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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mardi 24 janvier 1995 - Vol. 34 N° 9

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 40 - Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives


Étude détaillée du projet de loi n° 40 - Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats


(Quatorze heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Simard): Avec quelques minutes de retard, nous allons commencer nos travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes réunis aujourd'hui dans le cadre de l'étude du projet de loi 40.

M. le secrétaire, pouvez-vous constater le quorum, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Il est constaté.

Le Président (M. Simard): Il est constaté. Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Malavoy (Sherbrooke) est remplacée par M. Pinard (Saint-Maurice).

Le Président (M. Simard): Merci. Alors, je rappelle le mandat de la commission, qui est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives.


Document déposé

Avant de débuter nos travaux, j'aimerais déposer, M. le secrétaire, une lettre, reçue le 24 janvier, du Directeur général des élections du Québec, concernant des questions qui avaient été posées ici même, à cette commission, sur la distribution de documents sur des études comparatives avec les États-Unis. Vous avez reçu ou vous recevrez dans les prochaines minutes copie de ces lettres ainsi qu'une bibliographie relativement détaillée.


Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 40

Nous passons donc maintenant à la partie consultations particulières de notre travail. Je vous annonce que, des trois groupes convoqués aujourd'hui, à moins qu'il y ait un changement survenu dans les dernières minutes, un seul groupe participera à ces auditions particulières. Il s'agit du Congrès juif canadien, région du Québec. Je veux remercier les représentants du Congrès juif canadien d'être venus. Je le fais avec d'autant plus de plaisir que ce sont des gens que je connais bien. Je vous présente, pour ceux qui ne les connaîtraient pas, Mme Maryse Ohayon, qui est du Congrès juif canadien, section Québec, et le directeur des Relations communautaires, M. David Sultan.

Alors, je vous cède la parole. Vous avez une demi-heure pour faire la présentation, à la suite de quoi il y aura questions et réponses de part et d'autre.


Auditions


Congrès juif canadien (CJC), région du Québec

Mme Ohayon (Maryse): Eh bien, merci, d'abord, pour ce chaleureux accueil et merci de nous donner l'occasion de présenter nos points de vue et nos réflexions.

Le Congrès juif canadien, région du Québec, est la branche régionale de l'organisme national le Congrès juif canadien. À ce titre, la région du Québec met en application des initiatives de politiques nationales, et les ramène, donc, au niveau régional, et agit à titre de porte-parole officiel de la communauté juive du Québec sur toute question de politique publique.

Depuis sa formation, le Congrès a joué un rôle dirigeant dans la représentation des préoccupations de la communauté juive du Québec, a contribué au progrès de la société canadienne. Les membres de la communauté juive du Québec ont joué un rôle important et ont au moins un rôle important à jouer dans le processus politique du Québec, que ce soit à titre de citoyens ou en tant que membres d'une communauté culturelle.

Le Congrès juif canadien, région du Québec, oeuvre et maintient des contacts suivis avec tous les partis politiques de la province. À la lumière des consultations sur le projet de loi 40 portant sur la réforme des dispositions législatives relatives à l'établissement de la liste électorale permanente, nous avons préparé ce mémoire afin de sensibiliser la commission des institutions quant aux questions de préoccupation de la communauté juive du Québec sur certains aspects de la problématique. À cet effet, nous remercions le gouvernement du Québec de nous donner l'occasion de partager notre point de vue avec les membres de la commission des institutions, et nous espérons vraiment que notre contribution, si modeste soit-elle, rejoindra les aspirations de l'ensemble des membres de la société québécoise. Nous croyons que cet exercice est complémentaire à nos traditions de participation active au processus démocratique. Nous croyons également que cette initiative sera en mesure de contribuer au façonnement d'une société plus ouverte et plus progressiste.

Je vais peut-être juste vous donner quelques notes et quelques généralités concernant la communauté; même si on la connaît, ce n'est peut-être pas mauvais de faire quelques précisions. La présence de la communauté juive au Québec remonte à plus de deux siècles, alors que les premiers Juifs s'installaient à Ville-Marie au cours des années 1750. Tout au long de leur présence au Québec, les Juifs ont joué un rôle important dans la création et la promotion des institutions économiques, culturelles, sociales et politiques présentes au Québec.

(14 h 30)

Les traditions de démocratie et de défense des droits de la personne caractérisant la communauté juive du Québec sont fort connues de tous. Lorsque le ministre responsable de la Réforme électorale présentait son projet de loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives, donc le projet de loi 40, le Congrès juif canadien, région du Québec, soucieux de participer au processus démocratique caractérisant nos institutions et intéressé à se prononcer sur la réforme de l'une des pierres angulaires de notre système démocratique, tenait à se faire entendre par la commission parlementaire des institutions. Et, donc, merci encore de nous recevoir.

Cela étant dit, le Congrès juif canadien, région du Québec, souscrit à toute initiative visant à rehausser l'exercice des droits politiques fondamentaux des citoyens. Est-il nécessaire de rappeler que l'article 22 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne stipule que «toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d'une élection et a droit d'y voter»? Ainsi, le Congrès juif canadien, région du Québec, se réjouit de l'attention que porte le gouvernement du Québec à l'exercice de ce droit de vote.

Bien que nous appuyions l'esprit dans lequel s'inscrit le projet de loi 40, celui-ci, tel que présenté le 6 décembre dernier, comporte cependant certains éléments qui pourraient tendre à ne pas constituer la meilleure façon d'assurer l'objectif recherché, soit l'amélioration de l'exercice de la démocratie lors des élections et consultations provinciales, municipales et scolaires. C'est pourquoi nous aurions souhaité que le gouvernement trouve à propos d'élargir le processus de consultation que mérite ce projet de loi. En effet, nous pensons que la réforme électorale touchera tous les citoyens du Québec en âge de voter et que les enjeux inhérents à cette refonte eussent été mieux cernés si la commission parlementaire des institutions avait élargi le processus de consultation, tel qu'initialement prévu.

M. Sultan (David): Le principe d'une démocratie juste et équitable à laquelle sont attachés les citoyens du Québec forme la pierre angulaire de notre système. Au fil des années, le législateur a développé plusieurs mécanismes garantissant la neutralité de notre système électoral. Ainsi, lorsque la période électorale approchait, des scrutateurs issus du parti au pouvoir et de celui de l'opposition inscrivaient les électeurs sur la liste.

Le Congrès juif canadien, région du Québec, considère que ce principe garantissant la neutralité des inscriptions à la liste devrait continuer d'être en vigueur dans le cadre de la réforme électorale qui nous occupe. À cet effet, nous pensons que le projet de loi 40 devrait prévoir que le Directeur général des élections s'assure de faire parvenir à chacun des bureaux régionaux la liste de ceux qu'il se prépare à contacter en vertu de l'article 5 du projet de loi 40, que nous commenterons plus tard. Ainsi, la préparation et le suivi de ces listes incomberaient non seulement au Directeur général des élections, mais également aux formations politiques formant le gouvernement et l'opposition, et tout ceci par souci de transparence du processus électoral.

Les articles 2 et 3 du projet de loi 40 prévoient que la liste électorale permanente est constituée des fichiers comparés apparaissant à la liste électorale ayant servi à l'élection du 12 septembre 1994 et de ceux de la liste détenue par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Ainsi, seuls ceux dont les noms seraient inscrits aux deux listes et dont les renseignements concorderaient seraient retenus aux fins d'inscription à la nouvelle liste électorale permanente. Pour les autres, l'article 5 du projet de loi prévoit que «le Directeur général des élections demande par écrit à la personne concernée de confirmer, de corriger ou de compléter les renseignements la concernant».

Force est de constater que le fichier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec ne comporte que 3 500 000 noms, incluant ceux des individus âgés de moins de 18 ans, alors que le Québec, selon les chiffres, compte plus de 4 000 000 d'électeurs potentiels répondant à toutes les conditions établies par la Loi électorale, c'est-à-dire la citoyenneté canadienne, l'âge – âgés de 18 ans et plus – etc. Il semble donc évident que, pour bon nombre d'électeurs, le processus administratif prévu aux articles 5 et suivants du projet de loi 40 constituera le principal outil d'inscription aux listes électorales étant donné les divers changements d'adresse, non-renouvellement de carte d'assurance-maladie et d'autres situations ayant trait au traitement de l'information. C'est pourquoi le Congrès juif canadien entrevoit avec appréhension l'utilisation à outrance de l'article 5 du projet de loi 40. Sous quelles conditions l'électeur sera-t-il tenu de transmettre au Directeur général des élections, et je cite, «deux documents de la catégorie déterminée par le Directeur général des élections» – c'est l'article 5, paragraphe 2 – pour être inscrit au fichier des électeurs? Nous pensons que le projet de loi 40 devrait mentionner la teneur de ces deux documents à des fins d'uniformité du système.

De plus, malgré le fait que le droit de vote ne constitue pas une obligation, le législateur a cru bon d'ajouter un élément susceptible de désavantager les électeurs qui ne désireront pas se prévaloir de leurs droits. L'article 40.5 du projet de loi 40 attribue à l'électeur la responsabilité de communiquer avec le Directeur général des élections tout changement aux renseignements apparaissant sur la liste électorale permanente et qui le concernent. Le Congrès juif canadien, région du Québec, considère que, bien qu'à des fins d'efficacité il soit nécessaire que la liste électorale permanente soit tenue à jour, l'obligation incombant à l'électeur, telle que prévue à l'article 40.5, constitue une entorse à son droit de se prévaloir ou non de son privilège de vote.

Dans le mémoire qu'elle présentait à la commission des institutions, la Commission d'accès à l'information émettait certaines réserves, que partage le Congrès juif canadien, quant à la création d'un fichier de données centralisé. La Charte québécoise des droits et libertés de la personne garantit à tous le droit au respect de la vie privée. Ainsi, l'article 77 du projet de loi 40 déroge à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels visant à protéger les membres de notre société contre toute atteinte à la divulgation de renseignements privés. Bien que nous soyons en faveur de la constitution d'une liste des électeurs informatisée, nous pensons qu'il est important que le législateur délimite de façon restrictive la teneur de ce concept de «renseignements nécessaires», tel que développé au premier paragraphe de l'article 77 du projet de loi 40.

Il est important, d'autre part, que l'électeur consente à permettre au Directeur général des élections d'accéder aux renseignements détenus par les ministères à des fins d'établissement de la liste électorale permanente. Une dérogation à ce principe pourrait créer des précédents qui iraient à l'encontre des droits du citoyen. À cet effet, nous recommandons que soit clarifiée la portée de l'article 40.4.

Mme Ohayon (Maryse): Le Congrès juif canadien du Québec se réjouit du fait que le législateur ait cru bon de ne pas retenir la dénomination religieuse d'un individu à titre de renseignement contenu au fichier des électeurs. En effet, le premier paragraphe de l'article 40.2 du projet de loi 40 stipule que «les renseignements contenus au fichier des électeurs comprennent les nom, adresse du domicile, sexe et date de naissance de chaque électeur et, le cas échéant, les mentions relatives à l'exercice de son droit de vote hors du Québec».

La question se pose cependant en regard des élections scolaires. Là, ça complique les affaires un peu. En effet, l'article 18 de la Loi sur les élections scolaires établit l'admissibilité de l'électeur en regard de son appartenance confessionnelle. D'autre part, dans le mémoire qu'elle présentait à la commission parlementaire des institutions, la Fédération des commissions scolaires du Québec encourageait l'ajout, à l'article 40.2 du projet de loi 40, de la confession religieuse à titre de renseignement nécessaire à l'inscription d'un électeur. Étant donné le caractère conféré par le projet de loi 40 à la liste électorale permanente relativement à son utilisation multiple lors d'élections diverses, quelles soient provinciales, municipales ou scolaires, le Congrès juif canadien, région du Québec, appuie la décision du législateur de ne pas inclure à la liste électorale permanente tout renseignement non nécessaire à l'exercice du droit de vote.

Lors des dernières élections scolaires tenues à Montréal, ceux qui s'étaient déclarés de religion autre que protestante ou catholique avaient éprouvé certaines difficultés à se voir inscrits sur la liste des électeurs. Il y en a même qui avaient été complètement rejetés. Le Congrès considère qu'afin d'assurer un processus électoral juste et équitable il est nécessaire que le gouvernement se penche sur la question et s'assure que toutes les mesures seront prises afin de permettre l'exercice du droit de vote des électeurs admissibles.

(14 h 40)

M. Sultan (David): Tel que nous le formulions plus tôt, toute loi visant à réformer notre système électoral, lequel se veut un des piliers de l'appareil démocratique au sein duquel nous évoluons, doit être évaluée quant à sa finalité mais également quant aux conséquences potentielles qu'elle engendrera. À cet effet, lors de l'étude du projet de loi 40, le Congrès juif canadien s'est posé certaines questions inhérentes aux effets probables du projet de loi 40 sur un segment de la population, soit certains membres des communautés d'arrivée récente.

Bien qu'il paraisse essentiel de conférer à tout Québécois un droit de vote égal quelle que soit son origine, le Congrès juif canadien, région du Québec, a identifié certaines difficultés pratiques auxquelles pourraient faire face les néo-Canadiens dont le fichier électoral du 12 septembre 1994 ne contient pas les noms.

Le projet de loi 40 confère au Directeur général des élections le soin de vérifier la qualité d'électeur de l'individu à travers certains mécanismes. Or, tenant compte du fait que certains immigrants ne sont pas au fait des procédures relatives à l'inscription sur la liste électorale permanente pour des raisons telles que, par exemple, la méconnaissance du système électoral tel que pratiqué au Canada, l'apprentissage de la langue, l'absence d'intérêt pour un processus électoral qui leur est étranger, le manque d'information relative au processus ou encore le dépaysement face à la machine bureaucratique, bien sûr, ceux-ci pourraient voir leurs droits fondamentaux lésés. Il en résulterait inévitablement une aberration par laquelle l'objectif premier de ce projet de loi, visant à garantir à tous ceux éligibles le droit de vote, ne serait atteint que partiellement.

C'est pourquoi le Congrès juif canadien recommande que soient pris en compte ces éléments et que le gouvernement développe des mécanismes susceptibles d'éviter ce genre de problème. Il serait loisible, par exemple, que le Directeur général des élections publie un pamphlet dans plusieurs langues, tel que c'est le cas lors des élections en général, expliquant les modalités d'inscription à la liste électorale permanente. De plus, à travers les organismes communautaires desservant ces populations visées, le gouvernement du Québec devrait avoir la possibilité de renseigner les membres des communautés culturelles défavorisées par la structure administrative prévue au projet de loi 40.

Dans la même veine, le Directeur général des élections devrait s'assurer que les personnes dont les noms sont à consonance étrangère ne fassent pas l'objet d'une mise en doute additionnelle de leur qualité d'électeurs dans le cas où leurs noms ne paraissent pas à la liste électorale permanente suivant les articles 2 et suivants du projet de loi 40.

Le Congrès juif canadien, région du Québec, joint sa voix à celle du Protecteur du citoyen qui recommande que le Directeur général des élections devrait dès maintenant préciser les pratiques qu'il entend adopter à ce sujet.

Mme Ohayon (Maryse): Le Congrès juif canadien du Québec oeuvre depuis 75 ans à la protection des droits de la personne. Depuis leur adoption, les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés de la personne ont codifié, à travers un cadre législatif, les valeurs et fondements de notre société. À cet effet, nous pensons que tout citoyen, tout groupe a le devoir de s'intéresser et de participer au processus démocratique, tel que garanti par les institutions parlementaires évoluant au sein de la société québécoise.

Nous pensons que notre participation aux consultations relatives à la réforme électorale se veut surtout et avant tout constructive. Les commentaires formulés dans le cadre de ce mémoire s'inscrivent dans le cadre des traditions de participation et de contribution à l'épanouissement de notre société qu'ont développées les membres de la communauté juive du Québec au cours de leur histoire. Le projet de loi 40 a le mérite de se pencher sur une réforme certes nécessaire au meilleur fonctionnement du processus électoral. Le Congrès partage l'objectif du gouvernement visant à garantir aux électeurs québécois le fonctionnement juste et équitable de notre système électoral.

L'objet de ce mémoire consistait à soulever certaines des difficultés auxquelles pourraient se buter les autorités compétentes dans l'application de la loi. En ce sens, notre devoir en tant qu'organisme responsable consiste donc à assister le gouvernement dans la recherche d'un cadre de fonctionnement permettant à tous les citoyens du Québec de se prévaloir de leur droit de vote, afin de garantir la viabilité et l'efficacité de nos institutions. C'est ce que nous espérons avoir fait dans le cadre de notre démarche, et merci encore.

Le Président (M. Simard): Mme Ohayon, M. Sultan, merci de nous avoir fait lecture de ce mémoire que nous venions tout juste de recevoir. Maintenant, selon nos modes de procédure, nous allons commenter et poser un certain nombre de questions sur le contenu de ce mémoire ou toute question afférente.

Alors, j'invite, en premier, le ministre à prendre la parole.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, vous me permettrez de remercier le Congrès juif canadien, section Québec. D'abord, vous êtes le seul – le seul, je dis bien – groupe à nous avoir écrit pour nous demander d'être entendu. Je tiens à vous en féliciter. C'est d'ailleurs ce que je disais à M. Sirros et à M. Ciaccia, la semaine dernière: C'est vraiment le seul groupe qui nous l'a demandé. Et j'étais mal à l'aise de ne pas vous permettre d'être entendu, parce qu'on avait des discussions de groupe, et c'est avec assez de spontanéité qu'on a accepté de vous entendre parce que, précisément, vous l'aviez manifestée, votre volonté, par écrit. Et je tiens à vous en féliciter.

Au départ, je vous dirai, par exemple, qu'il y a des erreurs de chiffres, de données. Je ne sais pas où vous avez pu prendre ça, parce que vos 4 000 000, là, ou vos 3 000 000... Parce que j'ai le document officiel de la RAMQ, et c'est 7 204 003, tous les citoyens québécois qui ont une carte. Et je pourrai vous donner la référence: c'est tableau 1, page 29 du rapport officiel 1993 de statistiques annuelles de l'assurance-maladie du Québec. Donc, c'est possible qu'on vous ait donné, peut-être, une portion de clientèle quelconque.

Mais, dans votre mémoire, vous affirmez une chose que... Par rapport au nombre de cartes en circulation, la RAMQ est supposée avoir les noms de tous les Québécois, y compris les immigrants reçus mais n'ayant pas la citoyenneté canadienne. Ça figure dans leurs listes. Et, donc, c'est pour ça que c'est impossible, le chiffre que vous donnez. Je suppose que là où vous avez pris l'information, c'était peut-être une clientèle qu'on voulait vous donner. Peut-être que c'est les personnes en haut de 18 ans qu'on voulait souligner. Je ne sais pas, mais ça ne cadre vraiment pas avec les données officielles que nous avons, les statistiques de la RAMQ.

C'est vrai qu'il y en a probablement, même, trop dans ça, parce que, vous savez, selon l'opération qu'on a entreprise il y a quelques années, deux ou trois ans, il y a même plus de cartes que de citoyens, probablement. Donc, vous vous rappellerez qu'avec la révision, par la photo, on est en train de découvrir qu'il y a des dizaines de milliers d'individus qui ont probablement des cartes illégalement à la RAMQ. Ça, ça a été démontré par l'opération qui avait été commencée, je pense, avec M. Marc-Yvan Côté, à l'époque de la révision de la RAMQ. Donc, ce n'est pas un reproche que je vous fais, mais ça ne cadre pas du tout avec les statistiques officielles, et je tenais à vous le signaler au départ parce que je sais que vous êtes rigoureux dans votre critique, donc vous permettrez au ministre d'exiger la même rigueur au moment où il s'exprime devant vous.

J'ai lu votre mémoire. C'est la première fois que je le lis, malheureusement. J'aurais aimé l'avoir avant pour pouvoir le commenter de façon plus officielle et plus correcte, mais je voudrais commenter certains paragraphes qui méritent de l'être.

À la page 3, vous affirmez que l'article 22 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne stipule que «toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d'une élection et a droit d'y voter». Si c'est aussi explicite dans la Charte des droits que le droit est attaché à l'individu qui a les qualités requises de voteur, la première question, c'est: Est-ce que vous reconnaissez, à ce moment-là, que l'État, que le gouvernement a donc le devoir de faire respecter ce droit, mais à ces seules personnes qui ont cette qualité de voteur?

M. Sultan (David): D'abord, M. le ministre, merci d'avoir accepté de nous entendre. Je crois que c'était important pour nous et pour l'institution en tant que telle. Je retiens votre chiffre auquel je n'ai pas de réponse, puisque je n'ai pas devant moi les éléments qui me permettent de revoir le tout.

Cependant, pour répondre à votre question directement, c'est évident que nous ne prônons pas un droit de vote aux personnes qui ne sont pas éligibles. Nous l'avons dit et nous le répétons, le gouvernement doit garantir, à travers sa loi, un droit de vote pour les personnes, et seulement pour les personnes qui sont éligibles. C'est évident, et je crois que ça ne devrait même pas faire l'objet de discussion.

M. Chevrette: Vous avez suivi, au cours des dernières années, je le sais, comme communauté, parce que j'ai rencontré des vôtres, même dans le temps qu'on était dans l'opposition... Il y a eu un genre de pèlerinage annuel qui se faisait auprès des deux partis, un échange...

M. Sultan (David): Un pèlerinage agréable, M. le ministre, je l'espère, des deux côtés.

(14 h 50)

M. Chevrette: Sans doute. C'est agréable, effectivement, parce que, cette journée-là, on ne sent pas, dans certains cas, qu'on n'est pas du même groupe sanguin, mais on réussit à parler. Quand je dis «même groupe sanguin», je dis bien les règles politiques, électoralement parlant. On sent qu'on fait partie d'une même grande famille.

Mais, à la page 4 de votre mémoire, vous dites ceci: Bien que nous appuyions l'esprit dans lequel s'inscrit le projet de loi 40, à savoir de donner aux électeurs, et aux seuls électeurs qui en ont la qualité, le droit de vote, vous dites que le projet de loi présenté le 6 décembre dernier «comporte cependant certains éléments qui pourraient tendre à ne pas constituer la meilleure façon d'assurer l'objectif recherché, soit l'amélioration de l'exercice de la démocratie».

Vous avez vécu les événements des dernières élections, vous avez pu assister à ce qui s'est passé à Montréal lors des élections scolaires, vous savez ce qui se passe dans certaines élections municipales. Et, de plus en plus, les citoyens, en tout cas, nous disaient – et ça, à très grande majorité, 70 %, 75 % – qu'ils étaient tannés des recensements futiles, inutiles et successifs, répétitifs, qui pourraient constituer, même, pour certaines clientèles auxquelles vous faites allusion, un type de harcèlement.

On rentre dans une ère moderne au niveau électronique, au niveau informatique. Comment pouvez-vous m'expliquer qu'on puisse s'inscrire à l'encontre de ce mouvement d'ère moderne, de la voie de l'informatisation, par exemple, de la voie électronique, pour qu'on puisse faire bénéficier à des individus la possibilité de s'inscrire, d'avoir la qualité d'électeur fondamentale, puis de ne pas être harcelés? Comment pourriez-vous concilier vos propos de la page 4 avec ce désir de la population de voir progresser le système, de voir suivre l'évolution normale des choses et de s'inscrire dans une ère moderne de contrôle sans harcèlement, mais de respect des droits en même temps?

M. Sultan (David): Comme vous le dites, M. Chevrette, c'est vrai que c'est dommage que vous n'ayez pas reçu le texte avant, parce que ce n'est pas ce que dit le texte. Le texte dit que nous appuyons l'esprit dans lequel s'inscrit le projet de loi 40, que nous appuyons l'informatisation d'une liste d'électeurs, mais que nous croyons que le projet de loi 40, tel que présenté, comporte certains éléments – et, en fait, je crois qu'on est en commission parlementaire pour discuter de certains de ces éléments-là – qui pourraient tendre à ne pas favoriser ou bien à ne pas assurer une égalité du système envers tous, et particulièrement – nous le soulignons un petit peu plus loin dans le texte – envers certaines classes de citoyens canadiens et québécois qui, à travers le processus établi par le projet de loi, pourraient être lésés dans leurs droits.

Cela étant dit – et je crois que le texte le dit, et peut-être le dit mal – il reste tout de même que l'esprit dans lequel s'inscrit ce projet de loi et puis l'initiative du gouvernement de réformer le processus électoral est un objectif que partage le Congrès juif canadien avec le gouvernement du Québec. Nous croyons – vous avez tout à fait raison – que c'est important de suivre l'ère informatique et qu'il est important d'essayer d'assurer à tout citoyen les meilleurs droits. Mais, pour cela, il faut qu'un projet de loi, tel que présenté, soit égalitaire envers tous. Et il est évident qu'un projet de loi est un projet de loi tant qu'il n'est pas une loi, et, donc, on peut toujours le commenter tant qu'il n'est pas encore une loi. Et notre objectif, à nous, c'est de le rendre plus performant, plus efficace et plus équitable envers tous les citoyens du Québec.

M. Chevrette: Mais, je vais vous donner un exemple d'une allégation que vous faites de l'ancien texte de la loi par rapport au nouveau texte de la loi. Dans l'ancien texte de loi, à l'article 181, il est dit, par exemple, ceci:

«Celui qui constate que son nom ne se trouve pas sur la liste électorale de la section de vote où est situé son domicile le jour de la prise du décret alors qu'il a la qualité d'électeur, peut se présenter à un bureau de dépôt pour faire une demande d'inscription.

«Celui qui constate que son nom est inscrit sur une liste électorale alors qu'il n'en a pas le droit doit se présenter à un bureau de dépôt peut faire une demande de radiation.»

Si vous lisez la loi 40, contrairement à ce que vous affirmez, c'est une amélioration qu'on met dans la loi à l'article 200, je crois: «Celui qui constate qu'il est inscrit sur la liste électorale d'une section de vote alors qu'il n'en a pas le droit doit se présenter devant la commission de révision à laquelle est rattachée sa section de vote pour faire une demande de radiation.»

C'est une amélioration, ça, c'est clair. L'électeur qui ne désire pas être inscrit sur la liste présente une demande de radiation à la commission de révision. Exactement dans le sens de ceux qui nous ont dit: Si on ne veut pas voter, si on ne veut pas figurer, on en avise le Directeur général des élections. Puis, tant et aussi longtemps qu'il ne voudra pas être inscrit, il ne l'est jamais. Pour un cas de religion, par exemple, il y en a qui ne désirent pas se faire inscrire. Il ne le sera plus jamais, sauf à sa demande personnelle, s'il veut l'être. C'est une amélioration, cela.

M. Sultan (David): La différence...

M. Chevrette: Je me demande si tous les discours qui se font ne pourraient pas être contrés par rapport à l'étude réelle, article par article, puis corriger, au besoin, si ça ne donne pas l'esprit qu'on veut donner, plutôt que de se tirer en l'air tout le monde et d'essayer de charrier des faussetés, même, au niveau du discours. Il y en a eu beaucoup. Vous n'avez pas constaté ça, vous?

M. Sultan (David): Vous parlez de notre mémoire?

M. Chevrette: Non. Même dans votre mémoire, vous laissez sous-entendre que le fait, par exemple, que les deux partis politiques pouvaient inscrire des gens sur les listes, c'était une bonne chose. Je suis loin d'être sûr de ça, moi, sur le plan du respect des individus. Parce qu'un parti politique – je vais vous en donner un exemple – qui veut voir le plus de monde inscrit sur la liste, il en inscrit à la tonne. L'autre a l'odieux de les faire radier s'il n'est pas sûr. Alors que les moyens modernes peuvent faire en sorte que c'est une infime, infime minorité qui n'y serait pas. Et, là, les partis politiques joueront un rôle auprès de cette infime minorité, s'ils le veulent bien.

Mais, vous ne pensez pas... Parce qu'on m'a fait accroire, moi, dans des discours en Chambre, j'ai entendu des députés dire, et de façon très contradictoire dans la même formation politique, des gens dire qu'on harcelait l'électeur, qu'on faisait, en même temps, des recensements scolaire, municipal, provincial et même fédéral, dans une même période, puis dire, dans un autre temps, qu'ils ne veulent pas de liste informatisée et qu'ils ne veulent pas traumatiser, d'autre part, les néo-Canadiens, comme vous les appelez. Alors, y a-t-il moyen de me clarifier ça, qu'est-ce que vous voulez au juste?

M. Sultan (David): Bien sûr. Encore une fois, je répète, nous ne sommes pas contre le progrès, nous ne sommes pas contre une liste informatisée. Nous croyons cependant que ce progrès doit suivre également des mesures d'équité pour toute la population québécoise. Et, à cet effet, nous avons retracé certains éléments, dans le projet de loi 40, qui ne tendraient pas, peut-être, à atteindre cet objectif que vous recherchez et avec lequel nous sommes tout à fait d'accord.

Par exemple, lorsque, dans le projet de loi 40, il est prévu que, si la personne fait défaut de s'inscrire, en fait, si la personne... Attendez, voilà, l'article 40.5: «Il appartient à l'électeur de communiquer au Directeur général des élections tout changement aux renseignements apparaissant sur la liste électorale permanente et qui le concernent.» Je comprends que la liste électorale permanente doit être maintenue à jour, mais, d'autre part, on crée une obligation auprès de l'électeur, qui n'existait pas avant. Je vous rappelle, et vous le souligniez un petit peu plus tôt, que le vote est un droit et non pas une obligation.

M. Chevrette: Oui, mais, ici, je vous arrête, monsieur...

M. Sultan (David): Sultan.

M. Chevrette: Parce qu'on crée une obligation, on crée une obligation morale. Il n'y a aucune sanction pénale. Et, de toute façon, on prend les moyens pour l'ajuster, pour ne pas le pénaliser, parce que ça peut être par ignorance, comme vous dites. Mais, ce qui est là, c'est que, si on réussit à informer la population, on dit: Si tu changes de quartier, si tu changes de comté, avertis. Si tu ne le fais pas, on va avoir d'autres moyens pour aller rechercher ton adresse, pour ne pas te pénaliser. Mais, s'il oubliait de le faire, il n'y a pas de sanction pénale. C'est d'essayer d'éduquer le citoyen pour qu'il le fasse, pour alléger davantage la procédure.

Qu'est-ce qu'il y a de mal dans 40.5? Expliquez-moi ça.

M. Sultan (David): Ce n'est pas mal, mais on crée tout de même, on codifie une obligation.

M. Chevrette: Pardon?

M. Sultan (David): On codifie...

M. Chevrette: Il y a certains pays, monsieur...

M. Sultan (David): ...on légifère sur une obligation qui n'existait pas avant et qui ne devrait pas exister, par exemple le vote...

M. Chevrette: M. Sultan...

M. Sultan (David): ...qui n'est pas une obligation mais qui est un droit.

M. Chevrette: Il y a certains pays qui obligent les gens à voter.

M. Sultan (David): Oui.

M. Chevrette: Ici, on ne les oblige même pas sous forme pénale, sous menace de pénalité à s'incrire, à part ça. Ils ont la liberté de s'enlever, pour tout le temps s'ils le veulent. Mais, ce n'est pas correct, ça, qu'un gouvernement ou un État puisse dire aux citoyens: Tu as un droit, on considère que tu as un devoir; si tu ne le fais pas, tu n'as même pas de pénalité? Vous ne pensez pas que c'est un minimum quand on se compare, sur le plan démocratique, à certains États?

(15 heures)

Mme Ohayon (Maryse): M. Chevrette, je ne sais pas pourquoi, mais on dirait que vous nous prenez pour des opposants à votre projet de réforme. Je voudrais vous redire une autre fois qu'on est tout à fait pour, nous. Moi, je trouve que, véritablement, ce document est juste un document d'appoint qui, si on le prend véritablement au pied de la lettre, apporte vraiment juste des changements vraiment mineurs. On voudrait juste faire en sorte que le système soit juste plus performant et non pas moins performant ou différent. Au contraire, je pense que la première des choses que nous avons dite, c'est que nous soutenons cette initiative et que nous voulons juste la rendre encore, s'il y a moyen, plus loin dans son objectif, pas moins, au contraire, plus.

M. Chevrette: Pour la rendre meilleure. C'est ça que j'essaie de vous faire dire.

Mme Ohayon (Maryse): Bien, c'est ça qu'on veut, nous autres.

M. Chevrette: Bon. À 40.5, pour la rendre meilleure, je comprends que, vous autres, là, vous ne vous objectez pas et vous ne prendriez pas les moyens pour retarder l'adoption du projet de loi.

Mme Ohayon (Maryse): Bien sûrement pas.

M. Chevrette: J'ai bien compris ça. Je vous remercie, d'ailleurs.

Mme Ohayon (Maryse): Au contraire, on est là, justement pour faire que ça aille mieux, et on est même prêt à dire que notre modeste contribution, parce qu'elle est modeste, c'est évident...

M. Chevrette: Et je trouve cela une façon intelligente de travailler, madame.

Mme Ohayon (Maryse): Bien...

M. Chevrette: Je vous en félicite.

Mme Ohayon (Maryse): ...c'est juste ce qu'on veut. Depuis tout à l'heure, j'ai l'impression que vous pensez...

M. Chevrette: Non. C'est parce que je veux vous faire dire, madame, je veux vous arracher ça de force...

Mme Ohayon (Maryse): Que?

M. Chevrette: ...je veux vous faire dire qu'à l'article, par exemple, 40.5...

Mme Ohayon (Maryse): Oui.

M. Chevrette: ...vous avez un bémol. C'est parce que je veux comprendre le bémol que vous voulez y mettre. Moi, je suis d'accord avec vous qu'il faut améliorer le projet de loi, je suis d'accord, et vous allez voir qu'on sera ouvert pour tout amendement constructif. Mais, dans le cas précis que vous avez soulevé comme peut-être un handicap au projet de loi, j'aimerais le comprendre. Parce qu'il n'y a pas, dans l'article 40.5, de sanction pénale; il y a une obligation morale de le faire, mais il n'y a aucune sanction pénale. Est-ce que vous êtes contre toute obligation morale pour un citoyen vis-à-vis du régime démocratique? C'est ça que je veux savoir, si vos principes vont jusque-là ou si c'est tout simplement pour la loi 40 qu'on a devant nous.

Mme Ohayon (Maryse): M. Chevrette, nous avons peut-être une connaissance un petit peu plus pratique de nos terrains de travail. Vous prenez pour acquis que les gens, en particulier ceux qui ont une expérience démocratique moins ancienne que la nôtre – puisque, nous, ça fait très longtemps qu'on est là – vont automatiquement s'inclure dans le développement, le processus de vote. C'est plus compliqué que ça, et on ne voudrait pas, justement, qu'il y ait comme des gens qui passeraient dans les mailles du système parce que le système, justement, n'a pas bien perçu la problématique. Demandez à des gens de prendre des décisions comme d'aller avertir. C'est un geste de volonté qu'on doit poser, à condition, encore, qu'on en soit conscient, à condition, encore, qu'on le sache qu'on doit le poser ce geste-là. Tous, ici, nous sommes parfaitement conscients de nos droits et de nos obligations, mais il y a tant de gens qui ne le savent même pas qu'ils ont ces droits et ces obligations-là.

Or, vous prenez pour acquis que, justement, il faudrait aller dire au président d'élection: J'ai changé d'adresse, et, là, bon bien, voici ma nouvelle adresse. Malheureusement, ça ne se fait pas aussi vite que ça et aussi facilement que ça. Ça devrait être une obligation, je suis d'accord avec vous, ça serait une obligation vis-à-vis de notre système démocratique, un des plus performants qui existe. Mais, c'est peut-être prendre pour acquise une connaissance, justement, de ce système-là qui n'est pas là.

M. Chevrette: Mais, pour profiter nettement de votre expertise, quelles seraient les suggestions que vous feriez, quels seraient les meilleurs moyens de communiquer avec certains néo-Québécois qui ne connaissent pas précisément... Il y a des efforts de faits, par exemple...

Mme Ohayon (Maryse): Oui...

M. Chevrette: ...la traduction...

Mme Ohayon (Maryse): ...parfaitement.

M. Chevrette: ...dans plusieurs langues...

Mme Ohayon (Maryse): Oui.

M. Chevrette: ...de pamphlets, d'informations, de...

Mme Ohayon (Maryse): Justement, on le...

M. Sultan (David): Mais... mais je...

Mme Ohayon (Maryse): ...on le souligne, là. Oui.

M. Sultan (David): Je crois qu'il faut également – et reconnaissant justement les efforts qui sont faits – continuer à aller dans ce sens-là et élargir peut-être cette information que l'on donnerait à ces communautés-là ou bien, pardon, à certains membres de ces communautés – parce qu'il ne faut pas généraliser, c'est important – dans la même veine que le Directeur général des élections publie un document lors des élections qui est produit, je crois, en 17 langues, si je ne me trompe pas...

M. Chevrette: Quelque chose du genre, oui.

M. Sultan (David): ...incluant le yiddish – et, d'ailleurs, c'est très bien.

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

M. Sultan (David): Je crois que ce projet de loi, quand il sera finalement passé, devrait également faire l'objet de ce genre de publicité. Et, je crois que le gouvernement ou le Directeur général des élections devrait également travailler avec les organismes communautaires qui, eux, sont en contact direct avec ces populations-là, pour faire passer cette information-là, pour les informer de leurs droits, de leurs obligations et pour leur permettre, justement, de participer de façon beaucoup plus efficace au système démocratique tel qu'on le connaît au Québec.

M. Chevrette: Tu veux y aller là-dessus?

M. Lefebvre: Bien, j'ai une question à poser. M. le Président, si vous me permettez, sans vouloir interrompre l'intervention de nos invités, je voudrais que M. le ministre nous précise ce qu'il a indiqué tout à l'heure, ce qu'il a mentionné tout à l'heure, à savoir qu'à l'article 40.5 introduit par l'article 16 du projet de loi... Est-ce que j'ai bien compris, M. le ministre, qu'il dit qu'il n'y aurait pas de sanction, qu'il n'y aurait pas de sanction comme telle...

M. Chevrette: Sanction pénale.

M. Lefebvre: ...mais que ça ne constituerait qu'une obligation morale?

M. Chevrette: Bien moi, c'est de même que je l'interprète.

M. Lefebvre: Je veux juste comprendre, M. le ministre, parce que, moi, je mets 40.5, M. le Président, et je comprends, de par la lecture du projet de loi, qu'à l'article 36.7 il y aurait une sanction au manquement de 40.5. Je veux juste qu'on m'éclaire.

M. Chevrette: Bien, en tout cas, moi, si c'est ça, ce n'est pas de même que je l'interprète...

M. Lefebvre: D'accord.

M. Chevrette: ...parce que qu'est-ce que vous voulez faire quand quelqu'un déménage, puis qu'il ne change pas... Il y en a par rapport au permis de conduire. Ça peut constituer une infraction, quand tu te... Mais, c'est la seule, je pense, au Québec par rapport aux erreurs de... En tout cas, moi, c'est de même que je le vois. Si vous le voyez comme une sanction pénale, moi, je le voyais comme une obligation morale.

Le Président (M. Simard): Alors, il y a eu réponse?

M. Chevrette: Si ce n'est pas ça que ça veut dire, il y aura un papillon qui va l'enlever. Je vous garantis que, moi, ce n'est pas pénal, parce que je le sais comment le citoyen peut être appelé à déménager; des milliers au mois de juillet en particulier.

M. Lefebvre: Ce que vous dites, c'est que, s'il y avait une confusion, vous allez le clarifier en temps et lieu?

M. Chevrette: Oui, mais, moi, j'interprétais que c'était une obligation morale. Ça, c'était clair. Donc, je l'ai toujours interprété de cette façon-là. Et, si ce n'est pas clair, on va le clarifier.

M. Sultan (David): Vous l'avez clarifié, je vous en remercie.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Simard): Avant de passer la parole à d'autres personnes, il y aurait peut-être...

M. Chevrette: Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Simard): Oui, il vous reste un peu de temps. Je voudrais simplement clarifier cette question de temps qu'on aurait dû clarifier au point de départ. J'en ai parlé au porte-parole de l'opposition. Puisqu'il n'y a pas d'autres groupes cet après-midi, nous acceptons, pendant une heure, d'interroger, de faire des commentaires. Donc, une demi-heure de chaque côté, en principe.

M. Chevrette: Non, mais ce que je veux dire, moi, c'est que, comme on a un seul groupe, là, on arrêtera aux 20 minutes, une demi-heure que chacun... Mais, si on a des questions additionnelles, je veux dire...

Le Président (M. Simard): On continuera sans problème.

M. Chevrette: ...on bénéficiera de leur passage pour clarifier les points qu'on voudra, s'ils n'ont pas d'objection.

M. Sultan (David): Je vous assure de notre totale collaboration. On est là jusqu'à 19 heures cet après-midi. Abusez de nous, ça nous fera plaisir.

Le Président (M. Simard): C'est sur le gril.

M. Chevrette: On n'abusera pas, mais on va user.

Le Président (M. Simard): Alors, j'inviterais maintenant le porte-parole de l'opposition à prendre la parole. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais, de ma part et au nom de l'opposition officielle, remercier le Congrès juif canadien, région du Québec, pour leur mémoire et pour leur désir de vraiment vouloir apporter une contribution à une loi que tous reconnaissent, incluant le Congrès juif canadien, comme étant une loi très importante pour la population du Québec, qui fait la pierre angulaire vraiment de notre système démocratique. Nous reconnaissons tous, non seulement la contribution de la communauté juive dans toutes les sphères de notre activité, mais aussi, je crois que nous reconnaissons, M. le Président, leur intérêt particulier à la protection des droits démocratiques. Et je crois que nous devons porter un intérêt particulier aux commentaires et aux suggestions que nous apporte le Congrès juif, tenant compte de toute l'expérience qu'ils ont et tenant compte de leur volonté. Comme les représentants ont eux-mêmes dit: On veut améliorer le projet de loi, on approche cette question d'une façon constructive. Et c'est dans ce sens que nous prenons les suggestions que vous faites.

(15 h 10)

Le ministre a mentionné certains articles, l'article 40.5, qu'il est prêt à modifier pour ne pas qu'il y ait de conséquences pénales ou de sanctions. Mais je voudrais revenir à une des suggestions que vous faites dans votre mémoire quand vous parlez du processus d'inscription à la liste électorale. Vous dites: «Au fil des années – à la page 4 – le législateur a développé plusieurs mécanismes garantissant la neutralité de notre système électoral.» Et vous parlez: «Ainsi, lorsque la période électorale approchait, les scrutateurs issus du parti au pouvoir et de celui de l'opposition inscrivaient les électeurs sur la liste.» Et vous continuez dans vos suggestions de vouloir préserver ce principe dans le nouveau projet de loi. Autrement dit, l'interprétation que je fais de vos recommandations, c'est que, comme vous l'avez dit vous-même, vous n'êtes pas contre l'amélioration, l'informatisation, la liste permanente, mais, si je comprends bien – et je voudrais que vous élaboriez – que vous considérez, je crois, importante la préparation de cette liste et la présence non seulement du gouvernement, mais des membres de l'opposition.

Est-ce que vous pourriez élaborer sur cette suggestion? Pourquoi vous la considérez importante? Et est-ce que vous voudriez que ce principe soit, comme vous le dites, préservé dans le projet de loi? Est-ce que vous voyez une contradiction entre une liste permanente et la façon dont cette liste est préparée présentement?

M. Sultan (David): Je n'apprendrai rien aux politiciennes et aux politiciens qui sont ici en disant que, quelquefois, les perceptions sont tout aussi importantes que les réalités. Et, quand nous disons dans notre mémoire que le législateur a développé depuis plusieurs années des mécanismes garantissant la neutralité de notre système électoral, j'aurais pu également dire: garantissant la perception de neutralité de notre système électoral. Et je crois qu'il est également important de se pencher là-dessus, parce que, quelquefois, les perceptions deviennent des réalités pour les gens qui sont là, et je crois justement que ce système qui fonctionnait avant...

Et ce que je dis, ce n'est pas de maintenir le système tel qu'il était, mais de prendre des éléments de l'ancien système qui étaient des éléments valables et intéressants pour justement les greffer au nouveau système tel que proposé ici, cette apparence de neutralité puis cette perception de neutralité qui existaient. Et je crois que ça garantissait, en fait, une certaine neutralité en tant que telle, le fait que l'opposition et que le gouvernement participent au processus d'élaboration des liste. Je crois que rien n'empêche, dans le cadre de cette loi – bien sûr, elle devrait être amendée – de garder ce principe qui était respecté par le passé et qui avait son importance pour le public et pour les citoyens du Québec.

Certes, nous recommandons et nous croyons que c'est un principe fort important que soit ajouté à ce projet de loi, justement, le fait que les partis politiques, qu'ils soient de l'opposition ou du gouvernement, participent à l'élaboration de cette liste en compagnie du Directeur général des élections. Je crois que c'est fort important, parce que c'est une réalité de neutralité que les gens autour percevront de façon importante et puis c'est un principe en tant que tel qui bâtit, si vous voulez, notre démocratie en tant que telle.

M. Ciaccia: Merci. Vous parliez, sur un autre ordre d'idées, de certains documents qui sont nécessaires, qui sont déterminés par le Directeur général des élections dans la confection de la liste, dans l'obtention des informations. Est-ce que vous pourriez nous expliquer les dangers possibles ou pourquoi vous faites cette suggestion-là? Pourquoi est-il important que l'on spécifie dans la loi les documents qui seront requis?

Parce que présentement, comme vous l'avez souligné, le Directeur général peut demander des documents sans aller dans les détails de ce que sont ces documents. Pourquoi est-il important de spécifier, spécifiquement, le contenu des documents qui seront demandés par le Directeur général des élections?

Mme Ohayon (Maryse): Par simple souci de transparence, d'équité, d'égalité et également d'efficacité. Parce que, si déjà au départ les documents qui seront des documents d'identification sont expliqués à l'avance, ils seront les mêmes pour tout le monde. Ce qui veut dire donc que, au départ, il ne sera pas question pour quelqu'un d'avoir comme pièce d'identité ou comme pièce justificative un permis de conduire et une carte d'assurance-maladie ou une carte de citoyenneté et un passeport, etc. Il serait peut-être adéquat, au départ, de fixer quels seront les documents officiels qui seront donc des documents de vérification d'identité et qui seront requis par le responsable. Et donc, quand les réponses reviendront, elles seront les mêmes pour tout le monde. Ce sera beaucoup plus facile, au moment de la vérification, que ce soient toujours les mêmes documents plutôt que des documents qui soient différents d'une demande à une autre demande. C'est juste un simple barème de vérification qui serait égal pour tout le monde.

M. Sultan (David): Je dois peut-être ajouter que notre souci principal là-dedans, c'est l'uniformité du système. On ne veut pas que certains soient traités différemment des autres pour quelque raison que ce soit. Il pourrait apparaître et il pourrait arriver – tout peut arriver, en fait – qu'une personne soit interpellée parce que son nom n'apparaît pas sur la liste et qu'on lui demande de fournir des documents différents d'une autre personne parce qu'on a jugé que l'autre personne avait un préjugé en sa faveur qui ne nécessitait pas, par exemple, un passeport canadien ou autre chose. Alors, donc, c'est important, encore une fois, d'uniformiser ce système et de s'assurer que les documents demandés par le Directeur général des élections soient les mêmes pour tous les Québécois.

M. Ciaccia: Merci. Ça peut éviter l'arbitraire ou ça pourrait éviter des situations où une personne ne le sait d'avance. Alors, tout le monde également, à travers la population, serait...

M. Sultan (David): C'est exactement le sens, c'est tout à fait le sens de l'intervention, et nous croyons d'ailleurs que non seulement il faudrait que le Directeur général des élections dise quels sont les documents, mais ça devrait être intégré dans ce projet de loi pour que, une fois pour toutes, tout le monde le sache.

M. Ciaccia: M. le Président, une autre question, si vous le permettez.

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Vous parlez de la nécessité pour le Directeur général des élections de publier un document en plusieurs langues expliquant les modalités d'inscription des individus sur la liste électorale et vous précisez, à la page 10 de votre mémoire, vous dites: «Dans la même veine, le Directeur général des élections devrait s'assurer que les personnes dont les noms sont à consonance étrangère ne fassent pas l'objet d'une mise en doute additionnelle de leur qualité d'électeurs dans le cas où leurs noms n'apparaissent pas à la liste électorale permanente suivant les articles 2 et suivants du projet de loi. Le Congrès juif canadien, région du Québec, joint sa voix à celle du Protecteur du citoyen qui recommande que le Directeur général des élections devrait dès maintenant préciser les pratiques qu'il entend adopter à ce sujet.»

Est-ce que vous pourriez expliquer un peu certains dangers non seulement pour les groupes minoritaires, par exemple, mais aussi pour certains groupes défavorisés, les personnes âgées. Quels seront les dangers possibles et qu'est-ce que vous recommandez au Directeur général? Parce que, comme vous l'avez mentionné tantôt, des fois, ce n'est pas seulement la loi mais c'est aussi la perception. Alors, qu'est-ce qu'on devrait faire pour garantir que tous les citoyens seront traités d'une façon équitable, égale et qu'ils auront tous l'opportunité, sans harcèlement, sans contrainte indue, d'être sur la liste électorale?

M. Sultan (David): Un premier élément de la réponse se retrouve dans la réponse de la deuxième question, par exemple, où l'on parlait d'une uniformisation des documents demandés. Certains seraient tentés d'utiliser ou bien de présumer, si vous voulez, à travers l'appellation du nom de la personne, de sa citoyenneté ou bien de son éligibilité à voter, en partant. Et, parce qu'une autre personne, qui est peut-être là depuis également vingt ans, aurait un nom à consonance différente, on serait peut-être également tenté de demander d'autres documents. Alors, d'abord et avant tout, c'est l'un des dangers et c'est pour cela qu'on parlait d'une uniformisation des documents demandés à tous les Québécois.

Il est évident qu'il existe également d'autres dangers potentiels. Quand je parle de dangers – mettons un petit peu d'eau dans notre vin, je crois justement qu'il faut présumer de la bonne foi de tous, et, dans ce sens, le projet de loi est tout à fait dans ce sens-là – je crois qu'il est important que le nom de la personne ou bien que la consonance de ce nom, beaucoup plus que le nom, ne fasse pas l'objet d'un doute additionnel parce que la personne vient de l'extérieur ou bien parce qu'elle a un nom qui diffère des autres. Voilà. Tu as quelque chose à ajouter?

(15 h 20)

Mme Ohayon (Maryse): Oui. C'est encore juste un autre souci de transparence. Plus les règles du jeu seront définies d'avance, plus il sera facile pour tout le monde de s'y conformer et d'avoir un même traitement, quel que soit le nom de base ou quelle que soit la perception que la personne qui reçoit ce dossier puisse avoir. En ayant des balises précises, nous pensons qu'il sera plus facile, non seulement pour les personnes, les futurs électeurs, d'y participer, mais également pour ceux qui auront à devoir décoder les réponses, de pouvoir les décoder d'une façon beaucoup plus efficace et beaucoup plus facile.

M. Ciaccia: La préparation de la liste en présence...

M. Sultan (David): Oui, c'est ça. C'est ce que j'allais ajouter, oui.

M. Ciaccia: Continuez.

M. Sultan (David): On pourrait, également, dans la préparation de la liste, se buter à certains problèmes de ce genre, lorsque, par exemple, on reconnaît des noms qui sont peut-être différents des autres. Et, pour nous, c'est important que le traitement soit égal, quel que soit le nom, quel que soit l'appellation du nom. Il est important que le projet de loi s'en assure et que le directeur général le dise à l'avance de quelle façon il va s'y prendre pour, justement, s'assurer que les renseignements contenus à la liste électorale soient traités tous de façon égale, par exemple, et que tout le monde bénéficie de ce même traitement dans l'élaboration de cette liste électorale permanente.

M. Ciaccia: Mais, dans l'élaboration de la liste, la présence d'un représentant du gouvernement et de l'opposition...

M. Sultan (David): Alors, c'est...

M. Ciaccia: ...sûrement, doit aider dans ce sens.

M. Sultan (David): ...pour ça que l'on disait en partant que, dans un souci de transparence, il était important que les deux paliers, si je peux m'exprimer, le gouvernement et l'opposition, participent à l'élaboration de cette liste et apportent – un mot bien français – leur feedback justement pour s'assurer de cette neutralité, de cette transparence du système.

M. Ciaccia: Merci beaucoup, M. le président.

Le Président (M. Simard): D'autres questions? On va fonctionner par alternance, si vous le permettez. Le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui. Bien, j'aimerais, à mon tour, vous remercier d'être venus nous livrer vos commentaires. Si vous le permettez, nous en aurions, nous aussi, à formuler, dans le sens d'obtenir vos vues sur des questions qui reviennent assez souvent concernant ce projet de loi.

J'attire votre attention, particulièrement, sur des affirmations que vous faites, en bas de la page 9 et en haut de la page 10, et, pour les fins de l'enregistrement, je les lis. Dernière phrase au bas de la page 9, vous dites: «Tenant compte du fait que certains immigrants ne soient pas au fait des procédures relatives à l'inscription sur la liste électorale permanente pour des raisons telles que la méconnaissance du système électoral tel que pratiqué au Canada, l'apprentissage de la langue, l'absence d'intérêt pour un processus électoral qui leur est étranger, le manque d'informations relatives au processus ou encore le dépaysement face à la machine bureaucratique, ceux-ci pourraient voir leurs droits fondamentaux lésés. Il en résulterait, inévitablement, une aberration par laquelle l'objectif premier de ce projet de loi visant à garantir à tous ceux éligibles le droit de vote ne serait atteint que partiellement.»

Ce genre de commentaire, on l'a entendu à plusieurs reprises. Il revient régulièrement et on a même entendu des membres de l'opposition l'invoquer. Ça m'entraîne à vous formuler le commentaire suivant. D'abord, quand on... Et je ne vous accuse pas principalement de vouloir nous induire en erreur, mais je m'adresse à tous ceux qui invoquent ce genre d'argument. Ce qui est sous-jacent, ici, c'est que le gouvernement canadien distribue la citoyenneté canadienne un peu à n'importe qui, un peu comme on vend des cartes, des passes d'autobus aux gens. Or, vous savez très bien, aussi bien que moi, qu'avant qu'une personne reçoive la citoyenneté canadienne il ne s'agit pas simplement de remplir des papiers; il y a des procédures selon lesquelles les gens sont interrogés pour voir jusqu'à quel point ils s'identifient au Canada. On peut donc présumer que, dans ce processus, les gens qui font appel à la citoyenneté canadienne sont quand même modestement au courant du régime qu'on a au Canada et de la façon dont ça fonctionne.

Les points particuliers que vous relevez concernant le processus d'inscription, et ainsi de suite, peuvent aussi bien s'appliquer à d'autres Québécois d'origine qui ne sont pas récemment reçus comme immigrants. Alors, moi, la question que j'ai, suite... Et l'autre commentaire que je voudrais faire, c'est qu'en Belgique la loi électorale est beaucoup plus restrictive que ce que l'on cherche à introduire ici. Non seulement il y a une obligation de voter, sous peine de sanction, mais il y a également une obligation de s'inscrire. À ma connaissance, il n'y a jamais personne qui a dit que la Belgique contrevenait au pacte des droits humains ou bafouait les droits des immigrants ou des minorités en ayant une loi beaucoup plus exigeante que la nôtre parce qu'elle implique également des mécanismes de contrôle.

Alors, de deux choses l'une, et la question que je vous pose: Est-ce que, à votre avis, il serait nécessaire que le processus d'accession à la citoyenneté canadienne soit davantage étoffé pour que les gens qui reçoivent la citoyenneté soient davantage au courant du système politique qui existe ici, de leurs droits ainsi que de leurs obligations, ce qui répondrait en partie aux craintes que vous exprimez ici, d'une part, ou, d'autre part, croyez-vous que, en procédant avec un projet de loi comme celui qu'on avance et qui va en-deçà des obligations de la Belgique, on contrevienne à certaines préoccupations fondamentales qu'on partage au niveau du respect des droits humains et du droit de vote de tous ceux qui ont la citoyenneté canadienne?

M. Sultan (David): On s'empresse tous les deux de répondre, voyez-vous.

Mme Ohayon (Maryse): Non. C'est parce que je retrouve l'attitude qu'avait M. Chevrette tout à l'heure. Encore une autre fois, nous, on trouve ça très bien, le projet de loi. La seule chose que nous essayons de...

M. Chevrette: Parce qu'on veut vous le faire dire. Il y en a qui ne nous croient pas qu'il est bon. Il y en a qui niaisent sur le projet depuis le début. Que vous soyez appelés à le dire, c'est le fun.

Mme Ohayon (Maryse): Évidemment qu'on peut tout améliorer et, surtout, qu'on essaie de mettre le doigt sur certaines failles qui pourraient se glisser et qui pourraient juste affaiblir le projet. Alors, encore une autre fois, vous prenez pour acquis que les gens qui sont ici, et qui arrivent, et qui sont des immigrants, et qui deviennent des citoyens québécois sont automatiquement des gens qui ont une parfaite connaissance. Je disais tout à l'heure à David que ça fait 35 ans que je suis ici et que je suis encore ébahie devant le système que nous avons. Chaque fois qu'on revient ici, on dit: Merci, mon Dieu!

Donc, on n'est pas contre les principes. On veut juste les rendre encore plus adéquats, plus justes, plus égalitaires pour tout le monde. L'affaire, monsieur, ce n'est pas que les gens ne veulent pas participer ou qu'ils ne veulent pas s'inscrire, c'est qu'ils ne le savent même pas, en plus de ça, qu'il faut s'inscrire. Ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a des organismes qui existent, qui sont des organismes communautaires auxquels vous pouvez faire appel, qui vont être très heureux de collaborer avec le gouvernement et qui vont vous rendre la tâche juste plus facile. C'est pas un contre, au contraire, c'est un pour.

Maintenant, si vous voulez faire en sorte que les examens de passage pour accéder à la citoyenneté canadienne soient plus étoffés dans le genre, ça, je pense que ça ferait partie d'une autre commission. Je ne pense pas que ça soit la commission dont il est question actuellement.

M. Sultan (David): Si vous le permettez, en fin politicien que je ne suis pas, je me permettrai de répondre à ça.

Le Président (M. Simard): Je ne suis pas certain de ça.

M. Sultan (David): Je me permettrai de répondre un petit peu plus directement à M. Beaulne. D'abord, M. Beaulne, je crois que l'exemple de la Belgique n'a rien à voir, en fait, avec l'exemple du Québec. Ce sont deux systèmes démocratiques, c'est vrai, mais ce sont deux systèmes démocratiques fort différents. On ne peut pas, je crois en tout cas, prendre l'exemple d'un autre pays pour justifier ce qui se fait chez nous. Je crois que la France et le Québec, par exemple, sont également deux exemples très différents, qui ont des bases différentes. La Charte québécoise des droits de la personne parle d'un droit de vote. Il se peut que la charte des droits de la personne de Belgique, si elle existe, parle des droits et des obligations. Donc, on doit se placer dans un cadre législatif qui est le nôtre, le cadre législatif du Québec, et, dans ce sens, le cadre législatif ne parle pas d'une obligation de voter ni d'une obligation de s'inscrire, mais d'un droit de vote. Alors, je crois qu'il y a toute une différence à ce niveau-là.

(15 h 30)

Si vous le permettez, je poursuis dans ma lancée pour répondre à la première question que vous posiez concernant la citoyenneté. Je crois que, malgré tous les efforts qu'on peut faire et malgré tous les efforts que font les autorités afin d'aider le citoyen à devenir un meilleur citoyen quand il arrive au Québec ou au Canada, le système est fort complexe. Particulièrement si on vient de pays fort différents dont le système est fort différent, ça prend un certain temps, et je crois même beaucoup de temps, avant de pouvoir jouer avec les éléments et de pouvoir comprendre tout le système en tant que tel.

Les gens, quand ils arrivent au Québec... Vous voulez que j'arrête? Pardon. Les gens, quand ils arrivent au Québec, parlent peut-être français, et je crois que c'est important, mais ne maîtrisent pas complètement la langue en tant que telle. Et je crois que le processus d'immigration est déjà un processus fort compliqué. C'est un processus dépaysant – «dépaysant» en un mot, n'est-ce pas? Et leur demander de connaître le système de fond en comble en partant et puis d'arriver à se débrouiller dans un système bureaucratique ou bien dans un processus administratif assez difficile et assez rigoureux, je crois que c'est beaucoup demander à un nouvel arrivant ou à un néo-Canadien, en fait.

Le Président (M. Simard): Merci. Je vais écouter maintenant le député de Rivière-du-Loup. Juste pour ordonner nos débats, les 10 prochaines minutes devraient être utilisées par l'opposition, de façon à ce que, si nous demandons une prolongation, ce sera à partir d'une situation d'égalité du temps. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. D'abord, je vous remercie pour votre participation. Je dois dire que, sur vos derniers commentaires, je suis assez d'accord avec vous. Et, à preuve, on a probablement des citoyens qui sont nés au Québec, et qui sont voteurs depuis des décennies, et qui ne comprennent pas de fond en comble le système électoral et politique, parce que ça les intéresse plus ou moins, parce que, dans leur quotidien, c'est plus ou moins une préoccupation, et on ne leur retire pas leur citoyenneté ni leur droit de vote pour autant. Au contraire, on fait des efforts, chaque année, pour favoriser l'exercice du droit de vote et l'information sur ces thèmes-là. Et je pense que vous faites un travail d'information, auprès de vos communautés, à ce chapitre-là, qui est important pour la cohésion politique de notre société.

Je ne commenterai pas énormément les propositions que vous faites, parce que plusieurs des amendements que vous suggérez – entre autres, à l'article 36, paragraphe 7°, sur l'obligation, etc. – c'est des choses dont j'étais déjà convaincu. Je vais davantage repartir de vos commentaires de la page 6, je crois, non, de la page 4, en fait, où vous dites: «Le principe d'une démocratie juste et équitable à laquelle sont attachés les citoyens du Québec forme la pierre angulaire de notre système. Au fil des années, le législateur a développé plusieurs mécanismes garantissant la neutralité de notre système électoral.»

Comme groupe qui êtes certainement un de ceux qui intervient souvent au niveau des droits de la personne, au niveau des principes de démocratie, vous parlez ici de neutralité de notre système, et je comprends l'élément de neutralité que vous soulevez. Je veux approfondir la réflexion avec vous autres sur la neutralité. Le projet de loi qu'on a devant est une réforme électorale qui introduit une liste permanente. D'autres partis comme nous ont souhaité que la réforme électorale soit plus générale et qu'on y mette plus de neutralité, en enlevant, entre autres, les avantages qui existent pour les deux partis en place – je sais que votre communauté, d'ailleurs, a eu un troisième parti assez bien implanté en son sein, il y a quelques années – alors, au niveau des fonds publics, du personnel politique non comptabilisé dans les dépenses électorales, des avances de fonds aux partis qui ont fini premier et deuxième, des représentants de ces partis-là qui sont rémunérés, une série d'avantages à même les fonds de l'État, à même les taxes et les impôts des gens.

Et je voudrais savoir, au niveau de la neutralité, si vous jugeriez opportun que, dans le cadre d'une telle réforme, où on met quand même beaucoup d'énergie pour améliorer notre Loi électorale, on touche des éléments de neutralité comme ceux-là.

M. Sultan (David): M. le député, avec tout le respect, je dois vous rappeler que le Congrès juif canadien n'est pas un organisme partisan. Et vous me demandez de me prononcer sur une question qui pourrait avoir l'air partisane.

Effectivement, le principe de neutralité est important. Et nous croyons que, par souci de neutralité, tout le monde, tous les partis politiques, au sens légal du terme, devraient être en mesure de participer. Cela étant dit, je ne connais pas le système de fonctionnement du Parlement, de l'Assemblée nationale, et vous me permettrez, justement, de m'écarter au plus vite de cette question, non pas parce que je ne veux pas vous répondre, mais parce que je n'ai pas tous les éléments en main qui me permettraient de vous donner une réponse satisfaisante.

Le Président (M. Simard): Merci. Toujours à l'opposition, pour équilibrer le temps. Le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de remercier Mme Ohayon et M. Sultan pour leur excellente présentation et de les féliciter pour la clarté de certains de leurs propos et de leurs réponses données jusqu'à maintenant, et, notamment, d'avoir soulevé cette question très préoccupante qu'ils ont à l'égard des gens qui risqueraient d'être plus assujettis à du questionnement à cause d'un nom de famille qui serait à consonance étrangère. Je trouve que c'est quelque chose qui avait besoin d'être dit, et vous le soulevez avec beaucoup de doigté dans votre rapport.

Par ailleurs, je tiens à féliciter mon collègue, le député de Rivière-du-Loup, pour l'à-propos de ses commentaires, en réponse à certaines remarques tout à fait lamentables qui viennent d'être faites en face, où on a tendance à blâmer les immigrants de ne pas être assez qualifiés pour venir ici, et c'est eux, le problème, s'ils ne comprennent pas le système, et ce n'est pas à nous de faire des efforts pour aller les intégrer dans le système. Oserais-je dire qu'il fait preuve qu'il a encore des bons réflexes libéraux? Petit «l».

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Il a le droit de dire n'importe quoi, n'importe quand, même si son confrère dit le contraire.

M. Mulcair: Ce qui...

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Mulcair: Votre document et votre présentation rendent également clair – et vous l'avez dit à de nombreuses reprises – que l'idée même d'actualiser le système ne vous désagrée pas. Et, là-dessus, tous les gens de ce côté sont d'accord. On est aussi d'accord que le projet de loi, tel que présenté, a des failles énormes, des carences vraiment évidentes. Ça a été soulevé par la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne, le Protecteur du citoyen, différents organismes représentatifs du domaine municipal, scolaire, et j'en passe. Et vous êtes là, encore une fois, aujourd'hui, en train d'apporter le fruit de votre réflexion et de votre vaste expérience avec une des plus anciennes communautés dites, parfois, culturelles au Québec, pour nous dire: Écoutez, il y a des choses, là-dedans, qui nous préoccupent. Et on vous remercie beaucoup pour ces commentaires, parce que ça vise constructivement à bonifier le projet de loi.

Vous l'avez également dit, au départ, que votre propos est de viser le meilleur système possible, tout en remarquant, comme nous, qu'on a déjà un très bon système. Le Directeur général des élections, dans les plus récents documents qu'il nous a fournis, confirme qu'aux États-Unis, sur les personnes aptes à voter, qui ont le cens électoral, il n'y a, selon l'élection, qu'entre 60 % et 70 % seulement qui se retrouvent inscrites sur la liste. Et c'est ça, un gros problème! Parce que, si on exige que, pour apporter un changement aux inscriptions sur la liste, ça soit le citoyen qui doit aller vers l'État, bien, à ce moment-là, on est en train d'ériger des barrières. Et est-ce que, en faisant ça, on est en train de rendre plus accessible ce droit fondamental de vote ou est-ce qu'on est en train de le rendre plus difficile? C'est ça toute la question, pour nous. Et je ressens, dans votre propos, que c'est votre préoccupation, également.

J'ajouterais juste une dernière chose, parce que vous avez parlé des perceptions, et je pense que vous avez très, très bien exprimé votre pensée là-dessus. Mais, pour ce qui est, justement, des perceptions, mon député de Mont-Royal a rappelé l'importance d'un système «bipartisan» où on va, justement, vers les gens pour les faire inscrire sur une liste. Et pourquoi perdre ce système? Même si on confectionne une autre sorte de liste, pourquoi est-ce qu'on perdrait l'un pour avoir l'autre? Ça, ça ne nous a jamais été expliqué jusqu'à date, de l'autre côté de cette salle.

Mais il y a un autre point, en ce qui concerne notre système actuel, qui, à mon sens, pour l'expérience que j'ai dans mon comté de Chomedey à Laval où j'ai 50 %, justement, des électeurs qui sont issus des communautés culturelles... Je me rends compte que les noms, pour reprendre votre terme, à consonance étrangère... Dans mon comté, j'ai au-delà de 20 000 personnes d'origine grecque. Et, parfois, justement, pour une oreille nord-américaine, c'est assez difficile de trouver tout de suite l'orthographe, d'où un certain nombre d'erreurs. Mais le nombre d'erreurs est vastement diminué, dû au fait que non seulement c'est «bipartisan», ce travail d'énumération de porte-à-porte, mais parce que ce sont des gens de la collectivité locale qui font ce travail. Donc, dans la communauté en question, on a des gens qui, si on peut s'exprimer comme ça, ont l'oreille faite. Pour eux, ça représente beaucoup moins de difficultés pour retranscrire ces noms-là, et ils ont exactement l'orthographe, et ça, ça avantage également. Est-ce que, justement, avec un système bureaucratisé, centralisé, on va retrouver des représentants de toutes ces communautés, de toutes ces collectivités-là aptes à accueillir et ouverts, et, souvent, à aborder dans leur langue ces gens-là? Je me permets d'en douter.

(15 h 40)

Sur cette question du nombre de barrières qui existent – vous en avez énuméré certaines aux pages 9 et 10 – est-ce que, à votre sens – vous avez parlé de

l'apprentissage de la langue, de l'absence d'intérêt, ou d'une méconnaissance, ou du manque d'information – vous mettriez dans votre liste, aussi, le niveau d'instruction comme un des critères de base qui déterminent l'accessibilité d'un système?

M. Sultan (David): Je crois qu'il existe, au sein de la population, en général, certains problèmes inhérents à un processus tel que celui prévu. Ce n'est pas caractéristique simplement des communautés culturelles ou de certains membres des communautés culturelles. Ce que je dois dire, cependant, c'est que les néo-Canadiens se butent à des difficultés additionnelles. Alors, je crois que l'élément du niveau d'instruction pourrait être pris en considération et je ne crois pas que ce soit simplement pour certains membres des communautés culturelles, mais pour la population...

M. Mulcair: C'est pour l'ensemble de la population.

M. Sultan (David): ...du Québec...

Mme Ohayon (Maryse): En général.

M. Sultan (David): ...dans son ensemble. Et je ne dis pas, pour un instant, que la population du Québec dans son ensemble ne devrait pas être également au fait des processus qui sont prévus. Mais je crois que, pour certains membres de communautés culturelles qui sont des néo-Canadiens et qui ne maîtrisent pas totalement le système, il existe d'autres barrières additionnelles que celles communes à tous les Québécois en général.

M. Mulcair: J'ai un de mes autres collègues, M. le Président, qui voudrait poser une question.

Le Président (M. Simard): M. le député de Châteauguay, juste pour parler du temps, il reste quelques minutes à l'opposition, mais j'accepterai, si vous êtes d'accord, de recevoir une question de part et d'autre, après l'épuisement des 30 minutes. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Je vais être bref, M. le Président. D'abord, peut-être, pour revenir sur un élément qui a été mentionné tantôt, ne serait-ce que pour exprimer ma surprise. On a parlé, tantôt, de l'article 40.5; vous en avez fait mention dans votre mémoire. Et je dois vous avouer que, bon, ça fait un petit bout de temps que je n'ai pas potassé le projet de loi, là – je l'avais regardé avant Noël – mais un élément qui avait attiré mon attention, c'était l'article 36 qui introduit l'article 551, septième paragraphe. Et, lorsqu'on lit les deux ensemble, lorsqu'on lit 40.5, on dit qu'«il appartient à l'électeur de communiquer au Directeur général des élections tout changement aux renseignements apparaissant sur la liste électorale permanente et qui le concernent» – moi, je le lisais en conjonction – et, lorsqu'on arrive à 551.7°, on dit: «Est passible d'une amende de 100 $ à 1 000 $ pour une première infraction et de 200 $ à 2 000 $ pour toute récidive dans les cinq ans: 7° quiconque, sachant qu'il est inscrit sur la liste électorale d'une section de vote sans en avoir le droit, omet de faire les démarches nécessaires pour se faire radier.»

Et le ministre nous a souligné tantôt que, pour lui, 40.5 – et j'en suis très heureux de l'entendre aujourd'hui – n'a qu'une valeur d'obligation morale et qu'il n'y a pas de sanctions pénales qui sont imposées. Moi – et je le mets sous forme interrogative, parce que je n'ai pas la science infuse, M. le Président – je voyais bien, à ce nouvel article 551.7°, qu'il y avait une obligation qui était donnée et qu'il y avait des sanctions pénales à cela. Alors, ma surprise tient au fait que le ministre nous amène un projet de loi qui, de toute évidence, lorsqu'on lit les articles qui ne sont pas tellement distanciés l'un de l'autre, sent l'improvisation. Et, lorsqu'on se fait dire, aujourd'hui, et, au fur et à mesure qu'on va étudier tout ça, on va se faire dire: Bien, ce n'est pas ça qu'on veut dire; on va le changer, ne vous en faites pas...

M. Mulcair: C'est ça...

M. Fournier: ...on va le changer, on va le changer...

M. Mulcair: ...c'est ça.

M. Fournier: ...et on se surprend qu'aujourd'hui, ou avant, on pose des questions, qu'on dise: Il faut faire attention; il semble y avoir une improvisation. Moi, ça m'étonne, ce réflexe-là, et je suis content que les gens qui sont venus nous visiter aujourd'hui aient pu soulever cet élément et nous aient démontré que le ministre amène un projet de loi en toute vitesse, un projet de loi qui est fondamental. Et, lorsqu'on lit les articles ensemble, on s'aperçoit que ce n'est pas tout à fait ce qu'il nous dit.

Ceci dit, j'aimerais demander à ceux qui sont devant nous, aujourd'hui, de me dire brièvement ce qu'ils pensent, particulièrement, du nouvel article 211 où, lorsqu'on nous dit: «Lorsque la commission de révision doit décider si une personne est de citoyenneté canadienne, le fardeau de la preuve incombe à cette dernière», il y a un renversement de fardeau qui est imposé, et je me demande si cet article a fait l'objet, chez vous, d'une attention particulière. C'est à la page 17 du projet de loi. Et, donc, essentiellement, lorsqu'un individu d'une circonscription, d'un poll, veut contester la citoyenneté canadienne ou prétendre qu'un autre des individus qui seraient normalement inscrits n'est pas de citoyenneté canadienne, il incombe maintenant non pas à celui qui dit: Lui n'est pas de citoyenneté, mais à celui qui se fait accuser, ou, en tout cas...

M. Chevrette: Pouvez-vous demander au député de lire l'article 219 de la loi actuelle, là, avant de commencer à faire errer sur le projet de loi?

M. Fournier: M. le Président...

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît!

M. Fournier: ...je pose une question...

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît! À l'ordre!

M. Fournier: ...aux témoins.

Le Président (M. Simard): La seule chose que je vais demander, à ce moment-ci, c'est au député de Châteauguay de conclure sa question, puisque son temps est épuisé.

M. Fournier: Je vais, M. le Président, continuer de poser ma question, mais je vais quand même prendre acte du ministre et de son intervention.

Dans votre mémoire, vous intervenez sur l'élément suivant, c'est-à-dire les gens qui ont des noms de consonance étrangère et toute la question qui est soulevée vis-à-vis de ces gens-là. Et on arrive avec 211, où il y a un fardeau qui est soumis, et on peut imaginer possible que ce soit imputé aussi à ces gens-là. Alors, comment réagissez-vous à ce transfert de fardeau?

M. Sultan (David): Grâce au nouveau projet de loi 40 et avec les amendements que nous avons proposés – par exemple, deux pièces d'identité qui seraient uniformes à tous – je crois que l'article 211 n'aurait, en fait, plus sa raison d'être. Si, par exemple, il était prévu, au projet de loi 40, que le Directeur général des élections demande deux documents, dont, par exemple, une preuve de citoyenneté et une preuve de résidence au Québec – comme, par exemple, l'assurance-maladie – l'article 211 n'aurait même plus sa raison d'être et on ne créerait plus cette obligation à la personne, qui devrait, en principe, selon nos lois, être présumée de bonne foi, de, justement, venir s'avancer et puis, d'elle-même, produire ce document en tant que tel.

M. Fournier: Donc, la proposition que vous faites, si je comprends bien, M. le Président – et je termine rapidement – c'est que, si le ministre nous amène des modifications qui vont dans le sens où vous cherchez l'uniformisation...

M. Sultan (David): Voilà!

M. Fournier: ...il n'y aura pas de dommages ou de conséquences néfastes avec l'article 211?

M. Sultan (David): Non, l'article 211 n'aura plus sa raison d'être, en fait.

Le Président (M. Simard): Comme la commission, M. le député de Châteauguay, a épuisé le temps normal imparti depuis un certain temps mais que l'équilibre a été respecté, je permettrai deux courtes questions – une question du côté ministériel et une du côté de l'opposition – et, ensuite, le ministre conclura. Je vous prierais d'être bref, tout le monde. Alors, le député de Vachon.

M. Payne: Je suis arrivé en retard, M. le Président, mais j'ai entendu le tout dernier bout de l'intervention de nos invités, cet après-midi. Ma lecture de l'article 40.5 était toujours que... Ça se lit: «Il appartient à l'électeur de communiquer au Directeur général des élections tout changement aux renseignements...»

Moi, j'avais toujours compris que le sens du législateur était qu'il appartient à l'électeur qui a l'intention d'exercer son droit de vote. C'est bien ça? Bon. C'était ça, la discussion?

M. Lefebvre: On ne peut pas l'obliger à décider, à ce moment-là.

M. Payne: O.K. Le deuxième point, ça concernait l'intervention – à la page 10 – et, précisément, les renseignements aux «membres des communautés culturelles défavorisées par la structure administrative prévue au projet de loi 40». Comme membre des communautés culturelles, de la communauté anglaise, je n'ai pas beaucoup de sympathie avec cette expression souvent soulignée devant les audiences de cette Chambre. Je trouve, avec toute la déférence que je vous dois, l'attitude un peu paternaliste. On dit souvent que les communautés culturelles, souvent, ne s'occupent pas assez de leur bas niveau d'instruction, du manque de connaissance suffisante de la langue française...

M. Lefebvre: Ça, c'est les souverainistes mous, ça.

M. Payne: ...les barrières qui existent...

M. Chevrette: Ou un fédéralisme dur.

M. Payne: Mais, moi, je...

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît! À l'ordre!

M. Chevrette: Les fédéralistes... Ils essaient de faire le dur!

M. Payne: Mais, moi, je voudrais vous décrire un portrait qui est assez analogue à cela. Je pense que les mêmes personnes à qui vous faites référence, rarement on ne les a entendues ici, dans cette Chambre, se plaindre du fait qu'elles ont une difficulté à trouver la carte-soleil, par exemple, la carte d'assurance-maladie qui, quand même, est un droit qui peut être exercé immédiatement à l'arrivée ici. Et jamais une seule fois je n'ai entendu un témoin venir ici, devant une commission de l'Assemblée nationale, ou une association comme la vôtre, pour dire: C'est aberrant, on a beaucoup de difficultés à avoir accès à nos droits.

(15 h 50)

La même chose dans la vie civique, au jour le jour. Les cartes de crédit, le système bancaire, ouvrir un compte de banque, bénéficier de programmes de l'aide sociale ou même l'application pour la citoyenneté canadienne, ce sont des exigences et des tâches, au jour le jour, pour le nouvel arrivé. L'intégration dans le système scolaire, c'est la même chose. La location d'un appartement, c'est la même chose. Ce sont des défis normaux pour n'importe quel individu et famille.

Alors, en concluant, c'est une remarque plutôt qu'une question, à savoir que je pense que vous êtes d'accord avec moi, n'est-ce pas, qu'on exagère un peu? Merci, M. le Président.

M. Sultan (David): Avec tout le respect, M. Payne...

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît!

M. Sultan (David): Avec tout le respect, M. Payne, vous me permettrez de ne pas être d'accord avec vous, ni, d'ailleurs, avec M. André Jacobi qui écrivait dernièrement ces mêmes commentaires dans Le Devoir . D'abord, je ne généralise pas, et c'est important de le dire, et je crois que vous l'avez compris. On ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac. Je dis que certains membres de certaines communautés pourraient se trouver défavorisés face au processus administratif tel qu'il existe ou bien tel qu'il est prévu par le projet de loi. Et je ne crois pas que ce soit une attitude paternaliste que de souligner ce genre d'élément. Je crois que, justement, c'est une remarque constructive qui pourrait aider le gouvernement et puis le législateur à comprendre certains des défis auxquels font face les néo-Canadiens ou bien quelques néo-Canadiens.

Et ce que nous avons souligné ici, ça découle directement de ce que nous voyons sur le terrain, et non pas de ce que nous pensons ni de ce que nous imaginons. Je crois que ce sont des défis, certes, importants, mais tout de même des défis réels auxquels font face certains membres des communautés culturelles. Et nous croyons que, en tant qu'organisme responsable, il fallait apporter cet élément à la table.

Le Président (M. Simard): Merci. Une dernière question du côté de l'opposition, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: M. Sultan, je voudrais vous poser une question, je pense, assez claire: Si le projet de loi était adopté tel qu'il est écrit présentement, est-ce que vous seriez en faveur de l'adopter tel quel?

M. Sultan (David): Le projet de loi, tel qu'il est écrit présentement, ne répond pas à toutes les attentes que le Congrès juif canadien a. D'ailleurs, M. le ministre lui-même a accepté – en tout cas, entre les lignes – certains amendements, par exemple la clause pénale qui s'appliquerait à l'électeur qui ne voterait pas. Donc, je prends pour acquis, en partant, que le projet de loi ne sera pas adopté tel quel, puisque, à part nous, d'autres commissions et d'autres organismes ont fait des représentations à l'effet que ce projet de loi, tel que présenté, comportait certaines lacunes qu'il faudrait rectifier.

Notre objectif, ici, est justement d'aider le gouvernement, d'aider le législateur à modifier certaines des lacunes qui existent dans ce projet de loi. Et il est évident que notre contribution est ici pour apporter quelque chose. Ce ne sont pas des paroles en l'air. Nous croyons profondément que le projet de loi, tel quel, devrait être modifié pour pouvoir permettre, dans le cadre d'une société démocratique, à ce système démocratique, le droit de vote le plus équitable et le plus...

Mme Ohayon (Maryse): Élargi.

M. Sultan (David): ...élargi à tous les Québécois.

M. Ciaccia: Est-ce que vous considérez – à la page 4 – le mécanisme qui garantit la neutralité de notre système électoral, présentement, et que vous voulez préserver...

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal, nous sommes dans les sous-questions à la dernière question.

M. Ciaccia: Non, non. Oui, mais c'était très court...

Le Président (M. Simard): J'accorderai quelques secondes de réponse.

M. Ciaccia: Est-ce que vous considérez que cet aspect de vos propositions affecte les droits fondamentaux de notre système, présentement?

M. Sultan (David): Nous croyons, en effet, qu'il est important qu'une apparence de neutralité soit présente dans le projet de loi tel quel, et l'un des moyens, et, certes, le plus important, peut-être, c'est celui que nous soulevons ici. Et il est important, en ce qui nous concerne, que le projet de loi 40 soit modifié en conséquence, de façon à ce que les partis du gouvernement et de l'opposition puissent participer à ce processus d'établissement de la liste électorale permanente, parce qu'il en revient, si vous voulez, de notre esprit démocratique et de nos valeurs traditionnelles, que partagent tous les Québécois.

M. Ciaccia: Merci beaucoup, M. Sultan.

Mme Ohayon (Maryse): Est-ce que je pourrais... Non?

Le Président (M. Simard): Oui, je vous donne une petite minute.

Mme Ohayon (Maryse): Écoutez, je voulais juste, peut-être, apporter une note un petit peu plus humaine au débat. Mon collègue est avocat, donc il prend les choses très au pied du texte de loi. Moi, je le vois un petit peu plus sur un plan humain. Je trouve que, peut-être, le système qu'il y avait auparavant, de recevoir nos deux madames ou nos deux messieurs qui venaient taper à la porte, déjà, apporte une espèce de présence à une démarche qui est tellement ardue. Le fait de devoir voter est véritablement un geste de volonté qu'on doit poser, et ça n'est pas facile, parce qu'il faut au moins être au courant de qui se présente et essayer d'avoir un tant soit peu de connaissance de la chose.

Alors, si on pouvait garder, également, non seulement cette apparence de neutralité, mais, également, cette apparence d'humanité derrière, je pense que ça ne pourrait pas diminuer l'efficacité de ce projet, au contraire.

Le Président (M. Simard): Merci. Je vais demander maintenant à l'opposition de faire ses conclusions. Et je demanderai ensuite au ministre de faire la même chose. Est-ce que vous désirez faire des commentaires?


Remarques finales


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, nous avons devant nous un organisme, une association, je crois, qui a vraiment une crédibilité impeccable en ce qui concerne les droits démocratiques des citoyens, qui a une crédibilité impeccable dans sa volonté de vouloir participer et améliorer la vie sociale, politique, économique du Québec. Et ils nous ont fait, M. le Président, des suggestions dans un esprit constructif. Quand les questions ont été posées à nos deux intervenants, la réaction était toujours positive. Et je crois, M. le Président, en conclusion à votre demande de tirer certaines conclusions de la présentation qui nous a été faite, qu'ils nous ont fait des suggestions très, très valables, des suggestions, pas pour rendre le projet de loi plus difficile, mais pour le rendre plus efficace, et non seulement plus efficace, mais dans le respect des droits fondamentaux démocratiques.

Et dans la connaissance, aussi! Parce que, des fois, des questions ont été posées, et, vous savez, quand on parle de différences culturelles, il faut savoir les comprendre, les différences culturelles; non seulement les différences culturelles qui existent dans la majorité francophone vis-à-vis du reste du Canada, mais les différences culturelles qui existent dans les différentes communautés au Québec. Et ce que nos intervenants ont fait ici, ils ont porté à notre attention certains aspects qui pourraient nous assurer que, malgré toutes les différences culturelles, malgré que ces gens viennent d'autres pays, on peut répondre d'une façon démocratique. Et non seulement pour les communautés culturelles! Ces principes qui ont été soulevés par le Congrès juif canadien, région du Québec, s'appliquent à tous les citoyens, à toute la population du Québec, quelles que soient leurs origines.

Alors, moi, personnellement, je veux les remercier. Et j'espère, M. le Président, que le gouvernement va tenir compte des suggestions très valables qui ont été faites par le Congrès juif canadien, région du Québec. Je veux les remercier encore une fois pour non seulement leur présentation, mais leur esprit ouvert, et la façon dont ils ont répondu, aussi, aux questions non seulement des députés ministériels, mais aussi de l'opposition. Merci.

Le Président (M. Simard): La parole au ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Moi, je voudrais vous remercier, d'abord, pour avoir éclairé l'opposition. Parce que, depuis le début, je dois vous dire qu'ils sont contre même le principe du projet de loi. Ah non, pas tous, excusez-moi! Mme la députée de Jean-Talon s'est prononcée pour! Elle a parlé de la multitude des recensements jusqu'à date, du harcèlement que ça provoquait dans certains milieux et des dépenses inutiles, tant au niveau scolaire, municipal que national. C'est vrai, ils n'étaient pas tous contre.

Il y en a d'autres qui ont dit qu'on harcelait les néo-Québécois par des recensements à multiplication. Il y en a même qui ont parlé de recensement non partisan, alors que, le recensement, ce sont des personnes assermentées, neutres, qui n'ont pas le droit de faire de la partisanerie politique. Franchement, on a tout entendu!

Et je suis très heureux que vous soyez venus dire ici, à cette commission, que vous étiez pour le projet de loi, pour l'amender de façon intelligente, et non pas faire de l'obstruction de façon insignifiante. C'est très différent, et je considère que c'est très positif, ce que vous êtes venus dire au nom des groupes qui se considèrent comme partie prenante.

Là où je diverge d'opinion un peu avec vous autres – et je vais vous le dire en toute candeur puis en toute franchise, parce que je sais que vous aimez ça, la franchise – je pense qu'on mêle deux choses quand on parle de la difficulté de participation au système démocratique puis qu'on traite de liste électorale. Ce n'est pas parce qu'on fait une liste électorale informatisée, en prenant les moyens les plus corrects pour permettre à tous ceux qui y ont droit, mais qui ont la qualité de base d'électeur, d'être sur la liste... C'est très différent que de prendre des moyens, comme formation politique et comme gouvernement, pour amener les citoyens à participer au processus démocratique. Ce n'est pas du tout lié l'un à l'autre. On pourrait très bien avoir tout un programme de sensibilisation à la vie démocratique du Québec, dans toutes les langues, sur les réseaux communautaires, dans des journaux, des dépliants, et c'est bien plus ça, toute la base de votre argumentation que vous avez sortie. Et je vous ai laissé aller délibérément là-dessus, parce que c'était la sensibilisation des groupes ethniques à la démocratie québécoise. Mais qu'on vienne lier ça à l'«indispensabilité» du processus d'élaboration d'une liste électorale, je m'excuse, mais c'est faux. Et je vous le dis en toute franchise, ça n'a aucune relation l'un avec l'autre.

(16 heures)

Ce qu'il faut chercher, par ce projet de loi, c'est à avoir l'outil le meilleur pour permettre à celui ou à celle qui a la qualité d'électeur de voter. Écoutez, quand on est rendu dans l'argumentation, comme le député de Chomedey, à quasiment choisir les recenseurs selon les ethnies, ce n'est pas à ça qu'on joue quand on parle de qualité de droits égalitaires pour les Québécois. Je m'excuse, là. Qu'on ait des préjugés favorables à la sensibilisation, à la discrimination positive en faveur de groupes pour les sensibiliser au processus démocratique, c'est une chose, mais, quand on vient mêler y compris l'ethnie au travail de recenseur pour élaborer une liste électorale, franchement, franchement, ça fait pitié dans un Parlement. Moi, je vous dis ce que je ressens. Et je respecte tellement ce que vous êtes venu me dire, et à deux reprises, que vous avez même pensé que j'étais contre votre point de vue. Vous avez senti le besoin de me le dire. Mais j'ai délibérément voulu gratter, puis gratter profondément ce que vous aviez dans les tripes puis dans le coeur...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Eux autres en rient. C'est parce que c'est le même insignifiant, tantôt, en passant, qui argumentait sur l'ethnie pour faire le recensement. Et je m'adresse à vous de façon sérieuse parce que vous avez été sérieux quand vous êtes venus ici.

Le Président (M. Simard): À l'ordre, M. le ministre. À l'ordre, M. le ministre.

M. Lefebvre: M. le Président, les règles...

M. Chevrette: «Insignifiant»... Qu'il me laisse parler.

M. Lefebvre: ...qui prévalent à l'Assemblée nationale valent également ici, en commission parlementaire, et le ministre le sait.

M. Chevrette: Je retire le mot.

Le Président (M. Simard): Vous avez raison.

M. Chevrette: Tout le monde l'a compris, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Vous l'avez retiré. Très bien.

M. Chevrette: Je le retire, et tout le monde l'a constaté, et l'a compris. Ceci dit, donc, messieurs dames, moi, je voudrais vous remercier, puis je suis prêt à travailler à le modifier. Mais, le modifier, pas dans le sens de niaiser avec le contenu, pas dans le sens d'apporter des faux problèmes et des faux débats à des articles qui ne visent qu'à améliorer notre régime démocratique. Et, même si M. Sultan a dit qu'il n'était pas d'accord avec M. André Jacobi, il n'en demeure pas moins... C'est André Jacobi.

Une voix: ...

M. Chevrette: C'est André Jacobi du Devoir . En tout cas, moi, je lis André Jacobi. Si vous voulez me contredire... Non, non, il parlait du Devoir . J'ai compris très bien ce que monsieur a dit, je l'ai écouté. Et il faisait référence à cet article du Devoir . C'est André Jacobi qui l'a écrit. C'est de même. Quand on écoute... C'est marqué Jacobi sur ma lettre, ici. Voulez-vous nous laisser tranquilles, s'il vous plaît?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...crackpot next, Mr. Chevrette?

M. Chevrette: You are a crackpot.

M. Mulcair: Oh! That is two of us. That is two of us.

M. Chevrette: Please, I am speaking.

Le Président (M. Simard): Bon, s'il vous plaît, s'il vous plaît, revenons aux remarques de conclusion.

M. Chevrette: Franchement, là.

Le Président (M. Simard): Revenons aux remarques de conclusion.

M. Chevrette: Si les lois de l'un valent pour l'autre...

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey.

M. Chevrette: He is sick enough.

Le Président (M. Simard): M. le député de Chomedey, s'il vous plaît!

M. Chevrette: He is sick enough.

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît, pouvez-vous conclure, M. le ministre?

M. Chevrette: Voulez-vous l'arrêter?

Le Président (M. Simard): Oui, je l'ai arrêté et je pense qu'il ne dira plus rien. M. le ministre.

M. Chevrette: Franchement, franchement. M. le Président, vous voyez dans quelle atmosphère on essaie d'étudier ce projet de loi là. Depuis le début que je voudrais dire aux représentants de la communauté juive et aux autres représentants, par votre intermédiaire, parce que vous êtes les seuls à nous l'avoir demandé, qu'on se sert de vous sous de faux prétextes. On se sert des groupes ethniques sous de faux prétextes pour faire échec à un outil qui ne vise qu'à permettre à tous les Québécois, de quelque origine que ce soit, de pouvoir voter en toute légalité. Et c'est ça qui est la base du projet de loi. Ce n'est pas plus, puis ce n'est pas moins. Puis ceux qui s'obstinent puis qui font de l'entrave systématique avec de faux arguments pour empêcher cet outil de base à la démocratie, je m'interroge sur leurs orientations et leurs objectifs. J'ai le droit de dire ça. Je m'interroge vraiment sur leurs objectifs. Parce que, fondamentalement, vous aurez remarqué que c'est un seul noyau à l'Assemblée nationale. Relisez les discours qui se sont faits en deuxième lecture, et un seul noyau a délibérément, durant tout le débat sur le principe de ce projet de loi, fait détourner l'attention sur autre chose que sur le principe, pour essayer d'effaroucher, d'effrayer les communautés ethniques.

Alors, que tu sois Juif, que tu sois d'origine, que tu sois Haïtien, tu peux être pour un principe de droit démocratique que seul celui qui a les qualités d'électeur puisse voter, dans un pays démocratique. Et il y en a un joyeux paquet qui sont venus d'autres pays qui envient notre système démocratique, et vous le savez, ça. Vous avez dit que vous étiez fiers chaque fois que vous y reveniez. Bien, quand on travaille pour bâtir et améliorer un système démocratique, on ne niaise pas avec la «poque», en bon québécois, on travaille positivement, comme j'ai essayé de le faire quand vous m'avez posé une question directe. Je n'ai pas essayé de dire que, l'article 211 – ça fait 17 ans qu'il existe par l'article 219 – venait fausser tout le débat. C'est dans ce sens-là qu'on veut travailler.

Le Président (M. Simard): Conclusion.

M. Chevrette: Et vous pourrez dire à vos commettants que, nous, on va le faire de façon sérieuse, on va le faire de façon systématique et sans niaiseries. On va le prendre au sérieux, le projet de loi.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Les remarques étant terminées, je voudrais...

M. Ciaccia: M. le Président, une question.

Le Président (M. Simard): ...à mon tour...

M. Ciaccia: Est-ce que le ministre me permettrait une question pour essayer de rétablir une bonne atmosphère dans notre commission?

M. Chevrette: Écoutez, j'ai essayé autant comme autant. Il m'a niaisé même pendant mon exposé. Je n'ai rien à faire ici. C'est l'ajournement.

Le Président (M. Simard): Alors, je veux remercier...

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Non, mais son départ nous force à ajourner.

Une voix: Non, non, on peut continuer même...

Le Président (M. Simard): Donc, les remarques de conclusion ayant été faites, je me dois de remercier les représentants du Congrès juif canadien, section du Québec, pour leur participation, la qualité de leur témoignage, et je pense qu'ils ont pu constater que la vivacité du débat parlementaire est tout à fait présente ici. Merci beaucoup. Ajournement.

Une voix: Suspension.

Le Président (M. Simard): Suspension.

Une voix: Jusqu'à 20 heures.

Le Président (M. Simard): Jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 16 h 7)

(Reprise à 20 h 14)


Étude détaillée du projet de loi 40

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, nous reprenons nos travaux. Je vous rappelle notre mandat, qui est l'étude du projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. Ainsi que convenu entre les deux groupes lors de l'ajournement de la semaine dernière, à la suite de l'audition des groupes ou plutôt du groupe prévu, nous passons, à 20 heures, à l'étude article par article du projet de loi.

Donc, j'appelle l'étude du premier point du projet de loi 40. La parole est au député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: C'est que, dans toute la journée de travail, la première journée où il y avait eu entente qu'il n'y avait plus d'autres remarques préliminaires, moi, je ne faisais pas partie de l'entente et je n'avais pas eu le temps, dans toute cette journée-là, de faire des remarques préliminaires. Si on m'accordait quelques minutes, je procéderais à ça avant l'étude de l'article 1.

Le Président (M. Simard): Il me faudrait, à ce moment-là, le consentement des deux groupes.

Des voix: Consentement.

M. Dumont: Merci. Je peux procéder? Merci.

Le Président (M. Simard): M. le député de Rivière-du-Loup.


Remarques préliminaires (suite)


M. Mario Dumont

M. Dumont: Alors, c'est ça, en ce qui concerne la loi que nous avons devant nous... Parce que nous avons écouté des groupes qui nous ont quand même invités à la prudence, bien que, dans l'ensemble, la plupart des groupes, et même ceux qui avaient été convoqués dans l'inquiétude qu'ils pourraient être contre l'établissement d'une liste électorale permanente, sont venus nous dire aujourd'hui qu'ils étaient finalement en faveur de ce principe-là. Je pense que, effectivement, je serai certainement en faveur du même principe d'établir une liste électorale permanente comme élément de réforme électorale, à ce moment-ci.

Quant à l'écoute des recommandations, je pense qu'il y a certains critères sur lesquels il faudra être prudents quant à la confidentialité. Je me rappelle, entre autres, les témoignages de la Commission d'accès à l'information. Il faudra aussi être vigilants quant à tous les articles qui pourraient toucher le taux de participation. Certainement qu'un des effets pervers que nous regretterions le plus serait que l'établissement d'une liste électorale permanente ait comme conséquence une baisse du taux de participation lors des scrutins au Québec. Et c'est un des sujets qu'on a pu aborder, aujourd'hui, par la traduction, dans un maximum de langues, des documentations, etc., on pourra certainement trouver des correctifs qui sont appropriés. Même chose au niveau des différentes clientèles, il faudra garder à l'esprit cette préoccupation qu'aucune clientèle ne soit pénalisée. Mais je crois qu'avec la bonne volonté de chacun, ici, il y aura moyen de rallier tous ces objectifs-là derrière l'idée d'une liste électorale informatisée et permanente.

J'avais déjà exprimé, dans le passé, ma préoccupation d'avoir une réforme plus complète de la Loi électorale. Ça demeure vrai. Je suis évidemment heureux que, déjà, le ministre de la réforme électorale ait premièrement annoncé qu'il y aurait d'autres éléments de réforme plus tard. Je suis aussi heureux que le titre de ce projet de loi ait été modifié pour en faire non pas simplement un projet de loi sur l'établissement d'une liste électorale permanente, mais bien un projet de loi pour modifier la Loi électorale. Et je sais qu'un certain nombre d'amendements sur lesquels les partis se sont entendus au Comité consultatif pourront être amenés pour élargir cette réforme électorale.

Je dois vous dire que, étant donné qu'il n'y a pas eu consentement, au Comité consultatif, sur tous les points qui seront amenés en termes d'amendements, au cours de la commission, je me permettrai certainement de soumettre moi-même à la discussion de cette commission des amendements qui n'auront pas non plus, comme d'autres, fait l'objet de consentement au Comité consultatif, mais que les parlementaires, ici, ont certainement le pouvoir de juger au mérite, le pouvoir d'accepter ou de refuser. Et je pense que ces éléments de réforme là, à la Loi électorale, doivent toujours se faire dans l'esprit initiale de notre Loi électorale, qui était de permettre la meilleure expression de la volonté de la population, de permettre la meilleure évolution des partis, de permettre que les partis politiques, au Québec, puissent se financer de la façon la plus démocratique, puissent se financer en étant branchés directement sur les individus sans être dépendants de sources précises, que les partis puissent donc suivre les courants d'idée, leur évolution à travers l'histoire du Québec.

(20 h 20)

Et certainement que cette préoccupation-là, la trajectoire qu'a prise notre Loi électorale depuis ce moment-là, n'est pas nécessairement celle qui avait été prévue au départ. Des modifications répétées ont fait que, je pense, la Loi électorale, présentement, a davantage été adaptée – et je ne pense pas qu'il y ait de mauvaise foi de part et d'autre – à une situation où, durant plus d'une décennie, il y avait deux partis. Et les partis en question travaillaient avec la Loi électorale comme elle leur semblait la plus appropriée, la plus avantageuse, toujours dans un équilibre qui était maintenu entre les deux, mais qui a certainement déséquilibré l'émergence d'autres partis. C'est un sujet qui m'intéresse éminemment, il n'y a pas de cachette à se faire là-dessus, et sur lequel je crois qu'il faudra ensemble réfléchir, peut-être dans la perspective que, à partir du moment où il y a trois joueurs ou plus, tous sont susceptibles d'être placés dans cette situation difficile qui est présentement la nôtre. Alors, ces remarques préliminaires étant faites, je remercie qu'on m'ait permis de le faire, et on peut procéder à l'étude article par article.


Étude détaillée


Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente


Établissement de la liste électorale permanente

Le Président (M. Simard): Je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Nous passons donc à l'étude de l'article 1. La parole est au ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. L'article 1 se lit comme suit et est relativement simple: «Le Directeur général des élections est chargé d'établir la liste électorale permanente en constituant un fichier des électeurs et un fichier des territoires.» C'est fort simple, M. le Président, parce que c'est la fonction administrative même du DG, du DGE, comme on l'a dit, qui est nommé, soit dit en passant, de façon «bipartisane», lorsqu'il est nommé par l'Assemblée nationale à plus des deux tiers – il faut absolument l'accord, ordinairement, des deux partis pour nommer le Directeur général des élections – et c'est son rôle de le faire avec tout le professionnalisme qu'on lui connaît depuis des années, avec une équipe, je crois, qui a travaillé sous les deux ordres de gouvernement, les deux différents gouvernements, avec beaucoup d'objectivité, à bâtir, pour le Québec, depuis les années 1977, probablement des outils juridiques qui sont enviés dans beaucoup de gouvernements à travers le monde, et plus particulièrement au niveau de la francophonie, où on a pu servir de ressource dans plusieurs pays francophones qui sont sortis du joug dictatorial pour atteindre des démocraties, où le Québec a collaboré à fond de train avec ces démocraties.

Également, je pense que, sur le plan de la francophonie, on a travaillé à instituer, précisément, autant sous le régime Bourassa que sous le régime Lévesque, des échanges extrêmement fructueux entre les pays sur le plan d'échange d'outils démocratiques. Et, même avec l'ensemble canadien, il y a énormément d'échanges entre le Directeur général des élections, son équipe, l'équipe québécoise, et les équipes canadiennes. Nous avons pu participer à des missions. Personnellement, j'ai même participé à des missions avec Élections Canada et des gens de la direction générale des élections, ici, où il y a eu conjugaison d'efforts pour aider, en particulier, des peuples francophones, comme le Madagascar, à se sortir, par exemple, du joug dictatorial, où j'ai eu la chance d'aller observer même, comme observateur international, l'élection démocratique, où le Québec et le Canada ensemble ont joué des rôles importants dans la conduite de ces événements-là.

Donc, l'article 1 ne vise qu'une chose, c'est à confirmer l'autorité du DGE sur cette préparation d'un outil, et cette préparation d'un outil là... Parce qu'on ne peut pas lire ça isolément du reste du projet de loi. L'outil fondamental dont se servira le DGE, on le verra par la suite, mais il se servira d'abord de la liste électorale du 12 septembre, qui, elle, a été préparée de façon «bipartisane», pour utiliser un terme de mon ami, le député de Mont-Royal, qui parlait de bipartisme probablement, mais qui parlait de «bipartisane». En tout cas, l'expression qu'il utilisait, c'est «bipartisane». On sait que nos recenseurs sont assermentés, il est absolument défendu de faire de la partisanerie, mais ils émanaient de deux formations politiques – c'est ce que j'ai compris – et c'est à partir de cet outil de base là, avec les ententes sur le plan administratif que nous conclurons, que nous pourrons préparer un outil, un outil valable pour les Québécois, qui contribuera à sauver des gros sous à l'ensemble des Québécois et à doter le Québec, je l'espère, d'un outil encore plus valable que ceux qu'on a présentement. Je reviendrai, au besoin, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. La parole est au député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Alors, M. le Président, merci. Je dois vous dire, dès le début, que je partage les propos, le sentiment du ministre, qui vient de nous parler du Directeur général des élections, sur la façon dont la liste est présentement préparée. Il nous a rappelé que nous servons comme exemple pour beaucoup d'autres pays. Je crois même que le Directeur général des élections est allé à Haïti durant les élections du président qui a été restauré en sa fonction. Et c'est vrai que nous servons comme exemple pour d'autres pays. J'ai été heureux de voir que le ministre a parlé des pays francophones, et c'est tout à fait normal et exact que nous avons exercé un certain leadership dans les pays francophones. Si je peux me permettre, on a exercé ce leadership dans le domaine des élections, de notre Loi électorale, aussi dans d'autres domaines. Nous avons porté une attention très particulière aux pays francophones pour plusieurs raisons: notre culture, notre langue. L'apport que nous pouvions faire en termes d'échanges économiques, c'est important, par exemple, pour les pays d'Afrique, mais aussi contribution à la démocratie, M. le Président. Je me souviens, au Bénin, où il y avait eu un attentat d'assassinat contre le président, qui a été le premier président pour instaurer la démocratie dans certains pays africains, le Québec a appuyé le Bénin. Et nous avons fait la même chose dans d'autres pays. Alors, c'est exact, et je suis entièrement d'accord avec le ministre.

Ce qui est intéressant aussi, c'est que le ministre nous rappelle que nous avons fait des échanges avec le reste du Canada, sur notre loi, sur la façon dont nous procédons. Et je suis persuadé que le reste du Canada perçoit notre loi comme étant une loi qui, vraiment, protège les valeurs démocratiques. Et c'est quelque chose dont, comme Québécois, nous devons être fiers. Nous devons être fiers de l'avoir développée, parce que c'est nous qui avons développé cette loi. Nous n'avons pas pris les exemples de différents pays, quelqu'un mentionnait la Belgique ou quoi que ce soit d'autre. Nous avons développé notre propre processus, nos propres institutions. Nous l'avons fait d'une façon qui réponde aux besoins de notre population mais qui réponde aussi à notre perception de la démocratie. Parce qu'il y a aussi un aspect culturel dans ça. C'est la façon dont nous la voyons. Nous avons célébré 200 ans de démocratie à l'Assemblée nationale, l'année dernière. Alors, c'est quelque chose dont nous pouvons être fiers, et nous pouvons démontrer au monde entier le respect que, nous, au Québec, avons pour les valeurs démocratiques fondamentales.

Et ceci a fait l'objet du message que le Québec a donné au reste du monde. Que ça soit le Directeur général des élections ou que ça soit les ministres des Affaires internationales qui se sont promenés, si on peut dire le mot, dans 40 différents pays du monde, pour établir la présence du Québec à travers le monde entier, quand on parlait du Québec, c'est vrai qu'on parlait de l'aspect économique, de tout ce que nous avons développé ici, au Québec, comme économie, mais ce qui faisait la distinction, je pourrais dire, du Québec par rapport à d'autres, c'est qu'on ne parlait pas seulement de l'aspect économique; on parlait de l'aspect de nos institutions, du développement de nos institutions, du développement de notre démocratie. C'était le message qu'on a véhiculé à travers le monde. C'est pour ça que je crois qu'on a pu réussir à établir cette perception du Québec. Nous avons pu établir les valeurs démocratiques et l'apport du Québec dans toutes les sphères d'activité à travers le monde.

(20 h 30)

Alors, nous sommes ici pour discuter de l'article 1. Nous sommes ici pour discuter de la Loi électorale. C'est une de nos lois fondamentales. Un des aspects qui est très important dans cette loi, c'est la participation, et je suis très heureux que le ministre l'ait mentionné, la façon dont la liste électorale est préparée. Elle est préparée... C'est vrai que j'ai utilisé le mot «bipartisan». Peut-être que le ministre a raison. Strictement du point de vue juridique, ce n'est pas «bipartisan» parce que les représentants sont assermentés: ils doivent respecter les lois et ils doivent s'assurer d'obtenir les informations exactes et neutres. Dans ce sens-là, ce n'est pas «bipartisan».

Mais c'est «bipartisan» dans le sens que, avant de demander aux représentants d'être assermentés, on s'assure, dans la mesure du possible, et cela a toujours été très possible et même dans plusieurs comtés où des fois il y a une forte majorité d'un parti ou de l'autre – je ne mentionnerai pas lesquels – d'obtenir une participation des deux représentants, soit du gouvernement et de l'opposition. Je ne veux pas ici minimiser la participation du député de Rivière-du-Loup. Ce n'est pas «bipartisan», parce qu'il en représente un autre, mais ce pourrait être «tripartisan». Ce que je veux dire, c'est que ce sont les partis politiques reconnus qui participent dans la préparation de la liste. Et, une fois qu'ils sont invités, bien, naturellement, à ce moment-là, ils doivent être assermentés, faire serment qu'ils vont accomplir leur devoir d'une façon objective et se conformer à toutes les conditions de la loi. Mais cet aspect de représentativité est important. Je suis très heureux que le ministre l'ait souligné, parce que, d'après moi, c'est une des pierres angulaires de notre loi, d'avoir cette représentativité et d'avoir la participation.

L'autre aspect qui peut-être est responsable et explique pourquoi nous avons un si haut... Je ne parle pas de taux de participation aux élections. Parce que le ministre, ce matin, disait: Écoutez, il faut faire la distinction entre la préparation de la liste et ceux qui participent aux élections. Ce sont deux différents aspects. Je suis d'accord avec lui. Mais ce qui fait que nous avons le plus haut taux d'inscription... Pour le moment, ne parlons pas du taux de participation, parce qu'on pourrait bien avoir un taux d'inscription très élevé et un taux de participation très minime. Alors, parlons du taux d'inscription. Le taux d'inscription des électeurs est de 92 %. Je pense que c'est quelque chose dont nous devons être fiers. C'est quelque chose qu'on peut dire au monde entier: Regardez, au Québec, ce qui se produit; 92 % de la population est inscrite sur le rôle des électeurs, sur la liste des électeurs. Je crois que c'est quelque chose, à ma connaissance, que... Je parle des pays démocratiques. Parce que, dans des dictatures, c'est clair qu'il y en avait 99 % d'inscrits puis 95 % qui participaient. Bien, ils étaient obligés, et c'était la dictature qui contrôlait. Mais je parle des pays démocratiques. Je ne connais aucun pays démocratique qui a un aussi haut taux d'inscription, de 92 %. Je pense que c'est quelque chose dont nous devons être fiers.

Ceci étant dit, on veut apporter des améliorations à la loi. Je voudrais assurer le ministre que nous sommes aussi intéressés que lui à apporter des améliorations à la loi. Cependant – et je crois que le ministre va admettre, va reconnaître qu'on veut améliorer la loi – on ne veut pas faire des changements juste pour le plaisir ou l'idée de faire des changements. Si on veut améliorer la loi, il faudrait maintenir les éléments de cette loi qui font l'envie du monde entier et dont le ministre lui-même a fait les éloges. Le ministre lui-même, c'est lui qui a mentionné les autres pays, c'est lui qui a mentionné la liste électorale d'une façon «bipartisane». Bien, nous voudrions maintenir cet aspect.

La question d'une liste permanente, c'est vrai que, quand on regarde qu'en trois ans ou en deux ans il y a eu trois recensements qui sont coûteux, quand la population se demande: Bien, pourquoi, là, je vais avoir un recensement en 1991, un autre en 1992, en 1993, ou bien dans les différentes années? il faut répondre à ça. Il faut répondre pour essayer d'améliorer le système et de ne pas harceler, vraiment, d'une certaine façon, si je peut dire, la population avec des recensements à tous les six mois ou tous les ans.

La liste permanente, je crois, M. le Président, et je le dis au ministre avec toute sincérité, qu'il y a beaucoup de raisons pour la favoriser et dire: Bien, essayons de préparer une liste qui pourrait être utilisée non seulement au niveau des élections au Québec, mais au niveau municipal, scolaire. Il y a des raisons qui militent en faveur de ça, et pas seulement des raisons financières. Parce que, si, moi, j'ai le choix entre un coût financier ou un droit fondamental, je vais toujours choisir le droit fondamental, parce qu'il n'y a pas de prix à payer pour ça. Ce n'est pas 15 000 000 $, 20 000 000 $, 12 000 000 $ de plus ou de moins qui vont faire la différence. C'est le droit fondamental qui doit être préservé. Parce que, dans un budget de 30 000 000 $, il y a beaucoup d'autres endroits où vraiment on peut faire des épargnes sans toucher le droit fondamental de la population. Mais, si on peut rendre le système plus efficace tout en préservant les droits fondamentaux de notre démocratie, là je vais être entièrement d'accord. Mais il faut préserver ces droits fondamentaux et il faut préserver ce qui a rendu notre loi attrayante, efficace, convenable.

Ce n'est pas une loi parfaite, parce que c'est vrai que le ministre va dire: Écoutez, il y a des fois que les gens vont cogner aux portes, puis ils vont sonner aux portes, puis il y a... Il n'y a aucune loi qui est parfaite. Il y a des failles dans toutes les lois. Il y a des façons d'améliorer toutes les lois. Mais le principe fondamental doit être préservé, et c'est pour ça que, tout en parlant de liste permanente, il y aurait moyen, il doit y avoir moyen de maintenir ce que nous avons présentement. Oui, préparons une liste permanente, ayons l'informatique. C'est quelque chose qu'on n'avait pas il y a 20, 30 ans. Il faut s'adapter aux nouvelles façons de faire les choses. Mais pas en enlevant des droits fondamentaux ou en réduisant la possibilité d'avoir un taux d'inscription aussi haut. Et ce ne sont pas des projections ou des théories, ce sont les faits.

Quand on regarde les autres pays qui n'ont pas les mêmes pratiques que nous, on voit que le taux d'inscription est très inférieur au nôtre, et, quand il y a un taux d'inscription inférieur, je crois que ça affecte le processus démocratique, le processus décisionnel, et, moi, je ne voudrais pas voir ça.

(20 h 40)

Il y a beaucoup d'organismes qui sont venus nous faire des représentations. Il y a ceux qui ont dit qu'on aurait dû avoir une consultation plus élargie. Mais, cependant, le fait demeure qu'ils ont fait des représentations, que ce soit la Commission des droits de la personne, que ce soit le Protecteur du citoyen, que ce soit le Congrès juif canadien, section du Québec. Ils nous ont avertis de certaines carences dans la loi.

Je ne pense pas, M. le Président, qu'on peut mettre de côté les représentations que ces groupements nous ont faites, parce que eux n'ont pas vraiment des intérêts partisans. Le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne, ils représentent tout le monde. Ils ne représentent pas quelqu'un qui appartient au Parti québécois ou quelqu'un qui appartient au Parti libéral. Ils représentent la population entière. Le Congrès juif a eu, par son histoire, des expériences très pénibles que nous pourrions écouter. Écoutez, si ces gens-là portent certains aspects à notre attention, je pense qu'on devrait écouter. On ne peut pas, juste du revers de la main, écarter ces propositions.

Je crois, M. le Président, que, dans certaines des recommandations qui nous ont été faites, on parle des droits fondamentaux, on parle des droits à la vie privée. Quand le Congrès juif craint un peu les fiches, un fichier qui va inclure la religion, et qu'il n'y a pas de protection, je n'ai pas besoin de vous faire un dessin sur la possibilité d'abus. Pas d'abus par le Directeur général des élections, c'est une personne neutre en qui nous avons exprimé la plus grande confiance; les possibilités d'abus d'autres. Est-ce que le fichier va être confidentiel? Est-ce que c'est nécessaire d'exprimer toutes ces informations juste pour exprimer un droit de vote? Ce sont des questions qui sont fondamentales et auxquelles nous devons répondre.

M. le Président, nous avons le même objectif, nous devrions avoir le même objectif, que ça soit le gouvernement, que ça soit nous, de nous assurer que la loi sur le droit de vote, la réforme électorale soit faite d'une telle façon pour encourager autant que possible la plus haute participation et le plus haut taux d'inscription sans contrainte, sans coercition, sans possibilité de harcèlement ou d'abus.

Des fois, on peut lire un projet de loi qui semble être très clair, mais il faut lire les possibilités d'abus. C'est ça qu'il faut éviter. Et je crois que, dans les pratiques que nous avons actuellement, nous avons pu dessiner une façon d'inscrire la population sur une liste électorale qui est la moins contraignante possible et qui respecte les droits de tous. Nous voulons que ce soient seulement les citoyens, oui, qui aient le droit de vote. Nous voulons que les règles soient les mêmes pour toute la population, sans catégoriser que ce soit une partie ou une autre. Mais il faut tenir compte des pratiques actuelles, il faut tenir compte des traditions, il faut tenir compte de tout ce que nous avons fait jusqu'à date pour s'assurer que nous ayons une liste qui fait l'envie du monde entier.

Et nous allons faire des propositions, durant le cours de cette commission parlementaire, d'une façon positive, d'une façon pour améliorer le système actuel sans enlever les droits fondamentaux de notre démocratie et les traditions qui ont fait l'envie du monde entier. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Mont-Royal. Avant de céder la parole au prochain intervenant, je voudrais faire une remarque à ce moment-ci. J'ai écouté jusqu'au bout l'intervention du député de Mont-Royal. Sans le moindrement remettre en question la pertinence de ses propos quant à l'article 1 qui est présentement à l'étude, je pense qu'il est dans notre tradition d'interpréter le plus largement possible en faveur de l'expression du député cette règle de pertinence. Cependant, j'inviterais, pour la suite de nos débats, tous les intervenants à tenter de faire référence, d'orienter leurs propos, de préparer leur argumentation et de faire valoir leur point en fonction non pas de remarques préliminaires et globales, mais de l'article qui est étudié à ce moment-ci.

C'est un rappel d'une directive, à ce moment-ci, sans vouloir d'aucune façon brimer le droit à l'expression et en annonçant à l'avance que j'interpréterai, avec votre aide, de façon la plus libérale possible cette question de pertinence, tout en m'assurant qu'elle ait quand même sa raison d'être, cette règle de pertinence.

M. Perreault: ...interprétation libérale, M. le Président.

Le Président (M. Simard): C'était dans le sens le plus étymologique du terme.

M. Perreault: J'ai senti qu'il serait prêt...

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Chevrette: Compte tenu de la tournure, et je sens bien que ça va être plusieurs fois 20 minutes, moi, je voudrais libérer, en avisant cependant l'opposition, les membres de la direction générale des élections et, lorsqu'on en aura besoin, qu'on m'avise, je les ferai venir. Ce n'est pas vrai, M. le Président, compte tenu du travail qu'ils ont, que je vais faire supporter à la fonction publique québécoise le coût de ces gens-là et l'impossibilité de travailler. Je suis ministre responsable devant cette commission, je répondrai et, au besoin, je leur demanderai de venir de façon sporadique pour répondre à des questions spécifiques. Mais il n'est pas dans mes moeurs politiques de faire niaiser, aux frais de l'État, des gens qui ont du travail à faire. Je leur permets donc de se retirer s'ils le veulent, quand ils le veulent.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: ...sur la décision du ministre de libérer ceux et celles qui l'entourent, on n'a pas...

M. Chevrette: Vous n'avez rien à dire.

M. Lefebvre: ...nous, de notre côté...

M. Chevrette: Non, c'est un avis que je voulais vous donner.

M. Lefebvre: C'est ça. Parce qu'il n'a pas besoin de notre consentement, sauf que...

M. Chevrette: Je répondrai aux questions.

M. Lefebvre: ...je rappelle au ministre qu'il n'est sûrement pas, lui, apte à répondre à toutes les questions qu'on voudrait bien lui adresser, mais en même temps en visant M. le Directeur général des élections. On prend pour acquis également que l'assistance de M. le Directeur général des élections et de son entourage pourrait être extrêmement utile à la commission, d'autant plus qu'on aborde l'article 1 qui vise spécifiquement le Directeur général des élections. Alors, moi, je me dis qu'il me semble que et M. le Directeur général des élections et ses conseillers devraient assister à tout le moins à nos débats jusqu'à la fin de la séance de ce soir.

J'ai l'intention, quant à moi, de soulever certaines questions qui visent les responsabilités, les pouvoirs du Directeur général des élections, et j'aimerais mieux que ce soit lui qui les entende que le ministre seulement.

M. Chevrette: Oui. M. le Président...

M. Lefebvre: Il me semble que ça serait plus...

M. Chevrette: ...je comprends bien, mais le député de Frontenac a été ministre. C'est le ministre qui donne le droit de parole à qui que ce soit à côté de lui quand il est parrain d'un bill. Il sait ça. Et il devra m'endurer parce que, moi, je ne ferai pas niaiser les fonctionnaires. C'est correct? Donc, moi, je les libère, et puis, au besoin, on répondra aux questions.

M. Lefebvre: Mais on pourrait s'en aller, nous autres aussi.

M. Sirros: M. le Président, vous permettez, deux secondes?

Le Président (M. Simard): Oui.

M. Sirros: Un commentaire.

Mme Delisle: Voulez-vous demander le silence?

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

M. Sirros: M. le Président, d'abord, il y a une présomption, dans ce que dit le ministre, que je trouve lourde pour les travaux de la commission. Deuxièmement, je fais remarquer au ministre, par votre entremise, que le Directeur général des élections n'est pas son sous-ministre. Alors, si, durant le travail de la commission parlementaire qui étudie la loi sur les élections générales, le Directeur général des élections, qui est nommé par l'Assemblée nationale... Il n'est pas un fonctionnaire du gouvernement. Distinction importante. Des fois, je sais que le ministre a de la difficulté à saisir certaines nuances dans des propos puis des choses, mais il y a une distinction importante à faire entre le rôle d'un sous-ministre, la fonction d'un sous-ministre, qui est membre de la fonction publique dans le sens d'être à l'emploi du gouvernement, dans le sens de l'exécution de ce que décide l'Exécutif, et le rôle du Directeur général des élections, qui est nommé par l'Assemblée nationale et ne se trouve pas à répondre au ministre.

(20 h 50)

Alors, le ministre peut bien décider que, lui, il n'a pas besoin d'avoir le Directeur général des élections à côté de lui, je suggérerais fortement, par votre entremise, au Directeur général des élections que ça serait de mise qu'il reste pour suivre les travaux parlementaires de la commission de l'Assemblée nationale de qui il relève.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse, par alternance.

Le Président (M. Simard): Selon la règle de l'alternance.

M. Sirros: Franchement...

M. Chevrette: Vous me permettrez, M. le Président, en toute déférence pour deux ex-ministres qui viennent de parler, de dire que le ministre pourrait n'accorder la parole en aucun moment et en aucun temps à son sous-ministre ni aux présidents de sociétés d'État ou aux directions générales pour lesquelles il y a une tutelle. Vous savez très bien cela. Sur le plan législatif, là, surtout pas à ces deux-là et même aux trois qui sont intervenus depuis le début de la soirée, ce n'est pas à ces trois-là que je vais apprendre ça.

Moi, j'ai une décence dans la règle parlementaire. Je n'ai jamais compris personnellement pourquoi un gouvernement qui a à subir une mesure dilatoire peut assujettir de hauts fonctionnaires d'État, de quelque structure qu'ils soient, à subir la même chose que les parlementaires. C'est par décence pour eux, M. le Président. Et, quand ils auront des questions, j'ai le droit d'en prendre avis, de les faire revenir en tout temps, de les faire répondre. Mais ce que je veux empêcher, vous le comprendrez, c'est que l'insignifiance soit consommée. Moi, je ne suis pas d'accord avec ça. Je ne veux pas, par exemple, qu'on soit huit, 10, 11 fonctionnaires à écouter des propos qui n'ont ni queue ni tête, ni relation avec l'article 1, par exemple, pendant huit heures. Je pense qu'il y a des gens qui ont à faire des travaux très utiles pour la collectivité québécoise. C'est dans ce sens-là que je voulais donner avis. Même pas besoin de leur demander, dans le fond; je leur donne avis que, moi, je n'exigerai pas la présence de M. le Directeur général et de ses acolytes.

J'aimerais qu'on me laisse un avocat au cas où il y aurait des questions techniques à un moment donné, mais je ne suis pas de ceux qui abusent de la présence d'individus qui ont mieux à faire qu'à écouter ici béatement n'importe quoi.

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Simard): ...sur ce point et, ensuite, on va poursuivre.

M. Ciaccia: ...est-ce que je pourrais suggérer au ministre de peut-être être un peu moins arbitraire et de n'être pas si prématuré dans ses décisions? Quand il dit que ce sont des mesures dilatoires, je voudrais rappeler au ministre que, la semaine dernière... Mais ce ne sont pas des mesures dilatoires. Dans votre esprit, peut-être, mais je peux vous assurer que non.

Je voudrais apporter à l'attention du ministre que, la semaine dernière, moi-même, j'ai fait une motion pour entendre un groupe, et vous avez suggéré – il y en avait trois, oui, mais, moi, je l'avais fait pour un: Oui, on est prêts à l'entendre. On a accepté la suggestion du ministre. On a accepté. Parce qu'on aurait pu faire une série de motions préliminaires, en plus d'entendre du monde, de faire ci et ça. On a dit non.

Une voix: Des groupes.

M. Ciaccia: Très bien, on va attendre le groupe. Et on a accepté, avec un ordre de la commission parlementaire, de commencer l'étude du projet de loi à 20 heures.

Une voix: Oui.

M. Ciaccia: Alors, comment le ministre peut-il se permettre de dire maintenant que nous utilisons des mesures dilatoires? On a accepté la suggestion du ministre, on a commencé l'article 1. L'article 1 parle du Directeur général. On a fait une intervention. Dans mes propos, j'ai repris ce que le ministre avait dit lui-même et, j'ai appuyé ce qu'il avait dit, et j'ai soulevé certaines craintes et certains aspects du travail du Directeur général.

C'est vrai que le ministre a le pouvoir, a le droit de libérer et de dire aux gens... Mais je crois que, pour le bon fonctionnement de notre commission, nous sommes de bonne foi, de ce côté-ci, et je crois que ça serait important pour le Directeur général de rester et d'écouter. Il peut y avoir des questions. Il va y avoir des suggestions. Je peux vous assurer qu'il va y avoir des suggestions sur la méthode du Directeur général d'établir la liste électorale permanente, parce que c'est nouveau, ça, ici.

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Je pense qu'il aurait tout intérêt à rester. Et, si, à la fin... Ça ne fait même pas une heure qu'on est ici.

Le Président (M. Simard): Oui.

M. Ciaccia: Puis tout de suite vous tombez à cette conclusion-là. Je trouve que c'est prématuré.

Le Président (M. Simard): Bon. M. le député de Mont-Royal, je dois vous interrompre à ce moment-ci parce que vous êtes tous conscients que nous ne sommes pas ici à débattre d'une question de procédure, de règle.

M. Ciaccia: Non. C'est vrai.

Le Président (M. Simard): Ici, il s'agit du ministre qui annonce des intentions. J'ai autorisé et je trouve normal que chacun ait pu réagir à cela. Mais, maintenant, il faut passer, parce qu'il ne s'agit pas d'interprétation de...

M. Sirros: M. le ministre, vous nous prêtez des intentions.

Une voix: Ça n'a pas de bon sens.

M. Sirros: Moi, je prends acte du mépris du ministre vis-à-vis des travaux, M. le Président. Il peut techniquement et légalement ne pas accorder la parole au Directeur général des élections, il a raison, et c'est pour ça que j'ai pris bien soin de dire que...

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion...

M. Sirros: Mais c'est une attitude extrêmement méprisante.

Le Président (M. Simard): ...j'apprécierais que ne prennent la parole que ceux à qui j'accorde la parole, premièrement. Deuxièmement, vous serez tous d'accord avec moi qu'il ne s'agit pas d'une question de procédure telle qu'elle apparaît au règlement ou à la loi de l'Assemblée nationale nous régissant.

Donc, il y a ici un avis qui a été donné, j'ai autorisé les deux partis à faire valoir leurs premières réactions à cet avis du ministre, maintenant nous devons procéder à l'intérieur de notre mandat, puisqu'il n'y a pas de question de procédure qui s'applique ici à cet avis du ministre. Moi, pour m'assurer que non seulement les règles sont suivies, mais qu'en plus tout le monde ait le sentiment d'avoir pu s'exprimer, je peux bien permettre à deux personnes encore de s'exprimer quelques minutes, mais pas au-delà de ça. Alors, je vais demander à la députée de Jean-Talon, qui avait demandé depuis longtemps de s'exprimer, de le faire et, ensuite, une dernière personne ici, et ça se terminera là.

Mme Delisle: M. le Président, étant donné que je suis nouvellement arrivée – je suis une nouvelle parlementaire – vous me permettrez tout simplement de vous exprimer mon étonnement très sincère. J'ai lu avec beaucoup de sérieux, je pense... Je suis intervenue et j'ai l'intention d'intervenir avec beaucoup de sérieux dans ce dossier-là parce que je pense qu'il est important. Et l'expérience que j'ai eue depuis le début, depuis mon élection, dans cette commission même, avec un autre ministre, c'est que, moi, particulièrement, j'ai eu des questionnements, et les gens étaient là pour y répondre. Je ne remets pas en question la décision... C'est-à-dire que je remets en question, oui, la décision du ministre dans la mesure où le Directeur général des élections pourrait être très utile pour répondre à un certain questionnement qu'on a face...

M. Chevrette: Oui.

Mme Delisle: Bon. Maintenant, au moment où on arrive aux articles concernés, qui vous dit que, dès l'article 1, on n'a pas de questions? Je trouverais vraiment déplorable, et je vous le dis sincèrement, qu'on doive faire une liste, comme une liste d'épicerie, de questions qu'on devrait poser à M. le Directeur général des élections et qu'il revienne ici une fois par deux jours ou une fois par jour. Je ne tiens pas, moi, à boycotter ou à faire quoi que ce soit, puis ça me choque sincèrement quand j'entends ça.

C'est quand même un projet de loi qui est important, et je ne pense pas que personne, à date, ait fait quoi que ce soit pour donner l'impression qu'on boycottait ce projet-là. Moi pour une, j'apprécierais énormément... S'il y a des gens qui veulent quitter, ils quitteront, mais je pense que celui qui sera en mesure et qui aura la responsabilité d'appliquer cette loi-là lorsqu'elle sera adoptée devrait au moins être présent, puis ça fait, je pense, partie de ses descriptions de tâches – je m'excuse de le dire – de la même façon que ça fait partie de la mienne, d'être présent ici jusqu'à 22 heures.

Le Président (M. Simard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Une dernière réplique, cette fois-ci au ministre...

M. Chevrette: M. le Président, écoutez, on n'est pas des...

Le Président (M. Simard): ...et nous mettrons fin à cet incident pour passer à la poursuite de l'article.

M. Chevrette: ...enfants en culottes courtes. Quand, cet après-midi, le député de Frontenac nous dit: Nous allons la triturer, la loi...

M. Lefebvre: Je peux savoir quoi?

M. Chevrette: ...nous allons la triturer...

M. Lefebvre: Je n'ai jamais utilisé...

M. Chevrette: ...que l'autre, le député de Laurier-Dorion, je pense, nous dit: Nous allons analyser mot à mot... Il nous a dit ça, puis on a assisté à ça, là, cet après-midi.

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement.

M. Chevrette: Non, non. Je peux finir, M. le Président?

M. Lefebvre: Non, non, non, non!

Le Président (M. Simard): Il y a une question de règlement, là, je dois...

M. Chevrette: Il n'y a pas de règlement sur ça.

M. Lefebvre: Sauf erreur, cet après-midi, je suis intervenu à une occasion seulement pour poser une question à M. le ministre.

M. Chevrette: Aïe! Tu rigolais.

Une voix: On n'a pas fait d'intervention...

M. Lefebvre: Article 40.5.

M. Chevrette: Quand on expose... Je peux continuer, M. le Président?

Le Président (M. Simard): Oui, vous pouvez poursuivre.

M. Chevrette: Quand on expose déjà la liasse des amendements, quand on arrive au projet de loi, que, le premier article appelé, 40 % à 50 %, à 60 % du temps, vous avez senti le besoin vous-même, comme président, de dire sans être trop difficile: Il faut reconnaître qu'il faut voir la pertinence de l'article, quand on sait ce que vous nous télégraphiez...

(21 heures)

Écoutez, là, on peut jouer au pur devant ce micro ouvert, mais on se parle dans les passages. On connaît vos stratégies. Moi, je n'ai pas, en conscience... Madame a été maire, Mme la députée de Sillery.

Le Président (M. Simard): Jean-Talon.

M. Chevrette: Jean-Talon. Est-ce qu'elle aurait supporté de maintenir à l'oeuvre ou de maintenir en stand-by des gens, alors qu'elle savait qu'il ne se passerait rien pendant des heures?

Mme Delisle: J'ai supporté pire que ça...

M. Chevrette: Moi, je ne suis pas ce genre de bonhomme en politique.

Mme Delisle: ...avec mes opposants. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je reconnais leur droit à la stratégie. Est-ce qu'on peut reconnaître le droit à un ministre de ne pas faire niaiser du monde? Est-ce qu'on peut reconnaître le droit à un ministre... Et ça, M. le Président...

M. Lefebvre: Ce n'est pas à lui de décider, M. le Président, ce n'est pas au ministre de décider.

M. Chevrette: Écoutez, on vient de décider... Oui, c'est au ministre de décider, c'est le ministre de tutelle. Ce n'est pas le député de Frontenac qui va décider quoi que ce soit...

M. Lefebvre: Non. Non.

M. Chevrette: ...là-dessus, c'est moi qui suis le ministre de tutelle.

M. Lefebvre: Vous avez raison.

M. Chevrette: Je suis parrain de cette loi, moi, puis je vais répondre aux questions. Mais, comme je ne m'attends pas d'en avoir avant une maudite mèche, je «peux-tu» vous dire que, moi, je ne ferai pas niaiser du monde? Non.

Le Président (M. Simard): Bon. Maintenant, cet incident est clos.

M. Lefebvre: M. le Président, on ne peut pas... Je m'excuse, avec votre permission...

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac, est-ce que...

M. Lefebvre: Avec votre permission, M. le Président, je voudrais à tout le moins...

Le Président (M. Simard): ...c'est un point de procédure que vous voulez soulever?

M. Lefebvre: Non, ce n'est pas une question de procédure. Je voudrais tout simplement que...

Le Président (M. Simard): L'expression...

M. Lefebvre: Non, je voudrais...

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac, l'expression, de part et d'autre, a été faite.

M. Lefebvre: Je voudrais que le Directeur général des élections sache que l'opposition officielle requiert qu'il entende les débats, qu'il soit à la disposition des parlementaires de cette commission, partant de ce que dit mon confrère de Laurier. Et c'est fondamental que le Directeur général des élections ne soit pas un personnage politique au service et sous le contrôle du ministre responsable de la Loi électorale. Et je rappelle à M. le Directeur général des élections, et je suis convaincu que M. Côté le comprend très, très bien – je m'adresse au Directeur général des élections – qu'il a le devoir et la responsabilité d'assister à nos délibérations. Dans ce sens-là, l'opposition officielle lui suggère très fortement d'être présent pour pouvoir nous éclairer, si c'est nécessaire.

M. Chevrette: M. le Président, vous avez permis sa question, je vais répondre. Si l'opposition se permet de donner des directives au président d'élection...

M. Lefebvre: M. le Président... M. le Président...

M. Chevrette: ...est-ce que je pourrais me permettre de leur en donner une? S'ils ont des questions intelligentes à poser au DGE, qu'ils les posent donc!

Le Président (M. Simard): Bon.

M. Chevrette: Je vais ouvrir la porte tout de suite: posez-les au lieu de faire des discours...

Le Président (M. Simard): Puis-je me permettre?

M. Chevrette: ...qui ne sont pas appropriés du tout et relatifs aux articles mêmes qu'on étudie. Posez-les donc, vos questions, de façon intelligente, au président d'élection, il est là!

Le Président (M. Simard): M. le ministre...

M. Chevrette: Je vous mets au défi, dans les 15 prochaines minutes, de poser des questions intelligentes sur la question 1.

M. Lefebvre: Ce n'est pas le ministre qui va changer les règles, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le ministre...

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Un instant, s'il vous plaît. Puis-je me permettre, à ce moment-ci, dans le fil de l'intervention que j'ai faite plus tôt à la suite de l'intervention du député de Mont-Royal, de demander au ministre, si effectivement les députés restent à l'intérieur de la pertinence de l'étude de l'article 1, que puisse être à la disposition de la commission jusqu'à 22 heures le Directeur général des élections?

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Simard): Bon. L'incident est clos. Nous passons donc au deuxième intervenant sur l'article 1, du côté ministériel.

M. Lefebvre: M. le Président, je m'excuse, c'est parce que je voudrais que vous répétiez votre question, s'il vous plaît, pour les besoins de notre compréhension...

Le Président (M. Simard): La question ou...

M. Lefebvre: ...que vous avez adressée à monsieur, ou le commentaire que vous avez fait.

Le Président (M. Simard): Ah non! Ce n'est pas une question.

M. Lefebvre: C'est parce qu'on n'a pas bien compris.

Le Président (M. Simard): C'est simplement que j'ai dit que, dans le droit fil de mes commentaires sur la pertinence à la suite de l'intervention du député de Mont-Royal, je demande, au nom des membres de cette commission, au ministre de bien vouloir s'assurer de la présence du Directeur général des élections, évidemment étant entendu que les membres de cette commission feront un effort pour rester à l'intérieur des règles de la pertinence.

Maintenant, nous revenons à l'étude article par article. C'est maintenant du côté ministériel. Si je n'ai pas de demande d'intervention, je reconnaîtrai le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, effectivement, nous sommes à l'étude du projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives, Bill 40, An Act to establish the permanent list of electors and amending the Election Act and other legislative provisions, et plus précisément à son article premier, à l'intérieur du chapitre premier, qui se lit ainsi: «Le Directeur général des élections est chargé d'établir la liste électorale permanente en constituant un fichier des électeurs et un fichier des territoires»; «The chief electoral officer is entrusted with establishing the permanent list of electors by constituting a register of electors and a register of territories.»

M. le Président, toujours très sensible à vos appels à la pertinence, je me permets néanmoins de signaler que le ministre s'est rendu jusqu'à Madagascar lors de ses commentaires sur l'article premier, et je vous assure dès le départ que je n'ai pas l'intention de me rendre aussi loin. I will stay a little bit closer to home, Mr. Chairman.

M. Chevrette: Yes. The same for you too.

M. Mulcair: En ce qui concerne les tristes événements des quelques dernières minutes, M. le Président, il est très important de comprendre que, lorsque l'article premier du projet de loi 40 nous dit que c'est le Directeur général des élections qui serait chargé d'établir une liste électorale permanente, on est en train, effectivement, comme le rappelait mon savant collègue de ville Mont-Royal, de référer à une institution qui est le Directeur général des élections.

Au mois de décembre dernier, plus précisément le 19, j'ai eu l'occasion de lancer un peu à la légère au Directeur général des élections, lorsqu'il est venu s'adresser à l'ensemble des membres de la commission... Je lui ai souhaité la bienvenue en lui disant que ça me faisait plaisir de voir qu'il était là pour servir les deux côtés de la Chambre. C'était dit un peu à la légère, parce que, effectivement, tout comme les autres membres de la commission des institutions, j'ai un respect primordial, profond pour cette institution et la personne qui l'occupe aujourd'hui, qui est le Directeur général des élections. Mais, comme toute boutade ou toute chose lancée à la légère, parfois il y a un petit fond de vérité. Et j'étais quelque peu inquiet, justement, de voir même le ministre interpeller le Directeur général en claquant des doigts à un moment donné. Ça, j'avais trouvé ça déplacé, pour ne pas dire gênant.

Ce soir, on vient de participer... Et, là, vous comprendrez que nous sommes en plein coeur de l'article premier, parce qu'on parle de cette institution qu'est le Directeur général des élections. On a un ministre qui a plusieurs responsabilités. D'aucuns pourraient peut-être dire trop lorsqu'on voit l'attitude de fatigue qu'il a parfois et qui se manifeste. Il est, entre autres, ministre responsable de l'application de la Réforme électorale. Sa tâche, donc, consiste à bien informer la commission en vue de l'aider à éclairer ses collègues dans l'Assemblée même.

Mais quelle fut donc notre surprise d'entendre le ministre nous dire qu'il avait pris sur lui-même de décider que le Directeur général ne parlerait pas ce soir, que c'est lui qui est le ministre chargé du...

Une voix: De tutelle.

M. Mulcair: Oui, c'est même son terme, comme on me le rappelle, il est le ministre de tutelle. C'est son propre terme. Alors que l'article 1 nous dit que le Directeur général des élections serait chargé d'établir la liste électorale permanente, nous sommes en train de nous poser des questions sérieuses concernant l'indépendance de cette institution, concernant des questions fondamentales vis-à-vis de la confidentialité éventuelle des renseignements. Lorsqu'on voit une telle attitude partisane de la part du ministre et lorsqu'on entend dire qu'il est, selon lui, le ministre de tutelle – c'est un mot chargé, M. le Président – du Directeur général des élections, alors qu'est-ce qu'il pourrait y avoir de plus gênant, lorsqu'on parle d'une institution que l'on voudrait charger d'établir la liste électorale permanente, que d'entendre un ministre prétendre avoir mainmise, tutelle sur une personne qui doit représenter l'ensemble des élus et, bien entendu, l'ensemble des personnes qui les mettent là, les électeurs et électrices de la province?

J'ai effectivement plusieurs interrogations à l'égard de ce premier article, non la moindre étant le fait qu'on est toujours en l'absence d'une preuve étayée, valable, soutenue nous expliquant pourquoi il serait opportun de proposer une telle modification législative. Je m'explique. À moins que je ne me trompe, la seule indication dont nous disposons à l'heure actuelle, venant de la part du Directeur général des élections, est un document d'à peine un quart de page 8½ X 11 qui s'intitule – et c'est eux qui le disent, pas moi – «L'analyse – dixit la feuille en question – de rentabilité de la liste électorale permanente». Je mets le mot «analyse» entre guillemets parce qu'il n'y a pas d'analyse. Il y a une liste de chiffres.

(21 h 10)

Alors, je présume que ces chiffres n'ont pas été tirés des airs ni dictés par un ministre quelconque, encore à plus forte raison par un ministre prétendu de tutelle. Mais il serait intéressant, pour l'ensemble des membres de la commission des institutions, de savoir ce sur quoi on s'est basé, parce que analyse il doit y avoir. Ce sont des gens sérieux. Il doit y avoir une analyse, donc on veut savoir ce sur quoi on s'est basé pour arriver à ces chiffres-là. Il doit y avoir une étude qui existe à l'interne. Ce n'est pas concevable sans ça.

C'est ce dont on voudrait être saisis et c'est pour ça que je suis content que le Directeur général des élections ait fait preuve d'indépendance, d'autonomie et d'impartialité en restant malgré l'ordre imparti de la part du ministre et qu'il soit là pour nous éclaircir sur cette question des plus pertinentes en regard de l'article premier du projet de loi 40, parce que nous sommes en droit de nous attendre à avoir les preuves qui démontrent pourquoi une telle modification, où il y va de l'intérêt général...

Un des arguments fournis, avancés le plus souvent de l'autre côté de cette Chambre, c'est le fait que d'établir une liste électorale permanente sauverait beaucoup d'argent. Ce qu'il manque dans la liste – outre un chiffre qui n'a pas de support ou d'analyse proprement dite – c'est une indication de ce que ça coûterait pour maintenir une nouvelle bureaucratie, une nouvelle structure en place.

Toujours en rapport avec l'article 1, je trouve qu'il est très important de se rappeler quelques propos tenus par le ministre dans ses remarques à propos de ce même article. Il nous a dit qu'on avait un des meilleurs systèmes électoraux qu'il soit, et là-dessus on ne peut que lui donner raison. Ça n'arrive pas souvent, mais là-dessus on lui donne raison. Par ailleurs, force nous est de constater qu'une des clés de voûte de la réussite de notre système, c'est le recensement qui est fait avec des représentants nommés de part et d'autre par le gouvernement et les partis principaux de l'opposition. Ça donne des résultats superlatifs. Ça permet à 92 % des électeurs potentiels, au Québec, de se voir inscrire sur la liste électorale, parce que, plutôt que de mettre le fardeau sur le citoyen, comme c'est le cas aux États-Unis, par exemple, ici on va vers les gens et on s'assure d'obtenir leur nom. C'est un des acquis majeurs de notre système.

J'ai eu l'occasion de le dire, et ça vaut la peine d'être répété: Parfois, le mieux, c'est l'ennemi du bien. Et, si l'idée, c'est de tenter de nous convaincre que c'est une amélioration de cet excellent système qu'on a, encore une fois le fardeau de la preuve incombe au ministre responsable de la Réforme électorale.

Mais il y a plus. Un des aspects primordiaux de la liste permanente dont on nous parle à l'article premier du projet de loi 40, ça serait la confection de cette liste à partir d'une base de données, d'une banque de renseignements détenue par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Dans une analyse publiée récemment dans le journal Le Devoir , plus précisément le 16 décembre 1994, une analyste nous rappelait qu'au moins 9 % des avis de renouvellement expédiés lors de la révision du système de carte-soleil au Québec n'avaient pas été retournés. On ignore les raisons exactes. D'aucuns avaient prétendu, à l'époque, qu'il pouvait y avoir effectivement des questions majeures de fraude. Mais le Protecteur du citoyen et d'autres analystes ont eu raison de souligner que non seulement on ne pouvait pas tirer une telle conclusion, mais, en plus, par la manière de le constituer, qu'il y avait entre 3 % et 5 % d'erreurs à la base dans la liste de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Aussi, nous rappelait le Protecteur du citoyen, pour bon nombre de citoyens, le fait même d'ériger un système avec lequel il fallait aller auprès de l'État pour obtenir ce qui était auparavant renouvelé et envoyé automatiquement décourageait bon nombre de personnes.

On n'est pas sans connaître la notion de personnes qui seraient analphabètes fonctionnelles ou illettrées fonctionnelles, voulant dire que non seulement... Ce n'est pas une question strictement de savoir qu'ils ne peuvent pas lire quelque chose de simple, mais, pour beaucoup de gens, c'est extrêmement difficile d'accéder à des documents d'État. Il y a des études très intéressantes qui ont été faites là-dessus en ce qui concerne la lisibilité des textes, et c'est un exemple qui revient souvent en matière de contrats et même de législation. C'est pour ça qu'on insiste tellement, de ce côté de la Chambre, sur le besoin de conserver les acquis de notre système.

J'ai remarqué avec beaucoup d'intérêt la réponse que le Directeur général des élections a fournie en réponse à une question qui lui a été adressée au mois de décembre à ce sujet, lorsqu'on lui avait demandé s'il y avait un empêchement inhérent à son système, à l'idée d'une liste électorale permanente qui pourrait, par ailleurs, être révisée avec un système qui ressemblerait à cet acquis important de notre système qui est le recensement. In response to our question, Mr. Speaker, we were simply told by the Director General of Elections that there would be no such problem. He made it quite clear, having been explained that we wanted to leave the questions of costs on another level, that there was nothing inherently incompatible between the two systems being discussed.

I think that is a very important thing to bear in mind as we are discussing section one of Bill 40, Mr. Chairman. I think that it is important for us to understand that, on this side of the room, we are saying the same thing as the Minister is saying. We agree with him on several points. We agree with him when he says that only people who have the right to vote should be allowed to vote. Que seuls les gens ayant le cens électoral devraient voter. We agree with him when he says that we should improve our system. On est d'accord lorsqu'on dit qu'il faut améliorer le système. Where we do not agree with him, Mr. Chairman, is when he simply comes into this room and affirms that, because he has decided that this constitutes an improvement, any attempt to discuss what he has put before us is obstruction. It is an insult to the members of this commission and to the people here to be told that to discuss the role of the Director General of Elections is obstruction.

L'article 1 ne saurait être plus clair: on est en train de confier au Directeur général des élections la confection de la liste électorale permanente dont il est question dans le projet de loi 40, et il est des plus pertinent de poser des questions au Directeur général des élections, de pouvoir savoir sur quoi on se base lorsqu'on affirme que cette loi-là est la meilleure solution et constitue une réelle amélioration de notre système actuel.

On a des chiffres contenus sur un quart de page 8½ X 11. C'est ça qu'on a comme analyse, entre guillemets. Vous êtes universitaire, M. le Président. Vous avez déjà vu des analyses d'un quart de page, vous? Pas moi.

Avant de changer, avant d'accepter l'article premier du projet de loi 40, avant d'accepter de se réembarquer dans un système qui nous verrait calquer une liste qui, les observateurs les plus informés et les mieux situés – la liste de la RAMQ – nous le disent, a des problèmes, avant de s'embarquer dans un système où on calquera ce qui existe aux États-Unis comme système et qui connaît des failles importantes, avant de se faire mener par le bout du nez dans ce chemin-là, on a besoin de preuves et on n'en a pas eu jusqu'à date.

De ce côté de la Chambre, on est tout à fait d'accord pour dire qu'on veut réduire les coûts dans la mesure du possible, qu'effectivement trois recensements en une saison, comme on en a connus l'automne dernier dans beaucoup de juridictions importantes au Québec, ça commence à bien faire. On est d'accord avec ça. La question est de savoir par quoi on va remplacer un système qui a fait ses preuves. Est-ce qu'on va le remplacer avec du «guessage»? Est-ce qu'on va le remplacer par une analyse faite sur le coin d'une table ou est-ce qu'on va faire une analyse sérieuse? Est-ce qu'on va faire du travail parlementaire «bipartisan» visant à améliorer un système qui s'applique à l'ensemble des élus et qui va affecter, rappelons-le, si jamais on faisait l'erreur d'adopter ce projet de loi dans sa forme actuelle, les municipalités et les commissions scolaires sans pouvoir être adapté à leurs besoins?

(21 h 20)

Alors, lorsque l'article 1 nous dit que c'est le Directeur général des élections qui est chargé d'établir la liste électorale, rappelons que la liste en question ne vise pas seulement les élections provinciales – nationales, si vous préférez, M. le Président – mais ça vise en même temps les élections scolaires et les élections municipales. Et on a entendu de savants représentants du monde municipal et du monde scolaire défiler devant nous et nous dire: Bien, écoutez, ça ne fait pas notre affaire. Ça va nous coûter autant. Ça ne va pas pouvoir être à jour. Ça ne va pas respecter notre réglementation ou nos règles du jeu en ce qui concerne la qualité d'électeur. C'est ça qu'ils sont venus nous dire.

On a aussi entendu des préoccupations de la part de la Commission d'accès à l'information qui, rappelons-le, est en même temps la commission chargée de veiller au respect de la vie privée des Québécoises et Québécois. Ça, c'est important. Parce qu'on va confectionner une liste électorale à partir d'une autre banque de données, et ce sont des manoeuvres, ce sont des façons de faire dont les experts en matière d'accès à l'information et de protection de la vie privée nous mettent en garde depuis des années.

La mention même, la terminologie même utilisée devrait nous sonner des alarmes. On commence à parler des fichiers. On a des fichiers à l'article 1. Oui, oui, oui. Lisez bien l'article 1. Je vais vous le lire. Je vais me faire un plaisir de vous le lire en français puis en anglais. L'article 1 dit: «Le Directeur général des élections est chargé d'établir la liste électorale permanente en constituant un fichier des électeurs et un fichier des territoires»; «The chief electoral officer is entrusted with establishing the permanent list of electors by constituting a register of electors and a register of territories.»

Super-register, Mr. Chairman. What kind of trouble are we going to be getting into if we have no analysis of the validity of the list that we are going to be using at the Québec Health Insurance Board to constitute that list? What kind of trouble are we going to be getting into instead of improving a system that, as the Minister quite correctly said, has shown itself to be valid from Haïti to Madagascar? What kind of trouble are we going to be in if we replace that system with something that nobody has ever tried before in Canada?

In Canada, the closest experiment that we have seen is one in British Columbia, and even there, as the Director General of Elections correctly pointed out, we have not lost that very important element of the election process that we have always enjoyed in Québec, which is the door-to-door enumeration of electors, because that is the way, Mr. Chairman, to insure the greatest participation by the greatest number of electors in the elections in Québec. It is something that we do right. And, as my colleague from Mont-Royal pointed out, it is something that we have built here, in Québec, and we have adapted here, in Québec.

I had had occasion to read into the record of this commission, Mr. Chairman, I had had occasion to read into the record the words used by the Minister with his defeated candidate in the Lower Laurentians, when he was explaining why he was building this legislation, why he was presenting it. We can see what is at the back of the Minister's head. We can see what he is getting at in here. And it is not necessarily in the interest of the greatest participation by the greatest number of electors. That is why we are going to continue to work seriously, we are going to continue to ask questions to the Director General of Elections, we are going to continue to ask questions to the Minister, and until if we have had answers to those questions, we are not going to be satisfied and we are going to hold the Minister to this legislation until he can tell us that what he is proposing will indeed improve what everyone agrees is one of the best electoral systems in the world. Thank you, Mr. Chairman.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Chevrette: ...pour quelqu'un qui se dit universitaire et rigoureux, je voudrais référer le député de Chomedey au rapport du Directeur général des élections, «Une liste électorale informatisée», demandé par son propre gouvernement et analysé à la page 110. Et je vais d'ailleurs demander à un vrai universitaire qui ne se prend pas pour un autre d'expliquer pourquoi il y a un résumé de chiffres dans un petit mémoire. Pour quelqu'un qui se dit rigoureux... D'ailleurs, je viens de comprendre aujourd'hui – ha, ha, ha! – pourquoi à peu près 80 % des présidents de l'Office des professions m'avaient souhaité bonne chance, en disant que le député de Chomedey serait sur la commission.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Donc, je voudrais vous dire, M. le Président, que tout ce que je viens d'entendre – ha, ha, ha! – c'est un gars qui s'est fait aller les mâchoires pour dire qu'il avait des questions précises, intelligentes à poser, en universitaire aguerri, au président d'élection, et il n'a pas ouvert, dans 20 minutes, une seule question pour lui donner le temps d'y répondre. Il a accusé...

M. Mulcair: Je n'ai pas...

M. Chevrette: Non, je n'ai pas parlé durant que vous avez parlé.

M. Mulcair: Je n'ai pas fini.

M. Chevrette: Vous ne pouvez pas m'empêcher de rire, mais... Je vous permets de rire, mais pas de parler.

M. le Président, pendant 20 minutes, il n'a pas adressé une question. Il a accusé, il a laissé sous-entendre que, l'analyse des chiffres qu'on sauvait en faisant un seul recensement, tout est souterrain, là, hein, ce n'est pas sérieux, ce n'est pas une analyse, c'est quatre ou cinq lignes.

Il y a un rapport de son propre gouvernement, de juin 1992, adopté à l'unanimité par tous les membres du Parlement. Ça, c'est rigoureux que d'y référer, de regarder les chiffres, quelle est la base sur laquelle on s'est basé, justement, pour faire l'analyse de ce qu'on pouvait sauver en faisant un seul recensement pour le scolaire et le municipal. Quelqu'un de rigoureux, d'universitaire, qui s'affiche professionnel, qui a été à la tête des professions, devrait poser des questions précises plutôt que d'insinuer qu'il n'y a pas eu d'analyse sérieuse, qu'il n'y a pas eu véritablement de base de calcul sérieuse pour en arriver à produire les chiffres qu'on produit dans un petit résumé, effectivement.

Je demanderai, dans un premier temps, sur mon temps, au président des élections de répondre à ces insinuations malveillantes, non universitaires et non rigoureuses.

M. Mulcair: Mr. Speaker...

M. Chevrette: Je demanderais, M. le Président, sur mon temps – je vous le dis, c'est sur mon temps – à ce que je sache, c'est sur mon temps, et je lui demande de répondre.

Le Président (M. Simard): Est-ce qu'il y a une question de procédure, M. le député de Chomedey?

M. Mulcair: I was not aware, Mr. Chairman, that my time was over. I looked up and I had not been told that my time was over.

Le Président (M. Simard): Votre temps est terminé, M. le député.

M. Chevrette: Terminé.

M. Mulcair: Well, I have to...

M. Chevrette: Allez, monsieur.

M. Mulcair: ...use it...

Le Président (M. Simard): Et absolument, à la seconde près.

M. Mulcair: À la seconde près. Bien, c'est dommage, parce que ça a permis...

M. Chevrette: Non, non. C'est fini.

Le Président (M. Simard): Non, non. Si c'est dommage, c'est donc terminé.

M. Chevrette: C'est dommage, mais pour nous autres c'est heureux.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): M. le ministre.

M. Chevrette: Vous pouvez y aller. Je voudrais qu'il réponde sur mon temps.

M. Lefebvre: Qui autorise le Directeur général des élections à intervenir? C'est le ministre ou c'est vous?

M. Chevrette: Bien, c'est moi, sur mon temps.

M. Lefebvre: Non, non. Vous, vous suggérez, mais c'est le président qui décide s'il peut parler ou pas.

M. Chevrette: Ah bien, vous vouliez qu'il parle sans faute, tantôt...

M. Lefebvre: Non, non!

M. Chevrette: ...puis là vous ne voulez plus? Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Non, non! Non, non, ce n'est pas ça!

Le Président (M. Simard): Attention! S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Lefebvre: Ce n'est pas ça, M. le Président.

Le Président (M. Simard): À l'ordre! À l'ordre! Là-dessus...

M. Lefebvre: Il y a des procédures ici.

Le Président (M. Simard): Non, non.

M. Lefebvre: Le ministre, là, il décide plein de choses, mais pas tout.

Le Président (M. Simard): En tout temps, le ministre peut demander à son sous-ministre, à un directeur...

M. Lefebvre: Ce n'est pas ça, ma question, M. le Président. Je m'excuse, c'est vous qui donnez la parole aux parlementaires et à nos invités autour de cette table.

M. Chevrette: Bien oui!

M. Lefebvre: C'est ça, mon point.

Le Président (M. Simard): Oui. Je suis...

M. Lefebvre: Est-ce que j'ai raison?

Le Président (M. Simard): Je suis d'accord avec votre interprétation. Donc, le ministre...

M. Chevrette: M. le Président, je vous demande de laisser le sous-ministre...

M. Lefebvre: C'est ça!

M. Chevrette: ...répondre...

M. Lefebvre: C'est ça!

M. Chevrette: ...à la brillante question souterraine du député de Chomedey...

Le Président (M. Simard): M. le Directeur général des élections, à vous la parole.

M. Chevrette: ...à leurs insinuations malveillantes.

M. Lefebvre: Ça, c'est correct, M. le Président? Le dernier commentaire du ministre, c'est correct, M. le Président?

M. Chevrette: Aux insinuations malveillantes. Je vais le répéter trois fois.

M. Lefebvre: «Insinuations malveillantes», M. le Président...

Le Président (M. Simard): Je pense...

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Oui.

M. Lefebvre: ...je vous soumets respectueusement qu'«insinuations malveillantes» c'est considéré comme non parlementaire...

M. Chevrette: Non.

M. Lefebvre: ...au salon bleu...

M. Chevrette: Ce n'est pas vrai, ça.

M. Lefebvre: ...et que ça doit l'être ici également.

M. Chevrette: Absolument pas.

M. Lefebvre: Alors, je vous demande d'inviter le ministre à retirer ces deux derniers mots.

Le Président (M. Simard): M. le ministre, conformément aux pratiques...

M. Lefebvre: Avez-vous de quoi à dire, M. le député, vous?

Le Président (M. Simard): ...parlementaires courantes, je vous prierais de retirer «insinuations malveillantes», de le remplacer par autre chose ou de le retirer formellement.

M. Chevrette: Oui, remplacez ça en demandant à tout le monde de lire les 20 minutes du député de Chomedey. Ils vont comprendre que j'avais raison de dire ce que je n'ai pas le droit de dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): M. le Directeur général des élections, voulez-vous répondre à la question posée par le ministre?

M. Côté (Pierre-F.): Oui, M. le Président. Effectivement, le tableau que j'avais distribué au mois de décembre, qui a pour titre «L'analyse de la rentabilité de la liste électorale permanente»... On a peut-être présumé de notre part que vous l'aviez en main, que vous aviez déjà pris connaissance du rapport qui a été déposé au mois de mars 1993, suite à un mandat de l'Assemblée nationale du 12 juin 1992, rapport qui, incidemment, a été soumis dans le temps prescrit. On avait jusqu'au 31 mars et on l'a soumis au mois de mars. Je pense qu'il ne serait pas inutile que tout le monde en prenne bien connaissance parce que ce sont les fondements du projet actuel.

Il y a évidemment des différences fondamentales si on compare le tableau de la page 110 au tableau qui vous a été remis. Pardon?

M. Fournier: M. le Président, est-ce qu'on a le document en question?

Le Président (M. Simard): Je m'excuse. Non, non.

M. Côté (Pierre-F.): Il a été distribué à tous les députés de l'Assemblée nationale au moins au mois de mars 1993. Je n'ai entendu parler d'absolument personne qui l'avait reçu ou qui l'avait lu. Je dis que copie a été remise à tout le monde en très grand nombre d'exemplaires. Il est distribué, actuellement, à qui en fait la demande. Si vous exprimez le désir d'en avoir des exemplaires supplémentaires, on va se faire un plaisir de vous en donner, il en reste encore.

C'est ce rapport-ci, qui est intitulé «Une liste électorale informatisée. Rapport sur l'informatisation des listes électorales provinciales, municipales et scolaires». Alors, c'est le fondement du processus qui a commencé, comme je l'ai mentionné, au mois de décembre, en 1978, par le projet de loi 3, qui s'est poursuivi par des réflexions et qui s'est complété par ce mandat de l'Assemblée nationale, qui date de pas très longtemps. Je vous signale que la résolution de l'Assemblée nationale, adoptée à l'unanimité, me confiant la responsabilité de faire cette étude, cette résolution de l'Assemblée nationale a été adoptée en date du 18 juin 1992.

Le Président (M. Simard): M. le Directeur général des élections...

(21 h 30)

M. Chevrette: Adopté à l'unanimité, je suppose?

Le Président (M. Simard): ...si ça pouvait aider au bon ordre, à l'information des membres de la commission et peut-être à l'accélération de nos travaux, vous serait-il loisible, demain, d'en faire parvenir copie à tous les membres de la commission?

M. Côté (Pierre-F.): Le nombre d'exemplaires que vous voudrez avoir, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le Directeur.

M. Chevrette: Donc, M. le Président, est-ce qu'il me reste du temps sur mon temps?

Le Président (M. Simard): Oui.

M. Chevrette: Merci. Donc, ce travail était le fruit d'une résolution de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas parce qu'un individu n'était pas dans cette Chambre que l'Assemblée nationale n'était pas reine et maîtresse, là. Ça a été voté à l'unanimité des partis en Chambre, y compris par le Parti Égalité, à l'époque, pour donner le mandat, précisément, d'étudier cette liste permanente. C'est un mandat unanime. Et ça a été fait par des universitaires, tous des universitaires, basé sur des données recueillies dans des grandes villes comme Montréal, comme Laval, comme Québec, des villes comme Saint-Hubert, Longueuil et des municipalités. On a évalué que ce qui se dépensait au Québec. Et c'est sûr que, lorsqu'on arrive avec une législation, on prend pour acquis que les membres en ont un tant soit peu pris connaissance. C'est que, quand un ministre prépare, par exemple, le mémoire pour donner suite à un mandat du genre, il réfère au mémoire et il écrit, globalement ou de façon synthétique, les chiffres qui y sont exposés. Donc, la feuille qui a été distribuée par le Directeur général des élections, c'est une feuille qu'on lui avait demandée, précisément: faire un résumé des gains. Et, c'est ce qu'il a fait.

C'est ce qui a fait que des universitaires, de par ce résumé, ne reçoivent sans doute pas justice, M. le Président. Mais, pour quelqu'un qui se targue de creuser ses dossiers, bien, qu'il prenne la peine de les lire, et vous allez voir que c'est fait sérieusement. Ce n'est pas fait en l'air. Et Marc-Yvan Côté partageait tous ces chiffres; il les partageait tellement qu'il a fait dégager, à la suite de ce rapport-là, un consensus au niveau, je crois, des quatre partis politiques, à part ça, à l'époque. Je ne suis pas certain qu'à l'époque, à ce moment-là, le parti Action démocratique n'ait pas assisté à une des dernières réunions sur le sujet. On avait remodifié la composition du Comité consultatif pour permettre à l'Action démocratique de siéger, à Equality de siéger, au Parti libéral et à nous-mêmes. Et les quatre partis sont tombés d'accord sur un consensus: il fallait se doter d'un outil. Et qui pour préparer l'outil? C'est le Directeur général des élections.

Je m'attendais qu'au cours des 20 minutes les députés auraient posé des questions précises au Directeur général des élections. Pas une, M. le Président. On a épilogué pendant cinq minutes sur ce que c'est qu'un ministre de tutelle. Un ministre de tutelle, c'est un ministre qui est responsable soit d'une société d'État, soit d'une direction générale. C'est une expression assez bien connue dans ce langage parlementaire. Et, même à l'Office des professions du Québec, on parle souvent de ministre de tutelle, parce que le ministre de tutelle, par exemple, de l'Office des professions, ça a été de temps en temps le ministre de l'Éducation, de temps en temps le ministre de la Justice. On a même eu un ministre du Revenu, dans le temps des libéraux, qui a été ministre de tutelle. On a connu ça.

C'est un ministre de tutelle dans une direction, et ça n'a rien de péjoratif. C'est une expression, comme d'autres expressions veulent dire ce qu'elles veulent dire. C'est un ministre qui est responsable, même pas du budget, parce que c'est l'Assemblée nationale de par commission, même pas du travail; il est responsable de voir à ce que la direction exécute les volontés politiques majoritaires ou unanimes de l'Assemblée nationale. C'est tout. Ce n'est pas plus malin que ça. Sauf que ça fait avancer les choses de faire cinq minutes sur un ministre de tutelle! Ha, ha, ha! Ça fait évoluer le contenu du cas du projet de loi! Ça fait évoluer énormément la discussion ici et ça aide à poser des questions au Directeur général des élections!

Le Président (M. Simard): Vous avez terminé?

M. Chevrette: Oui, c'est assez. Je ne parle pas pour ne rien dire.

Le Président (M. Simard): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je suis très heureux d'intervenir sur le projet de loi sous étude. J'aimerais d'abord préciser que j'ai l'intention de faire un certain nombre de commentaires, desquels on pourra comprendre qu'il y a certainement un questionnement profond et fondamental. Il n'est pas certain que je vais formuler mes commentaires de la façon dont le ministre souhaite que je le fasse. Je ne sache pas, malgré ma courte expérience, que je doive formuler ces commentaires en fonction de questions directement posées dans les trois premières minutes de mon allocution, mais je peux, je pense, avoir le droit de prendre un certain temps pour exposer comment je vois cet article 1.

Et, si vous me permettez, dans un premier temps, j'aimerais vous dire que j'ai été choqué d'entendre des propos qui nous prêtaient des intentions à l'effet que ce que nous faisions était des mesures dilatoires. Je viens d'entendre le ministre, qui a fait lui-même un exposé de cinq minutes sur un ministre de tutelle, qui nous taxe de faire cinq minutes sur un ministre de tutelle. Alors, je ne sais pas qui joue aux cinq minutes, ici. L'essentiel c'est, pour nous, d'exprimer ce que nous comprenons et ce que nous croyons être utile lorsqu'on parle de la loi qui nous amène une liste ou une nouvelle façon de faire une liste électorale.

Et, d'entrée de jeu, une fois que j'ai fait cet aparté sur le côté ou le caractère dilatoire de nos remarques, vous remarquerez, j'en suis sûr, à la relecture de l'ensemble des participants de cette commission, ceux qui participent à la commission et qui font des commentaires sur ce projet de loi, qu'il y a des gens qui ont des idées et qui les émettent. Alors, on pourra relire pour voir si, effectivement, ceux qui ont participé ont commis des mesures dilatoires ou n'ont pas plutôt tenté de faire avancer le débat. Pour les autres, on verra.

Donc, je suis content, M. le Président, que vous ayez formulé, auprès du Directeur général des élections, une demande qui est, somme toute, pour ceux qui n'ont pas eu la chance, n'ayant pas sollicité de mandat, d'être député en mars 1993. Pour ma part, dans la transition, je n'ai pas reçu ce document de l'ancien député de Châteauguay. Donc, je serais très heureux de pouvoir mettre la main sur ce document et de pouvoir en faire moi-même une lecture qui permettrait d'en arriver à une certaine analyse qui, je l'espère, pourra répondre à une question que mon collègue de Chomedey a, je pense, bien établie – et nous le croyons – à savoir que l'objectif qui est visé, un des objectifs qui sont visés, on en a parlé beaucoup, est celui d'avoir une meilleure efficience, celui d'avoir des coûts qui sont réduits.

Dans la période que l'on connaît, ça me semble tout à fait normal. Il faut qu'on puisse aussi l'établir de façon la plus claire possible, et à l'ensemble des contribuables. Et, dans ce sens-là, espérons que la lecture de ce document nous permettra de participer, nous aussi, à l'effort pédagogique de l'ensemble de la population pour leur dire que la démarche de ce projet de loi, dont l'article 1 constitue le lancement par le mandat qui est confié, pourra leur permettre de comprendre qu'il y a effectivement une économie de coûts.

Dans cet article premier, M. le Président – comme je le disais, c'est l'article de base de ce projet de loi – il y a quelques notions qui peuvent attirer notre attention, en tout cas qui soulèvent des questionnements. On a parlé de la question du fichier des électeurs, du fichier des territoires. Parlons du fichier des électeurs. J'avais sorti un certain nombre de citations. Je ne les relirai pas, M. le Président, ne serait-ce que parce que je présume que mes collègues, autant de ce côté-ci que de l'autre côté, ont lu les mémoires qui nous ont été déposés et ont écouté ceux qui sont venus nous en faire la présentation.

Ces mémoires, M. le Président, et à plus qu'une reprise, ont soulevé des inquiétudes, des interrogations sur la possibilité d'utiliser des renseignements nominatifs sans le consentement des gens qui sont concernés. Des questions importantes ont été soulevées, non seulement sur l'établissement de la liste en constituant le fichier dont on parle à l'article 1, non seulement sur son établissement initial, mais sur la poursuite, sur la révision et sur le caractère potentiel de faire autre chose avec ces renseignements. Nous avons été avisés de cela. Et, lorsqu'on parle de cet article premier qui nous amènerait, si on n'avait absolument rien à dire, à laisser au ministre le champ libre, à ne même pas faire écho de ce que les gens nous ont présenté comme argumentation à l'égard du fichier, je pense qu'on ne remplirait pas notre mandat.

Conséquemment, des interrogations ont été faites là-dessus. J'ai bon espoir que nous ayons des garanties, des assurances que ce fichier, si tant est et s'il fallait qu'il soit mis de l'avant de la façon dont on semble l'entendre, ne permettra pas les débordements dont des organismes sérieux nous ont prévenus des risques.

(21 h 40)

Il y a un autre aspect qui est important, M. le Président, lorsqu'on parle de l'article 1, et je pense qu'on peut difficilement prendre l'article 1 et ne pas tenir compte de ce qu'il signifie lorsqu'on a une connaissance de l'ensemble du projet de loi. Ainsi, parler d'une liste électorale permanente sans tenir compte de la façon dont elle sera constituée et dont la révision sera amenée... On doit penser à la façon qui est prévue dans l'ensemble du projet de loi. Ça nous amène donc à constater qu'il n'y aura plus ou, en tout cas, qu'il y aura un changement majeur, une transformation radicale de la façon dont nous procédions jusqu'à aujourd'hui.

Aujourd'hui même, cet après-midi, le Congrès juif canadien, région du Québec, est venu nous présenter ses positions, et voici ce que l'on retrouvait dans le mémoire qui a été présenté aujourd'hui. Je pense que ce n'est pas inopportun de le rappeler, M. le Président, lorsqu'on parle de l'établissement de cette liste et qu'on décide de faire ce changement drastique et lorsqu'on se souvient que le ministre nous a dit et a dit au Congrès juif canadien qu'il prenait bonne note de leurs recommandations et ouvrait la porte à des changements éventuels. Le Congrès nous dit, à la page 4: «Au fil des années, le législateur a développé plusieurs mécanismes garantissant la neutralité de notre système électoral. Ainsi, lorsque la période électorale approchait, des scrutateurs issus du parti au pouvoir et de celui de l'opposition inscrivaient les électeurs sur la liste. Le Congrès juif canadien, région du Québec, considère que ce principe garantissant la neutralité des inscriptions à la liste devrait continuer d'être en vigueur dans le cadre de la réforme électorale qui nous occupe.»

M. le Président, nous parlons de l'article 1 de la liste électorale permanente au sens prévu à ce projet de loi là et nous avons aujourd'hui même entendu un organisme qui nous dit qu'il faudrait continuer, persévérer dans ce système de neutralité. Il dit: «À cet effet, nous pensons que le projet de loi 40 devrait prévoir que le Directeur général des élections s'assure de faire parvenir à chacun des bureaux régionaux la liste de ceux qu'il se prépare à contacter en vertu de l'article 5 du projet de loi 40, que nous commenterons ci-après. Ainsi, la préparation et le suivi de ces listes incomberaient non seulement au Directeur général des élections, mais aussi aux formations politiques formant le gouvernement et l'opposition, par souci de transparence du processus électoral.»

Il y a une notion de bipartisme, il y a une notion où les organismes qui s'intéressent aux matières électorales, les partis politiques, participent à l'outil essentiel qui sert à l'expression démocratique. Je ne dis pas qu'ils sont les seuls, je vous dis qu'ils participent, et leur participation, selon certains qu'on a entendus aujourd'hui, assure une neutralité. Quel effet cette façon de faire a produit? Et, si cet effet est bénéfique, pourquoi le changer? Des questions de coûts?

Oui, certainement. Je pense qu'il y a une volonté, de la part de beaucoup de personnes dans la population, à l'effet que, dans l'ensemble de l'activité étatique, on puisse réussir à assurer une plus grande efficacité, des meilleurs coûts – parfait – une plus grande efficacité, aussi, pour s'assurer que tous ceux qui ont le droit de vote puissent voter et que ceux qui n'ont pas le droit de vote ne votent pas, principe avec lequel nous sommes, évidemment, tous d'accord. Il faut s'assurer, M. le Président, que ceux qui ont le droit de vote puissent voter et puissent être inscrits sur cette liste.

Le système que l'on avait, dont on peut presque dire qu'il s'agissait d'un service à domicile, permettait de chercher chez eux les gens, de les aider, dans ce sens, à s'inscrire. Et, aujourd'hui, on veut changer ce système pour dire au Directeur général des élections, puisque c'est bien l'objet de l'article 1, on lui dit: Nous allons faire un virage à 180° et nous n'allons plus, maintenant, quérir l'information à domicile, nous allons plutôt inciter les gens à venir nous donner leur information.

On pourrait peut-être discuter un peu de la Colombie-Britannique – documents qui nous sont parvenus bien après mars 1993; par chance, nous avons pu en prendre copie – et, en Colombie-Britannique, il y a ce système. Dans les documents du Directeur général des élections de décembre 1994, on nous dit que, en Colombie-Britannique, il existe ce système de liste électorale permanente informatisée dont on dit qu'elle est ouverte, continue. Cette liste fait aussi l'objet, M. le Président, d'un recensement périodique porte-à-porte, qui est effectué dans l'ensemble de la province le premier lundi de mai de la troisième année qui suit une élection générale.

Je ne prendrai pas tous les éléments comparatifs qu'on retrouve là-dedans, je ne vous parlerai pas des États-Unis. Je ne ferai que souligner que, pour les systèmes qui ne connaissent pas le régime du porte-à-porte, disons, ils semblent démontrer qu'il y a une baisse dramatique des inscrits, de ceux qui, par ailleurs, ont le droit de voter et qui ne peuvent pas voter parce que n'étant pas sur la liste électorale.

Nous avons un système, en Colombie-Britannique, où il y a une liste permanente informatisée. Il y a tout lieu de croire qu'elle serait uniformisée. Je ne sais pas si le système, en Colombie-Britannique – peut-être que le ministre pourra nous répondre – fait en sorte que cette liste permet un vote au niveau municipal, au niveau scolaire. Je ne connais pas leur fonctionnement au niveau scolaire. Peut-être que cette liste uniformisée, avec un recensement de révision, si je comprends bien, est une façon de répondre au Congrès juif qui est venu nous dire aujourd'hui qu'il fallait préserver, dans notre façon de faire, un aspect qui permet aux organismes, aux intervenants les plus directement concernés, les partis politiques, ceux qui ont à vivre de cet instrument, ceux qui tirent leur légitimité de cet instrument, d'avoir leur mot à dire.

C'est ce que le Congrès juif nous dit. Dans le fond, il nous allume une lumière sur la légitimité, le Congrès juif. Dans le fond, la Colombie-Britannique essaie peut-être de donner un système efficace permettant d'éviter ce que nous voulons tous éviter, des multiplications de recensements sur une courte période, dans une même saison, a-t-on dit, mais néanmoins conserver un caractère où nous pouvons aller chez les gens, non pas pour les harceler, M. le Président. Tant que nous dirons que le recensement est du harcèlement, je pense que nous commettrons une erreur et que nous allons tromper les gens.

Le service à domicile incite les gens à participer à la vie démocratique. Est-ce trop demander que de souhaiter que la population ait une place qui lui soit faite, une invitation qui lui soit lancée par ses gouvernants, que cette invitation soit amenée à leur domicile, qu'on vienne leur dire: Vous savez, il y a une élection qui s'en vient, et notre mandat est de dresser une liste? Vous êtes concernés, vous, chez vous, à telle adresse, de telle rue. Voulez-vous vous inscrire? Et ils ont le choix, à ce moment-là. Il n'y a pas de problème bureaucratique de Big Brother, il n'y a pas de danger de fichiers qui s'éparpillent. Il y a une démarche qui comble beaucoup de besoins en un seul moment.

M. le Président, je ne voudrais certainement pas qu'on me dise que, parce que j'ai des inquiétudes sur l'article 1, parce que je m'interroge sur la procédure en Colombie-Britannique, parce que j'ai des craintes suite aux organismes qui sont venus concernant le fichier, son utilisation et les débordements qui peuvent être créés, je fais des procédures dilatoires, que je fais perdre le temps à cette commission et que nous avons été élus pour rien.

(21 h 50)

Nous avons, dans cette institution et dans cette commission, je pense, des règles qui nous permettent de prendre la parole durant une période. On pourrait la trouver longue, on pourrait la trouver courte, c'est selon, mais elle me semble encore raisonnable et elle me permet tout au moins de constater – et le ministre en faisait état tantôt, à juste titre; d'autres sont intervenus là-dessus – que le système qui est en place en ce moment peut être bonifié, oui. Doit-il être scrapé? Non. C'est ça, essentiellement, la question. Pourquoi ne pas le scraper au complet? Parce que, jusqu'à un certain point, je pense qu'au Québec on se fait une gloire de ça. On a un service, le Directeur général des élections, qui exporte le know-how québécois. On peut être fier de ça. Et, ce know-how québécois, il est fondé sur notre façon de permettre à la population de s'exprimer, en démocratie, sur la légitimité qu'on donne au vote, à nos gouvernements. C'est ce qui permet aux citoyens d'accepter la loi qui leur sera votée, pour ne pas dire parfois décrétée, dans certains cas.

Alors, M. le Président, la question fondamentale est la suivante: Si notre système était si bon pour l'exporter, s'il était si bon qu'il nous permette... On m'a fait référence à certains chiffres, à quelque chose comme 92 % des gens qui, en ce moment, avec le système qu'on a, ont le droit de vote, sont inscrits et qu'aux États-Unis, semble-t-il, je ne sais pas dans quelle juridiction ou si c'est dans l'ensemble, on pourra me corriger, on parlerait de 63 % des gens qui ont le droit de vote et qui sont inscrits. Alors, il y a une différence fondamentale entre les deux systèmes. Et pourquoi s'éloigner du système qui est le nôtre, en disant, à l'article 1, que nous allons charger aujourd'hui, nous, ici, le Directeur général des élections d'établir une liste électorale permanente qui n'a rien à voir avec la liste que l'on connaît aujourd'hui, ni non plus, M. le Président, avec une liste électorale comme celle de la Colombie-Britannique? On pourrait peut-être me donner des précisions. Est-ce que cette méthode de révision ou, si je comprends bien, finalement, périodique, par voie de recensement que l'on voit en Colombie-Britannique, permettrait de répondre à une des revendications soumises par le Congrès juif aujourd'hui même?

Je vois, M. le Président, que vous m'indiquez que le temps est court. Je me permettrais simplement de résumer...

Une voix: Tu n'as pas besoin de nous pour...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Il y a deux thèmes d'inquiétude, et sans doute une interrogation qui permet au ministre de nous préciser comment il voit cette expérience de la Colombie-Britannique: Comment n'y aurait-il pas lieu de comprendre maintenant, à l'article 1, que la liste permanente serait révisée par recensement, pour répondre à un critère de neutralité? Est-ce que c'est une situation, en Colombie-Britannique, qui permet de répondre au Congrès juif canadien qui nous a parlé aujourd'hui? Alors, je m'arrête là-dessus, M. le Président, sous réserve de pouvoir revenir, peut-être, si j'ai encore un peu de temps, un peu plus tard.

Le Président (M. Simard): La réplique du ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je vous avoue que ce que j'avais anticipé se concrétise intervention après intervention, c'est évident. Et je pense que je serais prêt à suggérer un briefing de deux heures pour faire expliquer aux parlementaires le projet de loi par le Directeur général des élections. Franchement, M. le Président, ça n'a quasi pas de bon sens. On dit que la loi avait un titre au départ, et – le député de Rivière-du-Loup s'en rappellera; si le leader de l'opposition était ici, il s'en rappellerait, il était là – on a fait changer le titre du projet de loi pour pouvoir introduire d'autres types d'amendements, mais le projet de loi lui-même, c'était une liste électorale informatisée. C'est ça qu'était le projet de loi. Et, je prends à témoin le député de Rivière-du-Loup, je prends à témoin ceux qui ont suivi un petit peu le débat, l'objectif, c'était de faire une liste électorale informatisée, conformément au consensus de 1992 et au mandat unanime de l'Assemblée nationale confié au Directeur général des élections. Ce n'était pas plus que ça, puis ce n'était pas moins que ça.

Mais, les parlementaires libéraux me l'ont demandé avec insistance, et je vois encore le leader de l'opposition dire: Je veux un titre global, vous savez, globalisant, vous savez, englobant, et il a passé deux heures à nous dire ça. M. le député de Rivière-du-Loup s'en rappellera, j'ai dit: Oui, oui, c'est parce que vous voulez apporter d'autres types d'amendements? On va en apporter. On en a 16 de prêts, sur des consensus, qu'on est prêt à déposer, à part ça. Mais, c'était une liste électorale permanente.

Là, M. le Président. On ne veut même plus faire la liste électorale permanente. C'est du recensement. On a expliqué pourquoi on faisait une liste électorale permanente, on l'a expliqué, c'était pour éviter des coûts astronomiques, y compris le recensement qui est de 15 000 000 $. Vous ne nous ferez pas faire un recensement de 15 000 000 $ à l'intérieur d'une même année où il y en a eu un. «C'est-u» correct? Vous avez le goût de dépenser? Vous dépenserez. Nous, on ne le fera pas, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président. Les libéraux eux-mêmes, en 1988, le 8 juin – le recherchiste l'a sans doute trouvé, depuis que je lui en ai parlé – le 8 juin 1988, suspension des règles de la Chambre par les libéraux pour éviter un recensement qui, dans le temps, coûtait à peu près 11 000 000 $. C'est rendu à 15 000 000 $. Et, voyez-vous...

Une voix: Vous étiez contre.

M. Chevrette: M. le Président, on était contre parce que les élections devaient avoir lieu... Je peux répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Non, non, vous pouvez vous bidonner, comme les professions se bidonnaient quand vous parliez, M. Mulcair. Mais, ce que je veux dire, c'est que vous ne nous ferez pas faire, en 1994, dans une année électorale, un recensement. On a des moyens de révision... Je ne vous ai pas dérangé. Vous avez parlé pendant 20 minutes, et je n'ai pas dit un mot. Correct? Je n'ai pas dit un mot durant 20 minutes, et vous allez m'endurer le reste du temps qui reste, d'ailleurs.

M. le Président, croyez-le ou non, là, c'est rendu qu'ils veulent des recensements quand il y a des mécanismes de révision beaucoup mieux adaptés. Ils ont peur que les gens ne s'inscrivent pas, M. le Président. La farce! S'il y a un fichier qui a trop de monde... La RAMQ, en plus. Ils prétendaient qu'il y avait 200 000 cartes de la RAMQ de trop et ils ont peur que les gens ne soient pas inscrits. Ce n'est pas des farces, ça! Moi, je serais bien plus inquiet, si j'étais eux autres, de savoir qui va venir enlever son nom sur les listes, parce que, si on confronte une liste avec la RAMQ... C'est le fichier le plus complet. Tous les Québécois ont leur petite carte. Ils vont l'avoir avec photo, en plus. Ce n'est pas des farces, ils sont inquiets que les électeurs ne s'inscrivent pas. Ça n'a ni queue ni tête, ça ne résiste pas à l'analyse. Ça manque de rigueur au complet, et c'est exactement comme il vient de le dire. Ça y ressemble.

Donc, M. le Président, il y a des limites à entendre des folies. Le processus qui est à l'article 1, ce n'est qu'un degré, ce n'est qu'un mandat, M. le Président, qu'on donne. Et, moi, je prétends, M. le Président... D'ailleurs, vous l'avez remarqué, vous m'avez demandé de garder le Directeur général pour répondre à des questions; il n'en a pas eu une. Il n'en a pas eu une, M. le Président, parce que l'objectif libéral dans ce projet de loi, c'est de maintenir le chaos actuel, M. le Président, et je le dis comme je le pense. Je leur prête non seulement des intentions, mais je suis porté même à les accuser, comme collectivité...

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement! Question de règlement!

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac.

M. Chevrette: Tiens! Il est en train de s'effaroucher.

M. Lefebvre: Pardon?

Le Président (M. Simard): M. le député de Frontenac.

M. Chevrette: Ne t'effarouche pas, là!

M. Lefebvre: Là-dessus, est-ce que c'est autorisé en commission parlementaire?

Le Président (M. Simard): Je n'ai pas entendu, M. le député.

M. Chevrette: Oh...

M. Lefebvre: Non? Ça ne l'est pas au salon bleu. Est-ce que ça l'est, ici?

Le Président (M. Simard): Ça ne l'est nulle part.

M. Lefebvre: Article 35, M. le Président. On sait – et vous étiez d'accord cet après-midi, vous connaissez la règle autant que moi – que c'est les mêmes règles en commission parlementaire qu'au salon bleu: on ne peut imputer des motifs indignes à un député ou refuser...

M. Chevrette: Ceux, M. le Président, d'abord...

M. Lefebvre: Hein? M. le Président! M. le Président!

Le Président (M. Simard): Bon...

M. Chevrette: Ceux qui prétendent, M. le Président, dans ce cas-là...

M. Lefebvre: «Semer le chaos», M. le Président...

Le Président (M. Simard): Ça, ce n'est pas une expression antiparlementaire, c'est une expression d'opinion publique.

M. Chevrette: Non, non.

M. Lefebvre: Non, non, l'intention.

Le Président (M. Simard): Mais, au niveau de l'intention, il a retiré ses paroles.

M. Chevrette: Oui, oui, M. le Président. Ceux qui prétendent, M. le Président, que le système actuel est correct et qui se complaisent dedans, c'est parce qu'ils ont des objectifs inavoués. Et ces objectifs inavoués...

Le Président (M. Simard): M. le ministre, à cause du temps, il est maintenant 22 heures, nous devons...

M. Chevrette: Ah! il me reste une minute.

Une voix: C'est le président qui a décidé. Terminé.

M. Chevrette: Oui, vous êtes bien mieux.

Le Président (M. Simard): Un instant! Un instant, s'il vous plaît! Il a été question tout à l'heure, à la suggestion du ministre, qu'il y ait une période de briefing...

M. Chevrette: Oui...

Le Président (M. Simard): ...du Directeur général des élections. Celui-ci, que j'ai consulté il y a quelques minutes, serait prêt, à 10 heures, demain matin, pour une période de deux heures...

M. Chevrette: À l'expliquer.

Le Président (M. Simard): ...à faire une explication des points techniques et de la compréhension de la loi. Il ne s'agit pas d'un débat politique, ou d'une acceptation, ou d'une remise en question, mais d'une tentative de compréhension des éléments contenus dans la loi. Alors, est-ce que cette salle est disponible?

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Simard): Bon. Alors, je vous propose que, pour les parlementaires de cette commission, et même d'autres qui sont intéressés à mieux comprendre les mécanismes de la loi et qui voudraient profiter des lumières du Directeur général des élections, celui-ci soit disponible ici, à compter de 10 heures, demain matin, pour une période de briefing de deux heures.

M. Dumont: Il n'est pas question qu'on se transforme en séance et qu'on étudie...

Le Président (M. Simard): Absolument pas. Alors, la séance est ajournée à demain, 15 heures.

(Fin de la séance à 22 heures)


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