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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le lundi 10 avril 1995 - Vol. 34 N° 26

Étude des crédits du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles


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Table des matières

Journal des débats


(Vingt heures six minutes)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! C'était pour vous que je le disais, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Alors, je rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à l'étude du programme 1 des crédits budgétaires du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles pour l'année financière 1995-1996.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ciaccia (Mont-Royal) est remplacé par M. Beaudet (Argenteuil) et M. Fournier (Châteauguay) par Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys).


Organisation des travaux

Le Président (M. Simard): Alors, à ce moment-ci, avant d'entreprendre nos travaux proprement dits, il faudrait voir à les organiser. J'aimerais bien que les membres de la commission m'indiquent de quelle façon la commission procédera à l'étude des crédits. Est-ce que nous procéderons par programmes et éléments, selon le livre des crédits, par discussion générale avec un vote à la fin, par thèmes ou tout autre mode? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: M. le Président, si notre ministre le veut, je pense que, ce soir, d'ailleurs, comme M. Ciaccia n'est pas avec nous, ce sera le volet francophonie; on va toucher un peu à affaires francophones, là, tout simplement. Et, demain, ce sera programme par programme avec M. Ciaccia. Moi, la discussion que je veux avoir, c'est tout simplement au niveau des budgets, là, surtout au niveau de la francophonie. Donc, ça devrait être relativement...

Le Président (M. Simard): Ça vous convient de...

Mme Frulla: ...ou aller relativement bien.

Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier.

M. Perreault: Oui. Donc, M. le Président, ce que je dois comprendre, c'est que ça va être une discussion générale, en commençant par la francophonie...

Mme Frulla: C'est ça.

M. Perreault: ...et qu'on adoptera tout ça à la fin.

Mme Frulla: C'est-à-dire que, demain, on verra...

Le Président (M. Simard): De toute façon, on a trois séances.

Mme Frulla: ...avec le cabinet.

Le Président (M. Simard): Alors, il n'y aura pas de vote avant la fin.

Mme Frulla: C'est ça.

Le Président (M. Simard): Alors, vous préféreriez, ce soir, une discussion assez générale sur les crédits en francophonie. M. le ministre, est-ce que ça vous convient comme mode de...

M. Landry (Verchères): Parfaitement.


Volet francophonie


Remarques préliminaires

Le Président (M. Simard): Bon. Alors, c'est à vous la parole. Je vous invite à faire une présentation générale. Je demanderai ensuite à l'opposition, peut-être, de faire des commentaires introductifs. Et nous passerons ensuite à l'étude plus détaillée.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, d'abord, je voudrais vous féliciter pour votre accession à ce poste de président de notre commission des institutions. Je crois que peu de personnes pouvaient s'acquitter aussi bien que vous de cette lourde tâche, d'abord parce que les questions internationales vous sont familières; vous y avez oeuvré longuement et vous avez occupé la présidence d'une grande organisation internationale, l'organisation des peuples francophones, et vous l'avez fait en vous méritant l'estime générale de tous les participants de tous les continents qui ont travaillé avec vous dans cette organisation. Vous avez également une solide expérience nationale – et nos institutions sont aussi, bien sûr, nationales – vous avez présidé un grand mouvement national québécois. Par conséquent, je crois que vos collègues ont fait un bon choix en vous élisant à ce poste.

Je suis également heureux de voir que la formation politique à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir est ici représentée par des gens qui, peut-être à l'exception du député de Drummond... Et je ne dis pas ça pour minimiser, d'aucune manière, sa présence; il va s'illustrer, j'en suis sûr, dans la commission comme les autres. Mais les trois autres ont une solide expérience internationale.

Je commence par le député de Mercier, qui a fait un bon bout de carrière à l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Donc, les questions francophones – ça ne déplaira pas à la députée de Marguerite-Bourgeoys – il les connaît bien, il y est versé.

Le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques m'éblouit encore par son rayonnement international, parce que je dois, par mes fonctions...

(20 h 10)

Une voix: Au Caire.

M. Landry (Verchères): Je ne vois pas pourquoi vous dites surtout au Caire; j'ai entendu parler de vous à Munich, à Davos, à Paris, à Ouagadougou, et je ne veux pas vous nommer toutes les grandes métropoles où mes fonctions m'amènent. Et le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, dans l'opposition, pour la période où il y fut, et depuis qu'il est au gouvernement, continue une vigoureuse action internationale intéressante.

Le député de Vachon, par l'histoire de sa vie, je dirais, et parce qu'il parle bien le King's English, aussi, il a beaucoup travaillé dans ces genres de dossiers.

Et, dans l'opposition, je suis sûr, au moins, qu'une des personnes qui représentent l'opposition officielle, ce soir... Encore une fois, je ferai la même remarque que pour le député de Drummond, je ne veux pas minimiser la participation à la commission de celui qui n'est pas le député de Marguerite-Bourgeoys, mais je sais de la députée de Marguerite-Bourgeoys qu'elle connaît bien les questions francophones pour y avoir oeuvré.

Ces précautions étant prises, et j'espère que le ton ne montera pas durant notre commission, mais j'ai voulu la commencer d'une manière civile. Je veux maintenant vous présenter brièvement l'action du ministère des Affaires internationales...

Le Président (M. Simard): Auriez-vous la gentillesse de nous présenter ceux qui vous entourent, M. le ministre?

M. Landry (Verchères): Oh, avec joie! Pour celui qui est à ma droite, c'est presque superflu. Comme moi-même, d'ailleurs, il est antérieur à la plupart des meubles qui, maintenant, ornent cette salle, parce que, quand on a commencé à y venir, c'était encore le vieux mobilier. Alors, il s'agit évidemment de Robert Normand, sous-ministre en titre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mon directeur de cabinet, à ma gauche, Me Daniel Audet, qui, en plus d'avoir une formation juridique dans une étude excellente – que fréquentait, d'ailleurs, la députée de Marguerite-Bourgeoys, et j'ai eu l'honneur, quand j'étais jeune avocat, d'y pratiquer moi-même – est avocat et également philosophe, ce qui ne nuit pas dans le métier que nous avons à faire ensemble.

Et François Houle, qui est attaché politique, responsable surtout des questions politiques, comme le nom de sa fonction l'indique, mais qui a une longue expérience dans diverses formations politiques et diverses capitales. Et, quand il était à Ottawa, ce n'était pas toujours au Bloc québécois, parce qu'il a également eu des états de service auprès de ministres conservateurs.

Et la véritable force n'est pas à la table, évidemment, elle est dans mon dos. Je ne vous les présenterai pas tous et toutes, mais c'est l'équipe qui assume les lourdes responsabilités dans la vie quotidienne du fonctionnement de ce ministère. Ça va, M. le Président, pour les présentations?

Le Président (M. Simard): Tout à fait. C'était surtout pour fins d'enregistrement. Vous comprendrez que nous connaissons très bien vos collaborateurs, mais, pour des fins d'enregistrement, il était nécessaire de les identifier.

M. Landry (Verchères): Très bien.

Le Président (M. Simard): À vous, la parole.

M. Landry (Verchères): Alors, je reviens à ce qui nous réunit ici: c'est l'argent que l'État va consacrer, durant le prochain exercice, à l'action du ministère des relations internationales et, aussi, quelques questions qui peuvent intéresser le précédent exercice: Pourquoi y a-t-il un ministère des relations internationales dans ce qui, formellement, est la province de Québec, mais qui est le Québec? Quels sont ses fondements juridiques, ses fondements historiques et ses vocations?

D'abord, sur le plan de son fondement juridique, le Conseil privé de Londres, qui était l'instance judiciaire suprême jusqu'à naguère, c'est-à-dire le traité de Westminster, a arbitré de façon très sage – et je ne suis pas sûr que la Cour suprême du Canada aurait fait aussi bien, et avec autant de lucidité, et avec autant de rigueur – de façon claire, dans un arrêt, où le Québec n'était pas impliqué, d'ailleurs, mais l'Ontario, que Sa Majesté du chef du Canada et Sa Majesté du chef des provinces, c'est-à-dire le chef de l'Exécutif, étaient, d'une part, indivisibles et souveraines dans les responsabilités que leur avait conférées le Parlement impérial en 1867.

En d'autres termes, contrairement aux États-Unis d'Amérique, où il y a une clause fédérale et où Washington est responsable des relations internationales dans tous leurs tenants et aboutissants, au-dessus des États membres, au Canada, chaque État possède la souveraineté nationale et le prolongement international de cette souveraineté dans ses relations avec les pays étrangers et les organisations internationales.

En d'autres termes, le gouvernement du Canada ne pourrait pas signer un traité en éducation qui lierait le gouvernement du Québec, puisque l'éducation relève du gouvernement du Québec. Le Canada peut toujours signer des traités, mais d'une portée limitée, sinon purement symbolique. Des traités en matière de forêts? Le gouvernement du Canada est responsable des arbres de la colline parlementaire à Ottawa, et puis c'est tout. Un traité sérieux en matière de forêts ne peut être appliqué au Québec sans que le gouvernement du Québec ne soit d'accord.

Alors, vous voyez que les bases juridiques de l'action internationale du Québec sont solides, qu'elles sont vastes, qu'elles dépassent de beaucoup l'économie. Autre hérésie que de penser que le gouvernement du Québec ne doit s'occuper que d'économie et ne pas avoir de politique étrangère. Ce que je viens de dire s'applique à toutes les juridictions de cette Assemblée nationale, donc du gouvernement du Québec.

C'est ce qu'on a appelé, dans la foulée et la suite logique de l'arrêt du Conseil privé, la doctrine Gérin-Lajoie, Paul Gérin-Lajoie, ministre libéral, une des vedettes de la Révolution tranquille, qui, d'ailleurs, comme vous le savez, s'active toujours dans les relations internationales, les relations avec le tiers-monde, en particulier. Je ne sais pas où il trouve le temps de gérer la dictée, en plus, parce qu'il y a la fameuse dictée Gérin-Lajoie. Gérin-Lajoie, ancien ministre de l'Éducation, qui était et est peut-être encore aussi, mais avec moins d'entraînement, un juriste de grande qualité, a publié une thèse, et ensuite, comme ministre, a bien établi que le fondement juridique des relations internationales du Québec amenait le gouvernement du Québec, par devoir, à avoir une politique étrangère, une politique internationale.

Il y a un troisième fondement à la politique internationale du Québec – et peut-être que nos amis de l'opposition pourraient nous donner leurs commentaires sur cette question; en tout cas, je crois que ce serait apprécié de vous, M. le Président, et de beaucoup d'autres – le Québec forme une nation, un peuple, ce qui donne à son gouvernement des responsabilités qu'aucun des gouvernements des provinces du Canada n'a. Pourquoi est-ce que je peux affirmer, d'une façon aussi carrée, que le Québec forme une nation et forme un peuple? D'abord, parce que les deux mots se retrouvent dans les écrits, les discours des parlementaires qui ont siégé dans cette Assemblée nationale, toutes formations politiques confondues, depuis nombre d'années. Les Québécois et les Québécoises forment une nation, forment un peuple.

Des ouvrages récents, d'ailleurs, et très intéressants sont à cet effet. Fernand Dumont a publié deux ouvrages admirables au cours des dernières années. De même, et ça vaut le détour de lecture, un certain André Burelle, qui rédigeait les discours de Pierre Elliott Trudeau, à l'époque où il en faisait beaucoup et à l'époque où ils étaient parfois pertinents, vient d'écrire un livre qui s'appelle «Le mal canadien», dont toute une partie, consacrée au diagnostic, établit bien que, sans le Québec, le Canada, d'abord, aurait été un État unitaire, ça n'aurait pas été une fédération.

Et on retrouve dans les grands textes, français comme britanniques, du temps, une expression qui, aujourd'hui, sent le soufre; on parlait de races, «two races». Évidemment, le mot n'a plus cours, mais c'est exactement l'équivalent de la notion de peuple et de nation dont je parle aujourd'hui.

Si on veut aller chez des auteurs encore plus classiques et plus anciens que Fernand Dumont, bien, c'est Max Weber, évidemment, et c'est Ernest Renan, et c'est toute la définition des peuples et des nations: le territoire commun, la langue à peu près commune, la religion à peu près commune, l'histoire commune et, surtout, la principale caractéristique, le vouloir vivre collectif ensemble.

(20 h 20)

Donc, si le Québec forme une nation, il est dans la nature des choses qu'il ait des relations internationales, le mot le dit. Et il en a développé, au cours de l'histoire, avec un départ en pointe, puisque, au siècle dernier, avant que le Canada ne soit représenté à Paris, capitale de la France, le Québec était représenté par un certain Hector Fabre. Et c'est la raison pour laquelle l'édifice dans lequel est logé le ministère des Affaires internationales s'appelle édifice Hector-Fabre, premier diplomate québécois qui, hélas, comme c'est arrivé à quelques autres, est passé au service du gouvernement du Canada après. Et c'est bien plus tard que le Canada a été vraiment représenté à l'étranger, quand les ambassadeurs de Sa Majesté britannique ont cessé de s'acquitter de cette tâche. Donc, déjà, au siècle dernier, Québec avait ses relations internationales.

Je crois que c'est Honoré Mercier, premier ministre libéral, qu'on pourrait appeler le premier nationaliste québécois post-Confédération, qui avait renoué ses relations avec la France. Mais il y a eu un long hiver, où ses relations se sont affadies, atténuées, sont presque tombées en obsolescence. Mais le printemps est revenu avec la Révolution tranquille.

1960: Jean Lesage, Georges-Émile Lapalme, René Lévesque, avec un gouvernement français du temps qui était, évidemment, très intéressé aux relations avec le Québec, qui était dirigé par... On se souvient de qui. Les relations internationales du Québec sont reparties, surtout avec cette grande puissance qui est la France, mais aussi, en même temps, avec la Belgique, avec l'Italie, avec les États-Unis d'Amérique, par l'ouverture de délégations supplémentaires s'ajoutant à la Délégation générale du Québec à New York, et avec d'autres continents, je ne veux pas les... J'ai eu l'honneur, moi-même, d'en ouvrir quelques-unes à l'époque où j'étais ministre du Commerce extérieur ou des Relations internationales.

À ces relations internationales classiques et bilatérales s'est greffée une autre aventure, et c'est de celle-là dont la députée de Marguerite-Bourgeoys veut que nous parlions surtout ce soir, et nous allons en parler: c'est la grande aventure francophone. Et je vais clore mes remarques introductives en parlant de la francophonie, de ce qu'elle est, de ce qu'elle est devenue aujourd'hui. D'abord, dans la francophonie, les Québécois n'ont pas inventé le mot, mais c'est à peu près tout ce qu'ils n'ont pas inventé. Le mot, dit-on, a été employé d'abord par un intellectuel français qui s'appelait Onésime Reclus. Mais la chose a été surtout bien comprise au Québec, et rapidement, par Jean-Marc Léger, en particulier, mais un certain nombre d'autres, dont certains diplomates canadiens, d'ailleurs, qui, dès le départ, ont été séduits par cette idée de recréer, un peu à la manière du Commonwealth des nations britanniques, un grand ensemble qui aurait pour lien principal le partage de la langue française. C'est maintenant l'expression consacrée: les pays qui ont la langue française en partage.

Et, dans les institutions qui ont été les ancêtres de la francophonie d'aujourd'hui se retrouvent, précisément, l'AUPELF, l'organisation des universités entièrement ou partiellement de langue française, et son pendant, l'UREF, aujourd'hui, pour employer le langage contemporain, AUPELF-UREF, fondée par Jean-Marc Léger, qui en fut le premier secrétaire général, comme on le sait, et qui, également, fut le premier secrétaire général de l'Agence de coopération culturelle et technique. Cette agence a fêté son 25e anniversaire cette année. Nous l'avons fait, d'ailleurs, ici, avec éclat, avec notre Assemblée nationale. On a changé le nom de ce qui s'appelait le Pigeonnier, grâce à la collaboration du maire de Québec, par Parc de la francophonie. Ce n'était pas pour mettre les pigeons dehors, d'ailleurs, parce que c'est un très beau symbole que ces volatiles, qui représentent la paix et le voyage, en même temps, se retrouvent dans le Parc de la francophonie. Et, à cette occasion, on a constaté que, des cinq secrétaires généraux de l'Agence – 47 pays membres, des centaines de millions d'hommes et de femmes représentés – il y en a deux qui sont Québécois: le premier et l'actuel, M. Jean-Louis Roy.

Je dois dire – sans le faire avec un esprit trop critique, puisque je respecte ceux qui pensent que le Québec est une province et qu'il doit le rester – qu'au cours des dernières années la voix québécoise dans l'univers francophone a eu tendance à se fondre totalement et à l'unisson dans le concert canadien. Je respecte ça. Le Québec et le Canada disaient généralement la même chose. Ça peut arriver, d'ailleurs, et c'est arrivé depuis que notre gouvernement est au pouvoir, que le Québec et le Canada disent la même chose dans les instances francophones. La différence, c'est que nous ne disons pas toujours la même chose.

Le Québec a retrouvé sa voix autonome au sein du concert des nations francophones, auquel il participe comme gouvernement, comme gouvernement participant à l'Agence, et, également, comme on le sait, dans les sommets francophones. Et nous sommes en train d'en préparer un qui aura lieu en république du Bénin, à Cotonou, à l'automne qui vient. Il y a déjà eu deux conférences préparatoires ministérielles: une à Ouagadougou, au Burkina-Faso; une à Paris, la semaine dernière, il y a quelque 10 jours.

Et, pour lancer la discussion sur des bases plus concrètes, je voudrais vous dire que notre gouvernement vit en accord matériel avec les principes que je viens d'exprimer, et que nous augmentons notre contribution matérielle aux activités francophones, en particulier pour l'expansion de TV5, pour une hausse de notre effort au sein du fameux réseau AUPELF-UREF et pour une hausse de notre effort de coopération bilatérale avec le pays qui est le coeur de la francophonie, la République française.

Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire pour lancer la discussion sur l'étude de nos crédits.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. La parole est à la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: D'abord, M. le Président, je me joins à M. le ministre pour vous souhaiter la bienvenue et bonne chance. Et je vous souhaite aussi que vos travaux, ici, à la commission, seront aussi fructueux que les nôtres, puisque j'ai le bénéfice d'avoir mon président de ma commission avec moi. Je veux remercier aussi M. le ministre, ainsi que tous ceux qui l'entourent, certains que je connais très bien, d'autres chez qui j'habite, et, évidemment...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla: ...souhaiter la bienvenue à tout le monde, ainsi qu'à mon époux parlementaire.

Je m'en voudrais aussi, M. le Président, comme ex-ministre de la Francophonie – même si le temps fut relativement court – en remarques préliminaires, de ne pas souligner aussi toute l'importance de la francophonie pour le développement économique, social et culturel du Québec.

Et j'écoutais M. le ministre parler et, en fait, celui-ci m'a convaincue; il m'a convaincue que notre fédéralisme est assez flexible pour que le Québec – et c'est tant mieux – pour que, justement, le Québec puisse avoir une réelle politique étrangère et internationale, et nous permettant aussi de jouer un rôle dans la francophonie, en fait que le Québec puisse tenir un rôle extrêmement actif, qui fait en sorte que non seulement nous sommes là, présents, mais que nous sommes souvent le lien entre les pays du Sud et celui du Nord.

Cela dit, à l'heure de la mondialisation des marchés, l'espace francophone nous offre un défi qui est prometteur, celui d'un partenariat privilégié avec les pays et les États membres de la francophonie internationale, et ce, dans de multiples facettes liées au développement de nos sociétés. Comme nous l'indiquions à l'Assemblée nationale, d'ailleurs, tous ensemble, le 21 mars, lors de la Journée internationale de la francophonie, l'espace francophone constitue une terre de collaboration fertile pour tous les domaines de l'activité humaine, englobant ainsi de multiples autres secteurs d'action et d'intervention.

En fait, la francophonie, c'est une réalité qui est vivante, une opportunité de rayonnement et de développement, à la fois pour le Québec et pour tous les pays qui en sont membres. À plus d'un titre, la participation du Québec au sein de cette grande famille lui permet de récupérer une masse critique qui est importante pour nous et, aussi, des plus diversifiées. La francophonie est un atout pour le Québec, en ce qu'elle est un milieu favorisant l'épanouissement politique et une opportunité réelle de développement économique, oui, social et culturel.

(20 h 30)

Notre contribution à la francophonie est également unique. Comme je le disais tantôt, personne ne peut en effet ignorer l'importance du rôle que joue le Québec au sein de cette organisation internationale. Nous offrons une culture, une technologie, une expertise et une façon de faire qui nous sont propres. En effet, depuis bon nombre d'années, sous la gouverne de notre formation politique, le Québec a joué un rôle de premier plan dans la création et le développement des institutions qui le composent.

De nombreuses recommandations ont été, en effet, émises par les représentants québécois au cours des différents sommets francophones ou encore lors des rencontres des ministres responsables. De ces recommandations, plusieurs ont été adoptées. Pensons, entre autres, à la coopération de TV5, à la nomination de M. Jean-Louis Roy à la tête de l'Agence de coopération culturelle et technique, qui est aussi, d'ailleurs, une grande réussite, comme le soulignait M. le ministre, un pas en avant du Québec sur la scène francophone et internationale, à la publication, aussi, d'une politique en matière de francophonie, élaborée en concertation avec nos partenaires québécois, et bien sûr à toute l'évolution du dossier sur l'autoroute de l'information. Toutes ces actions, M. le Président, illustrent à quel point le Québec a toujours su assumer ces responsabilités qu'il partage avec ses partenaires pour faire de la francophonie l'une des alliances qui sait relever avec succès les défis de notre temps et apporter une contribution originale au nouvel ordre mondial.

Je m'en voudrais également de ne pas souligner l'importance que joue l'Agence de coopération culturelle et technique, qui regroupe 45 États membres, dont deux gouvernements participants, celui du Québec et du Nouveau-Brunswick. La devise de l'Agence, eh bien, c'est «Égalité, complémentarité et solidarité», une devise qui reflète bien quels sont le mandat et la mission de cette Agence qui, cette année, souligne son 25e anniversaire, comme nous l'avons souligné. Nous croyons fermement qu'elle se doit, dans l'avenir, de continuer d'assurer non seulement une alliance, mais une concertation entre ses membres, afin de favoriser un développement riche et intense, profitable pour tous les francophones.

Nous sommes persuadés, de ce côté-ci, que, pour vraiment tirer profit de ce potentiel que représente la francophonie et permettre à cette dernière de relever les nombreux défis qui sont reliés à son avenir, nos gestes, nos actions et nos investissements doivent être dirigés vers des projets structurants et vers des activités qui répondent aux besoins réels des populations concernées, plutôt qu'aux structures de coordination elles-mêmes. Et nous allons en reparler plus tard.

De la même façon, nous ne croyons pas que l'attrait de l'espace francophone se limite aux volets politique et culturel. Il doit être également et surtout d'ordres financier, industriel et commercial, et ce, dans le plus grand intérêt des pays qui composent la francophonie.

À cet égard, je me dois de rappeler qu'il est faux de prétendre, comme l'a fait, à l'époque, l'opposition officielle, dont j'ai le représentant devant moi, que le gouvernement libéral a négligé les relations entre le Québec et la France. Ces relations étaient peut-être moins visibles, M. le député, qu'aujourd'hui, certes, mais elles avaient le mérite d'être beaucoup plus que de simples relations politiques motivées par une échéance référendaire et la nécessité de se trouver des appuis. Notre gouvernement s'occupait davantage des relations économiques – ce qui n'empêche pas des relations diplomatiques et aussi des relations culturelles – celles qui comptent et celles qui créent le plus d'emplois.

Nous sommes particulièrement fiers des réalisations suivantes qui, si elles ont pris place dans un contexte peut-être moins flamboyant, ont le mérite d'avoir grandement contribué à développer les liens qui nous unissent, nous, avec la France. Entre 1985 et 1993, nos exportations vers la France ont augmenté de plus de 250 %, et les échanges entre la France et le Québec, importations-exportations, ont augmenté de plus de 160 % durant la même période. Le nombre de touristes français qui visitent le Québec a plus que triplé en 10 ans.

Des sociétés françaises ont investi des sommes importantes au Québec et des accords commerciaux de grande envergure ont été signés: par exemple, des investissements de plus de 1 000 000 000 $ à l'aluminerie de Bécancour, de 1986 à 1988, dont Pechiney détient 25 % des parts; de nombreuses ententes et investissements dans le domaine du gaz naturel; des investissements de plus de 100 000 000 $ de Gaz de France dans Noverco, Gaz Métropolitain en 1994; Gaz de France a participé, en 1991, à la création du Centre des technologies du gaz naturel avec Gaz Métropolitain et l'École polytechnique; entente entre la SOQUIP et Gaz de France sur un projet de stockage de gaz naturel; entente de partenariat entre la SDI et le crédit d'équipement des PME en France en 1993; visite d'une délégation économique de plus de 300 maires de France au Québec en 1993; investissements de 10 000 000 $ de Servier, un groupe pharmaceutique, à Laval, en 1993-1994, et c'est une entreprise québécoise, Camdi International Design, qui aménagea les restaurants du Louvre.

Au niveau culturel, en 1993-1994 seulement, un grand nombre d'accords ont été signés, une foule d'initiatives ont été mises sur pied, comme, entre autres, la mise en place du comité de liaison franco-québécois des industries musicales; l'accord Québec–France, soit Balladur-Johnson, ou encore mon accord avec Jacques Toubon sur l'autoroute de l'information; signature du plus gros contrat de télévision entre une entreprise québécoise et un réseau français. Et, là-dessus, j'en passe.

Donc, pour un gouvernement qui aurait négligé les relations Québec–France depuis 10 ans, notre bilan est plutôt, au contraire, reluisant. Plus de Français que jamais viennent au Québec et plus de Québécois que jamais vont en France. Les échanges économiques ont pris une énorme expansion, exploitant les liens naturels qui nous unissent aux Français en formant des alliances qui permettent de créer de l'emploi. La coopération culturelle est toujours florissante et continue aussi de se développer.

Souhaitons que l'actuel gouvernement ne se laissera pas obnubiler par son échéance référendaire et son insistance sur les relations politiques avec la France au point de négliger le reste et de mettre en péril les acquis des dernières années.

Cela dit, je pense que, même si le ministre, tout à l'heure, nous a fait un intéressant historique de l'ensemble de nos actions au niveau international et aussi au niveau de la francophonie, j'aurais aimé qu'il nous fasse un bilan des actions récentes du gouvernement en matière francophone. Plusieurs éléments, en fonction des récentes décisions issues du sommet de Paris, demandent des éclaircissements et des précisions. Il faut, en effet, mesurer tous les impacts du nouveau rôle qui serait imparti au Conseil permanent de la francophonie, s'interroger sur l'éventualité d'une telle transformation eu égard aux attributions de l'Agence de coopération culturelle et technique.

Par ailleurs, les critères d'attribution de l'aide des opérateurs de la francophonie, la hausse des budgets à TV5 et sa position dans l'univers télévisuel nord-américain et international, l'annonce de sommes additionnelles aux relations franco-québécoises, la réduction substantielle au programme APEX, l'intégration de nos jeunes à la dimension internationale sont autant d'éléments sur lesquels l'étude des crédits nous permettra de faire le point.

Je terminerai, M. le Président, en réaffirmant toute l'importance que la francophonie représente pour nous, du Québec, comme espace d'épanouissement politique et de développement économique, social et culturel. Et, pour le plus grand bien de tous ses membres, la francophonie doit continuer de relever les grands défis de cette fin de siècle en fondant ses actions sur un partenariat basé sur l'égalité et dans le plus profond respect de la diversité des pays membres.

Je m'en voudrais de terminer sans souligner l'heureuse initiative des pays membres de la francophonie en faveur du Burundi. J'ose espérer qu'elle permettra un dénouement heureux de la situation, qui s'avère de plus en plus tragique.

Je vous remercie, M. le Président. Ceci termine mes remarques préliminaires, et, si vous le voulez bien, j'irai immédiatement aux questions que j'entends adresser au ministre.

Le Président (M. Simard): C'est à vous la parole.

M. Boulerice: On aurait pu avoir des remarques préliminaires, M. le Président.

Le Président (M. Simard): C'est tout à fait votre droit, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, et nous vous sommes tout ouïe.

M. Boulerice: Je vais laisser la parole au ministre.

Le Président (M. Simard): C'est grand à vous. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Discussion générale


Mandats du Conseil permanent de la francophonie et de l'Agence de coopération culturelle et technique

Mme Frulla: En général, M. le ministre, on s'est dit qu'on était pour avoir une discussion d'ordre général. Il y a des changements institutionnels qui ont été proposés lors de la dernière réunion des ministres francophones, le 30 mars, et j'aimerais savoir si c'est possible d'avoir la nature des rapports qui régiraient, dorénavant, le Conseil permanent de la francophonie et l'Agence de coopération culturelle et technique. Il y a eu une volonté, à un moment donné, d'avoir un conseil qui serait beaucoup plus politique et que l'Agence devienne plus au niveau des opérateurs, et j'aimerais savoir où vous en êtes dans ces discussions-là.

M. Landry (Verchères): C'est une question centrale pour laquelle, comme vous l'avez lu dans les dépêches de presse soit de la rencontre ministérielle de Ouagadougou ou de celle de Paris, le Québec a joué un rôle déterminant. Sans imiter en tout nos amis français qui sont portés sur le cocorico, ce qui est une de leur belle caractéristique nationale, je dois dire que le Québec a tenu convenablement sa partie dans ce réaménagement institutionnel dont l'essentiel est, comme l'a dit la députée de Marguerite-Bourgeoys, de donner une véritable surface politique à la francophonie, un peu comme a fini par en avoir une le Commonwealth des nations britanniques.

(20 h 40)

La francophonie est venue beaucoup plus tard. Mais, à mon avis, elle est allée beaucoup plus vite et approche de la maturité, y compris, donc, dans le domaine des institutions. Ce qui veut dire que le Conseil permanent de la francophonie et surtout la personne qui le présidera... Actuellement, il s'agit d'un Béninois, parce que la mécanique veut que la présidence revienne, un an avant le sommet et un an après le sommet, au pays qui a accueilli le sommet. Mais la prochaine sera, à moins que des changements ne surviennent au Viêt-nam, une Vietnamienne, puisque le sommet aura lieu à Hanoi. Cette personne devrait peu à peu, avec le prestige qu'on veut lui conférer, devenir le personnage politique central de la francophonie et en être le porte-parole, c'est-à-dire se prononcer, avec les mandats que lui donne son Conseil, sur les grandes questions de l'heure, et rapidement, pour que, comme on voit M. Boutros Boutros-Ghali ou qu'on voit le secrétaire général de l'OTAN ou le secrétaire général de l'Organisation mondiale du commerce prendre position sur des sujets brûlants, le porte-parole de la francophonie puisse en faire autant.

Sans toutefois, et ça fait partie de la réforme institutionnelle, que la francophonie n'essaie de se substituer à l'Organisation des Nations unies ou à d'autres organisations qui peuvent faire mieux, dans leur domaine de juridiction, les choses qu'on serait tentés de faire, il faut vraiment que la francophonie joue son rôle de façon spécifique, et, pour cela, elle a besoin des opérateurs, des opérateurs majeurs, et, de ce point de vue, l'Agence est l'opérateur majeur par excellence. Et le secrétaire général de l'Agence, à la suite des discussions de Paris sur les institutions, sera le porte-parole suppléant du président du comité permanent.

Donc, on souligne bien que, dans certains cas, c'est le secrétaire général de l'Agence qui parlera au nom de la francophonie, d'abord parce que des fois l'Agence est invitée dans des réunions internationales où n'est pas invité le comité permanent, parce que l'Agence est un opérateur sur le terrain et va se concerter avec d'autres opérateurs sur le terrain. Ça donne donc à cet opérateur majeur un statut tout à fait particulier, prééminent et spécial. Mais il y a d'autres opérateurs aussi, qui sont l'AUPELF-UREF en particulier, la CONFEMEN, la CONFEJES, qui réunissent d'autres instances de niveau politique, l'AIPLF, l'Association internationale des parlementaires de langue française, et, enfin, au niveau presque aussi opérationnel que l'Agence, mais dans un domaine très spécialisé, l'AUPELF-UREF dont le siège social est à Montréal et qui est dirigée par le recteur Guillou, comme chacun sait.

Alors, c'est peut-être un peu sommaire, Mme la députée, mais...

Mme Frulla: Je vais continuer...

M. Landry (Verchères): Cette conférence de Ouagadougou a été très pénible, vous le savez, elle a pratiquement avorté, et c'est à la suite de compromis, souvent difficilement négociés, que la paix est revenue à Paris. Alors, forcément, je vous ai épargné des détails.

Mme Frulla: Mais je veux savoir quelle est, finalement... Est-ce qu'il ne risque pas d'y avoir un dédoublement, si on veut, entre... Parce qu'on sait que cette discussion dure depuis quand même un bout. Et la France qui voulait avoir une institution, effectivement, plus politique... Ce qui n'est pas mauvais en soi, puisque la francophonie se doit aussi de se prononcer sur certains événements comme ceux qu'on a vécus. Il y en a plusieurs qui déploraient aussi l'absence de l'organisme lors des événements du Rwanda, par exemple, où la francophonie organisée ne s'est pas prononcée.

Mais revenons-en maintenant aux structures. Est-ce qu'il n'y a pas un risque de dédoublement entre le Conseil permament d'un côté et l'ACCT, ou, mieux, est-ce qu'il n'y a pas un risque que l'ACCT devienne un opérateur, comme vous l'avez dit, au même titre que les autres, alors que l'ACCT siégeait, comme, finalement, secrétariat permanent, donc membre au niveau de l'instance décisionnelle?

M. Landry (Verchères): Bon. D'abord, je vous l'ai dit, c'est un compromis. Alors, si on veut le critiquer dans ses aspects imparfaits, c'est relativement simple, c'est un compromis. Mais...

Mme Frulla: Est-ce que vous êtes à l'aise, vous, avec ce compromis-là, ou si c'est un compromis parce que, effectivement, la France se levait, partait, et puis tout ça, mais...

M. Landry (Verchères): Non. Je suis à l'aise avec le compromis parce que j'ai vu nos amis africains, en particulier, y travailler avec beaucoup de soin et faire les concessions qui s'imposaient. L'objection que vous faites, elle a été bien comprise, et les nouvelles structures y répondent en ce sens que, d'abord, le secrétaire général de l'Agence contrôle un énorme budget. Jamais on ne pourra le confondre avec l'AIPLF ou la CONFEMEN, même l'AUPELF-UREF. C'est lui le chef d'une puissante équipe de fonctionnaires internationaux qui a à sa disposition des dizaines et des dizaines de millions de dollars pour opérer sur le terrain. Et, en plus, on lui a réservé un poste particulier de porte-parole dans les cas où il est mieux placé que le président du comité permanent de la francophonie. Alors, ça lui donne le statut dont il a besoin pour agir. Mais ça prend en compte, imparfaitement, votre objection, parce que l'AUPELF-UREF pourrait croître aussi et grandir énormément.

Mme Frulla: C'est son intention, d'ailleurs.

M. Landry (Verchères): Alors, ça sera les problèmes de l'avenir.

Mme Frulla: Est-ce que, à ce moment-là, les critères d'attribution et d'aide... Est-ce que la société va devoir demander, par exemple, au Conseil, au niveau de ses critères d'attribution et d'aide? Est-ce que ça va changer, si on veut, son autonomie dans l'avenir?

M. Landry (Verchères): Pas du tout. Le fonctionnement de l'Agence n'est pas du tout modifié. Le secrétaire général en reste le chef, il a son conseil d'administration. Mais le conseil d'administration, à cause du recoupement entre les membres du conseil et les membres du comité permanent, devrait être plus vigilant puisqu'il y a un permanent de plus, le président du Conseil, qui va faire des réunions plus fréquentes et qui va avoir une meilleure coordination. Alors, en principe, l'Agence devrait être mieux servie parce que plus suivie politiquement, ce qui devrait donner des indications plus claires à son secrétaire général.

Mme Frulla: Ça ne risque pas, finalement, ce compromis-là ne risque pas, selon vous, dans l'avenir, de compromettre peut-être la position privilégiée qu'avait le Québec? Parce que le fait que le Québec est très actif au niveau de l'Agence, évidemment, l'Agence siégeant sur le Conseil permanent...

M. Landry (Verchères): Oui. Bon, je dois vous dire d'abord que ce qui est arrivé à Ouagadougou et dans l'épilogue parisien ne pouvait pas transgresser les décisions du sommet de Chaillot. Ce sont les politiques, les chefs d'État et le gouvernement, au sommet de Chaillot, qui ont établi les balises. Et, dans ces balises – nous n'étions pas à Chaillot, nous, mais vous y étiez – il y avait que rien des nouvelles institutions ne devait entamer au moindre degré la position du Québec. Et, évidemment, j'ai répété ces principes à Ouagadougou, je les ai répétés à Paris, et nous avons un sherpa, comme on dit, très expérimenté, qui s'appelle Michel Lucier, qui est un des bons experts de la francophonie et dont le premier mandat était de faire que la position du Québec soit, pour l'instant, maintenue.

Mme Frulla: Pour l'instant.

M. Landry (Verchères): Mais, évidemment, dans l'avenir, quand le Québec sera membre des Nations unies, de l'UNESCO, de l'Organisation mondiale du commerce et qu'il ne sera pas, comme le Nouveau-Brunswick, endroit estimable s'il en fut, gouvernement participant, mais membre à part entière, bien, là, le problème ne se posera plus.

Mme Frulla: Mais si jamais, M. le ministre, ça n'arrive pas.

M. Landry (Verchères): Si jamais ça n'arrive pas, ça veut dire que vous aviez raison de poser votre question ce soir. Mais, moi, je crois que ça va arriver.

Mme Frulla: Parce que nous étions contre, M. le ministre. Je vois d'ailleurs mon ex-directeur de la francophonie, en arrière, qui m'avait fortement conseillée aussi là-dessus, c'est qu'il y a un risque. Je comprends le compromis, là, mais il y en a un, risque, veut veut pas, là.

M. Landry (Verchères): Bien, le risque est plus grand dans votre option que dans la nôtre, évidemment.

Mme Frulla: Mais, la nôtre, elle est actuelle, alors on est obligés de composer avec la réalité factuelle.

M. Landry (Verchères): Elle est actuelle et du passé.

Mme Frulla: On compose avec la réalité. Alors...

Une voix: L'avenir le dira si elle est du passé.

M. Landry (Verchères): Non, mais je vais vous dire, pour ajouter...

Mme Frulla: Mon quotidien, là.

M. Landry (Verchères): ...au réconfort que je veux vous apporter, Mme la députée, que les relations tout à fait privilégiées et renouées de façon éblouissante avec la France, première puissance de la francophonie, sont le meilleur antidote à la crainte que vous exprimez. Quand la France dit à la face du monde qu'elle reconnaîtra le Québec comme État souverain, évidemment et a fortiori, elle s'opposera à toute diminution de son statut dans les instances francophones. Je pense que c'est ça, la meilleure garantie. C'est une garantie politique pure et solide.

(20 h 50)

Mme Frulla: Mais la France, évidemment, vous l'avez dit vous-même, qui a souvent la politique du cocorico, a dit aussi... Il y a un intérêt, mais pas d'ingérence non plus, là. Alors, il faut quand même composer avec une réalité. Et cette réalité-là, c'est que nous sommes extrêmement actifs, mais que nous faisons partie d'un pays qui est le Canada, et nous ne voulons pas être affaiblis malgré tout, d'une part.


Relations avec la France et l'Afrique

Et ça m'amène, ce que vous dites, à une constatation, en ce sens où on sait que les pays africains veulent – on l'a vu d'ailleurs – se détacher un peu, là, des gros pays subventionneurs, c'est-à-dire, entre autres, de la France. Ils prennent des distances. Et, nous, de notre côté, vous l'avez dit vous-même, la France, c'est, à cause de beaucoup de choses, mais, présentement, à cause du contexte politique, un de nos grands partenaires. Alors comment composer avec les deux, c'est-à-dire, d'un côté, garder nos relations privilégiées, parce que, dans ce contexte-ci, il semble qu'on en a besoin, et je ne vous en blâme pas, donc relations privilégiées avec la France, mais, d'un autre côté, être capable de prendre ses distances, justement, pour jouer un rôle pivot au niveau des pays du Sud qui, eux, ne veulent pas non plus être à flancs ouverts devant ce pays qui préfère souvent des relations bilatérales que multilatérales?

M. Landry (Verchères): Bien je vais vous dire ce que j'ai dit à nos amis africains, en particulier, au sommet de Ouagadougou, ce que j'ai dit au nom du gouvernement du Québec.

Premièrement, dans la francophonie et les relations multilatérales, si on va au fond des choses, il n'y a pas de pays demandeurs et de pays apporteurs. Tout le monde reçoit, tout le monde apporte. Il est vrai qu'un très grand nombre de pays de la francophonie sont beaucoup moins riches que les pays du Nord, matériellement. Mais est-ce que ça veut dire qu'ils n'apportent pas au Nord, sur le plan culturel, sur le plan de l'humanisme, sur le plan, simplement, du témoignage de la différence, parfois autant que le Nord leur apporte? Surtout que, dans ce bilatéral auquel vous faites allusion, qu'il soit français ou qu'il soit canadien, il y a beaucoup de faux-semblants d'apportés. Quand on fait semblant d'aider un pays africain, mais qu'on aide, au fond, uniquement nos firmes de génie-conseil et que, de l'oeuvre que nous avons payée, 20 ans après, il ne reste aucune trace dans le pays soi-disant bénéficiaire... On a tendance à relativiser celui qui demande et celui qui reçoit. Alors, c'était un des premiers messages que j'ai donnés au nom du gouvernement du Québec et qui fut bien répercuté par la presse locale et africaine.

Le deuxième message que j'ai livré à Ouagadougou, au nom du gouvernement, c'est que les meilleurs experts de l'Afrique, ce sont les Africains et les Africaines. Et je dois dire que, quand la politique a pris congé de moi, une des grandes faveurs que cette circonstance m'a faite, c'est de découvrir, comme enseignant de terrain, l'Afrique subsaharienne. J'ai été enseigner régulièrement dans des pays difficiles et dans des villes difficiles, matériellement, mais qui, sur le plan humain, m'ont démontré que beaucoup de nos tentatives de bonne foi pour aider l'Afrique se sont soldées par des échecs lamentables et ont nui à l'Afrique. Je crois que les gens du Nord, du haut de leur richesse, doivent, d'une part, reconnaître leurs erreurs – et il y en a eu, même quand elles ont été faites de bonne foi, et il y en a eu qui ont été faites de mauvaise foi, comme chacun sait – et, en plus, reconnaître qu'il faut respecter les priorités africaines, la réflexion africaine, la philosophie africaine. Si l'univers francophone prend acte de ces principes, l'Afrique se sentira respectée et les problèmes que vous évoquez seront beaucoup moins importants.

Il y a une autre chose que j'ai dite aussi, qui ne vous déplaira pas. J'ai dit que les querelles – qui sont plus que des querelles, c'est un différend profond – entre le Canada et le Québec ne doivent jamais, au moindre degré, nuire à notre effort d'aide par rapport aux pays moins riches que nous et aux pays du Sud.

Le Président (M. Simard): Un instant, s'il vous plaît, Mme la députée. M. le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques voulait élargir un petit peu le débat.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Si vous permettez, deux très brèves remarques et une question. La première est de voir que l'ex-ministre se réjouit de la mission au Burundi. Je suis vraiment heureux qu'elle l'ait soulignée. J'étais très fier de présenter cette résolution à Beyrouth et de voir qu'elle est opérationnelle, au moment où nous nous parlons.

La deuxième remarque. M. le ministre, puis-je vous féliciter quant à la présentation et la clarté des documents que vous nous avez remis? Ils sont d'une lecture plus que facile. Tout y est clair, tout y est limpide. Voilà une nouvelle façon de présenter les choses. Je vous avoue que le porte-parole que j'ai été aurait bien aimé recevoir des documents d'une telle présentation. Mais je me réjouis qu'ils viennent et que Mme la porte-parole de l'opposition puisse en profiter, et, je ne serai pas mesquin, je vais lui souhaiter autant de temps comme porte-parole que j'en ai eu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Ma question... Et plus même, puisque tout le monde sait que j'ai toujours été d'une grande générosité à son égard, et réciproquement.


Association internationale des parlementaires de langue française

La question que j'aimerais vous poser, c'est que vous avez abordé tantôt la francophonie et ses instances à la réunion de la commission politique de l'AIPLF, c'est-à-dire l'assemblée internationale des parlementaires de langue française, celle de Beyrouth tout récemment. L'AIPLF a bien fait connaître quelles étaient ses intentions, c'est-à-dire le rôle qu'elle veut bien jouer et qu'elle entend jouer à l'intérieur de la francophonie. Je vous ai entendu parler de l'ACCT. Je ne vais pas nier les mérites de l'ACCT, au contraire, j'ai été en contact très souvent avec eux. Je suis en mesure d'évaluer le travail colossal et admirable qu'ils font. Mais vous avez été, à mon point de vue, et n'en prenez pas ombrage, un peu succinct quant à la place de l'AIPLF.

Il faut le rappeler, M. le ministre, après l'Union interparlementaire et l'Association parlementaire du Commonwealth, l'AIPLF, avec les 47 pays y participant, est la troisième plus importante assemblée de parlementaires au monde, et ce sont des élus – je ne veux pas nier que le rôle de fonctionnaire est noble, mais ce sont des élus. Donc, vous en avez sans doute discuté à Paris récemment, et la position du Québec était... Sans perdre en perspective également que c'est le Québec qui assume la présidence internationale de l'AIPLF.

M. Landry (Verchères): M. le Président, précisément, moi, je représente ici, à cette table, l'Exécutif. L'Association internationale des parlementaires, c'est pour les élus, et j'ai une certaine réticence à ce que l'Exécutif en fasse sa chose. Notre président est le président international de l'AIPLF. Mais, puisque vous m'en parlez et aussi à la suite d'une allusion de la députée de Marguerite-Bourgeoys, dans cette tentative de prévention d'un désastre au Burundi, qui a-t-on choisi pour aller au front de la mission francophone, sinon, justement, des parlementaires et notre président, à titre de président de l'AIPLF. Pourquoi? Parce que les parlementaires sont vus comme étant plus à distance des conflits et des intérêts des pays que ne peut l'être l'Exécutif. L'Exécutif aurait appliqué la politique du gouvernement; les parlementaires représentent plus directement le peuple. Et c'est plus une démarche fraternelle envers un peuple d'envoyer le président de l'AIPLF que d'envoyer un ministre qui aurait pu aussi bien être celui de la Défense, dans le cas de la France ou d'Ottawa.

Mais le député a raison de souligner que j'ai été laconique, et je lui dis que je l'ai fait à dessein. Notre Assemblée nationale a ses services diplomatiques, notre président est le président. Et je crois que ça pourrait être une suggestion – Ottawa le fait avec de très grosses délégations, évidemment – que des parlementaires m'accompagnent dans les instances francophones, et ça pourrait être une chose qui serait discutée, mais pas avec les exagérations outaouaises. À Ouagadougou, j'y suis allé, au nom du gouvernement du Québec, avec cinq personnes pour retrouver 50 personnes dans la délégation fédérale; 10 fois plus. Ça, je pense que ce n'est pas un idéal. Le Canada exagère et ne devrait pas boursoufler ses délégations de cette façon. Mais, si un parlementaire m'accompagnait pour représenter le Québec dans diverses instances, je pense que ce serait tout à fait dans l'ordre des choses, et ça resterait assez frugal.

Le Président (M. Simard): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Relations avec la France

Mme Frulla: J'aimerais juste revenir justement aux relations avec la France et à ce que nous discutions tantôt, avant d'avoir été interrompue par mon époux parlementaire qui faisait de très bonnes affaires, d'ailleurs, en francophonie, en voulant me vendre pour 20 chameaux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): On a frôlé le désastre.

(21 heures)

Mme Frulla: Cela dit... Il n'a pas réussi, comme vous voyez, je suis revenue. Cela dit, au niveau de la France, on disait: Bon, il y a des principes, qui sont des principes fondamentaux, que vous avez mentionnés tantôt, par rapport à notre relation avec les pays du Sud, et ce que ça devrait être plutôt que ce que ça a été. J'aimerais savoir comment, entre autres, la France a reçu – mais, au-delà de la politesse, là, traditionnelle – ces principes-là, d'une part. Basé sur votre longue expérience et un peu la mienne aussi, lorsque j'avais négocié avec la France, ou dans le secteur privé, ou le secteur des communications, ou encore au niveau de la culture, où les principes de base sont toujours là, mais, ensuite, les relations bilatérales se font... Qu'on pense à l'édition, qu'on pense à tout le système de l'éducation, etc., et à leur volonté, d'ailleurs, au niveau de l'Afrique, par exemple, à leur volonté antérieure de ne pas utiliser TV5, d'utiliser Antenne 2. C'est toujours comme ça. Et, en théorie, bon, il y a les grands principes qui sont les principes réels et nobles, qu'on appuie tous, d'ailleurs, qui font consensus, et il y a la réalité. Alors, comment entrevoyez-vous l'avenir, justement, avec la France?

Je dois vous dire que c'est inquiétant par rapport à ces changements-là, ils sont inquiétants, et, moi, je ne suis pas prête à leur faire un chèque en blanc, malgré qu'on les adore tous et qu'on adore aller chez eux. Mais, cela dit, encore une fois, comment voyez-vous ça? Comment la France a accepté ces principes-là et comment voyez-vous l'avenir réel?

M. Landry (Verchères): Je vous ai déjà dit, Mme la députée, je vous ai écrit, je pense, que le ministre des Affaires culturelles de France, quand il m'a vu arriver pour vous remplacer, n'a pas trouvé que c'était un gain net sur tous les tableaux...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): ...bien que, sur les dossiers techniques, on n'ait eu aucun problème. Ce que vous soulignez, c'est un peu l'histoire postcoloniale. Après les colonies a commencé – pas rien que pour la France, mais pour toutes les anciennes puissances coloniales – un réseau de relations bilatérales. Et ça, c'est la facilité, c'est la ligne de la plus grande pente. Ils se connaissaient, ils avaient développé une relation qui était souvent une relation d'amour-haine, d'ailleurs. La décolonisation avait été très, très dure, mais, en même temps, il y avait des liens tellement profonds de tissés entre ces pays que la période postcoloniale avait bien des aspects en commun avec la période coloniale: une certaine domination, une certaine exploitation, bien que, là, il faut regarder ça de près. Si on regarde dans l'univers francophone, la République française a maintenu un espace monétaire africain francophone avec le franc CFA dont elle a assumé la stabilité et la garantie, et ce n'est que tardivement qu'une dévaluation du CFA de 100 à 50 est survenue, ce qui veut dire que, pour le maintenir pendant toutes ces années-là, il n'est pas évident que la France a eu un bilan totalement positif.

Et ça, on n'arrêtera jamais ça. Le Québec lui-même a fait du bilatéral. Par exemple, nous avons une mission humanitaire en Haïti et nous avons de nombreux contacts avec Haïti. C'est du bilatéral, même si Haïti est membre de la francophonie. Pourquoi? Parce qu'on a une histoire particulière de relations avec Haïti, comme la France en a une avec le Sénégal et la Côte-d'Ivoire, sans par ailleurs un passé colonial. Mais, le fait qu'il y ait une importante colonie haïtienne à Montréal, le fait que nos communautés religieuses, pendant des années à partir de la fin du siècle dernier, aient formé des générations d'Haïtiens et d'Haïtiennes, et ainsi de suite, alors on fait du bilatéral. Le Dr Réjean Thomas est allé en notre nom faire du bilatéral avec Haïti.

On n'empêchera jamais le bilatéral, mais je crois que l'intelligence, je dirais même la noblesse, le désintéressement, la générosité ont plus de chances de passer à travers le multilatéral, parce que, là, ce n'est pas un pays qui, de façon paternelle ou maternelle, donne à l'autre; c'est un groupe de pays qui établit la solidarité, suivant la devise de l'Agence, que vous avez rappelée, d'ailleurs. Alors, c'est la raison pour laquelle le Québec est très fortement enclin à élargir l'univers multilatéral, ce qui devrait mathématiquement, tôt ou tard, réduire l'univers bilatéral, parce que les ressources sont limitées. Si on met de l'argent à l'Agence, si on met de l'argent à AUPELF-UREF, bien, on en mettra probablement moins de pays à pays.

Maintenant, si on veut élargir le problème un peu plus, je ne veux pas m'étendre trop là-dessus, mais c'est une des justifications majeures de la francophonie, non pas dans l'optique francophone mais dans l'optique universelle. Je pense que le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques l'a dit, vous l'avez dit aussi, la francophonie, ça ne fait pas juste rendre service aux francophones, ça rend service au monde entier. Comment?

Parce que, depuis quelques années, il n'y a plus de grandes puissances véritables, hors les États-Unis d'Amérique. Le démantèlement de l'Union soviétique a rompu un équilibre auquel on s'était habitué depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La France est la quatrième puissance du monde. Elle n'est ni la deuxième ni la troisième; c'est le Japon, c'est l'Allemagne. Sauf que, pour des raisons historiques que l'on connaît bien, deux et trois sont entravées dans leur rôle politique. L'Allemagne, avec ses 90 000 000 d'habitants et le produit national brut qu'elle a, n'a pas le rôle politique en raison de ces deux facteurs. Le Japon non plus, et pour des raisons qui se ressemblent et sur lesquelles on n'a pas besoin d'insister. Alors, c'est quatre qui est obligé de faire contrepoids à un, et quatre est beaucoup plus petit que un, mais, à cause de ses caractéristiques nationales et du fait que quatre ne se prend pas pour un moins que rien, on a vu quatre défier puissamment un. Vous vous rappelez de la fin dramatique de l'Uruguay Round sur l'exception culturelle; vous avez été mêlée vous-même à cette affaire-là. Sur les subventions agricoles, quatre a frappé sur la table comme s'il était l'égal de un, en disant: Vous ne ferez pas ceci, vous ne ferez pas cela.

Voici où je veux en venir. Quatre est trop petit, malgré sa puissance technologique et sa puissance culturelle, pour tenir tête à un. Quatre a besoin des 47 autres. C'est là que je veux en venir. Et la francophonie, de ce point de vue, ne devient pas une affaire franco-francophone; la francophonie devient un facteur de l'équilibre mondial.

Mme Frulla: En tout cas, j'espère que vous allez suivre ça de près. C'est du nouveau qui est apporté, mais, en théorie, quatre, évidemment, elle a le tour, justement, d'avoir un côté très ratoureux quand elle a besoin des 47, mais, quand elle veut fonctionner toute seule, quatre, elle fonctionne toute seule, en bilatéral, et elle a assez de puissance, d'ailleurs, pour le faire. Mais, cela dit, espérons, M. le ministre, que vous avez raison.


Prochain Sommet de la francophonie

J'aimerais parler quand même du prochain Sommet de la francophonie, en novembre 1995. Il y a une entente entre le Canada et le Québec, qui avait été signée, à l'époque, par Pierre Marc Johnson et M. Mulroney, qui a été reconduite par Robert Bourassa et Daniel Johnson, et ils l'ont mise en application, en fait, au niveau de la participation du Québec, le mode de fonctionnement du Québec au niveau des sommets. J'aimerais savoir si vous avez l'intention de maintenir cette entente-là.

M. Landry (Verchères): D'abord, comme je vous l'ai dit précédemment dans nos travaux, si le Québec était membre de l'Organisation des Nations unies et de toutes les autres organisations internationales pertinentes, il n'aurait pas à se contenter de ce que certains ont appelé un strapontin dans les accords, Johnson-Trudeau, je crois...

Mme Frulla: Non, non, c'était Pierre Marc Johnson et Mulroney.

M. Landry (Verchères): Johnson-Mulroney.

Mme Frulla: Pierre Marc.

M. Landry (Verchères): Exactement. Mais, malheureusement, les choses étant ce qu'elles sont, les pays souverains traitent les pays souverains en pays souverains, ils ne peuvent pas traiter les provinces en pays. Mais je ne crois pas, honnêtement, ceci dit, que le statut du Québec, dans un avenir prévisible, soit au moindre degré menacé dans les instances francophones, pour les raisons que je vous ai expliquées précédemment, à cause de cette entente qui a été signée à l'automne 1985, j'imagine, à laquelle j'avais eu l'honneur de travailler parce que j'avais été ministre responsable de ces questions jusqu'au milieu de l'été où M. Johnson m'avait nommé ministre des Finances. J'ai été 90 jours ministre des Finances. C'est pour ça que j'avais rencontré Robert Normand, qui était sous-ministre des Finances, et que j'ai trouvé, ma foi, qu'on pourrait continuer l'expérience; 90 jours, c'était vraiment trop court pour que nos talents combinés se fassent vraiment valoir.

Mais, encore une fois, je ne pense pas qu'on soit menacé dans un avenir prévisible. J'aimerais mieux que le Québec soit, dans les instances internationales, tenu pour ce qu'il est, un peuple et une nation, mais on va essayer de tenir le coup, pour un temps encore, comme province.

(21 h 10)

Mme Frulla: Au niveau du Sommet, en novembre 1995, il doit y avoir des dossiers qui sont à prioriser. Alors, quels sont les dossiers? Je sais qu'au niveau, par exemple, de la sous-commission de la culture, l'AIPLF, on a beaucoup parlé de tout le dossier de l'autoroute de l'information, c'est-à-dire de l'amener au Sommet pour que les premiers prennent une décision formelle au niveau de l'autoroute de l'information. Et les pays du Sud, d'ailleurs, ont été très actifs par rapport à ça et, évidemment, s'attendent aussi à notre appui. Mais, cela dit, quels sont les dossiers que vous pensez que vous devriez prioriser, ou enfin s'organiser pour que les premiers priorisent durant le Forum?

M. Landry (Verchères): Bon. D'abord, je réitère le grand principe: la francophonie ne doit pas se substituer aux organisations internationales à vocation spécifique qui peuvent faire mieux qu'elle un certain nombre de tâches de coopération internationale. Donc, nous avons convenu d'un certain nombre de priorités qui sont toutes rattachées de près ou de loin à l'univers culturel et linguistique. Le lien entre tous les pays francophones, ou quasi francophones, ou partiellement francophones, c'est d'avoir en partage la langue française. Alors, vous allez retrouver dans ces priorités, dans les grands programmes mobilisateurs que les opérateurs majeurs mettent en pratique: éducation, formation et recherche; culture et communications; liberté, démocratie, droits de l'homme et développement; langue française dans le monde et développement économique. Et, développement économique, on en a peu parlé, parce que c'est récemment que la francophonie s'est dotée d'un opérateur économique qui est le Forum francophone des affaires.

Mme Frulla: C'est ça.

M. Landry (Verchères): Et ça, je vais vous dire franchement, c'est une idée que j'aurais aimé avoir. C'était en place... Si c'est vous, je vous en fais mes compliments.

Mme Frulla: On l'a continué. Donc, je suis arrivée, moi, c'était déjà là, mais nous avons... D'ailleurs, mes collaborateurs sont là derrière, là. Mes ex-collaborateurs, que j'ai beaucoup aimés, d'ailleurs, que j'ai beaucoup appréciés.

M. Landry (Verchères): J'espère que ce sont vos ex-collaborateurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla: C'est ça. Mais que j'ai beaucoup, beaucoup appréciés. Non, M. le ministre, mes ex, mes ex. Mais, vous avez de très bons collaborateurs, je veux dire.

M. Landry (Verchères): Oui. Mais, là, vous aviez eu une très bonne idée. Le Forum francophone des affaires, vraiment, c'est une des dimensions qui manquaient. Et, pendant plusieurs décennies, en Afrique francophone en particulier, on a été très influencé par les modèles d'économie centralisée et planifiée. La Guinée et le Mali ont poussé l'expérience jusqu'à l'absurde, mais beaucoup d'autres ont essayé diverses planifications plus ou moins impératives, et ce sont les États et le gros secteur public qui ont essayé d'amorcer le développement. Dans bien des cas, ça a été catastrophique, vous le savez, et c'est la Banque mondiale qui a dû s'en mêler et le FMI, avec les programmes d'ajustement structurel qui ont souvent été d'une cruauté épouvantable, mais qui ont reporté le développement sur des initiatives plus privées.

Or, le Forum francophone des affaires, c'est justement ça. C'est mettre en contact des gens d'affaires du secteur privé avec les légères interventions étatiques qu'il faut pour, souvent, lancer ou consolider des opérations vacillantes, mais faire naître une véritable coopération à base d'intérêts mutuels entre des gens d'affaires africains et des gens d'affaires des pays du Nord. Et j'ai eu l'honneur de les rencontrer, j'ai été très surpris de rencontrer des gens d'affaires intéressés à notre FFA montréalais, là, la section nationale, en très grand nombre et avec enthousiasme, qui veulent faire des choses avec l'Afrique. Et ça, c'est une dimension nouvelle dont je ne peux pas vous parler beaucoup. Ça n'a pas encore pris son envol, mais je crois qu'on peut attendre beaucoup de cette dimension économique et matérielle des choses.

Mme Frulla: Est-ce qu'il y a un projet, par contre... Et le dernier, enfin, il y a deux semaines, il y a eu TV5 qui était le projet, je pense, mobilisateur au niveau du Sommet – tout le monde s'est rallié – qui a eu ses difficultés. Mais, on s'aperçoit maintenant que TV5 a un potentiel énorme pour grandir. Il y a toujours la France qui le remet en question, mais on les remet à l'ordre. Bon. Alors, est-ce que vous pensez entrevoir un projet – un projet; il y a tous les autres, là – mobilisateur au niveau du Sommet, tel que TV5, par exemple?

M. Landry (Verchères): D'abord TV5, la lancée s'est poursuivie. Vous savez qu'il y a des expansions. C'est pour ça qu'on demande, dans les crédits...

Mme Frulla: On va y revenir.

M. Landry (Verchères): ...des moyens supplémentaires. Expansion de TV5 en Asie, mais aux États-Unis d'Amérique...

Mme Frulla: C'est ça, aux États-Unis.

M. Landry (Verchères): ...où, comme vous le savez peut-être, il y a plus de descendants de Québécois et de Québécoises aux États-Unis qu'il y en a au Québec. Et, au New Hampshire, par exemple, 40 % de la population a des origines québécoises. Alors, ce n'est pas rien. Et c'était, vous avez raison, le projet mobilisateur du Sommet précédent. Je suis persuadé que le projet mobilisateur du prochain Sommet sera l'autoroute de l'information, et c'est là-dessus que toutes les priorités sont orientées.

D'abord, on a constaté qu'Internet, le grand réseau américain qui travaille dans l'espéranto des temps modernes, la langue anglaise, est fréquenté au deuxième niveau, d'abord par des Américains, ça va de soi, et, deuxièmement, par des Français, mais avec des difficultés techniques inouïes. Vous avez peut-être vu dans les journaux ce message horrible qui nous est arrivé à travers Internet, mais, sans un bon logiciel pour mettre les accents à la bonne place et les points sur les i, c'était vraiment monstrueux. Et ça, c'est un peu déshonorant, parce que, normalement, les Québécois sont très avancés dans ces logiciels de traduction et d'adaptation. Alors, là, il y a un beau rôle québécois à jouer dans cette priorité qui, normalement, devrait être l'industrie des communications, les technologies de l'information, et en particulier l'autoroute.


Crédits octroyés

Mme Frulla: Je veux revenir à l'enveloppe budgétaire. Bon, on s'aperçoit qu'il y a, en fait, avec les agences, 600 000 $ d'augmentation. Ce que j'aimerais, c'est savoir pourquoi. Où va cet argent? D'abord, au niveau des premiers 400 000 $, quand on voit Francophonie, bon, il y a 400 000 $ d'augmentation, alors à quoi on peut attribuer cette augmentation?

M. Landry (Verchères): Je vais vous donner ça avec un niveau de précision qui devrait vous donner satisfaction: TV5, 127 500 $; AUPELF-UREF, 150 000 $; l'association internationale des maires francophones, pour l'organisation de leur colloque de 1996, 50 000 $; l'Agence de coopération culturelle et technique, 75 000 $; plus une restauration de l'enveloppe de base de 200 000 $.

Mme Frulla: Donc, les 400 000 $ sont attribués directement, évidement, bon, à des projets et...

M. Landry (Verchères): Tout ça est multilatéral. Ça ne vous déplaira pas.


Office franco-québécois pour la jeunesse

Mme Frulla: Non, ça va me faire plaisir. Au niveau des agences, il y a 200 000 $ aussi, je pense, d'attribués au niveau des agences. Il y avait un projet que la France chérissait, que nous avons repoussé à l'époque, peut-être que ça ne se parle plus, là, mais c'était un peu que l'agence franco-québécoise devienne multilatérale. Qu'est-ce que vous en pensez? Ou est-ce que c'est encore sur la table?

M. Landry (Verchères): Ça l'est marginalement. Mais, les Français nous en ont reparlé et, moi, je ne suis pas opposé à ça, je vais vous dire de quelle manière. L'Office franco-québécois pour la jeunesse, c'est un succès prodigieux. Ça se compare au succès de l'Office franco-allemand pour la jeunesse qui est un des éléments majeurs de la réconciliation franco-allemande. Des dizaines de milliers de jeunes Québécois et Québécoises... Ils sont rendus à la deuxième génération, sinon presque à la troisième. Et nous avons conçu le projet d'ajouter quelques stagiaires en provenance du Canada hors Québec. Donc, c'est un élargissement sur un certain multilatéralisme.

Évidemment, l'agence reste franco-québécoise, mais, si il y a quelques délégués de l'Acadie, ou de l'Ontario, ou d'ailleurs – jusqu'au jour où il n'en restera plus suffisamment pour déléguer quiconque, parce que j'ai vu que les chiffres du Manitoba, publiés la semaine dernière, ils sont dramatiques – je pense que ça serait une initiative intéressante. Et, de son côté, la France élargirait à des non-Français, comme quelques jeunes Allemands, quelques jeunes Suisses ou Suissesses, ce qui n'irait pas à l'encontre des buts de l'Office et lui donnerait une certaine allure multilatérale. Et, cette idée-là, elle est toujours présente, et nous allons la mettre en application.

Mme Frulla: Le seul problème...

Le Président (M. Simard): Je vais donner la parole, s'il vous plaît, au député de Mercier qui...

(21 h 20)

M. Perreault: Rapidement, justement sur ce sujet, M. le ministre. En passant, tantôt, en présentation, vous souligniez mon passé en matière de coopération. Je veux juste dire que je faisais partie, je pense, du premier stage de l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Ça se passait au Québec, ce qui ne me rajeunit pas. Et, à l'époque, les stagiaires Français, lorsqu'ils voyageaient au Québec, étaient accompagnés de Québécois. Mais, ce dont je suis le plus fier dans cette expérience, M. le ministre, puis vous n'êtes peut-être pas au courant, c'est que Richard Drouin m'avait demandé de repenser, à l'époque, un projet qui s'est appelé et qui s'appelait le Festival international de la jeunesse francophone, qui se déroulait à Québec en 1974 et qui devait être des olympiades de la francophonie à l'Université Laval. Et j'avais, à ce moment-là, soumis un concept différent qui était celui de la Super Francofête dans les rues de Québec, et je m'en rappelle avec beaucoup de plaisir.

Alors, puisque la députée de Marguerite-Bourgeoys a introduit un peu le débat autour des échanges de ce qu'on pourrait appeler les populations par-delà les ententes de coopération, par-delà la coopération des États, moi, j'aimerais juste que vous nous disiez un petit peu quel est, à ce moment-ci, votre vision des efforts du gouvernement du Québec par rapport à la promotion de ces échanges qui rejoignent davantage – vous l'esquissez déjà, là – les populations, qu'elles soient jeunes ou autres, et qui dépassent comme tels les échanges de gouvernements, de fonctionnaires. Où est-ce qu'on s'en va un peu là-dedans, dans le cadre de la francophonie et dans le cadre des projets qui sont sur la table?

M. Landry (Verchères): D'abord, dans le cadre de l'Office franco-québécois pour la jeunesse, vous êtes membre du conseil d'administration, vous savez qu'on a mis des moyens supplémentaires, des moyens matériels, des moyens humains, et que ça reste une des toutes premières priorités du gouvernement en matière de coopération parce que, comme vous dites, ce ne sont pas les États, ce ne sont pas les fonctionnaires ou les gens de la politique, ce sont des jeunes de tous les milieux, de tous les métiers. Et, dans la mesure où nos moyens nous le permettent... Mais, nous ne sommes plus dans les années fastes. Les grandes rencontres francophones, là, qui étaient spectaculaires et très intéressantes de Super Francofête et autres genres de festivals, sont plus difficiles à organiser. Les contribuables sont un peu plus réticents qu'autrefois. Il y a cette nouvelle initiative des Jeux de la francophonie, mais, ça, comme c'est lié à l'athlétisme, à l'éducation physique et à des choses plus généralement acceptées, c'est peut-être plus simple. Mais, je ne pense pas que ce serait réaliste, au cours de la présente étude de crédits, de dire qu'on va faire beaucoup plus dans ce domaine-là.


Agence Québec-Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse

M. Perreault: Par rapport à... Vous permettez? Le ministre souligne que, du côté de l'Office franco-québécois, il y aura une augmentation de crédits. Il parlait tantôt de la possibilité d'élargir les cadres au multilatéralisme. Du côté de l'Agence Québec-Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse, quelles sont un peu les orientations de ce côté-là?

M. Landry (Verchères): Même chose à l'échelle de cette Agence, c'est-à-dire qu'elle est beaucoup plus petite, qu'elle a beaucoup moins de moyens, et que la Belgique est beaucoup plus petite. Et d'ailleurs, de Belgique, il y en a deux. Maintenant, la Belgique, comme vous le savez, s'est donné de nouvelles structures extrêmement décentralisées, de sorte que la communauté francophone est, à toutes fins pratiques, dans certains secteurs, devenue l'instance internationale. Mais, le raisonnement vaut autant et même pourrait inclure du multilatéral à une échelle plus modeste.

Le Président (M. Simard): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui sera suivie du député d'Argenteuil.


Office franco-québécois pour la jeunesse (suite)

Mme Frulla: Je veux juste revenir sur le multilatéral au niveau de l'agence. Encore une fois, je me souviens, l'année dernière, en tout cas, des inquiétudes du professeur Bara – est-ce qu'il est encore là? oui – et de la sortie en règle que celui-ci nous avait faite sur... Il y a eu le manque de fonds. Moi, j'avais réajusté par rapport à ce que mon collègue avait fait au niveau de l'Office. Mais, cela dit, ce dont il se plaignait beaucoup aussi, c'était de la stagnation des budgets au niveau de la France, en disant lui-même qu'au niveau de l'Office franco-québécois, encore une fois, la France ne participait pas à sa juste valeur ou y croyait plus ou moins.

Alors, notre crainte au niveau du fait que l'agence devienne multilatérale, c'était évidemment de diluer encore plus les fonds. Il y a eu une augmentation cette année, mais j'aimerais savoir d'abord si votre partenaire français a augmenté d'autant, d'une part. Et de diluer ces fonds qui accomplissaient à peine l'objectif, là, que l'on s'était donné pour l'Office franco-québécois en bilatéral... Alors, c'est pour ça qu'on était contre le projet de grossir ou enfin de s'en aller au multilatéral au niveau de l'Office, pas parce que ce n'était pas intéressant; c'était aussi par rapport à l'argent donné, mais par rapport aussi à la participation de la France au niveau de l'Office et par rapport, justement, aux récriminations, à l'époque, du professeur Bara.

Alors, j'aimerais savoir maintenant ce que la France fait, c'est quoi son attitude par rapport à l'Office. Est-ce qu'elle a mis autant d'argent que nous? Est-ce qu'elle a augmenté ses fonds? Et, aussi, il va y avoir combien d'échanges? Comment ça va s'articuler? Et est-ce que vous avez maintenu aussi le fait qu'il faut avoir un suivi au niveau des jeunes qui viennent? Et, là-dessus, on trouvait que l'Agence Wallonie-Bruxelles était plus structurée par rapport à l'agence franco-québécoise, et elle s'était donné pour objectif de se structurer encore mieux et d'encadrer mieux.

M. Landry (Verchères): D'abord, le professeur Bara est toujours là, c'est toujours lui qui représente son pays, il est toujours aussi enthousiaste. Il l'est même pas mal plus depuis qu'on a remis près de 900 000 $...

Mme Frulla: J'en suis certaine.

M. Landry (Verchères): ...de moyens supplémentaires. Parce que, là, on l'a remis directement dans l'agence, dans les deux, d'ailleurs, Office franco-québécois et Wallonie-Bruxelles, et de la formation de la main-d'oeuvre pour 500 000 $, qui est un nouveau volet complètement conçu dans les derniers mois et de nature à donner une vocation plus économique à ces échanges.

Quant à la partie française, de facto, pour les simples mouvements monétaires, leur contribution a tendance à augmenter plus vite que la nôtre.

Mme Frulla: C'est nouveau.

M. Landry (Verchères): Bien oui, parce que, comme notre dollar s'est fortement déprécié par rapport au franc...

Mme Frulla: Ah! bien oui, forcément. Mais, en termes réels, là...

M. Landry (Verchères): ...eux, en n'en mettant...

Mme Frulla: L'effort réel.

M. Landry (Verchères): ...pas plus, en mettent plus, puis, nous, en en mettant plus, on en met moins.

Mme Frulla: Oui.

M. Landry (Verchères): Mais, je n'ai pas senti de réticence de la part des Français, et surtout de leur représentant, le professeur Bara...

Mme Frulla: Ah non! Au contraire.

M. Landry (Verchères): ...à faire un effort supplémentaire. Évidemment, je ne peux pas m'engager, d'aucune façon, pour eux, mais je ne sens pas que la tendance est au désintéressement, bien au contraire.

Mme Frulla: Mais est-ce que leur intérêt va se traduire en actions tangibles, ne serait-ce que financières, surtout que leur franc vaut plus?

M. Landry (Verchères): Oui.

Mme Frulla: Alors, ce serait une belle opportunité.

M. Landry (Verchères): Il y a un conseil qui s'en vient, là, et votre question est un peu trop pointue pour que je puisse y répondre, surtout que ça touche les décisions des Français. Mais, dès qu'on aura des informations, on les rendra disponibles pour vous.

Mme Frulla: Je veux revenir au... Je pense que mon... M. le Président...

Le Président (M. Simard): M. le député d'Argenteuil, s'il vous plaît.


Coopération médicale par l'autoroute de l'information

M. Beaudet: M. le Président, merci. M. le ministre va sûrement pouvoir m'éclairer là-dessus, parce qu'à la lecture des crédits je n'ai pas pu identifier quelque notion que ce soit sur l'autoroute électronique. Récemment, on a vécu une expérience un peu particulière entre l'Hôtel-Dieu de Montréal et la Salpêtrière, où on a partagé des développements techniques importants, et technologiques. Sur le plan médical, vous allez comprendre qu'on a avantage à partager avec nos confrères francophones étant donné leur créativité et leur développement scientifique. D'ailleurs, il y a plusieurs découvertes dont nous bénéficions aujourd'hui – exemple, le ballon intracoronarien pour la dilatation des coronaires, dont un de vos confrères a bénéficié récemment – qui nous viennent de la France.

Alors, ce sont des développements technologiques qui bénéficient à tout le corps médical au monde, et en particulier venant des Français qui sont très créatifs dans ce genre de manipulation. Je pense qu'il est important de voir jusqu'où votre ministère ira dans le support à de tels échanges sur l'autoroute électronique, que ce soit sur le plan d'un diagnostic par radiologie, que ce soit dans un développement chirurgical ou encore juste d'un examen d'un patient. Je n'ai pas pu déchiffrer, dans l'étude des crédits, à la lecture, quelque montant qui était assigné à ça. Je pense que c'est un élément que votre ministère aurait avantage à supporter, parce qu'il y a plusieurs pays où la francophonie n'est peut-être pas majoritaire mais où j'ai eu, à cause de mes fonctions, à voyager et à oeuvrer de courtes périodes, comme en Bulgarie, en Turquie, dans le Nord de l'Afrique, au Viêt-nam, où ces gens-là bénéficieraient de tels échanges. Et ce serait favorable que le corps médical québécois puisse y participer, mais c'est évident que ça ne se fera pas sans votre support.

M. Landry (Verchères): Ce que vous dites est tellement vrai et je suis d'accord avec chacun de vos énoncés que, lors des entretiens Parizeau-Balladur, on a insisté lourdement sur le contenu francophone de l'autoroute de l'information et de la coopération entre instituts et institutions des deux côtés de l'Atlantique à travers l'autoroute électronique, y compris dans le secteur de la santé où, en général, on a une tellement bonne tradition de coopération qu'une grande partie des budgets va là. Et nous avons un responsable spécial au ministère qui va s'occuper d'aller puiser dans les fonds généraux de l'autoroute électronique, dans les 50 000 000 $, à travers le comité présidé par M. Berlinguet pour les relations France–Québec. On a 5 000 000 $ de réservés spécifiquement – là, je réponds précisément à votre question – 5 000 000 $ sur les 50 000 000 $, réservés spécifiquement aux relations info-route entre la France et le Québec.

(21 h 30)

Et, si la chose vous intéresse, le Québec a fait une percée liée à l'information médicale, mais non pas dans le matériel, mais dans l'approche juridique. Vous êtes au courant, peut-être, à cause de votre spécialité professionnelle, de l'expérience qui se fait à Rimouski avec la carte à puce à usage médical. Il n'y a plus de problèmes technologiques. Ces puces sont capables d'absorber bien des fois le dossier médical d'un individu dans ses dimensions les plus complexes. Le problème est juridique, de défense de la confidentialité, et pour éviter ce phénomène que les Américains appellent – d'après le roman d'Orwell – le «Big Brotherism».

Or, Paul-André Comeau, qui est l'ancien patron de notre Commission d'accès à l'information, est devenu, je crois, un des meilleurs experts au monde pour empêcher que des informations confidentielles contenues dans une puce puissent être utilisées à mauvais escient. C'était le problème juridique majeur. À telle enseigne que, lors de la dernière conférence du GATT sur ces questions, à la demande du commissaire européen Bangemann, chargé de ces choses, et que j'ai rencontré, Paul-André Comeau et des experts québécois ont été présenter l'expérience de Rimouski.

Et, cette semaine même, vous savez, GemPlus – vous avez peut-être lu ça dans les journaux – est venu présenter une carte à puce à Montréal et qui va servir, surtout, de carte monétaire, là; ça va être un instrument de paiement. Au lieu d'avoir de la monnaie dans sa poche, on va débiter la puce directement. Ça va servir pour le téléphone et, bientôt, pour beaucoup d'autres choses.

Or, on a, à cette occasion, tenté de provoquer une jonction des technologies québécoises de préservation d'informations médicales et la technologie matérielle française dans ce domaine, et je crois qu'un certain mariage pourrait avoir lieu.

Le Président (M. Simard): M. le ministre, juste pour fins d'enregistrement, en parlant de M. Comeau comme l'ancien président de la Commission d'accès à l'information, j'espère que vous ne l'avez pas congédié. Il y était hier encore.

M. Landry (Verchères): Oh! ce n'est pas de mon ressort, premièrement. Je ne ferais jamais une telle chose à un ami. Si j'ai dit ancien, c'est que j'ai simplement fait allusion au fait qu'il a donné beaucoup d'énergie à d'autres choses, depuis quelque temps, dans les relations internationales.

M. Beaudet: C'était peut-être un scoop. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Expansion de TV5

Mme Frulla: Je veux revenir à TV5. On ajoute des budgets pour TV5, forcément, puisque TV5, évidemment, agrandit son rayonnement. Est-ce que TV5 a terminé ses études sur la diffusion aux États-Unis? Est-ce que c'est fait? Est-ce terminé, ça, ces études sur la diffusion aux États-Unis?

M. Landry (Verchères): Non, les études ne sont pas terminées, on m'avertit.

Mme Frulla: Il y a du retard là-dessus, non? Y a-t-il du retard?

M. Landry (Verchères): Là, il faut...

Mme Frulla: C'est parce que, demain, de toute façon... Je veux savoir si TV5 relève... Il y a le ministère des Communications, là, et est-ce qu'il relève de vous aussi?

M. Landry (Verchères): C'est ça. Les nominations se font conjointement et les arrêtés sont signés par deux ministres.

Mme Frulla: Bon. Quand est-ce que vous attendez le dépôt de ces études-là? Parce qu'on en parle aux États-Unis; TV5, l'implantation aux États-Unis, ça fait peut-être deux, trois ans qu'on en parle. Et quand est-ce que vous prévoyez... ou quel sera l'échéancier par rapport à son développement au niveau des États-Unis, par exemple?

M. Landry (Verchères): Ce que je peux vous dire, c'est que les études sont une haute priorité et que le premier ministre a demandé que ça se fasse rapidement. Mais je ne peux pas, là, ce soir... On se revoit demain; peut-être que je pourrais avoir des informations plus précises. La prochaine conférence ministérielle?

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Déjà les études sont sur la table.

Mme Frulla: Elles sont déposées.

M. Landry (Verchères): Prochaine conférence ministérielle: automne.

Mme Frulla: Maintenant, on parlait de TV5 Asie. Et je sais que, à ce niveau-là, il y avait un intérêt précis, particulièrement de la France, au niveau de TV5 Asie. Est-ce que vous avez des développements là-dessus, ou encore...

M. Landry (Verchères): On a suivi et on a rajouté 55 000 $, proportionnellement, évidemment, à nos moyens et à la taille du Québec par rapport à la France. Mais on n'a pas boudé, au contraire! Et ça, vous savez que beaucoup de pays veulent renouer avec le Viêt-nam, parce que c'est un des endroits les plus dynamiques d'Asie. Et, là, la francophonie peut être d'un rapport, même matériel, très intéressant. Et, dans les semaines qui viennent, là, on va recevoir une trentaine de recteurs d'universités du Laos, du Cambodge et du Viêt-nam. Et c'est à travers les structures francophones que ça va se faire. Alors, TV5, couplée aux autres opérations de la francophonie, pourrait nous mettre dans une très bonne position pour faire des choses intéressantes avec le Viêt-nam, le Laos et le Cambodge.

Mme Frulla: Est-ce que vous entendez... C'est parce qu'on sait que TV5 États-Unis, là, ça ne va pas aussi rondement que ça devait aller. Et, là, on va voir les études, puis le cheminement qu'il y a un intérêt, mais c'est quand même assez dispendieux de couvrir les États-Unis, et il y a ça, il y a un délai. Est-ce que, selon vous, on devrait privilégier TV5 plus sur le côté de l'Asie, donc à ce niveau-là, ou plus au niveau de l'Amérique, donc les États-Unis?

M. Landry (Verchères): On a décidé de faire les deux. Aux États-Unis, il y a un problème, parce que le taux de câblage n'est pas celui qu'on retrouve ici, et la cohérence est un peu moindre. Mais je pense que c'est très important, si on peut avoir quelques millions, au début, d'auditeurs et d'auditrices dans la première puissance du monde. On dit qu'il y a presque autant de professeurs de français aux États-Unis qu'il y en a au Québec; simplement pour les professeurs de français langue seconde, je pense qu'ils sont 12 000 ou 15 000. Alors, ça plus leurs classes, ça fait déjà un auditoire extraordinaire; plus les descendants de Québécois, plus les intellectuels, plus la colonie culturelle de la Californie. Je pense que ça doit être une priorité, à l'égal, sûrement, des pays d'Asie qui, à cause d'une progression annuelle extraordinaire en pourcentage, donnent l'impression d'une forte croissance. Ce qui est vrai, mais ils sont encore des pays en développement.

Mme Frulla: Est-ce que... Parce que, c'est drôle, ça revient, c'est récurrent. Quand j'ai pris le dossier de TV5 à l'époque, au tout début, là, la France mettait encore en doute TV5. Ça, on a fait quand même front commun – à l'époque, c'était avec la Belgique et les autres partenaires – et on a réitéré, finalement, notre foi en TV5. Et, d'ailleurs, il y avait eu cette manchette qui disait qu'on avait sauvé TV5. Bon.

Quand j'ai repris, re-repris le dossier, l'an dernier, ça se brassait encore. Il y avait le ministre des Communications qui était un peu contre le ministre de la Culture, à l'époque – bien, là, M. Carignon est en prison, alors ce n'est pas... Mais, c'était ça, aussi.

M. Landry (Verchères): Ça refroidit.

Mme Frulla: On reprenait le dossier et c'était encore remettre, puis c'était encore la volonté d'utiliser une chaîne, la leur, pour, évidemment, diffuser, parce qu'ils se disaient que, pour eux, le contenu, ce n'était pas intéressant, c'était du contenu français, puis, en tout cas, de toute façon, ils ne sont pas câblés. Alors, la seule place où on ne voit pas TV5, vraiment, c'est en France.

Alors, est-ce que vous avez réentendu... Là, il y a eu un changement, évidemment, d'intervenants. Alors, est-ce qu'on vous a remis ça sur la table, ou vous êtes convaincus, là, que TV5 est vraiment partie pour rester, là, qu'ils ont réaffirmé leur conviction profonde? C'est vrai que M. Toubon y croyait, là.

M. Landry (Verchères): Bon. C'est nettement l'impression que j'ai, que l'école de pensée de M. Toubon l'a emporté sur toute autre...

Mme Frulla: Ça, c'est un fait.

M. Landry (Verchères): ...et qu'il n'y a plus de réticence. Au contraire, il y a un enthousiasme français pour TV5, et je crois que TV5 est là pour rester. J'ai souvent entendu faire le parallèle, là, dans mes dernières rencontres, entre CNN et TV5. Et les Français se rendent compte que ce n'est pas normal que l'univers entier soit arrosé par CNN...

Mme Frulla: Voilà.

M. Landry (Verchères): ...et que quatre, qui est deux, en fait, n'ait pas lui-même une présence sur les ondes.


Coopération universitaire

Mme Frulla: Je voudrais maintenant revenir juste... Il y a deux choses que je voudrais couvrir, là. Je veux parler du programme APEX, malgré que je sais que c'est mon collègue qui va toucher le bilatéral avec la France, ainsi que tout le reste. Mais, avant ça, le gouvernement, on dit, entend prioriser la coopération universitaire et la formation professionnelle. Et j'aimerais savoir quelle forme va prendre cette intervention, quand on sait qu'il va y avoir des coupures aussi au niveau du ministère de l'Éducation, des coupures quand même importantes; on parle de l'ordre de 80 000 000 $. Et on sait que les bourses à la francophonie contribuent, là, évidemment, au développement des pays francophones.

Donc, comment on va arrimer tout ça, c'est-à-dire la volonté, justement, de cette coopération universitaire et, de l'autre côté, là, des coupures importantes au niveau du ministère de l'Éducation? Est-ce que vous avez une solution ou...

(21 h 40)

M. Landry (Verchères): Bon. D'abord, tous les pays occidentaux ont des problèmes budgétaires et ont des problèmes de compressions tels que nos amis africains ont fini par en prendre conscience. Et ils savent que ce qui, de leur point de vue, pourrait sembler facile, ne l'est pas en raison de la conjoncture.

Mais, comme le Québec a un programme très intéressant d'exemption de frais, qui a toujours des répercussions comptables mais moins absolues qu'un déboursé, on a encore une certaine flexibilité. En dépit de la grande austérité qui doit être la nôtre, le ministère de l'Éducation est encore capable de faire avec nous certains efforts pour ne pas diminuer et même augmenter; on a augmenté le nombre de bourses dans un certain nombre de pays particulièrement nécessiteux. Vous comprenez ce que je veux dire, là? Une exemption, ce n'est pas comme débourser, et, si, dans une faculté ou un département, nos frais réels sont assez bas, bien, on peut augmenter le nombre de bourses sans qu'on n'ait à se ruiner. Alors, c'est ça qu'on va essayer de faire. Mais les conditions sont difficiles, c'est entendu.

Mme Frulla: La question, aussi, de base: Est-ce que – avant de passer à APEX – les responsables, là, de la francophonie, au niveau de la francophonie, est-ce que le nombre a augmenté? Je sais que, à l'époque, il y en avait 17, là. Est-ce qu'il y a une augmentation au niveau du nombre?

M. Landry (Verchères): Les responsables d'individus?

Mme Frulla: Les effectifs, là, qui sont autorisés pour l'année, dans le fond.

M. Landry (Verchères): Non, nos effectifs n'ont pas bougé.

Mme Frulla: Les effectifs n'ont pas bougé. Donc, on maintient les effectifs.

M. Landry (Verchères): Oui, il peut y avoir des petites variations. Par exemple, on a prêté l'ancien sous-ministre adjoint, là, oui, mais, non, on n'en a pas vraiment, de variations significatives, là, à moins que je ne me trompe, et, si je me trompe, je vous le dirai demain. Gaston Harvey est au comité permanent de la francophonie, par exemple.

Mme Frulla: O.K.

M. Landry (Verchères): Bien, on l'a détaché, il est à Paris avec le président Zinsou.

Mme Frulla: Mais il y a juste eu, peut-être, un changement au niveau...

M. Landry (Verchères): On a récupéré Claude Bélanger. Donc, l'opération est nette.

Mme Frulla: O.K. Mais il y a eu, je pense... Maintenant, vous avez, à Paris, un délégué au niveau des fonctions multilatérales, je pense, hein, c'est ça?

M. Landry (Verchères): C'est un sherpa, et il y en avait...

Mme Frulla: Qui combine les deux?

M. Landry (Verchères): ...un avant aussi.

Mme Frulla: Qui combine les deux.

M. Landry (Verchères): Il combine les deux.

Mme Frulla: Mais qui demeure maintenant à Paris?

M. Landry (Verchères): C'est ça.

Mme Frulla: Ah! Donc, qui est sur place au lieu d'être ici.

M. Landry (Verchères): C'est ça.


Programme APEX

Mme Frulla: APEX, le programme APEX, on voit une diminution importante au niveau de ce programme-là. Maintenant, on sait qu'APEX a été extrêmement utile pour aider les petites entreprises à faire du démarchage. Et, si je l'amène ici, c'est parce qu'il a été extrêmement utile aussi pour que nos entreprises culturelles puissent, justement, établir des contacts et puissent se développer, entre autres au niveau de la France. Et il y a eu une augmentation, je me souviens, dans le programme de relance de l'emploi, une augmentation qui avait été attribuée directement au niveau culturel par, à l'époque, Gérald Tremblay. On avait travaillé ensemble là-dessus pour, justement, que nos entreprises culturelles puissent bénéficier de cet argent. On parlait d'à peu près 2 500 000 $, là, d'ajout à APEX. Et elles avaient déjà droit à APEX, c'est un ajout.

Alors, là, je suis inquiète. Je vois une grosse diminution, et je veux savoir pourquoi et... Enfin, pourquoi?

M. Landry (Verchères): Oui. Bon. D'abord, plus vous louangez le programme APEX, plus vous me faites plaisir; c'est moi qui ai eu l'honneur de concevoir et de mettre ce programme sur pied quand j'étais ministre du Commerce extérieur, quand j'ai fondé...

Mme Frulla: Bon, bien, alors...

M. Landry (Verchères): ...le ministère...

Mme Frulla: ...félicitations, ça a bien marché.

M. Landry (Verchères): ...c'est un des premiers programmes qu'on a mis de l'avant, et c'est pour ça que j'ai revu ce rejeton avec un oeil critique, 12 ou 15 ans plus tard. Il ne se peut pas qu'on ait eu raison la première fois et qu'on ait raison avec un contexte qui a changé. Alors, d'abord, je vous rassure, là, il n'y a pas de diminution dramatique des moyens.

Dans le plan de relance que le gouvernement précédent a mis de l'avant, il y avait, par exemple, 3 000 000 $ pour APEX-Environnement, périmés totalement, je crois. Il n'y a pas eu une demande, il n'y a pas eu un cas, pas un dossier qui a fonctionné. Et, en plus, un plan de relance, c'est un plan de relance, et on ne peut pas être en plan de relance constant, quand la relance s'amorce.

Mais, ce qui va vous rassurer le plus, c'est les transformations que j'ai faites et qui, je crois, étaient devenues nécessaires au programme APEX. Le programme APEX, malheureusement, était devenu un bar ouvert, c'est-à-dire qu'il y avait des habitués; je pense qu'il y avait comme une accoutumance. Et des entreprises revenaient et revenaient constamment, ce qui fait que le nombre d'entreprises desservies était moindre, et l'argent filait. Dans les trois mois qui ont précédé septembre 1994, on avait dépensé des sommes fabuleuses dans l'espace de trois mois. La caisse était presque vide.

Alors, on a décidé de réviser le programme APEX de la façon suivante. Premièrement, seules les entreprises ayant un chiffre d'affaires égal ou inférieur à 10 000 000 $ pourront recourir à APEX, s'il s'agit d'une opération continentale Amérique du Nord, et seules les entreprises ayant un chiffre d'affaires égal ou inférieur à 15 000 000 $ pourront recourir à APEX, s'il s'agit d'une opération internationale extracontinentale. Cela veut dire que les très grandes entreprises n'auront plus accès à APEX.

Ce programme a été fait pour les PME, c'est comme ça que nous l'avions conçu. Les grandes entreprises qui ont souvent de grands besoins, de grosses activités internationales, mais qui sont capables de les financer, pourquoi est-ce que – je ne veux pas les nommer, les entreprises – de très grandes entreprises qui font 200 000 000 $, 300 000 000 $ de chiffre d'affaires se feraient payer la moitié des billets d'avion pour un déplacement à Singapour? Elles sont capables de les payer, surtout que ça rentre en dépenses, puis que c'est déductible de leurs impôts.

Alors, les PME, avec cette modification, il en viendra beaucoup plus. Une limitation sur le nombre de recours qu'on peut faire annuellement à APEX, et aussi une partie du budget consacré à la formation pour les nouveaux exportateurs, et également une partie des fonds consacrés au Bureau de promotion des exportations; donc, il y a une mise à jour d'APEX qui, je crois, est dans le meilleur intérêt des exportateurs, et pour les gens de la culture, bien entendu, comme avant.

Autant que je me souvienne, c'est moi qui avais aussi élargi APEX à la culture. Et, si Gérald Tremblay a fait la même chose, bien, ça ne me surprend pas, parce qu'on pense la même chose sur bien des sujets – je n'ai pas dit «tous les sujets».

Mme Frulla: Bien, on l'a élargi, c'est parce que, APEX, ce qu'on a fait, c'est que, au niveau culturel, par exemple, effectivement, il y avait une porte d'entrée, mais on l'avait élargie encore plus. Je veux savoir s'il y a eu une diminution au niveau, entre autres, des entreprises culturelles. Parce que, là, on parle de petites entreprises, peut-être reviennent-elles, mais ce sont des entreprises qui n'ont pas le choix, là. Si elles n'ont pas APEX, elles ne peuvent pas s'exporter. Alors, je veux savoir s'il y a une diminution réelle du programme APEX au niveau des entreprises culturelles.

M. Landry (Verchères): Il n'y a non seulement pas de diminution, mais le niveau de l'an passé est protégé formellement.

Mme Frulla: Maintenant, est-ce qu'on peut parler d'une diminution réelle, au niveau d'APEX, des chiffres qui se situent, là, tel qu'on les voit, ou bien s'il y a eu du transfert ailleurs, ou... Mais c'est vraiment une diminution, c'est-à-dire que, là, on passe de 18 000 000 $ à 9 000 000 $, là. C'est une diminution de quasiment 50 %.

M. Landry (Verchères): Voici, là, ce que ça va faire, c'est 10 000 000 $ pour les programmes de soutien aux entreprises, recentrés sur celles qui en ont vraiment besoin. Alors, j'ai 8 400 000 $ pour le programme APEX proprement dit, aide aux nouveaux exportateurs; j'ai 1 000 000 $ pour aider les entreprises qui tentent de se faire confier des mandats mondiaux pour le compte de multinationales, c'est un programme prometteur qui a bien démarré, en décembre dernier, et il est mené par le bureau des investissements internationaux; puis, j'ai 500 000 $ pour les activités de formation.

Par rapport aux crédits exceptionnellement élevés dont vous avez parlé l'an dernier, APEX, dans le cadre du plan de relance, vous étiez à 13 200 000 $. Je vous rappelle que, à un seul de ces volets, on a eu 3 000 000 $ de crédits périmés dans l'environnement. Alors, ça veut dire que, en gros, on va avoir plus d'entreprises d'aidées, des entreprises qui en ont plus besoin, sans qu'on ait une augmentation des crédits. Et qu'on ait une véritable diminution par rapport au plan de relance, je ne le nie pas.

Mme Frulla: Parce que, finalement, quand on parle d'une augmentation de 160 % au niveau des exportations, puis tout ça, je suis certaine qu'il y en a là-dedans qui sont dues ne serait-ce qu'à ce programme-là.

M. Landry (Verchères): Oui.

(21 h 50)

Mme Frulla: Effectivement, c'est un programme qui a été implanté – félicitations à vous pour l'avoir fait – il a été bonifié, c'est un programme auquel, finalement, on croyait tous. Alors, c'est pour ça que, quand on a vu une diminution... Vous dites 13 000 000 $; moi, je vois 18 000 000 $, ici. Y a-t-il une différence? Pourquoi?

(Consultation)

M. Landry (Verchères): On avait la taxe de base qui était à 4 800 000 $, et un plan de relance qui était à 13 800 000 $.

Mme Frulla: Ah bon! O.K.

M. Landry (Verchères): Le plan de relance, là, il y avait de l'argent là-dedans, et c'est ça qui a fondu comme neige au soleil, parce qu'il n'y avait pas de critères et que c'était comme un bar ouvert. Et, dans les trois mois qui ont précédé le mois de septembre dernier, on a dépensé... Quel pourcentage du budget? 71 %.

En six mois seulement d'exercice budgétaire, on avait déjà engagé près des trois quarts de l'enveloppe globale de 9 400 000 $, sur un total de 13 200 000 $, soit 71 %.

Mme Frulla: Quelles sont les retombées? C'est parce que, quelque part, peut-être... Est-ce qu'il y a eu des retombées, ou est-ce qu'on s'attend à des retombées positives?

M. Landry (Verchères): Écoutez, là, non, je ne veux pas entrer dans des choses partisanes. On me suggère...

Mme Frulla: Non, non, mais vraiment, là, en réalité, c'est parce que...

M. Landry (Verchères): Non, non, en réalité, j'ai l'impression que le bar était trop ouvert, de façon trop généreuse et trop rapidement. Je n'ai pas de mérite à avoir resserré les critères d'APEX. Les hommes et les femmes qui ont à le gérer m'ont suggéré, dès mon arrivée au ministère, de réviser de fond en comble les critères d'APEX, ce que j'ai fait. Et je crois honnêtement que je servirai plus d'entreprises, des entreprises qui en ont plus besoin. Nos succès extraordinaires à l'exportation – et ils sont réels – sont dus aussi à une conjoncture monétaire extrêmement intéressante. Nos prix baissent.

Mme Frulla: C'est vrai.

M. Landry (Verchères): Nos prix fondent comme la neige au soleil, sans qu'on ait besoin de faire des gains de productivité. Ça vend toujours mieux dans ce temps-là.

Mme Frulla: Mais je reviens à mon intérêt, évidemment, mon intérêt de base, qui était celui des entreprises culturelles. Vous me dites et vous m'assurez que les entreprises culturelles, programme de relance inclus, n'ont pas baissé au niveau du fonds?

M. Landry (Verchères): C'est ce que je vous ai dit. Puisque vous posez la question deux fois, je vais faire une contre-vérification, parce que je ne veux pas vous induire en erreur.

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Identique.

Mme Frulla: Identique. Donc, le plan de relance inclus, identique. C'est beau.

M. Landry (Verchères): Il y a une petite chose que je n'ai pas mentionnée, aussi, qui est un volet nouveau des APEX. C'est une initiative régionale qui va doter d'un commissaire industriel, dont la seule tâche sera de promouvoir les exportations, toutes les régions du Québec qui s'organiseront. Nous avons fait une annonce avec le député de Drummond, devant la communauté d'affaires de Drummond, extrêmement dynamique aux exportations, où ce fonctionnaire est déjà pratiquement à l'oeuvre. Et on va en avoir dans toutes les régions.

Mme Frulla: Qui va payer pour ces commissaires-là? Ça va entrer où, ça?

M. Landry (Verchères): C'est à frais partagés, où notre ministère paie une partie et les instances régionales paient l'autre.

Le Président (M. Simard): M. le député d'Argenteuil, peut-être, une dernière question.

M. Beaudet: Je vous remercie, M. le Président. Tantôt, dans votre commentaire quant à l'autoroute électronique, vous nous avez mentionné qu'il y avait 5 000 000 $ que le gouvernement se protégeait de l'enveloppe globale de 50 000 000 $. Je trouvais déjà que le 50 000 000 $ était très peu pour l'autoroute électronique, qui m'apparaît avoir un avenir fabuleux, puis qu'on devrait l'exploiter beaucoup plus rapidement qu'on tente, en tout cas, de nous le laisser penser. J'aurais préféré, en autant que le ministre est capable, aller chercher des ressources ailleurs, qu'on laisse le 50 000 000 $ pour le développement local, puis qu'on aille chercher les ressources ailleurs pour favoriser le développement international avec l'autoroute électronique, que ce soit en éducation, dans le domaine de la santé ou autres, pour le faire avec l'international que de diminuer la masse qui avait été attribuée, par le gouvernement précédent, de 50 000 000 $.

M. Landry (Verchères): Mais, là, je dois vous dire, le gouvernement précédent avait plus souhaité qu'agi en cette matière. On en était à un comité qui n'avait pas encore donné ses recommandations. Je dois vous dire, moi, j'ai été assez scandalisé, franchement, ça m'a surpris – l'ancienne ministre des Communications pourrait nous expliquer là-dessus – le gouvernement du Québec n'avait même pas ce qu'on appelle un «home page», alors que Preston Manning et le Reform Party en avaient un depuis des années. Alors, on avait un retard incommensurable. Le gouvernement du Québec ne répondait pas à l'Internet; ça me dépasse, mais c'est comme ça. Alors, depuis quelques jours, le gouvernement du Québec répond à Internet. Et, si on peut faire plus que 5 000 000 $, je vous donne tout à fait raison sur la priorité de la chose.

Mme Frulla: Là-dessus, juste pour revenir sur deux questions...

Une voix: Il répond «oui».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Il répond aux questions qu'on lui pose.

Une voix: Pour le moment, ils répondent «noui».

Mme Frulla: Ha, ha, ha! Deux questions. De toute façon, je pense que, le dossier de l'autoroute électronique, on va le voir. Juste pour vous dire qu'Internet, à l'époque, quand nous y étions, quand je l'ai repris, là, six mois avant, quand j'ai repris le ministère des Communications, Internet, là, hein, ça ne se parlait pas beaucoup.

Là, tout le monde est sur Internet, maintenant, sachant qu'il y a à peu près 60 000 abonnés par jour, sur Internet, qui s'ajoutent au niveau mondial. Alors, le contexte était très différent. Nous avons eu le mérite d'isoler le 50 000 000 $, de faire un forum pour avoir le contenu et puis, ensuite de ça, de faire un comité qui était beaucoup plus représentatif que le comité qui existe présentement. Cela dit, nous allons en parler avec le ministre de la Culture et des Communications.

Je veux revenir aux commissaires. Vous avez dit qu'il va y avoir des commissaires régionaux qui vont diriger ou qui vont susciter, hein, au niveau d'APEX. Je veux y revenir encore, là. Il va y en avoir dans toutes les régions du Québec? Toutes les régions, ça veut dire 17 personnes.

M. Landry (Verchères): Toutes les régions qui s'organisent. On répond, nous autres, à la demande des régions.

Mme Frulla: Donc, toutes les régions qui s'organisent. O.K.

M. Landry (Verchères): C'est un programme qu'on a. Les régions les plus rapides l'ont déjà. On est à notre troisième, je pense; celui de Drummond était le troisième, et, dans cette région-là, par exception, il y en aura deux, parce que c'est une région très dynamique sur le plan des exportations.

Mme Frulla: Mais, les gens qui sont recrutés pour faire ça, ce sont des gens qui viennent d'où? Qui viennent du ministère ou qui viennent...

M. Landry (Verchères): Non, non, c'est recruté localement, ça. C'est comme les commissaires industriels.

Mme Frulla: Les commissaires industriels. D'accord.

M. Landry (Verchères): Nous, ce qu'on fait, là, on paie une partie de leur salaire, et c'est décroissant, ça doit s'autofinancer au bout de trois ans. On commence à 70; cinquième année, autofinancé.

Mme Frulla: Maintenant, l'argent, justement, pour financer ça, est-ce qu'il vient du programme APEX, ou il vient...

M. Landry (Verchères): Oui.

Mme Frulla: Donc, en plus d'avoir une diminution...

M. Landry (Verchères): C'est un APEX-Région.

Mme Frulla: O.K. Mais, c'est-à-dire, en plus d'avoir... Évidemment, à partir du plan de relance, je peux comprendre, si on a voulu resserrer, puis tout ça, c'est correct. Mais, en plus d'avoir une diminution, là, on assume les salaires des gens qui vont inciter. C'est ça?

M. Landry (Verchères): Oui, on assume 70 % les trois premières années et, ensuite, ça passe à 50-50, 30, zéro. C'est pas des montants considérables, je dois vous dire, là.

Mme Frulla: Non, mais, quand même, là, dans l'ensemble, ça représente à peu près combien? Là, il y en a trois, mais, si on couvre, là, les régions en général, y a-t-il un contrôle là-dessus?

M. Landry (Verchères): Ça nous coûte 54 000 $ par année pour commencer. Pour 10 régions, ça fait 540 000 $; ça fait un demi-million. Ça fait 540 000 $ pour les 10 régions.

Mme Frulla: Ça fait 540 000 $ pour les 10 régions. Est-ce qu'on inclut Montréal, là-dedans? Montréal n'est pas inclus. Qu'est-ce qu'on fait de Montréal?

M. Landry (Verchères): On n'en a pas encore à Montréal.

Mme Frulla: C'est pas une région, Montréal. On va s'en parler! Bon, alors, mes confrères qui viennent de Montréal, vous avez une mission.

M. Landry (Verchères): Montréal et Québec, ce sont les ministères, directement, qui s'en chargent.

Mme Frulla: Ah! qui vont s'en occuper directement. Mais ça n'aurait pas été plus utile d'avoir des gens qui sont, évidemment, des commissaires industriels locaux, pas payés par personne...

Le Président (M. Simard): C'est la dernière question.

Mme Frulla: ...mais enfin payés par le système, là, local, qui prennent ce programme-là, le gèrent, plutôt que de mettre 500 000 $ là-dedans? Et ce 500 000 $ pourrait peut-être travailler aussi.

M. Landry (Verchères): C'est parce que, l'exportation, c'est une discipline qui est quand même assez complexe. Et nos commissaires, en général, ils sont bien formés, mais ils sont formés pour le développement industriel, le développement économique, la prospection de l'investissement. Mais, quand on est rendu dans les techniques pointues d'aide à l'exportation, on ne peut pas leur demander d'être des hommes et des femmes-orchestres, partout et tout le temps. Et ça répond à un désir des régions d'avoir de vrais spécialistes de l'exportation.

Le Président (M. Simard): Je suis obligé de mettre fin à la discussion, à ce moment-ci, d'abord pour vous remercier, toute la commission, des travaux qui ont été de haut niveau, je pense, pendant ces deux heures.

Je veux vous remercier, M. le ministre, et corriger une petite erreur historique avant que vous partiez: Hector Fabre est mort en poste 25 ans après sa nomination, et toujours doublement payé, et par le gouvernement du Québec et par le gouvernement d'Ottawa.

Alors, la séance est ajournée. À demain!

(Fin de la séance à 22 heures)


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