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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le lundi 25 avril 1994 - Vol. 33 N° 13

Étude des crédits du ministère de la Justice


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Table des matières

Discussion générale

Adoption des crédits

Adoption de l'ensemble des crédits


Intervenants
M. Robert LeSage, président
Mme Madeleine Bleau, présidente suppléante
M. Roger Lefebvre
M. Pierre Bélanger
Mme Jocelyne Caron
M. John J. Kehoe
*M. Michel Bouchard, ministère de la Justice
*Témoin interrogé par les membres de la commission
________________

Journal des débats


(Quinze heures huit minutes)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des institutions reprend ses travaux, et je déclare la séance ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission, qui est de poursuivre l'étude des crédits budgétaires concernant le ministère de la Justice, soit les programmes 1 à 9, pour l'année financière 1994-1995. Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brodeur (Shefford) remplace M. Fradet (Vimont); M. Lafrenière (Gatineau) remplace M. Gobé (LaFontaine); M. Philibert (Trois-Rivières) remplace M. Lemire (Saint-Maurice); M. Houde (Berthier) remplace M. Paradis (Matapédia); M. Poulin (Chauveau) remplace M. Parent (Sauvé); M. Maltais (Saguenay) remplace Mme Pelchat (Vachon); M. Williams (Nelligan) remplace M. Savoie (Abitibi-Est).

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la secrétaire. Si je comprends bien, il y a eu entente pour avoir des discussions et, par la suite, adopter les programmes dans l'ensemble?

M. Bélanger: C'est ça, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): C'est ça. Je rappelle également aux membres qu'une enveloppe de sept heures est prévue pour cette étude et qu'une première partie de deux heures ayant été utilisée le 21 avril il reste donc une période de cinq heures pour cette séance.

Alors, j'invite le porte-parole de l'Opposition officielle à bien vouloir poursuivre le questionnement et le cheminement de cette séance avec le ministre.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Ma collègue, la députée de Terrebonne, voudrait commencer cet échange en parlant avec le ministre du fameux dossier de l'aide juridique. Alors, je laisse la parole à ma collègue, la députée de Terrebonne.

(15 h 10)

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.


Discussion générale

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, on se rappellera que, jeudi dernier, le ministre de la Justice nous a dit à quel point, pour lui, le dossier de l'aide juridique était important, que c'était une priorité de son gouvernement. Il a même fait appel, en discutant avec mon collègue d'Anjou, au discours inaugural et au discours du premier ministre. J'ai relu très attentivement le discours inaugural et le discours du premier ministre, et je vous avoue qu'il n'y a pas, dans ces textes, d'assurance qu'il va y avoir des modifications au niveau de l'aide juridique. Il n'y a pas d'annonce, non plus, à ce sujet-là.

Compte tenu que le ministre nous a dit, en réponse à une question, qu'il poursuivait ses réflexions, mais qu'il comptait agir quand même dans un échéancier plutôt bref, j'aimerais qu'il nous fasse part aujourd'hui où en sont ses réflexions et de l'échéancier qu'il entend vraiment présenter pour modifier le système d'aide juridique au Québec, le modifier tant au niveau des seuils d'admissibilité que, aussi, sur les divers sujets qui ont été rappelés lors des audiences. Je pense particulièrement aux personnes handicapées qui avaient fait des demandes spécifiques qui n'étaient pas nécessairement en rapport avec les seuils. Plusieurs groupes sont venus faire certaines demandes spécifiques. Donc, première question: les intentions du ministre dans ce dossier-là.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.


Mise au point sur la perception des pensions alimentaires

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. J'aimerais, avant de répondre aux questions de Mme la députée de Terrebonne, corriger les commentaires que j'ai faits suite à une question de M. le député d'Anjou entourant le dossier des pensions alimentaires en regard de la loi 131. Quand, M. le député d'Anjou, vous avez indiqué que l'ex-ministre Rémillard aurait, semble-il, mentionné qu'il était d'accord pour participer, pour donner suite à votre suggestion d'une commission parlementaire sur les pensions alimentaires, moi, je vous ai indiqué que, selon les notes qu'on m'avait remises, ce n'était pas le cas. Mais vous aviez presque raison...

M. Bélanger: Bien, ce n'est pas pire!

M. Lefebvre: Presque raison.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Presque raison!

M. Lefebvre: M. le ministre Rémillard... Évidemment, je n'étais pas présent à ce moment-là, mais j'ai ici le «transcript» de son commentaire en regard de cette question-là, qui se lit de la façon suivante: Mais, moi, je veux bien, M. le Président, que les parlementaires puissent étudier ce système, qu'on demande aux gens du ministère de la Justice, qu'on demande aux percepteurs, qu'on demande à tous les gens compétents de venir s'asseoir à la commission parlementaire et de répondre aux questions des parlementaires, qu'on fasse le point, qu'on étudie le système de l'Ontario, qu'on fasse le point et qu'on demande aux gens de l'Ontario...

Alors, je veux, dès le début de nos travaux d'aujourd'hui, corriger ce que j'ai dit. Il y avait une espèce d'acquiescement à la suggestion. Cependant, vous avez vous-même, M. le député d'Anjou, par vos propres commentaires, presque tiré la conclusion que ça devient beaucoup moins pertinent, étant donné que vous avez répété à quelques reprises, jeudi – et vous vous en souviendrez – que ce n'est pas le système ontarien que vous prenez comme modèle, que, plutôt, ce que vous aimeriez vérifier, c'est quelle serait la conséquence positive s'il y avait perception à la source du jugement. Mais vous avez, à plusieurs reprises, indiqué que ce n'était pas nécessairement le système ontarien.

Comme le questionnement entre vous et M. le ministre Rémillard portait sur le système ontarien, face, je pense, au questionnement que vous vous êtes vous-même fait et aux réponses que je vous ai données, à vous et à Mme la députée de Terrebonne, sur les résultats que donnait le système ontarien, j'ai cru comprendre un certain cheminement de votre côté depuis quelques semaines, à savoir que ce qui vous apparaissait évident, il y a quelques mois, quant à la performance du système ontarien, c'était moins vrai aujourd'hui, surtout lorsque vous réalisez, et vous n'avez pas pu me contredire là-dessus, qu'il y a à peine 25 % des débiteurs qui paient leurs pensions alimentaires en Ontario, malgré, supposément, un régime ou un système qui semblait être presque la solution rêvée.

Alors, puisque vous ne voulez plus invoquer le système ontarien comme étant la solution, ce avec quoi je suis d'accord, ma réponse tient toujours, celle que je vous donnais jeudi, que, quant à moi, et malgré le propos de M. le ministre Rémillard à l'époque, il ne m'apparaît pas pertinent qu'on questionne de façon plus approfondie le régime ontarien et sûrement pas à l'occasion d'une commission parlementaire où je pense qu'on perdrait peut-être plus de temps qu'autrement, alors qu'on peut questionner le système et qu'on peut avoir tous les renseignements nécessaires. Les questions pertinentes que vous posez, même, moi, je les pose, ces questions-là. J'ai demandé qu'on me fournisse toute l'information quant à ce qui se passe là-bas, en Ontario, et ces renseignements-là sont disponibles autrement que par le biais d'une commission parlementaire.

Il reste que ce que je voulais souligner aujourd'hui, c'est que, effectivement, vous aviez presque raison: M. Rémillard avait indiqué, à l'époque, qu'il n'était pas, quant à lui, rébarbatif à l'idée d'une commission parlementaire. Il avait même indiqué qu'il serait lui-même disposé à être présent.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Alors, M. le Président, je suis heureux de constater que j'avais presque raison. Je voudrais simplement rassurer le ministre quant à mon cheminement. Il est à peu près identique au sien, c'est à dire que je n'ai pas bougé. Je vais revenir un peu plus loin sur ce dossier-là, qui est important. Je pense que le ministre le constate, lui aussi, et l'a constaté à maintes reprises. Alors, nous reviendrons là-dessus. Je suis heureux des précisions apportées par le ministre. Merci.

M. Lefebvre: Merci, M. le député d'Anjou. Le dossier de l'aide juridique.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre, à la question de la députée de Terrebonne.


Aide juridique

M. Lefebvre: Oui. Le dossier de l'aide juridique. M. le Président, c'est évidemment un dossier, au moment où on se parle, qui est en tête de liste quant aux préoccupations du ministre de la Justice, pour des raisons que vous pouvez facilement imaginer; la même chose pour tous les parlementaires de l'Assemblée nationale et particulièrement ceux qui font partie de la commission des institutions.

La commission parlementaire de consultation des 50 et quelques organismes qui ont soumis des mémoires et qui sont venus les défendre devant notre commission s'est terminée il y a à peine trois semaines, plus ou moins trois semaines. Il faut se souvenir qu'on en parle depuis un sacré bout de temps d'actualiser le régime d'aide juridique, de vérifier où on en est à l'aide juridique. Je lisais encore des notes, en fin de semaine, où on m'indiquait que, même sous l'ancien gouvernement, entre les années 1982...

Il a fallu questionner le régime lorsque l'ancien gouvernement a décidé – moi, je ne discute pas la décision du gouvernement; c'est factuel, mon commentaire – d'enlever à la Commission des services juridiques son pouvoir d'indexer les seuils d'admissibilité. C'est qu'à l'époque, le ministre de la Justice du temps, M. Bédard, et ses collègues avaient questionné le régime, l'avaient réévalué puisqu'on en était venu à la conclusion qu'il ne fallait plus indexer de façon automatique, ou presque, les seuils d'admissibilité. Donc, en 1982 et en 1983, on s'est questionné sur ce que valait le régime à l'époque.

Depuis 1985, il y a eu un exercice, quant à moi, pas mal complet, en commençant par le rapport Macdonald avec le Sommet de la Justice, en 1990 et 1992. Mars 1994, c'est l'aboutissement de tout ce cheminement-là, à savoir: consulter les plus intéressés, évidemment, les bénéficiaires eux-mêmes, les justiciables, les intervenants. Cette dernière étape est complétée.

(15 h 20)

Il nous reste maintenant, du côté du gouvernement, à indiquer quels sont les résultats de toute cette réflexion dans laquelle on a été des acteurs extrêmement engagés et pas mal actifs, parce que la réflexion, c'est le gouvernement du Québec qui l'a provoquée. Je me répète, il faut faire des choses. J'ai souvent dit, et c'est tellement évident, qu'il y a unanimité quant au rehaussement des seuils. C'est, pour le moment, ce qui, dans ma tête, est le plus clair.

Je veux tout de suite répondre au premier commentaire de Mme la députée de Terrebonne, à savoir que le premier ministre, dans son discours inaugural, n'a pas spécifiquement traité de l'aide juridique. Vous avez raison, sauf que le commentaire de M. le premier ministre quant à toute sa vision de ce qu'on doit faire pour soutenir la famille, pour contrer la violence faite aux jeunes, faite aux femmes, faite aux aînés, la violence conjugale, c'est tout ce commentaire global du premier ministre qui me permet de vous dire que M. le premier ministre est, je pense et j'en suis convaincu, sympathique à la démarche qui a été faite à date au niveau de l'aide juridique.

J'ai souvent dit, également, Mme la députée de Terrebonne et M. le député d'Anjou, qu'avant de parler de la perception des pensions alimentaires encore faut-il qu'on donne au créancier – maintenant, c'est devenu familier de dire immédiatement à la créancière car 98 % des créanciers sont des créancières – à nos créancières potentielles, à nos mères de famille ou ex-conjointes, la possibilité d'obtenir un jugement. La possibilité d'obtenir un jugement, c'est de pouvoir se présenter devant le tribunal; sinon, par une entente à l'amiable avec l'ex-conjoint, mais l'assistance de l'avocat est fondamentale. Avant la perception de la pension alimentaire, avant l'exécution du jugement, il faut pouvoir aller chercher ce jugement-là.

C'est dans ce sens-là que l'aide juridique, quant à moi – et vous le savez, Mme la députée de Terrebonne et M. le député d'Anjou – est particulièrement importante dans le secteur du droit familial. Alors, oui à la perception de la pension, mais il faut également pouvoir donner aux femmes la capacité d'aller chercher devant le tribunal, si nécessaire, les décisions, les jugements qui leur permettront d'obtenir, à tout le moins sur papier, une pension alimentaire. Il restera, subséquemment, à percevoir cette pension alimentaire là. Alors, dans ce sens-là, le discours du premier ministre soutient mon intention, à moi, de modifier, d'améliorer le régime d'aide juridique. Je m'arrête là-dessus quant à mes intentions. Ce qui est clair dans mon esprit, pour le moment, c'est le rehaussement des seuils d'admissibilité.

Il y a certains services donnés à l'aide juridique, au moment où on se parle – et je rappelle ce que j'ai dit à plusieurs reprises, que la couverture des services donnés à l'aide juridique du Québec est la plus généreuse, partout au Canada – qui sont, quant à moi et également quant à plein... Pas plein d'intervenants, mais plusieurs intervenants sont venus nous indiquer en commission parlementaire qu'il y avait un questionnement légitime sur certains services présentement couverts par l'aide juridique. Alors, je me questionne là-dessus. Souvenez-vous, Mme la députée de Terrebonne, que beaucoup d'intervenants ont pointé la mécanique du paiement des honoraires aux professionnels impliqués dans le régime, évidemment, aux avocats. On a également abondamment discuté des honoraires payés aux experts.

Les échéanciers. Écoutez, ça fait trois semaines, à peine, qu'on est sortis de la commission. Mon objectif, c'est d'être capable de faire des choses ce printemps-ci. Je ne serai pas plus précis que ce que je vous dis là: au printemps 1994. Le printemps 1994, ça se termine le 21 juin. Alors, on va faire l'impossible pour... C'est l'intention du ministre, après avoir, évidemment, discuté avec mes collègues du Conseil des ministres, de proposer – soit par voie réglementaire ou par voie de législation, dépendamment des interventions – des modifications au régime d'aide juridique, en tenant compte toujours de la contrainte qui est incontournable: la situation des finances publiques.

Je dois faire un exercice rationnel et objectif; ça, ça ne se fait pas en deux, trois semaines. Je ne veux pas, non plus, déposer une proposition qui s'avérerait être farfelue, dans un sens ou dans l'autre. Alors, c'est ça. Je suis rendu là, Mme la députée de Terrebonne.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je ne peux pas vous dire que ça me rassure, parce qu'on est toujours rendu au même point. En fait, même si...

M. Lefebvre: Tant et aussi longtemps que ma réflexion n'est pas terminée, moi, je ne parle pas. J'ai été habitué de même.

Mme Caron: Même si...

M. Lefebvre: Quand je suis en réflexion, je suis en réflexion, moi. Ça, c'est le propre de quelqu'un ou de quelqu'une qui est intelligent. Quand je suis en réflexion, je ne parle pas.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre, si vous permettez, nous allons laisser...

M. Lefebvre: Oui.

Le Président (M. LeSage): ...la députée de Terrebonne s'exprimer.

M. Lefebvre: Je pensais que c'était une question.

Le Président (M. LeSage): Et je rappelle à tous les membres de la commission...

M. Lefebvre: Je m'excuse, Mme la députée de Terrebonne, je pensais que c'était une question.

Le Président (M. LeSage): À l'avenir, je préférerais que vous vous adressiez au président ou par l'entremise du président pour adresser la parole à quelque membre de cette commission.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Terrebonne.


Hausse des seuils d'admissibilité

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je m'inquiète encore plus, parce que, si on ne fait même plus la différence entre les commentaires et les questions, je m'inquiète pour les réflexions. Alors, M. le Président, vous savez très bien que cette réflexion-là, de nous dire qu'après avoir entendu tout ce qu'on a entendu, de nous ramener ce qu'on a entendu, qui venait répéter le rapport Macdonald, répéter le Sommet de la Justice, qu'il y a unanimité sur le rehaussement des seuils... Là, c'est ce qu'on me dit depuis des années. Donc, on est au même point.

Le ministre nous dit qu'il y a espoir parce qu'on a parlé un peu de la famille dans le discours inaugural et dans le discours du premier ministre. Moi, je veux bien qu'on relie tout au thème de la famille, parce que c'est l'Année internationale de la famille, sauf qu'il y a des points particuliers dans le discours, qui ont été abordés, qui touchaient d'autres points bien spécifiques. Par exemple, les services de santé ou l'appareil gouvernemental, l'économie, l'emploi, les finances publiques. Mais, ce point spécifique, on n'en a pas parlé. Donc, ça m'inquiète.

Ça m'inquiète d'autant plus que votre prédécesseur, M. le ministre, lorsqu'il a fait des demandes pour pouvoir hausser ces seuils, il s'est toujours vu refuser ses demandes par l'ex-président du Conseil du trésor, qui est aujourd'hui le premier ministre. Donc, on peut s'inquiéter d'obtenir ces montants-là pour pouvoir rehausser les seuils, d'autant plus que, quand on regarde les crédits, il n'y a pas d'augmentation pour monter les seuils d'admissibilité. C'est une baisse, M. le Président. Alors, c'est évident que je ne requestionnerai pas sur l'échéancier, parce que j'ai ma réponse: il n'y en a pas vraiment, à l'heure actuelle.

La baisse que l'on voit, est-ce qu'elle est attribuable à l'application de la loi 198? On se rappellera, M. le Président, que, lorsque nous avons commencé les audiences, j'ai déposé une demande qui avait été faite par la Commission des services juridiques pour exempter, en vertu de l'article 7, la Commission des services juridiques d'une réduction de personnel. On avait vraiment l'impression, par les documents qu'on avait en main, qu'il n'y aurait pas d'exemption. Le ministre, à ce moment-là, nous a dit que la décision n'était toujours pas prise. Lorsqu'on a regardé les crédits, on a vu qu'il y avait une diminution – on est passé de 110 116 200 $ à 107 628 100 $. Donc, il y a eu une réduction.

Est-ce que le ministre peut nous dire, aujourd'hui, précisément, si l'exemption pour le personnel de la Commission des services juridiques est accordée, oui ou non? Si on n'a pas de réponse au moment où on se parle, est-ce qu'on peut avoir une date précise quand les décisions devraient être rendues? Il faut se rappeler, quand même, qu'en 1992-1993 il y avait déjà eu réduction de personnel, parce qu'il y avait eu des coupures, à ce moment-là, de 10 000 000 $. Donc, est-ce que le ministre a déjà en main la réponse? Est-ce que la Commission des services juridiques est exemptée, au niveau des réductions de personnel, de la loi 198? Si vous n'avez toujours pas de réponse, quand pensez-vous avoir une réponse?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: M. le Président, merci. Vous savez, M. le Président, que l'Opposition soit rassurée ou pas, ça... Oui, l'Opposition a un rôle à jouer, c'est évident. Peu importe qui forme l'Opposition officielle, c'est un rôle fondamental dans un Parlement comme le nôtre, mais ce n'est pas pour l'Opposition que je suis en réflexion. Puis, ce n'est pas pour l'Opposition qu'on a fait cette consultation de 1990, 1992, et une commission parlementaire qui a duré trois semaines. On ne fait pas ça pour l'Opposition. Vous êtes des acteurs extrêmement importants. Alors, la réflexion doit se faire des deux côtés: du côté du pouvoir, puis du côté de l'Opposition. Ce n'est pas Mme la députée de Terrebonne que je veux rassurer; c'est les bénéficiaires, ceux qui sont impliqués dans le régime d'aide juridique. C'est surtout ceux-là et celles-là qui ont besoin d'éclairage. C'est avec ceux-là et celles-là qu'on a discuté pendant des semaines.

(15 h 30)

Rassurer l'Opposition? Bravo, si j'y arrive, mais ce n'est pas la priorité no 1 du ministre de rassurer l'Opposition, Mme la députée de Terrebonne. Je veux que ça soit clair. Ça ne veut pas dire que votre questionnement n'est pas légitime. Puis, ça ne veut pas dire que vous n'avez pas un rôle important à jouer, l'Opposition officielle. Mais je suis préoccupé beaucoup plus par ce que j'ai entendu ici, pendant trois semaines. Pour réaliser que les seuils d'admissibilité à l'aide juridique n'ont pas bougé depuis une dizaine d'années, je n'avais pas à me le faire rappeler par Mme la députée de Terrebonne ou M. le député d'Anjou. Il m'apparaît évident qu'il faut bouger de ce côté-là.

Vous savez, Mme la députée de Terrebonne, en 1982, quand vous avez décidé d'abolir le principe de l'indexation automatique, en l'enlevant à la Commission des services juridiques, en le ramenant au gouvernement, si vous aviez consulté, à l'époque... Si le prédécesseur de mon prédécesseur avait consulté les intervenants, s'il avait pris six, sept mois, un an, deux ans, avant de poser ce geste-là qui a été, quant à moi, quelque chose d'extrêmement néfaste, dont on subit la conséquence, encore aujourd'hui...

Vous me direz: Vous aviez neuf ans. C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai, mais ce n'est pas une première. Vous savez, lorsqu'on enlève à un organisme comme la Commission des services juridiques un droit qu'elle avait, puis qu'on le ramène au gouvernement, revenir en arrière une deuxième fois, ça devient extrêmement complexe, à tout points de vue, même au point de vue strictement politique.

C'est un geste politique que vous aviez posé à l'époque, un geste purement politique que vous aviez posé en 1982. Si vous aviez consulté, je ne suis pas certain que ça aurait été fait. Ça s'est fait un peu à la sauvette. Alors, nous autres, on a décidé, de notre côté, d'inviter tous ceux et celles qui sont concernés par ce dossier extrêmement important dans la vie des Québécois et des Québécoises, puis ça a été fait au vu et au su de tous ceux qui sont concernés.

Si vous aviez consulté en 1982, je suis convaincu qu'on vous aurait dit, de façon unanime... Si vous aviez consulté, en 1982, les intervenants, l'article 62 de la Loi sur l'aide juridique n'aurait sûrement pas été modifié pour permettre de percevoir des frais d'ouverture de dossier. Je suis convaincu que, si vous aviez consulté à l'époque, vous n'auriez pas fait ça. Vous l'avez fait. Cette disposition-là existe encore dans la loi. Vous avez donné à tous les ministres, à partir de 1982, le pouvoir d'imposer des frais d'ouverture de dossier. Vous êtes très mal placés pour donner des leçons à ceux qui ont suivi. En 1982, sans aucune consultation, vous avez enlevé le principe de l'indexation automatique qui appartenait à la Commission. Vous avez introduit dans la loi, ce qui existe encore, la possibilité de percevoir des frais d'ouverture de dossier. Sans consultation ni pour l'une ni pour l'autre de ces deux décisions-là. Alors, moi, vous savez, la transparence, vous êtes mal placés pour nous faire des leçons de ce côté-là.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de...

M. Lefebvre: Les crédits, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Oui, M. le ministre.

M. Lefebvre: Si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. LeSage): Oui.

M. Lefebvre: ...j'ai eu l'occasion, à la période des questions, d'expliquer la différence entre les crédits 1993-1994 et 1994-1995. C'est vrai qu'il y a un écart de plus ou moins 2 500 000 $, 2 488 000 $, dont une partie est la conséquence de l'application de la loi 198. Je dis tout de suite à Mme la députée de Terrebonne que la décision est toujours pendante au Trésor. Donc, il n'y a pas, au niveau du dossier, de changement à ce niveau-là. Il y a une autre ponction, de 1 498 000 $, qui est la conséquence de l'application de l'article 52. Alors, c'est le volume de dossiers qui est affecté ou qui se retrouve en pratique privée plutôt qu'au niveau des permanents de l'aide juridique. Vous le savez, Mme la députée de Terrebonne, que cette différence de 1 400 000 $... C'est ça qui est fondamental, quant à moi. Je suis convaincu que vous allez être d'accord avec moi. Ce qui est fondamental, c'est qu'il n'y ait pas de réduction de services, ni, non plus, de modifications quant au régime comme tel.

Si, par hypothèse, on adoptait les crédits tels quels demain matin, sans correction subséquente, soit lors du budget qui viendra dans les prochaines semaines, soit par une autre... Supposons qu'il n'y aurait aucune autre intervention pour corriger les crédits, les services d'aide juridique pour la clientèle seraient exactement les mêmes que ceux qui ont été donnés au cours de la dernière année qui s'est terminée le 1er avril. Il n'y aurait aucun changement, parce qu'on ne peut pas, au début de l'exercice financier, évaluer de façon précise ce qui sera donné comme services d'aide juridique par des avocats de pratique privée. Ça, ça a un impact. Si les services sont donnés par un permanent de l'aide juridique plutôt que par un avocat de pratique privée, les coûts ne sont pas les mêmes. Alors, il y a une mécanique qui permet, à la fin de l'exercice financier, de réajuster tout ça. Autrement dit, j'essaie de vous convaincre que, dans le budget, même s'il y a une différence de 2,4 % – donc, plus ou moins 1 000 000 $ – qui est la conséquence de 198 pour le moment, quant au reste, les services à la clientèle ne sont pas affectés par la diminution de 1 400 000 $.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Oui, M. le Président. J'aimerais beaucoup, lors du prochain budget, qu'on puisse rassurer la population en ce qui a trait à l'aide juridique. Les députés de l'Opposition qui sont ici ne sont pas les seuls qui ont, depuis, je dirais, plusieurs mois, demandé un rehaussement de l'admissibilité. Pour une, et j'en connais plusieurs autres, j'en ai fait part au premier ministre, j'en ai parlé avec le ministre de la Justice. Je l'ai apporté au caucus à une couple de reprises. Je suis d'accord avec le ministre qu'avant de faire la perception des pensions alimentaires, le plus important, c'est que nos femmes puissent se présenter devant la cour et obtenir une pension alimentaire. Ce qui n'est pas le cas en ce moment, parce que j'en ai des exemples flagrants dans mon bureau.

(15 h 40)

Mais il n'y a pas seulement les pensions alimentaires. Il y a des gens qui viennent nous voir et qui sont poursuivis en justice, soit pour le code de la route ou dans des dossiers au fédéral sur l'assurance-chômage, qui ne peuvent pas arriver à se défendre parce qu'ils n'ont pas les moyens de se payer un avocat. Alors, moi, je souhaite vraiment que nous puissions donner des bonnes nouvelles à notre population lors du prochain budget, et je fais confiance au ministre à ce sujet-là. Les personnes avec des petits budgets, qui travaillent au salaire minimum, entre autres, ne peuvent pas se payer un avocat en ce moment. Elles sont obligées d'aller à l'aide juridique et elles n'y ont pas droit, même avec un petit salaire de base. Alors, je souhaite grandement que nous puissions obtenir cette augmentation lors du prochain budget. Je vous fais confiance, M. le ministre.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la députée de Groulx. M. le député de Chapleau, vous vouliez intervenir sur le même sujet, également?

M. Kehoe: Sur le même sujet.

Le Président (M. LeSage): Allez-y.

M. Kehoe: Oui, M. le Président. La députée de Terrebonne dit qu'elle est inquiète de l'opinion que le ministre de la Justice vient juste d'évoquer, de mentionner, à l'effet que les études sont terminées, que c'est le temps de passer à l'action, qu'il va procéder dans un échéancier assez court. Je me souviens, quand il a été nommé, le 11 janvier dernier, c'était un dossier prioritaire de son prédécesseur, M. Gil Rémillard. Je me souviens – à ce moment-là, j'étais adjoint parlementaire – durant des mois, puis des mois avant ça, combien de temps il a passé sur ce dossier-là. Quand le ministre actuel est venu, au mois de janvier, il n'a pas retardé. Les dates étaient déjà fixées. Oui, oui, justement. Mais il aurait pu retarder l'audition par la commission pour savoir...

Je sais que ça a été retardé pour quelques mois, mais il fallait bien lui donner le temps: le nouveau président de la Commission des services juridiques, il venait en place. Il est entré en place, si je ne me trompe pas, le 1er mars. Ça a commencé le 1er mars, les auditions. Il n'y a pas eu de retard. Si le ministre actuel n'avait pas eu l'intention de procéder avec beaucoup de priorité, justement, à la réforme de la législation, il avait une opportunité en or de dire: Bien, le nouveau président de la Commission vient juste d'entrer; moi, je viens juste d'entrer en fonction, on va retarder l'affaire. Au contraire, il y a eu 50 et quelques organismes qui sont venus. Ils ont donné toutes sortes de points de vue. Mais celui qui est ressorti le plus, ça a toujours été de monter les seuils d'admissibilité.

Mais il y a une chose qui est certaine: l'aide juridique a besoin d'une réorganisation complète. Il n'y a pas seulement les seuils d'admissibilité. C'est sûr, c'est un des facteurs les plus importants. Si le ministre donnait suite aux demandes de la plupart des organismes qui ont comparu devant la commission, puis qu'il augmentait les seuils.... Chacun, à tour de rôle... On était tous ici, on les a entendus, on a lu leurs mémoires. Pour tous et chacun, c'était justement ça: Il faut les monter. C'est un vrai scandale; ça n'a pas été monté depuis 1972. Il n'y a pas eu d'indexation. Ce n'est plus indexé depuis 1982 et ainsi de suite. Mais, moi, je dis, définitivement, que ce n'est pas là le problème.

Aujourd'hui, dans notre société, les plus démunis, puis les personnes riches sont capables d'avoir accès à la justice. C'est les personnes entre les deux. C'est justement là ce qu'il faut cibler. Fondamentalement, c'est le problème, le gros problème. C'est un problème d'une complexité extraordinaire, hein? Pour tous les intervenants qui ont comparu devant nous, y compris le Barreau, un des groupements les plus intéressés, il n'y a pas de consensus. Il y a des positions différentes qui sont adoptées par presque tous les intervenants qui ont comparu devant la commission. Comme le ministre a dit, et c'est tellement vrai, il faut composer avec l'actualité, avec la situation économique du gouvernement, plus spécifiquement le ministre de la Justice, qui est pris avec un budget. Le budget de l'aide juridique a continuellement monté, jusqu'à un montant d'environ 110 000 000 $ l'année passée. Ça a baissé un peu cette année. Le ministre vient juste de donner l'explication.

Tout ça pour dire que je me demande ce que le ministre actuel aurait pu faire de plus. Il a obtenu l'audition. Il a donné sa parole qu'il va procéder à la législation. Actuellement, il est à faire l'analyse complète de la situation suite à la consultation. Il y aura une législation d'ici le printemps, d'ici le 21 juin. S'il nous avait dit: Ce sera après les élections ou Dieu sait quand, aux calendes grecques... Mais ce n'est pas ça, il va procéder. Je me demande ce que la députée de Terrebonne peut demander de plus. Le problème est tellement complexe, tellement difficile, parce qu'il faut trouver, dans le système lui-même, les moyens de financer la réorganisation. Hausser les seuils d'admissibilité seulement, ce n'est pas la solution.

C'est sûr que le Barreau a présenté différentes méthodes, différentes manières, différentes approches. Les autres organismes ont fait de même. Il reste au ministre à prendre toutes ces suggestions, toutes ces approches et à faire en sorte avec le budget qu'on a... Le Conseil du trésor alloue un certain montant. Ça n'a pas augmenté, cette année, c'est bien sûr. Donc, dire que c'est seulement avec les seuils d'admissibilité qu'on va avoir un meilleur système, je ne pense pas.

Je pense que le système d'aide juridique que nous avons au Québec, actuellement, c'est un des meilleurs au Canada, s'il n'est pas le meilleur. C'est, en effet, la plus grande couverture. Donc, on n'a pas honte de notre système. C'est sûr qu'il faut que ce soit revu, réorganisé et réorienté. Justement, c'est ça, j'en suis sûr, que le prédécesseur de M. le ministre actuel a déjà amorcé. Le ministre actuel vient juste de confirmer que ça va être complété d'ici le 21 juin. Ça, c'est absolument nécessaire. Toute la communauté légale, tous les bénéficiaires s'entendent sur ça. Je suis sûr que ça va être fait. Le budget s'en vient incessamment. Par la suite, j'en suis sûr, on va légiférer dans ce domaine. Merci, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Chapleau. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. C'est peut-être bon de rappeler que, lorsqu'on questionne, on ne questionne jamais pour soi. On questionne pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes qui sont en attente de décisions. Je pense que la députée de Groulx l'a bien exprimé.

Pourquoi on doute? Eh bien, je pense que c'est exactement ce que le député de Chapleau a dit. C'est pour cette raison-là. Parce que, durant des mois et des mois et des mois, le prédécesseur du ministre de la Justice a justement tenté d'obtenir des crédits pour modifier le système et il n'a pas réussi. À chaque fois, il s'est retrouvé devant une fin de non-recevoir. L'année dernière, à la même période, on se posait les mêmes questions. L'ex-ministre s'était engagé à ce qu'on ait des audiences publiques avant la fin de la session. Ensuite, on s'est dit: Pour l'automne ou pour le mois de septembre. Puis, le mois de septembre est arrivé et on a reporté les audiences au mois de janvier.

M. Kehoe: Ce n'est pas de sa faute.

Mme Caron: Je veux bien que ce ne soit pas de sa faute, mais on les a reportées!

M. Kehoe: Le Barreau n'était pas prêt.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Chapleau, je vous rappelle que vous avez eu votre temps de parole.

Mme Caron: On est arrivé au mois de janvier. Là, on les a reportées, parce qu'il y avait eu un changement de ministre. Nous, ce qu'on dit, de ce côté-ci, dans ce dossier-là, c'est: Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas des actions précises devant nous, vous comprendrez qu'on va faire exactement comme la population. On va se dire que ce dossier-là, ça ne bougera pas pour le moment.


Révision des décisions

M. le Président, je m'étais entendue avec mon collègue pour pouvoir quand même ne pas prendre tout son temps sur ces différents dossiers. Donc, une dernière question. Au niveau du système de révision de l'aide juridique, toujours, le ministre va sûrement recevoir – ça a été envoyé le 21 avril – une lettre d'une de mes collègues, la députée des Chutes-de-la-Chaudière, qui présente le problème autant des seuils que des demandes de révision à partir d'un dossier particulier. On donne comme exemple une dame qui a déposé le 31 mars une demande de révision à la Commission des services juridiques. Elle se fait répondre, le 11 avril, que l'audition de sa demande ne pourra avoir lieu avant au moins sept mois, pour revenir sur la décision, alors qu'elle devait comparaître le 20 avril. Elle, il lui restait neuf jours.

(15 h 50)

Est-ce que, du côté des délais pour la révision... Lorsqu'il y a une demande de révision, il faut que ça se fasse rapidement. Les personnes ne peuvent pas attendre sept mois avant qu'on révise une décision à partir du pouvoir discrétionnaire. Est-ce que le ministre à l'intention, et là sans modification de budget, de demander qu'on accélère la prise de décisions?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais, avant de parler du cas particulier dont Mme la députée de Terrebonne vient de...

Mme Caron: Mais de façon générale au niveau des délais. J'ai pris l'exemple...

M. Lefebvre: Oui, oui.

Mme Caron: Mais, au niveau des délais...

M. Lefebvre: Oui, d'accord.

Mme Caron: ...est-ce que vous avez l'intention d'accélérer?

M. Lefebvre: D'accord, je vais l'aborder tout à l'heure, Mme la députée. Je pense, M. le Président, que, lorsque le gouvernement du Québec a décidé d'indiquer dans les crédits qu'on consacrerait, pour le moment, les mêmes sommes d'argent, sauf l'application de 198... Je me répète, elle est toujours en suspens quant à sa demande d'exemption, à sa demande d'exception quant à l'application de la loi. Aussi, j'ai expliqué tout à l'heure que l'autre diminution de 1 400 000 $, 1 500 000 $, c'est l'évaluation qu'on a faite, au régime, de la fluctuation quant aux dossiers qui vont à la pratique privée versus les permanents. Autrement dit, c'est le statu quo pour les crédits d'aide juridique, pour le moment.

Si, par hypothèse, on avait augmenté les crédits budgétaires à l'aide juridique ne serait-ce que, supposons, de 2 500 000 $ de plus que l'an passé, Mme la députée de Terrebonne, vous auriez été la première à tirer comme conclusion l'intention du gouvernement de n'améliorer la masse d'argent pour l'aide juridique que de 2 500 000 $. Vous auriez dit: On devra se satisfaire d'une augmentation aussi ridicule que 2 500 000 $, alors que la commission parlementaire n'est même pas encore terminée. Autrement dit, vous auriez rédigé à peu près le même communiqué de presse que celui que j'ai sous les yeux, du 29 mars 1994. Ça m'a un petit peu surpris, venant de vous, Mme la députée de Terrebonne, parce que vous êtes une députée qui respecte l'institution, particulièrement les parlementaires.

Vous dites là-dedans: Le gouvernement libéral se prête à un simulacre de démocratie en agissant de la sorte, puisque tout est décidé d'avance. Je suis convaincu que vous ne pensez pas ça. Je doute même que ce soit vous qui ayez rédigé le communiqué de presse. Je suis convaincu que vous ne l'avez pas vu, parce que vous n'auriez pas autorisé la diffusion d'un communiqué comme celui-là, d'autant plus qu'en date du 29 mars il restait encore une vingtaine de groupes à entendre au niveau de la commission parlementaire. On semble tirer comme conclusion de votre communiqué que la commission parlementaire était terminée. Ce n'était pas le cas.

Comme l'a dit M. le député de Chapleau, si j'avais voulu, moi, de mon côté – je ne parle pas du gouvernement; je parle du nouveau ministre de la Justice – ne pas me compromettre, comme on dit chez nous, ne pas m'embarquer, il arrivait, le 1er mars, un nouveau président de la Commission des services juridiques, Me Lorrain; moi-même, je suis entré en fonction le 11 janvier. La commission parlementaire, si je me souviens bien, était fixée pour le 25 janvier. Je l'ai décalée au 1er mars. Entre-temps, j'ai fait une conférence fédérale-provinciale, les 23 et 24 mars, la Conférence fédérale-provinciale des ministres de la Justice. Je ne pense pas que je me sois tourné les pouces, mais j'ai volontairement voulu me compromettre, dans le sens le plus correct du terme, avec vous, avec tous les parlementaires, avec les bénéficiaires, avec les tous ceux et celles qui sont impliqués dans le régime d'aide juridique.

Avoir cherché, par toutes sortes de faux-fuyants, le moyen de ne pas tenir la commission parlementaire, de ne pas entendre ceux et celles qui avaient fait un effort considérable pour nous soumettre des «rapports», ça aurait été faire injure à ces gens-là; ça aurait été, également, faire injure aux autres parlementaires de l'Assemblée nationale. Alors, moi, j'ai fait l'impossible pour respecter le processus. Je suis présentement, je vous le répète, à évaluer tout ça.

Je suis convaincu à l'avance que vous allez, vous et vos collègues, Mme la députée de Terrebonne, continuer à avoir la même attitude positive, sauf quelques écarts passagers, comme moi, au-delà de toute partisanerie politique. C'est toujours comme ça que vous avez fonctionné avec celui qui m'a précédé. C'est ce que j'ai ressenti, presque constamment, en commission parlementaire. Là, au cours des prochaines semaines, sinon des prochains mois, on arrivera à l'échéance. Je vous le dis à l'avance: Je ne pense pas que j'arriverai à satisfaire votre appétit en regard de ce que vous avez suggéré, de façon plus ou moins claire, quant aux solutions qu'on devrait mettre en place. Je ne pense pas qu'on arrive à vous satisfaire. On tentera, cependant, de satisfaire le plus de bénéficiaires possible. C'est ça qui est mon intention.

La révision. Vous avez fait référence à un cas de Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, qui m'en a parlé à moi, personnellement. Les informations que j'ai eues, c'est qu'elle avait eu, cette dame-là, suite à une intervention de Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, un certificat d'admissibilité temporaire. Alors, ça démontre la vigilance des services d'aide juridique pour des cas comme celui de cette dame-là. Une révision de sept, huit mois, ça m'apparaît être un peu long. Un peu long. Si, de façon générale, on me disait que c'est comme ça un petit peu partout au Québec, je serais inquiet. Mais ce n'est pas ce qu'on m'indique. Je pense que les révisions de non-admissibilité sont, règle générale, plus rapides. Ça a été vérifié en commission parlementaire: la gestion du régime, l'administration du régime, je pense que, de façon générale, elle est bonne. C'est clair qu'il y a possibilité de l'améliorer. Je retiens la question que vous me posez là-dessus et je vais en tenir compte, des délais de révision.

Mme Caron: Est-ce qu'il y aurait possibilité de nous déposer les délais dans les différents bureaux? M. le Président, j'aimerais déposer aussi des commentaires sur les demandes que j'avais formulées à la commission concernant l'Office de la protection du consommateur. Merci.

Mme Bleau: M. le Président, sur le même sujet, j'aurais encore une question à poser à M. le ministre.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Groulx.


Honoraires élevés de certains avocats

Mme Bleau: Je sais que, pour arriver dans un délai assez court, jusqu'au budget, étant donné la situation financière du gouvernement... J'ai vu, justement, dans les papiers qu'on a reçus pour l'étude des crédits, des factures de professionnels d'au-dessus de 200 000 $ pour des dossiers d'aide juridique. Une facture aussi haute que cette facture-là, 200 000 $, pour l'aide juridique, est-ce que vous pensez que ça ne pourrait pas être regardé de ce côté-là pour rapporter, peut-être, un peu d'argent dans les coffres du gouvernement pour mettre ça à l'aide juridique, en somme?

M. Lefebvre: Il faut que j'attende que M. le Président me donne la parole, Mme la députée.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre, allez-y.

M. Lefebvre: J'ai été averti une fois.

Mme Bleau: Vous êtes un enfant sage.

M. Lefebvre: Mme la députée de Groulx, vous touchez, je n'oserais pas dire, à un problème, mais vous soulevez une question qui a été discutée à plusieurs reprises lors de la commission parlementaire, à l'occasion de l'intervention de plusieurs groupes, à savoir la façon selon laquelle fonctionnent les tarifs d'avocats, les tarifs judiciaires, les honoraires des avocats. Comme vous le savez, les avocats sont payés à l'acte. Ce ne sont pas des honoraires forfaitaires pour l'ensemble du travail d'un avocat pour un dossier. En matière de droit criminel, par exemple, l'avocat a droit à un certain montant pour la comparution, il a droit à un certain montant pour l'enquête sur cautionnement, pour l'enquête préliminaire, pour le plaidoyer de culpabilité, pour le procès, etc.

(16 heures)

Alors, il y a des commentaires qui nous ont été faits par différents organismes, entre autres par le Barreau. Dans ce sens-là, il faut féliciter le Barreau pour avoir très clairement indiqué qu'il y a des membres de la profession qui abusent peut-être de la multiplicité des procédures, souvent inutiles, et ça donne, pour certains avocats, les résultats auxquels vous faites référence: des montants de 200 000 $ et 300 000 $ à l'aide juridique.

Je vous dis, Mme la députée de Groulx, Mmes et MM. les députés de la commission, que nous sommes, là-dessus aussi, à évaluer de quelle façon on pourrait corriger ces abus, en partant du principe que le régime d'aide juridique a été mis en place, en 1972, pour permettre aux plus démunis d'avoir accès à la justice. Ce n'est pas, en soi, ce secteur d'activité du droit, une business pour les avocats. Oui, des avocats vont faire du droit du travail, du droit commercial, mais ça ne veut pas dire qu'un avocat fait de l'aide juridique à son détriment et qu'il est obligé de s'appauvrir pour faire de l'aide juridique. Mais, de façon très, très générale, tous les membres du Barreau, y compris le Barreau lui-même, acceptent, comprennent et souhaitent que les services rendus par les avocats de pratique privée le soient à un tarif moindre que la pratique générale. Il y a, cependant, malheureusement, quelques exceptions comme celles auxquelles vous faites référence: 200 000 $ et plus à l'aide juridique, c'est près de 4000 $ par semaine; ça devient un peu questionnable. Alors, on réfléchit, là-dessus également, madame. M. le Président, mon commentaire s'adresse particulièrement à Mme la députée de Groulx.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. M. le député d'Anjou.


Crédits périmés et dépenses probables

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Quand on avait ajourné les travaux de cette commission la dernière fois, on avait parlé des différents scénarios, au niveau des fusions, qui étaient envisagés, en discussion au ministère de la Justice. J'aimerais continuer maintenant nos échanges relativement à des remarques globales sur l'ensemble des crédits, avant de commencer certains sujets particuliers qui ont fait les manchettes ou qui sont d'actualité, présentement, au ministère de la Justice.

Alors, je voudrais parler particulièrement des dépenses qui sont contenues aux crédits. Plus spécifiquement, quant à l'observation des crédits en regard des dépenses, il m'appert significatif de souligner le fait que le montant des dépenses probables estimées pour 1993-1994 atteint la somme de 490 487 300 $. Ce montant dépasse de 23 168 000 $ les crédits votés pour 1993-1994, ce qui m'apparaît énorme, il va sans dire. Au même effet, ces dépenses excèdent de 23 561 800 $ les crédits à voter pour 1994-1995. Cette étude attentive m'amène soit à questionner la gestion du gouvernement quant à ses prévisions pour l'établissement des crédits, qui ne sont pas, il faut le constater, adéquats, soit à questionner la gestion du ministère de la Justice qui outrepasse de plusieurs millions les budgets votés.

Dans la même lignée, au niveau des crédits périmés, en 1992-1993, les crédits périmés étaient de l'ordre de 7 745 100 $. Pour 1993-1994, ils totalisent 6 800 000 $. En parallèle avec le cahier des crédits, «Renseignements supplémentaires», je m'explique difficilement que l'on périme des crédits alors que les dépenses sont plus élevées que les crédits votés. Est-ce que l'explication probable de cette situation serait que, dans certains secteurs ou programmes, des crédits ont été périmés à l'avance et que des budgets ont été réalloués pour d'autres secteurs ou programmes? Alors, j'aimerais avoir quelques précisions là-dessus, quant aux crédits périmés et aux dépenses probables. Si vous pouviez m'expliquer un petit peu pourquoi on en arrive à ces chiffres-là.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Il y a, M. le député d'Anjou, comme vous le savez, des crédits qui sont périmés suite à des demandes qui sont faites par le Conseil du trésor. Quant à la façon dont on périme ces crédits ou la façon avec laquelle chaque ministère, que ce soit à la Justice ou ailleurs, remet une partie des crédits suite à la commande qui lui est adressée, c'est un exercice qui se fait au ministère même. Alors, c'est une question de choix. Ce qui a tout le temps été la règle au ministère de la Justice... Je pense que vous le savez, c'est également la même règle au niveau de tous les ministères à clientèles. L'objectif, c'est de compresser, ce qui n'est pas un exercice facile; l'exercice est extrêmement douloureux. Mais ce qui a tout le temps été la règle au ministère de la Justice particulièrement, c'est qu'on doit faire cet exercice en faisant l'impossible pour ne pas affecter la clientèle. Alors, c'est ça qui guide le ministère de la Justice, les hauts fonctionnaires avec le ministre.

La compression, les crédits périmés, cet exercice-là doit se faire sans affecter la clientèle. Je ne vous dis pas que c'est toujours réussi, l'objectif, à 100 %, mais je crois qu'à date, au ministère de la Justice particulièrement, globalement, on s'en est assez bien sorti. Je ne peux pas vous donner autre chose comme réponse que celle-là, M. le député d'Anjou. C'est des choix qu'il faut faire, et on essaie de les faire de la façon la plus rationnelle, la plus correcte possible. Tout ça, c'est commandé par un effort qui doit être fait dans chacun des ministères. La Justice, comme les autres ministères du gouvernement du Québec, doit faire son effort.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. En ce qui a trait, maintenant, aux effectifs du ministère de la Justice, pour 1994-1995, on prévoit que 209 postes sont à retrancher parmi les effectifs recensés en 1993-1994, ce qui représente un écart de 4,6 %. En 1994-1995, il y aura donc un total de 4374 postes comparativement à 4583 pour 1993-1994. La variation en nombre la plus importante se trouve au programme 2, Soutien administratif à l'activité judiciaire, avec 86 postes en moins. Toutefois, la variation en pourcentage la plus importante est imposée au programme 5, Administration, avec moins 15,5 % dans son personnel. Nulle part, il n'est fait mention spécifiquement du résultat de l'application de la loi – je sais qu'on en a parlé un petit peu – 198 sur la réduction du personnel. Comme le ministère de la Justice en est un essentiellement de services, je constate, avec un certain, si on peut dire, soulagement, que la variation d'effectifs la plus marquée se trouve au programme relatif à l'administration. Quant à moi, je voudrais savoir, surtout relativement à 198, si c'est prévu, dans ces coupures de postes, justement, les compressions de 198. De quelle façon la loi va s'appliquer, au ministère de la Justice?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

(16 h 10)

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Vous savez, M. le député d'Anjou, qu'il y a eu des compressions. En même temps, il y a eu des crédits périmés, mais il y a eu également en cours d'année des ajouts. Ça a été, d'ailleurs, suggéré par l'Opposition officielle. Comme je l'ai dit tout à l'heure, mon objectif, que ce soit à l'aide juridique ou sur d'autres questions, ce n'est pas de rassurer l'Opposition officielle; c'est de renseigner l'Opposition officielle, puis de rassurer la clientèle. L'Opposition officielle a besoin d'être bien renseignée. Puis, subséquemment, partant des faits qu'on vous donne, vous interprétez les faits qu'on vous donne comme vous pensez que vous devez le faire. Pour vous rassurer, c'est de vous donner des faits.

Alors, le gouvernement du Québec n'est pas insensible à ce qu'on vit au niveau de certaines clientèles au ministère de la Justice. On a ajouté 14 000 000 $ pour les victimes d'actes criminels, parce qu'on considérait que ce poste-là était sous-budgétisé. Je me souviens d'avoir entendu des représentations qui ont été faites, entre autres, je pense, par vous, M. le député d'Anjou. Sauf erreur, je pense qu'on en a parlé un petit peu, jeudi soir, des victimes d'actes criminels. Il y a eu des ajouts de 14 000 000 $. À l'aide juridique, Mme la députée de Terrebonne, il y a eu, en cours d'année, des montants de 5 000 000 $ qui ont été ajoutés pour régler la conséquence de l'article 52, à savoir le nombre de dossiers qui se retrouvent à l'aide juridique.


Coupures de postes

L'application de 198. Alors, la conséquence de 198, pour 1994-1995, c'est 170 postes qui s'ajoutent à la conséquence de la loi 198 pour 1993-1994: 60 postes, pour un grand total, sur deux exercices financiers, de 230 postes. Je pourrais, M. le député d'Anjou, si vous le souhaitez, vous donner la répartition, que vous avez peut-être. Il y a 68 postes à la Direction générale des services judiciaires. C'est la compression la plus sévère, mais c'est 68 postes sur 3400, sur les deux tiers... Je m'excuse, c'est 2400 et non pas 3400. Droits de la personne, trois postes. Droits de la jeunesse, deux postes. Direction du ministère, 22. Direction générale du personnel et de l'administration, 35. Huissiers de justice, un. Affaires juridiques, 10. Affaires législatives, quatre. Affaires criminelles et pénales, 16. Protection du consommateur, cinq. Plaintes électriques... Je pense que je vais être obligé de traduire. C'est écrit comme ça: plaintes électriques et plaintes agricoles. C'est deux dossiers qui chauffent, comme dit mon directeur de cabinet! Dans chacun des cas, un effectif de moins. Commission d'accès à l'information, deux. Le Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité et le Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole doivent se débrouiller avec deux effectifs de moins ou deux fonctionnaires de moins.

M. Bélanger: M. le Président...


Document déposé concernant l'Office de la protection du consommateur

Le Président (M. LeSage): Alors, si vous le permettez, M. le député d'Anjou, avant de poursuivre, j'aimerais vous rappeler que la députée de Terrebonne a déposé un document qui consiste en des demandes de renseignements généraux de l'Opposition officielle, adressées à tous les ministères et organismes gouvernementaux. Annexés à cette demande, des commentaires sur les demandes de renseignements généraux de l'Opposition officielle à propos de la demande 3 sur la liste des voyages hors Québec. Alors, selon la députée de Terrebonne, on nous donne les coûts totaux des voyages et ce qui avait été demandé et exigé, c'est les coûts par voyage. Alors, j'avise les membres de cette commission que j'accepte le dépôt de ce document.

M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. C'est juste pour que je comprenne bien. Donc, les 230 postes dont on parle, de compression seraient répartis sur deux exercices?

M. Lefebvre: Oui, M. le député.

M. Bélanger: Est-ce que ces postes-là étaient déjà inclus dans les crédits qui nous sont présentés ou si ça va se rajouter? C'est juste pour bien comprendre. Je ne suis pas certain que j'ai bien saisi.

M. Lefebvre: Ce que je viens de vous donner, M. le député d'Anjou...

M. Bélanger: Oui, oui.

M. Lefebvre: ...comme répartition, c'est sur l'exercice qu'on vient tout juste de commencer: 170 postes répartis comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure. Ajoutez les 60 postes...

M. Bélanger: Ils sont déjà coupés, ceux-là.

M. Lefebvre: C'est déjà fait, oui, comme exercice. Ça s'est fait au cours de la dernière année, 1993-1994.

M. Bélanger: Donc, c'est 170 postes, pour l'exercice 1994-1995, qui vont être abolis. C'est ça?

M. Lefebvre: Ces postes-là ont été abolis au 1er avril 1994.

M. Bélanger: On parle des 230. Moi, je parle des 230 postes. C'est ça?

M. Lefebvre: Oui.

M. Bélanger: Ils ont déjà été abolis. C'est ça?

M. Lefebvre: Oui.

M. Bélanger: Ah, d'accord. M. le Président, le ministre m'a détaillé d'une façon très complète la répartition des postes qui ont été abolis suite à l'effet de la loi 198, conséquence de la loi 198. Le ministre a déjà fait mention que, pour lui, c'était une préoccupation de s'assurer que ces postes ne résulteraient pas en des coupures au niveau des services à la clientèle. Je voudrais savoir quel est le mécanisme qui existe au ministère de la Justice pour vérifier, quand il y a des coupures de postes, s'il n'y a pas des coupures de services à la clientèle.

Parce que, uniquement au niveau des services judiciaires – c'est les palais de justice, ça – laissez-moi vous dire, M. le Président, pour avoir fait le tour de quelques palais de justice au cours de l'automne, lors de la tournée nationale des députés du Parti québécois, que j'ai constaté que plusieurs palais de justice étaient complètement débordés relativement à la mise en vigueur du nouveau Code, relativement aux changements qui surviennent et relativement à ce qui se passait même avant la mise en vigueur du nouveau Code. Il existe déjà des problèmes dans certains palais de justice relativement aux ressources humaines qui sont là.

Alors, moi, je voudrais savoir comment le ministre s'assure, quand il y a coupure de postes, qu'il ne s'ensuit pas, à ce moment-là, une coupure de services à la population. C'est quoi, le mécanisme?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Je vous ai, M. le député d'Anjou, donné, tout à l'heure, le critère de base fondamental qui doit être suivi dans l'application de cette compression. Dès le moment où je suis arrivé au ministère et que j'ai été informé – ce que je savais déjà, mais d'une façon très éloignée – qu'on devait s'appliquer à cette démarche-là au ministère, j'ai tout de suite indiqué que je souhaitais et que j'exigeais que la clientèle soit la moins touchée possible. Mais on m'a répondu que c'est dans cet esprit-là qu'on avait fait l'exercice, l'année précédente, avec mon prédécesseur.

Cependant, partant du grand principe, vous comprendrez que, dans le quotidien, il y a des autorités au ministère qui appliquent la directive. Pour vous donner des précisions sur la façon avec laquelle on a réparti la compression, je vais, M. le Président, vous suggérer de laisser la parole à mon sous-ministre en titre, M. Michel Bouchard, qui pourra, lui, répondre à vos questions plus précises, M. le député d'Anjou.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. Bouchard, pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats , si vous voulez bien vous identifier.

M. Bouchard (Michel): Alors, Michel Bouchard, sous-ministre en titre par intérim au ministère de la Justice.

Le Président (M. LeSage): La parole est à vous, M. Bouchard.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. M. le député, effectivement, nous avions, dès le départ, dans l'exercice de compression qui nous était demandé, envisagé la possibilité que ces compressions affectent le moins possible les services à la population. Dans notre jargon, on parle constamment, nous, en conseil de direction, des services au comptoir ou à la population, alors, les gens, chez nous, au ministère de la Justice, qui sont sollicités par la clientèle des palais de justice.

Nous avons donc demandé à chacune des directions générales de nous identifier, à l'intérieur de l'enveloppe de postes à compresser qui leur avait été assignée, de nous désigner des postes. Comme vous le savez, les postes sont tous numérotés dans la fonction publique. Ça va de soi qu'au ministère de la Justice ils sont également numérotés. Donc, on leur a dit de nous désigner des postes et de mettre l'emphase sur les compressions budgétaires au niveau du soutien administratif, technique et juridique, pour éviter que les services à la population ne soient affectés par ces compressions.

C'est ce qui a été fait, notamment, à titre d'exemple, au niveau de la Direction générale des services judiciaires où 68 postes ont été compressés. L'emphase a été mise, comme je vous le signalais, au niveau du soutien administratif et au niveau de l'encadrement. Ça a été la même dynamique qui a animé tous les autres sous-ministres associés à l'intérieur des autres directions générales. À titre d'exemple, aux affaires criminelles et pénales, que j'ai encore à diriger, nous avons le moins possible compressé au niveau des services à la population et mis l'accent sur les services administratifs et d'encadrement.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, si je ne fais pas erreur, il me semble que le percepteur des pensions alimentaires est inclus dans les services judiciaires. Le ministre de la Justice, M. Rémillard, nous avait fait l'engagement qu'il n'y aurait aucune coupure de postes au niveau du percepteur des pensions alimentaires. Est-ce que le ministre peut nous confirmer qu'il n'y a eu, qu'il n'y aura et qu'il n'y a aucune coupure de postes au niveau du percepteur des pensions alimentaires qui, je tiens à le souligner, est déjà débordé, même dépassé par les événements?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Il n'y a pas eu, effectivement, M. le député d'Anjou, de coupure de postes. Je peux vous dire que j'ai même vérifié avec les hautes autorités du ministère. J'ai eu une rencontre en compagnie des hauts fonctionnaires, des sous-ministres concernés et des responsables du dossier SAPPA, il y a plus ou moins trois semaines. J'ai eu une rencontre où on a fait le tour du dossier SAPPA. L'objectif que je visais à ce moment-là, c'était de vérifier si on pouvait accélérer le processus de mise en place du SAPPA. Je prends les devants.

(16 h 20)

J'imagine que, Mme la députée de Terrebonne, vous-même... On aura l'occasion d'en parler tout à l'heure. J'ai, à cette occasion-là, avec les sous-ministres concernés, vérifié effectivement votre questionnement, à savoir si on avait diminué les effectifs pour la perception des pensions, quant au régime actuellement en place. On m'a assuré que non.

M. Bélanger: Il n'y en aura pas, non plus?

M. Lefebvre: Non.

M. Bélanger: Il n'y en a pas eu et il n'y en aura pas.

M. Lefebvre: J'ai insisté auprès de M. le sous-ministre Bouchard pour que ce service-là, particulièrement, ne soit pas... Et ça rejoint, remarquez bien, la ligne générale. Les services, en général, ne sont pas, autant que faire se peut, touchés, mais particulièrement celui-ci de la perception alimentaire.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.


Accréditation des juristes de l'État

M. Bélanger: Merci, M. le Président. J'aimerais poser une question relativement à une catégorie d'employés du ministère de la Justice, je pense, qui est très importante. Ce sont les juristes de l'État. Je voudrais savoir ce qu'il en est exactement de leur demande d'accréditation. On sait, depuis longtemps, que les juristes de l'État cherchent à se faire reconnaître au niveau de leur accréditation. Le ministère de la Justice ne s'est jamais gêné pour reconnaître, on pourrait dire, l'Association des juristes de l'État pour faire passer des messages, pour même faire obtenir le consentement des juristes à certains programmes ou à certaines choses, mais on n'a jamais voulu réellement leur reconnaître un droit d'accréditation. Je sais que c'est un dossier qui, depuis longtemps – permettez-moi l'expression, M. le Président – traîne. J'aimerais savoir ce qu'il en est. Où en est-on rendu dans ce dossier-là?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: M. le député d'Anjou, vous faites référence à un dossier qui est présentement pendant devant un tribunal administratif, à savoir le Tribunal du travail. Il y a une requête en accréditation qui est... C'est ce qu'on m'indique, mais je vais le vérifier de façon plus précise. Je suis obligé de vous dire que, si c'est le cas, c'est sub judice. Donc, je ne peux pas faire de commentaire, ni dans un sens, ni dans l'autre, qui causerait préjudice à l'une ou l'autre des parties. Ce qu'on me dit – c'est un peu aussi l'information que j'avais avant même que vous me posiez la question – on me confirme que c'est pendant devant le Tribunal du travail, la démarche par le biais de la requête en accréditation. Donc, je ne peux pas vous faire de commentaires.

M. Bélanger: M. le Président, relativement...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Cependant, j'avais eu un échange avec le ministre Rémillard là-dessus, qui m'avait parlé de la possibilité de la création d'un comité dans ce dossier-là. Je voudrais savoir ce qu'il en est de la création de ce comité-là. Ça n'a rien à voir avec la demande...

M. Lefebvre: Un comité qui évaluerait...

M. Bélanger: Oui, qui évaluerait la... Qui était nécessaire, en tout cas, pour étudier, je pense, la demande d'accréditation. Je pense qu'on pourrait vous...

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: M. le Président, je vais laisser la parole à mon sous-ministre, M. Bouchard, si vous êtes d'accord.

Le Président (M. LeSage): M. Bouchard, on vous écoute.

M. Bouchard (Michel ): Merci, M. le Président. M. le député, effectivement, le secrétariat du Conseil du trésor, de qui relève cette question plus particulièrement, est actuellement en négociations avec l'Association des juristes de l'État pour la constitution du comité. Je ne peux pas être plus précis sur l'avancement des travaux ou des négociations à ce sujet-là, mais ils sont en discussion.

M. Bélanger: Alors, je comprends, M. le Président, que, comme pour d'autres dossiers, on est en période de gestation. Je voudrais juste savoir, cependant, sans vouloir pour autant préjudicier au déroulement de ce qui se passe dans tout ça, si on peut s'attendre quand même à un développement, à un déblocage, à court, à moyen ou à long terme, dans ce dossier. Est-ce qu'il y a une volonté, au moins, du ministre... Pour lui, est-ce que c'est un dossier important, qu'il veut faire débloquer?

M. Lefebvre: La volonté existe, M. le député d'Anjou, mais vous aurez sûrement compris que la requête en accréditation a obligé le comité à laisser un petit peu en suspens sa réflexion. Il faut attendre le résultat du débat quasi judiciaire par le biais de la requête en accréditation. Si, par hypothèse, la requête en accréditation était rejetée, le comité va agir dans un sens. Si elle était reçue, il va agir éventuellement dans un autre sens. Alors, le comité est en attente du cheminement du dossier devant le Tribunal du travail.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.


Programme de soutien financier à des projets d'organismes communautaires

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Ceci m'amène à parler, je pourrais dire, du premier dossier comme tel dont je voudrais m'entretenir avec le ministre, le dossier qui touche le Programme de soutien financier à des projets d'organismes communautaires. Dès l'ouverture du Sommet de la Justice, lors de la première séance de travail, le ministre de l'époque, Gil Rémillard, déliait les cordons de la bourse et annonçait en grande pompe la mise sur pied d'un programme de soutien financier à l'intention d'organismes et de groupes communautaires, programme soutenu par un fonds spécial de 1 100 000 $. C'est en considération de l'apport essentiel des intervenants communautaires et pour faciliter leur action en matière d'éducation, d'information et de prévention que ce fonds et ce programme ont été créés, et ce, dans le respect de leur autonomie.

Sans entrer dans les détails de l'admissibilité à ce programme, les groupes visés étaient ceux dont les activités sont liées à l'administration de la justice et dont l'action porte principalement sur l'information et l'assistance quant au fonctionnement du système judiciaire. Malheureusement, ce fonds a fondu comme neige au soleil, M. le Président, non pas parce qu'il a été distribué aux organismes, ce serait trop beau, mais en raison de sa diminution de plus de la moitié, et ce, à peine deux mois après son annonce. Alors, c'est pour ça que, nous, non plus, je pense, on n'a pas beaucoup de leçons à recevoir quant à la consultation.

Nous avions appris ce fait le 29 avril 1992, en questionnant le ministre lors des crédits 1992-1993. Il mentionnait alors être en consultation avec différents groupes pour déterminer les balises qui pourraient encadrer ledit programme quant à son administration. Il espérait que le programme devienne en opération. L'automne suivant, soit le 1er octobre – c'est pourquoi, disait-il, il y avait 500 000 $ d'octroyés, puisqu'il s'agissait d'une demi-année – il ajoutait: L'an prochain, ça va être 1 000 000 $. Les organismes avaient jusqu'au 27 novembre 1992 pour présenter une demande d'aide financière dans le cadre de ce programme. En février 1993, le choix des organismes n'était pas encore connu. Enfin, le ministre Rémillard annonçait la divulgation de ces organismes le 8 avril 1993. On a reconduit ce programme en 1993-1994, mais les organismes choisis ne sont pas encore divulgués. Ils avaient jusqu'au 1er novembre 1993 pour faire parvenir leur demande.

Toutefois, l'analyse des divers documents fournis pour l'étude des crédits m'amène à douter que ledit programme soit à nouveau renouvelé pour 1994-1995. En effet, à la lecture des crédits de transfert du programme 5, Administration, élément 1, Direction, on s'aperçoit que ceux-ci connaissent une diminution équivalente à l'enveloppe attribuée au programme d'aide, soit environ 500 000 $. Également, si l'on conjugue cette observation à l'examen du sommaire des crédits de transfert à la catégorie Organismes sans but lucratif, on constate aussi une coupure de 500 000 $ en ce qui a trait aux autres crédits de transfert. Ceux-ci chutent de 2 128 000 $, en 1993-1994, à 1 627 000 $ pour 1994-1995.

Alors, ma première question, M. le Président: Qu'en est-il exactement de la survie ou non de ce programme pour 1994-1995?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Le Programme de soutien financier à des projets d'organismes communautaires existe toujours, bien sûr, pour 1994-1995, oui. Mais, il n'y a pas de cachette, M. le député d'Anjou, puis, c'est là la transparence – de toute façon, c'est une transparence obligatoire, hein? – il y aura 300 000 $, plutôt que 500 000 $ pour 1993-1994. Alors, en 1993-1994, on a affecté à ce programme-là 500 000 $. On parle bien du Programme de soutien financier à des projets d'organismes communautaires; pour l'exercice financier 1994-1995, plutôt que 500 000 $, on affectera 300 000 $.

Je n'essaierai pas de plaider que 300 000 $, c'est plus que 500 000 $, vous allez me faire perdre ma cause, avec dépens! Alors, ça fait partie de l'exercice douloureux auquel j'ai été astreint en arrivant. Ça faisait trois, quatre jours que j'étais arrivé au ministère, puis on m'a dit: Écoutez, il y a une commande de compressions de plusieurs millions de dollars au ministère. On avait le choix entre éliminer ce programme-là, ce à quoi, moi, je me suis tout de suite objecté – une réflexion avec moi-même, là – parce que les organismes communautaires sont importants.

(16 h 30)

Mais il faut également que les organismes communautaires fassent le même effort que les fonctionnaires du ministère eux-mêmes. Vous savez, lorsqu'on demande aux fonctionnaires du gouvernement du Québec, au ministère de la Justice comme ailleurs, d'accepter des gels, qu'on demande à nos fonctionnaires de faire des efforts considérables, il faut demander également à ceux et celles qui sont concernés par les activités des ministères de faire des sacrifices. Dans un cas comme celui-là, non seulement c'est le statu quo, c'est des sommes moindres. C'est des organismes qui sont extrêmement pas utiles, mais nécessaires.

Je pense qu'on est capable, là comme ailleurs. Le ministère de la Justice va être compressé de plus ou moins 15 000 000 $ cette année, 15 000 000 $ à 16 000 000 $. Je suis convaincu qu'on va arriver à donner des services adéquats à l'ensemble des justiciables. On demande aux organismes communautaires, qui ont droit à des subventions à l'intérieur de ces programmes-là, de faire également un effort pour satisfaire leur clientèle avec, à toutes fins pratiques, 40 % de moins sur les budgets qu'on leur a accordés l'an passé. Il y a des organismes, en cours d'année, qui recevront les mêmes montants, peut-être; d'autres, un peu moins; d'autres, beaucoup moins. D'autres ont reçu, je ne sais pas, peut-être un peu plus. On verra. Mais, globalement, vous avez raison, il y a une compression de 40 %.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: ...je comprends la position du ministre, qui n'est pas très confortable, relativement à cette enveloppe budgétaire pour les organismes communautaires, mais je reviens à ce que j'avais abordé dans mes remarques préliminaires. Vous savez, le Sommet de la Justice a été vraiment perçu comme un événement majeur, en 1992, par l'ensemble des intervenants du milieu judiciaire, mais ça a créé énormément d'attentes auprès des différents intervenants, parce qu'il s'est dit des choses intéressantes. Il y a eu des consensus qui ont été exprimés au Sommet de la Justice.

Il faut comprendre que, quand le ministre de la Justice, en grande pompe – on sait que c'était une spécialité, un peu, du ministre – a fait cette annonce de plus de 1 000 000 $ pour les organismes communautaires, ça avait été vraiment reçu d'une façon absolument incroyable par les différents organismes communautaires qui travaillent fort, je dois le dire, qui font un travail remarquable. Je pense que le ministre en conviendra avec moi: pour chaque dollar qui est dépensé dans un organisme communautaire, combien ça coûterait pour faire faire le même travail par des gens du ministère de la Justice? Ça serait incroyable, si on faisait le calcul. Chaque dollar qui est dépensé en milieu communautaire est vraiment bien dépensé. On le voit d'une façon concrète sur le terrain.

Alors, en 1992, à ces différents organismes communautaires, dans tout le Québec – vous en avez, j'en suis certain, dans votre comté, M. le Président, des organismes qui travaillent dans ce milieu-là – on a annoncé 1 000 000 $. Réjouissez-vous! Enfin, vous allez avoir des choses pour bâtir, pour faire des projets. L'année d'après, on arrive à 500 000 $ et, l'année d'après, à 300 000 $, M. le Président. Alors, c'est ce dont je parlais: des attentes déçues lors du Sommet de la Justice. Ce n'est pas tout de faire un sommet, il faut qu'il y ait des retombées positives de ce sommet. À quoi bon faire des consensus si ces consensus ne donnent pas lieu à des actions concrètes, M. le Président, de la part du ministère de la Justice? Je ne saurais trop insister sur la déception qui est causée par cette action. Je comprends que ce n'est pas nécessairement... Je ne mets pas le blâme sur la personne du ministre actuel, mais peut-être sur le manque de prévisions qu'il y a eu, peut-être l'an dernier ou il y a deux ans, je ne le sais pas, quand on a fait cette annonce-là.

Alors, tout à l'heure, ma collègue, la députée de Terrebonne, a fait mention que, souvent, le ministre Rémillard faisait des annonces. Après ça, il se faisait fermer la porte par le Conseil du trésor relativement à toutes les commandes qui étaient faites par le ministre de la Justice. J'espère que le ministre actuel aura plus de chance au niveau du Conseil du trésor et qu'il saura faire délier les cordons de la bourse relativement aux demandes qu'il va faire dans les différents dossiers qui demandent une action urgente. Je l'espère, M. le Président. Sinon, à quoi bon? C'est le genre de choses, finalement, qui désillusionnent les gens relativement à la politique en général. Quand on fait des annonces et que, l'année d'après, bien, on dit: Écoutez, on n'a pas les moyens; on coupe de 500 000 $. L'année d'après: Bien, écoutez, on coupe encore de 40 %.


Service d'aide communautaire Anjou inc.

Malheureusement, M. le Président, je dois dire que, dans mon comté, on vit ce problème-là. J'ai un organisme qui a fait une demande relativement, en plus, je pense, à quelque chose qui doit être une priorité, présentement, du ministre de la Justice: l'application du nouveau Code civil. C'est le Service d'aide communautaire Anjou, qui est très connu, j'en suis certain, du ministère de la Justice, qui fait de nombreux projets dans la communauté d'Anjou. Il a fait une demande pour faire un véhicule d'information, un dépliant, un genre de brochure destinée aux personnes âgées pour les renseigner sur la modification de leurs droits relativement à l'entrée en vigueur du nouveau Code. On sait que ces gens-là, ce sont souvent ceux qui sont le plus en demande relativement à leurs droits, à leurs services judiciaires. Ils ne sont pas au courant du tout des modifications en profondeur apportées par le nouveau Code civil.

Que le ministre ne vienne pas ici dire que l'Opposition, maintenant, n'est pas d'accord avec le Code civil. On a été d'accord du début jusqu'à la fin avec l'adoption de ce nouveau Code civil, et nous en sommes fiers. Je pense que l'Assemblée nationale peut être fière de l'adoption d'un tel projet d'envergure, M. le Président. Mais, il reste, néanmoins, il faut l'admettre, que ça bouleverse énormément d'habitudes de vie de nos concitoyennes et concitoyens.

Le Service d'aide communautaire Anjou avait présenté, M. le Président, un projet excessivement bien adapté à la réalité que vivent les personnes âgées, aux besoins des personnes âgées. C'est un montant de 25 000 $, M. le Président, un peu moins de 25 000 $ qui était demandé. Je pense que ça aurait pu servir de projet-pilote pour l'ensemble des régions du Québec, surtout que le Service d'aide communautaire Anjou le faisait par l'intermédiaire du Courrier blanc . Le Courrier blanc est déjà un véhicule d'information très employé par les personnes du troisième âge du comté d'Anjou et de l'est de Montréal, en particulier.

Alors, M. le Président, je dois admettre que, quand j'ai eu la réponse du ministère de la Justice à l'effet que ce projet ne faisait pas partie... Je vois la lettre, ici, du 22 mars 1994: «Malgré tout l'intérêt que le ministre de la Justice porte à votre organisme, il nous est malheureusement impossible d'acquiescer à votre demande, compte tenu des normes et objectifs du programme, de ses clientèles prioritaires et de ses ressources.» M. le Président, j'ai peine à concevoir que les personnes retraitées et le nouveau Code civil, ce n'est pas ça, la priorité, pour 1994, du ministère de la Justice. Je pense que ça doit être, évidemment, une des priorités; l'autre priorité étant la perception des pensions alimentaires, quant à moi. Puis, je pense que le ministre va en entendre souvent parler, tout au long de l'année, de ce dossier-là. Je pense aussi que notre nouveau Code civil doit être objet de préoccupations. J'ai peine à comprendre, M. le Président, pourquoi ce projet-là, finalement, n'est pas retenu. J'espère que le ministre pourra reconsidérer sa décision relativement à ce projet-là qui, je dois le dire, est d'une importance première relativement à l'implantation du nouveau Code.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Je suis content d'entendre le député d'Anjou souhaiter... Vous savez, l'article 32 de notre règlement de l'Assemblée considère comme déplacé de parler des absents, M. le député d'Anjou. Quand vous parlez de l'ex-ministre de la Justice... C'est une boutade, c'est une boutade! Ne prenez pas ça au sérieux, là! Je ne suis pas sérieux. Mais je suis content, cependant, que vous ajoutiez en même temps que vous souhaitez que, moi... Je ne suis pas en train de vous dire que je suis d'accord avec ce que vous dites, sauf que vous semblez indiquer qu'au cours des quatre, cinq prochaines années, moi, je procéderai autrement que celui qui m'a précédé.

M. Bélanger: Je l'espère.

M. Lefebvre: Alors, vous venez de décider que je serai encore là comme...

M. Bélanger: Ah, c'est vrai!

M. Lefebvre: Ha, ha, ha! Vous venez de décider que je serai là pour les quatre prochaines années, comme ministre de la Justice!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Consentement.

M. Bélanger: Ça dépasse mon souhait, M. le Président!

M. Lefebvre: Vous avez même indiqué tout au long de l'année 1994. Ça nous mène en janvier, ça, M. le député d'Anjou!

Mme Caron: J'enregistre ma dissidence, Mme la Présidente.

M. Lefebvre: Je suis parti de loin pour...

La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que la présidence est supposée être neutre?

M. Lefebvre: Je suis parti de loin pour faire un peu d'humour autour de tout ça.

M. Bélanger: Ha, ha, ha!

(16 h 40)

M. Lefebvre: M. le député d'Anjou, vous avez raison de rappeler qu'il y a des engagements qui ont été pris au Sommet de la Justice par M. l'ex-ministre Rémillard, mais je vous rappellerai – vous le savez, parce que vous avez participé au Sommet et que vous avez suivi le dossier de très, très près – qu'il y a eu beaucoup de réalisations suite à des engagements qui avaient été pris. Je vous rappellerai que les petites créances, la Cour des petites créances, ça a été haussé, tel que convenu, tel que promis, de 1000 $ à 3000 $.

Je vous ai rappelé tout à l'heure qu'au niveau de la réforme de l'aide et de l'indemnisation des victimes d'actes criminels on est passé aux actes. On a ajouté des millions à l'enveloppe de ce programme Indemnisation des victimes d'actes criminels. Vous avez vous-même, dans vos remarques préliminaires, jeudi, souhaité que la mécanique de la poursuite verticale soit étendue à tous les districts du Québec. C'est déjà en marche et c'est très avancé. Il y a déjà plein de dossiers qui ont cheminé en partant de cette nouvelle façon d'opérer qu'est la poursuite verticale pour le procureur de la couronne. Le Comité de consultation sur l'administration de la justice en milieu autochtone, vous le savez, c'est presque complété, la tournée de M. le juge Coutu. Tout à l'heure, on aura à prendre acte de ses recommandations. La réforme de la procédure pénale, c'est réglé.

Vos remarques préliminaires sur ce volet tenaient au Programme de soutien financier à des projets d'organismes communautaires. Je vous rappelle, M. le député d'Anjou, que c'est à l'occasion du Sommet qu'on a mis en place ce Programme de soutien financier à des projets d'organismes communautaires et qu'on aura distribué, avant la fin de l'année 1994-1995, un montant de 1 300 000 $: 500 000 $ pour l'exercice 1992-1993; 500 000 $ pour l'exercice qui vient tout juste de se terminer, 1993-1994; et 300 000 $ pour l'exercice financier commencé le 1er avril. Alors, ce n'est pas rien, ça, 1 300 000 $.

Votre dossier ou le dossier que vous supportez à titre de député – et je le comprends très, très bien – le Service d'aide communautaire Anjou... Vous le savez, le Programme de soutien financier à des projets d'organismes communautaires, il est décidé par le gouvernement, mais c'est un programme et, comme plein de programmes au gouvernement du Québec, ce sont des comités de fonctionnaires qui ont à évaluer, en partant de critères très précis, le bien-fondé des demandes. La décision qui a été prise par le comité, au ministère de la Justice, dans ce dossier-là est celle que vous connaissez: la demande ne se qualifiait pas.

Alors, j'imagine que vous ne me demandez pas d'user d'un pouvoir que je n'ai pas, de toute façon, pour renverser une décision du comité. À la rigueur, on pourrait demander une révision, réévaluer les critères d'admissibilité quant à la demande, mais je ne peux pas, moi, je n'en ai pas le pouvoir. Ça serait mal vu. Vous pourriez, l'an prochain, me critiquer! À cette date-ci, l'an prochain, on va être à procéder au même exercice. Vous me diriez: M. le ministre...

Une voix: Ce ne sera pas la même personne.

M. Lefebvre: ...vous avez utilisé un pouvoir que vous n'aviez pas. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Mme la Présidente, j'aimerais peut-être comprendre un petit peu mieux la réponse du ministre. En Chambre, je lui avais parlé de l'organisme FOCUS qui s'était vu refuser une subvention, et le ministre a pris l'initiative de reconsidérer la décision qui avait été rendue. Alors, je ne la critique pas. Je n'ai pas critiqué cette décision-là.

M. Lefebvre: C'est parce que c'est différent.

M. Bélanger: Ah.

M. Lefebvre: C'est très différent, vous le savez.

M. Bélanger: Est-ce que le ministre peut m'expliquer c'est quoi la différence...

M. Lefebvre: Oui.

M. Bélanger: ...et pourquoi il ne peut pas y avoir ouverture relativement à ce dossier-là?

M. Lefebvre: Oui, oui. Vous le savez, M. le député d'Anjou: selon les informations qu'on m'a données, et au moment où vous m'avez posé la question en Chambre, c'est l'information que j'avais, le groupe FOCUS – c'est l'information qu'on me donnait – aurait refusé de fournir des documents requis par le comité dont je viens de vous parler. Ces documents-là n'ayant pas été produits suite à la demande du comité, c'était, à ce moment-là, presque automatique, la décision, à savoir: Nous ne pouvons pas, compte tenu du fait que vous refusez de fournir certains documents, donner droit à la demande que vous nous faites.

Ce que je vous ai donné comme réponse, c'est que j'ai demandé une vérification, autant au niveau du comité pour m'assurer que c'était bien le cas – c'est ce qu'on m'a confirmé – que du côté du groupe FOCUS. Me Patry, qui est mon directeur de cabinet, a parlé avec Mme la responsable du groupe pour vérifier les raisons pour lesquelles on refusait – bien, refuser c'est à vérifier – de remettre ces documents-là. Vous vous souviendrez très bien, et vous aviez raison d'insister là-dessus, que le groupe FOCUS travaille particulièrement au niveau des suggestions, des conseils qu'on donne à des créancières de pensions alimentaires sur les démarches à suivre pour la perception des pensions. Alors, ça m'est apparu...

Ça ne veut absolument pas dire que votre demande ou que le dossier dont vous venez de parler, Service d'aide communautaire Anjou, n'est pas important. Mais les pensions alimentaires, FOCUS, pas de documents... À la demande du comité, j'ai demandé de vérifier tout ça. Autrement dit, la demande comme telle, selon les renseignements qu'on m'a donnés, n'a pas été étudiée au mérite. Il y a une condition qui m'apparaît n'être pas si compliquée que ça: on demande des documents. Je trouve ça bien qu'on demande des documents. On ne peut pas verser des subventions de 10 000 $, 15 000 $ ou 25 000 $ sans s'assurer que ces fonds-là seront bien utilisés. Alors, on attend. Sauf erreur, je n'ai pas eu de nouvelles au cours des derniers jours. Mais le cas est différent.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Seulement pour souligner que, s'il fallait qu'on apporte chacun nos cas de comté, on ne finirait pas cet après-midi. Parce que, moi aussi, j'ai des groupes qui ont été refusés. Alors, on «pourrait-u» revenir à des règles générales, M. le Président?

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.


Ligue des droits et libertés

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur un autre cas d'espèce, mais qui n'est pas dans mon comté – comme porte-parole de l'Opposition en matière de justice, je pense que la députée de Groulx comprendra que chaque organisme est important pour moi – la Ligue des droits et libertés. Je sais que le ministre les a rencontrés récemment. Le 18 novembre 1993, le ministre Rémillard avait confirmé, par écrit, à la Ligue des droits et libertés l'octroi d'une subvention de 40 000 $ dans le cadre du Programme de soutien financier à des projets d'organismes communautaires. C'est bien. Cependant, quelle a été la grande surprise de la Ligue des droits et libertés de constater que ce montant, maintenant, n'est plus octroyé par l'actuel ministre – par vous, M. le ministre – malheureusement, dans ce dossier!

Vous comprendrez que, quand un organisme reçoit la lettre de confirmation d'une subvention de 40 000 $, on s'attend, normalement, à la recevoir par la suite. On engage des dépenses relativement à cette lettre. M. le Président, malheureusement, on doit constater que, présentement, la survie même de cet organisme est en jeu, suite à cette lettre qui a été envoyée, suite, maintenant, au refus du ministère de la Justice d'octroyer ce montant. On a un déficit considérable, maintenant, au niveau de cet organisme-là. Alors, je voudrais savoir comment le ministre peut expliquer ça. Moi, ça me préoccupe énormément.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le ministre, puisqu'il y a une demande de suspendre les travaux pour quelques instants, est-ce que vous préférez répondre à la question maintenant ou après la suspension, pour environ cinq minutes?

M. Lefebvre: J'aurais un appel à faire. Cinq minutes?

Le Président (M. LeSage): Alors, je suspends les travaux pour environ cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. LeSage): Veuillez prendre place, s'il vous plaît. La commission des institutions reprend ses travaux. Alors, M. le ministre, si vous voulez bien donner la réponse à la question du député d'Anjou. M. le ministre.

M. Lefebvre: Il y a deux cas, M. le député d'Anjou, qui ont été portés à mon attention, deux cas semblables, dont celui de la Ligue des droits et libertés. Et, dans les deux cas, ça a été le même processus, à savoir une confirmation par mon prédécesseur que les subventions allaient être versées et à la Ligue des droits et libertés et au Centre de droit comparé, à l'Université McGill, Me Crépeau. Dans les deux cas, ces demandes s'adressaient au budget discrétionnaire du ministre et, comme vous le savez, toute demande dépassant 10 000 $ doit être approuvée par le Conseil du trésor. Les demandes soumises au Conseil du trésor ont coïncidé avec le changement de ministre et également avec une décision du Trésor de périmer autant ce qui restait dans le Programme de soutien financier à des projets d'organismes communautaires que dans le budget discrétionnaire du ministre, de sorte que, dans les deux cas, les demandes se sont avérées à être inexécutées.

J'ai rencontré, vous avez raison, les responsables de la Ligue des droits et libertés, pour une raison très simple: je vais le faire. Est-ce que ce sera le montant auquel M. Rémillard s'était engagé? Je ne le sais pas, je suis à l'évaluer. J'attendais la confirmation des budgets discrétionnaires aux ministres. Mais j'ai l'intention de respecter pas nécessairement la totalité de l'engagement du ministre Rémillard; je l'ai dit aux responsables de la Ligue des droits et libertés. Mais, je ne suis pas du tout mal à l'aise avec ça, au contraire. C'est un engagement qui a été pris par M. Rémillard. Pour des raisons techniques, on n'a pas pu l'exécuter sur l'exercice terminé en 1993-1994, mais – et j'ai rassuré les responsables de l'organisme dans ce sens-là – je veux, à tout le moins, leur verser un certain montant à même le budget discrétionnaire qui m'est alloué. J'ai fait la même démarche auprès de Me Crépeau, pour l'autre dossier, du Centre de droit comparé de l'Université McGill, en indiquant et à l'un et à l'autre que je ne m'engageais pas à remplir l'engagement total du ministre Rémillard, mais que j'allais verser un certain montant dans les deux cas à même mon budget discrétionnaire.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Juste à titre d'information, M. le Président, j'aimerais savoir: avant de confirmer une telle subvention, est-ce que, normalement, ça ne doit pas être approuvé par... Disons, la procédure normale, ça ne serait pas de faire approuver... Peut-être, le ministre pourra me dire comment, lui, il va procéder maintenant. Quand il va annoncer à un organisme l'octroi d'une subvention, va-t-il, auparavant, obtenir l'aval et l'autorisation du Conseil du trésor ou est-ce que ce genre d'incident pourrait se répéter à l'avenir? Parce que le ministre est conscient, je pense, d'ailleurs, par sa démarche – il a rencontré les organismes – des problèmes que ça pose aux organismes de se voir, dans un premier temps, confirmer des subventions et, par la suite, d'apprendre que, finalement, pour des technicalités dont ils sont tout à fait non responsables...

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Si j'avais eu à ajouter une mention sur la lettre du ministre Rémillard, ça aurait été: Sous réserve de l'approbation par le Conseil du trésor. Quant au reste, l'engagement du ministre Rémillard était conforme à ce que lui avait le pouvoir de faire: décider à même son budget discrétionnaire. Parce que la demande répond aux critères généraux, aux objectifs fondamentaux du ministère de la Justice, dans un cas comme dans l'autre, mais avec la réserve de l'approbation du Trésor. Il n'y a que ça qui a causé un problème, que l'on connaît. Mais, si j'ai à signer des lettres dans des dossiers semblables, ça sera peut-être avec la mention que le Trésor doit donner son approbation.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: On m'a confirmé que, pour le prochain exercice, le budget pour le soutien aux organismes communautaires passerait de 500 000 $ à 300 000 $.

M. Lefebvre: Oui.

M. Bélanger: Je voudrais savoir de quelle façon on va s'y prendre pour resserrer les critères. Je suppose qu'il va falloir préciser de nouvelles priorités pour, finalement, resserrer de 500 000 $ à 300 000 $ les demandes qui vont être formulées au niveau de ce budget ou de ce fonds. De quelle façon va-t-on s'y prendre?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Vous le savez, M. le député d'Anjou, c'est un programme. Un programme, ça tient à des critères très précis, à des balises très précises. Le comité ayant à distribuer 200 000 $ de moins, on sera encore plus exigeants quant aux demandes devant coller aux critères existant à l'intérieur du programme. Autrement dit, plus la demande se qualifie en regard des critères, des objectifs du programme, plus ils auront la possibilité de se qualifier. Et, aussi – c'est ce que je vérifie avec Me Bouchard – il y a des critères très précis quant aux objectifs, mais il n'y en a pas quant aux montants à être alloués, en supposant, par hypothèse, qu'on fait une demande, comme ça existe d'ailleurs au niveau du ministère de la Santé et du ministère de l'Éducation.

Alors, moi, je vais peut-être recommander, autant que possible, d'accepter le plus grand nombre de demandes possible, avec peut-être un resserrement quant aux montants eux-mêmes. Si, par hypothèse, un organisme a reçu l'an passé 25 000 $, il pourrait recevoir 30 % ou 35 % ou 40 % de moins cette année. Alors, s'il se qualifie, s'il répond aux critères, c'est mieux 40 % de moins que pas du tout.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.


Affaires criminelles et pénales

M. Bélanger: Merci, M. le Président. J'aimerais, à partir de maintenant, aborder des sujets qui touchent le programme 9 du ministère de la Justice. J'étais content, lors de notre dernière session de travail, que le ministre, finalement, consente à aborder, selon l'échéancier qu'on se donne nous-mêmes à l'amiable, les différents dossiers et éléments du ministère de la Justice. Depuis les deux dernières années, malheureusement, on ne pouvait jamais aborder le programme 9 du ministère de la Justice parce qu'on manquait toujours de temps à la fin des crédits. Donc, pour cette étude des crédits, je voudrais m'attarder beaucoup sur ce fameux programme 9 qui concerne les affaires criminelles et pénales.

Alors, si je regarde les crédits globaux de ce programme, d'entrée de jeu, il faut souligner que, pour 1994-1995, c'est le programme Affaires criminelles et pénales qui subit les coupures les plus importantes parmi tous les programmes du ministère de la Justice. Il s'agit d'une baisse de 7,6 %, c'est-à-dire environ 2 600 000 $ de moins. Les crédits du programme 9 connaissent des fluctuations à la baisse constantes depuis 1993. Cette année-là, les crédits octroyés étaient en baisse de 2,7 % par rapport aux crédits votés en 1992, de 35 269 000 $, crédits qui atteignaient alors un sommet. La variation de crédits, cette année, est, somme toute, importante, 2 600 300 $. En effet, les crédits affectés à ce programme pour 1994-1995 atteignent la somme de 31 709 000 $, alors qu'ils étaient de 34 300 300 $ en 1993-1994.

J'aimerais obtenir exactement l'explication de ces compressions, plus particulièrement quant aux dépenses probables évaluées pour 1993-1994. Celles-ci sont de 33 946 800 $ pour des crédits votés de l'ordre de 34 309 300 $. Cela fait une différence de 362 500 $, différence qui fait l'objet de crédits périmés. Toutefois, selon les données transmises par le ministre, les crédits périmés atteignent plutôt la somme de 376 800 $ pour le programme 9. Peut-on m'expliquer cette différence? Comment a-t-on appliqué les montants de crédits périmés?

(17 h 10)

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: J'aimerais, M. le Président, savoir de M. le député d'Anjou quelle est sa question précise. Il vient de donner des chiffres que je ne peux pas contredire. La question que je me pose, c'est si c'est moi qui répondrai ou M. le sous-ministre. Quelle est la question? Parce que les chiffres que vous avez donnés, M. le député d'Anjou...

M. Bélanger: C'est relativement aux crédits périmés. Selon les données transmises par le ministre, les crédits périmés atteignent plutôt la somme de 376 800 $ au lieu de 362 500 $.

M. Lefebvre: Vous voulez savoir où sont rendus les 14 000 $?

M. Bélanger: Oui, c'est ça. Non, c'est une différence de...

M. Lefebvre: 362 000 $ versus 376 000 $. Je vais en prendre avis et je vais vous répondre demain, au salon bleu, si vous avez une question pour moi.

Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger: Je reviendrai sur la question des crédits périmés, car je veux préciser quelque chose relativement aux chiffres que j'ai moi-même.

M. Lefebvre: D'accord.

M. Bélanger: Je reviendrai là-dessus tout à l'heure.


Substituts du Procureur général

Relativement aux coupures au niveau des affaires criminelles et pénales, M. le Président, on s'aperçoit qu'il s'agit, d'abord et avant tout, de compressions importantes au niveau de la masse salariale et, en conséquence, de coupures de postes. J'aimerais donc aborder immédiatement la question des coupures de postes à la couronne, dossier qui, j'en suis certain, tient à coeur énormément au ministre de la Justice, relativement à l'importance du travail qu'ils font. L'an dernier, les bureaux des substituts du Procureur général se voyaient frappés de compressions d'effectifs importantes afin de réaliser des économies de 1 600 000 $. Eh bien, cette année, on récidive avec des coupures de postes encore plus importantes, soit un total de 11 postes de procureurs de la couronne. L'économie réalisée à la catégorie Fonctionnement – Personnel est de 1 136 300 $. Bref, depuis deux ans, les bureaux des substituts du Procureur général ont perdu plus de postes, 25, que ceux qu'ils s'étaient vu attribuer en supplément en 1992-1993, soit 16 postes.

L'an dernier, à l'occasion de l'étude des crédits, le ministre Rémillard, en réponse à mes interrogations, m'assurait que d'aucune manière les services à la population ne seraient atteints par ces compressions. Voici l'essentiel de ses propos: «Il y a définitivement des coupures qui vont se faire, mais sans toucher à la qualité des services, sans toucher au principe de l'accessibilité, qui m'est cher, que je défends depuis que je suis ministre de la Justice.» Plus loin, il ajoutait: «M. le Président, il n'est pas question pour nous d'abandonner un programme d'aucune façon. Nous allons continuer les services que nous rendons et les programmes que nous avons.»

Pour justifier ces coupures sans toucher aux services, le ministre indiquait que la mise sur pied du programme de non-judiciarisation contribuerait à diminuer les dossiers criminalisés judiciarisés et ainsi, en proportion, que la tâche des procureurs de la couronne allait connaître le même sort. Le ministre annonçait la mise en application de ce programme de non-judiciarisation pour l'automne 1993. Voici ses propos à ce sujet: «Nous attendons pour octobre l'application du projet de loi fédéral, où plusieurs petits méfaits ne seraient plus judiciarisés, mais pourraient être réglés à l'amiable, en autant que la victime soit d'accord.»

Plus tard, le journal Le Droit , le 29 mai 1993, relatait l'essentiel d'une conférence fédérale-provinciale et abordait, notamment, le sujet de la déjudiciarisation de certains crimes mineurs. Le ministre québécois de la Justice a tenté de sensibiliser ses collègues du Canada et des autres provinces à la nécessité de déjudiciariser certains crimes mineurs. Depuis deux ans, c'était la première conférence fédérale-provinciale. Enfin, l'article concluait que plusieurs discussions avaient eu lieu dans le cadre de cette conférence, sans pour autant en arriver à prendre des décisions concrètes dans aucun de ces dossiers. On sait que le projet de loi C-90 à cet effet, notamment, a été déposé le 23 juin 1993. Toutefois, les élections tenues à l'automne dernier en auraient empêché la conclusion, semble-t-il. Permettez-moi de mentionner que je m'étonne du désir réel du fédéral d'accéder à cette demande d'assouplissement lorsqu'on constate comment il traite présentement le dossier des jeunes contrevenants.

Ensuite, le sous-ministre Michel Bouchard amenait un autre motif à l'appui du maintien des services et des programmes, malgré les coupures: la poursuite verticale. Voici ce qu'il disait alors: «La poursuite verticale amène un meilleur traitement des dossiers et amène également une diminution dans le nombre de remises qui peuvent être accordées ou dans le nombre d'audiences qui sont nécessitées par un dossier. Et, si vous prenez en considération qu'il y aura moins de remises, vous devez également en venir à la conclusion qu'il y aura moins d'apparitions d'accusés ou de suspects devant les tribunaux, donc moins de dossiers en circulation, donc moins de procureurs occupés à ce genre de remises de dossiers dans les salles d'audiences.»

M. le Président, tout cela est bien beau, mais force est de conclure que la réalité en est tout autre. On se rappelle que l'engagement de l'institution dans tous les districts judiciaires au Québec du mode de la poursuite verticale avait été pris par le ministre de la Justice dans le cadre du Sommet de la Justice, dans un premier temps, pour les affaires de violence contre la personne et, éventuellement, dans tous les dossiers se prêtant à ce mode de poursuite. Tous les districts devraient avoir ce type d'intervention ou de gestion de dossiers effectif pour l'année 1993, c'était approximativement le message qu'on nous lançait à l'époque.

Il n'y a encore que quelques districts judiciaires présentement où ce mode de poursuite verticale a été élaboré. À noter que cela est réclamé depuis belle lurette par les intervenants en matière de violence conjugale ou d'agression sexuelle, puisque cette manière de procéder humanise beaucoup le processus judiciaire pour ce type de dossiers. Il y avait 41 points de services plus deux cours itinérantes, Sept-Îles et Amos. Sur ces 41 points de services, 26 pratiquent la poursuite verticale. Le ministre pourrait peut-être corriger mes chiffres, à ce moment-là, si je suis dans l'erreur. Toutefois, sur ces 26 points, cinq connaîtraient de toute manière ce mode, puisqu'on n'y retrouve qu'un seul procureur.

Le rapport annuel 1992-1993 du ministre de la Justice mentionne que ce mode de poursuite a été implanté au cours du dernier exercice financier pour tous les bureaux suivants: Sherbrooke, Hull, Joliette, Chicoutimi, Saint-Hyacinthe, Saint-Jean, Salaberry-de-Valleyfield, Arthabaska, Rivière-du-Loup et Percé. Pourtant, les informations qui m'ont été transmises tout récemment sont à l'effet que ce mode de poursuite a dû être abandonné notamment à Sherbrooke en raison des compressions d'effectifs requises tout récemment, à cause de l'abolition d'un poste de procureur de la couronne.

Alors, ma première question: Pourquoi impose-t-on de nouvelles coupures de postes parmi les bureaux de substituts du Procureur général, surtout quand on considère l'action qui avait été entreprise il y a peu de temps par le ministre de la Justice, M. Rémillard, pour justement donner plus d'effectifs? Parce qu'il y avait un constat à l'époque, il y a à peine deux ans, que vraiment il y avait un manque au niveau des ressources humaines attribuées aux substituts du Procureur général.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: M. le Président, M. le député d'Anjou soulève plusieurs questions dans son commentaire. Il y a eu, effectivement, avant le 1er avril 1994, graduellement, en conséquence de l'application de la loi 198, l'abolition de 13 postes de substituts du Procureur général un petit peu partout au Québec. Et vous avez fait référence tout à l'heure au fait que M. le ministre Rémillard avait indiqué que c'était inévitable, mais qu'on essaierait et qu'on y arriverait... C'était sa conviction, c'est également ma conviction, parce qu'on l'a fait graduellement en étalant géographiquement la directive de la façon la plus rationnelle possible.

L'objectif, c'était de ne pas affecter le fonctionnement des tribunaux ou le fonctionnement du système de poursuites, parce que ce sont des substituts du Procureur général. Je pense qu'on va y arriver, parce que, en même temps, on met en place, vous le savez, le programme de non-judiciarisation dont on parle depuis un certain nombre d'années au ministère de la Justice, programme qui vise à trouver des alternatives au processus judiciaire pour des crimes, des délits mineurs. Le meilleur exemple, c'est le vol à l'étalage, le vagabondage. C'est des crimes qui sont prévus au Code criminel, mais dont les sentences, habituellement, sont mineures. Il n'y a pas de peine d'emprisonnement pour un premier délit de vol à l'étalage, sauf exception. La sentence, règle générale, c'est le programme de travaux communautaires, le remboursement à la victime.

Alors, en même temps qu'on compresse, encore une fois, avec difficulté jusqu'à un certain point... C'est évident que ces procureurs-là avaient un certain nombre de dossiers à traiter, puis on est conscients que ça peut augmenter, à tout le moins momentanément, la charge de travail des procureurs, des substituts qui restent en poste, mais, en même temps, je me répète, notre programme de non-judiciarisation est commencé et c'est dans quelques semaines que ce sera en vigueur.

(17 h 20)

Il y a eu également, M. le député d'Anjou, Mmes et MM. les députés, le transfert des plaintes sommaires à l'intérieur d'une démarche qu'on a faite auprès d'une soixantaine de municipalités. Les protocoles sont signés, les cours municipales traitent maintenant de dossiers, particulièrement ceux relevant de la partie XXVII du Code criminel, qui relevaient de nos propres tribunaux jusqu'à tout récemment. Alors, encore là, ça allège le travail des substituts qui relèvent du Procureur général du Québec.

Je voudrais vous entretenir aussi de ce qui a été abondamment discuté lors de la Conférence fédérale-provinciale des ministres de la Justice, les 23 et 24 mars. Vous le savez, un des objectifs du gouvernement du Québec, c'est de convaincre le ministre de la Justice fédéral, parce que c'est lui, finalement, qui décidera. Le Code criminel, quant à sa disposition, relève du fédéral. On prétend, au Québec, et on est supporté de façon générale par l'ensemble des provinces, qu'on devrait, compte tenu de l'efficacité – et c'est prouvé – de la procédure de la communication de la preuve, abolir l'enquête préliminaire. Ça serait extraordinaire au niveau du désengorgement que ça provoquerait au niveau du processus judiciaire. Ça aurait même une conséquence directe, très directe sur l'aide juridique. On a plein d'avocats à l'aide juridique, comme en pratique privée, qui sont coincés avec la procédure de l'enquête préliminaire.

Et aussi, et ça, c'est, quant à moi, un des arguments les plus importants quant à l'abolition de l'enquête préliminaire, c'est d'éviter aux victimes d'actes criminels, particulièrement les victimes d'actes criminels à caractère sexuel, l'obligation qui existe présentement, dans le processus, de témoigner à deux reprises. Et, lorsque j'ai eu l'occasion de rencontrer, à Coaticook, des jeunes filles du secondaire, des jeunes filles de 12 à 17 ans, au collège Rivier, un des premiers commentaires que ces jeunes filles-là m'ont fait, c'est: Est-ce que vous n'êtes pas capable d'éviter aux victimes de crimes à caractère sexuel l'obligation de témoigner à plusieurs reprises? Alors, l'abolition de l'enquête préliminaire aurait une conséquence extrêmement positive de toutes sortes de façons sur le système judiciaire, partout au Canada et ici, au Québec, comme ailleurs. Le ministre, M. Rock, a été très réceptif aux commentaires que j'ai faits, que d'autres ministres, également, de la Justice ont faits.

On a également discuté, avec beaucoup de détails, des intentions du gouvernement libéral fédéral et de M. Rock de modifier la loi des jeunes contrevenants. Et là, le Québec s'oppose au durcissement suggéré par certaines provinces, particulièrement certaines provinces de l'Ouest, à rendre la loi des jeunes contrevenants beaucoup plus sévère, beaucoup plus rigoureuse. On s'est objecté parce qu'on a fait, je pense, la démonstration que la loi des jeunes contrevenants, au Québec, elle est bien comprise, elle est bien administrée. Au Québec, au cours des dernières années, le gouvernement libéral, votre gouvernement également ont mis au point plein de démarches pour réhabiliter nos jeunes criminels plutôt que de les sanctionner. Et il y a des intervenants, au Canada, qui souhaiteraient que la loi des jeunes contrevenants soit, quant aux sentences, modifiée au point où on provoquerait le procès par jury pour des jeunes de 14, 15, 16, 17 ans, et le Québec s'oppose à une telle démarche.

Et on me dit que – j'allais oublier de vous le mentionner – il y aura une autre conférence, une rencontre des ministres de la Justice des provinces et des territoires, en novembre prochain, et j'aurai l'occasion, là, encore une fois, de discuter, au nom du gouvernement du Québec, de ce dossier extrêmement important. Je vois que Mme la députée de Terrebonne est d'accord pour qu'on continue à parler du dossier de l'enquête préliminaire. Et, si, à ce moment-là, le fédéral n'a pas été convaincu, je m'engage à revenir à la charge en novembre prochain, là.

On me dit, M. le député d'Anjou, que le processus des poursuites verticales n'a pas été abandonné à Sherbrooke, là, mais sous réserve que vous ayez des renseignements que moi, je n'ai pas, je vais le vérifier et, à 20 heures, je vous reviendrai avec ça, là. Mais on m'indique que ce ne serait pas le cas. Moi, je suis d'accord avec le principe de la poursuite verticale. On essaie de la mettre en place le plus rapidement possible un petit peu partout au Québec. La poursuite verticale est en usage présentement dans 26 des 41 points de services de la Direction générale des affaires criminelles et pénales – alors, 26 sur 41, c'est pas mal plus que 50 %, ça – plus à Montréal, le palais de justice de Montréal, et au Tribunal de la jeunesse aussi. Au-delà de 30 % des dossiers, présentement, criminels, pénaux ou qui relèvent du Tribunal de la jeunesse, sont traités par le mode de poursuite verticale. En 1992-1993, plus de 70 % des dossiers ouverts à la Direction générale des affaires criminelles et pénales ont été traités par mode de poursuite verticale.

Vous le savez, M. le député d'Anjou – vous ne l'avez pas indiqué parce que vous vouliez que je réponde le plus tôt possible à vos questions – ça facilite l'assignation éclairée des témoins, ça améliore la communication de la preuve, ça accroît la qualité de l'autorisation quant à la plainte, puis ça évite, en bout de ligne, et ça c'est fondamental, des remises inutiles.

En 1985, il y avait 223 substituts du Procureur général au Québec et, en 1994, on se retrouve avec 324 procureurs. Alors, il y a une amélioration d'une centaine de procureurs. Il y en a 100 de plus en 1994 qu'en 1985.

Le Président (M. LeSage): C'est 50 %.

M. Lefebvre: J'entends M. le président qui a le droit de faire ce commentaire-là. C'est bon, M. le Président de la commission.

Le Président (M. LeSage): Vous pouvez poursuivre, M. le ministre.

M. Lefebvre: J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, juste peut-être pour aider la recherche du ministre, à Sherbrooke, la personne qui a été retranchée, le substitut du Procureur, a été envoyée à Joliette et, effectivement, on a abandonné, selon mes informations, la poursuite verticale dans ce district suite à cette coupure de poste.

M. Lefebvre: À Sherbrooke?

M. Bélanger: À Sherbrooke. J'aimerais savoir: Quand le ministre prévoit-il, M. le Président, que le mode de poursuite verticale pourra être appliqué dans l'ensemble des districts du Québec et non pas uniquement dans 60 %, 50 %? Et j'aimerais savoir: Est-ce que le ministre est conscient, présentement, des tensions et des problèmes? Il y a certains districts où ça surchauffe, là, présentement, la situation. C'est loin d'être, comme on dit, sous contrôle. En particulier dans la région de Hull – et je suis certain que ça préoccupe le président – les procureurs ont présentement des charges de travail d'au-delà de 55 heures par semaine régulièrement pour pouvoir effectuer le travail.

Parce qu'il faut comprendre quelque chose: les substituts du Procureur général n'ont pas de contrôle sur le volume de leurs dossiers. Il y a des arrestations qui se font, des gens qui sont prévenus. Il y a des délais qui sont imposés par le Code criminel relativement à la tenue des enquêtes préliminaires, aux comparutions, puis tout ça. Donc, on n'a pas le choix. On ne peut pas contrôler ça. Les substituts ne peuvent pas dire: Écoutez, moi, ce dossier-là, je ne le prends pas, je ne l'autorise pas. Donc, présentement, à Hull, il y a un sérieux problème. On est en train de brûler le personnel. C'est plus de 55 heures régulièrement que les substituts doivent travailler présentement pour accomplir uniquement le travail.

(17 h 30)

Et, aussi, je reviendrai sur le problème de la cour itinérante. Je suis certain, aussi, que le ministre a entendu parler des problèmes présentement vécus par la cour itinérante du Grand-Nord relativement, encore là, au manque de personnel, au manque d'effectifs et aussi relativement à un effort qu'on avait entrepris récemment relativement à la lutte contre la drogue. On avait fait grand état d'un engagement du gouvernement à faire la lutte contre la drogue.

Ça s'était traduit, à Montréal, par la formation d'une équipe spécialisée de 13 procureurs. Jusqu'à l'an dernier, M. le Président, il y avait 13 procureurs de la couronne spécialisés dans les cas de poursuites relativement aux drogues, aux stupéfiants. M. le Président, cette année, savez-vous combien ils sont? Ils sont six procureurs. Six! En dedans d'une année, à cause des compressions d'effectifs, on est passé de 13 à six procureurs pour s'occuper des cas de stupéfiants et de drogue, et ça m'étonnerait qu'on ait eu une baisse au niveau du volume des arrestations et du volume de plaintes relativement aux drogues et aux stupéfiants. Alors, on peut se demander même ce qu'il en est advenu de la lutte aux drogues avec de telles choses.

Et un autre cas, M. le Président, est venu à mon attention. Il y a présentement un important procès de stupéfiants dans la région de Montréal. Le procureur de la couronne est tout seul dans ce dossier-là contre cinq avocats de la défense. On n'a même pas de ressources pour lui adjoindre un assistant dans ce procès-là. C'est à cinq contre un, M. le Président, alors qu'à ce moment-là il ne faut pas oublier que, au niveau des enquêtes criminelles, c'est la couronne qui a le fardeau de la preuve. C'est bien plus facile d'être avocat de la défense, d'attendre, tout simplement, que la couronne fasse sa preuve, et c'est le procureur de la couronne qui doit, à ce moment-là, tout établir, élaborer sa preuve. En ce moment, on assiste à des procès majeurs, M. le Président, relativement à des importations, à des possessions importantes de drogue, et on a un procureur contre cinq procureurs de la défense. On n'est même pas capable de lui adjoindre un assistant.

Donc, il y a des problèmes présentement. Moi, je ne vois absolument pas comment on peut même envisager des coupures supplémentaires au niveau de la couronne. Je pense que, au contraire, il faut envisager rapidement des nouveaux procureurs, des nouveaux postes de procureurs pour ces régions-là. Et je vais revenir tout à l'heure sur le problème de la cour itinérante du Grand-Nord. Il y a eu un constat sérieux qui a été fait par le juge Coutu relativement à ça.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: M. le Président, le député d'Anjou a raison de souligner le travail exceptionnel qui est fait par les procureurs, les substituts du Procureur général. C'est pour ça que j'ai insisté tout à l'heure sur... M. le député d'Anjou indique que les procureurs, les substituts du procureur de la couronne ont une charge de travail très, très forte. Il n'est pas allé jusqu'à dire qu'ils étaient débordés parce que, là-dessus, je ne l'aurais pas suivi. Les substituts du procureur de la couronne, je rappelle tout à l'heure ce que je disais, ils sont 324 au Québec. Ils étaient 223 en 1985. C'est évident qu'on a des procureurs, des substituts qui font, vous avez raison, des semaines de travail de 50 heures et plus pour certains, sûrement. Mais je vous dis tout de suite, et ça ne répondra probablement pas à vos inquiétudes, qu'on a des substituts d'une qualité exceptionnelle qui font un bon travail, qui sont encore, et partout c'est l'information qu'on me donne, dévoués à leur tâche. J'en rencontre, d'ailleurs, dans différents événements.

Je vous rassure tout de suite sur le procès auquel vous avez fait référence à Montréal. Vous le savez, c'est la conséquence de la nomination par le gouvernement du Québec d'un nouveau juge à la Cour du Québec, section criminelle, une recommandation que j'ai faite et qui a été reçue avec – c'est les journalistes qui l'indiquaient, La Presse , entre autres – une rare unanimité, la nomination de l'assistant au procureur dans la cause de drogue dont vous parliez tout à l'heure. Alors, c'est l'avocat Provost, qui est maintenant juge, qui était l'assistant en question. On travaille présentement au ministère à adjoindre, dans les plus brefs délais, un nouvel assistant au procureur qui s'occupe de ce dossier-là.

Ce que vous pointez comme situation, M. le député d'Anjou, ça m'incite encore plus et ça incite encore plus le gouvernement du Québec à pousser sur des réformes qu'on doit amener au système judiciaire. Vous savez, ce serait, quant à moi, faire preuve de courte vue de ne pas comprendre la situation et de ne faire que reporter à plus tard le problème. Même si, par hypothèse, il y avait 10, 12, 15 substituts de plus demain matin, vous seriez dans la même situation dans six ou sept mois.

C'est fondamental qu'on intervienne au niveau du processus judiciaire. Et, je me répète: Il faut absolument que le gouvernement fédéral, avec son ministre de la Justice, dans les plus brefs délais, arrive aux mêmes conclusions que plusieurs ministres de la Justice, que plusieurs gouvernements provinciaux, qu'il faut abolir l'enquête préliminaire. C'est des frais incroyables, le processus de l'enquête préliminaire, en assignation de témoins, en policiers assignés, en transcription des notes sténographiques. C'est incroyable ce que ça coûte au système judiciaire, l'enquête préliminaire, les procureurs de la couronne, les substituts qui sont affectés au processus de l'enquête préliminaire, les juges, le personnel de la cour. Et aussi il faut accélérer, ce que je vous ai dit tout à l'heure, les démarches de non-judiciarisation de certains crimes mineurs.

Entre-temps, on suit la situation de très, très près. Si je vous disais, aujourd'hui, qu'à court terme on nommera un nombre considérable de substituts de procureurs de la couronne, ça ne serait pas vrai. On évalue la situation, on intervient de façon ponctuelle, et, en même temps et surtout, on fait plein de démarches, plein d'efforts pour alléger le régime, le système judiciaire – c'est ça qui m'apparaît fondamental – tout en surveillant, comme vous le dites, de très, très près certaines situations. Et, quand vous faites référence au procès des stupéfiants, c'est un gros procès, vous avez raison, il faut être préoccupé et s'assurer que la poursuite est à égale force avec la défense. C'est ça le jeu d'un débat judiciaire. Alors, on suit ça de près et peut-être qu'en début de soirée, à 20 heures, je vous reviendrai avec plus de détails là-dessus, M. le député d'Anjou.


Engorgement du système judiciaire dans le district de Hull

Le Président (M. LeSage): Alors, si vous le permettez, puisque le député d'Anjou y a fait allusion, j'aurais souhaité, M. le ministre, que vous reveniez sur l'affirmation du député d'Anjou en ce qui concerne l'engorgement du système judiciaire dans le district judiciaire de Hull.

M. Lefebvre: Ça, c'est un cas de comté.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre, je ne veux pas, justement, en faire un cas de comté, c'est ce que j'allais vous dire. Mais j'aimerais vous faire remarquer, M. le ministre – et c'est M. Bonaparte qui le disait, et M. Bourassa s'est plu à le dire à maintes reprises – qu'un bon gouvernement doit toujours, dans ses décisions, tenir compte de sa géographie. Et je vous ferai remarquer, M. le ministre, que, dans l'Outaouais, c'est vrai que ce n'est pas une grosse population par rapport au Québec, on parle d'à peu près 4 %, sauf qu'il est évident qu'avec la présence de l'Est ontarien, avec une population d'environ 1 000 000, avec le va-et-vient qui se fait des deux côtés de la rive – il y a 26 000 ou 27 000 personnes qui viennent travailler à Hull à tous les jours et il y a un autre 30 000 Québécois qui vont travailler dans l'entreprise privée en Ontario – avec le va-et-vient régulier, tous les jours, le système judiciaire à Hull ne traite pas que les Québécois, il traite en grande partie, également, les Ontariens. Je pense que le député d'Anjou, quand il fait allusion à l'engorgement, c'est peut-être dû, justement, au fait qu'il y a beaucoup d'Ontariens qui sont jugés sur le côté québécois. J'espère que le ministère en tient compte, M. le ministre.

M. Lefebvre: Vous savez, M. le député de Hull, que je suis extrêmement attentif à cette situation-là. Vous m'en avez parlé à plusieurs reprises. C'est préoccupant pour la population de votre région et ça l'est pour le ministre. C'est un des dossiers au niveau du problème d'engorgement des tribunaux. Parce que, vous savez, il ne faut pas nier l'évidence, là: dans certains districts, dans certains palais de justice, on n'a pas un problème nécessairement de surchauffe, mais on a un problème d'engorgement. Il y en a un, également, à la Cour d'appel quant aux délais nécessaires pour l'audition des causes. Ça, je ne nie pas ça. Je ne nie pas également le fait que, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la plupart des substituts du procureur ont une tâche considérable et plus volumineuse qu'il y a quelques années.

(17 h 40)

Mais ce qui est fondamental dans tout ça, c'est ce que je disais tout à l'heure, c'est les interventions qu'on doit faire à moyen et à long terme: à court terme, surveiller la situation, comme on le fait, que ce soit M. le député de Hull, chez vous, écouter les représentations des gens du milieu, particulièrement celles qui nous viennent des députés, c'est fondamental, ça, mais aussi rassurer la population que la justice, au Québec, elle n'est pas chamboulée, au moment où on se parle, aux niveaux criminel et pénal. Elle est respectée, dans le sens que les poursuites qui doivent être prises sont prises; pour les criminels qui doivent être poursuivis sur la base des rapports d'enquête remis aux substituts par nos forces policières, les poursuites sont prises.

Dans certains cas, il y a des retards, mais pas, quant à moi, au point qu'il faille questionner d'urgence le système. Il y a des interventions qu'on doit faire dans certaines régions, et c'est ce qu'on tente de faire avec le plus de diligence possible au ministère de la Justice, en même temps – et ça, c'est fondamental – que des actions déjà enclenchées pour libérer les tribunaux, surtout au niveau des crimes mineurs qui, au niveau du temps, sont aussi contraignants que des crimes sévères.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Groulx.


Nomination des juges

Mme Bleau: À votre arrivée, M. le ministre, bon, il y avait eu beaucoup de manchettes sur la nomination des juges et, je me rappelle, vous avez fait certaines déclarations sur le sujet. Est-ce que vous avez eu le temps de faire le point sur la nomination des juges?

M. Lefebvre: Oui, M. le Président, c'est une question qui est extrêmement importante, celle qui est soulevée par Mme la députée de Groulx. Lors de cette même conférence fédérale-provinciale, je m'étais engagé à faire des représentations auprès du ministre de la Justice concernant les incidents qu'on a vécus en janvier, février, en ce qui a trait au juges de compétence fédérale, c'est-à-dire les juges nommés par le fédéral à la Cour supérieure, à la Cour d'appel et également à la Cour suprême, afin qu'on mette en place un processus qui fera en sorte qu'on ne revive pas les incidents malheureux qu'on a vécus en janvier dernier. Sur ça, j'ai reçu l'assurance et même une assurance écrite du ministre Rock qu'il est à travailler présentement sur des modifications au processus pour le moment administratif. Mais, si ce qu'il suggère était mis en place, ça aurait comme conséquence, Mme la députée de Groulx, d'éviter tout incident semblable à celui qu'on a vécu en janvier dernier en regard des juges qui relèvent du fédéral. Pour ce qui est des juges qui relèvent du gouvernement du Québec, des juges de la Cour du Québec, le problème est très, très différent. Il ne se pose pas du tout de la même façon.

Le Président (M. LeSage): Ça va, Mme la députée de Groulx?

Mme Bleau: Merci.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je reviendrai spécifiquement sur la question – moi aussi, je voudrais l'aborder avec le ministre – de la nomination des juges, qui a fait couler beaucoup d'encre récemment.


Substituts du Procureur général (suite)

Pour revenir au problème au niveau de la couronne, M. le Président, permettez-moi un petit peu de différer d'opinion relativement à l'approche du ministre relativement au problème qu'on vit à la couronne, parce que je pense qu'on peut parler présentement de problème. Je suis loin d'être convaincu et la population est loin d'être convaincue que présentement la situation est vraiment sous contrôle. On a plutôt l'impression que ça bout en dessous du couvercle de la marmite, que tout est vraiment tenu à peine sous contrôle et que, à un moment donné, quelque chose pourrait briser dans certains districts judiciaires. Permettez-moi, en tout cas, d'exprimer mon opinion à cet effet.

Si le ministre est tellement confiant que, à moyen terme et à long terme, le problème va être réglé suite à une déjudiciarisation, à ce moment-là, qu'est-ce qui empêcherait, au moins pour régler le problème à court terme, d'adjoindre des effectifs supplémentaires, quitte, après ça, si le problème des engorgements vient à se résorber, à procéder aux coupures qui sont envisagées ou, disons, au gel des effectifs qui est envisagé? C'est parce que je pense qu'il y a réellement un problème présentement. Je vais y revenir dans le dossier de la cour itinérante du Grand-Nord. C'est un problème qui est sérieux.

Et, aussi, ce qui m'inquiète un peu, M. le Président, c'est que je ne suis pas aussi confiant que ça, moi, qu'il va y avoir un désengorgement à court terme, même à moyen terme, parce que le ministre Rémillard comptait énormément sur l'adoption du projet de loi fédéral dont j'ai fait mention tout à l'heure pour qu'il y ait déjudiciarisation de certains délits, et on sait que cette législation n'est pas passée. Donc, les effets escomptés de cette législation-là, on ne peut pas compter dessus. Donc, je ne suis pas certain, M. le Président, qu'on va avoir un désengorgement si rapide que ça.

Maintenant, quant à l'abolition de l'enquête préliminaire, M. le Président, je suppose que, présentement, il y a des avis juridiques qui sont demandés relativement à la Charte des droits et libertés, à savoir si on va brimer des droits d'individus ou de prévenus relativement à l'abolition de cette étape qui, auparavant, dans notre droit de «common law», a toujours été considérée comme une étape essentielle et on pourrait dire presque, si vous me permettez, M. le Président, comme un droit fondamental pour les prévenus. Est-ce qu'on a procédé à des études là-dessus, est-ce qu'on a des avis juridiques en cours?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Je voudrais, M. le Président, indiquer au député d'Anjou qu'il y a déjà une conséquence, quant aux engorgements, de certaines mesures qu'on a mises en place. Lorsque j'ai parlé tout à l'heure du transfert des infractions sommaires aux cours municipales, on m'indique qu'au moment où on se parle, de façon générale, où les cours municipales sont installées, sont mises en place, il y a un déplacement de plus ou moins 10 % des dossiers. Ça veut dire qu'il y a déjà un allégement, en général, de plus ou moins 10 % des dossiers que n'ont plus à traiter les substituts du Procureur général. C'est beaucoup, ça, 10 %. Ce n'est pas suffisant pour vous contredire sur vos inquiétudes qui sont bien fondées, je me répète, mais, moi, je ne suis pas arrivé à l'opinion qu'il y a une situation plus que problématique. Elle est problématique, c'est déjà suffisant – et depuis un bon bout de temps – pour alerter le ministre de la Justice, l'alerter dans le sens raisonnable du terme, mais il n'y a pas encore, quant à moi, d'urgence absolue.

Le dossier de l'enquête préliminaire, M. le Président, fait présentement l'objet d'une évaluation, au niveau fédéral, d'un comité de travail avec aussi une consultation, un suivi avec les provinces, avec le Québec entre autres, mais c'est un dossier qui suit son cours. Mon inquiétude, c'est que ça n'aille pas aussi vite que, moi, je le souhaiterais. Moi, je suis convaincu qu'on est prêts pour l'abolition de l'enquête, sauf exception. Ce qu'on a proposé à Ottawa, c'est que, dans deux cas précis, en supposant, par hypothèse, qu'une partie ou l'autre ferait la preuve au juge de la Cour du Québec, sessions de la paix, qu'un témoin ne serait pas disponible pour une raison ou pour une autre, maladie grave au moment du procès, ou qu'il serait à l'extérieur du pays pour une longue période de temps, à ce moment-là, le juge pourrait autoriser la procédure de l'enquête préliminaire. On pourrait également imaginer – et ça répond un peu à votre inquiétude sur la Charte, M. le député d'Anjou – que, si, par hypothèse, la procédure de la communication de la preuve n'avait pas satisfait le procureur de la défense, par exemple, il pourrait demander au juge la tenue de l'enquête préliminaire. Ce serait deux cas d'exception au principe de l'abolition de l'enquête préliminaire.

Si vous le permettez, M. le Président, j'aimerais que M. le sous-ministre Bouchard, peut-être pour satisfaire le questionnement de M. le député d'Anjou, puisse donner des détails additionnels à la procédure, à la mécanique de la poursuite verticale, pour savoir où on en est exactement au Québec dans ce dossier-là.

Le Président (M. LeSage): M. Bouchard, on vous écoute.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. Très brièvement, M. le député, il faut bien se rendre compte que la poursuite verticale a des avantages énormes dans certains districts et que, dans d'autres districts, ces avantages-là seraient passablement diminués. Il y a beaucoup de districts au Québec où les bureaux de procureurs sont constitués de un, deux, parfois trois procureurs de la couronne où, déjà, la poursuite verticale s'est installée, mais pas dans le sens qu'on la connaît dans les districts plus urbanisés comme Montréal, Sherbrooke, Hull, Trois-Rivières et les autres grandes régions. Il y a de la poursuite verticale dans la très grande majorité des districts au Québec parce qu'elle existait déjà, cette poursuite, dans les petits districts moins populeux.

(17 h 50)

À Montréal, où la poursuite verticale n'est pas officiellement implantée, c'est uniquement en raison des effectifs qui sont au-delà de 100 procureurs. Et la poursuite verticale ne peut s'implanter à Montréal comme on l'a implantée dans les autres districts en raison du fait que, d'abord, l'équipe des procureurs de la couronne à Montréal constitue plusieurs petites équipes, par exemple, l'équipe chargée des dossiers en matière d'agression sexuelle, l'équipe, dont vous avez parlé tout à l'heure, spécialisée dans le traitement des dossiers en matière de stupéfiants. Ces équipes-là, donc, et ces procureurs qui en font partie font déjà de la poursuite verticale dans ces dossiers. Il en est de même pour l'équipe chargée du traitement des dossiers qu'on appelle des crimes de nature économique.

Donc, à Montréal, il y a déjà une poursuite verticale dans un très grand nombre des dossiers qui sont traités par les procureurs, mais vous comprendrez que ce district se prête difficilement à une poursuite verticale globale de l'ensemble des procureurs en raison de la sorte de dossiers qu'on y traite. Mais les dossiers majeurs, importants, ceux qui comportent ce qu'on appellerait des victimes qui font particulièrement l'objet d'attention de notre part, ces dossiers-là sont traités en poursuite verticale.

Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le député d'Anjou?


Cour itinérante du Grand-Nord

M. Bélanger: Oui. Je vous remercie, M. le Président. Ceci m'amène, M. le Président, à parler de l'autre dossier dont j'ai parlé, c'est-à-dire le dossier des procureurs de la couronne et de la cour itinérante du Grand-Nord. Je suis certain que le ministre a eu connaissance d'une lettre du 4 mars 1994 envoyée par le juge Jean-Charles Coutu, juge coordonnateur à la cour itinérante du district d'Abitibi, lettre intitulée «Compte rendu d'une visite effectuée à – excusez mon inuit – Povungnituk, les 24 et 25 février 1994». Et juste pour reprendre quelques extraits de cette lettre, M. le Président: «C'est à titre de juge coordonnateur de la cour itinérante du district d'Abitibi que j'ai effectué ce voyage. Je le faisais principalement à cause des articles de journaux et des lettres émanant de la communauté de Povungnituk, mettant en cause le système judiciaire canadien et québécois. D'ailleurs, ces lettres avaient fait l'objet de nombreux commentaires à la télévision et à la radio.»

Alors, M. le Président, je vais déposer une copie de cette lettre après l'avoir utilisée pour mes débats. Dans cette lettre, le juge Coutu parle de colère exprimée par les leaders de la communauté inuit. Le juge Coutu parle aussi, dans ces rencontres qu'il a eues avec les leaders, d'un climat très tendu: «Nous avons eu à affronter des sentiments de colère, de frustration, de dépit, ainsi qu'une profonde méfiance envers le système judiciaire.» Et le juge Coutu continue dans sa lettre: «J'ai toujours dit et je le répète encore que le leadership de l'administration de la justice en territoire autochtone devrait être assumé par les substituts du Procureur général.»

À ce moment-là, le juge Coutu, dans sa lettre, dénote une des carences fondamentales, un des problèmes fondamentaux qui existent à la cour itinérante, en particulier, dans le district d'Abitibi, et il dit, à la page 3 de sa lettre: «Je conçois facilement que les ressources actuelles ne permettent pas une telle implication.» Il parlait d'une implication plus grande des procureurs de la couronne dans le milieu autochtone. «En somme, pour répondre adéquatement à la demande actuelle, il faudrait un substitut affecté à la Baie d'Hudson, un autre à la Baie d'Ungava et un dernier aux communautés cries.» Donc, on parle de l'adjonction de trois nouveaux substituts du Procureur général.

Et on parle en particulier du problème – et là, je pense que le ministre va être d'accord avec moi – qui est criant, qui est aigu, le problème des causes d'agression sexuelle dans la cour itinérante du Grand-Nord, parce que, je pourrais dire, ce sont presque la majorité des causes qui sont entendues à la cour itinérante du Grand-Nord, et c'est un problème très grand. Le juge Coutu mentionne que les Inuit dans les présentes circonstances, principalement ceux de Povungnituk, sont en général scandalisés par la facilité avec laquelle des criminels qu'ils considèrent dangereux sont libérés en attente de comparution, d'enquête préliminaire ou de procès. Alors, on parle, à ce moment-là, comment je pourrais dire, de non-communication avec le milieu autochtone. La communauté se sent tout à fait mise de côté par le processus judiciaire.

Quand on avait eu, M. le Président, lors des auditions sur la réforme de l'aide juridique, des leaders de la communauté inuit qui étaient venus ici devant notre commission, j'avais dit, à ce moment-là, à un des leaders que, là-bas, en Abitibi, dans le circuit de la cour du Grand-Nord, on parle beaucoup du «white flying circus». Malheureusement, c'est une forme de parodie, pour eux, que la cour itinérante du Grand-Nord. Ils ne se sentent pas touchés par cette institution, ils ne se sentent pas vraiment considérés.

Ici, dans cette lettre, M. le Président, le juge Coutu ne veut pas attaquer le travail fait par les procureurs. Au contraire, ce qu'il déplore, c'est l'absence de ressources qui leur sont attribuées. Encore ici, et c'est à la page 5: «J'estime qu'une plus grande disponibilité et qu'une plus grande sensibilité de la part des substituts du Procureur général seront nécessaires pour leur permettre de répondre mieux aux attentes de ces populations. Dans l'état actuel des choses, le volume de travail qu'ils ont à abattre ne leur permet pas, d'une part, d'être disponibles et, d'autre part, de prendre le temps nécessaire pour connaître le pouls des communautés.» Et on parle en particulier du manque de temps réservé au tribunal pour siéger à des heures convenables. Quelquefois, M. le Président, la cour itinérante du Grand-Nord doit prolonger ses auditions jusqu'en plein milieu de la nuit pour pouvoir finir son rôle qui lui est octroyé parce que, malheureusement, plusieurs mois d'intervalle séparent les visites de la cour itinérante du Grand-Nord.

Et le juge Coutu dit: «Je pourrais, comme je l'avais fait en 1988, réunir tous les intervenants de la cour itinérante et préparer un mémoire-choc afin d'attirer l'attention des autorités supérieures sur les dangers de la présente situation et sur la nécessité de donner un coup de barre. Cependant, je refuse de refaire cet exercice pour plusieurs raisons, dont la première en est une de lassitude certaine de ma part et des autres intervenants qui répètent inlassablement, depuis au-delà de 10 ans, le même refrain. Et, deuxièmement, je ne crois plus devoir, comme juge, m'impliquer comme je l'ai fait auparavant dans la solution des problèmes qui relèvent, somme toute, non seulement de la l'administration, mais également du pouvoir politique.»

Et, M. le Président, pour conclure, le juge Coutu dit: «Je sais qu'en ces périodes difficiles il n'est pas facile de présider à toutes les coupures qui sont demandées par le Conseil du trésor, mais il me semble évident que, pour continuer à assumer une présence légitime au nord du 55e parallèle, il faudra que le Québec assume pleinement ses responsabilités politiques et administratives, pouvoirs qui sont dévolus principalement à l'exécutif, au législatif et non au judiciaire.» Et, M. le Président, quand ça provient de quelqu'un qui a la notoriété du juge Jean-Charles Coutu, je pense que le constat qui est fait dans un tel document doit être pris très au sérieux.

Et ça fait de nombreuses années qu'on entend parler de la situation qui prévaut à la cour itinérante du Grand-Nord. C'est pour ça que j'étais content, comme je vous l'ai dit, M. le Président, que cette année on puisse élaborer sur le programme 9 du ministère de la Justice. Je pense, M. le Président, que là on peut dire vraiment qu'il y a un problème urgent. On ne peut pas dire qu'il va y avoir un désengorgement des tribunaux ou une réforme à court terme qui vont régler ce problème-là. Je ne le pense pas. Le problème est là depuis longtemps. Il est en train de pourrir. On a vu, dans les journaux, des articles qui font peur relativement à, dans certains villages, l'absence totale d'application des lois, à de la violence qui est faite et à une perte de contrôle de la situation.

Alors, M. le Président, j'aimerais savoir: Est-ce que le ministre est sensibilisé à la situation? Qu'est-ce qu'il entend faire à court terme – on ne peut pas vraiment parler, je pense, de moyen terme là-dedans – pour régler ce problème-là? Je pense que c'est l'ensemble de la population du Grand-Nord qui voudrait savoir ce qu'il en est.

Le Président (M. LeSage): Alors, si vous le permettez, Mmes, MM. les membres de la commission, il reste à peine 30 secondes avant 18 heures. Je présume, M. le ministre, que vous préférez également que l'on revienne pour poursuivre la discussion.

M. Lefebvre: J'aimerais, si les collègues le permettent et me donnent un consentement, prendre peut-être deux minutes pour vous donner une réponse. Si nécessaire, on reprendra à 20 heures. C'est parce que j'aurais peut-être...

Le Président (M. LeSage): Est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre au-delà de 18 heures? M. le ministre, à vous.

(18 heures)

M. Lefebvre: M. le Président, le député d'Anjou fait évidemment référence à une situation très particulière, puis il a raison, dans le Grand-Nord, à Povungnituk. Pour toutes sortes de raisons, les autochtones dans le Grand-Nord ont, quant aux services judiciaires, raison, je pense, de revendiquer des ajustements et des améliorations. C'est à l'occasion du Sommet de la Justice, en 1992-1993, qu'on a chargé M. le juge Coutu d'évaluer toute la situation. M. le juge a, en cours d'exécution de son mandat, décidé de faire le point à l'occasion d'une lettre qui a été adressée à différents intervenants.

Je veux tout de suite rappeler à M. le député d'Anjou que, conformément au mandat qui a été donné au juge Coutu lors du Sommet de la Justice, le rapport doit être remis par M. le juge au mois d'août qui vient, au mois d'août 1994, là. Et je suis déjà, moi, fixé: on devra, effectivement, là, avant même que le rapport soit remis par M. le juge Coutu, poser des gestes pour améliorer la performance de la cour itinérante. Qu'est-ce que je pourrais vous dire de plus, sinon qu'on attend? On est conscients qu'il y un problème. On travaille déjà à des solutions avant même que le rapport du juge Coutu nous soit remis, parce que la lettre dont vous avez pris connaissance contient fort probablement, déjà, l'essentiel du rapport.

Je vais permettre, peut-être, M. le Président, si on pouvait prendre quelques minutes de plus, à M. le sous-ministre Bouchard de compléter, si vous me donnez l'autorisation, vous et mes collègues. Mais on est conscients de la situation. J'ai déjà, d'ailleurs, été sensibilisé à des problèmes semblables à l'occasion de la commission parlementaire sur l'aide juridique. C'était, à toutes fins pratiques, le même problème qu'on nous soumettait sous un angle différent: l'absence, à toutes fins pratiques, de possibilité d'intervention par le biais de l'aide juridique. Mais c'est clair qu'il va falloir qu'on pose des gestes.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. Bouchard, vous avez la parole.

M. Lefebvre: M. le sous-ministre.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. M. le député d'Anjou, des actions assez opportunes peuvent être faites relativement à la situation bien particulière de la cour itinérante et plus spécifiquement à ce qui existe à Povungnituk. Vous connaissez très bien le problème, il a été énoncé dans des lettres aux lecteurs dans La Presse au cours de l'hiver.

M. le juge Coutu a fait un rapport suite à une visite qui a été faite à sa suggestion, je dois le dire. Mais, également, M. le juge Coutu était accompagné de gens du ministère de la Sécurité publique et du ministère de la Justice lorsqu'il a fait cette visite éclair à Povungnituk, ce qui a conduit à son rapport à mon attention, qui a été également distribué à plusieurs personnes.

J'ai rencontré le procureur-chef responsable des procureurs de la couronne au niveau de la cour itinérante pour que des actions précises soient prises et qu'on puisse former à brève échéance – et c'est le mandat sur lequel ils doivent me revenir dans quelques jours – ce qu'on appelle en bon français des «task forces» au niveau de la participation de la couronne à la cour itinérante. Parce qu'on réalise que les procureurs de la couronne qui se déplacent au sein de cette cour itinérante ont peu de temps devant eux pour préparer les dossiers, puisqu'ils arrivent dans les villages nordiques quelques heures avant l'audition, ils doivent rencontrer les témoins, etc. Donc, la formule que nous envisageons, c'est d'envoyer une équipe de procureurs qui précéderait l'arrivée de la cour itinérante pour rencontrer les témoins.

M. Lefebvre: Des «SWAT teams».

M. Bouchard (Michel): M. le ministre parle de «SWAT teams»; ça peut être la formulation qu'on pourrait lui donner. Mais vous comprendrez que les moyens de transport, le climat qui règne là-bas et, surtout, la promiscuité, aussi, des victimes avec les agresseurs...

Une voix: Présumé.

M. Bouchard (Michel): Un présumé agresseur en matière d'agression sexuelle, à Montréal, peut être de longues semaines sans rencontrer de nouveau sa victime, alors que, dans le Grand-Nord, ces gens-là cohabitent au sein d'un village qui comprend 400 à 500, des fois, au maximum 1000 personnes. Et c'est évidemment extrêmement pénible pour les victimes d'avoir à côtoyer les présumés agresseurs. Et c'est ces conditions particulières là qui prévalent là-bas. On ne peut pas faire un Code criminel différent pour les autochtones parce que les villages sont petits, composés de peu de personnes. La présomption d'innocence joue également dans le Grand-Nord pour les accusés comme elle joue à Montréal et, lorsqu'un individu n'a pas de dossier judiciaire, il doit être remis en liberté, c'est la règle. Alors, la remise en liberté ne veut pas dire une détention à Amos, ça ne veut pas dire une détention à Montréal; ça veut dire une remise en liberté dans son village, et c'est là la problématique particulière du Grand-Nord. Mais je pense qu'avec ce que je viens de vous donner comme moyen d'action immédiat par la couronne on va au moins régler une partie du problème à raison mentionné par le juge Coutu dans sa lettre qu'il m'envoyait.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Je voudrais juste, M. le Président, préciser le dépôt du rapport. Il y a eu modification de la date. Ça devait être en mars 1994 et on m'indique que c'est M. le juge Coutu qui a suggéré, demandé que ça soit reporté de quelques mois, et la date qui a été fixée, c'est le mois d'août 1994.

Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le député d'Anjou? Alors, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission des institutions jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 6)

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions reprend ses travaux, et je cède la parole au député d'Anjou. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Je suis content de voir, au moins, qu'au niveau du ministère de la Justice on est préoccupé par la situation qui prévaut à la cour itinérante du Grand-Nord. Maintenant qu'on en est conscient, j'espère qu'assez rapidement on pourra voir des actions concrètes qui vont être appliquées. Le sous-ministre a parlé d'équipes tactiques, communément appelées, en anglais, «SWAT teams», qui vont, à ce moment-là, faire des opérations pour pouvoir faciliter le travail des procureurs dans ces régions. Cependant, je pense qu'on sera tous d'accord que ça va régler une partie du problème, mais que ça ne réglera pas l'ensemble du problème, qui est aussi la perception de la cour itinérante du Grand-Nord par le milieu autochtone. Je ne sais pas exactement où en est la réflexion du ministère sur ce problème-là, toute la question de la perception. Dans le milieu autochtone, on a beaucoup de difficultés, encore, vraiment à accepter la justice telle que rendue par la cour itinérante du Grand-Nord. Je ne sais pas, à ce niveau-là, où en est rendue la réflexion du ministère de la Justice.

M. Lefebvre: La réflexion du juge Coutu porte sur ce problème-là ou sur la question que vous venez de soulever, M. le député d'Anjou. Ça fera partie, j'en suis convaincu, du rapport que nous soumettra le juge Coutu, qui, tel que je l'ai indiqué avant l'interruption des travaux, devait nous être soumis en mars, mais qui a été repoussé au mois d'août. Je suis convaincu que le juge Coutu va traiter de cet aspect-là de la question.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.


Lutte contre la drogue

M. Bélanger: M. le Président, tout à l'heure, on a parlé de la lutte contre la drogue, relativement au travail des procureurs. Je pense que c'est en septembre 1993 qu'il y a eu une entente fédérale relativement aux sommes saisies, aux sommes confisquées lors de la perpétration d'infractions à la Loi sur les stupéfiants ou à la Loi sur les aliments et drogues, à l'effet que, maintenant, cet argent-là appartenait à la province dans laquelle l'arrestation, l'infraction avait été commise. À ce niveau-là, on sait que ce sont des sommes considérables. On parle, des fois, de centaines de milliers de dollars. Je voudrais savoir ce qui arrive avec cet argent-là. Premièrement, combien a-t-on saisi d'argent au Québec depuis la conclusion de cette entente? Moi, j'allais faire au ministre, peut-être, je ne sais pas, une proposition, puisque c'est une lutte à la drogue. Puisqu'on sait qu'il y a un manque d'effectifs, pourquoi, à ce moment-là, ne pas consacrer ces sommes saisies carrément à la lutte à la drogue?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Il y a plus ou moins, M. le député d'Anjou, 500 000 $ – un demi-million – soit en billets, en argent ou encore en biens qui ont été liquidés. Le produit de la liquidation, ajouté aux sommes qu'on a saisies depuis septembre 1993, représente un montant d'environ 500 000 $. Il n'y a pas encore de décision prise quant à l'utilisation de ses sommes, mais je peux vous indiquer que j'ai déjà, par l'entremise des hauts fonctionnaires du ministère, fait des représentations. Je vais en faire moi-même, à court terme, auprès du gouvernement pour qu'on puisse utiliser ces sommes au ministère de la Justice pour, justement, peut-être, des fins semblables à celles auxquelles vous venez de faire référence. Mais les sommes d'argent, pour le moment, on n'en a pas disposé. C'est le ministère de la Justice qui en a la garde.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Donc, présentement, on aurait 500 000 $ saisis, environ. Si je comprends, la position du ministre est à l'effet qu'il ne voudrait pas que cet argent soit envoyé au fonds consolidé du ministère du Revenu.

M. Lefebvre: Vous avez tout compris, M. le député d'Anjou: au fonds consolidé de la province.

M. Bélanger: Alors, on va voir maintenant quel va être le résultat avec le Conseil du trésor. C'est ça?

M. Lefebvre: Vous faites rire mon sous-ministre – mais, c'est ça, c'est exactement ce que vous venez d'indiquer – et Mme la députée de Terrebonne aussi! On est en discussion et on va tenter de...

M. Bélanger: Garder cette somme.

M. Lefebvre: ...les convaincre que cette somme-là pourrait être utilisée d'une façon rapide et pour des fins extrêmement utiles par le ministère de la Justice.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.


Plaidoyers secrets de culpabilité en matière pénale

M. Bélanger: ...j'aimerais aborder, comme prochain dossier, le dossier qui a fait l'objet d'une question en Chambre, récemment – il a aussi fait l'objet d'un communiqué, ce matin – celui des plaidoyers secrets où la publicité qui entoure maintenant les infractions au Code, tel que traité par le Code de procédure pénale... On parle, en particulier, d'infractions aux lois statutaires du Québec.

J'avais posé une question au ministre relativement à un article dans Le Devoir , qui disait que, maintenant, la justice a son prix. Dans ma question, je disais que le silence de la justice avait son prix. Je parlais, aussi, des effets pernicieux – je pense que c'est le terme que j'avais, à ce moment-là, employé – maintenant qu'il n'y a plus de publicité qui est faite aux contrevenants qui peuvent payer rapidement le montant de l'amende, que ça pourrait avoir. On sait qu'au niveau de l'environnement, au niveau aussi des gens qui font du braconnage, la publicité qui est faite de l'infraction et de l'identité de la personne qui a commis l'infraction est souvent un facteur dissuasif excessivement important. À ce moment-là, le ministre m'avait fait part, m'avait répondu qu'il n'y avait pas, comme telle, de directive à cet effet-là, qu'on était en processus de réflexion.

Ici, je vois dans le communiqué que le ministre réitère que la règle en matière judiciaire est la publicité, que le huis clos, la confidentialité sont des exceptions. Le ministre, à ce moment-là, fait référence au nouveau Code de procédure pénale. Moi, je reviens toujours à la question que j'avais posée pour m'assurer qu'il n'y a vraiment pas de directive, même d'avis juridique en ce sens-là.

Parce que je regardais l'article du Devoir qui est paru le jeudi 21 avril 1994. On parle de Mme Sylvie Marier, l'attachée de presse du ministre Pierre Paradis, qui a expliqué que, deux jours après l'entrée en vigueur de ces règles, elles ont provoqué de vives réactions. Ça n'a pas été bien accepté. On a demandé un avis formel au ministre de la Justice, en janvier – donc, on parle de janvier 1994 – pour vérifier si on interprète bien sa directive qui remet en question notre politique de divulguer toute condamnation obtenue contre un pollueur, ce qui avait un effet dissuasif très important.

Alors, j'aimerais, à ce moment-là, peut-être, que le ministre m'explique, s'il n'y a pas de directive, de quelle directive elle parlait, Mme Marier, à ce moment-là. À quoi elle faisait référence?

(20 h 10)

M. Lefebvre: Il y a, M. le député d'Anjou, un questionnement – que je considère, moi, correct, légitime – du directeur du contentieux au ministère de l'Environnement. Ça démontre jusqu'à quel point on est vigilant. On s'est posé la question et ça a été, ce questionnement-là, soumis au ministère de la Justice. C'est dans ce sens-là que je vous ai répondu à la période des questions, sauf erreur, jeudi dernier, à savoir qu'il y avait une question qui était soumise au ministère de la Justice. La réponse, vous l'avez sous les yeux, le communiqué de presse qui a été publié ce matin.

Le questionnement du directeur du contentieux et, surtout, au ministère de la Justice portait sur le parallèle ou la conséquence de l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Alors, le ministère de la Justice arrive à la conclusion que cette loi-là ne l'emporte pas sur le principe fondamental que vous supportez, vous, avec raison. Votre question à l'Assemblée visait particulièrement ce but-là que doivent atteindre les sentences, la publicité, à savoir l'effet dissuasif.

Alors, le questionnement qu'on se fait en regard de la loi sur l'accès aux documents ne modifie pas le principe fondamental, le principe de base qu'est la publicité de la justice, de ses conséquences, des décisions. La seule réserve, qui est extrêmement technique, c'est les deux dernières lignes du communiqué de presse que vous avez sous les yeux, à savoir que le ministre entend prendre les mesures appropriées pour clarifier cette situation – on aurait pu ajouter «s'il y a lieu» – et ainsi, éviter toute ambiguïté. Si, par hypothèse, l'interprétation de certaines personnes en autorité dans les différents ministères du gouvernement du Québec, ou d'autres intervenants, était dans le sens contraire, j'interviendrais, à ce moment-là, pour clarifier la situation. Mais, le principe, c'est ce que vous souhaitiez, c'est ce qui est indiqué très clairement dans le communiqué de presse. Si jamais il y avait lieu de corriger certaines ambiguïtés, on le ferait par des modifications législatives qui seraient d'ajustement ou de concordance.

M. Bélanger: Pour revenir, M. le Président...

Le Président (M. LeSage): Allez-y, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: ...à la déclaration de Mme Sylvie Marier, l'attachée de presse, qui dit avoir demandé en janvier un avis formel, est-ce que le ministre de la Justice ou le ministère a répondu à la demande de Mme Marier? Est-ce qu'il a fourni un avis formel relativement à ça, pour corriger l'interprétation qui semble avoir été donnée au ministère de l'Environnement?

M. Lefebvre: Je vais suggérer à M. le sous-ministre Bouchard de répondre, M. le Président, si vous êtes d'accord.

Le Président (M. LeSage): Parfaitement. On vous écoute, M. Bouchard.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. M. le député, effectivement, une demande d'opinion ou d'avis juridique a été adressée au ministère, aux autorités centrales, à la Direction des affaires juridiques, à la fin janvier, et nous nous apprêtons à donner cette opinion. Vous comprendrez qu'il y a deux directions concernées, la Direction des affaires criminelles et pénales et la Direction des affaires juridiques, qui, actuellement, sont à finaliser cette opinion ou cet avis juridique suite aux réflexions. Nous devrions être en mesure de produire cet avis juridique dans les prochains jours, comme vous l'a indiqué le ministre tout à l'heure.

M. Lefebvre: Qui va aller dans le sens de ce qui apparaît dans le communiqué de presse.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, si vous le permettez, j'aimerais demander au sous-ministre si c'est normal, presque trois mois – on parle de janvier; février, mars, avril, presque trois mois – pour donner un avis au contentieux du ministère de l'Environnement sur une question d'interprétation des règles à suivre au niveau des poursuites. Quand on considère le nombre de poursuites qui vont avoir lieu au ministère de l'Environnement, c'est normal, trois mois de réponse ou de réflexion prolongée?

Le Président (M. LeSage): M. Bouchard.

M. Bélanger: Je trouve ça un peu lent, personnellement. Je ne le sais pas. Est-ce que c'est la norme? Peut-être que vous pourriez me répondre là-dessus.

M. Bouchard (Michel): Bien, il y a des opinions moins compliquées que d'autres à rendre et il y a des réflexions qui se font, des fois, plus poussées. Il y a des urgences aussi. Ce qui n'était pas urgent hier peut le devenir. Mais j'ai des opinions qui peuvent prendre plus que trois mois et il y en a d'autres qui prennent trois heures.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, dans le communiqué...

M. Lefebvre: M. le député d'Anjou...

M. Bélanger: Oui.

M. Lefebvre: ...on évalue la question en regard de la loi sur l'accès aux documents des organismes publics. Mais je vous rappellerai les commentaires que faisait, avec raison, votre collègue, le député de Pointe-aux-Trembles, lorsqu'on a discuté des crédits de la Commission d'accès à l'information, la semaine dernière. Il insistait, il faisait des mises en garde sur tout ce qui touche la protection de la vie privée au Québec. Alors, ça aurait pu être plus vite, mais ça ne m'apparaît pas être un délai déraisonnable dans les circonstances.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): Allez-y, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: ...dans le troisième paragraphe du communiqué, on mentionne que, toute poursuite pénale étant de nature publique, rien n'empêche la divulgation des renseignements contenus au constat d'infraction, peu importe la loi mise en cause. Rien n'empêche, d'accord, mais est-ce qu'on va même permettre au ministère, à ce moment-là, de continuer la politique de la publiciser, non pas de l'empêcher, mais de se servir encore de ce moyen de dissuasion?

M. Lefebvre: Je vous dis: Oui, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président.

M. Lefebvre: M. le Président, avant qu'on aborde...

Le Président (M. LeSage): Est-ce que ça complète le...

M. Lefebvre: Je m'excuse.

Le Président (M. LeSage): Allez-y, M. le ministre.

M. Lefebvre: Avant qu'on aborde un autre sujet, j'aimerais vous préciser la réponse que je vous ai donnée en regard de la question de la poursuite verticale à Sherbrooke. Il y a eu, effectivement, M. le député d'Anjou – puis, c'est ce à quoi vous avez fait référence sans le mentionner spécifiquement – transfert d'un substitut dans un autre district, c'est-à-dire à Joliette, mais je vous rappelle qu'il reste encore 12 substituts en place pour le district de Sherbrooke et que la mécanique de la poursuite verticale va continuer de s'appliquer. Il peut y avoir un changement de procureur au dossier, mais ça ne change rien au principe, ça. Le nouveau procureur prend le dossier où il est rendu, puis il continue. C'est lui qui va le mener jusqu'à la toute fin.

Il peut y avoir, évidemment, à la rigueur, des exceptions à ce principe-là. Lorsqu'on parle de recours en Cour d'appel, ce n'est pas nécessairement l'avocat qui a plaidé le dossier. J'imagine que ça pourrait être une raison, dans certaines circonstances, pour que le dossier soit cédé à un autre. Aussi, on peut imaginer qu'un procureur, un substitut commence une poursuite et qu'il soit coincé pour quelques semaines, quelques mois dans un procès aux assises. Alors, nécessairement, ses autres dossiers doivent continuer à avancer. Il pourrait y avoir une interruption, mais, de façon générale, à Sherbrooke, ça continue.

Le Président (M. LeSage): Est-ce que ça complète le programme 9, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger: Non, pas encore, M. le Président. Vous avez deux ans de silence.

Le Président (M. LeSage): Allez-y, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président.

M. Lefebvre: Je vous rappelle que, le transfert à Joliette, c'était pour améliorer la qualité de la justice à Joliette, pour désengorger. Je suis convaincu que votre leader de l'Opposition officielle est heureux.

M. Bélanger: Oui.

M. Lefebvre: Et Mme la députée de Terrebonne, évidemment.

M. Bélanger: Sauf que, M. le Président, vous savez, le principe de désengorger un endroit pour en engorger un autre, des fois, ça peut être dangereux.


Signification dans les journaux d'infractions au Code de la sécurité routière

Prochain dossier, toujours dans le programme 9, M. le Président, c'est le dossier – il faut croire que c'est vraiment un programme d'actualité – des sommations à comparaître qu'on a vues à certains moments dans Le Devoir et dans La Presse . Comme, je pense, bon nombre de citoyens du Québec, j'ai été un peu surpris de voir une partie, on dirait, du bottin téléphonique de certaines régions publiée dans des genres de feuillets spéciaux. C'est assez impressionnant de voir la liste de noms. Quant à moi, en tout cas, c'est la première fois que je voyais ça en si grand nombre, relativement à des infractions au Code de la sécurité routière.

(20 h 20)

J'ai constaté que, lors de la commission parlementaire sur l'aide juridique, Me Daniel Jacoby, le Protecteur du citoyen, avait, à ce moment-là, fait part de ses objections relativement à ce mode de procéder. Aussi, dans une réponse, à ce moment-là, le ministre de la Justice avait fait part des coûts occasionnés par cette démarche. Je pense que c'est aux alentours de 171 000 $ qui avaient été, à ce moment-là, mentionnés par M. le ministre. Les 171 000 $, je suppose que ça couvre les deux quotidiens, à la fois Le Devoir et La Presse , l'ensemble?

M. Lefebvre: Je vais vous répondre, tout à l'heure, M. le député.

M. Bélanger: D'accord. La question que je me posais, c'est: Pourquoi avoir agi ainsi? Je ne critique pas la démarche, parce que je constate que c'est la première fois qu'on utilise une telle démarche. Mais est-ce que c'est un considérant d'efficacité relativement au coût ou est-ce que c'est un considérant, qu'on pourrait dire, de publicité, c'est-à-dire qu'on pense ainsi rejoindre ou informer le plus grand nombre de gens possible? Je voudrais savoir quelle est la considération, disons, primordiale qui a justifié cette démarche. Pourquoi a-t-on agi ainsi?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Il ne vous en échappe pas une, M. le député d'Anjou! Des bonnes questions! Si j'étais devant le tribunal, je suggérerais de la mettre au pied du rôle. J'ai plein de notes ici, que je n'ai pas sous la main au moment où on se parle, qui justifient la procédure, qui non seulement la justifient, mais, quant à moi, qui rendent le processus obligatoire. On doit procéder à l'opération comme on l'a fait. Dans un premier temps, si on a les moyens techniques de poursuivre quelqu'un qui aurait commis une infraction, on a l'obligation de le faire. Également – je n'ai pas sous la main les informations que je veux vous fournir, mais je vous certifie que, d'ici 22 heures, vous les aurez – il y a eu une récupération relativement importante au niveau des amendes perçues versus les coûts engendrés par l'opération. Techniquement et légalement, on doit le faire et on l'a fait.

Financièrement... Remarquez bien qu'on n'impose pas et qu'on ne perçoit pas des amendes pour augmenter la caisse du gouvernement. Mais, de façon accessoire, dans l'opération, c'est un élément qu'il faut considérer, le montant des amendes perçues. Dans les faits, il y a des montants considérables qui ont été perçus à l'occasion de cette opération-là, qui seront perçus ou qui l'ont été dans des cas types qu'on a mis en marche au cours de la dernière année. L'opération à laquelle vous faites référence, qui a coûté effectivement pas mal d'argent au niveau de la signification, sera largement couverte par les montants qu'on ira chercher.

Je vais laisser à mon sous-ministre, M. Bouchard, le soin de vous donner d'autres informations. Je vais vous revenir avec d'autres détails.

Le Président (M. LeSage): M. Bouchard.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. Alors, M. le député, essentiellement, la situation que vous avez évoquée tient au fait que, depuis le 1er novembre 1993, vous savez que le constat d'infraction initie le processus judiciaire. Alors, pour les infractions rapportées dans les médias, les personnes identifiées comme étant, en fait, recherchées pour fins de signification, il s'agissait de personnes ayant commis ou ayant présumément commis des infractions avant le 1er novembre 1993, alors que le constat d'infraction n'était pas en vigueur. Ces sommations, émises avant l'entrée en vigueur du Code de procédure pénale, pour que le poursuivant puisse obtenir condamnation, doivent être signifiées. Le mode de signification par la voie des journaux est un mode qui était possible sur permission du tribunal, ce qui a été fait.

Cette situation-là que vous évoquez risque peu de se produire dans l'avenir, puisque le constat d'infraction constitue une signification et est donc introductif d'instance. À ce moment-là, ces pages pleines de contrevenants qu'on n'était pas capable de retracer n'apparaîtront plus, ne devraient plus apparaître dans le futur. Mais, pour obtenir jugement contre ces personnes, nous devions faire une preuve de tentative de signification et, le mode de signification par la voie des journaux étant permis, ça nous permet d'obtenir par la suite condamnation devant le tribunal et d'exécuter ainsi ces jugements aux fins de recouvrer les amendes au profit de l'État.

Dans le passé, nous avons déjà utilisé ce processus. Vous parliez de quatre, cinq ans. C'est à peu près les périodes où nous devions procéder à ce genre d'exercice.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Il y a eu un dossier-pilote à Trois-Rivières, et c'est ce à quoi je faisais référence. En partant du dossier-pilote, on peut tirer une conclusion sur l'opération qu'on a enclenchée il y a quelques semaines. Le dossier-pilote a donné les résultats suivants: 62 % des dossiers ont été payés dans les 30 mois de la publication, dont 5 % avant jugement. Les sommes perçues dans les six premiers mois ont permis de récupérer le coût de publication de tous les dossiers. Partant de l'expérience-pilote, on est convaincu du résultat suivant: ça aura – et vous avez raison, vous êtes très près du chiffre, M. le député d'Anjou – coûté 173 562 $ pour la publication à laquelle vous faisiez référence tout à l'heure. On est convaincu de récupérer, plus ou moins, dans les six prochains mois, 600 000 $. On est absolument convaincu que les sommes d'argent qu'on récupérera vont de très, très loin dépasser le coût des publications. Je vous répète que, légalement, on a l'impression, au ministère... On n'a pas l'impression, on est convaincu, au ministère de la Justice, que c'est ce qu'on doit faire. C'est d'autant plus évident que, financièrement, l'opération ne sera pas coûteuse pour l'État, bien au contraire.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je me demandais s'il y avait eu une tentative de signification avant de procéder ainsi. S'il y a eu tentative de signification, quel a été le mode de signification qui a été tenté?

M. Lefebvre: Les modes de signification habituels.

M. Bélanger: Par la poste?

M. Lefebvre: Par la poste, par huissier. Les moyens réguliers avant la publication dans les journaux ont été utilisés, et c'est le cas classique – pas du débiteur, ce n'est pas un accusé – du prévenu introuvable, du contrevenant introuvable.

M. Bélanger: M. le Président, je demandais cette question parce que, suite à la parution de ces feuillets, j'avais contacté la Chambre des huissiers de justice du Québec qui m'a fait part d'aucune tentative, en tout cas, de sa part... Ils ont fait une enquête auprès de leurs membres. En tout cas, ils n'ont jamais eu le mandat d'essayer de signifier, au niveau des huissiers. Donc, c'est probablement uniquement un envoi par la poste qui a été tenté. Alors, c'est pour ça que je voulais avoir ce renseignement. À ma connaissance, c'est uniquement un envoi par la poste qui a été essayé.

M. Lefebvre: Je vais vérifier, M. le député d'Anjou. Vous savez qu'en vertu de l'article 24 du Code...

M. Bélanger: Ah, c'est légal!

M. Lefebvre: Hein?

M. Bélanger: Non, non, ça va. C'est légal.

M. Lefebvre: La poste régulière et le courrier recommandé, ce sont les moyens – ce sont habituellement les moyens usuels – qui ont été utilisés. Ça a donné les résultats que vous connaissez, à savoir: introuvable.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Si je me reporte à M. Jacoby, pour M. Jacoby, que ça ait rapporté de l'argent ou pas, lui, ce n'est pas ça qui l'intéressait; c'était la protection du citoyen lui-même. Quand on pense aux listes qui paraissent dans les journaux, entre autres pour ceux qui ne paient pas leurs taxes, toutes les villes le font au moins une fois par année. Après deux ou trois ans, quand elles n'ont pas pu percevoir les taxes municipales, elles avertissent le citoyen que, s'il ne paie pas ou si elles ne l'ont pas trouvé, la maison va être vendue pour taxes, ou le terrain ou je ne sais pas quoi. Alors, déjà, à ce moment-là... Ce n'est pas tout à fait la même chose, mais infraction pour infraction, je n'aimerais pas mieux voir mon nom dans le journal pour non-paiement de taxes que pour non-paiement d'amende sur les routes. Moi, je trouve que ça s'équivaut pas mal.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, j'aimerais peut-être juste souligner à la députée de Groulx qu'au niveau des infractions, à ma connaissance – le ministre pourra peut-être me corriger là-dessus – ce ne sont pas uniquement des jugements, mais des mandats d'amener qui vont être rendus contre les gens. Donc, ces gens-là pourraient se retrouver, finalement, interceptés sur la route et conduits au poste de police. Donc, à ce moment-là, c'est la sécurité publique, la liberté de l'individu qui est en jeu. Moi, je pense qu'à ce moment-là on doit être...

(20 h 30)

Mme Bleau: C'est plus grave.

M. Bélanger: ...il me semble, M. le Président, beaucoup plus exigeant. Pour moi, personnellement, uniquement de dire: Bon, on regarde le rapport qualité-prix... Je pense qu'il faut essayer de rejoindre le plus efficacement possible le plus de gens possible, tout en étant aussi conscient des coûts. Je pense qu'il faut essayer de concilier les deux.

M. Lefebvre: M. le député d'Anjou, c'est dangereux, ce que vous dites là. Vous savez qu'il y a un grand principe en droit que, vous, comme avocat... Il n'y a d'équité que la loi seule. Ce que vous dites, le raisonnement que vous faites, c'est extrêmement dangereux.

M. Bélanger: Comment ça?

M. Lefebvre: À partir du moment où on est conforme à la loi... Avant même que j'aie fini, tout à l'heure, mon intervention, vous m'avez dit: Vous êtes correct. L'article 24 du Code de procédure pénale nous permet et nous oblige presque à opérer comme on l'a fait, après avoir pris tous les moyens normaux à notre disposition pour signifier la sommation, le constat, si on n'est pas capables. Donc, on se prévaut de l'article 24 du Code de procédure pénale. Là, on est conforme à ce que la loi dit et exige. Donc, c'est ce qu'il fallait faire et c'est ce qu'on a fait. Ce qui pourrait survenir subséquemment quant aux prévenus, c'est une autre question. Notre processus a été respecté. Alors, quand vous dites: Attention! on n'a pas à faire attention; on a à respecter la loi, et c'est ce qu'on a fait, je pense. Dans ce sens-là, vous devez être d'accord avec notre opération.

Et je veux conclure – puis, évidemment, vous avez probablement autre chose à ajouter – en disant que l'opération a coûté un peu plus que ce que je vous ai dit, parce qu'il faut ajouter 13 562 $ de frais d'administration à l'opération. Alors, c'est 177 000 $ plus 13 000 $, donc, que ça a coûté. Les publications, les frais d'opération – parce que je veux vous donner les chiffres très précis – dans plusieurs quotidiens, là: La Presse , La Tribune , La Voix de l'Est , Le Devoir , Le Droit , Le Nouvelliste , Le Quotidien – il n'y a pas le Courrier-Frontenac de Thetford – ça donne 190 923 $, M. le Président, et on va aller chercher plus ou moins 600 000 $.

Mme Bleau: Mais, M. le Président...

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: ...si c'était la police qui, par la plaque, arrêtait le monsieur ou la jeune femme, mais c'est plutôt des messieurs...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est sexiste.

Mme Bleau: ...qui n'ont pas – ha, ha, ha! c'est sexiste, c'est vrai, mais c'est plutôt vrai – payé leurs amendes, automatiquement ils entreraient en prison et vous le savez. Je dois vous dire que j'ai eu justement un cas comme ça qui est venu à mon bureau il y a 15 jours, je pense. Il s'est fait intercepter sur la route; il devait des amendes et, avec le temps, c'était rendu à 2000 $ et quelques. Il n'avait pas d'argent à donner immédiatement et il a été en prison toute la nuit jusqu'à temps que quelqu'un aille le chercher le lendemain pour payer son amende.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je suis un peu surpris que le ministre s'offusque de mon...

M. Lefebvre: Non, non, non, je ne m'offusque pas, pas du tout, pas du tout.

M. Bélanger: Ah, d'accord. Parce que j'ai tout de suite admis la légalité de l'opération. Ce n'est pas la légalité de l'opération que je remettais en question. Quant à moi, le rôle du Procureur général, ce n'est pas uniquement d'appliquer le Code, comme on dit, stricto sensu, mais de garder aussi, dans son application, la plus grande équité possible et aussi de remplir l'esprit du Code. Je veux dire, il faut essayer de rejoindre le plus de monde possible. Moi, disons, ça m'aurait moins choqué de voir une telle procédure s'il y avait eu, peut-être, une première tentative de signification par huissier. Il me semble, à ce moment-là, peut-être qu'il y aurait eu un plus grand effort de vraiment rejoindre les gens.

Moi, je me pose cette question-là et j'ai bien hâte de voir les résultats. Parce que les comparutions là-dedans sont au mois de mai – je regardais les avis – et au mois de juin. Donc, il est encore trop tôt, je pense, pour évaluer le rendement au niveau de l'argent, combien ça va rapporter. D'accord, le projet-pilote a été un succès au niveau rentabilité, mais je pense que, au niveau du ministère de la Justice, il faut aller plus loin que ça comme questionnement. Il faut regarder aussi de quelle façon on atteint le plus grand nombre de personnes possible, surtout quand c'est le genre d'infraction qui peut priver un citoyen de sa liberté d'une façon provisoire suite à une interception.

Alors, c'est à cet effet-là que je me posais la question, surtout au niveau de l'évaluation. Est-ce qu'on a évalué combien ça aurait coûté, une tentative – je ne dis pas deux, trois tentatives – par huissier? Parce que j'ai remarqué que, pour beaucoup d'infractions, il y avait des fois huit infractions qui visaient la même personne, huit ou 10 infractions, même des fois plus que ça, qui visaient la même personne. Alors, on sait que, quand le mandat est donné à un huissier, l'huissier ne «charge» qu'une fois le kilométrage pour les huit ou les 10 infractions et le coût est grandement simplifié à ce moment-là.

Alors, moi, je me demandais tout simplement si ça avait été évalué combien est-ce que ça aurait coûté si ça avait été fait par huissier une tentative, pas deux, pas trois. Je comprends que, probablement pour de nombreux dossiers, comme on dit, c'est très difficile de rejoindre les gens. Ce sont peut-être même des gens qui sont assez souvent, peut-être, habitués à être poursuivis; je ne sais pas, là, je ne connais pas les dossiers en particulier. Mais je pense que, en tout cas, s'il y avait eu une tentative peut-être plus efficace, vraiment, de rejoindre les gens... Ce dont j'ai peur, moi, c'est qu'on assiste à une pléiade, à une multitude de requêtes pour être relevé du défaut de comparaître ou pour plaider ces dossiers-là, pour ouvrir ces dossiers-là, et à des rétractations de jugement.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Je ne sais pas du tout, M. le député d'Anjou, de quel droit je me permettrais d'être offusqué, là, par votre questionnement, pas du tout. C'est une question de point de vue que je ne partage pas, puis la science juridique nous permet justement d'avoir des échanges au niveau de l'interprétation de règles de droit qui n'ont rien à voir avec les faits comme tels. Moi, je vous disais tout à l'heure qu'il faut que vous soyez prudent lorsque vous parlez d'équité. Lorsqu'on administre la loi dans des questions aussi précises que celle-là, à savoir tenter comme poursuivant de prendre tous les moyens mis à notre disposition pour qu'un contrevenant soit poursuivi parce qu'il est présumé avoir commis une infraction, je vous dis qu'il n'y a pas trop, trop de place dans un cheminement, dans un processus comme celui-là pour l'équité. Parce que l'équité, ce n'est pas une notion de droit, ça.

Dans un premier temps, je vous rappelle qu'on a précédé cette opération majeure d'un projet-pilote qui a fait ses preuves. Je vous rappelle aussi ce qu'on vous disait tout à l'heure, que les sommations sont acheminées au présumé contrevenant ou au contrevenant par courrier recommandé. Alors, le courrier recommandé, ça, c'est un processus extrêmement rigoureux. Et, s'il n'y a pas de réception au bout de la démarche, on peut prendre pour acquis que le contrevenant a changé d'adresse, il n'est plus là. L'opération huissier que vous suggérez, il faut bien comprendre qu'il s'agit de plus ou moins 30 000 dossiers. Avez-vous une idée de ce que ça représente en frais?

M. Bélanger: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Non, mais vous avez pratiqué, M. le député d'Anjou...

M. Bélanger: Vous allez peut-être me le donner.

M. Lefebvre: ...vous savez que c'est dispendieux, la signification par huissier. C'est comme ça; ce n'est un reproche que je fais aux huissiers. Alors, vous auriez peut-être eu le goût, si on s'était aventurés dans cette opération-là, de nous faire des reproches en disant: Pourquoi n'avez-vous pas utilisé la procédure de la publication par l'article 24 du Code de procédure pénale? Vous m'auriez dit: Moi, je ne vous comprends pas, M. le ministre, vous avez autorisé une opération mettant sens dessus dessous le Québec, 30 000 procédures signifiées par une armée de huissiers, ce qui aurait coûté une fortune, alors que la loi, à l'article 24 du Code de procédure pénale, indique que le seul mode de signification demeurant légalement possible, c'est celui qu'on a utilisé. Alors, vous m'auriez fait des reproches de deux façons. Vous auriez dit: Vous avez manqué à la loi, M. le ministre, ou vos fonctionnaires, puis vous avez engagé des fonds publics, 30 000 fois je ne sais pas combien d'argent. Qu'est-ce que je vous aurais répondu ce soir, moi? J'aurais dit: Je n'ai pas été consulté. Mais je l'ai été consulté, puis j'ai dit: Allons-y, respectons la loi, puis c'est ce qu'on a fait.

(20 h 40)

Et Mme la sous-ministre Lévesque me dit: N'oubliez pas de dire à M. le député d'Anjou et à Mme la députée de Terrebonne que, tout à l'heure, M. le ministre, vous vous êtes limité aux six premiers mois de l'opération, qui donneront un résultat de plus ou moins 600 000 $, mais, dans les 24 autres mois qui suivront, c'est un montant de 1 000 000 $. Dans plus ou moins deux ans, je vous ferai rapport, puis je vous garantis qu'on va arriver à ces chiffres-là. L'opération va donner une récupération d'amendes de 1 600 000 $.

Alors, moi, je m'attendais, M. le député d'Anjou, à ce que vous nous félicitiez pour cette opération-là. Elle est légale, elle est rigoureuse et elle est financièrement saine.

M. Bélanger: Les sceptiques seront confondus, M. le Président.

M. Lefebvre: Ha, ha, ha!

Le Président (M. LeSage): Alors, on vous cède la parole, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Le ministre, dans son appréciation... En tout cas, ce que je semble constater, c'est qu'on n'a même pas fait l'évaluation, là, au niveau du ministère de la Justice, de combien ça allait coûter par huissier. Moi, la Chambre des huissiers m'a dit qu'en moyenne, dans la région de Montréal, pour une signification, on pouvait parler d'entre 15 $ et 20 $, si on prend pour acquis que chaque infraction correspond à un prévenu, à une personne. Mais, quand on prend pour acquis qu'ici il y a de nombreux dossiers, il y a une vingtaine de dossiers, des fois, qui sont reliés à la même personne, alors, à ce moment-là, les coûts ne sont pas les mêmes. Est-ce qu'on pourrait...

M. Lefebvre: Moi, je vous crois, mais je ne crois pas votre huissier. Je vous crois, vous.

M. Bélanger: Oui.

M. Lefebvre: Mais, là, vous êtes sur du ouï-dire.

M. Bélanger: On n'est pas devant un tribunal. Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Ha, ha, ha! Mais ça coûte...

M. Bélanger: Moi, je pensais, au moins, que le ministère aurait fait l'évaluation et me serait arrivé avec un chiffre pour me confondre et me dire: Écoutez, ça aurait coûté 600 000 $ ou 1 000 000 $, une telle opération. Mais, là, je constate que le ministre de la Justice était, avec un petit bout de papier, en train d'essayer de calculer ça et on n'a même pas évalué le coût que ça aurait pu coûter, en disant: Ça n'a pas d'allure, ça coûterait...

M. Lefebvre: Ce n'est pas moi qui fais les calculs, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Qui fait le calcul?

M. Lefebvre: Mme la sous-ministre Lévesque. Ils sont ici, les chiffres, là.

M. Bélanger: Et ça donne quoi, comme chiffre?

M. Lefebvre: 1 619 493 $ après 30 mois.

M. Bélanger: Non, non. Le coût de signification.

Mme Caron: Le coût par huissier.

M. Lefebvre: Le coût de publication par huissier?

M. Bélanger: De signification par huissier.

M. Lefebvre: Le coût par les journaux?

M. Bélanger: Non, non, par huissier.

M. Lefebvre: Par huissier? Je ne le sais pas. Des hypothèses, on n'a pas le droit... La loi nous dit, à l'article 24, de procéder comme on l'a fait. Et je vous répète ce que je disais tout à l'heure: Vous nous en auriez fait le reproche si on avait procédé autrement. Je ne vous dis pas que vous auriez été de mauvaise foi, mais vous auriez été un bon critique de l'Opposition cherchant à prendre le gouvernement en déséquilibre, ce qui n'est pas facile, je le reconnais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Nous allons persévérer, M. le Président, nous allons persévérer. Que le ministre se rassure.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.


Abandon des poursuites en vertu de la loi 178

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Un autre sujet de mon programme préféré, le programme 9...

M. Lefebvre: Oui. Je le vois que vous vous payez la traite. Ha, ha, ha!

M. Bélanger: ...qui est l'abandon des poursuites relativement à la loi 178. Ha, ha, ha! Alors, je vois par la réaction du ministre, M. le Président, que c'est aussi un de ses dossiers favoris.

M. Lefebvre: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Je sais que ma collègue, la députée de Chicoutimi, a questionné le ministre de l'Éducation et responsable de l'application de la loi 101, M. Chagnon, relativement à ce dossier. On sait qu'il y a eu des articles de journaux qui ont paru, qui ont été publiés relativement à ce dossier-là, qui faisaient part d'une intervention de l'Office de la langue française qui aurait, à ce moment-là, initié... Cette intervention de l'Office de la langue française aurait, à ce moment-là, justifié l'abandon des procédures. Moi, personnellement, M. le Président, je me suis un peu posé des questions, parce qu'on m'a toujours appris, dans mes cours de droit, qu'une plainte, une fois logée, appartenait à la couronne et que c'était à la couronne, à elle seule, de justifier le retrait de ces poursuites. Alors, je voudrais savoir exactement quelle a été la justification de la couronne relativement au retrait de ce dossier-là.

Parce que la question que je me pose, M. le Président, c'est que là, on disait, dans ces mêmes articles: Maintenant, on est en train d'évaluer tous ces dossiers, une fois que le retrait a été fait, pour voir s'il y a, en même temps, violation de la nouvelle loi, c'est-à-dire 86, et, à ce moment-là, on songerait à poursuivre, relativement à 86, toujours ces contrevenants-là si la contravention est aussi contraire à cette loi 86.

Alors, moi, je me demandais, à ce moment-là, si on n'aurait pas, peut-être, économisé de l'argent si on avait continué les poursuites entreprises selon 178 à ce moment-là, tout simplement en constatant que les... C'est assez évident, là. Je veux dire, si c'est des affiches en anglais seulement, ça contrevient d'une façon évidente aux deux lois. Alors, à ce moment-là, pourquoi ne pas avoir continué la poursuite en vertu de l'ancienne loi? Maintenant, on va être obligés de réinstaurer des poursuites relativement à 86 relativement à ce dossier-là. Alors, je me demande si c'était justifié, un tel arrêt des poursuites, ou si c'est tout simplement un geste politique.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Vous avez, M. le député d'Anjou, bien posé la question, à savoir: Pourquoi avoir retiré des plaintes? Parce que, vous avez raison, c'étaient des dossiers qui n'étaient pas seulement en traitement au ministère ou au niveau du procureur; les plaintes avaient été déposées. Je vous rappelle qu'au moment où la question s'est posée il y avait 84 dossiers pour lesquels il n'y avait pas encore eu de plaintes déposées. La question touche 28 dossiers devant les tribunaux. C'est le chiffre, je pense, précis que vous avez utilisé. Et la loi 86, votée le 18 juin 1993 et entrée en vigueur, comme vous le savez, le 22 décembre dernier, a comme conséquence de rendre inopérante la loi 178 en regard de ces plaintes-là. Autrement dit, il n'y a plus d'infraction en ce qui a trait aux 28 dossiers déposés devant les tribunaux. Il n'y a plus d'infraction, si on s'en tient à la loi 86. Alors, les présumées infractions n'existent plus, selon l'analyse qu'ont faite les substituts du procureur.

Je vous rappelle qu'un procureur de la couronne, un substitut du procureur – vous le savez, vous avez fait du droit criminel, c'est un grand principe qui doit les guider dans l'analyse de leurs dossiers – ça n'a pas de cause à gagner. Le procureur de la couronne est là pour étaler devant le tribunal les faits, pour donner son évaluation, son appréciation en droit. Et c'est ce questionnement-là qu'ont fait les procureurs au dossier, en tenant compte, également, que les tribunaux répugnent à condamner les contrevenants sur des lois, des dispositions anciennes annulées par des nouvelles dispositions légales.

Je conclus en vous disant que, si, par hypothèse, l'enquête de l'Office de la langue française révèle que certains des 28 contrevenants qui ont bénéficié du retrait des plaintes contrevenaient aux nouvelles dispositions de 86, il y aurait à nouveau des plaintes déposées. Je suis convaincu que vous ne pensez pas qu'il y a là un geste politique; c'est purement une analyse juridique, légale qui a été faite par les procureurs, les substituts du Procureur général.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, j'avais posé des questions relativement au pourquoi de l'abandon des poursuites parce que, évidemment, ces articles de journaux faisaient référence à des pressions exercées par Me Julius Grey et aussi par l'Office de la langue française dans ce dossier-là. Je me demandais si c'était ces pressions-là qui avaient provoqué, à ce moment-là, le retrait de ces poursuites.

M. Lefebvre: Vous savez très bien, M. le député d'Anjou, que les procureurs de la couronne, les substituts sont complètement imperméables à des influences de ce type-là. Vous savez très bien que ni M. Grey, ni quinconque ne pourrait parler à un substitut pour intervenir dans le processus. Si vous me disiez: Est-ce qu'il y a eu des influences... Vous me dites bien aux procureurs, aux substituts? Non. Ni, non plus, à aucun autre niveau.

M. Bélanger: M. le Président, est-ce que le ministre est en train de me dire que c'est suite à l'intitiative d'un substitut que ces dossiers ont été carrément...

M. Lefebvre: Non, non, non. Ce que je vous dis, c'est que l'analyse a été faite sur le fond du dossier, indépendamment de toute influence, de toute autre considération que celle-là. Tout à l'heure, vous avez fait référence à une décision, une influence politique, un geste politique. Ce n'est pas ça, là. C'est strictement une évaluation très technique, semblable à celle qui a pu être faite dans le passé face à d'autres législations. Les infractions n'existent plus, selon la loi 86. Le procureur arrive à la conclusion que ses chances de voir le tribunal maintenir la plainte sont minces et retire la plainte. Et l'Office de la protection de la langue française a évidemment été consulté. C'est évident.

(20 h 50)

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je me posais ces questions parce que, bon, ces dossiers, comme on dit, étaient là depuis un certain moment. J'ai peine à croire, là, que, du jour au lendemain, suite à une initiative d'un substitut en particulier, on a décidé... Moi, ce que je voudrais savoir, c'est: La décision, est-ce qu'elle provient directement du ministre qui, lui, a ordonné à ses substituts, à ce moment-là, d'arrêter toutes les procédures suite à des doléances ou à des représentations qui lui avaient été faites?

M. Lefebvre: Les substituts ont de la latitude, c'est normal. Ils ont des dossiers à évaluer au fur et à mesure de chacune des étapes de ces dossiers-là. La loi 86 est entrée en vigueur le 22 décembre 1993, et les plaintes ont été retirées à la fin mars, début avril; janvier, février, mars, à peine trois mois plus tard. Alors, si on l'avait fait dans la semaine qui avait suivi l'entrée en vigueur de 86, vous auriez dit: Vous auriez pu prendre le temps de réfléchir, de l'évaluer. Tout à l'heure, vous avez reproché, bien, reproché, vous avez pointé le fait qu'on prenait trois mois pour accoucher d'une opinion. Là, vous me reprochez d'avoir pris trois mois. Je ne le sais plus, là.

M. Bélanger: Je ne vous reproche rien; je vous demande des explications.

M. Lefebvre: On «est-u» trop vite ou pas assez vite, ou si on est dans la bonne moyenne, M. le député d'Anjou? Moi, je considère que les substituts du procureur ont agi avec diligence, d'une façon raisonnable, rationnelle, en collaboration avec l'Office de la langue française. Puis, moi, je n'ai pas donné d'ordre de retirer ces plaintes-là. C'est des bons substituts qu'on a au gouvernement du Québec, au ministère de la Justice.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, je ne sais pas encore pourquoi le ministre s'offusque parce que je demande uniquement des réponses, tout simplement.

M. Lefebvre: Je ne suis pas susceptible de même. Je ne suis pas offusqué, moi.

M. Bélanger: Parfait.

M. Lefebvre: Bien non, bien non.

M. Bélanger: J'aurais été peiné, M. le Président, que le ministre soit offusqué.

M. Lefebvre: C'est parce que je trouve que vous avez des bonnes questions, M. le député d'Anjou. Vous avez des bonnes questions, puis vous m'obligez à un exercice que je trouve agréable.

M. Bélanger: Parfait.

M. Lefebvre: Mais vous exigez des réponses et vous êtes en droit de le faire. Ha, ha, ha!

M. Bélanger: M. le Président, toujours dans le programme 9, un autre sujet...

M. Lefebvre: Le programme 9? Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Je peux vous faire une suggestion?

M. Bélanger: M. le Président, après ce dernier dossier, nous allons aborder les autres programmes.

M. Lefebvre: Consentement.


Modifications à Loi sur les jeunes contrevenants

M. Bélanger: Ha, ha, ha! C'est le fameux dossier dont on a un peu commencé à parler jeudi, le fameux dossier des jeunes contrevenants. Pour faire un peu un état de la situation, en mars dernier, les ministres canadiens de la Justice se sont rencontrés pendant deux jours dans le cadre d'une conférence fédérale-provinciale portant sur le renouveau du système de justice. Dans ce contexte, le ministre de la Justice avait identifié trois dossiers prioritaires: premièrement, bonifier le processus de nomination des juges en faisant en sorte qu'une nomination ne compromette pas le déroulement des procès en cour et que le Québec soit consulté préalablement à toute nomination; revoir la procédure de l'enquête préliminaire – on en a parlé tout à l'heure – et, enfin, le sujet, mesurer les impacts des modifications que le gouvernement fédéral s'apprête à apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants.

On sait que les modifications demandées à la Loi sur les jeunes contrevenants le sont depuis quelque temps déjà. Et, personnellement, je crois, malheureusement, M. le Président – et c'est une opinion personnelle – que ces demandes s'inscrivent dans le cadre de la montée de l'intolérance à laquelle nous assistons. Également, il ne faudrait pas que le monde adulte impose à celui des jeunes des conditions trop sévères pour faire place à son constat d'échec.


Demandes de renvoi

En effet, la Loi sur les jeunes contrevenants contient, selon moi, toutes les dispositions pour connaître une application adéquate. Toutefois, c'est là que se situe le problème, la Loi sur les jeunes contrevenants apparaît laxiste, car on utilise mal les possibilités qu'elle offre. Je pense, notamment, à la possibilité de présenter une requête afin que les jeunes contrevenants prévenus soient déférés – en fait leur cause – devant le tribunal adulte, requête appelée demande de renvoi. À cet effet, on se rappelle, l'an dernier, l'assassinat du chauffeur de taxi de Saint-Émile, abattu froidement en service de deux balles à la nuque par deux adolescents de 16 ans. Le procureur de la couronne responsable de ce dossier avait avisé les avocats de la défense de son intention de présenter une requête afin d'obtenir le renvoi des deux adolescents devant le tribunal adulte. Finalement, nous avons appris que la couronne avait troqué les requêtes de renvoi au tribunal adulte contre des plaidoyers de culpabilité. Ce sont de telles situations qui soulèvent parfois la colère, l'incompréhension parmi la population et qui ravivent le débat sur le traitement judiciaire accordé aux mineurs reconnus coupables de délits très graves.

Il y a eu d'autres affaires, M. le Président, dans le même sens. Malgré cela, le renvoi en cour pour adultes est limité à 5 % des cas. D'avril 1991 à mars 1992, seulement 26 jeunes ont été l'objet d'une pareille décision, selon les chiffres du Centre canadien de la statistique juridique. Ce nombre diminue, puisqu'ils représentaient 33 cas en 1992 et 138 en 1987. Toute cette nouvelle législation n'a donc pas encore été véritablement testée. Pourtant, en 1989, la Cour suprême a reconnu le caractère non exceptionnel de cette mesure qui peut également être requise pour d'autres types d'infractions que des meurtres ou agressions graves telles que des vols qualifiés ou des introductions par effraction. Et les juges font preuve de trop d'indulgence; ce n'est pas la loi qui l'est, mais bien les décisions qu'ils rendent dans plusieurs de ces cas.

Enfin, je comprends mal le désir de rendre encore plus sévère la Loi sur les jeunes contrevenants alors que les statistiques démontrent plutôt une baisse de 4,9 % en 1992, en regard de 1991, pour tous les crimes. Les prétentions que les crimes contre la personne ont connu une recrudescence en 1992 sont vraies. Toutefois, cette hausse serait plutôt le résultat d'une augmentation d'arrestations pour des assauts mineurs, comme des batailles.

M. le Président, la question que je me demandais... Le ministre nous a déjà fait part de son positionnement. Je pense qu'il est favorable à un statu quo relativement aux dispositions qui existent relativement aux jeunes contrevenants et relativement à la question des demandes de renvoi. Est-ce que le ministre considère que la situation est normale ou qu'il devrait y avoir peut-être des ajustements relativement aux directives qui sont données quant aux demandes de renvoi?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: M. le Président, c'est effectivement un des sujets qu'on a débattus à la Conférence fédérale-provinciale des ministres de la Justice, les 22 et 23 mars, la loi des jeunes contrevenants. Je vous rappelle ce que je disais avant l'interruption de nos travaux à 18 heures, que c'est une loi fédérale qui s'applique ici, au Québec, comme ailleurs au Canada. C'est une loi qui fait presque l'unanimité ici dans son application: les policiers et les substituts du Procureur général, les intervenants sociaux, les juges. C'est ce qu'on retrouve essentiellement dans le mémoire Jasmin.

Nous, au Québec, on pense que ce n'est pas la loi des jeunes contrevenants qui est la cause de la délinquance juvénile. Ça m'apparaît tellement évident, mais je trouve ça un peu embêtant d'être obligé de le dire ailleurs qu'ici au Québec. Remarquez bien que ça peut s'expliquer. Il y a des ministres de la Justice d'autres provinces canadiennes qui pensent qu'on doit renforcer la loi des jeunes contrevenants, qu'on doit intervenir sur l'effet plutôt que sur la cause, en pensant que, si on est plus sévères, qu'on punit avec plus de vigueur nos jeunes contrevenants, on va réprimer ou diminuer le crime juvénile. Au Québec, on pense autrement. J'ai toujours trouvé... C'est un des sujets où il y a un consensus extraordinaire de la part de tous les parlementaires de l'Assemblée nationale.

Alors, c'est les commentaires que j'ai faits, moi, lors de la Conférence, en disant, entre autres: Si, M. le ministre de la Justice fédéral, vous donnez suite à des suggestions d'augmenter de sept à 10 ans la durée de la peine en matière de meurtre, vous allez nécessairement provoquer l'introduction du procès par jury pour des juvéniles. C'est ce que j'ai dit. Évidemment, c'est des représentations qu'on m'a faites. Je n'ai pas été difficile à convaincre. Parler de réhabilitation de jeunes garçons ou de jeunes filles qui auraient passé par l'étape d'un procès par jury, ça devient, quant à moi, presque une cause perdue.

(21 heures)

Certaines provinces également suggèrent des modifications au mécanisme de renvoi du Tribunal de la jeunesse aux tribunaux adultes, d'établir une catégorie de jeunes criminels dangereux. Si un jeune était étiqueté criminel dangereux, ce serait presque un renvoi automatique, alors que, vous le savez très bien, M. le député d'Anjou, il y a souvent des débats extrêmement rigoureux avant que le tribunal ne consente à exercer le renvoi requis par la poursuite. La troisième réserve qu'on a exprimée, c'était la publication ou la diffusion dans les médias de l'identité des jeunes contrevenants reconnus coupables de crimes sérieux ou d'actes de violence. Moi, je trouve qu'on voudrait introduire dans la Loi sur les jeunes contrevenants des dispositions encore plus sévères que celles existant au niveau des crimes des adultes.

Alors, ce sont ces trois points-là sur lesquels le Québec et d'autres provinces, particulièrement l'Ontario, ont fait des représentations très serrées auprès du ministre Rock, en lui disant essentiellement: Il y a d'autres dispositions, sur lesquelles je vais passer rapidement, avec lesquelles on serait d'accord. Si vous voulez modifier la Loi sur les jeunes contrevenants sur des points mineurs, on n'a pas d'objection, au Québec. Vous pouvez y aller au printemps qui vient, mais on vous suggère... J'ai insisté avec toute la vigueur nécessaire pour le convaincre de ne pas modifier la Loi sur les jeunes contrevenants sur ces points fondamentaux que je viens de vous résumer avant qu'on puisse, le Québec, à nouveau discuter avec le fédéral.

Alors, les relations fédérales-provinciales, sur certains points, sont bonnes, et sur la plupart. J'ai eu une réponse du ministre Rock à la Chambre des communes où, face à des questions de l'Opposition, du Bloc québécois, rappelant que le gouvernement du Québec était opposé à ces changements, ceux que je viens de vous indiquer, et le gouvernement de l'Ontario également, le ministre a déclaré qu'il avait l'intention de construire ces amendements au Code criminel de façon à laisser le plus de flexibilité possible aux provinces. Une façon de le faire serait de rendre les peines maximales plus sévères, mais de ne pas les rendre obligatoires et de laisser ainsi les provinces libres de les imposer ou pas.

M. Rock a mentionné que ce n'était pas seulement le Québec qui avait fait des objections, mais que d'autres provinces également avaient fait les mêmes commentaires au ministre de la Justice. Les trois provinces qui étaient particulièrement opposées à ces changements-là – sur ces trois points-là, je me répète, le procès par jury, le transfert du tribunal des jeunes au tribunal pour adultes, puis la publication – c'est le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique; elles étaient contre ces amendements-là. Les provinces de l'Ouest – Manitoba, Alberta – souhaiteraient le contraire.

Je conclus en vous rappelant que le rapport Jasmin sur la Loi sur les jeunes contrevenants s'en vient. Il y aura une analyse beaucoup plus poussée que le simple résumé que je viens de vous faire. Alors, autant là-dessus que sur le processus de nomination des juges, je considère que le ministre Rock a bien écouté le Québec et d'autres provinces, évidemment, mais particulièrement le Québec.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, c'est rassurant de savoir, pour une fois, que le Québec n'est pas tout seul. Il est appuyé.

Maintenant, relativement aux questions de renvoi. J'ai mentionné dans ma question les questions de renvoi. Sans parler d'une modification de la Loi sur les jeunes contrevenants, ce qu'on constate de par les chiffres que j'ai énoncés tout à l'heure, c'est que les renvois, c'est maintenant rendu exceptionnel. C'était auparavant plus utilisé. Est-ce que le ministre, lui, serait ouvert à ce qu'il y ait une plus grande ouverture de cette procédure-là, sans parler de modification de la loi, dans son application? Est-ce que c'est une solution ou une possibilité qu'il envisage?

M. Lefebvre: Vous savez, M. le député d'Anjou, il faut vivre avec les décisions qui sont rendues par nos tribunaux supérieurs. Je fais référence particulièrement à la Cour d'appel. C'est la Cour d'appel, en cette matière comme dans d'autres, qui décide. Alors, il y a eu des interprétations données par la Cour d'appel quant au mécanisme de renvoi, qui nous placent dans des situations extrêmement difficiles.

M. Bélanger: M. le Président, j'aimerais que, peut-être, le ministre me corrige si je fais erreur, mais il me semble que le renvoi est à la discrétion du substitut; c'est à lui de l'initier, cette procédure de renvoi.

M. Lefebvre: Oui, c'est le substitut du Procureur général...

M. Bélanger: Oui.

M. Lefebvre: ...qui décide si, oui ou non, il demande le renvoi. Mais c'est la cour qui, ultimement, a la décision finale, qui peut refuser. Vous savez que c'est le substitut du Procureur général qui présente une requête devant le tribunal pour demander que le cas du jeune contrevenant soit déféré au tribunal pour adultes, mais c'est le juge, ultimement, qui décide. Il y a eu des cas célèbres où les règles ont été établies. La Cour suprême, même, s'est prononcée là-dessus.

M. Bélanger: Mais, le problème, M. le Président, c'est que je pense que les procureurs ne le demandent pas souvent. Elle n'est pas utilisée souvent, cette procédure de renvoi. Je comprends que c'est le juge qui, ultimement, va décider de son bien-fondé. Mais, quant à l'initiation de la procédure...

M. Lefebvre: Vous avez raison, c'est dans des cas extrêmement graves que les substituts la demandent, compte tenu des décisions des tribunaux supérieurs – comme la Cour d'appel, la Cour suprême – qui rendent la demande extrêmement... Le sous-ministre me suggère à l'oreille le mot «circonscrite». Vous voulez dire quoi par ça, vous?

M. Bouchard (Michel): Ténue.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Alors, ça prend des cas extrêmement graves avant que le tribunal n'acquiesce à la requête du substitut du Procureur général. C'est ce que les cours d'appel, les cours suprêmes ont décidé. C'est dans ce sens-là que je vous disais tout à l'heure que les décisions des tribunaux supérieurs ont rendu l'exercice extrêmement exigeant pour le procureur, pour le substitut du Procureur général. Tout ça, ça rejoint ce qu'on a donné comme point de vue, à savoir que, nous, on pense que c'est le Tribunal de la jeunesse qui, ultimement, de façon générale, sauf exception, doit juger nos jeunes contrevenants. Autrement dit, la jurisprudence, dans un sens, appuie notre point de vue, mais, dans certains cas, ça nous cause des contraintes, à savoir qu'on pourrait, comme poursuivant, vouloir référer. On sait qu'il y a des obstacles établis par la jurisprudence.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Groulx.


Investissement à la chambre de la jeunesse de Montréal

Mme Bleau: M. le ministre, vous avez annoncé – merci, M. le Président – récemment un investissement important à la chambre de la jeunesse de Montréal. Est-ce que vos intentions sont toujours les mêmes à ce sujet-là?

M. Lefebvre: Excusez, Mme la députée.

Mme Bleau: Vous avez annoncé...

M. Lefebvre: Oui, 40 000 000 $, 39 000 000 $ au Tribunal de la jeunesse à Montréal, à la chambre de la jeunesse à Montréal.

Mme Bleau: À la chambre de la jeunesse.

M. Lefebvre: Oui, Mme la députée de Groulx. C'est une annonce qu'on a faite, qui n'a pas été trop, trop spectaculaire, parce qu'on n'est pas encore rendu – et je dois être bien, bien franc – à la première pelletée de terre, mais c'est une étape majeure qu'on a franchie. C'est le O.K. du Conseil du trésor. C'est énorme comme problème, à Montréal, le problème de l'administration de la justice pour les jeunes délinquants, pour les jeunes contrevenants. C'est un dossier qui chemine depuis plusieurs années, mais, là, on a franchi une étape cruciale. C'est ce que j'ai annoncé, Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Est-ce que ça comprend une nouvelle construction?

M. Lefebvre: C'est une amélioration de l'édifice existant, un réaménagement, évidemment, majeur pour améliorer à peu près tous les services, en commençant par les salles d'audience, mais aussi les espaces attenant aux salles d'audience. Isoler les jeunes contrevenants, les victimes, qu'on retrouve au Tribunal de la jeunesse ou à la chambre de la jeunesse, les isoler des présumés criminels. Il y a tout ça qui est criant. Ce sont tous ces problèmes qu'on va régler avec l'agrandissement et le réaménagement des bâtisses existantes.

Mme Bleau: Vous parlez de l'édifice sur la rue Saint-Denis. Est-ce que c'est ça?

(21 h 10)

M. Lefebvre: Oui, Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Bien.

M. Lefebvre: Ça a besoin d'être amélioré.

Mme Bleau: Merci, M. le ministre.

M. Lefebvre: Alors, ça rejoint un peu... Mme la députée de Terrebonne disait que le premier ministre n'a pas été précis, précis dans son discours inaugural, ou M. le député d'Anjou, sur son intention de supporter la famille de toutes les façons possibles et imaginables, particulièrement au niveau de la violence, la violence conjugale, la violence chez les jeunes. C'en est une intervention majeure. Elle est majeure, cette intervention-là. Elle est souhaitée par les intervenants du milieu. Le juge Jasmin, entre autres, a insisté énormément, de toutes sortes de façons, pour que ce dossier-là avance.

Mme Bleau: La juge Ruffo.

M. Lefebvre: Oui.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.


Réhabilitation et prévention de la criminalité chez les jeunes

M. Bélanger: M. le Président, j'aimerais savoir du ministre s'il a entendu parler... On me parle de la possibilité, au niveau fédéral, de législation – toujours, je pense, dans le même projet de loi – qui pourrait être déposée, on me dit, peut-être d'ici la fin du printemps, à Ottawa, relativement à la réhabilitation des jeunes contrevenants et à la prévention de la criminalité. On me parle d'une possibilité de légiférer, de la part du fédéral, dans ces domaines-là. Quant à moi, la réhabilitation, j'ai toujours pensé que c'était de compétence provinciale. La prévention de la criminalité, quant à moi, j'ai toujours pensé que c'était aussi de compétence provinciale. Je voudrais savoir: Quelle est la position du ministre? Premièrement, pourrait-il me confirmer si c'est vrai, ce projet fédéral en ce sens-là? Quelle va être la position du Québec relativement à cette façon de légiférer?

M. Lefebvre: Vous parlez de réhabilitation, M. le député, et de...

M. Bélanger: Réhabilitation et prévention de la criminalité.

M. Lefebvre: ...prévention. Je vous disais, tout à l'heure, que le ministre Rock, sans élaborer trop, trop, a indiqué qu'il déposerait des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, au printemps.

M. Bélanger: Oui.

M. Lefebvre: Maintenant, il n'y a pas eu d'indication que ça serait dans le sens que vous indiquez, réhabilitation et prévention. Ce que je vous dis, c'est: Autant on a réagi sur l'essentiel – évidemment, je ne vous dis pas qu'empiéter sur nos juridictions ce n'est pas important – à savoir de ne pas modifier le coeur même de la loi... Selon nous, la Loi sur les jeunes contrevenants ne doit pas être une loi répressive. Elle est déjà, jusqu'à un certain point, coercitive, répressive. Il ne faut pas lui donner un caractère encore plus répressif qu'elle ne l'a déjà. C'est là-dessus qu'on a fait nos interventions. Maintenant, les modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants nous seront soumises. Si elles sont dans le sens qu'on le souhaite, mineures, on va donner notre accord. Si elles contreviennent à des juridictions provinciales, on va également, M. le député d'Anjou, s'opposer. Mais j'attends. Je ne veux pas présumer de ce que fera le ministre Rock, mais ce que j'ai compris, puis ce que j'ai réalisé, c'est que M. Rock est à l'écoute des commentaires qui ont été faits par les provinces, particulièrement par le Québec.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: ...pour finir le programme 9...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: ...je voudrais savoir si le ministre a prolongé la réflexion du ministre Rémillard relativement au rôle du Procureur général, sur la fonction de Procureur général. L'an dernier, ça avait valu un échange absolument...

Une voix: Mémorable.

M. Bélanger: ...mémorable devant cette commission, quand j'avais remis en question la façon de procéder du ministre qui avait fait publier une réflexion dans le journal relativement à la possibilité de dissocier le rôle de Procureur général de celui de ministre de la Justice. Je voudrais savoir si c'est toujours un projet qui, disons, fait son chemin au ministère de la Justice.

M. Lefebvre: Vous savez, c'est une réflexion provoquée par l'organisme fédéral qu'est la Commission de réforme du droit.

M. Bélanger: Oui.

M. Lefebvre: Vous faites référence, évidemment, au directeur des poursuites publiques...

M. Bélanger: Oui,

M. Lefebvre: Alors, le Procureur général deviendrait en même temps une espèce de personnage qui porterait ce titre-là, directeur des poursuites publiques, qui serait évidemment indépendant de la fonction de procureur si on veut respecter le rôle du Procureur général et son objectivité. C'est une réflexion qui se continue, M. le député d'Anjou. C'est une évaluation qui se fait présentement au ministère et ça chemine. Je suis en réflexion constante.

Mme Caron: C'est bien ça qu'on voit.

M. Bélanger: M. le Président...

M. Lefebvre: Pardon?

Mme Caron: C'est bien ça qu'on voit, M. le ministre.

M. Lefebvre: Si vous me demandez, M. le député d'Anjou, si, à un moment ou l'autre, je tombe sans réflexion...

M. Bélanger: Est-ce que vous pouvez avoir un accouchement?

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Caron: Nous sommes passés du juste équilibre à la réflexion.

Le Président (M. LeSage): Alors, je suis prêt à entendre le prochain intervenant, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Alors, à mon grand regret, je vais abandonner le programme 9.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou, est-ce que le programme 9 est adopté?

M. Bélanger: Je voudrais revenir...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou, est-ce que vous avez terminé avec le programme 9?

M. Bélanger: Oui. Je le crois, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président (M. LeSage): Est-ce que le programme 9 est adopté?

M. Bélanger: On les fait tous ensemble, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Je vous rappellerai qu'on a déjà adopté le programme 10 et le programme 11. On a appelé le programme 9. Alors, je demande si le programme 9 est adopté.

M. Lefebvre: Adopté.

M. Bélanger: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Alors, vous appelez quel programme? Vous voulez vous entretenir avec le ministre sur quel programme, M. le député d'Anjou?

M. Lefebvre: Le programme 9 étant adopté, je comprends que M. le député d'Anjou ne peut pas y revenir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bleau: C'est pour ça que le président ne prenait pas de chance!

M. Bélanger: Pourtant, il restait encore bien du stock.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou, vous pouvez revenir sur ce que vous voulez. Nous sommes en discussion libre. Je vous cède la parole sur lequel des programmes, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger: Oui. M. le Président, sur le programme 2.

Le Président (M. LeSage): Parfait. Soutien administratif à l'activité judiciaire.


Soutien administratif à l'activité judiciaire


Commission parlementaire sur la perception des pensions alimentaires

M. Bélanger: Un autre dossier qui me tient à coeur, la perception des pensions alimentaires. M. le Président, je regarde ici l'échange qu'il y avait eu, en décembre 1993, relativement à ce dossier-là, avec M. Rémillard, alors ministre de la Justice. Alors, M. le Président, le ministre m'a dit que j'avais quasiment raison de dire qu'il y avait une certaine ouverture, de la part du ministre Rémillard, relativement à l'audition de certains intervenants, dont ceux de l'Ontario, relativement au dossier de la perception des pensions alimentaires. Est-ce que le ministre serait prêt à, peut-être, concrétiser cette ouverture et à me faire part, à ce moment-là, si on pourrait donner le mandat à la commission de faire un débat sur toute cette question pour essayer d'avoir des résultats et j'allais dire des vrais chiffres, mais, disons, des chiffres conciliables relativement à l'expérience ontarienne, comme j'en avais déjà fait part au ministre?

Le ministère de la Justice et l'Opposition ont des chiffres complètement différents relativement à la performance et au succès de l'expérience, qui, maintenant, on pourrait dire, n'est plus une expérience, mais une façon de faire en Ontario. Encore là, je le répète: Sans, pour autant, dire que le système ontarien est parfait, je pense qu'il y a des leçons à tirer du système ontarien. Je crois que ce serait profitable à tous les membres de cette commission de regarder quels sont les résultats concrets de ce qui se passe en Ontario. Je pense qu'une des meilleures façons de partir un débat dans l'objectivité et la non-partisanerie, telles que les connaît cette commission, ce serait de le faire ici, en commission des institutions. Est-ce que le ministre est prêt à concrétiser cette ouverture et, à ce moment-là, à finir sa réflexion? On pourrait réfléchir ensemble, à ce moment-là, Mme la Présidente.

(21 h 20)

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Lefebvre: C'est une réflexion qui est extrêmement agréable, en compagnie de la députée de Terrebonne et du député d'Anjou. Puis, je vous l'ai dit tout à l'heure, dans le temps, il n'y a pas de limite, quant à moi, à cette réflexion-là. On pourra continuer le nombre d'années que vous voudrez, sauf qu'il faudra, pour le système automatique de perception des pensions alimentaires, que notre... Vous savez, la réflexion, de notre côté, elle est faite. Sinon, on n'aurait pas engagé, à votre connaissance – ça n'a pas été fait à l'insu de l'Opposition officielle – la mise en place du SAPPA. On est présentement – je l'ai dit, c'est public, évidemment – à mettre en place le système automatique de perception des pensions alimentaires. Il y a des fonds publics pas mal importants qui sont engagés dans cette démarche-là.

Nous sommes convaincus, au gouvernement du Québec et au ministère de la Justice, que c'est ce qu'on doit faire essentiellement: obliger, obliger. Évitons de parler de ceux qui paient. Il y en a plus ou moins 45 % qui paient facilement, volontairement, plus un autre 17 % qui paient avant l'intervention du percepteur. Alors, ça veut dire que plus ou moins 62 % des créancières reçoivent totalement leurs pensions alimentaires. Ce n'est pas de ces créancières-là qu'il faut parler, sauf qu'il faut en tenir compte dans notre décision. Alors, il faut s'occuper des 38 % des débiteurs qui ne paient pas.

À l'intérieur des 38 %, il y a un certain pourcentage – j'ai demandé de vérifier si on ne pouvait pas me donner des précisions – de débiteurs qui ne paient pas parce qu'ils sont incapables de payer. Ça, je pense que vous allez convenir avec moi, Mme la députée de Terrebonne, qu'il y a des débiteurs qui sont sans travail. On s'entend là-dessus. C'est un pourcentage que je ne connais pas au moment où on se parle, de sorte que l'amélioration du système de perception des pensions alimentaires doit se faire pour un pourcentage de débiteurs qui est important, mais qui ne justifie pas...

Vous savez, ce n'est pas une question – je suis très prudent quand je parle de ça; c'est tellement délicat, et je ne veux pas faire de lapsus, ni de commentaires qui pourraient être interprétés – pour nous, nécessairement, de ménager des fonds publics. Ce n'est pas ça. On veut être certains que l'amélioration qu'on va amener au régime va être la plus performante possible pour les créancières. C'est ça, notre objectif. Ça a été utilisé par certains journalistes; c'est une espèce de régime mixte qu'on veut mettre en place: le régime actuel doublé d'une partie du régime ontarien, à savoir la perception des arrérages avec, pour une période de 12 mois – c'est ça, le SAPPA – un débiteur sous la surveillance du percepteur. À la moindre faute du débiteur, pendant une période de 12 mois, le mécanisme recommence à courir à zéro, de sorte qu'un débiteur...

Il faut bien comprendre dans quel esprit... Dès le moment où notre SAPPA sera en vigueur, en décembre qui vient, avant la fin de 1994 – moi, je le souhaiterais pour septembre, octobre – ça va être publicisé, ça. On va lancer un message aux débiteurs fautifs: Attention, là, attention. À partir de maintenant, si vous négligez de payer votre pension alimentaire, non seulement vous aurez à payer les arrérages avec des frais de perception pour couvrir les coûts du régime, mais, en plus, pendant une période de 12 mois, vous serez sous la surveillance du percepteur. Si vous faites quatre mois, que vous êtes corrects pendant une période de quatre mois, mais que vous trébuchez au bout des quatre mois, on recommence à zéro.

Moi, M. le député d'Anjou – et je suis convaincu que j'ai raison – ça m'apparaît devoir être essayé, ce régime-là, le SAPPA additionné à ce qu'on a déjà. Autrement dit, c'est notre système actuel, mais de beaucoup amélioré quant à la mécanique, quant à la remise des sommes d'argent qu'on recevra, qu'on percevra pour Mme la créancière, quant à la conséquence pour un débiteur fautif.

Aussi, je vous le rappelle, ça a été dit que SAPPA servira également à autre chose que la perception des pensions alimentaires: certaines saisies, certains jugements, les dépôts volontaires, etc. Moi, ça m'apparaît être la bonne façon d'intervenir pour protéger nos créancières. Pour les débiteurs qui paient volontairement, bien, on n'oblige pas la créancière à judiciariser sa démarche. Le débiteur qui est correct, qui est de bonne foi, n'est pas judiciarisé, lui non plus, dans son obligation de payer sa pension alimentaire. Ça m'apparaît rejoindre tous les objectifs du ministère de la Justice: éviter de judiciariser ce qui ne doit pas l'être; surveiller les débiteurs négligents et fautifs; accélérer le processus de perception et de remise à des coûts, toutes proportions gardées, pas mal plus rationnels que le système ontarien.

Je vous rappelle ce que j'ai déjà dit: Tout ça part d'une habitude qu'ont les débiteurs, au Québec, d'être plus responsables, de façon générale, que les débiteurs ontariens. Il y en a encore trop, au Québec, qui ne paient pas. Il y en a encore trop, mais il y en a pas mal moins qu'à côté de chez nous, en Ontario. C'est ça, essentiellement, la démarche, M. le député d'Anjou, qui a motivé le gouvernement du Québec, le ministère de la Justice et mon prédécesseur à y aller dans le sens qu'on a indiqué. Moi, je supporte ça.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Mme la Présidente, permettez-moi de revenir sur, quant à moi, la nécessité d'une commission sur le sujet. Pourquoi? Parce que, préalablement à l'étude de ces crédits, nous avions demandé certaines données que nous n'avons pas obtenues, en tout cas, que le ministère de la Justice n'a pu nous obtenir, quant au profil socio-économique du bénéficiaire d'une pension alimentaire, ni quant au débiteur d'une telle ordonnance de paiement, et ce, malgré, comme je vous le dis, la demande qu'on a faite. Donc, il nous manque vraiment des données, quant à moi, pour faire réellement un débat sur la question, sur la problématique de la perception des pensions alimentaires.

Il n'y a pas juste en Ontario, M. le Président, que cette question fait l'objet de mesures concrètes. Il y a aussi les États-Unis. Aux États-Unis, il y a de plus en plus de projets qui font appel à la perception des pensions alimentaires avec retenue à la source. Aux États-Unis, M. le Président. On sait, pourtant, que les États-Unis ne sont pas nécessairement les plus – comment je pourrais dire? – sociaux-démocrates au niveau de leur système de justice. Donc, je pense qu'il faut, à un moment donné, s'inscrire un peu, peut-être, dans cette démarche qui est en train de se faire, moi, je dirais, en Amérique du Nord, sur ce dossier.

Si on veut faire un véritable débat, quant à moi, il faudrait, je pense, pousser la réflexion un peu plus loin que de dire: Bon, on va regarder les résultats de la SAPPA. De toute façon, M. le Président, ça fait cinq ans que, maintenant, on en attend la mise en vigueur. Je comprends que ça a été initié bien avant l'arrivée du ministre, mais ça fait cinq ans qu'on attend la mise en vigueur de ce projet de loi qui a été adopté en 1988.

Même, je suis étonné que le ministre Rémillard n'ait pas fait de recommandation formelle au ministre actuel, parce que, ici, je vois que le ministre avait dit – là, je reprends les paroles du ministre Rémillard, le 2 décembre 1993: Moi, je vais vous dire, c'est pour ça que j'ai suggéré qu'il y ait une commission parlementaire qui puisse être tenue, pour qu'on entende tous les gens qu'on a à entendre. C'est un sujet qui mérite ça. Je pense qu'il mérite ça. Un peu plus loin, le ministre Rémillard dit: ...soit le ministre de la Justice, mon successeur – alors, je pense qu'on faisait mention, qu'on faisait référence au ministre ici présent – qui peut décider de le faire, et je vais le lui recommander fortement.

Donc, si on suit les propos du ministre Rémillard, de décembre 1993, il y a même eu des recommandations formelles qui ont été faites auprès du ministre actuel, relativement à la tenue... Même, on dit: ...recommander fortement, soit à ma collègue à la Condition féminine, qui peut décider de le faire. Il y a beaucoup de possibilités. Moi, je vais vous dire, c'est évident qu'après les débats que nous avons eus – parce que c'est un problème qu'on veut solutionner – je crois que ça s'impose. Je pense que le ministre Rémillard avait, à ce moment-là, été plus qu'ouvert. Même, il allait le recommander formellement au ministre actuel. Je suis même étonné que le ministre actuel n'ait pas eu de recommandation formelle dans ce sens-là d'avoir une commission parlementaire sur le sujet.

(21 h 30)

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Vous êtes tenace, M. le député d'Anjou! Vous êtes tenace! Vous avez arraché de mon prédécesseur presque un aveu qui n'était pas libre et volontaire. Ha, ha, ha! Vous savez qu'une déclaration, pour être admissible en preuve, doit être libre et volontaire.

M. Bélanger: Oui, un consentement éclairé.

M. Lefebvre: M. le Président, avant de répondre précisément à la question de mon honorable collègue d'Anjou, je veux juste vous rappeler, parce qu'on insiste pour que je vous le dise... C'est vrai que c'est important – je l'ai déjà dit – mais vous êtes porté à oublier que, depuis le 20 février 1992... Vous avez, tout à l'heure, avec l'approbation de votre collègue de Terrebonne, dit que ça faisait cinq ans qu'on en parlait. Mais il y a déjà – vous le savez, vous avez vous-même participé, comme critique, à l'adoption du projet de loi 131 – des dispositions, qui avaient été décidées il y a quelques années, regroupées autour du SAPPA. Lorsqu'on a voulu actualiser le régime de perception des pensions, on a dit: On va faire quelque chose de moderne pour obliger les débiteurs à payer. Pour rendre l'opération plus rapide, on va mettre ça sur informatique. C'est ça, l'opération SAPPA. C'est gros, c'est énorme comme démarche.

Mais, entre-temps, le 20 février 1992, est entré en vigueur le tarif obligeant le débiteur en défaut à assumer 50 % des coûts de traitement des dossiers. C'est nous qui avons fait ça. Ça produira un revenu, plus ou moins, de 4 000 000 $ sur cinq ans. Le 15 décembre 1993, adoption du projet de loi 131. Vous en avez parlé tout à l'heure, M. le député d'Anjou. Alors, c'est une législation qui modifie le Code de procédure civile. L'adoption du projet de loi 131, quant à son application, a été reportée en janvier 1994. Entrée en vigueur, en janvier 1994, des dispositions suivantes. Les travailleurs autonomes et ceux dont l'employeur est à l'extérieur du Québec doivent comparaître devant le tribunal pour déclarer leurs revenus. Le tribunal ordonne le versement. S'il y a défaut d'obtempérer à l'ordre du tribunal, vous le savez, c'est l'outrage au tribunal. L'opposition à la saisie: obligation par le débiteur de payer la pension alimentaire même s'il y a une opposition. C'est nouveau, ça, et c'est en vigueur présentement.

On n'a pas parlé, quant à moi, suffisamment de l'entente de réciprocité avec la Floride, la Californie, le Massachusetts, le New Jersey, la Pennsylvanie, qui s'ajoute à ce qui existait déjà avec l'État de New York. Ça ne coûte rien au créancier ou à la créancière pour la perception de sa pension alimentaire, dans le cas d'un débiteur qui a décidé, lui, parce qu'il était en Californie ou en Floride, qu'il n'avait plus d'obligation, qu'il oubliait son ex-conjointe et qu'il oubliait ses enfants. On le poursuit jusqu'en Floride, jusqu'en Californie, jusqu'au New Jersey, à Atlantic City. Plutôt que d'aller jouer au casino à Montréal, il s'en va jouer à Atlantic City. Alors, on le poursuit jusque-là.

C'est des ententes de réciprocité qui ne sont pas tellement spectaculaires quant au nombre de débiteurs, je vous le dis, non, c'est vrai, mais cela a une valeur, à tout le moins, symbolique pour que le débiteur comprenne qu'il ne peut pas échapper à ses obligations. Je le dis souvent, et je vais le répéter: Il faut rappeler aux débiteurs de pensions alimentaires, ici, au Québec, que c'est à eux, d'abord et avant tout, à payer la pension alimentaire qui est due à leur ex-conjointe, qui est due à leurs enfants. C'est des obligations non seulement légales, mais surtout naturelles. Quand ces gens-là ne paient pas, c'est toute la collectivité qui doit payer.

Moi, je vous le dis, M. le député d'Anjou, vous insistez pour une commission parlementaire qui, quant à moi, ne nous apprendra absolument rien de plus que ce que vous pouvez apprendre vous-même en communiquant avec le Family Support Plan, en Ontario, au numéro de téléphone suivant: 8-1-416-326, extension...

M. Bélanger: Le tiret, c'est où?

M. Lefebvre: Comment? Extension 2322. C'est ce qu'on fait, au ministère. Vous allez parler à Mme Kalle Vaga. Son prénom, c'est Kalle. Vous allez obtenir les mêmes renseignements – et c'est sérieux, ça; j'ai tout ça ici – qu'on a ici au ministère de la Justice sur toutes les questions que vous vous posez. Moi, ce que je vous dis: Si les renseignements que vous obtenez ne correspondent pas à ceux qu'on nous donne, à nous, moi, je suis prêt à me rasseoir avec vous, pas en commission parlementaire... Vous savez, il faut bien comprendre ce que ça veut dire, une commission parlementaire. Faire venir ces gens-là pour nous apprendre quoi qu'on ne peut pas savoir autrement?

On me dit que Kalle, ce n'est pas une dame; c'est un monsieur. C'est la seule...

M. Bélanger: Précision.

M. Lefebvre: ...précision que j'apporte.

M. Bélanger: Merci, M. le Président.

M. Lefebvre: Si mes commentaires se retrouvaient dans The Gazette , demain, je ne veux pas que Kalle soit vexé.

M. Bélanger: Je pense que ça va.

M. Lefebvre: Alors, vous pouvez communiquer avec ce monsieur-là. C'est lui qui est le responsable du système. Il va vous donner toute l'information pertinente, tous les renseignements que vous désirez obtenir. Au-delà du petit badinage bien légitime à 21 h 35, moi, je vous dis, M. le député d'Anjou, que je suis convaincu que la démarche... D'ailleurs, je vous soupçonne de le faire! Je vous soupçonne de l'avoir fait, à date. Vous êtes rusé! Les renseignements que vous avez obtenus sont identiques à ceux qu'on a, parce que vous ne m'avez pas contredit une seule fois, à date. Lorsque je vous ai dit qu'à peine 25 % des débiteurs, avec un système aussi sophistiqué en Ontario, payaient leurs pensions alimentaires, vous ne m'avez jamais contredit là-dessus. Je suis convaincu que vous l'avez vérifié. Je vous vois, là, vous ne dites pas un mot. «Qui ne dit mot consent.» Vous me donnez raison là-dessus. Vous l'avez vérifié, j'en suis convaincu.

M. Bélanger: M. le Président, je vais laisser penser le ministre de la Justice. C'est un sujet, j'en suis convaincu... Nous allons pouvoir revenir à plusieurs reprises sur ce sujet.

M. Lefebvre: J'en suis certain.

M. Bélanger: Quant à moi, M. le Président, ça finit le programme 2.

Le Président (M. LeSage): Alors, est-ce que le programme 2 est adopté, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger: Adopté.

Le Président (M. LeSage): Très bien.

M. Bélanger: Alors...

Le Président (M. LeSage): Vous voulez discuter de quel programme, maintenant, M. le député d'Anjou?


Formulation de jugements

M. Bélanger: Le programme 1, M. le Président. J'aimerais attaquer le dossier de la magistrature.


Conditions de travail des juges

M. Lefebvre: Vous voulez attaquer la magistrature?

M. Bélanger: Le dossier, seulement. J'ai beaucoup plus de respect pour la magistrature. J'aimerais parler, en particulier, du sujet des conditions de travail des juges. On sait qu'en fin de semaine dernière la Conférence des juges du Québec s'est réunie. Il y a eu une conférence de presse qui a été donnée par les membres de la magistrature relativement, entre autres, à leurs conditions de travail, à leur rémunération. Le point sur lequel je voudrais surtout m'entretenir avec le ministre, M. le Président, c'est les conditions de travail des juges.

On sait qu'avec le projet de loi qui a été adopté récemment par l'Assemblée nationale, on a voulu resserrer les délais pour rendre jugement à nos juges de la Cour supérieure et de la Cour du Québec. Je pense que ça répondait à une certaine demande populaire, ce projet de loi. Cependant, tout en donnant cette obligation aux juges, M. le Président, je pense qu'il faut aussi être conscient de leur donner les moyens pour pouvoir leur faciliter le travail.

À mon grand étonnement – peut-être que le ministre pourra corriger, à ce moment-là, les impressions que j'ai – les magistrats, les juges nous faisaient part qu'ils ne sont pas munis de traitement de texte dans leurs bureaux pour faire leurs jugements. Ils sont encore à la machine à écrire pour faire leurs jugements. Ils n'ont pas de télécopieur pour pouvoir envoyer... Je pense qu'ils ont un télécopieur commun pour plusieurs juges pour pouvoir transmettre et recevoir des documents. Ils sont 10 ans en arrière sur l'ensemble des praticiens. C'est assez incroyable, quand même. On leur dit: Maintenant, vous devez être plus productifs. Vous devez rendre jugement, obligatoirement, en six mois. Et ils n'ont même pas de télécopieur, pas de traitement de texte. Si un juge veut un traitement de texte, il doit le payer de sa poche pour que son bureau soit muni d'un traitement de texte. Alors, ça, je suis étonné de constater ça.

(21 h 40)

Alors, comme je vous le dis, M. le Président, je ne veux pas qu'on discute nécessairement du problème du traitement, des salaires des juges, mais de leurs conditions de travail. Est-ce que le ministre peut corriger l'information dont je viens de lui faire part? Est-ce qu'il entend faire quelque chose pour, justement, répondre à cette demande des juges, qui est répétée depuis longtemps, et leur donner des outils pour travailler et pour être plus efficaces aussi quant à rendre leurs jugements?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: M. le député d'Anjou, au Québec, il y a 290 juges. À la Cour du Québec, c'est-à-dire. Pas au Québec, je m'excuse.

M. Bélanger: Oui.

M. Lefebvre: Il y a 290 juges, juridiction Cour du Québec. Depuis 1991-1992, le ministère accepte de rembourser le coût d'achat d'un micro-ordinateur à même les frais de fonction des juges. Les juges de la Cour du Québec ont droit à un montant de 1200 $ par année pour des frais de fonction de juge. Il y a 75 micro-ordinateurs qui ont fait l'objet d'un remboursement. Oui?

M. Bélanger: Les frais de fonction, on entend par ça les frais de... Est-ce que ça peut inclure des frais de déplacement? C'est quoi, des frais de fonction, exactement?

M. Lefebvre: Je vais vous faire spécifier ça, tout à l'heure, par M. le sous-ministre, ici. Mais, à date, il y en a 75. Alors, ce n'est pas vrai, dans un premier temps. D'ailleurs, je ne pense pas que les juges aient dit qu'il n'y avait aucun juge qui en avait.

M. Bélanger: Non, non.

M. Lefebvre: Ce que les juges ont dit, c'est ça. Alors, il y a, depuis deux ans, au moins 75 traitements de texte qui ont été remboursés à même les frais de fonction dont je viens de parler. En plus, le ministère met à la disposition de l'ensemble des juges 58 autres équipements semblables, pour un grand total de 133.

M. Bélanger: Sur 300?

M. Lefebvre: Sur 290. Ce n'est pas 100 %, mais ce n'est pas zéro.

M. Bélanger: Non, non.

M. Lefebvre: Je ne dis pas que vous avez dit ça, vous.

M. Bélanger: Je n'ai pas dit ça.

M. Lefebvre: Ce n'est pas tout à fait vrai que les juges sont équipés... Moi, vous savez, je suis allé au palais de justice de Québec. Je n'ai pas eu l'impression qu'on était au grand air pour rendre justice. Ce n'est pas vrai que nos juges sont équipés comme il y a 75 ans, au Québec. C'est vrai, cependant, qu'il faut donner à nos magistrats des équipements modernes. Je le reconnais.

J'ai rencontré, à plusieurs reprises, M. le juge en chef Gobeil avec les juges en chef associés Vaillancourt et Mercier. Je les ai encore rencontrés à mon bureau, il y a une quinzaine de jours. Les juges m'ont fait des représentations sur ce qui a été soulevé par des juges – qui ne sont pas le juge en chef, ni les deux juges associés – en fin de semaine. J'ai eu des rencontres extrêmement positives. Je souscris à un certain nombre de demandes qui me sont faites par les juges quant au bien-fondé de ces demandes-là. Maintenant, je dois vous répondre que c'est des sommes d'argent assez considérables. Il n'y a pas eu de représentations qui m'ont été faites de façon... Lors de ces rencontres-là, ni les juges Gobeil, Vaillancourt ou Mercier n'ont soulevé la question des traitements, des salaires de juge. On n'en a pas parlé.

D'ailleurs, j'ai constaté que ce n'était pas là-dessus que les juges ont fait leurs revendications publiques en fin de semaine. Leur démarche est légitime. Ça fait partie des dossiers qui sont sur le bureau du ministre, des dossiers qui sont en discussion, également, avec le Trésor pour essayer d'avoir un certain montant pour pouvoir compléter ce qui est déjà commencé, à savoir qu'il y a... Je vous le répète, c'est plus ou moins. Remarquez bien que, si, demain matin, on me disait: Ce n'est pas 133, mais c'est 115, je vais dire: C'est 115. Les chiffres que je vous donne sont de date très, très récente, mais on n'a pas nécessairement fait les vérifications dans les dernières semaines.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, pour faire mes commentaires, je m'inspirais du rapport et des recommandations du Comité consultatif chargé d'étudier la rémunération, le régime de retraite et autres avantages sociaux des membres de la Cour du Québec. Ce rapport a été présenté au ministre de la Justice le 1er août 1993. À la page 43 de ce rapport, on mentionne: «Assez ironiquement, comme le souligne la Conférence des juges dans son mémoire, ce sont les juges qui sont les moins bien équipés en matière de systèmes informatiques pouvant servir à la rédaction et à la diffusion des jugements. Sauf rares exceptions – là, ce n'est pas moi qui dis ça; c'est le rapport du comité, du mois d'août 1993 – les juges n'ont même pas accès à un logiciel de traitement de texte. Il en est de même pour les télécopieurs. Au palais de justice de Montréal – pas en région, à Montréal – selon la Conférence des juges, on ne trouve qu'un télécopieur au bureau du juge en chef et un autre au bureau du juge en chef associé. En région, la situation serait pire.»

Alors, M. le Président, c'est dans ces conditions qu'on demande aux juges d'être plus performants. C'est le 1er août 1993, rapport et recommandations du Comité consultatif. Une des recommandations, la recommandation 14 de ce rapport, est: «Par conséquent, les membres du Comité recommandent la mise en place de meilleures conditions de travail en vue de faciliter l'accomplissement des tâches de la magistrature du Québec.» M. le Président, ce n'est pas des rumeurs. On ne peut même pas dire que c'est une appréciation qui provient uniquement de l'Opposition. Je pense que c'est un comité qui avait comme mandat spécifique d'évaluer ces questions et, le 1er août 1993, il a fait cette constatation.

Je pense qu'un télécopieur, on va tous être d'accord avec ça, c'est rendu un instrument essentiel. La preuve, on a même amendé notre Code de procédure civile pour maintenant permettre une plus grande facilité de signification des actes de procédure par télécopieur. C'est rendu essentiel, maintenant, en matière de pratique quotidienne du droit. On a amendé notre Code de procédure en ce sens-là, M. le Président. Je suis certain que le ministre s'en souvient, de ce fameux projet de loi. Donc, nos magistrats, à qui on demande maintenant d'opérer plus rapidement au niveau de la rédaction de leurs jugements, n'ont même pas accès, à leur bureau, à un télécopieur. Alors, qu'est-ce qu'entend faire le ministre relativement à ce problème?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre.

M. Lefebvre: Il n'y a pas, à la disposition de chaque juge, un télécopieur, mais ce n'est pas vrai de dire – je ne dis pas que c'est vous qui dites ça, je me répète souvent pour ne pas qu'il y ait de confusion – que les juges en sont complètement privés. Vous savez, les substituts du Procureur général auraient peut-être aussi des demandes à faire au niveau des équipements. Je ne nie pas ça, moi, M. le député d'Anjou. C'est les substituts du Procureur général qu'il faudrait augmenter. C'est les conditions des juges qu'il faudrait améliorer. C'est des palais de justice qu'il faut construire, agrandir. C'est des bureaux d'enregistrement qu'il faut réaménager.

Mais, entre-temps, il y a le rehaussement des seuils d'admissibilité à l'aide juridique, il y a la perception des pensions alimentaires pour 98 % des créanciers, qui sont des créancières, règle générale, des mères monoparentales. Il y a ça. Il y a les juges de la Cour supérieure aussi. Les juges de la Cour supérieure m'ont rencontré. J'ai rencontré également le juge de la Cour d'appel. Je les ai tous rencontrés. Ils m'ont tous fait des revendications légitimes. Mais dans quel ordre plaçons-nous les priorités, au ministère de la Justice? Je ne vous demande pas de dresser la liste, je suis convaincu que vous diriez la même chose que moi.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Lefebvre: Comme le disait si bien mon premier ministre, il y a quelques semaines: Donnez-moi un peu de temps.

M. Bélanger: C'est ce qu'il va avoir, semble-t-il!

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Lefebvre: Mme la députée de Terrebonne semblait m'approuver.

Le Président (M. LeSage): M. le ministre, j'ai déjà accordé la parole à...

(21 h 50)

Mme Caron: Ah, moi, je vous indiquais ma priorité.

M. Lefebvre: Qui est quoi?

Mme Caron: L'aide juridique.

M. Lefebvre: L'aide juridique. Ah bon, merci.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou, vous avez la parole.

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais sauter au programme 7.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou, est-ce que le programme 1 est adopté?

M. Bélanger: Si j'ai le temps, M. le Président, j'aimerais revenir sur le programme 1.

Le Président (M. LeSage): Alors, on laisse en suspens le programme 1.

Une voix: Sur 1 mais pas 9!

M. Bélanger: Non, 9 est fini.

Le Président (M. LeSage): Vous voulez discuter de quel programme, M. le député d'Anjou?

M. Bélanger: Le programme 7.

Le Président (M. LeSage): Très bien, allez-y.


Services juridiques du gouvernement


Délais dans les bureaux d'enregistrement

M. Bélanger: Je voudrais discuter avec le ministre, brièvement, évidemment, puisqu'il reste, malheureusement, uniquement 10 minutes, des problèmes d'application de notre nouveau Code civil relativement à un dossier, j'en suis certain, qui préoccupe grandement le ministre. C'est le fameux dossier des bureaux d'enregistrement. On sait qu'avec le nouveau Code et le nouveau règlement d'enregistrement, en particulier, qui vise...

M. Lefebvre: Vous parlez des droits réels, là.

M. Bélanger: Oui, des droits réels. Il y a eu une adaptation, disons, assez laborieuse de la part des bureaux d'enregistrement de nos différents greffes du Québec. Auparavant, on pouvait enregistrer des documents en dedans de 24 heures; maintenant, si l'enregistrement est refusé, automatiquement, c'est un délai de quatre jours qui s'écoule. S'il y a encore un autre motif, c'est de quatre jours en quatre jours. On a eu des cas... Moi, j'ai eu un cas à mon bureau où ça a pris 25 jours à une personne avant de faire enregistrer son acte de vente, M. le Président; 25 jours pendant lesquels les montants d'argent consignés sont perdus, au plan des intérêts. Alors, c'est assez regrettable.

Je sais qu'il y a eu des actions qui ont été entreprises par le ministère pour pallier à la situation. Il y a eu des rencontres, en particulier, avec la Chambre des notaires, qui ont été faites pour tenter de trouver des solutions au problème. On me dit que, maintenant, la situation est revenue à la normale quant à l'enregistrement des actes dans plusieurs districts, suite à l'embauche de personnel supplémentaire. En particulier, au bureau d'enregistrement de Montréal, on a embauché du personnel supplémentaire pour rattraper le temps perdu. Néanmoins, relativement à l'enregistrement de certains actes, comme les actes de radiation, comme les radiations d'hypothèque, tout ça, on est encore en retard de six mois. Alors, finalement, on a mis de l'argent pour, comme on dit, parer au plus pressant. Cependant, on n'est pas encore arrivé à la période de grand volume d'opération, qui va être la vente des immeubles, au mois de juin, au mois de juillet.

On peut se demander, à juste titre, je pense... Ce n'est pas l'Opposition qui est inquiète, mais la population, je peux vous dire, est inquiète, à savoir quelles sont les mesures qui ont été prises pour vraiment faire face à ce problème-là. Est-ce que le ministre est ouvert à assouplir le règlement ou la procédure d'enregistrement des actes, en attendant qu'il y ait une certaine cohésion au niveau des différents bureaux d'enregistrement? Présentement, un même document peut être refusé pour enregistrement dans les bureaux d'enregistrement, mais, dans un autre, on va l'accepter. Même entre bureaux d'enregistrement, ce n'est pas l'harmonie. On a de la difficulté quant à l'interprétation des directives et des règlements à appliquer. Est-ce que je pourrais...

M. Lefebvre: Oui, vous avez raison de questionner ces conséquences de la mise en vigueur du nouveau Code civil, des changements au niveau de la protection des droits réels, de l'enregistrement des droits réels, M. le député d'Anjou, ou, très rapidement, de pointer certaines difficultés. Il y en a qui ont été corrigées dans certains bureaux d'enregistrement, d'autres sont en voie d'être corrigées. Il y a des effectifs additionnels qui ont été affectés, à ma demande. Également, je dois vous indiquer que M. le sous-ministre Ménard en est très, très conscient.

Dans le but de bien cerner toute la problématique, de faire le point avec les intervenants les plus concernés, pour qu'on sache où on s'en va et d'où on arrive – parce qu'il y a eu du cheminement depuis le 1er janvier – j'ai demandé à Mme la présidente de la Chambre des notaires, Me Bélanger, de me rencontrer avec des membres de l'exécutif de la Chambre. C'est une démarche qui a été initiée par moi depuis environ trois semaines. J'ai demandé à Mme la présidente de nous faire part d'un ordre du jour pour qu'on sache vraiment où sont les problèmes. Vous avez raison, il y a des directives qui ne sont pas appliquées de façon uniforme, en toute bonne foi, autant par nos fonctionnaires... Il y a aussi, je pense, un problème, pas de compréhension, mais d'interprétation par certains juristes et notaires, qu'il faut réévaluer, qu'il faut cerner une fois pour toutes.

Alors, je rencontrerai, jeudi de cette semaine, ici à Québec, Mme la présidente. J'ai demandé qu'elle soit accompagnée de l'exécutif ou des conseillers et conseillères qui évaluent toute la situation avec elle. M. Patry, mon directeur de cabinet, a parlé à Mme la présidente, cet après-midi, pour confirmer la rencontre. Je peux vous confirmer le premier item à l'ordre du jour: situation dans les bureaux de la publicité foncière, inventaire des irritants et propositions. Moi, ce que je veux faire comme exercice... Il y aura des fonctionnaires du ministère de la Justice, les représentants de la Chambre des notaires. Puis, moi, je serai là avec un groupe et l'autre pour bien comprendre où on en est, ce qu'il reste à corriger, parce qu'il y a eu beaucoup de corrections qui ont été faites.

Moi, je ne suis pas scandalisé par ça. C'est des nouvelles règles. Je ne dis pas que c'était inévitable, on essaie de corriger ça le plus rapidement possible, sauf que je suis conscient qu'il faut faire diligence parce qu'il y a des citoyens corporatifs, des entreprises, des compagnies, des individus qui doivent être protégés quant à des droits immobiliers. Si, par hypothèse, il y avait un problème au niveau de la procédure, bien, il faut tenter de le corriger le plus tôt possible. Alors, c'est ça, ma réponse, M. le député. Il y a une rencontre prévue, et c'est jeudi matin, avec Mme la présidente de la Chambre des notaires.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: ...je sais qu'il y eu de nombreuses rencontres sur ce dossier-là, qui, malheureusement, n'ont pas encore, vu la complexité, il faut l'admettre, du dossier... Je sais que ce nouveau règlement, en particulier, crée maintenant quelque 75 motifs de non-enregistrement d'un acte. On n'a pas cru bon, jugé bon de mettre une certaine gradation dans les motifs de refus, dans le sens que, chaque motif, je pense, est fatal. Chaque omission a un motif. Alors, moi, je me demandais – je sais que c'est proposé par de nombreux notaires – s'il n'y aurait pas moyen d'en suspendre l'application ou d'être plus souple au niveau de l'application du règlement, en attendant, peut-être, que la machine s'adapte ou soit plus homogène. Est-ce que le ministre est ouvert à ça?

M. Lefebvre: Si, M. le député d'Anjou, moi, on me fait la preuve qu'il faut corriger ça, on va le faire.

M. Bélanger: Bon.

M. Lefebvre: Soyez assuré que les officiers de la publicité des droits ont fait tous les efforts nécessaires. Avec l'appui du ministère de la Justice, il y a eu un nombre considérable de rencontres, de discussions pour qu'on régularise la situation. Il y a eu, même, des cours de formation disponibles pour les notaires et, évidemment, les officiers de justice. On fait tous les efforts. J'ai même demandé, moi, de faire des efforts surhumains pour régulariser ça, comme on l'a fait avec les registres de l'état civil. De façon générale, en dedans de trois mois et demi, moi, je trouve que ce n'est pas si mal comme performance.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.


Document déposé: Commentaires sur les demandes de renseignements généraux de l'Opposition

M. Bélanger: ...je pense qu'il reste à peine une ou deux minutes aux travaux de notre commission. J'aimerais déposer les commentaires sur les demandes de renseignements généraux de l'Opposition officielle, pour qu'ils soient inclus aux travaux de cette commission.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le député d'Anjou, je vous informe, d'abord, que j'accepte le dépôt des commentaires sur les demandes de renseignements généraux de l'Opposition officielle. Mais, compte tenu de l'heure, vous conviendrez avec moi que je ne peux demander au secrétariat de faire la distribution avant la fin de nos travaux. Copie de ce document sera transmise à chacun des membres de la commission à compter de demain.


Adoption des crédits

Est-ce que le programme 1 est adopté, M. le député d'Anjou?

(22 heures)

M. Bélanger: Adopté.

Le Président (M. LeSage): Est-ce que les programmes 3, 4, 5, 6, 7 et 8 sont également adoptés?

Mme Caron: Le programme 4, sur division.

Le Président (M. LeSage): Alors, le programme 3 est adopté. Le programme 4 est adopté sur division. Les programmes 5, 6, 7 et 8 sont également adoptés.


Adoption de l'ensemble des crédits

Est-ce que l'ensemble des crédits budgétaires du ministère de la Justice, pour l'année financière 1994-1995, sont adoptés?

M. Bélanger: Sur division.

Mme Caron: Sur division.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. LeSage): Alors, adoption sur division. Est-ce que vous avez des commentaires, M. le ministre?

M. Lefebvre: Sinon que ça a été, quant à moi, M. le Président, un exercice extrêmement positif. J'ai apprécié la collaboration des députés de Terrebonne et d'Anjou.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le ministre. M. le député d'Anjou, ça va?

M. Bélanger: M. le Président, je suis très content d'avoir pu aborder l'élément 9 du programme. À ce moment-là, ça nous permettra peut-être, enfin, d'avoir des déblocages dans certains dossiers qui, je pense, demandaient notre attention. Alors, c'est tout, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Alors, la commission des institutions ayant complété son mandat sur l'étude des crédits budgétaires pour le ministère de la Justice, j'ajourne les travaux de ladite commission au mardi 26 avril 1994, à 10 heures, pour l'étude des crédits du ministère du Conseil exécutif, et ce, à la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 22 h 1)