donc déjà lui-même annoncé qu'effectivement il pouvait y avoir des correctifs à apporter puisque lui-même dépose un document sessionnel corrigé. Il en a déposé un deuxième le 25 mai pour corriger une situation particulière.

Alors, je vois difficilement comment le gouvernement ne se rendrait pas aux arguments de Mme la députée de L'Acadie, sans pour autant, et ce n'est pas nécessairement ce que je souhaite, que l'amendement déposé par Mme la députée de L'Acadie soit voté. L'idéal serait que le ministre lui-même puisse annoncer qu'il est prêt à inclure dans les décrets tout ce qui avait été mis de l'avant et proposé par le gouvernement, non seulement aux syndiqués concernés, mais à la population puisque cela a fait l'objet, on s'en souvient, de publicité importante de la part du gouvernement.

Compte tenu de tout cela, j'oserais espérer que le ministre nous annoncera que l'amendement n'a plus sa place et sa raison d'être puisque, de lui-même, et en incluant les clauses financières, il est prêt à inclure dans le projet de loi 8, par un décret qu'il pourrait déposer maintenant, tout ce qui a été offert aux syndiqués à l'époque.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. le ministre. (12 h 30)

M. Bérubé: M. le Président, deux aspects ont été abordés. D'une part, l'aspect qui voudrait que le gouvernement, dans ses documents sessionnels déposés ici à l'Assemblée nationale, en profite pour bonifier l'ensemble des conditions de travail des employés du secteur public qui n'ont pas signé d'entente avec le gouvernement. Car il faut rappeler que les professionnels du gouvernement n'ont pas signé d'entente. Les employés de soutien membres de la CSN dans les cégeps n'ont pas signé d'entente. Jusqu'à il y a quelques jours, les enseignants des collèges affiliés à la CSN ou à la CEQ n'avaient pas non plus signé d'entente.

Donc, essentiellement, l'Opposition d'extrême droite demande, dans un premier point, si le gouvernement devrait bonifier des conditions de travail par des propositions qui, d'une part, entraîneraient des frais additionnels pour l'État et qui, d'autre part, seraient rejetées par les employés de l'État comme étant des propositions ne leur convenant pas, insatisfaisantes, etc.

M. le Président, il est clair que le gouvernement est prêt à bonifier les conditions des décrets. Non seulement nous l'avons dit lors de la rencontre, en début de janvier, qui regroupait des représentants des centrales syndicales et des représentants du gouvernement au plus haut sommet; non seulement nous avons indiqué que nous étions prêts à apporter de telles modifications, mais nous avons même proposé la création de groupes de travail pour étudier les problèmes des politiques de rémunération dans le secteur public, des politiques de l'emploi, de la qualité des services, de la productivité. Nous avons également proposé la constitution de tables de travail pour examiner les bases d'une politique salariale qui pourrait permettre la réouverture des décrets et entraîner un niveau de rémunération supérieur, par exemple, pour la troisième année de la convention collective. Nous avons donc indiqué notre intention d'ouvrir à une négociation beaucoup plus permanente les conditions de travail des employés du secteur public.

Nous n'avons pas dit, à ce moment-là, que nous étions prêts à ériger en système un mode de décrets qui viendraient à tous les six mois, à toutes les années,, bonifier ou modifier les conditions de travail des employés du secteur public sans leur consentement. Ce n'est pas le sens de l'intervention gouvernementale. L'intervention gouvernementale disait que nous devrons repenser tout le système des négociations dans le secteur public, prendre une bonne habitude de négociation plus permanente de manière à aborder les poblèmes au fur et à mesure qu'ils se posent et voir à y apporter des correctifs, souvent, même, en plein milieu des conventions collectives.

C'est, d'abord, une attitude ouverte de la part du gouvernement pour maintenir de façon continue un climat de négociation que l'Opposition remet en question lorsqu'elle dit: Vous devrez donc, chaque fois que vous voulez modifier, bonifier les conditions de travail, en profiter pour déposer un

décret, régler les problèmes par la voie des décrets. Or, ce n'est pas l'approche que nous avons choisi de prendre.

Nous avons, il est vrai, en décembre, devant l'échec des négociations et devant la situation économique qui nous amenait à vouloir régler le problème global des négociations rapidement, décrété les conditions de travail pour trois ans. C'est clair. Nous avons également voulu profiter de l'occasion pour amorcer un processus de réflexion qui entraînerait probablement des changements de comportement au niveau du gouvernement et qui, nous l'espérons entraînera également des changements de comportement au niveau syndical pour permettre un nouveau climat de négociation. Ce climat de négociation repose essentiellement sur la volonté des parties de s'asseoir intelligemment à une table, d'examiner les problèmes en profondeur avant qu'ils ne soient explosifs et de faire en sorte que l'on puisse dégager un climat de relations de travail qui évite ce type de confrontation à tous les trois ans.

C'est donc à un changement de mentalité que le gouvernement a appelé l'ensemble des intervenants qui participent à ces rondes de négociations. C'est sur cette base que nous disons oui à une négociation; oui au réexamen des conditions de travail de nos employés sur une base plus permanente, ordonnée; oui, à la conclusion d'ententes pour modifier des conditions de travail, ouil mais en faisant appel à la maturité des participants. Et lorsqu'un syndicat décide qu'il ne veut pas de propositions gouvernementales, de modifications aux conditions de travail, nous ne croyons pas que cela doive entraîner automatiquement pour le gouvernement une décision d'imposition par décret. Donc, je n'accepte pas la demande de l'Opposition que tout syndicat qui ne voudrait pas conclure d'entente avec le gouvernement devrait, de toute façon, se voir imposer d'autres conditions de travail que celles qui sont déjà dans les décrets. Je n'accepte pas cette demande. Au contraire, s'il doit y avoir bonification, il doit y avoir entente entre les parties quant à une telle bonification.

À ce moment-là, reste la question soulevée par la députée de L'Acadie, qui est: Puisque c'est votre position générale, pourquoi agissez-vous différemment dans le cas de l'Éducation? Vous ne semblez pas respecter ce principe général. En apparence, il est vrai que nous ne semblons pas respecter le principe que je viens d'établir, mais ce n'est qu'en apparence - ce qui va d'ailleurs rassurer la députée de L'Acadie -ce n'est qu'en apparence. Ce qui se retrouve dans le document sessionnel 86, en ce qui a trait aux enseignants du collégial, est sans doute ce qu'aurait contenu le document 86 n'eût été de la signature d'une entente avec les enseignants du primaire et du secondaire.

Donc, ce qu'on retrouve dans ce document 86, en ce qui a trait aux enseignants, n'est pas le résultat d'une négociation ou d'offres faites aux enseignants, mais bien le résultat de discussions entre le gouvernement et ses partenaires. Je dois souligner que nous avons, à la suite des rencontres de janvier avec les centrales, procédé à des consultations avec les partenaires du gouvernement dans cette ronde de négociations. Il est clair que, au départ, les mandats de négociation ont été préparés de concert avec nos partenaires. Non pas que nous ayons accepté toutes les demandes de nos partenaires: je dois dire que nous avons rejeté un très grand nombre de demandes de modification aux conventions collectives que nous avaient exprimées les commissions scolaires, pour retenir un certain nombre de demandes qui nous paraissaient fondamentales pour l'amélioration du réseau d'enseignement au Québec.

Ceci avait donc entraîné des rondes constantes de discussions pour l'élaboration des mandats et l'acceptation finale des mandats par le gouvernement. Au départ également, soulignons que la ronde de négociations s'est faite en impliquant l'ensemble des partenaires gouvernementaux. Mais il est clair que, dans toute ronde de négociations, arrive un point crucial, intense où l'on cherche à éviter l'affrontement et à obtenir un règlement final. À ce moment, on ne peut aussi facilement s'engager dans une consultation, une concertation avec tous les partenaires - ils sont plusieurs centaines -car une telle concertation, évidemment, implique des délais, des lenteurs et est difficilement compatible avec des discussions, à 3 heures du matin, autour d'un point. Plus que souvent, M. le Président, je me suis fait réveiller à 2 heures ou 3 heures du matin; il y a même des nuits où j'ai pensé qu'il était plus sage de coucher à mon bureau. Mon épouse appréciait fort peu ces téléphones impromptus à toute heure du jour et de la nuit, et je la comprend d'ailleurs -...

Donc, arrive un moment intense de négociation qui ne se prête pas à une concertation aussi développée que celle qui a prévalu au début de la négociation. Nous ne l'avons pas caché. Nos partenaires, durant les dernières semaines de décembre, n'ont pas été impliqués comme tels dans tout le processus final de la prise des décisions quant aux conditions de travail des employés du secteur public.

C'est ce qui les a amenés, dans le secteur de l'éducation, à intervenir auprès du gouvernement pour demander que les décrets puissent être modifiés dans un sens qui permettrait une intégration plus facile de ces changements dans l'administration de l'enseignement au Québec.

Je vous rappellerais que le

gouvernement avait déposé, en janvier, une proposition à la table de négociation qui n'allait pas dans ce sens, qui impliquait des coûts de l'ordre de la centaine de millions de dollars, et qui avait été rejetée par les syndicats d'enseignants.

Ce que les partenaires gouvernementaux, dans le secteur de l'éducation, ont demandé au gouvernement, c'est de maintenir cette enveloppe qui avait été mise sur la table mais de la présenter tout autrement dans un effort pour faciliter la mise en place des décrets.

Je soulignerais, d'ailleurs, que l'effort de compression qui aurait été demandé dans le réseau de l'éducation à la fin de la convention serait exactement celui demandé par le gouvernement. Il s'agissait essentiellement d'étaler dans le temps, c'est-à-dire que l'économie récurrente serait la même mais, sur la période de 3 ans, le gouvernement devrait débourser une centaine de millions de plus. Ceci dans le but de permettre une imposition graduelle des conventions collectives et de permettre à l'administration de s'ajuster.

Il nous est apparu que cette demande des commissions scolaires et des collèges était recevable en tant que telle pour leur permettre une intégration plus facile, compte tenu qu'ils n'avaient pas participé aux dernières heures, aux dernières minutes de la négociation qui nous avaient amenés, à un certain moment, à déterminer des conditions de travail en déposant la loi 105 à l'Assemblée nationale. Donc, dans la mesure où ils avaient été mis hors du processus de négociation, à la toute fin, et dans la mesure où leurs recommandations se défendaient en termes d'aménagement des conditions de travail des employés pour faciliter la gestion, il nous est apparu que ceci pouvait être retenu comme objectif louable. Et si nous déposons le document sessionnel 86 avec des modifications dans le secteur collégial, c'est essentiellement pour répondre à cette entente que nous avions convenue avec nos partenaires et qui avait été présentée publiquement.

Je vous souligne que, subséquemment, il y a eu négociation, qu'il y a eu des rapports de conciliation et qu'un tel rapport de conciliation n'est pas intégré dans le document sessionnel 86, et ne peut s'appliquer que s'il est entériné par les parties. Notre intention n'est donc pas, même dans le secteur de l'éducation, d'aller au-delà et, par exemple, d'imposer un rapport de conciliation directement dans les documents sessionnels, car ce serait alors modifier le processus de négociation dont j'ai parlé plus tôt, qui veut que nous nous assoyions à des tables et que nous cherchions, de façon ouverte et responsable, à mon avis, à réfléchir aux conditions de travail des employés du secteur public et que nous tentions d'y apporter des modifications en cours de convention plutôt que toujours à la dernière minute.

Notre intention n'était donc pas d'imposer le rapport de conciliation, car ce serait aller à l'encontre du processus de négociation dont je parlais précédemment. Mais nous ne pouvions cependant pas appliquer ce raisonnement à une entente convenue avec nos partenaires qui portait essentiellement sur une façon d'appliquer les décrets qui soit plus facile pour l'administration.

Je dis donc, en conclusion, M. le Président, que s'il y a une différence en apparence, c'est tout simplement que le document sessionnel se réfère à des discussions qui ont lieu avec nos partenaires et porte sur un consensus établi avec nos partenaires et non pas sur des propositions comme telles que nous voudrions imposer aux enseignants dans le cadre d'une négociation qui aurait avorté. (12 h 45)

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais faire deux petites mises au point. D'abord, je voudrais simplement, pour le journal des Débats - et je remercie le député de Sainte-Marie de l'avoir souligné -dire que j'ai voulu sauter une étape pour gagner du temps, parce que j'aurais pu arriver avec une motion qui aurait incorporé l'ensemble des propositions patronales à la Fédération des affaires sociales. Comme je savais qu'on pourrait revenir à faire la même argumentation, à savoir que c'était inacceptable pour des raisons d'imputation financière, ce n'était pas mon intention de faire des propositions à rabais. Mais c'est quand même bon que le député l'ait souligné, parce que cela me permet de faire cette mise au point, en tenant compte des procédures ou des règlements avec lesquels nous devons fonctionner.

Pour revenir au ministre, j'ai essayé de le suivre le plus possible, car ses explications étaient assez longues. Il a dit: Ce qu'on souhaite, c'est de pouvoir s'asseoir intelligemment à une table et qu'on puisse négocier d'une façon plus ou moins permanente, si tel est le désir de la partie patronale et de la partie syndicale pour modifier un peu le mode de négociation qu'on a eu jusqu'à maintenant. Je vous ferai remarquer en passant que la première façon dont le gouvernement a imposé des décrets, avant même qu'il y ait eu véritable négociation ou qu'on ait donné la chance à une négociation normale de se dérouler, cela m'apparaît une drôle de façon de s'asseoir et de procéder intelligemment. De toute façon, le gouvernement a procédé unilatéralement dans ce cas-là. Mais je ne veux pas sortir les cadavres des garde-robes.

Vous nous dites, dans le cas des cégeps, que, finalement, ce n'était pas votre

intention d'imposer le rapport de la conciliation. En fait, ce qu'on mettait dans le document sessionnel, c'était le résultat de discussions que nous avions eues avec nos partenaires. Si les cégeps n'avaient pas signé, ou si la CSN et la CEQ n'avaient pas signé dans ce cas-là, vous auriez quand même incorporé de façon unilatérale de nouvelles données ou de nouvelles ententes, l'entente prise dans un autre sens. Vous auriez incorporé le résultat de discussions que vous aviez eues avec vos partenaires de la partie patronale. À ce moment-là, est-ce que vous n'auriez pas modifié, encore une fois et unilatéralement, les décrets? J'essaie de suivre votre raisonnement et je...

M. Bérubé: C'est bien cela.

Mme Lavoie-Roux: C'est ce que vous auriez fait?

M. Bérubé: Oui, c'est-à-dire que...

Mme Lavoie-Roux: Vous seriez intervenu unilatéralement si les cégeps n'avaient pas fonctionné?

M. Bérubé: Posons l'hypothèse que, dans le réseau des affaires sociales, la partie patronale associée au gouvernement ait, à la lecture des décrets de la loi 105, conclu que certaines clauses des décrets étaient difficiles d'administration et nous aurait fait des représentations pour les modifier et que, nous étant entendus avec nos partenaires, il soit tout à fait possible que l'on dépose ici un document sessionnel impliquant de tels changements. D'ailleurs, je le souligne, il y a, dans le document sessionnel 86 s'appliquant au réseau des affaires sociales, des corrections qui sont surtout d'ordre technique, des coquilles, se retrouvant dans les décrets et, souvent, ce sont nos partenaires qui, à l'étude, ont constaté des erreurs dans les termes ou une difficulté d'application de certaines formulations et qui nous ont fait des recommandations. Effectivement, nous en tenons compte et nous les modifions. Il faut donc voir le document sessionnel 86 comme un document sessionnel qui vise essentiellement à corriger les décrets édictés par la loi 105 dans le sens où la partie patronale estime que de telles corrections les rendront plus faciles d'application.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, un bref commentaire. Je voudrais d'abord rappeler au ministre qu'à mes yeux - je suis à l'extrême-gauche de la table de l'Opposition - quand je le regarde et que j'entends ses commentaires, cela m'explique, cela me confirme d'ailleurs que les extrêmes se rencontrent souvent. On partage effectivement, beaucoup plus souvent qu'il le pense, les mêmes orientations, la même argumentation. J'ai été particulièrement touché par son argumentation sur le type de négociation qui doit avoir lieu sur les conditions essentielles pour qu'une démarche soit jugée intelligente en termes de négociation.

J'ai aussi apprécié son ouverture quant aux éléments de négociation permanente qu'il a mis de l'avant. C'est non seulement louable mais je pense que c'est à encourager. Si cela devenait la position gouvernementale, ce serait intéressant. Sauf qu'on a un bien mauvais exemple, vous l'admettrez M. le Président, de ce genre de négociation que le ministre a voulu nous présenter. Il nous a expliqué comment il voyait les négociations; dans le fond, si j'ai bien compris son argumentation, ce sont encore les employeurs qui imposent des choses. On est en droit de se demander quand cela va arrêter. Autrement dit, toutes les affaires qui, dans les décrets, ont été mal faites, tous les devoirs mal faits, chaque fois que l'employeur partenaire va s'en rendre compte, là on va en tenir compte. Chaque fois que ce sera les autres, là cela va prendre une entente, M. le Président, qui, je voudrais vous l'indiquer, me semble piégée.

Ce que le ministre dit, c'est: Si les syndicats veulent avoir des améliorations, on est réceptif aux améliorations. On va faire comme on devrait faire en négociation. On va se rencontrer, on va en discuter, on va en convenir et ensuite on va signer une entente. Cela peut se faire en cours de conventions, si j'ai bien compris, en cours de décrets qui en tiennent lieu. C'est piégé puisque, là où se situe le piège, c'est que faire cette démarche, c'est aussi entériner tout ce qui précède.

Or, le ministre n'a pas l'air de vouloir accepter ou de se rendre compte qu'une bonne partie du contenu des décrets est inacceptable pour les travailleurs des secteurs public et parapublic. C'est maintenant réglé. Il trouve cela inacceptable. Le ministre continue à dire que c'est très bon jusqu'à ce que les employeurs partenaires disent le contraire. Parfait, mettons cela de côté.

Est-ce que, pour apporter des modifications de gré à gré, il va falloir accepter, dire tout d'un coup que ce qu'on trouvait inacceptable hier, devient acceptable aujourd'hui. Ce que le ministre voudrait de la part des syndicats, ce n'est pas seulement qu'ils conviennent avec lui des modifications à apporter aux décrets, il voudrait qu'en même temps ils reconnaissent la valeur du décret. C'est là que le piège se situe et c'est cela qui va rendre impossible toute entente.

La question posée par l'Opposition ce matin, M. le Président, c'est de dire lorsque le gouvernement mettait des choses de l'avant et que se déroulait la publicité gouvernementale: Regardez jusqu'à quel point on est beau, fin et gentil, regardez jusqu'à quel point on est prêt à en mettre de plus en surplus. On dit aujourd'hui: Tout ce que vous étiez prêt à mettre en surplus, ou bien c'était vrai ou bien ce ne l'était pas. Si c'était vrai que c'était du surplus, que c'était une amélioration, pourquoi ne le donnez-vous pas maintenant après avoir reconnu l'argumentation des partenaires? Pourquoi en plus n'ajoutez-vous pas ce que vous étiez prêt à mettre quand vous étiez beau, fin et gentil ou quand vous vouliez nous faire croire que vous étiez beau, fin et gentil? Ou bien il faudrait alors conclure que ce n'était peut-être pas vrai, que ce n'était peut-être pas tant une amélioration que cela. C'est un ou l'autre. Si cela en était une véritablement, pourquoi ne la met-on pas?

Je dois dire, M. le Président, que même si je suis d'accord avec l'argumentation du ministre qu'on doit encourager la négociation de gré à gré, apporter les modifications uniquement lorsqu'il y a entente des parties, je dois reconnaître - et c'est l'argumentation même du ministre - qu'il vient de nous signifier que les améliorations qu'on nous annonce ne sont pas des améliorations qui sont de gré à gré entre les parties représentant les travailleurs et le gouvernement. Ce sont des modifications qui viennent d'une volonté des employeurs partenaires. Alors, là, je dis que tout le grand discours du ministre sur le "bon ententisme" et sur la façon nouvelle de négocier ne favorise pas des attitudes plus sereines pour l'avenir. Il ne démontre pas beaucoup plus d'ouverture d'esprit lorsqu'il se refuse aujourd'hui à accorder ou à offrir... Posons la question autrement: Est-ce que le ministre serait prêt à discuter ou à s'entendre de gré à gré sur ce qui avait été offert avant la promulgation des décrets? Est-ce que le ministre est prêt à remettre cela sur la table sans pour autant faire reconnaître les décrets par les syndiqués? S'il était prêt à cela, cela pourrait être jugé comme ouverture d'esprit.

Mais ce n'est pas le cas, parce que la démarche que propose le ministre aux syndiqués suppose qu'ils endossent et qu'ils reconnaissent le bien-fondé du décret. Il me semble, quand quelqu'un est par terre, qu'on ne doit pas s'acharner à le rouer de coups de pieds. Je calcule que ce que le ministre ajoute est un peu l'insulte à l'injure. Je trouve cela inacceptable. Dans ce sens, la loi remédiatrice dont on parle n'est pas remédiatrice pour l'ensemble des personnes qui sont touchées. Il va falloir reconnaître qu'elle corrige uniquement les devoirs mal faits du gouvernement.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Bérubé: D'une part, pour apaiser les craintes du député de Sainte-Marie, il n'y a à peu près aucun syndicat qui a, par la signature d'une entente, conclu que cette entente constituait un endossement des décrets édictés en vertu de la loi 105. Tous les syndicats ont été très clairs pour bien indiquer qu'ils rejetaient les décrets de la loi 105 car, à leurs yeux, ils ne constituaient pas des ententes conclues à la suite d'un processus normal de négociation. Donc, ils ne les entérinaient pas.

Toutefois, ce qu'ils entérinaient, c'étaient des améliorations par rapport aux décrets, rien de plus. Donc, le député de Sainte-Marie peut se rassurer: aucun des syndicats n'a perçu la conclusion d'une entente avec le gouvernement comme étant une façon d'entériner les décrets, mais plutôt comme une façon d'améliorer les décrets. C'est sur l'amélioration qu'il y a entente et non sur les décrets comme tels.

Deuxièmement, il y a une contradiction dans la position du député de Sainte-Marie, dans la mesure où, d'un côté, il dénonce l'imposition de décrets et, d'autre part, trouve que nous n'en imposons pas assez puisque nous devrions imposer davantage de décrets à plus de syndiqués.

M. Bisaillon: Ah! Ah! M. le Président!

M. Bérubé: II y a là une contradiction interne dans l'argumentation du député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: II est dommage qu'il n'y ait pas de question de privilège en commission.

M. Bérubé: Je pense que je n'irai pas plus loin, M. le Président, et m'en tiendrai à la position initiale que j'ai prise.

Le Président (M. Laplante): Puisque cela fait près de trois quarts d'heure qu'on est sur la motion, seriez-vous prêts à voter?

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais poser une question avant qu'elle ne soit adoptée.

Le Président (M. Laplante): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Dans les propositions qui avaient été faites par la partie patronale à la partie syndicale et qui, de toute évidence, je présume, ne sont pas incorporées... À moins qu'on en profite, il y a seulement le ministre et nous deux, mais vous n'avez pas le droit de vote, cela n'avance pas les choses. Ne vous inquiétez

pas. Nous sommes deux et il y a le président qui va aller de votre côté.

M. Bérubé: Ah! C'est présumer de la partialité de la présidence, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Madame, je tiendrais à vous dire que M. le député de Sainte-Marie n'est qu'intervenant et n'a pas le droit de vote.

Mme Lavoie-Roux: C'est ce que je viens de dire.

Le Président (M. Laplante): Oui.

Mme Lavoie-Roux: C'est vous qui seriez obligé de trancher.

M. Bérubé: Non.

Le Président (M. Laplante): Non.

M. Bisaillon: Non, il y a un deuxième membre.

Mme Lavoie-Roux: Ah! II y a un deuxième membre. De toute façon, c'est un petit peu plus à la blague. Je voudrais que le ministre nous explique, dans le cas d'une proposition qui avait été faite et qui touchait la priorité à l'ancienneté et qui rejoignait aussi le "bumping" statu quo amélioré, comme vous l'indiquiez dans votre publicité. Désormais, dans le cas de fusion de postes, la priorité à l'ancienneté touche à la fusion des postes... (13 heures)

M. Bérubé: Dans le réseau des affaires sociales.

Mme Lavoie-Roux: Dans le réseau des affaires sociales. Dans le cas de fusion de postes, quelles seront les représentations que les syndicats pourront faire? Dans le passé, le syndicat pouvait aller en arbitrage. Il y avait une période de discussion et, après cela, il pouvait aller en arbitrage. Qu'est-ce qui arrive aujourd'hui avec le statu quo? Pas le statu quo, vous retournez en arrière.

Le Président (M. Laplante): Avant de continuer, est-ce que vous avez l'intention d'adopter le projet de loi dans une période de quinze...

Mme Lavoie-Roux: Pas dans les trois prochaines minutes, certainement pas...

Le Président (M. Laplante): Non, non, je parle dans les quinze prochaines minutes.

Mme Lavoie-Roux: ...on en est seulement à l'article 12. Non.

Le Président (M. Laplante): Bon, je serai obligé d'ajourner les travaux parce qu'on n'a pas de temps cet après-midi. Avant d'ajourner les travaux, je ne voudrais pas que la motion que j'ai jugée recevable fasse jurisprudence. Je l'ai...

Mme Lavoie-Roux: Vous avez des petits remords.

Le Président (M. Laplante): Oui, il y a de petits remords. Si on avait été dans un temps normal d'une commission, j'aurais été obligé d'aller prendre conseil ailleurs. C'est pourquoi elle est recevable à ce moment-ci. Elle sera recevable jusqu'au bout, mais je ne veux pas qu'elle fasse jurisprudence pour les autres commissions.

Mme Lavoie-Roux: C'est toujours bon d'être prudent, M. le Président. Cela m'arrive à moi aussi de faire...

Le Président (M. Laplante): Je vous remercie. Sur ce, les travaux sont ajournés sine die.

(Suspension de la séance à 13 h 02)

(Reprise de la séance à 20 h 16)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, mesdames et messieurs! La commission des finances et des comptes publics reprend ses travaux en vue d'étudier le projet de loi 8 article par article. Nous en étions à l'article 12, sur une motion présentée par Mme la députée de L'Acadie, qui se lit comme suit: "Que le document sessionnel no 86 soit modifié de manière à y inclure les propositions gouvernementales du 30 janvier 1983 aux salariés des Affaires sociales dans la mesure où ces propositions n'avaient pas d'incidence financière." La parole est à vous, M. le ministre.

M. Bérubé: Non, M. le Président, j'ai fait mon intervention.

Le Président (M. Paré): Non, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Au moment où nous nous sommes quittés, il semblait que le ministre n'accueillait pas ma motion d'une façon favorable, quoique j'aie eu un accueil favorable sur la recevabilité de la part du président qui était là avant vous. Je suis certaine que vous allez montrer les mêmes dispositions car j'en ai au moins quatre ou cinq autres à faire.

J'avais posé une question au ministre sur la fusion des postes. Il y avait une procédure dans l'ancienne convention qui prévoyait... enfin, qui avait plusieurs étapes...

M. Bérubé: La procédure du statu quo ante.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous aviez reculé par rapport à cela dans vos offres patronales.

M. Bérubé: On ne peut rien vous cacher.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas compliqué. Après cela, dans vos offres du 30 janvier 1983, vous faisiez un certain compromis. Est-ce que le ministre peut nous dire, quand il y aura fusion de postes, comment les choses se passeront? De quels moyens le syndicat ou les syndiqués disposent-ils pour faire valoir leurs droits?

M. Bérubé: La différence fondamentale vient de ce qu'antérieurement, lorsqu'il y avait fusion de postes avec réduction d'un poste et donc d'un emploi, il y avait grief de la partie syndicale et le poste n'était pas fusionné tant et aussi longtemps qu'il n'y avait pas arbitrage ou décision arbitrale. Désormais, le droit au grief demeure; cependant, la fusion s'effectue, ce qui veut dire qu'on n'est pas tenu de maintenir le statu quo ante tant et aussi longtemps que la décision n'est pas rendue par l'arbitre. C'est fondamentalement la différence.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est quand même une différence importante pour les syndiqués. Est-ce que vous avez gardé -j'ignore, à ce moment-ci, si c'était dans les propositions patronales qui maintenant se trouvent à disparaître, puisque ce n'est pas incorporé - la possibilité d'une procédure de grief accélérée?

M. Bérubé: Je crois que je vous ai induite en erreur. J'avais l'impression que le compromis...

Mme Lavoie-Roux: Au sujet de l'accélération de la procédure d'arbitrage?

M. Bérubé: C'est cela, c'est-à-dire que nous étions prêts à proposer une procédure accélérée d'arbitrage. II semble que, dans les décrets, la procédure accélérée d'arbitrage est déjà incorporée. Cela veut donc dire qu'il n'y a pas d'abolition de postes tant et aussi longtemps que l'arbitre n'a pas rendu son décret.

Une voix: S'il y a un grief de déposé, il n'y a pas d'abolition de poste.

M. Bérubé: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais que ce soit dit bien clairement parce que, si vous me dites cela...

M. Bérubé: Vous voulez que ce soit dit bien clairement?

Mme Lavoie-Roux: Oui. Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, parce qu'on peut s'y référer comme interprétation. Ce n'est pas que je doute que le ministre ne puisse pas me le dire exactement. Je sais que cela devient un petit peu...

M. Bérubé: Du chinois. Auparavant, même lorsqu'un arbitre statuait sur une fusion de postes, si cela avait pour effet de créer une mise à pied, on ne pouvait pas procéder à cette fusion. Actuellement, nous pouvons procéder à une fusion de postes qui peut engendrer une mise à pied.

Si le syndicat dépose un grief, à ce moment-là nous arrêtons la procédure jusqu'à ce que la sentence soit rendue. La différence, c'est qu'on procède en arbitrage accéléré. Par exemple, si quelqu'un est congédié, il y a un arbitrage accéléré par rapport aux autres sortes de litiges qu'on retrouve dans la convention collective. Donc, on procède par arbitrage accéléré pour une fusion de postes. Advenant que la sentence soit favorable à l'employé, on procède à la mise à pied ou à la fusion de postes après l'arbitrage.

Ce que nous avions ajouté dans l'entente et qui n'a pas été conclu, c'est de supporter le fardeau de la preuve. Ce n'est pas actuellement dans le décret. C'était une hypothèse envisagée au niveau de l'entente.

Mme Lavoie-Roux: C'est le syndicat qui devra supporter le fardeau de la preuve.

M. Bérubé: Actuellement, c'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Je suis quand même heureuse qu'il y ait eu une sorte de compromis entre les deux positions. La première, je trouvais vraiment qu'elle allait très loin. Quand il y avait fusion de postes, le syndicat, n'étant pas satisfait, allait en arbitrage. Déjà, la fusion pouvait avoir eu lieu pendant X mois avant que la décision ne soit rendue. Tandis que là, dès que le grief est déposé, vous arrêtez la fusion.

M. Bérubé: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: C'est le statu quo jusqu'à ce que la décision arbitrale soit rendue. C'est bien cela?

M. Bérubé: C'est cela. Actuellement, nous pouvons prendre la décision, nous pouvons la mettre en vigueur. Si le syndicat la conteste, à ce moment-là on ne la met pas en vigueur. L'arbitrage est accéléré. La fusion de postes se fera après que la sentence de l'arbitrage sera rendue.

En pratique, dans les mandats originaux

de négociations à la table, nous voulions renverser la notion de statu quo ante, si je ne m'abuse. Je n'avais pas réalisé qu'en fait on avait réintroduit la notion de statu quo ante dans les décrets, si je comprends bien, avec une procédure accélérée d'arbitrage.

Le problème que nous vivions, chaque fois que nous avions ce type d'arbitrage, compte tenu que le rôle est assez considérable - il y a effectivement beaucoup de griefs - c'est que ce n'était pas considéré comme un grief ...

Mme Lavoie-Roux: ...prioritaire.

M. Bérubé: ...prioritaire et, à ce moment-là, on le retrouvait en dernier. On n'était pas capable de procéder à la fusion de postes. On dit qu'on a l'intention d'en faire, de permettre à ceux qui le veulent d'en faire ou à ceux qui ont besoin d'en faire de pouvoir l'effectuer et à ce moment-là de procéder par arbitrage accéléré.

Mme Lavoie-Roux: Je suis sûre que les syndicats auraient certainement préféré que le fardeau de la preuve vous revienne. Il reste que cela me rassure un peu - je vais vous dire la raison tout simplement, M. le Président - parce qu'il faut bien dire qu'avec les compressions budgétaires, et même si, officiellement, en chiffres absolus, on peut parler de compressions budgétaires de l'ordre de 29 000 000 $ dans le domaine des affaires sociales cette année comparativement à quelques centaines de millions les années précédentes, il y a encore plusieurs établissements qui ont des déficits et qui, à l'heure actuelle, parviennent à présenter un budget équilibré en fin d'année simplement parce qu'ils ont recours à des mesures comme fermer des lits, abolir des postes, etc. Comme il y a eu beaucoup de postes d'abolis - là-dessus j'aurai une autre question pour le ministre - et que le plus souvent ou très souvent des coupures ont été faites quant au nombre de postes, souvent chez les employés les moins rémunérés, je trouvais difficile de penser que là on pourrait gaiement abolir des postes et qu'après cela ce serait simplement au bout de X mois que finalement le processus pourrait se refaire à l'envers si les syndicats avaient gain de cause.

À ce moment-ci, au moins, je pense que c'est une certaine assurance que les gens seront quand même plus prudents avant d'abolir des postes. Il reste toujours cette possibilité de contester immédiatement ou de faire immédiatement un grief.

M. Bérubé: Si je comprends bien le sens de l'intervention de Mme la députée de L'Acadie, nous faisons référence ici à la notion de fusion de postes, c'est-à-dire le regroupement de deux postes en un seul, et je pense que vous faites référence à quelque chose de plus large qui est l'abolition de postes.

Mme Lavoie-Roux: Mais cela pouvait amener l'abolition d'un poste. Quand vous fusionniez des postes.

M. Bérubé: II y a quand même un élargissement aussi au niveau de la possibilité de l'abolition de postes. Autrefois, si je ne m'abuse, on pouvait le faire lorsqu'on supprimait un service entier. Maintenant, on a également la possibilité d'abolition de postes lorsqu'il y a des suppressions partielles d'activités, si je ne m'abuse.

Auparavant c'était uniquement en cas de fermeture d'établissement ou de fermeture complète de services.

Mme Lavoie-Roux: Si les gens ont leur permanence, enfin, restent en disponibilité, il n'y a pas abolition de poste. Il y aurait abolition de poste strictement pour ceux qui ont moins de deux ans d'ancienneté.

M. Bérubé: C'est cela. Les règles du jeu demeurent les mêmes, c'est-à-dire que lorsque la personne a acquis sa sécurité d'emploi, cela demeure. Dans le fond, toute la procédure s'applique pour ces mécanismes.

Il y a possibilité d'abolition de poste à l'heure actuelle sans qu'il y ait suppression d'un service. La question que je poserais, si vous permettez qu'un ministre se pose une question...

Mme Lavoie-Roux: Cela m'intéresse.

M. Bérubé: Puisque M. Meloche intervient en tant que ministre, on mettra dans le journal des Débats: ministre 1, ministre 2. C'est d'une rare complexité, ces questions de convention collective, et souvent il faut se rafraîchir la mémoire parce que, maintenant, on parle de quelque chose qui a été discuté il y a maintenant presque six mois. Ce n'est pas toujours facile. Je ne voudrais pas induire la députée de L'Acadie en erreur par des réponses. L'impression que j'avais, c'était que, dans le cas de suppression de postes - je ne parle pas de fusion, mais véritablement de suppression de postes - sans qu'il y ait disparition complète du service, ceci n'était pas nécessairement soumis à l'arbitrage. Le point que nous venons de discuter, c'était le point des fusions de postes. La standardiste dactylo, par exemple; autrefois on avait un poste de standardiste et un poste de dactylo et on décide que, la tâche étant insuffisante, on va regrouper les deux fonctions et que la secrétaire devra assumer à la fois la tâche de répondre au téléphone et de dactylographier pour le service en question.

Voilà une opération de fusion de postes soumise à la procédure dont on vient de parler. Il y a également la possibilité où on décide de supprimer, je ne sais pas, moi, la moitié des postes en pédiatrie parce que la clientèle est moindre. À ce moment, on estime qu'on n'a pas besoin d'autant de personnel dans la clinique de pédiatrie. La question que j'ai à l'esprit, pour ne pas vous induire en erreur, est essentiellement la suivante: Y a-t-il, à ce moment, arbitrage accéléré avec évidemment droit de grief dans le cas de ces éliminations de postes pour des services qui ne seront pas totalement éliminés en même temps?

Mme Lavoie-Roux: L'institution peut juger que c'est suffisant, six, et le syndicat peut dire: Non, on est prêt à passer de douze à huit, mais il devrait en rester huit. Est-ce qu'il y a une possibilité de prendre un exemple concret? (20 h 30)

M. Bérubé: De contester, oui.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bérubé: II y a d'abord dans les conventions collectives et aussi comme possibilité au niveau de l'arbitrage toute la question du fardeau de la tâche. D'accord. Un syndicat ne pourrait plaider que, dans un service, il y a un surcroît de fardeau de tâche.

Mme Lavoie-Roux: Comme dans le cas de Louiseville.

M. Bérubé: Comme dans le cas de Louiseville, effectivement. Ce à quoi le président du Conseil du trésor faisait référence aussi, c'est qu'on peut abolir un poste sans fusionner deux postes. Si, par exemple, un poste devient vacant et que l'employeur décide de ne pas le combler, il vient d'abolir un poste. De toute façon, ce phénomène d'attrition a été largement utilisé dans le réseau des affaires sociales depuis 1978 et 1979.

Est-il soumis à ce moment à un arbitrage? Non. C'est le fardeau de la tâche. Si le syndicat jugeait qu'à la buanderie, par exemple, il y avait trois postes vacants et qu'on ne les a pas comblés, que cela a occasionné un fardeau de tâche supplémentaire pour les autres, il pourrait se présenter devant l'arbitre. À ce moment...

Mme Lavoie-Roux: Et, à ce moment, est-ce encore à eux de faire le fardeau de la preuve? Est-ce qu'ils ont le fardeau de la preuve ou si c'est l'administration...

M. Bérubé: C'est nous qui avons le fardeau. Mais l'arbitre ne peut imposer à l'établissement, dans sa première sentence, par exemple, de rétablir les trois postes. D'accord? La première sentence, c'est de dire à l'employeur: Veuillez corriger la situation. Et c'est à l'employeur de trouver des solutions pour corriger la situation. Cela ne signifie pas nécessairement un ajout de trois postes dans l'exemple que je donnais.

Si le syndicat, après un certain temps, juge que la décision de l'employeur n'a pas corrigé la situation, il peut revenir à ce moment dans un deuxième arbitrage. Donc, il faut distinguer entre la fusion de postes et la suppression de postes, où la réponse est un peu différente quant au mécanisme de grief et aux conséquences pour les employés.

Donc, dans le cas de la fusion de postes, c'est le statu quo ante avec arbitrage accéléré; dans le cas de la suppression de postes pure et simple, à ce moment, seul le grief portant sur l'accroissement du fardeau de tâche des employés résiduels dans le service peut être invoqué comme motif de grief. Je pense qu'avec cela ce devrait être... Tantôt, à partir de vos questions, j'avais l'impression qu'on était pris sur une tangente où on pouvait vous induire en erreur. Je sais à quel point des informations incomplètes et susceptibles d'induire en erreur...

Mme Lavoie-Roux: De près ou de loin.

M. Bérubé: ...l'Assemblée nationale sont susceptibles de soulever un tel boucan. Je ne voudrais pas être pris en commission parlementaire pendant des mois.

Mme Lavoie-Roux: Non mais je pense, je suis même certaine que le syndicat a déjà fait l'interprétation de toutes ces clauses, mais c'est quand même... Comme je vous dis, j'avais ce souci vis-à-vis des restrictions quelles qu'en soient les causes, les changements de vocation, etc. dans les établissements - que les employés aient quand même une protection qui ne soit pas trop pénible pour eux.

Là-dessus - c'est la dernière question sur ce point; ensuite on pourra passer au vote - on a parlé de fusion et d'abolition de postes et je n'ai pas eu l'occasion de reposer cette question au ministre. En tout début de séance, j'ai fait la remarque suivante: C'est dans le réseau des affaires sociales où - à partir des plans de redressement budgétaires ou à partir des coupures budgétaires - on a coupé le plus de postes. Le ministre, en réplique, m'a rétorqué: Non ce n'est pas exact; c'est dans la fonction publique.

M. Bérubé: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je me demande si le ministre aurait à sa disposition, pas sur-le-champ, mais quand il pourra me le donner, d'ici à quelques jours... Il

se peut qu'en chiffres absolus il ait raison, mais si vous calculez l'ouverture des nouvelles institutions, des nouveaux établissements où un bon nombre d'employés ont trouvé de l'emploi, peut-être que vous pouvez avoir raison parce que ces gens ont été replacés ailleurs. Mais, dans les établissements existants, et non pas dans les nouveaux, si vous faisiez le décompte des abolitions, des fusions et des coupures de postes qu'il y a eu - appelons-les comme on voudra - de disparitions de postes, par rapport à la fonction publique, je pense - je voudrais quand même que le ministre le confirme ou l'infirme - que cela n'est peut-être pas exact, que c'est véritablement dans le réseau des affaires sociales qu'il y a eu le plus de disparitions de postes.

M. Bérubé: M. le Président, il me fait plaisir de fournir la réponse. De fait il faut toujours prendre garde lorsqu'on manipule les chiffres. On sait que, dans le réseau des affaires sociales, il existe un très grand nombre de postes à temps partiel et que le nombre de personnes impliquées par des pertes de postes, mais de postes à temps partiel, peut avoir comme conséquence que le nombre est beaucoup plus important dans le cas des réseaux, par exemple, particulièrement dans le réseau des affaires sociales qu'au gouvernement. Alors, il faudra faire attention afin de pouvoir distinguer des équivalents à temps plein dans les deux cas. Je ne saurais dire si le nombre des personnes impliquées est supérieur dans le réseau des affaires sociales à ce qu'il est dans la fonction publique, mais, en termes d'équivalence à temps plein, les mesures de compression d'effectifs au gouvernement, d'après l'information que j'avais, étaient beaucoup plus importantes dans les ministères que dans les réseaux.

Mme Lavoie-Roux: Je vais donner un exemple. Si, dans le réseau - mes chiffres sont hypothétiques - des affaires sociales il y avait 80 000 emplois comprenant des syndiqués et des cadres, et que, dans la fonction publique, il y en avait 70 000 - je sais que mes chiffres sont tout à fait inexacts, mais ce n'est qu'un exemple pour les fins de la discussion - il se peut que vous vous retrouviez dans la fonction publique avec 65 000 postes à temps plein et que, dans le réseau des affaires sociales, vous vous retrouviez encore avec 78 000 postes. De toute évidence, il y aurait eu moins de coupures dans les affaires sociales que dans la fonction publique, mais si vous tenez compte du fait qu'on a ouvert un nombre X de centres d'accueil qui ont nécessité du nouveau personnel, je veux savoir si les compressions de personnel ne se sont pas fait sentir davantage dans les établissements déjà existants et que si on prend, non pas les nouveaux établissements, mais strictement ceux déjà existants et qu'on les compare avec la fonction publique qui, elle, ne s'est pas modifiée beaucoup, sauf peut-être pour la création de certains organismes comme l'Institut de productivité, etc. C'est peut-être là qu'on se rendrait compte qu'il y a eu plus de pertes dans les affaires sociales que dans la fonction publique même dans les postes à temps plein. Ce serait intéressant de le savoir, parce que c'est évident qu'il se peut que le nombre ait relativement peu diminué, compte tenu des établissements, mais là où cela fait mal, c'est là où les coupures se sont fait sentir à l'intérieur des établissements déjà existants.

M. Bérubé: L'impression que j'ai, malheureusement, c'est que la réponse à cette question peut être difficile à déterminer, d'une part, parce que nous avons mis en place un service de placement aux Affaires sociales dont l'objectif était justement de recycler Je personnel mis en disponibilité. Nous avons souvent même bloqué l'ouverture d'institutions dont on avait terminé la construction en partie pour nous assurer que le personnel qui irait travailler proviendrait des institutions où nous décelons des surplus. De ce fait, grâce à la mise en place de ces politiques, on a pu faire en sorte que l'essentiel du personnel qui était dans le réseau des affaires sociales soit recyclé dans d'autres institutions.

Donc, c'est la conséquence d'une politique volontaire du gouvernement qui peut faire en sorte que, au total, effectivement, on ne voie pas de diminution substantielle du nombre de postes, mais qu'on ait eu des transferts. C'est d'ailleurs ce qui nous a amenés, lorsque nous avons examiné la question de la sécurité d'emploi dans le réseau des affaires sociales, à ne pas vouloir le même objectif que nous poursuivions dans le réseau de l'éducation puisqu'on se rendait bien compte que, globalement, les effectifs disponibles dans le réseau des affaires sociales étaient requis possiblement ailleurs et qu'il était nécessaire d'introduire la notion de mobilité, d'où les demandes gouvernementales en ce qui avait trait à la fusion de postes, à la suppression de postes dans des services supprimés dont on ne visait pas la suppression totale, mais partielle.

Donc, on a visé la mobilité plutôt qu'une modification aux conditions de rémunération des employés en sécurité d'emploi. Pourquoi? Parce que nous estimons qu'il y a place pour ce personnel dans le réseau et les besoins sont là. Donc, votre question est difficile à départager puisqu'on a mis en place une politique très dynamique de relocalisation des employés et, de fait, les données que nous avons concernant les banques d'effectifs nous montrent que les gens restent relativement peu de temps dans

ces banques d'effectifs en disponibilité. Ils sont presque tout de suite relocalisés. Donc, c'est difficile pour moi de vous dire, à ce moment, si ce n'est par des chiffres globaux - parce que ce que j'ai, ce sont des chiffres globaux -autre chose que, globalement, il n'y a pas eu diminution de postes, mais il a pu y avoir du déplacement en diable! Il n'y a aucun doute dans mon esprit. Là-dessus, je pense que vous avez relevé un point important.

Le point que je croyais que vous souleviez - je cherchais à répondre intégralement aux questions, même à celles que vous ne posiez pas en pensant que vous les posiez - c'est que ce problème était relié aux employés occasionnels, qui n'ont pas nécessairement la sécurité d'emploi et qui ont pu être bousculés beaucoup plus profondément que...

Mme Lavoie-Roux: On parle de l'ensemble des employés.

M. Bérubé: Oui. À ce moment-là, je dois vous dire que, en toute probabilité, les institutions ont d'abord cherché à protéger les emplois de leur personnel ayant la sécurité d'emploi. Il s'est trouvé un bon nombre d'employés occasionnels sans sécurité d'emploi qui ont effectivement perdu leur emploi. C'est ce qu'on constate dans beaucoup d'institutions de santé au Québec où on a resserré l'administration des budgets et où bon nombre d'employés occasionnels ont perdu leur emploi occasionnel. Le problème est le suivant: comme il s'agit de quelque chose de très fragmenté, très morcelé, comme phénomène, il est possible qu'il y ait un grand nombre de personnes impliquées dans une opération comme celle-là.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on pourrait conclure de tout ceci qu'il est fort probable que si on tient compte de tous ceux qui n'avaient pas la sécurité d'emploi, il y a de bonnes chances qu'il y ait probablement plus d'employés du réseau des affaires sociales qui soient partis que de la fonction publique?

M. Bérubé: Je n'ai pas la réponse à votre question. Peut-être que...

Mme Lavoie-Roux: ...je pense que...

M. Bérubé: Non, je n'ai pas la réponse à votre question. La seule chose que je sais, c'est que, en années-personnes, dans le réseau, la réponse...

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Mais on ne compare plus des choses semblables, de toute façon...

M. Bérubé: Non, c'est cela le problème.

Mme Lavoie-Roux: ...parce qu'elles n'ont pas évolué de la même façon.

M. Bérubé: Exactement.

Mme Lavoie-Roux: Pour le faire, il faudrait prendre un échantillonnage de X hôpitaux de soins aigus, de X centres d'accueil, de X hôpitaux de soins prolongés qui existent depuis 1970, et qu'on compare 1978 à 1983, par exemple. C'est uniquement de cette façon que l'on pourra voir de quelle façon chacune des... Chacune des institutions vit personnellement le problème. Qu'on dise globalement: II y a 3000 postes qui sont partis dans l'ensemble - ils sont vraiment partis - du réseau des...

M. Bérubé: Ils sont effectivement partis. Ils n'ont fait que passer!

Mme Lavoie-Roux: ...affaires sociales, si les 3000 postes se situent partout ailleurs sauf dans l'hôpital X, cela ne leur fait pas très mal. Ils ne se ressentent pas beaucoup des coupures de personnel. C'est vraiment individuellement que chacun des établissements est touché. C'est pour cela que, devant tous ces chiffres, si je n'arguais pas à mort contre le président du Conseil du trésor qui dit qu'il y en a plus qui sont partis dans la fonction publique, je pense qu'il ne peut pas, en contrepartie, tenir le même argument à l'endroit des affaires sociales en ce sens qu'il y en a plus de partis dans la fonction publique qu'aux affaires sociales, si on prenait toutes ces variables en considération.

M. Bérubé: C'est cela. Globalement, M. le Président, si je devais prendre les équivalents années-personnes à l'emploi du réseau des affaires sociales globalement et les comparer avec les équivalents années-personnes à l'emploi des ministères et que je devais comparer leur évolution dans le temps, je peux affimer avec une quiétude assez complète que, au gouvernement, les effectifs ont décrû beaucoup plus rapidement. Nous avons eu des gels d'effectifs totaux avec des décroissances de près de 4% par année. Ceci s'est traduit par une réduction substantielle des effectifs. Alors que, dans le réseau des affaires sociales, nous n'observons pas globalement de réduction des équivalents années-personnes à l'emploi du réseau des affaires sociales. Mais je ne peux cependant pas parler des remue-ménage internes -ouverture de poste à gauche, suppression de postes à droite, transfert de personnel d'un établissement à l'autre - qui peuvent faire en sorte que le nombre de déplacements dans le réseau des affaires sociales puisse finalement être plus important qu'au

gouvernement. Là-dessus, je suis absolument d'accord, je n'ai pas la réponse.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'on est loin de la motion. Mais cela a fini de clarifier ceci. Je maintiens ma motion et je propose un vote enregistré sur la motion. (20 h 45)

Le Président (M. Paré): Nous allons donc passer au vote.

M. Bérubé: J'espère, M. le Président, que Mme la députée de L'Acadie a droit de vote.

Le Président (M. Paré): Oui, nous allons vérifier. J'appelle le vote enregistré sur la motion de Mme la députée de L'Acadie qui se lit comme suit: "Que le document sessionnel numéro 86 soit modifié de manière à y inclure les propositions gouvernementales du 30 janvier 1983 aux salariés des affaires sociales, dans la mesure où ces propositions n'avaient pas d'incidences financières".

Parmi les membres de la commission ici présents, M. Blais:, député de Terrebonne, vous avez la parole.

M. Blais: Contre.

Le Président (M. Paré): Mme Lavoie-Roux, députée de L'Acadie. ■

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Paré): Donc, M. le député de Terrebonne vote contre et Mme Lavoie-Roux, députée de L'Acadie, vote pour. M. Lachance (Bellechasse)?

M. Lachance: Contre.

Le Président (M. Paré): Contre. M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Je pense que je devrais voter contre, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Contre. La motion est donc rejetée.

M. Blais: II me déplaît, Mme Lavoie-Roux, d'avoir voté contre vous, parce que vous êtes très sympathique.

Le Président (M. Paré): Est-ce que l'article 12 est adopté tel qu'amendé?

Mme Lavoie-Roux: Adopté sur division.

Le Président (M. Paré): L'article 12 est adopté sur division.

M. Bérubé: M. le Président je constate que le Parti libéral est à nouveau divisé contre lui-même.

Mme Lavoie-Roux: Pourquoi?

M. Blais: Parce que celui qui était là hier soir avait accepté l'article 12 avant que vous arriviez. Il est revenu...

M. Bérubé: Nous avons eu droit à un long exposé du député d'Argenteuil, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Vous voulez dire que l'article avait déjà été adopté?

M. Bérubé: Non, il n'avait pas été adopté mais, toutefois, le député d'Argenteuil avait souligné que, dans la mesure où il y avait eu conclusion d'ententes au niveau des cégeps, en pratique, cela voulait dire que tous les employés du secteur public étaient traités sur une base absolument équivalente. En d'autres termes, si vous signez, vous obtenez les modifications, et si vous ne signez pas, vous vous retrouvez...

Effectivement, le député d'Argenteuil avait souligné que ceci modifiait la situation et enlevait beaucoup de poids à l'argument que vous avez soulevé précédemment avec beaucoup de chaleur.

Le Président (M. Paré): J'appelle donc l'article 13.

Mme Lavoie-Roux: De toute manière, je maintiens quand même le vote sur division, M. le Président. Lui, il avait une préoccupation du côté de l'éducation, j'en avais une du côté des affaires sociales; nous avons établi, je crois, que...

M. Bérubé: Vous avez peu l'occasion de vous parler, si je comprends bien.

Mme Lavoie-Roux: ...les décisions du gouvernement, à cet égard, ne sont pas tout à fait cohérentes entre ce qu'il a décidé de faire pour l'éducation et ce qu'il a décidé de faire pour les affaires sociales. Cela justifie amplement, je pense, de voter contre l'article 12.

Le Président (M. Paré): J'appelle donc l'article 13. Est-ce que l'article 13 est adopté?

M. Bérubé: M. le Président, j'aurais un amendement à vous proposer.

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce que ça va améliorer?

M. Bérubé: Oui ça va notablement l'améliorer. Il s'agit d'un amendement de concordance puisque nous avons introduit le document sessionnel numéro 142. Il ne

faudrait tout de même pas l'oublier dans nos discussions, sans quoi il faudrait une loi remédiatrice au carré, ce qui serait quand même gênant.

Mme Lavoie-Roux: On pourrait peut-être revenir à votre...

M. Bérubé: Je proposerais, M. le Président, de remplacer, à la fin du premier alinéa de l'article 13, les mots "numéros 85 et 86" par les mots "numéros 85, 86 et 142". Il y a malheureusement un bris dans la continuité, mais je n'y peux rien, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Le 142, c'est celui de l'Institut Pinel.

M. Bérubé: Oui, on ne peut rien vous cacher.

Le Président (M. Paré): Donc, est-ce que l'amendement est adopté?

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

Le Président (M. Paré): Adopté. Est-ce que l'article tel qu'amendé est adopté?

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

Le Président (M. Paré): L'article 13 est adopté. J'appelle l'article 14.

M. Bérubé: M. le Président, il s'agit simplement d'indiquer que le texte déposé au bureau du Commissaire du travail, en vertu de l'article précédent, fait désormais partie des conventions collectives en vigueur.

Mme Lavoie-Roux: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Paré): L'article 14 est adopté sur division. J'appelle l'article 15.

Mme Lavoie-Roux: Elles sont entrées en vigueur à quel moment, ces conventions-là? Au mois de décembre?

M. Bérubé: II y a des conventions collectives qui entrent en vigueur en janvier, d'autres le 1er avril. Il y a plusieurs dates. Alors, comme il s'agit de s'assurer qu'il n'y a pas de vide juridique entre la fin des conventions collectives précédentes et le début des nouvelles, il faut expressément indiquer dans la loi que toute mesure qui peut avoir un caractère rétroactif était voulue par le législateur et, par conséquent, il faut l'indiquer.

Mme Lavoie-Roux: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Article 15, adopté sur division. Article 16.

M. Bérubé: II s'agit d'indiquer que le Code du travail s'applique en ce qui a trait aux textes déposés au bureau du commissaire du travail et que ces textes sont maintenant de véritables conventions collectives. Celles-ci peuvent donc être amendées par les parties. Elles sont soumises à des griefs, à des procédures d'arbitrage, procédures d'arbitrage qui sont soumises à la jurisprudence propre au Code du travail et non au Code civil, par exemple, au Québec. Il s'agit donc de bien indiquer qu'elles sont soumises au Code du travail comme toute autre convention collective.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela leur donne le caractère d'une convention collective? Est-ce que cela donne aux décrets le caractère d'une convention collective? Voilà ce que je veux dire.

M. Bérubé: Oui, puisque, à ce moment-là, elles peuvent être amendées. Deuxièmement, advenant un grief, l'arbitre les interprète en faisant référence au Code du travail et à la jurisprudence existante dans des cas de griefs semblables. Il utilise d'ailleurs des procédures d'évaluation. On m'a déjà dit comment on utilise une expression très savante, latine, qui décrirait le type de jurisprudence dans le cas du Code du travail par opposition à la jurisprudence plus classique. Enfin, quoi qu'il en soit...

On me souligne d'ailleurs que l'article 14 précédent était clair quant au fait que les dispositions des textes faisaient partie des conventions collectives en vigueur. Il s'agit ici tout simplement, en concordance, de bien spécifier que toutes les dispositions du Code du travail s'appliquent aux textes déposés, dans la mesure où le Code du travail n'est pas en contradiction, évidemment.

Mme Lavoie-Roux: Vous dites: Dans la mesure où elles ne sont pas inconciliables avec la présente loi. Dans votre esprit, il devait y avoir des occasions ou des circonstances où elles pourraient être inconciliables avec la présente loi. Est-ce que vous avez des exemples de cela?

M. Bérubé: On me donne un exemple où, normalement, le Code du travail prévoit le dépôt en cinq copies alors que, dans la loi, on ne prévoit le dépôt que d'une copie. Voici une contradiction entre la présente loi et le Code du travail.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y a des choses plus fondamentales qui pourraient être en contradiction, ou non conciliables?

Ah! On me fait remarquer que le Code

du travail est en chiffres romains et que l'autre est en chiffres arabes!

M. Bérubé: Une chose est certaine, M. le Président, la procédure suivie pour en arriver à un texte de convention collective légèrement différente dans la mesure où il manque au moins une signature. Il faudrait se référer au Code du travail et s'interroger sur la notion de partie dans les cas de convention collective. J'ose présumer que le Code du travail ne prévoit pas le dépôt par le patron d'un texte de convention collective devant s'appliquer à ses employés. Sans...

Mme Lavoie-Roux: On arrive aux aveux. On nous a dit ce matin que les ententes ne sont jamais une admission du contenu des décrets auxquels on se réfère maintenant comme à des conventions collectives, mais simplement une reconnaissance du contenu particulier qui fait l'objet de l'entente.

M. Bérubé: On me dit qu'il y a des cas où on a effectivement utilisé le contenu des décrets en référence. On a donc reconnu l'existence des décrets. D'une façon générale, le discours politique n'a jamais reconnu le contenu des décrets.

Mme Lavoie-Roux: Avec toutes les indications que le ministre vient de me donner, je pense que je suis encore justifiée d'indiquer...

M. Bérubé: Votre dissidence.

Mme Lavoie-Roux: ...ma dissidence.

M. Bérubé: C'est un droit que nous honorons toujours.

Le Président (M. Paré): L'article 16 est adopté sur division. Article 17.

M. Bérubé: On est chanceux, parce que...

Mme Lavoie-Roux: Je pense que je pourrais voter pour l'article 17.

Le Président (M. Paré): Article 17, adopté.

M. Bérubé: Vous êtes bien bonne, madame.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, même si cela était publié, il vous faudrait toute une publication dans la Gazette officielle.

M. Bérubé: Étant donné que le prix des abonnements à la Gazette officielle est fixe et que nous avons un objectif d'autofinancement de toutes nos publications gouvernementales...

Mme Lavoie-Roux: Vous seriez obligés de doubler le budget.

M. Bérubé: ...pour l'année en question, on aurait des problèmes pour équilibrer le budget.

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je veux bien vous exprimer ma sympathie.

M. Bérubé: Merci, vous êtes bien aimable.

Mme Lavoie-Roux: Article 18.

M. Bérubé: Le trésor public vous en est reconnaissant.

Le Président (M. Paré): Est-ce que l'article 18 est adopté?

Mme Lavoie-Roux: Cela me semble moins beau. À l'article 11...

M. Bérubé: C'est couché en termes suffisamment obscurs pour qu'on ne puisse pas...

Mme Lavoie-Roux: Tout le temps, je lisais "projet de loi 11" au lieu de "article 11" et je me demandais ce qu'était la loi 11. Je connaissais la loi 111 mais pas la loi 11.

M. Bérubé: Vous n'avez pas vu la 222 par contre.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'elle est en cogitation? Est-ce que cela s'appliquera, je veux bien comprendre... Est-ce que l'article 18, tel qu'il est rédigé, quand vous dites "par décret", est strictement pour faire référence aux nouvelles dispositions contenues dans les décrets sessionnels 85, 86 et 142?

M. Bérubé: II s'agit de pouvoir appliquer les conditions de rémunération pour les employés à temps partiel...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bérubé: ...aux institutions privées et aux universités. Donc...

Mme Lavoie-Roux: Cela doit s'appliquer aux institutions privées et aux universités?

M. Bérubé: Exactement. C'est pour cela que je vous disais que, couché en termes aussi obscurs... le ministère de la Justice a pris soin que personne ne puisse comprendre véritablement le contenu de l'article. De fait, sous cette carapace rébarbative...

Mme Lavoie-Roux: Et épaisse aussi...

M. Bérubé: ...se camoufle une intention chaleureuse et louable de la part du gouvernement d'offrir aux employés à temps partiel oeuvrant dans les institutions d'enseignement privées ou ailleurs des conditions pouvant être semblables à celles qu'il offrait à ses propres employés. (21 heures)

Mme Lavoie-Roux: Quoique cela s'appliquerait uniquement à tout le personnel à temps partiel, gagnant moins de 13 $ l'heure, etc.

M. Bérubé: C'est bien cela. Vous pourriez recommencer la discussion...

Mme Lavoie-Roux: Non, non, non. Faire un plaidoyer pour eux, non. Je pense qu'il n'y aura plus d'argument pour vous convaincre. Si vous me dites que c'est strictement cela...

M. Bérubé: Oui, l'article 11 du présent projet de loi permet le dépôt du document sessionnel no 85.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bérubé: Or, le document sessionnel no 85 porte sur la rémunération des employés à temps partiel. Le présent projet de loi dit que le gouvernement peut, par décret, modifier tout décret pris en vertu de l'article 11 de la Loi concernant la rémunération dans le secteur public, ou en vertu de l'article 4 de la loi, etc. Il s'agit des décrets portant sur l'application de la loi 70, tels que modifiés lors du dépôt de la loi 105, pour protéger les employés à bas salaire. Donc, il s'agit de modifier les décrets pris en vertu de la loi 70 et les décrets pris en vertu de la loi 65, afin de rendre applicable à un salarié visé dans ces décrets un ajustement de rémunération comparable à celui qui résulte de l'application de l'article 11 de la présente loi.

La difficulté vient de ce qu'on se réfère à l'article 11 de la Loi concernant la rémunération dans le secteur public, c'est-à-dire l'article 11 d'une autre loi et, en même temps, on se réfère à l'article 11 de la présente loi. D'où la confusion possible. Ce qui...

Une voix: C'est une raison probable.

M. Bérubé: C'est ce qui rend la compréhension de l'article fort difficile. Mais si vous prenez ma parole...

Mme Lavoie-Roux: Pour les non-initiés.

M. Bérubé: Pour les non-initiés, et n'était-ce ce long paragraphe où on m'explique... en fait, le paragraphe est couché en termes presque aussi sibyllins.

Mme Lavoie-Roux: Je ne voudrais pas y revenir et ce n'est pas pour recommencer une discussion. Quelles sont les dispositions du décret et est-ce qu'elles s'appliquent de la même façon aux universités et aux institutions privées?

M. Bérubé: Oui, par exemple, dans le cas des universités, à la fin de la convention collective, on prolonge la convention collective de trois mois et on applique la compression salariale prévue à la loi 70, c'est-à-dire une réduction de 19%...

Mme Lavoie-Roux: Mais strictement du point de vue salarial et non pas des autres dispositions.

M. Bérubé: Ah non! Non! C'est uniquement du point de vue salarial.

Mme Lavoie-Roux: Et ce tant pour les institutions privées que pour les universités.

M. Bérubé: Exactement. Dans la loi 105, nous avons modifié les décrets de la loi 70 pour introduire une modulation de la compression, de telle sorte que les bas salaires subissaient une compression inférieure aux hauts salaires. Dans le cas présent, comme nous introduisons, pour les employés à temps partiel du secteur public qui gagnent moins d'environ 4000 $ pendant les trois mois d'application de la loi 70... comme nous avons, pour ces employés, dis-je, introduit une correction qui annule essentiellement l'effet de la loi 70, à ce moment-là, ce que nous disons dans le présent article c'est que nous pouvons prolonger par décret ces conditions aux employés oeuvrant dans les institutions privées qui ont été assujetties aux rigueurs, disons-le, de la loi 70, telles qu'adogcies par la loi 105.

Mme Lavoie-Roux: Bon! Eh bien! Vous...

Le Président (M. Paré): Si j'ai bien compris, l'article 18 est adopté.

Mme Lavoie-Roux: Oui, adopté. Parce qu'il vient corriger un peu les méfaits de la loi 105.

Dispositions finales

Le Président (M. Paré): Donc, section IV, dispositions finales...

Mme Lavoie-Roux: Des décrets...

M. Bérubé: Non, la loi 105 venait apporter des adoucissements à la loi 70.

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui. Pardon! Pardon!

Le Président (M. Paré): Article 19.

Mme Lavoie-Roux: C'était la loi sur la récupération salariale. On en a longtemps parlé d'ailleurs dans le temps.

M. Bérubé: II s'agissait en fait d'accentuer l'adoucissement prévu à la loi 105.

Mme Lavoie-Roux: Bon! Passons. Article 19.

M. Bérubé: II y a toujours une façon positive de voir les choses, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Article 19.

M. Bérubé: C'est là un article qui prend tout son sens maintenant, puisque nous avons des ententes signées avec la CEQ et la CSN pour couvrir les enseignants, au primaire, au secondaire et au collégial. Toutefois, dans les conventions elles-mêmes, au primaire et secondaire, il existait une clause en vertu de laquelle - la clause 9.04, si je ne m'abuse - chaque employeur devait entériner toute modification subséquente aux conventions collectives convenues entre les parties. Ce qui revenait, à ce moment-là, à resoumettre à toutes les commissions scolaires le texte des modifications que nous introduisons par ces amendements, non seulement cela mais également et surtout le texte des ententes intervenues sur la base des rapports des conciliateurs. Ceci nous obligeait donc à resoumettre de telles ententes à toutes les commissions scolaires pour approbation.

Il s'agissait donc là d'un processus lent qui aurait pu durer des semaines sinon des mois, et créer un état d'instabilité dans le réseau qui ne nous apparaissait pas souhaitable. Dans le mesure où l'Assemblée nationale avait déjà décrété la loi 105, il nous apparaissait plus simple de dire que les ententes intervenues entre les parties portant sur les rapports de conciliation s'appliqueraient de la même façon à l'ensemble des institutions.

Je dois également dire qu'au niveau collégial le problème se pose un peu différemment parce que, très fréquemment, les conventions collectives ne contenaient pas de telles clauses. Mais les statuts - dans plusieurs cas - de syndicats exigeaient une ratification par les assemblées syndicales. Donc, à nouveau, il aurait pu y avoir des complications additionnelles. On est donc convenu d'introduire cet article 19 faisant en sorte que, à la conclusion d'une entente entre la partie syndicale et la partie patronale à la table centrale, cette entente s'applique en vertu de l'article 19, nonobstant toute clause exigeant une approbation par une autorité quelconque dans le réseau.

Mme Lavoie-Roux: Dans le passé, si ma mémoire est fidèle, quand il y avait une convention signée à Québec, il fallait que, localement, les gens la signent de nouveau. Je me souviens d'en avoir resigné quelques-unes. Avec ceci, vous faites disparaître cette disposition.

M. Bérubé: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: II ne s'agissait pas, en l'occurrence, de négociations locales. C'était une formalité que la commission scolaire avec son syndicat remplissait. C'est pour éviter de faire ceci pour aller plus vite, me dit-on. Il reste que c'est à cause de la façon dont vous avez procédé qu'on est maintenant obligé de sauter toutes ces étapes. À cause des échéances que le gouvernement s'est données et qui rompent avec la façon habituelle de négocier. Peut-être pas de négocier, mais, enfin, d'officialiser la négociation provinciale dont la négociation locale faisait l'objet d'un autre...

M. Bérubé: Non.

Mme Lavoie-Roux: Non?

M. Bérubé: Ce n'était pas lié à cela.

Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire que la convention provinciale n'était jamais signée tant et aussi longtemps qu'on ne pouvait pas la signer localement.

M. Bérubé: C'est exactement cela. C'est ce qui avait d'ailleurs entraîné de longs débats à la Commission scolaire des Vieilles-Forges - il faut toujours que je fasse attention, car j'ai tendance à abuser d'un certain lapsus concernant l'appellation de cette commission scolaire - ce qui avait effectivement entraîné souvent des délais très longs avant l'approbation des conventions collectives. Ce n'est vraiment pas le point en litige ici. Dans la mesure où le Parlement a imposé des conditions de travail, il apparaissait assez aberrant de soumettre...

Mme Lavoie-Roux: Dans votre logique dictatoriale, il fallait aller jusqu'au bout.

M. Bérubé: Je pense que, par respect pour le Parlement, il m'apparaissait difficile de faire voter par le Parlement une loi, laquelle loi aurait été soumise à l'approbation de toutes les instances québécoises locales, c'est-à-dire qu'on aurait érigé les parties localement en instances au-

dessus du Parlement du Québec. Donc, cela m'apparaissait un peu aberrant. Vous reconnaîtrez, M. le Président, que, par respect pour le parlementarisme britannique et par respect pour le rôle fondamental de l'Opposition et des membres du parti au pouvoir et par respect pour tout ce mécanisme parlementaire, il nous apparaissait assez normal que si le Parlement devait décréter des conditions de travail, il n'était pas question de soumettre cette décision du Parlement à une autorisation ou une approbation par une instance de niveau inférieur d'ailleurs qui n'existe que par la volonté même du Parlement. Premier point. Dans la mesure où on a conclu des ententes avec les parties, on pourrait, certes, soumettre à nouveau toutes ces ententes à des approbations locales, tel que le prévoient les conventions collectives. Nous avons jugé bon de considérer que ces ententes font partie du processus initial de négociation et de décision par le Parlement quant aux conditions de travail et que ces ententes ne constituent qu'un amendement aux conditions de travail qui auraient été édictées par le Parlement.

De ce fait, nous pensons que c'est beaucoup plus simple de donner force de loi à ces ententes. Attention, cependant. Il s'agit d'ententes signées à l'intérieur d'un cadre temporel très précis, ce qui veut dire que si, la semaine prochaine, dans quinze jours ou dans deux mois, devait survenir une nouvelle entente, il faudrait cette fois retourner voir les autorités locales.

Mme Lavoie-Roux: Au plan de votre logique, je comprends que vous deviez mettre une disposition comme celle-là dans la loi parce que c'est évident qu'on ne peut pas reprendre au niveau local des conditions de travail qui ont été imposées par décret. Si on le regarde strictement dans ce contexte, ce détail technique est logique. Mais si on regarde l'ensemble et que ceci est le résultat de la façon dont les conditions de travail ont été imposées cette fois-ci, je dois dire que c'est adopté sur division. Je ne peux pas souscrire ici à l'ensemble du processus qui a prévalu dans l'établissement des conditions de travail pour la période 1982-1985.

Le Président {M. Paré): L'article 19 est adopté sur division. J'appelle l'article 20.

M. Bérubé: M. le Président, l'article 40.1 de la Loi d'interprétation stipule simplement qu'en cas de divergence entre les textes français et anglais, le texte français prévaut. Il va de soi que c'est d'autant plus important que, désormais, nous aurons des documents sessionnels incorporant des traductions de conventions collectives qui n'ont jamais été traduites et que, par conséquent, Je nombre d'erreurs pourrait être très élevé puisqu'on ne peut pas s'attendre qu'un traducteur ait nécessairement la connaissance la plus détaillée du fonctionnement de l'appareil gouvernemental et, par conséquent on ne peut pas parier a priori que les termes utilisés dans la traduction sont toujours les termes absolument appropriés d'autant plus qu'on a dû, pour des questions de rapidité, faire traduire des conventions collectives assez voisines par des personnes différentes et nous n'avons donc aucune garantie, même s'il y a eu épluchage systématique des traductions, qu'il n'y a pas même des différences dans les textes anglais finals de ces conventions collectives.

Par conséquent, il apparaît encore plus important ici de bien indiquer que la Loi d'interprétation devrait s'appliquer lorsqu'on analyse ces différents textes déposés à l'Assemblée nationale.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la Loi d'interprétation à laquelle vous faites allusion est toujours la Loi d'interprétation qui a prévalu parce que, depuis toujours, sauf pendant un court laps de temps où on n'a pas traduit les lois, c'était reconnu que... (21 h 15)

M. Bérubé: Oui. Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...c'était le texte français qui prévalait...

M. Bérubé: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...et ce depuis toujours.

M. Bérubé: Mais le problème vient de ce que les décrets, enfin les documents sessionnels, dis-je, pourraient ne pas être considérés comme faisant partie de la loi, auquel cas l'article 40.1 de la Loi d'interprétation ne pourrait s'appliquer puisque cet article ne s'applique qu'à l'interprétation des lois, et si le document sessionnel n'est pas partie intégrante de la loi, forcément, l'article 40.1 ne s'applique pas.

Or, pour être certain qu'il n'y ait pas d'erreur quant à l'interprétation des documents sessionnels on s'assure qu'effectivement l'article 40.1 s'appliquera aux conventions collectives...

Mme Lavoie-Roux: Si les décrets font partie de la loi.

M. Bérubé: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Ce qui est en appel de la part du gouvernement ou enfin... Je ne sais pas si vous êtes allé en appel. Êtes-vous rendu en appel?

M. Bérubé: On me le dit. Avec la rapidité caractéristique de la justice.

Mme Lavoie-Roux: Bon! Alors, l'article 20 est adopté, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Article 20 adopté. Article 21.

Mme Lavoie-Roux: C'est la disposition habituelle...

M. Bérubé: Oui, c'est cela.

Mme Lavoie-Roux: ...ou la précaution que le gouvernement prend dans chacune de ses lois. Eu égard aux jugements qui ont été rendus par les différents juges, est-ce qu'il y a un lien à établir entre les différents juges, par exemple, sur la validité des lois qui n'avaient pas été traduites, etc? Est-ce que l'article 2 et les articles 7 à 15 font référence à cette nécessité de traduire les projets de loi? C'est parce que j'oublie à quoi les articles 2 et 7 à 15 font référence.

M. Bérubé: M. le Président, comme il s'agit en pratique d'un article que l'on retrouve dans toutes nos lois depuis déjà longtemps, peut-être que la députée de L'Acadie pourrait déposer le texte miméographié de l'intervention classique, et je pourrais, de mon côté, déposer le texte miméographié de la réponse classique, de manière à pouvoir les incorporer au journal des Débats. Je ne sais si c'est possible, M. le Président.

M. Blais: Cela n'a rien à voir avec l'administration.

M. Bérubé: À ma connaissance, cela n'a rien à voir avec la langue mais...

Mme Lavoie-Roux: Cela n'a rien à voir. Bon! Alors, évidemment, je ne ferai pas de discours classique. Je pense que je le connais un peu; c'est que le gouvernement du Québec veut se soustraire à la loi constitutionnelle de 1982 et n'admet pas la Loi constitutionnelle, etc. Alors accepté sur division, M. le Président.

M. Bérubé: M. le Président, en réponse, je soulignerai que nous avons une charte des droits nettement plus complète, nettement plus, M. le Président, etc.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Paré): Je vous rappelle à la pertinence du débat, s'il vous plaît:

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si on veut parler de la Charte constitutionnelle des droits, de la charte des droits qui est supérieure au Québec, ce gouvernement, par la loi 111, a justement fait la preuve que notre très bonne charte des droits, j'en conviens, ou du moins dans le texte, à cause de sa fragilité comme loi statutaire, a été soumise à de terribles épreuves par l'arbitraire du gouvernement actuel, ce qui n'aurait pas été le cas s'il s'était agi d'une charte constitutionnelle exactement. Là-dessus, M. le Président, sur cette partie du discours, je suis sûre de ce que j'avance. C'est pour cela que le ministre a été fort imprudent de parler de la supériorité de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec par rapport aux libertés et droits qui sont garantis par la Charte constitutionnelle.

M. Blais: M. Parizeau...

Mme Lavoie-Roux: Pardon?

M. Blais: M. Parizeau fait son discours.

Mme Lavoie-Roux: Sur quoi fait-il son discours, M. Parizeau?

M. Blais: Sur le budget. Il faudrait y aller.

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus on m'apprend, M. le Président, que, parait-il, le gouvernement n'a même pas complété son boulot du budget et qu'il a encore besoin d'argent avant que nous nous quittions au mois de juin. Est-ce que c'est bien ce que j'ai compris?

M. Bérubé: II y a des crédits additionnels...

Mme Lavoie-Roux: Supplémentaires.

M. Bérubé: Ah! Mais c'est très simple. Lorsque le ministre des Finances a présenté le budget, il a indiqué des modifications aux crédits qui s'expliquent facilement par le fait que, désormais, les crédits...

(Suspension de la séance à 21 h 20)

(Reprise de la séance à 21 h 32)

Le Président (M. Paré): Mesdames et messieurs, pour poursuivre aussi rapidement qu'au début de la soirée, nous allons reprendre les travaux de la commission. Nous sommes à l'article 9, qui avait été mis en suspens. Donc, la parole est au député d'Argenteuil.

M. Bérubé: Si je ne m'abuse, je rappellerais simplement au député d'Argenteuil que nous lui avions remis copie

des différents décrets du gouvernement, et non pas simplement la liste qu'il nous avait demandée. D'autre part, nous venons de remettre également à son adjoint, son recherchiste, copie de certaines modifications apportées aux décrets ultérieurement et qui n'apparaissaient pas aux décrets initiaux que nous lui avions remis. Il nous avait demandé - le député d'Argenteuil, dis-je, de pouvoir en prendre connaissance de manière à mieux s'endormir cette nuit. Nous aimerions savoir si la nuit a porté conseil et si, aujourd'hui, nous pourrions adopter l'article 9.

M. Ryan: M. le Président, il y eut bien d'autres interventions du ministre qui me facilitèrent le sommeil, a posteriori. J'ai bien apprécié cette somme de documents qu'on m'avait transmise. Je les ai examinés sommairement et j'ai constaté qu'il y avait bien des choses qui s'étaient passées, dont je n'étais pas au courant, dont personne n'était au courant à part les auteurs et, peut-être, les destinataires. Pour l'instant, ayant pris connaissance en gros, encore une fois, de ces documents, je comprends un peu mieux le sens de l'article 9. Je n'ai pas l'intention d'ouvrir un débat là-dessus. Je voudrais simplement demander si le ministre pourrait indiquer le sens de: "Le gouvernement peut, par décret..." Est-ce qu'on doit prévoir d'autres choses à venir? De quel ordre pourraient être ces choses à venir, que pourrait nous réserver le gouvernement?

Pour le passé, on a été éclairé suffisamment.

M. Bérubé: En l'occurrence, M. le Président, l'article 9 dit bien qu'on ne peut pas modifier les décrets antérieurs et, par conséquent, ce que l'on peut faire, c'est de les reprendre par référence simplement. On ne va pas redéposer tous ces décrets, mais on peut les reprendre par référence générale sans les modifier de manière à leur donner à nouveau force de loi. Il s'agit ici, évidemment, d'une législation déléguée directe, puisque cet article donne le pouvoir au gouvernement de décréter des conditions de travail, du moins des conditions de rémunération. Cependant, l'article 9, dans ce cas-ci, ne permet pas de modifier les décrets qui ont été adoptés antérieurement.

M. Ryan: Est-ce que le ministre pourrait me donner un ou deux exemples concrets de ce qui pourrait arriver?

M. Bérubé: II pourrait arriver, par exemple, que les textes des décrets qu'on vous a remis aient déjà été publiés dans la Gazette officielle en français et en anglais. Toutefois, lorsque ces décrets ont été pris, ils ont été pris sous l'empire de la loi précédente, la loi 105. Or, si la loi 105 est jugée inconstitutionnelle, les décrets pris le sont aussi. Donc, nous allons déposer au Conseil des ministres un décret général dans lequel nous allons dire: Par ce décret, nous reprenons les décrets nos... etc., la liste au complet, que nous avons pris à telle date, par exemple. Automatiquement, ces décrets seront repris, mais dans le cadre de la nouvelle loi.

M. Ryan: Est-ce que cela peut vouloir dire que si la Cour suprême, dans une hypothèse hautement improbable, venait à décréter que la loi originelle est inconstitutionnelle, vous prendriez un nouveau décret pour éliminer les versions anglaises?

M. Bérubé: Non. Nous avions envisagé d'ailleurs, à un moment donné, de mettre un article de loi qui aurait fait en sorte que cette loi-ci aurait été littéralement abrogée advenant une décision favorable de la cour mais, finalement, nous avons jugé que c'était de la chinoiserie et que ce n'était pas la peine de commencer à s'enfarger dans les fleurs du tapis. Par conséquent, il est plus simple de reprendre purement et simplement les décrets puisqu'il s'agit ici d'une loi de sécurité juridique. Il ne sert à rien de s'amuser avec la sécurité juridique. Une fois que la loi sera adoptée, on prendra les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'il ne puisse pas y avoir de contestation et que tout puisse se dérouler normalement.

Le Président (M. Paré): L'article 9 est-il adopté?

M. Ryan: Sur division.

Le Président (M. Paré): Donc, l'article 9 est adopté sur division.

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui, j'ai demandé la parole.

M. Bérubé: Sur l'article 9?

Mme Lavoie-Roux: Non, non, non.

Le Président (M. Paré): Non?

Mme Lavoie-Roux: Le député d'Argenteuil m'avait indiqué son intention de commenter l'article 21. Je sais qu'il a été adopté sur division. Si tel est encore le désir du député d'Argenteuil, comme il est appelé à une autre commission parlementaire - il avait vraiment pris la responsabilité de la discussion de ce projet de loi 8 ici en commission parlementaire - est-ce que le ministre accepterait de faire exception et de lui redonner le droit de parole sur l'article 21?

Le Président (M. Paré): À ce moment-ci, étant donné que l'article 21 a été adopté,

j'ai besoin du consentement pour y revenir. Avant de l'adopter à nouveau, est-ce que j'ai le consentement des deux partis?

M. Bérubé: II faudrait l'adopter à nouveau?

Mme Lavoie-Roux: Non, non. On l'a adopté... Ce serait le vote final, mais le député d'Argenteuil voulait indiquer la nature de sa dissidence sur cet article.

Le Président (M. Paré): Est-ce qu'il y a consentement pour rediscuter de l'article 21?

M. Blais: On pourrait se contenter de considérations générales sur la loi en finale, on n'aurait pas besoin de jouer au jeu de la réadopter, M. le Président.

M. Lachance: M. le Président, si je comprends bien, l'article a été adopté. Ce que vous demandez, c'est le consentement pour pouvoir en parler?

M. Bérubé: Pour écouter le député d'Argenteuil, si je comprends bien, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Sur un article qui est déjà adopté. Il y a donc consentement? Vous avez la parole, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je remercie le gouvernement. Cela sera bref et aussi substantiel que possible. C'est un thème sur lequel nous avons déjà eu l'occasion d'échanger en commission à propos du projet de loi 105 et du projet de loi 70 également. Je pense qu'il faut y revenir vu que l'erreur est la même. Il faut évidemment réitérer les objections auxquelles il a déjà donné naissance.

En gros, l'objet de l'article 21, c'est de soustraire le projet de loi 8 à l'effet de l'article 2 ainsi que des articles 7 à 15 inclusivement de la Loi constitutionnelle canadienne de 1982. Je ne sais pas si cette disposition est vraiment nécessaire, parce qu'il y a déjà eu une loi à caractère général qui a été adoptée par l'Assemblée nationale. Je pense que c'était la loi 62. Peut-être que le collaborateur du ministère de la Justice qui accompagne le ministre pourrait nous dire tantôt - il a sans doute le texte de la loi 62 avec lui - si elle s'applique uniquement aux lois antérieures, aux lois adoptées jusque là, ce qui expliquerait que, à propos de chacune des lois qu'il adopte, le gouvernement sent le besoin d'ajouter cette police d'assurance. Je comprends le souci du gouvernement, mais, encore une fois, je ne peux pas le partager, parce que j'étais contre la loi 62. En bonne logique, je dois continuer de m'opposer à toute disposition législative de même nature que la loi 62. Ce qui est le cas de l'article 21.

Je vais vous en donner la raison. Je pense que, du côté du gouvernement, on ne s'oppose pas au contenu des articles 2 et 7 à 15 de la Charte constitutionnelle canadienne des droits. Je ne pense pas que j'aurais l'audace de prêter au gouvernement une attitude en vertu de laquelle il serait contre l'assertion qui est définie à l'article 2 de la Charte canadienne. Chacun a les libertés fondamentales suivantes: liberté de conscience et de religion, liberté de penser, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris liberté de la presse et des autres moyens de communication, liberté de réunion pacifique, liberté d'association. Je pense que ce serait faire injure au gouvernement que de laisser supposer qu'il serait opposé à des libertés aussi fondamentales. On pourrait continuer l'énumération des libertés qui sont garanties aux articles 7 à 15 de la Charte constitutionnelle des droits. Je pense qu'on serait amené à adopter la même attitude. Je n'ai aucun intérêt à raisonner par l'absurde ou à raisonner en déformant les intentions ou les attitudes véritables. J'essaie de les comprendre. Quelquefois, il y en a bien assez dans l'attitude comme elle est sans qu'on se sente obligé de l'exagérer.

Le gros grief que nous avons contre l'article 21, par conséquent, n'est pas de la nature d'une imputation de motifs ou de certaines intentions qu'on voudrait prêter au gouvernement, c'est un grief qui est à un autre niveau. Je pense que la Charte constitutionnelle des droits garantit les libertés définies aux articles 2 et 7 à 15 de la Charte canadienne des droits et libertés contre toute exception de nature législative à condition, évidemment, qu'elle soit appliquée dans son intégrité et qu'un gouvernement ou une législation n'aille point se prévaloir de l'article ... Je voyais M. Sormany qui se précipitait sur cet article. Je voudrais qu'il soit sans inquiétude quant au fameux article 33 avec lequel nous sommes bien familiers.

Par conséquent, c'est une des faiblesses de la Charte canadienne des droits que cette échancrure immense que les auteurs ont décidé d'y inscrire à cause d'attitudes peut-être trop étroites qu'ils avaient rencontrées dans diverses parties du Canada, pas seulement au Québec. Ce à quoi conduit l'article 33, quand une province décide de s'en prévaloir de manière aussi radicale, aussi globale que l'a fait le Québec, c'est la situation que nous avons connue avec la loi 111.

Je pense que nous avons eu la preuve, très peu de temps après avoir discuté de cette question, des dangers que peut créer une utilisation abusive de l'article 33 de la Charte des droits de l'homme. Nous l'avons dans la Charte des droits et libertés de la personne du Canada. Nous avons vu ce

danger à l'oeuvre à l'occasion de la loi 111 dans laquelle la majorité gouvernementale a décidé, avec la rapidité que l'on sait, de suspendre tous les articles de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec dans la mesure où ils venaient en conflit avec les dispositions de la loi 111, lesquelles mettaient en veilleuse des libertés aussi fondamentales, par exemple, que la présomption d'innocence en cas de délit pénal.

On a eu la preuve, par conséquent, que cela peut se faire très vite, que 24 heures suffisent pour qu'on glisse assez loin pour que même des organismes internationaux impartiaux comme la Ligue internationale des droits de l'homme juge à propos d'intervenir, d'interpeller sévèrement et presque solennellement le gouvernement du Québec pour lui demander ce qui s'est passé. Dans des chartes internationales, en particulier dans le pacte international relatif aux droits civiques et politiques, il est prévu que ces libertés, qui sont définies aux article 7 à 15 et à l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés - aussi dans notre Charte des droits et libertés de la personne, j'en dirai un mot tantôt - il est prévu, dis-je, qu'on ne peut les mettre en veilleuse ou les suspendre que dans des situations graves. (21 h 45)

Je prends les termes qu'on retrouve dans le pacte international et auquel souscrit le Canada - "...qu'on ne peut les mettre en veilleuse que dans le cas de situations ou de péril graves qui mettent en danger l'existence de la nation". Cela veut dire une insurrection ou une peste qui menacerait d'emporter une nation tout entière. Mais je ne pense pas que la situation à laquelle nous faisions face en raison de la grève des enseignants pouvait tomber, en suivant le jugement de tout esprit le moindrement froid et impartial, sous cette catégorie. D'ailleurs, quand on discute de ce qui s'est passé avec des esprits qui ont consacré une partie de leur vie et de leur carrière à l'étude des droits et libertés, ils trouvent tous que la situation avec laquelle nous étions aux prises n'avait rien de comparable au genre de situation qui est défini dans le pacte international relatif aux droits civiques et politiques. Par conséquent, nous avons eu, en dedans de quelques mois, une preuve concrète du danger que nous avions évoqué quand les lois 70 et 105 ont été étudiées, lorsque nous étions dans cette salle, à peu près dans la même position où nous sommes ce soir.

Moi, je dis que si jamais une situation du genre de celle que reconnaît la sagesse internationale se présentait, je pense qu'à ce moment-là, il faudrait y faire face d'une manière responsable et lucide avec la volonté de mettre fin à la situation. Mais, en dehors de cette occurrence, je ne pense pas qu'on doive se réserver la possibilité de faire à peu près n'importe quoi avec les libertés en mettant de petits paragraphes comme celui-là un peu partout, et je pense que le gouvernement se grandirait et donnerait beaucoup plus d'autorité à l'invocation qu'il fait ou qu'il peut être appelé à faire de l'article 33 en ne l'invoquant que pour des raisons beaucoup plus sérieuses, beaucoup plus fondées que celles qui l'amènent à l'insérer de manière automatique et mécanique, dans chaque texte de loi qu'il nous présente depuis près d'un an.

C'est pourquoi, cette fois-ci, de nouveau, je suis obligé de m'opposer très fermement à l'inclusion de cet article. Je le rappelle au gouvernement. Je ne sais pas ce que le gouvernement va faire, parce que là, vous l'insérez dans chacune des lois. J'espère qu'il n'arrivera pas dans quelque temps, dans quatre ans, un gouvernement, que ce soit le vôtre ou un autre, qui serait distrait et qui oublierait de corriger toutes ces lois parce que la proclamation ne vaut que pour cinq ans. L'exception ne vaut que pour cinq ans et M. Sormany, je pense, sera de mon avis là-dessus. Est-ce qu'on va adopter, encore une fois, dans cinq ans, toutes les lois passées jusque-là? Est-ce qu'on va passer une nouvelle loi 62 tous les cinq ans, une loi globale, massive?

M. Bérubé: On peut espérer que, entretemps, le Québec sera indépendant et qu'on aura réglé le problème.

M. Ryan: Je ne veux pas faire de politique partisane du tout. L'hypothèse que je ferais...

M. Blais: Votre intervention est partisane, M. le député.

M. Ryan: ...irait exactement dans le sens contraire. Mais... Pardon?

M. Blais: Votre intervention est très partisane.

M. Ryan: Je crois que c'est une...

M. Blais: La culpabilité dans la loi no 111, quand même, c'est de se servir de la partisanerie pour dire cela.

M. Ryan: M. le Président, est-ce que je peux continuer?

M. Blais: Avec plaisir.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député.

M. Ryan: Je pense que les arguments que j'exposais à propos de la situation qui a donné naissance à la loi 111 ont été exposés

à maintes reprises et je ne sache point qu'ils aient jamais été l'objet d'une réfutation véritable. Le gouvernement a fait des affirmations, mais, de là à établir la preuve qu'on était ici dans une situation qui puisse se comparer à ce que prévoit le pacte international relatif aux droits civiques et politiques... Je vais vous envoyer une copie de ce texte-là. Je pense que le député de Terrebonne...

M. Blais: M. le député d'Argenteuil, c'est contenu dans toutes les lois exceptionnelles de travail, même dans celles qui ont été votées avant notre arrivée au pouvoir, c'est élémentaire.

M. Ryan: Je regrette infiniment. Là, on fait des affirmations.

M. Blais: La culpabilité là...

M. Ryan: Le député de Terrebonne n'est pas obligé d'être au courant de toutes ces choses-là, mais, pour son information...

M. Blais: Je n'aime pas cela quand vous dites que je ne suis pas au courant quand je le suis.

M. Ryan: Non, mais je vais vous dire ce qui en est...

M. Blais: Vous avez parlé de la loi 111 sur la culpabilité.

M. Ryan: Je rappelle au député de Terrebonne qu'il y a seulement un précédent connu avant la loi 111. C'est une loi qui fut adoptée en 1976 qui contenait un paragraphe de ce genre-là à propos de la présomption d'innocence et qui n'était pas meilleure parce qu'elle avait été adoptée par un gouvernement libéral.

M. Blais: II y en a eu une en 1975. J'aimerais bien savoir laquelle...

M. Ryan: C'est celle-là. En 1975 ou 1976, c'est celle-là.

Mme Lavoie-Roux: Un peu moins exhaustive, mais qui avait la même odeur.

M. Bérubé: C'est la loi concernant le retour au travail des médecins.

M. Ryan: Qui portait seulement sur la présomption d'innocence, mais les autres lois ne contenaient pas de disposition comme celle-là, M. le député de Terrebonne, je vous l'assure.

M. Blais: Est-ce qu'on peut se permettre une seconde, M. le Président, on y a tellement passé de temps. Juste pour ma gouverne, dans une situation comme celle où nous étions, où il nous manquait environ 899 000 000 $ sur un budget, où on ne pouvait pas indexer les rentes aux gens qui étaient dans la mendicité à cause de la crise - c'était suffisant pour faire des coupures draconiennes dans le système de paie de nos employés - qu'est-ce qu'un gouvernement libéral aurait fait de mieux que nous?

Mme Lavoie-Roux: On a donné des conseils au ministre.

M. Ryan: II y a eu plusieurs suggestions faites à l'époque. Certaines auraient peut-être été coûteuses...

M. Bérubé: Ce qui caractérise les conseils de l'Opposition libérale, c'est qu'ils sont gratuits et de fait ne déséquilibrent pas le budget de l'État.

M. Ryan: Nous avons donné ici même des exemples de suggestions qui n'étaient pas ruineuses...

Mme Lavoie-Roux: ...parce que l'allocation...

M. Ryan: ...quand elle sont ruineuses, le ministre dit qu'il ne faut pas regarder les principes, mais le coût, mais quand elles ne coûtent pas cher, il invoque les principes. C'est ce qu'on appelle un joueur de quatre coins intellectuel. Pour finir - j'achève, ne vous inquiétez pas, je ne veux pas prolonger le débat indéfiniment - je pense que vous comprendrez la perspective dans laquelle...

M. Bérubé: C'est le mot "indéfiniment" qui me rassure. Cela pourrait le prolonger longtemps, mais pas indéfiniment. C'est déjà une consolation, M. le Président.

M. Ryan: Si c'était "indéfinirnent", cela pourrait être inquiétant. On pourrait lire les articles au complet parce qu'il y en a qui ne semblent pas les connaître. Je n'ai pas l'intention de faire cela. Je pense que j'ai établi assez clairement les raisons invincibles pour lesquelles nous nous opposons à ceci. Je déplore l'entêtement et l'obstination dont le gouvernement fait trop souvent montre en matière de constitutionnalité. Il fait ses propres lois. Nous en avons eu un exemple encore aujourd'hui: le nouveau jugement qui a été rendu aujourd'hui par la Cour d'appel dans une cause qui se rapproche des questions dont nous discutons ce soir. Je pense que tout le monde est au courant du jugement qui a été rendu. La Cour d'appel a donné raison au juge Deschênes à propos de l'exception que le gouvernement entend faire à la charte constitutionnelle en matière de droits linguistiques. Ici, il n'y a pas de danger à ce point de vue. C'est à un autre

niveau qu'on se place pour critiquer le projet de loi. Je pense en avoir dit assez pour que, sans être capable d'adhérer, étant donné la ligne de conduite que s'est fixé le gouvernement, les membres du gouvernement comprennent très bien que les raisons sur lesquelles repose la position actuelle du gouvernement sont très fragiles. Elles sont plus de l'obstination politique que du service bien compris des intérêts supérieurs des citoyens sous l'angle des libertés fondamentales. Je souhaite que le jour arrive le plus tôt possible où le gouvernement ne nous obligera plus à nous imposer à chaque loi que nous adoptons une clause du genre de celle-ci. Je ne pense pas que les droits des citoyens en seraient affectés mais qu'au contraire, ils jouiraient d'une meilleure protection. Une fois qu'on n'aura plus de choses comme celle-là, les droits fondamentaux joueront vraiment. Tandis que, sous l'empire de la charte que nous avons au Québec, c'est une charte qui n'a pas de valeur constitutionnelle, c'est une loi statutaire à laquelle le gouvernement peut décider de déroger à 24 heures d'avis. On ne peut pas déroger à une charte constitutionnelle à moins d'avoir des raisons infiniment plus graves et d'avoir franchi des étapes et surmonté des obstacles autrement plus exigeants que ceux qui ont été invoqués à propos de la loi 111.

M. Lachance: M. le Président, très brièvement...

Le Président (M. Paré): M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: ...parce que je ne veux pas prolonger le débat, je ne mets pas du tout en cause la bonne foi ou l'honnêteté du député d'Argenteuil. C'est un homme dont j'admire à l'occasion la rigueur intellectuelle, la pensée. Cependant, ce qui m'étonne, par rapport à sa grande expérience d'observation de ce qui se passe au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde, c'est la façon dont il s'exprime. Il me semble qu'il fait preuve d'une candeur naïve. Nous avions à une certaine époque des problèmes très sérieux de désobéissance civile. Il a fallu adopter des mesures particulières, ce n'étaient pas les mesures de guerre, loin de là. Je pense qu'à un moment donné la population s'attend que ce soit l'État, le gouvernement qui dirige. On n'a mis personne dans des situations épouvantables. Je comprends qu'il faille respecter les droits de la personne, les droits de l'homme, mais, à un moment donné, les droits de la personne aussi.

M. Bérubé: Le député a indiqué des modifications aux crédits qui s'expliquent facilement par le fait que, désormais, depuis deux ans maintenant, les crédits sont déposés avant la présentation du budget, le budget lui-même étant généralement présenté en même temps que le budget fédéral et que le budget ontarien, ce qui explique pourquoi il peut y avoir des modifications quant à l'évolution économique et quant à l'évolution des besoins. Ce n'est pas anormal, M. le Président, que les crédits puissent être ajustés, d'autant plus que nous sommes en juin et qu'il faut déjà prévoir, à l'automne, un budget supplémentaire, car, le gouvernement étant un organisme vivant, il évolue continuellement.

Je peux comprendre que la députée de L'Acadie, à partir de l'analyse de l'évolution du parti auquel elle appartient, ne voit pas tout à fait l'importance de ce dynamisme, de cette évolution qui font en sorte qu'on soit continuellement amené à réajuster des visions, des perspectives.

Mais, néanmoins, M. le Président, je suis convaincu...

Le Président (M. Paré): J'aimerais quand même rappeler la pertinence de nos débats, car la discussion sur le budget se passe plutôt au salon bleu, si je me souviens bien.

Mme Lavoie-Roux: Mais, M. le Président, c'est à la suite d'une provocation du député de...

M. Blais: Provocation, madame?

M. Bérubé: Terrebonne.

Mme Lavoie-Roux: ...Terrebonne.

M. Blais: Une douce invitation, madame.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais simplement rappeler qu'il y a toutes sortes d'évolutions, M. le Président. Il y a des évolutions qui sont fort coûteuses pour la population et qui sont souvent le résultat d'une piètre administration, alors qu'il y a d'autres types d'évolutions qui sont fort positives pour la population et qui sont un signe d'avancement.

Sur ce, M. le Président, l'article 21 -je vous le rappelle - a été adopté sur division. Nous sommes rendus à l'article 22.

Le Président (M. Paré): Non, malheureusement, je dois vous rappeler qu'on doit revenir à l'article 9.

Mme Lavoie-Roux: Ah, mon Dieu! Qu'est-ce qu'il y avait à l'article 9?

Le Président (M. Paré): L'article 9 avait été laissé en suspens. Donc, il faut reprendre l'article 9.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il n'y avait pas eu un amendement de proposé? Honnêtement, j'ai oublié ce qui avait fait l'objet de la suspension.

M. Bérubé: M. le Président, je me souviens que le député d'Argenteuil avait demandé une liste des décrets, qui avait été déposée. Dans notre générosité habituelle, nous avions fait plus que déposer une liste des décrets, nous avions déposé la substantifique moelle intégrale de ces décrets.

On me dit que les décrets qui avaient été déposés constituaient la première série de décrets. Mais, ultérieurement, il y avait eu certaines modifications...

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le Président. Par votre entremise, M. le Président, est-ce qu'on pourrait obtenir du président du Conseil du trésor de suspendre -une demi-seconde, ce serait un peu exagéré -deux minutes, parce que le député d'Argenteuil s'en vient.

M. Bérubé: Oui?

Mme Lavoie-Roux: Comme c'était lui qui avait fait la discussion sur l'article 9, nous aimerions que vous permettiez qu'on suspende. Je vous jure que cela ne prendra pas plus de deux ou trois minutes. Est-ce que cela vous ennuie beaucoup, M. le ministre?

M. Bérubé: M. le Président.

Le Président (M. Paré): Je suis prêt à répondre positivement à la demande de Mme la députée de L'Acadie, s'il y a consentement des deux partis.

M. Bérubé: Mais s'il n'y avait pas consentement, nous aurions droit à un filibuster de manière à...

Le Président (M. Paré): On continuerait les discussions intéressantes qui se poursuivent présentement.

M. Bérubé: ...nous permettre d'attendre le député d'Argenteuil, auquel cas, M. le Président, je ferais n'importe quoi pour ne pas avoir à supporter cinq minutes de plus de débat. Je suis d'accord pour que nous suspendions.

Mme Lavoie-Roux: Plutôt que de nous répéter après l'arrivée du député d'Argenteuil, on est aussi bien de suspendre. Vous donnerez vos explications lorsqu'il arrivera.

Le Président (M. Paré): Comme il y a consentement des deux côtés, les travaux sont suspendus pour quelques minutes. (Suspension de la séance à 21 h 59) (Reprise de la séance à 22 heures)

M. Lachance: On peut se trouver dans des situations épouvantables. Je comprends qu'il faut respecter les droits de la personne, les droits de l'homme et tout, mais les droits de la personne... Il y a les droits des enfants, les droits des personnes dans les hôpitaux et les droits des citoyens d'avoir des services. Je ne veux pas élaborer davantage, mais c'est la réflexion que m'inspirent les propos du député d'Argenteuil.

Le Président (M. Paré): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, je voudrais ajouter seulement une petite note là-dessus parce que, si nous avions le temps, c'est un thème sur lequel nous pourrions nous étendre longuement et ce serait bien profitable pour tout le monde.

M. Blais: ...II est dix heures moins cinq.

M. Ryan: Oui, mais il y a une autre commission qui m'attend. On discute avec des associations étudiantes en haut. C'est aussi très intéressant, très instructif.

Je voudrais simplement ajouter une chose là-dessus. Je pense qu'il faudrait faire attention quand on invoque l'argument de désobéissance civile. On ne met pas tous le même contenu là-dessus. Selon moi, le concept de désobéissance civile est le suivant: c'est l'attitude de citoyens qui disent: Nous n'obéirons plus à ce gouvernement parce que nous le trouvons illégitime. Nous cesserons d'observer ses lois, de payer nos taxes, d'obéir aux ordres qu'il nous donne. C'est le concept de désobéissance civile au sens plein du terme. Il peut arriver - c'est arrivé souvent dans l'histoire - que des citoyens décident de s'opposer à une loi particulière, parce qu'il la trouvent profondément injuste ou inique.

Si on a l'illégalité... C'est évident que si la loi était adoptée par les voies légales, ils sont dans l'illégalité. Quant à dire qu'ils sont dans la désobéissance civile au sens fort du terme, j'aimerais qu'on y pense bien comme il faut avant de faire ces affirmations et je n'excuse rien. Il y a toute une littérature sur le concept de la désobéissance civile, qui est très nuancé, qui demande à être étudié avec beaucoup d'attention et qui suggère que si on opte pour la priorité des libertés, il y a certaines situations qu'on doit être prêt à regarder avec compréhension. Je vous passerai un volume là-dessus si cela vous intéresse. C'est un philosophe allemand qui a fait sa carrière

aux États-Unis - je vais vous donner le nom Hannah Arendt que j'ai lu bien attentivement pendant les événements de l'hiver dernier. Hannah Arendt n'était pas une révolutionnaire. Elle est partie d'Allemagne au moment où le pays a eu des troubles, mais elle était placée pour réfléchir là-dessus parce qu'elle avait une expérience personnelle extraordinaire. C'est l'un des meilleurs théoriciens politiques sur ces questions. Je voudrais simplement dire que nous avons intérêt à approndir ces concepts. On n'a pas la chance de le faire souvent dans un Parlement comme celui-ci; c'est malheureux. Mais j'apprécie le point que vous avez soulevé. Moi-même, je ne suis pas arrivé à des certitudes là-dessus. J'ai simplement indiqué, dans le prolongement de la discussion - parce que c'est plutôt une conversation qu'on a - que c'est un sujet très intéressant et sur lequel nous avons tous encore beaucoup de choses à apprendre. Je vous enverrai ce volume.

M. Bérubé: Sur ces propos d'une grande humilité, parce que le député d'Argenteuil nous souligne que nous avons tous beaucoup de choses à apprendre, mais après avoir donné une leçon de choses à tous les députés de l'Opposition, en les abreuvant facilement du haut de sa sagesse et de ses connaissances et de tous ses bons conseils, je pense que nous pourrions aborder l'article 22.

Le Président (M. Paré): Je rappelle que l'article 21 a été adopté sur division. Article 22.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Est-ce que l'article 22 est adopté?

M. Ryan: Sur division.

Le Président (M. Paré): Adopté sur division.

M. Ryan: Ah, que nous avons une bonne composition!

Le Président (M. Paré): Est-ce que les notes explicatives sont adoptées? Non. Est-ce que l'ensemble de la loi 8 est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Ryan: Sur division évidemment.

M. Bérubé: Ils sont encore divisés. C'est épouvantabe dans ce parti, ils sont toujours divisés.

M. Ryan: C'est un gros danger.

Le Président (M. Paré): Donc, je demanderais au rapporteur de faire rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais. La commission ayant rempli son mandat, les travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 22 h 05)

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