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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le lundi 12 novembre 2012 - Vol. 43 N° 3

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 1, Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures onze minutes)

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 1, Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bachand (Outremont) est remplacé par M. Ouellette (Chomedey); M. Dubourg (Viau), par M. Hamad (Louis-Hébert); M. Drolet (Jean-Lesage), par M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys); et M. Dubé (Lévis), par M. Duchesneau (Saint-Jérôme).

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la secrétaire.

Aujourd'hui, nous entendrons les représentants de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, ensuite l'Association de la construction du Québec, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec ainsi que l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec.

Remarques préliminaires

Nous débutons sans plus tarder avec les remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez d'un maximum de cinq minutes pour vos remarques.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Alors, je vous remercie, M. le Président. Donc, je suis très heureux de me retrouver à cette première commission, au premier projet de loi du nouveau gouvernement. Donc, je suis honoré d'avoir cette belle tâche, M. le Président, de travailler avec vous sur le projet de loi n° 1.

Évidemment, je salue les collègues de la commission qui vont me donner un bon coup de main là-dessus, le personnel du Conseil du trésor, évidemment, qui ont travaillé, depuis notre arrivée, à faire en sorte que ce projet de loi corresponde aux attentes de la population. Nous l'avons fait avec toute la compétence qu'on peut déployer. Évidemment, je serais peut-être un peu mesquin de ne pas mentionner les légistes des autres ministères aussi qui ont eu à travailler avec Mme Julie Blackburn qui m'accompagne ici, actuellement. Donc, quatre contentieux ont travaillé d'arrache-pied pendant un mois et demi pour livrer ce projet de loi, et j'en suis particulièrement fier. D'ailleurs, mes années d'opposition, M. le Président, m'ont servi, en termes de législation. Donc, j'ai développé certaines aptitudes aussi.

Je salue mes collègues d'en face en souhaitant que notre collaboration sur ce projet de loi soit à la hauteur des attentes de la population. Nous avons un objectif qui est clair: ramener la probité en matière de contrats publics pour faire en sorte qu'être honnête au Québec, ça doit être payant pour tout le monde, et j'espère que les partis d'opposition sentent la même urgence que moi quant à réaliser cet objectif.

Je salue les groupes invités qui vont nous aider, dans un délai relativement court, là, nous éclairer sur certains éléments précis de cette loi qui vise, je le répète, à ramener l'intégrité dans l'octroi des contrats publics, à rétablir la confiance du public, ce qui est fondamental dans notre société, à récompenser l'honnêteté et, évidemment, à punir les contrevenants et à dissuader les gens malhonnêtes.

Donc, vous avez vu d'ailleurs un des éléments de la loi, et c'est indicateur de notre volonté, nous plaçons l'intégrité au-dessus même du processus d'adjudication des contrats. C'est la base, c'est l'esprit du projet de loi. Oui, nous devons avoir un bon processus d'adjudication, de bons devis en termes techniques, mais, à la base, nous devons contracter et chercher à contracter qu'avec des gens qui sont honnêtes, qui ont des pratiques honnêtes.

Cette approche est nouvelle. Elle s'est inspirée de certaines autres législations à travers le monde, mais je vous dirais qu'on a fait beaucoup de débroussaillage dans cette façon de faire, et elle se caractérise par le fait que nous souhaitons agir en amont, donc, au départ, de créer cette habilitation.

Elle est aussi particulière par rapport à l'autre approche qui avait été préconisée auparavant par le fait qu'elle est beaucoup plus large. Elle touche évidemment tous les contrats du gouvernement, mais elle touche aussi tous les contrats des villes, tous les contrats des organismes gouvernementaux, M. le Président, elle touche tout le monde, d'Hydro-Québec en passant par tous les organismes communautaires, jusqu'aux différents ministères et aux municipalités. Donc, on est dans d'autres paradigmes.

L'objectif, encore une fois, je le répète, c'est de faire en sorte qu'au Québec ça soit payant de transiger avec l'État, d'encourager les bonnes pratiques et de faire en sorte que ceux et celles qui ont toujours cherché à se conformer à la loi ne soient pas battus au fil d'arrivée par les entreprises qui ont plutôt pratiqué la collusion ou, pire encore, d'autres contraventions à nos lois d'ordre criminel.

Il n'y a pas de bonne raison de faire affaire avec le crime organisé -- j'espère que c'est clair -- ou à toute entreprise qui peut être associée au crime organisé. Je n'accepterai jamais aucun argument de quelque nature qu'il soit qui arrive à cette conclusion, M. le Président. Nous devons être clairs, c'est la tolérance zéro qui doit s'appliquer dorénavant. Nous nous en porterons tous mieux, et l'exemple doit venir d'en haut, du gouvernement du Québec. C'est le mandat que m'a donné la première ministre -- nous a donné, parce que nous étions plusieurs à y travailler -- et c'est le mandat que je compte réaliser avec mes collègues. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de Louis-Hébert à faire ses remarques préliminaires pour une période maximale de cinq minutes.

M. Sam Hamad

M. Hamad: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer le ministre et ses collègues et je veux mentionner la présence de mes collègues ici: le député de Verdun, le député de Marguerite-Bourgeoys et le député de Chomedey, et je viens de voir le député de Saint-Jérôme.

Alors, d'abord, j'aimerais dire au ministre que nous, sur les principes, nous sommes d'accord et nous sommes prêts à travailler ensemble pour évidemment approuver ce projet de loi là et surtout le bonifier et l'améliorer, et nous allons collaborer avec le ministre dans le but d'améliorer, apporter les meilleures bonifications et consolider ce projet de loi là pour atteindre les objectifs que nous partageons.

Deuxièmement, M. le Président, nous avons constaté et nous avons... Nous nous sommes entendus sur une liste, et on a eu la collaboration du gouvernement pour avoir une liste des invités, des organismes qui seront invités ici pour faire une présentation sur le projet de loi. Cependant, nous avons appris vendredi, trois organismes ou sociétés les plus importants, qui sont vraiment impliqués directement dans ce projet de loi, c'est-à-dire l'UPAC, c'est-à-dire la Régie du bâtiment du Québec, c'est-à-dire l'AMF, l'Autorité des marchés financiers, on aurait aimé ça, les entendre. Maintenant, ils ont justifié leur absence, et je sais très pertinemment que la commission ne peut pas les obliger, à l'exception d'une motion.

Cependant, nous souhaitons, dans un cadre de collaboration, obtenir les avis de ces trois... Probablement, ils ont été insultés... consultés, pardon, ont été consultés -- excusez-moi le lapsus -- mais ils ont été consultés et donc ils ont fourni des avis, et on aimerait ça prendre connaissance de ces avis-là, et ceci peut se faire dans une séance de travail à part, si ces avis-là nécessairement ne peuvent pas être publics, mais on peut quand même avoir une séance de travail avec le ministre pour prendre connaissance des avis qui ont été donnés, préparés par ces trois organismes-là. Nous trouvons ça important parce que ces trois organismes-là...

En fait, la Régie du bâtiment n'est pas nécessairement impliquée directement dans ce projet-là. Nous souhaitons qu'elle soit davantage impliquée pour une raison simple: il y a un chiffre qui circule, qui dit qu'il y a 24 milliards de dollars de contrats donnés par le gouvernement du Québec et il y a à peu près 15 milliards de contrats de construction. Donc, nous pensons que c'est très important que la Régie du bâtiment soit impliquée dans ce projet de loi, un rôle important, puisque la loi n° 35 a donné déjà des pouvoirs très importants et majeurs à la Régie du bâtiment, et, aujourd'hui, elle est absente du projet de loi.

**(14 h 20)**

Deuxième élément, le fait que l'Autorité des marchés financiers va gérer ce projet de loi, parce que c'est la pierre angulaire de ce projet de loi, en collaboration avec l'UPAC, parce que toutes les vérifications, à notre compréhension, toutes ces vérifications-là vont être faites par l'UPAC. Je pense qu'il est important de voir la capacité de ces organismes-là de réaliser ces mandats-là, quel est l'échéancier que l'Autorité des marchés financiers va prendre pour mettre en application et quelle est la capacité de l'UPAC actuellement de réaliser ces mandats-là. Nous jugeons très important, parce que c'est bien beau écrire une loi, si les organismes concernés directement par cette loi-là ne sont pas en mesure d'appliquer et réaliser ce projet de loi, bien, je pense que l'objectif commun que nous avons avec le gouvernement ne sera pas atteint. C'est là l'importance.

Alors, je fais la demande, en toute amitié et collaboration au ministre, de nous fournir les avis ou trouver une séance de travail, qu'on puisse s'asseoir tous ensemble et regarder exactement les avis qui ont été fournis par ces trois organismes-là.

Donc, je réitère notre volonté ferme de collaborer, notre volonté ferme de bonifier ce projet de loi et surtout l'améliorer. Après plusieurs discussions que nous avons eues, il y a des points qu'il faut vraiment travailler: la notion confiance du public, la notion des actionnaires ou de droits de vote, la notion aussi... l'opération de ce projet de loi que nous souhaitons fortement qu'on travaille pour l'améliorer. Merci.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. le député. J'invite maintenant M. le député de Saint-Jérôme à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de deux minutes.

M. Jacques Duchesneau

M. Duchesneau: Merci, M. le Président. Première remarque que je vais faire, je les adresse au président du Conseil du trésor: Bravo pour ce projet de loi n° 1. Malgré qu'on soit dans des groupes adversaires, on doit reconnaître la bonne volonté et le message important que vous envoyez en faisant de la lutte à la corruption et la collusion votre projet de loi n° 1.

Je vais terminer là pour les félicitations et je vais juste... Mais je pense que ça part d'une bonne intention, et, un peu comme mon collègue de Jean-Talon, vous pouvez être assuré de notre entier appui pour justement bonifier ce projet de loi. Des projets comme ceux-là, on n'a pas l'occasion souvent dans l'histoire de s'attaquer à un problème aussi fondamental que celui-là. Alors, il faut que, ce coup-ci, on soit en mesure, justement, d'améliorer certains aspects, parce que ce qu'on voit, c'est vraiment concentré sur de la vérification, mais je pense qu'il y a plusieurs autres étapes qu'on doit faire, notamment le diagnostic, qui doit se faire autant au niveau provincial que municipal, qui n'est pas prévu, toute la partie détection. On peut faire des vérifications, mais il faut d'abord détecter quels sont les moyens pour les gens qui veulent contourner la loi, les stratagèmes qu'ils utilisent pour le faire, comment on est en mesure de détecter ça pour empêcher, donc prévenir que les crimes soient commis. Ça ne me donne aucun confort de dire: Il y a eu une fraude, et on vient de trouver qui l'a fait. Ce qu'il faut faire, c'est vraiment s'attaquer en amont et empêcher que ces fraudes soient commises.

Rapidement, je suis heureux aussi de la liste des personnes qui nous a été présentée, des groupes qui vont venir témoigner devant nous, mais je m'interroge cependant quant à certains joueurs qui viennent de se désister. On a appris qu'ils avaient remis une lettre expliquant leur position. Je ne sais pas si c'est le cas, mais même si on peut connaître leur position, il aurait été intéressant d'entendre ces gens répondre à des questions de la part de cette commission pour pouvoir justement nous aider à bonifier le projet. Il est clair que, dans la foulée de la commission Charbonneau et des démissions de la semaine dernière dans le monde municipal, on est en lieu de se demander et de se poser beaucoup de questions.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député, merci.

M. Duchesneau: Ça m'a fait plaisir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Et permettez-moi maintenant de... Je peux vous dire, M. le député de Saint-Jérôme, que, s'il y a des groupes qui ont produit des mémoires et qui ne se font pas entendre, ces mémoires-là vont être disponibles sur le site de la commission parlementaire, s'ils ne sont pas déjà là.

Auditions

Ça me fait plaisir de saluer les représentants de notre premier groupe, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Alors, Mme Desrochers, après vous être identifiée pour l'enregistrement, présentez vos représentants. Vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire. La parole est à vous.

Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ)

Mme Desrochers (Johanne): Merci, M. le Président. Alors, Johanne Desrochers, présidente-directrice générale de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Je suis accompagnée de M. Marc Tremblay, président du conseil de l'AICQ et vice-président exécutif et directeur général Québec pour la société exp, et également, à ma gauche, M. Patrice Morin, avocat chez Borden Ladner Gervais -- ça se dit mal en français -- et membre associé, donc, de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Voilà.

Alors, tout d'abord, merci de nous avoir convoqués à cette commission très importante. Comme ça a été mentionné, on n'a pas souvent l'occasion de s'attaquer à des problèmes de cet ordre. Alors, je vous parlerai un peu de l'Association des ingénieurs-conseils et du génie-conseil et j'en viendrai rapidement aux propos concernant la loi n° 1.

L'association, fondée en 1974, représente une quarantaine de firmes d'ingénierie qui emploient plus de 23 000 personnes, réparties dans quelque 400 bureaux dans toutes les régions du Québec, soit environ 90 % de la main-d'oeuvre dans ce secteur d'activité. L'AICQ regroupe des firmes de toutes les tailles, qui offrent une gamme variée de services professionnels, allant des études environnementales à la mise en service, en passant par la conception, la préparation des plans et devis et la surveillance des travaux de construction.

Au cours des 50 dernières années, des firmes d'ingénierie aux expertises variées ont contribué, à titre de partenaires de premier plan, à la réalisation de projets majeurs dans l'histoire du Québec, tel que le développement des alumineries, les projets hydroélectriques et les grands chantiers d'infrastructures routières. Leur contribution active dans ces grands projets a mené au développement d'un savoir-faire exceptionnel et précieux.

Le secteur des services de génie au Québec produit des revenus d'exploitation annuels de 4,4 milliards de dollars et offre des milliers d'emplois de qualité en plus de générer des retombées pour des fournisseurs de tous horizons. L'expertise développée au fil des ans représente un atout indéniable afin d'attirer des investissements étrangers et d'assurer au Québec la capacité de concevoir et de réaliser des milliers d'infrastructures publiques qui contribuent à la croissance économique et à la qualité de vie de la population.

Les firmes de génie-conseil du Québec sont également de plus en plus présentent à l'étranger, où elles ont d'ailleurs acquis une réputation d'excellence. Ces firmes sont actives dans plus de 170 pays, sur tous les continents, et le génie-conseil québécois réalise, selon les dernières données disponibles, plus de 30 % des exportations de services d'ingénierie au Canada, pays qui se situe au quatrième rang mondial des pays exportateurs en ce domaine.

En 2012, les 10 plus grandes firmes de génie-conseil actives au Québec emploient près de 90 % de la main-d'oeuvre... des 23 000 que j'ai mentionnés tout à l'heure. Ce mouvement de consolidation s'inscrit dans une tendance mondiale, et, bien qu'il soit certainement appelé à ralentir, le phénomène des fusions et acquisitions devrait néanmoins se poursuivre.

Si j'en viens au projet de loi n° 1, tout d'abord vous dire que l'Association des ingénieurs-conseils du Québec applaudit l'intention, les valeurs et les objectifs qui ont guidé l'élaboration du projet de loi n° 1. Au cours des dernières années, des révélations de toutes natures ont certainement démontré la nécessité d'agir fermement et d'enrayer certains comportements incompatibles avec l'intégrité qui doit gouverner tant l'octroi que la gestion des contrats publics. Il s'agit du seul moyen d'assurer la confiance du public à l'égard des acteurs économiques et gouvernementaux qui obtiennent et octroient des contrats réalisés avec des fonds publics. La volonté du gouvernement de doter le Québec d'une loi des plus sévères dans ce domaine lance un message clair à toutes les entreprises qui veulent faire affaire avec l'État québécois et pourrait amener d'autres instances dans le monde à emboîter le pas.

Comme M. Bédard l'avait fait dans le communiqué de presse officiel et qu'il a réexprimé tout à l'heure, lors des remarques d'ouverture, donc la vision exprimée par le président du conseil est conforme aux intentions... pardon, excusez-moi, est tout à fait en accord avec l'énoncé de vision de l'AICQ, soit de contribuer à la valorisation, au rayonnement et à la prospérité de l'industrie québécoise du génie-conseil dans un environnement de saine concurrence.

Une loi efficace, toutefois, doit reposer sur des notions claires et objectives. Malgré notre accord avec l'esprit du projet de loi n° 1, certains éléments du projet de loi tel que présenté nous semblent difficiles à appliquer et sujets à interprétation. Par exemple, l'article 21.25 mentionne que l'autorité pourra -- je dirai l'autorité au lieu de... au complet, ou l'AMF -- refuser d'accorder une autorisation si elle considère que la confiance du public est affectée en raison du manque d'intégrité de l'entreprise. Cette notion de confiance du public, prise seule, sans description de critères objectifs permettant à l'AMF et aux entreprises d'identifier les comportements traduisant un tel manque d'intégrité, peut donner lieu à un large éventail d'interprétations susceptibles de provoquer des erreurs et éventuellement une multiplication des contestations judiciaires.

**(14 h 30)**

Compte tenu des conséquences importantes que peut avoir sur une entreprise le retrait du privilège de contracter avec l'État, il nous apparaît souhaitable d'éviter qu'un tel retrait résulte de l'utilisation de notions subjectives. Entre autres, les notions de contrôle de facto, comportement répréhensible, personne raisonnable et de perception, qui doivent guider les décisions de l'autorité, laissent place à des interprétations multiples.

Nous nous questionnons sur la faisabilité d'appliquer des critères subjectifs de façon uniforme et équitable pour tous les contractants. Par exemple, comment s'assure-t-on que les critères utilisés par l'AMF en vue d'établir le niveau de confiance du public seront les mêmes pour les entreprises du Québec que pour les entreprises provenant des autres juridictions de droit civil ou de common law?

L'AICQ croit aussi nécessaire d'encadrer les situations où une entreprise se verra retirer le privilège de contracter avec l'État sur la base d'une mise en accusation. L'introduction de ce concept dans la loi fait craindre que des torts irréparables soient causés à la réputation et menacent la survie de certaines entreprises, alors que notre système judiciaire prévoit que toute entité ou personne a droit à une défense pleine et entière et peut ultimement être acquittée.

Nous comprenons l'empressement du gouvernement à légiférer pour assurer l'intégrité des marchés publics. Toutefois, il nous apparaît important que le contexte de crise actuel ne pousse pas l'État à mettre des entreprises et des emplois à risque sur la seule base de perception exacerbée par les révélations entendues quotidiennement devant la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction.

Les sanctions sévères prévues par la loi ne doivent être appliquées que lorsqu'on peut objectivement conclure qu'une entreprise et/ou ses dirigeants ne sont pas dignes de confiance. Pour être efficace et viable, la loi doit être claire et fondée sur l'application de concepts objectifs. C'est en ce sens que l'AICQ suggère les modifications contenues au présent document.

Rétablir la confiance, l'intégrité doit être un projet de société. Le gouvernement, avec le soutien de tous les députés à l'Assemblée nationale, a l'occasion, avec ce projet de loi, de faire de l'intégrité un élément incontournable d'accessibilité au marché public en agissant fermement, comme la situation l'exige. C'est aussi l'occasion, pour toutes les entreprises qui souhaitent obtenir des contrats publics, de faire le ménage et de mettre en place toutes les mesures nécessaires afin de garantir l'intégrité de leurs pratiques d'affaires.

De l'avis de l'AICQ, l'ajout au projet de loi de mécanismes imposant la mise en oeuvre de mesures correctives, possiblement assorties de mesures de surveillance et d'accompagnement aux frais des contractants, serait un grand atout pour faire évoluer de façon constructive les comportements au sein des entreprises, des donneurs d'ordres et de la société en général. Des mécanismes similaires dans les domaines de la santé et sécurité et de l'environnement, par exemple, ont donné des résultats fort positifs, ont permis de changer les comportements et d'amener les entreprises québécoises à respecter et même à promouvoir les plus hautes normes en ces matières.

Lorsque les comportements répréhensibles sont le fait d'une minorité, il nous apparaît essentiel de protéger les emplois de centaines de personnes compétentes qui n'ont rien à voir avec les infractions reprochées en permettant à l'entreprise de poursuivre ses affaires si elle se plie aux correctifs exigés pour assurer l'intégrité de sa pratique. La possibilité de mettre en place les mesures correctives nécessaires ou celle de démontrer qu'elles ont été implantées est d'autant plus pertinente que les délais prévus dans le projet de loi permettent de condamner des entreprises pour des infractions commises cinq ou 10 ans auparavant.

Avec la forte consolidation et sachant que ce phénomène s'est accéléré au cours de la dernière décennie, force est de constater que les structures des firmes de génie-conseil ont fortement évolué et que les mesures de contrôle interne de même que les équipes de direction peuvent être complètement différentes au moment de l'application des sanctions prévues à la loi.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, madame.

Mme Desrochers (Johanne): En terminant...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): J'essayais la fin d'une phrase pour vous...

Mme Desrochers (Johanne): Bien, savez-vous, il me reste juste une petite phrase importante.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Oui, j'ai vu ça, mais je suis convaincu que, ce qui est écrit dans ce paragraphe-là, vous allez pouvoir le dire en répondant à une question.

Mme Desrochers (Johanne): Ah! Ça aurait tellement bien terminé.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Parce que le temps de questions et réponses est très important, puis on est quand même serrés dans le temps, alors...

Mme Desrochers (Johanne): Allez-y.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Et il reste maintenant la période d'échange -- nous avons 50 minutes -- qui est répartie de la façon suivante: 22 minutes pour le parti gouvernemental, 22 minutes pour le parti de l'opposition et six minutes pour la deuxième opposition. Alors, je cède la parole maintenant à M. le ministre.

M. Bédard: Oui. Merci. Merci de vous êtes présentés, de nous faire part de vos commentaires, de votre satisfaction par rapport au principe du projet de loi et des objectifs qui y sont poursuivis.

Simplement comprendre... Parce que, dans le projet de loi, vous faites référence beaucoup à l'urgence, au fait que les événements des derniers jours, des derniers mois... Évidemment, dans ce cas-ci, on parle d'années, en tout respect, là. Donc, ça fait plusieurs années qu'il y a des révélations dans ce domaine-là, entre autres dans certaines municipalités, donc il n'y a personne qui est surpris.

Beaucoup sont déçus, par contre, de voir l'état et à quel niveau c'était rendu, là. Je ne suis pas un auditeur assidu de la commission Charbonneau, mais, seulement à voir les extraits, je peux vous dire que, disons, ça nous fait douter d'à peu près tout ce qui a pu se faire pendant un certain temps, là.

Face à ces allégations et maintenant ces révélations, parce que, là, maintenant, on parle plus de révélations, de faits prouvés, de faits corroborés, d'aveux, quels ont été les efforts de l'industrie en termes d'autorégulation, là? Quelles démarches a prises l'Association des ingénieurs-conseils pour bien aviser les gens de l'importance de respecter, par exemple, le Code criminel, la collusion, de prendre ses distances par rapport à des groupes organisés? J'aimerais savoir comment vous êtes intervenus.

Et là ce n'est pas pour vous mettre dans le trouble, là, c'est vraiment pour comprendre de quelle façon une situation a pu autant dériver, en sourdine au début puis là, maintenant, de façon évidente, en faisant en sorte que tout le monde un peu se détourne de cette question-là. Quels sont les efforts qui ont été faits par l'association? Je sais qu'il y en a eu, là. Donc, quelles ont été vos actions et votre sensibilisation que vous avez faites par rapport à vos membres sur ces questions-là?

Mme Desrochers (Johanne): Merci.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Desrochers.

Mme Desrochers (Johanne): Merci. Bien, tout d'abord, je vous dirais que les efforts à ce niveau, ça ne date pas des dernières années. Quand je mentionne qu'au niveau de l'association un des fondements, c'est la promotion de bonnes pratiques, de meilleures pratiques... Je ne l'ai peut-être pas souligné, mais nous, on fait partie de l'association des ingénieurs-conseils du Canada et également de la Fédération internationale des ingénieurs-conseils, et tous ces organismes-là font la promotion des meilleures pratiques, et particulièrement au niveau international, qui, chaque année, tient un congrès à différents endroits dans le monde. Et il se fait beaucoup de travail, avec la Banque mondiale notamment, mais beaucoup de travail sur la corruption, les moyens de mettre fin... ou du moins déceler ou bien gérer les situations. Alors, ils ont développé des outils, des guides, que j'ai même remis d'ailleurs à certains de nos partenaires au gouvernement, au Conseil du trésor, afin de s'en inspirer.

Donc, avec les membres, il y a eu du travail de fait, au fil des ans, de sensibilisation. Ce que l'on voit apparaître, évidemment ce sont les situations les pires. J'ose, encore aujourd'hui, croire que ce n'est pas généralisé et je suis convaincue que ce que l'on voit, c'est encore le fait de x personnes, là, et que, dans la majorité des entreprises, la majorité -- la majorité -- la très grande majorité des employés sont des personnes intègres. Ce sont des professionnels qui sont responsables à la vie, à la mort lorsqu'ils s'engagent, lorsqu'ils signent des documents d'ingénierie. Donc, je suis très confiante que le génie... Il est très malmené. Ce qui se passe est très dur, très dur pour la réputation ici et ailleurs dans le monde, mais je suis convaincue de l'intégrité.

**(14 h 40)**

Ceci dit, au cours des 12 dernières années, on a fait beaucoup de représentations pour corriger, au niveau municipal, une loi qui n'est pas du tout harmonisée avec la loi n° 17 sur l'octroi des contrats au niveau provincial, publics, parapublics, et ça n'a jamais été corrigé. Je suis profondément convaincue qu'il y a, dans cette loi même, des biais qui ont peut-être justement intensifié des effets pervers, qui auront intensifié des comportements que l'on juge aujourd'hui inacceptables, avec raison. Alors, il y a certainement une modification à apporter à ce qu'on appelle communément, dans notre jargon, la loi n° 106, qui régit l'octroi de contrats dans les municipalités mais qui n'est pas harmonisée avec la loi n° 17.

Pour ce qui est des dernières années, lorsque les révélations, allégations de toutes sortes ont débuté, nous avons, grâce au guide, justement, préparé par la fédération internationale, développé des lignes directrices en termes d'éthique pour que les entreprises qui n'avaient pas de code d'éthique puissent s'en donner assez facilement.

Bon, ce que ça a provoqué, ça a été un petit peu... Les gens se sentaient insultés un petit peu, ceux qui étaient intègres, parce qu'ils disaient: Bien non, on n'a pas de problème, on n'a pas de... Alors, on a fait le parallèle avec des lois... comme sur la qualité, avec ISO. Quand on a implanté ISO, ce n'est pas parce qu'il n'y avait pas de qualité avant, c'est juste qu'on voulait s'assurer que ce soit toujours la même qualité. Dans le cas de l'éthique, on a fait un peu le même genre de processus, là, pour encourager vraiment nos membres à se doter... à sensibiliser... C'est notre rôle, généralement, de sensibiliser. C'est sûr qu'on n'est pas une police, on n'est pas...

M. Bédard: Mais évidemment... Puis vous avez peu de moyens, vous êtes une association et ce n'est pas comme, je vous dirais, un ordre professionnel. Tu sais, le Barreau, nous, s'il y a des gens qui ont des conduites... ils vont perdre leur droit de pratique, littéralement.

Mme Desrochers (Johanne): ...ingénieurs, qui... Oui.

M. Bédard: C'est ça. Donc, je comprends, mais en même temps c'est le problème un peu du manque d'autorégulation qu'il y a eu à l'interne, je pense, selon moi, ce qui fait que ceux qui... Le but du gouvernement, vous comprendrez que c'est encourager les bonnes pratiques, c'est faire en sorte que ceux et celles qui ont respecté la loi pendant des années... Ils se sont retrouvés à perdre des contrats parce qu'il y en a d'autres qui contournaient la loi ou qui carrément soit se servaient des contrats pour faire des oeuvres, je vous dirais, d'une nature, là, que je n'ose même pas commenter, là.

Et c'est pour ça... Il y a des éléments où vous remettez en doute la base de discrétion. Puis là, si vous avez des propositions, je suis prêt à les regarder, mais, entre autres, le contrôle de facto... Vous savez, si le crime organisé ou quelqu'un qui est accusé d'une infraction en particulier décide d'agir de facto ou de se servir de quelqu'un pour agir en son nom, vous savez, à moins d'aveux, là, c'est dur, faire la démonstration de ça, là. Ça prend des gens qui se mettent à table, là. C'est la seule façon.

Ce qu'on voit devant la commission, là, c'est rarissime, là. Ces gens-là, avant ça, s'il n'y avait pas eu de commission, ils auraient continué leurs stratagèmes. À la limite, ils auraient peut-être plaidé coupable, au plus, pour éviter justement d'avoir des procès, mais jamais ces stratagèmes-là n'auraient mis à jour.

Où je veux vous amener, c'est que le de facto, là... Comment moi, je peux m'assurer de tasser ces entreprises qui vont bien lire la loi, aussi bien que vous et moi, qui vont être capables de la contourner par des stratagèmes d'une facilité déconcertante, comme on a vu dans le passé, et de ne pas leur permettre de faire affaire avec l'État? Est-ce qu'il y a un autre critère que vous voyez qui pourrait être mis de l'avant pour s'assurer que ces éléments de connaissance que tout le monde peut avoir, là, qui peuvent être utiles, là, soient utilisés si ce n'est qu'en utilisant ce critère-là plus large que, je vous dirais, l'administration de facto d'une compagnie?

Mme Desrochers (Johanne): Alors, comme c'est un travail d'équipe... Et on a eu des réflexions là-dessus, justement.

M. Bédard: Allez-y.

Mme Desrochers (Johanne): Mais je vais laisser Me Morin aller sur cette question.

M. Morin (Patrice): Alors, je pense que l'objectif, encore une fois, n'est pas mis en doute ici. Ce qu'on a pu identifier comme problématique, par contre, c'est qu'on a la notion de contrôle de facto, mais on a aussi la notion de contrôle indirect qui vient s'ajouter à ça, alors que vous avez ultimement, par exemple au paragraphe 9° de l'article 21.26, un paragraphe qui dit que «la structure de l'entreprise [...] permet d'échapper à l'application de la présente loi».

Alors, sans être contre l'objectif de pouvoir tenter de démontrer des contrôles indirects, on s'est questionnés sur l'opportunité d'avoir plusieurs notions qui semblent vouloir regrouper le même objectif. Alors, contrôle de facto, contrôle indirect, dans un contexte où vous avez, par ailleurs, un paragraphe, là, qui englobe toutes ces notions-là en disant: Bien, n'importe quelle structure qui permet à une entreprise d'éluder la loi, on questionne ça parce qu'éventuellement on est tous conscients que ce genre d'article là ou les interprétations qui vont être données peuvent être portés devant les tribunaux, et, connaissant bien l'adage qui dit que le législateur ne parle pas pour ne rien dire, il va falloir se poser la question de ce que le législateur a voulu dire lorsqu'il a écrit contrôle indirect, contrôle de facto, dans un contexte où il avait par ailleurs une arme qu'il s'était donnée dans la loi pour dire: On pourra contrôler les entreprises qui manigancent et qui sont capables de contourner la loi par force de stratagème. Alors, je pense que c'est surtout à ce niveau-là que notre commentaire doit se situer.

Encore une fois, je pense qu'il n'y a pas personne qui peut être contre l'objectif visé. Mais un jour on va devoir mettre ces choses-là en application. Il y a des tribunaux qui vont devoir se prononcer là-dessus, il y a des entreprises qui vont dépenser des fortunes pour avoir des interprétations là-dessus. Et là, à l'heure actuelle, on a l'occasion de plancher sur un projet de loi et de bien définir les termes pour réduire au maximum le genre d'interprétation qui pourrait finir devant les tribunaux.

Depuis l'entrée en vigueur des dernières dispositions de la loi n° 35... En 2012 seulement, il y a trois causes de jurisprudence qui portent directement sur les mesures visant à contrer la collusion. Et là-dessus il y en a une qu'on a utilisée dans le mémoire qui, au niveau de l'intégrité, a apporté très peu. Ça a fait un débat judiciaire, les entreprises se sont chicanées. Et, lorsqu'on lit la décision, on se dit: Bon, bien, O.K., mais finalement ce n'était pas une question d'intégrité, c'était une question d'interprétation de loi qui a coûté des sous.

Alors, c'est pour ça qu'on a fait le commentaire. Je pense, M. le ministre, qu'il n'y a pas personne ici qui n'a pas réagi lorsqu'ils ont réalisé que certaines entreprises, malgré tout ce qui se disait sur leur compte, étaient capables de continuer à fonctionner. Qu'on essaie de s'attaquer à ça, on est d'accord. Il faut juste le faire de façon précise pour éviter de punir ceux qui, peut-être, ont... Certaines de ces entreprises-là ne sont pas du tout comparables aux situations auxquelles on peut penser, là, au moment où on se parle.

M. Bédard: J'en prends bonne note.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le ministre.

M. Bédard: Très rapidement. Mes collègues vont aussi avoir des questions. Vous avez vu, nous avons pris l'approche préventive. Donc, est-ce que vous êtes en faveur de cette façon de faire là?

Mme Desrochers (Johanne): Oui, tout à fait.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Desrochers.

Mme Desrochers (Johanne): Oui. Excusez, je n'ai pas une forte voix en plus aujourd'hui. Mais oui, tout à fait. Et tantôt, quand je mentionnais, là, que ça devait être un projet de société, bien, c'est d'inculquer une culture des plus petits aux plus grands qui va faire que...

Je casse un peu les oreilles à mes collègues depuis une semaine, mais je suis allée lire une conférence du fondateur de Transparency International, et ce que j'en ai vraiment retenu, c'est que ça doit, si on veut... Là où ils ont réussi, en tout cas, à faire changer la situation dans des cas de corruption, c'est lorsqu'il y a eu le gouvernement, les entreprises et la société civile qui vraiment ont travaillé ensemble. Donc, ça veut dire un engagement des entreprises, un engagement...

Alors, on peut faire des lois, puis on peut essayer de boucher tous les trous, puis etc., mais, si on ne change pas la mentalité, le comportement de la société civile... On est quand même dans une société assez tolérante au Québec, et peut-être que ça explique une partie de... Quand vous dites: Comment on a pu glisser puis se rendre à une telle situation?, peut-être qu'il faut regarder un petit peu plus loin que juste...

**(14 h 50)**

M. Bédard: ...là-dessus que je vais peut-être diverger un peu avec vous. Et là je ne veux pas vous dire ce que vous ne dites pas, mais notre société est profondément honnête. C'est ça. Puis je pense que vous dites la même chose, mais... Et, dans nos valeurs, qui proviennent même de très loin, l'honnêteté est un des premiers critères pour évaluer une personne. Mais il y a eu une dérive à un moment donné. Et je ne le sais pas où la tolérance est devenue un sauf-conduit à des pratiques inacceptables.

Et ce que je vois aujourd'hui, moi, maintenant, au vu et au su, ce n'est pas une dérive de notre population, parce qu'elle elle est choquée, c'est vraiment une dérive de certaines entreprises qui ont pris pour acquis que l'État n'agirait pas.

Je vous dirais, le niveau... Quand on voit, vous savez, l'absence de complexité dans ce que j'ai vu depuis des années, là, et là ce qu'on voit de nos jours, là, ça fait seulement démontrer que, ces gens-là, c'était presque au vu et au su, là. Vous savez, j'ai été en droit corporatif puis en droit du travail, moi. J'en ai vu, des montages compliqués. Et je peux vous dire que ce n'était pas compliqué, moi. C'était tout simple, hein? C'est même... Ponzi, il rirait de ça, lui, à quel point ce n'était pas compliqué comme processus.

Alors, je crois qu'on était presque rendus, pour certaines, là, dans l'impunité. Et c'est pour ça que je vous dis que moi, ma perception, c'est que, l'État et les entreprises, il doit y avoir une conséquence, et ça ne peut pas être simplement l'accompagnement. Tu sais, vous dites: Changer les mentalités. Je crois qu'on doit se durcir un peu et dire: Dans notre système capitaliste, suivre la règle, c'est la base pour tout le monde, puis vient un moment où il y a une conséquence. Allez-y.

Mme Desrochers (Johanne): On est tout à fait...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Desrochers.

M. Bédard: ...au même point?

Mme Desrochers (Johanne): ...tout à fait d'accord. Oui, oui, tout à fait au même point. Quand je mentionnais ça, il faut quand même se rappeler qu'il y a un petit 4 milliards ou à peu près, là, de revenu que l'État n'a pas parce qu'il y a du travail au noir qui se fait. Ça, ce n'est pas des entreprises, là, c'est du vrai monde puis c'est une société, ça. Ça s'appelle la société civile. Donc, c'est dans ce sens-là que je dis: On a quand même du travail qui peut être fait à long terme à tous les niveaux, là. Il ne faut pas remettre ça... Bien, en tout cas, moi, je ne suis pas en faveur de ça, de dire: C'est juste l'État qui peut faire ça. Ce n'est pas vrai. C'est moi, tu sais, moi, en payant ma femme de ménage, moi, en... bon, etc., là. Alors, c'est dans ce sens-là. Mais on est tout à fait sur le même point.

Est-ce que, Marc, tu voulais ajouter? Excuse-moi.

M. Tremblay (Marc): Bien, en fait, ce que je voulais ajouter, c'est que, pour rendre cette loi-là encore plus ce que je pourrais appeler... qui couvre plus large... En fait, l'AICQ s'interroge sur l'opportunité de la rendre, la loi, applicable à partir de seuils financiers de plus de 50 millions. Je ne comprends pas pourquoi on a mis ce seuil-là à 50 millions, pour les travaux de construction entre autres.

M. Bédard: Non, non, pas du tout, la loi s'applique à tout le monde. Mais c'est que vient un moment où il faut qu'elle soit applicable maintenant. Ça, c'est des dispositions qui sont plutôt...

M. Tremblay (Marc): ...

M. Bédard: ...bien oui, de mise en application. Autrement dit, je ne peux pas passer tous les contrats dans la même semaine, là... ou pas tous les contrats mais toutes les entreprises. Il faut que je commence avec un seuil, puis tranquillement, au bout de l'exercice, on va toutes les passer, là.

Mais vous comprendrez qu'avec les travaux qu'on a actuellement, moi, je m'assure que ma loi soit applicable le jour où on va l'adopter ensemble. C'est pour ça, tout simplement, là. À terme, tout le monde va y passer, là. Tout le monde va avoir cette habilitation. On a mis un seuil possible, mais c'est ça, notre objectif.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Desrochers.

Mme Desrochers (Johanne): D'accord. Parce que, c'est ça, on se disait: Ça aussi, c'est un message comme si l'intégrité était rattachée à un seuil. Alors, ça ne devrait pas... Il faut que ce soit vraiment pour tous. Puis, encore là, dans la société, c'est important que ce soit clair que c'est pour tous et...

M. Bédard: Je tiens à vous rassurer, c'est transitoire. Autrement dit, ce qu'on viserait, c'est plutôt les contrats... On regarde soit 25 000 $ et plus, là. C'est ça qu'on vise.

Mais, au début, il faut être réaliste. Je ne compenserai pas par des sous-traitants quelconques, là. Je veux commencer par les plus gros morceaux, là. C'est dans ce sens-là. Vous avez tout à fait raison.

Il y a des collègues qui ont des questions.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Dubuc.

M. Claveau: Oui. Mme Desrochers, vous énoncez au départ qu'«une loi efficace doit reposer sur des notions claires et objectives» et que la situation exige des mesures fermes présentement, dont la loi n° 1, que vous êtes d'accord.

Par contre, vous dites, à un moment donné: Pour conduire... Vous avez des inquiétudes. Vous avez peur de l'arbitraire, du subjectif par rapport à des situations, entre autres lorsqu'un dirigeant aura commis une faute qui peut amener à la perte du contrat.

Moi, ce que je voulais que vous développiez un peu... Vous amenez que des notions de gravité et de récidive pourraient être introduites au projet de loi, ce qui, selon moi, peut apporter de l'arbitraire, du subjectif ou encore des difficultés d'application. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus pour savoir c'est quoi que vous proposez.

Mme Desrochers (Johanne): D'accord, avec plaisir.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Desrochers.

Mme Desrochers (Johanne): Merci. Et je vais laisser rapidement la parole à Me Morin sur ça puisque c'est l'équipe plus au niveau des affaires juridiques qui a développé, là, là-dessus.

Mais c'est certain que le but que l'on poursuit, c'est de s'assurer qu'en amenant ces notions-là de mesures correctives d'accompagnement, de ci, de ça -- ça va avec ce à quoi vous faites référence, là, vous allez voir -- c'est d'essayer de s'assurer que des personnes ou des entreprises ne soient pas interdites pour cinq ans si elles n'ont pas à l'être, tu sais. Alors, on essayait de trouver des façons de faire sans renier l'objectif, pas du tout.

Alors, Patrice, peut-être que tu peux...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Morin.

Mme Desrochers (Johanne): ...élaborer juridiquement.

M. Morin (Patrice): En fait, il y a une chose qui doit être retenue, je pense, là-dessus. Puis c'est ce que le comité avait en tête lorsqu'on a élaboré le mémoire. Toutes les infractions... Puis la loi reconnaît déjà ces réalités-là. Il y a déjà des infractions dans la loi actuelle où on prévoit que ça prend un certain nombre d'infractions, je dirais, à caractère plus mineur avant d'avoir une conséquence. Évidemment, vu le temps qui nous a été alloué, là, on n'a peut-être pas tout vu, mais je ne voyais pas nécessairement la même chose. Ici, je comprends qu'il y a des annexes d'infractions, mais...

Il y a deux choses qu'on a en tête. La première chose, c'est: évidemment, pour des infractions mineures, s'il y a récidive, bon, bien là il faut probablement sévir, il y a quelqu'un qui n'a pas compris quelque chose.

Vous avez fait appel tantôt à la notion de dirigeant. Ce qui est visé ici, c'est que, bon, un dirigeant qui commettrait une infraction qui n'a rien à voir avec le contrat qui est en réalisation devrait être puni s'il a contrevenu à la loi. Cependant, la loi vise l'entreprise. Alors, qu'est-ce qu'on va faire des cas où un dirigeant a agi de lui-même, a tenté de poser certains gestes qui sont répréhensibles, qui n'ont rien à voir avec l'obtention du contrat mais qui éventuellement donnent suite à une condamnation? Est-ce qu'on va punir l'entreprise? Puis, à chaque fois, ce que je pense que l'association a en tête, c'est de dire: Mais les employés puis tous les gens qui sont derrière ça, est-ce qu'on va les punir pour le fait d'un seul dirigeant?

Alors, je pense qu'encore une fois c'est simplement une question d'ajuster certaines notions et d'attacher certains fils pour dire: Bien, on va enlever le droit à une entreprise de contracter... Lorsqu'il sera démontré que le dirigeant en question a obtenu ce contrat-là par une voie incorrecte, s'il s'agit de vieilles infractions qui n'en sont pas ou pour le moins moins graves, là, on va punir ce dirigeant-là, mais, au niveau de l'entreprise, on va agir d'une autre façon. Plutôt que de lui...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Excusez, M. Morin, juste une...

M. Morin (Patrice): Oui.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): ...une seconde. C'est parce que, là, vous embarquez sur le temps de l'opposition officielle.

M. Morin (Patrice): Ah! Moi, je suis ici pour répondre aux questions.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Est-ce que vous le laissez répondre ou vous voulez recommencer une question?

M. Hamad: ...laisser finir...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Alors, vous complétez votre question, M. Morin...

M. Morin (Patrice): Oui.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): ...votre réponse, pardon.

M. Morin (Patrice): Bon. Alors, simplement, c'est: dans certains cas, il y a peut-être lieu de punir le dirigeant, d'exiger de l'entreprise qu'elle prenne des mesures pour se corriger et de lui permettre néanmoins de faire affaire si on est capable d'établir que l'obtention du contrat qu'elle exécute en ce moment n'est pas le fruit de gestes répréhensibles. Voilà.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. Morin. Maintenant, je cède la parole à un représentant de l'opposition officielle, M. le député de Louis-Hébert.

M. Hamad: Merci, M. le Président. Merci d'être là. Merci de prendre le temps de préparer un mémoire en très court temps. C'est très intéressant, ce que vous avez dit.

Pour juste finir, moi, je pense que la loi, elle veut punir un dirigeant. Moi, je suis d'accord avec ça parce qu'un dirigeant d'une entreprise, il est lié à l'entreprise. On ne peut pas séparer l'entreprise et le dirigeant. Alors, je pense que la loi doit punir les dirigeants, je suis dans ce sens-là parce que vous ne pouvez pas dire que lui, il a commis des actes criminels en dehors de son entreprise. Quand même, il est dirigeant. Ce n'est pas un employé, il est dirigeant... ou actionnaire. C'est important, garder ce lien-là.

Maintenant, vous avez parlé de trois points. Le premier, vous avez parlé de confiance du public. J'ai compris, au niveau confiance du public, que vous avez une interrogation, c'est-à-dire qu'on devrait peut-être davantage travailler pour définir davantage c'est quoi, la confiance du public et la portée de ce concept-là. Nous sommes d'accord avec ça.

Vous avez parlé de 50 millions. La réponse du ministre était claire. Pour l'intention, actuellement, de ce projet de loi, c'est les entreprises de 50 millions et plus, et après on va appliquer les autres, ce qui en fait élimine énormément d'entreprises qui peuvent causer des fraudes. Donc, on va atteindre un objectif partiel. Moi, je pense qu'on devrait s'attaquer à tout le monde d'une façon plus efficace.

**(15 heures)**

Troisième point que vous mentionnez, je vous pose la question pour aller plus en détail. Mettons une entreprise indienne. Alors, elle devrait passer par l'Autorité des marchés financiers, faire une vérification dans le but d'obtenir une autorisation. Donc, on va le faire pour les entreprises québécoises. Et, selon le projet de loi actuellement, ce qu'on a compris, on utilise l'UPAC pour aller faire la vérification. Si une entreprise indienne veut soumissionner sur un contrat public ici, on devrait faire la même démarche.

Je vous pose la question: Est-ce que la vérification d'une entreprise indienne ou je ne sais pas, là... Je prends l'Inde parce que c'est grand. On peut aller en Amérique du Sud, en Europe, etc. Voyez-vous, ça devient un avantage, parce qu'on est conscients que la vérification qu'on va faire pour une entreprise indienne n'est pas à la même portée pour l'UPAC que de faire une vérification de l'entreprise québécoise. L'entreprise québécoise va être bien vérifiée, l'UPAC va faire un beau travail là-dessus, ils vont réussir à avoir toute l'information nécessaire. Mais est-ce que l'UPAC va aller en Inde pour vérifier une entreprise indienne? Et quel est le niveau de vérification qu'on peut faire? C'est une question.

Et, par le fait même, si on ne réussit pas à faire la même rigueur de vérification, on va encourager une entreprise indienne davantage à venir ici, sans nécessairement connaître si cette entreprise-là, il y a plein de fraudeurs, plein de collusion dans cette entreprise-là. Quelle est votre position à ce sujet-là?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Desrochers.

Mme Desrochers (Johanne): Merci. C'est un questionnement qu'on a eu pendant les travaux du comité. C'est une inquiétude que l'on a, c'est certain, parce qu'il ne faudrait pas créer une différence entre des entreprises québécoises et des entreprises externes. Et donc comment faire pour que toutes ces entreprises, d'où qu'elles soient, quel que soit leur régime, soient traitées de la même façon? Ça, c'est certainement une question complexe pour ceux qui ont à appliquer cette loi, qui auront à appliquer cette loi.

Je présume qu'il y a des pays où on a décidé un jour de faire le même genre d'exercice et qui ont peut-être développé des ententes, du travail avec d'autres pays, des collaborations. Il y a sûrement des façons, là, de faire, mais il est évident que... J'entendais la semaine dernière le ministre des Relations internationales laisser entendre que ce serait une panacée que d'avoir des entreprises de l'extérieur lorsqu'il voit tout ce qui se passe ici. Bien, je voudrais juste qu'il ne s'imagine pas ça, premièrement, et que ça fasse que l'on traite les entreprises de l'extérieur... tu sais, nul n'est jamais prophète en son pays, là. Il ne faudrait pas qu'on tombe dans cette veine-là. Je pense qu'on a une industrie sérieuse ici, et il faudrait le reconnaître.

M. Hamad: ...l'article 21.24 du projet de loi, l'alinéa 2° où on dit, je vais vous le mentionner, «un de ses actionnaires qui détient au moins 50 % des droits de vote rattachés aux actions et pouvant être exercés en toutes circonstances a, au cours des cinq années précédentes, été déclaré coupable d'une infraction prévue à l'annexe I».

Alors, ça, c'est le projet de loi. Pensez-vous que cet article-là, il est assez fort pour, par exemple, empêcher actuellement des entreprises où l'UPAC a effectué des perquisitions... autrement dit, une entreprise où l'actionnaire ayant un droit de vote, il a 49 % ou 30 %... mettons, je suis un corrompu; demain matin, je vais changer le nombre d'actions votantes et je vais les amener à 49 %. Donc, tout le long, cette loi-là n'est pas applicable à mon... Trouvez-vous, cet article-là, il est large et plein de faiblesses ou vous trouvez ça parfait, cet article-là?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Duchesneau... Desrochers, pardon.

Mme Desrochers (Johanne): Non, s'il vous plaît.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Desrochers (Johanne): Écoutez, je n'étais pas au courant. Encore quelque chose de caché.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Desrochers (Johanne): On est lundi, hein? Alors, peut-être que, Me Morin, vous pouvez aller là-dessus...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Morin.

M. Morin (Patrice): Oui. Alors, évidemment, bon, quand on parle en termes de pourcentage, là, est-ce que c'est assez fort, pas assez fort, une chose là-dedans, évidemment, c'est que, compte tenu du libellé du sous-paragraphe 9° qu'on a à 21.26, par exemple, on pourrait reprendre le genre de manigances auxquelles vous avez fait référence, c'est-à-dire baisser les actions au minimum juste pour être capable de franchir le seuil.

Évidemment, ça prend des critères, puis là il faut être conséquents dans nos représentations. On a tendance -- puis ça, c'est le juriste qui parle, là -- on a tendance à aimer des critères objectifs définis qui nous permettent des rattachements relativement faciles. Maintenant, l'enjeu, c'est: Est-ce qu'on réussira à tout couvrir? Ça, c'est le défi. Et le gros défi, c'est: Comment on va y arriver? Et donc, à cet égard-là, est-ce que c'est par pourcentage? Si jamais on voyait, par exemple, qu'en jouant avec les pourcentages il y a des entreprises qui réussissent à se faufiler, peut-être qu'on peut les modifier, ces pourcentages-là, ou on peut ajouter à la loi. Évidemment, la situation que vous venez d'énoncer, M. le député, est un des aspects qu'on peut imaginer faible actuellement, parce que ça permettrait de se faufiler.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Louis-Hébert.

M. Hamad: L'article 21.26, l'alinéa 2°, où on dit: «le fait que l'entreprise, un de ses actionnaires ou une personne ou entité mentionnée à l'article 21.25 ait été mis en accusation, au cours des cinq années précédentes, à l'égard d'une des infractions visées à l'annexe I», alors, vous savez, on peut être accusé, mais il peut arriver qu'à la fin on n'est pas coupable.

Et donc là, on accuse, on dit: Vous êtes accusé, dans les dernières cinq années, donc vous ne pouvez plus faire affaire, mais le jour, cinq ans et un jour, la décision de la Cour, je ne sais pas, moi, suprême, ou supérieure, ou peu importe, mettons, je ne suis plus coupable, je suis innocent, est-ce que les dommages qui sont causés à cette entreprise-là... cette entreprise-là, est-ce qu'elle peut poursuivre, après, le gouvernement de l'empêcher de soumissionner parce qu'elle a été juste accusée?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Morin.

M. Morin (Patrice): Alors, vous avez mis le doigt sur ce qui nous a poussés à proposer des mesures correctives, dans certains cas, ou des mesures d'accompagnement. Il est possible que le législateur, éventuellement, en vienne à la conclusion qu'il est nécessaire d'aller aussi loin que d'écorcher le principe de la présomption d'innocence au point d'agir sur la foi de mises en accusation.

La proposition qu'on fait cependant, s'il faut aller là, c'est que, pendant une période de mise en accusation, l'entreprise devrait se voir permis d'être vérifiée, d'être accompagnée, de faire certaines démonstrations pour être capable de continuer de faire affaire ou de faire affaire sous conditions, en respectant des conditions strictes, énoncées par l'autorité.

Maintenant, à la question: Est-ce que l'État peut être poursuivi, je n'ai pas vu, et peut-être parce que c'est une lecture rapide, mais je n'ai pas vu d'immunité encore là-dedans, et c'est la question que soulève toute mesure qui vise à mettre fin à l'exécution d'un contrat en plein milieu de son exécution ou avant même que le contractant ait pu amorcer. Et je pense que le ministre est probablement conscient que c'est un des aspects du projet de loi qui va soulever le plus de questions parce que ça touche un peu au système judiciaire dans lequel on est habitués d'évoluer.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Chomedey.

**(15 h 10)**

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Bonjour aux collègues, parce qu'effectivement 22 minutes ça passe très, très vite. M. le président du Conseil du trésor, c'est un plaisir d'être avec vous pour la loi n° 1 de cette nouvelle législature. Effectivement, je ne vous apprendrai rien en vous disant -- et je pense que c'est très cher au coeur du président du Conseil du trésor -- qu'on est dans une société de droit. On a fait des lois, au cours des dernières années... Le législateur ne parle jamais pour ne rien dire, normalement, et on a fait des lois, justement, pour les poursuites abusives. On a fait des lois pour... Et plusieurs collègues alentour de la table ont déjà vécu des situations où des gens du crime organisé, pour éliminer un concurrent, portaient plainte, faisaient porter des accusations pour l'enlever du trafic, et on va revenir à ça, là. On va revenir à ça parce que, déjà, le projet de loi n° 1, et je vous le dis, là, il est déjà étudié en long et en large par des firmes de gens bien intentionnés pour essayer de trouver des failles pour contourner le système.

La société de droit est très importante. Il faudra regarder, et, nulle part dans le projet de loi, du moment qu'il y a contestation... Je comprends que, quand l'Autorité des marchés financiers... et, si j'ai bien compris -- et je suis sûr qu'on va me ramener à l'ordre si je n'ai pas bien compris -- la décision de l'autorité va venir sur un rapport, un avis -- parce qu'on a changé les mots -- un avis. On a inventé un nouveau. Avant ça s'appelait des habilitions sécuritaires, là, maintenant, ça va être un avis. Ça va être un avis de l'Unité permanente anticorruption, qui va prendre toute la responsabilité de venir démontrer à un tribunal pourquoi une entreprise ou une autre devrait ou ne devrait pas pouvoir faire affaire avec l'État.

Et l'Autorité des marchés financiers, sur cet avis-là, va dire oui ou non. Si elle dit oui, parce que l'avis va être favorable. Si elle dit non... Si l'avis est favorable puis qu'elle dit non, il va falloir qu'elle le justifie. La personne qui va être contrainte à recevoir cette décision-là de l'Autorité des marchés financiers, normalement, dans une société de droit, pourra contester. Nulle part on n'en parle dans le projet de loi.

Si la personne conteste et que ça prend le temps que ça prendra, avec les systèmes que nous avons, est-ce qu'elle est punie entre-temps? Est-ce qu'elle peut continuer à faire affaire avec l'État? Est-ce qu'elle est disqualifiée d'autant? Parce que là on s'en va complètement à l'autre bout de la chaîne, dans des abus que mon collègue de Saint-Jérôme, mon collègue de Marguerite-Bourgeoys et moi-même avons vécus dans nos vies passées, où des gens fort bien intentionnés ont engorgé le système et sont carrément intervenus face à des gens ou à des entreprises honnêtes, mais pour les écarter. Je pense que c'était un commentaire et je voyais, à votre réaction, qu'effectivement je pense qu'on est à la même place.

Puis, comme on a juste 22 minutes, je veux vous entendre, moi, sur une chose. On parle des entreprises; si on parlait des individus maintenant? Vous représentez des ingénieurs. Vous nous en avez parlé, là, il y en a 23 000. Est-ce que si, dans le projet de loi, on mettait le principe d'imputabilité... parce qu'on entend, on voit et souvent, dans certains cas ou certains trucages d'appels d'offres, il y a une complaisance des gens qui font les plans et devis pour des extras x, y, z, et, Mme Desrochers l'a dit, c'est un petit groupe.

Si on avait le principe d'imputabilité en partant du moment où il y a des extras dans un contrat, que l'ingénieur qui a fait les plans et devis, qui s'est trompé, sciemment ou inconsciemment, soit responsable des extras, vous en pensez quoi?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Desrochers.

Mme Desrochers (Johanne): Merci. As-tu le goût de répondre à ça? Non, mais ce que je peux peut-être débuter par vous dire, parce que c'est une question qui nous... on travaille aussi sur un mémoire qui sera présenté à la commission Charbonneau, alors il y a différents éléments qu'on a choisi de traiter. Un de ceux-là, c'est l'importance du «check and balance».

Alors, l'imputabilité, nous en sommes. Je pense que la responsabilité professionnelle, déjà, de l'ingénieur honnête, là -- on prend pour acquis, là, qu'on part de là -- donc il y a déjà des éléments dans la Loi sur les ingénieurs, dans ses devoirs de professionnel. Et une des facettes que l'on aborde, c'est sûr, c'est l'importance, d'abord, d'avoir des clients qui sont des clients avertis, compétents. On a été de ceux qui... on n'est pas toujours d'accord avec nos collègues du syndicat des ingénieurs du gouvernement, mais ça, là-dessus, on a toujours été d'accord qu'il était important de conserver une expertise, de s'assurer d'avoir les bons éléments chez le client, qu'il soit en mesure de bien planifier, contrôler. Et le «check and balance», il s'opère là. Bon.

Alors, bien qu'il y ait un manque peut-être pas aussi grand que ce que l'on en dit, il demeure qu'il peut y avoir un manque chez certains donneurs d'ouvrage, et ça, c'est sûr que ce sont des conditions qui font que le projet... pardon, les projets sont des meilleurs projets au bout de la ligne. Alors, d'être imputable, je pense que, pour nous, on prend pour acquis que nos ingénieurs, ils doivent être imputables.

Maintenant, là, malheureusement, avec tout ce qui s'est dit depuis deux ans ou écrit, on a tendance à croire que, dès qu'il y a un extra, il y a quelque chose de négatif ou de frauduleux. Ce n'est pas le cas. Des projets, c'est tout à fait usuel que ça arrive et puis ça va encore arriver, mais à la condition de bien gérer ces choses-là. C'est surtout ça qu'il faut mettre en place.

Alors, l'imputabilité, oui, puis elle est des deux côtés, donc être organisé pour pouvoir se rendre imputable. Marc...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Tremblay.

M. Tremblay (Marc): Ce que je pourrais ajouter, c'est que les extras, ce n'est pas tellement là le problème. Le problème, c'est les extras sans valeur ajoutée. C'est des extras gonflés. Ça, je suis tout à fait d'accord que l'ingénieur qui surveille les travaux doit être imputable. Mais des extras comme tels, ça peut être des demandes supplémentaires du client ou quoi que ce soit. Il n'y a aucun problème là-dessus.

Ça fait qu'il faut faire attention quand on entend le mot «extra». Moi, j'ajouterais, c'est les extras sans valeur ajoutée qui sont importants, que là, oui, effectivement, il faut rendre les gens imputables de ça.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Je vais assez rapidement aborder un point dans votre mémoire. Vous avez touché les extras, vous avez touché aussi la question des avenants et, à l'intérieur, vous suggérez la création d'un poste d'auditeur indépendant qui serait en mesure de négocier, à ce moment-là, au nom du gouvernement, l'ensemble des avenants et des extras. Est-ce que je comprends bien ce que vous proposez? Écoutez, le document que j'ai, Association des ingénieurs-conseils du Québec, page 2, recommandation 3 et recommandation 4.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Desrochers.

Mme Desrochers (Johanne): Écoutez, vous me troublez. À la page 2?

M. Gautrin: ...que j'ai ici, là.

Mme Desrochers (Johanne): Avez-vous le bon document? Excusez.

M. Gautrin: C'est celui...

Mme Desrochers (Johanne): J'espère qu'on vous a envoyé le bon document.

M. Gautrin: L'Association des ingénieurs-conseils du Québec.

Mme Desrochers (Johanne): Oui, et qui est en lien avec... Excusez. C'est parce que je n'ai pas...

M. Gautrin: ...que celui-là. Et vous abordez la question d'un auditeur indépendant.

Mme Desrochers (Johanne): Vous êtes où?

(Consultation)

M. Gautrin: Bien, c'est quoi, ce document-là?

Une voix: ...

M. Gautrin: Bien, voyons!

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): S'il vous plaît, M. le député de Verdun, vous vous démêlerez en dehors du temps de...

Mme Desrochers (Johanne): ...regarder avec vous après.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti: Peut-être juste une question rapide pour monsieur qui nous parlait de la notion de juriste. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ou est-ce que vous pensez que les notions subjectives, qui sont à l'intérieur du projet de loi actuellement, pourraient être la cause d'un embourbement juridique important lors de contestations strictement basées sur les notions subjectives du projet?

M. Morin (Patrice): C'est une crainte...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Morin.

M. Morin (Patrice): Oui. C'est la crainte qui est exprimée. Rapidement, l'ajustement qui pourrait être souhaitable, c'est d'éliminer les notions subjectives le plus possible pour éviter les contestations, parce que, plus il y a d'interprétations possibles, plus on va vouloir les faire valoir. Ça se fait devant les tribunaux, ça prend du temps, alors je suis obligé d'être d'accord avec vous. Plus il y en aura, plus il y aura des encombrements, effectivement.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Ça va? De toute façon, il ne reste même pas une minute.

M. Ouellette: Elle pourrait-u donner sa conclusion?

M. Poëti: Mais c'étaient ces deux paragraphes que vous avez utilisés tantôt.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Alors, vous avez une question, Mme Desrochers, pour donner votre conclusion et vous avez 40 secondes.

Mme Desrochers (Johanne): Mon Dieu! Il faut que je retrouve ma conclusion. Alors, c'était pour vous dire qu'on s'interrogeait également sur l'opportunité de rendre la loi applicable à partir de seuils financiers, comme M. Tremblay l'a mentionné tout à l'heure. Alors, on souhaitait... enfin, on mentionnait qu'afin de rendre la loi plus efficace l'AICQ suggère de rendre la loi applicable à tous les contrats publics, en s'assurant néanmoins d'en rendre les critères d'application précis et objectifs et en permettant aux entreprises d'implanter des correctifs lorsqu'elles sont en mesure de démontrer que ceux-ci assurent l'intégrité de leur pratique à la satisfaction de l'autorité.

**(15 h 20)**

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci. Ça arrive juste, exactement dans le temps. Parfait. C'était prévu pour que ça arrive là. Maintenant, pour une période de six minutes, je laisse la parole à M. le député de Saint-Jérôme.

M. Duchesneau: Merci, M. le Président. Alors, Mme Duchesneau...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Duchesneau: Je vais vous dire que je suis entièrement d'accord avec votre commentaire tantôt, que 23 000 employés, on est conscients que c'est vraiment une infime partie de ce groupe-là qui font des activités de collusion et de corruption. Mais déjà vous n'êtes sûrement pas sans savoir que ce petit groupe a causé beaucoup de dommages à la profession. Donc, je comprends aussi que l'association, vous êtes là pour protéger les intérêts de vos membres.

Mme Desrochers (Johanne): ...

M. Duchesneau: C'est ça, mais tous les membres. Moi, ce que j'aimerais savoir de vous: Est-ce qu'il y a des membres de votre association qui se sont déjà plaints à l'association pour parler de pratiques douteuses de la part d'autres ingénieurs? Est-ce que vous avez... Je sais que ce n'est pas... mais quand même, en tant qu'association.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Desrochers.

Mme Desrochers (Johanne): Oui, merci. Alors, c'est, je vous dirais, un peu comme M. le ministre l'a précisé au tout début, entre entendre toutes sortes de, comment dirais-je, rumeurs, tu sais, bon, et faire la différence entre un membre qui est frustré d'avoir perdu un... Et c'est tout à fait normal, parce que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, il y a une compétition très féroce qui s'exerce entre les firmes de génie-conseil. Donc, alors faire la distinction entre un membre qui a perdu un contrat ou que la rumeur soit réelle puis dans quel ordre, à quel point, ça...

Alors, comme tout le monde, c'est évident, que ce soit de parler de financement, que ce soit... comme tout le monde, tu as entendu des choses au cours de ta carrière, mais, comment dire, je suis aussi peu assidue aux travaux de la commission à la télé, cependant je suis aussi surprise de l'état de la situation. Alors, c'est certain, les membres, donc la majorité pour qui l'intégrité est une valeur réelle, il est certain qu'ils ne sont pas en accord avec ce qui s'est pratiqué et puis ils sont très contents qu'on fasse la promotion de ces valeurs-là et de ces intérêts-là.

M. Duchesneau: M. le Président, pour régler le problème, il est évident qu'il faut briser le silence. Alors, ma question est surtout: Qu'est-ce qu'on fait quand quelqu'un se présente chez vous pour parler que ce soit d'une rumeur, d'une allégation? Est-ce qu'on l'entend? Est-ce qu'on le protège? Est-ce qu'on pousse plus loin, quoi que ce n'est pas votre rôle, mais...

Mme Desrochers (Johanne): ...notre rôle, c'est beaucoup... À ce moment-là, ce que l'on va faire, c'est proposer de parler avec l'Ordre des ingénieurs parce que c'est vraiment l'ordre qui doit... Alors, que ce soit un client -- ça arrive, des donneurs d'ouvrage qui appelleraient pour porter plainte ou quoi -- ils sont référés à l'ordre tout de suite. C'est la même chose pour un membre qui voudrait se plaindre d'un autre membre, il est référé à l'ordre parce que nous, on ne peut pas... Notre rôle, c'est vraiment de toujours et sans arrêt, et puis ça fait 25 ans que je suis là puis c'est ce que j'ai à coeur de faire, mais de toujours promouvoir au sein des firmes et des individus, parce qu'on s'adresse aux employés aussi, vraiment de promouvoir les bonnes pratiques puis, comme je vous disais tout à l'heure, inspirées par tout ce qui est fait au niveau international et national. Donc, on utilise tous ces outils qu'on a à notre disposition.

M. Duchesneau: Si vous aviez à commenter le projet de loi tel qu'il est et que vous deviez m'identifier une section de ce projet de loi là qui est vraiment dissuasive, est-ce que vous avez trouvé un élément dissuasif?

Mme Desrochers (Johanne): Vous voulez dire pour les entreprises, là...

M. Duchesneau: Pour les firmes...

Mme Desrochers (Johanne): ...pour voir si ça répond bien à l'objectif visé, dans le fond?

M. Duchesneau: C'est ça, s'il y avait quelque chose, dire: Ça, je lis ça, puis vraiment, ça va dissuader nos gens de faire de mauvaises pratiques. Vous me parlez que vous avez fait des activités de bonne gouvernance. Le suis sûr que vous l'avez en détail, alors...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Tremblay.

M. Tremblay (Marc): En fait, l'objectif, il est dit, il l'est clairement, lorsqu'on regarde dans les détails, lorsqu'on voit les critères qui ne sont pas objectifs, donc qui pourraient être contestés, lorsqu'on a vu les plafonds, les limites, là, même si on me dit: C'est des mesures transitoires. Ça aussi, je me dis: Bien, des contrats de plus de 50 millions, il n'y en a pas beaucoup, donc, effectivement... Mais, par contre, l'objectif, il est clair, ça veut assainir. Il faut montrer patte blanche si on veut travailler avec le gouvernement. Mais, lorsqu'on regarde dans les détails, effectivement, on pourrait être plus précis.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Saint-Jérôme. Une minute.

M. Duchesneau: Une minute? Dites-moi, est-ce qu'on doit être ingénieur pour être propriétaire d'une firme de génie-conseil au Québec?

Mme Desrochers (Johanne): On peut être copropriétaire. Il y a des actionnaires qui sont d'autres professions. On peut être technicien, on peut être...

M. Duchesneau: Et dans le reste du Canada, est-ce que vous savez si on doit être ingénieur pour être propriétaire?

Mme Desrochers (Johanne): Non, c'est la même chose. On peut être architecte, on peut être...

M. Duchesneau: Vous êtes certaine?

Mme Desrochers (Johanne): Oui, parce qu'il y a des... Bien, en fait, surtout dans le reste du Canada, il y a des firmes architectes et ingénierie, ce qu'on n'a pas. Ici, au Québec, on n'a pas le droit. Mais là où il y a des firmes «architecture and engineering», là, comme ils appellent, A&E, la copropriété est assumée par différents professionnels.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme Desrochers. Merci, M. Tremblay, merci, M. Morin. Merci infiniment de votre participation à cette commission.

Et je vais suspendre les travaux quelques minutes afin de permettre aux représentants de l'Association de la construction du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 26)

 

(Reprise à 15 h 29)

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Nous reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association de la construction du Québec. Je pense que vous étiez là tout à l'heure, vous savez comment ça fonctionne: 10 minutes de présentation et 50 minutes d'échange.

Alors, M. Jean Pouliot, qui est président de l'association, puis, en passant, bien, qui est un de mes concitoyens de Rimouski, après vous êtes identifié pour l'enregistrement et présenté les gens qui vous accompagnent, vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire.

Association de la construction du Québec (ACQ)

M. Pouliot (Jean): Merci, M. le Président. Donc, je me présente, Jean Pouliot, je suis entrepreneur et président de l'ACQ. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Manon Bertrand, qui est également entrepreneure et vice-présidente des secteurs ICI, donc institutionnel et commercial de l'association; Claude Godbout, à ma droite complètement, donc, qui est directeur général et ex-entrepreneur; de même que Pierre Hamel, notre directeur des affaires juridiques et gouvernementales.

**(15 h 30)**

Donc, l'ACQ tient d'abord à remercier les membres de la Commission sur les finances publiques de lui donner l'occasion de présenter ses commentaires sur le projet de loi n° 1, donc la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics. L'Association de construction du Québec est en accord avec les principes qui ont guidé le gouvernement dans la préparation de ce projet de loi. Aucune industrie ne souhaite se voir imposer des mécanismes d'accréditation et de vérification à l'égard de règles qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent mener à d'importantes sanctions, surtout lorsque ces règles appliquées à tous ne visent généralement qu'un petit nombre.

Déjà largement réglementée, notre industrie s'est vu imposer, depuis les dernières années, un bon nombre de mesures qui alourdissent de façon significative l'administration des projets de construction. Les entrepreneurs rendent actuellement des comptes à la Commission de la construction du Québec, la Régie du bâtiment, la Commission de la santé et sécurité, l'Agence du revenu du Québec et l'Agence du revenu du Canada qui disposent toutes de pouvoirs d'enquête très larges, sans compter les processus de sécurité obligatoires pour travailler sur certains projets provinciaux ou fédéraux. Avec ce projet de loi, ils se verront imposer un nouvel organisme, l'AMF.

Ceci étant dit, les entrepreneurs partagent l'objectif du gouvernement qui vise à rétablir la confiance du public dans le processus d'octroi et de gestion des contrats publics. L'enjeu est à la fois éthique mais également économique.

Pour y arriver, il faut démontrer que des entrepreneurs intègres travaillent avec les organismes publics compétents et outillés. Le développement d'un système efficace et simplifié permettra au gouvernement d'atteindre son but en limitant les impacts qu'un tel système pourrait avoir sur l'accès aux marchés publics et le développement économique de l'industrie de la construction et, par le fait même, des régions du Québec.

C'est pourquoi l'ACQ vous soumet des recommandations visant à alléger le fardeau administratif des entrepreneurs tout en respectant l'esprit de la loi, notamment en précisant le champ d'application de la loi au niveau de sous-contrats directs et indirects, en unifiant les formulaires à compléter pour la Régie du bâtiment de même que pour l'Autorité des marchés financiers et en concentrant toutes les informations et autorisations nécessaires pour oeuvrer sur les marchés publics en un seul registre.

La Loi sur les contrats des organismes publics est construite sur trois principes très importants.

L'accessibilité. L'information relative aux appels d'offres doit être accessible à tous les soumissionnaires potentiels, et toute entreprise qualifiée doit pouvoir contracter avec l'administration publique. Les procédures et exigences ne peuvent être discriminatoires.

Deuxièmement, la transparence. Les règles relatives au processus d'attribution des contrats doivent être claires et précises, et les critères et modalités d'évaluation, connus de tous, notamment des soumissionnaires.

Et finalement l'équité et l'intégrité. Les règles doivent être appliquées de façon uniforme et impartiale et assurer le traitement équitable des soumissionnaires ainsi que l'intégrité du processus et maintenant celle des intervenants.

Donc, donner des moyens au gouvernement pour assurer la probité des entreprises qui souhaitent faire affaire avec l'État constitue l'un des éléments importants contenus dans ce projet de loi. Il s'agit d'un pas en avant afin de combattre la corruption et la collusion qui sont des entraves significatives à la libre concurrence et au développement des entreprises. Alléger le fardeau administratif des entreprises ne va pas à l'encontre de ces principes et favorise l'atteinte des objectifs du gouvernement.

Par ailleurs, si les pouvoirs confiés à l'AMF visent à rétablir la confiance du public dans le processus d'octroi des contrats de nos marchés publics, cette démarche à elle seule est insuffisante. Pour l'ACQ, les propositions les plus importantes pour atteindre cet objectif se trouvent au niveau des nouvelles dispositions du projet de loi qui prévoient la mise en place de responsables de l'observation des règles contractuelles qui reconnaissent le Conseil du trésor comme organisme responsable du développement des politiques en matière de contrats publics pour l'ensemble des réseaux assujettis à la Loi sur les contrats des organismes publics et qui assujettissent certaines entités de l'État à la Loi sur les contrats des organismes publics.

Ces dispositions constituent, selon nous, des éléments pivots pour doter l'ensemble des organismes publics d'une expertise essentielle afin d'améliorer leur connaissance à l'égard des marchés publics pour en permettre une application uniforme et équitable et de mettre en place des mesures permettant de veiller à l'intégrité des processus internes.

Quant au rôle à jouer des fonctionnaires dans le respect de l'intégrité des marchés publics, l'OCDE écrivait en 2010: «Accorder aux fonctionnaires qui travaillent dans le domaine des marchés publics le statut de profession à part entière est essentiel pour mieux résister à la mauvaise gestion, au gaspillage et à la corruption.

«Les pouvoirs publics devraient investir en conséquence dans les marchés publics et offrir des incitations adéquates pour attirer des fonctionnaires hautement qualifiés. Ils devraient également veiller à une mise à niveau régulière du [savoir-faire] et des compétences des fonctionnaires concernés pour tenir compte des évolutions en matière de réglementation, de gestion et de technologies.

«Les fonctionnaires devraient avoir connaissance des normes d'intégrité et être en mesure d'identifier tout conflit potentiel, entre leurs intérêts privés et leurs missions publiques, susceptible d'avoir une influence sur la prise de décision publique.»

Si le projet de loi reconnaît l'importance d'avoir des responsables de l'application des règles contractuelles, les dispositions établissant un pouvoir d'intervention réelle et efficace sont manquantes. Avec la présentation du projet de loi n° 1, le gouvernement a l'opportunité de boucler la boucle en outillant véritablement tous les organismes publics, incluant les municipalités.

Le combat contre la collusion et la corruption passe par trois éléments inexorablement liés les uns aux autres. Donc, premièrement, des exigences éthiques au niveau des entreprises dont l'application est simple et efficace. Deuxièmement, des organismes publics pouvant compter sur l'appui de représentants informés, compétents et outillés. Et finalement une surveillance appropriée du respect des règles uniformes imposées à tous les intervenants.

L'importance du travail policier dans le combat contre la collusion et la corruption ne peut être mise en doute. Le travail de l'UPAC et de la Sûreté du Québec conjugué aux enquêtes menées par les différents organismes que j'ai nommés précédemment constituent des mesures de surveillance plus qu'adéquates au niveau des entreprises de construction. Avec les nouvelles dispositions proposées, l'intégrité des fournisseurs de l'État fera l'objet d'une analyse sans précédent au Québec.

L'appui donné aux organismes publics par le projet de loi doit s'étendre également aux municipalités. L'uniformisation des normes applicables à tous les organismes publics vise le respect des fondements mêmes de l'approche gouvernementale en matière d'accès au marché public, soient l'accessibilité, la transparence, l'équité et l'intégrité.

Les entrepreneurs comprennent la démarche du gouvernement. Ils souhaitent toutefois que cette démarche soit complète et efficace. Regagner la confiance du public est un objectif qui ne peut être atteint par l'emploi de demi-mesures. Simplement renforcer les mesures visant à assurer l'intégrité des fournisseurs nous apparaît être une demi-mesure. L'accompagner d'un encadrement adéquat des organismes publics dans l'application stricte des règles entourant l'octroi de la gestion des marchés publics serait plus approprié. Ajoutez à ces deux éléments l'extension de pratiques uniformisées à tous les organismes publics, incluant les municipalités, et là, selon nous, collectivement, nous pourrons réussir.

En terminant, l'enjeu n'est pas uniquement éthique, il est aussi économique. Pouvons-nous nous payer le luxe d'attendre encore? Eh bien, l'industrie de la construction ne le croit pas. Merci.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. Pouliot. Vous êtes entré amplement dans votre temps. On reconnaît bien la bonne discipline des gens du comté de Rimouski.

S'ensuit maintenant une période d'échange de 50 minutes. Comme nous sommes les mêmes, composés comme nous l'étions tout à l'heure, alors ça va être la même répartition du temps: 22 minutes pour le gouvernement, 22 minutes pour l'opposition officielle, puis six minutes pour la deuxième opposition. Et je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bédard: Je vous remercie, M. le Président. Donc, merci pour votre présentation effectivement, M. Pouliot. D'ailleurs, je ne suis pas de Rimouski, M. le Président, mais, pendant la plupart du temps à l'université, on me disait... J'ai une tante à Rimouski, donc je me suis toujours senti près des gens de Rimouski. Ils sont quand même l'autre bord du fleuve, mais les gens de Montréal avaient tendance à confondre Rimouski et Chicoutimi, et inversement, j'imagine que c'était la même chose.

Donc, très heureux d'avoir un compatriote qui est ici, mais surtout très heureux de voir la position de votre association. Et j'en suis même fier. Puis je pense que c'est tout à votre honneur. Et je le dis avec respect: J'aurais aimé le même point de vue de l'Association des ingénieurs-conseils. Je peux vous dire qu'au moment où on est je pense qu'on ne peut pas avoir de demi-mesure. Et, ce que j'ai entendu auparavant, j'ai gardé un bon ton, mais je peux vous dire que ce n'était pas à la hauteur de ce que nous vivons actuellement, ce que j'ai eu comme représentation. Et j'en étais fort déçu.

Ce que je vois ici, c'est une association qui, au contraire, prend le problème à bras-le-corps puis qui a décidé de dire: Regardez, nous, on a des bons membres et on va protéger les bons membres. Et je vous félicite, je vais vous aider à protéger les bons membres. Donc, tout de suite vous dire... vous avez une demande par rapport au formulaire qui est tout à fait justifiée. Donc, il ne faut surtout pas faire en sorte que, ceux et celles qui ont à remplir des documents, on les accable sous ce type de paperasserie. Donc, nous le prenons en note. Nous ferons des vérifications.

J'ai même demandé aux gens chez nous de voir à quoi ça pourrait ressembler, comme questions supplémentaires qu'on retrouve déjà, pour éviter que les gens qui l'ont déjà fait le fassent deux fois. Et ça, je peux vous assurer que nous travaillerons en étroite collaboration avec vous pour que les formulaires soient conformes et qu'on ne se retrouve pas, je vous dirais, à faire en sorte que de bons entrepreneurs travaillent la nuit pour être capables de remplir le même formulaire deux fois.

**(15 h 40)**

Donc, sur quoi j'aurais besoin de votre éclairage, c'est... Et d'abord soyez aussi patients. J'ai vu que vous souhaitiez d'autres interventions de différentes natures par rapport à ceux qui donnent les contrats, ceux et celles qui donnent les contrats, par rapport à l'harmonisation. Je suis au même niveau que vous, je tiens à vous le dire aussi. J'ai vu la complexité des règles au niveau municipal. Vous comprendrez que, dans le délai qui m'a été imparti, je devais agir sur la probité, au départ, au niveau des entreprises. Il y aura des actions qui vont être prises au niveau de ceux et celles qui donnent les contrats.

Et finalement nous irons rapidement... Et là je regarde les légistes, parce qu'à travers ça il y a des gens qui... on donne des intentions, on travaille sur les textes, le travail est colossal, mais un effort d'harmonisation, un effort réel pour inclure effectivement les villes... On a trop de législations en matière de contrats actuellement qui complexifient le travail des entrepreneurs aussi pour se conformer. Et, nous, en même temps, ça nous occasionne bien des problèmes aussi, je vous dirais. Donc, là-dessus, on est au même niveau. Donnez-nous seulement un peu de temps, et je suis convaincu que vous ne serez pas déçu, M. Pouliot.

Sur la sous-traitance, vous aviez un commentaire, je regarde, dans vos recommandations, là: «L'ACQ recommande que le type de contrat de sous-traitance visé soit clairement défini afin de faciliter la mise en oeuvre du processus d'autorisation: en évitant que l'interprétation de la loi ne devienne en soi une source d'infractions -- et vous avez tout à fait raison; en évitant de requérir [un certificat] à l'égard d'intervenants secondaires.»

Là, j'aurais peut-être besoin de vous, là, et on a du temps encore un peu, là: Comment bien définir cette réalité-là, là, pour vraiment être clairs dans l'application? C'est ce qu'on a souhaité, mais, en même temps, tout est perfectible, hein? Quelle proposition nous faites-vous concrètement, là, en termes d'interprétation? Qu'est-ce qu'on devrait raffiner et mieux définir au niveau de la sous-traitance?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Pouliot.

M. Pouliot (Jean): Bien, vous savez, étant donné le très peu de temps que nous avons eu pour étudier le projet de loi... Donc, ça va très, très vite. On a été convoqués en fin de semaine. Me Pierre Hamel, qui est avec moi, a procédé vraiment à une analyse beaucoup plus exhaustive. Ainsi, je lui demanderais, à Me Hamel, vraiment, de répondre et préciser comme il le faut sur ce cas.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Merci, M. le Président. Alors, c'est une question très difficile. Ce qu'on voulait surtout exprimer, dans cette problématique-là, c'est le fait que le contrat, la notion de sous-traitance, dans l'industrie de la construction, est pratiquement directement reliée aux contrats d'entreprise. Et un contrat d'entreprise, c'est un entrepreneur qui a le libre choix des moyens pour réaliser ses travaux.

Mais un contrat de sous-traitance, au sens de la loi, c'est également le contrat de fourniture. C'est celui qui va acheter son bois à la cour à bois, puis il en achète pour 30 000 $ ou 40 000 $ pour faire le coffrage, monter la structure du petit immeuble, et, si cette cour à bois là n'est pas certifiée, bien là, c'est une sous-traitance qui fait en sorte qu'il ne peut pas accéder à cette...

Alors, l'autre élément, c'est que c'est des sous-contrats directement ou indirectement. Dans les documents d'appel d'offres, on est obligés d'être cautionnés: Est-ce que ma compagnie de caution, est-ce que mon courtier doit être certifié? Parce que, dans l'annexe I, il y a plein d'infractions à l'Autorité des marchés financiers, ces éléments-là, aux entreprises d'assurance. Ma compagnie d'assurances doit-elle être autorisée par l'AMF?

En d'autres termes, dans l'industrie de la construction, le nombre de contrats se multiplie par chaque entité qui travaille. Alors, si vous avez 25 sous-traitants qui ont une dizaine de contrats chacun, on parle de 250 contrats, là, qui devraient être autorisés. Ou, enfin, parmi les 250 contrats, il y en a plusieurs qui pourront aller au-delà de 25 000 $. Et 25 000 $ -- on a le problème un peu avec la Loi des ingénieurs, on parle de 100 000 $ -- 25 000 $, c'est beaucoup, mais ça peut devenir très peu avec le temps. On se questionne aussi sur cet aspect-là. Le montant est une chose, mais aussi la nature.

Je pense que, pour arriver à s'assurer que le gouvernement fasse affaire avec des gens qui sont intègres, il y a jusqu'à un certain niveau qu'on peut aller pour que l'exercice soit efficace. Au-delà de ça, ça devient un exercice qui va empêcher l'exécution ou des travaux ou de la performance sur le chantier où une certaine cadence est importante. Maintenant, les gens nous disaient que la différence entre avant puis aujourd'hui, c'est qu'il n'y a juste plus de temps, plus de temps pour faire les travaux, plus de temps pour les préparer, etc. Alors donc, il faudrait faire attention à ce niveau-là.

Alors, notre analyse là-dessus, c'est: les contrats de sous-traitance, les contrats de fourniture pour les matériaux spécialement préparés pour l'ouvrage, certains contrats de location, mais, au-delà de ça, je ne demanderai pas aux RONA de ce monde d'avoir une autorisation pour que j'ouvre un compte chez eux. Et on veut que ce soit très, très clair pour que ça soit simple d'application, pour qu'on puisse le respecter.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le ministre.

M. Bédard: Ma préoccupation, évidemment, c'est lors de la mise en application. Parce qu'on ne se parlerait pas comme ça si la loi était déjà appliquée depuis trois ans, par exemple. Vous comprendrez que même le cas de RONA serait réglé. RONA va avoir tendance à aller chercher son habilitation dans les premières compagnies pour dire: Regardez, moi, j'ai une habilitation puis...

Donc, on est plus dans, au début, qu'est-ce qu'on fait pour être sûrs que la loi s'applique dès le départ sans causer les problèmes que vous me dites. C'est pour ça que, ça, là-dessus, j'ai besoin de vos lumières, parce qu'en même temps, si je suis trop clair dans la loi, je peux donner une façon de contourner la loi. Donc, il faut que je me garde une forme de discrétion. Bon.

Ce que vous parlez, par exemple, c'est les contrats, les contrats de vente. J'achète un bien particulier chez, genre, General Electric, une turbine machin, là. Même si elle vaut cher, je dois la rentrer. Est-ce que General Electric a besoin d'une habilitation finalement pour rentrer sur le chantier? C'est à ce genre de contrats là que vous me faites référence, là, donc des contrats plus de biens, là, d'achats de biens.

M. Hamel (Pierre): Bien, c'est-à-dire que oui. Puis ceux-là sont plus faciles -- excusez-moi, M. le Président -- ceux-là sont peut-être plus faciles à établir. Et je pense que la problématique, avec l'application de la loi, au début ce ne sera pas très problématique, parce que des contrats de 50 millions, 10 millions, 20 millions, 5 millions, jusqu'à temps que vous arriviez à un niveau de 25 000 $, on a le temps de voir venir à ce niveau-là. À moins que l'intention du gouvernement est d'y arriver très, très rapidement, auquel cas on arrive au même problème.

Et c'est pour ça que nous, la notion de sous-traitance... Je pense que, dans l'industrie de la construction, on ne permettrait pas à des gens qui ne devraient pas travailler pour des contrats publics, si on parle de, je dirais, fourniture de matériaux ou de fournitures généralement, les clous, le bois, vous comprenez ce que je... Il ne faut pas rendre ça plus compliqué.

Si vous avez une turbine à rentrer dans un projet spécifique ou si vous avez de l'acier de structure à faire fabriquer selon les plans et devis spécialement pour l'ouvrage, on peut comprendre que c'est de la sous-traitance et de la fourniture qui pourraient être intégrées. Mais, à un moment donné, pour que ça soit crédible au sein d'une industrie, il faut trouver un certain niveau, et il n'est pas facile à trouver. Pour l'instant, le niveau du montant est déjà quand même important, mais plus il va baisser, plus ça peut devenir, là, problématique.

M. Bédard: Où je veux vous rassurer en même temps, c'est que plus la loi va s'appliquer, plus ça va être simple. Dans le sens que les habilitations sont aux trois ans. Donc, à moins qu'il y ait une modification de l'actionnariat ou une prise de contrôle par une entreprise qui, elle, a... Donc, il peut y avoir des cas en cours de route, parce que l'habilitation peut être retirée, mais, au fur et à mesure, les entreprises vont chercher cette habilitation.

Mais je vais réfléchir effectivement comment on peut, au départ, par rapport à ce que vous me dites sur les chantiers, que l'entrepreneur n'ait pas à se soucier d'où viennent ses clous, par exemple. Ce n'est pas notre objectif non plus, je vous dirais, de contrôler d'où viennent les clous, là. Donc, j'en prends compte pour la suite des choses.

Où j'aimerais vous entendre pour ce qui s'en vient là, vous parlez du problème au niveau des municipalités où vous souhaitez que la Loi des contrats publics effectivement, de façon générale, s'applique aux municipalités. Quel problème voyez-vous dans vos membres, là, par rapport à la non-application actuelle de la loi? Quels sont les...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): C'est la non-application actuelle de la loi.

M. Bédard: Dans la pratique justement. Je comprends que c'est ça, le problème.

M. Hamel (Pierre): Bien, dans la pratique, c'est exactement ça, la non-application de la loi. C'est qu'on arrive devant des... La problématique est la suivante. Et ce n'est pas juste dans les municipalités, c'est au niveau des contrats publics en général. Mais c'est principalement dans les municipalités parce que, là, il y a peut-être moins de ressources et les ressources sont un peu différentes.

L'entrepreneur fait un appel d'offres, et évidemment il peut ne pas passer par la CAO, il peut être fractionné, il peut se retrouver dans des situations... Et là nous, on a déposé différents rapports. Mais, si vous allez sur le site du MAMROT, tous les rapports qui ont été déposés depuis 2010 sur les municipalités qui ont fait l'objet de vérification démontrent que ça se fait sur une base régulière, ces problématiques-là.

**(15 h 50)**

Alors, l'entrepreneur se retrouve dans la situation où il voudrait évidemment faire valoir ses droits, mais il ne parle pas à la municipalité, il parle au professionnel. Et le professionnel, lui, ça fait 30 ans qu'il fonctionne comme ça. Alors, qu'il y ait une loi ou qu'il n'y en ait pas, ça fonctionne depuis 30 ans comme ça dans la municipalité. Alors, tu as le choix: ou bien tu fonctionnes comme ça ou bien tu vas faire une plainte. Si tu vas faire une plainte, tu perds temps et argent parce que, quand tu vas rencontrer ce professionnel-là, tu vas avoir des problèmes.

Et l'objectif de ces lois-là, c'est de tout simplifier pour arriver que les intervenants puissent se parler de construction. Et, plutôt que de mettre le propriétaire en porte-à-faux avec l'entrepreneur, c'est que tout le monde travaille ensemble. C'est ça, l'objectif comme tel. Alors, les problématiques, ce sont celles-là. Alors, peu importe le type de clause que vous allez mettre dans la loi, les entrepreneurs ne peuvent pas les utiliser parce que l'intervenant constitue un problème majeur. Et l'objectif, c'est de ne pas manger ses bas durant l'exécution des travaux.

Écoutez, nos entrepreneurs, 83 % ont moins de cinq employés, là. Alors, le problème de «scheme» financier, etc., là, ce n'est pas ça leur vrai problème, là. Eux autres, ils veulent que le public ait vraiment confiance. Et ce qu'ils voient -- ils voient ça comme nous autres -- c'est que, oui, il y a les entrepreneurs, mais, oui, il y a les organismes l'autre bord, puis eux autres, ils ont besoin d'aide, ils ont besoin d'aide rapidement.

En unifiant tout ça... L'aide qu'on propose pour les responsables de la mise en application, l'utilisation d'un seul organisme pour diffuser cette information-là, c'est difficile, là. Depuis 2008, on a modifié la Loi sur la qualification et mis en vigueur la loi sur les contrats publics et toute la réglementation qui va avec. Je pense que, depuis 2009, c'est la cinquième commission parlementaire qui touche aux contrats publics.

Alors, les entrepreneurs ont de la difficulté à suivre, les municipalités ont de la difficulté à suivre. On a donné des conférences à l'Association des directeurs municipaux, et eux autres dans certains cas avaient peur de donner des contrats. Ils ne veulent pas mal faire, ils ne comprennent pas comment faire.

Vous comprenez, là, c'est plus que... Et là ça devient systématique, et là on se retrouve dans une situation où tout le monde craint tout le monde. C'est ça qu'il faut désamorcer. Et il faut vraiment le faire très rapidement parce que ce n'est pas...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Pardon.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): On va passer à une autre question.

M. Bédard: Oui, c'est ça... Non, je voulais simplement vous remercier. Vous faites plaisir à Me Blackburn, qui est à côté de moi, aussi. Donc, je vais laisser à mes collègues le soin de poser d'autres questions, s'ils en ont d'autres, là. Tout est beau. Merci. Merci beaucoup. Merci, M. Pouliot.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Donc, je laisse la parole maintenant à M. le député de Louis-Hébert.

M. Hamad: Merci, M. Pouliot, et je salue vos collègues, vos confrères aussi. Nous, on a la volonté d'appliquer cette loi-là sur les municipalités aussi, parce que ce qu'on voit, là, c'est important. Juste le mentionner, tantôt mon collègue va élaborer là-dessus.

Mais je reviens à votre exemple de sous-traitance. Je pense que c'est important pour clarifier ça pour le ministre et lui dire. RONA, c'est corporatif, mais il y a des RONA dans chaque région, dans chaque village. Le RONA qui est dans un village, qui fournit des équipements ou fournit le bois, les crayons, le propriétaire de ce RONA-là, il peut être, par exemple, corrompu. Donc, il faut faire attention. Ce n'est pas juste General Electric Canada qu'on va autoriser, mais ça peut être aussi quelqu'un qui a une licence de vendre l'équipement de General Electric qui a fourni l'équipement à l'entrepreneur. Je pense que c'est une question importante et fondamentale.

Dans un contrat de 50 millions, je ne sais pas, moi, d'installations ou d'équipements -- il va y avoir le béton, il va y avoir l'acier, il va y avoir la caution, il va y avoir le bois de coffrage, il peut y avoir des équipements, là -- on peut avoir, je ne sais pas, dans un contrat de 50 millions, mettons une centaine de sous-traitants lorsqu'on descend toute la chaîne au complet. Et là, en limitant aussi la chaîne de la chaîne, c'est-à-dire que, si la personne qui a fourni l'acier... lui, il l'a acheté d'où, puis la source puis l'acier ça vient où, jusqu'où on arrête?

Je pense que c'est important qu'on définisse la chaîne qu'on veut couvrir, mais moi, je pense que c'est important de couvrir les sous-traitants, parce que ce n'est pas juste l'entrepreneur qui peut avoir les problèmes, il peut y en avoir aussi par un sous-traitant. Mais d'avoir la créativité, parce que je ne sais pas comment, mais de trouver la créativité de dire où on arrête et comment on va couvrir les sous-traitants, évidemment en ayant des formulaires simples aussi, parce qu'on ne finira plus -- je ne sais pas combien de soumissions vous faites par jour, mais, à un moment donné, les formulaires, on va en faire -- mais de simplifier les formulaires, trouver les moyens d'identifier exactement jusqu'où on va.

Un RONA à Rimouski, c'est un concessionnaire de RONA corporatif. Alors là, il faut vraiment définir c'est comment et c'est quoi les listes de sous-traitants. Évidemment, les sous-traitants assujettis à la construction, ça, on a quand même une liste détaillée, on passe par la liste BSDQ, si ma mémoire est bonne...

Une voix: Pas tout le temps. Tout dépend des spécialités.

M. Hamad: Certains. Mais, lorsqu'on parle de fourniture de matériaux, là, c'est différent, on n'a pas vraiment, là, le lien là-dessus. Moi, je pense que c'est très important de le faire et de trouver une façon d'améliorer et de voir clair jusqu'où on arrête, et ça, c'est important. Dans le projet de loi, actuellement, on n'a pas de définition de «contractants». Même si on commence à 50 millions et plus, on va couvrir moins.

Et, si le matériel vient de l'extérieur, c'est la même question encore, est-ce qu'on va aller faire une inspection sur l'entreprise qui fournit, moi, je ne sais pas, l'acier de l'Asie, de la Russie, par exemple? Est-ce qu'on va aller vérifier cette entreprise-là? Est-ce qu'on est capables de faire la vérification? Est-ce que c'est une mafia russe qui a fabriqué l'acier puis l'a envoyé ici? Est-ce qu'on a tous les moyens de faire ces vérifications-là dans la période de deux, trois semaines pour étudier le contrat? Comment on peut faire ça? Est-ce qu'on va favoriser plus des entreprises étrangères que nos entreprises au Québec? Donc, comment on peut faire ça, là? C'est quoi, vos suggestions pour la sous-traitance?

M. Hamel (Pierre): Si vous permettez...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Merci, M. le Président. Alors, d'abord, pour les enquêtes, je ne peux pas répondre, même, manifestement, on ne peut pas répondre. Ce qu'on peut dire, c'est qu'actuellement l'UPAC enquête beaucoup et semble avoir des bons moyens d'enquête, semble avoir des résultats. Au niveau international, c'est important que ces enquêtes-là se fassent, évidemment, parce qu'on ne voudrait pas avoir de la concurrence internationale.

L'élément qui est peut-être plus rassurant, et, si je comprends bien le système, c'est que l'entreprise étrangère devra être autorisée avant de faire affaire. Et, dans ce contexte-là, le temps d'autorisation ou les procédures d'autorisation devront être développées en ce sens-là. Et ça, c'est moins inquiétant, je pense. Je pense qu'avoir un registre positif et simple fait en sorte qu'une fois que tu as rempli toutes les obligations, là, tu peux être inscrit. Ça, c'est très important et c'est avantageux et ce n'est pas stigmatisant. Alors, tu veux y aller, tu veux faire des travaux pour le gouvernement, tu le fais. Et donc l'utilisation... Au niveau de la sous-traitance, par exemple, et au niveau des entrepreneurs en général, c'est un élément important.

C'est qu'en plus d'être sur le registre, tu dois avoir à jour ton attestation de conformité fiscale. Et ça, ça a été créé en 2010. Il faut comprendre qu'en 2010 il n'y avait rien. Là, on a l'attestation de conformité fiscale. Après ça, il y a eu la mise en place du RENA et, après ça, alors il y a eu une bousculade, là, de règlements qui ont fait en sorte que... Il y a plein d'éléments maintenant qui font en sorte que les entrepreneurs doivent courir après des papiers, remplir des formulaires, s'assurer que les listes ont été envoyées.

Alors, ce qu'on propose, au niveau de la sous-traitance, c'est tout simplement que... On a un registre qui est positif maintenant et on a une attestation de conformité fiscale qui doit être remise à jour aux 90 jours. Pourquoi on ne le met pas sur le registre, tout simplement? On est capables de mettre notre profil sur LinkedIn à jour, bien on pourrait peut-être faire la même chose, et ça serait tellement plus simple d'utilisation.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député.

M. Hamad: Quand on a adopté le projet n° 35, vous étiez pour et vous l'avez appuyé, le projet n° 35, je ne sais pas si vous vous souvenez. Alors, vous étiez en faveur de ce projet-là. Trouvez-vous que la partie Régie du bâtiment est absente de ce projet de loi?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Absolument pas... bien, c'est-à-dire que oui et non. C'est-à-dire qu'essentiellement le projet de loi n° 73 et le projet de loi n° 35 ont fait en sorte de mettre les règles beaucoup plus sévères au niveau des entrepreneurs. Et les entrepreneurs avaient à la fois le régime du RENA et le régime des licences restreintes. Et 35 a rendu les amendes encore plus sévères, etc., faisant en sorte que, depuis 2009 ou 2010 -- c'était à la fin 2009 -- on a un... voyons, un formulaire de demande de licence dans lequel on doit déclarer les antécédents judiciaires au niveau de l'actionnaire, de l'administrateur, du dirigeant et des prêteurs. Et on doit, pour tous ces gens-là, déterminer les infractions fiscales, les infractions pénales aux différentes lois comme telles, un formulaire qui est en annexe, qui a 22 pages et qui est pratiquement la même chose que ce qui est demandé par la ville de New York pour la vérification.

Alors donc, essentiellement, la Régie du bâtiment, pour l'industrie de la construction, c'est l'organisme qui, déjà, détermine ces éléments-là. Ce que fait le projet de loi, c'est que ces demandes-là, ces vérifications-là s'étendent à tous les fournisseurs de l'État. Mais l'industrie de la construction, on a déjà été en bonne partie enlignés vers ça comme tel.

**(16 heures)**

M. Hamad: ...question plus claire, là. Dans cette loi-là, on fait une vérification de probité par l'Autorité des marchés financiers et par l'UPAC. Est-ce que la loi n° 35 a donné le pouvoir additionnel à un enquêteur, etc., à la Régie du bâtiment? Est-ce qu'on va doubler le travail? Est-ce que la Régie du bâtiment doit être davantage impliquée? Parce que c'était sa job, faire les vérifications. Ce que nous avons ici, là, ce qu'on dit, les articles qui sont là, est-ce qu'elle devrait jouer un rôle important dans cette loi-là, là?

M. Hamel (Pierre): Bien, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on le fait déjà, la régie le fait déjà, la Sûreté du Québec. Tous les documents sont envoyés à la Sûreté du Québec. Je ne connais pas ce que fait la Sûreté du Québec ou l'UPAC. Je ne peux pas répondre à ça, comment...

Ce que je peux dire, c'est que les entrepreneurs, en remplissant leur simple demande de formulaire de licence -- et pas aux trois ans, à chaque année, selon nous -- ils ont déjà donné à ce niveau-là. S'il faut l'ajuster, ajustons-le, il n'y a pas de problème. On ne veut pas diminuer le niveau, mais on veut tout simplement rendre cohérents tous ces éléments-là et les simplifier.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Je fais du pouce. Le formulaire de 22 pages, je pense que déjà il est complet dans l'industrie de la construction. Puis on sait que c'est 15 des 24 milliards, l'industrie de la construction, de tout ce que c'est qui se donne annuellement au Québec.

Effectivement, on va proposer à M. le président du Conseil du trésor certaines bonifications au niveau de certains pouvoirs des enquêteurs puis des régisseurs de la Régie du bâtiment justement pour donner encore un meilleur service aux entrepreneurs puis donner un meilleur service à la population. Je ne voudrais pas que les gens pensent que c'est compliqué d'avoir une attestation du ministère du Revenu, ça prend huit secondes sur Internet. Ça fait que, huit secondes, on est capables tout de suite, tout de suite, tout de suite de savoir. Donc, on a simplifié ça le plus possible.

Je veux vous entendre aujourd'hui sur les responsables de l'observation des règles contractuelles. Vous avez pris la peine d'en mettre trois pages dans votre mémoire. On voit, on entend, on lit quotidiennement que c'est beau qu'on s'attaque aux entreprises. Puis je pense qu'on ne peut pas être contre la vertu, et ça, tout le monde est d'accord, mais il y a un autre grand principe de vie qui dit: Où est-ce qu'il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Et normalement les gens, à l'intérieur de la chaîne, qui traitent les dossiers, qui traitent les contrats... et on le voit, on a des témoignages à la commission Charbonneau, c'est l'humain, là, qui contourne le système, contourne les règles, etc.

Vous penseriez quoi? Je sais que vous nous avez mis plusieurs suggestions pour les responsables de l'observation des règles contractuelles. Dépendant à qui on parle, certains vont appeler ça des auditeurs. Mon collègue de Saint-Jérôme appelle ça un vérificateur. Un autre parti va trouver un autre nom. Mais, dans la vraie vie, c'est quelqu'un qui va vérifier et qui va être en mesure que tout ce qu'on va emmener comme lois... Parce qu'on a bien beau faire des lois, s'il n'y a pas personne qui les fait respecter puis s'il n'y a pas personne qui s'assure du suivi, je pense qu'on travaille pour rien. D'abord et avant tout, vous penseriez quoi?

Le responsable des règles contractuelles, lui, va devoir montrer patte blanche. Ça devrait être le premier qui fasse l'objet d'un processus d'habilitation sécuritaire, lui et tout le monde qui sont dans le système. Parce que vous avez, à la commission Charbonneau, pour ne pas la nommer, des gens qui avaient des responsabilités dans la chaîne qui ont contourné le système. Ça fait que, la crainte étant le début de la sagesse, si on commence déjà par ces gens-là et qu'on s'assure que ces gens-là sont au-dessus de tout soupçon, on devrait avoir une meilleure pratique et on devrait avoir un meilleur encadrement.

Mais je veux vous entendre sur les recommandations que vous avez faites relativement aux règles contractuelles et comment vous voyez le rôle du responsable et de ses aides. Parce qu'à l'article 8.4°, on dit: «De s'assurer de la qualité du personnel qui exerce des activités contractuelles.» Je pense que le gros problème que l'on a au ministère des Transports ou dans d'autres ministères du gouvernement, c'est que ça travaille en silo, et ça ne se parle pas d'une direction territoriale à l'autre, et il n'y a pas de dépositoire central sur qui a touché aux contrats. Si on avait, en quelque part, un contrat de 50 millions, tout le monde qui ont touché au contrat, probablement qu'on serait beaucoup plus capables de trouver ceux qui corrompent le système et ceux qui se font corrompre par les intervenants au niveau du système. Je veux vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Merci. Alors, essentiellement, on voit le responsable comme, je dirais, un collaborateur plus externe qu'interne. Parce qu'essentiellement, si on nomme un responsable dans une entreprise: Bon, toi, tu vas être responsable de l'application, va faire tes formations, etc., ce n'est pas ça, l'objectif.

L'objectif, c'est de trouver un mécanisme, de nommer des gens qui comprennent le système, qui sont capables de l'expliquer, sont capables de l'analyser, sont capables d'accompagner l'organisme, puis, dans certains cas, vont donner cinq contrats en 10 ans. Comprenez-vous? Et ils vont être sûrs qu'il est bien appliqué au stade de la préparation du budget jusqu'au post-mortem à l'extérieur du budget.

Ce n'est pas juste trouver des fraudeurs ou des corrompus, là. L'objectif, c'est: si on est capables de s'assurer qu'il fonctionne bien, le système, et que les gens qui sont dans ces organismes-là travaillent avec des gens compétents, là ils vont être capables de se former. Et là on l'a un petit peu dans les municipalités avec l'inspection, mais l'inspection ne mène nulle part. Il n'y a pas de suivi, il n'y a pas de collégialité, et là on ne l'a pas actuellement. Alors, le projet de loi nous apparaît extrêmement important à ce niveau-là.

Mais, tant et aussi longtemps que ce n'est pas des gens qui vont dire à l'organisme: Bien, il faut que tu mettes des règles en place... S'ils ne le font pas, il arrive quoi? Ce représentant-là, c'est un coup d'épée dans l'eau. On dit qu'il doit vérifier la qualification des gens qui s'occupent de ça. Qui suis-je, moi, pour parler à un organisme pour dire: Est-ce que tu es vraiment qualifié? Et c'est les bonnes questions et c'est les bons objectifs, mais ils n'ont pas les moyens pour les réaliser. Et, en ayant une meilleure connaissance, ça ne sera pas juste la corruption puis la collusion, ça va être l'efficience. Et c'est ça qu'on veut aller chercher, là. Et ce qu'on dit depuis toujours, c'est que l'efficience, c'est la solution au problème: la police, les vérifications et l'efficience. Et là, actuellement, les organismes qui ne suivent pas ça, c'est quoi, leurs amendes? C'est quoi, leurs problèmes? C'est quoi, l'incitatif pour mettre des bonnes personnes compétentes à la bonne place?

On a entendu, à la commission d'enquête ce matin, des questions de notre procureur que, de 2000 à 2010, il y a eu une coupure de personnel, il y avait moins de personnel. Je comprends, c'est des réalités importantes.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. Hamel. On me fait signe qu'on...

M. Hamel (Pierre): Excusez-moi, c'est parce que...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): ...que votre réponse était complète. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. D'abord, j'ai le bon mémoire actuellement et non pas le mauvais mémoire. Mais je reste toujours sur les mêmes questions et sur la même question qui était soulevée par le collègue de Chomedey. Il reste central, le responsable de l'observation. La dernière fois, je pensais que les ingénieurs-conseils avaient une idée semblable à celle-ci, mais ils ne l'avaient pas, alors tant pis pour eux.

Là, à l'heure actuelle, au niveau d'organismes... «Organismes» au sens de la loi, c'est les ministères et les sociétés d'État. Est-ce qu'on se comprend bien? Bon. Vous soulevez la question à l'heure actuelle, dans votre mémoire, de dire: On voudrait que la loi s'applique aussi aux municipalités. J'ai pris bonne note de mon collègue de Chicoutimi qu'il a l'intention d'étendre éventuellement la loi aux municipalités, et je comprends que ce n'est pas là, maintenant, mais ce serait quelque chose qui viendra ultérieurement. Il n'y a pas de problème à ce sujet-là.

Pourtant, vous dites, dans votre mémoire, que c'est... Je passe à la page 19, l'avant-dernier paragraphe: «L'avantage que procurent les dispositions proposées par l'article 8 du projet de loi, soit la mise en oeuvre [du responsable] de l'observation des règles contractuelles, fait en sorte que ces dernières pourraient bénéficier -- ces dernières, c'est les municipalités -- de l'expérience de l'ensemble de ces responsables...» Est-ce que vous voulez mieux préciser... ou étendre éventuellement le rôle du... -- il s'appelle le responsable de l'observation du MAMROT, du ministère des Affaires municipales -- aux municipalités? C'est quoi, votre approche pour pouvoir réellement étendre ou faire bénéficier les petites municipalités de l'expertise, en quelque sorte, du responsable de l'observation? Parce que...

M. Hamel (Pierre): Essentiellement...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Hamel.

**(16 h 10)**

M. Hamel (Pierre): Merci. Alors, essentiellement, pour faire rapidement, je dirais que c'est d'inclure d'abord les municipalités dans le réseau, parce que ces dispositions-là ne s'appliquent pas aux municipalités. Et le fait d'avoir des responsables indépendants permettrait d'offrir des services aux municipalités lorsqu'elles en ont besoin. Les municipalités n'ont pas toujours des travaux d'importance à faire. Il y a plusieurs municipalités qui en font très peu.

M. Gautrin: ...l'esprit de la loi, à l'heure actuelle, tant qu'elle ne s'applique pas encore aux municipalités. Je comprends bien. Mais quand même c'est de l'ensemble des contrats, y compris ceux...

M. Bédard: ...oui, la probité s'applique.

M. Gautrin: Oui, oui, la...

M. Bédard: Là, on parle de...

M. Gautrin: Mais on ne réforme pas la loi sur les contrats pour les municipalités, on se comprend. La loi comme telle, je comprends bien, elle s'applique aussi dans les réseaux, vous l'avez dit, dans les réseaux, actuellement, de l'éducation et de...

Alors, est-ce que vous avez une vision du responsable de l'observation... Que ce soit, par exemple, au ministère de la Santé pour le réseau de la santé, que ce soit au ministère de l'Éducation pour le réseau de l'éducation, au ministère des Affaires municipales pour les municipalités, comme conseil, comme surveillant... Vous, vous avez une vision d'étendre son rôle beaucoup plus que ce qui est précisé dans la loi. Est-ce que je le comprends bien, votre point de vue?

M. Hamel (Pierre): C'est-à-dire son rôle et ses pouvoirs...

M. Gautrin: Bien sûr.

M. Hamel (Pierre): ...pour pouvoir exécuter son rôle comme tel. C'est plus ça.

Maintenant, est-ce que c'est quelqu'un d'une municipalité, quelqu'un de... L'important, c'est que ça fonctionne. Si c'est hybride, si... Parce que les gros donneurs d'ouvrage, les grosses municipalités, généralement, sont capables de s'organiser à l'interne avec des systèmes de vérification, et tout ça. Mais les petits CSSS, les petites municipalités, qui en font deux, trois, quatre par année...

M. Gautrin: Les petites commissions scolaires, etc.

M. Hamel (Pierre): ...eux autres, c'est différent.

M. Gautrin: Et alors vous les voyez, vous... un rôle conseil, essentiellement, pour...

Parce qu'il fait quoi, ce responsable? Là, on a détaillé, en 21.0.2, et vous, vous voulez, à l'heure actuelle, avoir un rôle un peu plus précis, c'est-à-dire être en mesure de conseiller, de pouvoir être en mesure d'intervenir auprès d'une municipalité, ou auprès d'une commission scolaire, ou d'un CSSS, le cas échéant.

M. Hamel (Pierre): Exactement.

M. Gautrin: Donc, il faudrait peut-être... Le ministre va avoir à étendre, dans les pouvoirs qui sont à 21.0.2, une conception qui serait à ce sens-là. On aura l'occasion probablement d'échanger à ce sujet-là. Je vous remercie. Ça clarifie les choses pour moi.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Jérôme pour un maximum de six minutes.

M. Duchesneau: Merci beaucoup, M. le Président. Deux fois en deux heures où je suis d'accord avec le président du Conseil du trésor. Excellente présentation, très claire. Vous allez droit au but.

M. Pouliot, quand vous parlez du document de l'OCDE, qui fait du donneur d'ouvrage une profession, je pense que ça, c'est un élément fort important. Parce qu'on a vu, les trous, souvent, là, dans l'octroi de contrats, se font là, à celui qui donne le contrat. Donc, ça, je suis entièrement d'accord avec vous.

Si vous me permettez, je vais me tourner vers ma gauche pour parler à Me Hamel, qui semble avoir mastiqué le projet de loi n° 1 dans tous les sens. Même question que j'ai posée tantôt: Selon vous, ce projet de loi, quel est élément qui a la force la plus dissuasive pour les gens?

M. Hamel (Pierre): La force...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Merci, M. le Président. Alors, le marché public est un marché extrêmement important. Y accéder est tout aussi important. Le fait de ne pas pouvoir y accéder est vraiment la peine ultime. Et ce projet de loi là envoie un signe très, très clair que ceux qui veulent y participer doivent jouer les règles du jeu.

M. Duchesneau: C'est exactement ce que je voulais entendre. C'est parce que 83 % de vos membres sont des firmes de moins de cinq employés. Ce que j'ai entendu souvent quand j'ai parlé avec des entrepreneurs, c'était l'énorme bureaucratie, qui a vraiment aussi un effet pervers, c'est-à-dire que les gens disent: J'aime mieux ne pas me bâdrer et aller faire des affaires ailleurs. Mais le marché public est un marché fort important.

Alors, si on va vers cette bureaucratie à l'extrême, bien, on va dissuader des gens d'embarquer dans ce système-là, et ça, ça joue le jeu de ceux qui veulent contrôler le marché. Actuellement, ils le font en faisant des menaces aux petites entreprises, mais, si les gens s'excluent eux-mêmes, l'effet est le même. Vous êtes d'accord là-dessus?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Exact.

M. Duchesneau: O.K., alors on va bien s'entendre.

J'ai aussi aimé votre commentaire, M. Pouliot, sur les règles complètes et efficaces mais pas de demi-mesure: Ou on y va ou on ne va pas de l'avant avec tout ça.

Au niveau de la sous-traitance, puis peut-être que je me trompe, mais les cas que vous avez donnés, la cour à bois puis tout ça, ce n'est pas tellement ça. Je pense que la sous-traitance visait surtout les grands entrepreneurs qui automatiquement vont aller chercher les contrats, une fois qu'ils l'ont obtenu, vont le donner à des sous-traitants qui sont déjà prévus d'avance et qu'on ne connaît pas. Si ça, c'est réglé, à ce moment-là on va mieux s'entendre.

L'autre point amené par mon collègue de Chomedey, c'est la corrélation. En fait, ce qu'il est important de savoir dans un registre, c'est qui a touché le dossier. Alors, si on prend la commission Charbonneau, notamment quelques témoins qui y sont venus, on aurait pu faire la corrélation si c'étaient toujours les mêmes personnes qui touchaient au dossier et que c'étaient toujours les mêmes dossiers qui allaient en extras ou qui dépassaient les coûts de façon importante.

Alors, si je comprends bien votre proposition dans le registre, c'est d'aller chercher ce type d'information là. C'est ce qui est le plus important.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Merci, M. le Président. Alors, essentiellement, le registre ne sert pas à ça. C'est le représentant qui devrait être en mesure de pouvoir établir ça. Mais, le registre, c'est de le rendre simple et dire: Si on consulte le registre et qu'un sous-traitant est autorisé par l'AMF et a mis à jour son attestation de conformité fiscale, on n'a pas besoin de courir après aucun papier, on peut juste dire: Oui, il est en règle, je peux passer un contrat, je peux conclure un contrat facilement. Si ça ne l'est pas, bien, on dit: Mets-toi en règle, sinon je ne peux pas contracter avec toi. Ça, c'est simple.

Mais souvent, sur les chantiers, il y a un problème de conduite d'eau. Ah! Il y a un contrat, 25 000 $, 26 000 $, 27 000 $, on ne sait pas trop, là, mais là on dit: Écoute, là, il faut que je te donne le contrat. Oui, O.K., mais je n'ai pas ton attestation. Oui, oui, je vais te la donner. Trois employés, quatre employés, ça va faire la job. Ça facture puis après ça vous donne les attestations. C'est ça qu'on veut éviter. Ce n'est pas les contrats de 1 million qui sont problématiques, c'est les petits contrats.

M. Duchesneau: Bon. Il me reste peu de temps. Est-ce que, selon vous, la vérification de probité, c'est suffisant, encore là, pour amener cet effet dissuasif dont je parle?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Hamel.

M. Hamel (Pierre): Bien, écoutez, tout ce que je peux dire, c'est que la notion de confiance du public est utilisée à peu près partout, est utilisée au niveau des règles professionnelles: quelqu'un qui a fait faillite puis qui veut être libéré, une libération conditionnelle, l'intérêt de la magistrature. Alors, ce n'est pas quelque chose qui va être galvaudé, puis je pense qu'elle va être utilisée.

Avec un commissaire, l'UPAC, jamais je ne croirai qu'on ne fera pas le tour du jardin. En tout cas, on aura pris les moyens, on sera allés le plus loin qu'on aura pu aller, je pense.

M. Duchesneau: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. le député de Saint-Jérôme. Pas d'autres questions? Alors, M. Pouliot, M. Hamel, Mme Bertrand, M. Godbout, merci énormément de votre présentation à notre commission.

Et je suspends les travaux quelques minutes pour permettre aux représentants de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 18)

 

(Reprise à 16 h 24)

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Alors, nous reprenons nos travaux pour souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Et vous connaissez la procédure: vous avez 10 minutes pour faire votre présentation et 50 minutes d'échange par la suite. Alors, je cède la parole à...

Association des constructeurs de routes et
grands travaux du Québec (ACRGTQ)

Mme Bourque (Gisèle): Gisèle Bourque.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): ...Mme Gisèle Bourque. Après vous être identifiée et présenté vos accompagnants, vous faites votre exposé.

Mme Bourque (Gisèle): Alors, je suis Gisèle Bourque, directrice générale de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Je suis accompagnée de M. Michel Giroux, président du conseil d'administration, à ma gauche, et de Me Simon Bégin à ma droite, avocat.

Les allégations des dernières années et le début de l'enquête de la commission Charbonneau ont révélé que l'industrie de la construction avait été infiltrée par des criminels et des entreprises délinquantes. Cette situation, en plus d'être répréhensible et de compromettre une saine gestion des finances publiques, affecte l'image et l'avenir d'une industrie économique vitale pour le développement du Québec. En ce sens, nous sommes heureux de pouvoir présenter nos commentaires sur le projet de loi n° 1.

L'ACRGTQ, incorporée en 1944, représente les principaux entrepreneurs qui réalisent les travaux de construction, de génie civil et de voirie au Québec. Elle représente également l'ensemble des employeurs du génie civil et de la voirie en vertu de la loi R-20 sur les relations du travail. À ce titre, elle représente plus de 2 500 entreprises actives au sein de l'industrie de la construction de routes, d'ouvrages de génie civil et de grands travaux, lesquels emploient plus de 40 000 salariés ayant travaillé 35,3 millions d'heures en 2011.

De manière générale, l'ACRGTQ est favorable au projet de loi. En effet, personne ne peut contester la nécessité de mesures vertueuses d'intégrité en matière de contrats publics. Cependant, l'ACRGTQ constate que le projet de loi contient plusieurs mesures pouvant avoir des conséquences importantes sur l'industrie de la construction et les entrepreneurs honnêtes qui en font partie. De plus, certaines de ces mesures sont fondées sur des pouvoirs faisant appel à des notions fort arbitraires.

L'ACRGTQ constate que ce projet de loi remplacera des mesures de lutte contre la corruption qui sont en place depuis peu. Par ailleurs, les travaux de la commission d'enquête sur l'industrie de la construction pourraient également déboucher sur des recommandations nécessitant des modifications législatives semblables. Il nous apparaît peut-être prématuré d'entreprendre en toute vitesse une réforme législative de cette ampleur, alors que les travaux de cette importante commission d'enquête sont toujours en cours.

Il serait ainsi avisé de reporter l'entrée en vigueur des dispositions de ce projet de loi jusqu'à ce que des représentants du gouvernement, de l'industrie ainsi que des experts puissent consulter et produire une analyse détaillée. Un comité de suivi et de transition pourrait donc être mis en place par le Secrétariat du Conseil du trésor et faire rapport à ce sujet au gouvernement.

Quoi qu'il en soit, les principales mesures de ce projet de loi qui retiennent notre attention sont les suivantes: l'émission d'une autorisation de contracter avec l'autorisation des marchés financiers, le retrait de cette autorisation par l'AMF, la nécessité pour tous les sous-traitants et fournisseurs de détenir cette autorisation et les nouvelles infractions pénales.

Pour l'instant, considérant que seulement les contrats de construction de 50 millions de dollars et plus seront visés, l'obligation de détenir une autorisation de l'AMF n'apparaît pas problématique. Cependant, lorsque le gouvernement étendra cette mesure à davantage de contrats et lorsqu'il réduira le seuil, certaines problématiques pourraient se présenter. Le gouvernement devrait donc dès maintenant indiquer le calendrier de mise en oeuvre global de cette mesure.

L'ACRGTQ estime que la mise en place de ce système d'autorisation par l'AMF est probablement l'une des mesures les plus sévères que le gouvernement du Québec pouvait imposer à notre industrie. Il convient de rappeler que les entreprises qui oeuvrent dans le secteur génie civil et voirie et de l'industrie de la construction n'ont que pour seuls et principaux clients les ministères et organismes publics. Les travaux de routes, ponts, barrages et autres utilités publiques sont rarement réalisés par des donneurs d'ouvrage privés. Ainsi, retirer à une entreprise de notre secteur l'autorisation de faire affaire avec l'État pour une période de cinq ans consiste en rien de moins que la peine de mort pour cette entreprise. Considérant la gravité de cette mesure, le gouvernement doit absolument mieux l'encadrer pour éviter de pénaliser injustement les entreprises honnêtes.

Nous comprenons que cette mesure vise à permettre aux autorités publiques de ne plus faire affaire avec un contractant qui ferait l'objet d'allégations ou d'accusations à propos d'un manque d'intégrité dans la conduite de ses affaires. Nous comprenons également que le cadre juridique actuel ne permet pas facilement aux donneurs d'ouvrage publics de mettre fin à un contrat lorsqu'une entreprise fait simplement l'objet d'allégations ou d'accusations. Le donneur d'ouvrage doit faire preuve de prudence et de patience et attendre que l'entreprise soit reconnue coupable pour que la Régie du bâtiment lui retire sa licence d'entrepreneur et qu'elle soit inscrite au registre des entreprises non admissibles aux contrats publics.

Or, il semble que l'opinion publique ne dispose pas de la même patience, et elle réclame que les entreprises soient sanctionnées avant d'être jugées. Or, il n'est pas nécessaire de sanctionner les entreprises en leur retirant le droit de faire affaire avec l'État avant qu'elles ne soient jugées. Devons-nous réellement rappeler que la présomption d'innocence est un principe de base de notre système de droit?

En effet, le cadre juridique actuel prévoit que les entreprises délinquantes seront sanctionnées, lorsqu'elles seront reconnues coupables, par la perte de leur licence de la RBQ. Cette façon de faire préserve le principe de présomption d'innocence et permet d'éviter que des entreprises innocentes soient sanctionnées injustement.

**(16 h 30)**

La confiance du public dans les marchés publics est un objectif noble, mais cet objectif ne doit pas servir de critère d'appréciation de l'intérêt public. C'est d'ailleurs l'intérêt public, et non la confiance du public, qui devrait servir comme critère principal afin de décider si une entreprise peut continuer à faire affaire avec l'État. L'ACRGTQ recommande donc de remplacer le critère de confiance du public prévu au futur article 21.25 du projet de loi et de le remplacer par un critère d'intérêt public.

L'ACRGTQ recommande donc de préciser les dispositions du futur article 21.26 de la loi, ce, afin qu'une entreprise ne soit pas privée simplement et automatiquement de droit de faire affaire avec l'État lors d'allégations ou d'accusations.

En ce qui concerne la question de la nécessité par tous les sous-traitants de détenir une autorisation, l'étendue de cette obligation nous apparaît clairement imprécise, donc difficile d'application. Est-ce que tout achat de matériau, aussi minime soit-il, nécessitera que le fournisseur dispose d'une autorisation? Le gouvernement aurait avantage à préciser cette notion et à concentrer ses efforts de lutte contre la corruption aux endroits à risque.

L'ACRGTQ recommande également que l'annexe I du projet de loi soit modifiée pour que les infractions relatives à l'attestation de Revenu Québec et à l'autorisation de l'AMF entraînent l'impossibilité d'obtenir une autorisation de l'AMF après cinq infractions et non dès la première infraction.

Finalement, le projet de loi prévoit créer deux nouvelles infractions pénales, c'est-à-dire: une infraction pour avoir effectué une fausse déclaration dans le cadre d'une soumission et une infraction pour avoir réclamé un montant auquel l'entrepreneur n'avait pas droit en vertu du contrat.

L'ACRGTQ est favorable au principe de ces deux infractions mais s'oppose à la façon dont elles sont formulées. Le projet de loi ne définit pas avec précision qu'est-ce qu'une fausse déclaration dans le cadre d'une soumission. Le projet de règlement ne définit pas non plus avec précision ce qu'est un montant auquel l'entrepreneur n'a pas droit. Il s'agit de mesures sérieuses qu'il faudra utiliser avec parcimonie et qui devront être balisées davantage que ce qu'elles ne sont actuellement avant l'entrée en vigueur.

En terminant, l'ACRGTQ est favorable aux diverses mesures de gestion contractuelle qui sont prévues dans le projet de loi, tel que d'appliquer la Loi sur les contrats d'organismes publics à davantage d'organismes ou encore de permettre au Conseil du trésor d'adopter des politiques ou des contrats types.

En conclusion, l'ACRGTQ réitère toute sa collaboration au gouvernement du Québec ainsi qu'aux donneurs d'ouvrage publics qui souhaitent mettre en place des nouvelles mesures pour favoriser l'intégrité en matière de contrats publics et lutter contre la corruption.

L'ACRGTQ croit que les nouvelles mesures doivent toujours s'articuler autour des principes suivants: elles doivent sanctionner efficacement les entrepreneurs délinquants sans nuire de manière injustifiée aux entrepreneurs intègres et respectueux des lois et de l'éthique; elles doivent reposer sur des aspects pour lesquels les entrepreneurs disposent de moyens de contrôle réels pour qu'ils puissent ainsi se conformer à la loi et éviter les sanctions; elles ne doivent pas imposer un fardeau administratif lourd aux entrepreneurs, qui n'atteignent pas pour autant l'objectif recherché; elles doivent correspondre à la réalité et à la spécificité de l'industrie de la construction pour ne pas nuire inutilement au développement de cette industrie vitale pour le Québec.

Nous vous remercions pour votre attention et sommes disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme Bourque. Maintenant, une période d'échange de 50 minutes: 22 minutes au parti gouvernemental. M. le ministre.

M. Bédard: Merci Mme Bourque, ainsi que ceux qui vous accompagnent, de votre présentation. Peut-être un commentaire, je vais me permettre un commentaire au début. Je ne vous cacherai pas que j'ai préféré le mémoire précédent de l'Association de la construction qui, je vous dirais, prend le problème à bras-le-corps puis qui a décidé de dire: Je pense qu'effectivement il faut faire le ménage.

Et, quand vous dites «prématuré», que cette action législative est prématurée, là vous me permettrez -- et on n'argumentera pas longtemps tous les deux, je respecte votre opinion -- moi, je peux vous dire qu'il y a eu du laxisme, on aurait dû agir bien avant. Et là c'est simplement parce qu'on ne s'entendra pas, à l'évidence, là-dessus, là. Mais, quand je vous entends, disant -- c'est dans votre mémoire -- qu'on a cédé à la capitulation du gouvernement envers l'impatience de l'opinion publique, je peux vous dire que moi, pendant trois ans, j'ai réclamé une commission d'enquête. Vous me dites ça, là, je ne me souviens pas d'avoir capitulé à rien, là. Ce que je pense, c'est que ce qu'on entend aujourd'hui, il y a des choses que vos membres savaient sûrement avant ça, là.

Et, moi, ce qui me fait un peu de peine, je vous dirais, c'est qu'il y a eu un manque d'autorégulation de l'industrie. Pourquoi? Pour que les mauvais joueurs soient sortis puis qu'on garde les bons, ceux qui respectent. Parce que ça reste la minorité, je suis d'accord avec vous. Mais en quoi on peut suspendre notre désir de probité? Parce que c'est ça dont on parle, là, actuellement. La confiance du public, je peux vous dire que vous m'avez convaincu de la conserver, la confiance du public. Je pense que c'est le critère effectivement: il faut que le public ait confiance dans l'État, dans ceux et celles qui font affaire avec l'État.

Alors, c'est pour ça que ce que je souhaite de votre association, c'est plutôt des propositions, comme j'ai retrouvé tantôt. Ça, je comprends que les entreprises ne veulent pas remplir trop de documents. Alors, ça, on va s'assurer qu'on puisse avoir des documents qu'on peut répartir. On n'est pas obligés de remplir quatre fois le même document. Donc, ça, là-dessus, on va y être.

Mais, moi, ce que je souhaiterais de votre part, c'est plutôt des propositions d'amélioration du projet de loi. Et je sens, dans le mémoire, je vous dirais, plutôt de la résistance. Quand on parle, bon, de prématuré, comme je disais tantôt, de céder à l'opinion publique, à l'impatience de l'opinion publique, on n'est pas là, là. En tout cas, moi, je ne sens pas ça, là. Bien, allez-y rapidement, j'aurai peut-être des questions, parce qu'on va aborder la présomption d'innocence tantôt et là on mêle deux concepts, là. Mais, allez-y.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle): Oui. Alors, pour répondre à votre question, lorsque nous parlons de prématurité, ce n'est pas que nous contestons le fait qu'il doive y avoir des mesures qui soient imposées; c'est simplement qu'actuellement il y a les travaux d'une commission, qui est la commission Charbonneau, et qu'il y aura des éléments qui vont être dégagés tout au cours des travaux de la commission, qui vont nécessiter probablement des lois, des ajustements supplémentaires qui vont mieux nous éclairer sur les correctifs à apporter. Et nous disons tout simplement qu'il ne faut pas y aller de façon trop précipitée pour justement s'assurer de tout englober, de ne pas laisser pour compte des points qui seront abordés plus tard, dans le cadre des travaux de la commission Charbonneau.

M. Bédard: Qu'est-ce qui nous empêche d'agir maintenant? Êtes-vous d'accord, par exemple, avec l'habilitation?

Mme Bourque (Gisèle): Avec?

M. Bédard: L'habilitation. C'est le coeur du projet de loi, que les entreprises soient habilités à traiter avec l'État. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Bourque (Gisèle): Tout à fait.

M. Bédard: Bon. Alors, il n'y a pas de précipitation. C'est là que je vous dis: Pourquoi j'attendrais le résultat de la commission alors que tout le monde est d'accord qu'il faut habiliter?

Mme Bourque (Gisèle): Il faut s'assurer que les mesures qui vont être mises en place par votre projet de loi vont, justement, tout englober et faire en sorte que le projet de loi va être viable dans l'application. Parce qu'au niveau de la théorie, c'est une chose, mais au niveau de l'application, c'est autre chose.

Alors, c'est bien beau les principes, et nous sommes d'accord avec ces principes, mais il faut s'assurer que ces principes vont pouvoir être appliqués de façon efficace.

M. Bédard: Bien, regardez... bien, c'est ça, mais, si je ne commence pas, si je retarde dans un an, ça veut dire que... Ma loi ne pourra pas s'appliquer tout d'un coup de toute façon. Alors, si je retarde d'un an, là, l'application de la loi, bien, ça va prendre un an pendant lequel des entreprises qui ne doivent pas contracter avec l'État vont continuer à le faire.

C'est pour ça que je vous dis: Allez, mettez-vous en mode plutôt comment on peut améliorer. Mais moi, je n'attendrai pas les résultats de la commission, là. Regardez, c'est un drame d'horreur à tous les jours, là. Je vais-tu attendre que, finalement, là, les gens soient dans les rues pour dire: Ça va faire, ça va faire? On est rendus là, il faut s'en rendre compte. Et on a eu plusieurs lois où on n'a pas atteint les résultats.

Donc, on est plutôt dans l'obligation de résultat actuellement. Et moi, je n'ai pas besoin d'autres témoignages actuellement pour savoir qu'il faut agir maintenant. Ce qu'il faut savoir, c'est qui on va prendre et comment on va les prendre. Et ça, c'est une façon qui est proposée.

Et c'est pour ça, quand vous dites... là, je reviens sur un point en particulier, la présomption d'innocence. En droit civil, vous savez, la présomption d'innocence, ça n'existe pas. Là, on mêle deux concepts. Moi, je ne suis pas en droit criminel. J'ai fait mon cours de droit pénal avancé, là. Ça, ça vaut pourquoi? Parce qu'il y a une privation des droits et libertés. C'est un des éléments les plus importants du droit criminel, c'est la présomption d'innocence. Pourquoi? Parce qu'à terme on envoie les gens en prison. Ce n'est quand même pas rien, là. On les prive de leur liberté.

Moi, je n'empêche personne, là, actuellement. Ce que je leur dis, c'est comment l'État doit agir par rapport à des gens qui font l'objet d'accusations, par exemple, de collusion, qui vont contester pendant des années au niveau du droit civil. Ce que vous me dites, c'est que je devrais attendre que la Cour d'appel se prononce sur la culpabilité sans intervenir en termes civils? C'est ça que vous me dites, donc de laisser tout le procès se dérouler, les appels, et quelqu'un qui serait lié, par exemple, au crime organisé, on aurait une accusation de gangstérisme, je les garde dans le processus et j'attends que la Cour d'appel les condamne ou la Cour suprême?

Mme Bourque (Gisèle): Écoutez, là-dessus, je vais laisser la parole à mon collègue Me Bégin pour vous répondre, qui a rédigé le mémoire.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Bégin.

**(16 h 40)**

M. Bégin (Simon): Nous, ce qu'on a ciblé comme préoccupations... parce que, oui, c'est vrai qu'il y a des mots qui sont forts là-dedans, dans ce qu'on a rédigé. C'est pour attirer votre attention sur une préoccupation des entrepreneurs qui, depuis deux ans, puis mon confrère Me Hamel, qui a passé avant, en a parlé... on leur a rajouté loi par-dessus loi, par-dessus loi.

Alors, quand on leur a parlé de ce nouveau projet de loi qui sortait, qu'on leur a expliqué, ils ont dit: Bon, bien, en voici un autre. Qu'est-ce qui va changer? Qu'est-ce qu'il faut faire? Alors, il y a une préoccupation des entrepreneurs que cette fois-là soit la bonne. Alors, c'est la raison pour laquelle on insiste puis on allume des lumières sur des préoccupations et on dit: Qu'est-ce qui va se passer quand, ça, ça va être mis en application?

Puis actuellement, le cadre juridique, il permet qu'une entreprise soit sanctionnée. La loi n° 35, la loi n° 73 l'a permis. Si une entreprise est reconnue coupable, qu'elle a un procès, elle se défend puis qu'elle échoue, bien, elle va perdre sa licence d'entrepreneur, elle ne pourra pas plus exécuter des travaux.

M. Bédard: C'est justement ce qu'on veut éviter, là, c'est pour ça. Écoutez, vous ne pensez pas que les gens actuellement sont convaincus de l'impunité? C'est ce qui est arrivé, là. Ce n'est pas pour rien qu'on a une nouvelle loi, c'est que les entreprises continuent. Celles qu'on pourrait avoir tendance à croire qu'elles ne devraient pas avoir de contrat, bien, elles continuent à en avoir. Puis là je ne veux pas en nommer, ce n'est pas à moi à décider ça, mais c'est exactement le problème qu'on voit.

Les bonnes entreprises, moi, je connais plein d'entrepreneurs en construction, ils sont heureux de ça, là. Des constructeurs de routes, ils disent: Enfin, les bonnes pratiques sont encouragées. On va pouvoir rentrer sur les chantiers à Montréal peut-être un jour, tu sais, ça va être possible, hein? Parce que c'est compliqué, faire ça actuellement, là, rentrer sur un chantier à Montréal. J'imagine que vos membres vous ont déjà dit ça, là, qu'ils trouvaient ça compliqué, rentrer sur un chantier, ailleurs. Est-ce que c'est déjà arrivé que quelqu'un vous dise ça, un de vos entrepreneurs: J'ai essayé d'avoir le contrat à Montréal, c'est compliqué?

Mme Bourque (Gisèle): Si vous permettez, M. le Président.

M. Bédard: Oui.

Mme Bourque (Gisèle): Vous m'accordez la parole?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle): Oui? Effectivement, c'est déjà arrivé que, sans avoir le détail, toutefois, c'est déjà arrivé dans le passé que des entrepreneurs disaient que c'était difficile, dans certains marchés, à Montréal, d'obtenir des contrats, et c'était très malheureux. Et nous sommes très, très heureux de cette situation qui va justement permettre qu'il y ait une saine concurrence qui s'établisse, notamment à Montréal, puisque c'est ce dont nous parlons présentement.

M. Bédard: Là, je vous dis Montréal, mais donc il y avait, je vous dirais, des barrières à l'entrée, géographiques, que personne ne comprenait, on s'entend. Bien, personne ne comprenait, elles n'étaient pas dans une loi ou dans un règlement, mais il y a de vos membres qui étaient frustrés de ça sûrement.

Mme Bourque (Gisèle): Tout à fait.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Bourque.

M. Bédard: Tout à fait, c'est ce qu'elle a dit, puis c'est pour ça que moi, je travaille pour ces membres-là.

Mme Bourque (Gisèle): Et nous aussi, nous travaillons pour nos membres.

M. Bédard: Bon, bien, c'est là-dessus que je veux qu'on travaille ensemble. Et le fait que, je vous dirais, la tâche est ardue, ça ne peut pas nous enlever le devoir d'agir. Ça fait 45 jours, là, qu'on s'est cassé la tête pour arriver avec un projet de loi comme ça. Pourquoi? Parce qu'on savait que ce n'était pas évident. Et la tournure qu'on a prise fait en sorte qu'on garde un côté de discrétion tout en étant encadré. Ce n'est pas de l'arbitraire, tu sais.

Je vous dirais sur la présomption d'innocence, je ne veux pas revenir là-dessus, laissons ça au droit criminel, la présomption d'innocence. Il n'y a rien qui vous oblige, vous, à traiter avec quelqu'un qui est accusé de meurtre. Il a sa présomption d'innocence, puis il se défendra devant les tribunaux, mais vous n'avez rien en droit civil qui vous dit que vous devez considérer quelqu'un de la même façon.

Vous savez, il y a des gens parfois qui sont acquittés même au criminel mais qui sont poursuivis au civil. Pourquoi? Parce que le degré de preuve n'est pas pareil, c'est hors de tout doute. Et c'est normal que le droit criminel soit si sévère, parce que la conséquence encore là, je vous le dis, c'est l'ultime dans notre société, c'est priver quelqu'un de ses droits et libertés et de le mettre en prison. Ce n'est quand même pas rien. Alors, pourquoi le niveau de preuve est hors de tout doute raisonnable, alors qu'en droit civil j'ai vu des gens, moi, être acquittés, par exemple, de vol ou même, dans des cas, de meurtre mais d'être poursuivi au civil, et les personnes qui avaient commis les actes, d'être condamnés au civil, autrement dit d'être condamnés à des dommages et intérêts, d'être condamnés même au niveau des assurances, par exemple. On a vu ça souvent, là. Alors, c'est pour ça qu'il ne faut pas mélanger les deux. Vous, vous êtes en droit civil, là. Alors, la présomption d'innocence, laissez ça aux tribunaux criminels.

Par contre, il peut y avoir des conséquences civiles à une accusation criminelle, et l'UPAC, elle, va avoir à déterminer est-ce qu'on doit ou non traiter... va donner un avis à l'AMF de savoir, selon certains critères, est-ce qu'on doit traiter avec cette personne, est-ce qu'on doit l'autoriser à avoir des contrats de l'État, mais c'est la seule conséquence qu'on donne, là, ce n'en est pas d'autres. Ils peuvent continuer à travailler dans le privé. Vous voyez l'intérêt d'encourager les bonnes pratiques?

Et moi, j'aimerais avoir, en mauvais français, votre «input» par rapport à l'amélioration. Je vous trouve... et là ce n'est pas à vous personnellement, là, je comprends que vous n'avez pas préparé ça tout seul dans votre salon, là, mais à certains de vos membres d'être en mode de collaboration, de nettoyer les écuries, de dire: Regardez, là, c'est une occasion de redorer le blason de l'industrie, là, profitons-en.

Mme Bourque (Gisèle): Est-ce que je peux vous répondre?

M. Bédard: Oui, oui, allez-y, allez-y.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle): C'est pour ça que nous accueillons favorablement le projet de loi et nous vous le précisons d'entrée de jeu, c'est certain, nous ne sommes pas contre le projet de loi. Nous sommes en faveur de l'assainissement du milieu également. Nous vous mettons tout simplement en garde contre peut-être une trop grande précipitation qui ferait en sorte d'oublier certains aspects qui causeraient des problématiques par la suite, et faire attention aussi à tous les éléments d'application. Alors, c'est plutôt une mise en garde qu'une non-appréciation ou une non-acceptation du projet de loi.

M. Bédard: Et je vais laisser la parole aux autres collègues. Je vous dirais, d'ici l'adoption, si vous avez des éléments, effectivement, que vous trouvez qu'on s'écarte ou qu'on n'a pas couverts, faites-nous signe. Moi, ça va me faire plaisir d'améliorer le projet de loi. Je vous le dis, là, il n'y a rien qui va me faire broncher sur l'idée qu'il faut qu'il soit adopté rapidement et qu'il soit en application rapidement. Parce qu'il y va de la confiance du public envers ses institutions. On est au-delà même de votre secteur, là, vous comprendrez. Il y a une crise de confiance sans précédent, il faut donner une suite immédiate. Et, s'il y a d'autres améliorations que vous voyez qui sont nécessaires, faites-moi signe, on est ici pour le prochain mois.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle): Bien oui, il y a un point justement là-dessus, si vous permettez, pour terminer sur ce sujet-là. La confiance du public, justement, elle ne fait pas appel à des paramètres ou à des critères précis, alors c'est pourquoi, nous, on est inquiets de la façon dont va être appréciée la confiance du public. Comment vous allez faire pour apprécier ce qu'est la confiance du public? L'intérêt du public, c'est une tout autre notion qui, elle, atteint le même objectif mais fait appel à des critères très précis.

M. Bédard: Je vous dirais que le groupe précédent a répondu un peu à votre question. C'est une notion qui est assez bien définie en droit, effectivement, parce qu'elle se retrouve dans beaucoup de codes de déontologie, la confiance du public. La deuxième chose, c'est que, si vous regardez 21.26, vous trouverez des éléments qui permettent d'orienter, en même temps qu'il ne la circonscrit pas totalement parce qu'on doit laisser une part de discrétion pour éviter que les gens contournent la loi. Alors, je me retrouve à répondre à votre question. Là, je veux laisser la place aux collègues, mais vous allez trouver une partie de votre réponse dans 21.26.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Ça va, Mme Bourque?

Mme Bourque (Gisèle): Merci.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Sanguinet.

M. Therrien: Merci, M. le Président. Nous, on fait partie de la Commission sur les finances publiques et on sait bien actuellement qu'on va avoir un budget la semaine prochaine qui en témoigne, là, l'urgence. On est en train de travailler sur, justement, assainir les finances publiques le plus possible, et ça, ce qui fait partie de ça, c'est de gérer les dépenses avec parcimonie. Et, quand on entend la commission Charbonneau, quand on entend ces drames d'horreur là qui affligent le domaine de la construction, entre autres, nous, on s'aperçoit de l'urgence de faire une loi de ce genre-là pour essayer, si on veut, là, de limiter les dégâts. Alors, elle vient de là, l'urgence. Et on a de la pression, et le président du Conseil du trésor, évidemment, a de la pression des collègues, du ministre des Finances, ainsi de suite, pour aller dans ce sens-là.

Alors, moi, j'aurais une première question puis ensuite une deuxième question. Alors, je me pose la question suivante, c'est: En quoi la création de cette loi-là nuirait éventuellement à l'application des mesures suggérées par la commission Charbonneau? Alors, si vous voulez répondre à cette question-là.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle): Ce n'est pas qu'elle nuirait, mais c'est peut-être qu'elle ne circonscrirait pas complètement tous les éléments qui vont être dégagés de la commission Charbonneau. Peut-être qu'il y a des choses qui pourront être ajoutées à la suite des travaux de la commission Charbonneau que vous n'auriez pas prévues à ce projet de loi là. C'est un peu dans ce sens-là, notre questionnement.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Sanguinet.

**(16 h 50)**

M. Therrien: Ensuite, je vais lire, là: «Les nouvelles mesures doivent sanctionner efficacement les entrepreneurs délinquants, sans nuire, de manière injustifiée, aux entrepreneurs intègres et respectueux des lois et de l'éthique». Moi, si je me place à la place d'un entrepreneur dans le domaine que vous défendez, moi, je suis honnête et je vois ce qui se passe, les doutes qu'on a à mon égard sur mon honnêteté, sur mon intégrité, je pense que je serais content de voir une loi qui me permettrait de prouver mon honnêteté et mon intégrité.

Alors, moi, de mon côté, je me pose la question: Est-ce que vous avez ce son-là de vos membres? Est-ce qu'il y a des membres qui disent: Bien, enfin on a l'occasion de montrer que nous sommes droits et intègres? Et, évidemment, quand on fait des lois, bien, c'est sûr que des fois, pour rattraper des coupables, bien, des fois, on va limiter les libertés, un peu, des autres, mais c'est comme ça. Et moi, je pense que, si j'étais à la place de vos membres, je serais prêt à faire ça pour laver mon honneur, si on veut. Oui.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Giroux.

M. Giroux (Michel): Giroux. Effectivement, nos membres sont d'accord avec le projet de loi qui est présenté. La chose qui est importante pour nous, c'est de s'assurer que l'ensemble de nos membres comprennent bien la façon que cette loi-là va être appliquée dans leur business à tous les jours.

Comme Me Bourque a dit tout à l'heure, on n'est pas contre le projet de loi. Peut-être que tantôt il y a eu des mots qui vous ont choqué. La chose qu'on voulait s'assurer, c'est que vous compreniez bien que peut-être que ça va trop vite, un peu. En tenant compte de la commission Charbonneau qui tient toujours ses audiences, en tenant compte qu'il y a eu des lois qui ont été déposées à l'automne dernier et qu'on doit modifier aujourd'hui, je ne vous cacherai pas que, pour une bonne partie de nos membres -- parce que nos membres, ce n'est pas toujours des très grandes entreprises, il y a des petites entreprises, des moyennes -- ça devient mêlant un peu, là, tout ce qui se passe au menu législatif dans le domaine de la construction.

Et je vous dirais que l'important pour nous, c'est que nos membres comprennent bien les répercussions et les obligations auxquelles les entrepreneurs vont devoir répondre, surtout au niveau de la notion des sous-traitants. Vous avez certains points qu'on va devoir respecter au niveau des sous-traitants et fournisseurs. Sinon, si on fait affaire avec certains gens qui ne répondent pas à tous les critères, notre licence peut être retirée. Et ça, c'est important pour nous que tous nos membres le comprennent bien, parce que, je vous le répète, ça va vite, ça va très vite et ce n'est pas tous nos membres qui comprennent un peu la portée de ce projet de loi là.

C'est important aussi de comprendre, un projet, ça commence où et ça se termine où. Un projet, aujourd'hui, ça prend un donneur d'ordres, un propriétaire qui décide: Moi, j'ai un pont, j'ai une route, j'ai une rue à refaire dans ma municipalité. Le jour qu'il y a un projet, qu'il dit: Oui, on est prêts à le faire, il y a une série d'étapes qui doivent être faites, il y a une série d'intervenants qui doivent être faits avant que les entrepreneurs généraux répondent à un appel d'offres.

Il y a un projet, il va y avoir souvent des comptables qui vont se greffer à ça pour question de financement du projet; il va y avoir des avocats qui vont devoir se pencher sur le projet pour s'assurer que, s'il y a des expropriations et des contraintes légales, ce soit fait correctement; ensuite, il va y avoir souvent de l'expropriation; il va y avoir après ça l'embauche d'un ingénieur-conseil pour venir façonner le projet; et, suite à ça, souvent il y a des règlements d'emprunt qui doivent être présentés à la population; et, après ça, il y a des appels d'offres qui ont lieu. Et souvent ce processus-là, c'est long, ça demande du temps, et souvent les projets sont bousculés, pour différentes raisons, sont bousculés: il y a des échéanciers, il y a des programmes qui viennent à terme, et tous les gens sont bousculés par ça.

Un projet, si on veut qu'il soit réussi, doit être bien organisé, planifié pour qu'en cours de réalisation il soit fait selon ce qui a été demandé, selon les plans, devis ou addenda du projet. C'est important aussi, ça. Et tous les sous-traitants et fournisseurs qui peuvent graviter alentour de ce projet-là, ça ne veut pas dire qu'ils vont tous comprendre la portée de cette loi-là. Souvent, dans les municipalités, entre autres, lorsqu'on soumissionne, il y a des articles qui indiquent aux devis qu'on s'engage à encourager la main-d'oeuvre locale et les fournisseurs locaux, et souvent c'est dans des petites municipalités: ça peut être le fournisseur d'outillage, ça peut être le fournisseur de sable, de pierre concassée. Ça ne veut pas dire que ces gens-là vont tout comprendre la portée de ce projet de loi là.

C'est ça qu'on veut s'assurer pour ne pas qu'il y ait de coûts indus qui doivent être apportés à certains projets. C'est important que tous les intervenants reliés à un projet comprennent la portée de la notion de sous-traitant parce qu'au niveau de l'entrepreneur général ça peut avoir des répercussions graves, ça peut être des répercussions graves qui peuvent comporter la perte de la licence. La perte de la licence, pour nous, dans notre domaine, dans les travaux routiers et grands travaux, on fait affaire avec des organismes publics, c'est la fin des émissions, c'est la fin de l'entreprise. Et c'est important pour nous quand on vous dit: Oui, on doit faire quelque chose, on doit le faire correctement, on doit bien mesurer les paramètres et s'assurer que tous les intervenants -- parce qu'il y en a plusieurs -- les comprennent bien.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): À moins d'une question très rapide...

M. Claveau: ...vise l'entreprise qui est honnête. Vos craintes là-dessus?

M. Giroux (Michel): L'entreprise qui est honnête?

M. Claveau: Qui est honnête.

M. Giroux (Michel): Écoutez, l'honnêteté de l'entreprise, les gens, la grande majorité, la très grande majorité des entrepreneurs sont honnêtes. Nous, on veut s'assurer qu'ils comprennent bien la portée du projet de loi. Juste la notion de sous-traitant... On se trouve à être garants des différents sous-traitants, et dans des projets... Là, vous ciblez les projets de 50 millions, c'est une chose, mais j'imagine qu'avec le temps ce critère-là va aller à la baisse. Il va y avoir des procédures, et un suivi, et, je vous dirais, avec une rigueur, là, sans mesure pour s'assurer que tous les gens qui vont graviter sous notre responsabilité répondent, en tous points, à ce projet de loi là.

Et ça ne veut pas dire que tous les gens qui sont susceptibles de travailler à un projet particulier, surtout dans le domaine municipal, vont comprendre ça. Ce n'est pas question de dire: Est-ce qu'un entrepreneur honnête a peur de ce projet de loi là? C'est: Qu'est-ce qui va graviter alentour pour s'assurer que l'entrepreneur général réponde bien aux critères du projet de loi?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. Giroux. Nous passons maintenant au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Louis-Hébert.

M. Hamad: Merci, M. Giroux, Mme Bourque, M. Bégin, bienvenue à l'Assemblée nationale.

D'abord, avant tout, nous, on croit aussi qu'il ne faut pas attendre la commission Charbonneau pour agir. Il faut commencer. Et, chaque fois que le gouvernement ou l'Assemblée nationale peut poser un geste, il faut le poser.

Et, en passant, les lois ne sont pas coulées dans le béton, là, les lois s'améliorent, ça se suit, puis on l'a vu. La loi n° 35, il y avait des choses à améliorer, et on continue. Donc, on ne peut pas attendre. Il ne faut pas attendre non plus, en sachant... S'il y a des recommandations très intéressantes, qu'on peut les ajouter, on va le faire. Mais je pense qu'actuellement, avec le contexte actuel, on a l'obligation de continuer puis améliorer les lois qui existent.

J'ai compris de votre questionnement que vous avez des points précis sur la confiance du public, la notion «confiance du public». Peut-être j'aimerais ça que vous... Évidemment, la confiance du public est définie à l'article 21.25 et, après ça, on dit: «Aux fins de l'article 21.25, les éléments suivants peuvent notamment être considérés par l'autorité...»«Peuvent», alors là on n'est pas dans l'obligation de considérer, «peuvent». Nous, on trouve que «peuvent», c'est déjà pas mal mou parce qu'il y a beaucoup de discrétion. «Peuvent», là. Est-ce qu'il va le faire, ne va pas le faire, pour quelles raisons qu'il ne le fait pas?

Mais votre concept que vous amenez, c'est l'intérêt du public. J'aimerais ça que vous élaboriez là-dessus, là. Pourquoi vous voulez remplacer «intérêt du public» par «confiance du public»?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle): Me Bégin va répondre à cette question.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Me Bégin.

M. Bégin (Simon): L'intérêt public, comme on l'entend, nous, c'est qu'est-ce que c'est, intérêt public, hein, quand on parle de travaux publics? On parle de travaux qui sont exécutés à un coût justifié, raisonnable, dans les délais. On parle que le donneur d'ouvrage en a pour son argent, que ça a été fait de manière honnête, ça a été fait de manière intègre. Donc, quand le donneur d'ouvrage public a investi des fonds publics pour construire, il l'a fait adéquatement, de manière intègre. Alors, ça, ça se mesure.

Ça peut arriver que, par exemple, il y a un gros projet qui est en cours, puis qu'on est mieux, pour des questions de cautionnement ou autres, de continuer l'exécution, pour une question d'intérêt public. On aurait des garanties, par exemple, je sais que c'est prévu dans le projet de loi. Alors, si on prévoit cet intérêt public là puis qu'on s'en inspire, bien, les décideurs de l'AMF seront en mesure de rendre une bonne décision.

Par contre, quand on rentre dans la confiance du public, là, on rentre dans des aspects déontologiques, là -- ça a été discuté un peu plus avant -- on rentre peut-être dans des choses aussi un peu plus arbitraires. Je ne sais pas, moi, il y a des panneaux sur l'autoroute, les citoyens ont été pris dans le trafic, ils ont vu tel chantier qui ne fonctionne pas, est-ce que c'est ça, l'opinion publique? Il y a des choses qui nous apparaissent qui devraient être précisées.

Puis l'intérêt public, on trouve qu'il est un peu plus objectif que ne peut l'être l'opinion publique. On pense qu'il doit y avoir un pouvoir qui permet à l'AMF de dire: Cet entrepreneur-là mérite ou pas de continuer à faire affaire avec l'État. Le meilleur indicateur, c'est s'il a été reconnu coupable par les tribunaux, là, on ne se pose même plus la question.

On pense que, nous, ça, ça se retrouverait à être la base, tandis que, quand on parle d'intérêt public, bien, pour nous, c'est un peu plus objectif, là -- je me répète, là -- mais que l'opinion publique. Puis, quand on regarde qu'est-ce qui sert à définir l'opinion publique, dans le cadre du projet de loi... bien, pas l'opinion publique, pardon, mais la confiance du public, c'est: Est-ce qu'une entreprise a été reconnue coupable d'accusations ou est-ce qu'elle a été accusée simplement, pas reconnue coupable, mais accusée? Est-ce que l'entreprise a commis des actes répréhensibles? Où est-ce qu'on arrête?

C'est possible qu'une entreprise ait commis une infraction ou soit accusée d'une infraction, puis l'infraction pourrait avoir été faite à l'insu de la haute direction. Elle pourrait relever d'un élément de l'entreprise. Alors, est-ce que, pour cette raison-là, on mérite de sanctionner l'entreprise? Il faut se poser la question.

Mais il n'y a pas eu de débat public au Québec sur cette notion-là. Quand on vous parlait de présomption d'innocence, pas au sens criminel, on parlait au sens d'une entreprise qui réalise des contrats de travaux de construction, honnête, à qui il peut arriver certains oublis. Par exemple, si on oublie une attestation de Revenu Québec pour un sous-traitant, est-ce qu'on mérite pour autant de jammer tous les chantiers de construction de ces entreprises-là? C'est un peu l'appel qu'on vous fait, là, de préciser davantage cette notion-là.

**(17 heures)**

M. Hamad: Mais, en fait, là, il faut peut-être comprendre le contexte de cette loi-là. Cette loi-là, elle donne une autorisation pour une entreprise pour pouvoir soumissionner, et la base de ça est que l'entreprise ait patte blanche.

L'intérêt du public, c'est après. C'est avant, mais pas nécessairement la confiance du public remplace l'intérêt du public, parce que l'intérêt du public... c'est dans l'intérêt du public d'avoir un projet de loi qui donne la probité.

Maintenant, par contre, où on se rejoint, sur la définition de la confiance du public, c'est là qu'il y a une ouverture, il y a peut-être des clarifications à ajouter parce qu'on a «peuvent». Alors, l'Autorité des marchés peut. Ça veut dire que, des fois, elle va le faire; des fois, elle ne le fait pas. Alors, ça, ça donne une marge d'erreur ou... pas une marge d'erreur, mais une marge de discrétionnaire à l'autorité.

Maintenant, je reviens... C'est que, dans la loi, on dit... Là, c'est comme entrepreneur, je vous pose la question. C'est qu'à un moment donné on enlève... Si, mettons, pendant l'exécution, là, l'entrepreneur est sur le chantier, un de vos membres, et là on s'aperçoit qu'il ne respecte pas la loi, donc il faut le retirer du chantier. Et là, ici, il y a une discrétion aussi dans l'article 21.19, si ma mémoire est bonne, où on dit que le Conseil du trésor peut permettre la poursuite de l'exécution du contrat dans le cas de révocation d'une autorisation ou de non-renouvellement, encore à la discrétion, là. Ça veut dire qu'on peut enlever son permis puis on le sort dehors, l'entrepreneur, ou pour une discrétion -- je ne sais pas c'est quoi les critères -- on peut le garder sur le chantier pour continuer. Mais la loi ne précise pas nécessairement les critères précis pour dire comment je peux sortir un entrepreneur ou le garder.

Alors, est-ce qu'on va le garder? Sur quelle base? Puis on va le sortir sur quelle base? Puis, vous savez, une fois qu'on a pris une décision une fois, bien, à chaque fois on va se baser sur la dernière décision qu'on a prise pour les motivations. Comment, vous, comme entrepreneur, voyez ça, cette loi-là qui va être discrétionnaire à quelqu'un, à l'Autorité des marchés, pour décider qu'on garde le contrat ou on l'enlève? Vous trouvez ça complet, faible, amélioré, vous apportez des modifications?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Giroux.

M. Giroux (Michel): Merci. Écoutez, le pouvoir discrétionnaire, c'est toujours inquiétant. Cette mesure-là devra avoir des balises strictes, parce qu'imaginez un peu la pression d'une entreprise qui peut se faire dire par l'AMF: Là, on est en période de réflexion à savoir si, oui ou non, tu vas être en mesure de poursuivre tes activités. Pensez aux implications envers sa compagnie de caution, parce que les projets au Québec, on est cautionnés par des compagnies d'assurance. Pensez à la pression au niveau du monde bancaire, parce que les entreprises ont besoin de marges de crédit, ont besoin d'instruments financiers pour pouvoir fonctionner aujourd'hui.

Je ne vous cacherai pas que le pouvoir discrétionnaire de gens qui ont le droit sur une entreprise, c'est inquiétant. Et je vous invite sincèrement à avoir une réflexion profonde pour avoir des paramètres mesurables, précis et stricts. Il doit y avoir, dans cette compréhension-là, aucun geste arbitraire, aucune pensée arbitraire, parce que ça donne beaucoup de pouvoir à des gens sur le droit de vie ou de mort d'une entreprise, peu importe la taille, petite, moyenne ou grande.

Et je ne vous cacherai pas qu'en tant qu'entrepreneur qui peut vivre une situation comme ça, ça doit être difficile, ça doit être très désagréable, parce que, par la bande, la compagnie de caution, la compagnie de financement, la compagnie qui a des liens sur ses équipements va s'interroger, va s'interroger grandement et avec raison. C'est pour ça que je vous invite à avoir des paramètres stricts, précis et, si possible, je dirai, qui peuvent être mesurables aussi.

M. Bégin (Simon): Si vous me permettez, j'ajouterais un commentaire important.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Bégin.

M. Bégin (Simon): La raison pourquoi on a l'air si pointilleux sur cette question-là puis la raison pourquoi on invite à la prudence, c'est que, dans notre secteur, là, puis c'est fondamental de le rappeler, les entrepreneurs réalisent des travaux de génie civil, donc à partir du moment où ils n'ont plus le droit de faire affaire avec l'État, ils ne peuvent plus faire affaire, point.

C'est donc la vie ou la mort d'une entreprise, là, qu'on décide, alors il ne faut pas se tromper. Parce que ce n'est pas juste des grosses multinationales ou des grosses entreprises provinciales, il y a des entrepreneurs en région, locaux, des pères de familles -- je ne veux pas jouer de violon -- qui dépendent de cette entreprise-là. Alors, si on la sanctionne, qu'on ne se trompe pas, mais qu'on la sanctionne par contre, qu'on les fasse les enquêtes, qu'on fasse les vérifications puis, quand on est certains, qu'on la sanctionne, mais qu'on s'assure de ne pas sanctionner inutilement une entreprise qui n'aurait pas dû l'être, là.

C'est pour cette raison-là qu'on a l'air aussi frileux sur cette question-là. On ne cherche pas à protéger personne, on ne cherche pas à protéger les délinquants. Il cherche juste à protéger des entreprises qui ne vivent qu'exclusivement de contrats publics.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti: Oui, merci. Monsieur, vous avez dit tantôt que, peut-être, il y a eu des mots qui nous ont choqués. Ça ne m'a pas choqué. Ça m'a surpris et un peu déçu qu'une association aussi importante que la vôtre suggère de reporter un projet de loi comme celui-là, qui touche un problème majeur au Québec. En 2009, le Parti libéral a créé Marteau, qui, déjà, à la commission, on entend des gens nous dire à quel point ça a été utile; en 2010, la création de l'UPAC; et, en 2011, la commission.

Ce que je veux vous dire, c'est que je vais retenir, de votre projet, les choses constructives qu'on peut changer pour améliorer, pour aider votre association. Mai, face à un problème aussi important que celui qu'on vit actuellement, les exemples concrets qu'on a à travers le Québec, les témoignages, et je suis convaincu que vous avez dû en entendre sur votre côté, là, sans être à la commission, je ne peux pas penser qu'on puisse reporter ou refaire un comité pour aller de l'avant avec une loi qu'on a déjà faite -- c'est la loi n° 35 -- qui a déjà été en place et qu'on essaie d'améliorer aujourd'hui.

La Sûreté du Québec existe depuis 1890 et, à ce jour, n'a pas encore trouvé la solution pour arrêter tous les bandits, là, Ça veut dire que les criminels s'ajustent continuellement. Il faut faire une loi qui va encore s'ajuster aux gens qui ne font que ça, contourner les règles, pas les bonnes personnes de votre association, mais une partie de gens qui ne suivent pas ces règles-là. On est obligés rapidement d'aller en place là-dedans.

Moi, je vous dis, j'ai pris connaissance de votre document, mais, sur le volet de reporter ou de rediscuter de mettre en place cette loi-là, je vous dis, je suis vraiment en désaccord.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Ça va? M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Je veux juste vous rassurer sur une chose. On vit dans une société de droit au Québec. Les gens ont des droits, et les cow-boys, ce n'est pas ici. C'est-à-dire qu'une fois par année, l'an passé, c'était la loi n° 35; cette année, c'est le projet de loi n° 1, la Loi sur l'intégrité... On n'a pas le droit de se tromper, nous autres, et je pense qu'il faut mettre en place des mesures pour combattre ceux qui contournent le système et qui contreviennent aux lois du Québec, et ça arrive normalement une fois par année, Dieu merci, là, ça arrive une fois par année depuis cinq ans. Normalement, c'est toujours plus long que ça.

Et, effectivement, l'AMF aura à décider, mais il y aura eu avant une enquête rigoureuse des membres de l'Unité permanente anticorruption qui auront validé, dans un rapport qui sera sujet à contestation judiciaire, des recommandations qui feront en sorte que l'AMF décidera, oui ou non. On ne joue pas aux cow-boys, là, avec la vie du monde. Je veux dire, le monde, ils sont sérieux, là, puis, quand il y a des vérifications de faites, que ça soit un processus d'habilitation sécuritaire ou un avis qui sera donné par l'UPAC, ça engage la responsabilité des gens qui vont écrire cet avis, et cet avis-là ne sera pas basé sur des rumeurs, ne sera pas basé sur des qu'en-dira-t-on, ne sera pas basé sur quelque chose qu'il pourrait y avoir dans les nuages. Ça va être basé sur des faits, et il y aura une conclusion qui aidera l'Autorité des marchés financiers, si ça peut vous rassurer, à prendre une décision éclairée.

C'est sûr que vous allez me dire: Ça va vite, mais déjà on parle de 35 depuis un an. La commission Charbonneau a commencé au mois de mai. Vous avez vu plein de choses depuis un certain temps, qui fait que, comme législateur, je pense qu'on est rendus à légiférer. Et, comme je l'ai dit au président du Conseil du trésor dernièrement, s'il faut siéger jusqu'à minuit, puis je pense les collègues vont être d'accord, jusqu'à Noël, on va le faire, mais on va avoir la meilleure loi possible parce qu'on n'a pas le droit de se tromper, là. C'est la cuvée 2012 pour faire en sorte de donner des outils au système pour que ceux qui contreviennent aux lois...

Les innocents, ils n'ont pas à se casser la tête. Je l'ai dit, il n'y a pas tellement longtemps: Quand tu n'as rien à te reprocher, tu n'as pas peur de voir débarquer la police chez vous le lendemain matin. Et il y aura toujours, et on en a parlé cet après-midi, il y aura toujours possibilité, parce qu'on vit dans une société de droit, que, s'il y a une décision qui est prise et qui est à l'encontre de ce que c'est qu'on a comme lois au Québec, elle pourra toujours faire l'objet d'une révision judiciaire, puis on va s'assurer que ça sera dans les bonifications de la loi. Merci, M. le Président.

**(17 h 10)**

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Oui. M. le député de Louis-Hébert, il vous reste sept minutes.

M. Hamad: Sept minutes, O.K. L'article 21.20, je ne sais pas si vous avez regardé dans le projet de loi, où il y a un pouvoir discrétionnaire au Conseil du trésor de donner un contrat dans l'absence d'une autorisation et s'il estime qu'il est dans l'intérêt public... Là, on revient au concept d'intérêt public. Je comprends, ça peut arriver. Une loi, des fois, on est mieux de laisser des ouvertures pour des cas d'exception. Je comprends ça. Cependant, là, on a une discrétion pour enlever les autorisations puis, en même temps, on laisse la discrétion pour donner des contrats.

Alors, trouvez-vous qu'à cette place-là il y a peut-être une place d'amélioration, dans les deux sens? C'est-à-dire, si je vais donner un contrat avec l'absence d'autorisation, il me semble, je devrais cadrer ça davantage avec des règles.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Giroux.

M. Giroux (Michel): Votre question, c'est: J'ai le pouvoir discrétionnaire, si je n'ai pas de certificat, à pouvoir donner le contrat?

M. Hamad: C'est que 21.19, là, le Conseil du trésor peut arriver et enlever le contrat parce que vous n'avez pas l'autorisation ou d'autres raisons. Et là évidemment ce n'est pas décrit comment, là. C'est discrétionnaire, ça enlève le contrat.

En même temps, le Conseil du trésor peut donner un contrat sans que l'entreprise ait l'autorisation de toutes les procédures. Je comprends, ça peut arriver une exception: verglas ou on a un cas d'urgence puis là on est obligés de réaliser des travaux.

Mais, pour vous, là, comme entrepreneur, là, tu sais, comme entrepreneur, pour le 21.19, avec la discrétion, puis le 21.20 pour la discrétion, est-ce que vous êtes à l'aise, avoir des pouvoirs discrétionnaires... Bien, en fait, quand on dit Conseil du trésor, là, ce n'est pas le ministre qui va signer ces autorisations-là. Ce n'est pas écrit. Ça veut dire qu'il va y avoir un fonctionnaire qui va donner des autorisations. Je ne sais pas c'est quoi... Là-dedans, ce n'est pas clair, c'est qui qui donne l'autorisation. C'est le ministre? Le Conseil du trésor, c'est-à-dire le ministre et les membres, là, les cinq membres. Alors, les cinq membres vont autoriser ces éléments-là, discrétionnaires.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Bégin.

M. Bégin (Simon): Dans la Loi sur les contrats des organismes publics, il y a une disposition qui permet au Conseil du trésor de passer outre la procédure d'appel d'offres, à certaines conditions qui sont bien déterminées. Alors, peut-être que le législateur pourrait s'inspirer de ces conditions-là pour dire à quelles conditions le Conseil du trésor pourrait accorder un contrat sans qu'il y ait d'autorisation. On pourrait rajouter, à la loi, ces conditions-là. C'est des questions, je pense, d'urgence, de sécurité publique ou autre, là, s'il y a un seul fournisseur qui est disponible ou... Je ne les ai pas de mémoire, là, par coeur, là.

Mais alors ça pourrait peut-être être une façon puis ça bonifierait le projet de loi, parce qu'encore une fois on viendrait réduire cette discrétion-là qui peut être accordée, tout comme la discrétion de l'AMF doit être bien balisée pour que les bonnes décisions soient rendues.

M. Hamad: Vous avez, je pense, appuyé la loi n° 35, l'adoption, vous étiez en accord pour augmenter les mesures contre la collusion et la corruption et pour l'intégrité. Et, dans cette loi-là, vous vous rappelez qu'on a augmenté les pouvoirs de la Régie du bâtiment en mettant une vice-présidence enquête, où la Régie du bâtiment peut faire des enquêtes, peut émettre des permis de licence d'entrepreneur et peut suivre ces éléments-là, même, pouvoir d'enquête pour aller enquêter sur les situations des entrepreneurs, des actionnaires, etc. Pensez-vous que la Régie du bâtiment, elle est absente dans ce projet de loi là?

M. Bégin (Simon): Alors, oui, la Régie du bâtiment, avec la loi n° 35, se faisait vraiment consacrer un rôle, là. Quoi qu'en dise, la loi n° 35, là, c'était une bonne loi. Je veux dire, c'était une loi qui identifiait clairement des choses que les entrepreneurs n'avaient pas le droit de faire, qui prévoyait qu'ils seraient sanctionnés en conséquence, qui donnait des pouvoirs d'enquête puis qui permet aux entrepreneurs de se faire entendre devant la Régie du bâtiment, qui est un forum spécialisé, hein, la Régie du bâtiment, par rapport à l'Autorité des marchés financiers.

Est-ce que tous les efforts qui ont été mis en place à la Régie du bâtiment pour développer cette expertise-là sur l'industrie de la construction puis sur l'octroi des contrats vont se perdre parce que ça va être transféré à l'AMF? Il faudrait peut-être penser à la préserver ou peut-être même préserver le rôle de la RBQ dans le cadre de cette autorisation-là. Parce que, qu'est-ce qui marche, dans le fond, là? Puis, à la commission d'enquête, il y a des gens qui l'ont dit, là, c'est quand il y a des enquêteurs qui dévoilent des situations, qui les rapportent puis qui finissent par être jugés.

Alors, qu'on émette les autorisations qu'on veuille, s'il y a des enquêtes qui se font, si l'UPAC, son rôle est renforcé, comme le prévoit le projet de loi, en faisant des enquêtes, bien, ça va arriver vraiment à un caractère dissuasif, là. Mais ces interlocuteurs-là... On ne doit pas abolir les efforts qui ont été mis en place à la Régie du bâtiment, là, parce que ce serait un peu un coup d'épée dans l'eau, à ce moment-là. Ça fait un an qu'il y a une expertise qui est développée à la Régie du bâtiment. Alors, peut-être la maintenir, ou la transférer à l'AMF, ou les faire travailler ensemble.

M. Hamad: Comprenant que le projet de loi couvre l'ensemble des contrats, et, dans ces contrats-là, on parle de chiffres approximatifs de 15 milliards sur 24, donc vous voyez davantage que le volet construction doit être coordonné avec les mesures qu'on a déjà mises en place. On peut renforcer ce que nous avons fait, exemple, sur le volet actionnariat, le nombre d'actions votantes pour justement remédier aux dernières situations que nos avons vécues en janvier, février, mars 2012. Alors donc, vous voyez davantage que le volet construction.

Ça n'empêche pas que l'UPAC peut toujours faire des enquêtes, et d'ailleurs, dans les opérations que nous avons mises en place dans le passé, l'UPAC, Revenu, la Commission de la construction et la Régie du bâtiment, c'est des équipes intégrées qui font des enquêtes ensemble. Donc, ces gens-là vont continuer à travailler. Et, par contre, la Régie du bâtiment doit continuer à avoir son modèle d'enquête pour la construction. Et, lorsqu'on sort en dehors de la construction, domaine de la construction, dans le domaine des contrats, là, ça peut donner un pouvoir à l'Autorité des marchés financiers, puis ça va alléger davantage la charge qu'on donne et ce qui va donner davantage une efficacité à l'Autorité des marchés. Pensez-vous que c'est un bon cheminement qu'on peut prendre?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Vous avez zéro seconde pour répondre, alors...

M. Hamad: Oui ou non?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): ...on peut faire ça vite?

Mme Bourque (Gisèle): Écoutez, moi, je pense, personnellement, on n'en a pas discuté ensemble, bien sûr, à l'association, mais ça serait une bonne solution.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Et je cède la parole maintenant à M. le député de Saint-Jérôme.

**(17 h 20)**

M. Duchesneau: Merci, M. le Président. D'abord, quelques commentaires, après ça j'irai avec des questions. Je suis fier que vous ayez mentionné que la grande majorité de vos entrepreneurs étaient des gens honnêtes parce que je le crois. Mais je crois aussi que l'ACRGTQ a été très silencieuse pendant très longtemps pour, justement, dénoncer des situations qui dérapaient. Ça fait partie du commentaire.

Vous avez mentionné dans vos commentaires que vous aviez peur de tuer la concurrence. Je pense que c'est un point qui est très légitime. Si on prend des moyens légaux pour tuer la concurrence, on n'avance pas. Moi aussi, j'ai été touché par le commentaire de ne pas se précipiter pour faire des choses. Je pense qu'il y a urgence dans la demeure. Il faut qu'on s'entende là-dessus.

Par contre, je ne suis pas prêt à accepter n'importe quoi tout simplement pour aller vite. Et moi, j'ai l'impression que cette loi-là a énormément de trous, parce qu'on s'attaque uniquement à faire une vérification de la probité des gens qui travaillent, mais il y a d'autres choses qu'on pourrait faire. Et, là-dessus, je suis surpris que, quand vous me dites que vos entrepreneurs sont, dans la grande majorité, honnêtes, je suis surpris, quand on sait que c'est un triangle, la collusion, il y a un corrupteur, il y a un corrompu puis il y a un public qui paie, et que vous faisiez porter le fardeau uniquement sur les épaules de vos entrepreneurs et vous ne faites pas de suggestion quant aux fonctionnaires corrompus, quant aux élus corrompus, alors que c'est la tribune pour le faire ici puis dire: Écoutez, là, si nos gens veulent corrompre, puis il n'y a pas d'élu ou de fonctionnaire qui l'accepte, il n'y en aura pas de corruption. Ça fait que ça, c'est un trou immense dans ce projet de loi là. Et j'aimerais vous entendre, si le projet de loi tel qu'il est, est-ce qu'il atteint son but, selon vous, de dissuader les gens qui pourraient être corrompus, parmi les entrepreneurs?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Giroux.

M. Giroux (Michel): Au niveau de la corruption et de la collusion, il y a deux paramètres qui sont importants pour moi. Il y a un donneur d'ouvrage et, en bout de piste, un entrepreneur. Entre les deux, il y a eu beaucoup d'intervenants.

Je ne sais pas si vous vous rappelez, dans les années 80, le ministère des Affaires municipales, je crois, avait créé la Société québécoise d'assainissement des eaux. Le Québec avait un grand projet pour assainir les eaux usées au Québec, et parallèlement, au ministère des Affaires municipales, ils avaient créé la Société québécoise d'assainissement des eaux. Et cette branche-là avait l'expertise technique d'exécuter les travaux, comment ça se fait, les travaux, ça commence où, ça implique qui, ça finit où. Il y avait des gens, à l'intérieur de ça, hautement qualifiés pour répondre à un objectif précis du gouvernement du Québec.

Moi, je vous encouragerais, envers le MAMROT, de peut-être créer un service comme ça qui pourrait être la société des travaux municipaux, qui, eux, auraient l'expertise technique et de réalisation des travaux. Parce que les gens du MAMROT aujourd'hui, c'est des gens qui sont plus familiers avec le législatif, l'administratif. C'est plus ce genre de dossiers là qu'ils sont habitués à travailler. Mais, au niveau de l'exécution des travaux, il y a tellement de disparités de régions, de municipalités, alors ça laisse beaucoup de marge de manoeuvre pour ceux qui peuvent travailler dans ce domaine-là.

S'il y avait une branche parallèle au MAMROT qui serait spécialisée dans les travaux municipaux, peut-être qu'il y aurait une standardisation des travaux, une standardisation des plans et devis, des devis, des façons de procéder, parce qu'aujourd'hui chacune des municipalités a sa particularité, pour différentes raisons, de matériaux, de techniques de travail, différentes raisons, et ça, ça devient de plus en plus compliqué à gérer pour nous autres, les entrepreneurs.

Je fais ce parallèle-là, parce qu'au ministère des Transports vous l'avez un peu avec le vérificateur qui est dans les différentes directions territoriales. Il y a un processus supplémentaire, avant d'octroyer les contrats, qui a été mis en place. On sait qu'ils ont été débordés au début. Ça semble vouloir prendre un rythme de croisière. Mais, au moins, il y a une étape supplémentaire avant de dire: Oui, on connaît le plus bas soumissionnaire, il est conforme, go. Il y a une étape supplémentaire, et je pense que, dans l'intérêt du public et, je dirais, la confiance du public, ces étapes-là supplémentaires avant d'adjuger un contrat, je pense que c'est significatif.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Saint-Jérôme.

M. Duchesneau: Je sais qu'il me reste à peu près 30 secondes, une courte réponse, mais je reviens à ma question. Ça ne vous préoccupe pas qu'il n'y ait pas une disposition dans la loi qui traite des gens qui sont corrompus et qui font partie de l'équation dont vous faites partie? Si vos gens sont honnêtes puis qu'il y a quelqu'un, avec qui ils travaillent, qui est malhonnête, ce n'est pas une préoccupation pour vous?

M. Giroux (Michel): C'est pour ça que je vous réponds...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Giroux.

M. Giroux (Michel): C'est pour ça que je vous réponds: Lorsqu'il y a un processus supplémentaire, que ce soit le Vérificateur général ou une branche au niveau du MAMROT qui aurait une mainmise avant l'octroi des contrats, qu'il y aurait des gens qui connaissent l'industrie de la construction et des gens qui auraient l'intégrité pour procéder à ces vérifications-là, on serait pleinement...

M. Duchesneau: Ce serait la seule chose que vous apporteriez pour bonifier le projet de loi tel qu'il est actuellement.

M. Giroux (Michel): Nous, on a été avisés jeudi passé qu'on passait en commission parlementaire aujourd'hui. Ça a été très vite. On n'a pas eu la chance de faire une réflexion très, très longue concernant ça, mais je pense que le processus avant l'octroi des contrats, qu'il y ait un processus supplémentaire, nous, on est d'accord avec ça, et qui est fait avec rigueur.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. Giroux. Mme Bourque, M. Giroux, M. Bégin, merci énormément de votre participation à notre commission.

Et je suspends les travaux quelques minutes pour permettre aux représentants de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 25)

 

(Reprise à 17 h 28)

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Bienvenue aux représentants de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec. Vous savez un peu comment on fonctionne: Vous avez 10 minutes pour vous présenter, vous identifier puis présenter votre mémoire. Vous avez la parole.

Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec inc. (APCHQ)

M. Bernier (François): Alors, merci. Je suis François Bernier, directeur du service économique de l'APCHQ. J'ai Me Jacinthe Savoie, directrice du contentieux, avec moi et Michel Parent, M. Michel Parent qui est de l'entreprise Logisco, ici, dans la région de Québec, pour vous apporter un éclairage.

Évidemment, si c'était juste une question de contrats de 50 millions, on ne serait pas ici, hein, puisque nos activités, la nature des activités de nos membres sont essentiellement dans le domaine résidentiel. On voit le projet de loi d'abord et avant tout comme une démarche, une démarche à laquelle on veut être présents pour dire qu'on souscrit pleinement à la démarche, évidemment, dans laquelle on s'engage pour lutter contre la corruption et la collusion.

Alors, nos membres. Vous le savez, on est une organisation qui est là depuis 51 ans, avec plus de 17 000 entreprises qu'on dessert. Alors, on a, parmi ces entreprises-là, des entreprises qui travaillent dans de multiples secteurs, dont l'institutionnel. Donc, il y a vraiment un intérêt direct aussi de parler du dossier. Mais il n'est pas nécessaire d'être dans le secteur des contrats gouvernementaux pour être interpellé par tout ça, parce que c'est toute la réputation de l'industrie qui est entachée, et, dans la mesure où on fait des progrès avec le projet de loi n° 1, alors ça contribue beaucoup à rétablir la confiance envers l'ensemble d'une industrie qui en a bien besoin.

On a regroupé nos commentaires dans quelques chapitres, puis, on vous avertit tout de suite, ça ne s'est pas fait avec collusion ou corruption avec certains de nos collègues, mais il y a des commentaires qui reviennent nécessairement.

Une voix: ...

M. Bernier (François): Oui, mais on ne pouvait pas l'écrire tout à l'heure. Mais là, puisque c'est déposé...

M. Bédard: ...

**(17 h 30)**

M. Bernier (François): ...puisque c'est déposé devant vous, mais il faut, à notre tour, aussi parler de la question de l'arrimage avec la Régie du bâtiment. Écoutez, je pense que ça a été démontré ou expliqué déjà, là, mais on a déjà élaboré un système important sous la Loi du bâtiment, administré par la Régie du bâtiment. Ça apparaît un peu invraisemblable, là, bon, de ne pas regarder comment en tirer le maximum de bénéfices.

On comprend que ce qui est envisagé pour l'AMF, c'est peut-être bien important et bien utile là où il n'existe rien encore, mais réalisons bien que, si on ne porte pas attention aux acquis qu'on a à travers la Loi du bâtiment puis les encadrements de la Régie du bâtiment, bien, on risque de dédoubler des considérations administratives, des coûts et un peu aussi de discréditer tout le régime d'encadrement des licences.

Parce qu'il ne faut pas se le cacher, là, si on a un régime à deux vitesses, on va avoir une certification AMF et les autres qui n'ont que de simples licences. C'est presque de dire aux gens: Écoutez, vous n'êtes pas assez bons, trop risqués pour transiger avec les contrats publics, mais allez-y gaiement dans le public en général. On ne peut pas avoir ce genre de message là. Et, pour les entreprises de construction, on voudrait tous que notre licence, finalement, soit digne... soit un indicateur clair de notre probité. Et on a déjà tellement d'acquis à travers la régie. On dit: Profitez-en, bâtissez là-dessus. Et, s'il faut tourner quelques boulons à la Régie du bâtiment, bien, je pense que c'est peut-être là qu'on pourrait finaliser un système, là, qui fonctionnerait assez bien.

Pour ce qui est de la révocation ou non-renouvellement des autorisations, on comprend qu'il y a... Dans la chaîne de sous-traitance, si tout à coup un sous-traitant perd son autorisation, bien, il est tenu d'informer de sur quel contrat public il aurait pu travailler, également à quel autre sous-traitant il aurait pu... Mais, dans cette chaîne-là, s'il y avait un entrepreneur général ou d'autres, il n'y a pas vraiment de mécanisme qui est prévu pour aviser cet entrepreneur général là qui est dans la chaîne. Peut-être quelque chose qui est à préciser, mais ce n'est pas apparent, là, en quelle mesure il serait avisé.

Par contre, les pénalités sont tranchantes, elles. Des milliers de dollars dès que, de fait, on a transigé avec quelqu'un qui devait avoir une autorisation et qui ne l'a pas, mais on ne le sait pas. Alors, il faut faire la différence entre celui qui ne le sait pas exactement, celui qui devrait le savoir, qui néglige ça. Donc, il y a une communication à envisager pour s'assurer que, face aux pénalités... enfin, on les attribue à des gens qui ont été quand même négligents et pas simplement mal informés. Il ne faut pas se lever à tous les matins pour savoir si la liste de nos sous-traitants est conforme, là, il faut avoir un mécanisme un peu plus facile que ça pour se renseigner.

Sur les aspects discrétionnaires, ça a été abordé déjà, puis je pense que ça va l'être constamment durant la commission, il est difficile d'entrevoir un système où on sanctionne des gens pour des situations où ils pourraient éventuellement être acquittés. Ça le sera toujours. Tout le monde va faire cette remarque-là, c'est certain. À titre d'exemple, la simple mise en accusation. Bon, c'est un exemple, là, qui va revenir, je pense, pour illustrer la chose. Puis, dans ce cas-ci particulièrement, c'est une tache qui apparaîtrait au dossier et qui pourrait rester au dossier. Il n'y a rien qui semble réhabiliter l'entreprise après son acquittement, là. C'est une tache, c'est une tache. On est pris avec.

Donc, il y a des choses comme ça qui sont tranchantes, et on pourrait en faire la liste bien au long. Mais, au fond, ce à quoi on en vient, nous, c'est qu'il n'est pas question de défendre l'indéfendable, il n'est pas question de remettre en question cette liste-là ou votre volonté d'être extrêmement fermes.

Par contre, l'idée qu'il y ait un quelconque... Il y a quelques courts délais qui sont prévus pour faire valoir les points, hein, mais c'est bien peu. Alors, il y a peut-être lieu d'avoir un certain mécanisme de révision qui viendrait avec ça. Puis je pense que tout à l'heure les gens parlaient de ce qui existe au niveau de la Régie du bâtiment. Alors, encore une fois, on y revient, mais il y a peut-être des mécanismes qui donnent une chance de mieux se faire entendre que ce qui est envisagé pour l'instant.

Quant aux donneurs d'ouvrage, bien là, écoutez, toute la substance du projet de loi se trouve dans un article 8 qui nomme un responsable de l'observation des règles contractuelles. Entre vous et moi, j'espère qu'il y a déjà des responsables des observations des règles contractuelles. C'est quelque chose qu'on partirait de loin si on n'avait pas déjà quand même une certaine forme de responsabilité dans cette matière-là.

Mais évidemment, partant de là, il faut toujours se rappeler que la collusion, ça implique deux personnes, et donc il faut voir qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer de ce côté-là. C'est-à-dire qu'il n'y a pas que les entrepreneurs à responsabiliser, il y a tous les donneurs d'ouvrage. Ça va de soi.

Pensons aux moyens qu'on pourrait aussi donner aux donneurs d'ouvrage, des moyens additionnels, des réflexions -- puis vous en avez entendus aujourd'hui -- pour mieux les équiper, leur donner des moyens de faire leur travail, leur contribution à la lutte à la fraude.

Alors, le projet nous surprend, par exemple, mais complètement, sur l'économie des mesures du côté des donneurs d'ouvrage. On n'a rien... Le mot «municipal»... Je ne comprends pas, là, ça ne se peut pas. On a un autre chapitre qui s'en vient concernant... Ça fait des semaines qu'on entend parler de municipalités puis de corruption, mais, parmi les contrats publics, là, les municipalités, où elles sont? L'imputabilité des gens puis des élus, c'est où? Comme observateurs du dossier, franchement on est un peu surpris, là.

Mais on le voit comme une démarche. On voit qu'il y a quelque chose qui va avancer, puis il y aura de la matière qui va suivre. Nous, on en est assez persuadés, de le voir... En tout cas, on le voit comme ça.

Alors, nous, dans cet esprit-là, pensant déjà au futur, pensant déjà à l'implication des municipalités, on a quand même trouvé intéressante l'idée d'un bureau municipal d'évaluation des prix, une idée qui est venue de la part du monde municipal; aussi de trouver une façon aux élus municipaux de se désengager d'appels d'offres qu'on croit viciés. Tu sais, on en a entendu, du monde qui se croyait pieds et poings liés devant les appels d'offres, parfois, dans le monde municipal. Il faudrait que ces éléments-là soient abordés assez rapidement. On peut l'espérer.

Mais finalement, si on veut vraiment responsabiliser les donneurs d'ouvrage, là, par rapport à la corruption puis la collusion, bien, il faudrait commencer à parler de sanctions. Je veux dire, au fond, si un directeur général de ville est profondément incompétent, je pense qu'on en a besoin d'un autre.

Alors, les infrastructures résidentielles -- puis là on est en voie de conséquence d'où est-ce qu'on s'en va avec tout ça -- on veut vous rappeler qu'au fond il y a vraiment, pour le client résidentiel, un double effet, là, non seulement comme payeur de taxes, mais puisqu'on doit assumer le coût des infrastructures directement. Et on est très soucieux de voir ça, surtout quand on entend des surcoûts importants dans les réalisations de travaux d'infrastructures.

On est soucieux de ça parce que tout se ramène à un seul payeur dans le domaine résidentiel, puis ça s'en va... il n'y a pas d'effet dilué dans l'ensemble de la société, là. Alors, on est vraiment soucieux du problème d'abordabilité, qu'on devrait tous avoir au Québec. L'abordabilité du logement est un problème à régler avec un encadrement cohérent, fonctionnel du marché. Et il ne faut pas oublier, c'est dans une période un peu de ralentissement pour notre industrie et aussi qu'on nous demande de densifier davantage les projets, ce qui appelle à des travaux d'infrastructures peut-être plus ambitieux que la simple construction traditionnelle.

Alors, on a un bénéfice attendu, nous, du côté du résidentiel, puis, dans ce sens-là, on souhaite vraiment que les projets municipaux, éventuellement, fassent l'objet d'un suivi particulier, parce qu'on veut aussi en voir les résultats, les effets, de cette démarche-là.

Alors, en terminant, l'AMF, bien, on a toutes sortes d'opinions là-dessus, mais nous, on craint qu'elle soit victime de son succès. On a des témoignages dans notre industrie, des gens qui n'ont rien à voir avec le secteur des contrats institutionnels ou gouvernementaux, rien à voir, mais des gens qui se cherchent un label pour dire: Moi, je suis honnête, je l'ai été depuis tellement longtemps et j'ai hâte de pouvoir en faire preuve.

Ça fait que, dans cet esprit-là et pour faciliter l'entrée des choses, on pense qu'une approche avec séquences, une approche graduelle pourrait faciliter, bon, de bien servir, tour à tour, les industries. Et voyez ça un petit peu en parallèle avec la discussion précédente sur la Régie du bâtiment. Si on a quelques boulons à aller faire là avant de mettre le système en marche, bien, ça fait peut-être l'affaire de tout le monde.

Voilà nos commentaires. Je vous remercie.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. Bernier. Eh bien, nous entamons maintenant une période d'échange qui sera commencée par les représentants gouvernementaux. M. le ministre.

M. Bédard: Oui. Merci, le député de Rimouski. Alors, ça me fait plaisir, effectivement. Et je sais que vous avez dû faire vite et bien, des fois ce n'est pas évident dans les délais qui sont impartis. Donc, je vous remercie de vos commentaires. Ça me fait vraiment plaisir.

La première chose, c'est que je vais en profiter un peu pour déboulonner un élément, là, qui semble comme un peu s'incruster, là, actuellement. C'est que la Régie du bâtiment va se concentrer sur ce qu'elle fait. En matière de sécurité, elle a toutes les compétences. Et là je vous parle de sécurité sur les chantiers, de sécurité au niveau des pratiques. Donc, on va repositionner les organisations par rapport à leur vocation première. Alors, la Régie du bâtiment n'aura plus le rôle qu'elle avait. C'est l'AMF et l'UPAC qui joueront ce rôle. Je veux être clair, là. On ne demandera pas aux deux mêmes organisations de faire la même affaire, là.

Moi, mon organisation, c'est l'AMF avec l'UPAC. Voilà. Et la Régie du bâtiment va continuer à jouer son rôle qu'elle faisait et qu'elle a toujours, j'imagine, bien fait. Alors, c'est pour ça. Ce n'est pas un tour de boulon qu'on fait, là, c'est qu'on s'est rendu compte que ça ne fonctionnait pas. On s'entend, là, il y a des entreprises qui contournaient la loi de façon évidente, épeurante même, ont même rendu ridicule l'application de la loi, là -- il faut se le dire, on va se parler clairement, là -- ridicule l'application de la loi, et la loi a été tournée en bourrique.

Alors là, moi, ce n'est pas un tour de roue que je vais donner, là. Ce que j'arrive plutôt, c'est que ce qu'on va s'assurer, c'est que l'AMF et l'UPAC vont avoir des pouvoirs qui, eux, vont nous éviter de commettre les mêmes erreurs qu'on a faites dans le passé. Alors, c'est ça que je veux être clair.

**(17 h 40)**

Ce qui fait que, pour vos membres, ce qui est important, c'est d'avoir une séquence, et là c'est pour ça que vous, vous avez des préoccupations par rapport à certains aspects pratiques. Puis mon objectif, ça va être de les rencontrer, là. Autrement dit, au niveau de l'application, de quelle façon on crée l'application de la loi pour faire en sorte qu'elle fonctionne bien, puis que ça ne soit pas un frein aux chantiers, puis... Ça, vous avez vu, moi, je n'ai bloqué aucun chantier au Québec, là. Et c'est mon objectif, donc ce qui fait qu'on va tout de suite cibler certains contrats au départ, dans la mise en application, pour, au contraire de ce qui vous apeure, là, éviter toute suspension.

Ce qu'il faut faire, c'est que les contrats continuent, mais les entreprises, elles, qui n'auront pas l'habilitation, bien, elles, elles vont arrêter, tout simplement, et on va permettre aux autres entreprises, celles qui ont des bonnes pratiques, de fonctionner. Ça, c'est notre objectif.

Et c'est pour ça que, la Régie du bâtiment, là, on n'est pas là-dedans, là. Elle, elle va conserver son rôle et sa nature qu'elle avait, et on ne lui enlèvera pas, là. Je veux être clair là-dessus. Mais l'AMF, elle -- et c'est beaucoup plus naturel -- ainsi que l'UPAC auront ce rôle-là au niveau de la protection du public en termes de probité. C'est pour ça qu'il faut séparer les deux choses maintenant à partir du projet de loi.

Où je vois que vous avez un bon point, c'est par rapport aux contrats d'entreprises, celles qu'il y a des sous-traitants qui vont faire l'objet d'une non-habilitation, finalement. Puis effectivement, ce que je comprends, c'est que vous souhaitez qu'il y ait comme un registre ou un préavis qui soit donné au contracteur général. C'est ça?

M. Bernier (François): Ah oui, oui. Excusez, je... Oui, tout à fait, parce que c'est un problème de communication puis d'information qui nous semble être là.

M. Bédard: O.K. Donc, un bon registre public clair avec un préavis à l'entreprise directement.

M. Bernier (François): Plus qu'un registre, parce qu'un registre... On peut penser à cette image bête que je disais tout à l'heure, là: il ne faut pas se lever à tous les matins pour être obligé de consulter le registre, là. Il faut déjà qu'il y ait l'idée d'aviser qui est là. Il faudrait que l'obligation d'aviser soit la plus riche possible. Comme ça, bien, c'est la personne qui aurait ignoré l'avis qui aurait un problème, hein?

M. Bédard: Bien, à ce moment-là, tout le monde serait au courant en même temps. Ce que vous me dites, c'est: J'aime mieux que mon entrepreneur, lui, celui qui donne le contrat, le sache automatiquement, qu'il ne l'apprenne pas en même temps que tout le monde. C'est ce que vous me dites, finalement. C'est ça?

M. Bernier (François): Bien, parce que, si on comprend bien, il est en défaut, là. Il transigerait, à partir d'un certain point...

M. Bédard: Bien, pas lui, le...

M. Bernier (François): ...avec quelqu'un qui n'a plus le droit d'opérer. Alors, pour ne pas l'exposer à une punition, il faudrait trouver une façon qu'il soit informé le mieux possible, le plus rapidement possible, qu'il fasse ce qu'il a à faire.

M. Bédard: En cours de contrat, effectivement. Mais lui ne serait pas en punition en cours de contrat. C'est ça qu'il faut se dire, là. Lui, il contracte à une entreprise qui, elle, va se trouver en défaut.

M. Bernier (François): Les pénalités prévues le concernent, si on a bien compris, d'avoir transigé avec une entreprise qui était non conforme.

M. Bédard: Évidemment, non, à partir du moment où il l'apprend en même temps que tout le monde, là. S'il donne un contrat à une entreprise qu'il sait qui n'est pas habilitée, bien là c'est une autre chose, là. Là, on n'est pas là. Vous me dites: Une entreprise, tout d'un coup, ça sort, c'est une entreprise qui fait l'objet d'une non-habilitation. Donc là, à ce moment-là, il y a des mécanismes qui sont prévus, et ce n'est pas l'entreprise elle-même qui se trouve en défaut, ce n'est pas l'entreprise qui a donné le contrat.

Donc, c'est ça qu'il faut viser et faire en sorte que l'entreprise qui a, elle, obtenu la non-habilitation va, elle, se retrouver en défaut. C'est ce que vous souhaitez, vous, là.

M. Bernier (François): Je comprends que votre intention n'est pas de pénaliser... je vais utiliser le vocable d'«entrepreneur général» dont le sous-traitant aurait vu son autorisation retirée par l'AMF. Ce n'est pas votre intention. Je pense que ce n'est l'intention de personne.

Mais les dispositifs qui sont là, l'article de pénalité qui est là dit: Si on te voit transiger avec quelqu'un qui n'a pas son autorisation, il y a pénalité. C'est oui ou c'est non. Alors, ce n'est pas l'intention, mais il faudrait voir comment faire en sorte que ça n'arrive pas, hein, dans les cas de gens qui, face à l'information...

M. Bédard: On dit la même chose. On dit la même chose.

M. Bernier (François): On dit la même chose. C'est ça que je voulais clarifier.

M. Bédard: C'est ça. Voilà. J'ai bien compris.

Sur le deuxième élément, où vous parlez des employés, là, tu sais, ça fait plusieurs fois que j'entends, bon, ceux qui donnent les contrats, finalement, ceux qui seraient corrompus et qui donnent les contrats. Vous comprendrez que le projet de loi actuel, il porte sur la probité des entreprises, parce qu'on parle des contrats publics. Évidemment, si vous allez dans les codes d'éthique, quelqu'un qui vole ou qui participe à une collusion, qui est employé de l'État, il va être congédié automatiquement, là. Autrement dit, c'est un manquement grave à ses obligations contractuelles, là.

Le problème, c'est que ce n'est pas ça. Le problème... Comment on repère ça avant, justement? C'est la question qu'on s'est posée aussi. Et vous comprendrez que, dans le texte actuel, je ne peux pas mélanger deux choses. J'ai beau refaire le code d'éthique au complet, ça ne fera pas en sorte que je vais pogner ceux qui, je vous dirais, ont des pratiques malhonnêtes. C'est ça, le problème actuellement. J'ai beau avoir le plus gros code d'éthique que tu peux avoir sur terre, les plus grosses sanctions, il reste que je ne peux pas faire plus que congédier quelqu'un, dans la vie, là, comme employeur. Donc, plutôt, il faut voir comment on peut repérer, avant, ce type de pratique là. Et là les forces policières peuvent nous aider. Et c'est pour ça que...

Vous voyez, ça fait 40 jours que nous sommes en poste. Je ne peux pas apporter une solution pour chaque problème qu'il y a eu. Alors, j'ai pris le dossier dans l'état où il était. Mais soyez patients, vous allez voir. On est en train de regarder. Il y a une solution qui va être sur la table. Actuellement, je veux finir ce projet de loi là, et ça n'empêche pas l'application du droit du travail qui va être... Moi, la directive va être donnée très claire, là: il y a une tolérance zéro par rapport à ça, là. Mais, encore là, je ne suis pas en détection... Ce n'est pas le vérificateur qui va me donner ça, il y a d'autres méthodes. Et on va arriver avec quelque chose, vous allez voir, et à très court terme. Donc, laissez-moi peut-être encore 40 jours, là.

M. Bernier (François): On prend ça comme une confirmation que c'est une démarche qui va vers autre chose. Mais vous me permettrez quand même...

M. Bédard: Allez-y.

M. Bernier (François): ...un petit peu d'insister. Je vais le congédier, moi aussi, instantanément, le gars, mais c'est son patron qui m'intéresse. C'est la personne responsable en haut, le dirigeant, qui doit assumer une certaine responsabilité. Je regrette, là, mais on ne peut pas être dirigeant d'une société gouvernementale quelconque puis ne pas avoir une certaine responsabilité, là, dans cette chaîne-là. L'employé de bas, ça va, là, mais il y a une question d'imputabilité, en tout cas en termes d'attente, pour la suite des choses, pour la démarche, qui nous vient à l'esprit, imputabilité des dirigeants.

C'était la remarque qu'on tenait à faire. Parce que les dirigeants d'entreprise, eux, la responsabilité, je pense qu'on leur a clairement mis le nez devant, là.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le ministre.

M. Bédard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Et nous passons... M. le député de Louis-Hébert.

M. Hamad: Merci. D'abord, merci beaucoup d'être ici. Alors, je vais saluer M. Bernier, M. Savoie et M. Parent, particulièrement M. Parent, un entrepreneur de Québec dans l'habitation et...

Une voix: Madame.

M. Hamad: C'est Mme Savoie. Mme Savoie. Mme Savoie.

Une voix: ...

M. Hamad: Non, non. Non.

Une petite question rapide. Je veux avoir une réponse rapide, puis après ça on va aller dans le détail. Est-ce que le marché immobilier à Québec va bien... ou dans l'ensemble du Québec va bien depuis le mois de septembre? Depuis le mois de septembre...

M. Bernier (François): Pour la question de Québec, je vous laisse...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Parent.

M. Parent (Michel): Oui. Bien, en général, là, je pense qu'on a une région qui est encore choyée au niveau de la construction. Quand les gens travaillent, quand les gens sont à l'ouvrage puis que le bas taux de chômage est là, ça va bien. Il y a un petit ralentissement, bien entendu, mais on n'a rien pour s'inquiéter pour le moment, là. On est toujours très choyés.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député.

M. Hamad: Merci. On va aller à la question ici... Tantôt, vous avez parlé de sous-traitance. L'article 21.21, on dit: «Pour obtenir l'autorisation prévue à l'article 21.17, une entreprise qui souhaite conclure tout contrat public ou tout sous-contrat rattaché directement ou indirectement à ce contrat -- et là j'insiste sur le mot "indirectement à ce contrat" -- doit en faire la demande à l'Autorité des marchés financiers.»

«Indirectement». La barrière, la limite, on la met où? «Indirectement», c'est-u le sous-traitant de sous-traitant, le fournisseur du sous-traitant? Alors, comment vous voyez ça, cet article-là, vous?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Bernier.

M. Bernier (François): On comprend que... Bien, il y a une norme, hein, qui a flotté pendant un bon bout de temps. C'était la norme du 25 000 $, qui était là, je pense, comme repère pour les attestations de conformité de l'Agence du revenu. Je ne sais pas pourquoi, instantanément, en lisant le projet, on avait l'impression qu'on s'en allait vers cette balise-là en termes d'ampleur de contrat. C'est peut-être l'influence de l'autre mesure, là, mais on le voyait de même.

Quant à la discussion sur des fournisseurs de matériaux que j'ai entendue tout à l'heure, bien là, comme on dit, c'est une question d'opportunité, hein? Allez-vous investiguer à ce point-là face au risque, comme j'ai entendu tout à l'heure, qu'un quincaillier soit infiltré? Écoutez, là, je pense qu'il y a une question de risque à apprécier dans tout ça et qu'il faut qu'il y ait une limite. Puis je crois que, dans la démarche, cette balise-là en tout cas, elle semble être acquise un peu par tout le monde dans le processus. Dans la démarche, c'est vers les contrats d'à peu près cette ampleur-là et les sous-contrats de cette ampleur-là que ça pourrait s'arrêter. Je n'ai jamais entendu personne contester cette ligne-là à date.

**(17 h 50)**

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député.

M. Hamad: Dans vos recommandations, vous dites, vous suggérez «de bonifier le processus par un mécanisme de révision ou d'appel qui pourrait permettre ultimement d'accorder des recours aux entreprises dont on ne souhaite pas nécessairement l'exclusion». Autrement dit, l'Autorité des marchés décide qu'une entreprise on ne va pas donner l'autorisation, parce que c'est un pouvoir discrétionnaire, mais vous voulez accorder un droit d'appel aux entreprises, pouvoir se défendre puis dire: Bien là, vous m'avez enlevé le droit, j'ai telle raison, tel argument là-dessus. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Savoie.

Mme Savoie (Jacinthe): Oui. Effectivement, il y a énormément de pouvoirs discrétionnaires dans la loi, qui sont potentiellement utiles. Toutefois, ce qu'on recommande, c'est d'avoir le pendant de ça, le contrepoids, qui est un mécanisme de révision, d'appel qui serait vraiment spécialisé aussi et rapide. Parce que, si on va vers la Loi sur la justice administrative, c'est des délais qui sont longs et c'est un tribunal qui éventuellement n'est peut-être pas spécialisé. Ça prendrait un certain temps. On est dans un mode où ça va assez rapidement, donc de prévoir un mécanisme de révision ou d'appel directement dans la loi serait une bonne idée, selon nous.

M. Bernier (François): Oui, un mécanisme qui serait propre à la loi. Puis, simplement pour le voir en contrepoids, là, il y a 100 % d'effort qui est placé pour mettre quelqu'un hors circuit, mais, quelqu'un qui aurait quand même à faire valoir quelque chose, il y a très peu d'éléments, sauf un délai, je pense, de 10 jours, pour aller présenter sont point de vue.

C'est à la lumière de ça qu'on dit: Écoutez, là, les forces sont vraiment, là... il a le vent dans le visage, là. Est-ce qu'on peut, à l'intérieur de la loi, avoir un mécanisme? Encore une fois, on ne veut pas défendre l'indéfendable, on ne veut pas créer des délais inutiles, mais il faut quand même, quand on pense à ceux qui méritent quand même de survivre à ça, leur donner une quelconque solution potentielle. Pour l'instant, c'est un peu maigre.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député.

M. Hamad: Dans l'article 21.24, l'autorité peut refuser d'accorder ou révoquer une autorisation. Ça, c'est l'article 21.24, basé sur déclaration de culpabilité, etc., de l'entreprise. C'est pas mal similaire à ce que la Régie du bâtiment fait. Trouvez-vous qu'il y a un chevauchement entre les deux? Et surtout ici on définit une annexe, l'annexe A, qui ne correspond pas nécessairement à l'annexe de la Régie du bâtiment pour les infractions. Trouvez-vous qu'il y a une confusion ici ou un chevauchement entre les deux autorités? Qui qui va avoir raison?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Savoie.

Mme Savoie (Jacinthe): Oui. Effectivement, la Loi sur le bâtiment, quand on regarde ça, la régie a énormément de pouvoir. Elle a pouvoir sur les licences et, pour octroyer une licence, doit regarder si effectivement l'entrepreneur a la confiance du public. On parle de probité dans la loi, on parle de confiance du public, on parle d'intérêt public. C'est toutes des notions avec lesquelles les entrepreneurs composent déjà. Donc, de recommencer dans un autre processus... Pour nous, c'est une bonne chose de valider tous ces éléments-là, on est tout à fait d'accord avec ça, mais, de le faire deux fois, on trouve ça inutile.

Donc, quand on disait... les boulons tout à l'heure, c'est juste pour peut-être donner plus de pouvoir à la régie, qui fait déjà un travail et qui doit le faire en vertu de la loi. On reprend les mêmes termes: confiance du public, intérêt public, probité.

M. Bernier (François): Mais, pour insister, là...

M. Hamad: ...dire au ministre, là... Tantôt, il a dit: Régie du bâtiment, on ne donnera pas d'autre pouvoir, rien. Vous êtes en train de dire le contraire, c'est-à-dire que la Régie du bâtiment, elle a des pouvoirs actuellement, un rôle à jouer, puis on vient de chevaucher avec les pouvoirs des deux. Et finalement ça se peut qu'on fait les deux travaux complètement différents, il peut y avoir des contradictions entre deux décisions complètement différentes. C'est ça que vous êtes en train de dire? Oui?

Mme Savoie (Jacinthe): Oui.

M. Hamad: O.K.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie. Vous avez abordé la question de l'imputabilité des donneurs d'ouvrage, et vous en parlez d'ailleurs dans votre recommandation, à la page 8. Vous connaissez certainement, à ce moment-là, l'article 8 du projet de loi, et en particulier, dans l'article 8, le responsable de l'observation des règles contractuelles.

Est-ce que, pour vous, l'article 8, donc, qui introduit l'article 21.02, dans le cinquième alinéa, qui dit: «d'exercer toute autre fonction que le dirigeant peut requérir pour voir à l'observation des règles contractuelles», donc qui est un pouvoir très général, que peut-être qu'il y aura lieu, M. le ministre, de préciser ou pas, à l'heure actuelle, n'est pas déjà une manière de pouvoir régler en partie ce problème-là, pour vous?

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Bernier.

M. Bernier (François): On ne prétend pas que les dispositions qui sont là sont inutiles, non.

M. Gautrin: Vous vouliez les préciser?

M. Bernier (François): Ce n'est pas que de nommer un responsable de la conformité contractuelle, c'est inutile. Il en faut certainement un, puis je suis certain qu'un conseil d'administration va en nommer un, là, puis il va avoir une équipe, puis il va faire rapport, puis ci, puis ça. On va souhaiter qu'il fasse très, très bien son travail pour faire rapport aux autorités.

Mais c'est l'imputabilité de tous ceux qui reçoivent le rapport, c'est l'imputabilité de ceux qui l'ont nommé dont il serait intéressant d'entendre parler. Et c'est là la nuance, là. Puis, à notre sens, ce n'est pas tout géré dans ce qui est apporté aujourd'hui. La nomination ne fait pas tout le travail.

M. Gautrin: Mais vous connaissez certainement que, dans la Loi de l'administration publique, qui a intégré l'ancienne loi n° 198, qui était la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes, «organismes» entendu au sens restreint, Mme Blackburn, et non pas au sens global que vous disiez, à l'heure actuelle, fait en sorte que chacun des sous-ministres est imputable devant les parlementaires à la Commission de l'administration publique...

M. Hamad: Il ne parle pas de ça, là.

M. Gautrin: ...et donc -- mais non, mais attends un instant -- donc, implicitement, suivant la ligne hiérarchique, de savoir les gens qui sont sous leurs ordres. Est-ce que ça suffit ou non? Vous voulez des choses plus fortes? Parce que vous allez très fort. Il peut envisager des sanctions, c'est-à-dire vous voyez des sanctions à l'intérieur de la loi.

M. Bernier (François): Bien, écoutez, c'est notre point de vue. Une administration d'une...

M. Gautrin: ...pour connaître votre point de vue, hein?

M. Bernier (François): ...commission scolaire, ou autre, ou, tu sais, d'une entité qui fonctionne avec les fonds de l'État puis qui aurait un dispositif quelconque, là, d'un surveillant... Je veux dire, il faut que les gens, ils aient une certaine responsabilité. Je comprends... Puis je ne veux pas, surtout pas jouer à... tout comprendre, là, les lois du Québec, et tout ce qui arrive, mais, partant de ce qui existe, on pourrait penser que ce projet de loi là irait un peu plus loin pour préciser des responsabilités qu'on veut accorder parce que l'état des choses est que présentement on ne se sent pas très en sécurité. Alors, on veut, sur cette question-là, voir jusqu'où on peut aller pour que tous ceux qui ont à prendre des décisions avec les fonds publics soient bien concernés, partant de là où on est.

M. Gautrin: Alors, essentiellement, on pourrait essayer de creuser sur le pouvoir du responsable de l'observation des règles, de savoir s'il pourrait avoir un pouvoir étendu dans ce sens-là. Ça serait une possibilité.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Bernier.

M. Bernier (François): Moi, ce n'est pas le responsable, encore une fois, qui m'intéresse comme ceux qui l'ont nommé, ceux qui dirigent l'organisation. Je ne sais pas si on ne se comprend pas, là, mais je vois ce responsable-là comme étant une personne désignée dans l'administration publique et désignée par un dirigeant, puis c'est ce dirigeant-là auquel on pense.

M. Gautrin: ...le dirigeant, c'est le sous-ministre. C'est le sous-ministre qui est...

M. Hamad: ...avoir un chef de service...

M. Gautrin: Bien non, je m'excuse, là. Le dirigeant d'un organisme public, c'est quand même le dirigeant de l'organisme public. On pourra rediscuter après sur la définition d'organisme public, à l'heure actuelle, mais donc c'est quelqu'un... le responsable de l'observation des règles est nommé par la plus haute autorité du ministère, à l'heure actuelle, dans le projet de loi. Est-ce que je me trompe ou pas? Merci. Je ne me trompe pas.

M. Hamad: Non, vous ne vous trompez pas, vous avez raison...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Est-ce que vous avez une autre question à nos invités, M. le député de Verdun?

M. Gautrin: Bien, j'ai terminé...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Vous avez terminé. M. le député de...

Une voix: ...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): C'est bon? M. le député de Saint-Jérôme.

M. Duchesneau: En six minutes. Merci beaucoup. J'ai bien aimé vos commentaires. Il me semble que, quand on dit les vraies affaires, on se comprend bien. Ce n'est pas compliqué.

Et, notamment, que le donneur d'ouvrage soit totalement exclu du processus qu'on regarde actuellement est, d'après moi, un non-sens. Et j'apprends du président du Conseil du trésor qu'il nous prépare d'autre chose, mais, je vous en prie... Moi, je suis acheteur et j'ai hâte de l'entendre et de le voir. Sinon, notre exercice aujourd'hui a toutes les vertus, mais...

J'aime votre idée. En fait, c'est de créer comme un ISO intégrité qui pourrait être aussi, en même temps, pratique pour vos membres. Si on avait un moyen de démontrer au public -- parce que c'est le public actuellement qui se pose de grandes questions -- si on pouvait démontrer au public qu'il y a des gens, de votre association par exemple, qui ont montré patte blanche, moi, je pense que c'est un avantage.

**(18 heures)**

M. Bernier (François): Il y en a qui sont intéressés, même s'ils ne touchent pas du tout aux contrats publics, d'aller chercher mieux comme reconnaissance de leur probité. Tu sais, il y a vraiment des échos, là, dans ce sens-là.

Et, a contrario, nos licences d'entreprise doivent valoir et doivent vouloir dire quelque chose. Et ça, je vais vous avouer franchement qu'au moins sous l'angle du dédoublement j'ai beaucoup de misère à imaginer qu'on va dédoubler. J'ai beaucoup de misère à imaginer qu'on va dédoubler. Ensuite, bon, de quel bord on va compléter un exercice, mais rien qu'un, là? Ça, on peut en discuter encore, là. Mais ultimement, nos licences, puis la Régie du bâtiment, puis tout cet encadrement-là nous sert à quoi, là? C'est une remise en question que je ne croyais pas qui était aussi profonde, là, de ce rôle-là. Et nous, comme je vous disais, là, au premier abord, on croyait qu'en renforçant ce qui se passe à la Régie du bâtiment ça pourrait faire le travail. Mais, au moins, on ne dédouble pas.

M. Duchesneau: Mais est-ce que je comprends bien vos propos en disant qu'en fait c'est uniquement une vérification de probité qu'on a dans le projet de loi n° 1 actuellement? Et ça, ça vient un peu dédoubler votre licence d'entrepreneur. Est-ce que c'est...

M. Bernier (François): Oui, de nombreuses pages, là, d'information qu'il faut fournir.

Mme Savoie (Jacinthe): C'est ça.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Mme Savoie.

Mme Savoie (Jacinthe): Oui. Comme l'a dit mon collègue de l'ACQ tout à l'heure, les entrepreneurs doivent démontrer leur probité. C'est quelque chose qu'ils doivent faire en ce moment. Et là, quand on regarde l'exercice qui a été fait, qui est un bon exercice, on se rend compte que, bien, tu ne pourras peut-être pas être autorisé pour faire des contrats publics, mais -- et même ça a été dit tout à l'heure -- bien, tu t'en iras dans le privé. Mais, si c'est quelqu'un, un contrevenant qui ne peut pas contracter avec les organismes publics, pourquoi il aurait la permission de contracter avec les consommateurs?

Une voix: Il y a un arrimage, là.

Mme Savoie (Jacinthe): Puis quelqu'un qui ne peut pas faire des infrastructures pour une municipalité, est-ce qu'il va pouvoir le faire pour un projet domiciliaire qui est important, donc pour un entrepreneur général? Et c'est...

M. Duchesneau: Là, vous apportez un point fort intéressant. Ma question plus simple: Est-ce qu'on a vraiment une valeur ajoutée avec le projet de loi n° 1?

M. Bernier (François): Ah bien, je pense qu'on sort...

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): M. Bernier.

M. Bernier (François): Excusez, là, mais on a un arsenal. On a vu ça comme un arsenal avec beaucoup de volonté, beaucoup de moyens et on ne le remet pas en question. Notre propos n'a pas été de remettre en question tel élément, tel élément. On trouve que ça va très loin. On dit: Attention de ne pas être arbitraire, mais on ne le remet pas en question. Donc, le projet de loi va très loin, et on va certainement avancer avec ça.

Et, comme je le disais au départ, c'est une démarche qu'on pense qu'il ne faut pas s'arrêter, surtout... Bon, on choisit nos mots, là: C'est-u un complément, un trou? Comme on veut, mais il y a des attentes certainement pour faire des démarches ensuite. Concernant le municipal, là, on veut en savoir davantage.

M. Duchesneau: Mais il faudrait que ça implique tout le monde et non pas seulement les entrepreneurs, mais que ça implique aussi, comme on le disait tantôt, donneurs d'ouvrage. Vous l'aviez bien dit.

Et aussi l'autre point que vous avez apporté qui est très intéressant, c'est qu'on ne pourra pas tout regarder, parce qu'il y a quand même pas mal d'entreprises et d'employés qui travaillent dans le domaine, donc il faut faire de la gestion du risque. Et là-dessus on n'a pas ces nuances-là dans le projet de loi qui nous est présenté.

M. Bernier (François): Bien, c'est intègre, hein? C'est dans la génétique du projet, parce que, comme on commence avec un seuil très élevé, on dit: Regarde, on n'est pas fous, on va faire ça graduellement. Bien là, donc, nous, on suggère simplement une approche sectorielle. S'il faut trouver une approche, là, allez-y industrie par industrie, surtout si vous devez prendre un petit peu en délibéré la question qu'on vous soumet pour la Régie du bâtiment, là. Traitez donc l'informatique, puis on reviendra, je veux dire, à s'arrimer tout le monde ensemble un peu plus tard. C'était cette stratégie-là qui était proposée.

M. Duchesneau: O.K. Puis, au niveau des conséquences et des sanctions, est-ce que vous avez...

M. Bernier (François): Des chiffres?

M. Duchesneau: Oui, des chiffres.

M. Bernier (François): Non.

M. Duchesneau: O.K. Juste pour nous aider un petit peu.

M. Bernier (François): Non.

M. Duchesneau: Non? O.K. Donc...

M. Bernier (François): Mais, s'il fallait que ça fasse aussi mal que ça a fait aux entreprises, ça serait des chiffres quand même importants, habituellement.

M. Duchesneau: De l'ordre de...

M. Bernier (François): Non, non. Bien, lisez les... Les lois, présentement, c'est très sévère à l'égard des entreprises.

Une voix: ...

M. Duchesneau: Ah oui! Pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. le député de Saint-Jérôme. Alors, M. Bernier, Mme Savoie, M. Parent, merci énormément de votre participation à notre commission.

Et, compte tenu de l'heure, je lève maintenant la séance, et la commission ajourne ses travaux au mardi 13 novembre 2012, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 5)

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