L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de la fonction publique

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de la fonction publique

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 27 septembre 1983 - Vol. 27 N° 143

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur l'avant-projet de loi sur la fonction publique


Journal des débats

 

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de la fonction publique entreprend ses travaux afin d'entendre toute personne ou tout groupe qui désirerait intervenir sur l'avant-projet de loi sur la fonction publique.

Les membres de la commission sont: M. Assad (Papineau), M. Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Gravel (Limoilou), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. LeMay (Gaspé), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Martel (Richelieu), M. Rivest (Jean-Talon) et M. Tremblay (Chambly).

Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Blais (Terrebonne), M. Caron (Verdun), M. Charbonneau (Verchères), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain), M. Hains (Saint-Henri) et Mme Lachapelle (Dorion).

Je demanderais aux membres de la commission de désigner un rapporteur, s'il vous plaît!

Mme LeBlanc-Bantey: M. LeMay.

Le Président (M. Champagne): M. LeMay, député de Gaspé, est proposé comme rapporteur.

M. Doyon (Louis-Hébert): Pas d'objection.

Le Président (M. Champagne): Pas d'objection. M. LeMay, député de Gaspé, sera le rapporteur de cette commission.

Voici l'ordre du jour de ce 27 septembre. Nous entendrons aujourd'hui le Syndicat des conseillers en gestion du personnel du gouvernement du Québec, le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec Inc., Alliance Québec, le Comité provisoire des technologues de la fonction publique et, enfin, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc.

Pour l'information des membres de la commission et de ceux qui se présentent aujourd'hui, ce matin, on devrait entendre un premier groupe; cet après-midi, le deuxième, le troisième et le quatrième groupe; ce soir, on entendrait le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc.

Une voix: C'est un dépôt, le quatrième.

Le Président (M. Champagne): Pardon?

Mme LeBlanc-Bantey: Le quatrième, c'est un dépôt.

M. Hains: Le quatrième, c'est un dépôt.

Le Président (M. Champagne): Le quatrième, c'est pour dépôt seulement. Cet après-midi, on entendrait le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec Inc., et, ensuite, Alliance Québec. La procédure globale, c'est d'entendre des mémoires. On peut dire qu'en règle générale il y a eu un genre de concertation avec l'Opposition et Mme la ministre pour faire en sorte qu'on entende les mémoires. On leur donne à peu près une heure, une heure et demie, mais on s'est entendu pour que ce soit une démarche assez flexible au point de départ. Cela irait? Je demanderais, si on n'a pas de remarques préliminaires...

Mme LeBlanc-Bantey: Oui, j'en ai.

Le Président (M. Champagne): Mme la ministre, vous avez la parole.

Remarques préliminaires Mme Denise LeBlanc-Bantey

Mme LeBlanc-Bantey: Merci, M. le Président. Je n'ai jamais cru que les gouvernements étaient, en soi, très avant-gardistes. Je crois plutôt que les réformes que sentent la nécessité d'instaurer les gouvernements qui se succèdent correspondent à des vagues de fond ou à des mouvements qui originent des pulsions qui agitent notre société. Ainsi en est-il de notre administration publique québécoise qui, depuis le début des années soixante, a tenté, avec succès d'ailleurs, de s'ajuster aux exigences et aux mutations d'un monde dit moderne. Au "small is beautiful", à l'administration à la petite semaine s'est substitué un appareil imposant, de plus en plus professionnalisé, qui a tenté à la fois de relever les défis de cette société moderne et en même temps de se protéger contre les abus de moeurs politiques devenus irrespirables. Qu'en est-il résulté?

La nécessité de se regrouper en

syndicats et, bien sûr, l'ajustement des politiciens à qui, au Québec comme ailleurs, on demande de s'ajuster. Les politiciens étaient devenus les symboles d'un favoritisme éhonté, ce qui n'était, si vous me le permettez, ni totalement vrai, ni totalement faux. Et dans beaucoup de régimes démocratiques, on allait tenter de se prémunir contre cette nouvelle peste. Et quand les politiciens ne seraient plus assez pestiférés, il faudrait, bien sûr, se prémunir entre gestionnaires, puisque la méfiance était de bon aloi, et, finalement, il faudrait se méfier et se prémunir entre tout le monde. Se prémunir serait dorénavant notre objectif national. On s'est donc prémuni à outrance. Pour ce faire, on a bâti législation sur législation, réglementation sur réglementation.

Aurons-nous la maturité aujourd'hui de constater que l'abus discrétionnaire a cédé le pas à l'abus réglementaire? Je crois que oui. J'ai l'audace de penser qu'à la limite beaucoup de citoyens, beaucoup d'employés de la fonction publique se sentent aussi dépourvus face à la super-spécialisation qu'ils l'étaient à l'époque où le ciel était bleu et l'enfer était rouge. Il y a encore des gens qui pensent qu'il y avait là matière à réflexion. Laissons les blagues et la rétrospective et sarclons nos oignons.

L'avant-projet de loi devant nous a fait l'objet déjà de nombreuses consultations. Vous vous souviendrez d'abord qu'un comité spécial mis sur pied à l'été 1981 - je vois le président qui est arrivé - avait pour mandat de formuler des recommandations sur ce que devait être le rôle de la fonction publique québécoise. Ce comité, présidé par le député de Sainte-Marie, était formé de ministériels et de députés de l'Opposition dont la députée de Chomedey qui est ici aujourd'hui. A ma connaissance, c'était la première fois au Québec que des élus, membres de partis différents, étaient appelés, à partir d'un mandat de l'Assemblée nationale et en dehors des structures traditionnelles des commissions parlementaires, à consulter, analyser et faire des recommandations sur un sujet donné, en l'occurrence celui du rôle de la fonction publique.

J'ai voulu - et je pense que c'est essentiel dans notre système parlementaire -que ce soit, dans un premier temps, les représentants élus des citoyens, c'est-à-dire les députés, qui s'impliquent dans la réforme entreprise. La formule dite commission spéciale a le mérite de fournir un premier éclairage sur les problèmes à l'étude, éclairage, à mon avis, empreint de moins de préjugés ou d'idées préconçues - appelez cela comme vous voudrez - parce que présenté par des individus qui n'ont pas d'intérêt immédiat dans la réflexion.

Le seul intérêt qu'une commission doit poursuivre, c'est l'intérêt du citoyen. C'est de cette façon que les députés de la commission Bisaillon ont abordé leur tâche, et je les en félicite. Nous leur devons sincèrement nos remerciements.

Depuis les travaux de la commission, d'autres consultations ont eu lieu. Ceux qu'il est convenu d'appeler les gens de la machine administrative, c'est-à-dire les sous-ministres, les cadres supérieurs et certains groupes de fonctionnaires, ont été consultés. Un certain nombre de groupes, entre autres les représentants des principales organisations syndicales, nous ont déjà fait connaître, lors de rencontres particulières, leurs réactions préliminaires à l'avant-projet de loi.

Au cours de l'été, j'ai communiqué par écrit à tous les membres de l'Assemblée nationale, y compris, bien sûr, nos collègues de l'Opposition, le contenu de cet avant-projet de loi. Je leur demandais par la même occasion de bien vouloir me transmettre leurs commentaires.

J'ai eu également l'occasion de rencontrer des administrateurs, des fonctionnaires régionaux qui en avaient beaucoup à dire pour ajuster notre gestion aux réalités régionales. Leur témoignage m'a été très précieux. Leur expérience et leur vécu particulier ne peuvent qu'enrichir cette démarche. Je suis fière d'affirmer que cet avant-projet, dans sa forme actuelle, n'a pas été cogité en vase clos par une petite élite de technocrates ou de politiciens.

Pourquoi modifier une loi, la loi 50, qui, dans les faits, n'a que quatre années d'existence? Voici pourquoi. Les changements introduits dans notre fonction publique depuis 1970 ont eu comme conséquence de changer assez profondément non seulement les méthodes de l'administration centrale mais également celles de l'administration du personnel. Le sens général de ce mouvement, malgré certains changements de priorités, était, malgré tout, une définition de plus en plus organisée des rôles et des mandats que devaient assumer les ministères et organismes.

L'introduction de la loi 50 est venue renforcer ce mouvement. On a normalisé à outrance la gestion de la fonction publique. On a créé des organismes, on a nommé des responsables. Ils se sont donné plein de normes, de règlements et vogue la galère. Je ne dis pas qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des organismes responsables qui orientent ou décident. Non. Je dis plutôt - et il faut bien se le dire - que ces organismes devenus institutions, malgré un souci d'efficacité, s'empêchent parfois, de par leurs structures, leurs interrelations, leurs codes de procédure, de fonctionner efficacement. Autrement dit, ils se marchent sur les pieds les uns les autres. D'ailleurs, le diagnostic de la commission Bisaillon est très clair là-dessus: "Un bref diagnostic sur les effets de notre législation permet d'abord de constater

qu'elle a généré un renforcement très prononcé de la réglementation. La prolifération des règlements en matière de gestion du personnel a donné lieu à une bureaucratisation et à une judiciarisation de la gestion des ressources humaines. Il s'en dégage un climat de confusion tant chez les employés que chez les gestionnaires".

Et les commissaires constatent "le peu de latitude (ou d'autonomie) dont jouissent véritablement les gestionnaires des ministères et organismes gouvernementaux. En effet, un phénomène d'omniprésence des organismes centraux dans l'ensemble des activités de gestion et, dans le cadre législatif et réglementaire actuel, les circuits administratifs impliquant ces organismes, donnent lieu à de lourds et coûteux délais." (10 h 30)

Inévitablement, ce type de centralisation a également engendré un développement phénoménal des activités de contrôle et de vérification en matière de gestion des ressources humaines, comme je l'ai dit tout à l'heure, pas toujours très coordonnées. Chaque organisme possédant sa petite équipe de vérificateurs, les ministères subissent à répétition une série de vérifications souvent, pour ne pas dire toujours, effectuées préalablement à l'acte administratif à poser.

Et que dire de cette vache sacrée - si vous me permettez l'expression - le principe du mérite? Noble en soi, ce principe, tel qu'appliqué, c'est-à-dire sans modérer la rigidité de son interprétation et de son appellation, est devenu parfois plus important que son objectif. La "structurite" parfaite, quoi!

Enfin - et c'est le plus important - on a indirectement inspiré la fonction publique ou plutôt son organisation à ne fonctionner que pour elle-même, que pour son mieux-être. Elle a été portée, par la force des circonstances, à oublier sa raison d'être, la raison pour laquelle les citoyens paient des taxes, son objectif ultime: je veux parler, bien sûr, du service aux citoyens.

Voilà ce qui explique, dans les grandes lignes, les raisons de la réforme que nous proposons, une réforme dont l'avant-projet de loi actuel n'est qu'un maillon.

Cet avant-projet de loi énonce des principes, des préceptes qui guideront l'application et l'interprétation de la loi que nous espérons adopter d'ici à décembre. Les principes généraux n'ont pas pour effet d'attribuer des droits ou d'imposer des obligations. Ils constituent plutôt un cadre d'interprétation.

Pas plus que toute autre loi, cette loi ne peut contenir tous les éléments nécessaires à son application aux cas d'espèce; les termes devront inévitablement être interprétés par ceux qui auront à les appliquer.

Les principes énoncés indiquent l'éclairage avec lequel l'application de la loi devra être envisagée au cas de doute sur l'intention du législateur. Ainsi, le législateur imposera à tous ceux qui appliqueront la loi (gestionnaires, commissaires, arbitres et juges) l'obligation de tenir compte de l'ensemble des principes énoncés. Aucun de ceux-ci ne devra, en effet, être privilégié à moins que le contexte de la loi ne permette d'en conclure autrement. Il s'agit, en somme, de favoriser une interprétation équilibrée de la loi et des actes qui en découlent.

Quelles sont ces orientations générales? Le principe de base autour duquel s'articule cet avant-projet, c'est le service aux citoyens. C'est peut-être une vérité de La Palice pour bon nombre d'entre nous, mais à l'instar de la commission spéciale il est urgent de le rappeler, de le répéter et, pour être certain qu'on ne l'oubliera pas, de l'inscrire dans un projet de loi. Nous ne saurions trop insister sur la primauté de cet objectif. Les citoyens doivent être considérés comme des mandants conscients de leurs besoins et non comme des consommateurs à qui l'État fournit, selon son bon vouloir, une certaine quantité de biens et de services. Il nous faut donc modifier certains comportements qui nous font parfois oublier la raison d'être de la fonction publique, sa finalité. Notre objectif est et doit être de tirer le meilleur parti de l'ensemble des ressources en favorisant plus spécifiquement une gestion des ressources humaines adaptée aux services à dispenser et conforme aux moyens dont dispose l'État.

Notre deuxième objectif vise l'efficience de l'organisation et de l'administration de la fonction publique. En d'autres mots, je parle de rendement. Je ne suis pas la plus partisane de la comparaison classique du secteur public versus le secteur privé; c'est difficilement comparable, comme je l'ai dit, et il faut admettre que la productivité des employés de l'État est difficilement mesurable.

Tous nos efforts d'amélioration du rendement seraient vains s'ils n'étaient accompagnés de gestes administratifs visant une prise en charge des responsabilités dévolues à chaque organisation, à chaque fonctionnaire. Ceci m'amène à parler de notre troisième grand objectif, soit la responsabilisation des gestionnaires et de l'ensemble des employés de l'État.

La délégation d'autorité étant peu répandue, le degré de responsabilité me semble très faible dans notre fonction publique actuelle. Le niveau d'autorisation pour accomplir telle ou telle action est si élevé dans la hiérarchie que la responsabilité se dilue et, de fait, les gestionnaires n'ont pas la latitude voulue pour prendre les décisions appropriées au bon moment.

Nous proposons d'accorder plus

d'autorité en matière de gestion des ressources humaines aux administrations des ministères et organismes. Il faudra, ce faisant, redéfinir certains rôles exercés actuellement par les autorités centrales et mettre l'accent sur la délégation de pouvoirs.

Dans la même veine, à chaque ministère sera déléguée la mise en oeuvre des programmes gouvernementaux, les autorités de chaque ministère disposant de pouvoirs leur permettant d'exercer efficacement les mandats qui leur sont confiés avec les moyens qu'ils jugent appropriés. La réforme de la fonction publique se fera véritablement dans les faits par l'instauration de la responsabilité opérationnelle de tous les agents et surtout de ceux dont le métier est d'administrer.

Si nous voulons atteindre une plus grande responsabilité des organisations, il faut nous débarassser de la trop lourde réglementation en matière de gestion des ressources humaines. À la place de cette lourde réglementation, nous avons plutôt énoncé certains principes généraux qui serviront de guides à chaque gestionnaire dans son opération quotidienne.

Un quatrième principe stipule le droit du personnel à être traité et géré avec impartialité, ce qui signifie justice et absence de discrimination et de favoritisme. La Charte québécoise des droits et libertés de la personne protège le citoyen contre l'abus de pratiques qui peuvent aboutir à une quelconque forme d'injustice. Cela doit s'appliquer aux citoyens fonctionnaires autant qu'aux autres contribuables. Nous voulons, en inscrivant un tel article dans cet avant-projet de loi, qualifier le type de gestion qui doit et qui devrait toujours être l'apanage d'une fonction publique saine et transparente.

J'ai déjà parlé du passé. Il y a eu des gestes posés qui n'étaient pas toujours empreints de vertu. Le présent indique qu'il faut toujours être vigilants. Certaines personnes en situation de responsabilité ternissent l'image qu'on a besoin d'avoir, comme société, de notre fonction publique. Il sera, par ailleurs, toujours difficile d'enrayer complètement des comportements qui, souvent, se sont développés avec le temps, qui se sont enracinés dans les habitudes administratives.

Dans ce sens, l'article auquel je fais référence est en soi une mini-charte. Son contenu est un guide qui veut qualifier les gestes posés par l'administration. Ce souci d'impartialité doit s'appliquer particulièrement au recrutement où une véritable transparence des gestes doit primer. Le principe du mérite qui gouverne actuellement la sélection du personnel est maintenu. Il nous semble essentiel afin de s'assurer que les personnes les plus qualifiées soient choisies et qu'il en apparaisse clairement ainsi.

Toutefois, nous proposons certains aménagements afin d'améliorer l'efficacité du processus et d'éviter des coûts inutiles. Le principal changement à cet égard concerne le rangement des candidats par le jury de sélection. Il nous a semblé que le rangement numérique strict véhicule la notion exagérée que celui qui obtient le plus de points est absolument le meilleur candidat pour remplir le poste. C'est une notion très discutable, à mon avis. Toute sélection de personnel comporte une large part de subjectif, à tel point que deux jurys différents peuvent très bien inverser le rang des candidats ayant obtenu des notes rapprochées. Ainsi, nous est-il apparu préférable de regrouper des candidats ayant des notes similaires dans un même niveau. Ceci permet au gestionnaire de choisir entre ces quelques personnes de compétence égale soit pour promouvoir certains groupes sous-représentés ou pour assurer une meilleure cohésion de son groupe de travail. D'ailleurs, la commission Bisaillon nous faisait cette recommandation.

Vous avez sans doute remarqué que nous n'avons pas modifié dans l'avant-projet de loi le régime syndical tel qu'il apparaît dans la loi actuelle. Nous ne posons pas de jugement sur le mérite ou l'équilibre du régime actuel. Nous pensons simplement que la réflexion doit s'acheminer vers le groupe de travail spécial, présidé par le secrétaire général du Conseil exécutif, qui a été mis sur pied le 28 avril dernier afin de revoir le régime de négociations des secteurs public et parapublic. L'avant-projet ne veut pas préjuger des réflexions et des recommandations de ce comité.

J'ai dit au début que l'avant-projet n'est qu'un maillon de la réforme que nous préconisons; je voudrais, en terminant, vous le situer dans la démarche que nous avons entreprise. Une organisation ne comporte pas que des ressoures humaines; il lui faut, pour bien fonctionner, des ressources techniques et surtout financières. Les trois sont indissociables. Quand on apporte des changements à une partie ou à un élément de cet édifice, il faut s'assurer que les autres éléments soient ajustés en conséquence; autrement, l'édifice risque de s'écrouler. Il en est ainsi, à mon avis, des changements que nous proposons; ils s'inscrivent dans et commandent des changements à d'autres niveaux que celui particulier de la gestion des ressources humaines.

Pour illustrer mon propos, prenons l'imputabilité ou, si vous préférez, la "responsabilisation" des gestes administratifs. C'est bien beau de l'inscrire dans une loi, mais comment dans les faits la réalise-t-on, cette imputabilité? Je pense que les organismes gouvernementaux, les organismes centraux en particulier, devront se doter de mécanismes qui permettront aux individus

dans la machine bureaucratique de se sentir impliqués dans cette démarche.

Beaucoup de gestionnaires se plaignent qu'ils doivent toujours quémander une permission, une autorisation pour faire ceci ou cela. Ils sont payés pour assumer des responsabilités. Je propose de leur donner les moyens de les assumer.

La perfection étant plutôt une aspiration qu'une qualité innée, il faut que l'État se dote de moyens de contrôle des gestes ou des actes posés par ses employés. Mais ce contrôle ne devrait pas se faire comme il se fait actuellement, c'est-à-dire avant l'action elle-même. Nous proposons de le faire a posteriori, comme l'ont, d'ailleurs, recommandé les membres de la commission spéciale.

Soyons réalistes aussi: l'avant-projet de loi n'est pas une fin en soi. Il se veut un cadre de référence pour les questions reliées à la gestion des ressources humaines. Il pose, cependant, un certain nombre de principes qui commandent des changements à la gestion publique dans son ensemble. Par exemple, il est indéniable que, si le Conseil du trésor ne change pas sa façon d'administrer, ne délègue pas, cela ne sert à rien de parler d'imputabilité. Il faudra que cet organisme emboîte le pas. Il faudra aussi que les responsables administratifs des ministères et organismes acceptent ces changements de mentalité administrative et voient à faire appliquer les objectifs que le gouvernement poursuit.

Il n'est pas facile, non plus, de prendre une nouvelle direction quand on est habitué de fonctionner d'une certaine façon. Mais je me permets d'être très confiante à cet égard. Si on regarde en arrière et qu'on évalue tous les changements, les chambardements qui sont survenus dans la fonction publique au cours des dernières années, il faut bien admettre qu'un professionnalisme, qu'un dynamisme certain des personnes qui la composent ont guidé son évolution et nous ont donné une fonction publique qui, avec toutes ses faiblesses, est néanmoins une fonction publique de qualité.

Qu'on se rappelle seulement l'entrée massive de compétences au début des années soixante-dix. C'était une période d'expansion rapide. L'État était impliqué dans de plus en plus de secteurs de la société et il avait besoin de compétences nouvelles pour mener à bien son expansion. La société québécoise de ces années-là s'ajustait aux grandes missions qu'elle s'était données, tant au niveau de l'éducation que des affaires sociales, pour ne citer que les plus grandes. Cette expansion, ces ajustements ont eu un effet direct sur l'appareil bureaucratique; il a grossi et il s'est ajusté en conséquence.

Les individus à l'intérieur des ministères, des organismes ont dû s'adapter très rapidement. La croissance a ralenti ces dernières années; la mission n'est plus la même. Cependant, les compétences se sont aguerries au contact des mouvances passées.

C'est pourquoi je crois sincèrement que les réactions aux orientations que l'on propose dans l'avant-projet de loi iront dans le sens d'une efficacité accrue de la gestion publique dans son ensemble.

Le Président (M. Champagne): Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y aurait d'autres remarques préliminaires?

M. Doyon (Louis-Hébert): S'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Louis-Hébert, à vous la parole.

M. Réjean Doyon

M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. La commission qui commence ses travaux aujourd'hui est une commission d'une très grande importance qui laissera des marques sur la façon dont sera gérée la chose publique dans les années à venir. C'est très clair. M. le Président, cinq ans après avoir fait une première réforme qu'on annonçait comme devant régler un certain nombre de problèmes, nous nous voyons dans une situation où nous revenons en arrière. Nous sommes obligés de reconnaître que les remèdes qui avaient été proposés à ce moment-là et qui devaient, justement, solutionner les difficultés qu'on connaissait à l'intérieur de la fonction publique québécoise n'ont pas donné les résultats escomptés. Autrement, pourquoi en serait-on rendu à faire disparaître tout simplement le ministère de la Fonction publique?

Je crois que la chose est devenue évidente et qu'elle s'impose, mais on doit en tirer une certaine conclusion. Quand on a agi, en 1978, on l'a fait trop rapidement, sans consultation, sans concertation et d'une façon unilatérale. Il est évident que les problèmes qu'on connaît aujourd'hui, et qui entraînent une réforme aussi nécessaire que celle qui s'amorce, nous amènent à nous rendre compte qu'en 1978 la loi qui a été adoptée ne répondait pas aux besoins du moment. Autrement, on n'aurait pas besoin de faire ce qu'on fait maintenant. (10 h 45)

Je cite, par exemple, un article de journal paru le 1er août 1977 où M. Denis de Belleval, ministre de la Fonction publique à l'époque, disait: "Cela va bouger dans la fonction publique; des mutations horizontales d'un ministère à l'autre, il va y en avoir, de même que d'une région à l'autre, de façon à éliminer la création ou la constitution de fiefs, le népotisme, etc". Alors, est-ce qu'on doit en conclure que ce qui était annoncé en 1978 n'a pas pu être réalisé et qu'on est

obligé d'avoir recours à d'autres moyens ou si on est obligé de tirer une autre conclusion, c'est-à-dire une conclusion qui découlerait des propos que tenait M. Jean Garon, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, lorsqu'il disait: C'est bien simple, on veut s'assurer que les prochains fonctionnaires ne seront pas des adversaires; quant à ceux qui existent déjà dont on n'est pas sûr, on les déplacera pour qu'ils ne puissent pas nuire? Est-ce qu'on peut tirer la conclusion que la mission qui avait été confiée, à ce moment-là, à la loi qui avait été adoptée en 1978, selon les propos mêmes du ministre Garon, serait accomplie et qu'on passerait à une autre étape qui serait de la nature de l'avant-projet de loi qu'on a devant nous? C'est ce genre de réflexion que m'inspire la réunion que nous avons aujourd'hui.

Les propos du ministre Garon tenus en 1977 n'étaient pas des propos en l'air. C'étaient des propos qui, de sa part en tout cas, dans son ministère, ont donné lieu à des actes précis. Je réfère particulièrement à un article qui a paru dans le Soleil du jeudi 17 décembre 1981 où le ministre de l'Agriculture, Jean Garon, faisait disparaître sept directions générales, donc sept postes soumis à la Loi sur la fonction publique, pour les transformer en postes qui seraient comblés par des sous-ministres adjoints, de façon que ces personnes puissent être nommées directement par le gouvernement, directement par le cabinet, sans tenir compte des normes et des critères de la fonction publique.

La question que je pose, M. le Président, est la suivante: Est-ce que la réforme qu'on a devant nous, veut dire mission accomplie en ce qui concerne les objectifs déterminés par le ministre Garon? Je pose la question; je n'y réponds pas. Mais l'inquiétude que j'exprime est là et je sais qu'elle est parmi les fonctionnaires. Je sais qu'elle existe au sein de la fonction publique québécoise actuelle. Je sais que ce sont des questions qu'on se pose sérieusement et avec raison non seulement devant des propos de la nature de ceux que je viens de citer du ministre Garon, mais aussi devant des gestes précis qui ont été posés dans les années ou dans les mois qui ont suivi.

Il est beau de vouloir euthanasier un ministère. C'est, cependant, une autre chose de voir par quoi on va le remplacer. Les inquiétudes que j'exprime viennent aussi du fait que la presque-totalité des responsabilités du ministère de laFonction publique seront dorénavant confiées au Conseil du trésor. On connaît et les fonctionnaires connaissent la façon de procéder du Conseil du trésor. On sait que le Conseil du trésor dispose d'une pléthore de directives et qu'on est passé maître dans l'art de faire des colonnes de chiffres, de les additionner, de les soustraire, de les multiplier, d'être déficitaire ou d'avoir un surplus. Mais on joue avec des deniers. On joue avec de l'argent. On joue avec des dollars.

Ce qu'on doit se poser comme question, l'inquiétude qu'on doit avoir, c'est: Est-ce que cette philosophie administrative qui est celle du Conseil du trésor, celle qui est normale quand on joue avec des dollars, des colonnes de chiffres, de l'argent, purement et simplement, est désirable quand on joue avec de la matière humaine, avec des ressources humaines? Le Conseil du trésor, dans ses attitudes passées et présentes, n'est sûrement pas dans une position pour nous rassurer actuellement. Je pense que cette question se pose drôlement. Nous n'avons aucune garantie, M. le Président, qu'on administrera différemment les membres de la fonction publique, les fonctionnaires, qu'on ne le fait de l'argent où, quand on a un surplus, on fait un virement de fonds, où, quand on en manque, on va piger ailleurs, etc., ou quand on n'a plus d'argent, on coupe purement et simplement, on ferme le robinet. On ne peut pas agir comme cela quand on agit avec des hommes et des femmes. On ne peut pas agir de cette façon. C'est une inquiétude que nous avons le droit et même, je dirais, le devoir d'avoir.

Cette inquiétude prend sa source dans des gestes très récents que le gouvernement pose. Il se sert d'une fonction qui normalement ne devrait pas être une fonction politique. Je pense au secrétaire général du Conseil exécutif - nos journaux nous l'apprennent, les nouvelles nous l'ont appris hier - qui est assigné à un ou deux comités, essentiellement des comités politiques, de nature ministérielle, pour des fins propres à un parti politique qui veut refaire son image, qui est à court d'idées, qui ne peut pas faire face à l'échéance du 18 octobre devant l'Assemblée nationale. On dit de la personne qui occupe ce poste qu'elle est le patron des sous-ministres. On l'assigne à un des comités, d'une façon euphémiste, qu'on appelle le comité sur la question nationale, c'est-à-dire le comité sur l'indépendance du Québec; on l'assigne aussi, je pense, j'en suis moins sûr, à un autre comité qui est celui de la relance économique. C'est le gouvernement qui nous propose un avant-projet de loi qui doit consacrer - on le verra dans l'étude article par article, parce qu'on y viendra plus en détail - la neutralité politique des fonctionnaires, qui, du même souffle, se sert d'une fonction comme celle du secrétaire général du Conseil exécutif pour le faire participer, je dirais même plus, pour le faire se compromettre dans une question essentiellement politique, essentiellement électorale, qui doit donc se régler entrepoliticiens, entre personnes qui se présentent

devant l'électorat et qui font valoir des idées et qui permettent à la population de choisir entre les faits en présence.

Je pense qu'on peut se poser la question. Que fait le premier fonctionnaire -parce qu'on parle de fonctionnaires dans ce projet de loi - du Québec dans un de ces comités essentiellement politiques? Il y a là une inadéquation entre les intentions parfaitement admirables et parfaitement respectables que la ministre vient d'exprimer dans ses remarques préliminaires et les gestes que nous sommes en mesure de constater à tous les jours, des gestes comme ceux que je viens d'indiquer, nomination du secrétaire général du Conseil exécutif, changements au niveau du ministère de l'Agriculture, au niveau des directions générales, à la suite de propos très clairs que prononçait le ministre de l'Agriculture qui nous disait: On va mettre de côté ceux qui nous nuisent ou qui sont de nature à nous nuire. Je pense qu'il est de notre devoir de poser un certain nombre de questions. Il faut les poser maintenant parce que après il sera trop tard.

Les réactions que nous devons avoir pour bonifier ce projet de loi, pour le rendre étanche doivent être des réactions immédiates, rapides qui vont permettre, et qui vont même l'y obliger, au gouvernement de poser un certain nombre de gestes concrets qui ne laissent pas d'échappatoires.

Je faisais un certain nombre de remarques tout à l'heure concernant le Conseil du trésor, concernant sa façon de gérer les fonds publics. La ministre le disait tout à l'heure dans ses remarques préliminaires, le Conseil du trésor va être l'organisme central qui va émettre des politiques générales qui vont permettre à la fonction publique québécoise de fonctionner normalement, de remplir ses tâches et de remplir ses mandats. Cependant, je me dois de regretter très sincèrement - il n'est peut-être pas trop tard pour remédier à cela -l'absence ici d'un représentant, d'un ministre siégeant au Conseil du trésor. Je pense qu'il serait nécessaire que quelqu'un du Conseil du trésor soit ici pour éclairer notre lanterne, pour répondre à nos inquiétudes, pour nous dire quelles seront, à titre indicatif, les directives et les politiques générales vers lesquelles on s'oriente. Nous n'avons personne du Conseil du trésor ici. Pourtant, le pivot de toute cette réforme, c'est le Conseil du trésor, et celui-ci brille par son absence.

Si nous sommes dans une situation où le ministère de la Fonction publique disparaît, est-ce qu'on n'est pas, tout simplement, en train d'ajuster législativement une situation de fait? Tous les fonctionnaires qui ont affaire à la gestion du personnel connaissent l'emprise de facto du Conseil du trésor sur tout ce qui s'appelle ressources humaines. C'est donc dire que, si on se réfère à la loi actuelle sur la fonction publique, il y a eu détournement de responsabilités: un organisme qui n'était pas habilité législativement à exercer les responsabilités qui étaient celles de la fonction publique par la force des choses, par le fait qu'il contrôlait les cordons de la bourse, a pris une telle importance que dans les faits il a mis en tutelle le ministère de la Fonction publique. C'est une situation de fait vérifiable quotidiennement.

Je me demande si ce qu'on nous présente comme étant une nécessité pour s'ajuster aux développements normaux de la fonction publique n'est pas simplement un ajustement à cet accaparement qu'a fait le Conseil du trésor des pouvoirs du ministère de la Fonction publique. Je pose cette question-là et il faut se la poser. Les changements qu'on impose dans le projet de loi peuvent amener une amélioration de la gestion des ressources humaines de la fonction publique québécoise, mais à la condition que chacun des organismes exerce, d'une façon très serrée, une surveillance quotidienne et continue. Il sera facile à ce moment-là de s'apercevoir qu'une fois encore on se retrouvera dans une situation où on n'aura pas atteint les buts visés, que dans les faits les choses auront tourné différemment, se seront détériorées, auront donné des résultats contraires à ceux qu'on espérait.

Je pense que faire preuve de méfiance dans ce domaine-là, c'est en même temps faire preuve tout simplement de mémoire et avoir de la mémoire, c'est une qualité nécessaire pour améliorer les situations, si on ne veut pas se retrouver d'ici quelques années avec une fonction publique qui ne sert pas les citoyens, qui n'est pas capable de donner son plein rendement, qui, malheureusement - telle qu'on la connaît aujourd'hui, dans plusieurs cas, malgré sa très grande quantité - est très fondamentalement démotivée pour toutes sortes de raisons. (11 heures)

On n'a qu'à penser aux projets de loi qui ont été adoptés le printemps dernier. On n'a qu'à penser à une espèce de mise en tutelle - cela va jusque-là - par un certain nombre dans certains ministères, par le cabinet ministériel, le cabinet politique, des administrateurs de carrière. On a simplement à penser à ces situations pour s'assurer, au moins, que, pour l'avenir, la fonction publique pourra être gardée à l'abri des interventions purement politiques, des interventions qui peuvent être motivées par des situations ponctuelles, par des situations qui sont très souvent des réponses à des mouvements de panique, des mouvements d'expédients politiques.

Je pense que la fonction publique mérite cela, notre fonction publique que nous

avons créée au fil des ans avec les fonds publics, qu'on a mise sur pied et qui s'est gagné le respect des fonctions publiques dans les autres provinces canadiennes, y compris de la fonction publique fédérale. Cette réputation de notre fonction publique québécoise doit être respectée, doit être conservée et elle doit être mise à l'abri des interventions des politiciens, des gouvernements, qui, eux, passent alors que la fonction publique doit jouir d'une permanence qui, en fin de compte, permet aux citoyens d'y trouver leur compte et d'obtenir les services pour lesquels, finalement, ils paient. Je pense que c'est de toute première importance. La mise de la fonction publique au service des citoyens et citoyennes du Québec doit se faire sans aucun accroc, sans aucun obstacle. Il doit y avoir une continuité directe entre le besoin du citoyen et la réponse qu'il obtient des gens qu'il paie et qui veulent rendre ce service à la population.

Nous aurons l'occasion de revenir plus longuement sur un certain nombre de principes qui sont ceux de la réforme. Nous parlerons du principe du mérite. Nous pourrons faire valoir un certain nombre d'inquiétudes ou, au moins, d'interrogations sur l'application pratique de ce principe. Nous parlerons du classement par niveau, du rangement par niveau. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Nous pourrons aussi nous attarder à tout ce qui touche l'imputabilité.

C'est avec beaucoup d'intérêt et avec une très grande réceptivité, Mme la ministre, que je vais prendre connaissance des mémoires que les intervenants - ils sont au nombre de treize ou quatorze, si je ne m'abuse - vont nous présenter pendant les prochains jours. À partir de là, l'Opposition verra quelles sont les améliorations qui lui paraissent désirables et souhaitables à ce projet de loi. Je termine mes remarques là-dessus, en souhaitant la bienvenue à toutes les personnes qui sont ici.

Le Président (M. Champagne): Merci. M. Bisaillon: M. le Président...

Le Président (M. Champagne): Oui, M. le député de Sainte-Marie, la parole est à vous.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: ...j'essaierai d'être le plus bref possible. On est rendu aujourd'hui à une autre étape d'une démarche qui a été entreprise il y a pratiquement deux ans maintenant, non seulement sur la révision de la Loi sur la fonction publique, mais bien au-delà, sur tout le fonctionnement de l'appareil de la fonction publique, sur tous les mécanismes et les outils de travail qui sont mis à la disposition de la fonction publique pour rendre des services aux citoyens.

Cette démarche, à laquelle nous sommes rendus aujourd'hui, se situe dans le cadre de l'étude d'un avant-projet de loi. Je suppose bien que si, au niveau gouvernemental, on a pris la précaution de parler d'un avant-projet, c'est parce qu'on pensait, justement, qu'il y avait de la place encore pour de l'amélioration. Probablement que les consultations qui sont faites par le biais de cette commission parlementaire nous serviront à en arriver à un projet de loi qui réponde véritablement aux besoins non seulement de la fonction publique et des fonctionnaires qui y travaillent, mais de l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec.

À tort, on a souvent pensé que la Loi sur la fonction publique était une question technique qui ne relevait que des hauts technocrates qui pouvaient se pencher sur cette question, s'y intéresser et régler l'ensemble des détails. À l'analyse, M. le Président, on se rend compte que c'est peut-être cette mentalité qui a développé, en fait, un certain nombre de travers qu'on a pu remarquer dans notre fonctionnement. C'est peut-être parce qu'on a pensé trop longtemps que c'était réservé à des spécialistes, que toute la question de la Loi sur la fonction publique était réservée à un niveau particulier d'encadrement qu'on s'est éloigné tranquillement de la perception qu'on doit avoir de ce que doit être la fonction publique. C'est peut-être à cause de cela qu'on a perdu de vue l'objectif premier qu'on doit avoir quand on met sur pied une fonction publique, c'est-à-dire le service aux citoyens.

Dans ce sens-là, le projet de loi reconnaît et inscrit un certain nombre de principes que la commission spéciale sur la fonction publique avait retenus. La primauté des services à rendre aux citoyens, non seulement les services à rendre, mais les services de meilleure qualité et au meilleur coût. L'imputabilité et l'utilisation maximale des ressources humaines de la fonction publique. Ces principes sont reconnus dans le projet de loi. J'aurai l'occasion, probablement au cours des rencontres qu'on aura avec les groupes qui viendront devant cette commission, de souligner que, si les principes sont maintenant inscrits dans la loi, il me semble qu'il manque un peu d'habillement à ces principes. On aurait peut-être intérêt à aller un peu au-delà de la reconnaissance du principe et à préciser un peu davantage comment dans le concret, dans le quotidien cela va pouvoir s'effectuer.

Mon rôle à cette commission, M. le Président, sera, évidemment, de toujours comparer le rapport de la commission spéciale avec le projet de loi, de comparer aussi - ce n'est pas une menace, mais un avertissement - ce que les groupes qui seront

devant nous vont venir dire à la commission parlementaire avec ce qu'ils sont venus présenter aussi devant la commission spéciale. Bien sûr, il s'est passé certains délais entre le moment où la commission spéciale a soumis son rapport à l'Assemblée nationale et le moment où on étudie un avant-projet de loi. Je serai curieux - je le dis maintenant - de savoir s'il y a des différences entre les prises de position de groupes qui sont venus devant la commission spéciale et qui viennent aujourd'hui devant la commission parlementaire. Je serai particulièrement curieux de savoir ce qui a pu modifier leur opinion et quels sont les événements qui ont pu se passer depuis la commission spéciale pour que leur analyse de la situation soit différente.

Mon deuxième objectif, M. le Président, à cette commission sera finalement d'arriver à ce qu'on ait un projet de loi qui ne fasse pas des distinctions aussi hermétiques qu'on les a connues dans le passé entre le politique et l'administratif. Contrairement à l'intervenant qui m'a précédé, je pense que le grand défaut du passé, c'est de ne pas avoir assez intégré l'administratif et le politique. Au-delà de la loi et du meilleur projet de loi qu'on pourra obtenir, les changements dont on a besoin sont d'abord des changements d'attitude et de comportement et ce, à tous les paliers autant au plan politique qu'au plan administratif. Ce que cela nous prend, c'est davantage une intégration des besoins politiques et des besoins administratifs. Si on n'est pas capables de faire cette intégration - intégration veut aussi dire différence et champ de responsabilité particulier - et de délimiter le champ des différences, on aura peut-être un beau projet de loi, mais on sera sûrement obligés de revérifier encore dans trois, quatre ou cinq ans.

Je voudrais aussi attirer l'attention des membres de cette commission sur le fait que l'avant-projet de loi qui est devant nous ou un projet de loi quelconque qui viendra par la suite ne réglera pas l'ensemble des problèmes de la fonction publique, n'intégrera pas, non plus, l'ensemble des recommandations qui ont été faites par la commission spéciale. Une véritable amélioration de tout notre fonctionnement passe aussi par une diminution des pouvoirs du Conseil du trésor, par une revérification de la Loi sur l'administration financière, par l'établissement d'une loi du Vérificateur général et par un plan d'application et d'implantation de l'imputabilité. Ce sont des éléments qu'on ne retrouvera pas dans l'avant-projet de loi.

Je pense qu'il faudrait, quand même, avoir en tête que le projet de loi de la fonction publique doit être un des éléments de l'ensemble de la réforme. Il sera fort difficile de se prononcer de façon efficace sur ce projet de loi si on n'a pas, à ce moment, l'annonce d'un portrait d'ensemble des autres mesures que le gouvernement entend prendre. Cela peut me satisfaire, pour l'instant, de voir que le Conseil du trésor a la possibilité, dans l'avant-projet de loi, de déléguer ses pouvoirs aux sous-chefs et d'accorder aux sous-chefs le pouvoir de sous-délégation, mais cela ne m'assure pas que cela sera fait. Autrement dit, le projet de loi de la fonction publique peut ouvrir la porte, mais il ne nous donne pas la clé.

Dans ce sens-là, j'aurais une suggestion à faire à la ministre de la Fonction publique. Je pense qu'il serait important, au moment où on aura terminé les travaux de cette commission parlementaire ou encore au moment où la ministre déposera un nouveau projet de loi, qu'on ait une déclaration ministérielle nous annonçant les mesures que le gouvernement entend prendre quant au rôle du Conseil du trésor, quant à la Loi sur l'administration financière et quant à une loi du Vérificateur général. J'espère que la ministre ne se sentira pas obligée, pour arriver à ce résultat, de mettre sur pied un comité de ministres pour étudier la question. Je pense qu'avec toutes les études qui ont été faites on pourrait facilement en arriver à se brancher rapidement et facilement sur ces questions. Je pense que cela sera un élément essentiel.

De la même façon, le gouvernement devrait normalement arriver à l'échéance où il devrait nous présenter un plan d'implantation de l'imputabilité. Je rappellerais a la ministre de la Fonction publique qu'il y a bientôt un an - en fait, si je ne me trompe pas, cela fait exactement dix mois au moment où on se parle - que l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, à partir du rapport de la commission spéciale, une motion demandant au gouvernement de déposer a l'Assemblée nationale un plan d'implantation de l'imputabilité. On arrive à cette échéance, on y sera vers la fin du mois de novembre. Si, à ce moment, l'Assemblée nationale siège, on pourrait peut-être demander au gouvernement d'ajouter un morceau, une pièce du puzzle et de nous mettre sous les yeux ce plan d'implantation de l'imputabilité. Sur combien d'années prévoit-on rendre imputable l'ensemble de la fonction publique? Par quel secteur d'activité commencera-t-on l'expérience de l'imputabilité? Par quel niveau d'emploi à l'intérieur de chaque secteur d'activité commencera-t-on à rendre imputables les gestionnaires? Ce sont des questions sur lesquelles, normalement, un plan d'implantation devrait nous renseigner.

En terminant, M. le Président, je réitère le fait que, si l'avant-projet de loi peut ajouter des choses, tant mieux, mais que, pour moi, il serait important de traiter de l'ensemble de la question et qu'à ce

niveau ce n'est que par l'annonce - par le biais de déclarations ministérielles ou autrement - de mesures gouvernementales en ce qui a trait au Vérificateur général, à la Loi sur l'administration financière et à l'imputabilité qu'on pourra avoir un véritable portrait de ce que pourrait être le fonctionnement de la fonction publique.

Le Président (M. Champagne): Merci, M. le député. Mme la ministre, quelques minutes pour répondre.

Mme Denise LeBlanc-Bantey

Mme LeBlanc-Bantey: Oui, très brièvement. Je ne reprendrai pas tout ce qui a été dit. Je voudrais, quand même, me permettre de réagir à certaines choses qui ont été dites par le député de Louis-Hébert ou par celui de Sainte-Marie. À l'instar du député de Louis-Hébert, je voudrais souligner que c'est un avant-projet et que, moi aussi, j'écouterai les intervenants avec beaucoup d'intérêt et une très grande réceptivité. On a voulu, justement, que ce soit un avant-projet pour nous permettre de faire le meilleur projet de loi possible, compte tenu des interventions qui seront faites en commission parlementaire comme d'autres qui ont été faites par d'autres intervenants.

Je vais commencer par réagir un peu au procès d'intention - ce n'est peut-être pas ce qu'il a voulu faire - que le député de Louis-Hébert a quand même fait sur les effets de la loi 50 en disant: Maintenant que vous avez peut-être respecté la volonté qu'avait notée le collègue de l'Agriculture -j'aimerais savoir où cette intervention a été faite parce que, hors contexte, il est toujours difficile d'évaluer cela - on peut peut-être passer a une autre étape. (11 h 15)

Je pense qu'il faut admettre que prendre cette attitude - je ne pense pas que cela ait été son but - serait quand même faire injure à l'excellent travail qu'a fait, depuis l'application de la loi 50, l'Office du recrutement et de la sélection du personnel. Je pense que tout le monde sera unanime pour dire qu'en très grande majorité la sélection, le recrutement et la promotion se sont faits sur des bases équitables où on laissait le moins de place possible à l'arbitraire, compte tenu de la nature humaine. Je crois que tout le monde s'entend pour dire que la règle du mérite - le principe qui a été véhiculé par la loi 50 était le principe du mérite - a été effectivement mise en place et éminemment très bien surveillée par l'office du recrutement. On ne prétend pas qu'il n'y a pas eu d'erreurs ou d'abus; on ne peut pas avoir les yeux partout et on ne peut pas avoir un policier pour chaque gestionnaire qui choisit une personne intéressée à entrer dans la fonction publique ou à obtenir une promotion. Le député de Louis-Hébert devrait avoir l'honnêteté d'admettre que le principe du mérite a été très bien contrôlé par l'office du recrutement et par l'ensemble des gestionnaires.

Il a beaucoup parlé de la déclaration que mon collègue à l'Agriculture aurait faite en 1978-1979, alors que mon collègue aurait dit: S'ils nous nuisent, nous allons les déplacer. J'ai surtout retenu l'allusion au "nuire". Cela n'a pas été inventé par le Parti québécois; depuis toujours, on a fait prêter des serments d'office aux fonctionnaires à qui on a demandé d'être loyaux aux politiques gouvernementales. On ne leur demande pas, bien sûr, d'être loyaux à l'esprit partisan d'un gouvernement. Par ailleurs, quand un gouvernement est élu, il est élu par une population en fonction des objectifs Politiques - avec un grand p - qu'il a présentés à la population et qu'il se doit de mettre en pratique. Dans ce sens, je pense que c'est tout à fait normal que, peu importe le gouvernement, il attende de ses fonctionnaires qu'ils ne nuisent pas, qu'ils soient là justement pour appliquer les politiques gouvernementales en fonction des engagements qu'il a pris vis-à-vis de la population. Si la population trouve que le gouvernement les applique mal ou fait mal son travail, elle jugera en temps et lieu, mais, en attendant, la responsabilité des gens qui sont dans la fonction publique, c'est d'aider le gouvernement à accomplir le mieux possible ses politiques en fonction des attentes que la population a de ce gouvernement.

Dans ce sens, je suis bien plus d'accord avec une analyse comme celle du député de Sainte-Marie, alors qu'il parle de la nécessité de créer un équilibre entre l'administratif et le politique. C'est vrai qu'il faut neutraliser au maximum, surtout dans la gestion des ressources humaines parce qu'on a connu trop longtemps des situations d'arbitraire et de favoritisme; il faut neutraliser au maximum. Sauf qu'il faut peut-être aussi que tant les politiciens que les administrateurs ou les fonctionnaires, arrêtent de se méfier les uns des autres; il va falloir un jour qu'on s'habitue à vivre - comme le député de Sainte-Marie le rappelait l'autre jour à l'ENAP - avec les "bibites" politiques. Les "bibites" politiques sont élues par la population pour la représenter, pour gouverner. Dans ce sens, il faudrait arrêter de considérer la politique comme quelque chose de nécessairement imbu de mauvaises intentions, de mauvaise foi et à surveiller dangereusement. Je trouve que, quand le député de Louis-Hébert laisse entendre cela, il ne rend service ni à la démocratie, ni à l'administration en général parce qu'il est très sain qu'il y ait un rapport de confiance entre les deux paliers. Dans ce sens, je crois

que ce n'est pas par de telles interventions qu'on peut amener les uns et les autres à se respecter et aussi à se faire confiance.

Le député de Louis-Hébert a souligné, a pensé, en tout cas a accusé ou a voulu accuser - je ne le sais pas - le Conseil du trésor d'avoir fait des accaparements législatifs, ce en quoi il se trompe. Dans la loi 50, il y avait effectivement et il y a toujours énormément de chevauchements entre le Conseil du trésor, la Loi sur la fonction publique et le ministère de la Fonction publique. Le Conseil du trésor n'a fait que prendre ses responsabilités. Par exemple, si on prend le cas de la réglementation, la ministre de la Fonction publique ne parlait que par règlements - y compris s'il y a des tempêtes de neige l'hiver - et le Conseil du trésor devait nécessairement approuver tous les règlements qui émanaient du ministère de la Fonction publique. C'est vrai qu'il avait beaucoup d'emprise, mais la loi lui conférait cette emprise, entre autres sur la réglementation. Le Conseil du trésor, légalement et législativement, a la responsabilité de la coordination des conventions collectives, que ce soit sur le plan salarial ou encore sur le plan normatif, dès que cela implique des déboursés d'argent. Le Conseil du trésor, de par la Loi sur l'administration financière, détermine le nombre d'effectifs dans la fonction publique. Alors, ces chevauchements étaient législatifs. En fait, le Conseil du trésor n'a pas pris de responsabilités qu'il n'aurait pas dû prendre.

Qu'il ait développé une mentalité extrêmement centralisatrice non seulement à l'égard de la gestion des ressources humaines, mais surtout à l'égard de la gestion des ressources financières, personne ne le conteste. La preuve que personne ne le conteste, c'est que l'avant-projet de loi que vous avez devant vous a été préparé en très étroite collaboration avec le Conseil du trésor parce que, bien sûr, ils sont conscients que cette trop grande centralisation a nui, finalement, non seulement à l'efficience de la gestion des ressources humaines, mais aussi à la qualité du service aux citoyens. Ils sont les premiers à le reconnaître et, dans ce sens-là, il y a effectivement aussi au Conseil du trésor une réflexion très sérieuse qui est en train de se faire sur la façon, dans les faits, dont va s'appliquer la réforme que nous vous proposons si nous la votons à l'Assemblée nationale. Dans ce sens-là, je n'ai pas d'objection à ce que des collègues du Conseil du trésor viennent cette semaine; cela pourrait être très intéressant. Par ailleurs, comme nous n'en sommes qu'à l'étape de l'avant-projet de loi, je crois que vous aurez très certainement l'occasion d'en discuter avec des collègues du Conseil du trésor, le président ou d'autres, au moment où, effectivement, nous aurons retenu des orientations définitives pour le dépôt du projet de loi.

Il y avait, évidemment, toute la question de la mise en tutelle des cabinets par la machine. Je ne prendrai pas la peine d'en parler puisque cela revient à l'intervention que je faisais tout à l'heure. Je pense que les cabinets politiques sont là pour tenter de véhiculer auprès de la machine, auprès des ministres, le point de vue de citoyens qui, pour une raison ou pour une autre, peuvent voir des vues différentes sur la réalité. Je crois que, dans l'ensemble des ministères, les deux races de monde vivent bien ensemble. Qu'il y ait des endroits où cela vit moins bien, je pense qu'il n'y a rien là d'exorbitant. Qu'importe les gouvernements, qu'importe les machines et qu'importe les cabinets, il y aura toujours des endroits où cela roule moins rondement qu'ailleurs, mais il n'y a pas lieu d'en faire un drame.

Le député de Sainte-Marie a rappelé qu'on avait retenu l'ensemble de ses principes. Je suis contente de voir qu'au moins sur ce plan il semble satisfait. Effectivement, il a souligné aussi que le rapport Bisaillon ne concernait pas que la Loi sur la fonction publique; il commande des changements dans l'ensemble de la machine, surtout eu égard aux services aux citoyens, changements qui ont déjà été mis en branle, d'ailleurs, par mon collègue qui est responsable des services aux citoyens ou qui ont été mis en branle au ministère des Communications ou ailleurs. En ce qui nous concerne, nous avons vraiment tenté, le mieux possible, dans l'avant-projet de loi, de concilier les principes qui devaient diriger l'orientation de la loi et les moyens pour y parvenir. Comme je le disais tout à l'heure, nous ne pensons pas avoir la vérité toute faite ni être sûrs que tout ce qui est là devrait rester, mais nous pensons que, tout au moins, une approche de décentralisation vers les ministères, de responsabilisation des personnes impliquées dans la machine, qu'importe le niveau, est certainement la clé pour ouvrir la porte.

C'est vrai que la Loi sur la fonction publique ouvre la porte, mais elle ne fournit pas nécessairement la clé, et cela, je l'ai dit dans mes notes préliminaires. J'ai admis qu'il faudrait que le Conseil du trésor s'ajuste, qu'il y ait sans doute des amendements à la Loi sur l'administration financière ou à d'autres lois. Mais je pense qu'au moins il faut reconnaître que l'avant-projet que nous avons devant nous est une étape extrêmement importante dans un processus qui, il faut le reconnaître encore une fois, devrait être dans l'ensemble de la machine gouvernementale.

J'ai hâte d'entendre ce que les groupes ont à nous dire. Honnêtement, je vais vous écouter avec beaucoup d'intérêt et de

réceptivité, comme je le mentionnais tout à l'heure, parce que le but de la commission parlementaire, c'est de tenter, par vos expériences et par vos commentaires, de faire que le projet de loi de la fonction publique qui sera déposé soit le meilleur possible, compte tenu des impératifs et des circonstances qui orientent toujours un avant-projet de loi. Je vous remercie, M. le Président, et je m'excuse si j'ai été un peu longue.

Auditions

Le Président (M. Champagne): Merci beaucoup, Mme la ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires, on va demander aux personnes qui représentent le Syndicat des conseillers en gestion du personnel du gouvernement du Québec de se présenter à l'avant, s'il vous plaît! Mme Lisette B. Matte, la présidente, et son groupe.

Mme la présidente, on vous demanderait de vous identifier et de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Syndicat des conseillers en gestion du personnel du gouvernement du Québec

Mme Matte (Lisette B-): Mon nom est

Lisette B. Matte, présidente du Syndicat des conseillers en gestion du personnel du gouvernement du Québec. À ma gauche, MM. Laval Côté, vice-président, et Bernard Lanctôt, directeur. A ma droite, M. Michel Carpentier, directeur, ainsi que M. Louis-Georges Brouillard, secrétaire exécutif du syndicat.

Le Président (M. Champagne): Madame, on vous écoute pour la présentation de votre mémoire.

Mme Matte: Cela nous intéresserait de vous dire un peu qui on est. On est un groupe un peu nouveau dans la fonction publique. Notre nom, c'est le Syndicat des conseillers en gestion du personnel. On forme une association reconnue par le ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. On est reconnu par le gouvernement pour représenter tous les agents de la gestion du personnel aux fins de relations du travail depuis 1978. Notre syndicat représente 69% des agents de gestion du personnel admissibles à ce groupe. Il faut dire aussi que notre groupe fonctionne sur une base bénévole, toute l'organisation et tous les comités. Tout se fait en dehors des heures de travail et sur le temps personnel des membres.

Il va de soi qu'étant donné notre champ de travail il est particulièrement crucial pour nous de nous intéresser à l'avant-projet de loi sur la fonction publique vu que, dans nos interventions quotidiennes de professionnels, on a à promouvoir les dispositions de la Loi sur la fonction publique, à les défendre, à les interpréter et à les appliquer. Compte tenu du peu de temps qu'il nous a été possible de consacrer à l'avant-projet de loi, nous avons mis dans ce mémoire la plupart des réflexions qu'il nous importait de présenter à la commission.

En termes d'orientation du projet de loi - je pense que c'est une constatation qu'on fait comme groupe et que tout le monde fait par rapport à la fonction publique - on a vécu une période de fortes réglementations qui a été pénible à vivre tant pour nous, les professionnels de la gestion des ressources humaines, que pour les gestionnaires à qui elle s'adressait. On ne peut qu'être d'accord avec les principes mis de l'avant par l'avant-projet de loi et même les appuyer très fortement. Cela nous semble des valeurs fondamentales pour permettre à la fonction publique de progresser, en particulier le principe du service aux citoyens. Il nous semble que la gestion des ressources humaines ne pourra donner sa pleine efficacité que si ce principe est pleinement mis de l'avant et pleinement articulé dans toutes ses dimensions. Il va aussi de soi que la promotion de l'efficience au sein de la fonction publique nécessite des énergies, de même que le principe de l'imputabilité des gestionnaires est vraiment fondamental à l'atteinte de l'amélioration du service aux citoyens.

Donc, le syndicat est favorable à la plupart des principes mis de l'avant par le projet de loi. Toutefois, c'est surtout dans l'application de la loi et dans la mesure où les organismes centraux et aussi les directions de personnel consentiront, dans les faits, à déléguer aux gestionnaires des pouvoirs sur la gestion des ressources humaines que nous pourrons alors parler d'imputabilité. Il ne faut pas se le cacher, la mentalité/contrôle existe au sein des organismes centraux, mais je pense que cela existe au sein de chaque ministère, dans les directions de personnel et dans toutes les boîtes administratives, quelles qu'elles soient.

Politiques, normes, règlements et procédures, idéalement réduits à leur plus simple expression, devraient constituer, à notre sens, des balises et non des entraves à la gestion. Toute mesure qui ne respecte pas le principe de la primauté du service aux citoyens devrait être systématiquement écartée.

Dans ce contexte de responsabilisation plus grande des gestionnaires, les conseillers en gestion du personnel entrevoient que leur contribution à la gestion sera gratifiante et mieux acceptée. Je pense que c'est depuis l'existence du syndicat qu'on met de l'avant la promotion de l'exercice du rôle conseil par les agents de gestion du personnel

comme devant contribuer plus efficacement à la gestion des ressources humaines. Par la lourde réglementation, on est beaucoup plus astreint à un rôle d'applicateur de règlements et de contrôleur que de conseiller professionnel et de soutien aux gestionnaires dans l'atteinte de leurs objectifs.

Un prérequis, toutefois: lorsqu'on parle d'imputabilité, il faut considérer globalement et de façon intégrée toutes les politiques générales en matière de gestion financière, matérielle et de ressources humaines. Il faut également définir sur quoi porte l'imputabilité dans chacun de ces domaines et quelle est la véritable marge de manoeuvre du gestionnaire dans le rôle qu'on veut lui faire jouer. Tout cela est à voir à la suite de l'approbation d'un projet de loi. (11 h 30)

Jusqu'à présent, on a traité de notre vision quelque peu interne de l'administration. C'est toujours avec une certaine pudeur que des fonctionnaires parlent de la relation entre le politique et l'administratif. Mais c'est vraiment un domaine qui a un impact direct sur l'efficacité administrative. Notre réflexion aurait avantage à être plus poussée sur cet aspect, mais il nous semble vraiment qu'une clarification de l'éthique de la relation entre le politique et l'administratif serait de nature à assurer une meilleure atteinte des trois objectifs mis de l'avant par le projet de loi. Notre préoccupation est que le politique et l'administratif aient des relations beaucoup plus associées, beaucoup plus intégrées, dans le respect de la compétence et des responsabilités respectives.

Pour poursuivre les commentaires sur certains articles du projet de loi, chacun des membres du conseil aurait à commenter différents articles. Je demanderais à Michel Carpentier de poursuivre pour les articles 3, 9 et 10.

M. Carpentier (Michel): Merci. Les modifications qu'on a proposées, dans certains cas, au libellé, s'appuient, comme vient de le dire Lisette, sur les quatre principes qui ont été rappelés ce matin, c'est-à-dire l'intérêt public, le rendement, la responsabilisation des employés et le souci de traiter les employés avec équité. Les modifications qu'on a proposées s'inscrivent dans cet esprit. Une première modification est proposée à l'article 3. Je vais vous demander de faire de la gymnastique pour aller voir en annexe le libellé qu'on propose. Tout simplement, c'est une technicité. Au lieu de dire: "La fonction publique doit être organisée et administrée avec efficience et de manière à développer ses ressources humaines", nous prétendons que, sur le plan des sciences du comportement, sur le plan pédagogique, on ne développe pas des gens, pas plus qu'on ne les motive. Les gens se motivent et se développent eux-mêmes. Dans le sens de l'imputabilité, cette nuance est importante. On souhaiterait dire plutôt: "Favoriser le développement de ses ressources humaines". C'est une technicité.

À l'article 9, on propose - je ne lirai pas tout l'article - d'ajouter: "en conformité, le cas échéant, avec les normes d'éthique qui guident l'exercice de sa profession." Quand on rappelle les droits du fonctionnaire, on est d'accord avec cela, sauf que cela devrait être assujetti, comme pour n'importe quel employeur, à une éthique qui, elle, normalement est définie en fonction de l'intérêt public, donc, qui est plus grande que les exigences d'un employeur. On souhaite que les obligations qu'on veut imposer aux fonctionnaires soient assujetties, quand même, à des normes d'éthique qui, en principe, sont reconnues d'intérêt public. Je vous ferai remarquer aussi qu'à l'article 9 on rejoint le principe ou le souci d'imputabilité en faisant l'hypothèse que les gens sont responsables en tant que professionnels ou fonctionnaires.

À l'article 10, on trouve que la position prise dans l'avant-projet est un peu radicale, pour ne pas dire totalitaire. Quand on interdit au fonctionnaire de révéler quoi que ce soit dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions, pour nous, cela détonne un peu avec le principe de responsabilité qu'on veut mettre de l'avant.

On n'est pas, non plus, pour une position qui serait à l'opposé, soit une transparence parfaite, parce qu'elles sont très fragiles les choses transparentes. On n'est pas d'accord pour que les fonctionnaires se mettent à faire des conférences de presse à toutes les semaines. Entre les deux, on s'est dit que l'on peut, peut-être, les considérer comme des gens responsables, des gens qui ont un certain jugement. On souhaiterait leur donner la possibilité de s'exprimer lorsque, dans leur optique propre, il y va de l'intérêt public. Il appartiendrait à ces derniers de faire la preuve que leur intervention est dans l'intérêt public. Le libellé qu'on propose, c'est: "Nonobstant ce qui précède, un fonctionnaire ne saurait encourir de sanction s'il est prouvé que la divulgation d'information recueillie dans l'exercice de ses fonctions a servi l'intérêt public." La preuve appartient donc au fonctionnaire qui divulgue des choses. On se dit: Cela rejoint le principe et de l'intérêt public et de l'imputabilité. Si on a affaire à des gens responsables, on peut courir ce risque. Cela rejoint aussi une préoccupation dont faisait état la ministre lorsqu'elle parlait de l'ancienne attitude qui voulait qu'on se prémunisse contre tout tout le temps. On se dit que peut-être en libellant l'article autrement on s'éloignerait de cette préoccupation.

M. Côté (Laval): À l'article 19, absence sans permission, on mentionne que l'absence sans permission, sans préjudice de toute sanction disciplinaire, peut être suivie d'une coupure de traitement. Or, au sens des relations du travail, une coupure de traitement n'est pas une mesure disciplinaire, mais plutôt une mesure administrative. Afin de faciliter l'application de l'article 19, nous suggérons qu'il soit placé en dessous de la rubrique "mesures administratives". Au niveau de l'application, on pourrait avoir certaines difficultés d'interprétation.

Les articles 23 et 24 parlent du candidat à une élection provinciale. À l'article 23, on mentionne qu'un fonctionnaire qui veut se porter candidat à une élection provinciale aurait droit a un congé sans solde. Si on se réfère à l'article 6 où on mentionne que le recrutement et la gestion des ressources humaines s'effectuent sans favoritisme ni discrimination en matière de favoriser l'apport des différentes composantes de la société québécoise, on se demande pourquoi un fonctionnaire ne se porterait-il pas candidat à une élection fédérale.

Si ce même fonctionnaire s'était présenté à une élection fédérale ou provinciale et avait été élu, l'esprit de l'article 24 propose que sa sécurité d'emploi soit prolongée tout le long de son ou de ses mandats. Compte tenu de la situation actuelle, des compressions d'effectifs et des compressions budgétaires, nous suggérons que ce droit ou ce privilège ne soit accordé que pour une durée maximale de cinq ans. Après cinq ans, si ce ou cette fonctionnaire est toujours député(e) ou ministre, il ou elle serait considéré(e) comme ayant démissionné.

M. Lanctôt (Bernard): Pour les articles 29 à 33 concernant les recours, du moins en ce qui concerne la promotion, la formule développée dans un des projets de loi précédents où on confiait au Protecteur du citoyen la possibilité de faire enquête nous semblait avoir l'avantage, premièrement, de protéger les droits du citoyen, de ne pas empêcher le processus de suivre son cours et, finalement, de maintenir la qualité des services. Or, à notre avis, la formule retenue dans le présent avant-projet maintient l'un des malaises de la loi 50, c'est-à-dire la lourdeur des procédures en matière de concours de promotion, à moins que la Commission de la fonction publique ne soit plus sélective dans la recevabilité des appels.

M. Carpentier: Dans le libellé actuel de l'article 33, on dit: "Le sous-ministre est responsable de la gestion des ressources humaines qui sont allouées au ministère." Toujours dans un esprit d'imputabilité, nous croyons que cela ferme la porte à la possibilité que le sous-ministre gère ses ressources lui-même comme il l'entend, soit entièrement responsable de la gestion des ressources. Dans ce sens, on voudrait proposer une possibilité d'ouverture en disant "la gestion des ressources humaines constituant les effectifs du ministère", dans l'hypothèse future, par exemple, où il y aurait une masse budgétaire à gérer, mais pas nécessairement des effectifs déterminés par le Conseil du trésor.

La même remarque s'applique à l'article 34. On verra, à l'article 78, que plutôt que dire que "le conseil établit les effectifs requis pour la gestion", nous proposons ceci: "Le Conseil du trésor définit des normes pour l'établissement..." Un assouplissement en ce qui concerne l'ingérence du Conseil du trésor au niveau de chacun des ministères et organismes.

M. Côté: À l'article 35, gestion des ressources humaines. La responsabilité de la gestion des ressources humaines comprend, notamment, la planification, l'organisation, la direction, le développement et l'évaluation de ces ressources. Nous sommes conscients que, dans l'esprit de l'article 35, au niveau des responsabilités de la gestion des ressources humaines, cela ne se veut pas une énumération exhaustive et tout à fait complète. Toutefois, nous voulons qu'on porte attention à certaines fonctions qui nous paraissent essentielles au niveau de la gestion des ressources humaines. Entre autres, nous souhaitons voir apparaître, à côté de celles énumérées à l'article 35, des fonctions comme l'analyse d'emploi, la dotation et l'application des conventions collectives ou des conditions de travail.

J'apporterai une attention particulière au niveau de l'analyse d'emploi. On a essayé de comprendre si l'analyse d'emploi est intégrée ou comprise au niveau de l'organisation. Si nous, conseillers en gestion du personnel, nous posons la question au niveau de l'application, il pourrait y avoir certaines difficultés. Nous savons qu'actuellement, au niveau de l'analyse d'emploi, il y a une certaine faiblesse au niveau de la fonction publique québécoise. C'est un élément de base essentiel. On ne parle pas d'organisation lorsqu'on n'a pas encore saisi les besoins de l'organisation et ils sont déterminés au niveau des analyses d'emploi. Je souligne également que l'analyse d'emploi a un lien direct avec la rémunération. Lorsqu'on fait une analyse d'emploi qui débouche nécessairement sur une détermination du niveau d'emploi, si c'est faussé au départ et qu'une détermination du niveau d'emploi est jugée au niveau technique alors qu'au regard des règlements qui existent au niveau de la classification cet emploi est non pas au niveau technique, mais au niveau d'agent de bureau ou au niveau de fonctionnaire, on se rend compte que tout le long de la carrière, pour

l'organisation, il y a des coûts excessifs, qu'on le veuille ou non. La détermination du niveau d'emploi est liée directement à l'argent, directement au traitement, d'où l'importance, je crois, de le mentionner à l'article 35.

M. Lanctôt: Les articles 33 à 38 portent sur la responsabilité des ministères et organismes. Dans le cadre de l'imputabilité, des pouvoirs de gestion passeront des organismes centraux aux ministères. On essaiera de faire jouer aux gestionnaires un vrai rôle de gestion. Il reste, cependant, à souhaiter que les processus de vérification et de contrôle, qui sont nécessaires à toute saine gestion, soient intégrés dans le processus et non pas exercés concurremment par différents organismes centraux. On espère aussi qu'advenant l'acceptation de l'avant-projet les organismes centraux se donnent des mécanismes et des stratégies précises quant à l'implantation et à la réalisation des principes énoncés dans l'avant-projet. L'expérience de la loi 50 nous suggère qu'il est plus facile d'énoncer des principes que de modifier des mentalités et des comportements.

M. Carpentier: Quant aux articles 38 à 52, concernant le recrutement et la promotion, nous sommes, évidemment, d'accord avec les propositions de l'avant-projet. Tout ce qu'on déplore, finalement -je ne veux pas revenir à ce qu'on a dit tout à l'heure - c'est, par exemple, aux articles 40 et 41 des limitations à la délégation qui est faite au sous-ministre. On trouve qu'il y a une tendance, une ouverture, mais quand même limitative. On vous fait confiance, mais on aimerait que ce soit moins limitatif.

Mme Matte: D'accord. Sur la partie des administrateurs d'État, on n'a aucun commentaire à formuler, de même qu'en ce qui concerne le régime syndical. Comme on sait qu'un groupe de travail relevant du Comité des priorités doit proposer une réforme du régime de négociations, nous attendons des propositions, des projets de loi en ce domaine pour les étudier et présenter nos commentaires.

On va poursuivre sur le cadre institutionnel avec M. Michel Carpentier.

M. Carpentier: On dit dans notre mémoire qu'on anticipe malheureusement certains dysfonctionnements qu'on retrouvait aussi dans la loi 50 au niveau de la répartition des pouvoirs. On pense que le pouvoir, par exemple, de réglementer et le pouvoir d'appliquer devraient être attribués au même organisme. Autrement, les mécanismes de rétroaction sont très compliqués. Quand c'est l'un qui réglemente et que c'est un autre qui administre, cela devient compliqué de faire le lien et de réajuster la réglementation selon ce que pourrait suggérer l'usage de la réglementation. On aimerait que les pouvoirs se retrouvent à l'intérieur d'un même organisme.

À l'article 78, la modification proposée, c'est celle dont j'ai parlé tout à l'heure concernant le rôle que le Conseil du trésor devrait jouer au niveau des effectifs, c'est-à-dire suggérer des normes plutôt que d'imposer un nombre donné d'effectifs.

On a relevé des exemples de dysfonctionnement: à l'article 78, le Conseil du trésor définit les modes de dotation et les règles de mise en disponibilité et de placement. À l'article 102, on confie l'application des dispositions à l'office. Alors, comment intégrer ces deux choses?

On ne reviendra pas sur ce qui a été dit ce matin, à l'ouverture, mais on a aussi certaines craintes sur la façon qu'on connaît ou qu'on reconnaît au Conseil du trésor d'intervenir dans les organismes. On a peur que ne soient transposés au niveau de la gestion des ressources humaines certains principes comptables qui sont appliqués maintenant en matière de gestion financière. (11 h 45)

Les articles 88 et 104 permettent la délégation des fonctions du Conseil du trésor et de l'office aux ministères et organismes. Ce qu'on aurait souhaité, c'est que la délégation représente la règle et qu'il y ait des exceptions peut-être pour certains ministères ou organismes reconnus "délinquants". C'est un peu le contraire qui se produit. On dit: On va donner la permission à ceux qui sont sûrs, on va leur déléguer certaines responsabilités. On aurait aimé que ce soit le contraire.

Mme Matte: Au chapitre VII sur la réglementation, nous n'avons aucun commentaire. Au chapitre VIII, on a une modification à proposer.

M. Côté: À l'article 127, deuxième partie, nous aimerions, au niveau de l'esprit, aller plus loin de ce que propose l'avant-projet. Je vais vous le lire rapidement. Le fait pour un fonctionnaire de commettre une telle manoeuvre frauduleuse - c'est-à-dire à l'occasion d'un concours de promotion, d'un concours de recrutement ou encore d'un changement de grade - constitue une cause suffisante de congédiement. Nous aimerions aller encore plus loin que cela. Nous aimerions pouvoir ajouter: Le fait pour un fonctionnaire de commettre une telle manoeuvre frauduleuse ou de tenter d'exercer une influence indue en sa faveur ou en faveur d'une autre personne constitue une cause suffisante de congédiement.

Mme Matte: Au chapitre IX, nous

n'avons aucun commentaire. En guise de conclusion, nous avons tenté dans cette étude sommaire de comprendre, d'analyser et d'apprécier les principes qui sous-tendent l'avant-projet de loi. Nous constatons la volonté du gouvernement de ramener à la fonction publique son rôle véritable de desservir la population québécoise. Nous sommes conscients, comme syndicat et comme partenaire de la gestion, que cette volonté perturbera la mentalité de plus d'un fonctionnaire. C'est pourquoi nous souhaitons que l'application des principes de l'avant-projet de loi se fasse graduellement, dans un climat de confiance et de sérénité. La participation de chacun des fonctionnaires du gouvernement est nécessaire à la réalisation d'un tel projet. Les principes énoncés par cet avant-projet de loi doivent être compris des fonctionnaires. Aussi, les mécanismes nécessaires doivent être mis en place afin de sécuriser et d'assister ces fonctionnaires qui feront face à des difficultés d'adaptation, il va sans dire.

La majeure partie des membres de notre syndicat souhaitent cette évolution depuis longtemps et sont prêts sans réserve à appuyer les gestionnaires dans ce processus de maturation. Trop souvent le conseiller ou la conseillère en gestion a été confiné à un rôle technique se résumant à l'application de nombreux règlements émanant des organismes centraux. L'exercice de notre profession y gagnera vraisemblablement en exigences mais aussi en satisfaction.

Le Président (M. Champagne): Nous allons passer aux commentaires et aux questions. Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Très brièvement, je vous remercie d'être venus à la commission d'autant plus que, s'il y a des gens qui sont fort conscients des faiblesses et des forces de la loi 50 actuelle, ce sont généralement ceux qui sont impliqués dans la gestion du personnel comme vous l'êtes. J'ai trouvé votre mémoire intéressant aussi dans la perspective où je pense que vous avez tenté objectivement au-delà des objectifs qu'on poursuit et avec lesquels vous semblez être d'accord, de nous donner votre point de vue. Je trouve cela d'autant plus intéressant qu'avec une approche comme celle que nous proposons dans l'avant-projet de loi, vous allez être parmi ceux qui risquent de perdre certains pouvoirs de gestion du personnel. Dans ce sens-là, vous n'avez pas eu une réaction qui aurait pu vous placer en conflit d'intérêts avec votre façon de voir une nouvelle gestion du personnel. Je pense encore là que votre témoignage est important parce que c'est clair que l'avant-projet de loi, au-delà de tous les problèmes qu'on a énumérés tout à l'heure, se veut surtout un avant-projet qui oriente la gestion du personnel. C'est, bien sûr, ce à quoi nous nous sommes attachés le plus spécifiquement dans ce projet en étant conscients que, si on veut parler de responsabilité et d'imputabilité comme on l'a dit, cela ne doit pas s'arrêter là. Il ne faudrait pas non plus oublier le but premier de notre loi.

Vous avez posé une question sur la participation aux élections fédérales par rapport aux élections provinciales. Je vais vous expliquer mon raisonnement comme je l'ai fait à plusieurs reprises. Comme je l'ai dit à d'autres - je vais être très honnête, je n'ai pas non plus consulté mon collègue Marcel Léger là-dessus - je crois que traditionnellement la seule raison pour laquelle on a empêché nos fonctionnaires de participer à des élections provinciales et fédérales... Dans ce sens-là, la loi 50 avait quand même fait un pas assez grand, permettant la participation en dehors des périodes électorales proprement dites. La seule raison pour laquelle on avait empêché -dans l'avant-projet, on le recommande toujours, on verra se qui découlera de la consultation - la participation électorale, c'était pour permettre la plus grande neutralité dans l'exercice des fonctions. On sait que les fonctionnaires à l'emploi du gouvernement du Québec sont tenus d'exercer leurs fonctions avec la plus grande neutralité possible. J'ai toujours cru personnellement que la politique, au Québec, c'était un sport, un sport qui prend des proportions très passionnées en campagne électorale. J'ai toujours pensé que les passions étaient plus fortes pendant les campagnes électorales qu'en dehors des périodes électorales. En ce sens, j'ai encore des hésitations à franchir l'autre pas.

Par ailleurs, le problème ne se pose pas du tout dans le cas du gouvernement fédéral parce que le fonctionnaire du gouvernement du Québec est tenu d'agir avec neutralité dans l'exercice de ses fonctions, parce que ses fonctions découlent des politiques gouvernementales du Québec. Il n'a pas à être neutre par rapport aux politiques du gouvernement du Canada ou d'autres gouvernements. Sa principale neutralité est à l'égard du gouvernement élu par la population du Québec pour siéger à Québec. En conséquence, on ne voyait pas pourquoi -personnellement, je ne voyais pas pourquoi -on ne permettrait pas une participation aux élections fédérales pendant une campagne électorale. Par ailleurs, si on permet une participation au fédéral, de la même façon, on ne donne pas des droits aux fonctionnaires qui se présenteraient aux élections fédérales. Mais l'inverse se produit au Québec puisqu'on empêche nos fonctionnaires de participer à des élections au Québec sous prétexte de neutralité. On pense donc qu'il est juste de donner des droits à ceux qui voudraient représenter leurs concitoyens à l'Assemblée

nationale.

Je dois vous dire que c'est un débat qui ne fait pas encore l'unanimité. Je crois que beaucoup de groupes auront l'occasion de se prononcer sur la pertinence de laisser les fonctionnaires participer aux élections. On verra ce qui en découlera dans le projet.

Cela dit, je vais vous poser une simple question. Vous dites que vous auriez préféré qu'on retienne l'approche de l'ombudsman plutôt que de maintenir la Commission de la fonction publique comme commission d'enquête sur le processus de recrutement et de promotion. Il y avait effectivement une hypothèse qui avait été évaluée avant l'avant-projet; nous ne l'avons pas retenue pour un certain nombre de raisons. J'aimerais que vous expliquiez un peu les malaises qu'engendre, selon vous, un organisme comme la Commission de la fonction publique et, dans un autre temps, que vous nous indiquiez, si on doit maintenir la commission... Vous parlez de limiter la recevabilité de certains appels. J'aimerais que vous explicitiez le rôle de l'ombudsman par rapport à la commission, et sinon, si on retient la commission, les moyens d'améliorer le mécanisme pour régler certains malaises.

M. Lanctôt: Ce qu'on voulait dire, ce n'est pas contre la commission, mais c'est sur le principe émis dans un des avant-projets de loi en donnant un pouvoir au Protecteur du citoyen. Que ce soit la commission, on n'a absolument rien contre la commission, on serait même d'accord pour qu'elle conserve tous les pouvoirs, mais à condition qu'elle mette une réserve sur les appels, qu'elle puisse limiter le nombre d'appels, parce que, en ce moment, les procédures peuvent durer jusqu'à deux ans pour compléter un concours. C'est tout à fait long. C'est surtout dans cet esprit-là qu'on l'a écrit. On n'a rien contre la Commission de la fonction publique. C'est sur le principe qui veut qu'on puisse donner un droit d'appel aux citoyens, que ce droit-là n'arrête pas la procédure et qu'on puisse continuer à progresser dans les concours qu'on pilote.

Mme Matte: Il s'agit d'essayer de concilier le droit des fonctionnaires à avoir des mécanismes de recours et d'appel pour faire reconnaître leurs droits avec le principe de l'efficacité. On est à la recherche. On n'a pas de suggestion autre que de dire: Est-ce que la commission ne pourrait pas avoir des mécanismes de vérification du bien-fondé ou de la recevabilité d'un appel pour qu'un concours ne soit pas automatiquement bloqué dès qu'un appel est placé? On veut assouplir un peu le mécanisme d'appel en regard de la poursuite du processus administratif. Nous vivons cela de façon assez intense en relation avec nos gestionnaires qui ont un poste à combler. On a même observé des cas où on devait attendre jusqu'à deux ans pour combler un poste en raison des mécanismes d'appel. Il nous semble qu'il y aurait moyen de conserver les droits des fonctionnaires tout en mettant de l'avant l'efficacité administrative.

Mme LeBlanc-Bantey: Donc, quand vous parliez de malaise, vous faisiez surtout allusion à des situations où un poste ne peut être comblé parce que quelqu'un est allé en appel dans un concours de promotion, par exemple?

Mme Matte: Oui, c'est bien cela. Mme LeBlanc-Bantey: D'accord.

Le Président (M. Champagne): Merci. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. Mes premières paroles évidemment seront des paroles de remerciement à l'endroit des membres et des dirigeants du Syndicat des conseillers en gestion du personnel du gouvernement. Leur mémoire est très intéressant et il a surtout le mérite d'être présenté par des gens qui vivent la gestion du personnel et qui savent ce dont ils parlent.

Les remarques qu'ils nous font méritent d'être étudiées et, dans certains cas, d'après moi, on verra, avec les autres mémoires qu'on a en main, si elles doivent être retenues.

La première réflexion qui me vient à l'idée, c'est celle qui concerne la possibilité d'avoir un congé sans solde ou un congé quelconque pour ce qui est des fonctionnaires de la fonction publique québécoise qui désireraient se présenter à une élection fédérale. Je pense qu'il s'agit là d'une question de principe fondamentale et non d'une question de modalités. Les fonctionnaires, quand ils sont à l'emploi du gouvernement du Québec, doivent demeurer des citoyens à part entière - c'est fondamental, c'est une question de principe -et, si on est un citoyen à part entière d'un pays, d'une province, quelles que soient les fonctions qu'on occupe, on doit pouvoir postuler les postes électifs de cette société à laquelle on appartient.

M. le Président, je ne veux pas ouvrir de débat là-dessus, mais je fais abstraction de l'option politique fondamentale du Parti québécois. Dans la situation actuelle, je pense qu'on peut très difficilement défendre à des fonctionnaires qui, dans l'exercice de leurs fonctions, dans leur carrière, ont choisi de se dévouer, de se consacrer au service de leurs concitoyens du Québec par le biais de la fonction publique québécoise, on peut très

difficilement leur nier le droit en même temps, selon leur désir et selon leur capacité, de se présenter comme candidats à une élection fédérale. Je ne pense pas qu'on puisse rattacher cela au fait que la position des fonctionnaires vis-à-vis de la politique fédérale n'exige pas d'eux la même neutralité que leurs fonctions de fonctionnaires québécois, que leurs postes de fonctionnaires québécois exigent d'eux vis-à-vis de la politique québécoise. Les réflexions que je fais vis-à-vis des personnes qui désireraient se porter candidates au gouvernement fédéral s'appliquent aussi, sans aucune réserve, à des gens qui désireraient se porter candidats à une élection municipale.

Étant en politique, ainsi que vous, M. le Président et Mme la ministre, vous savez que la politique a besoin d'avoir accès à tout le réservoir des compétences disponibles et que, si cette disposition, pour une raison ou pour une autre, empêchait, soit au fédéral, soit au municipal, des gens qui en ont la capacité, la compétence et le désir de venir servir leurs concitoyens en tant qu'hommes ou femmes politiques, je vous dis sans ambages que c'est une mauvaise restriction qui n'a pas sa raison d'être. On doit, là-dedans comme dans le reste, mettre toutes les chances de notre bord. Et si, en même temps, un changement approprié dans cet article amenait les fonctionnaires, qui sont des citoyens à part entière - non seulement au provincial, mais au fédéral et au municipal - à se présenter comme candidats ou candidates, c'est désirable. Et je pense aussi que, pour les citoyens et les citoyennes en général, c'est désirable de ne pas permettre qu'il y ait d'obstacles inutiles à des candidatures éventuelles, aussi bien au niveau fédéral que municipal. Ce sont les remarques que je voulais faire là-dessus. (12 heures)

En ce qui concerne d'autres points que vous soulevez et que j'ai notés ici, les modifications que vous proposez à l'article 10 mettent une sourdine, si on peut dire, à l'automatisme de la sanction advenant le cas où un fonctionnaire se serve de renseignements dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qu'il s'en serve publiquement ou privément. L'article est flou là-dessus, on ne sait pas trop. Je voudrais savoir si, dans votre expérience personnelle, en tant que gestionnaire, ce sont des situations qui, à votre connaissance, se présentent régulièrement, qui sont fréquentes. Est-ce qu'il y a vraiment un problème majeur? Est-ce qu'on est en train, par la voie de l'article 10 tel qu'il existe actuellement, d'utiliser un canon pour tuer une mouche, en d'autres mots? Ou si ce sont des situations qui sont tellement exceptionnelles qu'on peut y mettre une sourdine de la nature de celle que vous y mettez et qui pourrait être différente, peu importe? J'aimerais savoir quelle est votre expérience personnelle dans ce domaine-là.

M. Carpentier: II est difficile de quantifier et de dire si cela arrive souvent. Ce qui nous frappe là-dedans, c'est l'esprit. Si on veut que les gens soient responsables, il faut témoigner d'une certaine ouverture, d'une certaine confiance. Et cela se manifeste en le disant: la transparence, c'est une façon de le manifester. Si on veut une certaine transparence, c'est une bonne façon de le montrer. Mais, je ne pourrais pas donner de statistiques pour dire que cela se présente dans tel ou tel cas. Il reste qu'on est quelquefois mal pris parce que, comme professionnels - cela peut être vrai pour quelqu'un qui travaille à l'Environnement, par exemple, en écologie ou des choses comme cela - on est pris dans un dilemme où il nous semble que l'intérêt public n'est pas là où la décision politique s'oriente. Et là, on est mal pris en termes personnels et on aimerait être capable de le dire, mais on ne le peut pas, sous peine de subir des sanctions. Ce qu'on dit, c'est: Laissons donc la porte ouverte à un peu plus de transparence pour que les gens qui vivent des situations comme cela puissent parler et dire publiquement qu'ils ne sont pas d'accord. Mais, combien de fois cela se présente-t-il? C'est difficile à dire.

M. Doyon (Louis-Hébert): Merci. Autre remarque que m'inspire la modification que vous proposez à l'article 9 - et là, je fais encore appel à votre expérience personnelle -est-ce que, dans les faits, dans la gestion quotidienne des gens qui sont régis par un code d'éthique, que ce soit par le Code des professions ou autrement, les gens, qu'ils soient avocats, architectes ou ingénieurs - on pourrait en nommer plusieurs - s'y conforment? Est-ce que vous êtes en mesure de dire si les gens se conforment à ce code de leur profession personnelle? Quelle est la situation actuelle?

M. Carpentier: C'est très difficile, encore une fois, de répondre pour les autres professions. On sait qu'il y a quelquefois des pressions qui sont exercées pour faire des entorses à notre éthique, parce qu'on n'est pas régis officiellement par un code d'éthique, mais il reste qu'on a tous une certaine éthique personnelle. Quelquefois, on est obligé de faire des entorses, effectivement.

M. Doyon (Louis-Hébert): Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Je vois que la modification que vous proposez à l'article 127 fait de la tentative d'exercer une influence indue l'équivalent de l'infraction elle-même, c'est-à-dire de la

commission de l'infraction. Évidemment, étant avocat, je peux vous dire - mais là, on n'est peut-être pas dans le Code criminel -que, normalement, on dit que la tentative est une offense incluse. Normalement, le fait de tenter de commettre quelque chose est une offense incluse purement et simplement. Je n'ai pas d'objection, vu qu'on n'est pas dans un texte législatif de nature pénale à proprement parler, qu'on l'indique, mais je voudrais vous souligner quelque chose. Est-ce que vous ne pensez pas que, si on l'inclut dans le deuxième paragraphe, on ne devrait pas aussi l'inclure dans le premier paragraphe? C'est-à-dire qu'on est plus sévère ici pour le fonctionnaire qui commet une telle manoeuvre frauduleuse ou tente d'en commettre une que pour la personne qui se présente à un concours et qui commet cette tentative. Ce que je demande, c'est: Est-ce qu'on ne devrait pas, à ce compte-là, retrouver, dans le premier paragraphe de l'article 127, une phrase de la nature de celle-ci, c'est-à-dire "commet une manoeuvre frauduleuse ou tente de commettre une manoeuvre frauduleuse", ce qui ajusterait les deux cas? Il est bien sûr que, si on le dit dans le deuxième paragraphe - c'est simplement un détail; ce qui n'est peut-être pas nécessaire - et qu'on ne le dit pas dans le premier paragraphe, par voie de conséquence, c'est clair, je pense, qu'on exclut la tentative dans le premier paragraphe. Je vous souligne simplement cet aspect-là.

M. Côté: Toutefois, lorsqu'on mentionne "toute personne", cela peut inclure quelqu'un de l'extérieur de la fonction publique et c'est pour cela que, lorsqu'on parle de congédiement, il nous est difficile de congédier quelqu'un qui est à l'extérieur, parce qu'il y a "toute personne". La sanction, c'est qu'il a été banni d'un concours pour une période de deux ans. C'est pour cela, en fait, qu'on n'a pas rajusté. J'ajouterais aussi qu'il est normal qu'on soit plus sévère pour quelqu'un de l'intérieur qui connaît très bien les règles du jeu que pour quelqu'un qui travaille à l'extérieur et qui ne sait pas trop ce qui se passe à l'intérieur de la fonction publique. C'est pour cela que, peut-être, il y a une disproportion entre la sévérité de la sanction pour le fonctionnaire et pour "toute personne".

M. Doyon (Louis-Hébert): Je comprends que la sanction n'est pas la même. En tout cas, je vous le soulignais tout simplement. Si on le met dans le deuxième paragraphe et qu'on ne le met pas dans le premier, il y aura sûrement une différence entre les deux, et il va falloir tirer la conclusion que la tentative qui est normalement incluse, une offense incluse, ne l'est pas pour ce qui est du premier paragraphe.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, j'ai quelques questions et un commentaire. Je pense que je vais commencer par le commentaire qui concerne l'article 24, ce que vous dites au sujet de l'article 24. Je vais tout de suite vous donner ma position; alors, on pourra mieux discuter. Dans mon intervention du début, j'ai indiqué que, selon moi, il fallait davantage intégrer l'administratif et le politique et que c'était finalement pour moi une question d'attitude, de changement de mentalité, beaucoup plus que de textes législatifs. De la même façon que, pour moi, le service aux citoyens, cela va se concrétiser quotidiennement par des choses. C'est un exemple, pour moi, de la non-intégration du politique et de l'administratif et de la non-intégration de la notion de service aux citoyens, c'est-à-dire que la perception qu'on peut avoir dans la fonction publique, quand on est à l'intérieur, de l'homme politique, cela se manifeste d'une certaine... Je corrige. La perception qu'on peut avoir des services à fournir aux citoyens, cela se manifeste aussi par l'attitude qu'on a vis-à-vis de ceux qui les représentent, de la même façon que les distances qu'on veut prendre entre le politique et l'administratif, cela se manifeste par des attitudes qu'on peut avoir à l'intérieur. Pour moi, cela a toujours été un exemple dans la Loi sur la fonction publique, c'est-à-dire la distinction qu'on fait entre le fonctionnaire qui a la chance de ne pas avoir été élu à une élection et celui qui a l'incompétence de se faire élire.

On dit: On a un point de départ qui est le même pour tout le monde. Les fonctionnaires ont les mêmes droits que l'ensemble des citoyens et ils ont aussi le droit de briguer des postes électifs. Je reconnais que l'avant-projet de loi améliore un peu dans le sens que, maintenant, il permet, pendant les campagnes électorales, y compris au fédéral - il reste qu'on empêche encore la participation des fonctionnaires pendant les campagnes provinciales - d'une meilleure façon que dans l'ancienne loi, au moins aux fonctionnaires d'avoir automatiquement un congé sans solde. Quand c'est du côté du fonctionnaire, cela va. Quand c'est pour permettre à un fonctionnaire de briguer les suffrages, jusque-là, c'est parfait. On dit: II va avoir un congé sans solde. Avant, on disait: II faut qu'il démissionne et, après, on le réintégrera. Dans la loi actuelle, on ne le réintègre pas de la même façon s'il a été battu ou s'il a été élu. Votre commentaire, je dois constater qu'il va encore dans le même sens. On dit: S'il a la malchance d'être là pour plus de cinq ans, il va perdre ses droits de fonctionnaire. Autrement dit, quel intérêt un

fonctionnaire peut-il avoir à prendre les risques que cela comporte de venir en politique, à amener au niveau politique son expérience administrative si, après cinq ans, il perd ses droits de fonctionnaire? On lui donnerait tous les droits comme fonctionnaire au départ, mais si cela dure plus de cinq ans... Autrement dit, en filigrane de tout cela, ce que je vois - vous me le direz si je me trompe - c'est que, s'il a été contaminé trop longtemps, on ne lui permettra pas de revenir dans les rangs. Je m'excuse, mais je trouve que votre motif, qui est un motif de compression d'effectifs, dans les circonstances, compte tenu du nombre de personnes que l'histoire nous a démontré que cela touchait, ce n'est pas tellement cela. Je vois beaucoup plus - c'est peut-être là-dessus qu'il y aurait une discussion intéressante à faire - une question de mentalité, d'attitude vis-à-vis de la politique et de l'administratif. Dans la machine, j'ai l'impression que c'est ainsi qu'on le vit. C'est un peu cela qui m'a toujours rebuté.

Ce sont peut-être des choses comme cela qu'il faut qu'on fasse disparaître. Pour ce qui est de l'attrait, il faudrait comparer le salaire d'un sous-ministre à un salaire de député pour comprendre que la politique active doit avoir un attrait différent que celui du salaire, quand on sait qu'un sous-ministre gagne à peu près le double de ce qu'un député peut gagner, malgré le fait que les administrateurs aient pu être gelés pendant un an et que le salaire des députés ait augmenté. C'était mon commentaire. J'aimerais que vous réagissiez tantôt sur cette question.

J'ai quelques questions à vous poser. Premièrement, sur le régime syndical. Je suis étonné de voir que vous ne vous prononciez pas sur le régime syndical dans la fonction publique. Je comprends que vous dites: II se discute des choses au Comité des priorités et on va attendre d'en avoir les résultats. J'aimerais cependant avoir vos réactions sur ce qui était proposé par la commission spéciale en regard du régime syndical. Il y avait quand même des choses où la commission recommandait des ajustements par rapport à la loi actuelle. J'aimerais connaître vos opinions là-dessus. Au moins, si vous ne pouvez pas savoir ce qui va sortir du Comité des priorités, vous savez ce qu'il y a dans les recommandations de la commission spéciale. Quelles sont vos opinions là-dessus?

Deuxième question. Vous ne vous prononcez pas sur la notion d'administrateur d'État. Vous dites: On n'a pas de commentaire à faire là-dessus. Je voudrais vous poser des questions quand même. C'est une fonction nouvelle qu'on crée, donc, des droits nouveaux qu'on élargit à un nombre de personnes qui n'étaient pas nécessairement toutes couvertes par cette notion d'administrateur d'État dans le passé. Est-ce que vous trouvez cela normal? Est-ce que vous trouvez aussi normal que le chef de cabinet du premier ministre soit considéré comme un administrateur d'État? Je comprends qu'il faut intégrer le politique et l'administratif, mais est-ce qu'on doit à ce point faire l'intégration? Est-ce que vous trouvez normal que le chef de cabinet du premier ministre soit considéré comme un administrateur d'État? C'est ma question sur les administrateurs d'État.

Vous soulevez le vieux problème de l'éthique professionnelle de chacune des professions. Je voudrais savoir si, dans l'exercice de vos fonctions, vous avez eu connaissance de problèmes que les deux allégeances pouvaient occasionner. Autrement dit, je suis un fonctionnaire, j'ai un supérieur immédiat, je dois le conseiller, je le conseille effectivement; il prend une orientation différente ou il me demande de prendre une orientation différente. Mon allégeance va vers mon supérieur immédiat; au même moment, j'ai aussi une allégeance à une corporation professionnelle. Mettons que je suis architecte ingénieur, cela a toujours créé des problèmes dans la fonction publique, cela fait quasiment deux types de fonctionnaires. Premièrement, comment pouvez-vous régler cela? Deuxièmement, vous le mettez beaucoup plus large dans votre mémoire, vous parlez de l'éthique professionnelle en général. Donc, je comprends que cela couvre plus que l'éthique qui dépend du Code des professions. Je prendrais votre exemple. Vous n'êtes pas régis, je pense, par le Code des professions. Vous avez dit tantôt: On a une éthique personnelle. Où fera-t-on la démarcation, à un moment donné, entre les différents groupes qui peuvent tous développer leur propre code d'éthique? En fait, comment verriez-vous l'organisation de tout cela?

À la page 7 de votre mémoire, vous dites: Toute mesure qui ne respecte pas le principe de la primauté du service au citoyen devrait être systématiquement écartée. Je trouve que c'est très bien et je suis en parfait accord avec cela. J'aimerais que vous m'expliquiez comment, dans la pratique, on assurera cela et que vous me donniez des cas actuels, qu'on peut vivre actuellement, par exemple, où, en fonction de ce principe que vous énoncez à la page 7, des mesures auraient été mises de côté. Autrement dit, y a-t-il actuellement des mesures que vous voyez dans votre travail quotidien qui seraient mises de côté parce que cela ne respecterait pas la primauté du service au citoyen?

J'aurais beaucoup d'autres questions, mais je pense que je vais m'arrêter là. (12 h 15)

M. Côté: Pour ce qui est de l'article 24, vous m'aviez demandé si vous aviez tort

ou raison. Vous aviez tort.

M. Bisaillon: Je ne m'attendais pas que vous me disiez que j'avais raison.

M. Côté: D'accord. La discrimination envers les hommes politiques qui réintègrent la fonction publique ne nous a pas effleuré l'esprit. C'est peut-être un peu naïf de notre part, je le confesse, mais actuellement c'est l'aspect de mise en disponibilité qui nous fatigue et nous travaille sérieusement, surtout nous, conseillers en gestion du personnel qui n'avons pas encore de conditions de travail précises. C'est peut-être naïf, mais c'est uniquement cet aspect-là. D'accord?

Mme Matte: C'est la réalité très concrète de la gestion des ressources humaines à laquelle nous sommes confrontés tous les jours, où on a des gens à réaffecter et où les postes se font rares. Nous sommes toujours à l'aguet des postes disponibles à quelque moment que ce soit.

Je dois dire très franchement que les propositions de la commission Bisaillon vont un peu loin. Concernant le régime syndical, nous n'avons pas fait une révision exhaustive de ce qui était proposé. On vous demanderait peut-être de nous rappeler certains éléments et on pourrait commenter à partir de cela.

M. Bisaillon: Je vous parlerai entre autres choses, par exemple, des postes confidentiels. Il y a une pratique différente, dans la fonction publique, de celle qu'on retrouve dans le Code du travail. La commission recommandait qu'il y ait uniformité entre ce qu'on retrouve pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses et qui leur est accordé par le Code du travail et ce qui leur est accordé par la fonction publique. Dans le Code du travail, on dit que c'est le poste qui est confidentiel. Une secrétaire exécutive, par exemple, la secrétaire du président d'un organisme, sera considérée par le Code du travail comme occupant un poste confidentiel. Dans la fonction publique, nous assistons à l'ensemble d'un service qui est confidentiel, du responsable de l'entretien ou de la personne qui fait l'entretien jusqu'au plus haut niveau. Par exemple, tous ceux qui travaillent pour le Vérificateur général n'occupent pas des postes syndicables au sens de la Loi sur la fonction publique alors qu'un bon nombre de ces postes le seraient en vertu du Code du travail. Cela faisait partie du régime syndical.

Il y avait aussi toute la question de la négociation, de la classification. Nous avions suggéré, dans le rapport de la commission, qu'on étudie cette question parce qu'on pense que, dans les faits, on en est rendu à une quasi-négociation. La consultation est tellement poussée que c'est, à toutes fins utiles, de la négociation. Mais comme ce n'est pas reconnu de façon officielle, cela allonge les délais et, dans le temps, cela occasionne des pertes de temps. Pourquoi ne pas le reconnaître de façon officielle? Je vous en donne deux exemples, mais il y en avait d'autres; prenons ces deux-là.

M. Côté: D'accord. Au niveau des exclusions syndicales, je crois qu'il y a quand même eu un travail qui est fait par les syndicats. Pour l'exclusion en général, ce que vous énoncez est effectivement vrai, mais maintenant on a tendance à considérer beaucoup plus les fonctions qu'occupe un employé pour le syndicaliser ou le désyndicaliser. Je prends un exemple: il peut arriver qu'un conseiller en gestion du personnel, qui est d'office non syndicable -puisque nous sommes dans une direction de personnel - occupe des fonctions de biologiste dans un autre service; il est possible qu'il devienne syndicable à cause de ses fonctions et non à cause de son classement. Il y a une évolution dans ce sens. Évidemment, il y a beaucoup de corrections à apporter.

L'autre partie concerne la négociation de la classification. Il me fait plaisir d'entendre cela, je suis un ancien spécialiste en classification. Je n'affirmerai pas qu'actuellement la classification est négociée. Il existe effectivement un comité consultatif au niveau de la classification, mais je crois que les pouvoirs de l'employeur sont très forts encore au niveau de la classification. À savoir si cela devrait être complètement négociable, je connais des entreprises où la classification est négociable, j'en connais d'autres, par contre, où ce n'est pas négociable. Laquelle est la bonne? Je ne sais pas, c'est difficile de trancher un litige comme celui-là. C'est certain que l'employeur a quand même un mot à dire au niveau de la classification. D'autre part, il est aussi normal, pour protéger les droits des syndiqués, que les syndicats aient un droit de regard également sur la classification. De là à déléguer entièrement, au niveau de la négociation, je ne suis probablement pas habilité pour m'avancer sur un sujet comme celui-là.

M. Carpentier: On a plus de questions à poser là-dessus que des solutions à apporter. Comme le médecin a le droit de refuser de faire un avortement parce que son éthique professionnelle ne le lui permet pas, on voudrait avoir, comme professionnels au gouvernement, des droits reconnus. Est-ce qu'il faut les mettre dans un code dans le cas de chaque profession? Peut-être qu'on prendra des années avant de définir un code. En attendant que cela soit fait, peut-être qu'il y a une question de jugement personnel

qui entre en cause et cela sera à chacun à faire preuve... L'expression "bonne foi" est utilisée quelquefois dans l'avant-projet de loi. Peut-être que c'est aussi un cas où on pourra évaluer la bonne foi des gens. On n'a vraiment pas de solution à court terme là-dessus, mais il reste qu'il y a un malaise. Il y a des situations où on voudrait pouvoir dire: Non, je ne le fais pas, parce que c'est contraire à mes convictions profondes, c'est contraire à l'éthique généralement observée dans ma profession.

Mme Matte: On est en mesure d'observer des situations de conflits, de priorités et d'objectifs, au niveau strictement administratif, parce que nous sommes quand même dans une structure humaine et tout le monde n'est pas nécessairement aligné sur des objectifs supérieurs, des objectifs de service aux citoyens et à la communauté. Il arrive des situations où des intérêts personnels sont mis de l'avant et les fonctionnaires sont mis au service d'intérêts personnels de supérieurs immédiats. Ce sont des situations très pénibles à vivre, vraiment inacceptables et qui sont contraires à l'intérêt public. On est même en mesure d'observer ce même type de conflit entre des objectifs politiques et des objectifs administratifs. Des décisions politiques ne sont pas nécessairement d'accord avec des études qui sont faites et qui font la preuve que des choix doivent être privilégiés alors qu'au jugement politique, il semble que ce ne soit pas ce choix qu'on fait. Cela crée des situations professionnelles très pénibles à vivre. Ce serait de nature à démobiliser beaucoup les fonctionnaires. Il y a un certain besoin de faire sortir de la vapeur. Je ne sais pas si ce serait de nature à aider l'intérêt public. La vapeur qui ne sort pas est au détriment de la fonction publique parce que cela détruit l'énergie des fonctionnaires et les amène à se rabattre sur leur petit domaine ou à leur niveau d'horizon. Il y a là un malaise qu'on ne sait pas comment aborder; on ne sait quelle solution proposer, mais cela est très réel.

M. Bisaillon: La latitude que vous demandez pour les professions serait sûrement intéressante aussi à l'intérieur des conseils des députés.

Le Président (M. Champagne): Cela va. M. le député de Gaspé.

M. Bisaillon: Je m'excuse, M. le Président, mais je pense qu'il y aurait une dernière réponse à obtenir sur la question du service aux citoyens. Votre déclaration à la page 7.

M. Carpentier: Là aussi, c'est un énoncé de principe. Comment cela s'articule dans les faits, c'est avec l'usage qu'on va pouvoir le régler. Ce qu'on veut dire, c'est que tout ce qu'on propose après doit être lu à la lumière de cette préoccupation. Comment cela se divise? C'est une question d'évolution des mentalités, de choix.

M. Bisaillon: Si vous ne me répondez pas plus que cela, cela m'amène à vous poser une deuxième question qui est la suivante: Le projet de loi renferme plusieurs principes. Quand il n'y aura rien de prévu dans le projet de loi, c'est donc à la lumière de ces principes qu'il va falloir se prononcer. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il y a des principes qui, à un certain moment, peuvent être antagonistes? Je peux décider de faire cela sous le couvert de l'efficacité administrative et cela peut aller à l'encontre de la notion de service aux citoyens ou du meilleur service au citoyen.

M. Carpentier: Ce qu'on pense, c'est que la primauté devrait être donnée au service aux citoyens. On devrait avoir un mécanisme qui nous permettrait de manifester cet antagonisme et d'être capable de le dire.

M. Bisaillon: Donc, une priorité dans les principes.

M. Carpentier: Et aussi dans les faits.

Mme Matte: Cela s'articule aussi, il me semble, autour d'une meilleure relation, d'une meilleure concertation entre le politique et l'administratif, d'une intégration, d'une harmonisation des objectifs. Nous sommes à un niveau professionnel et nous sommes assez loin de toute la machine politique et de la machine administrative supérieure. On vit souvent nos fonctions de façon déconnectée. On a l'impression qu'on flotte quelque part dans la machine administrative. On ne sait pas quelles sont les orientations gouvernementales fondamentales sur beaucoup d'aspects. On a l'impression que la machine tourne toute seule, qu'on est aussi dans cette machine-là et qu'on contribue à la faire tourner toute seule. Il y a une très mauvaise connexion - c'est comme cela que je le définis - entre le politique et l'administratif et, à l'intérieur de l'administratif, entre les différents niveaux. Quand on flotte à l'intérieur de la machine administrative, on a bien de la difficulté à se brancher sur le service aux citoyens et à voir dans quel sens orienter ses actions. Il me semble que le consensus administratif n'est pas clair sur cela, n'est pas limpide, il est même très flou. Cela ne contribue pas à permettre aux fonctionnaires de nous donner le meilleur d'eux-mêmes dans le sens du service aux citoyens. Les actions professionnelles ne sont pas suffisamment orientées, ne sont pas

assez clairement définies et laissent place à beaucoup de conflits entre individus et à beaucoup de conflits d'intérêts qui n'ont aucun lien avec le service aux citoyens.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Gaspé.

M. LeMay: Je serai très bref. Je voulais simplement connaître votre opinion. On a parlé de l'implication des fonctionnaires au niveau politique, c'est-à-dire directement comme candidats possible ou candidats élus. À la suite d'une consultation faite cet été, plusieurs groupements ont manifesté le désir de voir, purement et simplement, disparaître l'article 15 du projet de loi qui dit que le fonctionnaire doit, au cours d'une élection provinciale, s'abstenir de tout travail de nature partisane à compter de la date du décret. Est-ce que vous avez une position là-dessus? Est-ce que vous en avez discuté entre vous?

Mme Matte: Cela nous semble aller de soi. Je pense qu'on est en mesure d'observer des fonctionnaires qui ont eu une implication politique partisane et cela ne peut que créer des conflits au niveau interne, parce que ces fonctionnaires sont retirés temporairement de leurs fonctions. Cela pose des difficultés. Personnellement, je préconise la neutralité politique. Je pense que cela facilite la vie à tout le monde à l'intérieur de la machine dans les relations avec le politique. Je ne sais pas s'il y a des membres du conseil qui ont d'autres opinions à présenter sur cela.

M. Carpentier: C'est que l'appartenance officielle à une option politique constitue tout le temps une pression en soi. C'est difficile de faire abstraction de cela en dehors des périodes électorales. Même si nous avons dit qu'il y avait une espèce de montée de la fièvre dans ces périodes, il reste que c'est une fièvre un peu comme la malaria; il n'y a pas d'immunité totale à cela et on a l'impression que cela dure un peu tout le temps. Alors, plutôt que de courir ce risque, nous disons: II est plus serein qu'il n'y ait pas de prise de position officielle, c'est plus relaxe, moins stressant.

M. LeMay: Vous êtes bien d'accord avec cet article 15?

M. Carpentier: Même s'il n'y a pas eu de consultation de nos membres, ce sont nos expériences personnelles.

M. LeMay: Merci.

Le Président (M. Champagne): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Je m'excuse d'avoir manqué une partie de votre exposé; j'avais quand même pris connaissance de votre dossier. Quant à l'imputabilité, par exemple, est-ce que dans votre groupe les gens se refusent à cela ou s'ils l'acceptent d'emblée? Quelle est l'attitude de vos membres face à l'imputabilité?

M. Côté: La plupart de nos membres achètent globalement l'imputabilité. Je crois que pour nous, conseillers en gestion du personnel, cela va faciliter notre travail. C'est-à-dire qu'au lieu de contrôler avant et après une action, ce sera le gestionnaire qui sera responsable de ses actions et de ses gestes. Évidemment, cela nous demande beaucoup plus de travail parce qu'il est beaucoup plus difficile de conseiller que de contrôler; par contre, l'imputabilité est nécessaire pour rendre les gens responsables de leurs actes. Que ce soit au niveau des cadres supérieurs, que ce soit à celui de la gérance intermédiaire ou que ce soit au niveau de la téléphoniste - ou du téléphoniste, masculin et féminin - il faut que tout le monde soit responsable de ses actes. Qu'on n'entende pas dire: La décision a été prise ailleurs, j'applique uniquement ce qu'on me dit de faire. Je suis responsable, je suis conscient du geste que je pose. Aussi, si on avait la possibilité d'être fier de le faire, cela faciliterait grandement le service.

Mme Bacon: En fait, c'est un accueil positif qui a été fait à ces recommandations et non négatif.

M. COté: Très positif.

M. Carpentier: Tout à l'heure, Mme la ministre proposait que c'était une perte de pouvoir pour nos membres. C'est effectivement vrai en partie, mais c'est un gain de crédibilité. Au lieu d'être perçus comme des représentants des organismes centraux, nous pouvons maintenant être perçus comme des gens qui peuvent vraiment apporter de l'aide et donner des conseils. (12 h 30)

Le Président (M. Champagne): Merci. Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais d'abord - je pense que le député de Louis-Hébert sera d'accord avec moi - revenir sur la question des droits ou des privilèges de participer à des élections ou d'avoir un privilège de retour dans la fonction publique. Je pense qu'il faut faire la nuance entre un droit et un privilège. En fait, en permettant à un fonctionnaire du Québec de se présenter aux élections à l'Assemblée nationale, c'est un privilège de retour automatique dans la fonction publique qu'on lui donne, avec garantie d'emploi. Dans son libellé, l'avant-projet n'empêche pas un fonctionnaire qui

voudrait participer aux élections fédérales d'obtenir un congé sans solde, sauf que le privilège n'est pas automatique; c'est là la nuance, la loi est muette là-dessus, elle ne l'interdit pas. La même chose pour toutes les charges publiques. J'ai dit tout à l'heure que la réflexion se posait.

Par ailleurs, en ce qui a trait aux charges publiques, il y a déjà dans certaines conventions collectives certains privilèges qui sont consentis. Dans cette perspective, je dois vous dire que, si on devait revenir sur la possibilité de donner des privilèges à des gens qui iraient dans une élection fédérale, pour moi, compte tenu finalement du seul empêchement, à mon esprit, qui était la neutralité, je pense qu'il faudrait l'envisager sur une même base que les autres charges publiques, comme vous l'avez d'ailleurs fait, qu'elles soient municipales ou scolaires.

Je voudrais dire au député de Sainte-Marie que la raison pour laquelle le chef de cabinet se trouve parmi les administrateurs d'État est une raison historique. Cela faisait partie de la loi 50, semble-t-il; cela a toujours fait partie des lois de la fonction publique. Il y a, d'ailleurs, dans cet avant-projet certains relents historiques qui s'appliquent à cela. Cela n'a pas été une demande particulière de sa part, je tiens à le souligner. Le député de Sainte-Marie a laissé entendre qu'en créant un corps d'administrateurs d'État, on leur donnait de nouveaux droits. C'est tout à fait faux. On ne donne aucun droit aux administrateurs d'État. On ne fait que les regrouper ensemble pour permettre une meilleure gestion de la carrière des sous-ministres. Au contraire, je dirais qu'on leur enlève des droits qu'ils avaient. Entre autres, si un sous-ministre voulait maintenant se présenter à une élection, il faudrait qu'il démissionne. Les sous-ministres ont un statut de permanence comme fonctionnaires, mais pas comme sous-ministres. Ce qui veut dire que, s'il y avait lieu, éventuellement, de réviser certaines compétences de sous-ministres, nous ne serions pas tenus aux mêmes exigences que nous avons dans d'autres conventions collectives ou même avec l'association des cadres.

Je voudrais revenir sur votre discussion. Je l'ai laissé passer tout à l'heure, mais vous avez, dans votre mémoire, une recommandation que le député de Louis-Hébert a soulignée, à savoir qu'on puisse laisser les fonctionnaires juger de l'intérêt public dans le cas de divulgation d'informations. La proposition que nous avons actuellement, c'est de s'en tenir à la loi sur l'information gouvernementale qui encadrera, finalement, ce qu'il devrait être d'intérêt public de divulguer. D'un côté, vous dites: On est complètement déconnecté du politique, l'administratif est déconnecté du politique, la machine tourne par elle-même; cela n'est pas bon, cela crée de drôles de situations. D'un autre côté, vous dites: On voudrait pratiquement avoir le droit de divulguer ce qui nous apparaît d'intérêt public, parce qu'il arrive que des décisions politiques vont à l'encontre de recommandations administratives. Alors, je trouve qu'il y a là un peu de contradiction dans la mesure où on assume qu'il y a un gouvernement qui prend des décisions "politiques" et, s'il va trop loin ou s'il y a des abus, la population jugera, sauf que le gouvernement aura toujours des comptes à rendre, ou on se dit que les décisions administratives devraient toujours être le choix des gouvernements, ce qui n'est pas, non plus, le meilleur équilibre dans tous les cas.

Par ailleurs, pour revenir à la question plus précise de la divulgation de ce qui vous semblerait d'intérêt public, ne craignez-vous pas, finalement, que cela crée une forme d'anarchie? Qui va juger? Vous dites: Le fonctionnaire est imputable; rendons-le imputable et on jugera si c'était d'intérêt public. Mais qui va juger que c'était d'intérêt public? À titre d'exemple, un fonctionnaire à l'aide sociale, à un moment donné, je ne sais pas, découvrirait des abus de la part de bénéficiaires et déciderait de le divulguer pour indiquer à la population qu'il y a des gens qui font des abus. Est-ce que c'est d'intérêt public? Je pose la question tout à fait naturellement, mais c'est où cela commence et ou cela s'arrête? Est-ce qu'on ne risque pas de créer une espèce de situation d'anarchie dans la fonction publique où tout le monde se sentirait juge de l'intérêt public qui, selon un ou d'autres, peut être complètement contradictoire? C'est une question que je vous pose. Là-dessus, j'aimerais savoir comment vous pensez qu'une notion comme celle-là pourrait s'articuler.

Concernant les droits des professionnels, je pense que vous avez quand même fait un petit acquis - en tout cas, je ne sais pas si vous le considérez petit, moyen ou considérable - dans les derniers décrets, qui vous permet dorénavant, comme professionnels, de refuser de signer un document parce que cela ne vous paraît pas aller dans le sens de ce que vous recommandez. En tout cas, c'est une concession qu'on a faite lors des dernières négociations.

Le député de Sainte-Marie a souligné qu'il pouvait y avoir, dans les six principes qui orientent l'avant-projet de loi, des principes antagoniques. Il mettait en parallèle le service aux citoyens et, par exemple, l'efficacité de la machine ou l'efficience. C'est vrai qu'en apparence cela peut être antagonique. Par ailleurs, les six principes qui orientent l'avant-projet de loi, comme je l'ai dit dans mes notes préliminaires, doivent se faire en équilibre les uns par rapport aux

autres. Entre autres, un autre principe qui est très important, c'est que les fonctionnaires doivent être traités avec impartialité et justice. Il faut que ces six principes, justement, s'équilibrent les uns par rapport aux autres même si sur le plan de l'efficience ou de l'efficacité on dit: II faut donner un meilleur service aux citoyens et, par ailleurs, au meilleur coût possible. C'était une recommandation de la commission Bisaillon. Je comprends qu'il faut que, sur le plan de la philosophie, de la mentalité, la primauté du service aux citoyens soit là. Par ailleurs, si on devait l'appliquer dans toute sa rigueur et qu'on pense que, pour un meilleur service aux citoyens, on devrait exiger de l'ensemble des fonctionnaires que chaque fois qu'il y a un formulaire à remplir il faudrait que le fonctionnaire aide les citoyens, si on n'a pas les ressources humaines pour offrir tous les services et les meilleurs services, cela peut -et c'est vrai - aller en contradiction avec l'efficience, parce que cela pourrait vouloir dire à la limite augmenter les effectifs.

On est très conscient qu'il peut y avoir apparemment des contradictions; il faut avoir les services qu'on a les moyens de se payer et, en même temps, continuer de traiter nos gens dans la fonction publique avec équité et justice. Dans ce sens, un juge, en face d'une situation concrète, pourra évaluer en fonction de tout cet équilibre à respecter le jugement qu'il doit poser compte tenu des cas qui lui seront soumis. Voilà, grosso modo, les commentaires que je voulais faire, mais je voudrais vraiment que vous reveniez sur votre complet libre accès à la parole sur la place publique.

M. Carpentier: Quant à la question de l'intérêt public, on n'a pas inventé l'expression, on l'a prise dans l'avant-projet de loi à l'article 9. On a dit: On va prendre la même définition que le gouvernement pour ce qui est de l'intérêt public.

Maintenant, sur la deuxième question, on n'est pas meilleurs juges que le gouvernement, mais l'adoucissement qu'on met, c'est quand on dit: II appartient aux professionnels ou aux fonctionnaires de prouver que les révélations qu'ils font sont d'intérêt public. En mettant cette réserve, c'est certain que ce n'est pas n'importe qui, qui demain matin, va se mettre à convoquer une conférence de presse et à faire des déclarations. On va y penser deux fois avant de se lancer et de dire: Moi, je définis que l'intérêt public c'est ça et maintenant, je parle. On pensait à des situations de conflit réel. On reconnaît au gouvernement le droit évidemment, de gouverner, de faire des politiques, de définir des orientations en matière culturelle, sociale, économique, etc. On est les serviteurs qui doivent faire en sorte que ces politiques deviennent une réalité. On est d'accord avec cela. Mais il y a des situations où il y a des conflits même entre ces grandes orientations, ces grandes politiques. Les idées ou les hypothèses qu'on peut émettre, c'est, par exemple, un conflit entre une politique de main-d'oeuvre ou une politique de création d'emplois dans un secteur polluant. C'est une situation que certaines personnes vivront des fois. Elles doivent créer de l'emploi dans un secteur où la pollution augmentera. Où est l'intérêt public? Est-ce de créer une dizaine d'emplois et de polluer l'environnement ou de le garder sain? Il n'y a pas un seul fonctionnaire qui prendra sur lui seul de décider que la meilleure solution est celle-là pour l'intérêt public. Il reste qu'on se posera un peu plus de questions s'il y a plus de monde qui veille à l'intérêt public. C'est tout ce que l'on dit. On ne veut pas se substituer au gouvernement; on veut s'ajouter au gouvernement et prendre notre part de responsabilité vis-à-vis de cela.

M. Bisaillon: Juste un petit bout pour compléter cela.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Comment mettez-vous en parallèle votre déclaration de tantôt sur la neutralité politique en disant: On a constaté, par notre expérience quotidienne, qu'il vaut mieux s'abstenir parce que cela crée des problèmes, autant internes que vis-à-vis de la politique? C'était votre déclaration tantôt à la question du député de Gaspé sur l'article 15. Maintenant, vous dites: Évidemment, un fonctionnaire pourrait porter le jugement qu'il est de l'intérêt public qu'un certain nombre de choses soient dites et les dire. Vos deux positions ne s'opposent-elles pas?

M. Carpentier: Je ne comprends pas votre objection. Ce qui est sous-entendu dans ce que vous dites, c'est que jugement et politique, c'est la même chose.

M. Bisaillon: Ce qui est sous-entendu dans ce que je dis, c'est qu'avec votre position sur l'éthique il devrait y avoir une attitude différente sur l'article 15.

M. Carpentier: Ce qu'on dit, c'est que ce qui est bon et pas bon, il semble que ce soit une question de jugement, que cela n'a rien à voir avec la politique. Ce n'est pas de la politique pour nous de dire que polluer, ce n'est pas bon. Tout le monde reconnaît cela, qu'on soit politicien ou pas. Par contre, il appartient au gouvernement de prendre des orientations, de développer des politiques. Mais on dit que ce n'est pas parce qu'il y a un gouvernement élu que tout ce qu'il fait devient systématiquement bon, qu'on ne doit

pas rester critique par rapport à tout ce qu'il fait, se fermer les yeux et surtout la bouche. C'est ce qu'on dit. On ne s'engage pas politiquement contre le gouvernement quand on dénonce ou qu'on voudrait pouvoir dénoncer telle attitude. On s'engage pour le bien des citoyens, pour l'intérêt public. On ne fait pas de politique quand on dit que cela dessert l'intérêt public. Cela peut ressembler à de la politique, par exemple.

Mme LeBlanc-Bantey: Cela dépend comment vous envisagez la politique.

Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: La politique n'est pas nécesairement partisane. C'est, finalement, une vision de société ou des projets qui correspondent à certains besoins dans une société. Je pense que c'est là qu'il faut faire la nuance et c'est dans ce sens-là, je pense, que le député de Sainte-Marie posait sa question.

J'avais quand même posé une question précise. Vous y répondez en disant que vous ne pensez pas que beaucoup se serviraient de cela, finalement. Mais, advenant le cas d'une fonction publique "complètement libérée", est-ce que vous ne prévoyez pas une situation d'anarchie? Est-ce que vous pensez qu'il est encore possible pour le gouvernement de gouverner?

M. Carpentier: Je n'ai pas de réponse à cela. C'est une hypothèse qu'on fait.

Mme Matte: On est à la recherche d'un moyen terme entre une muselière et la divulgation sans fondement. Je veux dire qu'au niveau des libertés individuelles, c'est très difficile à prendre de n'avoir aucun droit d'utiliser son droit de citoyen dans des domaines d'intérêt public, de sens commun et de données objectives d'ordre professionnel. En tout cas, c'est surtout au niveau des principes. Je trouve qu'on peut dire que, dans notre domaine, nous sommes strictement limités au domaine administratif, à part faire état de fausses manoeuvres ou de mauvaise application de règlement ou de détournement de règlement. Ce n'est pas de notre ressort, mais je pense que c'est dans une vision de l'ensemble de la fonction publique, dans toute la dimension de la relation avec le politique et l'administratif. Il y a vraiment une zone grise. Je veux dire qu'il est difficile pour nous d'avancer des positions bien claires. On a à cheminer comme groupe et je pense que l'ensemble de la fonction publique aussi doit approfondir toute cette dimension de la relation entre le potitique et l'administratif, et le service aux citoyens. À mon sens, il y a beaucoup de cheminement à faire dans ce sens, pour se donner les meilleures règles du jeu et mieux s'harmoniser dans ce service. (12 h 45)

Le Président (M. Champagne): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: J'ai juste une remarque qui est peut-être une question en même temps. Quand c'est rendu nécessaire pour un groupe de s'exprimer comme vous venez de le faire en parlant de cette coupure entre le politique et l'administratif, je ne pense pas, Mme la ministre, que c'est faire de la politique que d'exprimer une réaction de fonctionnaires face aux décisions qui sont prises ou face à des choix. Quand vous demandez la parole, est-ce parce que vous n'avez pas de mécanisme nécessaire à l'intérieur même de votre boîte pour faire connaître vos réactions face à des décisions qui sont prises? Cette réaction que vous pouvez avoir, je ne la vois pas comme antigouvernement; vous la faites comme conseillers, comme ce que vous devez être, comme fonctionnaires et un gouvernement doit aussi être à l'écoute de ses fonctionnaires. Il n'a pas la vérité tranquille parce qu'il est élu. Est-ce parce que vous sentez qu'il y a des coupures entre vous et le politique? Vous parlez de zone grise. Est-ce parce qu'il n'y a pas suffisamment de mécanismes de communication, de consultation que vous sentez ce besoin d'aller aussi loin que de le dire à l'extérieur?

M. Carpentier: II y a peut-être une avenue dans ce que vous suggérez. Ce qu'on dit, c'est qu'il est difficile de se faire imposer le silence total et absolu. L'article 10 dit: Tout fonctionnaire est tenu à la discrétion sur quoi que ce soit. Il ne peut pas exercer son jugement pour dire: Cela, je peux le dire; cela, je ne peux pas le dire; c'est tais-toi et marche. Cela me fait penser à des choses qu'on a vécues il y a 25, 30 et 40 ans. Ce n'est pas progressiste comme attitude. Ce n'est pas témoigner de la confiance envers ses fonctionnaires que de leur imposer ce silence. À la limite, on a dit: C'est totalitaire. Je sais que ce n'est pas l'intention du gouvernement actuel. Dans les pays de l'Est, on retrouve des dispositions comme cela. Défense de révéler quoi que ce soit sur ce que vous allez voir, sur ce qui va se passer ici. Nous, on dit que c'est peut-être un peu trop. Faites-nous confiance un peu plus que cela, quitte à ce qu'on assume notre responsabilité en divulguant des choses.

Mme Bacon: En rapport avec ma question, est-ce que vous trouvez qu'il y a suffisamment de mécanismes de communication existants qui vous permettraient - je ne dis pas d'accepter cet article - de vous exprimer à l'intérieur sans avoir à réagir à l'extérieur?

M. Carpentier: Dans notre secteur d'activités, il n'y en a pas.

Mme Bacon: Est-ce que vous les souhaitez?

M. Carpentier: C'est à considérer. C'est la première fois que j'ai vraiment l'occasion de penser à cette avenue.

Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: En fonction des discussions que vous venez d'avoir avec la députée de Chomedey, est-ce que vous croyez que la volonté qu'on a d'implanter un régime d'imputabilité ou de responsabilisation - je n'ai pas encore trouvé un meilleur synonyme à imputabilité, car je trouve que c'est un mot qui n'est pas facilement comestible pour beaucoup de gens - devrait avoir comme conséquence pour les gestionnaires de négocier, finalement, les attentes qu'ils ont avec les professionnels ou d'autres groupes dans la fonction publique? On a beau vouloir rendre les gens responsables, mais il va falloir qu'on leur donne non seulement les ressources humaines, mais aussi les moyens financiers et, éventuellement, tous les moyens en mesure de les aider, finalement, à livrer la marchandise. Est-ce que vous croyez qu'un régime comme celui-là peut amener les gens, autant au niveau politique qu'administratif, à se parler davantage, à communiquer davantage, pour revenir à la préoccupation de la députée de Chomedey, qu'une situation où tout est tellement réglementé que, d'une strate à l'autre, les gens n'ont plus à se parler parce que le règlement parle pour eux? Une approche comme celle qu'on préconise peut favoriser ce type de communication.

Mme Matte: Oui, je dirais que c'est une avenue susceptible de développer des rapports, de permettre aux rapports de s'harmoniser et de faire des ententes sur les objectifs à poursuivre et sur les moyens d'y arriver. Ce qu'on déplore, c'est que lorsque le droit de veto est imposé on n'a rien à dire et que même les raisons de la décision ne nous sont pas communiquées. On n'a même pas la capacité de considérer le point de vue de l'autre parce qu'il ne nous est pas expliqué. À ce moment-là, on se dit: On n'a pas d'autre recours que la tribune publique. C'est bien sûr que je pense qu'un travail fait en concertation entre les différentes équipes et les différents niveaux de l'administration et du politique minimiserait beaucoup les malaises qui sont vécus. C'est mon opinion personnelle.

Mme Bacon: Cela ne vous empêche pas de refuser cet article-là. Vous n'acceptez pas l'article tel quel?

M. Carpentier: On trouve qu'il est radical. On a, jusqu'à maintenant, fait porter le débat entre le politique et l'administratif, mais il y a aussi la transparence. C'est terriblement exigeant pour l'administration. Ce ne sont pas seulement les pressions politiques qui nous font peur, parce qu'on est souvent très loin de cela, mais ce sont des pressions administratives. Ce sont des biais administratifs qui font que nous sommes mal à l'aise et qu'on ne peut pas dénoncer les pratiques administratives. Ce n'est donc pas seulement au niveau politique qu'on subit des pressions, mais également à d'autres niveaux. Quand ont dit qu'on souhaite la transparence, on sait que ce sera très exigeant pour tout le monde, non seulement pour les politiciens, mais aussi pour les hauts fonctionnaires et les gestionnaires à tous les niveaux, y compris nous-mêmes.

Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Très rapidement, avant de terminer là-dessus, il faudrait quand même spécifier que c'est toujours sous réserve de la loi relative à l'information. Deuxièmement, je pense qu'on n'innove pas dans la loi; c'était déjà le serment d'office que vous prêtiez antérieurement.

En terminant, je vous remercie d'être venus. Je trouve que cela a suscité des débats très intéressants, sinon passionnants, qu'on aurait avantage à approfondir avec d'autres groupes, ainsi qu'entre nous ou entre politiciens, je pense qu'on a cherché le meilleur équilibre possible compte tenu des objectifs poursuivis. C'est l'attitude qu'on tentera de garder jusqu'à la fin en essayant, bien sûr, de tenir compte et de faire l'équilibre entre les différentes représentations qui nous seront faites.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: J'ai juste un petit commentaire à faire pour que mon silence ne soit pas mal interprété. Tout à l'heure, la ministre a passé des commentaires sur des choses que j'avais dites concernant les administrateurs d'État. Je n'ai pas répliqué à cela et je ne voudrais pas que mon silence soit perçu comme une acceptation ce ses propos. Je me ferai fort, en temps et lieu, de prouver mon point de vue directement à la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Merci, M. le député.

Le Président (M. Champagne): M. le

député de Louis-Hébert.

M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. En terminant, ce que je retrouve dans le mémoire qui nous a été présenté, c'est des inquiétudes qui sont, finalement, les inquiétudes de tout le monde et particulièrement de notre côté, de l'Opposition. Je pense que la ministre en partage un certain nombre, elle aussi.

Vous avez glissé peut-être un peu rapidement à mon goût - vous n'en êtes pas responsables; c'est moi qui n'ai pas soulevé la question en temps opportun - sur l'approche et l'attitude du Conseil du trésor en tant que gestionnaire de ressources humaines par rapport à ce qu'on connaît comme étant sa vocation officielle jusqu'à maintenant, même si la ministre m'a dit qu'il ne faisait que son job lorsqu'il s'occupait d'effectifs, etc. La vocation actuelle du Conseil du trésor est de jouer avec des fonds, des montants d'argent, de couper quand il n'y a plus d'argent et d'en remettre quand il en manque. J'aimerais que vous nous disiez si vous considéreriez comme nécessaire que, dès maintenant, le Conseil du trésor nous donne une idée du genre de politique générale qui serait celle des divers ministères, des divers agents à qui serait déléguée la gestion des ressources humaines. Est-ce qu'il serait nécessaire qu'une idée générale de ces politiques du Conseil du trésor nous soit connue dès maintenant pour en faire une étude plus à point, plus réelle, compte tenu du rôle que le Conseil du trésor va jouer dans cet avant-projet de loi?

Mme Matte: II nous semble, bien sûr, qu'on devra illustrer de façon pratique les principes qui sont mis de l'avant et que la participation du Conseil du trésor devra être clarifiée à un moment ou à un autre avant d'arrêter définitivement un projet de loi qui engagera la fonction publique pour un certain nombre d'années. Les inquiétudes que nous avons par rapport au Conseil du trésor font appel à des réponses à un moment ou à un autre.

M. Doyon (Louis-Hébert): À la suite de l'expérience que vous avez avec le Conseil du trésor, j'imagine.

Mme Matte: Oui.

M. Doyon (Louis-Hébert): Merci.

Le Président (M. Champagne): II n'y a pas d'autres interventions? Alors, au nom des membres de la commission, je vous remercie, madame et messieurs du Syndicat des conseillers en gestion du personnel du gouvernement du Québec, d'avoir présenté un mémoire à cette commission parlementaire. Sur ce, nous suspendons nos travaux à cet après-midi, quinze heures. (Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise de la séance à 15 h 10)

Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de la fonction publique poursuit ses travaux afin d'entendre toute personne ou tout groupe qui désirerait intervenir sur l'avant-projet de loi sur la fonction publique.

Nous avons devant nous le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec Inc. Je demanderais à son porte-parole de se présenter et de présenter les personnes qui l'accompagnent afin d'entendre son mémoire.

Syndicat des cadres du gouvernement du Québec

M. Dorval (Denis): Merci beaucoup. Cela nous est très agréable d'être ici devant vous. Mon nom est Denis Dorval; je suis le président général du Syndicat des cadres. Les gens qui sont avec moi sont, à ma droite, M. Réjean Doyon - on en a un, nous aussi - le vice-président général du Syndicat des cadres...

Mme LeBlanc-Bantey: Vous n'êtes pas chanceux!

M. Doyon (Louis-Hébert): ...

Le Président (M. Champagne): Monsieur, vous poursuivez, s'il vous plaît!

M. Dorval: Alors, puisque vous me rappelez à l'ordre...

Le Président (M. Champagne): Non, ce sont eux que je rappelle à l'ordre.

M. Dorval: C'est devenu une vieille blague; cela fait trois fois que je la pousse. À ma gauche, M. Jean-Marie Blais, le secrétaire général de notre mouvement. Il y a aussi, à mon extrême droite, M. Robert Deblois, conseiller juridique attaché au Syndicat des cadres.

Pour vous situer un peu - je vous voyais, tout à l'heure, vous interroger sur le Syndicat des cadres - pour le moment, il est porté vers l'avant, bien sûr. Nous représentons une catégorie de gens qui sont membres du personnel de maîtrise et de direction au gouvernement du Québec. Ce sont des représentants de l'employeur qui se situent d'une façon très directe entre les cadres supérieurs que vous connaissez et le personnel supervisé, ce qui veut dire que nous sommes, à toutes fins utiles, des membres évidents du personnel

d'encadrement, selon le texte de l'avant-projet de loi, mais nous sommes plus précisément des cadres intermédiaires.

Partant de là, nous avons jugé éminemment important de soumettre notre mémoire, nos représentations. Ce document a deux volets: il y a les préoccupations prioritaires et générales sur lesquelles nous pouvons expliciter davantage et aussi la deuxième partie qui se veut une étude plus détaillée, plus critique de certains articles qui ont retenu notre attention d'une façon plus particulière, ce qui ne veut pas dire que d'autres articles n'ont pas également attiré notre attention, mais d'une façon peut-être moins prioritaire que ceux qui sont actuellement cités dans la seconde partie du document en question.

Partant de là, je ne connais pas la procédure à la commission. Est-ce que vous désirez que j'y aille d'une façon méthodique selon les différents éléments cités dans notre mémoire ou si vous posez des questions?

Le Président (M. Champagne): Règle générale, on vous donne environ 20 minutes pour votre exposé. Ce peut être 15 minutes, ce peut être 10 minutes. Libre à vous de les prendre. Ensuite, il y aura des commentaires de la part de Mme la ministre et de l'Opposition et, ensuite, des questions. Cela peut durer, dans l'ensemble, environ une heure. Mais c'est très souple comme démarche.

M. Dorval: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Champagne): Vous avez un mémoire de combien de pages, M. le président général?

M. Dorval: II doit y avoir - je ne les ai pas comptées - de 15 à 20 pages approximativement.

Le Président (M. Champagne): Vous êtes libre de le lire. (15 h 15)

M. Dorval: Nous allons y aller d'une façon relativement succincte. Une des préoccupations que nous avions, c'était le statut de cadre reconnu dans la loi. Nous avons soumis, il n'y a pas tellement longtemps, aux autorités du ministère - et nous le refaisons aujourd'hui encore une fois - un statut de cadre bien défini dans la Loi sur la fonction publique. À un article, je pense que c'est au chapitre III, plus particulièrement à l'article 36, on définit que le personnel d'encadrement regroupe le personnel de maîtrise et de direction - c'est nous - et les cadres supérieurs. Il nous est apparu important - c'était même la volonté des plus hautes instances de notre syndicat -que soit bien défini le statut de cadre dans la loi. Il y a évidemment, précédant la citation de ce que nous vous proposons comme article, des arguments. On désire connaître d'une façon exacte le terme "personnel de maîtrise et de direction". On parle aussi d'identification de bassin de population parce qu'on sait très bien que très bientôt l'intégration sera terminée - qui est déjà en bonne marche d'ailleurs - et qu'on définira exactement ce qu'est du personnel de gérance. C'est une de nos grandes préoccupations. Maintenant, si je vais à la page 2 et que je parle de l'autre grande préoccupation de notre organisation, c'est la reconnaissance du Syndicat des cadres du gouvernement du Québec dans la Loi sur la fonction publique. On se rappellera que lors de la commission spéciale d'étude sur la fonction publique que nous appelions, nous, la commission Bisaillon - bonjour en passant -nous avions fait des représentations également dans ce sens. Nous avons bien sûr lu le rapport de ladite commission qui recommandait un régime particulier ou une syndicalisation tout au plus de cadres dans la fonction publique.

Dans une suite logique de la commission Bisaillon ou la commission spéciale d'étude sur la fonction publique, nous avons rencontré, il n'y a pas tellement longtemps, un M. Sarault et nous lui avons soumis un régime particulier de relations du travail puisqu'on sait actuellement que la reconnaissance officielle que nous avons est au plan de la consultation en matière de relations du travail. Un petit peu plus bas, nous insisterons peut-être un peu davantage, mais nous avons jugé que dans une suite logique de présentation à des commissions parlementaires sur la fonction publique, vous le représentez aujourd'hui en annexe au document. Je ne vous en ferai pas nécessairement lecture en entier. Maintenant, le document y est avec une lettre explicative qui fut adressée à M. Pierre Sarault à l'époque explicitant différentes raisons pour lesquelles nous requérons un régime particulier de relations du travail.

Un autre élément qui, dans l'avant-projet de loi, a retenu notre attention d'une façon pour le moins très grande c'est évidemment le ministère de la Fonction publique qui disparaîtrait pour voir toutes les responsabilités qu'il a actuellement dévolues tantôt au Conseil du trésor et tantôt à l'éventuel l'Office des ressources humaines. Il est évident que cela nous cause des préoccupations, particulièrement quant à la délégation des pouvoirs, qui sont très grands au niveau des sous-ministres et dirigeants d'organismes, et aussi à la subdélégation. Tout cela parce qu'on parle allègrement depuis très longtemps de régime d'imputabilité. Comme nous faisons partie d'un personnel cadre dans la fonction publique, l'imputabilité, comme système, nous préoccupe.

J'ai oublié au tout début - néanmoins c'est écrit dans notre lettre de présentation - que les deux grands principes qui ont guidé la rédaction du projet de loi, la primauté du service aux citoyens et aussi l'efficience et l'efficacité de la gestion, il est évident que nous les endossons.

Lorsqu'on parle d'imputabilité ou de système d'imputabilité sans en connaître les coordonnées très exactes, c'est là où le point d'interrogation se pose en autant que nous sommes concernés en notre qualité de cadres.

Je reviens peut-être d'une façon un peu plus détaillée au régime particulier de relations du travail. Lorsqu'on voit dans l'avant-projet de loi la quantité de responsabilités qui sont dévolues au Conseil du trésor - je ne veux surtout pas provoquer de taquineries; vous savez que le Conseil du trésor pour nous est une grosse machine parfois très sévère - et qu'on voit les responsabilités qui lui sont dévolues, on voit la machine encore beaucoup plus grosse et possiblement encore un peu plus sévère. À ce moment-là on revient vite à notre projet -je dirais même à notre requête, au stade où cela est rendu - d'un régime particulier de relations du travail pour nous les cadres. Il nous semble à tout le moins qu'il y aurait à ce moment-là une possibilité de "négociations" entre guillemets bien sûr, puisque en tant que cadres il est totalement impensable, même en ayant le mot "syndicat" dans notre nom d'incorporation lequel fait sursauter bien des gens... il n'en demeure pas moins que c'est un syndicat de cadres et que l'histoire du droit de grève est absolument exclue de notre pensée. C'est pour cela que je dis souvent "négociations" entre guillemets. Maintenant, il faudrait qu'il y ait quand même une façon de pouvoir "négocier" avec un appareil aussi grand, aussi fort, que le Conseil du trésor, davantage avec toutes ses responsabilités qui vont tantôt, si le projet de loi est accepté par l'Assemblée nationale, être sa responsabilité directe. Il en a beaucoup. Je vous fais grâce de l'énumération, vous les connaissez déjà toutes.

C'est pour cela qu'on revient encore avec le régime particulier de relations du travail. On pourra alors être une certaine force pour pouvoir discuter, échanger, obtenir et recommander, et je passe tous les termes que vous connaissez déjà, pour bien représenter tous nos membres, qui sont tous des cadres à tous les niveaux.

Il y a aussi - j'y vais de mémoire, mais j'essaie de suivre le texte aussi - la création de cet Office des ressources humaines qui suscite beaucoup de questions chez nous. Nous avons souligné particulièrement un article qui est le développement de la carrière du personnel d'encadrement. Dans une des responsabilités de cet Office des ressources humaines, nous retrouvons la planification et le développement de la carrière du personnel d'encadrement. L'avant-projet de loi définissant que nous ferons partie et que nous faisons partie du personnel d'encadrement, il est évident que nous nous sommes beaucoup interrogés.

L'Office des ressources humaines a pour fonction, entre autres choses, de collaborer avec les ministères et organismes, conformément aux politiques établies par le Conseil du trésor, à l'établissement d'un système que je décrivais tout à l'heure.

Nos interrogations sont surtout face aux besoins et attentes des individus que nous représentons, le personnel cadre. Au niveau de cet Office des ressources humaines, quelles seront les possibilités à une organisation comme la nôtre d'être consultée, de pouvoir faire des recommandations et réussir tout au moins à aider à contribuer à orienter l'office en question dans la mesure des besoins et des attentes de nos gens? C'est une interrogation que nous qualifions de prioritaire chez nous.

Maintenant, il y a l'avènement - et j'ai passé par-dessus - des politiques générales. Le Conseil du trésor émet des politiques générales et de là il y aura des pouvoirs de réglementation dévolus à différents ministères ou organismes. C'est encore un peu la même interrogation. Une politique générale est une orientation; bien sûr que pour l'opérationnaliser cela prend de la réglementation, c'est évident. Encore là, sans aucune prétention notre organisation croit avoir atteint à ce niveau et à tous les autres niveaux - je pense qu'on l'a démontré et je vous citerai un exemple dans quelques secondes - depuis le temps une maturité que je qualifie de cadre qui nous permet de requérir à certaines occasions d'écouter nos recommandations, nos revendications. Nous pouvons, sans avoir la prétention d'orienter le Conseil du trésor, tout au moins lui donner de bonnes idées parce que nous sommes persuadés d'en avoir. C'est une autre inquiétude, à quel niveau pourra-t-on faire des recommandations, à ces instances qui deviendront davantage, par l'avant-projet, responsables de beaucoup de choses?

Je crois ici être en mesure de vous donner l'exemple dont je vous parlais tout à l'heure de la maturité. Nous avons un arrêté en conseil - tel qu'il est décrit dans la lettre de présentation à la commission - qui nous reconnaît au niveau de la consultation en matière de relations du travail. Je pense que les gens de la fonction publique sont même en mesure d'appuyer ce que je vais vous dire. Il y a actuellement une intégration qui se prépare du personnel de maîtrise et de direction, tous les cadres intermédiaires. Le ministère de la Fonction publique a respecté, évidemment, l'arrêté en conseil qui permet ou qui oblige même la consultation.

Ils ont été un peu plus loin. Cela a été, à toutes fins utiles, quasi de la concertation. Ce qui veut dire que le syndicat des cadres autant que la liasse d'une quarantaine de ministères et d'organismes se sont impliqués très directement - plus particulièrement mes deux confrères ici MM. Réjean Doyon et Jean-Marie Blais - dans ce comité, ont fait des recommandations et des études très sérieuses proposées en même temps que les ministères. L'expérience s'est avérée comme étant - je pense et j'ose dire - un succès. À ce titre-là, c'est l'exemple type; il y en a bien d'autres de moins grande envergure, mais je pense que c'est l'exemple type qui peut démontrer facilement au ministère de la Fonction publique et aux éventuels organismes qui auront la charge des responsabilités, notre maturité quant à être consultés et quant à nos recommandations allant même jusqu'à un régime particulier de relations du travail.

Je termine par ces explications et ces quelques commentaires que j'ai ajoutés à la première partie du document que nous vous avons soumis. Je ne sais pas si vous désirez que je continue et qu'on y revienne de façon globale...

Le Président (M. Champagne): Je pense qu'il faudrait présenter votre mémoire en entier et ensuite on aura une période de commentaires et de questions. (15 h 30)

M. Dorval: Cela me va. Au niveau de l'analyse plus détaillée, analyse critique de certains articles - j'appuie sur les mots "certains articles" puisque je voudrais vous redire que cela n'implique pas que les autres articles ont été négligeables pour nous - je pense que vous présenter un mémoire de 150 pages n'aurait pas été approprié.

Premièrement, l'article 8 qui, d'une façon particulière - vous le voyez au niveau des commentaires - a attiré notre attention quant au phénomène et je cite: "... ainsi que celles - on parle des attributions d'emploi -qui peuvent lui être conférées par la personne habilitée..." C'est dans la loi. Depuis quelque temps, nos représentations ont été faites à différents paliers à ce titre.

Depuis deux ans ou même un peu plus, les restrictions budgétaires, les coupures d'effectif, la réorganisation administrative ont fait qu'une certaine quantité de notre personnel cadre que nous représentons s'est vu placé en situation non conforme à leur classification. Je vous assure - je fais toujours la blague - ce n'est généralement pas à la hausse mais je dirais plutôt à la baisse. Si l'avant-projet de loi, le projet de loi ou la loi permettait à n'importe qui dans un ministère habilité bien sûr, mais à une instance habilitée de conférer à un individu-cadre que nous représentons d'autres attributions, de l'expérience du vécu, nos interrogations sont plus que sérieuses.

C'est évident que nous recommandons, face à cet article, que soient rayés - c'est défini dans notre recommandation - les termes que je vous définissais tout à l'heure, particulièrement à cause des représentations que nous faisons. Au surplus, nous croyons que c'est un risque de ne pas utiliser de façon optimale les ressources-cadres que le gouvernement du Québec possède actuellement. Nous disions tout à l'heure que l'Office des ressources humaines aura la responsabilité de planifier et de surveiller le plan de carrière de l'individu-cadre. Cela nous préoccupe beaucoup de voir que le problème actuel pourrait s'aggraver.

À l'article 10 de l'avant-projet de loi -vous allez dire qu'on s'en préoccupe beaucoup, mais effectivement c'est le cas -nous avons cité dans chacun des cas le texte de loi et, sous réserve des lois relatives à l'accès à l'information, tout fonctionnaire est tenu à la discrétion sur quoi que ce soit. L'expression "sur quoi que ce soit" nous a préoccupés grandement. L'expérience du vécu, particulièrement depuis les quatre ou cinq dernières années, nous démontre que dans certains ministères ou organismes - je ne veux pas avoir l'air d'exagérer, je ne veux pas dire qu'ils font de la démagogie -des gestionnaires... Nous avons un exemple très pratique, je ne le citerai pas nécessairement en le précisant puisque je ne veux pas citer des individus particulièrement. Tel que nous le citons dans le texte, 25 ou 30 années de loyaux services, dont peut-être une dizaine à titre de cadres dans la fonction publique, ont été balayées du revers de la main pour ce que nous considérons évidemment comme étant une banalité incluse à l'intérieur de l'expression "sur quoi que ce soit". Je pense que le gouvernement du Québec, l'organisme concerné ou le ministère concerné s'est privé par le fait même d'un potentiel-cadre très sérieux.

Il y a même eu des commissaires ou une commissaire de la Commission de la fonction publique qui a eu les deux mains liées carrément devant un cas banal, devant un cas extrêmement sympathique. C'était Mme Langlois à l'époque; je dis à l'époque, mais il n'y a même pas une année. Elle a eu les deux mains nettement liées et a dit: Je suis, à toutes fins utiles, obligée de m'en tenir à telle et telle choses.

Nous recommandons que l'expression "sur quoi que ce soit" soit enlevée de ce libellé. Je vous fais grâce des quelques exemples du "quoi que ce soit" qu'on pourrait donner; cela aurait l'air peut-être trop banal. Mais on pourrait donner beaucoup d'exemples qui feraient en sorte que l'expression "sur quoi que ce soit" deviendrait exagérée ou pourrait être utilisée de façon exagérée, sous prétexte de donner un exemple. Avant de tourner la page sur cela, je vous dirais que,

dans des cas où il s'agit d'une peine capitale, il est évident que c'est encore beaucoup plus sérieux. Il ne s'agit pas ici d'une suspension de deux ou trois jours, ou d'une semaine, où une personne peut quand même continuer une carrière, mais il s'agit de la peine capitale.

A l'article 29, on parle d'un délai pour loger un appel en matière de rétrogradation, de congédiement, d'une sanction disciplinaire ou d'un relevé provisoire de fonction. On dit, dans l'avant-projet, que c'est 21 jours; on propose 21 jours. On sait qu'actuellement le délai est de 30 jours. On a, encore une fois, l'expérience du vécu et vous serez en mesure de le constater par les appels logés à la Commission de la fonction publique. Même s'il n'y en a pas une liasse, il y en a quand même quelques-uns. Comme c'est toujours pour des points très importants: le congédiement, c'est la peine capitale; après la rétrogradation, la carrière est grandement entravée; la sanction disciplinaire, c'est une tache très forte à un dossier - on peut présumer que le plan de carrière est grandement entravé par cela - et le relevé provisoire des fonctions n'est pas moins sérieux, puisque, en général, après un relevé provisoire des fonctions, d'après l'expérience qu'on en a, suit le congédiement, on allait vous demander un délai de 50 jours et vous nous le baissez à 21.

Selon les quelques commentaires que nous ajoutons à la suite du texte, nous croyons que le délai demandé de 30 jours est grandement justifié. Je vais vous citer un exemple très pratique, excluant le congédiement, concernant les trois autres points pour lesquels une personne pourrait être congédiée. Vous savez qu'étant donné que nous représentons le personnel cadre, ce n'est pas du tout la même philosophie qui s'applique à un personnel supervisé. Supposons une rétrogadation, une sanction disciplinaire ou un relevé provisoire. Nous voyons souvent un agent de maîtrise, un contremaître, ou autre, avoir une suspension de trois jours pour un acte commis. En supposant qu'il accepte, il se retourne et consulte son organisation qui est la nôtre, il consulte un avocat, il consulte bien des gens. Cela prend du temps. Et le délai actuel de 30 jours commence à être amputé. La question qu'il nous pose à nous, au Syndicat des cadres, c'est la suivante, et elle est fondamentale. Il nous dit: J'ai des craintes à loger un appel parce que je suis maintenant partie intégrante du personnel cadre, je suis un représentant de l'employeur, ce qu'on appelle de l'autre côté de la clôture - ce n'est pas une barrière, c'est juste une petite clôture, mais quand même - et, est-ce que, implicitement, mes supérieurs, qui sont des cadres supérieurs, dans la majorité des cas, verront cela d'un bon oeil? Je vais devoir souvent les traîner devant la commission; ils seront cités à témoigner, etc. Cela devient une situation très embarrassante. Donc, l'individu doit vraiment y penser concrètement et s'interroger avant de poser le geste, parce que c'est un cadre. Et tout cela ne se fait pas dans 24 ou dans 48 heures. Il faut vraiment que l'individu y réfléchisse dans certains cas. Il y a des cas où cela va très bien. Évidemment, j'ai exclu tout à l'heure le congédiement, parce que, l'individu étant directement - disons-le comme c'est - dans la rue, il n'a plus peur de déplaire à personne; lui, il va y aller directement, il ne se pose pas de questions. Mais les autres s'interrogent énormément sur cela. Consulter des avocats - je vais vous faire rire - cela a toujours été très long. Et, au surplus, il y a toujours ces impondérables qui sont hors du contrôle de l'individu. J'ai même fait sourire le nôtre. Ce sont toujours des impondérables qui nous arrivent, à un moment donné, et on a encore des cas pratiques qui ne datent même pas d'une année et pour lesquels, pour une seule journée, l'individu n'a pu être entendu devant la Commission de la fonction publique pour un congédiement ou pour toute autre sanction disciplinaire.

Le délai de 30 jours nous apparaît à tout le moins essentiel ici et c'est à ce titre que nous vous recommandons de le laisser à 30 jours. Encore une fois, je reviens toujours sur la traditionnelle peine capitale où, même dans les trois autres cas qui ne sont pas nécessairement la peine capitale pour un cadre, j'oserais dire que c'est à peu près l'équivalent.

J'oubliais de souligner ici - je me fais un plaisir de le dire particulièrement devant Mme la ministre - que les gens que nous représentons sont aux quatre coins de la province. Quand on parle des quatre coins de la province, c'est loin. Quand le Syndicat des cadres part en tournée pour rencontrer nos gens, on va jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine, puisque nous en avons une bonne douzaine là-bas. Sans que ce soit une région comme telle, la région de la Gaspésie regroupe le personnel cadre des Îles-de-la-Madeleine. Vous voyez l'individu, là-bas, qui est pris dans une tempête de neige, l'avion ne peut pas décoller, le courrier ne peut pas partir; vous en savez quelque chose. On a déjà été pris là, pris à ne pas y aller ou pris à ne pas pouvoir revenir. Alors, il y a tous ces impondérables extérieurs. On a même pensé à ceux qui sont tout près de chez vous. On en a sur la Côte-Nord. On en a en Abitibi-Témiscamingue. On en a partout.

On continue. Je ne veux pas trop vous attendrir; je vais passer immédiatement à autre chose. On va passer à l'article 37 - je pense que vous le voyez par notre commentaire - où nous retrouvons - on en a parlé tout à l'heure - une plus forte délégation de pouvoirs aux sous-ministres et

dirigeants d'organismes. Dans différents documents de Mme la ministre, entre autres, j'ai lu votre mémoire présenté au Conseil des ministres, et également dans l'avant-projet de loi, dans le rapport de la commission spéciale d'étude et dans bien d'autres documents, nous retrouvons beaucoup d'insistance sur la délégation de pouvoirs et la subdélégation de pouvoirs, ce qui nous apparaît comme étant un outil nettement indispensable en ayant toujours à l'idée qu'il y aura un système d'imputabilité. On s'interroge beaucoup - j'espère qu'on aura quelques orientations tout à l'heure - sur certaines méthodes, sur certaines pensées ou orientations pour inciter davantage, voire même obliger, c'est un grand mot, mais pour avoir une forte incitation quant à cette délégation de pouvoirs pour que le personnel cadre supérieur ou intermédiaire - parce que c'est nous quand on parle du personnel d'encadrement - ait les éléments nécessaires pour vraiment être imputable si le système d'imputabilité atteint les idées du départ.

C'est évident que c'est une préoccupation qu'on espère dissiper avec les commentaires que vous aurez peut-être pour nous tout à l'heure, mais elle est très grande. On se base toujours sur le vécu, sur les expériences passées. Vous savez - on en a encore parlé récemment - que nous sommes actuellement, suivant un principe d'évaluation au rendement, basé sur des attentes signifiées. Sans trop revenir en détail sur ce principe que vous connaissez sûrement déjà, il n'en demeure pas moins que nous nous interrogeons encore une fois sur l'utilisation, l'uniformité de l'utilisation de ce principe qui est peut-être un phénomène, à plus petite échelle, susceptible d'être imputable de ce qui nous a été dicté au début de l'année et de la façon dont les gens, tout au long de l'année, sont revus ou de la façon dont on tient compte des impondérables durant cette année qui s'écoule, que ce soit imputable au sens qu'on veut lui donner ou qu'on soit responsable des attentes signifiées qui nous ont été remises en début d'année, comme cela a été le cas pour les différents cadres intermédiaires, ii n'y a pas tellement longtemps. On a donné à tous des attentes. Ils doivent arriver à les concrétiser, mais entre le mois de juin dernier et le mois de juin 1984, qu'est-ce que nos patrons à nous vont faire pour nous donner les moyens et, s'il y a perte de moyens ou d'outils en cours d'année, est-ce qu'il y aura une façon de tenir compte d'une modification à la baisse, d'une perte de moyens, que ce soit en termes matériels, en termes humains, en termes d'argent ou autres? Ce sont toujours les trois contraintes qui nous suivent tout au long de l'année, face aux attentes signifiées ou à un éventuel système d'imputabilité.

À l'article 124, je pense que vous voyez que nous avons, dans la citation de l'article, inscrit en grandes lettres "en ajouter de nouvelles". Nous nous interrogeons, c'est sûr, sur un libellé et sur le fait qu'un règlement puisse, ou ce qu'on voudra, avoir peut-être plus de poids que la loi. Je pense que notre guide premier doit être la loi. Est-ce qu'un règlement pourrait faire en sorte qu'on y ajoute des choses telles que ce soit plus fort que ce qui est déjà inscrit dans la loi? À ce titre, il est évident que nous recommandons que ces mots soient enlevés pour la plus grande dissipation d'interrogations possibles dans un libellé de la sorte. On aura peut-être l'occasion d'y revenir un peu plus en détail. Maintenant, il s'agit, encore une fois ici, de préciser des normes d'éthique et de discipline prévues dans la loi. On connaît les sanctions qui découlent pour quelqu'un qui pourrait ou qui semblerait avoir contrevenu à un code ou à des normes d'éthique et de discipline.

C'est à ce titre que nous sommes inquiets de voir qu'un organisme pourrait, avec le poids qu'on lui connaîtrait, recommander d'ajouter de nouvelles normes d'éthique et de discipline à la loi votée par l'Assemblée nationale.

Nous vous proposons un article à être libellé à la toute fin de cet avant-projet de loi. Toujours basé sur l'expérience du vécu, également, partant du fait qu'aucun citoyen ne doit être privé d'être entendu à l'occasion de toute sanction devant une instance habilitée à l'entendre dans les matières qui sont déjà prévues dans la loi ou même en dehors, nous vous recommandons ici qu'un commissaire puisse proroger un délai de la présente loi ou relever un fonctionnaire de son défaut de l'avoir respecté.

Encore une fois, je reviens un peu sur le fait que tout à l'heure on parlait d'un délai de 30 jours, qui serait réduit à 21 jours, pour interjeter un appel. Quand on regarde dans quelle mesure l'individu se voit placé pour interjeter un appel, il s'agit de sanctions disciplinaires, de congédiements ou autres, c'est énormément sérieux... Je ne veux pas dire que les instances que nous supervisons sont de moins grande importance que nous, mais quand il s'agit d'un plan de carrière, rendu au statut de cadre, je pense que cela atteint une importance primordiale. Voir que quelqu'un qui dépasserait le délai de 21 jours prévu dans l'avant-projet, ou de 30 jours, tel que nous recommandons que cela demeure, ne puisse pas... Nous avons encore une jurisprudence d'il y a à peine trois mois devant la commission de la fonction publique qui nous démontre que, dans une circonstance vraiment particulière, extraordinaire, ou appelez-la comme vous voudrez, mais elle est vraiment abracadabrante, le commissaire concerné, Me Harold Hutchison en l'occurrence, s'est vu carrément, encore une fois, les deux poings liés par la loi et dire:

II n'est pas de ma juridiction; c'est un délai de rigueur, nous le gardons de rigueur et je n'ai pas juridiction pour dire, même si la raison est éminemment importante, sérieuse, même si le cas est extrêmement sympathique - on pourrait en mettre encore, mais je vais arrêter - je ne peux pas aller plus loin que les 30 jours et c'est tout.

Au surplus, je reviens encore et je vais tenter de vous attendrir, Mme la ministre, je vous dirai qu'il y a un seul endroit à Québec pour tous les gens dans les quatre coins de la province pour loger un appel... Il n'y a pas d'endroits pour loger un appel, aux quatre coins de la province, où un individu pourrait avoir la possibilité de se renseigner plus vite sur certaines façons... On a beau dire que nul n'est censé ignorer la loi, nul n'est censé ignorer la réglementation, nul n'est censé ignorer, à toutes fins utiles, rien, on ignore souvent quand même.

C'est dommage que d'ignorer une procédure fasse qu'il y ait perte de quelques jours de délai avant de la bien connaître. Nos membres ont beau être des cadres et lire bien, comprendre bien et vite, il n'en demeure pas moins que ce ne sont pas des procédures dont on se sert souvent dans notre vie ou dans notre carrière.

C'est le genre de procédure sur lequel on s'interroge très souvent presque devant le fait accompli. Partant de là, il serait grandement louable que les commissaires aient cette possibilité d'entendre une requête qui permettrait à ladite instance et à la personne habilitée de l'instance, de dire: D'accord, je vais fixer un nouveau délai, en rendant son jugement. Je pense que c'est une procédure déjà prévue au Code de procédure civile. On cite ici l'article 484 dudit code qui permet certaines choses.

Je pense qu'avec les questions que vous nous poserez on pourra davantage mettre encore un peu de chair autour de l'os, discuter davantage. J'ai sûrement dépassé les 20 minutes, je me suis enflammé un peu.

Le Président (M. Champagne): Vous avez parlé pendant 45 minutes. Vous ne saviez pas que vous aviez le verbe facile.

M. Dorval: Voilà! Je cesse en partie.

Le Président (M. Champagne): D'accord. Vous aurez aussi la chance, par les commentaires ou les questions des personnes autour de la table, de continuer à expliciter votre pensée.

Mme la ministre, vous avez des commentaires et des questions?

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais d'abord remercier le Syndicat des cadres d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Soit que personne ne voulait casser la glace ou que les gens avaient un emploi du temps plutôt chargé, il a été difficile de fixer, pour le leader de l'Opposition, la journée de comparution. Le Syndicat des cadres aurait préféré comparaître plus tard dans la semaine; donc on apprécie d'autant plus qu'il ait fait cet effort de venir nous faire ses représentations aujourd'hui.

Vous me permettrez aussi de vous souligner que je ne suis pas très, très fâchée quand des gens se font prendre aux Îles dans une tempête ou dans de la brume. Cela permet justement à ces gens-là de se senbiliser aux problèmes d'éloignement et de communications. D'autre part, dans votre cas, je suis convaincue que cela vous a permis, peut-être à plusieurs reprises, contrairement à d'autres gestionnaires dans la fonction publique qui malheureusement ne se font pas prendre assez souvent en région, de vous sensibiliser aux problèmes que les gestionnaires peuvent vivre par rapport à l'éloignement de la grosse machine en région.

M. Dorval: J'ai eu l'occasion de l'oublier avec du bon homard, en passant.

Mme LeBlanc-Bantey: Ah! Vous êtes allé au mois de mai. C'est une coutume discutable.

Mme Bacon: II ferait peut-être mieux d'aller plus loin.

Mme LeBlanc-Bantey: Cela dit, on est heureux que les gens apprécient notre homard. Mais on aime cela aussi lorsqu'ils viennent à d'autres saisons de l'année.

J'ai cru déceler dans votre attitude ou dans vos commentaires beaucoup d'inquiétudes finalement sur le rôle que pourrait jouer le Conseil du trésor ou le nouvel office qui ne sera pas tout à fait nouveau parce qu'on y retrouvera les gens de l'Office de la sélection et du recrutement et des gens de la fonction publique, mais seulement dans son nom, puisqu'il s'appellera l'Office des ressources humaines. Quant à l'attitude que ces organismes pourraient avoir avec un syndicat comme le vôtre qui prône la concertation et, en même temps, une consultation, par ces organismes, auprès de vous, vous semblez - en tout cas, je l'ai pris comme un compliment - laisser entendre qu'à la fonction publique, cela allait bien... Dans le fond, vous désireriez retrouver ce type de concertation dont vous avez fait l'expérience. Je crois que les inquiétudes que vous manifestez ne sont pas justifiées. Parce que vous retrouverez de toute façon, que ce soit au Conseil du trésor ou à l'Office des ressources humaines, les vis-à-vis que vous aviez chez nous. Je crois que la concertation, la collaboration et la consultation, c'est très souvent une question d'attitude des intervenants, peu importe de quel côté de la table ils se trouvent, que ce

soit du côté des fonctionnaires ou du côté des syndicats. Bien plus, en fait, que les déclarations officielles que font les chefs syndicaux et les responsables gouvernementaux. Je crois que, là-dessus, les fonctionnaires ont un rôle très important à jouer. Si déjà, vous avez l'impression qu'il s'est établi un processus de concertation et de consultation, je ne vois pas pourquoi vous ne le retrouveriez pas avec les mêmes personnes, peu importent les organismes où ils sont.

Vous nous avez aussi laissé entendre qu'il y a des choses que vous aimeriez retrouver dans la loi, comme la reconnaissance officielle du Syndicat des cadres du gouvernement du Québec et d'autres aspects qui vous permettraient de vous sentir plus protégés face à l'avant-projet de loi. Il faudrait d'abord souligner que la seule reconnaissance officielle qu'il y a dans l'avant-projet de loi face à un syndicat est celle du Syndicat des fonctionnaires. C'est une raison historique; on l'a maintenu en raison de droits acquis, des droits historiques, mais c'est la seule reconnaissance officielle que vous verrez dans la loi.

D'autre part, il ne faudrait pas non plus que l'avant-projet de loi de la fonction publique devienne une sorte de convention collective pour les cadres et une deuxième convention collective pour les syndiqués. Je crois que vous avez chacun vos mécanismes de négociation en place et que c'est finalement à cette table que doivent s'acheminer vos revendications. Bien sûr, on tiendra compte des remarques que vous avez faites, mais il faudrait, à mon avis, éviter de faire que l'avant-projet de loi, qui est une loi sur la gestion de la fonction publique, devienne des conventions collectives.

Du côté de l'imputabilité, j'ai comme l'impression que vous êtes d'accord avec le principe, même si, encore là, vous manifestez certaines inquiétudes démontrant que, finalement, on va donner beaucoup de pouvoirs aux organismes, aux chefs d'organismes et aux sous-ministres, mais que la délégation n'est pas obligatoire. L'approche que nous avons prise jusqu'à maintenant est la suivante: si on veut implanter un véritable système d'imputabilité dans la fonction publique, il nous apparaît que cette responsabilisation et cette imputabilité doivent commencer par les sous-chefs eux-mêmes, par les dirigeants avant toute chose. Il serait peut-être dangereux d'obliger une délégation dans une fonction publique qui n'est pas habituée finalement à ce type de gestion, je l'ai dit ce matin, je pense qu'on peut le répéter. Il faut s'habituer à l'idée qu'il faudra un certain temps pour en arriver à une fonction publique responsabilisée et à qui on pourra demander de rendre des comptes sur les gestes que les fonctionnaires posent, c'est-à-dire qu'importe la situation hiérarchique. Nous ne pensions pas préférable d'obliger une délégation parce que cela implique aussi toute la séquence de la délégation et de se faire dire par des sous-ministres six mois ou un an plus tard: Je savais que tel ou tel gestionnaire n'était pas apte à prendre une responsabilité pareille, mais la loi m'obligeait à faire la délégation, donc je l'ai faite. On ne voudrait pas que la loi, finalement, prenne la responsabilité que le sous-ministre doit prendre. Le sous-ministre est là pour gérer les ressources de son ministère, il doit en conséquence les assumer et décider si effectivement il y a lieu de déléguer et si la personne à qui il délègue est capable d'assumer ses responsabilités, si le temps est venu de lui confier ces responsabilités. C'est la raison pour laquelle on a pris une approche plus souple comme délégation. (16 heures)

Par ailleurs, si on devait prendre une approche plus rigoureuse selon les suggestions que vous nous faites, j'aimerais avoir plus d'éclairage sur la façon dont vous le voyez. Par exemple, comment prévoyez-vous la délégation non seulement du sous-ministre aux cadres supérieurs mais aussi des cadres supérieurs à vous, les cadres intermédiaires.

Dans un deuxième volet, est-ce que vous pensez qu'il faudrait prévoir aussi la délégation des cadres intermédiaires vis-à-vis des autres groupes de la fonction publique ou des cadres supérieurs, qu'importe, que ce soient les professionnels et les fonctionnaires. Dans mon esprit, la responsabilisation doit se faire de haut en bas de la structure. Je pense que ce matin le député de Sainte-Marie parlait d'un an, deux ans, quelques années. Il admettait lui-même que ce n'est pas un processus qui peut se mettre en branle du jour au lendemain. Dans ce sens-là, si vous avez réfléchi à une délégation obligatoire, j'aimerais savoir de quelle façon elle pourrait s'articuler.

Je vais reprendre très brièvement sur la discrétion. On a eu une très longue discussion ici ce matin sur la discrétion sur quoi que ce soit qu'on demanderait aux fonctionnaires. Je pense qu'il y a quand même un assouplissement. En fait, on retrouve dans la loi les normes qui existaient déjà dans un règlement sur le code d'éthique. C'était un règlement et on a décidé de le mettre dans la loi pour plus de transparence. Il reste qu'il me semble qu'on a assoupli une mesure qui nous permet maintenant de ne pas justement appliquer - pour reprendre votre expression - la "peine capitale", entre guillemets, dans un cas de manquement de discrétion, mais plutôt de juger selon la gravité de la faute. Cela m'apparaît quand même un assouplissement dont il faudrait tenir compte. Pour le moment, je me

limiterai à ces commentaires quitte à revenir par la suite si vous me le permettez. Je voudrais vraiment que vous précisiez - je pense que vous avez dû réfléchir - sur tout le principe de la délégation, le mécanisme surtout.

M. Dorval: Je vais être plus court que tantôt car je vais me faire rappeler à l'ordre. J'ai pris quelques notes rapidement. Je reviens un petit peu au Conseil du trésor qui a suscité des inquiétudes chez nous en voyant beaucoup de responsabilités qui lui sont dévolues concernant la maturité que nous aurions ou que nous avons, je crois, démontré avec la fonction publique. C'est un fait que l'expérience a été très belle.

Maintenant, nous allons aller jusqu'à utiliser un peu beaucoup l'expression "garantie". Quelles seraient les garanties que le Conseil du trésor - avec toutes ces responsabilités - nous offrirait dans un esprit de continuité de l'expérience vécue chez vous à la fonction publique? La question est peut-être un peu cela. Est-ce qu'il acceptera d'aller jusqu'à tenter ces expériences ou si ce sera la consultation au sens strict du terme? Je ne dirai pas que c'est devenu un droit acquis, la concertation, à la fonction publique. Elle faisait son chemin et au fur et à mesure il y avait concertation à toutes fins utiles dans des dossiers de plus en plus importants. Est-ce que nous devrons, au Conseil du trésor, recommencer, à toutes fins utiles, au bas de l'échelle même si devant nous il y à peu près les mêmes employés qui étaient à l'époque à la direction du personnel de maîtrise avec qui on travaille - pour autant que je suis concerné - depuis près de quatre ans?

Nous nous retrouverions devant une autre instance. Est-ce qu'il n'y a pas un retour en arrière où il faudra recommencer à redémontrer ou si notre réputation sera déjà devant nous? Donc, on n'a pas ces garanties, on ne les sent pas et elles nous inquiètent. Je ne vais pas plus loin que cela. Ces garanties nous inquiètent.

Pour ce qui est de la syndicalisation des cadres, je comprends très bien que la Loi sur la fonction publique ne doive pas devenir un volume de un à dix tomes de toutes les conventions collectives ou de toutes les ententes collectives pour le personnel cadre. Un régime particulier, formel et entier de relations du travail est une chose que nous débattons depuis... Je me rappelle le colloque à l'Université Laval des 17 et 18 octobre 1980, la conférence des cadres qui regroupe toutes les associations de cadres comme la nôtre. Il est sûr qu'à la plus haute instance de notre organisation, les gens réclament ce régime particulier; celui-ci s'inscrit dans les préoccupations de tout à l'heure sur lesquelles je ne reviens pas, tout en reconnaissant qu'il y a peut-être - ce n'est pas nécessairement dans la Loi sur la fonction publique - un autre moyen que les instances habilitées pourraient soumettre selon lequel il serait reconnu officiellement autrement que de la façon dont il l'est actuellement, ayant fait preuve de, et de, et de, et ayant atteint la maturité dont je vous parle depuis tout à l'heure.

Maintenant, quant à l'imputabilité, vous y êtes revenu en disant... On commence par les instances au niveau des sous-ministres, cela devrait aller... L'article 4 du projet le dit un petit peu en d'autres termes. Il dit que tout le monde doit être responsable de A à Z ou de Z à A, je ne veux discriminer personne. J'ai lu et relu dans différents mémoires présentés - le mémoire des sous-ministres, celui de la commission Bisaillon à l'époque et tous les autres - qu'on parle toujours de l'implantation graduelle. Il est sûr que nous ne voyons pas ce système d'imputabilité s'installer de but en blanc, du jour au lendemain dans la fonction publique. Je ne sais pas, moi, me voilà en avril prochain rendu imputable et tous mes confrères cadres à tous les niveaux! L'imputation graduelle, j'y crois. J'ai vu aussi dans la liasse de documentation qu'on a pu lire sur la fonction publique qu'on recommandait que cela commence par les sous-ministres, les hauts dirigeants de l'organisme ou du ministère et qu'ensuite on aille dans tous les différents niveaux de cadres; que cela aille même au personnel supervisé en relation directe avec un service aux citoyens, un personnel supervisé qui réponde directement à un comptoir où le public entre pour avoir des services afin qu'on puisse, lui aussi, le rendre imputable dans une certaine forme.

Les formules sont diverses. Si vous me demandez de vous donner la mienne je vais vous dire que des formules stéréotypées d'avance, il serait possible, même si je n'en ai pas une purement et simplement ici, d'en penser dans les normes et les façons de penser dont on a discuté. Sur papier cela va toujours très bien, mais quand on arrive dans l'implantation de ce système c'est là que généralement il y a un manque, premièrement, d'uniformité. On déplore peut-être un certain manque de contrôle quant à l'uniformisation d'une pratique. Pour cela on se base sur le vécu des attentes signifiées qui ressemblent un petit peu - on en a déjà parlé il n'y a pas tellement longtemps - au phénomène d'imputabilité. On pourrait peut-être dire: On est presque imputable des attentes signifiées qui nous sont données l'année précédente. Déjà, là, on s'aperçoit que l'uniformisation de ce système est très difficile; la compréhension de ministère en ministère et surtout de région en région à l'intérieur du même ministère est différente.

Maintenant, si je reviens sur l'autre élément que vous avez soulevé plus

particulièrement, le "quoi que ce soit", je ne suis pas sûr d'être convaincu que les risques d'utilisation... Étant donné qu'il s'agit d'une peine capitale, qu'il n'y aurait pas un libellé différent, un peu plus précis qui ferait en sorte qu'il y aurait - je vais vous le dire aussi allègrement que je le pense - un risque de charriage avec une expression aussi large. Voilà, pour le moment, ce que j'avais à ajouter aux quelques commentaires.

Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Comme vous le dites, entre guillemets, la "peine capitale" n'est pas prévue dans le cadre de cet article; au contraire, on prévoit d'être capable de juger en fonction de la gravité. À moins que je ne me trompe sur le sens de la loi, c'est bien ce que nous avions prévu. C'est l'article 16, qui est un article général, qui juge de l'article en question sur la discrétion, alors qu'un fonctionnaire qui contrevient est passible d'une sanction pouvant aller jusqu'au congédiement selon la nature et la gravité de la faute. Auparavant, on était obligé de le congédier; maintenant, on peut choisir une mesure plus appropriée aux circonstances sans nécessairement aller au congédiement.

M. Dorval: En terminant, je reviendrai très brièvement sur le fait que l'expérience du vécu et la jurisprudence nous démontrent qu'ils ont été jusqu'au congédiement. C'est la situation.

Mme LeBlanc-Bantey: Mais la loi 50 obligeait d'aller au congédiement, on n'avait pas le choix, il fallait aller au congédiement. C'est la raison pour laquelle on a apporté un amendement, d'une part, parce qu'il y a des sanctions qui ne se donnaient pas compte tenu que des gestionnaires trouvaient que c'était exorbitant, le congédiement. D'autres fois, on allait jusqu'au congédiement alors qu'on n'aurait pas dû aller jusqu'au congédiement. C'est la raison pour laquelle on a amendé, par l'avant-projet, pour permettre plus de souplesse dans l'application des sanctions en jugeant justement selon les cas d'espèce et avec le meilleur bon sens possible.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. Très rapidement et le plus succinctement possible, je voudrais remercier les membres du Syndicat des cadres pour leur mémoire. Ce que j'en retiens, c'est qu'il y a un certain nombre de dispositions qui les laissent profondément songeurs et je crois qu'ils ont raison d'être songeurs vis-à-vis de certaines dispositions qui sont un peu floues actuellement. Par exemple, on ne sait pas -cela me paraît vital, c'est une pierre d'assise de la réforme et de tout le rapport Bisaillon - la méthode qui sera appliquée pour mettre en place le principe de l'imputabilité.

On ne connaît pas non plus - c'est une autre source d'inquiétude - la nature ou même la philosophie générale, l'économie générale des politiques générales du Conseil du trésor, on ne sait pas à quoi s'en tenir.

L'autre interrogation qui me paraît très bien fondée, c'est que vous vous demandez si vous serez obligés de réinventer de nouveaux canaux de communication avec un organisme qui sera chargé dorénavant de faire ce que faisait le ministère de la Fonction publique. Je pense que c'est là une inquiétude qui est fort fondée et qui, jusqu'à maintenant, ne peut pas, dans les circonstances actuelles, recevoir de réponse ou de dénégation formelle, c'est une situation de fait. Vous aurez de nouveaux interlocuteurs, vous aurez un nouvel organisme qui fonctionnera selon une certaine philosophie. Comment s'établiront les contacts, les relations avec cet organisme qui sera nanti de nouveaux pouvoirs? C'est à voir.

Les interrogations que vous avez sur la façon dont se feront les délégations et les sous-délégations restent aussi ouvertes. Alors, devant tout cela - je termine là-dessus - je pense que vous devez continuer à avoir les yeux grands ouverts, à profiter des occasions qui vous seront offertes comme celle d'aujourd'hui et comme celle qui nécessairement pourra se présenter à nouveau lors de l'étude du projet de loi en commission parlementaire en temps et lieu, pour voir ce qu'il advient de ces interrogations, de ces inquiétudes. Nous, les parlementaires, les représentants de la population, devons, en grande partie, dans des situations semblables, nous en remettre à vous pour éclairer notre lanterne. Je pense que vous vous acquittez de votre tâche en soulevant ces problèmes-là, en attirant notre attention là-dessus et en demandant au gouvernement, puisque c'est sa responsabilité, de régler à la satisfaction de votre syndicat, à celle des fonctionnaires et à celle de la population, les choses qui ne sont pas réglées ou qui ne sont pas claires dans l'avant-projet de loi. Je pense que c'est normal qu'il y en ait un certain nombre et c'est normal que ces choses-là soient vues par vous en premier lieu. (16 h 15)

Je n'ai pas de question spécifique à vous poser. Je reconnais avec vous que, en ce qui concerne tout ce qui relève de la discrétion, tout ce qui relève de l'obligation de loyauté des fonctionnaires, on nage un peu dans le flou là aussi. Il y a du pour et du contre. On doit tenir compte des

obligations qu'ont les fonctionnaires de bien servir leur patron qui est le gouvernement du Québec et, en même temps, l'obligation qu'ils ont de répondre, de la meilleure façon possible, à l'intérêt public entendu dans son sens le plus large. Il y a sûrement d'autres points, tel que vous l'avez dit, qui ne sont pas abordés dans votre mémoire, parce que vous n'avez pas voulu prolonger trop longuement le débat. Il y aurait peut-être lieu d'y revenir, que ce soit sur la possibilité pour un membre de la fonction publique de se présenter comme candidat dans une élection fédérale, scolaire ou municipale, ou sur des choses semblables qui sont plus détaillées. Vous pourrez peut-être y revenir à une autre occasion.

Je termine en vous disant que votre présentation a été énormément appréciée et que, de notre côté, pour ce qui est de ma formation politique, nous en ferons sûrement notre profit.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. Dorval, je dois vous avouer que vous m'avez fort peu ému quant au plaidoyer que vous avez fait sur la question des délais, pour les raisons suivantes. Dans le fond, vous revendiquez la possibilité pour les cadres de se syndiquer. Donc, vous mettez de l'avant la notion de syndicalisme de cadre dans un autre moment. Et, je tiens à vous souligner que la notion de délai vécue comme elle est exprimée dans la loi s'applique déjà à l'ensemble du mouvement syndical. Il faut bien, à un moment donné, qu'on place un délai. On peut bien jouer sur la notion du 21 jours plutôt que 30 jours; cela est une chose. Mais, le fait qu'un organisme syndical, qu'un membre d'un organisme syndical soit placé devant une objection d'un juge qui dit que le délai est dépassé, c'est fréquent en relations du travail. Alors, si, en même temps, vous revendiquez le même fonctionnement que celui qu'on connaît chez le personnel syndiqué, il me semble que vous devez aussi prendre ce qui est désavantageux. On ne peut pas, en même temps, avoir le même statut que les autres et les mêmes mécanismes de défense et vouloir échapper aux règles très strictes qui peuvent exister dans ce milieu. C'est le commentaire que je voulais vous faire, parce que, à moins que je n'aie pas du tout compris votre intervention, il m'a semblé que, non seulement vous demandiez le maintien de 30 jours de délai, ce qui est défendable et qui peut être discuté, mais qu'en plus, vous nous avez souligné des cas - et je dois comprendre que les cas se sont produits à des moments où le délai était déjà de 30 jours - où, par exemple, par une journée, on déclarait non recevable le cas qui était présenté parce qu'il y avait prescription. Je veux seulement vous souligner que c'est courant en relations du travail que des causes soient perdues parce que la prescription joue. Alors, si elle joue pour le personnel syndiqué, elle devrait jouer aussi dans le cas du personnel cadre et il ne devrait pas y avoir, ni dans la loi, ni dans la pratique, de passe-droits, même pour des cadres.

Un deuxième commentaire: Lorsque vous vous étiez présentés devant la commission spéciale, vous aviez formulé vos demandes à peu près de la même façon que vous le faites maintenant quant à la reconnaissance du Syndicat des cadres du gouvernement du Québec Inc. J'avais eu l'impression qu'on s'était finalement entendu pour dire qu'il fallait faire la distinction entre reconnaître dans une loi un organisme déjà existant et reconnaître le principe du syndicalisme pour les cadres. J'avais compris qu'on s'était entendus là-dessus lors de la commission spéciale, ce qui était fort sympathique d'ailleurs aux membres de la commission et qui faisait l'objet d'une de nos recommandations. Autrement dit, nous, ce qu'on disait, c'est: nous pouvons, nous, nous déclarer favorables au syndicalisme de cadre, mais une fois que le principe sera reconnu, les mêmes règles qui s'appliquent dans le monde syndical vont s'appliquer pour les cadres. C'est-à-dire que l'organisme qui ira chercher la majorité plus un deviendra l'organisme représentatif; il n'est pas nécessaire de le mentionner dans une loi. Autrement dit, quand je parle d'un système de relations du travail, je ne reconnais pas dans la loi le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec ou le Syndicat des professionnels du gouvernement; ce n'est pas la Loi sur la fonction publique qui reconnaît le syndicat, c'est le Code du travail qui fait que, parce qu'un organisme a répondu aux prescriptions du Code du travail, il devient l'organisme représentatif.

Votre demande est encore formulée, à savoir que la loi reconnaisse le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec, celui qui a déjà été reconnu en 1978 par une entente de bonne foi. Cela détruit un peu, je pense, l'insistance que vous pourriez apporter au développement de la notion du syndicalisme de cadre. J'aimerais également vous entendre sur cette question.

J'ai été étonné de voir que vous avez souligné l'article 124 et, effectivement, je pense que c'est une chose à laquelle il faudra prêter attention. Il y a des règles d'éthique qui sont fixées dans la loi. Et ce qu'il y a dans la loi se présente davantage, d'ailleurs, comme un code disciplinaire que comme un code d'éthique. On précise, à l'article 124, que le Conseil du trésor à lui tout seul pourrait en préciser le fonctionnement, et non seulement préciser le fonctionnement de ce qui est déjà là, mais

en plus faire de nouvelles règles. Si on a jugé important d'en mettre un certain nombre dans la loi, qu'on ferme cela là et qu'on ne laisse pas la possibilité à un organisme qui n'aurait pas à se représenter devant le Parlement - parce que si c'est le Conseil du trésor, cela ne repassera jamais devant le Parlement - d'en édicter de nouvelles. C'est un point que vous avez souligné auquel il faudra apporter beaucoup d'attention; d'autant plus que les membres de la commission étaient plutôt favorables à une nouvelle approche quant à l'établissement d'un code d'éthique. On avait fait l'analyse que le code d'éthique qui existait déjà n'avait jamais été mis en application par le personnel d'encadrement ou qu'on y attachait, finalement, plus ou moins d'importance, que des manquements graves au code d'éthique n'avaient jamais été soulignés dans le passé plus qu'il ne fallait. Ce qu'on suggérait, c'est que le code d'éthique soit une entente entre les différentes parties, et qu'à partir du moment où cela fait l'objet de l'entente, ce puisse être appliqué. Ce n'est pas le choix - en tout cas, le premier choix - que le gouvernement a fait puisqu'on nous met un certain nombre de règles d'éthique dans la loi, de normes d'éthique et de discipline, et, ensuite, on dit: Le Conseil du trésor en fera de nouvelles. Je pense que c'est un danger que vous aviez raison de souligner.

Par ailleurs, de la même façon, j'ai été surpris de voir que vous n'aviez pas souligné les dangers de l'article 54 qui dit que, dans le cas d'une promotion, le Conseil du trésor peut déterminer les classes d'emploi où. un stage probatoire est requis et fixer la durée d'un tel stage. Autrement dit, je comprends que cela touche vous autres seulement ou des groupes de cadres puisque, dans les articles qui précèdent, on a senti le besoin de déterminer que le stage probatoire pour toute personne recrutée comme fonctionnaire était de six mois. Je dois donc comprendre qu'avec l'article 54, si le Conseil du trésor, dans le cas d'une promotion, peut déterminer, en plus de cela, pour chacun des postes, le stage probatoire qui est requis et en fixer la durée, c'est arbitraire. Je comprends que cela pourrait changer d'une année à l'autre, de six mois en six mois ou d'un concours à l'autre. Dans ce sens-là, je me demande comment il se fait que vous n'ayez pas souligné cet aspect qui me semble tout aussi important que ce que vous avez souligné à l'article 124.

Je terminerai mes commentaires et questions par toute la question de l'imputabilité. Vous avez dit que vous étiez d'accord avec une implantation graduelle de l'imputabilité, ce qui va exactement dans le sens de ce que la commission spéciale avait recommandé, sauf que, quand je regarde l'avant-projet de loi qui est devant nous, j'ai peur que ce qu'il y a de graduel dans nos recommandations - il y avait des choses, des pôles plus importants que d'autres... La recommandation, sans faire d'échéancier, plaçait l'importance sur des choses plus particulières. Par exemple, les sous-chefs d'abord, les cadres supérieurs par la suite, et on allait immédiatement aux fonctionnaires qui ont affaire directement au public. C'étaient les premières personnes qu'on rendait imputables. Mais il y avait un autre pôle qui était le contrôle parlementaire de l'imputabilité. Il semble bien que dans la gradation qu'on va faire dans l'imputabilité, le contrôle parlementaire, s'il arrive, il va arriver probablement en dernier lieu, parce que je ne vois rien, aucune notion qui nous permette le contrôle parlementaire de l'imputabilité. Je comprends que les sous-ministres, les sous-chefs, les présidents d'organismes soient réticents à la notion de contrôle parlementaire de l'imputabilité compte tenu surtout de deux exemples qu'on a pu vivre dans les derniers six mois au Parlement, mais je m'attendais que les cadres de niveau intermédiaire puissent me parler un peu du contrôle parlementaire et me dire qu'ils ne craignaient pas cela et que cela serait peut-être une bonne chose que le Parlement puisse vérifier l'imputabilité administrative, ce qui préciserait davantage les différences à faire entre la responsabilité administrative et la responsabilité politique.

J'aimerais que vous me parliez un peu de votre réaction et de celle de votre organisme sur le contrôle parlementaire de l'imputabilité et si dans l'application graduelle d'un plan d'imputabilité, vous voyez cela comme les sous-ministres, c'est-à-dire en tout dernier, si on a le temps.

Le Président (M. Champagne): M.

Dorval.

M. Dorval: M. Bisaillon, je ne vous ai pas convaincu. J'ai détruit, j'ai étonné positivement à un moment donné et après cela, je suis revenu, je vous ai surpris encore, et je termine en vous imputant. Je suis conscient qu'une personne qui, à votre titre, à l'époque, a étudié cela dans les moindres fonds, avec toute la batterie de spécialistes que vous aviez avec vous, ait pu réagir sur certains points de la sorte. Maintenant, je vais essayer de revenir point par point, mais il y en a sur lesquels je redirais ce qui a déjà été dit. Alors, je n'inventerai pas d'arguments, aujourd'hui, pour le plaisir d'en inventer. Je n'essaierai peut-être même pas de vous convaincre. Quand il s'agit du délai, vous avez parlé du délai de 21 jours et de 30 jours, etc. Quand quelqu'un est hors délai, cela se voit partout. Ce n'est rien de terrible. Nous autres, on ne pense pas la même chose. Pour nous, c'est terrible parce que c'est un délai de rigueur.

Ce n'est pas du tout la même notion.

Il s'agit d'un délai de rigueur. Partant de là, toute possibilité d'être en dehors de ce délai de rigueur peut arriver. Cela peut arriver, c'est possible. Si on est capable d'aller sur la lune à une seconde près, on est capable de manquer un délai de rigueur. Si la raison se tient debout, j'appelle cela des fois des raisons-cadres, tout est associé aux cadres, sauf d'être accroché sur un mur. Alors, comme on ne veut pas justement se faire accrocher, on dit: Y a-t-il une possibilité qu'on donne le pouvoir à un commissaire de la Commission de la fonction publique, à une commissaire puisqu'il y en a une qui délie les mains et qu'on dise: II y a une raison purement intelligente et brillante pour laquelle je consentirais à ce qu'on puisse le relever de son défaut, parce que c'est un défaut, c'est évident? On conçoit que c'est un défaut.

C'est simplement dans cet esprit. On ne veut pas que cela devienne une pratique courante, pour un tout ou pour un rien. Monsieur est allé en vacances à Ogunquit, il a complètement oublié d'adresser sa lettre, je suis d'accord avec vous que c'est son fichu problème et que cela ne regarde personne d'autre que lui. Il n'avait qu'à ne pas se faire griller et cela aurait été tout. Mais l'individu, par exemple, qui a une problématique comme on a vu il y a à peine six mois devant le commissaire Hutchison, je pense que celui-là avait un motif louable, valable, vendable et tout ce que vous voudrez et que le commissaire aurait dû avoir les deux mains déliées et être capable vraiment de donner son jugement et non pas de le limiter dans son jugement sur un point de ce genre. De là à ce que cela devienne pratique courante, quotidienne et autres, je suis entièrement d'accord avec vous là-dessus.

L'autre point que vous avez soulevé, c'est le point du syndicalisme de cadre. Sur celui-là, j'y vais doucement parce que tous les arguments ont été donnés et peut-être que je prendrais encore 45 minutes et que le président de la commission enlèverait ses lunettes, me regarderait avec ses grands yeux et dirait: 45 minutes, ce n'est pas possible. (16 h 30)

Je vais y aller succintement mais une chose est certaine: ce que nous recherchons ce n'est pas nécessairement que ce soit dans la Loi sur la fonction publique. On veut être reconnu dans une loi et c'est la recherche d'une meilleure façon possible de laquelle découlerait un régime de relations du travail.

S'il y a un autre moyen plus ferme, on est prêt à écouter. On ne veut pas être carrément bornés sur cela. Je pense qu'il sera toujours louable qu'un organisme comme le nôtre, qui a démontré qu'il devait y en avoir un, puisse en arriver à le demander. Si ce n'est pas la façon, dans la Loi sur la fonction publique, je le comprends, il y a d'autres lois pour cela, des projets de loi privés, et toutes sortes de choses. Cela pourrait donc être pensable dans une autre forme.

J'irais peut-être à l'imputabilité parlementaire, et je vous rejoins sur certains points. Vous avez dit: Comment se fait-il qu'un organisme de cadres ne se soit pas penché sur l'imputabilité parlementaire? Pourquoi n'a-t-il pas pensé à cela?

Une voix: Le contrôle.

M. Dorval: Le contrôle. Je dois vous avouer qu'on s'est penché sur notre propre contrôle. Ce sont les gens qu'on représente, c'est le mandat qu'on a. Si...

M. Bisaillon: Me permettez-vous de poser ma question autrement?

M. Dorval: Avec plaisir.

M. Bisaillon: Vous avez exprimé des craintes et des réserves qui sont partagées par un bon nombre non seulement d'organismes mais aussi de parlementaires face au Conseil du trésor. Si je vous posais la question différemment: Est-ce que le contrôle parlementaire vous fait aussi peur ou seriez-vous aussi réticents vis-à-vis du contrôle parlementaire que vous l'êtes devant le Conseil du trésor?

M. Dorval: Si vous en parlez à ce niveau-là, et qu'on se fait bousculer par une entité qui n'est pas contrôlée par le Parlement, je vous dirai qu'on va réagir. Il y a différentes façons de réagir. En tant que syndicat de cadres on peut réagir et en tant que regroupement avec d'autres entités on peut réagir différemment aussi. Je vous fais grâce de toutes les méthodes qui sont généralement reconnues, c'est sûr. Il y a moyen de réagir sur des attitudes ou des non-attitudes. Partant de là c'est probablement à la connaissance du vécu qu'on verra à être capable de déterminer que le contrôle parlementaire n'est pas efficace ou qu'il y a carrément un manque à ce niveau-là.

On tentera tout au moins, si on a eu l'impression de présumer à certains endroits, pas d'être plus raisonnable ou plus conciliant mais d'avoir l'oeil agile...

M. Bisaillon: Je vais reposer ma question autrement, M. Dorval. Vous avez demandé que la question de la délégation et de la sous-délégation soit établie plus clairement pour que les cadres soient assurés que ce ne soient pas juste des voeux pieux dans un projet de loi mais qu'en plus cela se réalise en pratique. Donc, que vous ayez non

seulement la responsabilité mais les moyens d'exercer cette responsabilité.

M. Dorval, vous êtes responsable, par vos fonctions, de l'application du programme Loginove. On vous a donné le budget. Le contrôle parlementaire serait de vous faire venir devant une commission parlementaire et dire: M. Dorval, au plan administratif, comment avez-vous administré le programme Loginove? Qu'est-ce que cela a donné? Est-ce que cela a donné de bons résultats? Est-ce qu'on a eu les meilleurs services au meilleur prix? Ce serait la vérification de votre administration, de l'administration d'un programme dont vous avez l'entière responsabilité et pour lequel vous aviez les budgets. Est-ce que cela vous ferait peur?

M. Dorval: Non, il ne faudrait pasi Dans votre rapport vous soulignez que ce contrôle parlementaire existe en Angleterre. Les gens de hautes instances ou d'organismes très très importants, comme le Conseil du trésor en est un ici, doivent aller rendre compte devant le Parlement, leur Assemblée nationale à eux. Dans l'imputabilité, ici, on ne le voit pas. Est-ce que cela ira jusque-là? Ce que je retiens de votre question c'est ceci: Jusqu'où un organisme comme le nôtre, à la connaissance du contexte et de tous les règlements qu'on ne connaît pas encore d'une façon très précise, doit s'inquiéter à ce niveau du contrôle parlementaire de ces organismes que l'on voit aujourd'hui très forts et qui nous inquiètent ou qui seront peut-être très forts en responsabilités et qui devront rendre compte eux aussi en tant qu'organismes, mais nous, le Syndicat des cadres, est-ce qu'on doit s'en inquiéter? Bien oui, c'est sûr qu'on doit s'en inquiéter. Est-ce qu'on revendiquera s'il n'y a pas contrôle jusqu'à ce niveau de ces organismes pour lesquels on a eu des interrogations? C'est sûr qu'on s'en inquiétera et qu'on prendra les moyens appropriés. Mais dans l'immédiat, sachant que les gens que l'on représente seront imputables, on commence par s'occuper d'eux et, ensuite, au vécu de ce que ces organismes feront, on pourra y revenir.

C'est la seule réponse que j'ai à vous donner aujourd'hui concernant ces organismes à haut contrôle. Mais c'est sûr que, dans notre esprit, on tient pour acquis que ces gens sont responsables, qu'ils devront rendre compte devant les autorités habilitées. Si c'est une commission parlementaire, ils le feront; si c'était l'Assemblée nationale, par la voix de son président ou de son vice-président, dirigeants d'organisme, ils devront rendre compte et ils seront imputables devant l'Assemblée nationale, c'est sûr.

On voit d'ailleurs des éléments de renvoi d'individus là-dedans, dirigeants d'organisme ou présidents d'organisme, qui sont déjà prévus. J'imagine qu'il y aura ces contrôles.

M. Bisaillon: Article 54.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Gaspé. Oui.

M. Bisaillon: Sur l'article 54. Quels sont vos commentaires là-dessus?

Mme LeBlanc-Bantey: Cet article existait déjà dans la loi 50.

M. Bisaillon: Oui, mais je suppose, Mme la ministre, que si on fait un avant-projet, on ne doit pas avoir d'objection aux changements.

Mme LeBlanc-Bantey: D'accord, mais au cas où vous penseriez que c'est...

M. Bisaillon: Si l'ancienne loi était bonne, on n'avait qu'à la garder.

Mme LeBlanc-Bantey: Au cas où vous auriez vu des intentions cachées dans cet article, il n'est pas nouveau.

Le Président (M. Champagne): M.

Dorval, la question vous est posée.

M. Dorval: D'accord. Ce ne sera pas long. Vous me permettez de revenir à l'article.

Je veux vous dire tout de suite que dans les réglementations existantes - sans avoir parcouru en détail ou avoir recherché tout sur le contexte - on détermine déjà des stages probatoires variant de six mois à une année. Nous avons déjà cela dans la réglementation des différents corps d'emploi.

Alors, nos préoccupations pour le moment ne sont pas plus abracadabrantes que cela au niveau du stage probatoire. Puisqu'on est consulté d'ailleurs sur la réglementation, on fait nos représentations et nos recommandations dans le cas comme cela s'est passé lors de la réforme il n'y a pas tellement longtemps. J'imagine qu'on aura encore les possibilités et on en a parlé un peu plus loin.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Gaspé.

M. LeMay: M. Dorval, vous savez que je suis un homme de région, alors je m'inquiète et je m'intéresse toujours à ce que vous dites étant donné que cela s'applique dans des régions, que ce soit l'Abitibi, que ce soient les Îles-de-la-Madeleine ou que ce soit la Gaspésie. Vous parlez à l'article 3, en page 2, de la délégation de pouvoirs; on parlait même de sous-délégation etc. Je vois très bien cette délégation du 200, chemin Sainte-Foy, par exemple, du 10e,

du 11e ou du 12e étage, mais quand il s'agit de l'application en région, comment voyez-vous cela, que ce soit aux Îles-de-la-Madeleine, que ce soit en Abitibi ou que ce soit en Gaspésie, peu importe où, mais dans l'application concrète? Est-ce que vous n'avez pas peur de créer de petits fiefs ou des petites tours d'ivoire régionales?

M. Dorval: Je vous disais tantôt qu'on a des membres aux quatre coins de la province - c'est absolument vrai - vous êtes même en mesure de le constater. C'est un problème que les gens nous soulèvent: la "gang" de Québec a tout ce qu'il faut et nous, ici, il faut essayer de tout trouver. Même les notions changent de temps en temps, non pas d'un ministère à l'autre, mais à Québec, à Rimouski, à Gaspé et sur la Basse-Côte-Nord et la Haute-Côte-Nord. Rendu là, c'est comme le message de bouche à oreille, il s'est un peu déformé.

Maintenant, si on se réfère au statut de cadre bien défini dans la loi - je pourrais vous le reciter - si vous allez à la page 1 des priorités générales et que vous regardez les deux derniers paragraphes, à partir du moment où les gens sont généralement affectés à la planification, la direction, etc., nécessaire à la réalisation des responsabilités qui leur sont confiées et qu'ils possèdent au surplus l'autorité administrative et disciplinaire leur permettant d'exécuter leurs responsabilités de gestion, à partir du moment où c'est dans la loi, je pense que la loi doit être appliquée autant sur la Basse-Côte-Nord, sur l'île d'Anticosti qu'à la Place Victoria, à Montréal, ou à la Place d'Youville à Québec.

M. LeMay: Est-ce que vous croyez que la loi sera appliquée à Québec comme à Havre-aux-Maisons?

M. Dorval: Ils devront être imputables de la non-application de la loi.

M. LeMay: Dans le concret.

M. Dorval: Évidemment, je disais tout à l'heure que, quand c'est sur papier, c'est toujours très beau. Dans la pratique, c'est là que, bien souvent, on s'enfarge. Devant un principe de ce genre, je suis prêt, nous sommes prêts en tant qu'organisme, en autant que c'est fait selon les règles de l'art, dans la forme graduelle. On est prêt à donner un peu la chance au coureur pour autant que nous aussi nous l'ayons. Il y a un rodage, une mentalité à changer. Est-ce que la mentalité se répandra très vite dans ces régions qu'on va justement visiter dans quelques semaines, où on soulèvera des problématiques qui ne sont pas du tout celles du gars du plein centre de Montréal, loin de là? Pour lui, la mobilité, c'est trois étages plus bas; pour l'autre, c'est 150 milles plus loin et, pourtant, c'est le même département et on le saisit bien. Est-ce que cette mentalité arrivera assez vite jusque là? Je suis obligé de vous dire que je l'espère et qu'on va être vigilant à cet effet. Ayant, nous aussi, une pierre d'assise de ce genre-là, déjà, on a un point d'appui pour pousser les gens même en région éloignée... Vous savez, lorsque je vais les voir, ils disent que c'est moi, à Québec, qui suis en région éloignée et non pas eux. Si on a au moins ce point d'appui qui nous apparaît totalement fondamental - c'est notre raison d'être et il est là - on a un appui beaucoup plus fort pour arriver plus rapidement à ce que ce soit concrétisé pas seulement sur papier, mais autant à Baie-Comeau-Hauterive qu'à Gaspé ou à Amos.

M. LeMay: M. Dorval, vous savez qu'on parle beaucoup, ces temps-ci, du fait que M. Gendron fera des consultations très bientôt concernant le redécoupage des régions. Donc, on va certainement redonner à des régions des vocations administratives nouvelles. Est-ce que vous croyez que le projet de loi va être ajusté à cette nouvelle politique de décentralisation ou cette nouvelle politique administrative du gouvernement? Croyez-vous que le projet de loi actuel est le cadre idéal pour l'application de cette loi?

M. Dorval: Étant ici pour vous expliquer le mémoire qui est devant nous, je vais vous avouer que notre organisme n'a pas complètement fini de se pencher sur ce projet, particulièrement les MRC dont on entend parler depuis longtemps.

M. LeMay: Purement et simplement, je voudrais...

M. Dorval: Alors, personnellement, je préférerais, au nom de mes collègues et de l'organisation, la retenir pour une autre fois. Nos investigations ou interrogations sur le sujet ne sont pas terminées. On consulte même des gens qui sont directement impliqués dans des choses du genre. Je pense que je préférerais beaucoup retenir ma réponse pour une autre fois ou une autre tribune.

Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: En terminant, je voudrais souligner à vous et à tous les membres de la commission que, comme ministre de la Fonction publique, je me suis donné comme mandat de tenter d'améliorer la gestion des ressources humaines et, en conséquence, bien sûr, d'améliorer le service que les citoyens reçoivent.

On ne s'est pas donné le mandat

d'abolir le Conseil du trésor. Évidemment, c'est clair que toutes les insécurités ou toutes les frustrations que peut provoquer un organisme central comme le Conseil du trésor par la force des choses, ce n'est pas par la Loi sur la fonction publique qu'on va régler cela. Il faudrait quand même souligner qu'on ne donne pas plus de pouvoirs au Conseil du trésor qu'il n'en a actuellement. On lui donne l'administration de la loi. Par ailleurs, les pouvoirs ne sont pas automatiques. Le Conseil du trésor devra déléguer. Je vous rappelle que ce projet de loi a été préparé en collaboration avec le Conseil du trésor. Les membres du Conseil du trésor et la machine administrative sont très conscients qu'il s'agit d'un changement de cap fondamental, qu'il s'agit d'un changement de mentalité fondamental et que non seulement le Conseil du trésor doit devoir s'ajuster mais également tous les ministères et les gestionnaires. (16 h 45)

Vous avez dit vous-même que ce n'est pas parce qu'on écrit des choses sur papier que cela va nécessairement bien. Je dirais que, dans ce cas-là, c'est surtout le changement de mentalité qui est important, bien plus que ce qu'on écrira sur papier. C'est bien beau de prévoir les délégations, mais si on ne donne pas tous les moyens aux gestionnaires d'assumer leurs responsabilités ou aux individus dans la machine, je pense qu'on n'aura rien réglé. Les nouvelles normes du code d'éthique qu'on prévoit pouvoir faire par réglementation, il ne faudrait pas qu'on y voit trop d'intentions cachées. Il s'agit -on l'espère, si la loi est adoptée - d'une loi suffisamment souple pour s'adapter aux changements, aux circonstances. On ne devrait pas avoir à la changer après deux ou trois ans. C'est un minimum de prudence qu'on se donne par une mesure semblable permettant peut-être, éventuellement, sur des cas qu'on ne peut prévoir, de faire de nouvelles normes d'éthique. Je vous dis tout de suite que c'était la seule utilité que nous y voyions.

Quant au contrôle parlementaire - je vais quand même en parler un petit peu parce que le député de Sainte-Marie y a fait longuement allusion - je suis de ceux qui pensent qu'éventuellement on devrait en arriver à un contrôle parlementaire plus efficace sur la gestion. J'ai envie de faire une blague et de dire que si le comportement des parlementaires, de part et d'autre de la Chambre ou de part et d'autre de la table, était aussi serein et aussi positif qu'il l'est depuis ce matin, je pense que personne n'aurait objection à implanter, dès demain, un régime d'imputabilité à l'Assemblée nationale. Par ailleurs, je ne pose pas... L'absence du sujet dans la loi n'est pas un jugement que nous posons sur la valeur de l'imputabilité à l'Assemblée nationale, mais on pense plutôt qu'une telle décision doit se régler par le biais de l'Assemblée nationale et par le biais de la Loi sur l'Assemblée nationale. Nous ne devons pas régler le problème de l'imputabilité des gestionnaires à l'Assemblée nationale par le biais de la Loi sur la fonction publique.

C'est en gros ce que je voulais exprimer comme dernier commentaire. Je vous remercie de vos commentaires. On essaiera, bien sûr, d'en tenir compte dans la mesure du possible. Comme je l'ai dit ce matin, c'est clair qu'il faudra en même temps tenter de faire un équilibre entre les différentes interventions que nous aurons. Il y a dans la fonction publique autant d'intérêts différents qu'il y a d'associations ou de groupes différents. On verra, tout le monde ensemble, à tenter de maintenir l'équilibre entre ces différents groupes, ces différents centres d'intérêt et entre les droits et les obligations de tout le monde. Je vous remercie encore une fois de votre témoignage.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon (Louis-Hébert): C'est purement et simplement des remerciements et des encouragements à continuer ce que vous avez entrepris. Il ressort des discussions que nous avons eues - et vous l'admettez vous-même - qu'il y a des explications supplémentaires qui doivent venir au niveau du contrôle parlementaire, de l'imputabilité et au niveau de la reconnaissance syndicale. Toutes ces choses doivent être discutées plus longuement et, je vous l'avouerai, d'une façon un peu plus convaincante. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et je pense que vous avez soulevé les bonnes questions. Les réponses ne sont pas totales, ne sont pas complètes pour le moment. Il n'est peut-être pas possible qu'elles le soient à ce stade-ci de nos discussions. Il ne faudrait pas qu'on se quitte sur l'illusion mutuelle que nous n'avons plus quoi que ce soit à apprendre l'un de l'autre.

Vous avez encore des choses à nous apprendre, à nous fournir. Vous nous avez mis en appétit, il va falloir que vous remplissiez la commande. De mon côté, en tant que parlementaire, je pense qu'il va nous falloir alimenter cette discussion, provoquer de nouvelles rencontres de façon qu'on puisse, le plus tôt possible, s'entendre sur une procédure qui soit acceptable pour tout le monde afin que ce qui est la Loi sur la fonction publique soit la loi qui fait l'objet du consensus le plus total, permettant à ce qu'il est convenu d'appeler la primauté du service aux citoyens et aux citoyennes d'être vraiment respecté et que cela serve de ligne de conduite, de ligne directrice dans les décisions que vous avez à prendre, tout

comme nous, en tant que parlementaires, nous devons nous laisser guider par cette même ligne directrice. Je vous remercie et je veux vous dire que je suis à votre disposition, personnellement ou individuellement, quand l'occasion se présentera, pour pousser plus loin la discussion que nous avons entreprise aujourd'hui.

Le Président (M. Champagne): II semble que vous ayez un dernier commentaire, M. Dorval? Peut-être rapidement.

M. Dorval: Oui, je veux simplement remercier les gens, au nom de mes collègues et de l'organisation que nous représentons, de nous avoir entendus. J'ai vraiment le goût de le dire, nous sommes des gestionnaires de l'État, mais nous sommes aussi des citoyens avec des familles utilisatrices de services gouvernementaux. Il faudrait aussi que des efforts soient faits pour... Puisqu'on parle de primauté de services aux citoyens, nous en sommes nous aussi, c'est pour cela que nous revendiquons à certains niveaux également.

Le Président (M. Champagne): Au nom des membres de la commission parlementaire, M. Dorval, nous vous remercions, ainsi que vos collègues qui vous ont accompagné, d'avoir présenté devant la commission parlementaire le mémoire qu'on a entendu. Merci. Nous appelons maintenant les représentants d'Alliance Québec, s'il vous plaît! Nous allons vous demander de vous présenter comme porte-parole et ensuite de présenter celui ou celle qui vous accompagne. Je ne sais pas si vous connaissez la procédure à la commission parlementaire, mais en règle générale on vous accorde environ 20 minutes - on parlait de cela ce matin - maintenant cela peut être souple et ensuite il y aura des commentaires et des questions de part et d'autre.

Alliance Québec

M. Mulcair (Tom): D'abord, nous voudrions, comme vous l'avez demandé, nous présenter. Mon nom est Tom Mulcair, je suis directeur de programmes à Alliance Québec, c'est-à-dire que je suis permanent dans un organisme qui est composé d'environ 40 000 membres représentant 22 chapitres et organisations régionales dans la province. À ma gauche, c'est Barbara Verity, de notre direction des communications.

Je voudrais également remercier la commission pour l'occasion qu'elle nous fournit de présenter notre point de vue sur deux questions précises dans cet avant-projet de loi, soit la question de la représentation de la communauté québécoise d'expression anglaise au sein de la fonction publique du Québec et, dans un deuxième temps, la notion de services au public contenue à l'article 2 de l'avant-projet de loi.

Dans notre mémoire, nous faisons brièvement état, au tout début, du fait que les chiffres disponibles sur la participation de la communauté d'expression anglaise au sein de la fonction publique sont pour le moins divergents et, oserais-je dire, contradictoires.

Dans une première étude - dont on ne fait pas état ici - publiée en 1982 par le Conseil de la langue française, on mentionne que la communauté québécoise d'expression anglaise dans la fonction publique du Québec représentait alors - c'est-à-dire selon un recensement interne fait en 1979 - 0,71% de la fonction publique et que, selon le recensement de 1976 - c'est-à-dire le plus récent disponible à l'époque - des personnes de langue maternelle anglaise, c'est-à-dire de première langue apprise et encore comprise, comptait encore environ 13% de la population québécoise. Donc, une sous-représentation assez évidente.

Une deuxième étude, menée l'année dernière par le ministère de la Fonction publique, évaluait ce même chiffre de la population d'expression anglaise - entendons-nous bien - à 0,6%. Plus récemment, c'est-à-dire ce mois-ci, la direction de la recherche du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, a publié une étude qui indiquait que ce chiffre s'élevait à environ 2,3%. Concernant la dernière étude, comme les deux autres par ailleurs, on peut se poser des questions sérieuses quant à la méthodologie. La troisième étude, par la direction de la recherche du ministère des Communautés culturelles, se base sur le recensement de 1981. On regarde dans ces cas-là l'adresse des individus pour essayer de déterminer leur emploi; il y a toutes sortes de choses là-dedans. Les deux autres études, celles du Conseil de la langue française, étaient un recensement interne; il y avait un document distribué à chaque individu, assez complet - pays d'origine, etc. - et le chiffre de 0,71% vient de là. Le chiffre de 0,6% concernait les chefs de service - à moins que je ne me trompe, c'était dans votre ministère - qui devaient indiquer, en faisant eux-mêmes une sorte de pointage dans le ministère, à peu près la langue maternelle et le pays d'origine des personnes dans le service. Où est la réalité, la vérité là-dedans? On dit en anglais: "There are lies in statistics". Je pense que c'est un cas parfait pour nous indiquer qu'avec des divergences de 400% sur une question assez précise, il est assez difficile de savoir où est la réalité pour ce qui est de la participation. Disons juste que tous ces chiffres démontrent très clairement qu'on est nettement sous-représenté au sein de la fonction publique du Québec.

L'avant-projet de loi que nous avons devant nous s'adresse, à plusieurs endroits...

Nous mentionnons trois articles où il est question de programmes d'accès à l'égalité, les articles 81, 41 et 6. Et, cela doit être un lapsus révélateur lié au numéro de l'article. J'ai oublié que l'article 101 en parle également. Dans ces quatre articles, on constate également qu'il n'y a pas d'obligation de rendre des comptes. Je pense que l'une des choses les plus révélatrices à cet égard se trouve dans les notes explicatives. On peut s'entendre pour dire que les notes explicatives peuvent nous éclairer sur le sens d'un projet de loi, mais qu'elles ne sont pas admissibles devant un tribunal. Mais, pour démontrer l'idée qui sous-tend l'adoption d'un projet de loi, je trouve le contenu très intéressant. À la page 6 de vos notes explicatives, on lit, vers la fin de la page: "La dotation - on parle ici de l'article 41 en particulier - "...possibilité d'établir des conditions d'admissibilité souples et adaptées aux exigences des emplois, mais compatibles avec les conditions d'admissibilité édictées par le Conseil du trésor ainsi que le règlement de l'Office des ressources humaines, en tenant compte des limites et restrictions résultant de l'application des politiques du gouvernement tels les programmes d'accès à l'égalité". Cela vient quand même assez loin, après plusieurs conditions. Dans les projets de règlement qui ont circulé au mois de juillet en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, on indique que le présent règlement s'applique également aux ministères et organismes du gouvernement, à l'exception de l'article 9, l'article en question exigeant un rapport annuel, par exemple, des entreprises privées qui doivent adopter des programmes d'accès à l'égalité. Je pense que dans toute analyse de la situation - parce que, soyons clairs, en tant qu'anglophones au Québec, je pense qu'il est assez... Il faut faire attention lorsqu'on essaie de parler de discrimination ou de choses semblables et nous en sommes pleinement conscients. Si on regarde, dans le passé, les secteurs privés et le secteur public au Québec, il y a des raisons historiques vérifiables pour expliquer des phénomènes qui sont transmis aujourd'hui par ces chiffres. Depuis le début des années soixante et avec une intervention assez importante de la part de l'État, d'abord en 1974 avec la loi no 22, et ensuite en 1977 avec la loi no 101, on a vu tout le poids de l'État, avec des mesures concrètes qui touchaient surtout la francisation des entreprises, pour venir corriger une situation au sein de l'industrie, surtout dans le secteur privé de la province de Québec. (17 heures)

Dans une étude publiée en 1978 par le Conseil de la langue française, le professeur Vaillancourt, de l'Université de Montréal, indiquait que les choses avaient évolué radicalement depuis le début des années soixante. Aujourd'hui, on constate souvent, à Alliance Québec, qu'il ne s'agit plus maintenant d'une simple francisation dans le secteur privé, mais qu'on tend vers ce qu'on pourrait, tout simplement, appeler une francophonisation, c'est-à-dire que certaines entreprises, plutôt que de faire l'analyse de la capacité de quelqu'un à atteindre les objectifs d'un programme de francisation qui est la généralisation de l'emploi du français à tous les niveaux de l'entreprise, optent carrément pour quelqu'un qui a soit un nom français - aussi bête que cela puisse paraître, c'est le cas; c'est souvent ainsi qu'on procède à ces analyses - ou qui possède un certain nombre d'années de formation en langue française.

Au sein de la fonction publique, on a non seulement des lois qui régissent la dotation et le recrutement, mais il y a aussi la Charte de la langue française qui joue un rôle important. D'ailleurs, c'est ce qui est signalé dans l'étude du Conseil de la langue française lorsqu'il fait une énumération des facteurs qui expliquent un peu la situation actuelle.

L'article 20 de la Charte de la langue française dit que, pour être promu, muté ou admis à un poste en administration administration a un sens très large; cela comprend donc la fonction publique - il faut avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à l'exercice de cette fonction. Nous savons - selon des chiffres, encore une fois, qu'on peut discuter - que l'article 20 comporte une exigence, une sorte de barrière systémique, si l'on peut dire, à l'accès à la fonction publique. Il faut aussi admettre que des gestes concrets ont été posés. De plus en plus, on laisse les gens qui veulent passer des examens d'admission à la fonction publique le faire dans une autre langue, si nécessaire. Je pense que ce n'est que naturel. Quand on voit que le secteur privé est en pleine francisation, c'est un lieu de plus en plus apte à fournir un enseignement de la langue officielle du Québec aux gens qui veulent y accéder. À l'administration, cela y est déjà. Avec le quasi-gel des effectifs, le recrutement va peut-être devenir une question de remplacer les démissionnaires, les gens qui quittent naturellement leur emploi ou qui prennent leur retraite. On sait tous que le recrutement au sein de la fonction publique va se faire de moins en moins, surtout d'ici deux ou trois ans. Il va falloir chercher des moyens.

Toute l'idée de la francisation des entreprises est un modèle adapté à notre situation. Ce n'est pas le modèle américain "de affirmative action"; c'est complètement autre chose et c'est quelque chose d'obligatoire pour des entreprises d'une certaine taille, qui est appliqué par un

organisme d'État. C'est un modèle qui est adapté à notre situation. Dans le même sens, nous sommes d'avis qu'il va falloir chercher des solutions propres au contexte québécois. Par là, nous vouions dire que ce n'est pas un cas de discrimination comme ce pouvait l'être aux États-Unis, avec des personnes de race noire qui ne pouvaient pas accéder à des postes dans l'industrie et dans le secteur privé. Ici, on a une autre barrière qui n'est pas une question de couleur de la peau. C'est une question de langue. Quelqu'un qui sort de l'université ou qui a fait ses études au Québec aujourd'hui, on a tous vu les chiffres... Le fardeau du bilinguisme, comme on l'a souvent et à très juste titre signalé -cela devait être porté normalement par la minorité, la même minorité linguistique. De plus en plus, on constate que les anglophones au Québec apprennent le français. De plus en plus, ils envoient leurs enfants à des écoles d'immersion, mais on se rend également compte que l'accès au marché privé du travail est de plus en plus fermé. Dans le secteur public, on le sait la situation n'a guère changé depuis quelques années. Les recensements dont le Conseil de la langue française fait état remontent jusqu'aux années quarante et les chiffres varient très peu.

Il va falloir qu'on cherche des solutions adaptées à notre contexte qui vont permettre à des gens de participer à la vie québécoise, de s'intégrer à la fonction publique, que ce soit par le biais de stages, ou en rendant plus longue la période pendant laquelle une personne doit faire ses preuves pour être admissible à la permanence dans la fonction publique, disons, en lui donnant une année additionnelle. Peut-être que la personne a les aptitudes professionnelles pour occuper une fonction, mais n'a pas encore l'aptitude d'écrire en français qui serait nécessaire. Avant de lui accorder sa permanence, on pourrait dire: Voici, il y a différents statuts qui peuvent exister. Je pense que l'appel que nous faisons aujourd'hui est pour une recherche de solution adaptée et de propositions concrètes.

On peut regarder ensemble les articles en question. Il s'agit des articles 6, 41, 81 et 101 de l'avant-projet de loi. On frôle l'idée d'accès à l'égalité. We pay lip-service to it, we talk about it, we know it is something that would be advisable but there is no verifyable means provided for to make sure that those affirmative action programs are going to be, one, supervised and to someone who will be accountable for their implementation.

Let us take the examples from the articles. À l'article 6, on mentionne que "le recrutement et la gestion des ressources humaines s'effectuent sans favoritisme ni discrimination et de manière à favoriser l'apport des différentes composantes de la société québécoise". Très bien et je ne doute pas que c'est un sentiment louable qui est vraiment ressenti. Mais, lorsqu'on regarde plus loin dans l'avant-projet de loi à l'article 41, on nous dit, dans le paragraphe qui suit les conditions d'admission: "De plus, elles doivent tenir compte des limites et restrictions qui résultent de l'application des politiques du gouvernement concernant, notamment: "1 les programmes d'accès à l'égalité visant, par exemple",... Encore une fois, je trouve que c'est une rédaction législative assez intéressante et inusitée. Donner des exemples dans un avant-projet de loi, c'est quelque chose que je n'ai jamais vu. Je pense qu'il y aurait peut-être moyen d'être un peu plus explicite là-dessus, mais, encore une fois, on parle d'exemples. C'est très général.

À l'article 81, à notre point de vue, il y a une légère contradiction entre le libellé de cet article et ce qu'on vient de lire à l'article 6; effectivement, on mentionne: "Le conseil est chargé d'établir des programmes d'accès à l'égalité en vue de corriger la situation de personnes faisant partie de groupes victimes de discrimination dans l'emploi." On parle d'une sorte de discrimination négative pour corriger une telle situation. À l'article 6, on dit carrément que cela s'effectue sans discrimination. Il y a une légère contradiction de termes qui risque, comme on l'a déjà vu avec le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, de faire surgir des débats de fond sur ce qui est ou non de la discrimination et si c'est permis ou non. On sait qu'avec les modifications à la Charte des droits et libertés de la personne il ne devrait plus y avoir le problème qu'on a déjà vécu.

Je pense que cela mériterait d'être précisé à l'intérieur de votre avant-projet de loi. Finalement, à l'article 101, au troisième alinéa, encore une fois, en dernier lieu, on mentionne que l'office a pour fonctions de proposer au gouvernement - c'est la dernière chose qu'on dit: "des mesures pour assurer l'accès à l'égalité en emploi." On fait mention de programmes avec lesquels on ne peut qu'être d'accord, mais, comme nous le disions au début, on est d'avis qu'il manque des dents pour surveiller l'implantation, il manque une responsabilité. Je vais reprendre un des termes qu'on a employés beaucoup ici aujourd'hui: Qui va répondre de l'implantation de ces programmes? Est-ce qu'on va établir, comme on le ferait dans le secteur privé, des quotas, des nombres, des chiffres bruts, des pourcentages? Si oui, est-ce qu'on va être capable d'aller devant la Commission des droits de la personne si ces programmes ne sont pas appliqués? À l'heure actuelle, cela n'a pas l'air d'être le cas.

En deuxième lieu, nous parlons dans notre mémoire de l'article 2 de l'avant-

projet de loi qui se lit comme suit: "La fonction publique a pour objet de fournir au public les services de qualité auxquels il a droit. Elle assure la réalisation des politiques établies par l'autorité constituée et l'accomplissement des objectifs de l'État." Je pense que quelqu'un ayant déjà fait des études en sciences pourrait prendre 5 minutes pour nous dire que c'est cela la définition de la fonction publique, sans aucune difficulté. "L'autorité constituée" signifie... et on sort nos dictionnaires et nos bouquins et on sait où on va. "Politiques établies", cela va. "Accomplissement des objectifs de l'État". Mais en réalité qu'est-ce que tout cela signifie pour le fonctionnaire assis à son bureau dans un ministère? Nous avons mentionné, dans notre mémoire, un exemple - et ce n'est qu'un exemple - de directives émanant de l'Office de la langue française et concernant deux articles de la Charte de la langue française. C'est une loi qui nous concerne beaucoup à Alliance Québec. De là l'exemple, donc.

La commission Vaugeois-French sur la législation déléguée au Québec a déjà fait le point suivant: Souvent, pour combler soit des lacunes dans la rédaction d'un projet de loi, soit des lacunes dans les visées politiques à l'époque, on rédige des règlements qui sont, sur le plan juridique, d'une légalité, mettons, très douteuse. On l'a vu avec la loi 101 où les règlements en question ont été analysés, d'abord, par le doyen de la faculté de droit de l'Université de Montréal, Yves Ouellet. Il a conclu que, dans la plupart des cas, ils étaient légaux. Une deuxième étude par la Direction générale des affaires législatives du ministère de la Justice en est arrivée essentiellement aux mêmes conclusions. Une troisième étude par un comité tripartite formé de membres de l'Office de la langue française, de la Commission de surveillance de la langue française, du Conseil de la langue française a dit que la loi 101 a fait perdre des "jobs". Finalement, des membres du cabinet de Godin en sont arrivés vraiment aux mêmes conclusions. Les règlements en vertu de la loi 101 étaient adoptés sans aucune autorité législative dans la législation habilitante pour la plupart. C'est un deuxième niveau d'autorité législative, dans ce cas-là douteux. Mais un règlement, quoi qu'il en soit, a quand même le mérite suivant. Il doit, dans la plupart des cas, être prépublié. Il est public, c'est-à-dire qu'on le retrouve dans la Gazette officielle et on sait ce qu'il dit. Si quelqu'un refuse de l'appliquer ou l'applique mal, on a des recours par des brefs de prérogatives devant les tribunaux et, si c'est illégal, on peut également recourir du jugement.

Quant au troisième niveau qu'on évoque dans notre mémoire et pour lequel on exprime des doutes quant à la rédaction actuelle de l'article 2, on a, par exemple, un document de l'Office de la langue française qui prétend énumérer des principes. Cela émane d'un individu qui est responsable du service de la promotion du français dans l'administration. Il y a des principes régissant l'utilisation du français et d'une autre langue dans les ministères et organismes gouvernementaux. Ensuite, il procède à énumérer ce qu'il considère être des principes qu'on ne retrouve ni dans les règlements ni dans la loi. Pour vous donner un exemple, le principe no 3: II n'y a pas lieu de traduire dans une autre langue que le français les permis, les autorisations, les certificats, les enregistrements, etc., etc.

J'ai apporté avec moi, à titre d'indication, tout un dossier dans lequel avec d'autres, nous avons fait des demandes pour avoir des renseignements, des documents, des textes de l'administration qui peuvent être rédigés dans une autre langue en vertu d'une combinaison de deux articles dans la Charte de la langue française, à savoir l'article 15 et l'article 89. On a déjà essayé de les obtenir et souvent on obtient comme réponse: On n'a pas le droit en vertu de la loi 101, même si la loi 101 le permet. La réponse est très simple lorsqu'on s'interroge à savoir le pourquoi de cet état de choses. Le fonctionnaire, l'administrateur assis à son bureau dans un ministère n'applique pas la loi 101 quotidiennement. La personne en question n'a peut-être jamais lu la loi 101. Elle sait ce que cela comporte en général comme exigences. Cette personne se basera sur un règlement... Pardon. Encore une fois, cela devient trompeur à ce point-là. Ce n'est même pas un règlement, ce sont des principes mis sur papier par un autre fonctionnaire qui administre la loi 101. Elle s'y référera tout simplement et dira: II n'y a pas lieu de traduire. Ce n'est pas écrit: On n'a pas le droit de traduire parce que ce serait quand même trop énorme, mais il n'y a pas lieu de traduire. C'est un peu plus indirect et on arrive au même but. On ne traduit pas, ces documents ne sont pas disponibles.

Dans le même article 2, on parle de "fournir au public les services de qualité auxquels il a droit". On peut le comprendre dans deux sens: le public a droit à des services de qualité, mais aussi lorsque le public a droit à un service il devrait le recevoir. C'est un autre exemple d'un service auquel le public a droit qui est fermé. C'est très bien, politiquement, aux yeux du public; cela marche assez bien lorsqu'il s'agit d'une grande méchante multinationale et qu'on peut la pointer du doigt. Si c'est un ouvrier à Pointe-Saint-Charles qui se fait blesser et qui aura peut-être du mal déjà à remplir une fiche dans sa langue, qui est peut-être en l'occurrence l'anglais, pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail et qui doit essayer avec ses "chums" au travail ou

peut-être avec quelqu'un qui peut parler un peu le français de remplir la fiche, on se rend compte qu'il y a des choses qui sont touchées très directement et qui concernent le service de qualité au public, auxquelles il aurait normalement dû avoir droit, mais qui lui sont fermées. (17 h 15)

Pour revenir à l'exemple du fonctionnaire qui a en main un tel document émanant de l'Office de la langue française, nul ne nierait que c'est une politique établie par l'autorité constituée que de promouvoir l'utilisation du français. On ne dirait pas, non plus, que ce n'est pas un objectif de l'État. Il a un document en main, lequel suivra-t-il? Est-ce qu'il soulèvera un doute quant à la légalité ou à la validité d'une telle lettre circulaire? Probablement pas. Il se sentira très rassuré en relisant l'article 2. Beaucoup de gens impliqués dans la rédaction des lois nous disent qu'il faut autant que possible éviter des définitions. C'est vrai. Souvent, dans nos lois, on avait des listes de définitions longues comme cela. Cela rendait extrêmement difficile et impénétrable la lecture des projets de loi et des lois. Mais je pense que c'est un cas où, sinon par définition, au moins par expansion sur la pensée qui est contenue à l'article 2, on explique que, d'abord, l'Assemblée nationale exprimant sa volonté par le biais de lois et de règlements - la législation déléguée - qui en découlent légalement, c'est cela, la volonté bien exprimée par le biais des institutions démocratiques dont on s'est doté au Québec, et non ce genre de directives internes, de politiques administratives qui viennent carrément, dans ce cas, contredire ce qui est contenu dans la loi en question.

On voudrait tout simplement terminer, avant de répondre à vos questions, en répétant que nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté de nous inviter aujourd'hui. On apprécie beaucoup l'occasion qui nous a été fournie.

Le Président (M. Champagne): Merci. Mme la ministre, pour des commentaires et des questions.

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais remercier, moi aussi, Alliance Québec d'être venue témoigner en commission parlementaire, sauf que je me permettrai un premier commentaire en partant. Je ne sais pas si j'ai mal perçu le sens de votre intervention, mais j'avais l'impression que cela vous aurait tenté pas mal plus de parler de la loi 101 que de la Loi sur la fonction publique.

M. Mulcair: On va garder cela pour le mois d'octobre.

Mme LeBlanc-Bantey: Vous avez fait vous-même allusion au contexte historique qui avait pu expliquer que, traditionnellement, effectivement les anglophones - tout à l'heure, je vous demanderai ce que vous entendez par anglophones - avaient tendance à aller plus dans le secteur privé et les francophones dans la fonction publique québécoise. On ne reprendra pas tout le débat qui a eu lieu et toutes les étapes historiques, à partir des deux solitudes. On aurait pu aussi parler de multiples solitudes, la solitude des Juifs, des Polonais, des Italiens et de toutes les sociétés, des communautés culturelles qui ont tenté de trouver leur place au soleil au Québec. Finalement, nous sommes rendus au début des années quatre-vingt avec des lois qui se sont succédé, que ce soit la loi 22, la loi 101, qui ont tenté de clarifier une fois pour toutes le débat et de donner à la majorité la certitude que le Québec était d'abord et avant tout un coin ou un pays français, selon l'optique dans laquelle on se place, et qu'en conséquence on donnerait à la majorité le maximum de moyens pour qu'elle aussi trouve sa place au soleil dans ce coin de pays qui lui appartient.

J'ai toujours été de celles qui croient profondément à l'apport des sociétés pluralistes au Québec. Par ailleurs, je vous dis aujourd'hui que je ne crois pas qu'il serait bon de provoquer d'autres bouleversements sociaux en apportant des amendements à la loi 101 qui pourraient aller à l'encontre des objectifs qui étaient poursuivis par les différents gouvernements qui se sont succédé. Admettons que la loi 101 allait plus loin que la loi 22, il n'en reste pas moins que la réflexion au Québec a duré une bonne vingtaine d'années, une bonne trentaine d'années et qu'il était temps qu'on finisse par clarifier certains aspects.

Cela étant dit, je continue de croire qu'il y a lieu de leur donner le maximum de place dans notre société québécoise et qu'on a besoin de l'apport des autres sociétés et des autres cultures qui pourraient venir au Québec tenter d'enrichir, si vous voulez, notre vécu, nos expériences et notre société comme telle. Je pense aussi que cela commande des attitudes de tolérance, d'ouverture, de part et d'autre.

Dans ce sens-là, je pense que quand vous parlez de la nécessité, entre autres, d'offrir des services aux citoyens, le minimum qu'on puisse exiger des gens qui viennent travailler dans la fonction publique québécoise un jour, c'est qu'ils soient aussi capables d'offrir des services à l'ensemble des citoyens et non pas, finalement, à une catégorie de citoyens. Vous admettrez qu'il serait très difficile de mettre sur pied une série de fonctions publiques qui, finalement, donneraient aux citoyens différents services selon les langues. À mon point de vue, il n'y a pas seulement les anglophones, mais aussi

les autres communautés, que ce soient les Italiens, les Espagnols, les Juifs ou tout le monde. Dans ce sens-là, on ne peut pas demander à notre fonction publique québécoise d'offrir l'ensemble des services dans toutes les langues. Je crois que c'est normal qu'on exige des gens qui viennent travailler dans la fonction publique de connaître la langue française et d'être capables, en conséquence, d'offrir des services non seulement, par exemple, aux membres de leur communauté, mais à l'ensemble de la population. Je pense que vous n'aurez pas d'objection à une vision comme celle-là.

Cela étant dit, je ne prétendrai pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes dans la fonction publique, tant en ce qui concerne les programmes d'accès pour les membres des communautés culturelles que pour les femmes, que pour les personnes handicapées, qui sont quand même des programmes relativement jeunes et qui, à mon avis, ont suscité de la part de tous les intervenants dans beaucoup de ministères, ou d'autres intervenants comme le CIPACC, une participation active et pleine de bonne foi, de bonne volonté.

Dans l'ensemble de l'administration publique il se fait d'énormes efforts. Évidemment, la loi ne reflète pas tout ce qu'il y a comme mesures dans les programmes d'accès à l'égalité. Je pense qu'il se fait d'énormes efforts. Même si tout n'est pas réglé - surtout dans un contexte où il y a des réductions d'effectif, etc. - ce que je dis à beaucoup de gens et ce que j'ai eu l'occasion de dire, c'est que, finalement, il s'agissait aussi, malgré le fait qu'on ne pouvait pas aller aussi rapidement que dans une fonction publique en période d'expansion, de tenter tout au moins de limiter les dégâts et d'améliorer, malgré tout, le sort des clientèles traditionnellement discriminées.

Vous faites allusion au fait qu'il y a de la contradiction dans les chiffres, et c'est vrai. Le dernier sondage ou le dernier inventaire était fait par Statistique Canada. J'ai presque envie de vous dire qu'en théorie vous devriez généralement leur faire plus confiance qu'à nous. Effectivement, ils sont passablement plus généreux que notre inventaire. C'est vrai que les méthodologies sont différentes. À titre d'exemple, il y a des gens dans la fonction publique qui ne sont pas nés au Québec, qui sont d'une langue autre que le français et qui refusent de se faire considérer comme membres d'une communauté culturelle, pas parce qu'ils ont peur de subir l'ostracisme... Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas des cas ici et là. Je crois que généralement ceux que je connais - je pense que je suis bien placée pour le savoir, car j'en connais quelques-uns - refusent de se laisser considérer comme des membres des communautés culturelles parce qu'ils se sont carrément intégrés à la majorité québécoise. Ils continuent de véhiculer leur culture, leurs valeurs, leurs idées. Ils continuent, bien sûr, d'être tributaires de leurs origines, mais ils se sentent intégrés et, comme tels, ils se sentent Québécois. Pour moi, quelqu'un qui est québécois, ce n'est pas compliqué. Ma définition du Québécois, c'est quelqu'un qui est prêt à vivre au Québec et à s'intégrer à la majorité, qui vit avec cette majorité et aussi avec ses différences, mais qui assume, par ailleurs, qu'il y a un Québec français avec une majorité francophone, avec les inconvénients que cela peut supposer pour des membres des communautés culturelles qui n'ont pas encore une connaissance suffisante de la langue.

Par ailleurs, vous admettrez que c'est quand même très loin, ce qui se passe au Québec, de ce qu'on vit ailleurs dans d'autres provinces. Je ne le dis pas parce que je pense qu'il faut s'inspirer de ce qui se passe ailleurs. On ne peut pas demander à des gens d'aspirer à moins que ce qu'ils ont; c'est normal qu'on aspire à plus. Je pense qu'on est conscient, malgré tout, des efforts qu'on peut demander à des membres d'autres communautés culturelles. Contrairement à ce que quelqu'un disait dernièrement au Manitoba, on ne demande pas à quelqu'un de sacrifier sa langue comme si c'était une chose mineure. Ce n'est pas du tout sur ce plan que les problèmes doivent se poser.

Je reviens plus spécifiquement à la fonction publique. Il se pourrait que nous devions en arriver éventuellement à des programmes d'accès à l'égalité qui aient plus de dents. On va faire la réflexion cet automne. On va faire le bilan, après quelques années d'expérience, de ces programmes. Il se pourrait que je sois la première à recommander au gouvernement d'avoir des mesures plus directives qu'incitatives, ce qui a été plutôt notre approche parce qu'on comptait en même temps sur le changement des mentalités. Pour le moment, il faut quand même apprécier le travail qui se fait et ne pas, non plus, démotiver ceux qui y croient profondément, dans la fonction publique ou ailleurs, comme dans le cas des communautés culturelles. Je pense que les comités dans les ministères ont tenté de faire un travail intéressant. À cet égard, je vais terminer en vous posant une question. Le sondage ou l'inventaire qui a été publié par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration faisait allusion au fait que si, à la fonction publique, la représentation était plutôt en deçà de ce qu'on devrait avoir comme objectif, compte tenu de la population active des membres des communautés culturelles, cet inventaire indiquait que les membres des communautés culturelles étaient assez bien représentés, pour ne pas dire, dans certains cas, très bien représentés dans certains réseaux.

M. Mulcair: Dans les secteurs parapublics, par exemple.

Mme LeBlanc-Bantey: Dans les secteurs parapublics. À la limite même, je pense qu'il y a certains secteurs de l'éducation où il pourrait y avoir des représentativités beaucoup plus importantes que la population active. Dans ce sens-là, est-ce que vous pensez - je ne veux pas là-dessus prétendre qu'il ne faut pas prendre nos responsabilités dans la fonction publique - que la représentation des membres des communautés culturelles doit être finalement un peu équilibrée en fonction de l'ensemble des services que l'État paie à une population? C'est normal que dans les hôpitaux il y ait plus de gens qui parlent directement la langue parce que ce sont des situations névralgiques quand même très importantes ou dans l'éducation. Est-ce que vous croyez qu'on devrait, s'il y a 20% de représentativité dans les réseaux, vouloir atteindre 12% ou 15% dans la fonction publique selon ce que vous évaluez comme objectif honorable? Dans la perspective où, si on doit exiger une représentativité très étanche entre réseaux, il se pourrait bien qu'à l'inverse, des gens viennent nous dire: II y a peut-être une surreprésentation des communautés culturelles à certains endroits. C'est pour cela que je vous pose la question parce que je vous avoue que je n'ai pas d'opinion définie. Je pense que dans l'ensemble la représentativité - vous l'admettrez - est quand même honorable. Il y a encore des efforts à faire, surtout à la fonction publique mais j'aimerais voir comment vous évaluez cette représentativité.

Comme deuxième question, j'aimerais savoir - vous parlez des anglophones - quelle est votre définition d'anglophones? Pour moi, cela est important parce que dans mon esprit, il s'agit de communautés culturelles différentes. Je pense que si on veut se comprendre en termes d'objectifs...

M. Mulcair: Pour répondre à votre première question, j'allais aborder - je suis content que vous ayez posé la deuxième question parce qu'il fallait aborder les deux en même temps. Dans le secteur parapublic, les chiffres démontrent effectivement, surtout à l'enseignement universitaire, une surreprésentativité. Je pense qu'autant dans les universités anglophones que dans les universités francophones on a souvent eu recours à des gens venant d'Europe et du côté anglais des États-Unis. Du moment qu'on tient compte de deux facteurs, soit d'une autre langue maternelle, soit la provenance d'un autre pays comme étant les deux bases principales pour déterminer l'appartenance ou non... Si quelqu'un est francophone, québécois dans la définition ou fait partie d'une communauté culturelle, je pense que cela est assez facile à expliquer du côté des universités.

Pour ce qui est des secteurs public et parapublic, il faut modifier ces chiffres un peu. Dans les hôpitaux, par exemple, et dans tout le réseau des affaires sociales, dans les travaux de soutien, il y a une très grande représentativité des communautés culturelles, effectivement. Je pense qu'il y a des facteurs historiques là-dedans aussi mais que c'est surtout là qu'on retrouve... Comme vous l'avez également mentionné, si on donne des services au public dans un secteur où la langue fait certainement partie de la façon de soigner quelqu'un, si on l'aborde dans sa langue cela aidera sûrement. Je pense que dans les hôpitaux, traditionnellement, il y avait des hôpitaux qu'on pouvait considérer... Même si cela n'était inscrit nulle part, St. Mary's était anglophone et même irlandais catholique anglophone, il y en avait d'autres qui étaient protestants anglophones et d'autres anglophones juifs.

Ce qui nous amène un peu à votre deuxième question: Qu'est-ce que cela mange en hiver un anglophone? Qu'est-ce que c'est? Comment le définit-on? Vous avez peut-être remarqué que je me suis repris une fois parce que j'avais dit anglophone pour employer l'expression que nous préférons qui est "la communauté québécoise d'expression anglaise". Qu'est-ce que cela comprend. Dans les chiffres du Conseil de la langue française, par exemple, on parle de personnes de langue maternelle anglaise. Déjà là-dedans on a souvent entendu l'expression "Anglo-saxons". En tant qu'Irlandais d'origine, cela me fait un peu dresser les cheveux sur la tête parce que les Irlandais et les Anglo-saxons ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas non plus la même chose si quelqu'un vient d'Australie: il peut avoir une toute autre origine ethnique et venir d'un pays où lui et ses parents ont toujours parlé l'anglais. (17 h 30)

Ce qu'on comprend lorsqu'on parle d'une communauté québécoise d'expression anglaise, c'est, encore une fois selon les chiffres du conseil, une communauté qui va autour de 15% à 17% de la population. Ses membres peuvent venir d'un autre pays: vous avez mentionné tout à l'heure l'Italie. Quelqu'un qui est venu d'Italie à la fin des années cinquante, à l'âge de trois ou quatre ans, qui a fait toutes ses études en anglais, de l'école primaire jusqu'à l'université, qu'est-ce qu'il va demander s'il va dans un CLSC ou un hôpital? Il va probablement vouloir se faire servir en anglais, si cela lui est possible à l'endroit où il vit, s'il y a une assez grande proportion... Pour nous, cette personne, vu qu'elle aurait également le droit de faire instruire - en vertu de l'article 73 de la loi 101 - ses enfants en anglais - un choix qu'elle pourrait également exercer -

tout cela, dans notre idée, fait en sorte qu'une telle personne serait considérée comme faisant partie d'une communauté d'expression anglaise. Mais nous savons qu'à peu près les deux tiers de cette communauté d'expression anglaise sont également capables de s'exprimer dans la langue de la majorité.

Vous avez dit tout à l'heure que les gens du Québec ont le droit de se faire servir dans la langue de la majorité et que ce serait peut-être anormal que quelqu'un réponde dans un ministère quelconque et dise: Sorry, I cannot speak to you in French. Je pense qu'en 1983, ce serait plutôt inusité; je pense même que ce serait impossible.

Je crois que lorsqu'on disait qu'il faut trouver des solutions adaptées au contexte québécois, ce que nous voulions dire, c'est qu'il faut trouver les moyens d'inclure, de chercher à ouvrir des portes plutôt que de fermer des portes.

Je terminerai en mentionnant que, en vertu de l'article 20 de la Charte de la langue française, croyez-le ou non, dans les hôpitaux 113-F, c'est-à-dire les hôpitaux qui desservent une population d'une majorité d'une langue autre que le français, on exige de quelqu'un qui fait fonctionner un lave-vaisselle de passer un test de français. Je pense que c'est une indication que la façon dont on applique une politique avec laquelle tout le monde peut être d'accord peut être tout aussi importante que le principe lui-même.

Mme LeBlanc-Bantey: Franchement, par niveaux, est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Je dois vous dire que l'expérience qu'on a vécue, depuis que le rangement par niveaux est en vigueur, a aidé le recrutement des membres des communautés culturelles. En tout cas, cela nous apparaît une mesure qui a été efficace pour les femmes. Et compte tenu des proportions, je pense qu'elle a été encore plus utilisée pour les membres des communautés culturelles que pour les femmes ou pour les autres personnes visées par nos politiques, comme les personnes handicapées. Est-ce que vous avez une opinion ou est-ce que vous avez eu l'occasion de vérifier cela?

M. Mulcair: Oui, c'est un pas dans la bonne direction.

Mme LeBlanc-Bantey: Pardon?

M. Mulcair: Les mesures prises jusqu'à maintenant sont un pas dans la bonne direction, mais je pense que les chiffres démontrent encore une fois - le relevé qui a été effectué par votre ministère l'an dernier, malgré qu'il y ait divergence, on est d'accord pour dire que nous ne les admettons pas - que les programmes en question sont un bon début. Il faut aussi se rendre compte, - comme vous l'avez dit également - qu'il y a des changements de mentalité: depuis six ou sept ans la communauté québécoise d'expression anglaise a dû faire tout un cheminement et ce n'est pas fini pour certains. D'un autre côté, moi, pour avoir passé cinq ans dans la fonction publique du Québec, je pense qu'à l'intérieur souvent, par exemple, dans des syndicats, partiellement à la blague, quelqu'un me disait: "Que faites-vous là? Vous avez déjà les jobs dans le privé et vous venez nous voler les jobs dans la fonction publique." Et j'étais obligé d'essayer de justifier mon existence au sein de la fonction publique du Québec. Je pense qu'il y a des changements d'attitude qui vont venir au fur et à mesure que les gens prendront l'habitude d'entendre un accent, de voir une peau d'une autre couleur, de travailler à côté de quelqu'un handicapé ou d'avoir une femme comme patronne. Ce sont des changements de mentalité et cela ne se fait pas du jour au lendemain; je pense que ce serait naïf de prétendre que cela peut se faire. Mais pour ce qui est des mécanismes de contrôle ou de vérification, pour s'assurer que ce qui est un voeu louable ne devienne pas un voeu pieux, vidé de sens par manque de contrôle, je pense qu'il faut, comme on s'entendait tout à l'heure, ajouter des dents à ces dispositions.

Mme LeBlanc-Bantey: Attendez, je ne voudrais quand même pas vous induire en erreur. J'ai dit qu'on va évaluer cet automne l'efficacité des programmes d'accès à l'égalité. Et, à ce moment-là, on va décider si on va continuer l'approche plutôt incitative qu'on a eue, comptant justement sur le changement des mentalités ou, au contraire, agir davantage sur les mentalités. Mais, je veux quand même être très claire, parce que la décision n'est pas prise quant à l'orientation que moi, je recommanderai au gouvernement.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon (Louis-Hébert): M. le Président, je veux d'abord remercier M. Mulcair de la sérénité de ses propos. Je pense qu'il aurait pu, avec beaucoup de justification, prendre un ton beaucoup plus revendicateur. Les propos qu'il a tenus, quant à moi, me paraissent très convaincants. Ce sont des propos que j'ai eu l'occasion de soumettre à Mme la ministre lors de la commission parlementaire sur le ministère de la Fonction publique, l'an dernier et l'année précédente. Et, avec le même ton contrit qui parfois caractérise la ministre, elle nous explique que, dans les circonstances, on fait ce qu'il y a de mieux; qu'on ne dispose pas de tous les outils budgétaires qu'on voudrait; que le recrutement est au ralenti, etc.

Une chose demeure, dans les faits, c'est que la situation ne s'améliore pas en ce qui concerne la représentation des collectivités qui utilisent couramment l'anglais au sein de la fonction publique. C'est une réalité constante. Même de ce côté-là, je pense que Mme la ministre a eu l'occasion de reconnaître qu'il y avait une détérioration. N'y aurait-il pas détérioration, la situation étant déjà suffisamment mauvaise, que le moindre piétinement constituerait un recul. Je veux que cela soit très clair: il est inacceptable que cette situation se prolonge de telle façon. On a beau trouver toutes les raisons qu'on voudra; on a beau sortir les programmes qu'on voudra; qu'ils s'appellent CIPACC, qu'ils s'appellent comme ils voudront, un fait demeure, ce n'est pas mieux que c'était. Dans les circonstances, il faut trouver autre chose. Que la ministre nous dise candidement qu'on va évaluer, dans un avenir rapproché, l'évolution des mentalités et que si cela ne suffit pas, on verra s'il n'y aurait pas moyen de faire certains aménagements de nature à améliorer la situation, on peut aller jusqu'à dire, tant qu'on ne me fera pas la preuve du contraire, que la preuve est faite à l'heure où on se parle que la situation n'est pas en voie d'amélioration; elle est en voie de détérioration. Dans les circonstances, quelque chose doit être fait.

Étant donné qu'on parle de fonction publique et qu'on parle à la ministre de la Fonction publique, il ne convient pas de renvoyer la balle ailleurs, que ce soit au niveau des services publics ou parapublics, au niveau universitaire, scolaire, hospitalier; il faut que quelque chose soit fait dans la fonction publique. On a beau invoquer, avec raison, toutes les raisons historiques du monde, il faut, à un moment donné, prendre le taureau par les cornes et corriger cette situation. Autrement, force nous sera de tirer les conclusions qui s'imposent, c'est-à-dire que cela reste au niveau des paroles et que les gestes ne s'ajustent pas, ne se conjuguent pas avec les paroles. Et cela, ce n'est pas récent. On fait état - on n'a pas fini d'en entendre parler - de ce qui se passe au Manitoba. Je regrette l'intolérance où qu'elle se produise, je la réprouve et je la combats. Je n'en prends surtout pas prétexte pour l'installer et l'instaurer chez moi. Je pense qu'il faut être clair là-dessus. La situation au Manitoba peut être déplorable, sauf que je n'irai jamais jusqu'à • ire que, pour ce qui est des francophones au Manitoba, il s'agit là d'une cause perdue et qu'on perd notre temps à s'en occuper et que plus vite on se concentrera sur ce qui est essentiel au Québec, c'est-à-dire la langue française pour la majorité des Québécois, en oubliant le reste, plus vite on remplira sa vocation ou sa mission. Je ne suis pas d'accord avec ces propos-là et je ne suis pas d'accord non plus avec une série de gestes, d'explications ou de faux-fuyants qui font que, de commission parlementaire en commission parlementaire, d'étude en étude, de budget en budget, on nous explique, avec toutes sortes de raisons, qu'on ne peut pas faire mieux dans les circonstances. Je fais appel à M. Mulcair, à Alliance Québec, pour nous faire part de propositions précises, de moyens de nature à pouvoir passer à une autre étape, de façon qu'on puisse voir, quand on fait état de certaines volontés d'amélioration, si on est prêt à accepter de faire l'essai de certains moyens qui pourraient corriger cette situation qu'on dit déplorer.

Il n'est pas suffisant de compter sur des changements de mentalité. Ce sont là des voeux pieux. L'exemple que vous apportez paraît révélateur et je pense qu'on est en plein dans le sujet de la fonction publique, malgré que Mme la ministre ait dit que vous sembliez plus porté à parler de la loi 101 que de la Loi sur la fonction publique. Je pense qu'on est en plein dans la Loi sur la fonction publique. Quand on examine un article précis de la loi que vous nous avez cité, on ne peut faire autrement qu'être entièrement d'accord avec cet article, mais j'ai en main une directive - je ne sais pas quel nom a ce document - qui permet à des fonctionnaires qui posent des gestes concrets dans le vécu quotidien, à savoir comment la loi 101 s'applique, comment cela se vit, de passer à côté de la lettre et de l'esprit de la loi 101 et, par conséquent, d'effectuer un détournement de la volonté de l'Assemblée nationale, la plus haute autorité du Québec. C'est très grave et c'est très sérieux.

Je félicite Mme la ministre d'avoir eu la bonne idée de dire que la fonction publique avait pour objet de fournir au public les services de qualité auxquels il a droit. Il n'y a personne qui va être contre cela. On continue, la fonction publique assure la réalisation des politiques établies par l'autorité constituée et l'accomplissement des objectifs de l'État. En même temps qu'on dit cela, on s'organise, en tout cas on vit une situation - je retire les mots "on s'organise" - qui est de nature à nous amener à la seule conclusion possible. C'est qu'on ne respecte pas la loi, ce qui a été les intentions de l'Assemblée nationale. Je pense qu'on ne peut que déplorer cela.

Les chiffres que vous nous fournissez dans le court mémoire que vous nous présentez sont des chiffres qui nous amènent à nous poser de très sérieuses questions. Ce sont des chiffres qui ne sont pas nouveaux. Ce sont des chiffres qui sont connus. Ce sont des chiffres qui sont répétés à chaque occasion et il est impossible, ici au Québec, de réaliser la concertation sociale nécessaire, que ce soit pour une relance économique

valable, que ce soit pour une affirmation pure et simple du Québec comme société forte. Si on ne prend pas les mesures nécessaires pour qu'un segment de notre population qui va de 15% à 18% ou à 17% ne sente pas qu'il peut participer de plein droit à la vie de l'administration publique... Je pense que cette situation doit être corrigée et ce n'est pas une faveur que de faire cela. Ce n'est pas accorder un privilège. C'est tout simplement être juste. C'est tout simplement être honnête aussi envers soi-même parce que, finalement, nous-mêmes, nous avons tout à retirer de cela et les revendications que nous faisons ailleurs n'en auront que plus de crédibilité si nous sommes capables de prendre les moyens, ici à l'intérieur des organes que nous contrôlons qui sont les nôtres, d'accorder aux autres la justice que nous réclamons pour nous-mêmes. (17 h 45)

Je prends votre mémoire comme étant une représentation sérieuse, sereine d'une situation qui est difficile, mais qui malheureusement n'est pas nouvelle et qui devrait subir, de la part de l'Assemblée nationale, un certain nombre de changements. J'imagine - j'aimerais simplement que vous me disiez ce que vous pensez là-dessus - que la mise en place du principe d'imputabilité pourrait, jusqu'à un certain point, permettre de demander des comptes à quelqu'un quelque part.

J'aimerais que vous me disiez si vous pensez que c'est là un moyen qui peut permettre à des gens à qui on aurait confié l'atteinte d'un objectif quelconque, quel qu'il soit, sur lequel le gouvernement se serait penché, qu'il aurait déterminé lui-même et dont l'atteinte aurait été confiée à un fonctionnaire ou à des fonctionnaires, si vous pensez que l'imputabilité pourrait être un moyen de s'assurer que finalement quelqu'un est comptable quelque part de progrès ou de détérioration, à un moment donné?

M. Mulcair: Je ne suis pas sûr que ce serait suffisant. Je pense que la situation qu'on examine dans les règlements, dans le projet de règlement dont on faisait état sous l'égide de la Charte des droits et libertés de la personne, est un exemple de ce qu'on appelle: Do as I say and not as I do. On peut faire des leçons à l'entreprise privée pour ce qui est de rendre des comptes pour le programme d'accès à l'égalité et la rendre responsable devant la Commission des droits de la personne; ce faisant, on s'exempte de ces mêmes obligations, du moins de la part de l'État. Je pense qu'effectivement, il faut un recours à une autre instance comme la commission pour s'assurer des programmes que normalement on devrait - je pense que cela devrait être "doit adopter" - adopter, qu'on veille à leur exécution, à leur mise en place et que l'atteinte de certains objectifs clairement identifiés, exprimés publiquement puisse être vérifiée.

Le Président (M. Champagne): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Je ne reviendrai pas sur l'ensemble de votre document, M. Mulcair, mais j'aimerais quand même faire quelques remarques. Je dois, moi aussi, mentionner le ton serein de votre intervention qui est quand même un prélude. Même si on l'accepte mal, je pense que les discussions qui s'en viennent au mois d'octobre sont très reliées avec ce que vous nous présentez aujourd'hui dans une demande tout à fait légitime d'une représentation adéquate de la communauté québécoise d'expression anglaise. En même temps, je dois dire que nous nous étions penchés aussi, à la commission spéciale de la fonction publique, sur cette représentation ou cette participation de votre communauté, de même que des différentes communautés culturelles au Québec, aux travaux de la commission de la fonction publique. Nous avions fait certaines recommandations à cet effet-là.

Je pense que c'est vous qui avez mentionné des barrières, à un moment donné, entre le secteur public et le secteur privé. C'est aussi très facile d'élever des barrières entre les différentes communautés. Il y a des barrières psychologiques qui ne sont pas encore toutes tombées malheureusement et on verra peut-être au mois d'octobre qu'il en existe encore. Il ne faudrait quand même pas s'accrocher aux barrières qui existent dans d'autres provinces pour ne rien faire ici ou dire qu'on a tellement fait plus. Je pense que ce serait injuste de la part de législateurs de dire de telles choses et ce serait aussi injuste en fonction des gens que nous devons représenter ici comme législateurs.

Vous avez mentionné aussi la "francophonisation" de l'entreprise. Il y a cela aussi qui peut devenir un problème, je pense, au niveau de la représentativité des différents groupes. Je pense qu'il faut toujours le garder à l'esprit parce que ceux qui n'ont pas à vivre ces situations ont tendance à l'oublier.

Dans votre mémoire, vous mentionnez qu'il y a eu certaines initiatives et vous mentionnez le CIPACC, par exemple. Je ne suis pas certaine que les résultats... C'est beau de former des comités, des structures, de mettre sur pied de tels groupes, mais, au plan concret, quels sont les résultats qu'on peut en espérer? Depuis la formation d'un tel comité, quels ont été les résultats concrets? Je m'interroge sur la valeur réelle de résultats qui auraient pu provenir de la formation d'une telle équipe de travail.

Je dois aussi dire que j'accepte votre préoccupation et l'interrelation avec la loi

101 quand vous nous revenez avec l'article 2. Quand on pense à des notions de services au public, il faut par le fait même, si on veut desservir l'ensemble de la population, avoir à l'esprit quelles sont les personnes qui peuvent le faire. Je n'ai pas l'impression qu'on exige des personnes de langue française de connaître la langue anglaise, par exemple, dans certains secteurs d'activité de la fonction publique pour donner à une partie de la population des services adéquats.

Vous avez parlé de tests qu'on exige dans certains postes, qui n'ont vraiment rien à faire avec les choses qu'on demande. Cela aussi, ce sont des préoccupations que je partage avec les gens de votre groupe, je pense qu'il faudrait quand même continuer à travailler dans ce sens. Les changements de mentalité se font souvent très lentement. Les changements de situation se font souvent très rapidement. Il y a souvent, entre les mentalités et les situations, un tel fossé que cela amène justement cette émotivité qu'on doit déplorer dans certains cas, par exemple. Encore une fois, la sérénité avec laquelle vous nous faites part de vos préoccupations est, pour moi, quand même un prélude à d'excellentes relations au niveau des discussions qui auront lieu sur la loi 101. J'y reviens, Mme la ministre, parce que l'un ne va pas sans l'autre. Il faut regarder certaines émissions de télévsion comme on vient d'en voir très récemment pour voir que l'émotivité est loin d'être partie dans certains groupes. Non seulement elle existe, mais elle existe d'une façon dangereuse. Je pense qu'il faudrait garder cela à l'esprit dans les discussions futures.

J'aimerais quand même que vous me parliez des résultats concrets que vous avez pu remarquer dans certains groupements parce que, quant à moi, je n'en ai pas vu. Je me demande si on n'est pas en train d'espérer des résultats qui sont peut-être impossibles à atteindre.

M. Mulcair: Le comité pour l'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles a été formé au printemps 1981 pour donner suite à un énoncé de politique qui portait justement ce nom, qui a été lancé par pur hasard juste avant la dernière campagne électorale. Les résultats, pour répondre carrément à votre question, sont malheureusement quasi inexistants. Il y a eu des rapports, il y a eu des études, il y a eu des propositions. En termes de résultats concrets, on ne peut vraiment pas en parler.

Pour ce qui est des différents secteurs d'activité de la fonction publique que vous avez évoqués, je pense que peut-être l'avant-projet de loi donne ouverture à quelque chose qui serait sans doute nécessaire pour assurer que les gens qui ont besoin de services dans une autre langue puissent les avoir et que les gens puissent fournir ces services dans deux langues. C'est l'article 80 qui prévoit que le Conseil du trésor peut décider - avant, cela se faisait par règlement - du paiement à un fonctionnaire d'une rémunération en sus de ce qui lui est alloué pour l'exercice de ses fonctions. Peut-être s'agit-il d'une ouverture aux primes au bilinguisme qui seraient certainement bienvenues pour les personnes qui, à l'heure actuelle, dans le domaine de la justice, par exemple, doivent travailler dans deux langues, alors que d'autres ne le font pas même si elles le peuvent.

Les secteurs d'activité de la fonction publique où on voit une volonté réelle de l'État de fournir des services dans une langue autre que le français ont tous trait aux cueillettes de fonds. Les billets de Loto-Québec sont bilingues au dos, c'est-à-dire toutes les instructions. La publicité pour les obligations de la province de Québec est bilingue, c'est-à-dire tous les prospectus. Les formules d'impôt, à l'inverse de la situation qu'on a évoquée plus tât pour certains documents destinés aux individus - et encore une fois contrairement à ce qui a été indiqué dans la charte - tant pour les individus que pour les personnes morales, sont disponibles en anglais. Donc, lorsque c'est dans son intérêt, on trouve toujours moyen de fournir le service en anglais, surtout quand il s'agit d'aller chercher des sous. Je le dis avec un petit sourire, mais c'est finalement un peu cynique. Dans les endroits où il s'agit de services à l'individu, on retrouve justement des directives comme celles qu'on vient de voir, qui viennent fermer des portes qui auraient dû normalement être ouvertes même en vertu de la loi 101.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Je pense que votre suggestion d'une sorte de tribunal d'appel pour vérifier les résultats de la politique, cela devrait être certainement retenu pour être considéré sérieusement.

Dans un autre ordre d'idées, je pense qu'on peut s'entendre pour dire qu'il y a un rattrapage à faire dans ce domaine, c'est-à-dire que les chiffres que vous avez évoqués sont éloquents. Par contre, avez-vous des statistiques qui permettent de mesurer s'il y a amélioration non pas en prenant la masse globale de tous les fonctionnaires qui existent et en comparant les anglophones avec le nombre total de francophones ou de fonctionnaires, mais en considérant plutôt l'amélioration qu'il y aurait eu depuis 1981? Est-ce que les pourcentages d'embauche d'anglophones depuis ce temps-là sont plus élevés qu'auparavant?

M. Mulcair: Cela dépend encore une fois où l'on prend nos chiffres. Depuis 1981, avec le peu d'embauchage qu'il y a eu, je pense que, même si, en termes de proportion, il y a eu changement - et effectivement il y a eu changement depuis 1981 - le nombre d'employés en question est si peu que cela change très peu la proportion de l'ensemble. Je pense qu'effectivement c'est une indication qu'il y a des changements qui sont en route et qu'il faut faire plus en termes concrets. Il y a eu une indication dans l'étude du Conseil de la langue française que la population, que les anglophones qui s'identifiaient comme tels au sein de la fonction publique constituaient une population vieillissante qui se regroupait parfois dans certains ministères ou, dans le temps, il y avait un English Minister of Finance. On retrouvait donc certains groupuscules d'anglophones dans certains ministères qui avaient de très longs états de service et qui étaient, dans la plupart des cas, près de la retraite. Je pense que la situation, à l'avenir, pourrait changer. Le fait est qu'historiquement il y a eu, non seulement une sous-représentativité, mais je pense que c'est aussi un fait historique - on peut s'entendre là-dessus - qu'il y a eu une certaine réticence à venir dans la fonction publique du Québec. On constate la même chose, que ce soit à la police ou à la CUM, dans tout ce qui s'appelle secteur public dans la province de Québec, que ce soit au plan municipal ou provincial, il y a un gros problème.

Il y a des changements à effectuer. Je pense que la jeune population de Québécois d'expression anglaise qui arrive sur le marché du travail est beaucoup plus réceptive - nos propres constatations ont tendance à le prouver - à l'idée de travailler dans la fonction publique, dans les cégeps qui sont une nouveauté qui n'existe que depuis environ une douzaine d'années dans le secteur anglophone, dans les universités, à une plus grande participation dans la vie des Québécois. On peut voir, dans le secteur culturel et dans la vie de tous les jours, que les gens sont beaucoup plus prêts à accéder à des postes en administration publique au Québec. Je pense aussi qu'il y a des barrières qui ont été imposées dans le passé, ce qu'on pourrait appeler des barrières systémiques. Il y a des organismes de l'État, des corporations qui appartiennent au gouvernement du Québec, qui exigent un certain nombre d'années d'enseignement en français avant de pouvoir accéder à certains postes. Si on ne les a pas, peu importe la qualité du français de l'individu, même s'il a travaillé en français dans le milieu des affaires où cela se francise, il aura cette barrière. Je pense que c'est le genre de chose, c'est un exemple précis, mais je pense que, pour l'ensemble de la fonction publique, on est en mesure de dire que les changements d'attitude sont là. Les gens veulent plus que jamais s'intégrer à la vie québécoise et participer à l'administration publique qui, comme on le sait, a une ampleur en 1983 qui ne se compare même pas à ce qu'elle était il y a vingt ans. (18 heures)

M. Tremblay: Si je comprends bien, on peut s'attendre qu'il y ait plus d'offres d'emploi de la part des Québécois anglophones dans la fonction publique que ce qu'on avait auparavant.

M. Mulcair: Je pense que, là-dessus également, il y a eu des chiffres dernièrement qui tendent à démontrer - si on peut parler d'un résultat - que le fait qu'on en parle tant fait en sorte que les gens se rendent compte que ces postes existent et qu'on peut les postuler. Mais si, par un stage de formation ou une extension du temps disponible à une personne avant de devenir permanent, on lui permettait de s'intégrer ou si on lui permettait de subir son examen d'entrée dans une langue autre que le français, quitte à lui faire faire les preuves de sa connaissance appropriée du français un peu plus tard dans son cheminement de carrière, je pense que ce serait un exemple parfait de ce qu'on pourrait faire. Si toutes les règles de progression à l'intérieur ne sont pas également sujettes à des programmes d'accès à l'égalité, il y aura des sortes de barrières internes. La grande proportion de la fonction publique est composée d'hommes francophones. Si on n'assujettit pas les règles de progression de carrière, les règles d'ancienneté à des programmes d'accès à l'égalité, cela peut prendre énormément de temps avant que les gens puissent avoir la chance d'accéder à des postes plus élevés. Je pense qu'il y a des choses concrètes qu'on peut faire: faire de la publicité pour les concours de recrutement dans les journaux anglais, en anglais, et expliquer de quoi il s'agit; des gestes concrets qu'on peut poser et qui donneraient les résultats escomptés.

M. Tremblay: Je pense que votre participation à la commission est extrêmement positive et je trouve heureux que vous vous soyez présentés et que vous nous transmettiez ces suggestions. Je suis persuadé que, si vous en avez d'autres pour nous aider à trouver des moyens d'intégrer plus de Québécois anglophones à la fonction publique québécoise, nous serons certainement très heureux de les entendre.

M. Mulcair: Merci.

Le Président (M. Champagne): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: En terminant,

très rapidement, je ne voudrais quand même pas que les membres de l'Opposition donnent l'impression qu'on veut s'aligner sur les autres provinces. Je pense que mon intervention a été très claire là-dessus. Ce n'est pas parce que les francophones hors Québec n'ont pas le sort qu'ils devraient avoir qu'on pense qu'on devrait appliquer la même chose aux membres des communautés culturelles de langue anglaise ou d'autres communautés. Je pense que les gestes des différents gouvernements du Québec l'ont prouvé depuis de nombreuses années.

Cela étant dit - cela va faire plaisir au député de Louis-Hébert - moi non plus, je n'étais pas d'accord avec l'intervention de mon collègue sur le sort de la société franco-manitobaine. Je ne suis pas la première à le dire et je ne serai sans doute pas la dernière.

Je pense que ce serait malhonnête de vous donner l'impression qu'on peut accomplir des miracles dans la fonction publique. Je pense qu'il n'y a pas de miracle qui s'est fait même en pleine période d'expansion. C'est vrai que cela peut sembler des prétextes et que ce ne sont pas des raisons pour ne pas faire le maximum de ce qu'on peut faire. Mais, il est clair que, dans une période où le recrutement est à peu près nul, ou diminué de beaucoup, les choses ne peuvent pas aller aussi rapidement que le prévoyait le plan d'action. Qu'importe, cela dit - cela a été publié à la veille de la campagne électorale - je me permettrai de vous avouer bien honnêtement que là où l'Opposition a vu de la sérénité, j'ai eu l'impression d'entendre souvent aussi un ton pas mal sarcastique. Mais on interprète différemment de chaque côté du président; c'est peut-être normal aussi.

J'ai aussi dit que la tolérance était des deux bords, que cela se joue à deux et qu'effectivement, un climat de tolérance, cela s'entretient par les deux parties. Et dans ce sens-là, de la même façon, nous, comme francophones, avons comme responsabilité de rectifier des abus de discours et de langage ou des exagérations que feraient certains francophones qui, sur le plan de la mentalité, ne seraient pas prêts à être aussi réceptifs que d'autres. De toute façon, je pense qu'un organisme comme le vôtre a une énorme responsabilité dans son milieu. L'émotivité à laquelle faisait allusion Mme la députée de Chomedey, cela s'entretient. Je pense que vous avez aussi la responsabilité de replacer les choses dans leur contexte quelquefois. Je n'ai pas toujours l'occasion d'écouter ou de lire vos déclarations, mais j'espère que vous le faites. L'image du Québec, c'est notre image à tous, qu'on soit de langue française, de langue anglaise ou autre; on a une responsabilité collective quant à l'image du Québec qu'on entretient, non seulement ici, mais à l'étranger.

Pour revenir à la fonction publique -Mme la députée de Chomedey m'a fait dévier - je disais donc que ce serait illusoire de vous faire croire que des miracles peuvent se produire au cours des prochaines années. On peut continuer les interventions qu'on a faites, les accélérer et, à la limite, prendre des mesures plus draconiennes, si c'est l'option qu'on doit prendre, mais le rangement par niveau était aussi dans cette option quand on a pris cette décision. Sauf que, si on n'avait qu'une clientèle discriminée dans la fonction publique... Dans ce sens, je ne vois pas de contradiction dans les deux articles que vous avez soulevés; je vais les regarder sérieusement, mais je ne voyais pas le lien de la même façon. Si on n'avait qu'une clientèle qui était les membres des communautés culturelles, à la limite, on pourrait peut-être s'illusionner plus longuement. Mais on a aussi d'autres groupes sous-représentés.

Je ne pense pas que l'attitude ou la position devrait être d'ouvrir un recrutement général pour représenter l'ensemble de ces groupes traditionnellement discriminés dans la fonction publique. Il faut vivre avec la réalité à laquelle on fait face. Il faut aussi tenter, par tous les moyens possibles, d'avoir des mesures d'attirance dans la fonction publique. Je pense que l'Office du recrutement a fait un bon effort dans ce sens, tant dans la publicité dans certains journaux ethniques que dans les programmes d'accès à l'égalité. Ces gens ont prévu, ont fait des échanges de stages. Vous faisiez allusion à des stages; il y a eu de jeunes étudiants des universités anglophones qui sont venus en stage dans la fonction publique québécoise. On essaie de le faire par le biais du recrutement d'occasionnels. C'est moins bon qu'un emploi permanent, mais, au moins, là aussi, on vise des clientèles des communautés culturelles en disant: Au moins, ces gens auront une chance de prendre contact avec la fonction publique, de se faire connaître, de prouver leur compétence et, éventuellement, cela pourra aussi leur favoriser des portes d'entrée dans la fonction publique. Je pense qu'on prend des moyens. Il y en a sans cloute d'autres à prendre.

S'il y a lieu, dans la loi - on verra les suggestions de l'Opposition et d'autres groupes là-dessus - d'encadrer davantage cet aspect-là, il n'y a pas d'inconvénient, sauf qu'il faut se dire, tout le monde, qu'il faut aussi être réaliste et ne pas se lancer la pierre trop facilement. Cela devient, à un moment donné, facile de se lancer la pierre. Dans ce sens-là, je pense que les gens qui, dans la fonction publique, ont la préoccupation de la représentation des membres des communautés culturelles - un organisme comme le CIPACC - ont eu beaucoup de bonne foi, de bonne volonté, et

ce serait très malsain de les démobiliser et de les démotiver. Merci.

Le Président (M. Champagne): Au nom des membres de la commission parlementaire, je remercie les deux personnes représentant Alliance Québec d'être venues devant cette commission.

Le Comité provisoire des technologues de la fonction publique présentera un mémoire, mais ce sera pour dépôt seulement.

La commission parlementaire élue permanente de la fonction publique suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 09)

(Reprise de la séance à 20 h 20)

Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de la fonction publique poursuit ses travaux afin d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur l'avant-projet de loi sur la fonction publique. Je demanderais aux représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc. de se présenter à l'avant, s'il vous plaît.

On demanderait, M. le président, de vous présenter et de présenter les personnes qui vous accompagnent. La procédure, la règle générale, selon ce que vous voulez, est la suivante: vous présentez votre mémoire, soit en résumé, on vous donne peut-être 20 minutes pour le faire, c'est très souple; ensuite, il y a une période de commentaires et de questions. Si vous voulez bien vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent.

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec

M. Harguindeguy (Jean-Louis): M. le Président, bonsoir. On s'excuse d'être aussi peu nombreux malgré le nombre de membres qu'on représente. Vous comprendrez que nous avions déjà indiqué notre non-disponibilité pour aujourd'hui. Nous avions indiqué que le seul jour disponible était demain, le 28. J'ose espérer que ce n'est pas symptomatique de l'attention que la commission apportera à notre mémoire. En tout cas, que les revendications qu'on formulera seront mieux retenues. Nos gens étaient en province aujourd'hui et moi aussi. Alors, ceux qui ont pu se rendre disponibles pour ce soir sont, à ma gauche, le premier vice-président des fonctionnaires, Pierre Chassé, également, le troisième vice-président des ouvriers, Marcel Lemieux et moi-même, Jean-Louis Harguindeguy.

J'ose espérer que le mémoire a été lu. Je pense qu'on pourrait s'exempter d'en faire la lecture de façon complète. Globalement, ce qui ressort de notre mémoire, de l'étude que nous avons effectuée de l'avant-projet de loi sur la fonction publique, c'est ceci: à notre sens, il ne change pratiquement rien, de façon concrète, de façon positive, dans la gestion de la fonction publique. Comme nous avons d'ailleurs eu l'occasion de l'indiquer à la ministre lors d'une rencontre précédente, au cours du mois d'août, l'avant-projet de loi ne fait qu'ouvrir beaucoup plus les portes au patronage et, en fait, au favoritisme dans la fonction publique. On revient, quant à nous, à ce qui a existé avant la venue du syndicalisme en 1960 alors que, pour devenir admissible, pour avoir des promotions, pour avoir des nominations à des postes supérieurs, il fallait nécessairement être en accord avec nos patrons, nos dirigeants à tous les points de vue. Autrement, il sera impossible pour nous, si on regarde certaines dispositions sur l'avant-projet de loi de la fonction publique...

Quant à nous, la partie essentielle qui ressort, c'est qu'on permettra dorénavant au ministère de faire le choix des candidats puisque l'article 38 prévoit, au deuxième alinéa, que lorsqu'un ministère réévaluera à la hausse un poste qui aura été occupé de façon temporaire par un fonctionnaire, le ministère pourra procéder à sa nomination sans concours, alors qu'à l'heure actuelle c'est quand même une obligation pour les ministères de tenir de tels concours pour ratifier la nomination.

Pour nous, c'est un des points majeurs puisqu'on sait de quelle façon cela fonctionne au niveau du gouvernement où les affectations temporaires qui sont parfois permanentes s'effectuent de façon outrancière. D'autre part, nous estimons aussi que des ouvertures additionnelles seront créées puisqu'elles permettent aux sous-ministres qui seraient responsables de la gestion d'exiger des conditions additionnelles à celles qui sont requises par les plans de classification, ce qui, en définitive, permettra de faire des choix préalables des candidats qu'on veut éventuellement rendre admissibles si des concours se tiennent.

Il y a aussi un aspect qui est drôlement important pour nous et qui va à l'encontre du rapport de la commission Bisaillon. C'est la question du principe du mérite, puisque dorénavant, le rangement par niveau et la nomination au choix parmi les candidats seront possibles, ce qui ne l'est pas à l'heure actuelle, mis à part les programmes d'égalité à l'emploi. Quant à nous, toutes ces ouvertures vont nous ramener à ce qui a existé avant que le syndicalisme soit instauré dans la fonction publique.

Bien entendu, le seul aspect sur lequel nous sommes d'accord dans l'avant-projet de loi est l'abolition du ministère de la Fonction publique. On l'a déjà exprimé à la commission Bisaillon aussi. On estime qu'on

élimine un intermédiaire qui n'a aucun pouvoir à l'heure actuelle en vertu de la loi puisque la loi actuelle prévoit que le ministère doit faire ratifier tous ses règlements par le Conseil du trésor. Nous estimons donc que, la vraie autorité qui agit actuellement au nom du gouvernement étant le Conseil du trésor, nous sommes aussi bien de faire affaire directement avec lui, sauf qu'on souhaiterait quand même que la transparence qui est si chère à la parraine du nouveau projet de loi soit également applicable dans le cas du Conseil du trésor, car on sait que les règlements éventuels, les directives, les énoncés de politique - parce que cela pourrait être n'importe quoi qui va déterminer les politiques à appliquer dans la fonction publique - ne feront pas nécessairement l'objet d'un règlement, ne seront pas nécessairement rendus publics, contrairement à ce qui existe pour l'Office des ressources humaines et également la Commission de la fonction publique. Nous estimons que si on veut assurer la transparence, si on veut également que les fonctionnaires, les employés soient au fait des conséquences des contraintes qui leurs sont imposées, le strict minimum est qu'ils soient tenus au courant de ces divers règlements.

D'autre part on souhaite - on vous l'indique dans le mémoire - qu'il y ait le moins de règlements possible. Quant à nous, si on veut réellement rendre la fonction publique efficace, c'est par une collaboration étroite des employés. Cela présuppose quand même un climat de confiance. Cela présuppose donc des accords qui interviennent avec le représentant des employés, ce que ne prévoit pas l'avant-projet de loi tel que formulé avec le principe de l'imputabilité où on laisse tous les gestionnaires responsables de leurs actes. On a quand même constaté qu'il n'y a pas seulement le pouvoir de délégation et de subdélégation qui est possible à tous les niveaux. Même le Conseil du trésor pourrait éventuellement donner ses mandats à n'importe quel ministère ou organisme, n'importe quel fonctionnaire, l'Office du recrutement et de la sélection du personnel ou des ressources humaines également. En fait, ce sera un charivari épouvantable dans la fonction publique. On se retrouvera avec 30 fonctions publiques dans la grande fonction publique québécoise. Je pense que ce n'est pas de cette façon qu'on peut assurer l'efficacité de la gestion au gouvernement.

Dieu sait qu'à l'heure actuelle, même avec des pouvoirs réglementaires qui sont prévus dans la loi, qui sont attribués au ministère de la Fonction publique ou au Conseil du trésor, même le Conseil du trésor, qui a des pouvoirs coërcitifs assez importants aujourd'hui, s'avoue incapable de faire appliquer les règlements, ses propres règlements, par les ministères. J'en ai une preuve tangible dans une correspondance que je viens tout juste de recevoir, à la suite de démarches effectuées dans le cadre de l'embauche d'employés occasionnels, où le Conseil du trésor a établi qu'il ne peut exercer un pouvoir coërcitif vis-à-vis des ministères. Or, la réglementation actuelle prévoit que l'embauche d'occasionnels à des emplois spécifiques doit obtenir, au préalable l'accord du Conseil du trésor. Tantôt, quand on ouvrira ces pouvoirs délégués, en fait, comment est-ce qu'on pourra s'assurer qu'effectivement la gestion sera exercée de façon efficace? On en doute.

D'autre part, il y a aussi un aspect important quant à nous et je pense que l'expérience a démontré la nécessité de conserver à la Commission de la fonction publique les pouvoirs qu'elle a présentement. Même on souhaiterait qu'ils soient amplifiés, dans le sens qu'on voudrait qu'il y ait un organisme qui puisse enquêter pour s'assurer de l'application de la loi et de ses règlements, ce que ne prévoit pas l'avant-projet de loi.

Les dispositions à l'article 30a de la loi actuelle étant éliminées dans l'avant-projet de loi, quel est l'organisme qui va tantôt s'assurer qu'effectivement les ministères, le Conseil du trésor et l'Office des ressources humaines, qui relèvera d'une autorité politique, va effectivement appliquer les règlements? Il n'y aucun pouvoir coërcitif prévu dans la loi. Il n'y aura non plus aucun recours pour les employés qui seront assujettis à cette loi. Je pense qu'il y a essentiellement bien des oublis qui ont été effectués dans la préparation de cet avant-projet de loi, voulus ou, en fait, involontaires. Il nous reste peut-être à chercher à le savoir. Mais ce sont quand même des points extrêmement importants parce que les employés de l'État se retrouvent à toutes fins utiles devant aucun recours éventuel pour faire respecter leurs droits les plus légitimes. Cela crée des situations plutôt ambiguës à l'intérieur des ministères qui ne créent pas un climat de travail favorable. On parle d'améliorer l'efficacité et l'efficience; même on veut inventer des primes au rendement. Je ne pense pas que ce soient les solutions pour amener justement l'efficacité dans la fonction publique. D'ailleurs, un des prédécesseurs de la ministre actuelle, M. Denis de Belleval, même si nous l'avons contesté, a quand même formulé certaines déclarations qui, aujourd'hui, en fait, se retrouvent totalement à l'opposé. La position du gouvernement a changé depuis les derniers cinq ans de façon tellement draconnienne qu'on ne s'y retrouve plus dans la philosophie que poursuit le gouvernement dans la gestion de sa fonction publique. Ce qui a été bon il y a cinq ans, aujourd'hui est envoyé au

rebut, à toutes fins utiles et on va revenir à la situation qui prévalait avant qu'on puisse se former en syndicat.

Il y a aussi un aspect qui nous fait drôlement peur: c'est l'article 84 de la loi, ou de l'avant-projet de loi puisqu'il pourrait vouloir dire la fin du syndicalisme dans la fonction publique. L'avant-projet de loi permet au Conseil du trésor d'exclure de l'application de la loi quelque catégorie d'employés que ce soit, de l'exclure même lorsqu'il s'agit d'employés permanents du régime syndical, c'est-à-dire que ces employés se retrouveraient sans aucun syndicat pour les représenter alors que -position quelque peu aberrante - les employés occasionnels resteraient assujettis au régime syndical. Je pense qu'il y a des contradictions flagrantes, des incohérences évidentes qui nous démontrent qu'il y a peut-être un suivi qui n'a pas été effectué. (20 h 30)

Je pense à certaines recommandations de la commission Bisaillon. Le régime syndical pour lequel on revendique depuis déjà de nombreuses années, depuis le début de notre existence, de pouvoir négocier l'ensemble de nos conditions de travail, n'a absolument pas été retenu. C'est le régime syndical actuel qui a été reconduit avec seulement des concordances. On estime qu'en 1983 il y aurait lieu que des modifications soient apportées à la philosophie du gouvernement quant aux relations du travail avec ses employés. Si le gouvernement veut perpétuer le climat qui a prévalu au cours de l'automne dernier et qui nous a amenés à un cul-de-sac lors des négociations, je pense que le meilleur moyen est d'adopter l'avant-projet de loi tel que vous l'avez actuellement sur la table.

Je pense que ce n'est pas la façon d'amener un climat de confiance grâce auquel les gens seront heureux de travailler dans la fonction publique, et ce pour offrir à l'ensemble des citoyens les services de qualité auxquels ils sont en droit de s'attendre et pour lesquels, d'ailleurs, ils paient assez cher. Mais cela présuppose, au point de départ, la collaboration de tous. Je pense que si le gouvernement veut décider de façon totalitaire, unilatérale dans ce domaine-là, inévitablement ce sera le chaos le plus complet. Je pense qu'avec l'expérience qu'on a vécue, le gouvernement a intérêt à tempérer quelque peu son attitude pour faire en sorte qu'on puisse commencer à se parler et à décider quelque chose. C'est aberrant de constater que même dans un contexte... Je prends un exemple tout récent, celui où on revendique une ouverture dans la loi concernant l'annulation d'entreprise.

De plus en plus le gouvernement semble s'orienter vers la décentralisation, c'est-à-dire confier à des sociétés autonomes des responsabilités qui incombent à des ministères, même de confier aux MRC aussi des responsabilités qui incombent à des ministères. Je pense qu'il y aurait lieu de garantir aux employés actuels leurs droits les plus légitimes, leurs conditions de travail et leur sécurité d'emploi. Ce qui n'est pas le cas.

Comment voulez-vous qu'on puisse collaborer, travailler dans un climat de confiance quand, pour faire valoir les droits les plus simples de nos membres, on se retrouve en Cour supérieure afin d'essayer d'avoir comme condition essentielle le strict respect d'un décret qui nous a été imposé au mois de décembre dernier. Je pense que ce sont des situations qui, à notre sens, sont contraires à toute règle normale de gestion d'employés. C'est une attitude que le gouvernement devra modifier de façon complète. Il va falloir qu'il y ait un certain examen de conscience qui se fasse si on veut que les gens puissent réellement donner le plein rendement. L'avant-projet de loi, avec toutes les ouvertures possibles de patronage-favoritisme, nous fait penser le contraire.

Il y a aussi un sujet sur lequel je voudrais terminer, parce que je sais qu'il est cher au coeur de la ministre. C'est la condition féminine, l'égalité en emploi dans la fonction publique. L'avant-projet de loi en traite quelque peu à trois articles - les articles 41, 81 et 4 - mais tellement peu que finalement on pourrait passer assez rapidement sur le sujet. Mais, pour nous, c'est quand même important, 52% de nos membres sont des femmes. Même si on veut laisser croire qu'il y aura des programmes d'accès à l'égalité pour les femmes, les personnes handicapées, les communautés culturelles et les autochtones, si on se fie à l'expérience qu'on a vécue au cours des quatre dernières années, les résultats de l'expérience ne sont pas garants de l'avenir, contrairement à ce qu'on pourrait croire. Les programmes d'accès à l'égalité sont d'abord imposés par le gouvernement, par les ministères, il n'y a pas d'accord intervenu à ce niveau. Quand on parle de conditions de travail et de gestion d'employés, cela présuppose au point de départ au moins un accord tacite des employés, si on veut qu'il y ait une certaine réussite des programmes, ce qui n'a pas été le cas. La représentation des femmes dans les niveaux hiérarchiques de la fonction publique n'a pas tellement changé depuis les quatre dernières années. On n'a pas non plus profité des promotions puisqu'il n'y en a plus. Avec une politique de réduction d'effectifs, comment voulez-vous permettre, quand des emplois libérés par des personnes qui décèdent, prennent leur retraite ou démissionnent ne sont pas comblés, que des groupes, qui étaient défavorisés jusqu'à présent, puissent accéder à des postes supérieurs? C'est la même

remarque qu'on pourrait formuler à l'égard des handicapés et des communautés culturelles. Il n'y a plus d'embauche dans la fonction publique, comment peut-on s'assurer qu'effectivement les personnes handicapées puissent venir en grossir les rangs? Le gouvernement même s'efforce de mettre à pied et de congédier des gens qui deviennent invalides en cours d'emploi. On parle d'en embaucher, alors que ceux qu'on a déjà on les envoie chez eux.

Je pense qu'il y a des incohérences flagrantes dans la gestion courante et ce n'est sûrement pas cet avant-projet de loi qui va nous permettre de régulariser cette situation. Je pense qu'au point de départ tout cela présuppose une collaboration des plus étroites. Nous l'indiquons dans le mémoire, nous sommes même disposés, s'il le faut, à collaborer à l'intérieur d'un comité technique qui pourrait amener des résultats concrets. En 1965, quand une première loi de la fonction publique a été élaborée, cela a été à la suite de travaux conjoints. Le gouvernement, à l'époque, n'a pas hésité à obtenir la collaboration des syndicats pour l'élaboration du projet de loi. Je sais bien que, l'Assemblée nationale étant souveraine, vous me direz: Ce n'est pas de votre ressort. Mais, dans les circonstances et suivant l'expérience qu'on a vécue depuis les dernières années, le gouvernement a intérêt à rechercher la collaboration de tous ceux qui sont censés être ses principaux collaborateurs, ses propres employés. Ce qui, malheureusement, n'est pas le cas à l'heure actuelle. C'est l'essentiel de notre mémoire qu'on vous a déposé au cours de la semaine dernière.

Je suis disposé à répondre à toutes les questions que vous jugerez à propos de me poser, si certains aspects de notre mémoire ne sont pas sufisamment clairs pour vous indiquer les revendications qu'on a à formuler. Essentiellement, ce qu'on voudrait, c'est que, comme employés de l'État, on puisse être considérés comme tout autre citoyen du Québec, à tous les niveaux, autant dans la négociation, dans nos droits civiques de faire du travail politique, autant en temps d'élection que quand il s'agit de déterminer nos conditions de travail. Je pense que c'est de cette façon qu'ensemble on va pouvoir arriver à donner aux citoyens quelques-uns diront qu'ils nous paient grassement, parce que c'est le thème utilisé par le gouvernement depuis de nombreuses années - des services pour lesquels ils paient. On est prêt à le faire, mais cela présuppose aussi que les autorités acceptent notre collaboration. Nous sommes réceptifs à ce niveau-là.

Le Président (M. Champagne): Merci. Mme la ministre, pour des commentaires et des questions.

Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, je voudrais d'abord m'excuser auprès du Syndicat des fonctionnaires si la convocation de ce soir a bousculé sensiblement leur emploi du temps. Il nous semblait que la première convocation avait été faite pour demain et que vous n'étiez pas disponibles. J'ai l'impression qu'il y a eu un malentendu. Quoiqu'il en soit, on apprécie que vous vous soyez quand même déplacés pour tenter de véhiculer votre point de vue auprès de la commission parlementaire.

Cela étant dit, je voudrais aussi remercier M. Harguindeguy pour l'ensemble des commentaires qu'il a faits. Certaines de ses remarques méritent d'être étudiées avec la plus grande attention. Malgré le climat qui a pu découler des dernières négociations, je ne pense pas qu'il faille voir dans ce projet de loi plus d'intentions cachées qu'il n'y en a. En tout cas, ce n'est pas dans cet objectif que l'avant-projet a été préparé au ministère de la Fonction publique. Je pense qu'il serait peut-être de bon aloi, dans un contexte futur de relations de confiance et d'harmonie, de ne pas nous prêter plus de mauvaises intentions qu'on n'en a eu dès le départ.

Vous avez dit dans votre mémoire - je pense que vous l'avez souligné en résumé -votre préoccupation pour le service aux citoyens, tout ceci mis en parallèle avec la déréglementation que nous préconisons effectivement dans l'avant-projet de loi, déréglementation qui, à notre avis, correspond à un diagnostic qui a été posé non seulement par les artisans de l'avant-projet de loi, mais entre autres par la commission Bisaillon, par l'ensemble des gestionnaires et souvent aussi par des fonctionnaires ou des professionnels qui ont l'occasion, à un moment donné, de porter des jugements sur la gestion actuelle de la fonction publique.

Je disais ce matin, dans mes notes préliminaires, que je n'avais pas l'impression que les gouvernements étaient avant-gardistes en soi. Je crois plutôt que les gouvernements reflètent dans leurs lois des attentes qui viennent de groupes de pression ou du consensus général d'une société. C'est dans ce sens qu'on arrive avec un avant-projet de loi qui va dans le sens contraire, je le reconnais, de la loi 50 qui, elle, prévoyait une réglementation plutôt rigide, plutôt sévère pour tenter de contrer certains abus auxquels ont du faire face les gens de la fonction publique. Nous avons pensé, cinq ans plus tard, qu'il y avait peut-être lieu de se rajuster et de tenter d'avoir une gestion des ressources humaines adaptée aux attentes de la population du Québec et adaptée aussi aux attentes des personnes vivant à l'intérieur de la fonction publique, qui, elles-mêmes, admettront que la réglementation et la gestion sont devenues beaucoup trop

complexes, beaucoup trop réglementaires. Nous avons choisi une option qui, effectivement, va tout à fait dans le sens contraire de la loi 50 mais qui nous paraît, en tout cas pour le moment, la meilleure façon d'offrir un service de qualité aux citoyens.

On l'a mentionné ce matin, ce n'est pas simplement par un amendement à la Loi sur la fonction publique qu'on pourra y arriver. Il faudra que l'ensemble du gouvernement, les organismes centraux, emboîtent le pas. On a eu l'occasion d'en discuter longuement. Il nous semblait que c'était une approche préférable à une approche de réglementation, à une approche très rigide qui, vous l'avez souligné vous-même, malgré tout, ne règle pas tous les problèmes. Ce n'est pas parce qu'il y a des règlements très rigides qu'ils sont nécessairement respectés. Vous avez fait allusion à un règlement qui, semble-t-il, émanerait du Conseil du trésor et qui, finalement, n'est pas respecté par certains ministères.

Notre approche a été de se dire qu'il ne sert à rien de mêler tout le monde avec de multiples règlements pour tenter de corriger quelques abus qu'il peut y avoir ici et là; on est mieux d'agir par rapport aux abus plutôt que d'essayer, a priori, de prévoir tous les abus. On ne pourra jamais les prévoir tous, de toute façon, et à la limite, si on voulait tenter de corriger tous les abus qu'a pu provoquer la loi 50, il faudrait peut-être qu'on ait une loi à laquelle on ajouterait une centaine de règlements. Après expérience, on pourrait peut-être, dans quelques années, en faire une autre pour tenter de régler d'autres abus. Finalement, c'est un cercle qui n'en finit plus et c'est un choix à faire. Nous, on a choisi l'autre option. Elle est peut-être discutable, elle n'est pas nécessairement parfaite, mais elle nous apparaissait de loin préférable à une réglementation à outrance.

Je ne m'attarderai pas là-dessus. Je veux revenir à votre affirmation que, finalement, avec une approche comme la nôtre, on revient grosso modo à ce qui existait avant les années soixante. Vous ne m'en voudrez pas de vous dire que je pense que vous n'êtes pas dupes. Vous savez très bien que, même avec une approche comme le rangement par niveaux, on ne revient pas du tout à ce qui existait avant 1965, au moment où vous vous êtes syndicalisés, où vous avez tenté d'éviter par vos conventions collectives certains abus, ou vous avez voulu contrer des abus de la gestion qui était complètement politisée. Mais, au-delà de cela, la loi 50 a quand même introduit la règle du mérite, le principe du mérite qui n'est pas du tout touché par l'avant-projet de loi. C'est vrai que nous changeons la méthodologie. Nous changeons l'ordre numérique strict pour un rangement par niveaux, mais vous savez fort bien que tout le processus de recrutement et de promotion doit continuer à s'appliquer avec la même rigidité.

J'oublie les allusions que vous avez faites à certains articles qui pourraient, à votre avis, ouvrir des portes un peu trop larges. Il y a lieu de regarder cela aussi, mais le principe du mérite demeure le même. La seule chose, c'est qu'à un moment donné - un des objectifs premiers était de favoriser l'accès à la fonction publique de certaines clientèles visées par l'égalité à l'emploi - nous disons: À compétence égale... Le niveau, vous savez comment cela fonctionne. Dans un concours de 300 points, le niveau se joue à l'intérieur de 20 points. Autrement dit, entre quelqu'un qui a peut-être 260 points et l'autre personne qui en a 240, les analyses qui ont été faites prouvent que les personnes à l'intérieur de ce niveau sont vraiment à compétence égale; ce qui joue dans le choix des candidats, c'est très souvent les préjugés des membres du jury qui examinent les candidats. C'est là qu'on a réalisé que la règle du mérite avait beaucoup de mérite, mais qu'elle avait tendance à discriminer systématiquement des gens qui ne faisaient pas partie de la majorité, de la minorité en nombre, mais de la majorité en importance sociale, masculine, francophone. C'est la raison pour laquelle on est arrivé avec une mesure pour tenter d'équilibrer, mais cette mesure se joue toujours dans des niveaux de compétence égale.

Il ne s'agit pas, comme c'était le cas avant 1960, d'aller chercher son cousin, son "chum", son voisin parce qu'il était du bon bord. Ou encore, même avant la loi 50, de la façon dont les niveaux fonctionnaient, il y avait des listes d'admissibilité, où des candidats étaient déclarés aptes, on suggérait trois personnes à un gestionnaire, le gestionnaire n'était pas content des trois, il en redemandait trois autres jusqu'à l'infini. S'il y avait 20 personnes, 30 personnes sur la liste, jusqu'à ce que le gestionnaire trouve la personne qui lui convenait, il pouvait demander de retourner voir la liste. Le rangement par niveau implique que cela se joue sur une base de 20 points, ce qui peut, dans certains cas, signifier qu'il n'y aura qu'une personne dans le niveau parce que si une personne, admettons, a 260 points, pour reprendre mon exemple précédent, et une autre 230, il a déjà dépassé les 20 points. Donc, il y aurait une personne. Il se peut qu'il y ait deux personnes ou trois, sauf que lorsque le niveau sera fini il sera fini. Il n'y aura pas 15 ou 20 personnes avec toutes la latitude qu'il y avait avant l'instauration de la loi 50 et de la règle du mérite. Je pense que vous devriez reconnaître que c'est quand même extrêmement différent de ce qui existait avant et que cela n'entache pas le

principe du mérite. Qu'il y ait une méthode ou une autre, les niveaux de compétence, le processus de recrutement et de sélection ou de promotion doit demeurer aussi étanche -parce qu'on ne peut jamais être complètement étanche, tant qu'il y a de la nature humaine il y a aussi des abus à tenter de contrôler - que possible, le plus étanche possible. Je pense que l'avant-projet n'entache pas du tout cet aspect.

Il est vrai que la déréglementation peut entraîner d'un ministère à un autre des attitudes différentes. Vous dites que le danger est qu'il y ait 30 fonctions publiques. De toute façon il n'y aura jamais une déréglementation aussi large que vous voulez le laisser entendre. Il y aura toujours les conventions collectives et l'avant-projet qui tentera de normaliser, tout au moins sur le plan de l'application des conditions de travail, la situation des employés d'un ministère à un autre. Que, dans certains ministères, il y ait des aspects de la gestion du personnel qui se passent différemment d'un autre, ce n'est peut-être pas non plus tout à fait scandaleux, et cela ne va pas nécessairement non plus à l'encontre des employés de ce ministère qui peuvent aussi, selon des situations qui correspondent finalement à des réalités qu'ils sont peut-être les seuls à vivre, tenter d'avoir des règlements qui seraient beaucoup plus équitables pour eux que des règlements complètement uniformes.

En tout cas, là-dessus, je ne suis pas sûre que ce soit si malsain que cela une espèce de latitude dans la gestion. S'il y a lieu de répondre à certaines craintes que vous avez, on verra s'il y a moyen de resserrer. Je pense qu'il ne faut pas, a priori, condamner la déréglementation ou une certaine latitude de gestion en pensant que tout va nécessairement aller très mal et que le seul intérêt des politiciens ou des gestionnaires est encore, arbitrairement, d'offrir des mauvaises conditions de travail ou de taper sur la tête des employés.

Ce sont, grosso modo, les deux commentaires que je fais. J'ai deux questions à vous poser. Premièrement sur la déréglementation. Vous disiez qu'effectivement vous aviez l'impression que déjà les citoyens avaient un excellent service. Que répond-on finalement à un diagnostic comme celui qu'a fait la commission Bisaillon ou beaucoup d'autres groupes de notre société qui disent finalement que la fonction publique est devenue tellement surréglementée, surnormalisée, etc., qu'il n'y a plus personne de responsable dans cette fonction publique? Il faut donc trouver les moyens d'aérer un peu cela, lui donner les moyens et trouver de nouvelles façons de gestion qui lui permettent d'être plus proche des demandes des citoyens. Est-ce que vous avez une approche qui pourrait répondre aux mêmes objectifs et en même temps qui pourrait être différente de celle qu'on a dans l'avant-projet?

Deuxième question. Honnêtement, admettez-vous que le rangement par niveaux n'est quand même pas un retour à ce qui existait avant 1960?

M. Harguindeguy: Quant à votre première question, Mme la ministre, pour ce qui est de déréglementer nous sommes d'accord avec la déréglementation. Cependant ce n'est pas dans le sens d'augmenter les droits de gérance comme le fait l'avant-projet de loi. Si on déréglemente, vous nous dites qu'il y aura toujours des conventions collectives. Tant mieux, je le souhaite, c'est notre désir le plus cher.

D'ailleurs c'est notre but. Mais est-ce que les conventions collectives vont comporter la négociation de l'ensemble des conditions de travail? J'en suis moins sûr. L'avant-projet de loi maintient quand même les restrictions qui nous sont imposées à l'heure actuelle, qui concernent tout le régime de la dotation, de la nomination des employés. Vous avez même pris la précaution dans l'avant-projet de loi de prévoir que dorénavant tout changement d'affectation, toute mutation va devenir une nouvelle nomination qui, elle, n'est pas négociable. Vous allez donc quand même me permettre de craindre cette déréglementation.

Déréglementer et laisser les droits à tout le monde sans avoir aucun recours possible ni avoir aucune autorité véritable pour faire en sorte qu'un organisme puisse imposer à un ministère l'application de certains règlements ou même de certains accords, on le vit déjà à l'heure actuelle. Vous êtes responsable d'un ministère qui n'a aucun pouvoir vis-à-vis des autres ministères au niveau même de l'application d'une convention collective. Même si on arrive à s'entendre avec vos représentants au niveau de l'interprétation à donner, si un ministère décide de vous envoyer promener comme ils le font avec nous, on est obligé de se retrouver en arbitrage. On l'a fait même en cour, cette semaine.

Quand on parle de la règle du mérite pour dire que le rangement par niveaux ne revient pas à ce qui existait auparavant, vous me permettrez d'en douter encore. Je me mets à la place d'un de nos membres, je pourrais vous donner son nom, Denis Paré, de Sherbrooke, qui, après deux reprises, s'est qualifié effectivement à un concours d'agent social principal. Au premier concours, d'autres candidats l'ont suivi et qui étaient inscrits aussi dans le premier niveau. Comme il est arrivé le premier, le ministère ne voulant pas le nommer, parce que le choix ne pouvait pas se faire, le ministère décide d'abolir le poste. Notre membre n'a pu rien

faire. En fait, c'est le droit le plus légitime de la gestion, l'abolissement.

Quelque temps après, le ministère a ouvert un nouveau concours, encore d'agent social principal. Notre même bonhomme s'est qualifié encore le premier, il était le seul sur la liste. Il n'y en a pas eu d'autre cette fois. Mais le ministère ne voulant pas le nommer encore, il ne l'a pas nommé. Il a aboli le poste à nouveau. Donc, si vous aviez instauré le rendement par niveaux, croyez-vous que mon cher ami, Denis Paré, aurait eu la promotion? Sur quel critère l'organisme se serait basé pour dire: je prends Jos Bleau à la place de Denis Paré? Quel recours aurait-on eu? À l'heure actuelle, on peut au moins faire porter l'odieux sur le ministère pour dire que c'est parce qu'il y a réellement des conflits de personnalités qui existent et qui font en sorte que la personne, même si elle est déclarée apte à un concours, n'est pas nommée. On peut leur faire porter cet odieux. Mais, éventuellement, avec le rangement par niveaux que vous instaurez pour l'ensemble des concours, quelles seront nos possibilités de prétendre... On pourra toujours dire ce qu'on voudra, vous me direz: Écoutez, c'est toute la même valeur; il y a 20 points de différence, donc le ministère a pris celui-là. Sur quelle base choisira-t-on entre les gens de compétence égale? Est-ce qu'on va favoriser l'ancienneté? Sûrement pas. On va favoriser quoi? La beauté? la couleur des cheveux? Quels seront les critères objectifs d'une saine gestion qui sera utilisée par les ministères et organismes pour faire en sorte qu'effectivement les gens qui seront à l'intérieur de la fonction publique se sentent respectés... Jusqu'où cela mènera-t-il? Quel sera le résultat concret, quant au climat de travail, du rangement par niveaux. On sait déjà d'avance, vous le dites vous-même -c'est votre prétention - qu'il y avait des concours bidons. Tantôt, il ne sera même plus nécessaire qu'il y en ait. Ceux qui, avant le concours, savent qu'ils n'ont pas de chance d'être nommés, même s'ils se qualifient dans le premier niveau, parce qu'ils ont déjà des accrochages avec leur patron pour quelque raison que ce soit: activités syndicales trop grandes, trop importantes ou qu'ils abusent de leurs droits, on ne le nommera pas. La règle du mérite, à l'heure actuelle, de façon numérique, nous protège au moins là-dessus. On a au moins ce minimum de protection. Et on désire le conserver. On est d'accord qu'il y ait des programmes qui doivent être mis de l'avant pour régulariser certaines situations de groupes défavorisés, mais on veut que dans ces cas, ce soit aussi par voie de négociation.

On n'a pas besoin de discuter bien longtemps pour nous convaincre que l'avant-projet de loi que vous avez déposé - cela a été vos propres paroles tantôt - a été élaboré à la suite de la commission Bisaillon. On est d'accord sur certaines parties du rapport, sur d'autres, non. En tout cas, je pense que c'est inévitable. Mais, en fait, le motif le plus important que j'ai retenu, c'est que vous nous avez dit: Cela a été élaboré à la suite de consultations de l'ensemble des gestionnaires. C'est vrai. La loi qui est là, l'avant-projet de loi, on l'a perçu immédiatement comme étant une loi qui favorise l'employeur, le gestionnaire tout court, tout simplement. C'est beaucoup plus une loi disciplinaire qu'une loi qui est là pour établir une règle, en fait, des balises, pour assainir le climat qui prévaut dans la fonction publique. C'est réellement une loi faite par des gestionnaires.

En aucun temps, dans les treize avant-projets qui ont amené ce dernier avant-projet de loi, les syndicats et les employés n'ont été consultés. Jamais! Sur quelque base que ce soit, même sur l'orientation. Mise à part la commission Bisaillon où le mandat a été quand même assez restreint, en tout cas, sur certaines matières, on n'a jamais été consultés même sur l'élaboration de l'avant-projet et la façon dont on pouvait entrevoir le fonctionnement de la fonction publique, comment on pouvait envisager d'améliorer les relations ou les services à la clientèle.

Comment voulez-vous arriver à satisfaire la clientèle quand on vit avec une politique de réduction d'effectifs qui fait en sorte que, dans certains bureaux, on réduit le nombre d'employés, ce qui fait en sorte que vous avez un ministre délégué aux Relations avec les citoyens qui, lui, se frappe le nez sur des portes fermées parce que les employés ne sont pas là. Ils ne peuvent pas être partout. Le don d'ubiquité n'existe pas pour les fonctionnaires, encore moins pour bien d'autres. On ne peut pas être partout. Les gens ont un mandat d'aller faire des enquêtes en province, ils ne peuvent pas être au bureau en même temps. Pourquoi? Parce que dans certains cas on a réduit les effectifs. Il y a trois mois il y avait une personne qui était là en permanence, aujourd'hui elle n'y est plus. Comment peut-on concilier tout cela?

Jusqu'à présent, les politiques que vous avez mises de l'avant ont toutes été préparées sans consultation préalable des syndicats. La politique de réduction des effectifs peut être plausible et légitime dans bien des cas. Je n'ai pas objection à dire -même si ce sont des membres que je représente - qu'à certaines périodes de l'année, il y a trop d'employés dans certains ministères et ils pourraient être utilisés ailleurs. On s'est même offert pour prévoir des règles; mais non, le ministère a décidé de les imposer. On est allé en arbitrage pour obtenir gain de cause, un an plus tard. Croyez-vous que cela favorise un climat de

relations propre à une fonction publique efficace? Sûrement pas.

La règle de 1% de réduction: croyez-vous que c'est une politique raisonnable et logique qui se défend partout? La politique d'embauche d'employés: croyez-vous qu'il est normal que dans un ministère - prenez le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du Revenu - sur 2000 personnes qui travaillent dans le réseau de la main-d'oeuvre et de l'aide sociale, vous en ayez 700 qui soient des occasionnels embauchés à contrat? Est-ce que c'est en embauchant cette catégorie d'employés, qui sont dans l'instabilité la plus pure, sans aucune garantie, à la merci de tout le monde, qu'on va donner des services de qualité? Quand on fait des revendications là-dessus, vous nous dites: On n'a pas de contrôle là-dessus; chaque ministère est responsable. Et c'est ce à quoi l'avant-projet de loi nous amène.

Il nous semble que pour changer la mentalité de la fonction publique il faudra avoir, au point de départ, la collaboration de ceux qui sont vos principaux collaborateurs. Tant et aussi longtemps que vous n'admettrez pas que cette collaboration est nécessaire, je pense que vous êtes voué à l'échec avec quelque projet que ce soit. Ce n'est pas en imposant d'autorité vos choix que vous allez réussir à améliorer l'efficacité de la fonction publique. Il y a déjà 17 ans que je travaille à l'intérieur du mouvement syndical dans la fonction publique; j'en ai vu beaucoup et je pense qu'au lieu de s'améliorer, comme on dit communément, on "rempironne". L'avant-projet de loi que vous avez là donnera encore plus de pouvoirs coercitifs; il ouvre encore beaucoup plus grand les droits de gérance. On en a déjà qu'on a tenté de limiter en convention collective et on a toutes les misères du monde à les faire respecter. Vous voulez donner encore plus de latitude à ces mêmes personnes qui, aujourd'hui, n'ont même pas le respect de la personne humaine, dans certains cas.

Je pense que vous faites fausse route. C'est pour cela que je réitère que, pour le faire, il n'y a pas urgence. Je pense qu'on a encore le temps; il y a encore deux ans avant la prochaine convention collective. Je pense qu'on aurait intérêt à tous s'asseoir et à regarder ensemble comment on peut faire en sorte que cela fonctionne. Je pense que les principaux, ceux qui savent quelles sont les améliorations qui devraient être apportées et les solutions qui devraient être envisagées, sont quand même ceux qui vivent dans le champ. Il n'y a pas que les gestionnaires. Ces derniers ont leur vision des choses et leur vision est motivée par les responsabilités que vous leur confiez. Avec le principe de l'imputabilité, avec les droits que vous vous donnez de congédier pour des causes justes et suffisantes... le patron qui ne fera pas son job à votre goût, je vous dis qu'il ne restera pas longtemps. Si c'est ce genre de gestion que vous désirez, comme celle qui existe dans l'armée, où nous n'aurons que le droit de dire oui. Je pense que ce n'est pas de cette façon que vous réglerez la situation que vous voulez régler.

J'estime qu'au point de départ, vous vous êtes mal engagés. Il me semble que cela présupposait des consultations beaucoup plus poussées, et pas seulement par l'entremise d'une commission parlementaire: on a déjà vécu des expériences et on sait ce que cela donne.

Mme LeBlanc-Bantey: Très rapidement, pour laisser la parole à mes collègues. Je voudrais quand même avouer que c'est vrai que l'avant-projet de loi que vous avez devant vous a été l'objet de consultations beaucoup plus avec certains gestionnaires qu'avec les syndicats. On aurait souhaité qu'il en fût autrement - je ne dis pas qu'il est trop tard pour se reprendre - sauf que vous admettrez vous-même - et je pense que les interventions que vous faites en témoignent - que l'hiver et le printemps derniers, le contexte de sérénité n'était peut-être pas le meilleur pour tenter de trouver ensemble, de part et d'autre, une meilleure façon de gérer l'ensemble de nos ressources en fonction des objectifs que doit se donner la fonction publique, pour assurer les services aux citoyens. Dans ce sens, il nous était apparu que ce serait peine perdue de tenter de s'entendre, mais on espérait que le climat de l'été et que le temps passant, les cicatrices pourraient se fermer un peu. C'est loin d'être sûr, c'était peut-être inévitable. (21 heures)

Par ailleurs, je suis bien d'accord avec l'idée ou la volonté que vous manifestez de tenter d'en arriver à une gestion qui soit véritablement de concertation de ces différents partenaires, tant du gestionnaire que du syndicat. Je pense que vous allez admettre que cela commande aussi des changements d'attitude de part et d'autre. Je ne suis pas sûre que c'est par un avant-projet de loi sur la fonction publique qu'on puisse régler le problème.

Je voudrais ouvrir une parenthèse sur le régime syndical. Comme je l'ai souligné à vous et à d'autres, nous ne posons pas de jugement sur la valeur du régime syndical actuellement en vigueur dans la fonction publique. Nous avons simplement cru qu'il était opportun que vos revendications à cet égard s'adressent au forum qui a déjà été créé par le comité des priorités, pour ne pas arriver avec des conclusions qui pourraient, à la limite, aller en contradiction avec certaines conclusions auxquelles en arriverait le comité qui s'est donné comme mandat de tenter de trouver un nouveau mode de

négociation pour éviter les drames qu'on a connus la dernière fois et lors des rondes précédentes.

Je reviens sur le rangement par niveaux parce que l'interprétation que vous en faites me préoccupe. Vous donnez le cas de votre monsieur - selon ce que vous prétendez - de qui un gestionnaire ne voulait pas. Mais la loi 50 n'empêche pas cela. Un ministre ou un gestionnaire qui refuse de signer une candidature quelconque peut effectivement ne pas la signer, il peut aussi décider d'abolir le poste, il peut trouver les moyens. Vous faites la preuve que quand on ne veut pas vivre avec quelqu'un on peut en trouver les moyens. Au-delà des objectifs que nous avions pour les clientèles visées par l'accès à l'égalité et de la conviction que nous avons aussi que l'ordre numérique était discriminatoire, il n'en reste pas moins que c'est peut-être aussi bien, si les gestionnaires ont le choix entre une ou deux personnes, qu'ils choisissent celle avec qui ils sont capables de vivre. Je crois que dans la productivité et la motivation, un climat de relations humaines, cela existe. Il ne sert à rien de forcer des gens à vivre ensemble s'ils n'en sont pas capables; parce que, de toute façon, ils vont trouver les moyens de ne pas vivre ensemble. Vous en faites la preuve avec la loi actuelle, je ne pense pas que ce soit l'effet du rangement par niveaux.

Dans ce sens, je me dis: S'il y a des abus, la commission a toujours le mandat de contrôler le recrutement. Si cela devait être prouvé que le niveau, à certains endroits, sert à exclure véritablement des personnes, il y a toujours un recours pour les gens ainsi pénalisés de faire un appel et de tenter de faire la preuve qu'effectivement il y a des gens qui systématiquement discriminent certains individus par rapport à d'autres.

Par ailleurs, il y a peut-être un mérite quand même dans le rangement par niveaux, au moins il y a des responsables. Le gestionnaire est obligé de choisir, il y a un responsable qui prend une décision, c'est cela aussi, l'imputabilité. Ce qui n'est pas du tout le cas actuellement avec le choix par jury. Finalement, il n'y a personne de responsable, un jury, c'est toujours anonyme et neutre en apparence - et dans la plupart des cas j'espère que ça l'est - sauf que les gens qui se sentent pénalisés n'ont personne, ne peuvent pas toucher les véritables responsables de cette situation.

C'est le dernier commentaire pour le moment, je vais laisser la parole aux autres.

M. Harguindeguy: Je ne sais pas si vous me permettriez de préciser.

Le Président (M. Champagne): Oui, allez-y.

M. Harguindeguy: Quand j'ai donné l'exemple de notre membre à Sherbrooke, dans le premier concours, si le rangement par niveaux avait existé, le poste n'aurait pas été aboli parce qu'on aurait probablement nommé la deuxième ou la troisième personne qui avait été déclarée apte cette première fois. La deuxième fois, on a aboli le poste à nouveau parce qu'il n'y avait qu'une seule personne de qualifiée sur la liste qui était notre même bonhomme. Si le rangement par niveaux avait existé, j'ai l'impression que cela aurait été réglé parce qu'on aurait peut-être choisi le deuxième ou le troisième.

Quant à l'appel à la commission, je n'ai pas retrouvé ce pouvoir dans l'avant-projet de loi. Je n'ai pas retrouvé non plus, comme dans la loi actuelle, un pouvoir quelconque pour corriger les situations que la commission pourrait constater comme étant contraires aux dispositions de la loi ou de la réglementation. Si vous le retrouvez, j'apprécierais que vous me l'indiquiez, parce que j'ai une situation de fait où la commission, il n'y a pas si longtemps, a établi qu'un ministère a outrepassé - et pas le moindre, c'est le ministère de la Justice -le règlement. La commission a établi que c'était contraire à la loi et au règlement et le ministère n'a pas encore corrigé la situation. Je ne sais pas quel recours on pourrait avoir.

Mme LeBlanc-Bantey: J'en ai perdu un petit bout, je m'excuse. C'est vrai qu'il n'y a pas d'obligation, ou en tout cas de pouvoir donné à la commission de corriger des situations. Par ailleurs, la commission garde le pouvoir d'enquêter et de faire des recommandations sur le recrutement et la promotion, actuellement en tout cas.

M. Harguindeguy: Les recommandations, on sait ce. que cela vaut.

Mme LeBlanc-Bantey: Cela reste des rapports déposés à l'Assemblée nationale et avec des collègues comme celui de Louis-Hébert, à un moment donné, cela peut embarrasser un gouvernement, s'il a des appuis, effectivement.

M. Harguindeguy: Alors, on va se charger de vous embarrasser bien vite.

Mme LeBlanc-Bantey: Vous avez l'air d'être parti pour cela.

M. Harguindeguy: Ah, vous savez, même si l'été a été beau, la convalescence est parfois longue.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Louis-Hébert, à vous la parole.

M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le

Président. Les propos qu'on vient d'entendre confirment les inquiétudes que nous, de l'Opposition, avons à maintes reprises exprimées lors de l'étude des projets de loi auxquels on fait référence. Il n'y en a pas eu seulement un; il y en a eu une kyrielle, un train, qui, selon nous, devaient amener des résultats semblables à ceux qu'on connaît aujourd'hui et les conséquences ne sont pas surprenantes. La ministre fait faussement preuve - ou elle fait semblant de faire preuve - d'angélisme quand elle se dit surprise d'entendre des propos semblables à ceux qui sont tenus ici. Moi, cela ne me surprend pas du tout. C'est le contraire qui serait surprenant. Je pense qu'on ne peut pas amener la concertation qui est nécessaire, le consensus qui est désirable, avec des mesures législatives de la nature de celles qui ont été prises depuis un certain nombre de mois. Cela n'est pas surprenant qu'on soit méfiant du côté des employés. Cela n'est pas surprenant qu'on veuille se prémunir contre certains autres abus. Je pense que, là-dedans comme dans autre chose, chat échaudé craint l'eau froide. Même si on a beau dire qu'il n'y a rien dans ce projet de loi qui doive les inquiéter, après avoir passé par les lois 68, 70 et 111, etc., je pense que ce serait faire preuve d'une très courte mémoire de leur part que de ne pas se demander s'il n'y a pas de raison pour eux... Est-ce que mon collègue a l'intention de parler tout le temps comme cela, M. le Président, ou si cela va être mon tour?

M. Tremblay: Continue ta démagogie!

Le Président (M. Champagne): M. le député de Louis-Hébert a la parole. Je demanderais au député de Chambly d'attendre son droit de parole.

M. Tremblay: Je vais utiliser toute ma patience pour l'écouter.

M. Doyon (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. Je continue donc les propos que je tenais, sans avoir à les faire approuver d'aucune façon par le député de Chambly. Que cela lui fasse plaisir ou non, mes propos sont les suivants, M. le Président. Quand on sème le vent, on récolte la tempête; ce n'est pas surprenant. Qu'on se demande si le gouvernement n'a pas d'autres idées en tête après avoir été - et j'emploie le mot à dessein - matraqué comme on l'a été, je pense que ce n'est pas moi qui vais blâmer les gens qui sont devant nous actuellement. Je pense que le gouvernement aurait dû prévoir cela, parce que gouverner, c'est aussi prévoir. Il aurait dû prévoir qu'à un moment donné on aurait besoin de la collaboration, on aurait besoin de l'approbation, des conseils des gens qui sont les principaux collaborateurs de quelque gouvernement que ce soit. On a coupé des ponts; on l'a fait d'une façon brutale. Dans les circonstances, cela ne se reconstruit pas du jour au lendemain, des ponts. Il faut qu'on y mette le temps; il faut qu'on fasse des fondations. Et, quand on arrive avec un projet de loi comme celui-là et qu'on a des réactions qui ne sont peut-être pas les réactions que la ministre voudrait entendre, moi je n'en suis pas scandalisé.

Vous soulignez les inquiétudes, les préoccupations que vous avez en ce qui concerne les implications que peut avoir le rangement par niveau. Vous avez expliqué des cas pratiques. Et, moi, quand vous expliquez ces cas-là, je respecte énormément votre point de vue parce que vous vivez ces situations-là; vous les connaissez de première main; vous ne les inventez pas. Et, à partir de là, je pense qu'il faut en tenir compte. Il faut se demander s'il n'y a pas, derrière les cas que vous avez cités, des raisons pour examiner de plus près la question. Vous déplorez une absence de consultation. J'apprends ici ce soir que la consultation ne s'est pas faite du tout et je m'en étonne aussi. Cela me paraît pourtant élémentaire qu'on vous implique dans la préparation d'un projet de loi de l'envergure de celui qui est devant nous actuellement. Je regrette infiniment qu'on ait attendu la tenue d'une commission parlementaire sur l'avant-projet de loi au lieu de faire une consultation en bonne et due forme, de bonne foi, entre des gens qui méritent mutuellement le respect.

Le principe du mérite est un principe sacré; c'est un principe qui doit être défendu. Tout ce qui peut être perçu, à tort ou à raison, comme étant une atteinte au principe du mérite doit être dénoncé. La preuve incombe au gouvernement, qui est le maître d'oeuvre de ce projet de loi, de démontrer que d'aucune façon il n'y a atteinte au principe du mérite. Ce n'est pas à nous, de l'Opposition, ce n'est pas aux intervenants, ce n'est pas aux gens qui seront touchés par le projet de loi qu'incombe cette preuve. S'il y a danger, s'il existe une présomption, fondée ou pas, d'atteinte au principe du mérite, il vous appartient, Mme la ministre, en tant que responsable, de faire disparaître cette fausse impression.

Je n'ai pas été surpris mais j'ai été heureux d'entendre M. le président Harguindeguy dire qu'il était d'accord avec la disparition du ministère de la Fonction publique parce qu'il y voyait un intermédiaire inutile, qui n'a pas sa raison d'être. Cela rejoint un peu les remarques préliminaires que j'ai eu l'occasion de prononcer ce matin. L'avantage du projet de loi, malgré tous les défauts qu'il peut comporter actuellement, est qu'on saura au moins clairement qui est le "boss", qui mène et qui dit à qui quoi faire plutôt que d'avoir un ministère de la

Fonction publique que l'on déplore - je suis sûr que Mme la ministre a déjà eu l'occasion de le déplorer elle-même privément - qui est mis en tutelle par le Conseil du trésor. C'est ce qui s'est passé dans les faits. Vous avez été en mesure de le vivre. J'ai été témoin de cela lors des dernières négociations ou du "semblant" de négociations qu'il y a eu ces derniers mois.

Ce n'est pas normal que par une loi on crée un ministère de la Fonction publique et que, dans les faits, ce soit le Conseil du trésor qui dispose et qui impose ses vues au ministre de la Fonction publique. Au moins, à partir de là, sur ce principe, on saura à quoi s'en tenir. L'inquiétude qu'on doit avoir - et je suis sûr que vous la partagez - c'est: Est-ce que le Conseil du trésor va administrer les ressources humaines, c'est-à-dire les hommes et les femmes qui oeuvrent dans la fonction publique - vos membres - de la même façon qu'il administre les deniers publics, c'est-à-dire en faisant des colonnes, en soustrayant et en faisant des virements de fonds, etc., des opérations comptables? Quand on travaille avec des humains, on ne travaille pas avec des chiffres, on ne travaille pas avec des dollars, on ne travaille pas avec des fonds, purement et simplement.

Je pense qu'il faut se poser la question. On n'a aucune garantie que l'approche du Conseil du trésor sera différente, qu'elle ne sera pas aussi brutale qu'elle l'a été quand le président du Conseil du trésor nous a expliqué qu'il devait couper les salaires pour des raisons purement budgétaires, essentiellement financières, sans tenir compte du tout des effets de ces coupures sur le capital humain. Ce sont là des inquiétudes qui doivent être étudiées par la commission; ce sont les vôtres, j'en suis sûr. (21 h 15)

Je voudrais dire, en terminant, que nous allons considérer les remarques contenues dans le mémoire que vous nous avez soumis. Nous allons examiner de très près les préoccupations que vous manifestez dans ce mémoire et, en temps et lieu, nous verrons à ce que les améliorations qui doivent être apportées le soient de façon que, dans la mesure du possible, le gouvernement puisse être convaincu de faire les changements qui s'imposeront. Je veux vous remercier de votre travail et de vous être présentés ici ce soir. Soyez sûrs que, de notre côté, je n'étais pas au courant, je pense qu'il y a eu tout simplement un malentendu. Votre présence ici ce soir me fait plaisir, mais nous aurions pu vous recevoir à tout autre moment qui aurait pu vous convenir.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: J'ai beaucoup de choses à dire. Je voudrais d'abord dire à M. Harguindeguy ce que j'ai dit ce matin, pour situer un peu les questions et les commentaires que je vais avoir à faire. Ce matin, j'indiquais comment je voyais mon rôle à cette commission. J'ai dit que j'essaierais davantage de comparer l'avant-projet de loi avec le rapport de la commission et aussi les prises de position des groupes qui sont venus devant la commission à ce moment par rapport à celles qu'ils peuvent avoir maintenant. C'est donc à la lumière de tout cela que je vais faire les interventions et poser les questions que j'ai à poser sur votre mémoire.

Par ailleurs, mon lit est un peu fait. Après avoir lu votre mémoire deux fois - je l'ai relu tantôt pendant que vous faisiez votre présentation - j'ai remarqué qu'il y avait finalement beaucoup de points, de recommandations de la commission avec lesquels vous étiez d'accord. J'en ai remarqué, dans le fond, beaucoup plus à la deuxième lecture que la première fois, ce qui m'a fait peur un peu parce que j'ai pensé qu'aux yeux de certaines personnes, cela pourrait avoir comme effet de discréditer le rapport de la commission. Par la suite, je me suis dit: Peut-être qu'au moins on va se retrouver sur ce terrain.

Par ailleurs, il demeure des points de désaccord. Je vais commencer par le premier. Le premier, c'est celui du rangement par niveaux, évidemment. C'est une recommandation de la commission et je voudrais partir de l'exemple que vous avez donné. Dans le fond, les membres de la commission avaient examiné cela très sérieusement. Cette question, je pense, avait reçu vos représentations et celles des gestionnaires et l'exemple que vous avez donné, dans le fond, nous a été servi aussi à l'inverse. Autrement dit, j'ai pris connaissance, pendant les travaux de la commission, de la création de postes bidons. L'exemple que vous nous avez donné était le suivant: parce qu'on ne voulait pas nommer quelqu'un, on abolissait le poste et on laissait passer du temps; ensuite, on remettait le poste en fonction pour pouvoir en arriver à un premier choix qui fasse sinon notre affaire, du moins qui ne soit pas celui qu'on voulait éviter. C'est l'exemple que vous nous avez donné.

À la commission, des gestionnaires sont venus m'expliquer qu'il était arrivé parfois qu'on crée des postes de toutes pièces parce qu'on voulait avoir quelqu'un. L'exemple que j'ai toujours donné et que je continue de donner depuis ce temps parce que je l'ai trouvé superbe, c'est celui du poste d'agent de bien-être créé à Povungnituk. On a fait le concours et, effectivement, c'est quelqu'un de Québec qui s'est présenté. Il n'y en a pas des tonnes qui se présentent pour un poste à Povungnituk. J'avais compris cela vite aux

travaux de la commission. J'avais compris qu'il n'y en avait moins à Povungnituk qu'il y en a à Montréal quand il y a un concours. Évidemment, la personne qu'on voulait s'est classée première. Le lendemain, elle a demandé une mutation à Lévis et le poste à Povungnituk a été aboli. Vous pouvez avoir l'exemple à l'inverse. Autrement dit, peu importe le système - pourtant, c'était l'ancien système, il n'y avait pas le rangement par niveaux, on choisissait le premier - quelqu'un peut jouer avec le système. Il est sûr que cela va être difficile de trouver un système à l'abri de tout cela.

Par ailleurs, la commission avait remarqué aussi que l'application poussée un peu à l'absurde du principe du mérite, tel que conçu dans la loi 50, avait amené des éléments un peu aberrants, des coûts de concours et de nomination qui nous semblaient exagérés. On parle de traiter les fonctionnaires de façon juste; moi, je pense qu'on pourrait parler d'équité aussi. Quelle est la différence, quand il y a 11 000 personnes inscrites à un concours, entre celui qui s'est classé premier et celui qui s'est classé cinquième? Quand il y en a 11 000, évidemment, sur 11 000, il n'en reste pas 11 000, mais s'il y a eu 11 000 candidats il doit y en avoir 400 à 500 en dernier. Quand on les a tous numérotés de 1 à 500, en termes de compétence véritable, quelle est la différence entre le premier et le cinquième? Dans ce sens, cela nous semblait un assouplissement nécessaire.

Par ailleurs, on mettait des balises. On faisait des recommandations qui nous semblaient bien importantes. Évidemment, parce que vous préféreriez le système du rangement au mérite qui existait, vous ne les avez pas soulignées, mais je vous indique que je me battrais bien plus fort contre la possibilité pour le sous-ministre de fixer les conditions d'admission aux concours. Cela est un moyen, bien plus que le rangement par niveaux, de contrôler qui on veut. Autrement dit on trace le portrait, on fait la photo et ensuite on regarde autour de soi s'il n'y a pas quelqu'un qui correspond à la photo. C'est cela la permission de fixer les conditions d'admissibilité.

Deuxièmement, que ce soit jugé par un organisme qui dépend de l'Assemblée nationale. Il me semble que c'est vital, important et qu'on doit se battre là-dessus.

Troisièmement, les comités de sélection. On avait quand même, au niveau de la commission, un certain nombre de recommandations sur les mesures qu'on devait prendre pour assurer une plus grande impartialité et aussi une plus grande uniformité dans la façon dont se tenaient les concours et dont étaient faites les sélections. On avait donc des recommandations sur les jurys de sélection. Cela nous semblait un élément qui devait nous garantir davantage.

On avait aussi une recommandation qui disait que la commission devait avoir davantage de pouvoirs, entre autre le pouvoir de blâme, ce qu'elle n'a pas actuellement. Il est évident que c'étaient des recommandations qui faisaient mal. Dans un des projets qui nous ont été présentés, l'apparition de l'ombudsman là-dedans nous indiquait tout de suite quelle orientation un certain nombre de gestionnaires voulaient voir prendre aux concours. On sait que l'ombudsman ne fait que des recommandations, qu'il n'a aucun pouvoir de décision. C'est disparu maintenant dans l'avant-projet, mais cela a déjà été présent au moins dans la tête d'un certain nombre de personnes puisque cela a déjà paru dans un des projets qui ont circulé dans le décor.

Des mesures comme celles-là nous semblaient des garanties plus sérieuses et permettaient en même temps d'avoir le rangement par niveaux et d'éviter un certain nombre de situations absurdes dans lesquelles on s'était retrouvé. Ce que je voudrais savoir finalement... C'était notre position. Un homme peut toujours changer d'idée, mais on était sept. Il y avait aussi deux femmes. Il semble qu'elles changent plus difficilement d'idée.

Mme LeBlanc-Bantey: Pour M.

Harguindeguy, l'expérience n'a pas été si mauvaise avec une femme à la Fonction publique, finalement.

M. Harguindeguy: Pardon?

Mme LeBlanc-Bantey: Je dis que je pense que l'expérience de M. Harguindeguy n'a pas été si mauvaise avec une femme à la Fonction publique, finalement.

M. Harguindeguy: Je m'entends bien avec les femmes.

M. Bisaillon: Ce que je voulais savoir c'est... Je suis bien prêt à avoir des arguments pour changer d'idée, mais jusqu'à présent c'est là la position de la commission. Maintenant, les garanties dont je vous ai parlé et qui étaient dans le rapport de la commission ne sont pas dans l'avant-projet de loi. Ce que je voudrais savoir de votre part est ceci: Si elles étaient réinstallées dans l'avant-projet de loi, est-ce que votre opinion sur le rangement par niveaux pourrait être modifiée?

M. Harguindeguy: D'abord je pense que lorsque vous avez fait référence au poste de Povungnituk, c'est nous qui vous l'avions référé parce que là aussi c'était un de nos membres, malheureusement. Quant aux recommandations que vous avez formulées, la seule sur laquelle nous avons des objections, c'est peut-être quant à la composition du

jury de sélection, à savoir que le supérieur immédiat participe au concours, excepté lorsque c'est quelqu'un qui est dans le même secteur de travail, si je me remémore encore votre recommandation. Nous n'avons pas retenu celle-là parce que de tout temps nous nous opposons au fait que le supérieur immédiat soit participant au jury de sélection.

Quant à l'abolition de l'article 40 nous le demandons aussi - on n'a peut-être pas élaboré ce soir - à la page 17 du mémoire quand on parle de recrutement et promotion. On exige justement que l'article 40 tel que proposé soit éliminé, dans ce sens que nous aussi sommes opposés complètement à ce que le sous-ministre puisse établir les conditions d'admission, comme le prévoit l'article 40. Donc, de faire le portrait du candidat qu'il désire avoir à la suite d'un concours si on le demande. Vous l'avez à la section II, Dotation, dans les quatrième et cinquième paragraphes.

Quant à l'organisme indépendant nous demandons aussi que l'office ne relève pas d'un ministre... Plus loin, au niveau de l'Office des ressources humaines, on souhaite que l'office responsable de la dotation et de la tenue des concours ne puisse pas aussi déléguer autant qu'il le fait actuellement, parce que si on a certaines difficultés c'est que l'office a délégué, dans bien des ministères, la responsabilité de tenir des concours, donc de déclarer des personnes aptes. Là aussi le jeu du favoritisme commence à être intégré assez rapidement et on demande justement que l'office soit indépendant, qu'il relève de l'Assemblée nationale directement et non pas d'un ministre.

Quant à la commission, je pense que nous avons retenu essentiellement votre recommandation aussi. L'expérience nous a démontré qu'on souhaite que la commission conserve son mandat d'enquête et on veut également qu'elle puisse corriger des situations, chose qu'elle ne peut pas faire présentement. Je pense qu'essentiellement, mis à part le jury de sélection et le rangement par niveaux - on n'a pas encore été convaincus que c'était la meilleure chose à faire - quant sur le système, on est sensiblement proche de la recommandation de la commission puisque d'ailleurs, à la commission, on avait aussi indiqué essentiellement cette position, lorsqu'on avait comparu devant vous.

M. Bisaillon: Vous soulignez à la page 16 ou 17 de votre mémoire que vous seriez favorables à ce que les citoyens qui participent à des concours de recrutement puissent avoir aussi un droit de recours, le même genre de recours que les syndicats peuvent avoir devant le Tribunal du travail, c'est-à-dire une décision prima facie de la commission d'entendre ou de ne pas entendre et, si on entend, qu'on puisse donner un recours. Vous...

M. Harguindeguy: C'est l'une de vos recommandations aussi, si je ne m'abuse.

M. Bisaillon: Oui, c'était un point de similitude que je voulais souligner encore parce que j'arrive à d'autres points de divergence qui se trouvent d'ailleurs aux pages 14 et 15, à la page 15 surtout. C'est peut-être la digestion qui n'est pas encore faite, mais vous revendiquez des droits politiques. Vous demandez, en accord avec la commission là-dessus, que les fonctionnaires soient traités comme l'ensemble des citoyens et qu'ils aient les mêmes droits politiques que les autres citoyens. Là où je ne vous suis plus, là où j'ai de la difficulté à comprendre votre raisonnement - soyez assuré que je n'ai rien à gagner là-dedans, ce n'est pas ma convention que j'essaie de négocier; je ne suis pas fonctionnaire, je ne venais pas de la fonction publique et je n'ai pas d'intérêt à y retourner, je ne suis pas couvert par cela - mais je comprends votre position quand vous dites: d'une part, effectivement on est d'accord avec la commission pour dire que les fonctionnaires devraient avoir la possibilité de faire de la politique partisane.

En passant, M. le Président, je souligne que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec nous a posé un problème intéressant. Il nous dit: Dans le passé, il y a eu une attitude - qui était celle de la loi 50 - de dire que les fonctionnaires ne doivent pas faire de politique pendant les périodes électorales. Il y a eu une exception à cela pour le référendum où on a dit: oui, pendant une campagne référendaire, comme ce n'est pas partisan, les fonctionnaires peuvent participer. Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec nous pose la question: Qu'est-ce qui va arriver quand ce sera une élection référendaire?

Mme LeBanc-Bantey: C'était une bonne question.

M. Bisaillon: Est-ce que c'est selon la façon dont on va se brancher qu'on aura le droit ou pas le droit? C'est un problème intéressant et cela montre peut-être aussi jusqu'à quel point on essaie d'aller trop loin dans le projet de loi quand on essaie de catégoriser les moments où c'est fait, où c'est possible et les moments où ce ne l'est pas, comme si, de toute façon, les gens pouvaient arrêter de penser dans le temps et de sentir les choses comme ils le font. Là-dessus, nous sommes d'accord, sauf que je ne vous suis plus quand, par la suite, vous dites: Une fois que c'est fait, une fois qu'il a été

contaminé par l'Assemblée nationale, oublions tout cela. Alors que, de tout temps, les conventions collectives quand elles permettent que quelqu'un soit libéré pour une action, assurent qu'il reprenne son poste. Je vous soulignerai que la commission spéciale n'a jamais demandé qu'il y ait une réévaluation des fonctions ou du dossier quand il revient. La commission disait que, lorsqu'un fonctionnaire a été appelé à occuper des fonctions électives, donc quand il a siégé au Parlement, quand son mandat est terminé, soit parce qu'il le désire ou qu'on le désire à sa place; quand son mandat est terminé et qu'il revient dans la fonction publique, il revient à la catégorie d'emploi qu'il occupait et il fait comme tous les autres fonctionnaires. S'il pense qu'il a acquis une expérience valable au Parlement et une connaissance de l'appareil qui vaille la peine d'être mise de l'avant, il s'inscrit à des concours comme tous les autres fonctionnaires. Vous refusez même ce droit. Est-ce que je comprends que c'est la digestion ou si...?

M. Harguindeguy: Non. D'abord, au point de départ, c'est qu'on revendique un droit légitime de tout citoyen de faire de la politique. Notre impression, c'est que si, éventuellement, des fonctionnaires - parce qu'il semblerait que le motif principal, c'est qu'on veuille garantir aux citoyens l'intégrité des fonctionnaires lors d'une campagne électorale - notre prétention, c'est que si, effectivement, c'est la crainte du législateur, dans cette période, un fonctionnaire ne pourrait faire de la politique, alors qu'en d'autres temps, il peut en faire. Si on prend l'exemple de quelqu'un qui ferait effectivement de la politique pendant quatre ans, pendant un mandat du gouvernement, je pense que, dans l'idée des citoyens, c'est acquis que tel ou tel fonctionnaire est déjà identifié à un parti politique et qu'il fait donc de la politique. Ce n'est pas parce qu'on va l'empêcher dans une loi de faire du travail partisan pendant 40 ou 50 jours que cela va changer quelque chose dans la perception du citoyen qui reste dans le village de "Saint-Clin-Clin". Cela ne change absolument rien. (21 h 30)

Je pense qu'en 1983 les gens ont évolué et acceptent le fait qu'éventuellement il y ait des gens qui fassent de la politique à tous les niveaux. D'autre part, on représente une catégorie d'employés qui n'a peut-être pas les moyens de faire de la politique. C'est peut-être pour cela qu'essentiellement, chez nous - parce que cela coûte de l'argent d'en faire - même au niveau municipal, il n'y a pas de retour à long terme. Lorsque quelqu'un se présente comme maire d'une municipalité à temps plein, c'est un premier mandat et la personne conserve un droit de retour; après le deuxième, elle doit démissionner. Cela n'est pas une nécessité pour nous sauf qu'on se dit: Si, à la rigueur, le gouvernement décide d'accorder ce droit à l'ex-fonctionnaire qui revient dans la fonction publique, on désire - en fait, c'est le point le plus important - que le reclassement ou le classement qu'a attribué l'office tel que prévu par le présent avant-projet de loi ne soit pas une promotion, à moins que ce ne soit à la suite d'un concours auquel on accorderait l'admissibilité aux autres fonctionnaires. Notre principale préoccupation est à ce niveau-là. C'est autant pour le personnel des cabinets de ministres que pour d'autres. Car on vit, à l'heure actuelle, des expériences où des gens font l'objet d'un nouveau classement qui correspond pour eux à une promotion et qui pourrait correspondre à une promotion pour d'autres, mais auquel nos membres n'ont pas la possibilité de s'inscrire.

La question de libération n'est pas notre principal sujet; chez nous, ce n'est pas de cela qu'on discute. Les gens veulent pouvoir participer éventuellement - quelques-uns du moins - exercer leurs droits de citoyens et exprimer leurs choix.

M. Bisaillon: Un autre sujet, si vous me le permettez, M. le Président, à la page 14. Lorsque vous mettez de l'avant les éléments "pour une cause juste et suffisante", qui apparaissent dans l'avant-projet de loi, vous dites, à la page 15: "Cette disposition est contraire à celle prévue à notre décret." J'aimerais que vous m'expliquiez cela.

Par ailleurs, vous semblez vous inquiéter de la formulation "pour une cause juste et suffisante". J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi, car il me semble que, dans les relations de travail, il y a une longue jurisprudence qui détermine ce qu'on veut dire quand on dit "pour une cause juste et suffisante". C'est comme lorsqu'on dit qu'un arbitre se prononce selon l'équité et la bonne conscience: on n'a jamais cherché la définition dans le dictionnaire, mais on sait ce que cela veut dire.

M. Harguindeguy: Jusqu'à présent les congédiements étaient considérés comme des mesures disciplinaires alors que l'avant-projet de loi fait en sorte que le congédiement, la destitution ou la révocation devient une mesure administrative. On pourra donc congédier pour une cause juste et suffisante, mais qui n'est pas un motif de discipline. Jusqu'à présent, il y a toujours eu un motif, c'est-à-dire un manquement à un devoir quelconque du fonctionnaire, soit au niveau de l'assiduité ou à un autre, qui amène le congédiement. Il y a déjà une base et la jurisprudence est là pour démontrer que, sur les aspects disciplinaires, on sait de quoi on parle. S'il s'agit de mesures administratives,

qu'est-ce que sera un congédiement pour une cause juste et suffisante? Est-ce que c'est un surplus de personnel? Dans ce cas-là en particulier, on parle de rétrogradation, l'exemple qu'on donne est la rétrogradation. Actuellement, un employé peut être rétrogradé uniquement parce qu'il est incapable d'exercer physiquement ou mentalement les attributions de sa classe d'emploi ou qu'il est incompétent dans l'exercice de ces attributions. C'est déjà limité, dans le décret, au niveau des motifs pour lesquels on peut rétrograder quelqu'un. Dans la convention que nous avions négociée, sur cette partie-là, on s'était entendu, on a paraphé les articles. Nous avons négocié la possibilité de rétrogradation pour ces motifs il y a de nombreuses années, mais elle est limitée à ces motifs-là. L'avant-projet de loi permettrait de rétrograder "pour une cause juste et suffisante" qui pourrait être autre chose que cela. Nos décrets ne prévoient pas, non plus, de recours pour une rétrogradation pour une cause juste et suffisante. Ils prévoient un recours pour des motifs de rétrogradation pour incompétence ou incapacité.

M. Bisaillon: Cela m'amène, M. Harguindeguy, à vous poser une autre question. Vous venez d'utiliser trois termes qui, dans le langage populaire, se diraient de la même façon: II est dehors. Dans la fonction publique, on a des termes différents selon les circonstances dans lesquelles cela se produit. L'effet est toujours le même, la personne perd son job. On demandait tantôt que, dans le régime syndical, ce soit ajusté à ce qui se fait pour l'ensemble des autres travailleurs et travailleuses.

Dans l'avant-projet de loi - cela le reprend essentiellement, sauf que cela ajoute un peu - tout le processus de nomination qu'on pourrait relier au processus de détermination de la permanence et de la fin de la période de probation, vous ne trouvez pas que c'est une procédure inutile? L'acte de nomination, je n'ai jamais vu cela en relations de travail. La convention collective détermine comment quelqu'un est engagé et, une fois qu'il est engagé, la date de son début d'emploi, c'est son chèque de paie qui la dit. Quand la convention dit: La permanence est acquise après un an, s'il a eu son chèque de paie le 15 décembre, le 15 décembre de l'année suivante, il n'y a pas besoin que quelqu'un trempe sa plume dans l'encre pour dire: Vous avez votre permanence; il l'a de façon automatique. Ici, il y a toute une procédure, qui était dans l'ancienne loi, et qui fait qu'on fait des différences dans le fonctionnement de quelque chose qui devrait être très simple en relations de travail. Un acte de nomination, un acte pour chaque déplacement, le sous-ministre qui va être obligé d'écrire à chaque fois qu'il va y avoir un changement d'emploi. Alors, si quelqu'un entre dans la fonction publique, vous lui écrivez pour lui dire: Vous êtes là. Il est censé le savoir, il a son chèque de paie. De plus, à chaque fois qu'il change d'emploi, on lui écrit pour lui dire qu'il a changé d'emploi; s'il ne le sait pas encore, c'est qu'il ne devait peut-être pas être changé d'emploi.

M. Harguindeguy: Pour avoir le chèque, cela prend le papier.

M. Bisaillon: C'est cela, mais il me semble que vous encouragez cette procédure jusqu'à un certain point. Seriez-vous d'accord que tout cela disparaisse, que ce soit soumis aux conventions collectives et aux règles normales des relations de travail?

M. Harguindeguy: Oui, d'ailleurs...

M. Bisaillon: Pourquoi fait-on ces différences dans la fonction publique?

M. Harguindeguy: II faut quand même dire qu'en pratique, il y a bien des écrits qui sont censés être existants et qui ne le sont pas. C'est pour cela qu'on ne s'en occupe pas, on a d'autres sujets plus importants à traiter. S'il faut faire du texte pour faire du texte, ce n'est pas grave. Par exemple, les écrits donnant la permanence après un an de service, très peu de nos employés l'ont; automatiquement, dès le moment où l'employé reste à l'emploi, il sait qu'il a sa permanence, donc il n'y a pas besoin d'un écrit. Si éventuellement il était congédié, si le ministère voulait s'essayer pour dire: On ne lui a jamais écrit lui disant qu'il avait sa permanence, je pense que, sur la base de nos décrets ou de nos conventions collectives, on arriverait à le défendre adéquatement. Sauf que les autres papiers, les actes de titularisation sont malheureusement nécessaires, semble-t-il, pour des motifs administratifs. Il n'y a pas de chèque qui sort si le papier n'est pas là.

M. Bisaillon: Est-ce que ce ne serait pas à cause de cela qu'on a des gens qui sont dans la fonction publique - c'est un état de fait, on a vu cela pendant les travaux de la commission - depuis cinq ans, à temps plein, qui n'étaient pas des employés permanents et qui ne pouvaient pas l'être parce qu'il n'y avait pas eu d'acte de nomination? Autrement dit, si la loi dit: Cela prend un acte de nomination et qu'il n'y en a pas eu...

M. Harguindeguy: II y en a. Dans notre syndicat, nous avons au moins 5000 personnes qui n'ont jamais été nommées légalement en vertu de la loi et qui sont protégées par nos conventions collectives. C'est ce qu'on

appelle chez nous les irrégulièrement nommés; les ouvriers qui étaient nommés en vertu de la première loi, avant 1966, n'ont jamais fait l'objet d'une nomination légale en vertu des lois existantes. D'ailleurs, c'est pour cela qu'on réclame une disposition transitoire pour régulariser la situation une fois pour toutes.

M. Bisaillon: M. le Président, j'ai pris un peu de temps. J'ai encore des questions, alors je pourrais peut-être permettre à quelqu'un d'autre de prendre la parole et revenir après.

Le Président (M. Champagne): Allez, tout le monde écoute avec beaucoup d'intérêt.

M. Bisaillon: À la page 13, M. Harguindeguy...

Une voix: ...

M. Harguindeguy: Est-ce que je dois dire merci?

Une voix: ...

M. Harguindeguy: Merci.

M. Bisaillon: ...vous faites référence aux employés - justement ce dont vous venez de parler - nommés irrégulièrement. Combien avez-vous dit qu'il y en avait?

M. Harguindeguy: Environ 5000.

M. Bisaillon: Actuellement, il y en a 5000?

M. Harguindeguy: Grosso modo; on n'a pas l'inventaire exhaustif, mais ce sont tous ceux qui auparavant ont été nommés comme ouvriers, qui n'avaient pas fait l'objet d'un écrit du ministre, tel que le prévoyait la loi, et qui ont acquis leur permanence ou leur sécurité d'emploi par les dispositions de la convention collective. Il y a d'ailleurs une disposition particulière à cet effet dans nos conventions.

M. Bisaillon: À la page 12, c'est ce que vous voulez dire quand vous dites que la présente loi s'applique aux personnes admises dans la fonction publique en vertu d'une loi antérieure?

M. Harguindeguy: C'est peut-être une question de clarification du texte, parce qu'on dit que ce sont ceux qui sont admis en vertu de la présente loi - alors l'article 1 -qui sont nommés suivant celle-ci - c'est-à-dire l'avant-projet de loi - ainsi qu'aux personnes admises dans la fonction publique en vertu d'une autre loi. C'est pour clarifier, c'était une loi antérieure sur la fonction publique. C'est juste une question de précision.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Chambly? Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais revenir un peu sur ce que le député de Louis-Hébert a dit tout à l'heure. Il me permettra d'y revenir. Je pense que je n'ai jamais laissé entendre que je n'étais pas consciente des difficultés de climat qu'avaient pu créer les dernières négociations entre les différentes associations syndicales et le gouvernement. Je ne me suis jamais gênée de dire publiquement et à plusieurs reprises, depuis plusieurs mois, que, si fondamentalement je demeure convaincue que le gouvernement n'avait pas le choix, il se pourrait que, sur les manières, on aurait pu en trouver, disons, de moins brutales que celles auxquelles on a dû avoir recours à plusieurs reprises. Cela étant dit, je trouve que le député de Louis-Hébert devrait déjà se prononcer sur les attitudes de son futur chef qui nous promet déjà, lui, un marteau automatique, autrement dit le genre de législation qu'on a dû faire, mais permanente. Ce serait intéressant de savoir ce qu'il en pense au lieu de prétendre que c'est excessif et qu'on ne devrait jamais avoir recours à ce type de comportement avec nos syndiqués. Il faudrait savoir à quel étage vous logez. Ce serait important, je pense, pour nos associations, d'avoir tout de suite un aperçu de ce que vous proposeriez, vous, si vous étiez dans un gouvernement avec votre futur chef.

Je voudrais aussi revenir sur la mise en tutelle du Conseil du trésor. J'ai dit ce matin que les responsabilités qu'occupait le Trésor en matière de gestion des ressources humaines étaient des responsabilités qui lui avaient été confiées par la loi 50, tant sur l'acceptation des règlements formulés par la fonction publique que sur la négociabilité de certaines choses, que ce soit la question salariale ou autre chose. Je crois que le Trésor, compte tenu de la formulation de la loi 50, n'avait pas d'autre choix que d'agir comme il a agi au cours des dernières années en termes de chevauchement de responsabilités entre le Conseil du trésor et le ministère de la Fonction publique.

Je vais revenir un peu à M. Harguindeguy. Vous laissez entendre à plusieurs reprises que l'avant-projet de loi est là pour augmenter les pouvoirs de la gestion d'une façon, à votre avis, excessive. Ce qui ne ressort pas clairement de votre intervention... D'abord, je ne sais toujours pas si vous êtes d'accord en soi avec un principe d'imputabilité, qu'importent les balises qu'on pourrait y mettre éventuellement pour éviter des abus; cela,

c'est un aspect. L'autre aspect, c'est que je comprends que vous êtes en gros contre la déréglementation, que vous avez peur des abus, que cela peut être insécurisant compte tenu de certains abus auxquels vous avez eu à faire face par les années passées ou même actuellement. Mais, est-ce que vous, si l'avant-projet prévoyait de la réglementation sur des matières non négociables, tel que cela existe actuellement dans la loi 50, cela vous rassurerait un petit peu, en attendant, bien sûr, les conclusions de ce qui viendra du comité qui a été mis sur pied par le Comité des priorités pour analyser toute la réforme du système de négociations?

M. Harguindeguy: Je préférerais, avant de répondre, attendre les résultats de l'étude du Comité des priorités. Je ne voudrais quand même pas que ma réponse puisse être considérée comme étant un accord sur des pouvoirs réglementaires sur les matières non négociables actuelles, puisqu'on revendique qu'elles soient toutes négociables. D'ailleurs, dans le mémoire, on indique qu'on souhaiterait qu'il y ait le moins de règlements possible et que, s'il y a des règlements, qu'ils aient l'accord des parties. Je pense qu'au point de départ cela situe un peu nos revendications à ce sujet. On estime que tout ce qui concerne la gestion des employés devrait faire l'objet d'un accord entre les parties, que ce soit à l'intérieur d'une convention collective ou par une autre méthode. Quant à nous, c'est cela.

Mme LeBlanc-Bantey: Honnêtement, il faudrait dire maintenant que tant votre position que celle du Syndicat de professionnels sont très claires et continues depuis de très nombreuses années.

M. Harguindeguy: Oui.

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne pense pas que la question que je vous pose présuppose un accord de votre part avec le régime syndical tel qu'il existe. Ce que je dis, c'est qu'en attendant les conclusions de cette commission, si l'avant-projet de loi contient les mêmes dispositions réglementaires que celles de la loi 50, est-ce que cela pourrait, à votre avis, limiter ce que vous décrivez comme des abus de gestion ou, en tout cas, un plus grand pouvoir pour les gestionnaires dans l'avant-projet? (21 h 45)

M. Harguindeguy: Cela présupposerait que les règlements qui seraient éventuellement mis en vigueur feraient l'objet d'une consultation et d'une publication dans la Gazette officielle, comme c'est prévu à l'article 126 de l'avant-projet de loi, chose qui n'est pas prévue pour les règlements, les décisions ou les directives du Conseil du trésor. À l'heure actuelle, même l'avant-projet de loi est totalement muet sur cet aspect de la vulgarisation des directives ou des décisions du Conseil du trésor. Comme c'est quand même lui qui est le principal responsable de la gestion, il me semble que la transparence devrait exister.

Quant à l'imputabilité, quant à nous, il va de soi que les fonctionnaires sont responsables. On n'a pas besoin d'une loi pour nous le dire. Quand on est embauché, c'est pour faire un certain travail. Si l'employé ne rend pas compte de ses actes, il y a, à ce moment-là, des pouvoirs disciplinaires comme dans toute entreprise. Dans une entreprise privée, il n'y a pas de loi pour dire que le gérant est responsable de telle chose et que tel employé est responsable de telle autre chose. C'est évident à sa face même. C'est pour cela que, sur les principes des articles 2 à 6, c'est difficile de faire des commentaires sinon de dire qu'on est tous pour la vertu, même si parfois il y en a qui pratiquent le vice. Mais que voulez-vous? Il me semble que cela va de soi.

Un sous-ministre, même si vous ne le dites pas de cette façon, est responsable. Le gestionnaire, l'attaché ou l'agent d'administration, l'agent de maîtrise est aussi responsable. Il doit rendre compte du fonctionnement de son secteur de travail. Je pense que la loi n'a pas besoin de le dire pour que ce soit évident. C'est pour cela qu'on n'a pas parlé tellement sur l'imputabilité. Depuis que je suis fonctionnaire, j'ai pensé que c'était vrai. Il faut croire que ça ne l'était pas jusqu'à présent.

Mme LeBlanc-Bantey: En tout cas, il n'était pas clair que ça l'était.

M. Harguindeguy: Non?

Mme LeBlanc-Bantey: Voilà la raison pour laquelle on a cru bon de l'inscrire comme un des principes qui doit orienter l'avant-projet.

M. Harguindeguy: Nos statuts, au syndicat, ne précisent pas que l'imputabilité existe chez nous. Si je ne fais pas mon job, j'ai l'impression que je ne serai pas là longtemps.

Mme LeBlanc-Bantey: On ne discutera pas... Je ne voudrais pas entrer...

M. Harguindeguy: Je fais la même transposition au niveau de la fonction publique. À mon sens, quand on engage quelqu'un, il a des comptes à rendre. Il me semble que vous ne payez personne à rien faire. Vous ne devriez pas, en tout cas.

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais

revenir sur les programmes d'accès à l'égalité. Je pense que vous portez un jugement assez dur. Je suis la première à reconnaître qu'on n'a pas réglé tous les problèmes d'accès à l'égalité dans la fonction publique. Par ailleurs, au-delà de ce que contient la loi, je pense qu'il faudrait quand même que vous admettiez qu'il y a eu, de la part des comités responsables de l'application des programmes d'égalité en emploi, surtout en ce qui concerne les femmes, des actions qui, si elles n'ont pas fait progresser spectaculairement la cause des femmes, ont tout au moins réussi à la faire progresser et, dans certains cas, ont doublé, depuis son application, les représentations, par exemple, au niveau des postes de gérance ou autres. Je crois que, quand on sortira le bilan officiel, ce ne sera pas un bilan aussi désespérant que vous le laissez entendre.

Par ailleurs, je ne voudrais pas entrer dans cette discussion, mais je voudrais vous poser une question. Est-ce que vous admettez quand même qu'on a franchi un pas dans la dernière négociation sur la négociabilité des programmes d'accès à l'égalité? Il me semble que, dans vos conventions collectives maintenant, tout au moins pour certaines matières négociables, nous sommes tenus de négocier avec le syndicat certaines mesures ou certains aspects des programmes d'accès à l'égalité.

M. Harguindeguy: Oui, sauf qu'à défaut d'entente, c'est le gouvernement qui décide et la décision que vous prenez ne peut avoir comme conséquence d'amoindrir les conditions existantes. Il est vrai que c'est un mandat de négocier, mais quand même avec une certaine limite. On n'a pas le même droit de négocier que les autres travailleurs du Québec. Je serais porté à croire, si j'adhérais à l'orientation envisagée par le gouvernement... C'est peut-être dans un autre domaine, mais je pense qu'il est essentiel de l'énoncer. Le gouvernement a déposé le projet de loi 18 pour créer la Société immobilière du Québec. En fait, on veut l'exclure de l'application de la Loi sur la fonction publique selon le principe qu'elle doit être plus efficiente, n'étant pas dans la fonction publique, à cause de la lourdeur administrative.

Si c'était le cas, je serais tenté de dire: Dans ces cas, abolissons la Loi sur la fonction publique au complet et faisons en sorte que les ministères soient assujettis au Code du travail. Cela va correspondre à une revendication, en fait, même depuis le début de notre existence. Pourtant, on va sans doute nous dire que ce n'est pas le cas que, pour être efficient à la fonction publique, cela prend une loi. Cela prend l'imputabilité, des pouvoirs aux gestionnaires. Donc, cela présuppose que les sociétés autonomes aussi pourraient être dans ce même groupe. Il y a certaines contradictions, certaines incohérences avec lesquelles on peut difficilement, à l'heure actuelle, transiger. Il y a des choses qu'on recherche, des motifs réels qui amènent certaines modifications qui sont envisagées, auxquels je n'ai malheureusement pas de réponse et qui concernent pourtant les mêmes personnes.

Quant au programme de l'égalité à l'emploi, qu'est-ce que vous voulez? Là aussi, vous avez décidé que la Charte des droits et libertés de la personne ne s'appliquait pas à vous, en tant que gouvernement. L'imposition que vous en faites aux autres employeurs du Québec... Dans votre cas, c'est le gouvernement qui décide des programmes. On n'a pas de recours quant aux programmes, s'il y en a ou s'il n'y en a pas, bien appliqués, mal appliqués, quant au choix, si on crée du favoritisme, en fait, du patronage quant au choix des personnes, même si ce sont des femmes. Les autres n'ont pas de recours. Ce sont quand même des situations qu'on vit depuis toujours. On essaie, malgré tout, on revient. Un jour, peut-être qu'on va arriver à se faire comprendre ou entendre. En tout cas, on le souhaite.

Mme LeBlanc-Bantey: Ce que vous dites est contradictoire. Vous me dites: Vous n'en faites pas assez pour les programmes d'accès à l'égalité. D'un autre câté, vous me dites qu'on fait du patronage, même pour les femmes. Si vous me dites que mon rangement par niveau risque de faire du patronage pour les femmes, les membres des communautés culturelles et les personnes handicapées, je dis oui, je suis pour le patronage. Oui, je suis pour un patronage qui ne discrimine pas systématiquement, comme c'est le cas actuellement, les clientèles visées par l'accès à l'égalité. Dans ce sens, je vais être très réceptive et très honnête, quand vous me dites que oui, on n'en fait pas assez.

D'un autre côté, il faudrait que les autres, autrement dit les hommes, puissent contester des décisions qui favorisent ces clientèles. On l'a vécu, vous me permettrez de le rappeler, parce que je ne l'ai pas encore tout à fait digéré; c'est pour cela que j'accepte difficilement que vous me fassiez la leçon. Je pense que, là-dessus, vous allez comprendre parce qu'on a vécu un cas de perfectionnement dans un ministère où on avait fait débloquer de l'argent pour le perfectionnement des femmes dans la fonction publique. Première nouvelle: on avait une injonction que le Syndicat des fonctionnaires défendait parce que des gars trouvaient que c'était inéquitable que juste les femmes aient du perfectionnement et non les gars. Si on laisse ce genre d'équilibre, on ne s'en sortira jamais. C'est clair que, majoritairement, les hommes dans la fonction publique, surtout dans une période où les

promotions sont rares, où le recrutement est rare, laissent toutes les portes ouvertes pour détruire systématiquement les mesures qu'on tente de mettre de l'avant dans les programmes d'accès à l'égalité.

M. Harguindeguy: Lorsque je parle de patronage, Mme la ministre, ce n'est pas de patronage en favorisant des femmes au détriment des hommes. Au contraire, ce n'est pas cela. Même à l'heure actuelle, dans les programmes d'accès à l'égalité qui sont prévus uniquement pour les femmes, du patronage s'effectue. J'espère en tout cas que, sur celui-là, vous vous opposez au fait qu'il puisse y avoir du patronage, qu'on favorise des femmes au détriment d'autres femmes.

Quant à l'injonction, je suis bien aise d'en parler, cela a amené le gouvernement... Parfois on est rendu, même dans le domaine des relations de travail, à faire appel à la justice pour régler nos problèmes. En principe, les termes "relations de travail" présupposent qu'il y a des discussions et on doit essayer de s'entendre. C'est cela le principe des relations. Le fait d'avoir une injonction vous a au moins forcés à amender des lois pour légaliser les programmes que vous faisiez parce qu'ils étaient contraires aux dispositions de la charte. Cela a au moins eu cela comme résultat concret. Cela a légalisé les programmes d'accès à l'égalité à l'emploi dans la fonction publique. Comme l'injonction récente qu'on a déposée en cour a aussi permis de régulariser une situation qui, à notre sens, y était contraire. Mais c'est quand même malheureux qu'on soit obligé de se ramasser devant la cour pour essayer de s'entendre. Ne croyez-vous pas que ce serait logique qu'on le fasse en d'autres lieux que devant les cours de justice? On laisse à des tiers le soin de déterminer nos relations.

C'est sûr...

Mme LeBlanc-Bantey: Idéalement...

M. Harguindeguy: On a de l'argent pour y aller, on en a encore un petit peu, mais ce n'est quand même pas normal.

Mme LeBlanc-Bantey: Idéalement, c'est clair, sauf que je ne pense pas que le problème soit aussi simple que cela. Je vais quand même fermer la parenthèse.

Je dois terminer. J'ai terminé. Je vais simplement faire un commentaire en terminant. Vous soulignez encore une fois, un peu en parallèle avec les commentaires que vous avez faits sur la non-consultation, que c'est un avant-projet de loi. La raison pour laquelle nous avons justement voulu vous consulter sur un avant-projet de loi, c'est que nous étions fort conscients que nous n'avions pas fait la plus large consultation possible eu égard finalement aux différents intervenants et aux différents intérêts qu'ont les intervenants par rapport à une loi comme celle-ci. Dans ce sens, on a écouté vos remarques avec beaucoup d'attention. Je pense qu'il y a des choses qui méritaient d'être soulignées. Nous allons tenter, dans la mesure du possible, de calmer les inquiétudes que vous pourriez avoir quant à une gestion de la fonction publique qui risquerait d'être inéquitable pour les syndiqués, bien sûr en mettant dans la balance aussi les objectifs que nous visons qui sont le service aux citoyens et en même temps une plus grande efficience dans la mesure du possible.

Je vous répète que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt certaines choses et j'espère que nous aurons l'occasion d'en discuter encore jusqu'au dépôt du projet de loi.

M. Harguindeguy: Je le souhaite. Nous sommes totalement disposés aussi, s'il y a d'autres rencontres qui sont nécessaires en dehors de ces lieux sacrés, pourrait-on dire, à vous rencontrer. Le seul souhait que je peux exprimer, c'est, le cas échéant, s'il n'y avait pas d'autres consultations, qu'à tout le moins, sur la base du projet de loi que vous allez déposer, on ait la possibilité de se faire entendre en commission parlementaire. Je ne voudrais pas, si l'un de vos prédécesseurs décide qu'il n'y a pas nécessité d'avoir une commission parlementaire sous le prétexte que vous nous avez consulté... Vous savez à quoi je fais référence. Quand il y a eu la commission parlementaire sur le projet de loi 53, il a été retiré...

Mme LeBanc-Bantey: Qui, aujourd'hui, est mon prédécesseur? C'est ce que je ne comprends plus.

M. Harguindeguy: On essaie quand même de retirer le bon de ceux qui vous ont précédée, en souhaitant faire pareillement avec vous, pour ceux qui vous suivront. Sauf qu'avec la loi 50, on n'a pas eu l'occasion de se faire entendre; on n'a pas eu non plus l'occasion de se faire entendre sur les projets de loi 12, 22 et 68. Je voudrais qu'au moins, sur le projet - le projet de loi 111, encore moins; celui-là, je n'en parle pas; je ne veux pas tourner le couteau dans la plaie pour qu'au moins la cicatrice reste fermée -on puisse avoir l'occasion d'en discuter. Ce sont les seules occasions qui nous sont données de parler à nos vrais patrons, qui sont le gouvernement et l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Champagne): Au nom des membres de la commission parlementaire, on vous remercie de vous être présentés devant cette commission.

M. Harguindeguy: C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Champagne): Merci.

M. Bisaillon: Est-ce que je pourrais savoir, M. le Président, le menu de la journée de demain?

Le Président (M. Champagne): Oui, c'est cela. J'étais pour l'annoncer ou, du moins, j'ajournais les travaux à demain après-midi, 14 heures. Je répète: La commission élue permanente de la fonction publique ajourne ses travaux jusqu'à demain après-midi, 14 heures, ici même. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 57)

Document(s) associé(s) à la séance