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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 31 mai 1990 - Vol. 31 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales


Journal des débats

 

(Neuf heures quinze minutes)

Le Président (M. Kehoe): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare la séance ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission, c'est de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministre délégué aux Affaires Intergouvernementales canadiennes, programme 4 du Conseil exécutif, pour l'année financière 1990-1991. Je demande à la secrétaire d'annoncer les remplacements.

La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Kehoe): Je rappelle aux membres de la commission que l'enveloppe de temps pour l'étude des crédits, c'est quatre heures, soit de 9 heures à 13 heures. Compte tenu du fait qu'on commence à 9 h 15, ça va aller jusqu'à 13 h 15, si tout le monde le veut.

Pour commencer, je souhaite la bienvenue à M. le ministre, aux membres de son personnel, aux membres de la commission du côté ministériel et de l'Opposition. J'invite le ministre à introduire les différents membres de son cabinet qui sont ici présents, et à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Je vous remercie, M le Président. Vous me permettrez tout d'abord de présenter les gens qui m'accompagnent à la table. Tout d'abord, à ma droite, j'ai Mme Diane Wilhelmy, qui est secrétaire associée aux Affaires intergouvernementales canadiennes; j'ai M. Marc Morin, qui est secrétaire adjoint et, à ma gauche, j'ai Mme Suzanne Levesque, qui est ma directrice de cabinet. Nous avons aussi avec nous ce matin, M. le Président, les cadres qui dirigent les départements du ministère et qui peuvent être en cause aujourd'hui dans nos discussions. J'ai tenu à ce qu'ils soient présents parce que nous avons un objectif: c'est qu'on puisse répondre de la façon la plus complète possible aux questions qui pourraient être posées tant par les membres du parti ministériel que par les membres de l'Opposition. Pour nous, il est important que les fonctionnaires puissent avoir la possibilité de répondre aux questions des élus. Moi, il m'apparaît que c'est un principe qui est très important à développer.

Je profite, M. le Président, du début de nos travaux pour souligner, comme ministre, la très grande qualité du travail de nos fonctionnaires.

Je me réfère à mes fonctionnaires aux Affaires intergouvernementales canadiennes, une petite équipe, une toute petite équipe, mais qui fait un travail remarquable de qualité, de compétence, de dévouement, et je voudrais les remercier très sincèrement. Il y a, lorsqu'on se réfère à l'État, au gouvernement, ces gens qui se dévouent à la continuation de l'État, à la prise de décision éclairée, à la continuation des dossiers, et je veux souligner d'une façon tout à fait spéciale, M. le Président, l'appui, le dévouement des fonctionnaires du ministère et du secrétariat qui ne l'ont pas facile, je dois dire, non pas parce que je suis un ministre difficile - Mme la sous-ministre est là pour en témoigner, je suis certain qu'elle va confirmer ce que je dis - mais...

M. Brassard: Laissons les juges... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: ...parce que les événements nous ont quelque peu bousculés. Je veux donc leur rendre hommage d'une façon toute particulière, M. le Président.

Je voudrais tout d'abord, dans un premier temps, faire un bref exposé, un rapide survol du mandat du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes, de ses activités, des dossiers majeurs qui ont été traités au cours de l'année 1989-1990, du contexte à l'intérieur duquel ces activités ont évolué ainsi que des perspectives qui se dessinent pour l'année 1990-1991.

L'année 1989-1990, M. le Président, a été marquée principalement par la mise en oeuvre de certains acquis des années antérieures, par la continuité dans l'avancement des dossiers, par le développement de la promotion économique, commerciale et technologique, et par le renforcement de nos liens avec les francophones du reste du Canada. On se souviendra que, l'année dernière, nous avons eu l'occasion de nous réjouir d'un nombre impressionnant de développements significatifs, des dossiers majeurs pour le Québec qui étaient parvenus à maturité au cours des années 1988 et 1989. C'est ainsi que nous avons procédé à l'annonce de nouvelles politiques québécoises de la francophonie et au renforcement du mandat économique et commercial du Secrétariat, à la faveur des amendements apportés en juin 1988 en vertu de la nouvelle loi des affaires internationales.

Par surcroît, M. le Président, plusieurs dossiers impliquant les deux ordres de gouvernement ont connu des résultats tangibles au cours de l'exercice financier 1988-1989, et j'en énumère rapidement quelques-uns: l'entrée en vigueur de

l'Accord canado-américain de libéralisation des échanges le 1er janvier 1989, la signature d'un protocole d'entente prévoyant la bonification de 150 000 000 $ des ententes auxiliaires de développement économique et régionale ainsi que la négociation à compter de janvier 1989 du refinancement de ces ententes pour la période 1990-1995, la conclusion d'une entente sur la dépollution du Saint-Laurent le 3 juin 1988, le règlement du dossier de l'Agence spatiale le 1er mars 1989 ainsi que celui de la papeterie de Matane le 10 mars 1989, la mise en place de la nouvelle structure fiscale du Québec à l'endroit des particuliers et des entreprises dans la foulée de la réforme fiscale fédérale.

Ces multiples développements positifs survenus en 1988-1989, M. le Président, étaient le fruit d'une conjoncture particulièrement intéressante, du degré avancé des diverses négociations et de l'approche que nous avons toujours privilégiée dans nos relations avec le gouvernement fédéral et avec les autres provinces. Cette approche consiste, M. le Président, à défendre des dossiers prioritaires bien préparés, en cherchant à concilier des intérêts communs ou convergents. Notre approche consiste également à promouvoir une volonté de collaboration plutôt que de confrontation, dans le respect des compétences respectives des gouvernements et du caractère distinct du Québec.

L'année 1989-1990 marque aussi la continuité de nos efforts dans un grand nombre de dossiers sectoriels à caractère récurrent, qui forment le quotidien des relations intergouvernementales du Québec. Avant d'examiner plus en détail les principales activités ainsi que révolution des principaux dossiers qui ont retenu l'attention en 1989-1990, il convient de faire brièvement état de la conjoncture des relations intergouvernementales qui a façonné l'évolution de ces dossiers au cours de la dernière année

Tout d'abord, M. le Président, sur le plan économique, les interventions financières du gouvernement fédéral ont été marquées principalement par les contraintes que posent conjointement la mondialisation des échanges, les menaces inflationnistes et la lutte à un déficit fédéral dangereusement élevé. Ces contraintes, M. le Président, se sont traduites globalement par une politique monétaire anti-inflationniste, via des taux d'intérêt très élevés, et par une politique de compression des dépenses fédérales, comprenant une diminution accélérée du niveau des dépenses et des transferts fédéraux aux provinces.

Le Québec a dénoncé fortement ces deux formes de contraintes, auxquelles s'est ajoutée la décision fédérale de mettre en place une taxe sur les produits et services, la TPS De façon générale, le gouvernement du Québec a constamment cherché à faire admettre au gouvernement fédéral que ces politiques défavorisent structu Tellement les provinces moins nanties, comme le

Québec. Celles-ci, ces provinces, doivent supporter des taux de chômage élevés, ce qui fait que leur capacité financière de s'acquitter de leur responsabilité constitutionnelle est plus limitée que celle des provinces mieux nanties. Les taux d'intérêt élevés établis par la Banque du Canada dans ses efforts pour contrer l'inflation nous pénalisent fortement dans notre développement économique au Québec. Lorsque nous regardons les derniers chiffres sur les degrés d'inflation, sur l'inflation dans les différentes provinces, on s'aperçoit que le Québec a le taux d'inflation le plus bas de toutes les provinces canadiennes. Par exemple, au Québec, en avril 1990, les dernières statistiques, taux d'inflation: 3,9 %, alors que l'Ontario est à 5,1 %, la Saskatchewan à 5,2 %, l'Alberta à 6,1 %.

M le Président, par une politique gouvernementale qui n'est pas sans problème, parce qu'il est beaucoup plus facile de dire oui que de dire non dans des demandes de développement économique, mais par un contrôle serré de nos finances publiques, comme il appert aux différents budgets qui ont été présentés par le gouvernement depuis qu'il est à la gouverne du Québec, nous avons réussi, donc, à contrôler l'inflation québécoise. On ne paut pas en dire autant des autres provinces canadiennes, et il est profondément injuste et inacceptable, M. le Président, qu'on ait à payer pour des provinces qui ne savent pas comment contrôler leur inflation. Il est évident que la Banque du Canada doit établir des taux d'intérêt qui s'appliquent à l'ensemble canadien - on voit mal comment on pourrait avoir des taux d'Intérêt qui pourraient varier selon les provinces - mais il faut faire preuve d'imagination, il faut trouver une formule qui nous permettra d'établir un juste équilibre entre des taux d'intérêt qui doivent être établis en fonction de l'intérêt national, mais aussi du respect des régions et des provinces qui sont affectées en premier lieu par des taux d'intérêt trop élevés et, par conséquent, par une valeur du dollar elle aussi trop élevée.

M le Président, il est temps qu'on repense à ces structures économiques canadiennes, il est temps qu'on les ajuste à notre réalité. Il est temps qu'on mette fin à ce qu'on pourrait appeler un fédéralisme de quêteux, avec un système de péréquation qui doit être revu, corrigé, et des structures économiques qui doivent tenir compte d'un principe qui est établi dans la constitution depuis 1982, à l'article 36, qui mentionne très clairement qu'on doit pouvoir établir dans cette Fédération un juste équilibre dans le partage de la richesse nationale. Ce principe, qui est enchâssé dans notre constitution, doit nous guider pour trouver de nouvelles formules. Qualifier les provinces de pauvres ou de riches, établir un système de péréquation en fonction de ces critères, c'est périmé. Il faut taire preuve d'Imagination, revenir à nos tables

de travail et trouver des formules plus adaptées à notre réalité économique.

Par ailleurs, M. le Président, sur le plan politique, après plusieurs années marquées par le respect des compétences provinciales et par la collaboration, on a vu le gouvernement fédéral chercher à occuper, sinon à influencer, certains secteurs d'intervention de compétence provin ciale: je mentionne, par exemple, l'éducation, la formation, l'environnement, les communications. On a même vu le fédéral privilégier, dans certains cas, des interventions unilatérales dans ces domaines qui relèvent de la juridiction provinciale. Le gouvernement du Québec n'a pas ménagé ses efforts dans ses interventions afin de faire bien comprendre au gouvernement fédéral que la collaboration offerte par le Québec à la réalisation des grands défis qu'affronte le Canada avait comme prérequis incontournable le respect des compétences et des priorités du Québec.

M. le Président, je tiens à le répéter, il ne s'agit pas de faire une guerre de drapeaux, absolument pas. Il s'agit d'avoir des gouvernements les plus efficaces possible. Parler de fédéralisme veut dire parler de deux niveaux de gouvernement qui ont des sphères de juridiction déterminées par la constitution et qui peuvent travailler en étroite collaboration, avec conciliation, dans l'application de leurs compétences. (9 h 30)

C'est évident, M. le Président, qu'on n'a pas de cloison étanche entre les compétences fédérales et provinciales. Il y a immanquablement des compétences qui peuvent avoir des effets sur des compétences qui appartiennent à l'autre ordre de gouvernement. Cependant, il y a des règles qui existent dans notre fédéralisme et les compétences exclusives doivent être respectées. Elles doivent être respectées pour, justement, avoir un maximum d'efficacité dans les politiques tant fédérales que provinciales. Toute dérogation, au fédéral, à ces principes, M. le Président, est non seulement préjudiciable aux intérêts du Québec, mais elle ne respecte ni la lettre, ni l'esprit de notre fédéralisme.

En ce qui regarde les dossiers majeurs, M. le Président, l'exercice de 1989-1990 a vu la première année d'application de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Le gouvernement du Québec s'est déclaré favorable à cet accord et a soutenu qu'il était seul habilité pour assurer sa mise en oeuvre dans les domaines de sa compétence. C'est pourquoi le gouvernement du Québec a réclamé la mise en place de modalités appropriées, qui permettraient une participation provinciale adéquate à la gestion de l'accord, dont la création d'un comité permanent de concertation fédérale-provinciale.

Cette participation provinciale doit également s'étendre au processus de règlement des différends, entre autres, lorsqu'une compétence ou un intérêt économique majeur d'une ou de plusieurs provinces est en cause. Une entente sur la gestion de l'accord doit intervenir le plus rapidement possible du simple fait que les négociations canado-américaines sur le dossier des subventions entreront dans une phase intensive en 1991, soit après la conclusion de la présente ronde de négociations commerciales multilatérales qui se déroule dans le cadre du GATT.

Outre la réduction substantielle des tarifs douaniers et d'autres entraves au commerce, la huitième ronde des négociations commerciales multilatérales, lancée en septembre 1986, a aussi comme objectif de libéraliser les échanges, principalement dans les secteurs de l'agriculture, des textiles et du vêtement ainsi qu'au niveau des subventions et des mesures de sauvegarde. Au plan fédéral-provincial, des mécanismes de participation des provinces à l'élaboration des positions canadiennes ont été mis en place, tant au niveau politique qu'administratif.

Depuis mai 1988, 20 réunions du comité fédéral-provincial et des conférences des ministres responsables du commerce extérieur ont permis au gouvernement du Québec de présenter ses positions sur les différents sujets touchés par ces négociations. De plus, le premier ministre et le ministre des Affaires internationales ont rencontré, à Genève, en février 1990, l'équipé canadienne de négociation auprès du GATT. Enfin, M. le Président, le ministère des Affaires internationales a publié, en mars dernier, un document sur les enjeux de ces négociations, dans une perspective québécoise, document qui fait notamment état des positions du Québec.

Il va de soi que cette volonté des gouvernements de chercher une plus grande libéralisation de l'économie sera profitable aux pays qui privilégieront des mesures qui se traduiront par une meilleure adaptation de leur main-d'oeuvre et de leurs entreprises. Dans un tel contexte, la décision du gouvernement fédéral de modifier en profondeur le régime d'assurance-chômage soulève de nombreuses inquiétudes parmi les provinces et, en particulier, au Québec. Au Québec, M. le Président, ces modifications concernant l'assurance-chômage se traduiront par une baisse des prestations de 350 000 000 $, en 1990, ce qui affectera 210 000 personnes. De plus, cela signifie que la clientèle de l'aide sociale, au Québec, pourrait augmenter de 10 000 prestataires.

La nouvelle Loi sur l'assurance-chômage permettra au gouvernement fédéral, tout en se retirant du financement de la caisse, d'utiliser ces fonds pour des mesures visant au développement de la main-d'oeuvre. Il est clair, M. le Président, que le gouvernement du Québec entretient de sérieuses réserves à l'égard de la volonté fédérale d'intervenir plus directement dans le champ de la formation professionnelle. Ce champ est un champ de compétence provinciale. C'est à nous de former notre main-d'oeuvre en fonction de nos priorités économiques de

développement. C'est notre responsabilité et nous avons l'intention d'exercer notre responsabilité.

Entre-temps, M. le Président, des discus sions sont en cours pour prolonger l'entente sur la planification de l'emploi. Par ailleurs, l'entente sur la formation professionnelle a été prolongée jusqu'au 31 mars 1991. Quant au dossier du refinancement des ententes auxiliaires de développement économique et régional, pour la période de 1990 à 1995, il a été sérieusement affecté par le contexte des relations férérales-provinciales de 1989-1990. Les interventions du gouvernement du Québec dans ce dossier ont été dictées par un souci de continuité et de cohérence. Rappelons que les deux gouvernements, en signant le protocole de juin 1908, s'étaient notamment engagés à bonifier les ententes auxiliaires existantes d'une somme de 150 000 000 $. De longues négociations se sont poursuivies pendant toute l'année 1989-1990, et elles ont abouti à l'acceptation par Ottawa des priorités établies par le Québec quant à la répartition des 150 000 000 $ en question. Ce protocole d'entente prévoyait ainsi que les deux gouvernements entreprendraient, dès janvier 1989, des négociations sur le refinancement des ententes auxiliaires de l'EDER pour la période 1990-1995. Plutôt que de donner suite aux demandes formelles et répétées du Québec à ce titre, le ministre fédéral responsable du dossier faisait savoir qu'il ne disposait que d'une enveloppe de 247 000 000 $ pour la période 1989 1994, afin de financer de nouvelles initiatives de développement économique régional au Québec.

Dans ce dossier majeur, le Québec a par ailleurs insisté auprès du gouvernement fédéral sur la nécessité de maintenir les régimes d'en tentes auxiliaires, d'en poursuivre l'exécution et d'en assurer le refinancement adéquat. Ces conditions doivent être respectées afin que le Québec puisse disposer d'une égalité des chances pour développer son potentiel économique et satisfaire ses besoins d'adaptation au libre-échange. Le Québec tient également a avoir sa juste part de la contribution fédérale en matière de développement régional, conformément aux principes inscrits dans la constitution. C'est cet article 36, auquel je me référais il y a quelques minutes, M. le Président, cet article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui précise que le gouvernement fédéral partage avec les provinces la responsabilité de favoriser le développement économique, de façon à réduire l'inégalité des chances. Or, la part qu'Ottawa consent au Québec, au chapitre du développement économique et régional, est en constante régression.

M. le Président, je me permettrais, à ce moment-ci, de distribuer aux membres de la commission un tableau qui m'apparaît particuliè rement significatif. C'est un tableau qui a été préparé par le Secrétariat et qui se réfère à des chiffres qui sont officiels, qui apparaissaient dans les budgets Wilson. C'est un tableau que j'ai communiqué au gouvernement fédéral depuis déjà un bout de temps, qui n'a pas été contesté par le gouvernement fédéral à ce jour. Mais c'est un tableau qui est particulièrement éloquent, et je suis certain que vos questions me permettront, tout à l'heure, d'y revenir. De 33, 9 % qu'elle était au cours de la période de 1979 à 1984, elle s'établira à 25, 2 % au cours des années 1989 à 1994, incluant la somme de 247 000 000 $ offerte par Ottawa pour de nouvelles initiatives. Cette part s'avère insuffisante, voire inacceptable, compte tenu des besoins du Québec. Pourtant, entre les périodes de 1979 à 1964 et de 1989 à 1994, la part des provinces atlantiques augmente, elle, de 33, 2 % à 37, 9 %, et celle des provinces de l'Ouest bondit de 20, 8 % à 32, 4 %. Il y a de quoi s'interroger lorsqu'on regarde ces chiffres. Malgré les demandes répétées du Québec, formulées tout au long de l'année 1989-1990, le gouvernement fédéral n'a pas été en mesure de donner les raisons de ce traitement qui nous apparaît tout à fait injuste.

Dans ce contexte difficile, c'est avec satisfaction que nous avons récemment accueilli la réponse du nouveau ministre fédéral responsable du Développement économique et régional, M. Benoît Bouchard, qui affirmait, le 18 avril dernier, être disposé à entreprendre dès maintenant des discussions sur le refinancement des ententes auxiliaires. Le gouvernement du Québec entend poursuivre ses efforts et poser les gestes requis afin que le processus de bonification des ententes actuelles de l'EDER soit immédiatement mis en oeuvre et que les négociations sur le refinancement des ententes soient enfin amorcées et mènent à des résultats acceptables pour le Québec et les régions. J'ai eu l'occasion, M. le Président, dans le dernier mois, de rencontrer à deux reprises le ministre Bouchard pour discuter de ce dossier. Je dois dire que nos discussions sont intéressantes.

Aux yeux du Québec, il paraît évident qu'en n'agissant pas rapidement pour corriger cette situation d'inéquité régionale, qui pénalise durement les provinces moins nanties, le gouvernement fédéral ne joue pas son rôle de redistributeur de la richesse à travers le pays; on peut lui adresser le même reproche quant aux programmes d'habitations sociales, par exemple, M. le Président. Entre 1986 et 1989, les engagements fédéraux en habitations sociales ont connu une croissance annuelle de 1, 6 % au Québec, de 8, 7 % dans les provinces moins nanties, et de 17, 7 % dans les provinces nanties, dont 19, 9 % en Ontario. Ces écarts proviennent essentiellement de la formule de répartition des fonds fédéraux. Je le mentionnais tout à l'heure, M. le Président, il faut repenser ces formules de répartition des fonds fédéraux. Il faut trouver des formules nouvelles. Compte tenu de leur capacité financière, les provinces moins nanties doivent recourir à des efforts de rationalisation de leurs dépenses dans ce secteur comme dans les autres.

Une telle allocation des ressources fédérales ne peut que contribuer à accroître les disparités économiques au Canada et, de là, à faire naître des tensions dommageables pour l'unité canadienne.

Comme vous pouvez le constater, les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont importants. Néanmoins, certains dossiers ont connu, au cours des 12 derniers mois, des développements significatifs qui sont à l'avantage du Québec. D'autres dossiers importants sont aussi en phase de discussion. Au chapitre de l'environnement, une entente fédérale-provinciale d'harmonisation et de concertation fut signée le 8 juin 1989, entente par laquelle le gouvernement fédéral s'est engagé à consacrer 103 000 000 $ afin de réaliser différents projets liés à la dépollution du Saint-Laurent. De plus, un accord a été conclu récemment avec le gouvernement fédérai concernant la création d'un parc marin au confluent de la rivière Saguenay et du fleuve Saint-Laurent. C'est là, M. le Président, en ce qui regarde ce parc marin, un exemple particulièrement éloquent d'une bonne relation entre le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois au bénéfice des Québécois, qui voient là une réalisation qui était longuement attendue. Et je suis certain que le député de Lac-Saint-Jean sera du même avis que moi. Cette entente, donc, qui crée le parc marin, représente un investissement fédéral de 7 500 000 000 $ et respecte les objectifs du Québec relativement à l'intégrité de son territoire et au maintien de ses compétences.

Dans le domaine de l'énergie, l'annonce officielle du projet Soligaz par le gouvernement du Québec, le 8 septembre 1989, donnait l'aval à ce projet qui représente à la fois un enjeu majeur de développement économique et un instrument important de la sécurité énergétique du Québec. Par la mise en oeuvre de ce projet, l'industrie pétrochimique montréalaise pourra reprendre la place importante qu'elle détenait dans ce domaine avant les années soixante-dix en Amérique du Nord. Ce projet sera probablement soumis à l'Office national de l'énergie, au début de la prochaine année.

Dans le domaine des sciences et des technologies, le gouvernement fédéral a dévoilé, le 26 octobre dernier, les 14 projets qui ont été retenus dans le cadre du nouveau programme des réseaux de centres d'excellence. Des universités québécoises font partie de 12 de ces 14 projets, dont 5 seront dirigés par une institution du Québec. Comme cela fut annoncé, le Québec compte bénéficier de 27 % du budget fédéral consacré à ce programme. Ces projets qui s'ajoutent au règlement de dossiers tels l'implantation de l'Agence spatiale et la dépollution du Saint-Laurent contribueront à améliorer la part relative du Québec dans des dépenses fédérales en recherche-développement. (9 h 45)

Toutefois, le retard du Québec dans ce secteur demeure énorme. La performance du Québec dans le cadre de la politique fédérale de répartition des contrats en science et technologie no cesse de se détériorer depuis 1976-1977. Elle s'est même effondrée depuis 1985-1986, si bien qu'elle n'atteignait même plus 10 % en 1986-1987. Il est à noter que l'année 1988-1989 a vu apparaître un timide redressement pour le Québec avec environ 14 % de la valeur des contrats. Pour les 11 premiers mois de 1989-1990, la tendance n'apparaissait pas se poursuivre, puisque la part du Québec serait de seulement 12, 14 % contre 44, 6 % pour l'Ontario et 19, 3 % pour la Colombie-Britannique. Le gouvernement du Québec entend poursuivre ses efforts en vue de corriger la situation.

En ce qui regarde les dossiers en discussion, M. le Président, le gouvernement du Québec cherche à établir les positions susceptibles de faire évoluer les décisions du gouvernement fédéral dans le sens des intérêts supérieurs du Québec, et cela, dans le respect de tous les partenaires canadiens. À titre d'exemple, on se rappellera que, face aux problèmes soulevés par le projet fédéral de taxe sur les produits et services, le gouvernement du Québec a multiplié les représentations auprès d'Ottawa, que ce soit conjointement avec les autres provinces ou de façon bilatérale, et ces discussions ont commencé à porter fruit. Ainsi, la décision du gouvernement fédéral de réduire de 9 % à 7 % le taux fixé pour la TPS permettra de corriger les problèmes soulevés par la présente taxe aux manufacturiers tout en minimisant l'impact de cette réforme sur l'économie. De même, la réduction de ce taux atténuera les risques de rupture de l'équilibre fiscal actuel entre le gouvernement fédéral et les provinces, quoique des garanties plus fermes soient souhaitables à cet égard.

Les discussions avec le gouvernement fédéral ont aussi progressé sur la question de l'impact de la TPS sur la situation financière des provinces, notamment au chapitre du maintien du fardeau fiscal actuel de nos municipalités, commissions scolaires, universités et hôpitaux. Cependant, le problème de la complexité administrative posé par la TPS reste entier. La coexistence de deux régimes de taxe à la consommation, à savoir la TPS fédérale et la taxes de vente provinciale, représenterait un véritable cauchemar administratif et constituerait une dépense improductive que ni les contribuables, ni les deux niveaux de gouvernement n'auraient les moyens de se permettre. Malgré les problèmes majeurs soulevés par cette taxe, le gouvernement fédéral semble déterminé à aller de l'avant avec son projet. C'est pourquoi il nous faut explorer, comme le ministre des Finances l'a mentionné, toutes les solutions qui seraient de nature à atténuer ces difficultés. Notre objectif demeure de protéger les intérêts du Québec et de ses contribuables et, plus particulièrement, de réduire les possibilités de confusion administrative en ce

domaine.

Par ailleurs, tant sur la scène fédérale qu'au Québec, le problème crucial que pose le financement du système de santé est amplement discuté à l'heure actuelle. Lors de leur dernière conférence, tenue à Québec, en août 1989, les premiers ministres des provinces ont pris connaissance du rapport déposé par le premier ministre du Québec au nom des ministres de la Santé des provinces. Ils ont alors convenu de l'urgence de réduire la croissance des coûts de santé et de la nécessité que le gouvernement fédéral mette un terme aux coupures de transferts aux provinces dans ce secteur. Les premiers ministres ont aussi demandé à leurs ministres de la Santé de poursuivre la coopération intergouvernementale en vue de mettre au point des solutions de rechange axées sur la prévention et sur la distribution de services curatifs moins coûteux. Dans cette optique, les ministres provinciaux de la Santé ont convenu, lors de leur rencontre de septembre 1989 à Québec, de poursuivre leurs échanges en mettant l'accent sur le partage de l'information ainsi que sur la nécessité d'effectuer une évaluation approfondie des programmes de services de santé.

Au plan économique, plusieurs dossiers ont aussi connu une évolution significative. Mentionnons celui de la nouvelle stratégie fédérale de mise en valeur des ressources humaines. Les sous-ministres fédéral et provinciaux se sont entendus, à leur rencontre du 31 janvier 1990, à Québec, pour mettre en place un processus de discussion devant conduire à la signature d'un cadre de principe multilatéral suivi d'ententes bilatérales.

À l'heure de l'adaptation au libre-échange et de la mondialisation des marchés, nous entendons faire en sorte que le gouvernement fédéral s'associe au gouvernement du Québec afin de mettre en oeuvre des mesures de formation qui tiennent compte des compétences et des priorités propres au Québec dans ce secteur. De fait, il s'agit pour tous les gouvernements au Canada de devenir dans ce domaine des partenaires pour l'avenir, comme l'indique le titre du document agréé par toutes les provinces et présenté par mon collègue de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Dans le domaine de la protection de l'environnement, les premiers ministres du Canada et des provinces ont approuvé, lors de leur conférence annuelle sur l'économie, les 9 et 10 novembre 1989, les grandes lignes d'une déclaration de principe préparée par les ministres provinciaux de l'Environnement et portant sur la coopération intergouvernementale. Le Québec a maintes fois rappelé sa volonté de collaboration et de coopération en matière de protection de l'environnement dans le respect intégral de ses compétences.

Pour éviter le dédoublement des procédures avec le gouvernement fédéral, le Québec est en principe d'accord pour qu'une coopération s'établisse et que le gouvernement fédéral soit intégré dans ce processus québécois en ce qui a trait à l'évaluation des impacts qui relèvent de sa compétence. Toutefois, on ne prévoit pas d'évolution dans le dossier des mécanismes permanents de collaboration tant que le contenu du projet de loi fédéral sur l'évaluation des impacts environnementaux devant être déposé en cours d'année ne sera pas connu.

Enfin, le secteur des télécommunications a été également le théâtre d'événements majeurs au cours de l'exercice financier 1989-1990. Il y eut tout d'abord, le 14 août 1989, le jugement de la Cour suprême du Canada dans la cause relative à la compagnie albertaine de télécommunications AGT; et le 19 octobre 1989, le dépôt du projet de loi C-41 ayant pour objet de lier expressément la couronne aux dispositions de la Loi sur les chemins de fer. Le ministre fédéral des Communications éliminait ainsi l'immunité qui avait été reconnue par la Cour suprême aux entreprises de télécommunications des provinces des Prairies. Le gouvernement du Québec, même s'il reconnaît le bien-fondé d'une politique nationale de télécommunications, n'en exprime pas moins sa volonté d'exercer ses responsabilités sur le plan économique, social et culturel à l'endroit des entreprises de télécommunications oeuvrant sur son territoire. Il est donc heureux que les pressions exercées par la ministre québécoise des Communications aient conduit au retrait, du moins pour une période de réévaluation, de ce projet de loi fédéral.

De nombreuses activités contribuent à la réalisation de nos objectifs en matière de relations intergouvernementales, M. le Président. En ce qui a trait au volet de promotion économique, commerciale et technologique sur le territoire canadien, le Secrétariat a, au cours de l'année 1989-1990, posé des jalons pour la mise en place d'un plan d'action qui lui permettra d'être une plaque tournante entre le réseau des bureaux du Québec au Canada et les différents ministères économiques. De plus, le Secrétariat et le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie se sont concertés pour assurer une participation québécoise à trois foires commerciales importantes au Canada, soit le National Petroleum Show, à Calgary, Wood Expo à Vancouver et le Canadian High Tech, à Toronto.

En plus des relations bilatérales régulières avec le gouvernement fédéral, nous entretenons des échanges soutenus avec l'ensemble des autres provinces, afin d'améliorer nos liens avec nos partenaires canadiens et de les rendre réciproquement avantageux. En 1989-1990, le Québec a reçu la visite des premiers ministres de l'Ontario, de l'île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve. De plus, les premiers ministres provinciaux se sont rencontrés au mois d'août dernier, à Québec, dans le cadre de la 30e conférence des premiers

ministres provinciaux. Cette conférence a donné lieu à des consensus pertinents dont a été saisi le gouvernement fédéral.

Lors de la conférence annuelle des premiers ministres sur l'économie, tenue les 9 et 10 novembre 1989, je songe en particulier aux prises de position concernant la TPS, l'économie, les questions environnementales et le développement régional. Il me plaît de souligner que cette conférence marquait le 30e anniversaire de la conférence qui avait été tenue à Québec, en 1960, à l'initiative du premier ministre du Québec, M. Jean Lesage. La réunion de Québec, les 22 et 23 août 1989, marquait également le 125e anniversaire de la réunion tenue à Québec le 18 octobre 1864. C'est à cette occasion, on se souvient, M. le Président, que les Pères de la Confédération avaient conçu les 72 résolutions qui devaient permettre, trois ans plus tard, de jeter les bases constitutionnelles de la Fédération canadienne.

Le caractère intense des activités intergouvernementales se mesure également au nombre important de rencontres et de conférences auxquelles le Québec a participé. Signalons qu'en 1988-1989 il s'est tenu deux conférences au niveau des premiers ministres et plus d'une quarantaine de conférences de ministres, tant au niveau fédéral, provincial qu'interprovincial.

Enfin, les représentants du Québec on assisté à plusieurs rencontres de fonctionnaires portant sur tous les dossiers sectoriels qui composent le menu de nos relations fédérales-provinciales et Interprovinciales. Ces rencontres et conférences contribuent à faire avancer des dossiers importants pour le Québec. Nous avons également maintenu en 1989-1990 un niveau élevé d'activités dans nos programmes de coopération avec l'Ontario et le Nouveau-Brunswick. L'année 1989 marquait le 20e anniversaire des accords de coopération et d'échanges en matière d'éducation et de culture, ainsi que la création des commissions permanentes de coopération Québec-Nou-veau-Brunswick et Québec-Ontario. Plusieurs manifestations spéciales ont souligné ce dernier anniversaire, dont une importante exposition en design mobilier tenue successivement en Ontario et au Québec, ainsi qu'une tournée conjointe des ensembles vocaux Tudor, de Montréal et Elmer Iseler, de Toronto.

De plus, en juin dernier, à l'occasion de la visite à Québec du premier ministre de l'Ontario, MM. Bourassa et Peterson signalent un protocole additionnel de coopération entre les deux provinces, lequel touche notamment le secteur scientifique, l'environnement, l'économie et l'administration publique.

Mentionnons, en outre, que les premiers ministres de l'Ontario et du Québec ont annoncé, le 17 octobre 1989, la création d'un groupe de travail mandaté pour étudier la faisabilité d'un lien Québec-Windsor par train à grande vitesse. Et c'est là un projet d'avenir qui intéresse vivement le Québec.

En 1989-1990, le Québec a également enrichi sa coopération interprovinciale en signant un accord avec l'île-du-Prince-Édouard. De plus, des discussions sont en cours afin de resserrer la coopération avec d'autres provinces dans le but d'en arriver à de nouveaux accords-cadres.

M. le Président, nous avons également renforcé nos liens avec les francophones du reste du Canada et procédé, cette année, à une consolidation de notre action à l'endroit des communautés francophones. Les efforts de coopération avec les francophones hors Québec ont été intensifiés dans des domaines tels que l'éducation, la culture, les communications et la coopération économique. De plus, une attention particulière a été portée à la jeunesse, notamment, par la mise en place de programmes d'échanges.

Enfin, rappelons que trois moyens sont privilégiés pour renforcer l'ensemble de l'appui québécois à la francophonie québeco-canadienne: premièrement, des programmes d'aide destinés à soutenir directement les communautés francophones; deuxièmement, des accords de coopération avec les provinces concernées et, troisièmement, le maintien du lien direct avec les associations francophones. Le gouvernement a substantiellement augmenté son appui financier et technique aux francophones du reste du Canada. De 1 400 000 $ qu'il était en 1987-1988, l'effort budgétaire québécois est passé à 2 300 000 $ en 1989-1990.

Il y aurait matière suffisante pour s'étendre encore longuement sur l'évaluation des dossiers des activités intergouvernementales du Québec en 1989-1990, mais nous nous en tenons à l'essentiel. Ce bilan des relations du gouvernement du Québec avec le gouvernement fédéral et ceux des autres provinces témoigne du caractère positif de l'approche québécoise en matière de relations intergouvernementales, de môme que de la cohérence et de la continuité de son action au-delà des cycles qui ponctuent l'évolution de nos relations économiques et politiques.

En effet, la gestion et l'avancement des dossiers intergouvernementaux sont affaire de continuité et de permanence. Ceci est particulièrement important considérant les nombreuses questions majeures qui demeurent en suspens et qui sont appelées à occuper l'avant-scène des relations fédérales-provinciales.

Ainsi, le Secrétariat continuera, en 1990-1991, à accentuer le volet économique de son mandat, de manière à permettre au gouvernement du Québec de disposer des meilleurs dossiers de négociation avec le gouvernement fédéral dans les secteurs prioritaires pour le Québec. Il en résultera des interventions fédérales mieux ajustées aux besoins et aux aspirations du Québec ainsi qu'un traitement plus équitable pour le Québec en regard des décisions des actions fédérales qui nous affectent.

Dans cet esprit, les dossiers prioritaires qui, au cours des prochains mois, retiendront l'attention du gouvernement du Québec dans ses relations fédérales-provinciales seront les suivants: premièrement, le refinancement des ententes auxiliaires de CEDER. Le Québec continuera de défendre l'intégrité des principes qui sont les siens en matière de développement économique et régional. Deuxièmement, la réforme de la taxe de vente. Le gouvernement du Québec cherchera à protéger les intérêts du Québec et de ses contribuables et, notamment, à réduire les possibilités de confusion administrative en ce domaine. Troisièmement, les négociations du renouvellement des accords fiscaux 1992-1997. Le Québec soumettra des propositions, afin que le gouvernement fédéral puisse pleinement assumer ses responsabilités de redistribution de la richesse au Canada et afin de réaliser un partage plus équilibré des ressources réservées aux provinces pour qu'il soit compatible avec les responsabilités que celles-ci doivent assumer. Quatrièmement, la stratégie fédérale de mise en valeur des ressources humaines. Le Québec exigera que la réforme fédérale touchant la formation de la main-d'oeuvre et l'assurance-chômage s'inscrive dans la nouvelle réalité créée par le libre-échange et tienne compte des intérêts du Québec. Cinquièmement, la protection de l'environnement. Le Québec poursuivra ses efforts en vue de la conclusion d'une entente sur l'évaluation des impacts environnementaux.

Les activités prioritaires en 1990-1991, disons que le réseau des bureaux du Québec au Canada, en étroite collaboration avec les ministères économiques concernés, sera en mesure d'exercer les nouvelles responsabilités que le gouvernement lui a confiées en matière de promotion économique, commerciale et technologique sur le territoire canadien. Et les conseillers économiques en poste dans les bureaux du Québec au Canada seront ainsi mandatés pour privilégier les secteurs jugés prioritaires par le gouvernement. Nous parlons de libre-échange avec les États-Unis, mais nous avons un libre marché canadien qui est là et qui n'est pas exploité à sa juste mesure. (10 heures)

Cette façon de procéder témoigne de l'importance accordée à la représentation, dans les autres provinces, des intérêts des entreprises québécoises. Des initiatives intéressantes confirment déjà l'engagement ferme du gouvernement du Québec à ce chapitre. C'est ainsi que les conseillers économiques en poste dans les bureaux du Québec au Canada, en compagnie de ceux qui sont affectés ailleurs dans le monde, viennent d'effectuer une série de rencontres avec des gens d'affaires québécois afin de mieux connaître leurs besoins en matière d'aide à l'exportation.

Par ailleurs, dans l'ensemble de ses activités, le Secrétariat, tout en continuant à promouvoir les positions du Québec, maintiendra le caractère flexible de l'approche que privilégie le Québec dans ses relations intergouvernementales. La collaboration et la solidarité offertes par le Québec à ses partenaires doivent être vues à la lumière du respect que portent ceux-ci à l'égard des compétences du gouvernement du Québec et du caractère distinct de la société québécoise.

En conclusion, M. le Président, dans cette optique, par l'accord du lac Meech, le Québec a voulu poser un geste de réconciliation et tendre la main à ses partenaires de la Fédération pour qu'on relève ensemble le défi posé par l'ouverture des frontières et l'internationalisation des échanges. Tout en maintenant sa spécificité, le Québec doit, pour poursuivre son développement, s'ouvrir au monde et resserrer les liens avec ses partenaires économiques afin d'affronter une concurrence internationale accrue et de plus en plus difficile.

L'accord qui a été signé le 3 juin 1987 et qui doit permettre au Québec de réintéger la dynamique constitutionnelle à titre de partenaire majeur et distinct de plein droit fut le résultat d'une approche consensuelle de la part de tous les partenaires Impliqués. Il s'agit d'un accord qui, non seulement pour le Québec est l'accord qu'il nous faut, mais qui peut aussi permettre au Québec d'adhérer avec dignité à la constitution canadienne et nous permettre aussi de rejoindre, comme partenaire a part entière, l'ensemble canadien. Cet accord est avantageux pour chacune des régions, qui trouvent aussi une possibilité de mieux se développer en fonction de leur potentiel.

M. le Président, j'espère que, dans les prochains jours, l'évolution de ce dossier nous permettra de conclure, de tourner la page pour qu'on puisse concentrer nos efforts à relever les défis, en particulier les défis économiques très importants que nous avons devant nous. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Kohoe): Merci, M. le ministre. J'invite donc maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle à faire des remarques préliminaires.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, si j'avais un titre à donner au discours de trois quarts d'heure que vient de nous faire le ministre, je l'appellerais "le discours de la résignation tranquille". Je demanderais même à la commission de le verser presque au complet, ce discours-là, comme pièce à conviction au procès du régime fédéral. Si je l'avais connu, d'ailleurs, si j'en avais pris connaissance quelques jours avant, probablement que ça m'aurait évité d'en écrire un moi-même, parce que c'est très accablant comme critique et comme bilan des relations

fédérales-provinciales.

Mais ce qui me laisse pantois, M. le Président, c'est que, malgré ce bilan accablant du régime fédéral, la fol fédéraliste du ministre n'est quand marne pas ébranlée, ce qui me fait dire que... Il est, comme on le sait, de formation juridique. C'est un juriste de métier et de formation, mais quand on examine sa foi, on pense plutôt au métier de charbonnier.

Des voix: Ha, ha, ha!.

M. Brassard: C'est vraiment la foi du charbonnier. Le ciel peut lui tomber sur la tête, sa foi n'est pas ébranlée pour autant. Il continue de croire aux vertus du régime fédéral, malgré le bilan accablant qu'il en fait lui-même parce que son discours est une très belle pièce à conviction à verser dans le cadre du procès du régime fédéral.

Sur Meech et sur le dossier constitutionnel, ma foi, je l'ai trouvé très succinct. On y reviendra sûrement dans nos échanges. Je l'ai trouvé très bref. Est-ce qu'on doit interpréter sa brièveté, sa concision sur le dossier constitutionnel comme nous démontrant qu'il se déroule, présentement, des négociations secrètes ou est-ce qu'on doit conclure que l'air de Provence inspire davantage le ministre quant au dossier constitutionnel et quant à l'avenir du Québec? Il est un peu, d'ailleurs, comme le premier ministre lui-même. L'air étranger est plus inspirant, semble-t-il. De sorte qu'après le 23 juin, moi, je proposerais que le ministre et le premier ministre s'en aillent pour un bon mois sur la Côte d'Azur.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Comme ça, pendant un mois, je pense qu'on réussirait pas mal à savoir où ils se casent et leur positionnement quant à l'avenir du Québec.

M. le Président, l'Impasse relative à l'accord du lac Meech perdure toujours, à 23 jours de l'échéance fixée pour sa ratification. Et au-delà de son contenu - on y reviendra sans doute dans nos échanges tout à l'heure - l'accord est devenu en quelque sorte le symbole de l'émergence de deux nations engagées dans un débat fondamental sur leur avenir respectif. Alors, d'un côté le Canada anglais qui tente, depuis 1982 surtout, de se définir un pays autour de la Charte canadienne des droits et libertés enchâssée dans la constitution et selon laquelle tous les citoyens doivent avoir les mômes droits et, par conséquent, toutes les provinces doivent être égales entre elles. D'où leur réticence et la résistance chez certaines à reconnaître le Québec comme une société distincte par crainte, justement, de lui conférer un statut particulier.

Je dirais, M. le Préskient, que cette conception du Canada est légitime et que je ne vois pas pourquoi, par exemple, certains Québécois fédéralistes, peut-être par déception, considèrent cette vision du Canada comme illégitime. C'est une vision tout à fait légitime du Canada, II faut le reconnaître, mais qui, évidemment, va à l'encontre des aspirations fondamentales du Québec. La nation québécoise - et j'ai été heureux de constater que le ministre a attendu sa visite en France pour recourir à cette notion ou à ce concept de nation québécoise; je l'ai vu en toutes lettres dans son discours d'Aix-en-Provence - recherche depuis plus de 30 ans l'obtention d'un statut particulier à l'intérieur de la Fédération canadienne qui soit conforme à son identité et à sa culture. Et tous les gouvernements québécois qui se sont succédé depuis la Révolution tranquille ont multiplié les tentatives pour obtenir ce statut particulier permettant au Québec d'avoir les pouvoirs nécessaires pour assurer son développement. L'accord du lac Meech conclu en juin 1987 s'inscrit dans cette volonté constante du Québec d'obtenir un statut particulier, même si cela s'est fait sur la base des conditions les plus faibles et les plus inoffensives présentées par un gouvernement québécois en matière de réforme constitutionnelle.

L'accord du lac Meech a permis de constater que la vision du Canada anglais, fondée sur la charte de 1982, d'une part, et la quête d'un statut particulier pour le Québec, d'autre part, sont incompatibles. Et à cet égard, le débat relatif à l'accord du lac Meech a agi comme un puissant révélateur pour les Québécois et les Québécoises, révélateur dans le sens photographique du terme, qui fait apparaître la photo. Le rejet probable de cet accord par le Canada anglais, considéré par une majorité de Québécois comme l'ultime et dernière chance du fédéralisme, sera interprété comme un refus de la tentative du Québec d'obtenir un statut particulier et ce, sur la base des conditions les plus faibles, les plus modérées, les plus raisonnables et les plus modestes mises de l'avant en cette matière par un gouvernement québécois. Ce rejet de l'accord sera aussi interprété comme un reniement de la promesse de ceux qui les avaient invités à voter "non" au référendum de mai 1980 en affirmant que leur "non" serait un "oui" au fédéralisme renouvelé. Pour tout Québécois, un fédéralisme renouvelé passe par un statut particulier pour le Québec, ce qui était, évidemment, loin d'être la conception de Trudeau.

Le beau risque s'effondre, emportant avec lui l'honneur et l'enthousiasme sous le poids de l'incompréhension et du mépris croissant à l'endroit du Québec. La démission courageuse de Lucien Bouchard sonne en quelque sorte le glas de la troisième voie, celle d'un Québec ayant un statut particulier fondé sur des pouvoirs spécifiques à l'intérieur d'un cadre fédératif canadien. Elle est devenue une vole sans issue. Le débat sur l'accord du lac Meech aura fait oeuvre de clarté, à tout le moins, en ramenant l'avenir du

Québec à deux options: première option, le maintien du Québec à l'intérieur du Canada avec le statut d'une province tout à fart comme les autres ou, alors, l'accès à la souveraineté qui lui procurera les outils et les pouvoirs permettant au Québec de devenir pleinement responsable de lui-même. Souverain, il pourra alors exercer un rapport de force favorable à la négociation des modalités d'une association avec le Canada.

La voie de la souveraineté apparaît être la seule voie possible et digne pour un nombre croissant de Québécois. Un sondage d'opinions reflète d'ailleurs - il y en a eu un dernier pas plus tard qu'hier - cette progression de l'idée de la souveraineté parmi la population québécoise en recueillant près de 60 % d'appuis dans certains cas. Les Québécois sont de plus en plus nombreux à envisager la voie de la souveraineté parce qu'ils ont acquis cette confiance, cette assurance que le Québec possède sur le plan économique les moyens et les capacités requis pour assumer son avenir politique. La faisabilité économique du projet de souveraineté n'est plus un enjeu du débat comme ce fut le cas, on s'en rappellera, en 1980. Les analyses de la firme de courtage Merrill Lynch, du mouvement Desjardins, des banques Toronto Dominion, de Montréal ainsi que du magasine d'affaires américain Business Week démontrent sans équivoque la viabilité de la souveraineté du Québec sur le plan économique. Cela s'explique en bonne partie par le dynamisme de la garde montante, Issu notamment du REA et du décloisonnement des institutions financières, qui a permis aux Québécois d'accroître de façon considérable le contrôle de leur économie depuis le référendum de mai 1980.

L'échec éventuel de l'accord du lac Meech marquera la fin des tentatives répétées du Québec visant à obtenir un statut particulier à l'intérieur du cadre fédératif canadien. Cet échec appréhendé constituera le troisième reniement du Canada anglais à l'égard du Québec, le premier étant le détournement de la promesse référendaire de Trudeau au profit d'un rapatriement unilatéral de la constitution, le second étant la décision des provinces du Canada anglais d'abandonner le Québec à son propre sort au terme de la nuit des longs couteaux en novembre 1981. On comprend mieux le désarroi de l'actuel gouvernement du Québec face à l'échec de plus en plus certain de l'accord du lac Meech.

Une question fondamentale se pose pour ce gouvernement d'obédience fédéraliste et c'est la suivante: Avec quelle crédibilité pourra-t-il prétendre négocier a nouveau avec le reste du Canada pour obtenir davantage après que celui-ci eut dit non aux cinq conditions minimales du Québec incluses dans l'accord du lac Meech? Comment peut-il sérieusement convaincre les mêmes partenaires qu'il veut désormais obtenir plus, obtenir davantage alors que ceux-ci s'apprêtent tout juste à lui refuser le moins, le minimum? De plus, le processus lui-même de modification de la constitution a perdu beaucoup de sa crédibilité et de sa légitimité en raison du reniement répété de la parole donnée de certains premiers ministres par leurs successeurs. Dans un tel contexte, toute tentative de réforme constitutionnelle dans le cadre qu'on connaît devient pour le moins hasardeuse. L'échec de l'accord du lac Meech se traduira non seulement par un Isolement du Québec, mais davantage par un affaiblissement considérable de son poids politique suite au revers Infligé à un gouvernement aux convictions fédéralistes se prétendant mandaté par fa population pour négocier la réintégration du Québec dans le giron constitutionnel sur la base de ces cinq conditions minimales.

Dérouté par l'attitude du Canada anglais, le premier ministre cherche à gagner du temps en multipliant les comités sur les scénarios de l'après-Meech, renvoyant les décisions de son gouvernement au congrès de son parti en février 1991, à moins, comme je le disais tantôt, qu'il n'aille faire un séjour prolongé en Europe en Invoquant le nébuleux concept de la superstructure, tout en espérant secrètement qu'un miracle se produise lors de la conférence des premiers ministres qui aura, semble-t-il, lieu d'ici quelques jours.

L'espoir est vain, à cet égard, pour nous comme pour bon nombre de Québécois qui, pour reprendre les propos de M. Béland, président du mouvement Desjardins, considère que le mal est fait. Et j'irais même jusqu'à dire, M. le Président, qu'advenant la ratification même, dans les prochains jours, de l'accord du lac Meech tel quel, je pense que ce serait accordé tellement à contrecoeur par le Canada anglais et à partir de tordages de bras et de fractures de jambes que, finalement, le peu de valeur qu'on pouvait accorder à l'accord du lac Meech serait réduit à néant. Il faut donc jeter dès maintenant les bases de l'avenir du Québec en convoquant, par exemple, des états généraux, où les forces vives de la nation québécoise pourraient clairement indiquer la voie à suivre. Pour nous, du Parti québécois, bien sûr, cette vole passe d'abord par la souveraineté. (10 h 15)

Le débat sur l'accord du lac Meech a relégué au second plan un autre débat fort important: celui de la non-rentabilité croissante du fédéralisme pour le Québec. En effet, depuis quelques années, les Québécois paient davantage d'impôts à Ottawa que ce qu'ils reçoivent de ce dernier, en termes de transferts et de dépenses de toutes sortes. Selon les comptes économiques provinciaux, Ottawa retourne, depuis trois ans, 1986, 1987, 1988 - et pour 1989 on n'a pas encore les chiffres, ça m'étonnerait que ça ait changé - moins d'argent au Québec que le total des Impôts et des taxes qu'il y prélève, et aussi de la part de l'accroissement de la dette fédérale imputable au Québec.

Ainsi, contrairement à la situation prévalant à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, ce qui s'expliquait, en bonne partie d'ailleurs, par les subventions pour le pétrole - on en a entendu assez parler pendant la campagne référendaire, de ces fameuses subventions - contrairement à cette situation qui prévalait à cette époque-là, alors que l'on agitait fébrilement la rentabilité du fédéralisme pendant la campagne référendaire de mai 1980, Ottawa a réalisé des surplus dans ses comptes économiques et financiers avec le Québec de l'ordre de 1 300 000 000 $ en 1988, de 1 100 000 000 $ en 1987 et de 350 000 000 $ en 1986. Compte tenu de la piètre situation financière du fédéral et du niveau élevé de son déficit budgétaire et de son endettement, la tendance actuelle risque de s'accentuer, et le fédéralisme deviendra de moins en moins rentable.

Dans les faits, le gouvernement fédéral se désengage progressivement des programmes dont il partage le financement avec le Québec, créant des pressions additionnelles sur les finances publiques de celui-ci. Je vous réfère, d'ailleurs, au discours de M. Gérard D. Levesque, tout récemment. De plus, les transferts fédéraux augmentent à l'égard des provinces les mieux nanties, la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario, alors que ces mêmes transferts plafonnent pour le Québec. L'annexe E du discours sur le budget prononcé le 26 avril dernier par le ministre québécois des Finances constitue la pièce à conviction la plus accablante et la plus éloquente qui soit, lorsque l'on veut mesurer l'impact de ce fédéralisme de moins en moins rentable pour les Québécois. Ajoutons-y le tableau, que le ministre nous a distribué tantôt, sur le financement du développement régional per caplta. Ajoutons-le. Il ne fait pas partie de l'annexe E, mais if est tout aussi accablant.

Je reviens à l'annexe E. Ainsi, de 1984 à 1988, les transferts fédéraux ont connu, au Québec, un taux de croissance annuel de 3,5 %, ce qui est nettement inférieur au taux de croissance de 5,7 % pour ce qui est des provinces moins nanties, mais de 7,7 % dans le cas des provinces mieux nanties et de 8,1 % pour l'Ontario, la province la plus riche du Canada. Cette situation déplorable s'explique, évidemment, par le désengagement du gouvernement fédéral, par le biais de coupures affectant plusieurs secteurs: développement régional, logement social, garderies. Au seul chapitre du financement des programmes établis en matière de santé et d'enseignement supérieur, le manque à gagner, au Québec, s'élève à 1 300 000 000 $ pour la seule année financière 1990-1991. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est toujours dans l'annexe E du discours sur le budget du ministre des Finances du Québec. Ce manque à gagner s'explique par le gel, pour deux ans, de la progression des transferts par habitant en matière de santé et d'édu- cation postsecondaire, annoncé lors du dernier budget Wilson, soit 220 000 000 $ de moins, ce qui s'ajoute à la coupure de 1 100 000 000 $ décrétée en vertu de la loi fédérale C-96, adoptée en juillet 1986. Rappelons qu'à elle seule la loi C-96 privera le Québec d'un montant de 2 000 000 000 $ de transferts du gouvernement, au chapitre du financement des programmes établis pour la période 1987-1992. Les transferts fédéraux, qui représentaient, en 1984-1985, 28,4 % des revenus budgétaires de l'État québécois, ne représentent plus que 20,1 % de ses revenus, cette année. Et en 1992-1993, ils ne représenteront plus que 17,7 % des revenus budgétaires de l'État québécois, confronté à une progression importante des coûts pour les services de santé et d'éducation.

En termes clairs, les Québécois sont appelés à payer de plus en plus d'impôts pour contribuer à la réduction du déficit fédéral et pour financer les coûts de projets de développement réalisés à l'extérieur du Québec par un accroissement des transferts fédéraux vers les provinces les mieux nanties pendant qu'Ottawa réduit progressivement ses dépenses au Québec. Le fédéralisme budgétaire est en voie de devenir une véritable camisole de force, un carcan pour le Québec déjà asservi par la politique monétaire de taux d'intérêt pratiquée par la Banque du Canada afin de contenir la surchauffe de l'économie ontarienne. Je n'en dis pas plus, je vous réfère au discours du ministre là-dessus. Le fédéralisme de la bonne entente a un goût de plus en plus amer pour le Québec, sur le plan financier et budgétaire.

Parallèlement à cela, le gouvernement Bourassa, obsédé par la ratification de l'accord du lac Meech, a sacrifié constamment la défense des intérêts du Québec dans plusieurs dossiers afin de ne pas indisposer Ottawa et le Canada anglais. Des relations harmonieuses Québec-Ottawa, prétendront certains, mais à quel prix! La stratégie obsessionnelle du gouvernement libérai à l'égard du dossier de Meech coûte cher aux Québécois par sa résignation tranquille dans plusieurs dossiers. Les régions du Québec, par exemple, sont toujours privées des retombées de l'entente fédérale-provinciale sur le développement régional annoncée en grande pompe par MM. Bourassa et Mulroney en juin 1988, soit il y a deux ans. Ça va faire deux ans que cette entente-là est signée. Il s'est dépensé 27 000 000 $, dont 24 000 000 $ pour la papeterie de Matane. C'est un vrai scandale! C'est tout à fait indécent, ce qui se passe présentement. Une entente signée depuis deux ans qui n'est pas encore en vigueur et dont on ne connaît pas encore les programmes. Scandaleux!

De plus, l'effort fédéral consenti au Québec en cette matière pour la période... Les régions peuvent bien être en colère. La colère peut bien gronder dans les régions. La révolte peut bien gronder dans les régions. Elles se sont fait avoir, berner, tromper, flouer par ce gouvernement. Et

l'effort fédéral, donc, consenti au Québec en matière de développement régional, pour la période 1989-1993, s'élève à 1 400 000 000 $, comparativement à 1 800 000 000 $ pour l'Ouest et à 2 100 000 000 $ pour les Maritimes.

Au chapitre des contrats fédéraux de recherche et développement, le Québec doit se contenter d'un maigre pourcentage de 11, 9 % des contrats pour les 10 premiers mois de 1989, comparativement à 46, 1 % pour l'Ontario. La situation ne s'est donc aucunement améliorée dans ce secteur névralgique pour le développement économique. Rappelons qu'avant 1985 le Québec obtenait en moyenne, par année, 20 % de ces contrats fédéraux. L'Agence spatiale risque de n'être qu'une coquille vide longtemps puisque le Québec n'a pas obtenu à ce jour de contrat relié au projet de participation canadienne à la station orbitale américaine, le volet le plus important du programme spatial canadien impliquant, comme on le sait, des investissements de

I 200 000 000 $. Forte de la maîtrise d'oeuvre qu'on lui a laissée... En annonçant l'Agence spatiale à Saint-Hubert, on a laisse la maîtrise d'oeuvre du programme spatial et surtout de la station orbitale à Spar Aerospace, de Toronto. Eh bien! forte de cette maîtrise d'oeuvre, l'Ontario s'est accaparée jusqu'ici des contrats octroyés relativement à ce projet pour une somme de 80 000 000 $.

Deux ans après le lancement de sa croisade pour corriger l'iniquité des interventions fédérales dans le secteur agroalimentaire au Québec, le ministre Pagé, faute de résultats, réclame à nouveau l'équité des interventions fédérales alors qu'Ottawa vient d'annoncer un autre programme d'aide spéciale taillé sur mesure pour les producteurs de l'Ouest. C'est l'éternel recommencement.

II recommence ce qu'il avait initié il y a deux ans. On est au même point. En raison de la multiplication, d'ailleurs, de ces programmes d'aide, programmes spéciaux d'aide destinés aux producteurs de céréales de l'Ouest, la part du Québec, au chapitre du budget fédéral, consacrée à l'agriculture ne cesse de diminuer. Le Québec ne reçoit que 7 % des subventions fédérales en cette matière alors qu'il représente 16 % de la valeur de la production agroalimentaire canadienne. De plus, par sa nouvelle politique agricole nationale, son énoncé "Partenaires dans la croissance", Ottawa propose de financer la diversification de la production agricole de l'Ouest au détriment des intérêts des producteurs agricoles du Québec. Le gouvernement devra être extrêmement vigilant à cet égard.

Enfin, autre dossier, après avoir refusé aux pêcheurs québécois un accès à la zone de pêche de 200. milles dans l'Atlantique au cours des trois dernières années - ça a été "niet" à trois reprises, de sorte que je ne suis même pas sûr si cette année ils l'ont demandé, tellement ils étaient sûrs de se faire dire non une autre fois - Ottawa annonçait récemment un plan d'adaptation des pêches de l'Atlantique doté d'un budget de 584 000 000 $ sur cinq ans, destiné aux pêcheurs des provinces maritimes et excluant les pêcheurs québécois. Les provinces maritimes n'étaient pas contentes de ce programme-là; d'ailleurs, elles le trouvaient Insuffisant. Imaginez les pêcheurs québécois! Ils n'ont rien là-dedans.

Indigné, le ministre... Ah ça! pour l'Indignation, il est fort! Il est capable d'être Indigné à répétition. Indigné, le ministre québécois des Pêches a dû annoncer le plan de relance de son gouvernement destiné à l'industrie québécoise des pêches: 50 000 000 $, sans compter sur l'aide financière d'Ottawa.

En matière d'aide fédérale au logement social, le ministre en a parié, la part du Québec a chuté de 27 % en 1986 à seulement 17 % en 1989, alors qu'elle passait de 31 % à 40 % en Ontario.

L'octroi du contrat de six frégates, au coût de 3 500 000 000 $, accordé en exclusivité au chantier maritime de St. John's Shipbuilding du Nouveau-Brunswick a compromis très sérieusement l'avenir des chantiers maritimes québécois. La rationalisation des chantiers maritimes au Canada s'est faite sur le dos des chantiers québécois. Faute de nouveaux contrats de construction, les chantiers de Marine Industrie à Tracy et à Lauzon fermeront probablement à moyen terme: plus de 3000 emplois sont en Jeu. Ottawa n'a toujours pas donné suite au plan de sauvetage de Marine Industrie.

Dans le secteur ferroviaire, les coupures à Via Rail ont affecté durement le Québec avec des pertes de 1100 emplois directs et 2400 emplois indirects, particulièrement dans la région de Montréal. Le gouvernement fédéral n'a pas jugé bon également de donner suite à la demande du gouvernement du Québec, relativement à la mise en place de programmes spécifiques d'adaptation au libre-échange, alors que cette demande était une condition de l'adhésion du Québec à l'accord canado-américain de libre-échange. Aucun.

Depuis la signature de l'accord du lac Meech, Ottawa a multiplié les Ingérences dans les secteurs de compétence du Québec. La loi C-72 sur les langues officielles permet maintenant à Ottawa de subventionner directement les entreprises, les organismes communautaires, les syndicats qui contribueront au bilinguisme dans le cadre de leurs activités. Si on donne à Ottawa un rôle de promotion de la dualité linguistique en plus, ça va venir tout simplement confirmer le pouvoir qu'il s'est déjà donné dans la nouvelle loi sur les langues officielles.

La mise en oeuvre de la réforme de l'assurance-chômage impliquant les programmes fédéraux de formation professionnelle dotés de budgets de plus de 800 000 000 $, financés à même les économies réalisées par cette réforme, constitue aussi une nouvelle ingérence d'Ottawa

dans ce secteur de Juridiction du Québec. Ces programmes ajouteront encore au fouillis actuel qui règne dans ce secteur avec plus d'une vingtaine de programmes fédéraux et québécois existants. Le gouvernement fédéral subventionne directement cinq centres d'excellence dans les universités québécoises, en dépit de la compétence du Québec en matière d'éducation, alors qu'en même temps il réduit du même souffle et de façon drastique les transferts fédéraux qu'il verse au Québec dans le secteur de l'enseignement supérieur.

Suite à un jugement de la Cour suprême, Ottawa a décidé de se doter des pleins pouvoirs en matière de télécommunications. Son recul actuel n'est que temporaire et stratégique. Le gouvernement fédéral, on peut en être sûr, reviendra à la charge. La ministre québécoise des Communications se réjouit un peu trop rapidement dans ce dossier. Le recul fédéral ne vise qu'à éviter d'alourdir le climat tendu régnant autour de l'accord du lac Meech.

Voilà, M. le Président, le triste bilan de ce gouvernement en matière de relations fédérales-provinciales et je vous avoue bien sincèrement que les quelques éléments positifs signalés par le ministre, dont le parc marin et une entente sur l'environnement, ça m'apparaît tout à fait anodin et dérisoire à côté du lourd bilan négatif du régime depuis quelques années.

Voilà, M. le Président, ce que je tenais à dire comme remarques préliminaires. Donc, le fédéralisme, à mon avis, n'est pas renouvelable dans le sens des aspirations du Québec. C'est un constat qu'on doit faire à la suite du débat sur le lac Meech. Le fédéralisme n'est pas renouvelable, dans le sens des aspirations du Québec. Le fédéralisme n'est pas rentable; il le sera de moins en moins, mais, par contre, la viabilité économique d'un Québec souverain est de plus en plus reconnue. Et c'est là-dessus, M. le Président, que je termine mes notes et mes remarques préliminaires. (10 h 30)

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean et porte-parole de l'Opposition officielle. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui aimeraient faire des remarques préliminaires?

M. HoWen: M. le Président... Le Président (M. Dauphin): Oui. M. Holden: J'en ai pour deux minutes.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, je vais reconnaître M. le député de Westmount.

M. Richard Holden

M. Hokfen: C'est parce que je suis, comme le ministre, un inconditionnel du fédéralisme et qu'au lieu de trouver le discours du ministre comme une pièce à conviction je l'ai trouvé comme une preuve de la difficulté de gouverner ce pays et le génie dont font preuve, non seulement notre ministre, mais les ministres à travers le pays à essayer de faire marcher le Canada.

Vous savez, j'ai des gros doutes sur l'accord du lac Meech, non pas pour ce qu'il y a dedans, mais pour que ce soit une réussite cette semaine. J'ai des gros doutes principalement parce que vous savez ce qu'on disait de M. Lesage? On disait de M. Lesage qu'à côté de lui le général de Gaulle avait l'air humble. Et, moi, je trouve malheureusement qu'à côté de M. Wells M. Trudeau a l'air humble. Alors, j'ai des gros doutes sur l'habileté de neuf ou huit premiers ministres à convaincre M. Wells de ses erreurs. Mais il ne faut pas croire que le Québec est laissé pour compte là-dedans. Et si l'accord ne passe pas, et si le député de Lac-Saint-Jean suggère que le ministre et le premier ministre s'en aillent en Europe, je dirais que lui aussi devrait s'en aller, que tout le monde devrait s'en aller en Europe pour l'été pour se calmer les esprits, pour qu'en revenant on recommence à essayer de remettre le Canada pièce par pièce, parce que c'est un pays beaucoup trop, beaucoup trop important pour le perdre même à cause de la faillite du lac Meech. Merci, M. le Président.

M. Brassard: Je suis d'accord avec la dernière proposition du député de Westmount, M. le Président. Je vais accompagner le ministre et le premier ministre sur la Côte d'Azur?

M. Rémillard: Oui, mais ce serait dommage, M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...parce que le parc marin qui sera en application cet été, on ne pourra pas voir toute sa belle réalisation au mois de juillet. Je suis certain que le député voudrait être ici pour en profiter pleinement...

M. Brassard: II va y avoir des audiences, avant.

M. Rémillard: Alors, c'est important, justement, il faut être ici.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Westmount. Est-ce qu'il y a d'autres membres qui aimeraient faire des remarques préliminaires? Ça va? Alors, j'appelle donc le programme 4 du ministère du Conseil exécutif.

Discussion générale M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: En termes de mode de travail ou de façon de fonctionner, je souhaiterais, comme ça se fait très souvent dans l'étude des crédits - moi, j'ai un certain nombre de sujets à aborder avec le ministre - échanger sur ces sujets-là et, après coup, adopter les crédits selon nos règles.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre, ça vous convient comme formule?

M. Rémillard: Je n'ai pas d'objection, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Lac-Saint-Jean.

Accord du lac Meech

M. Brassard: Le premier sujet, Meech. Il n'en a pas parlé beaucoup tout à l'heure. J'ai un certain nombre de questions à poser au ministre à ce sujet-là, surtout relativement à ce qu'on apprend dans les journaux d'aujourd'hui, d'hier aussi. Quand M. Mulroney a décidé de confesser les 10 premiers ministres provinciaux et qu'il les a fait défiler à son confessionnal de Sussex - 24 Sussex, c'est 24? - on nous apprend aujourd'hui qu'il avait entre les mains un document - on me dit que ça s'intitulait: "State of the play" - document de 24 pages, dans lequel on retrouvait certaines propositions, l'une portant sur la société distincte, l'autre portant sur le Sénat et la troisième, sur la promotion de la dualité linguistique canadienne, et que ce document aurait été remis aux premiers ministres des provinces pour en discuter et pour essayer de trouver un terrain d'entente.

C'est ce document-là, semble-t-ll, que M. Murray avait également en main lorsqu'il a rencontré M. Wells et, au cours de cet entretien-là, ce dernier, M. Wells, aurait proposé une modification ou un nouveau libellé concernant la clause de la société distincte. Hier, en Chambre, le premier ministre du Québec, interrogé par votre humble serviteur et aussi par des journalistes - avant ou après la période de questions, je ne sais pas trop; je pense que c'est après - a d'abord affirmé qu'il ne connaissait pas le libellé proposé par M. Wells, qu'il n'avait pas eu l'entretien téléphonique qu'il devait avoir, selon M. Wells lui-même, et qu'il ne connaissait pas le document fédéral distribué aux premiers ministres des provinces lors des entretiens des premiers ministres du Canada à Ottawa avec chacun des premiers ministres.

Curieuse réponse, ça! Alors, question bien précise au ministre: Quand avez-vous eu en main ce document fédéral comportant certaines propositions sur trois sujets clés de l'accord du lac Meech? Est-ce que M. Mulroney vous l'a remis au moment de la rencontre d'Ottawa de la fin de semaine? Est-ce que vous l'avez entre les mains depuis cette époque-là ou ce temps-là? Est-ce que vous avez réagi à ces propositions-là? Mais, d'abord, depuis quand avez-vous entre les mains ce document-là?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, lorsqu'on parle de document de travail de la part du gouvernement fédéral, il y a eu plusieurs documents. Alors, il ne faudrait pas faire de confusion. Il y a eu plusieurs documents qui ont circulé. Tout d'abord, Je vais répéter la position du gouvernement du Québec qui a toujours été la môme qui, aujourd'hui, est la môme qu'elle était hier et qui, demain, sera la môme qu'elle est aujourd'hui. li n'y a pas d'amendement possible à l'entente du lac Meech. Et ça respecte la décision qui a été prise par résolution par l'Assemblée nationale du Québec et nous allons discuter d'un deuxième "round" de négociations constitutionnelles lorsque l'entente du lac Meech sera acceptée. Alors, à partir de ces principes-là qui, pour nous, nous guident dans toutes les actions que nous faisons, l'entente du lac Meech, pour nous, a été signée le 30 avril 1987 et elle a été solennellement acceptée devant la population canadienne par tous les premiers ministres qui étaient là au matin du 3 juin 1987, après que les meilleurs experts canadiens se furent penchés sur l'entente qui avait été signée le 30 avril et qu'on eut pensé, repensé et analysé chaque mot, chaque virgule.

Donc, pour le gouvernement du Québec, il s'agit tout simplement de faire accepter par trois provinces qui ne l'ont pas encore fait et une qui l'avait fait et qui est revenue sur sa décision l'accord du lac Meech, comme il était le 30 avril, comme il est présentement, à la suite du 3 juin 1987.

Les documents fédéraux. À ma connaissance, le rapport Charest a été rendu public, si ma mémoire est bonne, un jeudi, il y a deux semaines. Quelle date ça peut être, pour être plus précis? Le jeudi 18. Le mercredi, mes fonctionnaires ont été Informés d'un document juridique fédéral, qui ne leur a pas été communiqué formellement, mais qui leur a été expliqué dans ses grandes lignes, qui était une traduction, en termes légaux, du rapport Charest. Cette traduction légale du rapport Charest, telle qu'on pouvait la comprendre - les fonctionnaires qui étaient là ont pu me faire rapport après - était aussi inacceptable que le rapport Charest lui-même. Pour nous, le rapport Charest, c'est nettement inacceptable. On considère que le rapport Charest a complètement raté son objectif, mettant de côté le fait que l'entente du lac Meech, c'est la réponse du reste du Canada aux

cinq conditions du Québec. Dans la mesure où on ne respecte pas ça, et c'est le problème actuellement, l'entente du lac Meech perd toute sa signification et les premiers ministres, en 1986, à Edmonton, le 9 août 1986, si ma mémoire est bonne, avaient pris cette décision de procéder tout d'abord, dans un premier "round" de négociations, en fonction des cinq conditions du Québec.

Je me souviens, à ce moment-là, que la presse qui nous avait interviewés après notre rencontre à Edmonton nous avait dit: Qu'est-ce que ça veut dire tout ça? C'est bien mince comme premier pas dans le dossier constitutionnel. On était en 1986, on commençait. Pour nous, c'était extrêmement important et ça avait été difficile à faire accepter à tous les premiers ministres provinciaux. Ça avait été très difficile de faire accepter qu'ils mettraient de côté leurs propres demandes et qu'on procéderait, tout d'abord, exclusivement en fonction des demandes du Québec. C'est ça le processus qu'il faut suivre.

M. Brassard: Je fais juste constater que ça a changé depuis.

M. Rémillard: Oui, mais je constate moi aussi que les...

M. Brassard: Parce que là, ils sont arrivés avec leur liste d'épicerie depuis ce temps-là.

M. Rémillard: Non, mais regardez bien, laissez-moi répondre. C'est dans la mesure où le rapport Charest n'a pas respecté cette donnée fondamentale première. Il a passé complètement à côté. Ils ont voulu essayer de chercher un consensus en faisant plaisir à tout le monde. Il ne faut pas faire plaisir à tout le monde dans cette affaire-là, II faut répondre aux cinq conditions du Québec, c'est évident. Quand on explique à la population canadienne, au lieu de faire de la démagogie, quand on explique rationnellement à la population canadienne, on lui dit pourquoi le Québec a cinq conditions... Quand je me promène dans le Canada, mol, les gens me disent: Pourquoi avez-vous cinq conditions? Pourquoi exigez-vous cinq conditions pour rester dans le Canada? Je leur explique tout simplement que lorsque eux ont négocié en 1981 ils avaient, chaque province canadienne avait ses propres conditions. Le gouvernement fédéral leur a dit oui dans, entre autres, une nuit du 4 au 5 novembre 1981; le gouvernement fédéral leur a dit oui, mais le fédéral n'a pas tenu compte que le Québec n'était pas présent. Le Québec n'était pas là, à la table de négociation, et de dire que c'est parce qu'il y avait un gouvernement qui était indépendantiste, ce n'est pas une raison, ce n'est pas une excuse qui est valable. C'était un gouvernement qui était légitime, qui avait un mandat très fort de l'Assemblée nationale, comprenant des députés libéraux, mais, en plus, on aurait pu simplement avertir les membres de la délégation du Québec de ces négociations pendant cette nuit du 4 au 5 novembre. Et s'ils n'avaient pas voulu, à ce moment-là, qu'ouvertement, rien en cachette... Et je peux vous assurer d'une chose, pendant toutes les négociations de l'entente du lac Meech, il n'y a rien qui s'est fait en cachette. Je vais continuer ensuite en ce qui regarde vos documents juridiques parce qu'il n'y a pas de cachette à avoir là-dedans. On n'a jamais négocié en cachette, d'aucune façon.

M. Brassard: Le document traduisant légalement le rapport Charest, vous dites, à un moment donné: Ottawa en a parlé avec vos fonctionnaires.

M. Rémillard: Regardez bien...

M. Brassard: Est-ce que vous l'avez eu en main par la suite? (10 h 45)

M. Rémillard: Alors, voici l'évolution des choses. Ce document, nous ne l'avions pas, mais on nous l'a communiqué le mercredi soir, dans ses grandes lignes. Jeudi, le rapport Charest a été rendu public. Le premier ministre, M. Bou-rassa, mentionne très clairement que c'est inacceptable pour nous. Et ensuite, le samedi, si ma mémoire est bonne, une autre rencontre où on nous fait part, à ce moment-là, d'un document préparé par le gouvernement fédéral, nettement inacceptable; des modifications à la société distincte, des relations avec des articles de la constitution qui existent présentement. Quand mes fonctionnaires m'ont fait rapport de ce document-là, j'ai simplement dit: C'est tout à fait inacceptable, ce n'est pas discutable, d'aucune façon. Lorsque nous avons eu notre rencontre avec le premier ministre du Canada, à ma connaissance, entre les premiers ministres, il ne s'est pas discuté d'un document. Moi, je connaissais le document qui m'avait été transmis par mes fonctionnaires et qu'on avait qualifié d'inacceptable.

M. Brassard: Le deuxième.

M. Rémillard: Le deuxième, le premier on ne l'avait pas eu...

M. Brassard: C'est ça.

M. Rémillard: ...directement comme document. On nous avait informés verbalement de certains principes.

M. Brassard: Est-ce que c'est ce document-là dont vous parlez, qui s'intitulait "State of the play"? "L'état du jeu"?

M. Rémillard: II faudrait que je vole son nom. Ça s'Intitule "Résolution d'accompagnement, gouvernement fédéral".

M. Brassard: Et ce document-là dont on parle, qui s'appelle "State of the play", vous ne l'avez jamais eu entre les mains?

M. Rémillard: "State of the play", qu'est-ce que c'est que ce document-là?

M. Brassard: C'est ce document fédéral dont on parle qui, si on vous suit bien, serait peut-être le troisième. Il y en a un qui traduisait légalement, donc, le rapport Charest, que vous n'avez pas eu entre les mains. Il y en a un deuxième que vous avez eu entre les mains, que vous avez jugé inacceptable. Mais là, il est question d'un autre document fédéral...

M. Rémillard: Non, non.

M. Brassard:... où on aurait, encore une fois, trois propositions d'amendement, à la fois sur la société distincte, le Sénat, et le rôle de promotion du gouvernement fédéral.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, mol, je ne connais pas ce document. Le seul document que je connais, c'est la résolution d'accompagnement à l'accord du lac Meech. C'est un document de travail du gouvernement fédéral, qui était un dossier, un brouillon, qu'on nous a dit, une première ébauche de possibilité...

M. Brassard: Ça a été remis au moment de la rencontre...

M. Rémillard: Non, de...

M. Brassard: II n'y a pas eu de document qui a été remis aux premiers ministres au moment où ils ont rencontré, l'un à la suite des autres, le premier ministre fédéral? Lundi, par exemple, M. Bourassa n'a pas...

M. Rémillard: Non, non. Moi, à ma connaissance...

M. Brassard: M. Bourassa n'a pas obtenu un document de la part de M. Mulroney?

M. Rémillard: Non, absolument pas. À ma connaissance, absolument pas, absolument pas. Le seul document que nous avons eu, c'est un document de travail, un premier jet, et qui nous est venu du gouvernement fédéral. Nous l'avons reçu samedi dernier.

M. Brassard: Samedi dernier, le document dont vous parlez, là?

M. Rémillard: Le 19 mai.

M. Brassard:... que vous avez jugé inacceptable. Vous l'avez eu entre les mains samedi dernier?

M. Rémillard: C'est ça.

Une voix: Ce n'est pas le 19 mai, samedi dernier.

M. Brassard: Le 19 mal, ça c'est il y a deux semaines.

M. Rémillard: Est-ce qu'il y a deux semaines de ça? Non, non, c'est samedi, c'est samedi dernier. Remarquez, je ne veux pas faire de confusion dans les dates. C'est quoi? Je n'ai pas de calendrier devant mol, aidez-moi...

M. Brassard: Donc, samedi dernier, c'est-à-dire au moment...

M. Rémillard: Attendez, je vais vérifier cette date-là. Je ne veux pas vous induire en erreur. Attendez qu'on vérifie comme il faut. On a eu le rapport Charest... Écoutez, le rapport Charest a été publié le jeudi, on a eu une première rencontre des fonctionnaires le mercredi. Il y en a eu une le samedi suivant. Bon, alors c'était le 19, le samedi 19, qu'on a eu ce document du gouvernement fédéral, pour la première fois, là. On en avait entendu parler le mercredi, on a eu...

M. Brassard: Et depuis ce temps-là, aucun autre document?

M. Rémillard: Non, non, on n'en a pas eu.

M. Brassard: C'est un peu curieux. Comment se fait-il qu'on apprenne qu'il y a un document qui a été - à moins que ce ne soit le même -qui a circulé au moment de la rencontre de M. Mulroney avec les premiers ministres?

M. Rémillard: Ah! Là, je peux vous dire que je n'étais pas à la rencontre entre M. Mulroney et les autres premiers ministres. Je n'y étais pas et je peux vous dire qu'à ma connaissance le premier ministre, M. Bourassa, n'a pas reçu de document de M. Mulroney. Les fonctionnaires m'avaient informé et j'ai reçu un document, qui est un document de travail, un premier jet qui élaborait différentes hypothèses.

M. Brassard: Est-ce que ce document-là, M. le Président, est-ce que ce document-là, on peut en demander le dépôt?

Le Président (M. Dauphin): C'est à la discrétion du ministre qui en prend la décision.

M. Rémillard: Non, Je ne crois pas que ça puisse aider la discussion de déposer des documents de travail qui nous sont confiés par le gouvernement fédéral, et je pense que le député de Lac-Saint-Jean comprend très bien que, si on se mettait à faire ça, on détruirait cet élément de confiance qu'il doit y avoir entre les deux niveaux de gouvernement lorsqu'il y a des discussions. Moi, j'aimerais bien pouvoir le faire, mais je suis conscient que...

M. Brassard: Vous comprendrez, M. le ministre, que ça nous aiderait beaucoup à mesurer le degré de lâchage du gouvernement fédéral à l'égard du gouvernement du Québec: dans quelle mesure le gouvernement fédéral est disposé à lâcher le Québec et quel est le bout de chemin, semble-il, considérable... Parce que vous avez jugé ça inacceptable. Ça nous permettrait de voir le bout de chemin que le gouvernement fédéral est prêt à faire pour obtenir, dénouer l'impasse constitutionnelle.

M. Rémillard: M. le Président, là-dessus, je voudrais quand même être très clair. Pour nous, il n'est pas question qu'on soit isolés, abandonnés par d'autres partenaires, parce que nous ne nous sommes jamais fiés aux autres mais à nous-mêmes. Notre position constitutionnelle, contrairement à celle de 1981, ne repose pas sur une coalition avec d'autres provinces mais repose essentiellement sur nous. Nous avons basé nos demandes constitutionnelles sur la légitimité des demandes du Québec et nous ne nous sommes jamais fondés sur les demandes des autres provinces comme telles. On ne sera jamais isolés. Pour nous, l'entente du lac Meech, elle est faite; l'entente de l'édifice Langevin, c'est fait. Par conséquent, on ne sera jamais isolés, parce que nous n'avons que nous comme partenaires, nous-mêmes, et s'ils ne veulent pas de l'entente du lac Meech, bien, ils le garderont.

M. Brassard: Dans ces conditions-là, puisque vous ne voulez pas déposer le...

M. Rémillard: Ils pourront l'encadrer au Musée de la guerre.

Une voix: Vous avez des alliés, quand même.

M. Brassard: Ou au Musée de la civilisation.

M. Rémillard: Non, c'est du côté québécois, ça.

Une voix: Ha!

M. Rémillard: Le Musée de la guerre est de l'autre côté.

M. Brassard: II y en a un à Ottawa, peut- être dans la section de l'ethnologie ou de l'anthropologie. Bien, puisque vous ne voulez pas déposer le document en question, d'après votre analyse, compte tenu de ce que...

M. Rémillard: On me donne une information encore, complémentaire, parce que je veux informer le plus adéquatement possible l'Opposition. Entre fonctionnaires, il y a un autre document, donc un deuxième document.

M. Brassard: Bon!

M. Rémillard: Je récapitule, pour qu'on se comprenne. Il y a tout d'abord une communication verbale de certains grands principes, qui est faite le mercredi. Le samedi, il y a un document, qui est une ébauche des possibilités qu'on évoque en termes juridiques et une nouvelle version de ce document du samedi, une nouvelle version, est communiquée aux fonctionnaires le lundi matin, lors de notre rencontre au 24 Sussex.

M. Brassard: Cela a été communiqué.

M. Rémillard: Pas à M. Bourassa, elle est donnée à Mme Wilhelmy, qui me l'apporte et je l'ai regardée le matin, au 24 Sussex, le lundi.

M. Brassard: Vous avez failli oublier... Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Brassard: Vous avez failli oublier quelque chose d'intéressant.

M. Rémillard: Quelque chose d'intéressant? Je vous avoue que, moi, ça ne me paraissait pas trop trop intéressant, et, deuxièmement...

M. Brassard: Est-ce que c'était différent de l'autre?

M. Rémillard: Non, ce n'était pas particulièrement différent. Il y avait des variations, mais c'était essentiellement... Il y avait des précisions, il y avait des ajouts...

M. Brassard: C'est peut-être...

M. Rémillard: ...mais c'était aussi inacceptable pour nous que pouvait l'être le précédent texte.

M. Brassard: C'est peut-être celui-là qui s'appelait "State of the play"?

M. Rémillard: À ma connaissance, non.

M. Brassard: Non. Maintenant, étant donné que c'est lundi dernier, 28 mai, on est le 31 mai, vous l'avez eu entre les mains le lundi. J'imagine

que vous l'avez refilé au premier ministre aussi dans les heures et au moins les jours qui ont suivi.

M. Rémillard: J'ai eu l'occasion d'en parler avec le premier ministre pour lui mentionner les grandes lignes - le premier ministre n'a pas le temps de lire tous les documents - et lui dire mon appréciation de ce document-là, c'était nettement inacceptable pour nous, parce qu'il n'avait rien...

M. Brassard: Un document de cette importance-là qui comportait des éléments amendant, modifiant, de façon substantielle, l'accord du lac Meech, proposé par le gouvernement fédéral, vous n'avez pas jugé utile d'en remettre au moins une copie au premier ministre du Québec.

M. Rémillard: Première des choses, ce n'est pas un document officiel. C'étaient des ébauches, c'étaient des échanges entre fonctionnaires qu'ils ont voulu, du côté fédéral, traduire en termes juridiques, c'étaient des tentatives de documents qui... le rapport Charest. Ce sont des choses qui ne changeaient pas de ce qu'on avait entendu dire. Le rapport Charest, ça signifie cinq modifications au concept de société distincte. Ça n'a nettement pas de bon sens. Il ne faut quand même pas rire de nous. Alors, l'évolution des choses, ces documents étaient des simples copies de travail échangées entre fonctionnaires. Moi, le sénateur Murray ne m'a jamais donné de copie. Entre fonctionnaires, il s'est échangé des documents de travail, des ébauches. Et je peux vous dire que ces ébauches sont nettement inacceptables, parce que ça signifie des modifications à Meech. Tant qu'on parlera de modifications à Meech, il n'en est pas question.

M. Brassard: Donc, on peut dire, en quelque sorte, que vous établissez une espèce de cordon de sécurité autour du premier ministre. Vous ne lui refilez pas tous les documents. Vous ne le surchargez pas.

M. Rémillard: J'en ai manqué. J'ai manqué le dernier bout.

M. Brassard: Vous ne le surchargez pas de documents. Il y a un système de filtrage ou de tamisage, une agence de tamisage des documents.

M. Rémillard: Vous avez questionné à plusieurs reprises le premier ministre, vous connaissez sa grande connaissance du dossier et vous savez très bien qu'il possède fort bien ce dossier depuis de nombreuses années. Parce que M. Bourassa a été le premier ministre en 1970-1971 à Victoria. Il l'était dans les tentatives, aussi, faites en 1975-1976 par le gouvernement fédéral, des premières tentatives pour rapatrier la constitution. Je l'ai informé et nous l'Infor- mons adéquatement de toute l'évolution des dossiers. Et, à ce niveau, pas plus que mol, je n'ai été informé par le sénateur Murray, il s'agit, vous savez, de ces documents qui peuvent circuler au niveau des fonctionnaires, et il y en a plusieurs. Peut-être qu'il va y en avoir d'autres, mais ils seront tous rejetés par le Québec tant qu'ils signifieront des amendements à la constitution, à l'entente du lac Meech. Il n'en est pas question. Il n'y aura pas d'amendement à Meech.

M. Brassard: Mais là, au moins, II y en a trois. Je ne sais pas si vous avez lu les journaux.

M. Rémillard: II n'y en a pas eu trois. Il y en a eu deux, dont un, le dernier, est la version...

M. Brassard: Attendez, II y en a deux que vous avez eus en main. On vous a fait des communications uniquement verbales sur le premier.

M. Rémillard: Verbales ou certains principes.

M. Brassard: Mais vous en avez eu deux en main. Vous avez sans doute lu les journaux ce matin de même qu'entendu les nouvelles à la TV hier. Est-ce que, d'après vous, c'est le dernier document dont parlent les médias aujourd'hui? Est-ce que c'est sur la base de ce document-là qu'on... Est-ce que c'est la base de discussion? Est-ce que ça a servi de base de discussion entre M. Murray et M. Weils, à Terre-Neuve, lors de son dernier pèlerinage dans l'Est?

M. Rémillard: Je ne peux vraiment pas vous le dire. Je ne le sais vraiment pas. Quand M. Murray est venu ici nous rencontrer avec M. Spector, il a rencontré le premier ministre - j'étais là - et le premier ministre a été très clair: II n'y aura pas d'amendement à Meech. M. Murray est reparti. D'ailleurs, il a rencontré la presse et il a même dit que le Québec n'était pas le problème et ils savent très bien qu'il n'y aura pas d'amendement accepté par le Québec à Meech. Meech doit être accepté comme il est là. A partir de là, les discussions qui ont pu avoir lieu entre M. Murray ou M. Mulroney et les autres premiers ministres, je ne saurais vous dire.

M. Brassard: Donc, si vous les avez rejetées, ces propositions-là, c'est que ça comportait véritablement des amendements à l'accord du lac Meech. Ce qu'on proposait...

M. Rémillard: Notre compréhension de... C'étaient peut-être simplement des brouillons, c'étaient des idées qui étalent comme ça mises sur papier à la suite du rapport Charest, mais ça m'apparaissait évident que c'était inacceptable.

Ça signifiait au moins cinq modifications à la société distincte. Ça mettait des relations entre différents articles, surtout lorsqu'on a vu le témoignage de 40 constltutionnalistes les plus réputés au Canada qui sont venus dire qu'il n'y a pas d'erreur sur le plan du droit constitutionnel et de l'histoire constitutionnelle de ce pays dans l'entente du lac Meech et qu'on essaie de faire des relations entre la société distincte, la charte, le reste de la constitution, qui viennent mettre en cause l'équilibre qui existe déjà et qu'on a établi avec grand soin, avec l'aide des meilleurs spécialistes canadiens et québécois. Alors, par conséquent, c'était nettement inacceptable pour nous.

M. Brassard: Est-ce que vous avez pu, finalement, prendre connaissance... Parce que là, il semble bien que c'est sur la base de ces documents-là, probablement le dernier dont on vient de parler, c'est sur la base de ce document-là que M. Wells, en discussion avec M. Murray, a proposé une Idée lumineuse - en tout cas, c'est comme ça qu'il la perçoit, lui - concernant la définition de la société distincte. Hier, le premier ministre a dit: Je ne la connais pas; je sais que M. Wells devait communiquer avec moi. Probablement que la ligne était occupée, il n'a pas réussi à communiquer avec M. Wells. Est-ce que depuis M. Wells vous a donné signe de vie? Est-ce que vous êtes maintenant au courant du libellé de M. Wells concernant la société distincte?

M. Rémillard: Non, absolument pas. On n'est au courant d'aucun libellé de nouvelle proposition ou quoi que ce soit. On n'est pas...

M. Brassard: À votre connaissance, M. Wells n'a pas cherché à communiquer avec M. Bourassa.

M. Rémillard: À ma connaissance, à 11 heures, ce matin, non. Pas d'Information...

M. Brassard: M. Wells est parti à la pêche.

M. Rémillard: Je sais que c'est votre sport favori, mais il ne faudrait pas prêter toutes ces intentions à tout le monde.

M. Brassard: Bon. Ça, ce sont des documents qui véhiculent des amendements à Meech, ce que vous avez déclaré inacceptable compte tenu de la position déjà connue du gouvernement du Québec. Maintenant, à partir de la fin de semaine dernière, cependant, il est apparu, je dirais, un nouvel objet constitutionnel. C'est la déclaration politique. C'est apparu là. Avant, on a parlé d'amendements à Meech. On a parlé aussi de résolution d'accompagnement, mais qui comportait des amendements à Meech aussi. Alors c'était assimilable à des amendements à Meech. Mais là, depuis une semaine, on parle de declama- tion politique. Cette idée de déclaration politique qui est apparue récemment, le ministre pourrait-Il expliciter ce nouveau concept constitutionnel?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, avant d'aborder ce sujet, est-ce qu'il serait possible de suspendre, pour des raisons humanitaires...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: ...pour quelques instants?

M. Brassard: Oui, certainement.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, nous suspendons nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

(Reprisée 11 h 14)

Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions reprend ses travaux. M. le député de Lac-Saint-Jean.

Notion de déclaration politique

M. Brassard: M. le Président, alors j'en étais au concept nouveau qui nous arrive dans le paysage depuis une semaine, le concept de déclaration politique. Alors, là, si je comprends bien le ministre, tout ce qui constitue un amendement formel à Meech, à l'une ou l'autre des clauses de l'accord de Meech, ce n'est pas acceptable et c'est rejeté automatiquement par le gouvernement du Québec, d'ailleurs conformément à la motion adoptée à l'Assemblée nationale le 5 avril dernier. Je comprends aussi qu'une résolution d'accompagnement comportant elle aussi des amendements à Meech, même si ces amendements-là surviendraient un peu plus tard, ça aussi, je comprends que c'est également rejeté. Là, on en arrive maintenant à cette nouvelle notion de déclaration politique, une sorte de document signé par les premiers ministres du Canada et des provinces et qui pourrait comporter un certain nombre d'éléments. D'abord, comme on a la chance d'avoir un juriste, un constitutionnaliste comme ministre, j'aimerais, et ce, très rapidement, qu'il nous éclaire sur la notion de déclaration politique.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Le député de Lac-Saint-Jean m'honore en me demandant de l'éclairer.

M. Brassard: Un avis gratuit, je ne vous verserai pas d'honoraires, M. le ministre.

M. Rémillard: Des fois, je pense, si j'étais encore professeur d'université...

M. BrasMrd: Ce serait plus payant? On y reviendra tantôt.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre, c'est à vous la parole.

M. Rémillard: M. le Président, vous arrivez à point.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Alors, M. le Président, une entente politique est une entente qui est signée par les premiers ministres en fonction d'un accord qu'ils acceptent tous et c'est un accord qui a un poids politique et qui peut amorcer une procédure juridique, comme ce fut le cas, par exemple, pour l'entente du lac Meech, où l'accord politique qui a été tout d'abord conclu au lac Meech le 30 avril a été confirmé formellement le 3 Juin suivant à l'édifice Langevin et s'est traduit, juridiquement, par des résolutions, tant au Parlement canadien que dans les résolutions des provinces qui ont accepté l'entente du lac Meech. Alors, par conséquent, une entente politique n'est pas dénuée de sens quant à la continuité de l'action que les premiers ministres pourraient décider de prendre après avoir fait consensus sur certains points importants.

Dans l'histoire de ce pays, il y a eu plusieurs déclarations politiques qui ont été importantes et qui ont même marqué l'évolution constitutionnelle de ce pays - la déclaration Balfour en particulier et bien d'autres déclarations qu'on peut mentionner - qui sont des accords politiques et qui se réfèrent à la bonne foi, à la bonne compréhension de ceux qui les signent et qui sont à la tête de gouvernements qui acceptent de se lier politiquement.

M. Brassard: M. le Président, donc, si je comprends bien le ministre - je le trouve assez clair - une déclaration politique, ça a une portée qui n'est pas inoffensive. Ça peut avoir une portée constitutionnelle majeure, puisqu'il admet que l'accord conclu en... L'accord du lac Meech a été conclu à quel mois?

M. Rémillard: En 1987, au mois d'avril.

M. Brassard: L'accord conclu en avril 1987, ça a d'abord pris la forme d'une déclaration politique, et, par la suite, à l'édifice Langevin, on lui a donné une forme juridique et constitutionnelle, la forme d'un amendement à la constitution. Par conséquent, vous me direz si j'ai tort ou pas, si le gouvernement du Québec refuse, et ça c'est depuis longtemps, tout amendement formel à l'accord du lac Meech, rejette également toute résolution d'accompagnement comportant des amendements à l'accord du lac Meech, même à retardement, j'en conclus également que le gouvernement du Québec serait en désaccord avec une déclaration politique dont certains éléments constitueraient une interprétation de certaines dispositions de l'accord du lac Meech ayant pour effet d'en affaiblir le sens, la signification ou la portée. Donc, une déclaration politique qui comporterait des éléments assimilables à des amendements à l'accord du lac Meech, on peut d'ores et déjà comprendre des propos du ministre que ce serait également rejeté par le gouvernement du Québec.

M. Rémillard: On n'accepterait pas par une entente politique qu'on vienne faire indirectement ce qu'on refuse de faire directement. Ça, c'est très clair. Si une entente politique venatt affecter de proche ou de loin le concept, entre autres, de société distincte ou d'autres éléments importants de l'entente du lac Meech, ce serait clair que, pour nous, ce serait nettement inacceptable. Mais une entente politique peut nous permettre aussi de tracer des paramètres de la deuxième ronde de négociations constitutionnelles et, à ce niveau-là, ça peut être très intéressant et nous sommes ouverts à toute discussion à ce sujet-là.

M. Brassard: Au sujet de?

M. Rémillard: De discuter de la deuxième ronde de négociations constitutionnelles.

M. Brassard: Donc, c'est ça que j'ai compris et ce que je comprends - c'est ce que vous confirmez de nouveau - c'est que le gouvernement du Québec serait d'accord avec une déclaration politique uniquement si le sujet et le texte de cette déclaration politique ne portaient que sur un ordre du jour ou un agenda d'une deuxième ronde constitutionnelle, ce qui correspondrait d'ailleurs à la position du gouvernement du Québec connue depuis longtemps, c'est-à-dire l'accord du lac Meech tel quel, sans amendement, mais on est toujours ouverts à des discussions pour en arriver à mettre au point l'ordre du jour de la deuxième ronde. Une déclaration politique qui porterait là-dessus serait jugée acceptable par le gouvernement du Québec, mais si elle allait au-delà de cela, je comprends que, là, ce ne serait pas jugé acceptable ou recevable par le gouvernement.

M. Rémillard: Vous mettez beaucoup de "si" et je veux être très clair dans ma réponse. Aucune entente politique qui signifierait un amendement à Meech n'est acceptable par le gouvernement du Québec. Voilà!

M. Brassard: Cependant, une déclaration politique signée par les premiers ministres, qui comporterait ce qu'on pourrait appeler un texte visant à clarifier ou à interpréter des dispositions de l'accord du lac Meech, est-ce que ça, ce serait Jugé acceptable?

M. Rémillard: Oui, vous mettez beaucoup de "si" et je ne veux pas qu'il y ait de confusion. Je ne veux pas ôtre mal compris. Je veux qu'on s'entende très bien. On ne fera pas indirectement ce qu'on refuse de faire directement. Il n'y aura pas de modification à Meech par le biais d'une entente politique et il n'y aura pas d'amendement qui pourrait être fait à Meech par le biais d'une entente politique, peu importe comment on peut voir cette entente politique. Alors, je vais essayer de répondre à votre question...

M. Brassard: Mais sans que ce soit...

M. Rémillard: ...malgré toutes les nuances que vous voulez apporter, les "si", les "ça". Moi, je vous dis: C'est ça le principe qui nous guide et il n'est pas question, je peux vous l'assurer, il n'est pas question qu'on dévie de ça; il n'y aura pas d'amendement à Meech d'une façon directe ou indirecte; il n'y aura pas d'amendement à Meech; Meech doit ôtre accepté comme il est là. Ça, à partir de là, faites les "si" que vous voulez...

M. Brassard: Mais sans que ce soit...

M. Rémillard: ...prenez le principe, appliquez-le et vous allez avoir votre réponse...

M. Brassard: Oui.

M. Rémillard: ...parce que, sans ça, on risque de tomber dans toutes sortes,,,

M. Brassard: Mais sans que ce soit...

M. Rémillard: ...de nuances et d'être interprétés... Je ne voudrais pas être mal interprété.

M. Brassard: Ça, je vous comprends bien et je veux bien vous comprendre aussi parce que c'est important.

M. Rémillard: Je ne veux pas être mal interprété par vous, par nos amis de la presse, je sais que je ne serai pas mal interprété.

M. Brassard: Mais sans que ce soit un amendement à Meech, une modification à Meech qu'on retrouve dans une entente politique, on peut quand même imaginer que les premiers ministres puissent s'entendre sur un texte dans lequel ils nous diraient: Voici comment on comprend telle disposition de l'accord du lac

Meech. Voilà comment on comprend ou on interprète telle disposition. Alors, ce n'est pas un amendement, ce n'est pas une modification ni pour maintenant ni pour plus tard, c'est une déclaration des premiers ministres qui donnent leur compréhension d'une disposition de Meech et 11 pourrait arriver . que cette compréhension des dispositions de Meech ou cette interprétation des premiers ministres ait un effet peut-être restrictif quant à la portée de telles dispositions de Meech.

M. Rémillard: Je reprends exactement votre fin de phrase. Si une déclaration politique pouvait affecter la portée de Meech, c'est non. C'est aussi clair que ça. C'est non, il n'en est pas question, sous aucune considération, et ça, je peux vous l'assurer, je veux être très clair: L'entente politique ne doit pas être un amendement à Meech.

M. Brassard: Bien. Vous êtes cependant ouvert à une déclaration politique qui porterait sur l'agenda ou l'ordre du jour. Or, on sait que dans l'accord politique du lac Meech on a prévu déjà que, pour la prochaine ronde de négociations, certains sujets seront abordés: la réforme du Sénat dont on parle beaucoup ces temps-ci, mais également les pêches et tout autre sujet à la convenance des premiers ministres. J'imagine évidemment qu'on ne fera pas une déclaration politique sur l'ordre du jour d'une deuxième ronde où l'on ne ferait que reprendre le texte de Meech sur le Sénat et les pêches, il est déjà là. Alors j'imagine que la déclaration politique porterait sans aucun doute sur le troisième élément où on dit: Tout autre sujet convenu par les premiers ministres. Est-ce que sur cet élément-ià, si on en arrivait à une déclaration politique qui porterait sur l'ordre du jour d'une deuxième ronde, le Québec a déjà indiqué à ses partenaires, aux autres interlocuteurs son intention de faire inscrire un certain nombre de sujets qui le préoccupent, qui l'intéressent au premier chef, dans cet ordre du jour qui pourrait apparaître dans une déclaration politique? Je me souviens bien de vos réponses; on a souvent échangé sur cette question-là de Meech depuis trois ans. Je me souviens aussi de la commission parlementaire sur l'accord du lac Meech au mois de juin 1987, quand les organismes défilaient avec leurs mémoires; très souvent on faisait reproche au gouvernement d'avoir oublié tel sujet. Je me souviens de la CEQ, par exemple, qui vous disait: Comment se fait-il que vous n'ayez pas profité de cette négociation-là pour amender l'article 93, de façon que l'on puisse établir constitutionnellement au Québec des commissions scolaires linguistiques? Votre réponse répétitive, qui revenait constamment, était: Écoutez, c'est une première ronde. C'étaient les cinq conditions d'abord; il y aura d'autres rondes et, dans une deuxième ronde, le sujet que vous évo-

quez, que vous soumettez, oui, le Québec trouve ça très intéressant et on va en discuter dans une deuxième ronde.

Là, il est de plus en plus question qu'on se retrouve avec une déclaration politique qui établirait l'ordre du jour de la deuxième ronde. Ce dont on entend parler depuis cependant pas mal de temps, c'est des sujets qui Intéressent les autres provinces. Le Sénat intéresse beaucoup l'Ouest; les pêches intéressent les Maritimes. Par contre, jamais on n'a entendu parler de sujets qui intéressaient au premier chef le Québec qu'on aurait des chances de voir apparaître sur cet ordre du jour. Alors, ma question est très simple: Est-ce qu'on va se retrouver dans une deuxième ronde de négociations sans aucun sujet intéressant le Québec ou est-ce que, déjà, vous avez commencé dans vos démarches et dans vos échanges avec vos interlocuteurs des autres provinces du Canada à leur faire admettre et à leur dire que, dans l'ordre du jour d'une deuxième ronde, II faudra que tel, tel et tel sujet intéressant le Québec apparaisse: l'article 93, par exemple?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre. (11 h 30)

Ordre du jour de la deuxième ronde de négociations constitutionnelles

M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, en ce qui regarde la deuxième ronde, première des choses: les sujets qui sont déjà prévus et qui pourraient être prévus à la demande de certaines provinces dont, entre autres, le Nou-veau-Brunswick, sont des sujets qui intéressent particulièrement le Québec. La réforme du Sénat, premier sujet. Nous voulons réformer le Sénat. C'est inacceptable de conserver le Sénat tel qu'il est. Je ne dis pas que nous n'avons pas de bons sénateurs. On peut en nommer, des Québécois et des Québécoises qui nous honorent comme sénateurs du Québec, qui siègent au Sénat canadien et qui font très bien leur travail.

Il est évident qu'il faut réformer le Sénat sur la base du fait qu'on doit avoir une deuxième Chambre, capable de représenter les régions et les provinces adéquatement. C'était la vocation qui avait été donnée au Sénat par les Pères de la Fédération canadienne en 1867. Et ils ont pris un petit peu le modèle de la House of Lords en Angleterre, du Parlement de Westminster et du Sénat américain. D'une part, ils ont voulu que ce soit un endroit qui permette à des gens d'avoir la capacité de réfléchir en toute liberté sur des projets de loi importants et aussi ils voutalent pouvoir avoir là une deuxième Chambre capable de représenter des régions et des provinces.

Mais il est évident, M. le Président, que le Sénat a raté sa vocation, parce qu'il s'est collé trop près de l'enlignement politique à la Chambre des communes. Le résultat est très clair: le Sénat a raté sa vocation. Il faut réformer le Sénat et c'est un désir du Québec, une priorité pour le Québec de réformer le Sénat. Pour nous, Je crois qu'il a sa place dans un régime fédéral et tous les régimes fédéraux ont une deuxième Chambre qui est capable de représenter les intérêts régionaux - et provinciaux dans notre cas. Comme la Chambre des communes représente la population, la deuxième Chambre doit représenter soit les régions, soit les provinces.

Alors, par conséquent, nous voulons réformer le Sénat. Mais nous ne discuterons pas du contenu de la réforme du Sénat tant que l'entente du lac Meech n'aura pas été faite, parce que tant que nous ne sommes pas de retour à la table de négociation constitutionnelle comme partenaires à part entière pour réparer ce qui a été fait en 1981 - pour compléter ce qui a été fait en 1981 - on ne discutera pas du contenu de la réforme du Sénat. Mais il faut réformer le Sénat.

Ensuite, en ce qui regarde le droit des minorités, nous voulons nous asseoir à table dès que le lac Meech sera accepté. Et nous vouions établir avec les autres provinces et le gouvernement fédéral un véritable code du droit des minorités, c'est-à-dire des réponses concrètes aux problèmes qui se posent dans chacune des provinces à la suite de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Mahé concernant l'un des aspects les plus importants pour les droits des minorités au Canada, l'application de l'article 23 de la Charte canadienne sur le droit des minorités à l'enseignement dans leur langue.

Il est donc évident, à la suite de cette décision dans l'affaire Mahé, que l'on doit trouver au niveau de chacune des provinces la possibilité de répondre directement aux préoccupations, aux besoins des minorités dans chacune des provinces. Chaque province a son système d'éducation. Chaque province a son système social, son système de santé. Et si on veut répondre adéquatement aux besoins des minorités, il faut qu'on soit capable de trouver les réponses concrètes respectant les juridictions des provinces.

Lorsque le député de Lac-Saint-Jean se référait au rôle de promotion du gouvernement fédéral, pour nous, le seul rôle de promotion qui est acceptable par le gouvernement fédéral, c'est celui qui se situe dans le cadre de C-72 respectant les juridictions fédérales, se limitant aux juridictions fédérales et respectant les juridictions des provinces. Nous avons toujours été extrêmement, je dirais, vigilants pour que le fédéral respecte son champ de juridiction en ce qui regarde la promotion des langues officielles. Le Québec est la seule province où nous avons deux langues officielles qui nécessitent des interventions gouvernementales: le français qui est la langue officielle du Québec et le français qui, à l'extérieur du Québec, est une langue qui

est parlée par très peu de Nord-Américains, et l'anglais qui est la langue d'une minorité au Québec, mais qui est la langue de la majorité à l'extérieur du Québec. À partir de là, respectant des juridictions qui existent dans la constitution canadienne, nous pouvons faire beaucoup plus pour les minorités si nous nous assoyons et si nous identifions les problèmes concrets que nous avons pour faire respecter les droits des minorités et si nous apportons des solutions concrètes à ces problèmes, respectant les juridictions des provinces.

Un exemple que je peux citer, c'est la loi 142 qui a été votée par cette Assemblée, l'Assemblée législative du Québec, en ce qui regarde les services en langue anglaise dans le domaine de la santé pour notre minorité anglaise. C'est là un exemple particulièrement intéressant que l'on peut suivre au niveau des autres provinces. Il faut qu'on dépasse le simple stade des grands principes. Je comprends qu'en 1982, dans la Charte, II fallait établir de grands principes et II fallait établir des principes comme le nombre suffisant pour donner des droits, mais est-ce qu'il va falloir aller à la Cour suprême chaque fois qu'une commission scolaire, qu'une école, dans une province canadienne, va vouloir se faire reconnaître en fonction de l'article 23 pour être administrée par des francophones? Ça n'a aucun bon sens. Il faut être pratique. Il faut laisser les grands principes et retourner à ce qui est la réalité des choses dans chacune des provinces et apporter des réponses concrètes aux problèmes de nos minorités dans chacune des provinces.

Nous, nous sommes la province qui traite le mieux sa minorité. Mol, je me souviens, à mon dernier voyage de tournée dans l'Ouest canadien, au Manitoba, j'ai rencontré M. Blsson, qui est le président de l'Association des francophones du Manitoba. M. Bisson m'a dit: Dites donc à M. Filmon qu'il applique ici l'équivalent de la loi 101 et c'est plus que ce qu'on peut rêver avoir. C'est ça qu'il m'a dit. Et qu'est-ce que M. McKenna a fait, depuis deux ans et demi qu'il est au pouvoir, pour sa minorité francophone? Qu'est-ce qu'il a fait, M. McKenna? Peut-être que ça serait bien qu'il fasse le bilan de ce qu'il a fait pendant deux ans et demi. Il a une minorité, nos Acadiens qui s'expriment d'une façon tellement extraordinaire dans leur culture, leur spécificité. M. McKenna n'a pas d'opposition. Qu'est-ce qu'il a fait depuis qu'il est au pouvoir pour sa minorité acadlenne?

M. le Président, donc, le droit des minorités, c'est une priorité pour le Québec, aussi bien qu'un autre sujet, le droit de nos amis autochtones. Quand on a fait la constitution en 1982, on a inscrit qu'il devait y avoir cinq conférences, une par année, sur les droits des autochtones. Malheureusement, ces conférences se sont terminées par un échec et c'est malheureux. Nous considérons qu'on doit répondre aux droits de nos amis autochtones, entre autres en ce qui regarde un gouvernement autonome que nous pourrons définir ensemble. Et s'il y a une concession, M. le Président, que nous sommes prêts à faire, c'est pour nos amis autochtones. Nous sommes prêts à débuter nos conférences constitutionnelles dès que l'entente du lac Meech sera acceptée. Nous sommes prêts à commencer sur la base d'un gouvernement autonome pour nos amis autochtones. Ça, nous sommes prêts à faire cette concession-là. Nous sommes prêts parce que nous considérons qu'il est temps qu'on s'assoie et que, de façon systématique, ces conférences se préparent sur la base d'un gouvernement autonome pour les autochtones, qu'on discute et qu'on en arrive à des conclusions.

M. le Président, donc: Sénat, droits des minorités, droits des autochtones. Aussi, lors de ma dernière tournée dans l'Ouest canadien, j'ai parlé avec d'autres ministres et des premiers ministres concernant les communications et on sait que ma collègue, la ministre des Communications, lors d'un voyage dans l'Ouest canadien tout dernièrement, a parlé avec ses autres collègues des autres provinces concernant le problème des communications. Nous ne nions pas un rôle, pour le gouvernement fédéral, en matière dé communications, loin de là, mais ce que nous voulons, c'est qu'on respecte les intérêts régionaux, les intérêts du Québec dans le développement des télécommunications, qui est directement relié au développement économique du Québec. Lorsqu'on parle de télécommunications, on ne parle pas simplement de télévision, de radio, pas simplement de téléphonie, on parle, comme on les appelle, des transporteurs communs, les "common carriers", avec la fibre optique, de la possibilité pour des entreprises de télécommunications d'être des éléments essentiels au développement économique de nos petites et moyennes entreprises.

Alors, M. le Président, c'est une priorité pour nous, les communications, et ma collègue des Communications fait un travail remarquable. Je dois dire que, de plus en plus, les discussions que ma collègue a avec ses homologues des autres provinces et du gouvernement fédéral nous amènent à une bonne compréhension du dossier.

En ce qui regarde l'environnement, M. le Président, là encore, un dossier qui est extrêmement important pour le Québec, pour les autres provinces, pour le gouvernement fédérai d'une façon générale, et nous devons travailler ensemble. Qu'on se réfère à la jurisprudence canadienne établie par la Cour suprême canadienne, entre autres dans l'affaire Dryden Chemical. Il est évident qu'on doit établir des bases de coopération pour que l'action du gouvernement fédéral, comme celle des autres provinces, puisse être concertée pour une meilleure protection de l'environnement au Canada. Lorsqu'on revendique le respect des juridictions pour les provinces, ce n'est pas parce qu'on veut faire des batailles de

drapeaux, ce n'est pas pour les "flags" sur le "hood", c'est pour l'efficacité.

M. Brassard: Tut, tut, tut!

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean fait "tut, tut, tut", il ne faut pas qu'il fasse: "tut, tut, tut"! Mais non) Non! Simplement, je me réfère à une expression pour illustrer mon propos. Je sais qu'il aime bien, lui, illustrer son propos de belles citations. Il le fait très bien, je dois dire...

M. Brassard: C'est parce que ça vous convient mal, le langage "chrétien".

M. Rémillard: Vous savez, méfiez-vous de la fosse aux lions.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Mais, M. le Président, en ce qui regarde l'environnement, il est évident qu'on doit établir le plus tôt possible des éléments de concertation et nous en avons déjà saisi les autres provinces et le gouvernement fédérai. Même chose dans un autre dossier dont j'ai parlé tout à l'heure, M. le Président: j'ai parlé de la répartition de la richesse nationale et de certaines règles qui remontent aux années cinquante. Je veux parler, entre autres, des règles de la péréquation. J'ai dit tout à l'heure, M. le Président, qu'on est encore dans une espèce de fédéralisme de quêteux, où il faut aller quémander à Ottawa la part qui nous revient en fonction de formules, de mécanismes de répartition de la richesse nationale qui ne sont plus adéquats. Il faut qu'on mette fin à ce fédéralisme de quêteux pour revenir à un fédéralisme qui serait plus équitable pour les différentes régions canadiennes, pour (es différentes provinces. Le système de péréquation qui était établi dans les années cinquante n'est plus adéquat. La répartition de la fiscalité, telle que nous la connaissons présentement, n'est plus adéquate. Ça n'a pas de bon sens que nous payions ici, au Québec, pour une surchauffe économique ou une mauvaise administration des budgets provinciaux dans certaines provinces qui fait qu'on se retrouve avec un taux d'intérêt extrêmement élevé dans certaines provinces alors que le Québec a le taux d'intérêt le plus bas.

M. le Président, lorsque le député de Lac-Saint-Jean me dit: Est-ce que vous avez d'autres sujets, dans un deuxième "round" de négociations constitutionnelles? Est-ce que vous en avez informé vos collègues ou le gouvernement fédéral, ou les collègues des autres provinces ou les autres provinces? Je vous dis: Oui, nous avons d'autres sujets qui nous sont prioritaires. L'entente du lac Meech est une première étape pour réparer et compléter ce qui a été fait en 1981-1982 avec le rapatriement de la constitu- tion. Dans une deuxième étape, il s'agira maintenant de compléter la réforme constitutionnelle qui est nécessaire non seulement pour le Québec, mais pour le reste de ce pays si on veut faire face aux défis qui nous attendent dans les prochaines décennies, dans le prochain siècle. (11 h 45)

M. Brassard: M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je ne suis pas sûr qu'on se comprenne bien.

M. Rémillard: Oh! il ne faut pas exagérer!

M. Brassard: Oui, parce que je n'ai pas demandé une liste des sujets contentieux entre le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et les autres gouvernements des provinces. J'ai eu droit à ça assez longuement. Ce que je voulais savoir de façon précise, c'est ceci: Dans une deuxième ronde constitutionnelle, est-ce que le Québec a exigé qu'un certain nombre de sujets qui le préoccupent apparaissent à l'ordre du jour, si cet ordre du jour devait se retrouver dans une déclaration politique? C'est de ça dont il est question. Parce que je sais bien qu'il y a des problèmes d'environnement entre le Québec, le fédéral et les provinces. Est-ce que je dois comprendre des propos du ministre que le Québec a demandé spécifiquement que le sujet de l'environnement soit inscrit à l'ordre du jour d'une deuxième ronde? Je sais bien qu'il y a des problèmes dans le domaine des communications. Ça, on le sait. Est-ce qu'on comprend les propos du ministre, est-ce qu'on les interprète bien en disant que le Québec a exigé que les communications, les télécommunications soient inscrits comme sujet à l'ordre du jour d'une deuxième ronde? Même chose pour la péréquation?

C'est ça qu'il faut savoir là. Parce que même si le ministre me dit que le Québec est très intéressé par le Sénat et que le Sénat va apparaître à l'ordre du jour, ça, on le sait déjà, que le Sénat va apparaître à l'ordre du jour. Je ne suis pas sûr que ce soit la grande préoccupation majeure des Québécois, la réforme du Sénat. Ils sont peut-être très fortement intéressés par ça dans l'Ouest, mais au Québec, la réforme du Sénat, ça ne se bat pas dans les autobus pour ça. Alors, essayer de prétendre que le Sénat, la réforme du Sénat inscrite à l'ordre du jour d'une deuxième ronde, c'est vraiment un sujet qui préoccupe le Québec, j'ai de la misère à croire ça. Et là-dessus, d'ailleurs, sur le Sénat qui, lui, va apparaître, c'est sûr et certain - ils en ont convenu dès 1987, c'est sûr que ça va apparaître à l'ordre du jour d'une deuxième ronde - j'aimerais cependant savoir de la part du ministre si, dans la déclaration politique - s'il y en a une, puisqu'on pourrait peut-être retrouver les

paramètres d'une réforme du Sénat - on va retrouver des engagements des premiers ministres portant sur les principes et les assises d'une réforme du Sénat. Par exemple, est-ce que le Québec est prêt à s'engager dans une déclaration politique sur l'un ou l'autre des fameux "e" véhiculés par le projet de l'Ouest: l'efficacité, l'égalité et le caractère électif? Est-ce que le Québec, dans une déclaration politique, va aller jusqu'à dire qu'il est d'accord avec le caractère électif d'un futur Sénat réformé? Est-ce qu'il est d'accord? Est-ce qu'il va indiquer dans une déclaration politique qu'il est d'accord avec l'égalité de représentation des provinces dans un futur Sénat réformé? Puis est-ce qu'il va même s'avancer sur un certain nombre de pouvoirs visant à rendre plus efficace le Sénat? Ça, ça deviendrait inquiétant si le gouvernement allait jusque-là. J'espère qu'on ne fera qu'indiquer les éléments qui seront discutés dans une réforme du Sénat. En tout cas, c'est comme ça que j'ai cru comprendre les propos du premier ministre.

Quant aux minorités, le code des minorités, ça intéresse les francophones hors Québec, c'est bien évident mais pour le Québec lui-même, est-ce que c'est vraiment une priorité majeure? Pour les francophones hors Québec, peut-être, mais pour le Québec comme tel, sa minorité anglophone étant la mieux traitée au monde, on n'a pas un urgent besoin d'un code des minorités pour le Québec.

M. Rémillard: On peut l'améliorer. On peut améliorer la situation de notre minorité. Oui.

M. Brassard: Sans doute. Quant à la promotion de la dualité linguistique par le gouvernement fédéral, vous dites que vous êtes d'accord avec le fait que le gouvernement fédéral fasse la promotion de la dualité dans le cadre de ses juridictions. Vous savez sans doute qu'il y a une distinction très nette à faire entre les institutions fédérales et les juridictions fédérales. C'est pas mal plus large, les juridictions fédérales que les institutions fédérales. Et là, quand on parle d'un rôle de promotion de la dualité linguistique par le gouvernement fédéral dans le cadre de ses juridictions, ça peut aller très loin aussi. Il faut en être bien conscient. Par exemple, tout le réseau des banques, c'est de juridiction fédérale. Toutes les entreprises qui ont des chartes fédérales, ça peut être compris dans les juridictions fédérales. Toutes les entreprises de communications qui sont régies par le CRTC, ça peut être également inclus dans les juridictions fédérales, ce qui fait qu'on pourrait fort bien imaginer que, par exemple, le gouvernement fédéral fasse la promotion du bilinguisme, donc de l'anglais au Québec chez Bell Canada, par exemple, ou dans le réseau des banques ou dans ie réseau des institutions de communications où déjà, actuellement, le gouvernement du Québec, par sa politique de francisation des entreprises, tente justement de promouvoir le français. Il y aurait comme une incompatibilité et un choc, si on acceptait que la promotion de la dualité linguistique par le gouvernement fédéral se fasse dans le cadre des juridictions fédérales et non pas uniquement des institutions fédérales, ce qui est très différent. Ça risque d'aller très loin si on accepte ce principe-là. Et on risque d'avoir un choc des visions ou des objectifs assez grave entre les objectifs de la Loi sur les langues officielles et les objectifs de la loi 101 qui, comme chacun le sait, ne sont pas tout à fait compatibles.

Alors, M. le Président, ce que je veux savoir, c'est dans l'hypothèse d'une déclaration politique qui nous indiquerait un ordre du jour d'une deuxième ronde, je voudrais savoir vraiment... Il ne s'agit pas de savoir si le gouvernement du Québec, au cours des dernières années, a informé les gouvernements des provinces ou le gouvernement fédéral que tel sujet fait problème et qu'il y aurait peut-être lieu de l'examiner, d'échanger là-dessus, mais là, vraiment, d'un ordre du jour de négociations constitutionnelles, donc, d'autres amendements à la constitution; c'est de ça dont on parle dans une deuxième ronde. À ce moment-là, je ne suis pas certain encore que le Québec a des exigences. Si vous voulez que je m'exprime très clairement, j'ai l'impression que la première ronde, celle nous ayant conduit à l'accord du lac Meech, a été présentée comme étant la ronde du Québec basée sur les cinq demandes du Québec. Ç'a donné lieu à l'accord du lac Meech. Et j'ai l'impression que, dans une deuxième ronde, le Québec est gêné de présenter des propositions et des sujets de discussion à l'ordre du jour d'une deuxième ronde. Il est gêné parce qu'il sent qu'il va se faire répondre par le Canada anglais: Auriez-vous l'obligeance de prendre votre trou? Vous avez eu votre première ronde basée sur les cinq demandes; maintenant, c'est assez. La deuxième ronde, ça nous regarde, ça nous concerne. C'est nos sujets qu'on va discuter. Alors, ne nous embêtez pas. Ne nous embarrassez pas avec vos exigences et vos sujets. On ne veut pas discuter d'une deuxième ronde. Vous avez eu votre première ronde. La deuxième, c'est à nous.

C'est ça que j'ai l'impression qu'il est en train de se passer présentement, ce qui fait que le Québec se retient. Il est un peu gêné de présenter des sujets ou d'exiger que des sujets soient inscrits à l'ordre du jour d'une deuxième ronde, parce qu'il sent, il devine qu'il va se faire rabrouer par ie Canada anglais qui va lui répondre avec vigueur: Vous avez eu votre première ronde, la deuxième, c'est à nous autres; laissez-nous tranquilles, laissez-nous en paix avec vos sujets. Ce qui fait qu'on ne retrouve pas, par exemple, la question des commissions scolaires linguistiques. C'est important, on le sait Dieu sait que c'est important, particulièrement à Montréal, l'établissement de commissions scolaires

linguistiques pour régler le problème une fois pour toutes. On ne peut pas le faire à cause de la façon dont est libellé l'article 93. Il faut amender l'article 93 pour permettre au Québec d'établir des commissions scolaires linguistiques. Ça, c'est un sujet qui préoccupe le Québec, qui intéresse le Québec, qui est fondamental pour le Québec. Et le premier ministre Bourassa le reconnaissait pas plus tard qu'en décembre 1987, pas longtemps après la signature de l'accord du lac Meech. Il reconnaissait qu'il faut absolument régler ce problème-là dans une deuxième ronde. Est-ce qu'on va le retrouver, cet article-là, à l'ordre du jour d'une deuxième ronde, pouvant apparaître dans une déclaration politique?

Est-ce qu'on va retrouver l'article 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui porte sur la nomination des juges? Est-ce qu'on va retrouver l'article 23 portant sur la fréquentation scolaire, où le premier ministre, déjà, disait, en 1987: II faut corriger des échappatoires. Il y a des échappatoires dans l'article 23, il faut le revoir et le corriger.

Est-ce qu'on va traiter de formation professionnelle, où c'est un véritable fouillis, actuellement, avec toute une série de programmes au fédéral, toute une série de programmes au Québec, un tel fouillis qu'une chatte ne retrouve pas ses petits? Ce qui fait que c'est tout à fait inefficace comme système de formation professionnelle pour une société moderne comme le Québec. Est-ce qu'on va l'Inscrire dans une deuxième ronde?

La politique familiale. Avec la dénatalité qu'on connaît au Québec, tout le monde convient qu'il faut mettre en place une véritable politique familiale au Québec, cohérente, articulée, efficace. Mais on ne peut pas en imaginer une si on ne rapatrie pas un certain nombre de pouvoirs importants en ce domaine-là, qui sont actuellement exercés par le fédéral. Il faut aménager, par exemple, un système d'allocations familiales plus intéressant pour les familles. Et ça, ça suppose, évidemment, des modifications constitutionnelles importantes. Ça, c'est des sujets qui intéressent le Québec, qui intéressent les Québécois. Et, jusqu'à maintenant, on n'a pas le sentiment que le gouvernement du Québec, à cause de cette gêne dont j'ai parlé tantôt, revendique, exige que, dans une deuxième ronde, il apparaisse dès maintenant des sujets qui préoccupent le Québec.

Je voudrais savoir, vraiment, là, de la part du ministre, dans vos discussions avec le gouvernement fédéral, puisqu'il est question d'une déclaration politique qui porterait sur un ordre du jour, où l'on établirait l'ordre du jour d'une deuxième ronde... C'est de ça dont il est question. Est-ce que ça va aboutir à ça? Je ne le sais pas. En tout cas, il en est fortement question. Et puisqu'il en est question, il faut donc que le gouvernement du Québec se positionne face à ça et qu'il ait déjà des exigences quant aux sujets qui vont se retrouver à l'ordre du jour de cette deuxième ronde. Et je voudrais donc savoir quels sont les sujets que le Québec a exigé d'inscrire à l'ordre du jour d'une deuxième ronde, qui pourraient apparaître dans une déclaration politique signée par les premiers ministres.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, en fait, la première ronde, elle a eu lieu en 1981-1982. Le résultat de la première ronde, c'est la constitution de 1982. Et le Québec n'était pas partie à ce premier "round". L'entente du lac Meech, présentement, vient compléter le compromis qui, à certains égards, est Intéressant, qui a été fait en 1982, avec le rapatriement, mais qui était nettement inacceptable pour le Québec. L'entente du lac Meech, donc, a toutes fins pratiques, un deuxième "round" de négociations, est une entente qui vient compléter ce qui a été fait en 1982, en répondant aux conditions du Québec. Parce que, dans un premier "round", en 1982, on a répondu aux conditions des autres provinces. Quand je vols le Manitoba venir demander des conditions, on se souvient que le Manitoba, c'est la province qui avait demandé la clause "nonobstant' dans la Charte canadienne, qui en avait fait une question de vie ou de mort pour le rapatriement de la constitution. Il y a des gens qui pensent que la clause "nonobstant" est inscrite dans l'entente du lac Meech. La clause "nonobstant" est inscrite dans la constitution de 1982, à la demande des provinces de l'Ouest et, en particulier, du Manitoba qui s'est battu pour que la clause "nonobstant" soit inscrite et ça a fait partie de l'arrangement de la cuisine en cette nuit du 4 au 5 novembre 1981. Puis, on a changé complètement la formule d'amendement. Les provinces de l'Ouest ont changé complètement la formule d'amendement. (12 heures)

Quand j'entends, M. le Président, des critiques, que ce soient d'anciens dirigeants de ce pays ou de présents premiers ministres qui viennent dire que l'entente du lac Meech vient bouleverser le fédéralisme, notre situation des provinces par rapport au gouvernement fédéral, eh bien, M. le Président, ce n'est pas avec l'entente du lac Meech qu'on vient tout bouleverser, on l'a fait en 1982 avec une formule d'amendement qui, pour la première fois dans notre histoire, consacrait constitutionnellement le statut particulier. Et ça, c'est les provinces de l'Ouest qui ont demandé qu'on ait une formule d'amendement fondée sur la reconnaissance d'un statut particulier pour les provinces. Ce n'est pas l'entente du lac Meech qui fait ça; ç'a été fait en 1982. Les provinces de l'Atlantique ont exigé d'autres conditions: même nombre de représentants à la Chambre des communes qu'au Sénat; que la reine demeure le chef de l'État canadien;

en fait, d'autres demandes qu'on peut retrouver dans la constitution de 1982, mais le Québec n'y était pas.

Donc, l'entente du lac Meech, c'est le "round" du Québec, mais, à toutes fins pratiques, c'est un deuxième "round", parce que le premier "round" a été en 1982. Avec l'entente du lac Meech, on devient partenaire à part entière et il y aura un autre "round" de négociations constitutionnelles pour refaire la constitution canadienne comme nous devons la refaire, tant au niveau des institutions qu'au niveau de la distribution des compétences législatives entre les deux niveaux de gouvernement. À ce niveau-là, je dois dire, en ce qui regarde cet autre "round" de négociations, que les intérêts du Québec se retrouvent très fréquemment avec les Intérêts des autres provinces sur bien des sujets. Et le député de Lac-Saint-Jean mentionnait tout à l'heure l'article 93, l'article 23 de la constitution, de la charte, de la Lof constitutionnelle de 1982. Je lui en ai parié tout à l'heure; je lui ai dit qu'il faut s'asseoir, revoir et établir un véritable code des minorités. Il faut s'asseoir et en discuter. Moi, je considère que même si nous, nous sommes la province qui traitons...

M. Brassard: Est-ce que ça fait partie de vos exigences...

M. Rémillard: Mais ça fait même partie des exigences aussi des autres provinces. Nous voulons...

M. Brassard: ...dans l'établissement d'un ordre du jour? Est-ce que vous allez exiger que ça apparaisse dans un ordre du jour d'une deuxième ronde?

M. Rémillard: Nous voulons discuter des droits des minorités, comme nous voulons discuter de la réforme du Sénat, comme nous voulons discuter des droits des autochtones, comme nous voulons discuter aussi de nouveaux mécanismes pour établir la répartition de la richesse nationale, comme nous voulons trouver des mécanismes nouveaux pour nous permettre une meilleure concertation pour la protection de l'environnement, comme nous voulons faire en sorte que l'ensemble de notre constitution corresponde mieux à notre réalité et nous permette de faire face aux défis que nous avons devant nous. C'est ça que nous voulons.

M. Brassard: L'article 93 aussi?

M. Rémillard: L'article 93, lorsque nous allons discuter du droit des minorités, devra être discuté, c'est évident. Ça fait partie du droit des minorités, l'article 93. Ça a des relations directes avec ce qui regarde la langue. Vous l'avez fort bien démontré tout à l'heure. Alors, tout ça est interrelié. Mais tout à l'heure, dans sa question, le député de Lac-Saint-Jean se référait au Sénat. Même si on s'y référait, on ne discutera pas du contenu de la réforme du Sénat, il n'en est pas question. Même si on se réfère aux trois "e" au "triple e" qu'ils appellent - élu, efficace et égal - même si on se réfère à ces trois concepts, la perception de ces trois concepts qu'on peut avoir dans certaines provinces canadiennes est à l'opposé de la perception qu'on peut en avoir dans d'autres parties, dans d'autres provinces canadiennes.

Par exemple, pour M. Wells, il considère qu'un Sénat efficace ne respecte pas nécessairement ce que nous pouvons appeler un fédéralisme exécutif, c'est-à-dire le rôle des premiers ministres au niveau des conférences fédérales-provinciales. Et c'est comme ça que M. Wells a été un critique d'un aspect de l'entente du lac Meech qui est très important, dont on ne parle pas souvent, mais qui est très important. C'est l'obligation pour le premier ministre du Canada de convoquer au moins une fois par année une conférence sur l'économie de la Fédération. Toutes les provinces vont être là représentées par leur premier ministre ou son représentant. Et elles vont discuter de l'économie de la Fédération, faire valoir leurs points vue. Je crois que c'est Important, essentiel. Remarquez, ce n'est pas une idée nouvelle. C'est une idée qui avait été développée par M. Trudeau dans sa charte de Victoria, en 1971. Mais, là, on a la chance de l'avoir dans l'entente du lac Meech. M. Wells critique cette conférence, parce qu'il considère que c'a devrait revenir peut-être à un Sénat élu. Mais ce n'est pas la position d'autres premiers ministres.

Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que nous n'accepterons pas de discuter du contenu de la réforme du Sénat et on a du travail à faire pour avoir un terrain commun à toutes les provinces canadiennes où nous pourrons élaborer les grands principes qui vont nous guider dans la réforme du Sénat. Et il va falloir qu'on s'entende; même si on se référait à ces concepts du "triple e", il va falloir qu'on s'entende sur la signification de "élu", "efficace", "égal", quelle perception les premiers ministres peuvent avoir de ces trois concepts. Et simplement par les commentaires qui sont faits ici et là, on s'aperçoit que cette perception n'est pas la même d'un bout à l'autre du pays.

Par conséquent, M. le Président, la réforme du Sénat pour nous, est une priorité. Et le premier ministre du Canada a convoqué une conférence constitutionnelle pour le 1er novembre prochain sur le Sénat. On a beaucoup de travail à faire. Et, moi, je peux vous assurer que le lendemain du jour où l'entente du lac Meech sera partie de la constitution canadienne, nous serons prêts à nous asseoir et à discuter sérieusement de la réforme du Sénat.

M. Brassard: Est-ce que je dois comprendre

des propos du ministre qu'il n'est pas question, à ce moment-ci - ni dans une déclaration politique éventuelle signée par les premiers ministres - que le Québec signe une déclaration politique qui irait dans le sens d'une réforme du Sénat à l'albertaine? Donc, il n'est pas question que le Québec signe une déclaration politique où ça comporterait le moindrement un engagement sur l'un ou l'autre des principes mis de l'avant par certaines provinces, en particulier, celles de l'Ouest et que ça se limiterait à indiquer les éléments qui seraient discutés dans une éventuelle réforme du Sénat, sans qu'on puisse y voir apparaître un engagement de principe de la part du Québec sur un tel sujet? Et, en d'autres termes, l'engagement sur des principes de la part du Québec, ça ne viendra qu'après. Ce n'est qu'après le 23 juin que le Québec va commencer à examiner les principes d'une réforme du Sénat et à déterminer ses orientations quant à la réforme du Sénat, mais aucun début d'orientation, aucun début d'engagement de principe n'apparaîtra dans une éventuelle déclaration politique comme, par exemple - il en est question, d'ailleurs, dans le fameux document dont on parlait au tout début de nos échanges - le principe que la représentation de certaines provinces soit augmentée dans un Sénat réformé. Là, ce n'est pas un engagement sur l'égalité de représentation, mais c'est un engagement sur le principe que la représentation de certaines provinces serait augmentée. Déjà, c'est un début d'engagement sur un principe. Donc, môme pas ça n'apparaîtra dans une déclaration politique?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean se réfère à l'Alberta. Je dois dire, tout d'abord, que l'Alberta est une province qui représente l'un des partenaires les plus fiables du Québec dans la Fédération canadienne. Nous avons des relations que je qualifierais de privilégiées avec l'Alberta et, ça, ça ne date pas des dernières années. C'était la même chose sous l'ancien gouvernement. C'était la même chose il y a plusieurs années. Nous avons une relation particulière avec le gouvernement de l'Alberta. Et dans tout le dossier de l'entente du lac Meech, il nous l'a bien montré.

Vous me permettrez de saluer, M. le Président, le travail qu'a fait le ministre, M. Horsman, responsable du dossier constitutionnel, et M. Getty, le premier ministre de l'Alberta qui a pris des positions en faveur de l'entente du lac Meech, souvent courageuses, parce que son contexte politique était très difficile. Avec toutes les faussetés qu'on a dites sur l'entente du lac Meech, II était difficile, à un moment donné, pour des premiers ministres qui avaient signé l'entente, au lac Meech, de pouvoir s'exprimer très clairement et de dire la réalité des choses.

Et M. Getty n'a jamais hésité à le faire, la dernière fois, entre autres, devant le congrès de son parti où, très clairement, il a dit la réalité des choses sur l'entente du lac Meech. M. Getty a toujours été très franc. Il a toujours honoré sa signature et la résolution votée par son Assemblée législative.

Vous savez, M. le Président, lorsqu'on voit les trois premiers ministres qui, maintenant, hésitent encore à signer l'entente du lac Meech, II faut comprendre qu'ils n'étaient pas là lorsqu'on en a discuté pendant un an, avant le 30 avril 1987, avant l'entente du lac Meech et après l'entente de l'édifice Langevin. Mais les premiers ministres qui l'ont fait, les 10 premiers ministres qui l'ont fait, ils ne l'ont pas fait à la légère. Ils ne l'ont pas fait à la légère. Ces premiers ministres étalent là; ils ont étudié les textes qui étalent préparés longtemps d'avance. Des spécialistes étaient sur place pour étudier et leur faire comprendre toute la signification des termes utilisés. C'est faux de dire que l'entente du lac Meech et l'entente de l'édifice Langevin ont été négociées après quelques heures. C'est tout à fait faux, ça. Chaque mot et chaque virgule ont été pesés, analysés.

Or, M. le Président, ces premiers ministres ne sont quand même pas des gens qui ont apposé leur signature sans avoir compris ce qu'ils signaient, il faut comprendre ça. Alors, par conséquent, lorsqu'on se réfère à la réforme du Sénat, on ne se réfère pas à la réforme du Sénat de M. Getty ou de M. Ghiz, ou peu importe le premier ministre, on se réfère à une réforme du Sénat qui doit être dans les meilleurs intérêts de toutes les parties à la Fédération canadienne. Ce que ça signifie, M. le Président, c'est qu'on devrait avoir un Sénat qui soft capable de représenter le plus adéquatement possible les régions, les provinces et qui soit capable d'être efficace, respectant quand même ce que nous appelons notre fédéralisme exécutif, c'est-à-dire le rôle des premiers ministres dans chacune des provinces au niveau national. Le premier ministre d'une province doit avoir la possibilité d'aller au niveau de la Fédération canadienne exprimer ses préoccupations et, dans l'entente du lac Meech, c'est exactement la philosophie que vous avez, entres autres, avec cette assemblée économique sur l'économie de la Fédération qui devrait avoir lieu une fois par année, demandée par le premier ministre du Canada.

Ensuite, il ne faut pas non plus, par une réforme du Sénat, affaiblir le gouvernement fédéral. Il faut qu'on garde au gouvernement fédéral la force nécessaire pour gouverner ce pays. Le gouvernement fédéral doit avoir la possibilité, par une concertation, une collaboration avec les provinces, de gouverner ce pays qui n'est pas facile à gouverner, un pays qui est vaste, qui est faiblement peuplé, avec son régionalisme, son multiculturalisme, avec sa dualité...

M. Brassard: Et ses belles montagnes Rocheuses.

M. Rémillard:... avec le Québec. Ce n'est pas facile à gouverner, un pays comme ça, mais c'est ce qui fait... Je reprends les paroles du Secrétaire général des Nations Unies, M. Javier Perez de Cuellar, hier, qui me disait: C'est ce qui fait le charme, la beauté de ce pays, un immense pays, un pays de liberté, de démocratie, capable de respecter sa spécificité, l'identité du Québec aussi bien que sa dualité et le multi-cuturallsme...

M. Brassard: Arrêtez, vous allez me faire pleurer. (12 h 15)

M. Rémillard:... les droits de ses autochtones. M. le Président, non, je ne voudrais pas faire pleurer de joie le député de Lac-Saint-Jean...

M. Brassard: J'ai déjà les yeux dans l'eau.

M. Rémillard:... mais je sais très bien qu'il me comprend. Il citait son ami Lucien Bouchard, tout à l'heure, au début de son intervention. C'est mon ami aussi, M. Bouchard, et je dois dire que M. Bouchard a pris des décisions qui n'ont certainement pas été faciles à prendre, mais il a pris ses décisions et je les respecte. J'aurais aimé mieux avoir M. Bouchard au niveau du gouvernement fédéral comme interlocuteur capable de défendre les intérêts du Québec dans une perspective fédérale, c'est évident. J'aurais aimé mieux qu'il soit là, mais II a pris ses décisions et je les respecte. Pour moi, c'est un ami qui m'est cher.

M. le Président, II faut bien comprendre aussi que l'entente du lac Meech, c'est une entente qui semble tenir aussi à coeur les intérêts de tous ceux qui croient dans cette Fédération et qui croient au rôle du Québec dans cette Fédération. Qu'on parle de souveraineté, d'autonomie, de nation, de peuple. Peu importent les termes qu'on emploie, M. le Président, une chose est certaine, c'est qu'il y a une réalité québécoise qui est là et qui doit être respectée. Et si elle n'est pas respectée, ça signifie des conséquences qui sont sérieuses, c'est évident.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. À ce moment-ci, je vais reconnaître le député de Nelllgan.

M. Williams: Merci, M. le Président. J'ai une question sur la péréquation fédérale mais je voudrais commencer avec quelques remarques avant de poser ma question.

M. Brassard: M. le Président, avant de passer à la péréquation, on pourrait peut-être finir avec Meech.

M. Williams: C'est rattaché à Meech. J'ai écouté assez longtemps vos questions pour que, peut-être, vous me donniez une chance de poser une question aussi.

Le Président (M. Dauphin): Allez-y, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Quelques remarques avant. J'ai souvent entendu, ce matin, l'expression "Canada anglais" et je voudrais juste souligner, je pense, que ce n'est pas nécessairement respectueux de tous nos voisins. Je sais qu'il y a plus de 1 000 000 de francophones hors Québec, mais je pense que ça ne respecte pas exactement le visage que j'ai du Canada et du Québec. Je voudrais juste souligner un autre aspect qui a été discuté. Nous parlons toujours du Canada anglais. Il y a certainement un Canada très pluraliste qui ne touche pas seulement les anglophones, mais les francophones et les allophones aussi.

L'autre remarque que je voulais juste souligner, c'est la question de la dualité. Je pense que le but de cette expérience, c'est de protéger notre dualité canadienne toujours en respectant notre société distincte, mais de ne pas créer un ghetto de façon à être Isolés.

Dernière remarque sur les quelques remarques que j'ai entendues, cette promotion fédérale... Je pense que nous avons tous bénéficié d'un exemple de promotion fédérale. C'est Radio-Canada, CBC. And I think that is a good example of some of the promotion in protection, when we do it in a way that respects the Québec distinct society. So, I approach things differently and I think there are other visions in terms of what we can do, in terms of building a Québec and a Canada.

J'ai juste voulu faire quelques commentaires sur ça parce que je pense qu'une société est souvent évaluée sur la façon dont elle traite ses minorités. Et je pense que le Québec a vraiment démontré que nous sommes capables de travailler avec des minorités. Je pense que nous sommes le chef de file dans quelques dossiers, comme l'éducation et les affaires sociales. Mon but, ce n'est pas de chercher le minimum mais de trouver un moyen d'améliorer le système. Je pense que le cas des minorités dont le ministre a discuté, c'est vraiment peut-être la prochaine démarche au niveau pratique pour les minorités. Ma question est...

Système de péréquation

J'ai aussi été frappé un peu par les chiffres que le ministre nous a donnés sur le financement du développement régional per capita, le financement du développement régional, l'importance relative... Nous avons eu un plafond de transferts fédéraux depuis 1983-1984, je pense. Nous n'avons pas vraiment eu d'augmentation réelle. Je

sais que dans l'accord du lac Meech il y a des conférences fiscales chaque année sur les questions financières. Je voudrais savoir quel moyen nous allons prendre pour corriger cet accord, pour trouver un meilleur équilibre entre le Québec et les autres provinces dans ce système. Parce que je sais que c'est dans l'accord du lac Meech, le système, mais je voudrais savoir quel moyen nous allons prendre.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui. M. le Président, nous avons débuté - le ministre des Finances l'a dit à plusieurs reprises et le premier ministre l'a dit aussi à plusieurs reprises - nous avons commencé à sensibiliser les autres provinces et le gouvernement fédéral sur la nécessité de penser à de nouveaux mécanismes. Nous disons que le système de péréquation n'est plus adéquat. La philosophie qu'il y a derrière ce système de péréquation, c'est qu'il y a des provinces riches et des provinces pauvres. C'est un faux principe, ça. C'est un faux principe parce que, dans la mesure où vous acceptez ce principe, vous acceptez qu'il y ait des gens qui quêtent et qu'il y ait des gens qui donnent aux quêteux. Ce n'est pas comme ça qu'on règle nos problèmes, ça ne marche pas comme ça. On est un pays, nous vivons ensemble et chacun, chaque province a droit à une partie qui lui revient de la richesse nationale. Et, quand une province a une économie qui va bien, c'est très souvent parce qu'il y a la part d'autres provinces qui peut venir, peut-être, d'une façon indirecte, à d'autres niveaux. Et, aujourd'hui, c'est le tour de l'un, et demain, ce sera le tour de l'autre. C'est ça, c'est ça, une fédération, c'est ça la possibilité de vivre ensemble. Mais il n'y a pas des gens pauvres et des gens riches. C'est faux, ce principe-là. Et c'est le principe qui a fondé la Fédération canadienne, le système de péréquation dans les années cinquante.

Il faut revoir ce principe-là. Il faut qu'on puisse ensemble trouver de nouveaux mécanismes. Il faut qu'on puisse s'asseoir aussi et faire le bilan. J'ai rencontré, à deux reprises, le mois dernier, le ministre Benoît Bouchard, qui est le nouveau responsable du dossier du développement économique régional, et je lui ai expliqué que, pour nous, le développement économique du Québec passe par le développement économique des régions; c'est essentiel. Il faut que l'on puisse, le plus tôt possible, avoir une entente qui nous permettra de continuer ce que nous avons fait dans (es cinq dernières années et qui nous permettra de développer nos régions adéquatement, en fonction de la spécificité économique qu'elles peuvent développer, en fonction des pôles économiques des régions-ressources. Et cette possibilité, M. le Président, elle sera là dans la mesure où le gouvernement fédéral comprendra qu'il doit travailler avec le gouver- nement du Québec pour le développement économique régional de la façon la plus efficace, la plus concertée possible pour que, lorsqu'on dépense 1 $, ce dollar soit rentable. On dépense les taxes de nos contribuables. Â quoi ça sert si deux ordres de gouvernement viennent dépenser leur argent en fonction d'un développement économique qui n'est pas coordonné, qui est complètement désorganisé à la suite de querelles politiques qui peuvent s'installer immanquablement entre les niveaux de pouvoir fédéral et provincial, et même, ajoutons municipal, dans tout ça?

M. le Président, ce que nous disons, c'est que nous avons réussi à établir avec l'entente de développement économique régional que nous avons signée au mois de juin 1988 une entente qui fait partie des Ententes de développement économique et régional, l'EDER, qui nous permet d'avoir avec le gouvernement fédéral une concertation en fonction des priorités du Québec pour son développement économique régional.

M. le Président, tout à l'heure, II y a quelques minutes, le député de Lac-Saint-Jean disait: C'est épouvantable, les régions attendent encore les sommes d'argent qui leur reviennent en fonction du développement économique régional. Et je sais que ça le préoccupe, il est un député des régions... M. le Président, je vais lui donner, je vais déposer un organigramme du processus de décision qui existe en ce qui regarde le développement économique régional.

Le Président (M. Dauphin): La présidence accepte le dépôt.

M. Brassard: M. le Président, un organigramme, ça fait une belle jambe pour les régions. Ce n'est pas un organigramme qu'elles veulent, les régions, c'est que le programme soit en vigueur et que l'argent soit dépensé.

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean parle d'une belle jambe. Ce que nous voulons, c'est qu'il n'y ait plus de boiteux dans le développement économique régional, qu'on marche allègrement sur nos deux jambes partout sur le territoire québécois. Et le premier principe qui nous guide, c'est que les projets qui sont développés pour les régions soient des projets qui collent à la réalité des régions. Trop souvent, M. le Président, il est arrivé des gens de l'extérieur de ces régions, des fonctionnaires, des gens bien Intentionnés, des politiciens aussi, bien intentionnés, qui ont Imposé des développements économiques qui ne correspondaient pas à la réalité économique de ces régions. Mentionnons le plan de l'Est, à bien des égards, ARDA, et je pourrais en citer des cas, au résultat qu'on connaît.

M. le Président, je me réfère à l'immense travail qui a été fait par le député de Charles-

bourg lorsqu'il était ministre responsable du Développement économique régional; je me réfère au travail que fait présentement ma collègue, la ministre responsable du Développement régional, qui, dans un premier temps, a respecté un principe qui, pour nous, est fondamental. Les projets de développement économique des réglons doivent venir des régions elles-mêmes. Ils doivent venir des habitants de cette région qui connaissent leur réalité économique, qui connaissent leurs besoins et qui vont nous permettre d'établir le développement économique de la région en fonction de leurs aspirations et en fonction, aussi, de la connaissance de leur milieu.

Par conséquent, M. le Président, ce que ça signifie, c'est que nous avons établi de nouveaux mécanismes de décision qui, au départ, il faut l'avouer, ont demandé de nouvelles structures, de nouveaux accommodements, pour que l'ensemble des intervenants puisse se faire valoir, que les décisions soient prises, ensuite, les décisions prises au niveau du Conseil du trésor. Mais, maintenant, le mécanisme est en place et il s'avère de plus en plus efficace et ça démontrera que c'est rentable qu'on prenne un peu plus de temps au début pour avoir une bonne expertise sur le terrain, pour avoir les voeux, la réalité, tels que définis par les gens du milieu, les gens qui vivent dans ces régions, que c'est plus rentable pour nous d'avoir pris quelques mois de plus pour avoir cette réalité et pour avoir ensuite un développement économique régional qui sera coordonné, efficace.

M. le Président, les montants qui sont déjà engagés par les deux ordres de gouvernement - et je me réfère au 25 mai 1990 -c'est 102 000 000 $ sur 820 000 000 $; 102 000 000 $ - et j'ai les chiffres ici - par les deux ordres de gouvernement qui sont engagés.

M. Brassard: Dépôt de la liste. Dépôt de la liste, M. le Président, parce que, en mars, il y avait exactement 25 700 000 $ seulement d'engagés ou de dépensés, dont 24 500 000 $ pour la papeterie de Matane. C'est ça le bilan en mars, quasiment deux ans après la signature d'une entente dotée d'un budget de 820 000 000 $. Là, on nous signale qu'on est passé de 25 000 000 $ à quelque 100 000 000 $; je demande à voir. Je ne veux pas jouer au saint Thomas, mais je demande à voir, je veux voir la liste. Je veux voir la liste des projets financés et en vertu de quels programmes parce que, dans les régions, les programmes qui devaient être en vigueur, issus de cette entente-là, ne sont toujours pas connus. On ne les connais pas, alors... Puis ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de projets dans les régions, il n'y a aucune pénurie de projets dans les régions, il y en a à profusion, des projets, dans tous les domaines, dans tous les secteurs, puis des projets intéressants, en plus. Ce n'est pas un manque de projets du tout, ce n'est pas une pénurie de projets, c'est une extraordinaire inefficacité du gouvernement à mettre en vigueur cette entente-là. (12 h 30)

Je demande, M. le Président, le dépôt de la liste des projets totalisant quelque 100 000 000 $, parce que le dernier dépôt qu'on a eu, c'est en date de mars 1990. Ça a d'ailleurs été déposé par son propre secrétaire, par le Secrétariat. C'est dans le document qu'ils nous ont remis pour l'étude des crédits: Entente de développement économique régional, en page... Je ne sais pas trop, il n'y a pas de page, ce n'est pas paginé, l'annexe 22. C'est ça, 25 700 000 $.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je vais donner les derniers chiffres. Tout d'abord, en date du 24 mai 1990, dans les sommes autorisées à être engagées par les deux gouvernements, du côté d'Ottawa, c'est 339 300 000 $ et ça représente 77, 1 %, et du côté du Québec les sommes autorisées à être engagées, 203 400 000 $, ce qui représente 53, 5 % de l'enveloppe globale de l'entente. Et maintenant les autres chiffres, les montants qui sont déjà engagés - là, il faut faire la différence entre ce qui est engagé...

M. Brassard: Oui, en effet.

M. Rémillard:... et ce qui est dépensé.

M. Brassard: En effet, faisons-la vite.

M. Rémillard: Bien, oui. Mais ce qui est dépensé, c'est dépensé.

M. Brassard: Ne soyons pas naïfs.

M. Rémillard: Au contraire, il ne faut pas être naïfs, il faut être réalistes. Soyez réalistes, regardez les chiffres.

M. Brassard: Parce que des budgets engagés et de l'argent dépensé dans les régions, c'est très différent. Vous me dites que le fédéral a combien, un montant de 337 000 000 $ d'engagé?

M. Rémillard: Un montant de 339 000 000 $ autorisé à être engagé. Les projets sont là.

M. Brassard: Bien, oui, ce sont des autorisations. C'est le Conseil du trésor qui dit: Vous êtes autorisés à dépenser tel montant. Mais, là, on est encore loin des dépenses concrètes dans les régions.

M. Rémillard: Regardez bien, on va se comprendre. On va se comprendre, parce que, où votre critique est fondée, c'est lorsque vous nous dites: Ça a pris du temps. Eh oui! ça a pris quelques mois de plus pour mettre en place des structures qui...

M. Brassard: On va fêter le deuxième anniversaire de la signature au mois de juin.

M. Rémillard: Laissez-moi vous expliquer. Je vous dis:... ce qui nous a permis d'avoir une structure qui se réfère, en premier lieu, aux habitants directement de la région, aux décideurs dans la région même. Et ça, vous avez raison de dire: Ça a été plus long. Oui, ça a été de quelques mois plus long. Je vous dis, par contre, que les résultats maintenant nous arrivent et, là, on s'aperçoit qu'il valait la peine d'attendre quelques mois de plus. Regardez les résultats et les autres chiffres que je vous ai cités tout à l'heure. Les montants qui sont engagés - pas dépensés, ceux qui sont dépensés, c'est dépensé -je vous dis engagés par les deux ordres de gouvernement au 25 mal 1990, c'est 102 000 000 $.

M. Brassard: Sur des projets précis?

M. Rémillard: Sur des projets qui sont engagés.

M. Brassard: Peut-on avoir la liste?

M. Rémillard: Bon. Alors, écoutez, il n'y a rien de cachette là-dedans. Il s'agit simplement de demander, je pense, à.. Est-ce que ma collègue, la ministre du Développement régional, a fait ses crédits, a soutenu ses crédits? Le savez-vous?

Une voix: Non.

M. Rémillard: Pas encore. Bon. Avec les crédits de l'OPDQ, vous allez avoir la chance...

C'est vous qui êtes le critique officiel? Elle n'a pas de chance, alors.

M. Brassard: Oui, mais ça n'implique pas uniquement l'OPDQ. Il y a plusieurs autres ministères qui sont impliqués dans l'entente. Alors, ça serait peut-être préférable que la liste vienne du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes...

M. Rémillard: Je peux la demander, oui. M. Brassard:... qui chapeaute les ententes.

M. Rémillard: Voilà. Je peux la demander. Mon rôle, moi, comme ministre des affaires canadiennes, c'est que je suis le négociateur avec Ottawa. Je ne suis pas responsable. Le ministre responsable a suite de l'administration en ce qui regarde l'administration de ces sommes. Alors, c'est la ministre responsable du Développement régional, Mais je vais faire ce que je peux faire pour que ces informations vous soient communiquées.

M. Brassard: Merci.

M. Rémillard: Alors, vous allez voir, en conclusion, que ça va quand même maintenant assez bien et que ça va aller de mieux en mieux. Ça ne veut pas dire que nos relations avec Ottawa en ce qui regarde le renouvellement des ententes de l'EDER.

M. Brassard: Voilà.

M. Rémillard:... ça va bien.

M. Brassard: Voilà.

M. Rémillard: Ça va difficilement. Là, vous devriez m'interroger là-dessus. Je vous laisse poser la question.

M. Brassard: Oui, j'y arrivais. M. Rémillard: Allez-y là. M. Brassard: J'y arrivais.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Parce que, effectivement, vous l'avez mentionné dans votre discours, tout ce que nous offre Ottawa, c'est un maigre montant de 247 000 000 $ pour ce qui est du renouvellement de l'entente sur le développement régional et ça, sur une période de cinq ans, 1990-1995. Alors, c'est...

M. Rémillard: Mais c'est pire que ça.

M. Brassard: C'est pire que ça?

M. Rémillard: C'est pire que ça.

M. Brassard: C'est pire que ça. Alors là...

M. Rémillard: C'est pire que ça parce que c'est 247 000 000 $, mais payables seulement dans les deux dernières années des cinq ans, c'est-à-dire à partir de 1992, 1993.

M. Brassard: Alors là, on va leur prêter de l'argent en plus!

M. Rémillard: Alors, j'ai simplement dit que c'était inacceptable.

M. Brassard: A quel taux d'intérêt?

M. Rémillard: J'ai rencontré M. Benoît Bouchard à deux reprises dernièrement et je pense qu'il comprend très bien la situation. J'ai reçu, je pense, une oreille attentive et intéressée do la part de M. Bouchard, de ses fonctionnaires. Nous discutons actuellement. Il y a nos fonction-

naires qui se rencontrent très très très fréquemment de ce temps-ci. Je revois M. Bouchard dans un avenir très prochain et je pense qu'on est dans une phase qui pourrait évoluer correctement, d'une façon plus juste, en tout cas, pour le Québec surtout quand vous vous référez au tableau que je vous ai fait distribuer. Alors, nous avons réussi, avec l'entente de développement économique régional que nous avons signée en juin 1988, à établir un précédent Intéressant qui établit une bonne relation de concertation entre le fédéral et le Québec. Moi, je demeure confiant qu'on puisse le faire dans le renouvellement des ententes de CEDER et on demande notre juste part.

M. Brassard: Mais vous vous rendez compte que vous négociez avec un gouvernement de cassés. C'est ce qui explique d'ailleurs la minceur de l'offre, la maigreur de l'offre du gouvernement fédéral: 247 000 000 $ sur cinq ans et en plus, les trois premières années, il ne peut pas donner une cenne. C'est le gouvernement québécois, donc, qui doit financer la part du fédérai. Il va contribuer uniquement dans les deux dernières années. Cest encore pire, effectivement, que vous ne l'évoquiez dans votre discours. Vous négociez avec un gouvernement de cassés et ça explique le fait que le gouvernement fédéral est incapable de livrer la marchandise et de répondre aux attentes et aux demandes légitimes du Québec non seulement dans le domaine du développement régional, mais également en matière de transferts fiscaux, des programmes établis. Le gouvernement du Québec est perdant parce que le gouvernement fédéral étant un gouvernement de cassés, dont le niveau d'endettement est un des plus élevés des pays développés... Il s'est même fait semoncer par le Fonds monétaire international. Ça n'arrive pas souvent, ça. Les pays du tiers monde se font faire des remontrances par le Fonds monétaire international, mais c'est rare que ça arrive pour des pays développés. Le Canada a pu se payer des remontrances de la part du Fonds monétaire parce qu'il est quasiment techniquement en banqueroute avec son endettement et son déficit astronomique. Donc, la réaction, la politique du gouvernement fédéral maintenant, et pour pas mal d'années à venir, ça va être de se désengager. C'est un processus de désengagement du gouvernement fédéral. On se désengage des programmes établis en matière de santé et d'enseignement supérieur. On se désengage en matière de développement régional. On se désengage en matière de logement social. C'est un processus de désengagement. On réduit et, par conséquent, ça se traduit par une réduction considérable des transferts fiscaux et des transferts sous toutes les formes de la part du gouvernement fédéral.

Ça, évidemment, II suffit de lire encore une fols, et je le disais dans mes remarques prélimi- naires, l'annexe E. C'est un bijou. C'est même l'acte de décès du fédéralisme rentable, l'annexe E du discours de M. Gérard D. Levesque. C'est pas mai plus intéressant, d'ailleurs, qu'une bonne partie de son discours. Mais c'est vraiment éloquent. Ça crève les yeux. Le gouvernement fédéral n'est plus capable d'assurer, comme vous le disiez tout à l'heure, sa responsabilité de redistribution. En plus, quand il redistribue, il redistribue davantage dans les provinces mieux nanties que dans les provinces moins nanties à cause de la façon d'opérer les transferts. Gêné ralement, c'est sur la base du per capita.

J'admire votre optimisme. J'admire votre optimisme. C'est quelque chose de tout à fait remarquable quand vous pensez que Benoît Bouchard, même si c'est un bon gars du Lac-Saint-Jean, va pouvoir vous offrir plus que les maigres 247 000 000 $ qu'ils vous ont déjà offerts en matière de développement régional. Ça n'arrivera pas de même, c'est évident. La tendance est à l'inverse. La tendance est au désengagement, à la réduction des transferts sous toutes les formes, de la part du gouvernement fédéral, parce qu'il est cassé, il n'a pas une cenne. Il est "pogné" avec un déficit de fou et avec un niveau d'endettement effarant, quasiment infernal. Alors, il ne peut pas faire ce que vous voulez qu'il fasse. Il ne pourra pas le faire. Et c'est ce qui me faisait dire, me faisait conclure que le régime fédéral n'est plus rentable. Le Québec est perdant dans ce régime-là. Et penser que ça va changer, c'est faire preuve d'un optimisme béat et qui est assimilable à de la pensée magique. Parce que ce n'est pas ça qui va se passer, d'autant plus que quand vous parlez de renégociation le terme n'est même pas juste.

Les transferts fiscaux, dans le cadre des programmes établis, ce n'est pas le résultat d'une négociation. Le gouvernement fédéral consulte les provinces, mais il décide lui-même, tout seul, de façon unilatérale, par une loi déposée et votée par la Chambre des communes. C'est comme ça que ça se passe. Après ça on gueule, on critique, on s'indigne, on déchire ses vêtements. Ça fait quatre fois que Gérard D. Levesque met en lambeaux ses chemises, par rapport au gouvernement fédéral. C'est tout ce qu'il peut faire, parce que ce n'est pas une négociation. Les transferts ne se négocient pas. Le gouvernement fédéral consulte et, après ça, il vous dit: Voilà comment ça va se passer. Et depuis cinq ou six ans, c'est toujours en termes de réduction que ça se passe. On aura beau faire toutes les représentations qu'on voudra, vous aurez beau faire toutes les demandes et toutes les critiques que vous voudrez, et étoffer votre dossier, qu'il ait trois, quatre ou cinq pouces d'épais, ça ne changera rien. C'est le gouvernement fédéral qui procède, de façon unilatérale. Et, compte tenu de sa situation financière, il ne peut pas faire autrement que ce qu'il a fait et

que ce qu'il fait depuis quatre ou cinq ans, c'est-à-dire réduire. Et c'est ce qu'il va faire encore. Vous vous faites des illusions si vous pensez que vous allez briser cette dynamique-là, compte tenu de la situation financière du gouvernement fédéral, si vous pensez que vous allez corriger et réorienter et effectuer un virage en matière de transferts fiscaux et de transferts du gouvernement fédéral aux provinces, et particulièrement au Québec.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le député se réfère, tout d'abord, à sa région, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, et II a bien raison de dire qu'il s'agit d'une belle région, d'une région où il y a du bien bon monde. On en connaît tous, et j'ai même à mes côtés ma sous-ministre, Mme Wilhelmy, qui vient du Lac-Saint-Jean et qui en est très fière.

M. Brassard: Ça vous ferait une bonne déléguée générale du Québec à Paris.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Je ne dis pas qu'elle ne serait pas une bonne déléguée, mais je peux vous dire qu'elle est une très bonne sous-ministre. D'ailleurs, je dois dire qu'elle a eu la médaille - ahl mais c'est important, je le mentionne, M. le Président - il y a trois ans, la médaille d'excellence en administration publique, en particulier pour son travail sur l'entente du lac Meech. Je tiens à le souligner.

M. Brassard: Je n'ai rien à dire contre la sous-ministre, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: J'en ai beaucoup à dire sur le ministre et le gouvernement.

M. Rémillard: Tout ça pour vous dire que vous avez raison de vous référer à votre belle région. Et j'étais avec le Secrétaire général des Nations Unies, hier...

M. Brassard: Ce n'est pas le seul sous-ministre du gouvernement, d'ailleurs, issu de la région. Celui du ministère des Affaires municipales est également un fils d'Alma, M. Gagné. Il y en a sans doute plusieurs. Le pouvoir bleu est assez important dans l'administration publique.

M. Rémillard: II s'effrite, à certains niveaux. Et donc le Secrétaire général des Nations Unies, M. Javier Perez de Cuellar, me disait justement, hier, qu'il connaissait bien la région du Québec. Avant d'être secrétaire des Nations Unies, iI était venu en touriste. Il a visité, entre autres, le Lac-Saint-Jean, il a fait le tour du lac, et il a pris sa décision...

M. Brassard: Le Lac-Saint-Jean pourrait générer quelque chose de pas mal mieux que le lac Meech. (12 h 45)

M. Rémillard: Moi, je le dis, les lacs inspirent, au Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Alors, on verra, on verra ce que l'avenir nous réserve. Mais les lacs sont...

M. Brassard: L'Inspiration serait plus forte... M.Rémillard: II y a plusieurs lacs.

M. Brassard:... et plus substantielle, venant du Lac-Saint-Jean.

M. Rémillard: Mais je trouve la relation que vous faites avec votre région très juste. Je pourrais faire la relation avec ma région à moi, aussi, Charlevoix. M. le Président, lorsque le député de Lac-Saint-Jean se réfère au désengagement du gouvernement fédéral, d'une part, ça peut être intéressant qu'on puisse avoir la capacité d'exercer pleinement nos juridictions, mais désengagement devrait être accompagné aussi d'un transfert fiscal en conséquence. C'est là où le bât blesse et c'est là que nous demandons que l'on puisse recevoir les transferts fiscaux qui correspondent au désengagement du gouvernement fédéral.

Il est évident que le gouvernement fédéral doit restreindre ses dépenses, nous devons tous restreindre nos dépenses, parce qu'il apparaît de plus en plus évident que nous vivons au-dessus de nos moyens, il faut se serrer la ceinture, rajuster nos économies, avoir des mécanismes plus adéquats, comme on le mentionnait tout à l'heure. Mais, M. le Président, ça nous permet... Vous savez que, dans des situations difficiles, que je n'ose pas qualifier de crise, on ne vit pas une situation de crise économique, on n'est pas en période de récession, on est en période de ralentissement économique, vous savez la différence, M. le député de Lac-Saint-Jean. Moi, c'est mon fils, Nicolas, qui me l'a appris. En période de ralentissement économique, c'est lorsque votre voisin perd son emploi. Mais en période de récession, c'est vous qui perdez votre emploi. C'est ça la grande différence entre récession et ralentissement économique. Dans ce cas-ci, nous avons une période économique difficile, mais c'est le temps qu'on se serre les coudes. C'est pour ça que, lorsque vous vous référiez à l'entente du lac Meech, en terminant tout à l'heure votre intervention, pour nous, iI est grand temps qu'on tourne la page et qu'on aborde tes problèmes auxquels nous sommes

confrontés, en particulier, les problèmes économiques qui sont extrêmement Importants.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Brassard: Je reviens un peu à Meech, on s'en était écarté. C'est une question bien, bien simple. Tout à l'heure, le ministre faisait allusion à sa rémunération qui est sans doute moindre que s'il était un consultant sur le plan constitutionnel. Aujourd'hui, dans La Presse, on a des éléments, ou des chiffres, concernant la rémunération de M. Tremblay, Me André Tremblay, qui est l'avocat ou le constttutionnallste le plus consulté par le gouvernement du Québec en matière constitutionnelle. On parle du constitu-tlonnallste volant, il doit être en train de négocier d'ailleurs, parce qu'habituellement il participe à l'étude des crédits. Est-il à Terre-Neuve ou au Nouveau-Brunswtck ou à Ottawa? On ne le sait pas. Ça nous indiquerait peut-être où se font les négociations et avec qui.

Est-ce que les chiffres qui apparaissent dans La Presse d'aujourd'hui sont exacts? On y parte d'honoraires de l'ordre de 130 000 $ pour cette année, plus 30 000 $ de frais de déplacements. L'an passé, les honoraires se situaient à peu près autour de 70 000 $, donc, on double presque. Est-ce que ces chiffres-là sont exacts?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, je dois dire que le professeur Tremblay est un constitutlonnaliste, un juriste de grande renommée partout au Canada...

M. Brassard: Loin de moi l'idée de mettre en doute sa compétence.

M. Rémillard: II est reconnu comme un eminent constltutionnaliste, un juriste de grand renom, qui a occupé différentes fonctions, différents niveaux et qui est professeur à l'Université de Montréal, qui est très utile au gouvernement du Québec, par ses avis en matière constitutionnelle et dans d'autres domaines du droit. C'est un spécialiste du droit municipal, aussi, qui a publié plusieurs volumes, dont un en droit municipal. Il a été mon professeur en droit municipal. Je peux dire que c'est un excellent professeur, en plus.

Les chiffres qui sont parus dans les quotidiens aujourd'hui, on m'informe que ces chiffres sont faux. Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs, sur ce contrat de M. Tremblay. L'an dernier, si ma mémoire est bonne, on avait rapporté, aussi, des chiffres qui n'étaient pas exacts.

M. Brassard: Est-ce qu'on pourrait avoir la vérité là-dessus?

M. Rémillard: La vérité, je vais même laisser Mme Wilhelmy, la sous-ministre, vous l'expliquer.

Mme Wilhelmy (Diane): La prévision en ce qui concerne le contrat de M. Tremblay pour une durée de 13 mois, parce que, évidemment, je ne peux pas vous dire quel sera le montant complet qui sera versé, parce que le contrat de M. Tremblay va jusqu'au 31 août 1990, alors, les honoraires qui sont prévus sont de l'ordre de 79 100 $ et les autres frais sont de l'ordre de 35 450 $. L'an dernier, je n'ai pas le chiffre exact, mais je pense que c'était autour de 70 000 $, le montant global des honoraires qui avaient été versés. On pourra vous le donner par la suite, parce qu'il faudrait que je regarde l'état des comptes publics exacts à la fin du contrat. En 1988-1989, c'était 75 622 $; en 1989-1990 71 077 $ de prévus.

Alors, l'erreur qui s'est produite, c'est que dans les journaux on a additionné les frais de déplacements avec les honoraires: le montant que vous avez. La décision du Conseil du trésor était à l'effet qu'on autorisait un montant global qui comprenait, bien sûr, les honoraires, les frais de déplacements et les frais de représentation. Alors, on dit le montant de 130 000 $. Je n'ai pas la copie de journal...

M. Brassard: 130 000 $, oui.

Mme Wilhelmy: Oui, c'est ça, on additionne tout. D'ailleurs, les honoraires, c'est pour 13 mois.

M. Brassard: C'est 79 000 $ pour les honoraires prévus.

Mme Wilhelmy: Prévus Jusqu'au 31 août 1990:13 mois.

M. Brassard: Le reste étant les frais de déplacements.

Mme Wilhelmy: C'est ça.

M. Brassard: Et les frais de représentation également.

Mme Wilhelmy: C'est ça.

M. Brassard: En plus de Me Tremblay, est-ce qu'il y a d'autres constltutionnalistes qui ont été engagés ou mis sous contrat?

M. Rémillard: Pas sur cette base-là. C'est-à-dire que le professeur Tremblay est un cas particulier, parce que c'est à la suite d'une entente avec l'Université de Montréal où il est professeur. Alors, nous avons une entente avec l'Université de Montréal pour les services de Me Tremblay. Nous avons consulté plusieurs autres

constitutionnalistes et juristes dans différents domaines, juristes québécois et canadiens, et il y a plusieurs avis, je peux vous dire que beaucoup d'avis juridiques ont été demandés par le gouvernement dans le dossier constitutionnel depuis les quatre dernières années.

M. Brassard: Si je vous demande ces avis, vous allez me répondre...

M. Rémillard: Non, non, vous savez que je ne peux pas vous les donner, tout simplement parce que, et comme ministre de la Justice et comme ministre, je ne peux pas vous donner des avis qui pourraient nous servir à défendre les intérêts du Québec devant les tribunaux.

Dossier des pêches: accès à la zone de 200 milles

M. Brassard: M. le Président, étant donné le peu de temps qui nous reste, j'aimerais aborder quelques sujets rapidement qui impliquent évidemment le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, en particulier, les pêches. Est-ce que le ministre est en mesure de reconnaître finalement que son gouvernement a lamentablement échoué dans le dossier des pêches, dossier crucial pour l'économie de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine et aussi en partie de la Côte-Nord, soit celui de l'accès à la zone de 200 milles, accès qui a été refusé par Ottawa à trois reprises, soit pour la saison de pêche 1988, celle de 1989 et celle de 1990? Alors, j'imagine qu'on doit maintenant faire une croix sur ce dossier-là, qu'on ne peut plus espérer sérieusement obtenir un jour pour nos pêcheurs québécois un accès à la zone de 200 milles. C'est aussi bien mettre ça sur la tablette; soyons réalistes et parlons-nous franchement: C'est fini, il n'y a plus rien à faire avec ça. Après trois non, on peut Imaginer que le secteur des pêches au Québec va continuer de péricliter et de connaître des problèmes graves à cause, en particulier, de ce non-accès à la zone de 200 milles.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard:... pour avoir une réponse la plus complète possible, je vais demander au fonctionnaire qui est directement Impliqué dans ie dossier de nous faire l'état de la situation. Et, par conséquent, ensuite, je pourrai répondre aux questions du député de Lac-Saint-Jean. C'est M. Daniel Beaudet qui est le directeur des affaires économiques au Secrétariat qui pourra vous donner les Informations de base pour répondre à cette question.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors, procédez.

M. Beaudet (Daniel): Merci, M. te Président. Comme vous le savez, dans toute la région est depuis deux ans, il y a des diminutions successives de quotas. Donc, la demande de quotas, entre autres, pour Nova Nord est l'accès à la zone de 200 milles. Elle demeure une demande du Québec, mais II faut bien comprendre que dans la diminution ou dans la situation actuelle, c'est difficilement réalisable. Mais la demande est toujours sur la table et dès qu'il y aura une révision à la hausse de ces quotas-là, la demande du Québec est toujours à l'effet d'obtenir un accès direct et des quotas pour les bateaux québécois.

M. Brassard: Merci. Alors, on aurait pu s'attendre, à tout le moins, que dans le cadre du programme d'adaptation initié par le gouvernement fédéral, pour permettre aux pêcheurs et aux entreprises de pêche de s'adapter à cette nouvelle situation d'une réduction des stocks, le Québec soit pris en considération. C'est quand même un monde étonnant de voir que, dans le programme mis de l'avant par le gouvernement fédéral de quelque 584 000 000 $, le Québec n'est pas là. Et Dieu sait que nos pêcheries connaissent aussi des problèmes et des difficultés. Non seulement on leur refuse l'accès à la zone de 200 milles mais, en plus, quand on met sur pied et qu'on lance un programme pour permettre aux pêcheurs et aux entreprises de pêche d'essayer de s'en sortir, le Québec est absent, mis de côté, mis à l'écart.

Est-ce que c'est encore ça, un exemple de fédéralisme rentable? Parce que M. Pagé est obligé d'en initier un, de son propre chef, d'une cinquantaine de millions, donc, avec des budgets du Québec, alors qu'il semble qu'on paie toujours des impôts à Ottawa et il y a certainement une partie de nos Impôts qui sert à financer le programme de 584 000 000 $ qui a été mis de l'avant, puis on n'en profite même pas. On est obligés de puiser à même le Trésor public du Québec pour initier un programme concernant nos pêcheurs. Un autre bel exemple.

M. Rémillard: M. le Président, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a mentionné dernièrement qu'il avait un plan quinquennal de restructuration du secteur des pêches et de l'aquiculture commerciale et qu'on y consacrera 50 000 000 $. Il est évident qu'il est inacceptable que, dans le plan de relance annoncé par le gouvernement fédéral, nous n'ayons pas notre part qui nous revient au Québec.

Maintenant, j'en ai discuté avec le ministre Bouchard lors de ma dernière rencontre et on m'a assuré qu'il y avait des négociations qui pouvaient se faire et qu'on pourrait réparer cette situation-là qui est nettement Inacceptable. Alors,

dans ma prochaine rencontre avec M. Bouchard, c'est un sujet que j'aborderai et vous savez que mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, est en négociation présentement.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Je crois que M. le député d'Anjou aurait une question.

M. Larouche: Peut-être en introduction, on a démasqué tantôt ceux qui venaient du Lac-Saint-Jean. Je passe tout de suite aux aveux. J'en suis natif aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est le troisième.

M. Brassard: C'est vrai! D'Alma aussi!

M. Larouche: Je n'ai pas de question sur des millions de dollars, seulement sur quelques milliers de dollars. Dans la liste détaillée des dépenses de transfert, on fait référence à une subvention de 5000 $ au club de philatélie Oméga, Anjou. Je voudrais savoir si c'est Anjou de France ou Anjou de mon comté.

M. Rémillard: II faudrait vérifier. Je vous avoue, M. le député... Je pourrais lui répondre dans un avenir prochain, s'il me le permet.

M. Larouche: D'accord.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, il n'y a pas d'autres questions?

M. Brassard: Non, M. le Président. Là-dessus, je voudrais évidemment remercier les membres de la commission, le ministre et aussi tous les fonctionnaires qui ont bien voulu participer à nos travaux, ne serait-ce qu'à titre d'observateurs. Mais on sait que, de toute façon, derrière toutes les informations qu'on peut avoir dans une commission semblable, il y a beaucoup de travail de la part des fonctionnaires. Au nom de l'Opposition, M. le Président, je voudrais les en remercier, de même que vous, pour la conduite de ces travaux.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Rémillard: Oui, tout simplement, M. le Président, pour remercier moi aussi les fonctionnaires qui m'ont accompagné. J'ai mentionné au tout début à quel point ils faisaient un travail remarquable et je le mentionne en terminant. Je vous remercie, M. le Président, vous-même et Mme la secrétaire de la commission et les députés qui ont participé à cette commission et qui nous ont permis de pouvoir discuter des principaux principes qui nous guident dans nos relations fédérales-provinciales et entre nos provinces. Merci, M. le Président, de la façon que vous avez présidé nos travaux.

Adoption des crédits

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre. Alors est-ce que le programme 4 du ministère du Conseil exécutif est adopté?

M. Brassard: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. Alors, j'ajourne les travaux à demain, 10 heures, pour l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Justice. Nous nous reverrons demain, M. le ministre.

(Fin de la séance à 13 h 2)

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