L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mardi 26 avril 1994 - Vol. 33 N° 14

Étude des crédits du ministère du Conseil exécutif


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Parent): Alors, j'invite les membres de la commission, ainsi que les personnes qui les accompagnent à prendre place. Nous allons débuter nos travaux. Le quorum étant constaté, je déclare ouverte cette séance de la commission des institutions qui a, ce matin, un mandat particulier, à savoir de poursuivre l'étude des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1994-1995. Alors, Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Loiselle (Saint-Henri) remplace M. Kehoe (Chapleau); M. MacMillan (Papineau) remplace M. Paradis (Matapédia); M. Beaudin (Gaspé) remplace M. Savoie (Abitibi-Est).

Le Président (M. Parent): Alors, ceci étant dit, je rappelle aux membres de cette commission que, suite aux ententes régissant la répartition du temps de parole, le temps réparti à chacune des formations politiques sera réparti également. Nous avons une enveloppe de trois heures pour étudier les crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif.

Alors, M. le premier ministre du Québec, je vous reconnais pour les déclarations préliminaires.


Déclarations préliminaires


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci, M. le Président, en souhaitant la bienvenue à tous nos collègues qui sont ici pour la phase II de l'étude des crédits du Conseil exécutif dont on me dit – c'est la première fois, évidemment, que je viens défendre ces crédits – que c'est une occasion privilégiée de passer en revue certaines des grandes orientations gouvernementales. Il m'apparaît que c'est justement autour de ces enjeux que le chef de l'Opposition et moi-même, de même que tous les membres de la commission pourront échanger dans les heures qui viennent. Nous échangerons dans un contexte qu'il m'apparaît important de rappeler à nos concitoyens, dans la mesure où le gouvernement du Québec a décidé que sa priorité est l'emploi, le soutien au développement économique, le développement de l'emploi dans toutes les régions du Québec, et vu que nous sommes, depuis quelques mois, dans une phase où les nouvelles sont meilleures qu'elles ne l'étaient. Je veux rappeler une diminution du taux de chômage depuis quelques mois.

Ça m'apparaît important qu'on laisse à nos concitoyens ce message d'espoir, qu'on leur rappelle qu'il y a des choses qu'on est capables de faire et que nous avançons dans la bonne direction, qu'il y a 56 000 Québécois de plus qu'à la même date l'an dernier qui sont au travail. C'est un niveau d'emplois et d'employés, de travailleurs au Québec qui n'a pas été vu depuis octobre 1990. C'est le plus haut niveau d'emplois, plus de 3 000 000, depuis trois ans et demi que nous pouvons observer maintenant. Ça m'apparaît extrêmement important que les Québécois sachent que nous sommes en reprise, donc, je le répète, que nous avançons.

Depuis le début de l'année, c'est près de 50 000 Québécois de plus que l'an dernier qui ont trouvé du travail et, à ce titre, on doit chercher les causes, on doit voir ce qui s'est produit pour soutenir une telle reprise de l'emploi. Bien, je note, à titre d'exemple, la croissance phénoménale de l'exportation au Québec. C'est un des volets que nous devons cultiver: faire en sorte que nos entreprises exportent davantage. Il y a une reprise significative des activités d'exportation des entreprises québécoises depuis un an. L'emploi, de toute évidence, est en voie de suivre. De la même façon, on voit que les consommateurs semblent avoir repris confiance; par rapport à l'an dernier, c'est une hausse des dépenses de consommation dans les ventes au détail de près de 5 % que nous pouvons, là aussi, observer. En janvier et février, c'était de 8 % par rapport à l'année précédente. Alors, ça m'apparaît, ça, autant de signes qui nous permettent d'être optimistes.

Dans ce contexte où on doit maintenir l'optimisme de nos concitoyens, c'est notre responsabilité, j'aimerais, en quelques instants, dresser un bilan de certaines des actions que nous avons prises afin d'aller dans cette même direction qu'on peut observer depuis de nombreux mois, surtout au titre de l'emploi. D'abord, dès janvier – ça m'apparaît important de le souligner – le gouvernement a décidé, j'ai décidé de réorganiser l'appareil gouvernemental. Ça m'apparaît une des dimensions importantes, je l'ai rappelé dans le discours inaugural. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que le gouvernement soit plus efficace. J'ai décidé, dans ce contexte, de réduire de 35 % le nombre de membres du Conseil des ministres. Ce n'est pas pour la galerie; c'est pour l'efficacité. Ce n'est pas une fiction; c'est une réalité.

Et les chiffres, pour ceux qui se préoccupent également de ces choses-là, sont probants. Si on assiste, d'ici à deux ans, à des rationalisations, surtout dans les taux d'encadrement supérieur, si on regarde le nombre d'organismes qui sont fusionnés, le nombre de ministères qui ont été regroupés, si on envisage des réductions d'effectifs qui se retrouvent en duplication, si on retrouve une diminution de 25 % à 35 %, c'est un chiffre qui approche facilement les 40 000 000 $ qui est économisé pour les contribuables québécois grâce à cette réorganisation. Mais on pourra surtout échanger sur l'efficacité qui découle, pour nos concitoyens, de la livraison des services, faite dans un contexte où nous réduisons ainsi le poids de l'État et le nombre de gens qui s'occupent des services publics.

(10 h 10)

Au seul titre des interventions beaucoup plus dirigées vers l'emploi dans toutes les régions, nous avons, depuis quelques mois, mis en place des mesures, des projets extrêmement concrets qui ont déjà produit leurs effets. Je le rappelais dans le discours inaugural, il m'apparaît que la priorité, c'est l'emploi, qu'on doit voir à utiliser tous les leviers disponibles et tous les programmes possibles afin d'y arriver.

J'ai isolé cinq approches différentes qui retiennent notre attention afin de soutenir l'emploi. Nous devons soutenir, d'abord, les moteurs de création d'emplois que sont la consommation, l'investissement et l'exportation. Nous avons une série d'interventions, notamment au titre de l'investissement et des exportations, que nous envisageons, que nous avons déjà mises en place, qui viennent soutenir la reprise économique. Par ailleurs, le gouvernement comme tel – je viens de l'indiquer à titre d'exemple, mais ça m'apparaissait important dans la mesure où nous sommes au coeur même de l'activité du Conseil exécutif quant à ses décisions – par son réalignement, par sa nouvelle efficacité, peut être un moteur de création d'emplois. Nous pourrons y revenir si les membres de la commission le souhaitent.

Troisièmement, nous avons décidé d'appuyer toujours davantage les entreprises en émergence. C'est là que la grande création d'emplois, comme la croissance rapide de l'emploi, comme les emplois de qualité, pourra être davantage observée dans les années qui viennent, dans certains secteurs industriels en émergence et à croissance très forte. Je pourrai détailler le résultat de nos interventions, notamment au titre du soutien à la recherche et au développement, de l'aide fiscale à la recherche, du soutien à l'emploi scientifique qui viennent véritablement appuyer la création d'emplois dans les secteurs d'avenir.

Quatrièmement, une attention toute particulière doit être accordée à tout le développement de nos ressources humaines. Nous sommes, à ce moment, attirés par les difficultés très réelles que vivent les familles québécoises, par les répercussions que le ralentissement économique a pu avoir non seulement sur la famille comme telle, mais également sur l'école, là où les enfants, je dirais, manifestent les perturbations que le ralentissement économique peut avoir causées. C'est également vrai au titre du soutien que nous devons accorder aux familles et aux enfants, à l'encadrement des enfants lorsqu'on parle des services de garde, dossier d'actualité s'il en est un sur lequel j'aimerais revenir tout à l'heure. Donc, les ressources humaines doivent retenir toute notre attention, qu'il s'agisse, oui, de former les travailleurs ou les étudiants à avoir accès au marché du travail ou alors, de façon beaucoup plus large, au titre de la dimension sociale du soutien aux ressources humaines, de voir à ce que les familles québécoises et les enfants, nos jeunes soient davantage encadrés et soutenus. J'en ai parlé assez longuement dans le discours inaugural.

Et, finalement, nous devons surtout nous attarder à mettre sur pied des projets concrets qui assurent à tous les Québécois, partout au Québec, l'accès à des outils qui leur permettent de se développer eux-mêmes. Je vais m'attarder davantage sur ces politiques de développement régional que le Conseil exécutif et le gouvernement ont définies et soutenues depuis quelques mois. Il y a déjà des résultats extrêmement concrets, mesurables, au titre du soutien au développement régional. Au seul titre du Fonds décentralisé de création d'emplois, premier de trois volets que j'examinerai au titre de soutien au développement régional, plus de 2500 emplois en deux mois ont été créés. On a pu voir dans toutes les régions du Québec les annonces qui ont été faites par nos collaborateurs du Secrétariat aux affaires régionales, par les responsables des différents ministères auxquels nous avons demandé une action concertée afin de mettre sur pied ces politiques d'intervention et de soutien de l'emploi, et de répercuter partout sur les entreprises, sur, je dirais, tous les acteurs du développement économique dans toutes nos régions, l'ensemble des moyens que nous avons mis à leur disposition. Il m'apparaît important que ce programme de Fonds décentralisé de création d'emplois, 320 000 000 $ sur trois ans dans les 16 régions du Québec, soit vu comme un outil privilégié qui ne sera pas périmé – j'en reprends encore une fois l'engagement – et qui est là pour rester afin d'assurer aux régions les moyens de leur développement.

Il m'apparaît également important, deuxièmement, que le fonds d'investissements locaux – c'est une dizaine de millions sur deux ans – destiné aux 96 MRC soit également vu par, une fois encore, les acteurs du développement économique de chaque région comme une participation immédiate et concrète du gouvernement à l'enrichissement de différents programmes, à l'enrichissement des sources d'accès au capital parce que c'est ce qui fait défaut dans certaines régions. Il y a ce sentiment que le capital est absent, que le gouvernement ne se préoccupe pas de la dimension départ d'entreprises, je veux dire, départ de projets d'entreprises. Et nous avons mis sur pied, de façon extrêmement précise, un programme destiné précisément à soutenir la création d'emplois dans les régions.

La même chose est vraie pour ce troisième volet – au-delà du Fonds décentralisé de création d'emplois, du fonds d'investissements locaux et du Fonds d'aide aux entreprises – administré par les CRD, les conseils régionaux du développement, qui sont mis sur pied depuis 1991, suite à la mise en place de la politique de développement régional, une vingtaine de millions sur cinq ans, là aussi des fonds additionnels qui permettent, à d'autres titres, d'enrichir la participation du milieu, de faire en sorte que l'effet de levier puisse fonctionner davantage. Évidemment, chaque fois que le gouvernement est partenaire, c'est bien beau de dire: On est des partenaires, on modifie, je dirais, l'approche du développement économique, on modifie la structure, voici de nouveaux agents, de nouveaux acteurs, de nouveaux collaborateurs de la fonction publique ou du milieu public, mais encore faut-il donner des leviers aux régions. Et le véritable levier est un levier financier que nous avons réservé à toutes les régions du Québec.

Ce n'est pas la première fois que nous le faisons. Cette relance de l'emploi depuis décembre dernier, que nous avons finalement mise en place en février et qui a donné lieu à des annonces extrêmement précises au mois de mars, avant le 31 mars, dans toutes les régions du Québec n'est que l'aboutissement – c'est le dernier volet – d'interventions que nous faisons depuis cinq ans. Depuis le budget de 1990-1991, c'est presque pour 5 000 000 000 $ d'interventions au titre de la relance de l'économie, du soutien de l'emploi, du soutien à l'économie que nous avons mises sur pied. La part du gouvernement du Québec est de 3 800 000 000 $ à ce seul titre de façon cumulative. Depuis le budget 1990-1991, il y a eu une injection massive de déboursés, de ressources financières de la part du gouvernement du Québec. Ce n'est pas rien. Il m'apparaît que le meilleur service qu'on puisse rendre à toutes les régions, c'est de rappeler que ces ressources existent.

Je sais, trop souvent, on peut déplorer que les programmes gouvernementaux ne soient pas utilisés à bon escient, qu'ils soient ignorés, que les ministères périment les crédits. En matière de développement économique, ça ne doit pas se faire, la péremption de crédits. Je l'ai déjà dit, nous l'avons déjà fait, qu'il s'agisse du programme d'aide à l'est de Montréal qui avait été mis sur pied, un peu plus d'une centaine de millions pour trois ans. Au bout des trois ans, on s'est aperçu que les 106 000 000 $ n'avaient pas été totalement dépensés. Alors, nous avons reconduit le programme. Les crédits ont été protégés. Lorsqu'on veut vraiment mettre des ressources financières au service d'une région, ce n'est pas leur rendre service que de ne pas leur faire savoir que ces ressources-là existent. Puis ce n'est pas leur rendre service, non plus, lorsqu'en bout de course on arrive au bout de 36 ou 48 mois, comme le programme semblait le décider originalement, bon, qu'on y mette fin, même s'il pouvait rester quelques crédits, évidemment, à investir dans le développement économique.

La même chose est vraie, M. le Président, de certaines interventions que nous avons faites de façon beaucoup plus pointue, ce que j'ai indiqué. On ne doit pas négliger le Fonds de développement technologique. Plus de 200 projets ont été soutenus, je dirais, dans la plupart des cas, initiés. Ils n'auraient pas vu le jour si le Fonds de développement technologique n'avait pas été là. Plus de 200 projets pour 1 300 000 000 $. C'est beaucoup d'activité, M. le Président et chers collègues, encore une fois, au soutien des entreprises en émergence.

Ça nous a permis, d'ailleurs, comme gouvernement, de nous associer, pour des dizaines de millions de dollars, à tout ce concept de l'autoroute électronique. Ça existe, ce n'est pas une fiction. J'ai eu l'occasion d'en reparler avec des partenaires du Québec et des États-Unis, y compris du gouvernement américain. Nous avons, à cet égard, à soutenir encore davantage et à positionner nos entreprises et nos ressources financières pour bien appuyer cette voie d'avenir que représente, au point de vue technologique, au point de vue de notre efficacité à fonctionner comme économie, l'autoroute informatique, l'autoroute de l'information.

(10 h 20)

Il m'apparaît, finalement, que, dans ce même soutien à ces entreprises, d'une nouvelle économie, on doive maintenir nos programmes en matière de recherche-développement. Nous ne l'avons pas si mal fait. À chaque fois qu'on compare les occasions d'investissement que les entreprises peuvent avoir en Amérique du Nord, nous sommes encore en position de dire et de prouver – pas juste de dire, de prouver, parce qu'il est important, lorsqu'on parle de création d'emplois, de prouver ce qu'on avance – que nous sommes, au Québec, le meilleur environnement fiscal pour les entreprises qui se livrent à de la recherche et du développement. À telle enseigne que les activités de recherche-développement, depuis cinq ans, au Québec, dans les industries de fabrication seulement, ont connu une croissance de 40 %, comparativement à moins de 15 % au Canada.

De la même façon, le total de la recherche industrielle, la recherche-développement dans le secteur industriel, a connu une croissance d'un peu plus de 35 %, depuis cinq ans, au Québec, et de moins de 20 % dans l'ensemble du Canada. On voit donc que nos politiques, ici... On peut prouver, comme on l'a fait, que c'est un bon endroit pour faire de la recherche et du développement. Ça attire les gens qu'on veut attirer, ça fait en sorte qu'il y ait une croissance dans ces entreprises ici, et c'est ce qu'on souhaite, que l'ensemble, je dirais, la batterie de mesures et de projets qu'on a mis à contribution viennent très précisément soutenir nos ambitions dans le sens que nous souhaitons.

Voilà pour la création d'emplois. Il m'apparaît que, dans cette recherche des moyens, où nous devons faire en sorte que les nouvelles entreprises, les nouveaux secteurs industriels, d'une part, et toutes les régions du Québec, d'autre part, bénéficient du soutien gouvernemental et, donc, puissent véritablement connaître une croissance importante, toutes les occasions de coopération doivent être recherchées et que tous les investissements que nous pouvons consentir pour améliorer l'état général de l'économie et nos infrastructures doivent absolument être privilégiés. C'est la voie que nous privilégions: les investissements créateurs d'emplois.

Je suis heureux de voir que les municipalités et le gouvernement fédéral partagent, à l'égard du programme des infrastructures, les vues du gouvernement du Québec. Ça explique l'entente extrêmement rapide, finalement – celle du 7 février – que nous avons pu conclure avec le gouvernement fédéral en maintenant la maîtrise d'oeuvre ici même, au Québec à l'endroit des travaux d'infrastructures municipales. Nous demeurons les maîtres d'oeuvre, nous choisissons les projets, nous les négocions avec les municipalités. On doit constater que 1 500 000 000 $ d'investissements dans les trois prochaines années, ou à peu près, représentent une vingtaine de milliers d'emplois à l'oeil de la plupart de ceux qui se penchent sur ces détails.

On sait qu'une vingtaine de milliers d'emplois sont impliqués, soit le maintien d'environ 10 000 emplois ou la création nette de 10 000 emplois additionnels, dans tout ce travail de rénovation de nos infrastructures, dans le soutien des projets qui font appel à de nouvelles technologies et, finalement, dans les projets purement structurants qui, dans une région ou une autre, peuvent représenter un nouvel actif. Donc, aux titres de l'économie, de la création d'emplois, du soutien aux initiatives régionales en matière de création d'emplois, c'est l'ensemble des gestes que nous avons posés.

Je disais un peu plus tôt que, dans le discours inaugural, je me préoccupais également – et le gouvernement s'en préoccupe constamment – de ce qu'au titre des ressources humaines la famille représente, je dirais, une priorité sur laquelle nous devons nous arrêter. Qu'est-ce que ça signifie, le soutien à la famille? Ça signifie très clairement la mise en place, avec des moyens financiers nouveaux ou le réalignement de moyens financiers existants, de programmes qui visent à encadrer, je dirais, la nouvelle famille, les nouvelles préoccupations des familles québécoises.

Nous n'échappons pas aux grandes tendances qui jettent – le mot n'est pas trop fort – de plus en plus d'enfants dans un contexte de monoparentalité. Qu'il s'agisse du nouvel ordre social, des nouvelles sensibilités, des nouvelles formes d'éthique qui se pratiquent, qu'il s'agisse des effets purs et simples d'une nouvelle économie, les choix que les Québécois et les Québécoises font amènent des changements profonds, des perturbations, dans certains cas, au niveau de la famille, au niveau des effets que peuvent avoir sur nos institutions ces nouvelles visions de société que pratiquent maintenant les Québécois, comme tant d'autres Nord-Américains ou Occidentaux. Nous devons prendre acte de ces nouveaux changements. Nous devons faire en sorte que le gouvernement puisse venir encadrer nouvellement ce que nous observons.

Nous avons décidé, et je l'ai déjà annoncé, que nous pourrions faire davantage et nous entendons faire davantage pour la petite enfance, que nous pourrons et devons faire davantage au titre du soutien aux familles dans le milieu des garderies. Ces nouvelles exigences que peuvent avoir les familles québécoises et la recherche de l'autonomie financière des femmes seules, chefs de famille, avec les exigences que ça pose dans les milieux soit de garde ou d'éducation des enfants, appellent une nouvelle contribution gouvernementale.

Certainement, le dossier le plus d'actualité est celui des garderies. On connaît les difficultés inusitées, je dirais, auxquelles ont à faire face les éducatrices en milieu de garde. On connaît également les niveaux salariaux très modestes qui sont les leurs. Il m'apparaît qu'on doive faire tout notre possible pour traduire ce soutien à la famille québécoise, que nous avons augmenté considérablement depuis cinq ans, qui a triplé au titre des choix que nous avons offerts en matière de fiscalité, d'exonérations, d'exemptions, de déductions de toutes sortes, un soutien financier qui a triplé, pour dépasser facilement les 2 000 000 000 $.

C'est beaucoup d'argent et il faut nous assurer, en même temps, qu'il va régler les problèmes réels que nous observons. Si les éducatrices nous indiquent, avec raison, que leurs salaires sont trop modestes compte tenu des responsabilités liées à ces tâches extrêmement ingrates, mais extrêmement importantes qui sont les leurs, nous devons faire en sorte que ces centaines de millions de dollars qui sont engagés au soutien de la famille québécoise puissent se traduire dans de meilleures conditions de travail. L'objectif ne fait pas de doute pour le gouvernement; c'est le même que nous recherchons que les parents et les éducatrices, et nous en sommes à trouver les moyens qui permettent de refléter un soutien additionnel à la famille en meilleure rémunération pour les éducatrices.

On connaît les termes des discussions qui se sont engagées entre les éducatrices, des représentants de groupes de parents, le gouvernement, l'Office des services de garde à l'enfance, etc. J'ai déjà indiqué, au nom du gouvernement, que nous tentons l'impossible pour améliorer ce soutien, et j'ajoute que – c'était implicite tout ce temps-là – évidemment, dans la mesure où ce sont les éducatrices qui sont en première ligne, on doit trouver une façon de traduire le soutien en meilleures conditions de travail. Nous nous penchons activement sur la résolution des termes de cette discussion-là, à savoir qui a raison, comment devons-nous faire, quelle est la meilleure modalité, qu'est-ce qui respecte l'autonomie des parents, qu'est-ce qui règle le problème des éducatrices? On se penche là-dessus et on a toujours dit que c'est au moment du discours sur le budget que le gouvernement ferait connaître sa solution privilégiée. Alors, encore une fois, je répète cet engagement qui m'apparaît extrêmement important pour l'avenir.

(10 h 30)

Donc, M. le Président, l'emploi, le soutien à la famille, les deux grands volets de l'action gouvernementale depuis trois mois. J'ai l'intention de continuer dans ce sens de soutien à l'économie, de création d'emplois. C'est par là que passe l'avenir du Québec. On dit souvent par une obsession avec l'emploi. On utilisera les termes psychologiques qu'on voudra bien; moi, je dis que c'est une priorité, que ça doit réunir toutes nos ressources, que ça doit retenir presque tout notre temps que nous nous penchions sur les véritables problèmes des Québécois et des Québécoises, qui sont la recherche de l'emploi, la contribution que nos concitoyens et concitoyennes peuvent faire à l'économie du Québec, à la construction de cette société, ici, en Amérique du Nord, à la place du Québec en Amérique du Nord. Et, si nous nous attardons constamment à l'emploi, nous aurons fait notre travail et nous sommes déchargés de nos responsabilités car c'est là la première responsabilité des gouvernements de voir à l'intérêt de leurs concitoyens.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le premier ministre. Je reconnais maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle, député de L'Assomption et chef de l'Opposition officielle. M. le chef de l'Opposition officielle.


M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, d'abord, selon la coutume, je vais proposer que l'examen des crédits du Conseil exécutif proprement dit soit remis à la fin de nos débats.


Documents déposés

D'autre part, je vous demanderais l'autorisation, M. le Président, de déposer, avant que je commence mes commentaires, deux graphiques dont j'aurai besoin pour les démonstrations par la suite. Alors, si vous n'y voyez pas d'objection, j'aimerais déposer ces deux graphiques, et je les ferai distribuer à ceux qui assistent à nos débats.

Le Président (M. Parent): Alors, ils sont déposés, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai été heureux de voir que le premier ministre, qui cherche tellement, à l'heure actuelle, à présenter son gouvernement, ses politiques comme étant nouvelles, néanmoins, de temps à autre, s'échappe et remonte en arrière pour justifier ce qu'il cherche à faire. Tout à l'heure, justement, à travers toutes les bonnes intentions qu'il exprimait à l'égard des quelques derniers mois, il disait: Cette obsession de l'emploi, elle se traduit, depuis 1990-1991, c'est-à-dire l'année qui marque le début de la récession, par 5 000 000 000 $ de mesures prises par le gouvernement pour soutenir l'économie et l'emploi. Bien, je vais commencer par là, moi aussi, parce que je vais essayer de le montrer, ce matin: le problème de crédibilité de ce gouvernement, ancien ou nouveau, cela n'a pas d'importance, est maintenant entier, complet. Tout est là. C'est qu'on ne peut plus, après tout ce qui s'est passé, croire des déclarations gentilles, lénifiantes, l'expression de voeux pieux, l'assurance qu'on est pour la vertu, surtout quand elle est économique. Pas après ce qu'il s'est passé.

Partons des 5 000 000 000 $ du premier ministre. Ce chiffre-là, il est tiré des «Renseignements supplémentaires» sur les crédits qui ont été déposés il y a quelques jours, plus spécifiquement de la page 87. Il s'agit de ce que les crédits appellent d'un doux euphémisme le total annoncé. Depuis 1990-1991, le cumulatif au 31 mars 1994 – c'est il y a quelques jours, ça – de tout ce qui a été engagé sur ces 5 000 000 000 $, c'est 1 400 000 000 $. En quatre ans, on a annoncé 5 000 000 000 $; on a engagé 1 400 000 000 $. Je tire ça des propres chiffres du gouvernement. Ça, c'est engagé.

Combien a été dépensé en quatre ans? Là, nous allons aller à la page 69 du même document: «Mesures gouvernementales de soutien à l'économie. Effets cumulatifs de la conjoncture sur les dépenses». Alors, cumulativement, les mesures gouvernementales de soutien à l'économie, argent dépensé, là, 189 000 000 $. Donc, 5 000 000 000 $ annoncés, 1 000 000 000 $ engagés, 200 000 000 $ de dépensés. Et on nous dit, après ça: Croyez-nous, maintenant, quand on vous dit que, depuis deux ou trois mois, vous allez voir ce que l'on va faire et vous allez voir ce que l'on va engager, vous allez voir ce que nous allons dépenser. Le premier ministre et son gouvernement ne sont plus crédibles. Ils ont fait trop de dégâts.


Discussion générale


Analyse de la situation économique

Ici, j'aimerais justement en arriver à ce qui m'apparaît être une sorte de synthèse, de raccourci de l'action économique de ce gouvernement depuis que la récession est commencée. À cet égard, j'aimerais revenir, moi aussi, en arrière. Il arrive très fréquemment que le premier ministre dise: Ah! mais, au début des années quatre-vingt, quand le PQ était au pouvoir, c'était bien pire. Bien, justement, regardons ce graphique qui s'intitule: «Investissements totaux au Québec. Les deux dernières récessions». Il s'agit essentiellement d'examiner ce qui est arrivé pendant quatre ans, entre 1982 et 1985. C'est la pire récession. C'est la plus profonde des récessions que le Québec ait connue depuis la grande crise des années trente, 1982. On se comprend bien. Et, de 1991 à 1994, une récession très sévère aussi, moins sérieuse au départ que celle de 1982, mais qui dure bougrement plus longtemps.

On sait à quel point le gouvernement, au début des années quatre-vingt, dans le domaine des investissements publics, dans le domaine des investissements privés, dans le domaine de la construction domiciliaire, a pris une série d'initiatives pour sortir le Québec de cette récession très profonde. Tout le monde a reconnu, à cette époque, que le Québec s'était sorti de la récession plus rapidement que toutes les régions canadiennes.

Regardons maintenant ce qui est arrivé depuis quatre ans. Si on regarde ce graphique, M. le Président, on constate qu'en 1982 les investissements au Québec, les investissements totaux, ont baissé de 5 %. Le programme d'accélération des investissements établi par le gouvernement doit faire en sorte que, l'année suivante, en 1983, les investissements augmentent de 6,5 %; l'année suivante, de 13 %; l'année suivante, de 22 %. Dans la récession actuelle, en 1991, les investissements totaux au Québec ont baissé de 9,5 %; l'année suivante, en 1992, ils ont baissé de 4 %; l'année suivante, 1993, ils ont encore baissé de presque 1 %; et ce n'est qu'en 1994, sur la base du relevé des intentions d'investissement des entreprises, que ça va augmenter de 1 %, le plus bas taux d'augmentation des investissements de toutes les régions canadiennes.

Ce gouvernement n'est pas crédible dans ce qu'il dit. Il a une performance, sur le plan de tirer le Québec de cette récession, qui, si vous me passez l'expression un peu familière, n'est pas montrable. Le gouvernement se défend souvent en disant: Ah oui! mais ce serait pire avec les séparatistes. J'utilise le point d'ironie au mot «séparatistes», au cas où on dirait: Vous voyez, il dit «séparatistes», mais pas «souverainistes». On s'entend, c'est le point d'ironie.

(10 h 40)

Regardons le deuxième graphique, M. le Président. Regardons ça, les immobilisations dans le secteur manufacturier. Le secteur manufacturier auquel le premier ministre accorde tant d'importance, Johnson & Johnson, le voyage à New York. Ah! cet investissement de 50 000 000 $ qui ne se ferait pas si le gouvernement changeait. La compagnie a compris; le lendemain, d'ailleurs, elle a corrigé. En 1977-1981 – ça, c'est presque un mandat gouvernemental, 1977-1981; c'est le temps entre deux élections, ça – les investissements au Québec dans le domaine manufacturier vont augmenter plus rapidement qu'en Ontario pendant tout l'ensemble de cette période-là. En 1982-1985, durant la grande récession dont je parlais tout à l'heure, les investissements au Québec vont augmenter de 12 % par année; en Ontario, de 4 %. Jamais l'écart des performances ne sera aussi grand que ça. De 1986 à 1989, même chose. Les libéraux arrivent au pouvoir et maintiennent une avance des investissements au Québec par rapport à l'Ontario.

C'est dans ce deuxième mandat des libéraux que la débandade se produit et cette débandade fait peur, M. le Président. De 1990 à 1994, les investissements dans le secteur manufacturier au Québec ont baissé de 9 % par an. Par an. Vous me direz: En Ontario, ce n'est pas fort. Non, je comprends, mais, en Ontario, ça augmente de 1,5 % par année, 1,3 %. Est-ce qu'on comprend ce que ça veut dire, ça, pour l'avenir, pour l'emploi dont parle le premier ministre? C'est de ces investissements-là que dépendent non seulement l'emploi, mais le genre d'emploi, l'intérêt de l'emploi, la rémunération de l'emploi. Une société ne peut pas se permettre longtemps une performance pareille sur le plan des investissements manufacturiers, des investissements productifs dans une société. Ça n'a pas de sens de maintenir une situation comme celle-là. C'est dangereux.

Il est clair que nous sommes en face, à l'heure actuelle, de la plus faible reprise, de la plus lente reprise de l'économie québécoise qu'on ait connue depuis les années trente. En fait, après 11 trimestres – après 11 trimestres, 11, c'est long, ça – la production nationale québécoise en dollars constants n'a pas retrouvé encore le niveau qui prévalait avant que la récession ne commence. Onze trimestres. Au moment de la récession de 1982, ça a pris trois trimestres, trois, pour qu'on revienne au niveau de production nationale qui existait avant que la récession ne commence. Onze trimestres, 11 fois trois mois. Je dis trois mois parce que les statistiques sont faites sur une base de trois mois. Onze fois trois mois et on n'est toujours pas revenu au niveau qui prévalait avant.

Dans le domaine de l'emploi, le premier ministre dit: Depuis trois mois, effectivement, ça a l'air d'aller un peu mieux. Oui, oui. Oui, c'est vrai que la baisse très prononcée du taux de change du dollar canadien a eu un gros impact sur les exportations québécoises comme canadiennes. C'est le dollar canadien qui a baissé. Il n'y a pas de gestes particuliers qui ont été posés au Québec là-dessus. Mais c'est vrai que ça a eu un impact. Seulement, les taux d'intérêt pour maintenir la valeur du dollar canadien qui plongeait vraiment trop, les taux d'intérêt, comme chacun sait, ont pas mal monté. Qu'est-ce que c'est susceptible d'avoir comme impact d'ici une couple de mois si ça ne rebaisse pas? C'est à voir. On se comprend bien, ça n'a aucun rapport avec les politiques gouvernementales du gouvernement du Québec.

Tant mieux que le dollar canadien ait baissé et que les exportations aient été favorisées! Espérons que ça va durer encore un bout de temps. Mais l'état véritable du marché du travail au Québec, on veut se rendre compte de ce que c'est? Regardons au mois de mars. Au mois de mars, il y a eu une baisse du taux de chômage, c'est vrai. Mais pourquoi est-ce qu'il y a eu une baisse du taux de chômage? Les deux tiers de l'explication viennent de ce que moins de gens se sont présentés sur le marché du travail. Ils se sont découragés. Avec une reprise aussi lente, après autant de temps, il y a encore des gens qui se découragent et qui ne se présentent pas sur le marché du travail. Le mois de mars, il vient de se terminer. Le mois de mars est marqué par la plus importante baisse du taux d'activité jamais enregistrée au Québec, la plus forte baisse du taux d'activité. C'est pour ça que le taux de chômage est tombé de façon assez appréciable.

À l'heure actuelle – et j'ai l'impression que nous sommes conservateurs dans nos estimés; en tout cas, on a fait attention pour essayer de l'être – il y a à peu près 800 000 adultes aptes au travail, au Québec, qui vivent soit de l'aide sociale, soit de l'assurance-chômage, ce qui veut dire que le taux de chômage réel, au Québec, est actuellement un peu supérieur à 20 %. Je sais qu'une maison d'analystes, Price Waterhouse, vient d'évaluer le taux de chômage réel au Québec à 26 %. Je pense qu'ils exagèrent. Je crois qu'ils comptent des gens qui, au cours d'une période donnée, passent de l'assurance-chômage à l'aide sociale et qui sont comptés deux fois. Donc, 26 % me paraît un peu haut, mais 20,6 %, M. le Président, 21 %, comme taux de chômage réel...

Il faut voir certaines des causes évidentes, élémentaires de cette reprise si lente de l'économie du Québec. Il y a une chose à laquelle le premier ministre ne fait pas allusion. Là, il ne remonte pas quatre ans en arrière, je le comprends; il voudrait plutôt faire oublier ça. Ça a été la grande efficacité que le gouvernement a connue pour augmenter les taxes et les impôts. Quand il promettait d'aller chercher 500 000 000 $ de taxes, il allait les chercher, les 500 000 000 $ de taxes. Quand il promettait de dépenser 500 000 000 $ pour la création d'emplois, ça, ce n'était pas évident qu'il le dépenserait, mais, pour aller chercher l'argent, ça, il a été chercher l'argent.

En 1990-1991, il a augmenté les impôts, ce gouvernement, de 883 000 000 $. L'année suivante, cumulativement, ça a monté à 1 941 000 000 $. En 1992-1993, ça a monté à 2 810 000 000 $, pour l'année seulement. C'est le résultat des mesures prises deux ans avant, l'année précédente, cette année-là. Sur une année entière, c'est 2 810 000 000 $ de plus en impôts et en taxes. En 1993-1994, c'est 4 200 000 000 $ de plus en impôts et en taxes pour une année. Ça, c'est 600 $ par homme, femme et enfant, de taxes, au Québec. Ah, ça, ils ont été efficaces! Ne nous étonnons pas que la reprise soit lente.

Mais on permettra d'avoir un certain sourire quand le premier ministre nous dit: Pour moi, l'augmentation de la consommation, c'est très important pour nous sortir de la récession. Bien oui! Mais, pour que la consommation puisse compter, il faudrait quand même que le gouvernement commence à ficher la paix un peu aux gens quant à leurs impôts et à leurs taxes. Parce que, pendant ce temps-là – et, sur ce plan, il y a eu aussi une collaboration fédérale-provinciale remarquable; ça, c'est un domaine où les deux gouvernements s'entendent très bien – le gouvernement fédéral est allé chercher chez les Québécois 2 500 000 000 $ de taxes par année. C'est cumulatif aussi.

Là, on est rendu à 6 700 000 000 $ sur le dos toujours des Québécois. Ça, ce n'est pas loin de 1000 $ par homme, femme et enfant. En plus de ça, comme ça devenait indécent pour le gouvernement de Québec d'aller en chercher davantage, il a pelleté des factures dans le champ des municipalités qui ont été obligées d'augmenter leurs taxes, pour payer ça, de 500 000 000 $. Et, comme dit le premier ministre: Une de mes priorités, c'est l'augmentation de la consommation. Ah bien, bravo! Je reviens à Alphonse Allais, tout à l'heure, qui indiquait tout l'intérêt des paroles verbales. Oui, oui, c'est des paroles verbales. Quand on taxe sur la consommation, quand on taxe les gens à ce point-là, on ne s'étonne pas que la consommation avance lentement. Alors, les investissements, bien, on a vu ce qui leur est arrivé, singulièrement aux investissements productifs. La consommation? On voit bien ce qui lui est arrivé avec des augmentations de taxes et d'impôts pareilles.

Il y a l'exportation. Oui, l'exportation, parce que le taux de change du dollar canadien est bas. Puis j'allais dire: Qu'il reste bas. Quand je vois des gens qui, à l'heure actuelle, cherchant des explications politiques complexes, viennent dire: Si le Parti québécois arrivait au pouvoir, le taux de change pourrait tomber à 0,69 $, bien, ce n'est peut-être pas si mal. Puis, d'autre part, un ange passe. Trois mois après l'élection, une fois les libéraux au pouvoir en 1986, il était à combien, le dollar canadien? Il était à 0,69 $. Il faut faire attention à ces choses. C'est très joli de vouloir mêler la politique à tout, mais ce n'est pas de la politique qu'on parle. C'est de l'état de l'économie du Québec, du niveau du chômage, du nombre de gens mal pris.

(10 h 50)

Dans sa préoccupation de, dit-il, bien gérer les affaires gouvernementales, ce gouvernement a posé un certain nombre de gestes qui non seulement ont saccagé des choses à court terme, mais dont on va payer cher le prix pour plusieurs années à venir. Il y a des choses qui vont prendre du temps à se rattraper. J'aimerais vous en donner quelques exemples, un en particulier; c'est peut-être, en un certain sens, à terme, le plus important de tous. Les effectifs totaux, M. le Président, en formation professionnelle, le premier ministre nous répétait encore à quel point, tout à l'heure, c'était une priorité fondamentale pour lui. Les effectifs totaux en formation professionnelle adultes et jeunes au Québec s'élevaient à 150 000 personnes en 1987-1988. Il y en avait 150 000 en formation professionnelle sous une forme ou sous une autre. Ce nombre a baissé à 107 500 en 1991-1992, à 84 000 en 1992-1993; 150 000, 107 000, 84 000, en pleine récession.

Et on se plaint du fait qu'il y a des dizaines de milliers d'emplois disponibles qui ne peuvent pas être occupés parce que les gens n'ont pas la formation professionnelle suffisante. Et les gens qui suivent les cours de formation professionnelle, des adultes comme des jeunes, passent de 150 000, en 1987-1988, juste avant que la récession ne commence – ça, c'est un an avant que la récession ne commence – à 84 000 pour 1992-1993. C'est le dernier chiffre qu'on a. C'est bien! Ah, ça, bravo! Ceux qui ont coupé ça au Conseil du trésor, vraiment, ils ont rendu un service éminent aux Québécois de réduire quasiment de moitié les effectifs à la formation professionnelle. Je suppose que ceux qui ont fait ça, ils doivent être fiers d'eux.

Dans l'éducation proprement dite, chez les jeunes au secondaire, moi, depuis quelque temps, je m'indignais du fait que le nombre de jeunes en formation professionnelle, sur le demi-million d'élèves qu'il y a au secondaire, était tombé à 15 000; il était, il y a quelques années, à 40 000, 45 000. Je viens de voir les chiffres qui sont sortis pour l'année dernière – je suis un peu dépassé dans les chiffres que j'utilisais – ce n'est plus 15 000, c'est 8000 qu'il reste, 8000 sur 500 000. Ceux qui ont fait ça peuvent être fiers d'eux. Ah, vraiment, indépendamment des paroles et des intentions, ce gouvernement-là doit être jugé sur ses actes, sur ce qu'il a fait ou ce qu'il n'a pas fait, sur l'état dans lequel il laisse l'économie du Québec.

Je vais m'arrêter ici un instant. J'aimerais revenir, cependant – tout de même, il faut alterner les interventions – par la suite pour donner encore quelques exemples de l'état de déliquescence dans lequel ce gouvernement laisse l'économie du Québec. Par la suite, M. le Président, j'indique que je voudrai dire quelques mots sur certaines des politiques sociales suivies par ce gouvernement. Et nous terminerons, de mon côté en tout cas, par un certain nombre de choses qui se passent sur le front constitutionnel, si on peut dire, où, à l'heure actuelle, comment dire, il y a beaucoup de positions, beaucoup se préparent gentiment, où deux gouvernements, aussi bien celui de Québec que celui d'Ottawa, qui ne voulaient pas toucher aux questions constitutionnelles pour tout l'or du monde, se trouvent à l'heure actuelle engagés dans des débats constitutionnels dont ils ne sont pas prêts de sortir. Nous garderons ça pour le dessert. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le premier ministre, en réaction à l'intervention du chef de l'Opposition.

M. Johnson: En réplique, M. le Président, en réponse à certaines des affirmations numériques, une pluie de chiffres, un ouragan de statistiques incomplètes. J'aurais pensé que le chef de l'Opposition ferait preuve d'un peu plus de rigueur lorsqu'il analyse des chiffres. Il se targue d'avoir enseigné à des plus jeunes que lui ou que nous la vérité chiffrée des statistiques et de l'économie. J'espère que la rigueur qu'il manifestait à l'École des hautes études commerciales était un peu plus grande que celle qu'il a démontrée tout à l'heure.

D'abord, une mise au point sur les 5 000 000 000 $, dans l'ordre où le chef de l'Opposition a amené tous ces chiffres et ces considérations. Il est entendu que, si le Programme d'infrastructures vient d'être annoncé, il n'y a pas 1 600 000 000 $ de dépensés depuis huit semaines. Je pense que c'est la moindre des considérations que le chef de l'Opposition aurait dû avoir à l'esprit. Lorsqu'on regarde l'ensemble des engagements qui sont réels, que les gouvernements ont formulés, le plan de relance, quant à lui, du 30 novembre, n'a qu'une centaine, 125 jours de vie, pour un programme de trois ou peut-être quatre ans. Dans la mesure où certaines régions ne réussiraient pas à utiliser pleinement le 320 000 000 $ qui est consenti aux régions, oui, peut-être qu'il pourrait y avoir une queue de programme.

(11 heures)

Alors, si, évidemment, on regarde les programmes qui, depuis 1990, ont été mis en place, qui fonctionnent, qui ont un rythme de croisière, le chef de l'Opposition, en regardant les mêmes pages que moi, soit dans le tableau 21 du livre des crédits, des «Renseignements supplémentaires», verrait que c'est plus de 60 %, 62 % très exactement, des sommes annoncées qui ont été déboursées au moment où on se parle, au 31 mars, 62 % des sommes annoncées de 2 400 000 000 $ de la part du Québec, à part le plan de relance de l'économie de novembre, décembre, évidemment, et du plan des infrastructures qui vient d'être signé. L'encre est à peine sèche sur l'entente que nous venons de négocier et de signer. Je ne peux pas croire que le premier ministre du Canada exigeait qu'on dépense la part fédérale en quelques jours, que les municipalités voulaient que nous dépensions leur part en quelques jours et que le gouvernement du Québec était en mesure, en quelques jours, d'engager plus de 500 000 000 $ dans le développement et la modernisation des infrastructures au Québec. Bon.

Alors, il faut regarder ça sur une longue période et constater que les programmes annoncés depuis 1990-1991, excluant les deux qui viennent à peine d'être annoncés, comportent – c'est la troisième colonne, à la page 87, on additionne ce qu'il y a à la page 86 et le haut de la page 87 – des déboursés de près de 1 400 000 000 $ pour des engagements du gouvernement du Québec d'un peu plus de 2 200 000 000 $. Il y a 62 % de déboursés au 31 mars. Les chiffres sont là. Il faut s'y alimenter, comme s'ils existaient, et il faut quand même faire preuve d'un peu de rigueur.

Le chef de l'Opposition, ensuite, a fait circuler deux tableaux sur, d'une part, les immobilisations du secteur manufacturier et, d'autre part, les investissements totaux au Québec. On remonte, dans un cas, à 1977 et, dans le deuxième cas, on compare les périodes de récession. Encore une fois, je suis toujours surpris de voir comment le chef de l'Opposition manipule les pourcentages. Là, je ne parle pas des chiffres absolus. Un chiffre absolu, c'est un chiffre absolu; 1 800 000 000 $ d'investissements, c'est 1 800 000 000 $. À partir du moment où on commence à comparer les séries, lorsqu'on regarde les chiffres année après année et qu'on s'aventure à faire des pourcentages et à énoncer des proportions d'un investissement par rapport à ce que ça représente de l'année précédente ou de l'année suivante, quelque série historique que ce soit, on pèche par manque de rigueur lorsqu'on ne fait pas la série historique complète.

J'en prends un pour exemple dans le deuxième tableau. C'est là que le manque de rigueur est le plus évident. Il m'apparaît que, lorsqu'on porte des attaques sur la crédibilité de ses interlocuteurs, il faut au moins faire preuve de rigueur. Ça soutient passablement plus l'accusation que ce que le chef de l'Opposition a démontré. J'attire l'attention de tous les membres de la commission sur le tableau «Investissements totaux au Québec». Il y a un trou énorme entre 1985 et 1991. On n'a pas fait état de ce qui se passait entre 1985 et 1991. Mais le chef de l'Opposition persiste à utiliser des pourcentages de variations à partir de 1991, 1992, 1993, 1994. Variations par rapport à quoi? Par rapport à 1977? Par rapport à 1922? Par rapport à 1985? Ou par rapport aux années précédant immédiatement la série historique dont il fait état ici?

La série historique, je présume, croissance annuelle en pourcentage, se fonde sur, à chaque fois, l'année précédente. Or, la période 1985-1990 a été la période durant laquelle le Québec a atteint le sommet historique des investissements totaux au Québec par opposition à la part qu'ils occupent dans l'ensemble du Canada. C'est de loin la plus haute part des investissements totaux au Canada qui ont été réalisés au Québec pendant ces années. En termes arithmétiques, le dénominateur de l'année précédente est à un niveau sans précédent. Les chiffres ne trompent pas. De 1977 à 1985, le Québec a représenté 22 % des investissements totaux canadiens. Depuis 1986, c'est plus de 26,5 %. Et, pendant cette période, depuis moins d'une dizaine d'années, nous avons atteint un sommet historique de 28,8 % des investissements canadiens qui étaient réalisés au Québec.

Ce n'est pas un miracle arithmétique que de conclure qu'à partir de 1991, lorsque nous entrons tous en récession, à partir d'un dénominateur ou d'une base historique la plus haute que nous ayons jamais connue, certains des chiffres qui nous ont été distribués se comportent comme le chef de l'Opposition prétend qu'ils se comportent. Il faut appeler les choses par leur nom. À mon sens, lorsqu'on commence à parler des emplois et des investissements, il faut faire preuve de rigueur. Et distribuer un tableau sur les investissements totaux en laissant un trou de cinq ans, les cinq meilleures années qu'on ait jamais connues, pour en conclure que les dernières années, évidemment, sont négligeables, démontrent la faiblesse de l'économie du Québec et, donc, des politiques gouvernementales en cette matière, c'est un raccourci intellectuel qui est inadmissible lorsqu'on veut faire preuve de rigueur.

De la même façon, la série historique de 1982 à 1985, où on voit, évidemment, des taux de croissance extrêmement importants des investissements, cache deux réalités: celle que, durant cette période, le Québec n'avait même pas sa part des investissements canadiens au Canada et, deuxièmement, que le dénominateur, cette fois-là, partait d'un creux historique, lui aussi, sans précédent. Alors, on peut s'amuser à distribuer des baffes à coups de pourcentages, encore faut-il savoir comment les pourcentages s'établissent. Et, lorsqu'on découvre le stratagème du chef de l'Opposition, moi, je dois confesser une certaine hésitation à prendre à leur face même certaines des démonstrations qu'il a faites.

Sur l'autre tableau, quatre paires de colonnes de chiffres, de colonnes sur les graphiques, qui visent à comparer le Québec et l'Ontario en matière d'immobilisations du secteur manufacturier, croissance annuelle moyenne. Il y a des explications majeures pour ces comparaisons et ces chiffres. On les connaît. J'ignore si le chef de l'Opposition me signale que, lui aussi, il les connaît, mais, s'il les connaît, il aurait dû les mentionner. Pour 1977-1981, c'est cet énorme programme fédéral-provincial de modernisation du secteur des pâtes et papiers qui est reflété dans cette progression. C'est, notamment, des centaines de millions, pour une seule industrie, qui ont été consacrés par les deux niveaux de gouvernement à faire en sorte que l'industrie, les ressources de la forêt pouvaient devenir davantage concurrentielles. Des chiffres énormes qu'on ne peut pas cacher, là. On ne peut pas les mêler dans des colonnes comme celles-là. C'est, en soi, des chiffres absolument énormes.

Deuxième paire de comparaisons, 1982-1985: nous faisons mieux que l'Ontario. Alors, bravo! Mais pourquoi? Il ne s'agit pas de diminuer nos mérites; il s'agit de voir ce qu'il y a derrière les chiffres, les comparaisons. Encore une fois, ce n'est pas des chiffres absolus. Le chef de l'Opposition joue avec des pourcentages. C'est toujours assez intéressant, ça. C'est la fin des immenses investissements manufacturiers dans le secteur de l'automobile en Ontario. Ils sont terminés. Alors, évidemment, les taux de croissance sont relativement moins signifiants ou substantiels par rapport à un dénominateur énorme qu'il y avait dans les années précédentes.

Pour 1986-1989, au Québec, nous faisons bien. Nous faisons bien, oui. Tous ceux qui, dans toutes les régions du Québec, ont pu voir les alumineries s'élever, à coups de 1 200 000 000 $, 1 400 000 000 $ pour chacune d'entre elles, comprendront que, de 1986 à 1989, il y a eu beaucoup d'investissements au Québec. Le secteur des alumineries, évidemment, a été un bénéficiaire de ces investissements additionnels et, a contrario ou en conséquence, 1990-1994, à certains égards, permet de voir qu'il y a eu certains travaux qui ont pris fin.

(11 h 10)

Mais, si on veut continuer la série, comme je l'ai déjà mentionné au discours inaugural, il faut quand même voir que les investissements manufacturiers, pour l'année à venir, sont à la veille de retrouver, toutes proportions gardées, en pourcentage de croissance, je le reconnais, un pourcentage extrêmement intéressant. Je n'en veux pour démonstration que certains des chiffres que le chef de l'Opposition a amenés sont, et c'est le moins qu'on puisse dire, passablement incomplets; ce sont des séries historiques dans lesquelles il y a des interruptions, des séries historiques qui se fient davantage à des pourcentages qu'à des niveaux absolus.

De toute façon, qu'est-ce qui se cache derrière tout ça? On se vante des investissements massifs qu'on aurait connus à l'occasion de la dernière récession, alors que le chef de l'Opposition était aux commandes, comme il l'a souvent si bien dit, et tout ce que je remarque, c'est que nous avions alors traversé une récession qui nous a coûté 250 000 emplois. Alors, on peut avoir tous les rythmes de croissance des investissements manufacturiers, des immobilisations totales qu'on veut, 250 000 emplois avaient été perdus. C'est à peu près la même chose qu'en Ontario, finalement. Alors, on ne nie pas que ça avait été absolument épouvantable pour les travailleurs québécois, mais c'était comme en Ontario. Malgré le fait que les pourcentages d'investissements avaient l'air attrayants, intéressants et formidables pour le soutien de l'économie, c'est 250 000 emplois qui ont été perdus.

La dernière récession nous a fait constater avec, je dirais, les mêmes malheurs que l'économie plus faible emporte que moins de 170 000 travailleurs ont perdu leur emploi; c'est 170 000 de trop. On doit faire en sorte que les gens ne perdent pas leur emploi. On doit faire en sorte que nous intervenions le plus directement et le plus massivement possible pour limiter les dégâts lorsque le commerce international, ouvert comme il l'est, crée des perturbations comme celles-là. Pendant que nous perdions 168 000 emplois, l'Ontario en perdait 320 000, presque le double. Je ne me réjouis pas de savoir que 320 000 Ontariens n'ont plus d'emploi, mais je constate que, quelque part, les gestes que nous avons posés comme société, ce que les régions ont décidé, ce que certains secteurs industriels ont pu décider comme investissements et soutien à leur propre capacité de production, que les gestes précis en matière d'exportation que les entreprises québécoises ont décidé de poser ont limité considérablement plus les dégâts qu'ailleurs au Canada avec le même dollar et le même taux d'intérêt.

La hausse phénoménale des exportations en raison du dollar canadien, ça s'applique, dit le chef de l'Opposition, à toutes les entreprises canadiennes. Effectivement. Nous avons mieux fait que les autres. Tant mieux, tant mieux. Tant mieux si les Québécois n'ont pas peur d'exporter, tant mieux si les Québécois sont habitués à aller se mesurer sur les marchés internationaux, tant mieux si le discours que nous tenons des deux côtés de la Chambre, depuis une dizaine d'années... Et, je le reconnais, le chef de l'Opposition et ses collègues, de même que nous, de notre côté, avons tenu un discours sur les échanges internationaux, sur le GATT et, surtout, sur le libre-échange nord-américain, qui est un discours d'avant-garde.

Nous, les Québécois, avons tenu un discours d'avant-garde qui a convaincu nos entrepreneurs, qui a convaincu nos entreprises, qui a convaincu les jeunes qui regardent l'avenir que l'avenir en est un de frontières ouvertes, que l'avenir en est un de concurrence accrue et qu'en conséquence on doit prendre les moyens d'affronter cette nouvelle concurrence. On doit tenir compte d'un nouvel ordre économique qui se dessine, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas. En Europe, on s'est engagé dans une intégration et une union économiques, monétaires, politiques sans précédent. Qui l'eût cru, il y a 25 ans? Quelques visionnaires, comme Jean Monnet et d'autres, mais certainement pas la plupart des chefs politiques et des leaders politiques européens. Il y a encore quelques batailles d'arrière-garde sur l'intégration économique, monétaire et quelque peu politique de l'Europe.

Alors, il faut garder ce souffle d'avant-garde. Il faut faire en sorte que tous nos gestes afin de continuer à soutenir l'économie du Québec aillent dans le sens de l'ouverture, non pas de se recroqueviller sur soi, non pas de se regarder le nombril, mais d'ouvrir davantage les frontières, de faire en sorte que nous identifiions quels sont les créneaux que nous devons absolument privilégier pour bien réussir dans cet ordre économique nouveau. Moi, je veux bien que le chef de l'Opposition nous transporte, à force de chiffres, dans toutes sortes de scénarios soi-disant d'horreur, mais je regarde l'avenir, je regarde la réalité: une nouvelle économie, de nouveaux secteurs, des nouveaux emplois, et je constate qu'en matière de recherche et développement nous avons – et c'est vraiment la preuve par neuf – des choix gouvernementaux.

Comment soutenons-nous les secteurs d'avenir? Ça, ça m'apparaît important, je dirais, de le préciser. Nous atteignons, pour la première fois, 1 % du produit intérieur brut au titre de la recherche et du développement industriels. Finalement, en 1993, nous avons atteint cette espèce de seuil psychologique qui démontre la force que nous accordons à ces activités, le soutien aux activités de recherche et développement. Recherche-développement totale de l'industrie privée, des universités, des gouvernements. Nous atteignons, en 1990 et 1991, de nouveaux records. Pendant la période que semble dénoncer le chef de l'Opposition, nous avons atteint des records qui nous placent bien au-delà de 1,5 % de notre PIB pour toutes ces activités de recherche, tout confondu, de toutes sources. Et, phénomène plus récent, ça retarde davantage, la recherche dans le milieu industriel: plus de 1 % à ce seul titre. Ça m'apparaît extrêmement important.

Alors, les dénonciations du chef de l'Opposition me semblent sans objet, M. le Président. Des dénonciations à coups de chiffres que je qualifierai de tronqués, bien honnêtement, des séries historiques qui s'interrompent là où, évidemment, ça peut être avantageux pour celui qui tient le discours, de l'autre côté. Mais la réalité, c'est qu'à travers tous ces chiffres d'investissements c'est la création d'emplois qui est importante. Oui, il y a trop de sans-emploi dans notre société. Oui, les chiffres sont dans les centaines de milliers sur 7 000 000 de Québécois, des centaines de milliers. Qu'on souscrive aux statistiques de Price Waterhouse ou à celles du ministère de l'Emploi ou de qui que ce soit, il y en a des centaines de milliers.

C'est à ce problème qu'il faut s'attaquer. On a la responsabilité de montrer à nos concitoyens que nous sommes en reprise. Ils doivent le savoir. Il m'apparaît que ça ajoute quelque chose aux perspectives, à l'incitation au travail, ce degré d'optimisme qu'on doit conserver, de savoir qu'à travers toutes les séries historiques que le chef de l'Opposition nous a montrées il y a quand même, depuis trois mois, 50 000 Québécois de plus au travail, qu'il y a une reprise du comportement des consommateurs qui est avantageuse pour l'économie, qu'il y a encore des gens qui veulent investir au Québec, surtout dans des secteurs nouveaux, à cause de ce que nous avons maintenu comme soutien fiscal à la recherche, aux emplois scientifiques, secteur d'avenir.

Il me semble que nous avons en main, aujourd'hui, ce qu'il nous faut, qu'en partenariat avec le secteur privé et, dans certains cas, avec le gouvernement fédéral il y a des actions concrètes que nous avons posées pour soutenir l'emploi. Il s'agira toujours d'avoir notre part de cette activité. Dans ces ententes, dans ces discussions, dans ces transactions, dans ces transferts, il s'agit toujours de maintenir notre part, c'est évident. C'est ce à quoi nous nous employons. Et, s'il y avait quelque velléité de ne pas accorder au Québec la part qui lui revient, qui correspond aux situations précises que le Québec vit, le gouvernement du Québec sera toujours, avec des alliés – c'est arrivé il n'y a pas si longtemps – alerte à la défense des intérêts des Québécois.

Alors, les démonstrations du chef de l'Opposition sont apparues sans objet; les chiffres étaient incomplets. Il m'apparaît que la réalité statistique, c'est qu'il y a des emplois qui sont créés. Nous faisons mieux dans les nouveaux secteurs, nous faisons mieux dans les exportations, et les politiques que nous avons mises de l'avant visent à soutenir très précisément ces pistes d'amélioration de la condition économique, du niveau de vie des Québécois. J'ai hâte d'entendre le chef de l'Opposition nous proposer son alternative, M. le Président.

(11 h 20)

Le Président (M. Parent): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Parizeau: M. le Président, ce n'est pas mes crédits qu'on discute, ce sont les siens. D'abord, quelques observations statistiques. Je suis un petit peu embêté de voir le premier ministre mal lire le tableau 21 qu'il citait. Je l'assure qu'il ne s'agit pas de déboursés; il s'agit d'engagements. C'est écrit, c'est en toutes lettres. Ce sont des engagements, en haut de la colonne. Alors, qu'il ne confonde pas les engagements ou les déboursés. Les engagements, il y en a, après quatre ans de récession, pour 1 400 000 000 $. Mais, pour les dépenses, là, il faut revenir, comme je le disais, au tableau 14. Là, c'est clairement des dépenses.

Et, d'après les tableaux du gouvernement lui-même, du président du Conseil du trésor – il a dû commencer la préparation de ces tableaux-là avant de changer d'emploi – les mesures gouvernementales de soutien à l'économie, en 1990-1991, pour la première année, il y en a pour 3 000 000 $ sur un budget de 36 000 000 000 $. C'est ça que le gouvernement a fait pour sortir le Québec de la récession: 3 600 000 $. En 1991-1992, ce qu'il a fait l'année précédente et ce qu'il va faire cette année-là: 42 000 000 $, c'est tout. En 1990-1991, en 1991-1992, en 1992-1993, ensemble, 102 000 000 $. Le budget total du Québec est rendu à 40 377 000 000 $. Ah, je sais que la priorité à l'emploi est là! En 1993-1994, on prend les trois années précédentes, on ajoute ce qu'ils ont fait cette année-là, ça fait 169 000 000 $ cumulatifs de mesures gouvernementales de soutien à l'économie sur quatre ans, alors que, pendant ces quatre ans-là, au total, le gouvernement du Québec a dépensé pas loin de 160 000 000 000 $. C'est ce qu'il a réussi à faire comme soutien, à dépenser comme mesures gouvernementales de soutien à l'économie. Est-ce qu'on s'étonnera que je décrive ces chiffres comme étant de la poudre aux yeux?

Je suis désolé que le premier ministre, d'autre part, ait des problèmes avec mes pourcentages. Pourtant, ce n'est pas compliqué, un pourcentage, à calculer. Ce n'est pas le calcul différentiel ou intégral, un pourcentage. C'est facile, on apprend ça à l'école. Il dit: Les pourcentages sont gros comme investissements manufacturiers quand le PQ, en 1977 et 1981, à cause... Je prends ça seulement à titre d'exemple parce que je trouve ça tellement drôle. C'est tellement extraordinaire qu'on n'ait pas compris – un record, de ce côté-là – ce qui s'est passé. Il dit: C'est parce qu'il y avait un gros programme fédéral-provincial d'investissements dans les pâtes et papiers.

Mais je comprends qu'il y en avait un gros! Ce programme-là, il a été inventé au Québec par un ministre qui s'appelait Yves Bérubé; il a été copié en Ontario et accepté par le gouvernement fédéral dans un programme fédéral-provincial. C'est Québec qui a mis au point ce programme-là. Je le sais bien, l'impact que ça a eu sur les investissements manufacturiers. J'en sais quelque chose, on a assez travaillé pour que ça l'ait, cet impact-là. Et puis, maintenant, on dirait: Non, non, non. Il ne faut pas rentrer ça dans les chiffres. Vous voyez, c'est un gros machin fédéral-provincial. Alors, il ne faut pas en prendre le crédit. Comment, on n'en prendrait pas le crédit? On fonctionnait encore à une époque où le gouvernement d'Ottawa avait peur de s'opposer aux volontés du Québec, puis acceptait de participer à certaines choses, ce qui n'est plus le cas, d'ailleurs, maintenant. Le fédéral, il n'a plus peur de Québec du tout. Il fait ce qu'il veut.

Les alumineries, elles ont de la misère. Et, sous le régime libéral, les chiffres d'augmentation de l'industrie manufacturière sont soufflés un peu par les alumineries. Le programme d'alumineries au Québec, M. le Président, qui a commencé ça? C'est le gouvernement du Parti québécois. Et les alumineries qu'on faisait à cette époque-là, on ne perdait pas d'argent dessus. On a réussi à augmenter considérablement les investissements dans l'aluminium sans ces contrats où on perd sa chemise. C'est quand le nouveau gouvernement est arrivé que, là, il a dit: C'est une bonne idée de construire des alumineries au Québec. On va continuer d'en construire, mais avec des contrats tels qu'on est rendu qu'on perd 300 000 000 $ par année sur ces contrats-là. Tout ça, je comprends que c'est derrière les pourcentages. C'est ça que les pourcentages révèlent, effectivement. Je suis désolé que le premier ministre ait des problèmes avec les pourcentages. Vraiment, je ne comprends pas.

Mais laissons ça de côté et revenons à mon propos. Il y a des dégâts qui ont été faits dans l'économie du Québec, qui ne vont pas être faciles à reprendre. Je voudrais en donner un certain nombre d'exemples. D'abord, l'aide financière aux PME. L'aide financière aux PME, c'est très important dans une société comme la nôtre, parce qu'on sait bien que 85 % à peu près de tous les emplois créés le sont par des petites et moyennes entreprises. Certaines années, ça monte à 90 %. Alors, l'état de santé des petites ou des moyennes entreprises, c'est quelque chose de fondamental dans l'économie du Québec.

Le principal instrument qu'on avait développé au fur et à mesure des années... Et, quand je dis «on», c'est les gouvernements qui se sont succédé. Pendant un bon bout de temps, la SDI, c'était l'instrument privilégié d'aide financière aux petites entreprises du Québec. Ça a rendu des services absolument extraordinaires. Et là, le gouvernement que nous avons en face de nous a commencé à changer le sens de la SDI, à dévier le sens de la SDI. Par exemple, en l'espace de sept ans, les sept dernières années, l'aide financière de la SDI aux PME est tombée de 240 000 000 $ à 127 000 000 $: de moitié en sept ans. C'est inqualifiable. Ça n'a pas de bon sens d'avoir fait ça. Il n'y a pas de justification à ce qu'on ait baissé l'aide aux entreprises.

Évidemment, il faut dire une chose, c'est que notre ministre de l'Industrie et du Commerce bien-aimé était, à ce moment-là, directeur général de la SDI et il a trouvé un nouveau bidule pour financer les entreprises. Ça s'appelait les prêts participatifs. À l'époque où tout le monde trouvait ça admirable, le premier ministre actuel a essayé, d'ailleurs, d'en prendre le crédit, des prêts participatifs. Maintenant, il cherche moins à en prendre le crédit parce que ça s'est révélé ne pas être tout à fait l'instrument qui avait été envisagé. L'aide aux petites et moyennes entreprises, par le truchement de la SDI, a baissé de moitié.

Pendant ce temps, le gouvernement utilisait, à la SDI, ce qu'on appelle l'article 7. L'article 7, ça permet de donner de l'aide à toute espèce d'entreprise que le gouvernement choisit. Il choisit une entreprise et il dit: En vertu de l'article 7, j'ordonne à la SDI de l'aider, cette entreprise-là. C'est ce qu'on appelle des mandats spéciaux. Soit dit en passant, il y a eu un certain nombre d'entreprises qui ont été aidées comme ça, au Québec. Pas toujours avec un très grand à-propos. C'est par les mandats spéciaux que Pin rouge, vous savez, le centre de ski, a été aidé, entre autres choses. J'admets qu'il n'y a pas seulement des Pin rouge dans les mandats spéciaux.

Le gouvernement a fait en sorte qu'il y ait de plus en plus de mandats spéciaux, des entreprises choisies auxquelles on donne de l'aide et de l'aide en quantité considérable. Là, ce n'est pas des PME; c'est des entreprises d'assez grande taille qu'on va aider. Beaucoup de ces entreprises que le gouvernement a décidé d'aider ont eu de gros problèmes financiers. Le résultat – là, il faut vraiment attacher sa ceinture – c'est que les pertes sur les projets choisis, sur les mandats spéciaux – à un moment donné, il y en a eu jusqu'à 33, de ces mandats-là – sont montées de 17 000 000 $ en 1986-1987 à 473 000 000 $ en 1993-1994. C'est beau, ça! Ça, c'est beau. On prend l'aide à la PME, on la réduit de moitié, on déplace l'argent vers un certain nombre d'entreprises choisies, de pas mal plus grande taille, et on prend des risques. On fait tellement de mauvais choix qu'on perd 500 000 000 $. Bravo! Ça, c'est très bien.

(11 h 30)

Passons à un autre secteur: l'agriculture. Je vais vous donner un certain nombre d'exemples; après tout, il faut regarder ces choses-là. Ils ont, les gens en face de nous, à l'heure actuelle, plus de huit ans au pouvoir. On ne peut pas dire: Je n'étais pas là ou je n'ai pas touché à ça. Regardez bien ça, dans le cas de l'agriculture. Entre 1980 et 1985, la moyenne annuelle des investissements agricoles, en dollars de 1985, en dollars constants, était de 737 000 000 $; il se faisait pour à peu près 750 000 000 $, vous voyez, par an d'investissements dans l'agriculture. Entre 1986 et 1993, depuis qu'ils sont là, cette moyenne n'est plus que de 409 000 000 $; pas 737 000 000 $, 409 000 000 $, en dollars constants, 45 % de baisse dans les investissements agricoles au Québec. Le revenu net par ferme est passé, en dollars de 1985, de 15 000 $ à peu près, 15 127 $, en 1976, à 20 631 $ en 1986, en dollars constants; ça, c'est une augmentation de 36 %. En 1993, le revenu net par ferme était un peu inférieur à 19 000 $, 18 866 $, une diminution, en dollars constants, de 8,6 % par rapport à 1986. Le revenu par ferme, en dollars constants, a baissé de 9 % depuis qu'ils sont au pouvoir. Bravo! Bravo! Ça peut toujours être le point d'ironie, M. le Président, au cas où il y en aurait qui ne comprendraient pas le sens du «bravo».

Le déclin dans l'emploi agricole. Le nombre d'emplois agricoles était passé de 71 000 en 1977 à 85 000 en 1985: une hausse de 20 %. En 1993, les emplois agricoles sont descendus à 70 000, une perte de 15 000 emplois depuis qu'ils sont au pouvoir. Tout est comme ça, tout est à l'avenant. On se comprend bien: c'est un secteur que ce gouvernement a complètement laissé aller, mais il se targue, cependant, de l'avoir soutenu financièrement. C'est-à-dire qu'au fur et à mesure que les investissements baissent, que le revenu par ferme baisse le gouvernement dit: Ah oui! Mais, attention, les dépenses de l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, là, ça joue, moi, je les augmente beaucoup. Et c'est vrai: au fur et à mesure que l'agriculture tombe, les paiements de stabilisation des revenus agricoles ont beaucoup monté. De la même façon que quand l'emploi tombe pas mal au Québec, bien, l'assurance-chômage monte ou le bien-être social monte. Ce que les cultivateurs, les producteurs agricoles demandent, c'est qu'on leur donne des instruments pour produire. Il leur dit: On ne vous donnera pas les instruments pour produire, mais on va faire du paiement de compensation quand vos revenus seront inférieurs à ce qu'il faudrait qu'ils soient.

On va parler de recherche et de développement. Là, je ne comprends pas le premier ministre. Oui, la recherche et le développement, c'est bien sûr que c'est l'avenir. On le sait, ça; tout le monde le sait. Ça ne sert à rien de, comment dire, se claquer les bretelles en disant: J'ai enfin compris, passé la cinquantaine, que la recherche et le développement, c'est bien important. On le sait depuis longtemps. Lors des crédits de 1993-1994 de son ministère, le 4 mai 1993 pour être précis – c'est presque un an jour pour jour – le ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Gérald Tremblay, déclarait ce qui suit: «En ce qui concerne les objectifs fixés par le gouvernement, je ne suis pas ici pour justifier les objectifs que le gouvernement s'est fixés, d'autant plus que nous ne les avons pas réalisés. Nous n'avons pas 2 % d'investissements en recherche et développement par rapport au PIB, je le reconnais. Donc, on s'entend. On n'a pas besoin de discuter longtemps sur la non-atteinte des objectifs. Nous le reconnaissons.» D'autre part, le Conseil de la science et de la technologie du Québec disait de ce que le gouvernement fait dans ce domaine: «La stratégie gouvernementale de développement technologique n'est rien de plus que l'addition de mesures particulières dispersées entre différents gouvernements, ministères, organismes, ce qui crée un effet de saupoudrage peu productif et rend très difficile l'harmonisation des actions autour d'objectifs communs.» Fin de la citation.

Ça fait longtemps qu'on sait, au Québec, qu'il faut augmenter considérablement notre effort dans ce domaine-là. On se souviendra d'un livre, qui a eu un gros impact autrefois, qui s'appelle «Le virage technologique». Et «Le virage technologique» a eu un impact pas seulement intellectuel, mais, effectivement, marque une époque où les technologies nouvelles rentrent de façon particulièrement rapide et sont aidées par le gouvernement dans un bon nombre d'entreprises. C'est ce qui fait que, partant de, je ne sais pas, à la fin des années soixante-dix, peut-être 0,8 % du PNB consacré à la recherche et au développement, on va monter jusqu'en 1985 où on va être à peu près à 1,47 %, pas loin de 1,5 %.

Et là, on entend le premier ministre qui nous disait tout à l'heure, il y a quelques minutes: Toutes formes de recherche et de développement confondues, à l'heure actuelle, on fait 1,5 %. Bien oui, on est au même point qu'il y a huit ans, à toutes fins pratiques! Pourtant, ce gouvernement, en 1988, s'était engagé, dans un livre blanc sur la recherche et la technologie, à atteindre 2 % en 1992. Mais il n'y est pas. Comme dit le ministre de l'Industrie et du Commerce: Ça ne sert à rien de leur rappeler cet objectif-là, ils ne l'ont pas atteint. Puis, le Conseil de la science et de la technologie dit que c'est du saupoudrage, de toute façon, ce qui se fait. On le sait, pourtant, qu'il faudrait... Écoutez, le moindrement qu'on ralentit dans cette affaire-là, on recule. Alors, je ne vais pas ramener des pourcentages au premier ministre, ça a l'air que ça l'embarrasse. Mais, quand, dans ce domaine-là, on n'avance pas, on recule. C'est dangereux pour l'avenir. C'est dangereux pour les chances de notre industrie.

Je ne sais pas où ils veulent aller sur le plan de la recherche et du développement. Depuis quelque temps, on les entend; le prédécesseur du premier ministre actuel, il n'y a pas si longtemps, nous avait dit que les Nations unies, ou je ne sais plus quel organisme des Nations unies, considéraient le Québec comme une société technologiquement très avancée. Il a été obligé de reculer un peu parce qu'il s'était trompé de colonne. Bon. Ce n'est pas ça. En fait, on constate tous qu'on a un retard, mais on constate aussi que personne n'est capable de nous dire, du côté de ce gouvernement, où on va, ce qu'on va faire, où on doit aller à partir de là, comment on doit organiser la recherche et le développement, comment on doit la financer.

Je vais aller plus loin que ça. On est rendu dans cette situation un peu ridicule – on n'en parle pas souvent, mais c'est toujours là – où les crédits de recherche et développement accordés par ce gouvernement sont taxés comme revenu par le gouvernement fédéral. Faut le faire. Faut le faire. Vous êtes en face d'un gouvernement... C'est un autre des exemples qui démontrent, comme le suggérerait, j'imagine, le premier ministre, que le système fédéral fonctionne tellement bien. Sur quelque chose d'aussi essentiel que la recherche et le développement, le gouvernement du Québec dit: Je donne des crédits de recherche et développement aux entreprises et le fédéral dit: Moi, je taxe ce crédit-là comme revenu de l'entreprise. C'est brillant. C'est brillant.

(11 h 40)

C'est la raison, M. le Président, pour laquelle je suis obligé de porter un jugement très, très dur sur le plan de la gestion économique de ce gouvernement-là. Ne nous faisons pas d'illusions – je vais ramener ça toujours à cette préoccupation de l'emploi – il y a, à l'heure actuelle, après quatre ans de récession, 108 000 emplois permanents de moins dans la société québécoise qu'il n'y en avait quand la récession a commencé. Après quatre ans de récession, 108 000 emplois permanents. Si on tient compte des emplois à temps partiel – les emplois à temps partiel ont augmenté – ça fait quand même 73 000 de moins, quatre ans après le début de la récession.

Et on voudrait que, compte tenu de tout ce qu'on a dit ce matin, on donne une sorte de satisfecit au gouvernement en lui disant: Oh! mais c'est épatant, ce que vous avez, et puis, vous savez, les intentions que vous manifestez depuis deux mois, on vous croit. Ce sont les mêmes. Ils portent la responsabilité de ce qui s'est fait. Je comprends qu'ils puissent, à l'heure actuelle, chercher à gigoter pour se sortir de là, mais je dois dire que leur façon de gigoter passe par un certain nombre de difficultés que je rappellerai brièvement.

Là, on s'amène dans une actualité, comment dire, plus brûlante. Ce n'est pas drôle, l'affaire de MIL Davie. Ce n'est pas drôle du tout. Le premier ministre, il le savait. Il l'a dit, d'ailleurs: Il faut absolument que le gouvernement fédéral se décide vite, vite à l'égard de contrats pour MIL Davie. Tout le monde le sait, il y avait 3000 emplois, il y a moins d'un an, là-bas, et l'usine en perd à une vitesse telle que, d'ici à la fin de 1994, il va en rester 300. On sait bien ce que ça veut dire. Le 13 février, le premier ministre disait: Il faut que le gouvernement fédéral nous donne une réponse. Il n'y a pas de réponse.

Et c'est des réponses très concrètes, là. Ce n'est pas les affaires de plan d'affaires. Il y en a qui disent: Le plan d'affaires est admirable, etc. Bien oui, mais c'est des paroles verbales, ça, comme disait M. Alphonse Allais. Il faut un contrat de traversier pour les Îles-de-la-Madeleine, oui ou non? Il faut qu'on ait une réponse sur ce navire d'approvisionnement qui semble avoir d'excellentes possibilités d'exportation et qu'on appelle le «SMART Ship». Il faut une réponse; autrement, il ne restera plus personne dans ce qui est le plus gros employeur privé de la région de Québec: 3000 emplois directs et probablement 5000 ou 6000 indirects. Ce n'est pas tout de dire: On est obsédés par l'emploi. Y a-t-il moyen d'aller chercher une réponse à Ottawa?

Je ne reviendrai pas à nouveau sur l'affaire du Collège militaire de Saint-Jean. Là, le premier ministre trouvait ça normal. Après ça, il a trouvé ça anormal. Il a montré les dents un peu et l'affaire est disparue dans la brume. On ne sait pas très bien exactement, à l'heure actuelle, si le gouvernement du Québec, pour garder ça ouvert, ne va pas avoir à payer tout. Ça, c'est beaucoup d'emplois. Il y a 1000 emplois directs dans cette affaire-là. Tout est un peu à l'avenant.

Le programme d'infrastructures, c'est le fédéral qui l'a lancé pendant la dernière campagne électorale. Avouez qu'il y a quelque chose d'un peu paradoxal que le premier ministre, quand il était président du Conseil du trésor, propose un programme de développement de la région de Montréal en disant: Il n'y en aura pas, d'infrastructures. On ne financera pas d'infrastructures urbaines ou municipales. Ça ne fait pas partie du plan. Et, maintenant que le fédéral l'a mis dans une situation où il ne peut pas faire autrement que de rentrer dedans, alors, là, il chante les louanges du programme d'infrastructures. Mais il ne voulait pas en mettre dans le programme de la région montréalaise quand il était en charge de ce dossier-là et qu'il était président du Conseil du trésor. Il l'a dit à plusieurs reprises. Il ne voulait pas d'infrastructures. Maintenant, le gouvernement fédéral lui dit: Vous vous placez dans une situation où vous ne pouvez pas dire non. Et il dit: Effectivement, je suis bien mal pris et je vais lui dire oui. Et, maintenant, il voudrait nous présenter ça comme une grande victoire de sa perception sur l'emploi? Allons donc!

Derrière tout ça – et j'arrête là, M. le Président – il y a la possibilité qu'à brève échéance le Québec perde 1 500 000 000 $, 2 000 000 000 $ de transferts fédéraux, ce qui va laisser tout un trou dans le budget du Québec. Est-ce qu'il va falloir aller chercher des impôts à la place de ça? Déjà, parce qu'on a décidé que les contrebandiers avaient raison, puis qu'on a baissé les taxes sur le tabac, il y a un trou de 400 000 000 $, de ce côté-là. Et là, le gouvernement fédéral nous annonce qu'il va baisser possiblement de 1 500 000 000 $ ses transferts au Québec. Oh! ça, ça va aider la mise en place de politiques économiques un peu agressives. Oh! ça, ça va aider. Alors, là, de toute façon, on attend. J'imagine que le premier ministre fédéral nous donnera des renseignements à ce sujet.

Moi, j'en conclus simplement, M. le Président, que la politique économique du Québec est dans un cul-de-sac et que le premier ministre et le gouvernement ne sont pas crédibles, qu'au-delà des paroles ce gouvernement-là va être jugé sur les actes qu'il a posés, sur ce qu'il a fait, sur ce qu'il n'a pas fait. J'attends avec hâte que les Québécois aient la possibilité de le juger. Voilà.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le premier ministre, je vous reconnais en réplique à l'intervention du chef de l'Opposition et je vous rappelle qu'on est à peu près à temps égal entre les deux formations politiques. M. le premier ministre.

M. Johnson: M. le Président, j'ai été déjà renversé du manque de rigueur dans la première présentation du chef de l'Opposition. Et je suis renversé au carré par la justification qu'il a faite de sa démonstration originale, prétendant... Et ça, c'est majeur, là. Ça, c'est majeur parce que le chef de l'Opposition consulte le même tableau que moi, le même tableau que tout le monde, celui qui a été publié partout au Québec, que les analystes financiers ont vu, et il en déduit qu'il n'y a que quelques dizaines de millions de dollars de soutien à l'économie qui ont été dépensés par rapport à ce qui a été annoncé. M. le Président, c'est grossier, ce que je viens d'entendre. Dans le même tableau dont tout le monde s'inspire, il y a une note extrêmement claire qui rappelle que, pour les plus grands programmes dont il est question – et il y en a, au minimum, pour 75 000 000 $; simplement, je prends juste un aspect des 2 200 000 000 $ – c'est financé par le service de la dette et que l'impact budgétaire dont le chef de l'Opposition fait état ne représente, bien évidemment, que l'intérêt sur les emprunts qui ont été consentis, effectués pour faire les travaux.

Je prends juste, là, le budget 1990-1991; il y en a pour 221 000 000 $; 221 000 000 $ a été réalisé. Ce chiffre seul est plus élevé que ce que le chef de l'Opposition prétend qui a été dépensé. Ces travaux ont été réalisés pour 221 000 000 $. Il y a eu des emprunts garantis par le gouvernement pour ce montant-là. Il y a des gens qui ont été embauchés, des matériaux qui ont été achetés, du fil électrique d'installé. Et il y a eu une accélération des investissements publics dans les secteurs de la santé, des services sociaux, de l'enseignement supérieur, de l'éducation, et j'en passe, pour presque 1 000 000 000 $. Et ça a été effectué.

Il y a du vrai monde qui a eu des vraies jobs, qui a travaillé pour vrai à des vraies heures, qui a eu du vrai argent, puis des vrais salaires. Le chef de l'Opposition vient ici nous dire que c'est faux, qu'il y en a juste pour quelques millions la première année, quelques petits 40 000 000 $ la deuxième année. C'est énorme, ce que le chef de l'Opposition vient de dire, en laissant croire que les mesures qui ont été annoncées ne se sont pas déroulées, que les travaux qui se sont déroulés sous les yeux de tous les Québécois, dans toutes les régions ne se sont pas déroulés. C'est absolument énorme!

«Les mesures de soutien – ça apparaît à la page 86 – sont financées par emprunt à long terme. L'impact budgétaire se traduit dans le budget de dépenses sous forme de contribution au remboursement de principal et en paiement d'intérêt.» Est-ce que le chef de l'Opposition est en train de nous dire que, lorsqu'on annoncera des mesures de soutien à l'économie pour 1 000 000 000 $ pour accélérer les investissements dans le secteur public, on va faire des chèques, on va payer cash au fur et à mesure et que ce ne sera pas dans le service de la dette? C'est nouveau, ça? Je n'en reviens pas. Je n'en reviens pas des raccourcis, des démonstrations financières que le chef de l'Opposition fait maintenant. C'est assez renversant. Ce n'est pas le seul raccourci.

(11 h 50)

Le chef de l'Opposition a isolé une des actions de la Société de développement industriel, du gouvernement en prétendant qu'il y a eu des détournements de fonds vers des projets qui privent la petite et moyenne entreprise québécoise du soutien auquel elle était habituée et qui, maintenant, serait ni plus ni moins jeté aux poubelles dans des projets majeurs qui sont dans toutes les régions du Québec, des projets majeurs qui créent des attraits, qui agissent comme des aimants, dans certaines régions du Québec, pour toutes les PME qui s'y trouvent. C'est un peu comme si on blâmait le gouvernement d'appuyer une grande entreprise dans le Bas-Saint-Laurent–Gaspésie dans le domaine de l'exploitation forestière. Une entreprise. Mais l'effet d'entraînement sur les emplois dans la région est absolument énorme; ce sont les petites et moyennes entreprises qui en bénéficient, ce sont les travailleurs forestiers, ce sont les entreprises familiales.

Alors, oui, 50 000 000 $ ou 60 000 000 $ ou même 125 000 000 $ dans une région ou une autre pour soutenir un projet d'investissement d'une entreprise dans le secteur forestier, transformer davantage la ressource... Il y a un tas de gens qui en vivent quotidiennement, de cette entreprise-là. Est-ce qu'on est en train de vouloir souhaiter qu'on fasse éclater encore une fois le soutien gouvernemental, qu'on donne des subventions aux entreprises qui n'avaient, à l'époque, qu'à le demander pour recevoir un chèque qu'elles pouvaient dépenser, avant qu'on transforme la façon d'aider l'entreprise québécoise?

Le chef de l'Opposition fait état des provisions pour pertes dans ces grands projets. La provision pour pertes est la même pour les petits que pour les grands projets; essentiellement, c'est autour de 35 %, 37 %. On m'indique que c'est l'ordre de grandeur qui est respecté, selon l'expérience qu'on a observée. Alors, commencer à dire qu'on jette aux poubelles des centaines de millions de dollars pour les grandes entreprises, bien, il faut reconnaître aussi qu'il y a de la dépense publique, il y a de la dépense dans les crédits lorsqu'une partie de l'investissement ne se réalise pas à la hauteur de profitabilité que le promoteur attendait. Ça existe, des projets qui ne fonctionnent pas. Ça existe, des projets auxquels les entreprises, les actionnaires, le gouvernement mettent fin. Ça existe. Et, nous, on a décidé qu'on reconnaissait ce risque lorsque le projet ne se réalise pas.

L'alternative que privilégie de toute évidence le chef de l'Opposition, c'est de donner une subvention non remboursable, de donner à chaque entreprise qui le demande une portion de son projet sans se demander si c'est rentable, sachant que ça ne reviendra jamais. On a décidé de consacrer des crédits considérables, par effet de levier, à des entreprises, en indiquant que les subventions sont désormais davantage remboursables, à toutes sortes de conditions qu'on connaît. Quelquefois, il y a des projets qui ne fonctionnent pas, quelquefois il y a des projets qui fonctionnent. Mais, finalement, on intervient dans un beaucoup plus grand nombre de projets en faisant en sorte que, lorsque ça fonctionne, il y ait remboursement.

Plutôt que de donner de l'argent à tout le monde – à un moment donné, il n'y a plus de crédits pour en donner – on a décidé d'en prêter. Il en revient, on le reprête et le projet repart, et il y a une proportion de ces gens-là qui remboursent; donc, on peut le reprêter et ainsi de suite. C'est le système que le gouvernement a arrêté afin de, au moins, tripler sa capacité d'intervenir financièrement auprès des entreprises, grandes et petites, au Québec. Il y a de très petites entreprises qui ont des prêts participatifs. Ça permet d'améliorer notre présence. C'est carrément un effet de levier qui est en cause sur la ressource disponible et l'envergure du projet auprès duquel on peut intervenir.

Mais je veux surtout revenir à l'emploi. Fondamentalement, ce qui se passe en Amérique du Nord, on ne peut pas y échapper, première des choses. Ça m'avait absolument frappé de voir, il y a quelques semaines, dans une lecture, qu'en Amérique, et c'était spécifiquement au Canada, on avait atteint le même volume que dans les plus beaux jours, 1987, 1988, de production industrielle manufacturière, avec 400 000 travailleurs de moins. C'est dramatique pour les travailleurs, dramatique pour la création d'emplois, mais les entreprises se sont modernisées. Tous les gouvernements se vantent d'avoir réussi à moderniser les entreprises. Les entreprises ont investi dans les technologies de l'information, dans le contrôle à distance. Enfin, on peut multiplier les exemples d'implantation de nouvelles technologies dans les entreprises, d'amélioration des processus de production, de contrôle des inventaires, enfin, ce que vous voulez, et observer que nos entreprises ont, au Canada, le même volume de production avec 400 000 travailleurs de moins.

C'est ça, le drame dont on doit se soucier. Ce n'est pas de faire en sorte que nos entreprises aient 400 000 personnes de plus pour faire le même volume qu'il y a huit ans. C'est de trouver quels sont les secteurs où nous avons des chances de créer en grand nombre des emplois; d'où l'appui, je le répète, aux secteurs en émergence. Il est absolument important que nous nous associions rapidement, à partir des forces qu'on reconnaît au Québec, dans des domaines d'avenir que les autres nous envient. Encore une fois, hier soir, j'ai eu l'occasion de rencontrer une délégation de gens d'affaires de Chine, qui vont s'associer, qui désirent s'associer, qui envisagent de s'associer à des entreprises québécoises dans les trois grandes dimensions industrielles où nous avons fait notre marque, que ce soit en raison de notre expertise, que ce soit en raison de notre goût du risque, que ce soit en raison de la géographie pure et simple.

Nous avons le secteur de l'énergie où nous sommes prééminents à l'échelle mondiale, la production d'énergie hydroélectrique. L'Asie construira d'ici à 10 ans, à chaque année, l'équivalent du réseau d'Hydro-Québec, à coups de 30 000, 35 000 MW par année de besoin pour les 10 prochaines années. Absolument énorme. En Chine seulement, c'est 80 000 MW, deux fois et demie Hydro-Québec d'ici à l'an 2000. D'ici à l'an 2000, c'est six ans. Ce n'est pas dans 20 ans. Imaginez si nos entreprises attrapaient une petite part de ce volume immense de travail. Même chose en matière de transport, transport de personnes, transport de biens, rail, routier, aérien. Aérien, notamment. Là, on a un avantage considérable. Les réseaux routiers et ferroviaires chinois laissent à désirer, je dirais, pour les entreprises et l'équipement roulant moderne que nous fabriquons ici. Idem pour les télécommunications. Les visites sur lesquelles ont insisté les membres de cette délégation, c'étaient celles du domaine des télécommunications: contrôle électronique, technologies de l'information, secteurs industriels essentiellement concentrés au Québec, notamment à Montréal, en l'occurrence.

La création d'emplois va venir de notre soutien constant à ces nouveaux secteurs industriels. On n'en sortira pas autrement. Il faut faire en sorte que nous puissions épauler, alors que la reprise pointe... Car il y a une reprise, quelles que soient les démonstrations du chef de l'Opposition. Les chiffres sont là. Il y a de plus en plus de gens qui sont au travail, tous les mois. Il pourra bien dénoncer la situation, je ne sais pas ce qu'on dénonce. Il ne peut pas dénoncer la création d'emplois, je ne peux pas croire.

(12 heures)

Au fur et à mesure que, ça, ça s'améliore, on observe que certaines des politiques que nous poursuivons font en sorte que le Québec a, depuis quelques années, une meilleure performance dans la part de son économie qu'il consacre à la recherche et au développement que la moyenne canadienne. Ce n'était pas vrai avant 1986, ce n'était pas vrai, jamais. Alors, quand le chef de l'Opposition commence à nous dire qu'on vient de reculer de huit ans, là, vraiment, je ne vois pas, je ne vois pas du tout où il prend sa série de chiffres. Ça m'apparaît pourtant clair, c'est jusqu'à la fin de 1991 que tout le monde a des chiffres, au moment où on se parle, et nous sommes, effectivement, rendus à 1,68 % du PIB en recherche et développement. On n'a pas connu ça, jamais, jamais. C'était 1,55 % l'an dernier, 1,43 % l'année précédente. Ce niveau-là, c'est celui de 1985 et, avant 1985, c'était toujours plus bas: 1,2 %, 1,1 %, 1,1 %, 1,0 %, 0,9 %, 0,9 %. Alors, c'est ce qu'on a devant nous, c'est ce qui m'apparaît des vrais chiffres, des vrais ratios de recherche et développement, compte tenu du produit intérieur brut.

Et on poursuit, et on va voir exactement ce que ça signifie pour 1992 et 1993 lorsque tous les chiffres seront rentrés. On sait qu'en général la moitié ou à peu près de ces activités peuvent être attribuées au secteur privé; c'est à peu près moitié-moitié, privé, public, universités, etc. Alors, si le secteur privé a, finalement, dépassé le 1 %, en 1992-1993, il semble possible, on peut espérer qu'on pourra conclure, lorsque les données seront disponibles, qu'on aura atteint le 2 %. C'est possible. Je n'en sais rien, je l'apprendrai en même temps que tout le monde. Mais comment blâmer le Québec d'augmenter, chaque année, la part du PIB qu'il consacre à la recherche et au développement? Donc, ça monte constamment là, ça monte constamment.

M. le Président, il y a des gestes qui ont été posés, il y a des politiques qui sont suivies, des politiques qui amènent même certaines entreprises québécoises qui font l'acquisition d'entreprises américaines à les fermer au États-Unis et à les rapatrier au Québec, surtout celles qui ont un très haut contenu de recherche et développement en technologie. Il y en a eu une, il y a encore trois mois, là. C'est malheureux pour les gens du Massachusetts à qui c'est arrivé, mais c'est heureux pour nous, c'est heureux pour nous. Ça permet d'aller chercher des investissements qui, autrement, ne pourraient pas être disponibles. Alors, il m'apparaît qu'on doive continuer dans cette série-là.

Le soutien fiscal à la recherche, le soutien aux emplois scientifiques, on en ajoute. Chaque fois qu'on a une marge de manoeuvre, c'est là qu'on en ajoute. Je ne me souviens pas qu'on ait coupé à ce titre-là de quelque façon que ce soit. Je ne m'en souviens pas. Au contraire, on cherche toujours à améliorer cette situation. Le chef de l'Opposition est tout aussi au courant que moi des études comparatives qu'on fait faire, au gouvernement du Québec, depuis fort longtemps dans ces matières-là. Alors, il m'apparaît que c'est un investissement intéressant pour l'avenir. On doit bien contrôler que c'est bien de la recherche et du développement, là, qui se déroulent. On ne peut pas en inventer, on ne peut pas laisser les gens inventer des projets pour aller se servir à pleines mains dans les fonds publics, c'est bien évident. Non, s'il faut resserrer, on resserre. Il y a eu des échappatoires, on le sait, pendant quelques années, à tous les niveaux de gouvernement d'ailleurs, mais ça, ça a été bloqué, ça a été bouché et corrigé. Mais il me semble qu'on est sur la bonne piste lorsqu'on se soucie de faire en sorte que nos entreprises soient prêtes pour l'économie de demain et que nous investissons aujourd'hui au soutien à la recherche et au développement.

Alors, M. le Président, je ne sais pas trop à quoi le chef de l'Opposition faisait allusion dans les chiffres qu'il nous a décrits, ceux qu'ils nous a proposés, mais il me semble qu'ils ne reposaient pas sur les séries historiques qui sont connues. Il me semble qu'il pourrait un peu corriger le tir et il me semble surtout – là, j'y reviens, c'était le début de mon intervention – qu'il ne faut pas mêler crédits directs, dépenses, service de la dette et emprunts. Le projet se déroule, dans les deux cas. Nous avons choisi, comme ça a toujours été fait pour presque 1 000 000 000 $ de ces projets, de les financer par le service de la dette. Ils se sont déroulés, les écoles ont été construites, les collèges ont été agrandis, les hôpitaux ont été rafraîchis, modernisés; il y a eu des dizaines de milliers de Québécois qui ont travaillé là-dessus, et on les a payés. Ça s'est fait, quoi qu'en dise le chef de l'Opposition.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, d'abord, quelques observations sur ce que vient de dire le premier ministre, assez rapidement, puis ensuite, je change de sujet. C'est vraiment paradoxal de voir le premier ministre dire: Vous n'avez pas l'air de comprendre – s'adressant à moi – comment ça marche, le système des investissements financés par service de dette. Aïe! ça fait trois ans qu'à l'Assemblée nationale moi et je ne sais plus combien de députés de l'Opposition avons supplié ce gouvernement: Vous ne pourriez pas augmenter les investissements publics en vous servant de ça?

Et, justement, à un moment donné, la pression devenait tellement forte que le gouvernement, dans sa grande sagesse, a décidé d'augmenter ça. Et, une année, en 1991-1992, dans tous les investissements de ce genre-là – il y en avait pour à peu près 1 600 000 000 $ – ils ont dit: On va donner un grand coup d'accélération, on va monter ça à 1 900 000 000 $, 1 888 000 000 $ exactement. Alors, bien sûr, tout le monde a applaudi en disant: Comme c'est imaginatif! Ils se rendent enfin à l'argumentation de l'Opposition. Ils vont faire 300 000 000 $ de plus qu'ils vont financer comme ça. Les chiffres sont sortis à la fin de 1991. Ils sont sortis pour l'année 1991-1992, un an plus tard. Puis, qu'est-ce qu'ils avaient réalisé? Bien, 1 615 000 000 $, puis de l'accélération, il n'y en avait pas eu. Alors, il ne faut pas s'étonner que ça ne se traduise pas dans les chiffres qui sortent aujourd'hui, maintenant. Les chiffres sont ce que j'ai donné. Qu'est-ce que vous voulez? ils sont calculés par les gens du Conseil du trésor. Ils ne peuvent pas les torturer; ils sont ce qu'ils sont.

La SDI. Je voudrais juste rappeler, quant à la façon dont ça a été géré, le rapport du Vérificateur général. Je n'irai pas plus loin. Tout le monde ici sait ce qu'il y avait dans ce rapport du Vérificateur général. J'aurais voulu, pour la recherche et le développement... Je veux bien que le premier ministre... Il s'intéresse à l'avenir. On s'intéresse tous à l'avenir. L'autoroute informatique, électronique, ce n'est pas tout de dire: Ça m'intéresse. Il y a actuellement un projet Vidéotron, il y a un projet Bell, puis, là, le gouvernement fédéral canadien vient d'annoncer, depuis deux jours, une intervention dans ce domaine-là dont je dois dire que je ne sais pas très bien comment elle se combine avec les deux autres. En tout cas, le projet Vidéotron et le projet Bell ne me semblent pas nécessairement compatibles. C'est de ça qu'on discute, qu'il faut discuter. Pas dire: Ah, je trouve ça merveilleux. Bien oui, on trouve tous ça merveilleux. Mais encore! Mais encore!

Le Fonds de développement technologique qui, au fond, devait être, à l'origine – on se souvient – la bougie d'allumage de toute espèce d'interrogations à cet égard, d'études, de tout ce qu'on voudra... Il est tellement typique, il a été créé il y a cinq ans. On devait mettre 300 000 000 $ là-dedans, puis, après ça, on a annoncé qu'on en mettrait 350 000 000 $. Cinq ans après avoir été créé, 33 %, le tiers seulement des fonds a été dépensé. Et on dit: On s'intéresse. La science et la technologie, c'est formidable, c'est l'avenir, etc. Poudre aux yeux. Poudre aux yeux.


Dossiers à portée sociale

Là, je voudrais, M. le Président, dire quelques mots de deux dossiers à portée sociale, si l'on veut, qui me paraissent avoir une importance particulière et où, manifestement, les orientations gouvernementales ne sont pas très claires. Et, si on pouvait donner au premier ministre l'occasion de clarifier certaines choses, ça pourrait être utile. Premièrement, les personnes âgées, la protection financière accordée aux personnes âgées. Ça fait déjà quelques années qu'il règne une remarquable collaboration fédérale-provinciale pour réduire les revenus ou les avantages fiscaux des personnes âgées, je veux dire les revenus disponibles, le revenu net. Là-dessus, ils s'entendent très bien.

(12 h 10)

J'en retrace rapidement les principales étapes. Dans le budget de 1989-1990, le gouvernement fédéral, on s'en souvient, va récupérer l'essentiel des pensions de vieillesse à partir de revenus de 50 000 $; il y va par étapes, mais, à un moment donné, il récupère en totalité la pension de vieillesse. Dans le budget de 1994-1995, là, on décide, toujours au gouvernement fédéral, de récupérer le crédit d'impôt en raison d'âge pour tous ceux dont les revenus sont supérieurs à 25 000 $; le crédit pour raison d'âge va être enlevé graduellement au-delà de 25 000 $.

À Québec, on se souviendra qu'on a aboli la gratuité des médicaments avec un ticket modérateur de 2 $ par prescription, jusqu'à concurrence de 100 $ par année. Ça, ça a été introduit en 1992. Dans le budget de 1993-1994, on a introduit deux mesures. La première visait à établir une taxe de 1 % sur l'excédent de 5000 $ sur tous les revenus qui ne sont pas des revenus de salaire pour financer les services de santé. D'autre part, on a réduit considérablement l'accès au remboursement d'impôt foncier qui était disponible pour les personnes âgées, et singulièrement les personnes âgées qui ont les revenus les plus faibles. Il y a bien des gens qui n'ont pas très bien compris exactement pourquoi, d'ailleurs, ça se faisait comme ça.

Et là, le Protecteur du citoyen, il y a quelques jours, proteste parce que, en vertu d'une nouvelle attitude, on amènera les assistés sociaux, qui approcheraient de l'âge de la retraite et qui ont accumulé des droits de pension à la Régie des rentes, à recevoir le montant de la Régie des rentes, mais par anticipation, c'est-à-dire avec la réduction actuarielle. Ce qui veut dire que ça ferait l'affaire du gouvernement: il sauverait de l'argent, mais ceux qui prendront leur Régie des rentes de façon anticipée paieront ça eux-mêmes tout le reste de leurs jours. Là, c'était tellement gros que le Protecteur du citoyen a dit: Écoutez, arrêtez ça!

Plus que ça, récemment, à l'Assemblée nationale, nous avons assisté à une scène extrêmement intéressante où, ce jour-là, ça «effervesce» pas mal autour de ce qui semble être une déclaration de M. Axworthy, reprise possiblement par M. Chrétien, à l'effet que le gouvernement fédéral réviserait à la baisse les pensions de vieillesse, le système de base des pensions de vieillesse. Quand je dis que ça «effervesce» pas mal, il y a des lignes ouvertes à Montréal, il y a des émissions à la radio, on sent qu'il y a un énervement, dans la population des personnes âgées, qui est considérable.

Et je demande au premier ministre du Québec, à l'Assemblée nationale, à la période de questions: Est-ce que vous accepteriez de demander au premier ministre du Canada de ne pas toucher aux pensions de vieillesse? Il va refuser de prendre cet engagement-là. Il va faire des «8» sur la glace. Il ne sait pas encore que, une heure après, le premier ministre du Canada, qui, lui, a senti le coup passer, va immédiatement, à la Chambre des communes, dire: Non, non, non, je ne toucherai pas aux pensions de vieillesse; je n'y toucherai pas. Mais, moi, M. le Président, ça m'a laissé une drôle d'impression: Pourquoi le premier ministre du Québec, qui ne connaissait pas encore la réaction du premier ministre du Canada, refusait de lui demander de ne pas toucher aux pensions de vieillesse?

Alors, la première des deux questions que je vais lui poser aujourd'hui, c'est: Est-ce qu'il ne trouve pas que ça suffit, là, que ces réductions applicables aux personnes âgées, dans leurs pensions, dans leurs avantages fiscaux, dans ce qui est mis à leur disposition, la Régie des rentes, tout ça devrait s'arrêter? Que le gouvernement prenne solennellement l'engagement ici de cesser de réduire le revenu des personnes âgées. J'irais même plus loin que ça, je pense qu'il devrait prendre l'engagement, soit dit en passant, de faire sauter ce règlement assez inique qui fait qu'on exige d'assistés sociaux assez âgés qu'ils prennent leur Régie des rentes par anticipation avec la pleine réduction. Ça, il devrait annuler ça; c'est inhumain, ça n'a pas de bon sens. Alors, ça, c'est la première question.

Deuxième chose, M. le Président, la désassurance et la tarification des services de santé. Là, je comprends que, les élections s'en venant, le gouvernement brûle tout ce qu'il a adoré, dit le contraire: Il n'y a plus de problèmes de financement dans les services de santé. «Tout va très bien, Mme la Marquise.» Ça, on a compris que les élections s'en venaient. Mais, à l'époque pas si lointaine où le gouvernement s'affolait, était pris de panique avec ces choses-là, il avait décidé de supprimer, pour ceux qui vont chercher les médicaments en clinique externe, les médicaments qui étaient donnés aux cas psychiatriques dits désinstitutionnalisés – ils avaient accès, par les services externes, à ces médicaments dans les hôpitaux – d'enlever aussi ces médicaments à ceux qui, souffrant de fibrose kystique, allaient à l'externe chercher leurs médicaments – dans certains cas, c'est des milliers de dollars par année, ça, par individu – de faire en sorte que ceux qui sont atteints de cancer aient à payer un ticket modérateur – je me demande un peu qu'est-ce qu'on peut bien modérer chez ceux qui ont besoin de chimiothérapie – de 20 $ par dose.

Je pensais, comme bien des gens, que, devant l'horreur que ça avait provoquée dans un certain nombre de milieux, parce qu'il y a des limites à être sans coeur, ça avait été retiré, cette directive. Or, nous apprenions, il y a quelques jours, que son application est simplement suspendue et qu'un comité est en train d'examiner l'opportunité de faire ça ou pas. C'est tellement... Je pense qu'il faut demander au premier ministre aujourd'hui de prendre l'engagement de simplement supprimer cette directive. C'est absurde. On n'en est quand même pas rendus là dans notre société, à imposer des frais pour se faire soigner à ceux qui souffrent de la fibrose kystique, à faire en sorte qu'ils financent eux-mêmes leurs médicaments. Pas dans une société comme la nôtre. Enfin, tout de même! Ce n'est pas vrai qu'on va maintenant demander aux gens qui doivent passer par la chimiothérapie de payer tant par dose. Écoutez, à un moment donné, ça passe les bornes, cette affaire-là. Est-ce qu'on peut demander seulement au premier ministre de retirer purement et simplement la directive, sans autre commentaire?

Voilà les deux questions sur le plan social que je voulais soulever auprès du premier ministre. Je pense qu'il doit, et aux personnes âgées et à certains de ceux qui, dans notre société, sont en butte à ces maladies très graves, de leur donner une réassurance simplement correcte, humaine, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le premier ministre, toujours en réponse en ce qui a trait à l'étude des crédits de votre ministère.

M. Johnson: M. le Président, je connaissais les dons théâtraux du chef de l'Opposition, mais je ne pensais pas qu'ici aussi on pouvait assister à un spectacle comme celui-là. J'ai entendu, comme tout le monde, le chef de l'Opposition, pris en défaut sur les modes de financement par service de dette, par opposition à crédits directs, se réclamer maintenant de la paternité du geste que nous avons posé. Une fois que je lui ai rappelé que c'était par service de dette et non pas crédits directs qu'on faisait ces choses-là, sa réplique à ça, évidemment, ça a été de dire: Bien oui, ça fait longtemps que je vous dis de faire ça. C'est ça que j'ai entendu. C'est ça que tout le monde... Oui. C'est ça. Après nous avoir reproché de ne pas le faire, après avoir dit: Vous n'avez rien fait, là, on lui dit: Bien oui, on l'a fait, voyons donc! c'est marqué ici, le chef de l'Opposition dit: Bien oui, c'est vrai, excusez-moi, je ne l'ai pas vu. Il dit: Je réclame la paternité de ce que le gouvernement a fait.

Écoutez, là, de toute évidence, ces échanges sur les pourcentages, les statistiques, des choses assez claires, sur la façon dont on finance les projets de relance économique ne risquent pas de mener bien, bien loin si le chef de l'Opposition persiste dans son choix, je dirais, assez tronqué des chiffres, des engagements, des façons de financer qu'on a mises sur pied, puis qui sont parfaitement divulguées dans le discours sur le budget, dans les crédits. Il n'y a rien de plus clair. Et je suis toujours étonné de voir que le chef de l'Opposition, ce n'est pas familier à... Non, je veux dire qu'il est tellement familier qu'il est capable de jouer avec ça pour donner l'impression de ce qui n'est pas. Et, lorsqu'on le prend en défaut, il réclame la paternité des gestes du gouvernement, prétendant que c'est lui qui les souhaitait et qu'enfin on a fait ce que lui disait qu'on ne faisait pas. Bon. Je ne reviendrai plus là-dessus. Je n'y reviendrai plus.

(12 h 20)

Sur les préoccupations sociales du chef de l'Opposition, je dirais, d'abord, en ce qui a trait à la dernière question qu'il a soulevée sur les directives qui sont venues du ministère de la Santé sur les médicaments qui pouvaient être disponibles plus ou moins gratuitement ou plus ou moins disponibles à certaines personnes qui souffraient de ce que les technocrates appellent les «maladies sur pied»... Je ne sais trop quelle espèce d'appellation étrange, sans objet quelquefois, les machines administratives nous inventent. Tout d'abord, moi, je veux dire que, oui, je confirme que ça n'a pas été fait, que ces frais-là n'ont pas été exigés de qui que ce soit et que c'est l'ensemble de toute cette directive, de tous ces frais, qui a été confié à un comité. Alors, on va voir ce qu'ils en disent, comment ils prétendent trouver un équilibre là-dedans.

Mais, moi, j'indique tout de suite que je n'ai aucunement l'intention d'imposer à des gens qui sont dans une situation tragique, de maladies aussi sérieuses que le cancer et ce qui s'en rapproche... Je n'ai aucune intention de faire en sorte que, par-dessus leurs soucis de santé personnels, avec ce que ça signifie pour leur famille, pour leurs proches, en plus, on commence à ajouter des soucis d'ordre financier à des gens qui font appel à des services auxquels ils ont toujours fait appel sans difficulté. Ça, c'est une balise qui est passablement claire, à mon sens, pour les travaux du comité.

J'avais été aussi surpris que l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale de voir ce que cette directive pouvait comporter dans son application concrète; d'où la suspension, le moratoire ou son report à un comité chargé d'aller voir exactement comment cette mise à jour, en raison des pathologies existantes, en raison des échelles de coûts, du comportement des coûts... Il y avait, de toute évidence, là, un besoin de rafraîchir ces directives-là. Ça, c'est évident. Mais il y a des choses qui ne se font pas, et il y a des services et des soins qui m'apparaissent faire partie des soins auxquels tout le monde a droit, là, sans aucune espèce d'obstacle. Ça, je veux que ça soit dit et que ça soit clair pour tout le monde.

Deuxièmement, sur les personnes âgées, moi, j'ai été assez surpris d'entendre le chef de l'Opposition, sur les médicaments, faire une longue liste où il nous parle des frais, avec un plafond qu'on connaît, qui sont imposés aux personnes âgées lorsqu'elles se procurent des médicaments qui, autrefois, étaient totalement gratuits. Le chef de l'Opposition était dans les loges, à l'avant-garde de la dénonciation de la gratuité intégrale des médicaments pour les personnes âgées, il n'y a pas si longtemps. Il me fera plaisir de vous faire parvenir, de même qu'à tous mes collègues, ici, l'extrait des citations requises, les articles qui ont été écrits à l'époque, les témoignages que le chef de l'Opposition a rendus sur cette question. Il était vraiment une des premières personnes élues au Québec que j'ai entendu dire que ça n'avait aucun sens de donner des médicaments gratuits aux personnes âgées. Et, aujourd'hui, ça fait partie des listes qu'il dénonce, des choses qui ont été faites, comme partout ailleurs, on va le reconnaître.

Tout le problème, dans le fond, que le chef de l'Opposition évoque, c'est celui de l'équité à un moment où il y a, de toute évidence, une diminution globale de la richesse, où les revenus disponibles de tout le monde sont en train de chuter, où on exige tous des services de plus en plus dispendieux et où, en matière de santé, on le rappelle, avec l'évolution démographique, je dirais, et les attentes qui sont créées par la technologie à l'effet que tout peut être guéri, les coûts ne sont presque plus pertinents. Lorsqu'on examine ça, on doit faire en sorte, pour protéger ces services, de requérir la contribution de tout le monde de façon équitable. C'est le mot «équitable» qui est le mot clé, là. Est-ce que les gens qui ont vraiment des moyens substantiels pour rencontrer ces dépenses-là devraient ou ne devraient pas être mis à contribution? C'est essentiellement autour de ça que ça tourne.

Lorsqu'on introduit le facteur personnes âgées, c'est entendu qu'on joue sur des cordes sensibles. On joue sur une corde sensible avec raison dans la mesure où, pendant très longtemps, ceux qui, aujourd'hui, sont à la retraite ont casqué, là, ils ont vraiment payé, tout ce temps-là, pour un tas de services. Ils ont payé des impôts toute leur vie et, avec raison, ils s'attendent, maintenant que leur période de plus grande contribution qu'ils ont pu faire à la société commence à diminuer, toutes proportions gardées, à un juste retour. Ils s'attendent à un retour.

Et, même à l'intérieur de ces aînés, il m'apparaît... Et c'est la question que le chef de l'Opposition posait à l'égard des médicaments: Est-ce qu'on doit prétendre que le seul facteur d'âge exclut toute contribution éventuelle, de quelque proportion que ce soit, à l'effort collectif qui est demandé, compte tenu des perspectives qu'on est en train de réserver pour les jeunes? C'est essentiellement en ces termes que ça se pose, cette question-là: une équité entre générations, une équité à l'intérieur de chaque génération.

Alors, il m'apparaît qu'on doive quand même protéger le pouvoir d'achat des personnes âgées, le niveau de vie qu'elles anticipent, compte tenu de l'évolution également du pouvoir d'achat et du niveau de vie de tous ceux qui nous entourent, de l'ensemble de la population. C'est une question d'équité, tout simplement, et je pense qu'il faut toujours se pencher sur cette question en termes d'équité. Les problèmes ne se posent jamais, on le sait, en termes purement absolus. C'est une question de proportion, une question du choix de l'effort, une question du niveau de l'effort qu'on demande à tous nos concitoyens lorsqu'il y a une mauvaise passe.

Mais le chef de l'Opposition a relevé un cas précis, là, celui, apparemment, de l'exigence qu'on ferait à des personnes âgées ou presque, enfin, à l'âge de la retraite, qui sont sur la sécurité du revenu, d'aller tout de suite chercher, évidemment, avec réduction actuarielle, la prestation du Régime de rentes qui est supplémentée pour un temps jusqu'à l'âge normal de la retraite par la sécurité du revenu pour, ensuite, évidemment, tomber sur un régime de rentes à 65 ans qui reflète encore la réduction actuarielle qui a été imposée.

Il y a quelque chose d'étrangement novateur là-dedans. Moi, j'essaie de voir le fondement de cette approche-là. Il m'apparaît que ça s'apparente au fameux problème – j'hésite presque à le soulever – que la loi 65 avait tenté de régler, celui de certains enseignants ex-religieux qui, éventuellement, ont eu droit à une prestation de retraite assimilable à celle du Régime de retraite des enseignants et qui, enfin, jusqu'à tout récemment, réclamaient absolument un enrichissement de ces droits qu'on leur avait consentis, sous prétexte qu'ils avaient éventuellement découvert que leurs prestations du Régime de rentes étaient coordonnées, c'est-à-dire qu'elles tenaient compte du régime de retraite enrichi que, finalement, on leur avait octroyé à grands frais. Et ça, tous les gouvernements, depuis 1964, ont été pris avec ce problème-là. Et je suis convaincu que le chef de l'Opposition a été saisi, à un moment ou à un autre, des demandes de ces groupes.

Ce qui se produit, dans ces cas-là, on le rappelle, c'est que, pendant une certaine période de temps, par exemple, entre 60 et 65 ans, la prestation totale, le revenu total, même si on prend la prestation de retraite avant 65 ans – donc, elle est réduite – et qu'il y a un supplément au titre de la sécurité du revenu, au total, ça fait une prestation et un revenu supérieur à ce qu'il était auparavant, à ce qu'il est aujourd'hui. Autrement dit, les prestataires prennent de l'avance au point de vue de leurs revenus, au point de vue, simplement, des encaissements. Ils prennent de l'avance jusqu'à l'âge de 65 ans, avance compensée par, évidemment, un moins-prenant à partir de 65 ans. Bon. Ça me fait penser exactement au problème qu'on nous soulevait chez certains enseignants en vertu de la loi... Je pense que c'est 65, de mémoire, le numéro de la loi.

Donc, on va regarder ça de près. Moi, j'en ai été saisi, aussi, tout à fait récemment. Récemment, ça se mesure même en minutes. C'est le chef de l'Opposition qui l'a soulevé et qui a éveillé mon intérêt là-dessus. On va voir précisément ce que ça signifie pour les personnes âgées, on va voir vraiment ce que ça veut dire pour les prestataires d'un âge avancé de, je dirais, se retrouver dans une situation où, si leur revenu, jusqu'à l'âge de 65 ans, est supérieur à ce qu'il serait autrement sur la sécurité du revenu, il est, par ailleurs, compensé par une rente de retraite viagère un peu plus basse qu'autrement, sachant qu'au point de vue actuariel tout ça s'équilibre. À partir du moment où la personne a atteint 60 ans et bénéficierait de tous ces programmes et de l'intégration de ces programmes, tout s'équilibre. La question est de savoir si on doit donner suite complète à cette option. Alors, là aussi, je m'engage à le regarder de très près et à bien m'assurer que les personnes âgées ne sont pas, en conséquence, je dirais, désavantagées de quelque façon que ce soit par le recours à cette formule mixte.

(12 h 30)

Je pense qu'on conviendra que ça peut être complexe, que les aménagements et l'intégration de ces différentes sources de revenus sont assez complexes. C'est toujours délicat; on touche à un morceau de l'équation et l'autre morceau rebouge. Ça m'apparaît important d'avoir ça à l'esprit, parce qu'il n'en demeure pas moins qu'on doit maintenir notre soutien aux personnes âgées. On doit faire en sorte qu'on doive reconnaître – je pense que c'est une question de reconnaissance – la contribution que nos aînés ont faite à l'économie du Québec et à la mise sur pied d'un tas de programmes, d'un tas d'actifs dont on bénéficie aujourd'hui. Il y a des choix qui ont été faits, il y a des impôts qui ont été payés pendant des années par des gens qui, aujourd'hui, s'attendent à un juste retour des choses.

Mais je demeure encore surpris de voir que le chef de l'Opposition soulève un lièvre qu'il avait déjà soulevé en disant que ça avait été une erreur de donner les médicaments gratuits aux personnes âgées. C'était une erreur, selon le chef de l'Opposition. Il l'a dit, et Le Soleil semble l'avoir rapporté à l'époque, d'après la facture de cette photocopie, Le Soleil ou Le Journal de Québec . Alors, moi aussi, j'aimerais entendre ce que le chef de l'Opposition réserve aux personnes âgées, lui qui trouvait que c'était une erreur de leur donner des médicaments gratuits, erreur qu'on reconnaîtra avoir corrigée, tout le monde, partout au Canada, de toute façon.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, je suis un peu étonné, ici, de voir que le premier ministre, manifestement, n'est au courant ni du fait qu'il y a une directive qui impose aux personnes qui souffrent de cancer et qui ont besoin de chimiothérapie des tickets modérateurs, ni qui fait en sorte que, par exemple, les gens qui font de la fibrose kystique doivent payer leurs médicaments quand ils sont en services externes. Il ne sait pas qu'il y a une directive et il ne sait pas que cette directive est suspendue en attendant qu'un comité fasse rapport.

M. Johnson: M. le Président...

M. Parizeau: M. le Président, c'est clair.

M. Johnson: Bien, ce n'est pas clair du tout, je m'excuse.

M. Parizeau: Absolument.

M. Johnson: Je m'excuse, j'ai dit le contraire. J'ai dit que j'étais au courant. J'ai dit que j'avais été étonné, à l'époque, de voir ça et j'ai dit qu'on le fait regarder en conséquence. Voyons donc! J'ai dit le contraire de ce que prétend que j'ai dit le chef de l'Opposition.

Le Président (M. Parent): M. le premier ministre.

M. Parizeau: Alors, pourquoi il ne la retire pas? Si vraiment il sait que... Cette directive-là a dû être approuvée quelque part. Il n'y a pas quelqu'un qui, à un moment donné, décide qu'il va expédier une directive. Il est le chef du gouvernement. Il était, avant ça, président du Conseil du trésor. Pourquoi...

M. Johnson: Mais pas ministre de la Santé.

M. Parizeau: C'est une directive du gouvernement.

M. Johnson: Non, pas du tout, pas du tout.

Le Président (M. Parent): Je ferai remarquer aux intervenants que j'ai été très, très permissif, tout à l'heure, lorsque j'ai laissé le chef de l'Opposition parler de mesures qui relèvent du ministère de la Santé, parce qu'on étudie les crédits du premier ministre. Par contre, j'invite les deux partis à avoir de la rigueur et qu'on puisse continuer l'étude des crédits du premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, il reste néanmoins que les problèmes qui sont soulevés et à l'égard des personnes âgées et à l'égard des services de santé sont des questions qui touchent l'attitude du gouvernement à l'égard des malades et de groupes qui sont parfois fort démunis. Moi, je ne peux pas m'empêcher, quand j'entends le Protecteur du citoyen dire, comme il l'a dit récemment: Québec fait payer les pauvres... Il ne dit pas le ministère de la Santé ou la Régie des rentes. Il y a une politique, une attitude, là-dedans.

Seulement une question de ticket modérateur, le 2 $? Ce n'est pas ça dont j'ai parlé. C'est d'une accumulation de mesures prises par les deux gouvernements, et il ne se passe pas de discours sur le budget à l'heure actuelle sans qu'on réduise le revenu de ces gens-là. C'est une question de politique. Je note que le premier ministre ne veut pas prendre l'engagement d'arrêter ça. Il ne veut pas prendre l'engagement de revenir sur la question de la directive de la Régie des rentes. Non. Il dit: On va examiner ça. Bien oui, je comprends bien! Maintenant que ça commence à «effervescer» en public, il ne va quand même pas dire qu'il ne va pas la regarder. Mais il ne veut pas prendre l'engagement de retirer ça. Pas plus qu'il ne veut prendre l'engagement de retirer immédiatement la directive qui portait sur les cas de santé que j'ai soulevés. J'en prends acte. Nous regarderons, comment dire, l'état de la réflexion du premier ministre au fur et à mesure que le temps passera.


Questions constitutionnelles

J'en arrive aux questions constitutionnelles. Alors, là-dessus, il est clair que le gouvernement fédéral est engagé; il ne veut pas discuter de Constitution. On comprend bien, il ne veut pas discuter de Constitution. Le gouvernement fédéral est en train de réviser ses politiques sociales, ses politiques de formation de la main-d'oeuvre, et ça l'amène à remettre en cause toute espèce de compétence clairement provinciale dans l'esprit de certains, tout au moins, depuis déjà un certain temps. Si on écoute M. Axworthy, si on lit les textes qu'il publie ou si on entend certaines des réactions du premier ministre du Canada, on s'en va clairement vers des changements très importants dans le fonctionnement du fédéralisme canadien. M. Axworthy n'y va pas de main morte. Il veut réviser le régime d'assurance-chômage, les programmes de formation et d'emploi, les régimes d'aide sociale et de sécurité du revenu, l'aide à l'éducation et à l'apprentissage, etc. Il s'est déjà...

Le Président (M. Parent): Je veux juste vous rappeler une chose. Encore une fois, je suis très permissif, mais je rappelle aux membres de cette commission que nous avons déjà étudié les crédits des affaires intergouvernementales. M. le chef de l'Opposition, je vous reconnais.

M. Parizeau: M. le Président, la tradition, ici, veut – et la coutume – qu'on puisse interroger le premier ministre sur l'ensemble des opérations gouvernementales, sur l'ensemble des responsabilités du gouvernement. Tout à l'heure, quand j'ai donné une série d'exemples en recherche et développement, on aurait bien pu dire: N'en parlez pas, ça relève des crédits de l'Industrie, du Commerce et...

Le Président (M. Parent): J'aurais pu le dire.

M. Parizeau: Agriculture, je n'aurais pas pu en parler. Je n'aurais pas pu parler d'emploi, il y a un ministre de l'Emploi. Alors, on parle de quoi? Je n'aurais pas pu parler d'investissements manufacturiers, c'est clairement le ministère de l'Industrie et du Commerce. Si on adopte ce genre de chose là, je vais discuter de quoi, moi, dans les crédits du premier ministre? Du fait qu'il a payé 10 000 $ à un entreprise pour détruire des documents? Oui, c'est dans ses crédits. Je peux bien parler de ça, mais je ne trouve pas ça d'un intérêt profond.

Le Président (M. Parent): M. le chef de l'Opposition, loin de moi l'intention de vous limiter dans vos interventions. Je vous ai seulement mis en garde, et je vous reconnais.

(12 h 40)

M. Parizeau: Merci. M. le Président, déjà, le gouvernement fédéral a fait un certain nombre d'annonces, a posé un certain nombre de gestes qui, effectivement, indiquent qu'il a l'intention d'entrer dans des domaines qui, jusqu'à maintenant, étaient considérés comme étant de compétence québécoise et de faire ce qu'il veut. Nous avons vu sa déclaration au sujet de la formation professionnelle des jeunes et de l'éducation, vendredi, il y a 10 jours, qui était une ingérence évidente, claire, dans un champ de compétence québécoise, mais il a été intéressant de voir les réactions à la fois du ministre de l'Éducation et du premier ministre à cet égard. Le ministre de l'Éducation a dit: Ah bien, nous allons aller en Cour suprême pour faire reconnaître nos compétences. On lui souhaite beaucoup de plaisir. Ce dont il s'agit, c'est du pouvoir fédéral de dépenser. Le système fédéral canadien a toujours reconnu que le gouvernement fédéral peut dépenser de l'argent là où ça lui plaît, comme ça lui plaît. C'est sans limite. On voit à peu près quelle va être la décision de la Cour suprême.

La réaction du premier ministre est beaucoup plus intéressante parce que, alors, là, elle démontre à quel point la question constitutionnelle, manifestement, ne l'a pas intéressé plus qu'il ne faut. Il nous a dit, en Chambre et hors de la Chambre: Si le gouvernement fédéral entre dans des champs qui ne nous plaisent pas, on va demander le droit de retrait. Là, je vous avouerai que j'ai été un petit peu estomaqué. C'est un autre des domaines où je ne suis pas certain, moi, que le premier ministre comprend très bien les règles du jeu, là, au Canada. Oui, il y a eu un retrait de plusieurs programmes conjoints fédéraux-provinciaux, dont celui des prêts et bourses, mais il y a longtemps. Ça, c'était en 1964 que M. Lesage a retiré le Québec de 29 programmes fédéraux, d'un seul coup. C'est comme ça que la Régie des rentes québécoise a été créée par rapport au Canada Pension Plan. C'est comme ça qu'on a retiré le Québec du programme d'aide fédéral aux écoles techniques. Ça ne rappelle rien, ça fait 30 ans.

Depuis ce temps, les choses ont tout à fait changé. En vertu de la Constitution de 1982, pour qu'il y ait retrait, droit de retrait, il faut d'abord qu'il y ait transfert de juridiction des provinces au fédéral, donc amendement constitutionnel. Il faut que cet amendement constitutionnel ait été approuvé, on s'en souviendra, par sept provinces représentant 50 % de la population, un vote d'Ottawa, un vote du Sénat, etc. Il faut ça. D'autre part, il faut que ça porte, ce transfert de pouvoir, de compétence sur des questions d'éducation ou des questions analogues. J'espère que, quand le premier ministre nous dit qu'il veut exercer le droit de retrait, il ne pense pas concéder par amendement constitutionnel des droits sur l'éducation au gouvernement fédéral. On sait qu'il dit: «I am a Canadian first and foremost», mais, quand même, pas jusque-là. J'espère qu'il n'a pas l'intention de proposer un amendement à la Constitution pour transférer à Ottawa des pouvoirs sur l'éducation au Québec, ce n'est pas ça qu'il cherche. Pourtant, la Constitution canadienne est très claire, ce n'est que dans ce cas-là qu'il y a un droit de retrait.

Dans le cas des prêts et bourses, si on arrive à obtenir une compensation financière, c'est parce que le retrait s'était fait avant cet amendement constitutionnel et que, là, il peut être élargi et, si les montants sont plus élevés venant d'Ottawa, le Québec peut toucher une compensation en fonction de ce qu'il avait avant. Mais, pour tout le reste, il n'y a pas de droit de retrait autre qu'à la suite d'un amendement constitutionnel qui prend des pouvoirs des provinces, qui portent sur l'éducation, et les envoie à Ottawa. Sur ça, la Constitution canadienne est parfaitement claire.

Mais, quand le premier ministre vient nous dire qu'il va prendre le droit de retrait, là encore, c'est des paroles verbales. Ça n'a pas de bon sens de dire des affaires pareilles. Je comprends qu'il vient juste d'occuper son poste de premier ministre, mais, enfin, tout de même. Ces questions-là au Québec, est-ce qu'on en a assez discuté? La formule de l'amendement à la Constitution, combien d'années on a passées là-dessus, à perdre son temps, à tourner en rond? Il n'a pas l'air d'être dans le coup, le premier ministre.

Ces questions de Constitution, ce débat constitutionnel, cependant, comportent, à l'heure actuelle, des dangers dont j'ai parlé plus tôt et qui ont trait essentiellement à l'accentuation du désordre, à la multiplication des chevauchements, du gaspillage qu'il y a dans le système fédéral. On sait déjà à quel point le contribuable québécois perd d'argent dans le fonctionnement du système fédéral. On n'a jamais été capables de savoir exactement combien, en supprimant ces chevauchements, en supprimant ce gaspillage entre les deux gouvernements – parce que les deux gouvernements ont les pieds dans la même bottine – on pourrait économiser. Il y a eu des évaluations. Bélanger-Campeau a dit: S'il y a un seul gouvernement qui s'applique aux Québécois en termes de communications, puis, en termes du ministère du Revenu, d'avoir une formule d'impôt au lieu de deux, on va sauver, au total, à peu près 525 000 000 $ par année. On a cet estimé-là qui a été fait. On a des estimés plus généraux, comme, par exemple, l'ancien ministre de la Justice, M. Rémillard, disant: Il y a plusieurs milliards là-dedans. On a eu pas mal d'études disant: Ça pourrait être autour de 3 000 000 000 $.

Le gouvernement du Québec a fait faire des études dans un certain nombre de ministères, dans tous les ministères d'ailleurs, pour déterminer, si les services fédéraux et les services québécois étaient fusionnés, combien on sauverait; d'abord, comment ça se ferait, puis combien on sauverait. Ces études-là, elles devaient être bougrement favorables à la souveraineté du Québec parce qu'elles n'ont jamais été rendues publiques. Moi, j'en ai vu une, obtenue comme ça par la bande, très bien faite. Mais, si la majorité des études étaient de ce genre-là, je comprends pourquoi le gouvernement les a cachées.

Ce qui reste cependant, c'est que, là, on assiste à une nouvelle offensive du fédéral nous disant qu'on va rentrer à nouveau dans des champs provinciaux. Les gouvernements des provinces feront ce qu'ils veulent faire; nous, on en fera en plus, on en fera en parallèle; là, les chicanes vont recommencer. Il est inutile de dire, comme le dit le premier ministre: Mais nous allons réclamer la maîtrise d'oeuvre, mais nous demandons au gouvernement fédéral de se retirer. Il ne le fait pas. Ça s'amplifie.

Regardons le programme d'infrastructures municipales. C'est tout à fait nouveau, ça, de voir que, pour des travaux municipaux, il y a une équipe de fonctionnaires municipaux qui prépare le dossier; ça s'en va à Québec où une équipe de fonctionnaires regarde le dossier; de là, ça s'en va au comité de gestion prévu par l'entente où une équipe fédérale a un droit de veto sur le projet. C'est-à-dire que, pour toute une série de ces travaux municipaux, pour la première fois, on va avoir trois gouvernements, trois gouvernements sur un programme de rénovation de rues, sur la pose d'un aqueduc, et on voudrait nous faire croire qu'à l'heure actuelle le système s'améliore, qu'il y a de moins en moins de chevauchements, qu'il y a de moins en moins de gaspillage!

Mais il n'y en a pas de moins en moins; il y en a de plus en plus et le gouvernement fédéral nous annonce qu'il va y en avoir davantage encore. Et le premier ministre nous dit: Bien, je vais essayer d'arrêter ça avec le droit de retrait. Il ne l'a pas. Le ministre de l'Éducation dit: Je vais essayer d'aller en Cour suprême. Il va perdre; la jurisprudence est claire comme de l'eau de roche. Le ministre des Finances fédéral dit: De toute façon, je vous enlève, au bas mot, 1 500 000 000 $. Et le premier ministre a dit, en commission, récemment: Bien oui, je pense que ça se comprend pourquoi il va nous enlever ça.

(12 h 50)

M. le Président, moi, j'en tire la conclusion, de tout ça, qu'il est temps que ce gouvernement s'en aille, qu'il demande des élections parce qu'il devient dangereux, ce gouvernement. Il l'a été, sur le plan économique, en ne réalisant à peu près rien, en laissant certains secteurs aller à vau-l'eau, en annonçant mer et monde en pratiquant bien peu, en suivant certaines politiques économiques qui sont à rebours du bon sens. Augmenter les taxes comme il l'a fait, là, il faut le faire, en pleine récession. Puis, là, maintenant, il nous annonce que, le gouvernement fédéral, il n'y a à peu près rien pour l'empêcher de poursuivre un effort de centralisation qui est sans précédent au cours des années récentes. Et on nous dit: Les gouvernements veulent se rencontrer de temps à autre pour réduire les chevauchements. Allons donc! Il va y en avoir de plus en plus. Il y en a de plus en plus. Non, il est temps...

Moi, la seule conclusion que j'en tire, c'est qu'au-delà des voeux, au-delà des intentions, au-delà des discours, il est temps qu'on puisse juger le gouvernement sur les gestes qu'il pose, sur les gestes qu'il ne pose pas et qu'il devrait poser, sur les choses qu'il a faites à rebours du bon sens. Il est temps que des élections viennent. Et j'aimerais, en conclusion, savoir du premier ministre s'il fera la grâce à tous les Québécois de déclencher les élections rapidement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le premier ministre, la question est posée.

M. Johnson: C'est la question à laquelle tout le monde veut une réponse, évidemment. J'ai déjà dit et je répète qu'il y a un programme de gouvernement, il y a des choses qu'on a à faire, il y a des choses qu'on a décidé de faire. Une des décisions, la dernière, sera celle sur la date des élections et le chef de l'Opposition l'apprendra en temps et lieu. Je n'ai pas d'autre réponse à donner à ça. Évidemment, ce n'est pas parce que c'est le chef de l'Opposition qui pose la question que, tout d'un coup, on va dire quelles sont les options et quelles sont les dates qu'on a choisies. Il s'agit presque de nos dernières interventions, à cette heure-ci, M. le Président.

Dans l'ordre où le chef de l'Opposition a mentionné certains éléments... Tout de suite, je veux revenir, parce que c'est important, à la directive sur les médicaments pour les gens atteints du cancer. Je réitère qu'il s'agit là d'une directive dite du ministère, qu'en aucun cas le gouvernement n'en a été saisi à l'époque, qu'en aucun cas c'est un règlement qui est publié de quelque façon que ce soit; c'est une directive du ministère et du ministre. On se souvient de ce que ça a créé comme émoi partout, y compris, enfin, je dis bien, des deux côtés de l'Assemblée nationale. On se souvient de quelle a été la réaction du ministre de l'époque. On peut donc affirmer que le gouvernement n'a pas décidé une telle chose et je réitère qu'il n'est pas question que les gens atteints de cancer voient ainsi un nouvel obstacle jeté sur leur route. Ça, ça m'apparaît clair, là, et je ne veux pas qu'on y revienne.

Je retiendrai de nos échanges statistiques, numériques, budgétaires que le chef de l'Opposition nous a servi des statistiques tronquées, qu'il a utilisé des stratagèmes passablement primaires, dans certains cas, pour faire des démonstrations, qu'il a choisi des séries de chiffres, qu'il a choisi des pourcentages, qu'il a choisi des sections de documents publics pour étayer son discours. Évidemment, il refusait de nous indiquer quels sont ses projets à lui. Je comprends que c'est l'étude des crédits du Conseil exécutif, mais, à tout le moins, il m'apparaît que, dans la critique, on aurait pu être quand même un peu plus rigoureux, qu'il s'agisse de la critique dite financière et budgétaire ou alors qu'il s'agisse de la critique dans laquelle vient de se lancer le chef de l'Opposition sur la Constitution.

J'ai l'impression que le chef de l'Opposition vient d'énoncer deux nouvelles théories, une nouvelle théorie et une nouvelle confusion, je dirais. La nouvelle théorie, c'est que le gouvernement fédéral, par son pouvoir de dépenser, peut dépenser absolument n'importe où, n'importe comment, comme il le veut, et que ça ne donne rien de faire respecter la Constitution devant les tribunaux. Je suis convaincu que le gouvernement fédéral ne pourrait gagner aucune cause devant aucun tribunal s'il s'avisait de mettre sur pied avec ses deniers un système d'enseignement primaire et secondaire au Canada. Je suis profondément convaincu, je sais, il est évident que le pouvoir de dépenser ne peut pas constituer une incursion dans ce qui est clairement de juridiction exclusive telle qu'exercée par les provinces.

Alors, il ne faut pas, quand même, exagérer la portée du pouvoir de dépenser qui, déjà, fonde – et on pourra en discuter à d'autres moments; on n'a plus le temps de le faire – certains comportements, mais qui, comme le ministre de l'Éducation l'a expliqué, fait en sorte qu'on doive envisager des modes d'opposition qui font en sorte que, même au point de vue juridique, on ne doive pas hésiter à aller jusqu'au bout des arguments et des recours qui seraient éventuellement disponibles.

Le Président (M. Parent): Merci, M. le premier ministre. Je reconnais maintenant le chef de l'Opposition pour une intervention de cinq minutes. Je reviendrai à vous dans cinq minutes. De façon à m'éviter d'interrompre le chef de l'Opposition, est-ce qu'il y a consentement à ce qu'on dépasse 13 heures? Il nous reste 10 minutes encore. Consentement. M. le chef de l'Opposition.


Remarques finales


M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais revenir ici, quelques instants, sur, on peut dire, une sorte d'attitude qu'a le premier ministre, en vertu de laquelle, si tant est que les données, les chiffres, les faits ne font pas son affaire, celui qui les lui présente triture les choses, est de mauvaise foi et manque d'intégrité. C'est aller un peu loin et je vous dirai même que je trouve ça, à bien des égards, indigne, inadmissible. Il faut être capable de défendre les gestes qu'on a posés. Il faut être capable de les défendre. Ce gouvernement-là a réduit le nombre de personnes, en pleine récession, à la formation professionnelle de presque la moitié. C'est un fait, ça. Ce sont ses propres chiffres. Ce gouvernement-là préside à une chute des investissements, au Québec, depuis presque quatre ans. C'est un fait, ça. Avez-vous déjà vu une façon de se défendre, de dire: Bien, c'était haut avant? Ce gouvernement-là a augmenté les impôts d'au-delà de 4 000 000 000 $ en quatre ans.

Ce gouvernement-là est en train de se faire tasser par le gouvernement fédéral à peu près sans réagir. Et, quand je pense que le premier ministre en est rendu à nous dire, comme il l'a fait il y a quelques jours, que, si le gouvernement fédéral baisse les transferts au Québec, bien, c'est bien dommage, mais, enfin, ça se comprend, on veut tous réduire les déficits et, pour le fédéral, c'est une façon de réduire le déficit... C'est un fait, ça, que le gouvernement fédéral se dirige vers ça. C'est un autre fait que le premier ministre a dit: Bien, écoutez, si la réduction des déficits passe par là, la réduction des déficits passera par là.

Ça ne sert à rien de remettre en cause la bonne foi des gens. Mais il faut être assez réaliste pour regarder la situation actuelle telle qu'elle est. Et je ne pense pas l'avoir tronquée, cette situation-là, au contraire. Avoir plus de temps – j'ai donné un certain nombre d'exemples – on pourrait en donner bien d'autres. Le premier ministre, à l'heure actuelle, est en train de perdre le contrôle non seulement de l'économie à l'égard de laquelle il a un certain nombre de responsabilités, non seulement à l'égard de ses rapports avec un gouvernement fédéral auquel il s'est littéralement donné, mais il est en train de perdre le contrôle sur son propre gouvernement, et ça, c'est plus sérieux.

(13 heures)

Je reviens, puisque lui-même y revenait tout à l'heure, sur la question de la fameuse directive sur la fibrose kystique ou le cancer. Mais, puisqu'il sait maintenant qu'il y a une directive d'un ministère, puisqu'il réagit comme il dit qu'il réagit – est-ce qu'il est le chef du gouvernement ou pas? – qu'il demande le retrait de la directive. C'est lui, le patron ou il n'est pas le patron? Il nous dit: C'est une directive d'un de mes ministres; je la trouve inadmissible. Bon, qu'il la retire, qu'il dise au ministre de la Santé: Retirez votre directive.

Ça n'a pas de sens de se préparer ainsi au verdict électoral en disant: Je n'y suis plus, mais j'y reste encore. Je ne suis pas exactement certain de ce que je contrôle, on me tasse de partout, mais, comme j'ai dit que, de toute façon, je suis un Canadien d'abord et avant tout, comme j'ai dit que, de toute façon, il ne fallait pas que les gouvernements interviennent trop dans l'économie, comme j'ai dit que – je termine, c'est ma dernière phrase – de toute façon, il fallait équilibrer les choses entre générations et que, donc, dans ces conditions, s'il faut tasser les personnes âgées, on tassera les personnes âgées. Le premier ministre se prépare au verdict populaire en ayant perdu le contrôle sur les responsabilités, finalement, fondamentales d'un gouvernement.

Et tout ce qu'il trouve à dire, c'est: Vous ne m'avez pas expliqué votre projet. Bien, je ne vais pas lui expliquer mon projet dans ses crédits. Notre projet, oui, nous allons l'expliquer. Nous l'expliquons depuis longtemps, nous allons continuer de l'expliquer. C'est la véritable alternative, c'est vers ça qu'il faut s'engager, face à un régime qui est en complète déliquescence. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent): On vous remercie, M. le chef de l'Opposition, et je vais reconnaître M. le premier ministre pour une intervention d'environ cinq minutes.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci, M. le Président. Deux questions de fait. Sur la formation professionnelle, nous avons modifié les programmes. Nous l'avons fait non seulement au titre de la formation professionnelle au sens où on l'entendait d'habitude, mais surtout en changeant certaines applications de la sécurité du revenu et en faisant en sorte que des programmes de formation en entreprise soient disponibles, en faisant en sorte que les sommes disponibles à la sécurité du revenu ou, alors, que le soutien accordé par la fiscalité aux entreprises puissent amener un volume de formation professionnelle additionnel. Alors, on peut difficilement comparer les pommes et les oranges, comme le fait le chef de l'Opposition.

Deuxième question de fait: si on annulait la directive, les gens qui ont droit à des médicaments ne pourraient être payés. Je veux qu'on soit très clair: la directive est beaucoup plus large que les deux seuls éléments sur lesquels le chef de l'Opposition et moi-même avons échangé. Il s'agit ici du rafraîchissement, d'une modernisation de certaines des façons de rembourser les médicaments aux gens qui en ont besoin. Ce que j'ai indiqué, c'est qu'à l'égard de cet aspect qui touchait, de façon tout à fait inattendue – je le répète, tout à fait inattendue – les gens qui souffrent du cancer, il n'est absolument pas question pour le gouvernement d'y donner suite, et c'est pour ça que ça a été suspendu. La directive demeure en vigueur, mais ses modalités qui s'appliquent à ces clientèles ont été suspendues. Le reste des modernisations, du rafraîchissement des modalités doit, évidemment, faire l'objet d'un examen par le comité, mais je réitère ici l'engagement que j'ai formulé il y a quelques instants: il n'est absolument pas question de changer le régime dans la mesure où il s'agit des patients qui sont atteints du cancer.

Deuxièmement, ces questions de fait étant réglées, j'ai trouvé intéressant que le chef de l'Opposition, dans le fond, recoure à un stratagème que je l'ai déjà vu utiliser, celui de traiter d'indignes les gens qui le prennent en défaut. Je vais réitérer qu'il m'apparaît que certaines des démonstrations... Il m'apparaît? Il est évident que certaines des démonstrations du chef de l'Opposition n'étaient pas appuyées sur des faits, que les statistiques qu'il avait choisies tendaient non pas à démontrer son point de vue, mais plutôt celui du gouvernement à bien des égards. Mais je trouve toujours un petit peu déplorable, moi aussi, ce recours à des gestes un peu théâtraux qui accusent tous les autres d'indignité et de tous les maux de la terre lorsqu'on s'aventure sur un terrain que doit connaître le chef de l'Opposition et qu'on l'y prend en défaut. Je note, par sa réaction, que nous avons dû toucher là une corde sensible.

La Constitution, pour terminer. Alors, le chef de l'Opposition a terminé sa démonstration sur la solution, l'alternative, en majuscules, que représente son projet qu'il n'a mentionné qu'une fois en y ajoutant un point d'ironie, je ne sais trop pourquoi, dès sa première intervention, soit, évidemment, son projet de séparation politique, de souveraineté, d'indépendance politique du Québec. Il a évoqué les perspectives financières que j'ai évoquées moi-même depuis, quand même, quelques semaines. Oui, le gouvernement fédéral et tous les gouvernements, avec les impôts de tous les contribuables qui en paient à tous les niveaux, doivent chercher à réduire leurs dépenses si on veut réduire le niveau des impôts. Si on veut alléger le fardeau des contribuables, les municipalités, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada doivent mettre de l'ordre dans leurs dépenses. Cependant, ça ne doit pas se faire, entre qui que ce soit de ces trois niveaux de gouvernement, sur le dos ou aux frais du contribuable et de son fardeau qui lui est imposé par un autre gouvernement.

Je réitère ce qui a toujours été la position du gouvernement du Québec. Ce n'est pas sur le dos du Québec que le fédéral doit régler ses problèmes de dépenses publiques. Et, si les transferts du fédéral vers les provinces devaient baisser, devaient être réduits, ils ne peuvent l'être que si ces diminutions de dépenses, du point de vue fédéral, ne sont qu'une portion de l'effort qu'il doit faire. En clair, le gouvernement fédéral doit réduire ses dépenses propres. Il ne peut choisir, pour réduire ses dépenses, que de diminuer ses transferts aux provinces. Première condition – il m'apparaît que c'est clair: il doit y avoir un effort dans les dépenses propres du gouvernement fédéral et non simplement dans les transferts.

C'est absolument inusité de vouloir faire porter sur les autres niveaux de gouvernement les hésitations du gouvernement fédéral à mettre de l'ordre dans ses dépenses qu'on connaît. Qu'il fasse des choix et, ensuite, à la rigueur, qu'il envisage de diminuer les transferts aux provinces qui, elles aussi, doivent diminuer leurs dépenses. Si on veut diminuer le fardeau sur nos concitoyens, on doit diminuer nos dépenses. Ça, on ne peut pas y échapper. On ne peut pas y échapper; c'est toujours le même contribuable qui est en cause. On doit donc faire en sorte que ça ne soit pas, du côté fédéral, le seul poste de réduction de dépenses que celui des transferts aux provinces.

Deuxièmement, il m'apparaît évident que toute réduction des dépenses fédérales au titre des transferts vers les provinces ne peut pas être concurrente à des incursions fédérales de dépenses additionnelles dans des domaines de juridiction du Québec à sa face même. C'est une condition évidente. On ne peut pas réduire l'aide aux programmes gouvernementaux du Québec et, en même temps, encourir des dépenses additionnelles dans les champs de compétence du Québec.

Et, troisièmement, M. le Président, ce qui a toujours été l'approche du gouvernement du Québec, c'est de nous assurer de notre part de cette richesse de l'ensemble du pays auquel nous appartenons, de faire en sorte que nous allions chercher et bénéficiions de la proportion qui est la nôtre, compte tenu de nos besoins, de notre géographie et du régime dans lequel on vit. C'est de cette façon que nous pouvons construire le partage: sur l'entente et l'union plutôt que sur la rupture et la désunion.

(13 h 10)

Le Président (M. Parent): Alors, je vous remercie, M. le premier ministre. Avant de passer à l'adoption des crédits du premier ministre, je veux remercier, d'une façon particulière, le premier ministre de s'être prêté, d'avoir prouvé sa disponibilité pour répondre aux questions des membres de cette commission, et remercier tous les membres de cette commission, en particulier le chef de l'Opposition.


Adoption des crédits

Et maintenant, je mets aux voix les programmes 1, 2 et 8 des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1994-1995. Est-ce que les programmes 1, 2 et 8 sont adoptés?

M. Parizeau: Sur division.


Adoption de l'ensemble des crédits

Le Président (M. Parent): Sur division. Est-ce que l'ensemble des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1994-1995 est adopté?

M. Parizeau: Sur division.

Le Président (M. Parent): Adopté sur division. Je vous remercie et la commission des institutions ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 11)