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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 30 mai 1990 - Vol. 31 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits de l'Office franco québécois pour la jeunesse


Journal des débats

 

(Douze heures douze minutes)

Le Président (M. Kehoe): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare la séance ouverte. Je rappelle le mandat de la commission: c'est de procéder à l'étude des crédits budgétaires concernant le ministère des Affaires internationales, programme 1, élément 4, Office franco québécois pour la jeunesse, pour l'année financière 1990-1991. Je demande à la secrétaire d'annoncer les remplacements.

La Secrétaire: Oui, M. le Président, M. Blais (Masson) est remplacé par M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques).

Le Président (M. Kehoe): Je rappelle que l'enveloppe prévue pour l'étude des crédits, c'est une heure. Excusez-moi, je pense que...

La Secrétaire: Alors, M. Broulllette (Champlain) remplace M. Dauphin (Marquette).

Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme la secrétaire. J'invite le ministre, s'il a des remarques préliminaires à faire... Compte tenu du fait qu'on a seulement une heure pour étudier les crédits, j'espère que ce sera assez court. Si vous avez des remarques préliminaires, M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Guy Rivard

M. Rivard: Effectivement, M. le Président. Je vous remercie, chers collègues de l'Assemblée nationale. Je voudrais d'abord présenter les gens qui m'accompagnent. J'ai à ma droite M. Denis Ricard, qui est sous-ministre adjoint aux Affaires internationales, responsable des affaires françaises et multilatérales, et, à ma gauche, M. Gilles Éthier, mon directeur de cabinet; derrière moi, M. René Leduc, qui est directeur de la francophonie, M. Pierre Simard, qui est secrétaire exécutif de l'Agence Québec-Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse, et, immédiatement derrière, M. André Maltais, qui est secrétaire général pour l'Office franco québécois pour la jeunesse.

L'exercice éminemment démocratique auquel nous sommes conviés aujourd'hui constitue une première. En effet, c'est la première fois qu'un ministre délégué à la francophonie défend en cette enceinte les crédits que le gouvernement a jugé bon d'affecter à cet aspect fondamental de notre politique en affaires internationales. Après la France, le Québec est le deuxième à confier la responsabilité de la francophonie à un membre du gouvernement. En cela, notre premier ministre a mis en action ce qu'il faisait dire au lieutenant-gouverneur à l'ouverture de la présente session, et je cite: "Nous allons travailler à consolider l'espace francophone international."

Pourquoi ce ministre est-il rattaché au ministère des Affaires internationales? Tout simplement parce que la nature même du dossier s'y prête et que, d'ailleurs, la loi 42, relative aux Affaires internationales, prévoit textuellement que ce ministère favorise le renforcement des institutions francophones internationales auxquelles le gouvernement participe en tenant compte des intérêts du Québec. Ainsi, parce que la francophonie est un atout majeur pour le Québec et parce que le Québec est, à son tour, un atout pour la francophonie, la décision du chef de notre gouvernement constitue une décision politique importante, et elle est perçue comme telle par l'ensemble de nos partenaires de l'espace francophone. Ces derniers ont compris que ce gouvernement prenait la francophonie au sérieux et qu'il savait agir dans le sens des véritables intérêts de tous les membres de cet ensemble de 40 pays et gouvernements. La nomination récente de M. Ronald Poupart comme représentant personnel du premier ministre au Comité international du suivi des sommets, comme sherpa, fut également perçu par nos partenaires comme un geste significatif.

Cette francophonie, quelle est-elle, au juste? Quelles réalités concrètes y retrouve-t-on? Le premier ministre Robert Bourassa, lors du Sommet de Québec, en 1987, on s'en souviendra, décrivait la francophonie comme étant "une affaire de coeur, une entreprise de raison et une voie d'avenir." Voilà, M. le Président, une belle et riche façon de dire la francophonie dans ce qu'elle fut dès son origine, dans ce qu'elle est devenue et dans les espoirs que nous mettons en elle.

Oui, une affaire de coeur, celle de ces journalistes, de ces écrivains, de ces universitaires, de ces gens de science qui, liés par une langue, une histoire, une culture et des valeurs, ont partagé leurs intuitions, leurs convictions, leurs différences. Tous ces gens de vision, tous ces gens d'action ont cru en la convergence des possibilités. Leur adhésion ferme au rêve qui les habitait a donné le souffle nécessaire à l'établissement d'un nouvel espace, celui de la francophonie.

Les belles histoires de coeur sont évidemment celles qui durent et portent fruit. Aujourd'hui, encore et davantage, nous pouvons sentir l'amitié fraternelle de ceux qui partagent avec nous langue et défis. J'en veux pour preuve la chaleur de l'accueil de mes collègues belges que

j'ai pu ressentir encore il y a quelques jours à peine à Bruxelles. Cette chaleur, je l'ai perçue aussi chez mon homologue français, M. Alain Decaux, chez ses collaborateurs, chez les ambassadeurs africains, que j'ai rencontrés à Paris et ici-même au Québec, et chez ces nouveaux amis roumains, rencontrés récemment à Bucarest. Et cette chaleur, M. le Président, nous la découvrons aussi dans les régions du Québec dont j'ai entrepris la tournée. Lorsqu'on parle de francophonie dans ces régions, les regards s'illuminent. Le coeur y est pour bâtir le monde. Les régions s'organisent, se développent, et ce développement est exportable.

La francophonie est aussi entreprise de raison. On a dit qu'avec les sommets la francophonie s'est révélée capable de se penser comme un ensemble doué de vitalité et de croissance. Bien que jeune, elle compte déjà à son actif des réalisations significatives. Par ses structures et ses réseaux, par le choix de domaines communs d'intervention, elle fait oeuvre utile et raisonnable. Par nos actions multilatérales, par nos mises en commun volontaires, nous traçons et maintenons tous ensemble une rue francophone dans le village global.

Qu'apporte donc le Québec à la francophonie? Il apporte, il va sans dire, une participation historique à son édification, des réalisations concrètes, une détermination de tous les instants et un optimisme réel face à l'avenir de ce grand ensemble. Le Québec contribue aussi d'une façon originale, d'une façon unique, en ce sens que nous sommes des Nord-Américains travaillant et vivant en français dans un pays jeune. Nous sommes distincts et nous sommes reconnus comme tels.

Quels sont-ils, ces domaines où le Québec oeuvre en francophonie? Ces domaines correspondent à nos secteurs d'excellence.

Premier secteur: l'éducation et la formation, qui constituent toujours la pierre d'assise du développement de toute société, quelle que soit l'étape où une société est parvenue dans son développement. À ce chapitre, la contribution du Québec est majeure, financièrement et par l'entremise de ses ressources humaines et institutionnelles. Dans ce domaine de juridiction exclusive, nous avons pu créer tous les outils nécessaires.

Notre mission éducative s'est prolongée à l'étranger. Ainsi, le Québec est représenté depuis 1982 à Dakar, à la Conférence des ministres de l'éducation, la CONFEMEN. Ainsi, au dernier Sommet de la francophonie, au Sénégal, notre premier ministre a annoncé que le Québec consacrerait une somme substantielle à la production de matériel didactique adapté aux pays du Sud. Nous souhaitons, M. le Président, dans ce dernier dossier, favoriser la création de consortiums entre nos éditeurs et ceux d'Afrique.

La francophonie est riche de pays en quête de développement. En Afrique, dans certains de ses pays, 60 % de la population a moins de 25 ans. De cette Afrique de plus en plus responsable de son propre développement, des milliers de jeunes, année après année, sont venus ici, au Québec, chercher ce qui nous distingue au niveau de notre enseignement supérieur. Encore une fois, notre approche est originale, parce que nord-américaine et francophone, et elle est particulièrement appréciée chez nos partenaires.

Deuxième exemple: TV5. Nous sommes tous conscients de l'importance des communications. Nous vivons dans un monde en constante évolution, où les sociétés ne peuvent plus se refermer sur elles-mêmes. C'est à travers divers moyens de communication que les peuples se rapprochent, échangent et partagent. Dans ce contexte, TV5 représente pour la francophonie un lieu d'expression extraordinaire, un outil de rayonnement, d'information, d'éducation et de formation. J'ajouterai que TV5 constitue un moyen privilégié qui nous permet de passer de la francophonie des spécialistes à la francophonie populaire. Maillon indispensable, TV5 est l'élément le plus visible de l'espace francophone international. Son caractère multilatéral permet à l'ensemble des pays partenaires d'exprimer leurs particularités culturelles et d'apprécier, entre eux, les capacités de création de chacun. TV5, nous l'avons vu récemment, nous le savons, va non seulement survivre, mais va se développer.

Troisième secteur d'importance capitale: l'économie. Les débuts de la francophonie institutionnelle ont été marqués par des actions surtout culturelles. D'ailleurs, le premier et seul organisme intergouvememental de la francophonie, l'Agence de coopération culturelle et technique, faisait porter ses efforts principalement dans le champ culturel. Son nom même l'annonce. Mais, depuis 1986, les trois sommets francophones ont conduit à la diversité des interventions. Ainsi, il y a trois ans, la communauté d'affaires du Québec, en concertation avec le gouvernement, décida de faire reculer l'horizon francophone traditionnel en créant, autour du Sommet de Québec, un événement proprement économique. Avec la collaboration du gouvernement canadien, le premier Forum francophone des affaires fut organisé, en septembre 1987, établissant un nouveau style de dialogue entre les gens d'affaires du Sud et ceux du Nord. Une centaine de gens d'affaires africains vinrent Ici brasser des affaires avec des gens d'ici. Les retombées furent considérables.

L'expérience de ce premier rassemblement fut assez concluante pour que le Sénégal exprime le désir de la répéter, avec la collaboration des Québécois qui avalent organisé le premier Forum. Ce Forum a maintenant pignon sur rue à Montréal, dans les bureaux même du Centre de commerce mondial. Soit dit en passant, j'assisterai demain à l'inauguration officielle de son secrétariat général, en compagnie du président sénégalais du bureau International du Forum.

Nous nous félicitons, M. le Président, de cette Initiative québécoise et nous croyons que cette nouvelle institution sera la cheville ouvrière du maillage de l'espace économique francophone. D'un événement relié aux sommets, nous passons à l'étape d'un nouveau réseau d'échanges technologiques et commerciaux.

Autre dossier porteur d'avenir: l'énergie. Au Sommet de Paris, le premier ministre Bourassa proposa la création de l'Institut de l'énergie des pays francophones. Il souhaitait un meilleur partage de l'expertise en énergie entre les pays membres et offrait d'accueillir cet organisme à Québec, ce qui fut fait en 1988. Bien que cet Institut soit un organisme subsidiaire de l'ACCT et que son statut d'organisme international lui confère une parfaite autonomie d'action, tant les activités qui se déroulent au Québec que celles auxquelles son personnel participe favorisent la diffusion de l'expertise québécoise dans les pays de la francophonie. C'est un dossier de rayonnement et de transfert de technologie.

Dans les dossiers de coopération multilatérale, l'originalité de la contribution québécoise est donc reconnue par nos partenaires, et cela dans les petits comme dans les grands projets. Un exemple de projet à grand impact social que je ne peux passer sous silence, celui des centres de lecture et d'animation culturelle, les CLAC. Avec ces centres, le Québec peut se féliciter d'avoir mis au point une formule unique adaptée à la situation difficile et morcelée des pays du Sud. Ainsi, grâce aux efforts du Québec, des populations rurales d'Afrique peuvent avoir accès aux livres et aux moyens audiovisuels modernes d'information et de formation. Ce projet est bien identifié à l'expérience québécoise, et il connaît un engouement et un succès réels. Il donne au Québec beaucoup de visibilité et met en lumière l'efficacité et la diligence de nos expertises. Il répond à des besoins réels et immédiats. Ces centres de lecture et d'animation culturelle sont maintenant constitués en un vaste réseau de 57 centres dans quatre pays, soit le Bénin, le Sénégal, la Côte-d'lvoire et le Burkina Faso.

En passant en revue ces quelques dossiers, force est de constater que la raison, et non le coeur, a fait naître ces entreprises. La francophonie a aussi une autre dimension. Elle est une voie d'avenir et elle est riche des attentes de la jeunesse. Les jeunes de la francophonie sont avides de communiquer, ils appartiennent à des cultures variées. Ils sont les décideurs de demain. Ils réclament la nécessaire éducation et l'indispensable formation, et ils désirent s'épanouir dans un environnement de qualité. Sur eux repose l'évolution des sciences et des techniques.

Deux exemples concrets de la présence des jeunes en francophonie: L'Office franco québécois pour la jeunesse et l'Agence Québec-Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse, deux organismes que j'ai, d'ailleurs, le plaisir de coprésider avec mes vis-à-vis de la France et de la Communauté française de Belgique. Depuis 22 ans, l'OFQJ, l'Office franco québécois pour la jeunesse, a permis à plus de 62 000 jeunes Québécois et Français de connaître les similitudes et les contrastes qui caractérisent chacune de nos deux sociétés. Ces jeunes ont réalisé des stages dans des secteurs aussi variés que les sciences pures, la santé, les nouvelles technologies ou les arts. Tout en maintenant ses programmes réguliers, l'OFQJ innovera cet été en présentant de jeunes artistes québécois à la Maison du Québec à Saint-Malo. L'éventail d'activités ira de la peinture à la danse, en passant par le chant, la musique et la littérature. Dans la même veine, l'Office s'associera au 6e festival des Fran-cofolies de La Rochelle, donnant ainsi la chance aux jeunes artistes de la relève québécoise et française d'y faire une prestation remarquée.

L'Agence Québec-Wallonie-Bruxelles, quant à elle, a concrétisé, après cinq ans d'existence, plus de 2500 échanges de jeunes du Québec et de la Communauté française de Belgique. Au cours des dernières années, elle a établi une réelle communication interculturelle qui a permis à nos communautés de développer une coopération durable. Un exemple de ceci: un projet réalisé dans le cadre de l'Année internationale de l'alphabétisation et rendu possible grâce à l'Agence; il s'agit de la coproduction d'un livre-cassette destiné à une clientèle analphabète, livre-cassette qui sera largement diffusé dans la francophonie. Autre réalisation commune: le premier Forum francophone des jeunes, qui se déroulera l'automne prochain en Belgique C'est en vue d'offrir aux jeunes décideurs de demain des tribunes pour se faire entendre que l'Agence organisera annuellement ces rencontres, et les thèmes des trois premiers forums sont déjà choisis. Voilà deux organismes à reconnaître comme des éléments moteurs du dynamisme et de l'"entreprenariat" des jeunes francophones.

Oui, M. le Président, la francophonie, c'est tout cela. C'est une voie d'avenir, une entreprise de raison, une affaire de coeur. Notre devoir maintenant est de la consolider. Le Québec a, d'ailleurs, déjà convaincu ses partenaires que le prochain sommet de la francophonie devra être celui des bilans et de la consolidation. Sans doute la francophonie devra-t-elle relever des défis encore nombreux; qu'il s'agisse d'en arriver à dire pleinement en français la science et la technologie, qu'il s'agisse de favoriser un développement durable grâce auquel s'enrichir n'implique pas nécessairement l'appauvrissement du milieu de vie, qu'il s'agisse de s'ouvrir à l'Est sans négliger le Sud ou qu'il s'agisse de donner à l'éducation et à la formation la qualité et le niveau nécessaires à l'enrichissement collectif.

En conclusion, M. le Président, vous aurez sans doute compris que notre gouvernement considère l'espace francophone comme un lieu et une entité stratégiques. À l'heure où nous assistons à la redéfinition des structures et des

rapports mondiaux, à la libéralisation des échanges, à un renforcement des systèmes politiques et économiques, la francophonie, en tant qu'alliance volontaire et dynamique d'États et de gouvernements, prend encore plus de signification. Son renforcement et sa dynamisation sont infiniment d'actualité.

Consolider l'espace francophone, c'est reconnaître l'atout que représente la francophonie pour le Québec tout en étant aussi conscient que nous apportons une contribution originale, distincte du fait que nous sommes des Nord-Américains vivant, travaillant et nous développant en français, dans un pays jeune. En cela, le Québec est aussi un atout pour la francophonie Celle-ci a besoin d'être rentable pour se déve lopper, et l'atteinte de cet objectif suppose des choix et des orientations politiques. Les moyens sont modestes, mais il existe une volonté politique au plus haut niveau au Québec quant à la consolidation de l'espace francophone. Le con texte mondial demande que le Québec s'ancre dans cette francophonie et agisse de concert avec l'environnement national et international. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue ainsi qu'aux membres de votre personnel et aux membres de la commission du côté ministériel et du côté de l'Opposition. Je donne maintenant la parole au porte-parole de l'Opposition, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il a des remarques préliminaires à faire. (12 h 30)

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, le ministre s'étant permis au-delà de 15 minutes de remarques préliminaires où on s'aperçoit inévitablement que le ministre est beaucoup plus verse en historique qu'en perspective quant à la francophonie, parce que tout ce qu'on a entendu ce sont des lieux communs, je vais me permettre également un temps similaire de remarques préliminaires.

Naturellement, je vais le saluer, puisqu'on est civil, en cette commission; je vais également en profiter pour saluer les 9 attachés politiques et les 14 fonctionnaires de ce ministère. Jamais fonctionnaires n'auront été plus ou mieux encadrés que dans ce ministère, ce qui est quand même un précédent, au Québec, qu'il est bon de rappeler comme tel. Il a parlé pendant 15 minutes, M. le Président, je ne lui en fais pas le reproche. Je pense que c'était tout à fait légitime que le ministre saisisse la seule et unique occasion où il pouvait s'exprimer en tant que ministre délégué à la Francophonie dans l'enceinte de ce Parlement, puisqu'il a été quand même assez avare de déclarations dans le Parlo ment.

M. le Président, le ministre a effectué, du 5 au 13 mai, un voyage en Europe, soit en Belgique les 6 et 7, en France, en Roumanie, et aucune retombée concrète n'était signalée au terme de ce périple. En fait, le ministre a beaucoup discuté, mais sans résultat probant, semble-t-il. Les communiqués de presse sont d'ailleurs des cartes postales empreintes d'impressionnisme. Bref, le ministre, voyageur sans bagage, M. le Président, est revenu au Québec sans entente, sans accord de coopération, sans création de comité de travail ou de réflexion sur, par exemple, les jalons d'une éventuelle coopération avec la Roumanie sur le plan de la francophonie. En fait, le ministre occupe de plus en plus un poste honorifique, puisqu'on a remarqué la nomination de M. Ronald Poupart comme sherpa du premier ministre auprès des instances des sommets de la francophonie. Ce voyage, M. le Président, a été sans écho. La preuve, La Presse n'a repris aucun des communiqués dithyrambiques que le ministre avait fait émettre, et comprenez aussi mon grand étonnement de voir que le ministre a commandé un communiqué où il s'annonçait très heureux d'avoir été applaudi par le Front national, par les Bourbons. Vous comprendrez que c'est passablement étonnant d'entendre une chose comme celle-ci. Et, le 26 janvier dernier, à Paris, les ministres Roland Dumas et John Ciaccia convenaient de la mise sur pied d'un groupe de travail commun afin d'étudier la situation de la francophonie dans les pays d'Europe de l'Est. Ce groupe de travail doit proposer, dans quelques mois, des recommandations permettant à la France et au Québec d'engager des actions conjointes en Pologne, en Roumanie et en Hongrie. Je vous ferais remarquer de nouveau, M. le Président, qu'il s'agissait de discussions entre Roland Dumas et M. Ciaccia, ministre des Affaires internationales.

Le ministre, et j'y ai fait allusion tantôt, n'a sous son autorité que 14 fonctionnaires, dont on ne jugera pas de la compétence - il va de soi, elle est reconnue - la section chargée du dossier de la francophonie au sein du ministère des Affaires internationales, alors qu'il compte, par contre, 9 employés pour son personnel politique. Il s'agit là, manifestement, d'un cas d'espèce qu'il va nous falloir étudier. C'est quand même quelque chose de tout à fait particulier.

Le ministre a fait allusion au suivi du Sommet de Dakar; je ne l'ai pas entendu parler du Sommet de Kinshasa qui est en voie de préparation, mais, lors du troisième Sommet de la francophonie, à Dakar, qui a eu lieu en mai 1989, le chef du gouvernement, comme il l'appelle, donc le premier ministre, M. Bourassa, s'est fait très discret, soucieux de ne pas indisposer davantage le Canada anglais relativement à l'accord du lac Meech. Naturellement, comme l'a dit mon collègue, le député de Lac Saint-Jean, si

le premier ministre a besoin d'un lac, le député de Lac-Saint-Jean en a un très beau à lui suggérer. Ainsi, la seule contribution du Québec à ce Sommet s'est limitée à la création conjointe, avec Ottawa, d'une revue scientifique bilingue, en francophonie, sur l'environnement, publiée par la Société royale du Canada ou la Federal Royal Society of Canada. Cette revue, dotée d'un budget de 3 000 000 $ - 2 000 000 $ à Ottawa et 1 000 000 $ à Québec - pour la promotion du bilinguisme dans la francophonie, s'adressera aux chercheurs provenant des pays du Commonwealth et de la francophonie. Alors, très beau "mix", ce cocktail Commonwealth et francophonie. Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle. Cette mise de fonds de 3 000 000 $ sera répartie sur trois ans. Il faut se rappeler aussi, et le ministre a été étrangement silencieux - puis quand je dis "étrangement", je pense que le terme n'est pas approprié - le ministre a été délibérément silencieux sur un point que j'aimerais rappeler, qui était la proposition d'une espèce de plan Marshall 2 visant à réduire la dette des pays du tiers monde, qui avait été formulée par le premier ministre du Québec dans le cadre du premier Sommet de la francophonie. Inacceptable, il aura coûté 100 000 $ aux contribuables québécois pour savoir que ce plan Marshall 2, cette trouvaille extraordinaire, à la sauce suprastructure, probablement, eh bien, que c'est impossible et que, effectivement, ça aura coûté 100 000 $ aux contribuables québécois pour le savoir. En effet, le ministère des Affaires internationales a accordé la somme de 98 000 $ pour une étude sur ce projet à des économistes de l'Université de Montréal dont, d'ailleurs, on doit souligner la participation de M. André Raynauld, ancien député d'Outremont, je crois.

M. le Président, un autre point aussi doit mériter notre attention, c'est la problématique de l'avenir de TV5. En septembre dernier, le ministre français de la Francophonie, Alain Decaux, sème l'émoi chez les partenaires do TV5 en proposant, dans un rapport transmis au premier ministre Michel Rocard, le retrait de la France du projet TV5 en raison de la piètre qualité des émissions diffusées par celle-ci. Ce rapport propose trois solutions: retrait pur et simple de la France et remplacement sur le câble par Antenne 2; amélioration de la structure existante; remplacement progressif de TA/5 par Antenne 2, avec compensation pour les pays partenaires. Le 17 novembre dernier, les ministres, les représentants des pays concernés par TV5, c'est-à-dire France, Belgique, Suisse, Canada, Québec, conviennent de maintenir et de dynamiser. Je cite TV5: Notamment par une redéfinition du statut juridique de TV5 Eura. La France souhaite en effet confier la gestion de TV5 à une société anonyme. "Société anonyme", il faut s'entendre, c'est dans le sens légal européen. Les partenaires conviennent aussi d'améliorer la qualité des émissions. Ils ont décidé d'attendre, d'éteindre - "d'éteindre", enfin, non, ce n'est pas encore fait, mais ça risque peut-être d'arriver - d'étendre TV5 à l'Europe de l'Est, examiner sa présence en Amérique du Nord et éventuellement en Afrique. Au début décembre, les ministres Masse du gouvernement fédéral du Canada et Mme Frulla-Hébert du Québec annoncent la mise sur pied d'un groupe de travail ayant pour mandat de remettre un rapport à la fin de février 1990 sur les aspects suivants: évaluer le bilan de la participation canadienne et québécoise de TV5 Europe et TV5 Canada; faire des recommandations à la contribution d'émissions d'ici à la programmation; proposer des mécanismes appropriés de gestion de TV5 Canada et de participation du Canada et du Québec à TV5 Europe; une méthode de financement et assurer une meilleure visibilité de TV5 auprès de la francophonie. Je n'ai pas besoin de vous rappeler qui présidait le comité, etc.

Donc, le comité, dans son rapport, a recommandé que la programmation de TV5 Canada soit modifiée pour n'offrir que des émissions européennes afin de mieux la personnaliser comme télévision internationale, tout en proposant de créer un fonds destiné à enrichir la programmation canadienne sur TV5 Europe. Mme Hébert endosse d'ailleurs ces recommandations. La rencontre des ministres responsables de TV5 le 21 mai dernier, à Montréal - et TV5, d'ailleurs, j'ai le plaisir de vous le souligner, est située dans ma circonscription - a permis de dégager un consensus sur les moyens visant à assumer la visibilité de TV5. Un conseil de coopération unique remplace les conseils actuels de TV5, TV5 Europe et TV5 Québec-Canada. Création d'une conférence des ministres responsables de TV5 qui devra définir les priorités de développement géographique, les. orientations générales et les contributions budgétaires des gouvernements participants. Mais, il y a un problème majeur qui persiste, M. le Président, qui est très important. TV5 Europe s'adresse à seulement 250 000 loyers sur environ 60 000 000, parce qu'il faut être câblé pour capter TV5 Europe. Et la percée du câble, en Europe, n'a pas l'importance de la percée du câble en Amérique du Nord, notamment au Québec. Donc, M. le Président, le rôle de TV5 Europe, comme vitrine pour les produits audio-visuels québécois tout au moins, est discutable. Je pense que le terme n'est pas exagéré. Donc, M. le Président, après avoir entendu, et j'emploierai à nouveau chez Alphonse Allais les paroles verbales du ministre, je répéterai qu'on a assisté forcément à un historique que tous connaissaient, mais au niveau des perspectives quant à la francophonie comme telle, tout ce qu'on a entendu à venir jusqu'à date, ce sont des lieux communs, et quand on regarde les nominations faites, qui a fait les contacts, j'ai bien peur que le ministre délégué à la Francophonie soit relégué au rôle

d'espèce d'adjoint parlementaire avec chauffeur. C'est probablement la seule chose qui le distingue actuellement d'un adjoint parlementaire, puisqu'il semble n'avoir que très très peu de latitude à part l'émission de quelques communiqués de presse, encore une fois, vantant qu'un parti politique en particulier, en tout cas, était très heureux de le saluer lors de son passage à Paris. Je vous avoue que c'est très mince. C'est très mince quand on sait que la francophonie, effectivement, a des connotations économiques de la plus grande importance; c'est un bassin de plusieurs centaines de millions de population et surtout "francophonie" est une chose qui peut se conjuger avec "hispanidad" et, à ce moment-là, former, M. le Président, ce qu'il serait convenu d'appeler une contrepartie à l'anglophonie. Donc, si je regarde le bilan - est-ce que je peux employer le mot "bilan" de ce que le ministre vient nous donner - j'ai bien peur qu'on ait raté cette belle occasion pour ce qui est de nous, au Québec.

Alors, voilà pour les remarques préliminaires. Je souhaiterais, M. le Président, que nous passions directement au questionnement, et je parlerai forcément de ce périple en Europe, de ce caravansérail en Belgique, en France et en Roumanie sans aucune retombée concrète. Est-ce que le ministre peut reconnaître que son récent séjour en sol européen n'a donné lieu à aucun résultat concret pour le Québec, que son voyage s'est limité à des discussions sans effet et purement d'ordre protocolaire?

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Guy Rivard (réplique)

M. Rivard: M. le Président, à mon tour de réagir aux réactions du député de Sainte Marie-Saint-Jacques. J'ai trouvé intéressant qu'il me reproche, à un moment donné, de ne pas avoir exprimé un certain nombre de choses ou d'orientations à l'Assemblée nationale. Pourrais je vous dire, M. le Président, que je constate, aujourd'hui le 30 mai, que le critique de l'Opposition en matière de francophonie, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, ne s'est jamais levé en Chambre pour me poser quelque question que ce soit sur quoi que ce soit? Est-il bâillonné? Je ne le sais pas, mais il y a une chose qui est certaine, c'est que je n'ai pas pu répondre à des questions qui n'étaient pas là.

Il a abordé dans ses remarques, en réaction à mes remarques préliminaires, un certain nombre de points sur lesquels je voudrais, à mon tour, réagir. Il a ramené, comme l'avait fait le député de Lac-Saint-Jean, la question de la nomination de M. Ronald Poupart comme sherpa au comité international du suivi des sommets. M. le Président, les membres de l'Opposition en Chambre ont un problème pour comprendre comment ça fonctionne, les sommets de la francophonie, parce que ça ne s'est pas passé de leur temps. C'est parce que, à un moment donné, on a vu apparaître en francophonie en particulier, trois personnalités politiques, M. Mitterrand, M. Mulroney, M. Bourassa, qu'enfin les sommets ont pu avoir lieu, la réunion elle-même. La première réunion a eu lieu en 1986 et, à ce que je sache, le Parti québécois, M. le Président, n'était plus au pouvoir à ce moment-là.

Une voix: Si vous êtes assis, c'est grâce à nous. (12 h 45)

M. Rivard: II est important de voir comment ça fonctionne, le comité international de suivi qui se transforme par la suite en comité international de préparation. Je n'ai pas l'intention d'élaborer sur la question. Mais je le fais parce que... Je fais quelques commentaires, parce que le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques est revenu avec cette question-là. M. Ciaccia a déjà répondu au député de Lac-Saint-Jean, lorsqu'il a défendu ses crédits, qu'on ne trouve pas de ministre, très simplement, sur ce comité international de suivi. Ma vis-à-vis d'Ottawa, par exemple, Mme Landry, n'est pas au comité international de suivi qui, soit dit en passant, se réunit très fréquemment à Ottawa. Ce qu'on retrouve, par exemple, ce sont des personnes qui sont près des premiers ministres et qui peuvent contribuer d'une façon majeure à l'évolution des dossiers. Pour le suivi, il s'agit de faire en sorte que les décisions qui sont prises par les chefs d'État et de gouvernement soient réellement effectuées. Donc, c'est l'exécution des décisions. Et, en ce qui concerne la préparation, pas besoin de définir ce qu'il en est Et, soit dit en passant, au sujet de Kinshasa, nous travaillons dans ce dossier à plusieurs chaque semaine et c'est un dossier... Je l'ai mentionné tout à l'heure, la position québécoise qui est partagée actuellement par la France et le Canada, d'ailleurs, dans ce dossier-là, est de faire du prochain sommet de Kinshasa non pas une occasion de déposer sur la table de nouvelles propositions, de nouveaux projets, mais de bien voir ensemble ce qui a été réalisé de fait, ensemble de faire des bilans et de travailler à la consolidation.

M. Boulerice: M. le Président, le ministre n'a définitivement pas répondu. Bon. D'une part, quant au questionnement en Chambre...

M. Rivard: M. le Président, je n'avais pas terminé. Mais si vous avez donné la parole au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Kehoe): D'accord. Pour-riez-vous terminer? C'est parce qu'il y a seulement une heure pour toute l'étude des crédits et on n'a pas commencé encore. Je ne sais pas s'il

y a d'autres membres de la commission qui ont des remarques préliminaires. Pourriez-vous terminer, M. te ministre?

M. Rivard: Vous savez très bien, M. le Président, qu'une défense de crédits, c'est toujours trop court; trop court du point de vue de l'Opposition, qui a toujours beaucoup de questions à poser, et trop court vu du point de vue du gouvernement, qui a toujours plus de réponses qu'il n'y a de questions.

En ce qui concerne la première mission officielle, le premier voyage officiel que j'ai fait à Bruxelles, à Paris et en Roumanie, il est injuste et il est inexact de dire qu'il n'y a pas de retombée. Peut-être voudrais-je m'attarder un moment sur la dernière étape du voyage qui est celle de la Roumanie. Effectivement, comme le mentionnait le député de Sainte-Marie-Salnt-Jacques, en janvier dernier, notre ministre des Affaires internationales et le ministre des Affaires étrangères de France ont convenu du fait qu'il fallait regarder ensemble non pas nécessairement, M. le Président, de mettre sur pied un comité, mais regarder ensemble ce que nous pourrions faire en Roumanie. Et mon voyage, mon séjour de deux jours et demi en Roumanie consistait justement à explorer des voies, à présenter ce qu'est la francophonie, à parler de ses institutions et à explorer des voies de collaboration possible avec la France ou avec d'autres pays francophones pour poser des gestes précis dans ce pays-là. Et, soit dit en passant, le fait que pour la première fois un ministre québécois s'amène en Roumanie doit être perçu comme le jalon le plus récent de toute une série de gestes qui ont été posés par le Québec à l'égard de l'Europe de l'Est. J'ai moi-même, alors que j'étais adjoint parlementaire du ministre du Commerce extérieur, présidé en 1986 et en 1987 deux missions en Hongrie, en Tchécoslovaquie et en Allemagne de l'Est, qui étaient des étapes qu'il fallait franchir avant que M. Bourassa ne puisse, cette année, signer les ententes que vous savez. Vous savez ce qui s'est passé en Roumanie. On a tous découvert ou redécouvert, pour certains, qu'il y avait là une population importante de gens qui partageaient la même langue que nous. La Roumanie, nous le savons, est un ilôt latin dans un ensemble de pays slaves, et nous avons découvert, là, des dossiers, des besoins extrêmement précis; c'est la première étape d'un échange avec un tel pays. Il faut d'abord identifier les besoins, rapporter ces besoins au Québec et voir de quelle façon les expertises et les compétences peuvent être employées.

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre. Y a-t-il d'autres membres de la commission qui ont des remarques préliminaires à faire? Sinon, nous allons procéder justement à l'étude. Excusez-moi. M. le député de Lac-Saint-

Jean.

M. Brassard: Je veux bien passer directement à des sujets, mais, moi, avant de céder la parole à mon collègue pour le reste, j'avais quelques questions à poser sur l'OFQJ.

Le Président (M. Kehoe): J'appelle l'élément 4, du programme 1, du ministère des Affaires internationales.

Discussion générale

Évolution du budget de l'Office

franco québécois pour la jeunesse

et du nombre de stagiaires

M. Brassard: Alors, j'ai des questions à poser sur l'OFQJ, M. le ministre. Je voudrais, si ce n'est pas possible de les avoir maintenant, qu'on puisse les obtenir dans des délais raisonnables, les budgets, cette année, les années passées, l'évolution du budget de l'OFQJ, aussi bien du côté québécois que du côté français et, concrètement, ces budgets-là permettent à combien de jeunes d'effectuer divers stages en France? Combien de jeunes Québécois, mais combien de jeunes Français, aussi? Est-ce qu'on est toujours au stade de l'équivalence? Est-ce que le Québec peut permettre au même nombre de jeunes Québécois de faire un stage en France et vice-versa, que la France peut permettre à un nombre équivalent de jeunes Français? Parce qu'il a été longtemps convenu qu'on s'efforçait, de part et d'autre, de faire en sorte que le nombre de stagiaires soit le même du côté du Québec que du côté français. Donc, la dimension budgétaire: quelle est l'augmentation, le taux de croissance du budget connu depuis quelques années et pour cette année et qu'est-ce que ça permet sur le plan des stages, aussi bien du côté Québec que du côté France?

Le Président (M. Kehoe): M. le ministre.

M. Rivard: Très brièvement, avant de passer la parole au secrétaire général de l'OFQJ, on conviendra tous que l'OFQJ est vraiment un fleuron de la coopération franco québécoise. Il y a une intention très ferme, des deux côtés, de rendre ça encore plus dynamique. Parce que les besoins d'un tel outil, qui peuvent être rencontrés par un tel outil, sont évidents. Je vais laisser la parole à M. André Maltais, qui est secrétaire général de l'OFQJ.

Le Président (M. Kehoe): M. Maltais.

M. Maltais (André): Merci, M. le Président. Alors, M. le député, pour l'année 1990, celle qui est en vigueur actuellement, il y a plus de stagiaires... En parité, on est à 1000, d'un côté comme de l'autre, la France et le Québec. Le

Québec a consenti 100 stagiaires de plus dans les programmes réguliers, de sorte qu'on a 1100 stagiaires au Québec, par rapport à 1000 stagiaires français. Par contre, au niveau français, ils ont un élément qui est différent du nôtre, c'est-à-dire qu'ils subventionnent des groupes, alors qu'au Québec, on a une politique qui est un peu différente, à l'effet qu'il doit y avoir préparation des stages, il doit y avoir encadrement durant le stage et évaluation du stage. Alors, en réalité, les montants sont comparables à ce moment-ci et, par contre, depuis peut-être six ans, en termes réels, la subvention québécoise est moins forte que la subvention française.

M. Brassard: Est-ce que vous avez des chiffres ou est-ce qu'on va pouvoir les obtenir par la suite?

M. Maltais (André): Oui. Après...

M. Rivard: On vous acheminera tous les chiffres pour répondre à votre question.

M. Brassard: O.K. D'accord. Le volet en France qui est différent du Québec, le volet "groupes", est-ce que vous avez l'intention, ici, au Québec, d'envisager de l'implanter également?

M. Maltais (André): Actuellement, on travaille déjà avec le même programme, c'est-à-dire les jeunes en milieu scolaire, autant au niveau secondaire qu'au niveau collégial ou lycée, et je laisserais peut-être M. le ministre terminer, en signalant que déjà, à La Guadeloupe, pour le prochain conseil d'administration, ces éléments vont être discutés. Parce que, à l'origine, au niveau de l'Office, c'était les questions de jeunes travailleurs, en grande quantité, et il y avait une question d'étudiants. Mais on allait entre 18 et 35 ans. Et c'a fait l'objet d'une réflexion. Il y a eu une audition, un bilan complet des 20 premières années qui a été fait et on est en train justement de réfléchir pour prendre position au prochain conseil d'administration, la semaine prochaine. Tout de suite après le conseil d'administration, M. le ministre pourra sûrement vous donner les documents complets.

M. Brassard: Parce que vous savez, que, effectivement, il y a de plus en plus, dans nos écoles secondaires, de groupes de jeunes qui, déjà, n'attendent pas que l'OFQJ ait un programme de soutien à cet effet, mais qui organisent des voyages en France. Et l'inverse est aussi vrai. Mais dans les écoles québécoises, ça se répand de plus en plus Et, il y aurait peut-être lieu, justement, que l'OFQJ puisqu'il y a un prochain conseil d'administration qui devrait avoir lieu, envisage d'apporter un soutien plus actif, plus articulé, plus structuré à ce genre de visites et d'échanges, où ça implique maintenant, non pas comme autrefois des jeunes dans la vingtaine, mais vraiment des jeunes adolescents. Et il me semble qu'il y a là un créneau qui mériterait d'être, non seulement examiné, mais dans lequel on devrait s'engager.

M. Rivard: M. le secrétaire général, M. le président me souligne que pour l'année en cours, la section du Québec a accordé 65 000 $ à 35 groupes, réunissant 886 participants. Et la section française, elle, 68 projets, pour 1450 adolescents

M. Brassard: C'est dire l'importance que ça prend de plus en plus.

M. Rivard: Oui. Il est certain que l'expérience qui a été acquise après 22 ans à l'office et après 5 ans - nous sommes dans la sixième année à l'Agence Québec-Wallonie-Bruxelles - nous amène dans les mêmes avenues que celles que vous êtes en train d'explorer ce matin. C'est-à-dire que nous voyons que de tels échanges sont fructueux. Nous voyons que l'ensemble de la francophonie - parce que, maintenant, les deux agences ou organismes dont nous parlons, c'est du bilatéral - nous voyons que, peut-être, la même formule pourrait être - non pas nécessairement l'Office lui-même ou l'Agence elle-même - envisagée pour d'autres pays, avec d'autres pays de la francophonie. Et c'est tout ça qui est en train d'être étudié sur les conseils d'administration respectifs.

Le Président (M. Kehoe): Merci, M le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Groupe de travail franco québécois sur la situation

de la francophonie dans les pays de l'Europe de l'Est

M. Boulerice: Écoutez, M. le Président, au départ, au sujet du questionnement en Chambre, je répondrais tout simplement au ministre que les menus des déjeuners ou dîners qui lui sont offerts ne m'intéressent pas, alors qu'il ne s'attende pas à un questionnement. Maintenant, contrairement à ce que le... Enfin, je m'aperçois que le ministre n'a pas répondu à la question. Il n'y a eu aucune retombée concrète pour ce qui est de la Belgique, de la France et de la Roumanie. Puisqu'il n'a pas répondu à la question donc, je présume qu'il n'y en a pas. J'aurais, par contre, deux autres questions à lui poser. La première c'est que, contrairement à ce qu'il a dit, MM Dumas et Ciaccia ont mis sur pied un groupe de travail commun afin d'étudier la situation de la francophonie dans les pays d'Europe de l'Est. Donc, je demanderais au ministre, est-ce qu'il peut faire le point sur les travaux de ce groupe de travail franco québécois et l'échéancier prévu pour le dépôt du rapport du groupe de travail. (13 heures)

Le Président (M. Kehoe): M. le ministre.

M. Rivard: C'est que - et ça, M. le Président, c'a été discuté lors de là défense des crédits de M. Ciaccia - il y a deux dossiers, ici. Il y a peut-être une certaine confusion, mais je n'en veux pas pour autant au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, c'est qu'il y a le dossier des 25 ans de la coopération franco québécoise, et c'est à propos de ce dossier que la France et le Québec ont convenu de mettre sur pied un comité et, déjà, le ministre Ciaccia a indiqué à son homologue français - ce dossier n'est pas sous ma responsabilité - quatre secteurs sur lesquels il souhaitait que la France et le Québec se penchent pour rendre la coopération franco québécoise encore plus dynamique et encore plus rentable.

Je reviens aux propos concernant l'Europe de l'Est. Ce que nous faisons actuellement, nous échangeons constamment avec la France, mais aussi avec la Communauté française de Belgique, je dois le dire, sur la façon dont nous pourrions travailler ensemble et la façon aussi dont les organismes multilatéraux de la francophonie pourraient oeuvrer dans les pays d'Europe de l'Est, qui viennent de subir cette accélération extraordinaire de l'histoire. En ce qui concerne la Roumanie, il y a un dossier, par exemple, qui est un dossier strictement bilatéral, mais, encore une fois, le Québec considère l'Europe de l'Est - et M. Ciaccia, le ministre des Affaires internationales, l'a rappelé - comme étant un espace de plus, un endroit de plus où on peut faire des choses, où on peut développer des projets, et il y a un dossier majeur actuellement en Roumanie, c'est celui de l'énergie. La Roumanie s'est lancée, il y a quelques années, avec le support du Canada, dans le nucléaire comme source énergétique, et ce que nous avons discuté au cours de ce voyage concerne l'énergie non nucléaire. Déjà, des contacts ont été faits avec les gens qu'il fallait au Québec et je peux vous dire que la Roumanie est extrêmement intéressée, connaît déjà l'expérience québécoise en matière d'énergie hydroélectrique et est extrêmement intéressée par ce dossier-là. À ma connaissance, c'est très bientôt, si ce n'est pas déjà fait, que, suite à ces rencontres, une mission sera faite en Roumanie dans ce seul dossier de l'énergie.

M. Boulerice: Le ministre dit: Oui. Puis, le ministre dit: Non. Le ministre dit: "Noui". La France et le Québec ont décidé de mettre en place un groupe de travail commun pour étudier la situation de la francophonie dans les pays de l'Europe de l'Est et les moyens de la soutenir, a annoncé hier à Paris le ministre québécois des Affaires internationales. Ça, c'est Jean-Paul Bury, Presse canadienne. Et on le retrouve encore. Donc, il y a un groupe de travail sur la francophonie, dans son sens étymologique du terme.

C'en est où, les travaux de ça? Arrêtez de me parler de l'énergie nucléaire. Et l'échéancier est lequel?

M. Rivard: Vous insistez beaucoup - sans doute que vous avez devant vous un article de journal, et vous citez un journaliste - sur la notion de comité de travail mixte conjoint. Encore une fois, je reprends ce que j'ai dit. Les ministres responsables de la francophonie, tel que le souhaitaient le ministre des Affaires internationales et le ministre des Affaires étrangères de France, se parlent, discutent de ce dossier-là et échangent des informations. Ici, au ministère des Affaires internationales, nous avons mis sur pied un groupe de travail qui comprend la Direction de la francophonie, la Direction de l'Europe de l'Est, la Direction de l'Europe de l'Ouest et la Direction de la France, et nous regardons le même dossier. Mais il faut réaliser une chose, c'est que, en ce qui concerne la Roumanie - parce qu'encore une fois, dans les pays de l'Europe de l'Est, convenez avec moi que ça fait quelques années que le Québec est présent sur la scène de l'Europe de l'Est - on conviendra tous ensemble que l'évolution rapide, sinon la révolution, qui a eu lieu en Roumanie, ça date de décembre dernier, et les contacts qui ont été faits par moi en Roumanie, c'étaient des premiers contacts d'un ministre québécois avec des autorités roumaines. Et ces contacts, d'ailleurs, se sont faits avant les élections qui ont eu lieu récemment.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

Priorités du Québec en vue du Sommet de Kinshasa

M. Boulerice: Est-ce que le ministre pourrait nous indiquer quelles sont les priorités du Québec pour le prochain sommet, celui de Kinshasa?

M. Rivard: J'ai déjà répondu...

M. Boulerice: À part l'enterrement du plan Marshall 2, au coût de 100 000 $, ce sont les funérailles les plus dispendieuses qu'on ait connues.

M. Rivard: C'est dommage que le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques ramène encore une fois la question du plan Marshall 2. Il est évident que les chiffres qu'a cités, les faits qu'a racontés le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques sont des faits et des chiffres exacts. Mais il n'en demeure pas moins que dans ce dossier, le Québec a démontré qu'il était, à l'époque, préoccupé par la crise économique et financière des pays les plus démunis de la francophonie. Il a posé des gestes et on peut se demander si, par

la suite, des gestes qui ont été posés par d'autres pays... Je pense à la France, par exemple, suite à ce qu'avait fait le Canada, qui a décidé d'éponger la dette de certains pays africains membres de la francophonie. On peut se demander si ces gestes-là n'ont pas été posés justement à cause de la position qui avait été prise par le Québec.

M. Boulerice:. Oui, mais s'il est bien d'être préoccupé - ce qui est tout en votre honneur - ne pensez-vous pas que le Québec aurait avantage à être mieux préparé, la prochaine fois, de façon à ne pas leurrer les populations africaines? Donc, quelles sont les priorités du Québec - de nouveau, je vous le répète - pour le Sommet de Kinshasa?

M. Rivard: Les priorités du Québec - je l'ai dit tout à l'heure - sont de faire de ce sommet un sommet de bilan et de consolidation. Nous ne souhaitons pas... Et d'ailleurs, nous sommes sur la même longueur d'onde. Voilà un sujet qui a été discuté à Paris et qui a été discuté à Bruxelles. Et c'était important que, à la fois en France et en Communauté française de Belgique, on se mette d'accord avec le Québec là-dessus Nous ne souhaitons pas voir arriver de nouveaux projets sur la table de travail des chefs d'État et de gouvernement. Prenons le secteur... Qu'est -co que ça veul dire "bilan ot consolidation"? C'est que nous avons déjà un ensemble de résolutions qui ont été adoptées par les chefs d'État et de gouvernement, et il faut que ces résolutions soient maintenant exécutées. C'est très simplement cela.

Prenons le dossier de l'économie. Je racontais, tout à l'heure, l'histoire du Forum francophone des affaires. Voilà une histoire qui est intéressante, en ce sens que le Forum fran cophone des affaires, dont l'idée, la conception se fait ici, au Québec, est un organisme qui est pris en charge. C'est un organisme international. C'est le premier organisme multilatéral francophone à volet économique et complètement pris en charge par le secteur privé. Voilà une contribution originale. Ça naît en 1987, ça devient une institution plutôt que d'être un événement, on met en place - je le disais dans mes remarques préliminaires - demain, officiellement, le secrétariat général du Forum francophone des affaires, on internationalise la chose. Bien, au prochain sommet, il faut se demander: Qu'est-ce que ça donne? Quelles sont les retombées de ça? C'est extrêmement important de procéder ainsi.

M. Boulerice: Étant intimement liés aux travaux de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française, on fait des bilans, on fait des consolidations, mais l'AIPLF va toujours à de nouvelles initiatives quotidiennes et, d'ailleurs, le Québec va y participer Mais là, j'écoute le ministre et j'entends comme réponse que pour ce qui est de Kinshasa, il n'y aura aucune nouvelle initiative en provenance du Québec. Remarquez que je n'en souhaite pas si vous êtes pour en faire comme celui du plan Marshall 2, mais somme toute, il n'y aura rien de nouveau qui va s'ajouter et qui serait une initiative originale en provenance du Québec.

M. Rivard: M. le Président, je répète que les Belges et les Français sont d'accord avec cette proposition qui vient du Québec, et Ottawa est d'accord aussi avec cette proposition qui vient du Québec. Est-ce qu'on pourrait, M. le Président, laisser parler les chiffres d'eux-mêmes? À Paris, lors du premier sommet, il y a eu 140 projets. À Québec, il y en a eu 110 et à Dakar, il y en a eu 90. Ça veut dire que les organes qui sont responsables de l'exécution du suivi et de l'exécution de ces projets-là, et en particulier l'Agence de coopération culturelle et technique via ses différents programmes, ont actuellement devant eux un total de 340 projets. M. le Président, il me semble que ça fait du sens que d'espérer qu'à l'automne de 1991 - c'est la date envisagée pour le Sommet de Kinshasa - on fasse le bilan de ça. C'est absolument essentiel, autrement, on ne pourra plus fonctionner; autrement, on ne sera pas en mesure d'identifier lus cibles et d'Identifier les vrais gestes, les bons gestes à poser dans cet espace de 40 pays.

Revue bilingue sur l'environnement

M. Boulerice: Est-ce que le ministre chargé de la francophonie, M. le Président, me permettrait très amicalement, mais sans aucune malice, de lui dire que "faire du sens" est un anglicisme et que, venant de lui, ça me gêne un peu? Mais quand vous me parlez de vos chiffres, je vous dis: Soyez prudent parce que votre collègue, ministre délégué aux Communautés culturelles, a dit que les statistiques étaient aux politiciens ce que les lampadaires étaient aux ivrognes. Attention à l'ébriété des projets. Mais là, vous avez mentionné un autre projet dans le cadre de la francophonie, qui était celui de la revue bilingue sur l'environnement. C'en est où, ça?

M. Rivard: La revue bilingue... Soit dit en passant, en ce qui concerne la remarque sur...

M. Boulerice: À moins que les esquisses aient brûlé à Saint-Amable.

M. Rivard: ...la qualité... Ha, ha, ha!... la qualité de la langue de...

Le Président (M. Kehoe): M. le ministre, si vous me le permettez, il reste seulement une minute au temps alloué pour l'étude des crédits.

Si vous pouviez répondre assez brièvement. M. Boulerice: On a.

M. Rivard: M. le Président, je vais citer un ami, je pense, de certains membres de l'Opposition péquiste, je vais...

M. Boulerice: J'en vois beaucoup par les temps qui courent.

M. Rivard:... citer Lucien Bouchard, quelqu'un dont on parle beaucoup, justement à propos de la revue scientifique sur l'environnement et je cite: "Pour le ministre Bouchard, il faut cesser de voir les deux langues en concurrence. Les progrès du français comme langue des sciences ne se feront pas aux dépends de l'anglais qui n'est pas le bourreau du français. " C'était à une autre époque. C'était en mai 1989, mais c'est de bonne guerre de rappeler des paroles comme ça, qui ont été prononcées par un personnage aussi illustre. La revue de l'environnement est destinée à des planificateurs et, actuellement, les échéanciers qui avaient été prévus vont être rencontrés. Donc, on devrait avoir le premier numéro d'ici peu de temps.

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre.

M. Boulerice: Mais quand vous dites "d'ici peu de temps", M. le Président...

M. Rivard: À l'automne. M. Boulerice: À l'automne.

M. Rivard: Mais il est prévu que le premier numéro, le numéro d'essai, paraisse en décembre 1990.

Adoption des crédits

Le Président (M. Kehoe): Avant de terminer les travaux, je demande à la commission d'adopter le programme 1. Est-ce qu'il est adopté?

M. Boulerice: Sur division. Adopté. Le Président (M. Kehoe): Adopté. M.Boulerice: J'ai voulu lui faire une peur.

Le Président (M. Kehoe): Et je demande à la commission d'adopter les crédits budgétaires du ministère des Affaires internationales pour l'année financière 1990-1991. Adopté?

M. Boulerice: Adopté.

Le Président (M. Kehoe): Je suspends les travaux de la commission jusqu'à jeudi, le 31 mai, à 9 heures du matin pour l'étude des crédits des Affaires intergouvemementales canadiennes. Merci, mesdames et messieurs!

(Fin de la séance à 13 h 15)

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