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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 30 avril 1991 - Vol. 31 N° 42

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du Conseil exécutif


Journal des débats

 

(Quinze heures seize minutes)

Le Président (M. Dauphin): Le quorum étant constaté, je déclare ouverte la séance de notre commission, la commission des institutions, qui a pour mandat cet après-midi de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif, c'est-à-dire les programmes 1 et 2, pour l'année financière 1991-1992. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements quant aux membres?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux remplacements: Mme Caron (Terrebonne) est remplacée par M. Parizeau (L'Assomption) et Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) par M. Paré (Shefford).

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Je rappelle aux membres de cette commission que nous avons une enveloppe de quatre heures pour faire l'étude des crédits en question. J'invite donc dès maintenant le premier ministre du Québec à faire ses remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Robert Bourassa

M. Bourassa: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais souhaiter, si on pouvait régler ça en trois heures et quart, trois heures et demie. J'ai un caucus à 18 h 30 et je vais essayer d'être concis dans mes réponses.

Je sais qu'il y a une motion qui, actuellement, est présentée à l'Assemblée nationale à la suite du décès de M. Hatfield et, étant donné que j'avais mes crédits et que je ne pouvais pas y participer, on me permettra quand même de souligner le travail considérable que M. Hatfield a accompli pour le progrès de la francophonie canadienne et surtout son travail remarquable pour la sécurité culturelle des Acadiens. Je pense bien que l'histoire va certainement retenir le travail qu'il a accompli comme premier ministre du Nouveau-Brunswick, notamment pour le bilinguisme de sa province et l'avancement des Acadiens.

Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de faire une longue déclaration. Je crois que la tradition, on l'avait suivie l'année dernière, c'est de traiter, de laisser le débat ouvert à toutes les questions. Si le chef de l'Opposition ou ses collègues veulent me questionner sur différents sujets, que ce soit la Constitution, les relations fédérales-provinciales, ou les contrats confidentiels des aiumineries, ou tous les sujets d'actualité, je serai tout à fait disponible pour leur répondre de la façon la plus limpide possible, évidemment en respectant la séparation des pouvoirs.

On verra, on pourra conclure tantôt, mais je veux exprimer ma satisfaction de retrouver le chef de l'Opposition à la suite de son voyage en France. Sa volonté d'en faire également dans le Canada anglais, sûrement qu'on aura l'occasion d'en traiter durant quelques minutes. On est d'accord, les deux partis, pour souligner que la France est l'allié politique le plus précieux du Québec, que notamment grâce à son intervention le Québec a pu, avec la collaboration du gouvernement fédéral - c'est une entente qui avait été signée avec M. Pierre Marc Johnson en octobre 1985 - participé au sommet francophone comme gouvernement distinct. Donc, c'est très important de pouvoir souligner l'importance de ces relations directes et privilégiées avec la France.

Quant à la question constitutionnelle, nous avons l'intention de déposer un projet de loi faisant suite aux recommandations de la Commission Bélanger-Campeau et de respecter les recommandations, c'est-à-dire de déposer le projet de loi avant le 15 mai, pour qu'il soit adopté ce printemps. Alors, je laisse la parole au chef de l'Opposition en lui disant que je serai tout à fait disponible pour les questions qui pourraient lui paraître pertinentes.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. Alors, je vais maintenant reconnaître M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, quelques remarques préliminaires de mon côté aussi. Simplement pour indiquer au premier ministre que j'ai l'intention d'aborder avec lui deux ordres de sujets. Peut-être pour le bon ordre de nos délibérations, il se pourrait, s'il n'y voit pas d'objection, que l'on essaie, j'allais dire, de vider un sujet; ça, c'est peut-être beaucoup trop demander, mais enfin de passer un certain temps sur un sujet et ensuite d'aborder l'autre.

Les deux sujets sont les suivants: Je voudrais que l'on cherche à clarifier davantage que ça n'a été le cas ou que ça n'a été possible jusqu'à maintenant les intentions du gouvernement quant au déroulement des débats constitutionnels au Canada, et revenir sur un thème qui lui tient à coeur et que j'ai eu l'occasion de discuter à Paris assez longuement, celui, dans l'optique de la souveraineté du Québec, de la nécessité selon lui, de la non-nécessité selon moi, d'avoir entre le Québec et le Canada des institutions politiques qui permettent de faire

fonctionner les liens économiques et, en particulier, la monnaie. Le premier ministre s'inspire souvent de l'exemple européen à cet égard et j'ai été fort intéressé, pendant mon séjour à Paris, d'entendre M. Chirac dire en toute candeur qu'au fond ce système politique qui peut-être apparaîtra en Europe, de toute façon, n'est pas exportable. Il ne faut surtout pas chercher à l'appliquer au Canada et au Québec.

Deuxième axe de discussion, je souhaiterais que nous parlions de la gestion économique du gouvernement. En somme, tant que l'activité économique s'est déroulée, somme toute, assez bien pendant un certain nombre d'années en Amérique du Nord où la croissance économique a été assez rapide, aux États-Unis, au Canada et donc au Québec aussi, le gouvernement a pu faire ce qu'à un moment donné j'ai appelé une sorte de "surfing" sur la vague, parce que ça allait très bien. Bon, eh bien, ce n'était pas très compliqué. C'est quand les choses vont moins bien que, là, les problèmes de gestion de l'économie sont susceptibles d'apparaître et, effectivement, il en est apparu toute une série qui va, bien sûr, de la grande politique du gouvernement à l'égard de l'hydroélectricité et des alumineries, mais qui couvre bien d'autres sujets que ceux-là. Je voudrais être en mesure d'en aborder quelques-uns dans le temps qui nous est imparti.

Alors, voilà, M. le Président, si le premier ministre est d'accord, nous pourrions aborder le premier ordre de préoccupations et, ensuite, passer au second.

M. Bourassa: Ah! Je suis toujours d'accord.

Le Président (M. Dauphin): Alors, ça va, M. le premier ministre?

M. Robert Bourassa (réplique)

M. Bourassa: Alors, je vais juste répondre un peu aux déclarations qu'il citait. Il dit: Je n'aurais eu que cette déclaration de M. Chirac que ça aurait valu le voyage. J'ai été un peu étonné de cette conclusion. Je n'ai jamais soutenu que, sur le plan géopolitique, l'Amérique du Nord et l'Europe étaient semblables. Je veux dire, M. Chirac a dit: En Europe, ça fonctionne comme ça et en Amérique du Nord... Ce sont deux continents différents.

Le problème que doit retenir le chef de l'Opposition c'est qu'actuellement, en Europe, on discute beaucoup de la correspondance de l'union politique avec l'union économique. Je crois qu'il y a eu une discussion, je ne sais pas si on avait eu à en parier, le 15 avril au Luxembourg, sur cette question-là. On se demandait jusqu'où on devait accroître les pouvoirs du Parlement européen. Et ceci a été mis en relief, notamment, par l'adoption de l'Acte unique européen qui augmentait les décisions à la majorité. C'est-à-dire qu'il y avait des pays qui étaient minoritai- res et qui n'avaient pas de droits. Alors, on a conclu de cela, on a dit: Si l'Acte unique européen élargit les votes à la majorité, ça veut dire qu'il y a des pays minoritaires, dans ces décisions, qui n'ont aucune voix au chapitre. Donc, dans la logique démocratique, il faut accroître les pouvoirs du Parlement européen et l'Acte unique européen, je le rappelle au chef de l'Opposition, a été adopté par les 12 pays. Le gouvernement de M. Chirac l'a adopté en 1987, je crois. Le gouvernement de M. Chirac lui-même a adopté l'Acte unique européen.

Donc, la question que je pose n'est pas de savoir si, sur le plan géopolitique, l'Europe et l'Amérique du Nord, c'est semblable. Tout le monde sait que ce n'est pas le cas. La question qui se pose, c'est: Lorsqu'on a une intégration économique très poussée, est-ce qu'on doit l'appuyer d'une intégration politique? Et j'admets que dans les pays européens il y a des divergences de points de vue. Le chancelier Kohi insiste beaucoup pour cette application, de même que M. Gonzalez et M. Andreotti. En France, il y a ce qu'on appelle les nationalistes et les fédéralistes. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition a rencontré M. Giscard d'Estaing pour discuter de cette question-là, mais je ne vois pas en quoi le chef de l'Opposition peut sérieurement invoquer cette déclaration de M. Chirac à l'effet que les deux continents sont différents pour dire que ceci contredit mes points de vue.

Quand j'ai rencontré M. Chirac en 1988, il avait été très clair sur l'appui au gouvernement sur la question linguistique. Là, on pouvait l'évoquer. J'ai fait ressortir ça. Sur la question de la loi 178, on sait que le chef de l'Opposition, le 15 décembre 1988, était au centre Paul-Sauvé où il avait été acclamé, dénonçant le gouvernement sur la loi 178. Et quelques semaines par la suite, M. Chirac avait pris position d'une façon très claire. Il ne comparait pas les deux continents. Il disait qu'il était tout à fait d'accord avec cette loi: "Chirac loue l'attitude de Bourassa face au jugement sur l'affichage". "Chirac admire Bourassa".

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: C'est des manchettes.

M. Brassard: C'est un entrefilet.

M. Bourassa: Non, regardez, ce n'est pas dans le Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Ça doit être dans les potins.

M. Bourassa: "Prudence de Rocard, enthousiasme de Chirac" sur la loi linguistique. Et quand je suis revenu, je n'ai pas dit que le voyage que j'avais fait en France reposait sur les déclarations du maire de Paris ou du premier ministre, le maire de Paris qui était premier

ministre durant deux ans, avec M. Mitterrand comme on le sait, jusqu'aux élections présidentielles.

Alors, je suis étonné de cette conclusion du chef de l'Opposition. Je veux simplement lui dire que la question que je pose et que j'ai toujours posée, et ça s'exprime en quelques secondes: Si nous optons pour une union monétaire - on pourra en discuter abondamment - jusqu'où peut-on avoir la monnaie du Canada sans l'accord du Canada? On peut poser des questions là-dessus, quand on voit que les emprunts à l'étranger peuvent être restreints pour des questions monétaires, etc. Et j'ai toujours dit qu'une union monétaire supposait une union fiscale et qu'une union fiscale, en vertu d'un principe bien connu qu'a souvent cité le chef de l'Opposition, "No taxation without representation", supposait une forme d'union politique. Mais je sens, M. le Président, que nous ne sommes qu'au début de la discussion sur ce sujet et je laisse la parole au chef de l'Opposition ou à son collègue bien-aimé, le député de Lac-Saint-Jean.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

Discussion générale

M. Parizeau: M. le Président, ceci démontre que les déclarations d'un sujet à l'autre peuvent se contredire parce que, après les citations de journaux, les titres de journaux qu'évoquait le premier ministre au sujet de M. Chirac, le plus récent des titres de journaux qu'on pourrait citer, c'est: "Chirac contredit Bourassa", il y a quelques jours à peine. Alors, vous voyez, les sujets changent. Peut-être que, sur la langue, ils s'entendaient; manifestement, sur la monnaie, ils ne s'entendent pas.

M. Brassard: II a continué à l'admirer pareil! (15 h 30)

M. Parizeau: Oui, oui, bien sûr. Je pense que ceux qui ont pris la peine de lire les études de la Commission Bélanger-Campeau n'ont pas manqué d'être frappés par cette analyse de l'économiste Bernard Fortin, qui porte spécifiquement sur ces questions monétaires et qui examine les choix possibles d'un Québec souverain. Est-ce qu'on peut avoir une union douanière, une union monétaire avec le Canada? Totale? Simili? Une monnaie québécoise? Plusieurs hypothèses sont abordées. Ce qui paraît, dans cette étude, être la solution la plus appropriée, du moins pour un temps, c'est la même monnaie. Et d'aucune espèce de façon on n'établit qu'il faut un parlement ou un gouvernement pour faire fonctionner ça. Il est remarquable que le débat qui a lieu en Europe à l'heure actuelle pour le renforcement du Parlement européen ne porte pas du tout sur ces questions monétaires. Il est remarquable de penser... M. le premier ministre signalait tout à l'heure un certain nombre de noms de politiciens qui ont voulu entrer dans ce débat mais il ne faut pas oublier qu'à l'heure actuelle, s'il y a une monnaie commune qui s'établit éventuellement en Europe, ce sera autour du mark allemand. C'est, au fond, dans une bonne mesure, la Bundesbank qui va en établir les règles - c'est déjà très clair - et le gouverneur de la Banque centrale d'Allemagne, M. Pbhl ne veut pas entendre parler d'une banque centrale européenne pouvant relever d'un Parlement européen, ni de près, ni de loin, et, soit dit en passant, il a bien raison. Je ne connais pas de gouverneur de banque centrale qui ait jamais demandé ou accepté que la banque centrale puisse relever d'un Parlement. Déjà en soi, c'est une notion un peu aberrante.

Oui, bien sûr, on discute, en Europe de l'Ouest, à l'heure actuelle, de la possibilité d'augmenter, au fond, l'intensité des rapports politiques entre les pays, sans doute, peut-être, éventuellement de donner au Parlement européen qui n'a pas beaucoup de pouvoirs des pouvoirs accrus. Mais pourquoi? Pour faire fonctionner le Marché commun européen? Pas du tout. Le Marché commun européen, il fonctionne depuis 30 ans sans ça. Il s'est développé graduellement. Pourquoi veut-on avoir un élargissement des pouvoirs du Parlement européen ou en arriver peut-être à une forme de gouvernement européen? Pour deux raisons qui ont été mises encore davantage en lumière par la crise du Golfe: avoir une présence militaire plus intégrée des pays européens, de façon à ce qu'ils aient davantage de poids collectivement dans le concert des nations, si c'est possible, et, d'autre part, coordonner leurs politiques étrangères pour la même raison, ce qui n'a rigoureusement rien à voir avec le fonctionnement du Marché commun européen qui, lui, a commencé à s'établir à partir de 1957 et a fonctionné sur des bases tout à fait différentes.

Je pense que, dans l'orientation du premier ministre, dès le début, depuis longtemps, il y a une faille qui l'amène à dire: Une union monétaire doit mener à une union fiscale, comme il le disait tout à l'heure, et donc à une union politique. Mais le Canada est une contradiction vivante de ces principes. Oui, il y a une monnaie commune au Canada, à l'heure actuelle, il y a des institutions politiques communes - oui, c'est vrai - parlementaires. Est-ce qu'on n'a jamais atteint, au Canada, une harmonisation le moindrement appréciable des politiques budgétaires? Jamais. C'est même une des caractéristiques profondes de l'incapacité du fédéralisme canadien de fonctionner correctement: l'harmonisation des politiques fiscales et budgétaires, il n'a jamais été capable de la réaliser. Et on en a un exemple superbe avec le déficit ontarien à l'heure actuelle.

Alors, en somme, un gouvernement fédéral

canadien très restrictif depuis quelques années, parce que effrayé par l'ampleur de son déficit, une politique monétaire de la Banque centrale extrêmement restrictive, des politiques assez restrictives de passablement de provinces, y compris le Québec, et un gouvernement de l'Ontario qui est expansionniste depuis plusieurs années, qui a été souvent dénoncé à cause de ça comme créant en Ontario la fameuse inflation qui a amené les taux d'intérêt que nous avons connus et qui maintenant, cette fois-ci, en rajoute avec une projection formidable de ses dépenses pour l'année qui vient alors que ses revenus vont étaler. 40 % à peu près de la population du Canada dans cette province, de loin la province la plus importante sur le plan économique, qui est exactement en contradiction sur le plan budgétaire et fiscal avec tout ce qui se fait ailleurs. C'est ça, je pense, la faille dans l'argumentation du premier ministre depuis longtemps. Et ce qu'on est en train de chercher à faire en Europe sur le plan de la consolidation du Marché commun et de l'établissement, peut-être, d'une monnaie commune ne mène pas à l'identification des politiques fiscales et budgétaires. Ils le savent, eux. Ils n'exigent pas non plus des institutions politiques communes pour ça. Si on désire des institutions parlementaires communes, c'est pour d'autres raisons. Et c'est ça que disait M. Chirac, au fond.

Je voudrais terminer avec une question au premier ministre à cet égard. Ça me paraît suffisamment important d'établir les distinctions que j'ai cherché à faire. Ce que j'ai proposé à M. Rocard, j'ai fait à M. Rocard, le premier ministre de France, la proposition suivante, si tant est évidemment que le premier ministre du Québec l'accepte, il faut démêler ces choses. C'est très important pour l'avenir du Québec qu'on établisse des distinctions très nettes entre ce qui doit être distingué. Pourquoi n'enverrait-on pas, à un niveau très élevé là, on se comprend bien - nous avons de remarquables spécialistes au Québec de ces questions-là une mission, d'abord en France, et par le truchement des autorités françaises et de leurs bons offices, établir des contacts, peut-être certainement avec l'Allemagne, probablement avec l'Angleterre aussi, pour établir clairement ce qu'il faut pour qu'une union monétaire ou une union douanière fonctionne sur le plan des institutions parlementaires ou gouvernementales? Je suis convaincu qu'une mission comme celle-là va revenir en indiquant clairement qu'on n'a pas besoin d'institutions parlementaires communes pour faire fonctionner ça. Mais enfin, si tant est que nos amis d'en face, eux, n'en soient pas persuadés, alors, pourquoi ne pas envoyer une mission qui tirerait ça au clair, puisque, de toute façon, chaque fois qu'on aborde ces questions on nous dit: En Europe, c'est comme ça que ça marche, en Europe c'est comme ça que ça fonctionne? Bon, bien, allons donc voir! Je ne crains ça, par rapport aux thèses que je défends, je pense suivre ce qui se passe là-bas de suffisamment près pour, moi, ne pas craindre les conclusions qui vont en sortir. Pourquoi ne pas le faire?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je suis toujours prêt à demander à réfléchir sur les propositions du chef de l'Opposition, mais il ne faut pas qu'il oublie dans son analyse que les Européens sont en train de discuter là. Ce n'est pas une approche statique et on ne sait pas quelle en sera la conclusion. Il y a des conférences qui sont prévues pour les prochains mois, il y a des échéances. Le marché unique le 1er janvier 1993, et je ne voudrais quand même pas... Il sait jusqu'à quel point il est important pour l'Assemblée nationale comme pour le gouvernement, comme pour l'Opposition de faire preuve de sobriété dans ces périodes très difficiles sur le plan des finances publiques. Il reste à voir si une délégation de 10, 12 personnes... Je comprends que c'est toujours agréable d'aller dans les pays de nos ancêtres, mais il faut voir les conséquences financières qui peuvent quand même n'être pas négligeables. Le chef de l'Opposition va quand même dire: C'est si peu par rapport à l'enjeu, mais il reste à voir si on ne peut pas travailler d'une façon plus sobre à cette question-là. Je crois qu'on devrait confier cette question-là - d'ailleurs, c'est normalement dans son mandat - à l'une des deux commissions parlementaires qui vont être créées à la suite des recommandations de Bélanger-Campeau. D'autant plus que certains arguments sur les faits qui sont apportés par le chef de l'Opposition me paraissent un peu discutables. Il invoque M. Pöhl, un argument d'autorité, de poids, c'est évident, puisqu'il est président de la Bundes bank. Mais on sait fort bien que M. Pöhl était opposé à une certaine parité monétaire entre le mark de l'Allemagne de l'Ouest et celui de l'Allemagne de l'Est. Et le chef de l'Opposition admettra que l'autorité politique a prévalu. Si j'insiste, et c'est là où il y a une différence fondamentale entre le chef de l'Opposition et moi-même, possiblement entre son parti et le Parti libéral, sur le lien entre l'union fiscale ou monétaire et l'union politique, c'est parce que, autrement, il y a le risque d'abdiquer les pouvoirs des élus aux mains des technocrates. C'est tout le débat entre la démocratie et la technocratie. Le chef de l'Opposition a été un éminent technocrate. Je comprends très bien que cet aspect-là, peut-être, lui échappe un peu, mais je lui dis, si nous voulons avoir une union économique qui soit fonctionnelle, faire accepter aux gens de la Colombie-Britannique certains tarifs qui protègent le Québec et faire accepter aux Québécois certains tarifs qui protègent la Colombie-Britannique, que ceci ne peut pas se

faire uniquement par traité, qu'il doit y avoir une base si on veut que ce soit durable, qu'on ne soit pas toujours à rediscuter les traités, à faire face à des menaces, qu'un traité soit déchiré - que ceci doit être appuyé sur une union politique.

Il faut faire la distinction entre la souveraineté dans son principe et la souveraineté dans son exercice. Et, dans un contexte comme celui que nous avons au Canada où il y a des valeurs communes sur le plan du progrès de la civilisation, mais également des liens économiques très étroits et qui sont d'autant plus importants que nous sommes les voisins d'un géant économique, c'est pourquoi, dans ce contexte-là, pour éviter des forces centrifuges qui pourraient s'exercer d'une façon nord-sud, l'union politique est nécessaire à la légitimité démocratique.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, il est parfaitement normal qu'une banque centrale ne soit pas contrôlée par un parlement, et par un gouvernement, autrement que de destituer le gouverneur. Il y a des pouvoirs, comme ça, exceptionnels qui sont donnés. Nous avons tous connus ça au Canada avec l'affaire Coyne au début des années soixante. Il y a un parlement et un gouvernement qui ont essayé de se mêler des affaires de la Banque. Ils ont réussi à faire démissionner Coyne, mais le gouvernement est disparu lui aussi. Tout le monde sait ça.

Le premier ministre aime évoquer Napoléon. On le voit citer Napoléon à tout bout de champ. Bon. Bien, je vais lui donner une citation de Napoléon à cet égard. Quand Napoléon crée la Banque de France, il dit, et venant de lui c'est plein de saveur - on appréciera que même lui, déjà et en dépit de toutes ses caractéristiques et ses idiosyncrasies, ait vu le problème qu'on soulève. Il disait: Je voudrais une banque qui soit dans ma main, mais pas trop. Venant de lui, encore une fois, c'est plein de saveur. Il avait reconnu la nécessité des distances. Et depuis le temps, le temps a passé et ces distances-là se sont établies. (15 h 45)

Le premier ministre a déplacé le champ de la discussion d'une monnaie commune à une union douanière, en disant qu'une union douanière, ça va impliquer forcément des discussions et qu'un parlement commun permettrait de mieux régler les problèmes d'ajustement dans une union douanière. Mais quelle est la leçon de l'Europe là-dedans? Le traité de Rome de 1957, c'est quoi, sinon l'ensemble des étapes prévues pour en arriver à une union douanière? Est-ce qu'il y a un parlement européen? Ce n'est même pas une intention à ce moment-là. Comment est-ce que l'union douanière européenne va se faire? Elle va se faire complètement en dehors d'institutions parlementaires et, à plus forte raison, d'un gouvernement européen. Et elle va se faire. Je ne comprends pas qu'on vienne nous dire maintenant: Alors, la préservation de l'union douanière canadienne implique nécessairement qu'on ait un parlement canadien. Mais je ne comprends pas. Mais Dieu sait si établir une union douanière et après la guerre, avec des tarifs douaniers formidablement élevés, avec un contrôle des changes extrêmement serré entre tous les pays qui constituaient le traité de Rome était une opération infiniment plus difficile que celle dont nous parions à l'heure actuelle entre le Canada et le Québec. Et ça s'est fait le plus naturellement du monde, complètement en dehors d'un cadre parlementaire, si bien qu'il faut, je pense, vider ça.

Le premier ministre me dit qu'il veut y repenser quant à cette mission que je lui propose. Qu'il y repense s'il veut en examiner les incidences financières, sans doute. À mon sens, la question a trop d'importance pour que je cherche à le brusquer. Mais qu'il se souvienne simplement qu'au point où a mené la Commission Bélanger-Campeau sur ces réflexions, au point où Bélanger-Campeau en arrive, il n'y a pas comme condition de faire fonctionner l'espace économique canadien, il n'y a nulle part dans Bélanger-Campeau la nécessité d'avoir des institutions parlementaires. Le débat chez nous avec les - comment dire - ressources dont nous pouvions disposer a amené une conclusion. Si on veut encore chercher en Europe des raisons de ne pas adopter ces conclusions, eh bien, qu'on aille les chercher, mais clairement. Moi, je pense qu'on ne les trouvera pas.

J'aimerais finir avec une question dans le prolongement, si vous me permettez, 30 secondes. M. Getty est venu à Québec exprimer un peu le point de vue que le premier ministre vient de nous exprimer, c'est-à-dire dire pas d'union économique sans union politique. Il a dit ça aux journalistes après s'être présenté devant eux la main sur l'épaule du premier ministre du Québec. J'ai trouvé ça un peu, enfin, curieux, mais est-ce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Bien oui, ça fait un peu ancien joueur de football. Je comprends qu'il a joué un certain rôle aussi dans les discussions entourant le lac Meech, n'est-ce pas, pour empêcher un premier ministre de sortir de la pièce. Il a très bien compris.

Des voix: "Doorman".

M. Parizeau: Bon. Ha, ha, ha! Mais quoi qu'il en soit, cette phrase-là qu'il a lancée aux journalistes, est-ce que je peux demander au premier ministre s'il en a discuté avec lui? Est-ce que le premier ministre, en somme, a com-

mencé à discuter de la mise en place ou, tout au moins, a commencé à discuter du maintien d'un certain nombre de liens économiques dans l'hypothèse - il faut bien qu'il fasse l'hypothèse puisqu'il s'en vient avec un projet de loi sur un référendum sur la souveraineté - de son point de vue que la souveraineté va se faire? Est-ce qu'il a commencé à discuter concrètement avec des gens comme M. Getty du maintien d'un certain nombre de liens économiques?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai l'impression, en écoutant attentivement le chef de l'Opposition, que sa conception de la souveraineté date du Grand Siècle, qu'il ne tient pas compte de l'évolution... Il parle de l'union douanière en Europe avec le traité de Rome, mais il y a eu une évolution. En 1979, on avait un Parlement élu au suffrage universel, non, un Parlement qui était composé de délégués des Assemblées nationales et on a décidé d'abolir cette formule et de le remplacer, ce Parlement, par des élus au suffrage universel. En 1987, on a décidé d'adopter l'Acte unique européen et, là, on discute, on discute très fermement pour accroître les pouvoirs. Le chef de l'Opposition sait fort bien que si la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, l'Irlande qui faisait partie de la zone de libre-échange, ont décidé de se joindre au Marché commun, c'est parce qu'il y a des avantages économiques. Notamment, il y a le fonds régional. Il y a une volonté politique au Marché commun de diminuer les dépenses dans le secteur de l'agriculture pour accroître le Fonds de développement régional et tout cela, à un moment donné, va atteindre un niveau qui va justifier sur le plan de la légitimité démocratique des pouvoirs accrus pour le Parlement.

Il dit que je cite Napoléon. Bon, j'ai cité Napoléon à l'occasion. Napoléon qui disait, je ne le fais pas simplement pour faire plaisir au chef de l'Opposition, je sais que c'est un admirateur de Napoléon Bonaparte...

M. Parizeau: Beaucoup moins que le premier ministre.

M. Bourassa: Mais j'ai cité Napoléon qui disait: Chaque pays a la politique de sa géographie. Donc, le Québec est au centre de l'Amérique du Nord, il doit avoir une politique qui tienne compte de sa géographie. En ce lendemain du budget ontarien, j'aurais plutôt tendance à citer Sacha Guitry qui disait: "Quand on se regarde on se désole, quand on se compare on se console". C'est exact? C'est Sacha Guitry, peut-être, il me semble. Ce que je veux lui dire, c'est que, si nous nous efforçons, si nous voulons avoir une union économique fonctionnelle, il faut une base politique. Ce que M. Getty a dit, il pouvait l'exprimer en tenant compte des discussions constitutionnelles en cours. Moi, je l'ai dit, je le soutiens depuis 25 ans et je ne crois pas que les événements m'aient démenti à cet égard. Je ne veux pas que d'une façon interminable nous citions de part et d'autre différents leaders politiques, mais je souhaite peut-être citer celui qui est en très bonne position actuellement pour préparer l'avenir de l'Europe, le président de la République française qu'a rencontré le chef de l'Opposition. M. Mitterrand faisait au journal Le Monde il y a quelques mois la déclaration qu'il fallait reconnaître une Europe, éventuellement, à finalité fédérale, parce qu'il y a tous ces pouvoirs dont on discute, on veut donner des pouvoirs, par exemple un droit de veto sur les lois, au Parlement européen. Tout cela va conduire nécessairement à une forme de con-fédéralisme, forcément, et tout le monde le sait, je crois que c'est Jean Monnet qui le disait: Une confédération qui réussit, c'est une fédération. Alors, dans ce contexte-là, j'ai toujours soutenu, si nous voulons préparer l'avenir en tenant compte de la sécurité économique des Québécois, je crois que j'ai été très clair le 23 juin dernier, qu'il nous faut en regard de cette sécurité économique envisager des formules qui tiennent compte, actuellement, de l'évolution des peuples et de l'évolution de l'économie internationale.

Je ne peux pas répondre au chef de l'Opposition sur le contenu de mes conversations privées avec M. Getty. Je crois que M. Getty a toujours appuyé le Québec. Le chef de l'Opposition, quand il était ministre des Finances, peut se rappeler des transactions que le Québec a eues avec l'Alberta, à son avantage. Je ne crois pas que ce soit contre l'intérêt du Québec qu'on puisse avoir des relations amicales avec le premier ministre de l'Alberta. Et lui-même a droit à sa liberté d'expression sur la façon dont il conçoit l'avenir du Canada. Mais je ne peux quand même pas dévoiler le contenu de nos conversations privées.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Je suis un peu étonné que le premier ministre ne réfère à la conception de la souveraineté du Grand siècle. Il semblerait au fond, au contraire, que la grande découverte de notre époque ait été qu'on peut, comme petit pays souverain, indépendant, prospérer, se développer, s'épanouir, régler ses choses à l'intérieur de très grands marchés, économiques, industriels, financiers. C'est ça, la grande découverte de notre époque. C'est extrêmement contemporain, cette idée de l'affirmation de la souveraineté d'un pays, même petit, dans un grand marché. C'est - comment dire - ce n'est pas ringard comme on dit en France, c'est au contraire très tourné vers l'avenir. Ne nous faisons pas d'illusions, il va y en avoir, il y a de

plus en plus de pays qui comprennent ça à l'heure actuelle. J'entends le premier ministre dire, enfin, exprimer le point de vue que l'Europe pourrait devenir fédérale.

M. Bourassa: M. Mitterrand.

M. Parizeau: Puis en même temps confédérale, dans la phrase suivante. On a...

M. Bourassa: Je m'excuse. Non, ce que j'ai dit, et je crois que je peux citer Jean Monnet là-dessus, c'est qu'une confédération qui réussit mène à une fédération.

M. Parizeau: Ce sont... On recommence la confusion. Une fédération puis une confédération, ce n'est pas pareil, c'est même tout à fait différent, si on se fie en tout cas au ministre de la Justice actuel qui a écrit un traité qui a des pages admirables de limpidité à cet effet. Des structures confédérales ne sont appuyées d'aucune espèce de façon sur des institutions parlementaires, sur un gouvernement, sur une constitution, alors qu'un système confédéral s'appuie sur des institutions déléguées par tes pays constituants en fonction de traités. C'est très clair, ce qu'il dit, M. le ministre de la Justice du Québec là-dessus. Pour l'amour du saint ciel, ne commençons pas à entretenir la confusion, qu'on peut passer de l'un à l'autre, que c'est une sorte de transition et puis qu'en un certain sens ça peut devenir tout pareil. Ce n'est pas tout pareil, c'est remarquablement différent, enfin, si on en croit toujours le ministre de la Justice. Là aussi il va falloir nettoyer les choses, clarifier les choses. On ne peut pas, on ne va pas vraiment se préparer correctement à la situation d'un pays souverain à partir de confusions comme celle-là. C'est la grande découverte de notre époque, qu'on peut être un pays souverain oh! lié aux contraintes du monde d'aujourd'hui, bien sûr, mais un pays souverain. On peut être Danois, on peut être Hollandais, on peut penser qu'on a un brillant avenir devant soi, fonctionner comme pays à l'intérieur d'un grand marché, européen dans ces cas-là. Bon.

Débat constitutionnel

Je voudrais poursuivre un peu, avec le premier ministre, parce que l'heure avance, poursuivre un peu avec le premier ministre sur ses intentions sur le plan constitutionnel. Je comprends qu'il va y avoir un projet de loi de déposé avant le 15 mai, de façon à ce qu'il puisse être passé avant l'ajournement du 21 juin, qui portera sur les recommandations de la Commission Bélanger-Campeau, c'est-à-dire qui prévoira un référendum sur la souveraineté et puis deux commissions parlementaires.

M. Bourassa: C'est-à-dire...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Nous ne l'avons pas encore soumis au Conseil des ministres, nous devons le faire dans les prochains jours, mais c'est l'intention, c'est mon intention de pouvoir le déposer avant le 15 mai pour respecter la conclusion ou la recommandation du rapport Bélanger-Campeau.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition. (16 heures)

M. Parizeau: Qu'est-ce qui arrive alors du rapport Allaire? Le rapport Allaire prévoyait que les propositions qu'il contenait, après le dépôt de Bélanger-Campeau puis avec des adaptations au besoin, seraient présentées à Ottawa, aux provinces, au Canada anglais. On dit même, dans le rapport Allaire, "dans les plus brefs délais". La démarche qui est prévue dans les recommandations de Bélanger-Campeau qui donc, normalement, j'imagine, vont se traduire dans le projet de loi, c'est qu'il y ait une commission de l'Assemblée nationale qui attende que le Canada, le reste du Canada, présente des offres liant le gouvernement fédéral et les autres provinces. En somme, l'esprit et même la lettre de la recommandation de Bélanger-Campeau, c'est: Attendons que le Canada nous présente des choses. L'esprit et la lettre d'Allaire, c'est: Voici des propositions et nous devons, dans les plus brefs délais, les présenter au Canada et aux autres provinces. Ce n'est pas pareil, c'est même opposé comme démarches. Alors, dans la mesure où le projet de loi traduit Bélanger-Campeau, est-ce que ça veut dire que toute la démarche Allaire, qui consistait à définir des champs, des récupérations de pouvoirs, des modifications du système canadien, et qui devait être présentée comme proposition de discussion au reste du Canada est mise de côté?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Juste 30 secondes pour terminer le débat sur l'Europe. Le chef de l'Opposition a eu le dernier mot, mais je voudrais juste dire, quand j'ai parlé de souveraineté Grand Siècle, que c'est un peu pour mettre en relief le fait qu'il insiste toujours pour une souveraineté avec des traités et sans Parlement. Donc, c'est cet aspect-là que je voulais souligner. Et je vois le député de Lac-Saint-Jean qui est d'accord lui aussi, qui ne veut pas entendre parler de parlement. Il n'a pas toujours été de cet avis-là, mais là il a changé d'idée. Mais quand je parle de souveraineté de type Grand Siècle, c'est que le chef de l'Opposition maintient obstinément, dans tous les débats, quoi qu'il arrive ailleurs, qu'on ne doit pas avoir de Parlement communautaire, qu'on doit avoir simplement des traités. Est-ce

que c'est exact?

M. Parizeau: Ah! tout à fait! Comme le ministre de la Justice, d'ailleurs.

M. Bourassa: II ne faut pas... Interprétons le ministre de la Justice en sa présence. Mais je suis heureux d'entendre le chef de l'Opposition dire que sous aucune considération il n'est prêt à envisager un Parlement communautaire qui pourrait regrouper les différentes régions du Canada. Alors, ce point est clair. C'est évident que nous sommes en désaccord.

Pour ce qui a trait au rapport Allaire, c'est le programme du Parti libéral qui a été endossé par le Parti libéral. Mais la Commission Bélan-ger-Campeau - j'ai signé le rapport et Dieu sait combien vous avez insisté pour que je le signe - a proposé, étant donné que le Québec avait fait des propositions constamment depuis 35 ans... Bon, on en a fait: en 1956, avec M. Lesage, avec M. Johnson, la formule 100-100-100 - le chef de l'Opposition s'en souvient - à Victoria, etc., en 1976, le beau risque, les 21 ou 22 propositions et les propositions du lac Meech. Donc, on a dit: Ça fait assez de fois que le Québec - si je comprends bien la démarche de la Commission Bélanger-Campeau - fait des propositions, attendons les propositions de nos partenaires canadiens. Et il y aura des commissions parlementaires qui vont exiger ça. Mais c'est évident qu'on va recevoir de telles propositions - nous espérons vivement que nous en recevions - et à ce moment-là on pourra voir par rapport au programme du Parti libéral. Mais l'objectif de la Commission Bélanger-Campeau, c'était de demander à nos partenaires canadiens, après toutes ces propositions qui avaient été faites par le Québec, de faire des propositions au Québec et ce sera aux commissions parlementaires, auxquelles vous allez être représenté, à ce moment-là, de décider de leur pertinence.

Le Président (M. Dauphin): M. te chef de l'Opposition.

M. Parizeau: La difficulté, M. le Président, c'est qu'on commence à ne plus très bien savoir, dans ce débat, qui parle à qui, qui a quelle position et quelle position reflète vraiment les orientations profondes du gouvernement du Québec. Je ne peux pas m'empêcher d'être assez troublé quand je vois, dans Le Devoir du 26 avril, une longue entrevue de l'équipe éditoriale du Devoir avec le sénateur Beaudoin - qui n'est pas le premier venu, après tout, il est coprésident de la commission fédérale sur ces matières - où il dit qu'il poursuit sur une base régulière avec le ministre québécois de la Justice, Gil Rémillard, des relations qui lui ont permis d'être informé sur les véritables intentions du gouvernement Bourassa. Et là, on le cite dans le texte: "Le message de Québec que j'ai, c'est très simple. C'est qu'en matière de formule d'amendement Québec ne demandera jamais moins que Meech. Le Québec, idéalement, accepterait un veto, il accepterait peut-être les quatre veto régionaux, soit celui dt Victoria, soit celui de Pépin-Robarts." Comment allons-nous procéder là? Est-ce que le gouvernement du Québec est en train de mener des négociations quant à des minima minimorum? Parce que, là, si on est en train de définir la position du Québec comme pas moins que Meech, il faudrait le faire pour descendre plus bas que Meech! Hein! Alors, est-ce que il y a des négociations où le gouvernement du Québec est en train d'établir ses minimums pendant que, d'autre part, on se prépare à adopter un projet de loi qui prévoirait, entre autres choses, une commission qui, elle, accepterait des offres du reste du Canada et liant le reste du Canada? Est-ce qu'on s'en va, en somme, vers une commission parlementaire qui attend et un gouvernement du Québec qui négocie comme des Druzes, au téléphone ou ailleurs, sans qu'on sache trop quoi, et à partir de minimums inconnus? Ça serait important de le savoir. On entend trop de choses là.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Nous ne sommes pas des Druzes.

M. Parizeau: Ce sont des gens très bien. M. Bourassa: Oui, d'accord. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: Tout à fait d'accord. Mais il faut respecter la réalité. Nous sommes dans un contexte où nous voulons arriver, nous souhaitons une entente avec nos partenaires canadiens.

M. le Président, je veux être très clair, je ne suis pas pour commenter le ouï-dire. Le ministre responsable a répondu durant combien d'heures? Six heures, sept heures... quatre heures aux questions du député de Lac-Saint-Jean sur toutes ces questions-là, et là le chef de l'Opposition arrive ce matin, cet après-midi, puis il cite une interview au Devoir en disant le ministre lui aurait dit ci, que le ministre lui aurait dit ça. Je n'ai pas l'intention de commenter le ouï-dire. Je dis au chef de l'Opposition que le Parti libéral a choisi, a adopté son programme pour remplacer le vide qui a été créé par l'échec de l'accord du lac Meech, que la Commission Bélanger-Campeau presque unanimement a décidé d'opter pour une démarche, le gouvernement se réservant la pleine discrétion dans une Assemblée nationale souveraine, et que nous essayons actuellement d'être le mieux préparé pour entamer ces discussions des commissions parlementaires.

Alors, je ne vois pas pourquoi le chef de l'Opposition va tirer des conclusions. Tout le débat sur l'application du traité de Rome mutatis mutandis au Québec et au Canada, on va l'avoir en commission parlementaire. Et toute la question des offres fédérales, on va l'avoir en débat en commission parlementaire. Mais il n'y a aucune loi qui nous interdise de discuter avec nos homologues à cause de cela.

M. Parizeau: Bien, M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que c'est sur le même sujet, M. le député de... Non, plus tard, d'accord. Excusez-moi, M. le chef de l'Opposition, allez-y.

M. Parizeau: Alors, moi, j'étais disposé à passer à la gestion, aux questions qui concernent la gestion, à moins qu'il n'y ait d'autres questions sur le même thème général.

Le Président (M. Dauphin): Reliées... Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean; ensuite de ça, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Brassard: Sur le même sujet. Simplement, c'est vrai...

M. Libman: ...quelque chose d'autre.

Le Président (M. Dauphin): Sur un autre sujet. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: ...que j'ai eu de longs échanges avec le ministre responsable du dossier constitutionnel et je voudrais justement - je pense que ça m'apparaît important - faire confirmer cela par le premier ministre. Sur la façon d'en arriver à un quelconque renouvellement du fédéralisme, le ministre responsable a été très clair. Comme le gouvernement a mis de côté le mode de négociation à onze gouvernements et refuse catégoriquement - il l'a répété encore cet avant-midi, en matinée - de participer à des conférences constitutionnelles à onze, voici ce que le ministre a dit, quand je l'ai interrogé, à savoir: Oui, mais comment allez-vous le renouveler, le fédéralisme, si c'est ça que vous voulez faire, si c'est ça votre objectif, ce n'est pas le mien, mais si c'est ça le vôtre? Comment allez-vous faire? Sa réponse a été: C'est au fédéral qu'appartient la responsabilité d'arriver, en négociant avec les neuf autres provinces du Canada anglais, à un projet constitutionnel d'amendement à la Constitution qui sera accepté et par le gouvernement fédéral et par les neuf autres provinces du Canada anglais. Et, une fois que ça, ce sera ficelé, là, le fédéral va se tourner vers le Québec et dire: Voici, on a fignolé, on a ficelé, tout le monde ensemble, un projet de modification à la Constitution, qu'est-ce que vous en pensez? Êtes-vous d'accord pour fonctionner là-dedans?

Ça a été ça, la réponse du ministre responsable du dossier constitutionnel; pas de négociations à onze, il n'en est pas question, il n'en sera jamais question. C'est le gouvernement fédéral qui a la responsabilité de faire tout ça et d'en arriver à une entente et à un accord avec les neuf autres provinces du Canada anglais et, une fois que ça, ce sera fait, là, il se tourne vers le Québec et il va déposer un projet qui sera examiné, probablement par la commission parlementaire, une des deux commissions parlementaires qui seront créées par le projet de loi. Je veux juste me faire confirmer par le premier ministre que c'est là son approche, que c'est l'approche du gouvernement du Québec en matière de renouvellement du fédéralisme.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: On me disait... Je ne veux pas blesser le député de Lac-Saint-Jean, mais j'ai fait vérifier si, réellement, c'est ce que le ministre avait dit par les hauts fonctionnaires qui étaient là...

M. Brassard: Ah! Vous n'avez pas confiance en moi?

M. Bourassa: Oui, totale! Mais, je veux dire, la prudence est toujours de mise dans ces questions fondamentales. Et ce qu'a dit le ministre, je crois, je l'ai déjà dit, c'est que le fédéral a un rôle de leadership. La preuve que les négociations à onze ne pouvaient pas fonctionner a été faite durant les débats sur l'accord du lac Meech, mais j'ai dit que ceci n'excluait pas les rencontres bilatérales. J'ai rencontré M. Getty; j'ai rencontré M. Rae; j'ai rencontré brièvement M. McKenna et je crois que c'est normal. C'est normal que nous puissions discuter sur une base bilatérale, mais, à onze, on en est venu à la conclusion que ça ne pouvait pas fonctionner. C'est pourquoi le gouvernement fédéral, dans cette hypothèse-là, assume un rôle de leadership et c'est pourquoi nous souhaitons que, finalement, nous puissions en arriver à une entente de part et d'autre.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Brassard: C'est ce qui fait, comme l'a affirmé ce matin M. Rémillard, que vous ne serez pas présent à la conférence des premiers ministres au mois d'août prochain en Colombie-Britannique, à Whistler; vous ne serez pas là.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je n'étais pas présent à Winnipeg et je ne prévois pas, sauf imprévu, être

présent à la conférence qui sera tenue au mois d'août en Colombie-Britannique, parce que les informations qui m'ont été données, c'est qu'à cette conférence il n'y aurait pas de décisions finales qui seraient prises. Dans cette perspective-là, si je vois l'utilité d'être présent pour des dossiers qui auraient des conséquences concrètes immédiates, je ne vois rien actuellement qui me permette de changer de politique, telle qu'elle avait été annoncée le 23 juin dernier.

Le Président (M. Dauphin): Ça va, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres questions de nature constitutionnelle? M. le député de Bertrand?

M. Beaulne: Oui, M. le premier ministre, je pense qu'il y a un consensus qui existe à l'Assemblée nationale des deux côtés de la Chambre, c'est-à-dire que dans tout ce débat sur l'avenir du Québec nous avons tous convenu qu'il fallait que ça se fasse avec le moins de soubresauts négatifs possible pour l'économie québécoise et dans la mesure du possible pour l'économie canadienne également. Il y a quelque temps, il y a la firme Canadian Bond Rating Service qui a mis en garde le gouvernement et même les intervenants dans ce dossier contre des tergiversations un peu trop poussées. À la lumière des mises en garde du CBRS et comme nous savons tous que l'incertitude est quelque chose qui déplaît souverainement à la communauté des affaires aussi bien au Québec que chez les investisseurs étrangers, j'aimerais que vous nous donniez des précisions quant à votre détermination de tenir un référendum en 1992 ou de trancher d'une manière ou d'une autre, soit par une élection ou par un référendum en 1992. Sinon, nous indiquer de quelle façon vous pensez, compte tenu que vous êtes sensible aux préoccupations économiques, rassurer les communautés des affaires québécoise, canadienne et internationale à la fois quant à la durée de ces incertitudes sur l'avenir constitutionnel du Québec et du Canada. (16 h 15)

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je ne peux pas donner la question qui sera posée au référendum. J'ai examiné les mémoires qui ont été soumis à la Commission Bélanger-Campeau. J'ai examiné celui de M. Bernard qui, lui, suggérait une question comme quoi on fasse clairement référence dans le référendum à l'obtention d'un statut de souveraineté pour le Québec même sans alliance économique. Je crois, si on posait une question de ce type, je ne sais pas là, mais ce ne serait pas facile d'en prédire le résultat. Je veux dire, M. Bernard croit - le chef de l'Opposition était présent, aussi le député de Lac-Saint-Jean - que si on pose une question on ne doit pas éliminer cette hypothèse de demander aux Québécois: êtes-vous d'accord pour un Québec souverain même sans alliance économique, s'il n'y a pas certitude d'avoir une alliance économique? Je dois vgjs dire qu'actuellement la priorité du gouvernement, je l'ai dit, c'est d'essayer d'arriver à une entente avec les partenaires canadiens et nous serons fixés à cet égard-là, je l'espère, dans un avenir rapproché. Mais je ne peux pas aller plus loin aujourd'hui avant même qu'on discute de toute cette question-là dans différentes commissions parlementaires.

Si je comprends bien la question du député, c'est: Qu'est-ce que j'ai l'intention de faire pour éviter tout risque économique ou toute conséquence financière négative? Le chef de l'Opposition disait qu'il a l'intention d'aller au Canada anglais dans les prochains mois. Je dois lui dire que, quand il est allé à Toronto - je lui ai déjà dit - l'impact sur les taux d'intérêt n'a pas été particulièrement agréable pour les obligations du Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: Alors, non, puisqu'on parle des conséquences économiques.

M. Parizeau: On me permettra d'ajouter quelques mots.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition, voulez-vous ajouter quelque chose là-dessus?

M. Parizeau: Je suis étonné de voir à quel point le premier ministre m'accorde une importance considérable. Que vraiment, comme ça, un discours à Toronto puisse avoir un tel impact sur les cotes, je suis flatté, M. le Président.

M. Brassard: Qu'est-ce que ce serait si c'était le premier ministre?

M. Parizeau: Qu'est-ce que ce serait...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le chef de l'Opposition est au courant. Il a été informé qu'à la suite de son discours qui donnait toutes les modalités de l'union douanière, l'union tarifaire, il y a eu, dans les jours qui ont suivi, il le sait fort bien, un élargissement de l'écart. C'est pourquoi j'hésite à l'inviter à parcourir le Canada anglais, étant donné que le niveau des emprunts s'accroît. C'est certainement, pour répondre à la question plus directement du député, un objectif majeur du gouvernement du Québec et du Parti libéral de faire en sorte que les conséquences économiques ne soient pas négatives durant ces

discussions sur l'avenir constitutionnel du Québec. J'ai eu l'occasion, très souvent et très clairement, de dire que, de notre côté, on ne poserait aucun geste qui puisse compromettre la sécurité économique des Québécois et c'est dans cette perspective-là que j'insiste sur les liens entre l'union politique et l'union économique.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Oui, sauf que vous avez partiellement répondu à la question puisque, au fond, ce que je demandais, c'est au niveau de l'échéancier dans le sens où on s'entend sur des déclarations de principe. Mais vous savez aussi bien que moi ce qui est relevé par les journalistes financiers, les commentateurs étrangers qui viennent nous poser des questions aussi bien de votre côté que chez nous, ce qu'on nous demande. On nous pose la question: Quand allez-vous régler votre problème? Et la question que je vous pose, c'est: Quelles indications, quel message concret allez-vous véhiculer auprès de ces gens-là pour leur dire: Voilà, nous, on pense vous donner une direction claire et précise de l'avenir constitutionnel du Québec dans tel échéancier? Parce qu'à l'heure actuelle on semble reporter de plus en plus les échéanciers d'une décision à ce sujet. Là, on parle de commissions et le fédéral en met sur pied. Enfin, on semble étirer un peu l'échéancier qui avait été prévu. Et moi, la question que je pose, c'est: De façon concrète, qu'est-ce que vous allez dire aux commentateurs financiers étrangers, en particulier, aux investisseurs étrangers qui vous posent la question: Quand allez-vous régler votre problème?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, il y a un projet de loi qui va être déposé, qui va faire valoir la politique du gouvernement et qui va suivre les recommandations de la Commission Bélanger-Campeau. Je ne crois pas qu'on puisse sérieusement, M. le Président, dire, si on fait un vote sur la souveraineté au printemps 1991, que tout va être réglé, qu'il n'y aura plus d'incertitude, que l'union économique va être acquise automatiquement. Il ne faut pas être naïf ou trop optimiste. Là-dessus, j'avais de la difficulté à comprendre mes honorables amis de l'Opposition. Là, on va faire le référendum et ça va être clair après. Pas de problème. Tout le monde va s'aligner.

Alors, ce que je dis, c'est qu'on en a discuté. On a accepté de part et d'autre de modifier l'échéancier, mais je crois qu'il faut être très clairs et, en autant que le gouvernement est concerné, les propositions devront être conciliates avec la sécurité économique des

Québécois. Et, à mon avis, quand j'écoute le chef de l'Opposition dire que lui ne veut fonctionner que par traité, selon le style ancien, et éliminer toute espèce de possibilités de Parlement élu au suffrage universel, je crois que dans ce contexte-là le chef de l'Opposition ne peut pas soutenir, ne peut pas soutenir qu'il ne compromet pas la sécurité économique des Québécois quand il parle de souveraineté.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, jamais je n'accepterais ce que le premier ministre vient de dire. La sécurité économique des Québécois, elle dépend pour une bonne part d'eux-mêmes, de leur capacité d'être concurrentiels sur les grands marchés. Et cette idée qu'il faut s'accrocher à d'autres pour assurer la sécurité, s'accrocher à d'autres, est une des idées les plus délétères, qui a fait un tort considérable au Canada d'ailleurs pendant longtemps sur le plan économique, qui a fait un tort considérable au Québec. Il va bien falloir qu'à un moment donné on se rende compte, qu'on comprenne tout le sens de ce que j'appelais tout à l'heure, et qui l'est peut-être, la plus grande découverte de notre époque. C'est qu'un pays peut être petit et, dans la mesure où il opère dans un grand marché - dans notre cas, le marché nord-américain - là, ça dépend essentiellement de lui d'être concurrentiel, d'être capable d'exporter, d'assurer sa prospérité et donc sa sécurité. À cet égard, la sécurité économique, ce n'est pas un principe, ce n'est pas une abstraction, c'est quelque chose qui se gagne tous les jours dans la mesure où on contrôle ses intruments et dans la mesure où les entreprises sont concurrentielles. C'est comme ça que la sécurité vient. Ce n'est pas par une déclaration de sécurité économique.

Le Président (M. Dauphin): M. te premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai de la difficulté à suivre la logique du chef de l'Opposition. Il est prêt à accepter une union monétaire où le Québec n'aura absolument rien à dire même à travers ses élus et, là, il dit: Ce qui est important, c'est de contrôler nos instruments. Je ne vois pas la cohérence, mais j'y deviens habitué.

M. Parizeau: Parce que le premier ministre, M. le Président, a de la difficulté à comprendre autre chose que le tout blanc et le tout noir. C'est bien dommage, mais comment dire, dans la vie des individus comme des nations, tout n'est pas ou tout blanc ou tout noir. Le choix n'est surtout pas entre tous les instruments et aucun instrument. À cet égard, c'est évident. On aura toujours beaucoup de difficultés à se comprendre.

M. Bourassa: Sauf qu'on ne peut pas exiger d'avoir tous les avantages sans accepter les implications politiques. Moi, je ne vois pas comment. On va en discuter, c'est pour ça qu'on devrait peut-être passer à autre chose, mais on va en discuter dans les commissions parlementaires, mais je ne vois pas comment on peut présumer que nous pourrons avoir l'union monétaire contre la décision ou contre l'avis de nos partenaires canadiens.

M. Parizeau: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: ...si je peux ajouter quelques mots à ça, mais alors, le premier ministre doit être très malheureux avec la zone de libre-échange nord-américaine. Il doit trouver ça affreux. Je veux dire, la zone de libre-échance nord-américaine ne prévoit aucune espèce de coordination parlementaire de nature politique entre les États-Unis, le Canada et le Québec, quand nous aurons un pays souverain. Le fait de faire entrer le Mexique là-dedans ne prévoit pas un Parlement continental et, pourtant, on sait très bien à quel point une zone de libre-échange est habituellement suivie par toutes espèces d'autres modes d'intégration économique. On le voit d'ailleurs dans le traité actuel, il va bien plus loin qu'un traité de libre-échange de type classique. Mais le premier ministre doit être affreusement malheureux dans le cadre de cette zone de libre-échange nord-américaine, parce que là il n'y a aucune institution parlementaire politique de prévue.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Le député de Lac-Saint-Jean m'avait posé une question a cet égard la semaine dernière pendant votre absence et j'ai répondu qu'il ne fallait quand même pas confondre avec une union économique très intégrée. Entre l'union monétaire et la zone de libre-échange, il y a l'union tarifaire, l'union douanière, le marché commun. Alors, moi, ce que je lui dis... Et on va en discuter, on va voir toutes les conséquences des différents modes, des différentes options. Mais ce que je lui dis, c'est qu'il me paraît, et je ne suis pas le seul, assez étonnant, parce que là il y a différents points de vue, on parte de monnaie québécoise, de monnaie américaine... Il me paraît difficile de concevoir facilement que nous pourrions décider d'adopter la monnaie d'un pays qui ne le voudrait pas.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Mais, M. le Président, quand le premier ministre dit ça, il contredit clairement - il peut bien le contredire, mais il faudrait qu'il explique - les conclusions de cette étude à la Commission Bélanger-Campeau, à laquelle je me référais plus tôt. Il esi tout à fait évident, dans cette étude qui a été faite pour la Commission Bélanger-Campeau sur la mise en place ou, si vous voulez, le maintien d'une union monétaire canadienne, de la même monnaie pour les deux pays, que tout ce que le Québec aurait à faire dans cette hypothèse où le Canada n'exprimerait aucune espèce de tentative de discuter de ces questions, si le Québec néanmoins voulait le dollar canadien comme monnaie, il n'aurait qu'à le déclarer et à lui donner cours légal. Et pour ceux qui comprennent ces affaires-là sur le plan technique, il n'y a pas de surprise, là-dedans. Notre système bancaire est ainsi monté au Canada à l'heure actuelle qu'il n'y a aucun moyen pour la Banque centrale de réduire ou d'éliminer des dollars canadiens sur un endroit du territoire. Si la Banque du Canada cherchait à réagir à un geste comme ça, tout ce qu'elle provoquerait, ce serait une crise du crédit de Victoria à Halifax. On ne va pas entrer ici dans ces termes techniques, mais nopen market", c'est comme ça que ça marche.

À un moment donné, il faut quand même revenir à la façon dont ça fonctionne techniquement. Je comprends que la politique peut avoir tous les droits qu'on voudra, mais le fonctionnement d'une banque centrale et le fonctionnement d'une monnaie, d'abord et avant tout, c'est une histoire technique. C'est d'ailleurs ça que je continue de répéter et, quand bien même on voudrait me dire: On comprend qu'il y a des éléments techniques dans la monnaie, mais il faut encadrer ça avec des espèces de parapluies politiques. Moi, j'ai dit: Les parapluies politiques dans ce domaine-là, on en a besoin comme d'un mal de ventre. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, un système de banque centrale et de monnaie.

Là-dessus, il est clair que le premier ministre et moi ne pensons absolument pas les mêmes choses, mais plutôt que de simplement affirmer ça comme il vient de le faire, de lancer une affirmation qui contredit complètement les conclusions de l'étude Fortin pour Bélanger-Campeau, il faudrait quand même qu'il s'explique un peu.

M. Bourassa: M. le Président je vais m'expliquerdans...

M. Parizeau: On n'affirme pas seulement quelque chose.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre. (16 h 30)

M. Bourassa: ... quelques mots, 30 secondes. Je l'ai déjà dit, il revient encore au débat

technocratie par rapport à démocratie, il parle en technocrate, je parle en démocrate.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Lac-Saint-Jean. Ensuite je reconnaîtrai M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Brassard: Simplement pour ajouter aux propos du chef de l'Opposition et à l'intention du démocrate premier ministre, c'est que M. le chef de l'Opposition fait référence à l'étude de M. Fortin qui se retrouve dans les documents de la Commission Bélanger-Campeau, mais moi j'aimerais faire référence aussi à un des plus grands spécialistes de la question monétaire au Québec, en l'occurrence M. Vely Leroy, qui est également venu témoigner. Je comprends que le premier ministre n'a pas pu suivre toutes les audiences publiques de la Commission, c'est tout à fait compréhensible, mais moi je les ai suivies au complet et M. Vely Leroy, je pense être très objectif en affirmant que c'est le spécialiste de la question monétaire au Québec. M. Leroy est venu devant la Commission et il a été très clair là-dessus. Pour que le dollar canadien devienne une monnaie commune, on peut utiliser bien des démarches, on peut prévoir peut-être un conseil d'administration de la Banque centrale, composé en partie de représentants du gouvernement canadien, en partie de représentants du gouvernement du Québec, mais il y a une façon aussi simple de prévoir une monnaie commune, c'est que le gouvernement du Québec fasse adopter une loi par le Parlement de Québec qui dise: Le dollar canadien a cours légal au Québec, sur le territoire québécois. Et M. Leroy dit: C'est aussi simple que ça et c'est réglé, le dollar canadien a cours légal, et on a une monnaie, un système monétaire commun. Et je me souviens très bien, M. le premier ministre, qu'on lui a posé la question, je lui ai posé la question: Est-ce qu'il est nécessaire, pour avoir une monnaie commune, qu'il y ait un Parlement élu commun, communautaire? Est-ce que c'est nécessaire? Il m'a dit: Pas du tout, mais alors pas du tout. Un Parlement n'a rien à voir avec un système monétaire.

M. Parizeau: Comme M. Chirac l'a dit.

M. Brassard: Un Parlement n'a rien à voir avec un système monétaire...

M. Bourassa: Comme M. Mitterrand.

M. Brassard: ...et le premier ministre, tout démocrate qu'il est, tout démocrate qu'il soit, sait très bien que le rôle d'un Parlement en matière monétaire, c'est d'adopter la loi de la banque. Mais une fois que la loi est adoptée, le Parlement ne joue aucun rôle sur le plan de la gestion de la monnaie. Vous le savez très bien, ça n'existe nulle part au monde, un Parlement qui s'immisce dans la gestion d'une monnaie.

M. Bourassa: En Allemagne...

M. Brassard: Un Parlement qui s'immisce puis qui s'ingère dans la gestion quotidienne d'une monnaie, voyons, vous ne voyez ça nulle part. J'aimerais bien que vous me donniez un exemple où un Parlement participe ou s'ingère dans la gestion quotidienne du système monétaire, voyons-donc! C'est la banque centrale qui fait ça. Dans tous les pays du monde, c'est la banque centrale qui gère la monnaie. Ce serait le cas aussi dans une union monétaire Québec-Canada, ce serait exactement la même chose et le Parlement n'aurait rien à voir là-dedans. Ceci étant dit, ma deuxième remarque, M. le Président...

M. Bourassa: Non, juste pour répondre à la première remarque du député, c'est qu'il y a différentes formules quand même. Il y a la formule allemande de l'indépendance, il y a la formule britannique où le Parlement ou le ministre des Finances a une certaine influence, je veux dire. Il y a la formule canadienne, il y a l'article 14, il le sait, qui permet au ministre des Finances d'envoyer par écrit des recommandations au gouverneur de la Banque. Il y a la formule hollandaise, qui est à mi-chemin entre la formule britannique et la formule allemande. Alors, il y a différentes formules. Tout ce que je dis, on peut discuter ad infinitum sur cette question-là, moi, je regarde l'exemple de l'Europe...

M. Brassard: Donnez-moi donc un exemple où un Parlement, un Parlement...

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bourassa: Je vais terminer, je vais terminer. Le Parlement a son ministre des Finances qui, lui, peut influencer la Banque. Le ministre des Finances est responsable devant le Parlement.

M. Brassard: C'est le pouvoir exécutif, ça! C'est le pouvoir exécutif, ça!

M. Bourassa: Alors, ce que je dis, celui qui est soumis au pouvoir législatif...

M. Brassard: Vous qui nous avez fait la leçon cette semaine puis la semaine dernière sur la séparation des pouvoirs...

M. Bourassa: Ah! vous l'admettez maintenant!

M. Brassard: Vous confondez...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Vous confondez les pouvoirs.

M. Bourassa: Vous l'admettez, maintenant. M. Brassard: Vous confondez. M. Bourassa: Ce que je vous dis...

M. Brassard: Le ministre, c'est le pouvoir exécutif.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Ce que je vous dis, c'est qu'on peut avoir une "littérature" économique très abondante sur cette question-là, mais sur le plan de la logique démocratique - le chef de l'Opposition revient du pays de Descartes - sur le plan de la logique démocratique, il y a un déterminisme historique qui fait que plus il y a intégration économique, plus l'union politique devient incontournable. C'est ça, le point de vue que je maintiens. Et je ne comprends pas que le chef de l'Opposition et le député de Lac-Saint-Jean disent: "Jamais, jamais, jamais, on n'acceptera qu'il puisse y avoir un Parlement qui pourrait contrôler les pouvoirs communs." Et ça, ça m'étonne beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Quant à moi, ce sera ma dernière intervention sur ce sujet. Le premier ministre veut sauver son système fédéral canadien. Il l'a dit à plusieurs reprises, son premier choix, c'est le Canada. Alors, qu'on cherche...

M. Bourassa: Développer le Québec sans démanteler le Canada.

M. Parizeau: Ha, ha, ha! Ce n'est pas moi qui l'ai inventé "Mon premier choix, c'est le Canada". Il y a un fameux dimanche où c'est sorti... Dans sa logique, il faut sauver le Canada. Alors, si, pour sauver le Canada, il faut coller le système fédéral à peu près à n'importe quoi, même sur des instruments de politique économique qui n'en ont pas besoin, bon, il va les coller, c'est ça qu'il nous fait. A-t-on besoin du régime fédéral canadien pour faire fonctionner ceci? Oui. Pour faire fonctionner cela? Sans doute. Pour faire fonctionner un troisième rouage? Mais évidemment!

M. Brassard: Assurément.

M. Parizeau: Bien sûr. Seulement, ce n'est pas une démonstration, ça, M. le Président. Ça, c'est simplement une sorte de projection psychologique où tout est bon non pas seulement dans le poulet, comme on le chantait autrefois, mais dans le fédéralisme et le fédéralisme est nécessaire pour faire fonctionner n'importe quoi. On sort, je pense, d'une analyse économique correcte quand on aboutit à des conclusions comme celle-là, que je laisse au premier ministre. Nous aurons l'occasion de revenir là-dessus, j'imagine, assez souvent dans les mois qui vont venir. Et là, moi, je suis disposé à passer au deuxième volet, si tant est que le premier ministre ait quelque chose à ajouter.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je constate simplement que les résultats du périple parisien du chef de l'Opposition sont décevants.

M. Parizeau: Ah! Bien, dans la mesure où U n'accepte pas ma mission, M. le Président, effectivement, ils le seraient. Mais je n'ai pas perdu espoir de l'amener à cette mission dont je parlais tout à l'heure.

Le Président (M. Dauphin): Alors, justement, pour passer au deuxième volet, M. le chef de l'Opposition, je vais reconnaître M. le député de D'Arcy-McGee qui me fait des signes depuis tantôt. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

Exode de la communauté anglophone

M. Libman: Merci, M. le Président. Moi, je veux aborder un autre sujet avec le premier ministre, mais quelque chose qui est effective-ment lié à la question constitutionnelle. C'est sur le sondage qui a été publié dans La Presse, en fin de semaine, qui indiquait très clairement qu'il existe un malaise profond dans la communauté anglophone du Québec. Alors, c'est sur cette question que je veux discuter un peu. Il y a quelques semaines, j'ai demandé au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française ce que le gouvernement entend faire pour ralentir cet exode, pour contrer ce malaise, et sa réponse a été que le gouvernement fait tout pour que les anglophones deviennent bilingues, qu'ils apprennent le français pour qu'ils puissent mieux s'adapter à la réalité québécoise. Mais il y a une chose qui est très évidente, c'est que cet exode des anglophones du Québec se fait surtout parmi les jeunes qui sont bien instruits, les jeunes qui sont déjà bilingues. Alors, je pense que le gouvernement doit regarder cette question avec beaucoup... dans une autre perspective. Il faut chercher un moyen de convaincre la communauté anglophone du Québec qu'elle a au moins une raison de rester. Il devrait y avoir un message clair, des mesures concrètes, qui devrait être envoyé à cette communauté. Et sur ce, j'aimerais bien avoir vos commentaires.

Vous étiez cité dans La Presse, cette fin de semaine, en réaction à ce sondage. Vous disiez qu'il y avait des efforts qui étaient faits, la loi

142. Nous savons très bien que la loi 142 ne progresse pas. Il y a la question de la fonction publique, mais nous savons également que fa représentation de la communauté anglophone dans la fonction publique est presque à zéro. Alors,' tous ces objectifs que vous avez énoncés en réponse à ces questions, en réponse aux résultats négatifs de ce sondage, ne s'adressent pas à la vraie question. La vraie question est le fait qu'il existe un malaise profond. Le gouvernement a la responsabilité d'aborder ce problème avec des mesures, des initiatives politiques concrètes et j'aimerais bien savoir ce que le gouvernement entend faire pour convaincre les anglophones du Québec qu'ils ont un avenir ici, qu'ils devraient rester, et pas seulement avec des mots fleuris condescendants. Je pense que des initiatives sont nécessaires. Quelle est la position du gouvernement pour envoyer un message positif et un message clair à cette communauté, qu'elle a un avenir ici et pour la convaincre de rester au Québec?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai également dit en réponse à la question de la journaliste de La Presse qu'il fallait que la communauté anglophone constate que, dans la Commission Bélan-ger-Campeau, unanimement, les Québécois francophones souhaitent que les anglophones puissent avoir leur place. Je regardais ce matin ou hier, par exemple, les commentaires de Fernand Daoust, président de la FTQ à compter de demain. Bon, on connaît son approche. On connaît sa foi nationaliste depuis très longtemps et M. Daoust disait lui-même: II faut exprimer encore plus fort notre volonté, exprimer cette volonté de garder la communauté anglophone, de lui dire qu'elle a sa place au Québec. D'autant plus que les jeunes de plus en plus, le député le reflète lui-même, ont une connaissance du français qui facilite leur intégration au Québec.

Alors le gouvernement, que ce soit dans le domaine scolaire, que ce soit dans le domaine universitaire par exemple - des gestes ont été annoncés, d'autres le seront - , que ce soit avec la loi 142 - le député de Nelligan constamment fait des représentations, parce que nous considérons, nous, qu'il est préférable pour la communauté anglophone de pouvoir, à l'intérieur du parti au pouvoir, à l'intérieur du gouvernement, faire valoir son point de vue. Mais sur le plan culturel, sur le plan de l'éducation, la loi 142, d'autres pourront ajouter, notre volonté est claire. Il reste la question de la loi 178. On l'a dit quand on l'a adoptée, qu'on aurait préféré ne pas le faire, mais on se souvient de la situation qui existait à ce moment-là. On connaît également le problème démographique au Québec. Ce n'était pas du tout dans l'intention du gouvernement ou du Parti libéral de brimer les droits de qui que ce soit. Dans notre parti, il n'y a pas de deuxième classe de citoyens. L'égalité des droits est reconnue dans le programme du Parti libéral. Mais il y avait une question de risques pour la sécurité culturelle dans un contexte nord-américain qui se posait et c'est pourquoi le gouvernement a décidé, à ce moment-là, d'adopter la loi 178. Ceci ne doit pas empêcher nos amis anglophones de constater non seulement la volonté très nette de la totalité des Québécois de souhaiter qu'ils demeurent et s'épanouissent à l'intérieur du Québec, mais également les gestes concrets de la part du gouvernement pour tenir compte de la situation des anglophones.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Une autre question sur le même sujet.

M. Libman: Oui, sur le même sujet. Le premier ministre dit que la volonté du gouvernement est très claire. La communauté anglophone n'attend pas seulement une volonté, pas seulement des mots, elle attend certaines mesures, certaines initiatives qui sont importantes. Un exemple parfait, vous l'avez dit vous-même, c'est dans le programme du Parti libéral de montrer cette volonté. Une autre chose qui existe dans le programme du Parti libéral ou dans le cahier beige du Parti libéral est de permettre aux enfants de langue maternelle anglaise de fréquenter les institutions scolaires anglophones. Au Québec présentement, si nous permettions au Québec maintenant aux étudiants avec des parents immigrants venant d'Angleterre ou des États-Unis de langue maternelle anglaise de fréquenter le système scolaire anglophone, nous pourrions injecter 10 % dans la population des écoles anglophones, qui sont tellement requis, tellement nécessaires et qui affecteraient seulement 1 % de la population dans les écoles francophones. Alors, voilà une initiative claire et positive qui peut aider la situation. Pourquoi ça, ce ne serait pas une solution ou au moins un message clair que le gouvernement pourrait envoyer à la communauté anglophone? (16 h 45)

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre. Ensuite, je reconnaîtrai M. le député de Nelligan.

M. Bourassa: Je crois qu'on avait donné les explications à ce moment-là. Je crois que le ministère de l'Éducation possède également une certaine flexibilité dans l'application des règlements. Je réitère, avant de passer la parole au député de Nelligan, que sur cette question-là les deux principaux partis sont d'accord pour inciter la communauté anglophone à se sentir chez elle au Québec, y compris surtout les jeunes. Alors, je pense que ça, c'est positif. C'est rare que ça arrive que l'Opposition et le gouvernement soient d'accord. Bien, c'est rare. Non, quand même, assez souvent.

M. Parizeau: Quand ça a du bon sens.

M. Bourassa: Non. Je veux dire qu'on sait que le rôle de l'Opposition est très ingrat. Alors, elle est obligée parfois... Alors, ce que je dis au député, c'est qu'il y a quand même cette volonté unanime; patrons, chefs syndicaux, travailleurs, universitaires, politiciens, tous souhaitent cet objectif. Il me semble que c'est un climat qui est positif. Alors, je demanderais au député de NeHigan peut-être de compléter ma...

Le Président (M. Dauphin): Un commentaire ou une question?

M. Libman: Les deux, en effet. Parce que nous étions aussi d'accord avec l'Opposition officielle ces deux dernières semaines. Alors, ça arrive des fois que les partis à l'Assemblée nationale s'accordent, même s'ils ont des points de vue tellement différents. Un bon exemple de ce front commun existait les deux dernières semaines et cela va continuer, je présume.

Mais juste une dernière question, M. le Président. J'ai posé cette question aujourd'hui aussi au ministre responsable de la Charte de la langue française, si le gouvernement était disposé à la création d'un comité d'études pour examiner en profondeur cette question. On m'a dit: Ça, c'est une question que je devrais poser au chef du gouvernement. Alors, voilà l'occasion. Je vous pose la question. Est-ce qu'il existe une possibilité de créer un comité d'études auquel notre caucus sera très heureux de participer pour examiner cette question en profondeur?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je vais certainement en discuter. Il s'agit de voir si la création d'un comité est le seul moyen pour être rapide et efficace. Je vais en discuter avec le ministre responsable et avec mes collègues au caucus et nous verrons s'il y a lieu d'accepter cette suggestion. Mais je répète encore la volonté commune par rapport à l'objectif souhaité par le député de D'Arcy-McGee.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. J'ai voulu faire peut-être quelques commentaires généraux, mais aussi poser une question au premier ministre, les mêmes questions que le député de D'Arcy-McGee a soulevées, parce que peut-être que nous pourrions être un peu d'accord sur quelques perspectives, mais je pense que nous avons vraiment suivi deux pistes assez différentes. Il n'y a aucun doute que la loi 178 a causé un malaise dans la communauté. Il n'y a aucun doute. Je pense que tout le monde sait ça. Je pense que quelques-uns essaient de profiter encore du malaise. C'est très facile de continuer à essayer de vendre une Image négative de la province de Québec, parce qu'il y a ce malaise dans la communauté. Il n'y a aucun doute à ça. Je voudrais répéter que je pense qu'il y en a quelques-uns qui essaient de profiter de cette affaire. Pardon?

M. Brassard: II n'est pas d'accord avec tous les maires.

M. Williams: Mais... Je m'excuse...

Le Président (M. Dauphin): La parole est à vous, M. le député.

M. Williams: Merci, je voudrais continuer un peu, si tout le monde écoute, sur la question de la volonté. Je voudrais commencer avec la question de la volonté. Je pense qu'il y a une volonté. J'ai entendu ça des membres de Bélan-ger-Campeau, j'ai entendu ça souvent dans notre caucus et dans notre parti. Je veux juste être clair sur l'idée d'un comité. Je voudrais dire au député de D'Arcy-McGee en public, je pense qu'il est au courant de ça, mais je voudrais lui répéter que ça existe, un comité de notre caucus qui... Il y a environ 20 députés qui étudient mensuellement les questions concernant la communauté d'expression anglaise. Mais je suis d'accord que ça prend beaucoup plus que juste de la bonne volonté. Ça prend des gestes concrets.

Je suis complètement en désaccord avec son évaluation. Il y a certainement une grande avance avec la loi 142, avec la loi 120. Il y a les protections que nous avons commencées au premier mandat et il y a maintenant beaucoup plus avec la loi 120, d'une façon que nous pouvons dire que nous sommes le chef de file des questions de minorités dans la question de la santé partout au Canada, sans aucun doute. En éducation, oui, il y a d'autres choses que nous pourrons faire, mais nous avons commencé des gestes concrets aussi. Je voudrais juste souligner la question de McGill l'autre semaine. Nous sommes... C'est très facile de citer nos chiffres nous-mêmes, sur la fonction publique, c'est nous qui avons sorti ces chiffres, c'est nous qui avons décidé de travailler sur cette question. Et comme M. Johnson, le président du Conseil du trésor, nous allons donner une réponse à cette question.

Je peux continuer à dresser une longue liste des gestes concrets que nous avons posés depuis les derniers 18 mois. La semaine passée, j'ai donné une liste au premier ministre des autres gestes que nous pourrions tous poser ensemble comme société, et avec ça la liste n'est pas finie. Mais de continuer à dire que tout va mal au Québec, je pense que ça n'aide pas. Et c'est un peu, non pas une grande surprise, quand tout le monde dit que ça va mal au Québec, que les

sondages sortent un peu comme ils sont sortis. J'espère que nous, je pense que nous avons tous une responsabilité de commencer à avoir une participation plus positive à ça, parce que, en bon anglais, it is a little bit of a self-fulfilling prophesy, if we continually say that things are bad in Québec, and things are falling backwards.

So my question to the Premier about this issue regarding the English-speaking community is whether or not he feels that the negative perspective of either during the Meech discussions or the various preoccupations expressed by some of the Members are in fact adding to the concerns of the English-speaking community. And what kinds of gestures can we do to begin to show the English-speaking community that they are in fact an integral part of the history of Québec, but also of the future?

Je voudrais savoir comment nous pourrions peut-être inclure la communauté d'expression anglaise d'une façon beaucoup plus positive que ce qui existe maintenant - peut-être essayer de vendre les choses qu'on fait concrètement pour la communauté?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Vous avez souligné de façon pertinente les causes du malaise. Je parlais tantôt de la loi 178. Il y a l'incertitude politique. Je pense bien que, si le lac Meech avait été adopté, le climat serait certainement plus rassurant pour tout le monde.

Ceci étant dit, comme je le répétais tantôt, il y a une volonté très, très nette, très ferme, de tous les Québécois de rassurer la communauté anglophone sur son rôle et sa place dans le Québec d'aujourd'hui et dans le Québec de demain. Et le gouvernement comme tel, malgré une situation qui n'est pas facile sur le plan des finances publiques, multiplie les gestes, que ce soit dans le domaine social, dans le domaine culturel, dans le domaine de l'éducation. Les jeunes par exemple, on essaie, il y a un comité du Board of Trade, qu'on me signalait, qui a été formé pour étudier cette question de l'exode des jeunes anglophones. Quelqu'un de mon bureau va participer à ce comité, le président du Conseil permanent de la jeunesse, que j'ai rencontré il y a quelques jours, va participer à ce comité.

Alors je pense que la volonté est claire, il faut l'exprimer encore davantage si nécessaire, parce que je crois que nous ne pouvons que profiter comme société de l'apport de la communauté anglophone à l'avenir du Québec.

M. Williams: Juste un dernier ajout...

Le Président (M. Dauphin): Une dernière, M. le député de Nelligan. Ensuite M. le député de Lac-Saint-Jean pour de courtes questions et M. le député de D'Arcy-McGee. Et nous revenons avec le chef de l'Opposition, parce que l'heure passe très rapidement.

M. Bourassa: Excusez-moi, on s'est entendu avec le chef de l'Opposition pour terminer à 18 h 30.

M. Williams: Très courtes, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Trois courtes questions.

M. Williams: M. le premier ministre, votre réponse était très positive et j'ai entendu encore une fois aujourd'hui, des trois partis, une volonté de travailler avec la communauté d'expression anglaise. Vous avez souligné quelques secteurs privés qui sont impliqués maintenant. Je pense que ça prend une approche comprehensive, une série de gestes positifs et si nous pouvions avoir, comme nous en avons discuté la semaine passée, un comité, un peu comme un comité de caucus, non partisan, mais aussi multidisciplinaire, parce qu'il faut prendre une approche, comme vous l'avez justement mentionné, multidisciplinaire... Ce n'est pas juste le gouvernement ou un parti ou un autre qui peut corriger tous les problèmes. Ça va être tous ensemble avec les communautés que nous pourrons rebâtir un peu le momentum que nous avons perdu avec la communauté d'expression anglaise. Avec ça, je pense, les discussions, les gestes concrets que nous avons faits, mais aussi l'approche comme vous l'avez mentionné, multidisciplinaire, ça va être une approche très positive et, si les deux autres partis sont en train d'exprimer leur volonté sur cette question, ça va être formidable.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Simplement une question là-dessus, sur ce sujet-là, au premier ministre. Vous reconnaissez, et c'est vrai que tous les partis politiques au Québec - on l'a vu pendant les travaux des audiences publiques, le député de Nelligan y participait également - que tout le monde convient que la communauté anglophone a sa place au Québec. Tout le monde convient qu'il faut respecter, quel que soit le statut du Québec, même dans l'hypothèse d'un Québec souverain, les droits historiques de la communauté anglophone. Est-ce que le premier ministre ne croit pas, au fond, si les leaders de la communauté anglophone au lieu d'alarmer davantage leur communauté, leurs concitoyens, au lieu de l'ameuter, puis de prétendre en quelque sorte que c'est une communauté persécutée, maltrai-

tée - quand je parle des leaders, ça inclut le chef de l'Equality Party - si au lieu de faire ça...

M. Bourassa: Ce n'est pas le pire.

M. Brassard: Ce n'est pas le pire, mais il y en a de pires.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Mais si, au lieu de faire ça, les leaders de la communauté anglophone s'activaient pour apaiser son inquiétude, la rassurer et être plus positifs, admettre ce que vous venez d'admettre et ce que tout le monde admet, que c'est une communauté dont les droits sont scrupuleusement respectés, que c'est une communauté qui est loin d'être persécutée et maltraitée, peut-être qu'à ce moment-là les réactions de la communauté anglophone seraient différentes de celles qu'on a pu voir dans le dernier sondage de La Presse.

M. Chevrette: On vient de briser le front commun des deux dernières semaines.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Alors, ce que je dis... Ce qu'on peut ajouter, bon, il y a quand même des leaders, je pense à Alex Paterson, à Robert Keaton, je dois rencontrer Alliance-Québec dans les prochains jours, qui se sont prononcés d'une façon très responsable. Mais je veux dire, il faut quand même admettre la liberté d'expression. Je ne nommerai pas de noms. Il y en a d'autres évidemment...

M. Brassard: J'en conviens...

M. Bourassa: Oui, qui...

M. Brassard: C'est l'un des problèmes.

M. Bourassa: Oui. Mais je veux dire, ça, qu'est-ce que vous voulez, on ne peut pas museler ces gens-là. Il faut quand même dire aussi, au député de Lac-Saint-Jean, que ce n'est pas facile d'expliquer l'application, pas l'application, mais le principe de la loi 178 aux anglophones.

M. Brassard: C'est difficile. Nous, on a bien de la misère à l'expliquer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: Non, non. Le député...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: ...de Lac-Saint-Jean sait fort bien que l'interdiction partielle, a fortiori absolue, parce que dans la loi 178 elle est partielle... Dans ce que vous proposiez...

M. Brassard: C'est plus facile.

M. Bourassa: C'est absolu. C'est une interdiction absolue.

M. Brassard: C'est plus facile.

M. Bourassa: L'interdiction partielle ou absolue pour des commerçants anglophones d'utiliser leur langue dans leur propre commerce n'est pas facile à expliquer, ni à l'intérieur du Québec, ni à l'extérieur du Québec.

Le Président (M. Dauphin): Dernière question sur ce sujet, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Vous voyez, M. le Président, comment ce front commun si fragile entre...

M. Bourassa: Oh! ce n'est pas... J'ai senti qu'il y avait une compréhension du côté du Parti québécois à cet égard.

M. Libman: M. le Président, the question that was just asked by the "député de Lac-Saint-Jean" is a clear example of what the problem is. A clear example. 178 is wrong, it is unjust and Quebeckers must know that it is wrong and it is unjust. And I want to ask the following question. We can talk about reassurances, we can talk about... We will try to understand and the minority has to understand. The minority understands, but the minority does not want its rights trampled on. I want to see if the Premier of Québec understands the pain of this poll that came out this weekend, because this weekend's poll is very indicative of how the English-speaking community feels. Bob Keaton, Alex Paterson are not plugged into how the majority of the anglophone community feels, this poll this weekend was very telling and very painful for the anglophone community, and I want to know if you respect that opinion, if you understand that opinion and K this Government is ready to act with concrete initiatives to ensure that the community feels comfortable.

Something has to be done. 178 is wrong. The Government has to show some initiative. What initiative is the Government willing to show? Because that poll this weekend is a very painful and a very telling poll. (17 heures)

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: I have to repeat what I said a few moments ago. First, I am respecting the opinion of all Québec citizens. No discrimination

on this side. This being said, I think on the education policy, the social affairs policy, the cultural policy, we did a lot of concrete action and we intend to do it again, to go on with this.

M. Libman: It obviously has... Something else is needed, there has to be initiative, there has to be goodwill, because something is missing and that poll was a very painful poll this weekend.

Le Président (M. Dauphin): Ça va. Alors, M. le chef de l'Opposition.

M. Parlzeau: Alors, M. le Président, nous allons aborder ce que j'appelais tout à l'heure les questions qui concernent la gestion.

M. Bourassa: L'intendance.

M. Parizeau: Oh non! je dirais de gestion, parce que l'intendance, paraît-il, suit, alors que, maintenant, ça n'a pas l'air de suivre très bien.

M. Bourassa: Ha, ha, ha! Vous citez le général de Gaulle maintenant.

M. Parizeau: Alors, donc, la gestion du gouvernement.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

Gestion économique du gouvernement

M. Parizeau: Je voudrais commencer en parlant d'Hydro-Québec; on ne s'en surprendra pas. Encore que, par la suite, je voudrais aborder des questions qui ont trait à l'ensemble du fonctionnement et de la gestion de l'économie par le gouvernement à l'heure actuelle. Donc, je ne vais pas dire évacuer la question d'Hydro-Québec, parce que je ne pense que ça s'évacue facilement, mais je passerai ensuite à la situation économique générale et à la gestion de l'ensemble.

Hydro-Québec

Hydro-Québec et les discussions que nous avons autour d'Hydro-Québec à l'heure actuelle, et des contrats en particulier, ces contrats avec les alumineries, ce sont des questions importantes parce que, dès que l'économie cesse de croître rapidement, dès qu'il commence à y avoir des signes qu'il pourrait y avoir une récession, le gouvernement cherche à calmer tout le monde en disant: Écoutez, de toute façon, peut-être qu'il va y avoir une mauvaise passe, mais en tout cas, l'économie sera appuyée par les investissements d'Hydro-Québec et par les investissements dans les alumineries. Ça joue dans sa réflexion sur le plan de la politique économique. Hydro et les alumineries jouent, au gouvernement, un rôle important. C'est vraiment... On sent pendant plusieurs mois que c'est le centre de ses préoccupations.

Je ne veux pas proposer d'aborder tout ça, tous les aspects des discussions qui concernent à l'heure actuelle Hydro-Québec, on en aurait pour des heures, et d'ailleurs on peut faire ça, comment dire, dans d'autres commissions. Je voudrais cependant essayer d'aller au coeur du débat sur les contrats avec les treize entreprises désormais célèbres, même si on ne connaît pas leur contrat, sauf un.

Je reviens en arrière, M. le Président. En 1982, nous, qui sommes au gouvernement sommes placés dans la situation suivante: la demande d'électricité a baissé à cause de la récession et, d'autre part, le jus de la Baie James arrive à peu près tout en même temps, c'est-à-dire que pour la première fois dans son histoire, Hydro-Québec va avoir des surplus "formidables" d'électricité. Quand je dis formidable, je veux dire de l'ordre de 5000 mégawatts. C'est la première fois que ça arrive dans l'histoire d'Hydro. Et on ne voit pas dans la situation économique comment ces surplus-là peuvent facilement se résorber. Un surplus de capacité de produire de l'électricité, ça prend quelle forme? Bien, ça prend simplement la forme qu'on ferme les turbines, comme le premier ministre le sait bien, on arrête les turbines. On a vu un été - je ne sais plus si c'était l'été 1982, non, 1983, je pense - où deux turbines seulement fonctionnaient a LG 2. Toutes les autres étalent arrêtées, il n'y avait pas de demande. On sait bien que, quand II y a un surplus de capacité comme ça, le coût de produire un kilowattheure est insignifiant. Ce qu'on appelle le coût marginal, c'est presque rien, d'un kilowattheure; c'est juste l'entretien de la turbine qu'on peut lui imputer à ce kilowattheure, c'est presque rien. Donc, même si, dans un état de surplus, on vend de l'électricité très bon marché, on fait un profit. Le coût est tellement bas que c'est profitable. C'est ce que nous allons faire. On va offrir des rabais pour la période envisagée où on aurait des surplus et, à ce moment-là, on prend pour acquis qu'il n'y aurait pas de surplus à partir de 1990. Je vous rappelle, on est en 1982. Et ils sont tellement énormes qu'à Hydro on nous dit: En 1990, ne comptez plus, seulement la progression normale de la demande aura fait disparaître ça. Donc, on va faire des propositions de rabais tarifaires qui sont toutes payantes. Et on ne va pas en faire quelques-unes. On a beaucoup parlé, par exemple, de Pechiney. On a moins parlé de... Je pense aux propositions qui ont été faites à QIT-Fer et Titane. On en a fait 500, M. le Président, à peu près 500 propositions de réductions tarifaires à des entreprises à la condition que, comment dire, dans un bon nombre de cas, elles accroissent leurs investissements et leur capacité d'absorber de l'électricité et, dans d'autres cas, qu'elles

déplacent d'autres types d'énergie. Et on faisait de l'argent dans tous les cas. Bien sûr, pour la partie à long terme qui dépassait 1990, là, il y a des formules de contrats à long terme qui ont été aussi incorporées à certaines de ces choses-là, je pense au contrat de Pechiney, mais on en était encore à des espèces d'expériences là-dessus en ce sens que, par exemple, le contrat de QIT n'est pas le même que celui de Pechiney. Il y a un certain nombre de démarches pour la partie long terme. Quand je vous dis la partie long terme, c'est sur une période de 20 ans ou quelque chose comme ça. Mais on a fait des rabais pendant qu'on avait ces surplus.

Là, ce que nous apprenons un peu, c'est qu'en 1988, en 1989, en 1990, le gouvernement actuel, qui sait que la période de surplus a été plus serrée qu'on ne pensait - la demande intérieure au Québec a augmenté tellement rapidement, plus rapidement que prévu, que, finalement, en 1990 il n'en restait plus de surplus. On pensait au moins que ça irait jusqu'en 1990, début 1991. Un an et demi avant, on sait qu'il n'y en a pas de surplus. On commence à comprendre que le gouvernement a offert dans des contrats des rabais tarifaires à une période où il y avait plus de surplus. C'est ça qu'il faut comprendre à l'heure actuelle? Mais ce n'est pas... C'est tellement majeur, c'est tellement au centre de bien d'autres choses, sur le plan des politiques suivies par le gouvernement, que là on doit avoir, puisqu'on a un contrat, Norsk Hydro, qui fait apparaître ça... Le contrat date de 1988. Déjà, à ce moment-là, on savait très bien qu'il n'y en aurait pas pour longtemps de ces surplus... Ils étaient petits, petits déjà en 1988 et on a six ans de rabais tarifaires avec Norsk Hydro, alors qu'on sait qu'on n'aura pas de surplus et donc que le coût marginal du kilowattheure n'est pas insignifiant. Il est au contraire très élevé. Le coût marginal du kilowattheure, quand on n'a pas de surplus, c'est le coût du développement des nouvelles installations dans le Nord. C'est ça, le coût marginal. Si c'est ça, est-ce qu'on voit apparaître une situation où le gouvernement nous aurait imités sans comprendre vraiment qu'il remplaçait, à cause du changement de circonstances, une étape où nous faisions de l'argent par une étape où maintenant il en perd? En somme, est-ce qu'il a adopté la même technique que nous sans se rendre compte de la différence de situation, que nous on avait des rabais payants et que lui a maintenant des rabais coûteux? Ça, je pense, M. le Président, qu'il va falloir que... On n'a pas le choix maintenant. Une fois qu'on a mis des interrogations pareilles dans la tête des gens, il va falloir que le gouvernement sorte, rende publics, sous une façon ou une autre, ou Hydro-Québec, comme on voudra, mais rende publics les autres contrats. On ne va pas se contenter d'avoir Norsk Hydro simplement comme un moyen de tenir tranquille tout le monde. Tiens, en voilà un. Les autres, on vous les cache. On me dira: Ce n'est pas habituel. Mais les grands contrats que nous avons négociés quand nous étions au pouvoir, on en a discuté très librement en commission parlementaire. Moi, je me souviens très ten. Yves Duhaime, d'ailleurs, le mentionnait, il écrivait au sujet de cette époque-là et des contrats d'électricité, il y a quelques jours, dans les journaux. Yves Duhaime indiquait clairement qu'en commission parlementaire tout ça a été discuté. Je ne me souviens pas si on a rendu public le texte même des contrats, probablement parce qu'on ne nous l'a pas demandé, en fait, en commission parlementaire, on sortait tous les renseignements qu'on demandait.

J'aurais demander au premier ministre - je comprends sous quel genre de contrainte juridique nous avons tous à opérer à cause de l'injonction - est-ce qu'on peut imaginer que, comme on le suggérait à la période de questions cet après-midi, la ministre ou Hydro-Québec peut demander aux compagnies d'être dégagées de l'engagement qui a été pris? Est-ce qu'il y a un moyen quelconque de faire en sorte qu'on puisse discuter sérieusement de cette question d'une importance primordiale et de façon à peu près transparente? J'ajoute à ça que j'aimerais aussi comprendre pourquoi, dans sa tentative de vendre de l'électricité aux États-Unis, le gouvernement est prêt à prendre des risques qui pourraient aller jusqu'au paiement - dans le cas du contrat de New York - de pénalités pouvant aller jusqu'à 4 000 000 000 $, si nous avons bien compris. Il a, en Chambre, confirmé le montant de 4 000 000 000 $ de pénalité. La ministre de l'Énergie a aussi confirmé la pénalité possible de 4 000 000 000 $. Ce qu'on nous a répondu - je pense que c'est même le premier ministre qui nous a répondu à cet égard - c'est: Ne vous énervez pas. Ayez confiance dans le président d'Hydro. Moi, je veux bien qu'on ait confiance dans le président d'Hydro, mais si des pénalités de 4 000 000 000 $ nous pendent au bout du nez, j'aimerais qu'on soit un peu plus explicite sur la nature des pénalités. Quand est-ce que ça se déclenche? Qu'est-ce qui se passe? Est-ce que ce serait à cause de ces pénalités-là que les négociations se sont réactivées avec Churchill Falls? Est-ce que la possibilité que le projet Grande-Baleine soit retardé considérablement, que des pénalités importantes seraient payables à New York, fait qu'à l'heure actuelle on s'est retourné de côté et qu'on négocie activement avec Terre-Neuve pour le développement de Lower Churchill Falls? Je rappelle, M. le Président, que le développement de Lower Churchill Falls a à peu près la même capacité de production électrique que Grande-Baleine. Dans les deux cas, c'est à peu près 3000 mégawatts. Est-ce que c'est un substitut?

J'aurais un certain nombre de questions mais qui me paraissent tellement fondamentales pour essayer de comprendre la stratégie du

gouvernement que j'ai pensé, d'une part, faire ces commentaires et d'autre part, poser quelques questions au premier ministre.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Merci, M. le Président. Quel heureux hasard que nous discutions de cette question-là, alors qu'il y a 20 ans nous devancions l'annonce du développement du projet de la Baie James.

M. Parizeau: NBR.

M. Bourassa: Non, non.

M. Parizeau: Si, si. C'était ça.

M. Bourassa: Non, non. Nous annoncions le développement de la Baie James en optant pour l'option hydroélectrique plutôt que l'option nucléaire. Il y avait cinq rivières dont on parlait dans ce lancement. Alors, je suis heureux, après 20 ans, de voir que cette décision a apporté des fruits bénéfiques considérables aux Québécois et à leur économie.

J'aimerais bien répondre au chef de l'Opposition. Il le sait fort bien, il l'a admis lui-même, et je suis heureux qu'il l'ait admis: II y a des contraintes juridiques. Deux premiers ministres, dont celui qui vous parle, ont été impliqués dans ce genre de contrainte. M. Lévesque avait fait une déclaration en Chambre, qui avait - il le sait, il s'en souvient - conduit à l'annulation d'un procès. Moi-même, j'avais également dit... J'avais été accusé de mépris de cour, parce que je disais qu'il fallait développer à tout prix le territoire nordique. J'avais dû comparaître devant les tribunaux pour mépris de cour. On comprendra donc que je sois prudent cet après-midi sur cette question-là. Implicitement hier, il disait: Dans notre temps, ça pouvait rester caché, parce que c'était d'énormes surplus. Maintenant, ça doit être transparent, parce qu'il y a des petits surplus. Quand c'est gros, il faut le cacher, quand c'est petit, il faut le montrer. Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que nous devons respecter la séparation des pouvoirs. Ceci n'empêche pas le gouvernement, comme la ministre l'a dit à plusieurs reprises, d'essayer de travailler au développement économique du Québec. (17 h 15)

L'hydroélectricité est un atout qui nous permet d'attirer des investissements dans le secteur de l'aluminerie. On sait que les alumine-ries contribuent au développement régional, parce que dans la région de Sept-îles, dans la région de la Mauricie, à Portneuf, à Baie-Comeau, ça crée des emplois directs et indirects, pour des travailleurs, pour des firmes d'ingénieurs-conseils, comme celle de Lavalin qui emploie M.

Duhaime. Il faut quand même constater tous les effets directs et indirects de ces investissements.

Durant les années soixante-dix, M. le Président, je ne cessais de me défendre, avant comme après 1976 mais surtout après, sur les exportations d'électricité comme quoi c'était - je reprends les mots de M. Duhaime: - "une folie furieuse" d'exporter l'électricité aux Américains.

La semaine dernière, j'entends le député de Lac-Saint-Jean qui dit, et le chef de l'Opposition vient de reprendre le même argument: Est-ce qu'on va perdre l'occasion d'aller chercher des profits importants pour baisser les tarifs des Québécois en ne pouvant pas exporter aux Américains? On me disait au début des années quatre-vingt: Au lieu d'exporter, gardez l'électricité pour des investisseurs étrangers qui viendront au Québec. Et là, on me dit: Au lieu de donner de l'électricité à des investisseurs étrangers, pourquoi n'exportez-vous pas aux Américains, vous allez faire plus d'argent? Alors, chaque décennie a son discours de la part de l'Opposition contredisant l'un par rapport à l'autre.

Je dis tout simplement que si on prend Norsk Hydro - le chef de l'Opposition a avancé des chiffres - il faut quand même constater que c'est un contrat de 25 ans qui tient compte de l'inflation, qui tient compte du prix du magnésium qui est un produit d'avenir et que le chef de l'Opposition ne peut pas dire qu'à cet égard-là Hydro-Québec et la société québécoise ne font pas d'argent ou ne retirent pas de bénéfices, beaucoup plus de bénéfices avec des contrats comme ceux-là.

Quant aux contrats des autres alumineries, on va attendre le jugement des tribunaux, mais je crois que tout le monde admet que le Québec a, avec l'hydroélectricité, un atout pour attirer des investissements étrangers. Personnellement... Et je suis convaincu que le chef de l'Opposition quand il était ministre des Finances... On a visité les mêmes places en Allemagne, en Suisse, en France, partout, je dis: Venez au Québec, il y a plusieurs avantages: accès au marché nord-américain, concurrence fiscale, relations du travail sereines, relativement sereines, calmes et de l'énergie à bon marché. Ceci a permis d'attirer des milliards et des milliards d'investissements qui vont apporter des bénéfices pour des décennies et des décennies à l'économie québécoise.

On ne peut pas me reprocher en même temps de dire: On ne doit pas exporter aux Américains parce qu'on doit attirer les industries avec cette énergie et, après, me dire: On fait plus d'argent en exportant aux Américains qu'en attirant des investissements avec des tarifs attrayants. Alors, nous, on fait les deux et on a des ressources hydroélectriques qui nous permettent de le faire. Mais je ne peux pas discuter du mérite de la question, je le regrette; l'occasion va venir, mais je ne peux pas discuter du mérite de la question, je ne peux m'en tenir qu'à des

principes généraux disant que nous avons, grâce à l'hydroélectricité, un atout économique très important qui nous permet et qui nous a permis d'attirer beaucoup d'investissements étrangers et qui nous a permis et qui nous permet en 1991 d'avoir un ralentissement économique nettement moins difficile et aigu que celui de l'Ontario. Si on a perdu trois fois moins d'emplois que l'Ontario, 240 000 à 80 000, je pense bien que c'est dû - le chef de l'Opposition en conviendra - au niveau de nos investissements. Et, donc, si nous pouvons traverser cette récession avec moins d'inconvénients que nos voisins, c'est dû aux atouts économiques que nous avons, qui nous permettent d'attirer les investissements dont l'hydroélectricité.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Quand on entend des choses comme ça, M. le Président, ça fait peur. Ce n'est pas au niveau des investissements...

M. Bourassa: Je suis là pour vous rassurer.

M. Parizeau: Ce n'est pas au niveau des investissements qu'est dû le fait que la récession est plus forte en Ontario qu'au Québec, cette fois-ci, c'est dû à l'automobile. C'est dû au fait que la quasi-totalité de l'industrie automobile est concentrée en Ontario et que 30 % de tous les ouvriers d'usines en Ontario travaillent pour l'automobile. Quand le marché de l'automobile s'est écrasé, l'économie de l'Ontario a pris, si vous me passez l'expression vulgaire, "toute une débarque". Que le premier ministre, pour l'amour du saint ciel, ne se targue pas et ne se vante pas du niveau des investissements au Québec. Dans le domaine manufacturier, sans ces alumi-neries, c'est juste une chute de 24 %, non, presque de 30 % en deux ans, au Québec. Enfin, voilà.

Je reviens à Hydro. Il n'est pas question pour moi, M. le Président, de dire: Sur une usine qui se construit, le gouvernement ne fait pas d'argent avec ses taxes. Bien oui, je sais bien, la règle des 20 % qu'il évoquait en Chambre, le premier ministre, 20 % du coût du projet, cela nous revient en impôts et en taxes au Québec. C'est moi qui l'ai établi avec le programme d'accélération des investissements en 1982. Ceux qui le lui ont communiqué ont oublié de dire, cependant, que pour que les 20 % s'appliquent, il faut qu'il y art 100 % de contenu québécois. C'est important.

M. Bourassa: D'abord, je vous en remercie au nom du peuple québécois.

M. Parizeau: Oui! Une usine...

M. Bourassa: Ils m'avaient prévenu.

M. Parizeau: ...qu'on construit, pendant la phase de construction, ça rapporte des taxes et des impôts. Comme on dit en anglais: What else is new?" II ne s'agit pas de refuser ça.

D'autre part, faire en sorte que le Québec ait cherché dans les 2 000 000 de tonnes, à peu près, de capacité de produire de l'aluminium les usines qui ont fermé à cause de coûts d'énergie trop élevés un peu partout dans le monde, en Allemagne, au Japon, dans le Sud des États-Unis, que le Québec ait cherché à prendre la majeure partie de ces 2 000 000, bien oui, ça avait un certain bon sens. Ce n'est pas ça, c'est la gestion de tout ça. Il va bien falloir qu'à un moment donné on sache si le gouvernement a accepté qu'il y ait des rabais tarifaires importants alors qu'il n'y avait plus de surplus. Si c'est ça, ça n'a pas seulement des conséquences sur la façon dont le gouvernement gère ses choses, le gouvernement doit savoir quel impact c'est susceptible d'avoir sur le plan des négociations commerciales. Si vraiment Hydro a accepté de faire ça, enfin! On s'en reparlera, je n'irai pas plus loin parce que, de toute façon, moi non plus, je ne voudrais pas être saisi dans une histoire de mépris de cour.

J'ajoute cependant au premier ministre, toujours dans la gestion d'Hydro et dans la gestion des affaires d'Hydro, qu'aller au fond de la question des pénalités pour non-livraison à l'État de New York, qui pourraient se monter à 4 000 000 000 $, ça, ce n'est pas couvert par l'injonction, il n'y a pas de raison qu'on ne soit pas mis au courant de ça. La décision du juge ne porte absolument pas là-dessus. Tout ce que nous avons jusqu'à maintenant, c'est une déclaration du chargé des ventes étrangères d'Hydro-Québec qui a assuré, dans la presse, qu'on aurait à annuler ce contrat avec les États-Unis si on ne veut pas être passible d'une amende de 4 000 000 000 $, ce qui a été contredit gentiment et en termes très vagues par le président d'Hydro-Québec à Washington. Quand, en Chambre, on a cherché à explorer ça, tout ce qu'on a eu comme renseignements, c'est: Ayez confiance dans la direction d'Hydro. Là, je veux bien, mais il va falloir en savoir un peu plus, parce que si ces 4 000 000 000 $ de pénalités nous pendent au bout du nez et que, d'autre part, les négociations sont aussi avancées avec Terre-Neuve pour le développement de Lower Churchill Falls, on comprend ce que le gouvernement de Terre-Neuve va être capable d'exiger de nous. Ça veut dire que le gouvernement de Terre-Neuve est dans une situation de négociation, mais prodigieuse!

C'est ce que je voulais dire sur les questions de gestion. Qu'on ne vienne pas me dire que je suis contre les investissements au Québec. Bien sûr, c'est bien, des investissements au Québec. Qu'il en faille plus, bien oui, il en faut plus. Mais il s'agit de savoir comment c'est géré, tout ça, et à quels coûts. Voilà!

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai cru nécessaire de souligner que les industries d'aluminium apportaient beaucoup d'avantages aux Québécois. Il était en Europe quand mon ami, le leader parlementaire, posait des questions, le député d'Ungava également. Je pense qu'il est important qu'on puisse dire sans dévoiler ou sans ne pas respecter l'injonction des tribunaux, qu'on puisse mettre en relief les avantages d'avoir l'hydroélectricité et les milliards et milliards de revenus que nous pouvons en avoir et également les avantages pour le développement régional. Pour ce qui a trait aux exportations d'électricité, le président d'Hydro-Québec a dit lui-même qu'il n'y avait pas lieu de s'alarmer. D'ailleurs, le délai se termine dans un laps de temps, à la fin de novembre, à la fin de cette année. Et surtout, ce n'est pas une question de disponibilité des ressources. C'est une question juridique.

Quand le chef de l'Opposition dit que le développement de Lower Churchill Falls pourrait remplacer Grande-Baleine, il va un peu vite en affaires. Nous avons toujours considéré cette option parce que c'est un endroit, c'est un projet avec d'autres développements au Québec - il y en a quelques-uns - qui peut se faire à des coûts très raisonnables et les négociations ont commencé depuis des années et des années. Et là, il semble, à cause du contexte qui fait en sorte que l'hydroélectricité devient de plus en plus populaire - le chef de l'Opposition est au courant. Je l'ai dit à l'Assemblée nationale. Des déclarations ont été faites par les milieux écologistes, le rapport Brundtland, entre autres, qui est la bible des écologistes, disait que les ressources renouvelables hydroélectriques sont préférables. Alors, on a cet atout-là. Alors, on essaie de les développer là où elles se trouvent, à Grande-Baleine et également dans la région de Lower Churchill. C'est la politique du gouvernement.

Quant à la question de la gestion, il peut fort bien soulever la question actuellement, mais il sait fort bien qu'on ne peut pas lui donner la réponse étant donné l'injonction. Mais je peux le rassurer, je peux lui dire qu'au mérite, je crois, comme on l'a vu dans ie cas de Norsk Hydro... Il dit: Bon, qu'est-ce qui va arriver dans les 25 prochaines années? Il a dû lire quand même que c'est basé sur l'inflation, sur le prix du magnésium. Il y a des éléments de protection très très importants. On sait que pour le magnésium il est prévu une très forte demande. La formule du partage des risques, ça provient du chef de l'Opposition. On sait que c'est lui qui décidait tout sur les questions économiques dans l'ancien gouvernement. Est-ce que je me trompe? C'est lui qui avait le dernier mot. Le leader parlementaire semble un peu hésitant. Je ne sais pas si je m'avance trop loin, mais, de toute façon, le chef de l'Opposition avait un point de vue très important sur toutes les décisions économiques. Je ne vois pas le député de L'Assomption, mais pas du tout, endosser la formule du partage des risques sans être d'accord. Donc, si mon honorable ami a endossé la formule du partage des risques, c'est donc qu'elle était dans l'intérêt du Québec. Il va dire: Oui, mais dans le temps il y avait des surplus. C'est évident. En 1979-1980, on avait augmenté les tarifs de 20 %. Donc, cette augmentation brutale des tarifs de la part de nos amis d'en face avait abouti à certains surplus plus le ralentissement économique. Donc, on a signé des contrats. Bien, il y a eu des augmentations de 18 %. Non, c'est faux?

Une voix:...

M. Bourassa: Non, non, mais vous avez eu des augmentations de tarifs de 18 %. Donc, forcément, ça baisse la demande et il y a eu des contrats comme avec Pechiney. Le chef de l'Opposition lui-même avait négocié ce contrat. Comme il l'a dit, le coût marginal était peu élevé. Donc, il avait une plus grande marge de manoeuvre pour signer des ententes même si ça n'a pas été facile. Mais je lui dis que cette formule du partage des risques qui origine de son gouvernement s'applique en tenant compte de la conjoncture parce que ce qu'il laisse entendre dans ses propos, c'est qu'Hydro-Québec n'aurait pas tenu compte que les surplus n'étaient pas éternels. Alors, je lui réponds qu'Hydro-Québec a tenu compte que les surplus québécois n'étaient pas éternels et c'est pourquoi ils ont introduit des formules qu'on a retrouvées dans Norsk Hydro, notamment pour ce qui a trait au prix du magnésium et au taux d'inflation. Alors, je ne vois pas pourquoi le chef de l'Opposition est si pessimiste quant au contenu des contrats, mais je ne peux pas aller plus loin étant donné, comme il le disait lui-même, qu'il faut attendre les jugements des tribunaux.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

(17 h 30)

M. Parizeau: M. le Président, comment dire? On s'amuse là. Ça devient simplement rigolo. Alors, un premier ministre qui n'a jamais entendu parler du choc pétrolier. Pourquoi est-ce qu'il pense que les tarifs d'électricité ont été augmentés de 18 % dans les années auxquelles il se réfère? Parce que le pétrole montait de 23 % ou de 25 %. Si on n'avait pas augmenté le tarif d'électricité, qu'est-ce qu'il y aurait eu? Un déplacement de la demande formidable du pétrole vers l'électricité.

M. Bourassa: C'est ce que j'ai dit. Je ne vois pas pourquoi le chef de l'Opposition s'indigne. Je dis que l'augmentation des tarifs d'électricité a réduit la demande.

M. Parizeau: Non. Non.

M. Bourassa: Bon. Alors, c'est...

M. Parizeau: Tout ce que c'a fait, c'est d'éviter des déplacements. Le principal facteur de surplus - qu'il n'a même pas mentionné, il devrait pourtant, j'imagine, en être fier - c'est l'arrivée du jus de la Baie James, les turbines partent. Le premier ministre devrait le savoir. Tout arrive en même temps dans un marché où, à cause de la récession, la demande d'électricité tombe. Alors, évidemment que ça fait un gros surplus. C'a coïncidé. Le premier ministre n'est pas responsable de ça. Il ne pouvait pas savoir quand il a pesé sur les boutons pour construire la Baie James que ça tomberait en plein milieu d'une récession quand le jus arriverait. Mais c'est ça, le fond de l'histoire. Si on veut s'amuser, on veut bien s'amuser et raconter n'importe quoi. Mais le fond de la question sur les surplus, c'est l'arrivée de tout ce jus de la Baie James, en pleine récession. C'est ça, le fond de la question.

Là, ce que le premier ministre vient de nous dire, cependant, c'est qu'Hydro a tenu compte pour établir ses rabais, singulièrement au cours des premières années - je parle de ce qu'on a vu dans Norsk Hydro, des rabais pendant cinq, six ans, pour établir ces rabais-là - du fait qu'ils n'avaient plus de surplus. Est-ce que ça veut dire que c'est le gouvernement qui lui a demandé d'établir ces rabais?

M. Bourassa: M. le Président...

M. Parizeau: Bien, non, mais un instant, là. Là, ce que le premier ministre vient de faire, c'est qu'à l'égard de ces rabais consentis pour des années où il n'y a pas de surplus il vient de dégager la responsabilité d'Hydro-Québec. Bon, alors, si ce n'est pas la responsabilité d'Hydro-Québec, c'est la responsabilité de qui? De lui, le premier ministre?

M. Bourassa: M. le Président...

Le Président (M. Houde): M. le premier ministre.

M. Bourassa: ...il me semble que j'ai été très clair. À mon tour, je lui demande d'être sérieux. Il a dit: Mais comment se fait-il qu'Hydro n'a pas tenu compte que, dans les années quatre-vingt-dix, ça ne serait pas une ère de surplus comme les années quatre-vingt? C'était le sens de sa question. Je lui ai dit de faire un minimum de confiance aux gestionnaires d'Hydro-Québec. C'est tout. C'est une vérité de La Palice. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement n'intervient d'aucune façon, comme il le sait, dans des négociations complexes comme celles-là. Mais le gouvernement présume qu'Hydro-Québec va tenir compte que les années quatre-vingt-dix sont différentes des années quatre-vingt. Je ne comprends pas du tout le chef de l'Opposition qui dit: Mais oui, mais il n'y en a plus de surplus dans les années quatre-vingt-dix. Mais c'est pourquoi, dans le contrat de Norsk Hydro, on parle du prix du magnésium et on tient compte de l'inflation. Je veux dire, il a juste à lire le communiqué qui a été émis par Norsk Hydro. Alors, je dis que, bon, 1988-1989...

M. Parizeau: ...1990-1991...

M. Bourassa: Oui, oui, mais on sait que c'a commencé à la fin de 1989 et on sait que c'est... Le responsable de la compagnie a dit que c'était susceptible d'être remboursé. Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que créer des épouvantails, comme on le fait, alors que les contrats ne peuvent pas être discutés quant au fond, je crois que c'est de la politique politicienne. Lui-même refusait, je me souviens dans le cas de Pechiney, pas lui mais le ministre responsable. On me rapporte que le député de Notre-Dame-de-Grâce exigeait qu'on dévoile le contrat de Pechiney. Le gouvernement n'acceptait pas, n'a pas accepté. Pas question de dévoiler le contrat de Pechiney. Jamais, jamais, jamais. C'est ce qu'on répondait au député de Notre-Dame-de-Grâce lorsqu'il posait la question. Alors, je dis, M. le Président, que, quant à nous, nous avons un jugement du tribunal, mais je crois qu'avant de conclure qu'Hydro-Québec s'est trompée le chef de l'Opposition devrait attendre de prendre connaissance des contrats.

Et ceci étant dit, je dis au chef de l'Opposition que la venue d'alumineries au Québec, étant donné la situation géographique que nous avons, étant donné la possibilité d'avoir des tarifs à bon marché, est un avantage pour le Québec et pour les Québécois. Et je répète encore que ceci a contribué à un niveau d'investissements. C'est un peu simpliste de dire que tous les maux de l'Ontario proviennent de l'automobile. Je crois que la situation ontarienne n'est pas si simple que ça. Je pense que le chef de l'Opposition doit savoir qu'il y a plusieurs facteurs. C'en est un parmi plusieurs. Et je lui réponds que, quant au Québec, je ne dis pas que le fait qu'on ait un ralentissement moins prononcé que l'Ontario est dû uniquement aux investissements de l'aluminium, mais je dis que ça n'a pas nui.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, cette discussion devient difficile parce que, manifestement, le premier ministre ne contrôle pas ses données très bien, là. Norsk Hydro...

M. Bourassa: Nous partageons la même...

M. Parizeau: ...les rabais, ce dont on parle, ce n'est pas la partie à long terme à risques partagés, ça, j'y reviendrai tout à l'heure. Je parle des rabais. Les rabais, ils ne sont pas applicables pour 1988-1989, et là on peut en parler puisque c'est sorti, c'est public, ces contrats-là, ils vont jusqu'en 1993, inclusivement. Donc, ce n'est pas quelque chose de passé, c'est quelque chose à venir. On en a pour trois ans de rabais successifs là-dedans. Quant aux contrats à risques partagés... Ah oui! c'est vrai!. C'est vrai, oui, j'ai participé, encore que c'est M. Duhaime surtout qui a mis la formule au point, mais c'a été très intéressant, la mise au point de certains contrats à risques partagés, très intéressant, à ce moment-là. Mais oui! Seulement, un contrat à risques partagés, ce n'est pas une étiquette. Ce n'est pas l'Immaculée Conception, ça. Quand on dit: Un contrat à risques partagés, il peut y avoir bien des façons de partager. Je partage, tu partages, il partage, et nous partageons différemment. Ce n'est pas parce que le premier ministre dit: Ah! vous avez déjà signé un contrat à risques partagés, que ça représente un blanc-seing pour tous ceux qui sont en train de signer à Hydro, ou qui ont signé depuis deux ou trois ans avec la bénédiction urbi et orbi du gouvernement. Le risque partagé, en soi, ça ne veut rien dire, ça. On le partage bien ou on le partage mal. Ce qui est en cause dans les discussions, c'est: Est-ce qu'ils ont mal partagé? C'est ça qu'il faut éclairer, et je termine là-dessus, M. le Président. Quand le premier ministre vient me dire: Attendez de voir les contrats et vous pourrez juger, je lui dis: C'est justement ça qu'on voudrait. C'est ça qui est au fond du débat. Il est possible qu'on porte des jugements trop sévères, à l'heure actuelle.

M. Bourassa: Ah! je prends note de l'aveu!

M. Parizeau: Et qu'on ne porterait pas si on était capable de voir les documents. Mais plus on retarde, on empêche les gens de voir les documents, plus il est inévitable que s'installe dans l'esprit des gens une sorte de méfiance. Ça n'a pas de sens de mettre autant d'obstacles sur la connaissance qui, au fond, dans les grandes lignes, ne devrait pas poser de problèmes particuliers. Pas plus, encore une fois, que ça n'en posait à nous quand en commission parlementaire, en 1982 ou 1983, on nous posait des questions comme ça sur les contrats que nous signions les uns après les autres. Alors, voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire sur ce chapltre-là. Je voudrais...

M. Bourassa: Je voudrais juste compléter, quand même.

M. Parizeau: Le premier ministre va compléter, oui.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre, et je crois que le député de D'Arcy-McGee aurait une question aussi là-dessus.

M. Parizeau: Ah oui? Ah bon! Très bien!

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition donne l'impression que, délibérément, nous empêchons les entreprises de rendre publics les contrats. C'est facile pour lui. Dieu merci, il a admis qu'il pouvait être plus sévère, parce que ce n'est pas la première fois qu'on va dégonfler des ballons. Qu'on se souvienne de tout le tintamarre qu'on a fait sur le zonage agricole à trois mois des élections et, finalement, on n'en entend plus parler. C'est la tâche de ce gouvernement de dégonfler constamment les ballons de l'Opposition, et c'est la tâche de l'Opposition d'en lancer, de manière à pouvoir se remonter-Une voix:...

M. Bourassa: ...le moral. Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, M. le Président, c'est qu'il y a des compagnies qui l'ont évoqué en disant: Nous, nous négocions avec plusieurs pays des tarifs d'électricité - c'est ce que je disais en Chambre cet après-midi - et si les tarifs que nous avons au Québec sont dévoilés, ça va nuire à nos négociations avec les autres pays concurrents du Québec, Venezuela, Australie, Brésil. Non, ça ne peut pas arriver, des choses comme ça! Quelle naïveté! Quelle naïveté, M. le Président!

Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est qu'il y a ce qu'on appelle la loi de la concurrence qui fait qu'il y a des entreprises qui disent: Pour l'instant, nous négocions, puis ça, ça va nuire au pouvoir concurrentiel. Évidemment, le Québec va partout dans le monde, parce qu'on a besoin d'investissements étrangers pour lutter contre le chômage, faire face au chômage, et tout ça fait partie du portrait global. Et je ne trouve pas tellement responsable qu'on exploite cette situation-là, quand le chef de l'Opposition admet lui-même que, s'il va trop loin, il va être assujetti à un mépris de cour. Imaginez, quelle logique, encore une fois. Quelle logique du chef de l'Opposition! Il dit: II ne faut pas que j'aille trop loin, je vais avoir un mépris de cour. Puis après, il blâme le gouvernement de cacher des choses. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: ...s'il veut s'engager dans une voie pareille, ça devient... Il est clair que je dois, moi, dans les règles qui satisfont à la fois

mon mandat de député et, d'autre part, la responsabilité qu'on doit exercer sur ces choses, comment dire, respecter les décisions de la cour. Ça me semble aller de soi, ça. Que je veuille avoir des renseignements dans le Parlement où je siège, ça me paraît aller de soi. Voulez-vous bien me dire pourquoi on ne veut pas me répondre sur la question des pénalités de 4 000 000 000 $ sur le contrat de New York? Ce n'est pas couvert, ce n'est pas couvert, ça, par la décision de la cour! Pourquoi on ne veut pas nous en dire un petit peu sur ce qui se passe dans les négociations avec Terre-Neuve? Ça a l'air d'être très actif, de ce côté-là! Il n'y a rien qui s'applique, des décisions de la cour, à ça. Mais il y a une chose qui est claire, cependant, c'est que le gouvernement, il ne nous en donne pas épais. Venir nous dire, sur une somme de 4 000 000 000 $ de pénalité: C'est une paille, ça, 4 000 000 000 $, ce n'est rien, ça, en termes d'argent, écoutez, ayez confiance en M. Drouin! Moi j'ai confiance en n'importe qui, mais je trouve que 4 000 000 000 $ de jetons de présence, dans un jeu de confiance, ça me paraît haut. Ça me paraît haut. Qu'on ne vienne pas me parler de mépris de cour!

Pourquoi est-ce que le gouvernement... Pourquoi est-ce qu'on doit apprendre ça d'employés d'Hydro qui déclarent ça aux journaux, puis quand on demande au gouvernement d'avoir des détails sur quelque chose d'aussi insignifiant que 4 000 000 000 $ - on aura compris que je mets une pointe d'ironie - pas capable de savoir de quoi il s'agit. Puis qu'est-ce que c'est... Encore une fois, est-ce qu'on est en train de donner une poignée à Terre-Neuve qui, sachant qu'on est pris avec ça, avec 4 000 000 000 $ qui nous pendent au bout du nez, peut accepter le développement enfin de Lower Churchill Falls... Je le rappelle, ça fait 20 ans que ça se discute, cette affaire-là. Si c'est sur le point d'aboutir, c'est que les circonstances ont bougrement changé. Il y a quelqu'un à Québec, là, qui commence à être intéressé à se sortir d'une trappe quelque part pour aller de ce côté-là. Et alors là, qu'est-ce que Terre-Neuve demande? Ce n'est pas couvert par une cour, ça. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas être renseigné sur ces choses-là?

Le Président (M. Dauphin): M.le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je trouve que l'indignation du chef de l'Opposition est un peu artificielle. J'espère qu'il a trouvé le temps, la semaine dernière, d'aller à la Comédie-Française. Je crois qu'il se serait senti à l'aise. Il se serait senti à l'aise. Ce que je veux lui dire, c'est que tantôt il met en cause la gérance d'Hydro parce que le gouvernement n'interfère pas dans les décisions d'Hydro, sur les contrats d'aluminerie, il met ça en cause en disant: C'est là le prix, les rabais, etc. Et là, dans sa dernière question, il bifurque complètement sur un autre problème. Là, il parle de la question de l'Office national de l'énergie. Ce ne sont pas les contrats d'Hydro avec Alouette puis avec Bécancour, puis avec Reynolds. Ce n'est plus ça dont il est question. Mais quand il a parlé de mépris de cour, c'était de cette question-là. Alors, là, je pense que je suis oblige de - j'hésite à utiliser le mot, - démasquer le chef de l'Opposition. (17 h 45)

M. Parizeau: Ho!

M. Chevrette: Si vous aviez compris la question, il y a 20 minutes, et que vous y aviez répondu, il n'aurait pas été obligé de vous la répéter.

M. Bourassa: Parce que, là, je ne sais pas s'il pense qu'on ne s'en est pas aperçu, il a changé tout à fait de sujet. Il parle des délais des contrats d'exportation et des propos de M. Guevremont et de M. Drouin sur les pénalités. Ça, c'est tout à fait un autre sujet. Il faudrait quand même être clair là-dessus. Alors, je dis au chef de l'Opposition qu'à cet égard le président d'Hydro-Québec a fait une déclaration qui ne rassure pas encore le chef de l'Opposition. Mais je lui dis qu'on a quand même des délais de six ou sept mois et que, surtout, il n'est pas question, dans ce problème-là, de la disponibilité de l'énergie. Il n'a pas raison, à cet égard, de faire le lien avec Lower Churchill Falls. C'est simplement une question juridique qui ne met pas en cause le niveau de l'offre d'Hydro-Québec. Et le chef de l'Opposition aura l'occasion, à de multiples reprises, d'être rassuré sur l'évolution de cette question juridique.

Ceci étant dit, je pense qu'on est obligé de conclure que la décision, il y a 20 ans, d'opter pour l'hydroélectricité plutôt que le nucléaire - qui a été suivi de Tchernobyl et Three Mile Island - a été une sage décision par le gouvernement de l'époque et qui permettra aux Québécois d'avoir une plus grande confiance dans leur avenir.

Le Président (M. Dauphin): Voulez-vous... une courte...

M. Parizeau: Oui. Je rappellerai au premier ministre que le gouvernement qui a établi - pas un moratoire mais, comment dire - une interdiction de continuer dans le domaine nucléaire dans lequel Hydro s'était pas mal engagée, n'est-ce pas, c'est le gouvernement du Parti québécois. Mais oui, mais oui!

M. Bourassa: En quelle année? M. Parizeau: En 1979 ou 1980. M. Bourassa: Mais en 1977, on me disait que

c'était une folie furieuse d'exporter l'hydroélectricité aux États-Unis.

M. Parizeau: Le premier gouvernement qui a arrêté le nucléaire au Québec, c'est le gouvernement du Parti québécois.

M. Bourassa: Ça veut dire: 10 ans après que je l'eus demandé.

M. Parizeau: Ah! Bien non, parce que toutes les premières initiatives nucléaires d'Hydro-Québec se sont faites pendant que le premier ministre était premier ministre.

Une voix: II était au pouvoir. M. Parizeau: II était au pouvoir. M. Chevrette: Bonne mère!

M. Bourassa: On sait que j'ai mis l'accent... J'ai publié trois volumes là-dessus, alors je vais les faire parvenir à...

M. Parizeau: II faut se souvenir des choses. Bon, je continue, monsieur...

M. Chevrette: Deux mandats...

Le Président (M. Dauphin): Messieurs. M. le chef de l'Opposition, la parole est à vous.

M. Parizeau: On aura compris simplement, M. le Président, qu'en dépit des blagues du premier ministre il y a, pour moi, un rapport inévitable entre Grande-Baleine et son développement, l'arrivée de la demande d'électricité de deux nouvelles alumineries, les exigences de contrats d'exportation vers les États-Unis et, si tant est que Grande-Baleine prenne du retard, la recherche d'une alternative, par exemple, Lower Churchill Falls. Toujours sur le plan de la gestion, ces choses-là sont liées, il faut passer de l'une à l'autre. On ne change pas la conversation quand on passe de l'une à l'autre. Toutes ces choses-là sont reliées les unes aux autres. C'est ça qui s'appelle la gestion, M. le Président. Moi, je...

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre. Aviez-vous terminé, M. le chef de l'Opposition?

M. Parizeau: Moi, j'ai terminé.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition est d'accord qu'avec l'augmentation constante de la demande le gouvernement doit examiner différentes options et c'est ce qu'il fait, c'est le bon sens même, c'est de la saine intendance.

Le Président (M. Dauphin): Alors, dernière question sur ce sujet, M. le député de D'Arcy-McGee, avec les mêmes restrictions de prudence.

M. Libman: O.K. Je veux discuter des contrats de New York et du Vermont. M. le Président, le 27 août 1980, Hydro-Québec a publié un prospectus pour les investisseurs américains d'un "bond offering" pour 1 500 000 000 $ et, à la page 16 de ce prospectus, il est dit et je cite: 'That Hydro Quebec's activities are subject to the Environmental Quality Act, Agricultural Land Act, Land Use Planning Act and other related legislation, both federal and provincial."

Le 13 Janvier 1991, M. le Président, cinq mois après, il y a un supplément de ce prospectus qui a été publié et, à la page S-2, it advises that Hydro-Québec is appealing the decision to submit to federal environmental laws, saying that these environmental laws do not apply to Québec, even though these are laws that Québec said that they would have to satisfy when they signed these contracts two years before, and said that they would respect in the prospectus of August. So when they signed these two contracts, they said that the federal environmental laws would have to apply. In the prospectus in August of 1990, they said these federal environmental laws applied. Alors, ma question est simplement: Pourquoi cette contradiction? Est-ce que le gouvernement est d'accord avec la page 16 du prospectus où il est dit que nous avons des lois dans ce pays, en ce qui concerne l'environnement, ou la page S-2 du supplément où Hydro-Québec dit être au-dessus de ces lois environnementales? Je vois une contradiction très claire.

M. Bourassa: Je vais en prendre connaissance, je n'ai pas à l'esprit tous les détails. Il y a beaucoup de "fine print" dans les prospectus, comme le sait le député de D'Arcy-McGee. Je ne suis pas sûr que son interprétation est correcte. On va en prendre connaissance, et on pourra aviser.

M. Libman: M. le Président, je peux...

M. Bourassa: Ça m'étonnerait beaucoup qu'Hydro-Québec dise: Nous, on est au-dessus des lois. Je veux dire, je pense que c'est un peu fort.

M. Chevrette: Bien à les voir aller présentement, on...

M. Libman: Non, M. le Président, je peux déposer des extraits de prospectus...

M. Bourassa: Non, non, mais ça m'étonnerait qu'Hydro-Québec dise que les lois n'existent pas pour Hydro-Québec, il ne faut pas... Êtes-vous sûr que vous avez bien lu?

M. Libman: Si le premier ministre veut le lire, M. le Président, ce sont des extraits d'un prospectus où il est dit que les lois environnementales du Canada s'appliquent pour ces contrats. Ils ont admis que ces lois environnementales s'appliquent, mais dans un supplément au prospectus ils disent que ces lois ne s'appliquent pas. Alors, je veux savoir simplement pourquoi la contradiction.

M. Bouraasa: Oui, c'est ça, il y a des contestations devant les tribunaux qui peuvent expliquer peut-être des amendements parce que, quand c'a été écrit, peut-être qu'il n'y avait pas de contestations. Maintenant, il y a des contestations devant les tribunaux, et c'est ce qui explique peut-être l'amendement qui a été apporté. C'est une question de juridiction qui est débattue entre les deux niveaux de juridiction, entre... Alors là...

M. Libman: Alors, ce n'est pas...

M. Bourassa: ...tout se comprend bien.

M. Libman: Ce n'est pas, M. le Président, simplement faire un appel à une décision. Quand on dit que les lois s'appliquent et que, quelques mois après, on dit que ces lois ne s'appliquent pas il y a une contradiction très claire.

M. Bourassa: II peut y avoir des contestations juridiques, le député est bien au courant, et que ces contestations-là permettent à HydroQuébec de ne pas se prononcer de la même façon, en attendant le résultat de la contestation.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Parizeau: M. le Président, je n'avais pas très bien compris la nature de l'arrangement que nous avions, de terminer à 18 h 30. Là, on vient de me l'expliquer, ce qui veut dire que, sur le plan de la gestion de l'économie, je n'ai que quelques instants. On me permettra peut-être de résumer à grands traits certaines choses que j'aurai peut-être l'occasion, - peut-être le premier ministre aussi, si ça se présente, - de reprendre à l'occasion du discours sur le budget.

Le Président (M. Dauphin): Allez-y, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Ce que j'aurais à dire, si nous avions eu le temps de le développer, revient à quelques idées. Je pense que, dès que la situation économique a commencé à se détériorer, un gouvernement qui était arrivé au pouvoir avec l'Idée de, comment dire, gouverner le moins possible, d'intervenir le moins possible dans le déroulement de l'économie a été pris de court.

Et on le voit à plusieurs signes, ce qui fait que, dans cette récession qu'on connaît, le gouvernement, à bien des égards, est comme neutralisé.

Et ça, je veux en parler. J'aurais aimé en parler davantage avec le premier ministre et devant le premier ministre, parce que, à un moment donné, ça devient une question de politique économique générale. Est-ce qu'on veut se servir d'un certain nombre de leviers pour faire redémarrer des choses ou repartir des choses, ou bien si on accepte simplement la situation? De la situation présente, je ne donnerai qu'un chiffre qui me préoccupe beaucoup. Depuis un an et demi, l'emploi dans l'industrie manufacturière au Québec a baissé de 20 %. Ça, manifestement, ce n'est pas simplement l'effet d'une récession. Il y a quelque chose qui se passe du côté de l'industrie manufacturière au Québec qui est plus grave qu'une simple récession. Ce n'est pas seulement l'impact d'une récession qui va durer un an ou un an et demi, avec un redressement. Il se passe quelque chose de sérieux.

Face à cela, le gouvernement a finalement d'abord très peu réagi sur le plan du financement des entreprises. Je rappelle que les plans de financement des entreprises qu'on a appelés Biron 1 et Biron 2 ont aidé financièrement, au cours de la récession de 1982, 1983 et des années qui ont suivi, plus de 2000 entreprises. Le gouvernement, à l'heure actuelle, se targue d'en avoir aidé 88. C'est ça, le score le plus récent; pas 2000, 88.

En même temps, sur le plan de la formation et de la qualification professionnelles dont les carences s'expliquent, pour une part, par le fait qu'on ait toujours un taux de chômage au Québec tellement plus élevé qu'ailleurs - la province voisine, par exemple, à laquelle on se réfère tout le temps... Ces programmes de formation ont pris depuis deux ans une dérive absolument inacceptable, dramatique. Je parle ici des participants à tous les programmes de formation et de qualification professionnelles au Québec, de tous les genres - on se comprend là? Depuis deux ans, on enregistre une diminution de 47 000 participants dans ces programmes-là, tout compris. Pour la dernière année seulement - je donne des chiffres - en formation générale et professionnelle à temps complet, 4000 de moins; en soutien à la formation à l'entreprise, 3000 de moins; en recyclage et perfectionnement, 21 000 de moins dans un an. On est en train de laisser tomber ces programmes dans une sorte de fouillis fédéral-provincial d'ailleurs assez remarquable que le ministre responsable dénonce lui-même.

Sur le plan de la recherche et du développement, qui a une telle importance sur le plan du dynamisme de l'économie, on reconnaît maintenant que, de tous les endroits industriels du monde, nous sommes l'endroit où il s'en fait le moins en pourcentage du PIB. Le Canada n'est

pas fort et on est juste un peu en dessous de la moyenne canadienne, et on se retrouve tous les deux en bas de la liste. Nous avions, pendant que nous étions au pouvoir, fait grimper la part des dépenses de recherche et développement dans le produit intérieur brut du Québec par rapport au produit intérieur brut du Québec systématiquement. Le virage technologique, ça a voulu dire quelque chose pour nous: 0,86 %, en 1979, je donne les années suivantes, 0,89 %, 0,98 %, 1,08 %, 1,05 %, 1,18 % en 1984 et 1,37 % en 1985. Le virage technologique, on l'a pris. Depuis ce temps, le gouvernement dérive lentement. Il n'a jamais atteint le niveau de 1985. Il n'est jamais revenu au niveau de 1985. En 1988, il était à 1,29 %. Qu'on ne vienne pas m'invoquer le contrat de Bell Telephone et de Northern Telecom, leur annonce de mettre 50 000 000 $ pendant cinq ans, ça va ajouter aux proportions que je viens d'indiquer. On sait combien; 0,05 %. Alors, même en ajoutant ça, le gouvernement ne revient même pas au niveau qu'on avait atteint en 1985.

M. Bourassa: Alors, je n'en parlerai pas. J'étais pour le faire, mais je ne le ferai pas.

M. Parizeau: Ce n'est pas que ce n'est pas bien, c'est que ce gouvernement s'est laissé dériver sur tous les leviers importants: financement des entreprises, formation professionnelle, recherche et développement, et ça, alors que s'est amorcée une recession au Québec dont on espère tous qu'elle va être terminée d'ici à la fin de l'année. Il y a là, sur le plan de la gestion gouvernementale des affaires, je pense, quelque chose qu'il faudra toujours dans l'avenir dénoncer comme une sorte d'irresponsabilité par rapport à notre époque et aux responsabilités élémentaires qu'un gouvernement doit avoir à l'égard de l'économie, du chômage, des travailleurs, de l'emploi. Voilà, pour rentrer dans le temps qui m'était imparti. Je m'arrête là. Que le premier ministre prenne la suite. (18 heures)

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je serai très bref. D'abord, je remercie le chef de l'Opposition d'accepter qu'on puisse terminer à 18 h 30. Je pense qu'on va parler des jeunes. Je pourrais lui répondre et faire un très long discours pour démolir point par point toutes ses affirmations. Mais il a le discours sur le budget après-demain. Nous avons retardé le discours en partie pour permettre au chef de l'Opposition d'être présent.

M. Parizeau: Non. Non. Non. J'ai appris par la suite que c'était réservé pour le 2 mai. Excusez! Ha, ha, ha!

M. Bourassa: M. le Président, on avait considéré - et je le dis en toute honnêteté au chef de l'Opposition - le 25 avril et le 2 mai, et j'ai demandé au ministre des Finances, étant donné que le chef de l'Opposition a fait valoir sa préférence pour le 2 mai, de retarder pour le 2 mai. Alors, ça, c'est la vérité telle qu'elle existe entre le ministre des Finances et le premier ministre.

Une voix: C'est noté.

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je pourrais énumérer toute une série d'industries, d'investissements, Bell, Northern Telecom, le milliard qu'ils ont annoncé pour les prochains 10 ans, on n'en pariera pas. On ne parlera pas de Sammi-Atlas avec 500 000 000 $, Canadair qui va annoncer la semaine prochaine le... Le chef de l'Opposition admettra qu'il y a quand même, dans l'économie québécoise, des points encourageants. Nous traversons tous, le Québec comme l'Ontario, comme l'Europe, comme les États-Unis, une mutation industrielle qui nous force à certaines adaptations. Et nous l'assumons comme gouvernement et j'espère que le chef de l'Opposition sera heureux des conclusions qu'en a tirées le gouvernement et le ministre des Finances lorsqu'il entendra le discours sur le budget jeudi prochain.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Shefford.

Situation de la jeunesse québécoise

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Nous allons maintenant parier d'une catégorie de la population qui mérite qu'on s'en occupe un peu plus, pour ne pas dire énormément plus, par rapport à cette formidable énergie que l'on est en train de gaspiller au Québec. Et ce que je veux dire, c'est la jeunesse québécoise. Je vais vous donner des chiffres qui sont des chiffrés officiels qui viennent autant du gouvernement du Québec que du gouvernement canadien. Il va falloir en tenir compte et là, ce n'est pas des ballons de l'Opposition, comme s'amuse à le dire de temps en temps le premier ministre, c'est la réalité vécue aujourd'hui par toute la population qu'on appelle notre jeunesse, donc les moins de 30 ans. Et ce que je veux dire quand je parie de la situation actuelle et que je la qualifie de, finalement, tragédie nationale, c'est quand on sait qu'au moment où on se parie dans les chiffres officiels, donc les données qu'on a qui datent du mois d'avril, mai, qui se rapportent au mois de mars, on s'aperçoit que chez les jeunes de moins de 30 ans, au moment où on se parie, le taux de chômage s'élève à tout près de 21 %,

20,9 %. Il y a plus d'un Québécois sur cinq de moins de 30 ans qui est sur l'assurance-chômage, au moment où on se parle, et ça ne tient pas compte - il faut bien être conscients de ça - de ceux qui sont sur le travail partagé. Je trouve qu'il y a là une tragédie incroyable par rapport à tout ce potentiel et cette capacité de nos jeunes et la volonté qu'ils ont de travailler.

Quand on sait aussi - et il faut en tenir compte - que depuis juin 1990 l'augmentation des personnes sur l'aide sociale est due en grande partie à notre jeunesse, puisque plus de la moitié, 51 % de ceux qui sont venus grossir les rangs de l'aide sociale, c'est des moins de 30 ans. Donc, Hs sont encore plus victimes que leurs aînés à ce niveau-là.

Là où il y a une situation qui est inacceptable, dramatique et qui mériterait des mesures immédiates, c'est le décrochage chez les jeunes dans les écoles. Et quand on regarde les chiffres, quand on regarde les affirmations qui viennent du ministre de l'Éducation lui-même, les chiffres varient entre 32 % et 40 % de décrochage dans les commissions scolaires. Et là, je parle de commissions scolaires, je ne parle pas d'études postsecondaires, je ne parle pas de cégeps, je ne parie pas d'universités. Je parle d'écoles secondaires, des gens qui ne finissent pas leur secondaire V. Et ça, tout le monde est bien conscient ici: Pour entrer dans une manufacture, pour aller sur une chaîne de production, quand on veut remplir des demandes d'emploi, ça prend à tout le moins un secondaire V. 40 % de notre jeunesse ne complète pas le secondaire V. Avez-vous pensé dans quelle sorte de société on est en train de se diriger? Ça, c'est de l'énergie. C'est la plus belle et la plus importante de notre énergie, c'est notre jeunesse. 40 % ne finissent pas le secondaire V. On est tous scandalisés, on est tous apeurés quand on regarde le taux d'aide sociale à l'heure actuelle qui varie entre, probablement, 10 % et 15 %. On dit que c'est inacceptable dans notre société, mais cette jeunesse qui est les adultes de demain, la relève, 40 %, on s'en va dans une société à 40 % assistée sociale et on reste là en ne prenant pas de mesures. Je dois vous dire, moi, que ça m'énerve. Ça m'apeu-re de penser que 40 % de nos jeunes s'en vont sur l'aide sociale d'une façon automatique parce qu'ils n'ont pas la clé d'entrée sur le marché du travail qui est le secondaire V. C'est la réalité confirmée au moment où on se parle. Les sans-abri à Montréal par dizaine de milliers. On parte de plus de 15 000, confirmé par les chiffres de Montréal sur sa politique d'habitation sociale, et qui fait que c'est de plus en plus des jeunes et de plus en plus, ce qu'on appelle, l'immigration québécoise, les jeunes qui quittent les régions pour essayer de s'en sortir à Montréal.

Et je conclus en montrant cette image qui est pessimiste, vous allez me dire non, qui, malheureusement est réaliste. Et si je l'amène, c'est qu'il faut être bien conscient de ça. Il faut se le dire parce que si on se cache la vérité, on ne réglera jamais les problèmes. Quand on sait qu'au moment où on se parle aussi, des chiffres amenés par la Commission des affaires sociales et par le réseau de la sani S et des services sociaux, des chiffres comptabilisés, on a le championnat mondial du suicide. Et, en plus, on doit malheureusement constater que maintenant la mortalité chez les jeunes est d'abord due au suicide. Ça vient de dépasser les accidents d'automobile. La première cause maintenant, c'est le suicide de notre jeunesse. Je dois vous dire que comme société on doit s'inquiéter, on doit maintenant agir et arrêter de se le cacher comme on fait souvent. Et je me rends compte que, dans d'autres interventions qu'on fait dans des commissions parlementaires, on nous dit: Ce n'est pas si grave, ce n'est pas si pire et on a des solutions. Je dois vous dire: Ça va en empirant et maintenant ce n'est même plus d'année en année, c'est de mois en mois où la situation devient catastrophique.

Par rapport à cette situation qui est tragique, j'aimerais ça que le premier ministre me dise ce qu'il envisage très rapidement. Quelles sont les mesures concrètes pour au moins guider notre jeunesse, la rassurer et lui donner un espoir? Qu'est-ce qu'on a, concrètement, à lui offrir présentement, alors qu'on est dans la période où on devrait être en mesure d'annoncer des bonnes nouvelles? Parce que tout au cours de l'année, dans nos interventions, ce qu'on fait, on dit: Attendez les crédits. Là, on se retrouve aux crédits où, normalement, les ministres responsables... Je dois vous dire, c'est l'ensemble des ministres et, comme vous en êtes le porte-parole, le premier ministre, à plus forte raison, c'est l'ensemble du gouvernement qui devrait être en mesure de nous dire dès maintenant, face à cette situation alarmante, tragique et catastrophique: Le gouvernement prend ses responsabilités et il est prêt à faire telle chose dans tel secteur.

Je vais vous dire, dans les autres commissions parlementaires où je suis allé, on n'a rien annoncé sinon des coupures. Qu'est-ce que vous, vous êtes prêt à nous dire? Qu'est-ce que vous êtes prêt à faire pour corriger cette situation? C'est tellement tragique, que ce soit le suicide chez les jeunes, que ce soit le chômage chez les jeunes, que ce soit finalement les jeunes sur l'aide sociale ou que ce soit le décrochage scolaire, que chacun de ces secteurs justifierait, je dois vous dire, une rencontre au sommet, une rencontre nationale, une Intervention magistrale. Malheureusement, on n'a rien d'aucun ministre. Est-ce que du ministre responsable qu'est le premier ministre, on peut s'attendre aujourd'hui à autre chose par rapport à cette situation que de nous dire que le député de Shefford est en train d'apeurer les gens et prend toutes sortes de données un peu partout en regroupant ça pour faire peur? Je ne les regroupe pas pour faire

peur et je n'ai rien gonflé. Ce que je prends, c'est des chiffres qui sont sortis, qui sont d'actualité et qui nous montrent l'image réelle. Par rapport à cette situation, qu'est-ce que vous pouvez nous annoncer comme mesure concrète aujourd'hui, M. le premier ministre?

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je n'ai pas accusé le député de Shefford d'apeurer -qui que ce soit. Je n'ai rien dit. Je pense bien que la préoccupation du gouvernement pour les jeunes est démontrée de plusieurs façons, notamment par le fait que le premier ministre tient à rester responsable du dossier des jeunes malgré le fait que les occupations dans diverses responsabilités ne manquent pas. Il faut quand même un peu corriger la perspective, sans vouloir le contredire et lui dire qu'il n'a pas raison de souligner cette situation, mais on donne des chiffres sur le taux de décrochage. En 1972, c'était 54 %, 48 % en 1976, 37 % en 1981 et 36 %, 35,7 % en 1989. Donc, c'est encore un niveau très élevé, mais par rapport à il y a une génération, il y a eu amélioration. La bataille de chiffres, je pense que le ministre de l'Éducation soulignait qu'en 1989, 74 % des jeunes Québécois ont obtenu un diplôme d'études secondaires par rapport à 73 % en Ontario, 75 % aux États-Unis, 37 % au Royaume-Uni. Donc, si on regarde ces chiffres sous cet angle-là, on doit constater que le travail se poursuit au Québec.

Je pourrais mentionner plusieurs gestes qui ont été posés par le gouvernement, les programmes qui existent, les Jeunes Promoteurs. J'ai toute une série de chiffres en date du 30 mars 1991. Il y a 4190 entrepreneurs qui ont été subventionnés et 6704 emplois qui ont été générés. Il y a le programme PRECEP, il y a le Placement étudiant. En 1990-1991, c'est la deuxième meilleure performance au Placement étudiant. L'abolition des certificats de la construction, la loi 119 - le député s'en souvient, je ne sais pas s'il était contre, il a voté contre - ça permettait d'éliminer la discrimination et d'ouvrir les portes des chantiers aux jeunes. Je veux dire, son indignation a été, paraît un petit peu bizarre quand il s'est opposé à ce qu'on ouvre les chantiers de construction aux jeunes. Il y a la hausse du salaire minimum qui avait été gelé durant plusieurs années. On sait que la hausse du salaire minimum profite surtout aux jeunes.

Or, le gouvernement poursuit son travail pour essayer de relancer l'économie et pouvant intéresser avec des programmes de subventions, avec des programmes qui existent déjà, des programmes d'attraction d'investissements. Durant les années soixante-dix, 42 % de ceux qui travaillaient sur les chantiers hydroélectriques ou à la Baie-James, plutôt, étaient des jeunes de moins de 30 ans. Donc, il y a là une possibilité d'emplois pour eux. Mais il reste qu'avec le programme Jeunes Promoteurs, le programme PRECEP et tous ces programmes-là, le gouvernement veut adopter des politiques de manière à diminuer le taux de chômage des jeunes et à diminuer le taux de décrochage même s'il y a eu une réduction importante depuis 20 ans.

M. Benoit: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. Vous voulez intervenir ou...

M. Benoit: ...je veux juste ajouter sur ce qu'a dit le premier ministre.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Orford et ensuite de ça, M. le député de Bertrand...

M. Benoit: Au niveau des programmes...

Le Président (M. Dauphin): ...vous avez d'autres questions aussi.

M. Benoit: Au niveau des programmes, il y a eu un certain nombre de programmes que je voudrais ajouter. Au niveau de l'agriculture, par exemple, établissement en agriculture, il y a eu plus de 1 100 000 $. Dans l'éducation, même à travers tout le débat qu'on a mené ou que vous avez mené, il y a eu en bout de ligne 47 000 000 $ de plus à la réforme de prêts et bourses en 1990. Alors, c'est la vraie vie, ça. Au niveau culturel, il y a eu un autre montant d'ajouté pour l'aide à la création chez les plus jeunes. Alors, il y a eu pas mal d'efforts. M. le premier ministre en a énuméré un certain nombre et j'ai ajouté un bon nombre d'autres programmes.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député d'Orford.

M. Bourassa: Juste un mot.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le premier ministre.

M. Bourassa: On me signalait le programme de relance que j'ai annoncé le 17 janvier qui avait pour but d'aider les PME et on sait qu'il y a un très grand nombre de jeunes qui travaillent dans les PME. Donc, on pourrait énumérer plusieurs mesures.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Shefford.

M. Paré: Au nom des jeunes du Québec qui sont si mal pris, M. le premier ministre, je ne peux pas faire autrement, au moment où on se

parle, de vous exprimer ma plus vive déception de vous entendre seulement essayer d'expliquer les programmes actuels et ce que vous avez fait, quand on connaît les résultats dramatiques. Et comme vouloir se dire comme société qu'on se résigne à une situation semblable, ça n'a pas de bon sens. Vous parlez des programmes. On peut en parler, des programmes. Vous êtes en train de me dire que les seules mesures que vous avez, c'est les mesures qu'on connaît déjà quand on sait qu'on a aboli le programme Bourse d'affaires aux nouveaux entrepreneurs. On en avait mis sur pied des programmes, nous. Et là, tout ce qu'on se contente de dire, malgré la crise actuelle: On abolit le programme Nouveaux Entrepreneurs. On abolit le programme Soutien à l'emploi scientifique et technique qui était pourtant utilisé à 75 % par des jeunes. On coupe dans le programme Jeunes Entrepreneurs. (18 h 15)

Vous allez me dire: Oui, mais... Vous m'avez donné des chiffres tantôt, on a aidé environ 4000 personnes, finalement, avec Jeunes Promoteurs. Combien en aurait-on aidé davantage si on n'avait pas décidé, comme gouvernement, en décembre 1990, de geler les demandes! Imaginez-vous! Non seulement on coupe dans les budgets, non seulement on en a moins qu'il y en a déjà eu, mais en plus on se permet, en cours d'année, de geler les demandes. Comment un gouvernement responsable peut-il geler des programmes qui sont de développement d'emploi? Je dois vous dire, moi, ça me scandalise. Et ensuite, on remet en question le programme Soutien aux initiatives jeunesse. Le seul lieu dans les régions, qui est capable de recevoir les jeunes et de les aider, qui profite au maximum du bénévolat des gens d'affaires du milieu qui bénévolement s'impliquent à l'étude des dossiers, à la reconnaissance des projet, qu'est-ce qu'on fait? Là, on est train de les faire siphonner par les commissariats industriels. Parce que comme on n'aide pas davantage et qu'on a gelé depuis des années l'aide aux commissariats, pour justifier plus d'argent, on va siphonner le programme d'aide... Ce n'est pas que j'en aie contre les commissariats industriels, sauf que les commissariats industriels ont déjà un rôle extraordinaire à jouer, de faire de la prospection à l'étranger, d'aider les entreprises en place et d'essayer de stimuler tous les secteurs: commercial, industriel et touristique. Pensez-vous que ces gens-là vont avoir la même préoccupation par rapport à une usine de 50 000 000 $ qu'ils doivent aller chercher, qu'au jeune qui va arriver avec une idée, qu'on doit aider comme un jeune qui arrive, avec une idée, mais pas nécessairement un projet tout monté? C'est un suivi qu'on doit faire par rapport à ces jeunes-là, avec des bénévoles. Et la, on s'en vient encore les menacer. On a déjà coupé et on leur dit que s'ils ne s'intègrent pas, on va les couper encore davantage. Les gens vivent finalement dans l'inquiétude depuis des années, de leur propre survie comme institution et comme groupe. Et on s'en vient nous dire aujourd'hui qu'on a mis en place des structures, qu'on a des programmes... Des programmes qui sont de moins en moins budgétés et qu'on doit aider davantage et non pas compromettre, parce qu'ils ont fait leur preuve.

En éducation - et c'est une question que je vais vous poser, M. le premier ministre - comme ministre responsable, au Conseil permanent de la jeunesse, vous avez fait une seule demande, un seul mandat que vous avez fait comme ministre responsable, dès 1988 - donc, ça fait trois ans - vous avez demandé au Conseil permanent de la jeunesse de se pencher sur un dossier qui est effectivement majeur. Parce que même au Forum pour l'emploi, c'était la première priorité. Et, c'est la première dont on parle toujours; et surtout en mondialisation de l'entreprise, maintenant, c'est la formation professionnelle. Vous avez demandé au Conseil permanent de vous faire un rapport, de se pencher sur la formation professionnelle. Effectivement, ils se sont penchés. C'est la seule demande que vous avez faite et vous l'avez demandé en 1988. Et finalement, ils sont arrivés avec un rapport qu'ils vous ont déposé en septembre 1990. Je ne sais pas si vous l'avez lu. Mais je sais une chose, c'est que vous ne lui avez pas donné de suivi. Et dans le rapport qui vous a été déposé, la clé de la formation professionnelle offerte en milieu scolaire, il y a une foule de recommandations super brillantes, intelligentes et, finalement, qui méritent d'être reconnues. Entre autres, qu'il y ait un comité ministériel temporaire à la formation professionnelle. On dit qu'il y avait insuffisance, donc qu'il y ait plus de bureaux de placement en milieu scolaire. Parce que là, il y a une lacune importante à corriger, spécialement quand on sait que le fédéral menace de se retirer de notre réseau d'enseignement supérieur, avec ses bureaux de placement.

Une chose qui est importante, qui est une recommandation: Instituer des centrales locales pour l'emploi et la formation, qu'on appelle les clef ce qui permettrait d'être plus efficace et d'être sur les milieux; de favoriser la persévérance scolaire en permettant la poursuite simultanée des cours de formation générale et professionnelle, fonctionnement selon un calendrier trimestriel; les programmes d'aide à la pension s'adres-sant aux jeunes contraints de quitter le domicile familial afin de poursuivre un programme de formation professionnelle. Des mesures concrètes par rapport à un document qui a été déposé par ces gens-là. On aurait pu espérer voir des suites là-dedans, au moins des commentaires, des accusés de réception venant au moins des ministres qui ont reçu ça, pour montrer que le Conseil permanent de la jeunesse qui a fait et qui continue à faire un travail extraordinaire, près des gens qu'ils connaissent bien, la jeunesse, ils se sont penchés, ils ont fait une

conférence de presse pour l'annoncer... Ils nous ont fait des recommandations. Quel suivi a-t-on eu - je dois vous dire - de toutes les mesures, de toutes les recommandations qui sont soumises? Je n'ai rien vu, rien vu qui ait été pris en considération et annoncé dans les mesures.

La seule mesure qu'on retrouve dans les crédits, au moment où on se parle, malgré les 40 % de décrochage scolaire, c'est une coupure de 100 000 000 $ dans l'enseignement primaire et secondaire au niveau des commissions scolaires. Comment est-ce qu'on va pouvoir arrêter le décrochage? Et comment va-t-on pouvoir s'occuper de formation au niveau du secondaire? J'aimerais le savoir.

Est-ce que vous avez lu le document, M. le premier ministre? Et quelle suite concrète allez-vous donner à ce qui est soumis dans ce rapport, qui était une commande personnelle que vous aviez faite au niveau de l'ex-comité?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: II y a plusieurs questions, c'est juste que là, le député donne un côté de la médaille, c'est le moins qu'on puisse dire. Les subventions aux organismes communautaires, il y a eu 64 % d'augmentation depuis cinq ans. En 1985-1986, il y avait 19 900 000 $ pour 362 organismes, et en 1990-1991, 32 800 000 $ pour 472 organismes. Je n'aime pas multiplier les chiffres, mais il faut quand même rétablir certains faits. Quant à l'avis sur la formation professionnelle, j'ai rencontré le nouveau directeur du Conseil permament de la jeunesse, et on a discuté - mais je dois revoir le conseil d'administration du Conseil permanent de la jeunesse dans les prochains jours - de certains objectifs de ce mémoire. Plus précisément, on a proposé d'abaisser les conditions d'admission au secteur professionnel du secondaire; d'avoir un calendrier scolaire basé sur les trimestres; l'amélioration de l'aide à la pension - on sait que les étudiants du secondaire ont une aide financière s'ils ont à étudier hors de leur lieu de résidence - relations études-travail; placement des étudiants, etc. Donc, c'est faux de dire que le gouvernement ne s'intéresse pas aux recommandations. J'ai vu le nouveau président, le nouveau directeur général et je les rencontre dans les prochains jours. Et on va discuter des conclusions de ce rapport sur la formation professionnelle.

M. Paré: Justement...

Le Président (M. Dauphin): Si vous permettez, M. le député, l'adjoint parlementaire du premier ministre voulait ajouter quelque chose. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, M. le député de Shefford mentionne que Nouveaux Entrepreneurs a été banni, effectivement, vous avez raison, le 31 mars 1990. Mais vous avez peut-être oublié de mentionner qu'il a été remplacé par le programme PRECEP qui est de beaucoup plus généreux. Comme vous le savez, l'autre programme avait un congé d'intérêts de deux ans, PRECEP a un congé d'intérêts de trois ans, qui peut être extensionné jusqu'à cinq ans. Alors, Nouveaux Entrepreneurs - et je veux juste situer les choses - oui, il a été arrêté, mais il a été remplacé par PRECEP qui est plus généreux.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Oui, c'est un peu regrettable que l'échange sur la situation économique entre le premier ministre et l'Opposition ait été relativement court, mais je pense que cette question de la problématique des jeunes s'inscrit dans le contexte économique général. Et à ce niveau-là, une des choses dont je me suis aperçu en essayant de répondre à des jeunes qui viennent me voir à mon bureau de comté, c'est qu'une grande partie, sinon la plus grande partie des programmes de relance économique du gouvernement du Québec, sous quelque titre que ce soit, non seulement du gouvernement actuel mais même des gouvernements passés, était orientée essentiellement vers l'industrie manufacturière et la production. Et il y a beaucoup de jeunes qui veulent se lancer en affaires, créer leur emploi, mais ça s'adonne que c'est dans le domaine des services. Et ma question est bien simple: J'aimerais savoir si le gouvernement a l'intention d'élargir les différents programmes de relance économique qui sont présentement en opération de façon à inclure davantage le secteur des services qui représente maintenant presque 30 % du produit intérieur brut du Québec. Il me semble qu'il y a une lacune importante à ce niveau-là qui n'a pas été corrigée. Alors, j'aimerais savoir, M. le premier ministre, quelles sont vos impressions à ce sujet-là?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Oui, il y a déjà des subventions; on me disait, je regardais un chiffre, je pense que 60 % du budget du ministère de l'Industrie, du Commerce est affecté à la question économique qui intéresse les jeunes, 20 000 000 $, c'est cela.

M. Beaulne: Oui, mais c'est que c'est toujours le secteur manufacturier, les gens arrivent...

M. Bourassa: Non, mais il y a des subventions aux corporations de développement écono-

mique qui peuvent favoriser le secteur des services pour les jeunes. Je pense qu'il y a de la flexibilité dans différents programmes, flexibilité qui permet de pouvoir tenir compte de la mutation industrielle à laquelle se référait le député tantôt. Et tout le monde sait que le secteur manufacturier se rétrécit et que le secteur des services s'agrandit au détriment du secteur manufacturier. Je pense que le gouvernement doit en tenir compte dans le niveau de subventions. Comme je le disais d'ailleurs tantôt au député, les mesures qui ont été annoncées pour les PME se trouvent à favoriser les jeunes puisque 50 % des jeunes travaillent dans des PME.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, par rapport au programme PECEC - parce qu'on le cite en exemple - je dois juste vous dire qu'il faut aussi regarder la réalité des choses. PECEC, qui était beaucoup plus généreux, a été remplacé par PRECEP et le budget de PECEC, en 1984-1985, était de 28 000 000 $. Et, au moment où on se parle, la balance de PECEC et le nouveau budget de PRECEP, il n'est même pas de 18 000 000 $, 10 000 000 $ de moins, alors qu'en 1991 on traverse une crise économique et qu'il y a 21 % de nos jeunes qui sont sur l'assurance-chômage.

Une dernière question parce que, malheureusement, le temps achève. C'est plus technique, mais je sais... Et moi, je vais offrir ma collaboration au nouveau Conseil permanent de la jeunesse, mais j'ai quand même des interrogations par rapport à ce qui s'est passé dans le renouvellement des jeunes au Conseil permanent de la jeunesse. Comment se fait-il - et je vais vous poser une question en deux ou trois volets - que des gens qui étaient éligibles pour être sur le Collège, en 1988, ne l'étaient plus, en 1990? Des gens qui étaient même sur l'ancien conseil et qui, en réappliquant, ne sont même pas retenus comme membres du Collège. Donc, eligible... C'est quoi, les critères, alors que c'est censé être les mêmes critères? J'aimerais ça savoir. J'aimerais aussi savoir comment il se fait que la nomination du président, que je salue et à qui j'offre ma collaboration... Mais sur le respect de la loi comme telle, comment se fait-il que la nomination s'est faite sans avis du Conseil, conformément à l'article 3 qui demande au premier ministre de consulter avant de faire la nomination? Moi, je pense que ce serait important. Et comment expliquer qu'il n'y ait pas eu de transition entre l'ancien conseil et le nouveau? Parce qu'il est assez spécial de renvoyer tous les gens quelques semaines avant de faire entrer te nouveau conseil, alors que, normalement, dans toutes les régies, institutions, sociétés d'État, la normalité veut qu'il y ait une transition entre les deux conseils. Je veux bien croire que l'ancien conseil a peut-être été très critique. Il a dénoncé, finalement, le dégel des frais de scolarité. Il a été contre la loi 37, il a été contre l'abolition de Nouveaux Entrepreneurs, il a été pour la souveraineté, il a été pour le plein-emploi alors qu'il ne se fait rien, y a dénoncé la politique en matière de formation professionnelle, il a fait son devoir. Mais comment se fait-il qu'il n'y a pas de transition et qu'au moment où les nouveaux arrivent, ils se retrouvent devant des bureaux vides? Est-ce que c'est un précédent? A-t-on déjà vu ça dans une autre institution d'État?

Le Président (M. Dauphin): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, il reste à peu près 75 secondes. On m'assure que la loi a été respectée, que tous les membres du Conseil ont été consultés, tel que stipulé par la loi. Ça a été fait par téléphone, probablement. Et je ne peux pas admettre les reproches du député de Shefford comme quoi le gouvernement n'aurait pas respecté la loi dans la nomination du nouveau directeur général. Chaque membre a été consulté. Alors, je ne demande pas des excuses au député parce que ça arrive à tout le monde de se tromper, surtout dans l'Opposition, mais je dois lui dire qu'il a été mal informé.

M. Paré: Est-ce que le premier ministre...

Le Président (M. Dauphin): Brièvement, M. le député.

M. Paré: ...considère qu'il y a une différence entre consulter chaque membre par téléphone et recevoir un avis en conformité avec l'article 3 de la loi qui vient du Conseil comme tel et non pas en consultant chacun individuellement, par téléphone?

M. Bourassa: Selon l'avis légal, on a été conformes à la loi. On commence à couper les cheveux en quatre, là, et d'aucune façon, je ne peux accepter que le gouvernement n'ait pas respecté la loi dans ce processus de nomination. Ceci étant dit, je remercie le député et son collègue de Bertrand pour leur participation assez isolée à cette question des jeunes. Je pense que le problème qui a été soulevé est très important, c'est l'un des plus aigus qu'a à affronter le gouvernement et l'ensemble de la société québécoise, et je peux l'assurer de la volonté la plus profonde du gouvernement pour assumer ses responsabilités à cet égard.

M. le Président, je veux vous remercier, de même que mes collègues, pour votre travail et votre patience. Ça fait trois heures et demie qu'on discute entre nous, mais je pense qu'on a contribué à l'avancement du bien commun, du moins, j'ose le présumer.

Adoption des crédits

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le premier ministre. Effectivement. Alors, au nom de tous les membres de la commission, nous vous remercions de vous être prêtés à cet exercice démocratique d'étude de crédits ainsi que les personnes qui vous ont accompagné et qui vous accompagnent toujours, votre chef de cabinet, secrétaire général, la personne qui s'occupe des jeunes et tout le monde. Nous remercions aussi le chef de l'Opposition qui était présent parmi nous tantôt, les autres députés, et les autres collègues. Et avant de se laisser, est-ce que les programmes 1 et 2 du ministère du Conseil exécutif sont adoptés?

M. Paré: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. Est-ce que l'ensemble des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif, pour l'année financière 1991-1992, sont adoptés?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Alors, la commission ayant accompli son mandat ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 31)

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