L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mardi 25 avril 1995 - Vol. 34 N° 32

Étude des crédits du ministère du Conseil exécutif


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats


(Quinze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Je rappelle le mandat de cette commission: procéder à l'étude des crédits budgétaires concernant le Secrétariat aux affaires autochtones. Il s'agit de l'élément 3 du programme 2 du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1995-1996.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Mulcair (Chomedey) est remplacé par M. Kelley (Jacques-Cartier).


Volet affaires autochtones

Le Président (M. Simard): Alors, je vous rappelle que l'enveloppe de temps disponible pour l'étude des crédits de l'élément 3 du programme 2 est une enveloppe de 5 h 30. Pour ce qui est du fonctionnement, puisqu'il n'y a qu'un élément, ça ne pose pas de problème. Je pense donc que nous allons maintenant écouter... Peut-être, auparavant, demander au premier ministre, à qui nous souhaitons la bienvenue, d'identifier ceux qui l'accompagnent.

M. Parizeau: Alors, M. le Président, je suis accompagné de mon adjoint parlementaire sur les questions autochtones, M. David Cliche; du sous-ministre chargé de ces questions à l'Exécutif, M. Magny, qui est à ma droite; et M. Hubert Thibault, qui est chef de cabinet adjoint à l'Exécutif.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le premier ministre. Nous écoutons vos remarques préliminaires.


Remarques préliminaires


M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, chers collègues membres de cette commission, c'est avec plaisir et fierté que je viens vous entretenir de l'action que mon gouvernement a entreprise jusqu'ici avec les nations autochtones. Cela va prendre passablement de temps, comme vous le constaterez. Je vais aussi parler de ce qu'il reste à faire et de ce que nous avons bien l'intention de mener à terme.

Comme je l'ai déclaré à notre arrivée au pouvoir, c'est dans la continuité de l'oeuvre de René Lévesque que nous avons abordé nos relations avec les autochtones. René Lévesque a été le premier à inviter les autochtones à l'Assemblée nationale. C'est lui qui a fait adopter les 15 principes, en 1983, sur lesquels repose toute l'action du gouvernement du Québec depuis, même celle des gouvernements libéraux précédents. C'est lui qui a fait adopter une résolution, par l'Assemblée nationale, en 1985, afin de sanctionner ces principes. C'est encore lui qui a créé le SAGMAI, aujourd'hui le Secrétariat aux affaires autochtones.

J'ai annoncé, dès le départ, mon intention de donner enfin une réalité à cette reconnaissance de principe. J'ai aussi indiqué aux 11 nations autochtones du Québec notre volonté de leur accorder une large mesure d'autonomie gouvernementale, tout en développant avec eux des mesures de partenariat. Ce n'est pas un hasard si j'ai gardé la responsabilité première des affaires autochtones. C'est d'abord en raison de l'importance capitale de cette question. Certains ajouteraient: Surtout dans un Québec souverain, et c'est certainement vrai. Mais cela l'est tout autant dans le contexte d'un Québec province.

Ainsi, certains ont pu prétendre, à l'occasion, que la motivation du gouvernement du Québec en matière autochtone était à peu près uniquement liée à son objectif référendaire. Cela est inexact. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à Beaupré, en octobre dernier, au moment de prendre l'engagement de déposer, avant la fin de l'année, une offre globale aux Attikameks et aux Montagnais, les droits et les aspirations autochtones sont à ce point légitimes qu'il ne serait question de lier leur reconnaissance, de quelque façon, à l'atteinte d'un autre objectif national, dût-il être aussi élevé que la souveraineté du Québec. Ainsi, notre volonté de faire progresser les négociations sur les revendications autochtones et d'en arriver à des ententes et, par ailleurs, notre volonté de voir le Québec devenir un pays souverain ne sont pas dépendantes l'une de l'autre. Telle était l'attitude de M. Lévesque; telle sera toujours la mienne et celle de notre gouvernement.

D'autre part, j'ai aussi souhaité conserver les dossiers autochtones en raison du fait que – et je pense que le critique de l'opposition le sait bien – les dossiers autochtones réfèrent à une multitude de ministères dont l'intérêt premier n'a pas toujours été et n'est pas toujours fermement tourné vers ces problèmes. Finalement, j'ai décidé de m'impliquer personnellement par considération pour les chefs et les leaders autochtones, qui sont chefs de nations. Pour accomplir le travail considérable que ces responsabilités représentent, je me suis adjoint un spécialiste des questions autochtones, le député de Vimont. Celui-ci possède non seulement une vaste expérience des milieux autochtones, mais également une grande expertise environnementale.

Lorsque j'ai formé le présent gouvernement, j'ai annoncé mon intention de faire bouger les dossiers qui stagnaient depuis longtemps et que personne ne semblait être capable de faire avancer. Nous nous en sommes occupés et nous avons obtenu des résultats fort satisfaisants, comme je vais vous le démontrer maintenant.

Avec les Inuit, par exemple, plusieurs projets ont été mis de l'avant, dont un certain nombre ont déjà connu un aboutissement heureux. Le grand dossier que nous menons avec les Inuit est sans contredit la négociation visant le regroupement des organismes créés par la Convention de la Baie James et du Nord québécois dans une même unité, aux fins d'établir un gouvernement régional autonome au Nunavik.

Un consensus a été atteint sur plusieurs points importants, dont l'intégration de l'Administration régionale Kativik et la Régie régionale de la santé et des services sociaux; sur la structure de la nouvelle administration; sur les règles électorales. De plus, sous notre impulsion, la table de négociation est en voie de définir un mode de financement global intégrant les transferts de tous les ministères concernés – les fameux «blood grants», qui, à l'heure actuelle, doivent être définis. Nous allons aussi examiner à cette table les moyens pour développer des sources de revenus autonomes pour la région. Nous visons la signature d'une entente de principe dès cette année, avec cependant un délai par rapport au calendrier initial, à la demande même des négociateurs du Nunavik et du Québec.

(15 h 20)

Plusieurs projets de moindre envergure, mais non moins importants, ont finalement abouti avec la nation inuit. J'ai moi-même rencontré le président de la Société Makivik, M. Simeonie Nalakturuk, et le président de l'Administration régionale Kativik, M. Jean Dupuis, le 7 mars dernier. Nous nous sommes entendus sur la nécessité de réaliser un certain nombre de projets que j'ai aussitôt mis en branle.

Les besoins de formation de la main-d'oeuvre inuit sont tels qu'ils nécessitent une intervention rapide. Au Nunavik, de nombreux emplois qui sont occupés par des non-autochtones pourraient l'être par des Inuit si la formation professionnelle leur était plus accessible. De plus, des investissements comme Falconbridge créeront de nouveaux emplois qui demandent une main-d'oeuvre qualifiée. Or, la construction d'un centre de formation professionnelle était en discussion depuis des années, au moins depuis trois ans. Devant l'urgence de répondre aux besoins, j'ai demandé qu'un tel centre soit mis en chantier, dès ce printemps, à Inukjuak. Le ministère de l'Éducation entreprendra dès cette année, de concert avec la commission scolaire Kativik, la réalisation de ce projet évalué à quelque 18 500 000 $.

De plus, le transfert, à l'Administration régionale Kativik, de l'ensemble des programmes et des services de formation de la main-d'oeuvre sur les territoires du Nunavik est imminent. Une entente à ce sujet sera ratifiée sous peu.

Deux dispensaires seront également construits, au Nunavik, dès cette année: un à Quaqtaq et l'autre à Inukjuak. J'ai demandé au ministre de la Santé et des Services sociaux de donner suite à cette décision. Il s'agit d'un investissement de plusieurs millions de dollars.

Les Inuit demandent également, depuis plusieurs années, la réfection des réseaux d'aqueduc et d'égout ainsi que l'installation d'équipements pour l'assainissement des eaux à Kuujjuarapik. J'ai demandé au ministre des Affaires municipales de me fournir un rapport intégré sur l'état de ces infrastructures et sur les solutions à privilégier, rapport que je dois recevoir dans quelques semaines et qui nous permettra de passer rapidement à l'action.

D'autre part, en s'engageant à fournir 4 000 000 $ pour la formation de la main-d'oeuvre, le gouvernement du Québec a permis la réalisation d'un important partenariat d'affaires entre la nation inuit, la communauté crie de Mistissini et deux sociétés minières. Falconbridge et la corporation minière Metall ont proposé de partager avec les autochtones une partie des profits de l'exploitation de deux nouveaux gisements miniers. Il s'agit là d'un précédent que nous n'avons pas hésité à appuyer et qui offre des possibilités remarquables pour l'avenir, pour amener un certain nombre de ces nations autochtones à développer leurs propres sources de revenus.

Une autre grande négociation globale dont nous pouvons être satisfaits est celle que nous menons avec les Attikameks et les Montagnais. Après quelque 15 années de discussions, le gouvernement du Québec a présenté, pour la première fois, une offre globale. Cette offre va plus loin que toute autre proposition faite aux autochtones du Québec depuis la signature des grandes conventions des années soixante-dix, c'est-à-dire les conventions liées à l'aménagement de la Baie-James et du Nord québécois. Nous offrons aux Attikameks et aux Montagnais l'autonomie gouvernementale dans la majorité des secteurs d'activité, ainsi que la cogestion et le partage des ressources sur de larges territoires. Bref, nous leur offrons les moyens de se prendre en charge et de se développer socialement, culturellement et économiquement. Nous leur ouvrons la porte au partenariat avec les non-autochtones.

Cette négociation nous offre donc l'occasion d'exprimer concrètement notre vision de nos relations avec les autochtones: autonomie dans des domaines convenus et avec des règles du jeu claires, partenariat avec le gouvernement et les entreprises régionales pour la mise en valeur des ressources, partage de la richesse et de l'effort pour créer cette richesse.

Les Attikameks poursuivent la négociation sur la base de cette offre globale et doivent déposer une contre-proposition dans les prochaines semaines. Quant aux Montagnais, nous savons que les échanges reprendront dès qu'ils auront mis sur pied leur nouvelle structure de négociation.

À cet égard, je m'étais engagé à ce que, avant la fin de 1994, une proposition globale soit présentée et aux Attikameks et aux Montagnais, en indiquant que ce n'était pas une proposition à prendre ou à laisser, qu'il fallait avoir un point de départ à cette négociation et que ce serait cette offre globale. Avec les Attikameks, ç'a bien avancé; on s'attend, là, à une contre-proposition intéressante d'ici peu. Avec les Montagnais, il y a eu des problèmes sur le plan de, comment dire... entre les bandes pour déterminer qui négocierait et quelle forme la négociation prendrait. C'est sur le point d'aboutir.

La Commission nationale sur l'avenir du Québec recommandait, la semaine dernière, d'associer et d'informer les populations locales et régionales sur les négociations. Pressentant cette recommandation, je puis affirmer qu'aucun effort n'a été ménagé dans ce sens. Depuis décembre dernier, quelque 40 rencontres ont eu lieu pour expliquer les offres du Québec, sur la Côte-Nord, au Saguenay–Lac-Saint-Jean et en Mauricie, avec des représentants du monde municipal, des milieux faunique, forestier et minier ainsi que les conseils régionaux de développement et de concertation. Il reste, je le sais, manifestement, beaucoup à faire à cet égard. Et ça ne sera pas facile de faire disparaître, entre les groupes qui sont voisins les uns des autres sur ces territoires... de faire apparaître le climat de confiance nécessaire. Je disais donc qu'il reste manifestement beaucoup à faire à cet égard, et je puis assurer toutes les personnes intéressées à ce dossier qu'elles seront informées et consultées.

Avec les Cris, nous avons conclu une importante entente sur la sécurité publique pour l'ensemble des communautés cries. Les Cris ont ainsi l'entière responsabilité de l'administration de la sécurité publique dans leur communauté. Comme bien d'autres dossiers, cette entente faisait l'objet de négociations depuis des années.

Toujours avec les Cris, nous avons, en ce moment, des discussions concernant un projet de protocole d'entente visant à reprendre les négociations sur la poursuite de la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. M. Cliche a rencontré le négociateur nommé par le Grand Conseil des Cris, et cinq sujets de négociation ont pu être identifiés: il s'agit de logements pour personnes en perte d'autonomie, des infrastructures sanitaires dans les communautés, du développement économique, du développement dans les domaines de l'exploitation forestière et minière, et de l'administration régionale. Ceci devrait nous mener à la signature d'une entente-cadre dans les prochaines semaines.

Nous avons également réglé un conflit qui existait, depuis plus de deux ans, entre la communauté crie de Waskaganish et les entreprises forestières oeuvrant au sud de cette communauté. Nous avons formé un groupe de travail constitué de représentants de Waskaganish, des compagnies forestières et du ministère des Ressources naturelles, pour que tous puissent s'exprimer clairement. Au moment où je vous parle, les compagnies forestières ont soumis un plan de coupe au groupe de travail. Celui-ci a posé certaines conditions, mais il l'a accepté. Voilà un autre dossier réglé.

En ce qui concerne le village cri de Oujé-Bougoumou, même si la question du titre des terres n'est toujours pas réglée et que le fédéral n'a toujours pas reconnu la bande, nous avons sans délai mis en oeuvre les ententes conclues avec cette communauté. Nous avons rapidement enclenché les démarches, de telle sorte que, vendredi dernier, un acte notarié a pu être signé pour permettre la création d'un fonds d'entreprise régionale de près de 9 000 000 $. Ce fonds était prévu dans la convention de Oujé-Bougoumou de 1989, mais n'avait jamais vu le jour. Nous avons réglé ce dossier à la satisfaction des Cris, ce qui permettra le développement d'un partenariat d'affaires entre cette communauté et les entreprises de la région. Nous avons aussi versé à cette communauté, conformément aux ententes, 600 000 $ pour la réfection de la route et 900 000 $ pour l'installation d'un réseau téléphonique. On conviendra qu'il n'était pas trop tôt pour doter cette communauté de tels équipements. Une entente provisoire concernant les services de police dans le village a aussi été signée avec Oujé-Bougoumou.

Nous avons fait un bon bout de chemin, également, avec les Hurons-Wendat. La négociation concernant la chasse à l'orignal a été réactivée, et nous l'avons menée de manière intensive dès le mois de novembre. Deux mois plus tard, le projet d'entente était prêt, et celle-ci fut signée en février dernier. Cette entente normalise les activités de chasse des Hurons-Wendat dans la réserve des Laurentides. Nous avons même fait adopter une loi par l'Assemblée nationale pour permettre la ratification de cette entente.

(15 h 30)

La négociation portant sur l'autonomie gouvernementale des Hurons-Wendat et sur l'application de ce qu'il est convenu d'appeler le traité de Murray a également été réactivée. Les discussions sur l'élaboration d'une entente-cadre vont bon train, et nous devrions être en mesure de signer cette entente d'ici quelques mois.

Avec les Algonquins du Lac Barrière, nous poursuivons la mise en oeuvre de l'entente signée en 1991. Le but de cette entente est la préparation conjointe, par les Algonquins du Lac Barrière et le gouvernement du Québec, d'un projet de plan d'aménagement intégré des ressources forêt et faune sur un territoire de 10 000 km². Après des années très difficiles, où la survie de l'entente a été maintes fois menacée, les travaux se déroulent maintenant normalement et harmonieusement. Un rapport d'étape a été déposé en février dernier, et les représentants des deux parties prévoient déposer le plan d'aménagement le 31 mars 1996. Les relations entre cette communauté et l'industrie forestière se sont à ce point améliorées qu'un contrat de reboisement a été accordé tout récemment, par les Produits forestiers Gatineau, à la communauté algonquine.

Par ailleurs, nous avons renouvelé une entente sur la sécurité publique avec les Algonquins de Kitigan Zibi, et ce, selon les termes de la loi 57, récemment adoptée par l'Assemblée nationale. Cette communauté réclamait depuis plusieurs années un véritable corps policier, ce qui est maintenant chose faite. Nous sommes en discussion avec les Algonquins de Winneway concernant l'exploitation d'un petit barrage hydroélectrique, et avec ceux de Kitcisakik pour la reconnaissance d'une administration locale.

Nous avons également conclu une entente sur les services policiers avec les Naskapis. Avec eux, nous avons aussi engagé un processus d'échanges portant sur plusieurs dispositions de la Convention du Nord-Est québécois. Pour n'en nommer que quelques-unes, je mentionnerai la création d'emplois, l'accroissement de leurs responsabilités en matière d'éducation, l'administration de la justice et le transfert des pouvoirs en matière de services sociaux et de santé.

Des discussions ont été entamées avec les Micmacs de Listuguj sur certains sujets qu'ils avaient portés à notre attention: il s'agit de la gestion des pêches, la sécurité publique, la justice, la taxation et les services sociaux. Ces discussions devraient nous mener bientôt à de véritables négociations en vue de la signature d'ententes concrètes.

Nous sommes aussi en discussion avec les Micmacs de Gaspé, qui se trouvent dans une situation particulière puisqu'ils n'ont ni réserve ni communauté. Les échanges portent sur la possibilité pour eux d'offrir des services à leur population vivant à Gaspé et à celle vivant à Montréal.

Avec les Mohawks, nous avons également fait avancer un certain nombre de projets. À notre arrivée, nous avons constaté que plusieurs engagements pris par le gouvernement du Québec, dans une entente signée en 1990 avec la communauté mohawk d'Akwesasne, n'avaient pas été respectés. Cette entente prévoyait la mise en place d'une dizaine d'équipements communautaires essentiels. Les dossiers étaient littéralement bloqués dans les ministères. Il nous a fallu intervenir auprès des ministres pour que chaque ministère concerné dégage les budgets nécessaires afin que le Québec puisse respecter ses engagements.

Il en fut ainsi pour le financement d'un centre communautaire déjà construit, mais pour lequel le Québec n'avait pas versé sa part de 650 000 $. Ce montant sera versé au cours de la présente année budgétaire. La construction d'un centre de formation des adultes était aussi prévue dans l'entente. Il a fallu intervenir auprès du ministre de l'Éducation, M. Jean Garon, afin d'obtenir les crédits que le Québec s'était engagé à fournir, soit un montant de l'ordre de 1 350 000 $, ainsi que le soutien technique du personnel du ministère. Ce soutien vient de lui être assuré. L'entente prévoyait aussi la construction d'un palais de justice à Akwesasne. M. Cliche a lui-même sollicité du ministère de la Justice qu'il réserve quelque 725 000 $, durant l'année 1995-1996, à cette fin.

Ce sont là, M. le Président, des exemples de mesures que nous avons dû prendre pour remplir les engagements pris par le gouvernement du Québec. Je dois dire ici qu'il nous faut saluer le travail de l'ancien ministre délégué aux Affaires autochtones. Il a manifestement laissé sa marque dans nombre de dossiers, et je pense pouvoir dire que certains d'entre eux auraient été réglés avant la dernière élection si ce dernier avait pu compter sur une meilleure détermination de son gouvernement.

En ce qui concerne Kahnawake, M. Cliche a rapidement organisé une rencontre avec le chef Norton dès le mois d'octobre. Par la suite, plusieurs rencontres ont eu lieu entre des représentants des Mohawks et du Secrétariat aux affaires autochtones. Elles ont porté principalement sur la taxation et le transport. De plus, nous avons mené une négociation avec Kahnawake en vue d'en arriver à une entente pour la création d'un corps policier autochtone. Nous avons même soumis le projet de loi 57 à l'Assemblée nationale – dont je parlais tout à l'heure – afin de permettre au ministre de la Sécurité publique de conclure de telles ententes avec toutes les communautés autochtones. Malheureusement, les Mohawks ont choisi, pour l'instant je l'espère, de ne pas ratifier l'entente. Cependant, le dialogue se poursuit, et MM. Norton et Cliche se sont à nouveau rencontrés il y a à peine deux semaines.

Pour ce qui est de Kanesatake, malgré la signature d'un protocole d'entente Canada-Kanesatake en décembre dernier, des différends persistent entre ces deux parties, de sorte que la situation évolue lentement. Nous avons clairement exprimé notre position à ce sujet: le Québec n'accepte pas que les ententes touchant ses champs de compétence soient signées sans que nous soyons associés aux négociations. Cette position a été confirmée au ministre des Affaires indiennes, en février dernier, et ce dernier reconnaît cet état de fait.

Outre ces projets que nous menons avec chacune des nations ou avec des communautés autochtones, il y a, M. le Président, deux grands dossiers qui me tiennent à coeur et qui touchent l'ensemble des autochtones du Québec: c'est la création d'emplois pour les jeunes autochtones et la lutte contre la violence familiale; deux situations alarmantes, pour lesquelles il est urgent de trouver des solutions.

J'ai l'intention de donner une impulsion vigoureuse à la création d'emplois pour les jeunes autochtones. J'ai demandé au Secrétariat aux affaires autochtones de mettre l'accent sur la création d'emplois pour les jeunes. À cette fin, nous sommes à évaluer différentes possibilités. Comme nous voulons agir rapidement, il n'est pas question de créer de nouveaux programmes, mais de bonifier ceux qui existent. Par exemple, la ministre de la Sécurité du revenu a annoncé, la semaine dernière, la création du programme Impact Jeunesse. Notre action vise à nous assurer qu'un tel programme soit accessible aux jeunes amérindiens et aux jeunes Inuit.

L'Association des gens d'affaires autochtones travaille dans le même sens. Elle organise un colloque, l'automne prochain, à Montréal, sur le partenariat économique. Nous allons soutenir leurs efforts afin d'aider les autochtones à s'inscrire dans les réseaux d'affaires québécois. Chose certaine, nous devons trouver des solutions. On ne peut laisser la situation se détériorer davantage. Il faut appuyer les efforts des autochtones eux-mêmes pour redonner espoir à leurs jeunes, qui représentent les deux tiers de la population autochtone. C'est aussi chez les jeunes autochtones qu'on retrouve le plus haut taux de suicide au Canada: c'est une situation intolérable.

Intolérable aussi, le degré de violence qui sévit dans les communautés autochtones. Nous devons absolument aider les communautés à contrer ce fléau. L'Association des femmes autochtones du Québec explore, de concert avec le Secrétariat, la possibilité de tenir un colloque sur le sujet, l'automne prochain, à Montréal. Le Secrétariat s'est déjà engagé à le soutenir financièrement, et d'autres ministères le feront également. Ce sera un événement marquant qui rassemblera, pour la première fois, l'ensemble des ressources et des intervenants avec les chefs et les leaders autochtones.

Ce rapide survol des activités du Secrétariat, depuis les quelques derniers mois et pour l'année à venir, exprime bien la politique du gouvernement du Québec. Je pense qu'on peut la résumer simplement.

Le gouvernement souhaite trouver des solutions et répondre aux revendications légitimes des nations autochtones du Québec. Des négociations globales sont en cours, d'une part, avec les Attikameks et les Montagnais et, d'autre part, avec les Inuit du Nord québécois. Le gouvernement du Québec souhaite poursuivre ces négociations de façon la plus concrète possible. Il nous faut donc chercher à mettre sur la table les vrais enjeux, les solutions possibles et, autant que faire se peut, éviter les débats plus théoriques qui, bien que souvent importants, voire fondamentaux, nous amènent trop souvent aussi à un enlisement dont on ne sait plus comment sortir.

Les concepts de droit inhérent, des droits ancestraux, d'extinction du titre aborigène – comme disent les professeurs d'université – traduisent sûrement des réalités politiques profondes. Il nous faudra bien, un jour prochain, y trouver de vraies réponses. Je ne crois pas, cependant, que nous, comme gouvernement et comme nations autochtones, de part et d'autre, puissions accepter d'en rester là, pour nous échanger des considérations plutôt philosophiques, alors que nous pouvons certainement avancer sur des sujets concrets, avec des solutions aptes à améliorer les conditions de vie des autochtones du Québec.

(15 h 40)

C'est la voie que nous avons choisie, notamment avec les Attikameks et les Montagnais. Après 11 ans de discussions, je ne dirai pas stériles, mais disons infructueuses, il était temps de passer aux choses concrètes. Je dirai d'ailleurs qu'il me semble que, plus nous aurons avancé sur ces aspects concrets, plus les chances de trouver des solutions à ces importantes questions fondamentales dont je parlais tantôt apparaîtront meilleures. Les discussions interminables des dernières années, si elles ont été un temps nécessaires, ont fini par nous empêtrer dans des considérations qui ont peu à voir avec le mieux-vivre des nations autochtones. Je suis, à cet égard, frappé de voir qu'une partie des obstacles à une négociation diligente avec les Montagnais est liée au sort et au partage de la responsabilité des quelque 30 000 000 $ déjà affectés – je devrais dire avancés – aux 11 premières années de négociations; 30 000 000 $. Le gouvernement fédéral porte ici une certaine responsabilité, pour ne pas dire une responsabilité certaine. On me permettra d'en dire quelques mots un peu plus tard.

D'un autre côté, il arrive aussi, pour de multiples raisons, que nous ne puissions entamer ou poursuivre des négociations d'aussi grande envergure: c'est normal et il ne faut pas trop s'en formaliser. L'histoire récente, comme celle plus lointaine, fait parfois en sorte que le climat se prête moins à ce type d'approche. Il arrive toujours, cependant, que, pour ces nations, des dossiers importants doivent être discutés: il s'agira ici d'une question d'école, là d'un hôpital, ou encore de logement ou d'aqueduc. En cette matière, il n'y a pas et il n'y aura pas de petits dossiers. Il n'y aura pas de stratégie fumeuse, qui dirait: Si on bloque assez longtemps tel dispensaire, telle entente de développement économique, on va les amener à accepter telle autre entente, ou encore, on va les amener à être plus, entre guillemets, raisonnables sur leurs revendications territoriales.

Non, il faut donner suite à ces demandes de discussions sur des dossiers plus ponctuels. Ces discussions ont d'ailleurs l'avantage de ne pas exiger de chacun qu'il se renie sur ses grandes orientations politiques, tout comme l'immense mérite de nous permettre d'échanger, de mieux nous connaître et peut-être, après plusieurs de ces dossiers, d'envisager des discussions globales.

On retrouve l'esprit de cette approche dans les ententes et discussions que j'ai mentionnées tout à l'heure, particulièrement en ce qui concerne les Cris de la Baie-James et les Mohawks de Kahnawake. Je souhaite en voir beaucoup, parce que, essentiellement, ce sont toujours des sujets qui touchent au coeur de la vie de ces personnes.

Si, comme vous le constatez, M. le Président, nous avons fait ce qui s'imposait, si nous avons choisi d'agir, force est de se demander ce que fait le gouvernement fédéral. Des études, des enquêtes, des consultations, comme si la situation des autochtones était inconnue et comme si l'évidence d'agir rapidement ne s'imposait pas d'elle-même. D'abord, le gouvernement fédéral a mis sur pied la Commission royale sur les peuples autochtones, aussi connue sous l'appellation commission Erasmus-Dussault. Voilà une commission créée depuis maintenant près de quatre ans, avec un mandat extrêmement large, qui a tenu des audiences publiques dans tous les coins du pays, qui a coûté plus de 50 000 000 $, en fait, 57 000 000 $, – j'ai bien dit 57 000 000 $ – une commission qui a produit des centaines de documents de recherche et qui reporte constamment la parution de son rapport final. Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour voir le gouvernement fédéral passer de la réflexion à l'action?

Mais il y a pire. La commission Erasmus-Dussault a produit quelques rapports intérimaires, dont un sur l'autonomie gouvernementale, en août 1993. Qu'a fait le gouvernement fédéral? A-t-il pris position? tracé la voie? Non. Il a annoncé, en janvier 1994, une vaste consultation publique sur l'autonomie gouvernementale, qui devait conduire, six mois plus tard, à une politique fédérale sur le sujet. Eh bien, 18 mois plus tard, nous attendons toujours.

Cette même commission a produit récemment un rapport sur la question de l'extinction du titre ancestral, lors du règlement des revendications territoriales. Ici encore, le gouvernement fédéral a dédoublé le travail de sa Commission royale en nommant un enquêteur sur cette même question. Cet enquêteur refait le même chemin que la Commission royale a parcouru et il doit aussi faire rapport dans quelques mois. On peut se demander, ici encore: Quand le gouvernement fédéral prendra-t-il enfin position?

Cette attitude d'inaction du gouvernement fédéral semble être devenue la politique officielle de ce gouvernement. Il y a encore quelques jours, le ministre des Affaires indiennes annonçait une autre consultation sur la révision de la Loi sur les Indiens, loi qu'il qualifiait pourtant lui-même d'anachronique et de coloniale. Alors, pourquoi a-t-il besoin d'une autre consultation? Tout cela nous coûte des millions et freine la vraie reconnaissance des droits autochtones.

De notre côté, nous préférons, et de loin, passer à l'action. C'est ce que nous avons fait et c'est ce que nous continuerons de faire. Quand on compare l'action du gouvernement du Québec envers les autochtones avec ce que font le gouvernement fédéral et ceux de certaines provinces, on s'aperçoit que le Québec se classe fort bien. D'ailleurs, dans son mémoire, on s'en souviendra – ça avait eu un certain effet – à la commission Bélanger-Campeau, en 1992, le professeur Bradford Morse note que, en ce domaine, la performance du Québec dépasse celle des autres provinces dans tous les domaines, et souvent de façon significative, et ce, aussi bien en ce qui concerne les territoires, la protection des langues autochtones, l'éducation, la santé et les services sociaux, la reconnaissance du titre indien, l'autonomie gouvernementale.

En terminant, M. le Président, je veux vous dire que j'ai accepté l'invitation de l'Assemblée des premières nations du Québec d'aller rencontrer les chefs et les leaders autochtones d'ici quelques semaines. Je vais discuter avec eux, sereinement et sérieusement, de plusieurs sujets, entre autres – mais c'est important – de l'établissement d'un mécanisme permanent d'échange et de consultation. Je leur proposerai ainsi de réaliser un engagement pris par René Lévesque, en 1985, et auquel le gouvernement précédent n'a pas donné suite. Ce serait un lieu de discussions privilégié sur des questions de fond, comme l'autonomie gouvernementale. Il est important qu'on crée un cadre permanent pour ce genre de discussions.

Je conclurai, M. le Président, en disant que, sans négliger l'importance de tous les autres dossiers, je fonde avant tout l'espoir de voir progresser les grandes négociations avec les nations pour leur permettre d'assumer leur autonomie gouvernementale: les Inuit, les Attikameks, les Montagnais, les Hurons-Wendat. Je souhaite sincèrement que nos efforts aboutissent bientôt afin que nous puissions voir l'avènement de nations autochtones autonomes en même temps que la nation québécoise deviendra souveraine. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le premier ministre. La parole est maintenant au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Laurier-Dorion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. J'étais pour dire: Il me fait plaisir d'avoir cette occasion; ça m'aurait fait plaisir d'avoir l'occasion, à l'inverse... Mais, M. le Président, effectivement, c'est la première fois que nous avons l'occasion, avec le premier ministre, de discuter un peu de sa vision des choses, de sa vision des relations entre la société québécoise et les nations autochtones. Et je pense que les cinq ou cinq heures et demie que nous avons nous donneront peut-être l'occasion d'approfondir certains concepts, certaines façons d'envisager les choses.

Je constate une chose avec le discours du premier ministre, c'est que – que ça soit le gouvernement précédent ou le gouvernement qui précédait le gouvernement précédent – il y a une certaine continuité dans les gestes qui sont posés par les différents responsables du dossier. Et on peut le constater en notant que même le premier ministre trouve la possibilité de féliciter, même, celui qui détenait le portefeuille auparavant, et je le remercie. Et on peut également constater que, si on réussit – dans une période assez courte de sept, huit mois, quand même – de voir la réalisation d'un certain nombre de dossiers, c'est probablement, pour un grand nombre de ces dossiers – pas probablement, certainement – parce que l'arbre a commencé à porter fruit. Si on a pu déposer, par exemple, une offre globale aux Attikameks et aux Montagnais au mois de décembre, c'est sûrement parce qu'elle était prête au mois de septembre. Et, à moins qu'il y ait eu des changements substantiels, que je ne connais pas, je pense que le gouvernement qui a succédé à l'administration précédente a choisi aussi la voie de la continuité.

(15 h 50)

Et je dis ceci parce que, indépendamment de ce qui peut nous opposer au niveau de notre vision quant à l'avenir du Québec et indépendamment du statut politique que le Québec pourrait avoir, les revendications des autochtones demeurent des revendications valables, demeurent des revendications non résolues depuis au-delà de 100 ans et demeurent une réalité avec laquelle il va falloir qu'on conjugue, indépendamment de ce que, nous, on pourra décider de faire sur le plan de nos choix constitutionnels ou politiques.

Et c'est dans ce sens-là qu'il serait souhaitable qu'on puisse traiter de ce dossier – tout en pouvant mettre sur la table les différences que nous pouvons avoir quant aux conséquences de chacun des choix qu'on préconise, de part et d'autre – qu'on puisse aborder le dossier avec un certain calme, avec une certaine capacité de le traiter objectivement, de faire attention – et ça n'a pas toujours été le cas durant les cinq années précédentes – de ne pas attiser les tensions, de ne pas chercher, avec des allumettes allumées, de trouver la gazoline, en quelque sorte.

Et je peux soumettre quelques dossiers, au premier ministre, que ses propres ministres d'aujourd'hui critiquent, ministres qui, dans le temps, se frottaient les mains quand il y avait des occasions qui leur étaient présentées soit par les médias, soit par des gestes unilatéraux qui auraient été posés par divers individus, de part et d'autre, de se lever en Chambre, puis... En tout cas, le premier ministre sait à quoi je réfère. Je peux penser, par exemple, à...

Le premier ministre mentionnait la possibilité que les Inuit vont avoir de bénéficier, en particulier, de la question de la formation de la main-d'oeuvre. Je me rappelle fort bien de la comparaison qui avait été faite dans le temps qu'on avait réussi à débloquer la piste qui permet de conclure cette entente. La comparaison malheureuse, je trouvais, à l'époque, qui était faite quant à ce que le Québec avait pu obtenir par rapport à ce que les autochtones pouvaient obtenir. J'avais toujours trouvé désolant qu'on puisse comparer la capacité ou la réussite – et le premier ministre lui-même l'avait fait, dans une certaine mesure – quand on se référe à l'accord de Charlottetown, à ce que les gens disaient: Ce que les autochtones avaient réussi, le Québec n'avait pas réussi dans le Canada. Et j'avais trouvé dommage qu'on puisse, à ce moment-là, utiliser ce dossier pour faire avancer une cause partisane; un point de vue valable, mais qui mettait en cause, en quelque sorte, les deux nationalismes.

Parce qu'il s'agit, en quelque sorte, dans ce dossier, de la confrontation de deux nationalismes. Et c'est peut-être pour ça que, ici, au Québec, nous l'avons vécu d'une façon plus aiguë que ça a été vécu ailleurs au pays. C'est parce que, chaque fois que les deux nationalismes s'affrontent, il y a, effectivement, des étincelles qui peuvent surgir de temps en temps. Et je tiens à assurer le premier ministre qu'il n'aura pas... en ce qui me concerne, tout au moins, et l'ensemble de mes collègues, il jouira de la capacité de régler ces dossiers dans le calme, avec le respect que ces dossiers doivent avoir. Et ça lui donne donc l'opportunité de travailler plus calmement et plus facilement, en quelque sorte, en sachant qu'il va avoir l'appui de l'opposition, raisonnablement, en ce qui concerne la résolution des dossiers qui sont extrêmement délicats, qui font appel à la compassion, la compréhension et la détermination, comme il l'a bien dit.

Parce que, effectivement, la condition socioéconomique des autochtones, comparée à celle que connaît l'ensemble de la société québécoise, elle traîne beaucoup de la patte. Je vous ferai grâce des comparaisons au niveau de tous les indices qu'on connaît, que ce soit au niveau du taux de suicide, la violence familiale, etc. On connaît ces chiffres-là, et, effectivement, ce sont là des indices où il y a un rattrapage à faire, un rattrapage important à faire en ce qui concerne l'accession des autochtones à la modernité.

La voie de l'autonomie gouvernementale est une voie qui offre l'espoir que les autochtones vont pouvoir contrôler, de plus en plus, les instruments qui vont leur permettre de vivre en harmonie avec ceux qui les entourent et avec ceux avec lesquels ils sont en interrelation constante, une interrelation qui va en s'accentuant, on le sait. Et c'est dans ce sens-là que – même si j'étais parmi ceux qui, étant donné ce qu'on a connu au niveau, en particulier, de l'accord de Charlottetown... – il fallait chercher d'autres voies pour concrétiser cette volonté qui s'affichait, et qui s'affiche toujours, de la part des autochtones, de voir protéger leurs droits dans une reconnaissance réelle, constitutionnelle même, de ce concept de droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

Et c'est dans ce sens-là que je pense qu'il serait intéressant, et important même, de passer un certain temps ici, en commission parlementaire, avec le premier ministre, à discuter de certains concepts, même théoriques pour l'instant, parce que c'est le fondement de toute action ultérieure. Il serait important de connaître, pour l'ensemble des parlementaires et pour l'ensemble des Québécois et Québécoises, la vision qui anime le premier ministre dans sa façon de voir les choses quant aux relations avec les autochtones.

C'est pour ça qu'il serait mon souhait, M. le Président, qu'on puisse, dans les quelques heures que nous avons, passer peut-être un bloc de temps à discuter d'un certain nombre de concepts, comme le droit à l'autonomie gouvernementale, le droit inhérent, comme l'extinction du titre, comme le concept de nation ou de minorité, pour qu'on puisse justement baliser un peu, par la suite, les interventions pour avoir une idée de comment on peut envisager l'avenir de ces relations et pour venir, par la suite, à aborder des dossiers concrets, que ce soient les négociations, que ce soient les différents dossiers qui surgissent dans les communautés.

Alors, si c'est également le voeu du premier ministre et de l'ensemble des membres de la commission, ce serait la façon que je proposerais qu'on puisse continuer. Je sais qu'il y a d'autres collègues – de ce côté-ci, au moins, de la table et certainement de l'autre côté – qui vont également vouloir intervenir. Alors...

Le Président (M. Simard): Je vais demander au premier ministre, d'abord, s'il le veut, qu'il réagisse à vos réponses aux remarques préliminaires et, ensuite, peut-être, qu'il fasse valoir ce qu'il pense de la façon dont on devrait procéder au cours des prochaines heures.

M. Parizeau: Moi, je pense que ce que suggère le critique de l'opposition est tout à fait satisfaisant. Il comprendra cependant que, compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure, au niveau des concepts abstraits, je suis bien prêt à l'accompagner pendant quelque temps, mais je ne serai pas extrêmement disert sur ces choses. Je pense que, très souvent, trop de temps passé sur des abstractions, comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, n'a pas vraiment contribué à clarifier les choses, mais à les complexifier.

Alors, moi, d'un autre côté, je reconnais que c'est sans doute un sujet de grand intérêt, et il n'y a pas d'inconvénient à ce qu'on en parle pendant un certain temps. Puis, après ça, on pourrait passer à l'examen d'un certain nombre de programmes ou de dossiers à régler, des choses comme celles-là. Moi, ça me va très bien, ça ne pose pas de difficultés particulières.

Le Président (M. Simard): Si, de part et d'autre, tous conviennent de procéder de cette façon... Évidemment, tout cela va évoluer en cours de discussion, et je pense que, dans le climat dans lequel tout cela est engagé, tout devrait se passer de façon intéressante. M. le député de Laurier-Dorion.


Discussion générale


Concepts de minorité ethnoculturelle et de nation distincte

M. Sirros: Peut-être, M. le Président, on peut commencer avec le concept qu'on a reconnu, au Québec, avec l'adoption des 15 principes, l'existence au Québec de nations distinctes. Si je l'amène, c'est parce qu'il y a certainement dans l'air, surtout étant donné le projet politique qui anime le gouvernement actuel, qui implique la séparation du Québec d'avec le reste du Canada, la création d'un nouveau pays en Amérique du Nord et toute l'incertitude que ça amène, et tel qu'eux autres même l'ont exprimé vis-à-vis les autochtones... Est-ce que le premier ministre voit les autochtones comme une minorité ethnoculturelle qui habite le territoire québécois ou est-ce qu'il les voit comme des nations distinctes qui habitent ce qui est connu comme le territoire québécois ou canadien?

(16 heures)

Et c'est peut-être fondamental pour le reste, mais... Parce qu'il a souvent fait référence à toute la question, par exemple, de l'intégrité territoriale, du droit à l'autodétermination, aux concepts sur lesquels on pourrait revenir, en utilisant la notion de minorité. Je pourrais le citer dans des déclarations, même un article qu'il a écrit ou signé lui-même, il y a une couple d'années, où il disait, par exemple, sur l'intégrité territoriale: Il n'y a pas de problème, étant donné que cette intégrité territoriale là ne pourrait pas être touchée par les revendications des différentes minorités, tels les autochtones.

Alors, peut-être que ce serait une façon intéressante d'ouvrir l'aval et d'avoir le point de vue du premier ministre sur ces deux concepts-là, minorité ethnoculturelle et nation distincte.

M. Parizeau: M. le Président, je pense que ce qu'on a dit de plus précis à cet égard à l'Assemblée nationale est contenu dans la motion qui a été adoptée, le 20 mars 1985, à l'Assemblée nationale. On y réfère souvent. On la lit rarement. Et ce n'était pas une motion en trois ou quatre lignes, ça. J'aimerais la relire. Ça fait très longtemps que ça n'a pas été relu en public, ça.

«Que cette Assemblée reconnaisse l'existence au Québec des nations abénakise, algonquine, attikamek, crie, huronne, micmaque, mohawk, montagnaise, naskapie et inuit;

«Reconnaisse leurs droits ancestraux existants et les droits inscrits dans les conventions de la Baie James et du Nord québécois et du Nord-Est québécois;

«Considère que ces conventions, de même que toute autre convention ou entente future de même nature, ont valeur de traités – valeur de traités;

«Souscrive à la démarche que le gouvernement a engagée avec les autochtones afin de mieux reconnaître et préciser leurs droits, cette démarche s'appuyant à la fois sur la légitimité historique et sur l'importance pour la société québécoise d'établir avec les autochtones des rapports harmonieux fondés sur le respect des droits et la confiance mutuelle;

«Presse le gouvernement de poursuivre les négociations avec les nations autochtones en se fondant, sans s'y limiter, sur les 15 principes qu'il a approuvés le 9 février 1983 en réponse aux propositions qui lui ont été transmises le 30 novembre 1982 et à conclure avec les nations qui le désirent ou l'une ou l'autre des communautés qui les constituent des ententes leur assurant l'exercice:

«a) du droit à l'autonomie au sein du Québec;

«b) du droit à leur culture, leur langue, leurs traditions;

«c) du droit de posséder et de contrôler des terres;

«d) du droit de chasser, pêcher, piéger, récolter et participer à la gestion des ressources fauniques;

«e) du droit de participer au développement économique du Québec et d'en bénéficier, de façon à leur permettre de se développer en tant que nations distinctes – en tant que nations distinctes – ayant leur identité propre et exerçant leurs droits au sein du Québec;

«Déclare que les droits des autochtones s'appliquent également aux hommes et aux femmes;

«Affirme sa volonté de protéger dans ses lois fondamentales les droits inscrits dans les ententes conclues avec les nations autochtones du Québec; et

«Convienne que soit établi un forum parlementaire permanent permettant aux autochtones de faire connaître leurs droits, leurs aspirations et leurs besoins.»

C'est cette dernière question à laquelle je faisais allusion tout à l'heure et que nous avons l'intention de discuter dans quelques semaines avec les premières nations.

Je crois toujours fondamentalement à ça, M. le Président. Je n'étais plus à l'Assemblée nationale quand cette résolution a été adoptée par 66 voix contre 44, les 66 voix étant le Parti québécois, bien sûr, mais je me sens parfaitement à l'aise avec cette formulation. Elle correspond, pour moi, à ce qui était, à l'époque, une ouverture d'esprit remarquable. Quand on pense que, pendant des années ensuite, on a discuté avec les autorités fédérales et les autres provinces, à savoir si on reconnaîtrait le Québec comme une société, pas une nation, une société distincte. Quand on pense que, pour éviter l'échec de Meech, les participants à la conférence fédérale-provinciale ont fait rédiger des avis juridiques annexés au projet d'entente de Meech, à l'effet que, telle que décrite, la société distincte de Meech n'avait aucune conséquence juridique et aucune portée juridique – et que, malgré tout, ça a échoué; qu'on regarde par rapport à ça ce qu'implique la résolution de l'Assemblée nationale du Québec en mars 1985, non seulement on reconnaissait 11 nations comme nations distinctes, mais on indiquait clairement que tout ce qui découlerait comme entente à partir de ce concept de nation distincte serait incorporé dans la loi fondamentale du Québec, ce qui veut dire, bien sûr, la constitution.

Je pense toujours que c'est la bonne voie. Moi, je n'ai pas à ajouter ou à retrancher. Je pense que c'est une vue humaine, correcte, disons-le clairement, noble quant à l'établissement de nos rapports avec les premières nations du Québec. Et, bien sûr, un certain nombre d'engagements qui étaient pris à l'occasion de cette résolution de 1985 n'ont pas été appliqués. Eh bien, nous reprenons. Nous reprenons.

Sur la base des 15 principes... là, j'ai parlé un peu longuement, mais j'aimerais rappeler, tout à l'heure, ces 15 principes qui, eux, datent de 1983. On va voir quelle avance le Québec avait prise avec ces 15 principes, pas seulement par rapport au gouvernement fédéral, mais par rapport, à bien des égards, avec ce qui se passait à cette époque en Amérique du Nord. Nous avons déjà été à l'avant-garde comme Québécois dans ce domaine, et j'ai bien l'intention qu'on soit toujours, qu'on se ramène dans cette situation-là rapidement. Mais on reviendra sur les 15 principes un peu plus tard. On me demandait ce que je pense de l'autonomie gouvernementale. J'ai cherché à y répondre à partir de cette résolution de 1985, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui, M. le Président. Je demandais plutôt au premier ministre le lien ou la différence qu'il peut voir entre une minorité ethnoculturelle et une nation, et il m'a cité la résolution de l'Assemblée nationale, qui reconnaît les peuples autochtones comme des nations distinctes...

M. Parizeau: Voilà...

M. Sirros: ...en ajoutant le vote à l'Assemblée nationale, en indiquant qu'il y avait 66 pour et 44 contre, les contre étant les députés du Parti libéral de l'époque. Et je lui rappellerais tout simplement que les députés du Parti libéral avaient voté contre à l'époque parce que les autochtones, eux, se sont exprimés contre cette résolution. Et je pense qu'on pourrait convenir que, si on est pour avoir une base philosophique à partir de laquelle on peut envisager des ententes, il faudrait tout au moins que l'autre partie puisse accepter ces principes-là.

(16 h 10)

Donc, ce qu'on trouvait regrettable à l'époque, c'est que le gouvernement décidait unilatéralement, en quelque sorte, d'établir les conditions sur lesquelles ses relations avec l'autre partenaire allaient se fonder, un peu comme le proposera bientôt le premier ministre dans son projet de séparation par l'union, si je peux me permettre de parler ainsi, en identifiant les éléments qui, pour lui, sont incontournables. Mais c'est une déclaration, en quelque sorte, unilatérale de principes que le gouvernement a faite, à l'époque, à tel point que l'autre partie l'a refusée.

À partir du moment où l'autre partie l'a refusée, bien, on vit, depuis 1983, nécessairement des difficultés parce qu'on a fondé une relation qui, nous – et quand je dis «nous», je parle de nous, Québécois – avons décidé, était à l'avant-garde de tout, puis on se croyait bons, puis on l'était. Puis je pense qu'on le faisait, ou le gouvernement, à l'époque, le faisait de bonne foi. Mais ça n'a pas permis de clôturer le «chasm», en quelque sorte, ou d'avoir le pont à travers le «chasm» qui existait entre les deux visions de l'avenir, des autochtones, d'une part, et du reste de la société, d'autre part.

Et la résolution campe bien – et c'est peut-être pour ça que les autochtones étaient et sont toujours contre – leur autonomie au sein du Québec. C'est là aussi d'où vient l'importance de connaître, de la part du premier ministre, sa conception du mot «nation» en ce qui concerne son application vis-à-vis les autochtones. Le Québec ayant le droit à l'autodétermination, est-ce que les nations autochtones l'ont également et jusqu'à quel point? Pour ce qui est des détails de la résolution, je pense qu'il y a ici aussi des députés qui étaient présents, mais c'est sur cette conception...

Parce qu'il ne s'agit pas de dire qu'on a été bons, puis progressistes, puis à l'avant-scène, puis à l'avant-garde, parce que, depuis 1983, indépendamment des gouvernements, il y a bien des choses qui ont évolué. Et les 15 principes, par exemple, quoique valables comme point de départ en 1985, se trouvent largement dépassés par les réalités d'aujourd'hui, les revendications d'aujourd'hui et les attentes légitimes des autochtones aujourd'hui. Donc, il s'agit de pouvoir aller au-delà de ce fondement qui date de 1983, sur lequel les autochtones, au départ, n'étaient pas d'accord. Alors, je ne sais pas si le premier ministre voudrait réagir.

M. Parizeau: Ah oui! M. le Président, j'ai quelques commentaires. En 1985, il ne s'est pas seulement passé l'adoption de cette résolution à l'Assemblée nationale. Un autre événement s'est produit au cours de la même année: le gouvernement a changé et, ensuite, pendant neuf ans, il a été au pouvoir. J'imagine que, s'il avait voulu, s'il trouvait cette résolution inacceptable, il avait neuf ans pour la changer... On n'a pas entendu parler d'une autre position.

Mais, et c'est fort intéressant, cette résolution, qui n'a pas été retirée, prévoyait un forum parlementaire permanent permettant, oui, aux autochtones de faire connaître leurs droits, leurs aspirations et leurs besoins. Pourquoi ça n'a pas été appliqué? Pourquoi est-ce que ça n'a pas été retiré par une autre résolution? Quand on a été au pouvoir pendant neuf ans et qu'on a laissé une résolution comme celle-là sans l'appliquer, c'est un peu difficile de revenir, beaucoup plus tard, en disant: C'était un oubli, ou bien: On en voulait davantage, c'est pour ça qu'on a voté contre, ou même, ce qui va plus loin encore, comme disait le député de Laurier-Dorion tout à l'heure: Et, quand une entente n'est pas adoptée par les deux partis à l'Assemblée nationale, c'est normal qu'elle ne soit pas appliquée. Mais alors, quand l'autre parti, celui qui était dans l'opposition, va passer neuf ans au pouvoir, parce qu'il a déjà, comme opposition, voté contre quelque chose, il ne bouge plus?

M. Sirros: Juste pour...

M. Parizeau: Bien...

Le Président (M. Simard): M. le député.

M. Sirros: Je ne veux pas interrompre le premier ministre, mais je n'ai pas dit qu'il s'agissait des deux partis à l'Assemblée nationale, j'ai dit que le Parti libéral, à l'époque, a reflété le voeu des autochtones de voter contre. En tout cas, c'était...

M. Parizeau: C'est un peu difficile, M. le Président, d'exprimer le voeu lorsque, justement, le forum où ces voeux auraient pu s'exprimer n'était pas créé. Ce n'est pas sur les quelques déclarations que l'on peut dire: Je vote contre une résolution aussi solennelle que celle-là, sur la base d'un certain nombre de déclarations qu'on entend ou qu'on n'entend pas. Et, encore une fois, ça n'efface pas les neuf années qui ont suivi. Alors qu'on discutait de ce cul-de-sac qui était la société distincte pour le Québec, jamais... Alors qu'à Meech les chefs autochtones faisaient tout pour se faire entendre – et Dieu sait, ils en étaient rendus jusqu'à me rejoindre comme chef de l'opposition pour demander que j'intervienne à Ottawa pour qu'ils puissent se faire entendre sur leur droit à l'autodétermination: pas un mot de l'autre côté.

Alors, on comprendra, M. le Président, qu'après tout ce temps, quand nous revenons aux affaires, je puisse dire: Voilà, cela me paraît important, cette résolution. Mais nous allons maintenant en tirer, comment dire, toutes les conséquences. Une de ces conséquences-là, c'était la création de cette espèce de forum permanent dont j'indiquais tout à l'heure que je vais recommencer à en discuter dans quelques semaines. C'était un élément important, justement, ce forum, cette organisation permanente, pour que le dialogue s'amorce. Rien n'est nécessairement figé dans le béton dans ce genre de chose là. Mais, si on n'a pas d'endroit où on peut se parler ou si on parle de façon épisodique ou simplement à l'occasion, comme ça, de certains concepts abstraits, il ne faut pas s'étonner que les dossiers n'avancent pas rapidement et même que les concepts n'avancent pas suffisamment rapidement.

J'aimerais, à cet égard... Là, j'entends le député de Laurier-Dorion balayer un peu rapidement les 15 principes de 1983. Complètement dépassés? Je ne sais pas. Relisons-les ensemble. Oui, certains d'entre eux sont dépassés; d'autres gardent une actualité certaine.

«Ces principes, adoptés par le Conseil des ministres en février 1983, élaborent un nouveau cadre de discussion avec les autochtones; c'est un cadre de discussion fondé sur la reconnaissance des nations autochtones du Québec. Ces principes sont les suivants:

«1. Le Québec reconnaît que les peuples aborigènes du Québec sont des nations distinctes, qui ont droit à leur culture, à leur langue, à leurs coutumes et traditions, ainsi que le droit d'orienter elles-mêmes le développement de cette identité propre;

«2. Le Québec reconnaît également aux nations autochtones, dans le cadre des lois du Québec, le droit de posséder et contrôler elles-mêmes les terres qui leur sont attribuées;

«3. Les droits mentionnés aux paragraphes 1 et 2 doivent s'exercer au sein de la société québécoise et ne sauraient, par conséquent, impliquer des droits de souveraineté qui puissent porter atteinte à l'intégrité du territoire du Québec.» Ça n'a pas beaucoup changé, hein?

«4. Les nations autochtones peuvent exercer, sur des territoires dont elles ont ou auront convenu avec le gouvernement, des droits de chasse, de pêche, de piégeage, de cueillette des fruits, de récolte faunique puis de troc entre elles. Dans la mesure du possible, la désignation de ces territoires devra tenir compte de leur occupation traditionnelle et de leurs besoins. Les modalités d'exercice de ces droits doivent être définies dans des ententes particulières avec chaque nation.»

On comprend... je comprends que le libellé, ici, les mots utilisés peuvent apparaître un peu anachroniques, mais, ça, c'est la base de l'offre globale présentée aux Attikameks et aux Montagnais en décembre dernier.

«5. Les nations autochtones ont le droit de participer au développement économique de la société québécoise. Le gouvernement est prêt à leur reconnaître également le droit d'exploiter à leur bénéfice, dans le cadre des lois du Québec, les ressources renouvelables et non renouvelables des terres qui leur sont attribuées.»

On vient de faire entrer le concept de royauté. C'est très intéressant, ce qui vient de passer avec le projet Raglan, pour les Inuit. Enfin, cette idée qu'on puisse tirer des royautés... Évidemment, les idées ont évolué par rapport à ces principes-là, mais la base même reste saine.

«6. Les nations autochtones ont le droit, dans le cadre des lois du Québec, de se gouverner sur les terres qui leur sont attribuées.»

(16 h 20)

À cet égard, le mot «attribuées», on ne l'écrirait plus comme ça. Il est évident que toute espèce de négociations, comment dire, ont remplacé ce terme-là... Le terme de «négociations» est modifié à cet égard. Il est vrai aussi, «ont le droit, dans le cadre des lois du Québec», on reconnaît maintenant que le droit de se gouverner veut dire passer des lois qui s'appliquent à soi-même, sans nécessairement de référence. On parlera de non-incompatibilité, par exemple, ou des choses comme celle-là. Le concept a évolué.

«7. Les nations autochtones ont le droit d'avoir et de contrôler, dans le cadre d'ententes avec le gouvernement, des institutions qui correspondent à leurs besoins dans les domaines de la culture, de l'éducation, de la langue, de la santé, des services sociaux et du développement économique.

«8. Les nations autochtones ont le droit de bénéficier, dans le cadre des lois d'application générale ou d'ententes conclues avec le gouvernement, de fonds publics favorisant la poursuite d'objectifs qu'elles jugent fondamentaux.» Etc., etc.

Il y en a 15 comme ça. C'était une bonne base de départ. Pourquoi on n'a pas fait évoluer ça? Pourquoi on a attendu pendant presque 10 ans? Simplement on a tout arrêté l'élaboration de ça. Ce sont des choses comme celles-là qui, à l'heure actuelle, m'intéressent vivement. C'est de ça dont le développement des sociétés, puis le développement des économies, puis le développement des peuples... c'est sur des principes comme ça que ça se fonde. Bon, évidemment... Maintenant, ce n'est pas apparu de nulle part, ça.

Puisque le député de Mont-Royal est avec nous depuis quelques instants, je veux lui rendre hommage. La Convention de la Baie James était une première en Amérique du Nord et s'avançait dans certaines des voies dont je viens de parler. Oui, c'est vrai, le député de Laurier-Dorion avait parfaitement raison tout à l'heure en parlant d'une certaine continuité. Oui, il y a une continuité entre certains des principes qui apparaissent dans la Convention de la Baie James. De là les 15 propositions de 1983 de la résolution en Chambre de 1985. Mais oui! on avance toujours dans une certaine direction qui est le droit à l'autodétermination des nations distinctes autochtones dans le cadre de l'intégrité territoriale du Québec.


Notions d'intégrité territoriale et de droit à l'autodétermination

M. Sirros: Le premier ministre se rend compte qu'il y a une certaine contradiction entre parler du droit à l'autodétermination des nations distinctes dans le cadre du territoire du Québec aujourd'hui, en même temps que, lui-même, il propose – comment je peux dire – l'autodétermination du Québec jusqu'au point du non-respect de l'intégrité territoriale canadienne. Plusieurs commentateurs ont soulevé cette contradiction. Il me semble que ça devient difficile, quand on propose pour une nation distincte d'avoir le droit à l'autodétermination et de l'exercer, comme le premier ministre et son parti le proposent pour le Québec, de le refuser par la suite à d'autres qu'on reconnaît comme des nations distinctes également. Et c'est pour ça que je lui posais la question au départ: Est-ce qu'il s'agit de minorités ethnoculturelles ou est-ce qu'il s'agit de nations distinctes? S'il s'agit de nations distinctes, est-ce qu'elles ont le droit à l'autodétermination? Le premier ministre vient de me répondre oui à ces deux questions-là. Et là je voudrais qu'il m'explique comment ce droit à l'autodétermination, dans le cas des autres nations distinctes, doit se faire à l'intérieur de l'intégrité territoriale québécoise, tandis que celle du Québec, de la nation québécoise, peut se faire à l'encontre de l'intégrité territoriale de l'autre?

M. Parizeau: M. le Président...

M. Sirros: Et c'est une question, je pense, qui mérite d'être explorée.

M. Parizeau: Mais non seulement elle mérite d'être explorée, M. le Président, elle a été longuement explorée, très longuement explorée. À l'occasion d'une étude qui avait été commandée le 4 mars 1992 par le secrétaire des commissions sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec, constitué par la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec – les termes sont presque identiques, mais c'est ceux de 1992, et c'est ce qu'on a appelé la loi 150. On se souvient? Le gouvernement de l'époque avait proposé qu'il se tienne, au plus tard en octobre 1992, un référendum sur la souveraineté du Québec, et, à cette fin, on avait organisé deux commissions pour examiner, l'une, les conditions d'accession à la souveraineté, et l'autre, toute offre formelle qui pourrait venir du reste du Canada.

Pour ce qui a trait à la commission sur l'accession à la souveraineté, elle va commander une étude à cinq experts internationaux qui ont ceci en commun, qu'ils n'ont jamais été impliqués directement par le débat canado-canadien, québéco-canadien, ou le débat entre les autochtones du Canada ou du Québec avec les gouvernements. Ces cinq personnes sont d'une grande autorité: les professeurs Franck, Rosalyn Higgins, Alain Pellet, Malcolm Shaw et Christian Tomuschat; un Allemand, deux Américains, un Britannique, un Français. Leur rapport est unanime. C'est très copieux, comme analyse. Il faut bien se rendre compte que ce n'est pas un avis de trois pages, ça. Je vais lire une des conclusions qui a le plus directement de rapport avec ce dont nous parlons.

«Dans la même hypothèse, disent-ils, le principe de la continuité juridique (absence de vacuum juris) conduit à faire prévaloir l'intégrité territoriale du Québec, garantie tant par le droit constitutionnel canadien que par le droit international public, sur les revendications visant à démembrer le territoire du Québec, que celles-ci émanent

«des autochtones du Québec, qui ont tous les droits appartenant aux minorités auxquels s'ajoutent ceux reconnus aux peuples autochtones par le droit international contemporain, sans qu'il en résulte un quelconque droit de sécession – ça, c'est clair;

«de la minorité anglophone pour laquelle la protection offerte par le droit international n'a aucun effet territorial, ou

«des personnes résidant dans certaines régions frontalières du Québec, qui, en tant que telles, ne bénéficient d'aucune protection particulière au regard du droit international.

«Ces conclusions sont renforcées par l'applicabilité du principe de la succession aux limites territoriales existantes au moment de l'accession à l'indépendance.»

Ce n'est pas très compliqué à saisir. On n'a pas besoin d'avoir fait un doctorat en droit pour comprendre ça.

«Nous certifions que, dans l'état actuel des informations dont nous disposons, l'argumentation et les conclusions ci-dessus exposées correspondent à nos convictions sincères et véritables. En foi de quoi, nous apposons ci-après nos signatures, pour servir et valoir ce que de droit.»

Voilà. Il y a une centaine de pages pour aboutir à cette conclusion-là. Oui, exactement. À cet égard, ça, c'est le droit.

La politique maintenant. «Le premier ministre Daniel Johnson – ceci est tiré du Devoir , le 19 mai 1994 – s'est porté à la défense de l'intégrité du territoire québécois, hier, dans la foulée des déclarations du ministre fédéral des Affaires indiennes, M. Ron Irwin, sur le droit des autochtones du Québec à demeurer au sein du Canada advenant la sécession – et là je cite: "La position du chef du gouvernement, dit M. Johnson, c'est celle de faire valoir partout et toujours l'intégrité du territoire québécois." – fin de la citation. Selon lui, la défense de l'intégrité territoriale du Québec est – on ouvre les guillemets – "un engagement que contractent" tous les députés de l'Assemblée nationale.» Fin de la citation. Voilà. Bien, quand le droit et la politique s'accordent aussi merveilleusement, je ne vois pas pourquoi j'irais plus loin.

(16 h 30)

M. Sirros: Sur le droit, d'abord, ça ne prend pas une maîtrise, une thèse de doctorat non plus, pour comprendre que fonder une opinion sur le point de vue de cinq personnes, aussi expertes soient-elles... Le premier ministre est depuis trop longtemps impliqué dans la vie publique et en politique pour ne pas savoir que je peux lui en citer cinq autres qui vont dire le contraire. Et, d'ailleurs, ça existe, des experts qui disent que oui, effectivement, c'est possible de faire autrement.

Et, de façon plus concrète, puisqu'on parle de politique, juste un commentaire sur la politique. La différence fondamentale, M. le Président, avec la déclaration, par exemple, du chef de l'opposition, c'est que nulle part dans nos propos, de ce côté-ci, on ne propose de démembrer l'intégrité territoriale du Canada. Et c'est bien sûr qu'à l'intérieur de ce cadre, l'intégrité territoriale du Québec, elle est entière. Les autochtones, en particulier les Inuit et les Cris, ont déclaré leur intention, par exemple, de tenir leur propre référendum, allant jusqu'à se prononcer sur leur intention de demeurer partie du Canada advenant la décision du Québec de se séparer du Canada.

À partir du moment où le premier ministre reconnaît le droit à l'autodétermination des nations distinctes, qu'est-ce qu'il dit à ces nations quant à cette intention?

Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville a souhaité, à ce moment-ci, faire une brève intervention.

M. Sirros: Je m'adressais au premier ministre. Peut-être qu'après il pourra...

M. Parizeau: Oui...

M. Beaulne: M. le Président, le député a fait allusion au fait qu'il pouvait citer des experts qui contredisaient ceux qu'a nommés le premier ministre. J'aimerais qu'il nous donne des noms; ça éclairerait la discussion, peut-être.

M. Sirros: En tout cas, on va y revenir.

M. Parizeau: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Votre réponse, M. le premier ministre.

M. Parizeau: Le député de Laurier-Dorion me disait... mais sur qui s'appuie-t-il? Au-delà des experts, au-delà de son chef ou du chef de l'opposition actuel, sur qui s'appuie-t-il? Je vais citer une autre source. Lors de la rencontre annuelle du forum des ministres et des dirigeants d'organismes autochtones nationaux, tenue à Québec en mai 1994, le ministre Irwin confirme que, de l'avis du gouvernement fédéral, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale fait déjà partie de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il ne s'agit pas d'un droit à la souveraineté, et sa mise en oeuvre devra être négociée. M. Irwin est d'accord.

Je vais multiplier les sources. Alors, là, discutons de quelque chose de plus localisé – encore que c'est assez grand, le localisé en question, c'est les deux tiers du territoire du Québec, à peu près: la Convention de la Baie James, signée par une foule de gens, préparée par le député de Mont-Royal, à qui je donne tout le crédit, qu'il a signée au nom du gouvernement du Québec. Ça a été signé par tous les chefs cris et inuit, les Naskapis. On se comprend bien, l'entente de la Baie James a été, quant à ses conséquences territoriales, saisie par une législation fédérale votée par la Chambre des communes, saisie par le gouvernement du Québec dans une législation qui a été votée par l'Assemblée nationale. Ce n'est pas juste un rapport et un accord, ça. Ça a été traduit dans la législation des deux gouvernements.

Lisons pieusement l'article 2.1 de la Convention de la Baie James: «En considération des droits et des avantages accordés aux présentes aux Cris de la Baie- James et aux Inuit du Québec, les Cris de la Baie-James et les Inuit du Québec cèdent, renoncent, abandonnent et transportent par les présentes tous leurs revendications, droits, titres et intérêts autochtones, quels qu'ils soient, aux terres et dans les terres du Territoire et du Québec, et le Québec et le Canada acceptent cette cession.» Comme on dit en anglais dans des circonstances comme ça: «And there, the defence rests.»

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal, signataire de cette entente.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. De ma part, je veux remercier le premier ministre pour les hommages qu'il m'a rendus en ce qui concerne l'entente de la Baie James, parce que, effectivement, c'est une entente assez historique, qui n'a eu aucun précédent et qui est encore en vigueur après 20 ans, ce qui démontre un peu que c'est accepté des deux côtés, par les autochtones et tous ceux qui l'ont signée, les gouvernements.

Avant de répondre ou de donner un autre aspect de l'article 2.1... Parce que je me souviens de 2.1; c'était quelque chose qui était au coeur de cette entente. Sans 2.1, il n'y aurait pas eu d'entente, parce qu'il fallait le territoire, 412 000 mi² à 423 000 mi², et c'était entaché parce que les titres étaient, à ce qu'on pourrait dire, comme quelqu'un qui regarde les titres d'une propriété... ils n'étaient pas clairs. L'acte de 1912 avait spécifié que, quand ce territoire avait été cédé au Québec par le gouvernement fédéral, on devait obtenir une entente avec les Indiens pour répondre aux droits que les Indiens avaient à l'époque. Alors, il fallait absolument, pour faire cette entente, avoir le 2.1. Mais, il y a ceux qui pourraient vous donner un autre... Je ne veux pas entrer dans un débat juridique sur 2.1. Essentiellement, c'était pour donner le titre clair et pour respecter l'intégrité territoriale du Québec.

Je voudrais revenir, M. le premier ministre, à la résolution de 1983 et aux 15 principes que vous avez cités, parce que je crois que, dans cette résolution et dans les principes que vous avez cités, il y a un aspect fondamental de différence de concepts qui peut avoir des conséquences assez différentes soit pour le gouvernement, soit pour les autochtones. Il y avait une raison pour laquelle les autochtones n'acceptaient pas la résolution de 1983. C'est bien beau de dire: On vous reconnaît comme nation. Ce sont des paroles, ce sont des mots, à moins qu'il n'y ait des conséquences juridiques.

Une nation a une certaine souveraineté, pas toute la souveraineté mais une certaine souveraineté. Les 15 principes spécifiaient clairement que cette reconnaissance de nation devait se faire dans la reconnaissance des lois du Québec. Les autochtones, d'un côté, se voyaient appelés «nation», mais, de l'autre côté, ils se voyaient enlever tout droit possible qu'une nation pouvait avoir en termes de souveraineté parce qu'ils devaient respecter les lois du Québec. Ils interprétaient ça comme des droits que le Québec pouvait consentir à une municipalité ou à un autre groupe de citoyens.

La différence entre «société distincte» dans la Constitution canadienne et «nation» dans les résolutions, c'est que, dans la Constitution canadienne, le Québec et toutes les provinces ont souveraineté dans leurs champs de juridiction. Vous le savez, je n'ai pas besoin de vous le rappeler: l'arène en droit du Canada, l'arène en droit d'une province. Alors, dans les champs de juridiction, il y a une souveraineté.

(16 h 40)

Dans la résolution de 1983 et dans les 15 principes, la raison pour laquelle les autochtones se sont prononcés contre, c'est... Les représentations avaient été faites au gouvernement, à cette époque, par les associations des bandes indiennes, par différentes bandes indiennes et par tous les représentants des autochtones. C'est qu'ils étaient assujettis complètement aux lois du Québec, à moins que le Québec ne veuille leur accorder certains droits dans l'éducation, dans la culture. Alors, il n'y avait pas une reconnaissance de leur souveraineté.

Je ne vous dis pas, M. le Président, qu'il faut nécessairement reconnaître la souveraineté des nations autochtones. Ce n'est pas ça que je dis. Je vous dis que c'était la perception qu'ils avaient, et c'est pour ça qu'ils n'ont pas accepté cette résolution. Et, une des raisons que nous ne pouvions, comme gouvernement, après... On n'a pas changé cette résolution. On avait voté contre pour refléter la volonté des autochtones. On ne pouvait pas en faire une autre parce qu'on ne pouvait pas s'entendre sur le concept de nation, les conséquences de «nation», les conséquences d'une souveraineté d'une nation autochtone. Je crois que c'est quelque chose qui doit se négocier, qui doit se discuter, et on n'a pas pu en venir à une telle entente avec les autochtones.

Mais le point que je voulais faire, M. le Président, c'est que je ne pense pas qu'il faille dire... L'importance qu'on attache à la résolution de 1983... Il y a des beaux principes, mais, quand vous examinez le contenu de la résolution, effectivement, ça dit: Écoutez, les autochtones, vous avez les mêmes droits que d'autres citoyens, que d'autres membres de la population et vous allez être assujettis aux lois du Québec, à moins qu'on ne veuille faire des changements. Et les autochtones n'ont pas accepté ça, à cette époque-là, et je ne pense pas qu'ils l'acceptent; ou, s'ils ne l'acceptent pas aujourd'hui aussi catégoriquement que ça... Et c'est pour ça que je pense qu'il n'y a pas d'entente sur la notion de nation et sur la notion de souveraineté. Jusqu'à quel point, dans quels domaines peuvent-ils être souverains?

Le Québec est souverain dans plusieurs domaines, mais, ça, la résolution de 1983, n'a transféré aucun concept de souveraineté aux autochtones. Et c'est pour ça qu'ils étaient contre, et je crois qu'ils sont encore contre aujourd'hui.

Le Président (M. Simard): M. le premier ministre veut réagir. Je vous propose qu'à la suite de votre réponse nous fassions une pause de 10 minutes de suspension de la séance.

M. Parizeau: Oui, volontiers. M. le Président, ce que le député de Mont-Royal vient de dire est très intéressant, et ça correspond à l'espèce d'évolution dont je parlais un peu plus tôt. Oui, bien sûr, de 1983 à 1995, il y a eu une évolution importante dans les concepts, probablement à cause... On a probablement trouvé, dans l'échec de Meech, une sorte de révélateur. Si le député de Mont-Royal dit que les 15 résolutions de 1983, c'est des beaux principes et des belles paroles, qu'est-ce qu'on pouvait dire de la société distincte, alors? La société distincte, personne ne se souciait de savoir ce qu'il y avait là-dedans, à un point tel qu'encore une fois il y a eu des avis juridiques d'annexés à ça, à la fin des négociations, pour dire: Ça ne veut rien dire. Et, même ça, c'était trop. C'était un bon point de départ, 1983.

C'est vrai que les allusions à ce que toutes les lois du Québec, dans tous les cas, s'appliquent toujours... Ça, il a parfaitement raison, le député de Mont-Royal. À un moment donné, c'était légitime, je pense, que les autochtones disent: Mais, tout de même, il faut que vous nous donniez une capacité, une marge de manoeuvre quelconque sur le plan juridique, au moins dans certains domaines. Et, quand le député de Mont-Royal dit que ces choses-là se négocient, mais oui, mais oui, il fallait négocier ça. Et le forum dont on parle dans la résolution de 1985 – «convienne que soit établi un forum parlementaire permanent permettant aux autochtones de faire connaître leurs droits, leurs aspirations et leurs besoins» – mais c'était un excellent point de départ pour qu'on puisse amorcer des négociations. Les 15 principes de 1983, c'était un point de départ, ce n'était pas un point d'arrivée. La résolution de 1985 était une déclaration d'intention extraordinaire sur laquelle on pouvait construire. Pourquoi on a laissé tout ça lettre morte pendant neuf ans? C'est neuf ans de perdus.

Encore une fois, je comprends qu'on dise souvent qu'à l'égard des questions autochtones on a un peu l'éternité devant soi, et puis on compte en siècles. Non, pas dans l'état actuel des choses. Dans l'état actuel des choses, il y a un certain nombre de choses urgentes qui se sont développées dans les communautés autochtones du Québec, comme du Canada, d'ailleurs. Et on avait la possibilité, pendant ces neuf années-là, vraiment, de construire, sur la base des principes de... en les modifiant. Encore une fois, sur le plan juridique, je pense qu'il y a d'excellentes choses, à mon sens, dans ce qu'a dit le député de Mont-Royal, mais il fallait amorcer des discussions à cet égard. Il ne s'est rien fait. Il ne s'est rien fait.

On nous dit maintenant: Les députés ont voté contre en 1985 parce qu'ils en voulaient davantage. Bien, ils ne devaient pas en vouloir beaucoup davantage parce que, pendant les neuf ans, ils n'ont rien ajouté puis ils n'ont rien retranché. Ils l'ont laissée sur la tablette puis ils l'ont laissée lettre morte.

Alors, on se dit quoi, maintenant? Bien, on se dit qu'il faut amorcer des négociations. Et ce que j'ai ajouté aujourd'hui: Ça va être d'autant plus facile de faire avancer les négociations, même sur des concepts abstraits, qu'on règle des problèmes concrets. Et, au fond, comment va-t-on définir un certain nombre de concepts abstraits sur le plan de ce que c'est que l'autonomie gouvernementale? Jusqu'où peut-elle aller et sur quelles bases peut-elle fonctionner? Bien, vous voyez, c'est à partir des choses comme l'offre globale qu'on a présentée aux Montagnais, qui ne se traduit pas seulement en abstractions ou en beaux principes, comme le disait tout à l'heure, et à juste titre, d'ailleurs, le député de Mont-Royal, mais en traduisant ça en exploitation des richesses naturelles, principe de développement durable, réconciliation avec le cadre écologique, maintien et développement de la culture autochtone. Il faut que ça se traduise, ça. Ça se traduit par des dispositions, par des clauses, par des ententes, par des ouvertures, par des marges de manoeuvre données à ces nations autochtones pour être capables de faire elles-mêmes un certain nombre de choses. Et c'est là où elle est tellement intéressante, l'offre globale.

Encore une fois, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, cette offre globale aux Attikameks et aux Montagnais, c'est un point de départ. D'aucune façon il n'est question de dire: Prenez ça ou laissez-le, c'est tout ou c'est rien. Du tout. Mais il faut bien faire partir une négociation quelque part. Autrement, on nous dit: Bien, vous êtes restés au niveau des voeux pieux, ou des principes généraux, ou ces principes-là ont été mal interprétés. Comment on se sort de là? Les vieux philosophes grecs disaient qu'on démontre le mouvement en marchant. Bon, bien, c'est ça qu'on cherche à faire.

Le Président (M. Simard): Suspension jusqu'à 17 heures.

M. Parizeau: Bien.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

(Reprise à 17 h 3)

Le Président (M. Simard): Nous reprenons nos travaux, et nous en étions aux questions de l'opposition. M. le député de Laurier-Dorion.


Prise en charge par un Québec souverain de toutes les obligations découlant de la Convention de la Baie James et du Nord québécois

M. Sirros: On parlait, M. le Président, d'un certain nombre de concepts. On avait parlé beaucoup de toute la question de droit à l'autonomie, à l'autodétermination, du concept de nation distincte, jusqu'où ça peut aller, de la souveraineté, etc. Et le premier ministre nous avait amenés sur le terrain de l'entente de la Baie James en citant la renonciation qu'ont faite les Cris de leurs titres, à l'article 2.1, je pense, de la Convention, comme... Et il a conclu en disant: «The defence rests its case.»

J'aimerais l'entendre un petit peu sur l'argument à l'effet que, la Convention étant un document, un traité, une entente signée par trois parties, dans le contexte qu'on connaît, dans le contexte où le gouvernement fédéral est le fiduciaire des autochtones et demeure le fiduciaire des Cris, même avec la signature de la Convention de la Baie James, comment est-ce que le premier ministre peut faire fi, en quelque sorte, de ce fait, de cette réalité, en disant tout simplement: Dans l'éventualité de la séparation du Québec du reste du Canada, bien, on assumera, point, les responsabilités du gouvernement fédéral? C'est quoi, pour lui? Est-ce qu'il peut juste réagir sur ça? Est-ce que le fait qu'une entente soit signée par trois partenaires et qu'un partenaire décide de façon unilatérale d'accaparer les responsabilités de l'autre, est-ce qu'il ne trouve pas là un certain problème de conscience, sinon de logique, quant à la capacité du partenaire qui agit unilatéralement de forcer les autres à accepter sa volonté, à moins de prendre des mesures pour les forcer?

M. Parizeau: M. le Président, la succession d'États, ça n'a rien d'unilatéral. On n'y peut rien, la Constitution canadienne dit que les frontières d'une province ne peuvent pas être modifiées sans l'accord de la Législature de cette province. Et, donc, jusqu'au jour de l'indépendance, je doute qu'un gouvernement du Québec, quel qu'il soit, accepte qu'on change les frontières du Québec. Puis, alors, le lendemain de l'indépendance, bien, c'est trop tard. Si on veut changer les frontières, à ce moment-là ça peut être de l'agression. Je n'y peux rien, moi, c'est comme ça; c'est le droit, ça. Ça n'a rien d'unilatéral, ça s'appelle la succession d'États.

L'étude des cinq experts internationaux que je citais tout à l'heure, bon, je comprends que je résume un peu rapidement, mais c'est basé sur ce principe-là. Alors, le député de Laurier-Dorion disait: Oui, mais, je pourrais trouver cinq autres experts. Oui, mais, enfin, ces cinq là ont été choisis par une commission dans laquelle son parti politique avait une majorité des membres; ils n'ont pas été chercher les cinq qui diraient le contraire, ils ont été chercher ces cinq là. Ce sont, je vous assure, des sommités dans le domaine du droit. Et, tout à l'heure, les cinq experts, le chef actuel de l'opposition, le ministre fédéral Irwin, la Convention de la Baie James par 2.1, ils disent tous la même chose. Qu'est-ce que vous voulez, je veux bien continuer...

M. Sirros: M. le Président, je ne parle pas de...

M. Parizeau: On peut tourner en rond autour de ça, mais je n'y peux rien, moi, c'est ça, là.

M. Sirros: Moi, je voudrais...

M. Parizeau: Lorsque, encore une fois, les politiciens et les avocats s'entendent sur quelque chose et s'entendent à ce point bien, qu'est-ce que le député de Laurier-Dorion veut que j'ajoute?

M. Sirros: He is not answering the question at all...

M. Parizeau: La question...

M. Sirros: Je voudrais que le premier ministre réponde à la question, M. le Président, parce que ce n'est pas la question que je lui posais. Je ne lui parlais pas de l'intégrité du territoire. Les cinq experts, s'il veut les utiliser pour éviter de répondre, ça, c'est son choix de tactique ici...

M. Parizeau: Je...

M. Sirros: ...et je le dis en toute amitié, M. le Président, parce que la question que je lui posais n'avait rien à faire avec ce qu'il me répond. Je lui dis ceci: La Convention de la Baie James, à laquelle il nous référait, est une entente signée par trois partenaires, libres, chacun, de consentir à la signer: le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et les Cris du Québec.

Comment le Québec pourra prétendre, si le Québec décide de sortir de l'union canadienne qui maintient pour les Cris du Québec la responsabilité fiduciaire entre les mains du fédéral, comment est-ce que, sans le consentement des Cris, le gouvernement du Québec peut, unilatéralement, prendre sur lui les responsabilités du gouvernement fédéral par rapport aux Cris?

Une voix: Bon!

M. Sirros: Permettez-moi juste de vous citer une petite citation et de lui demander ce qu'il pense de ça: No right anywhere exists to hang people about from sovereignty to sovereignty as if they were property. Woodrow Wilson, US President, 1917.

Alors, c'est la question que je lui pose. Comment, en toute conscience, sinon en toute logique, de façon unilatérale, le Québec assumera, si pas autre chose, disons la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral sans le consentement de ceux qui sont concernés, qui ne sont ni des oiseaux migrateurs, ni des choses, mais des êtres libres avec une volonté humaine?

M. Parizeau: M. le Président, j'aimerais bien que le député de Laurier-Dorion n'invoque pas n'importe quel genre de principe. Déplacer des gens de façon unilatérale sur un plan constitutionnel, ça ne lui rappelle pas la Constitution de 1982, ça? On n'a jamais signé ça, nous autres.

(17 h 10)

M. Sirros: ...

M. Parizeau: Comment... Bien voyons! Un instant, là! Mais, d'autre part, qu'est-ce que ça lui donne de faire allusion au rapport des cinq experts, en disant: Ça ne concerne pas l'intégrité du territoire du Québec. Savez-vous comment ça a été intitulé, cette étude-là? «L'intégrité territoriale du Québec dans l'hypothèse de l'accession à la souveraineté». C'est quand même assez clair, non? On ne peut pas affirmer n'importe quoi. Ça n'a pas de bon sens, ça. Ça s'appelle «L'intégrité territoriale du Québec dans l'hypothèse de l'accession à la souveraineté». Et ils concluent dans le sens où on concluait tout à l'heure, c'est-à-dire que l'intégrité du territoire québécois n'est pas remise en cause par l'accession à la souveraineté, dans les conditions qui étaient indiquées.

Quant à 2.1, pourquoi est-ce que le député de Laurier-Dorion saute cette deuxième étape du traité, de l'entente de la Baie James, qui va se traduire par une loi fédérale qui accepte la cession, une loi du Québec qui accepte la cession? Et je vous rappelle, M. le Président, qu'une partie des responsabilités fiduciaires du gouvernement fédéral est supprimée par la loi fédérale. C'est un article qui n'est pas très connu de ce projet de loi, mais il existe néanmoins. Je l'ai dit récemment au député de Laurier-Dorion, ce dont nous parlons, c'est une succession d'États à laquelle s'ajoute, dans le cas du territoire de la Baie-James, une entente formelle. Il y a donc deux étages dans la démonstration. Le premier, c'est ce qui est abordé par l'étude des experts pour la commission de la loi 150: «L'intégrité territoriale du Québec dans l'hypothèse de l'accession à la souveraineté.» Bon. En tout état de cause. Et, deuxièmement, dans le cas du territoire de la Baie-James, il y a 2.1; pas en moins, en plus. Alors, ça, moi, qu'est-ce que vous voulez, je ne vois pas pourquoi je dois aller plus loin que ça.

M. Cliche: Me permettriez-vous de compléter sur les questions de services, les obligations fédérales?

M. Parizeau: Oui. Est-ce que je pourrais, pour un complément de réponse à cet égard, passer la parole à mon adjoint parlementaire?

Le Président (M. Simard): J'ai vérifié auprès de l'opposition, qui n'y voit pas objection. Alors, M. le député de Vimont, si vous voulez répondre.

M. Cliche: En ce qui concerne les obligations du gouvernement du Canada dans la Convention de la Baie James spécifiquement, j'ai eu le plaisir d'échanger avec les Inuit du Nord québécois à Kangiqsujuaq il y a deux semaines, et nous avons été clairs: dans l'éventualité de la souveraineté du Québec, les obligations canadiennes envers les signataires de la Convention seraient, il va de soi, en vertu du même principe de la succession d'États et ce que dit aussi cet avis, assumées par le gouvernement du Québec. Spécifiquement, j'ai répondu à cette question-là à Kangiqsujuaq. Par exemple, les 25 % du financement de l'éducation envers les Inuit, qui proviennent du gouvernement du Canada, devront être assumés par le gouvernement du Québec en vertu du principe de la succession d'États, où nous succéderons au gouvernement du Canada dans la Convention de la Baie James, à toutes les obligations du gouvernement du Canada dans cette Convention. Et ceci est évident, le gouvernement du Québec devra assumer à la fois ses obligations et celles du gouvernement du Canada en ce qui concerne la prestation de services envers les populations autochtones qui ont signé cette Convention.

Le Président (M. Simard): J'ai une question, ici, du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, on parle de la Convention de la Baie James, on parle de financement. J'aimerais savoir ce qui arrive avec le contentieux Québec-Ottawa sur le financement de l'éducation, pour ce qui est, notamment, de la nation crie.

M. Parizeau: La Convention de la Baie James prévoyait la création de trois commissions scolaires pour les Cris, les Inuit et les Naskapis et établissait un mode de partage entre Québec et Ottawa. La Convention prévoyait également que les budgets des commissions scolaires devaient faire l'objet d'une approbation conjointe Canada-Québec avant le début de l'année scolaire.

Le fédéral n'a jamais voulu adhérer à un protocole qui concernait l'approbation des budgets, si bien qu'il a fallu qu'on s'occupe de ça nous-mêmes. Le fédéral n'a pas payé. Et, là, à l'heure actuelle, ce que nous leur réclamons, ce n'est pas des petits montants, en dollars. C'est 119 000 000 $ qu'il nous doit. Ils se sont servis, en somme, d'un truc technique pour ne pas approuver un protocole et, donc, ne pas appliquer une règle de partage qui était dans l'entente de la Baie James.

Alors, ça continue. Là, il va falloir, à un moment donné, pousser ça un peu plus loin, parce que ça commence à devenir... Comme beaucoup de ces dossiers-là, ça a traîné pendant des années, c'est arrivé sur notre table depuis quelques mois, et ça continue de rouler. Là, le 7 avril, le ministre fédéral a pris une grande initiative et il a demandé à ses fonctionnaires de rencontrer les fonctionnaires à Québec, le 7 du mois courant. Ça continue. Et on nous doit 119 000 000 $. Comme le disait le député de Vimont, nous allons prendre à notre charge, au moment où on deviendra un pays souverain, toutes les obligations du gouvernement fédéral, mais, d'ici là, j'aimerais bien qu'on se fasse payer ce qu'il nous doit.

Le Président (M. Simard): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, le premier ministre a fait référence à l'article 2.1, et il a conclu ses remarques en disant: «The defence rests.» Moi, je pourrais ajouter, peut-être: «The defence rests, but uneasily.» Parce que je voudrais référer aussi le premier ministre à un autre article dans l'entente de la Baie James – je ne me souviens pas du numéro, 2.9, 2.7 – qui avait prévu un problème constitutionnel, parce qu'on ne pouvait pas, par une entente, changer la Constitution canadienne, et la Constitution canadienne donne les droits sur les autochtones au gouvernement fédéral. Alors, il a fallu trouver une formule pour légitimer et donner l'autorité au Québec. On l'a fait par l'entente, mais il aurait été toujours possible de contester. Quelqu'un aurait pu, une bande indienne, ou un Indien, un individu, aurait pu contester l'entente en disant: Écoutez, section 91, Indians and Indian lands, les Indiens et les terres indiennes, c'est juridiction fédérale; le gouvernement provincial, vous n'avez rien à faire là-dedans.

Alors, on est arrivé avec une formule pour dire que, si, dans un tel cas – je n'ai pas le libellé exact, parce que ça fait quelques années – il y avait eu contestation dans un tel cas, tous les bénéfices auraient continué jusqu'à ce que le litige ait été réglé. Il fallait prévoir que, s'il y avait un problème constitutionnel, l'entente, les bénéfices de l'entente, les obligations des parties continueraient. Ceci s'est fait en tenant compte de la Constitution canadienne, mais, aujourd'hui, peut-être que ça a encore plus sa signification.

Quand le premier ministre parle de la succession d'États, je pense qu'il est sur un terrain glissant, parce que la succession d'États, qu'on a essayé d'établir par la Convention de Vienne de 1983, n'a pas été signée par un nombre suffisant de nations et elle ne s'applique pas en droit international. On avait besoin de 15 pays pour la signer, 13 seulement l'ont signée, mais, dans les 13 qui l'ont signée, il n'y avait pas le Canada, il n'y avait pas les États-Unis, il n'y avait aucun pays européen, il n'y avait pas de pays asiatiques; il y avait l'Irak, la Bosnie, la Yougoslavie qui l'avaient signée, le Maroc l'a signée après. Alors, ça n'a pas d'effet.

Alors, je pense que, pour justifier ou pour expliquer que le Québec va assumer tous les droits de ce traité – maintenant, c'est un traité – je crois que vous devriez le faire sur une autre base que la succession d'États, parce que la succession d'États, en droit international, ne s'applique pas. Même, il y a une convention de Vienne de 1980, qui avait été commencée en 1969 – en 1980, je pense qu'il y a eu à peu près 120 pays ou 99 pays, je ne sais pas le nombre exact, qui l'ont ratifiée – qui dit que, s'il y a un changement de circonstances, tel qu'une séparation, une sécession, un pays peut prendre les mesures que lui juge appropriées en ce qui concerne certains traités.

(17 h 20)

Alors, si vous voulez justifier votre position en ce qui concerne l'obligation, ou l'adhésion, ou la juridiction d'un Québec indépendant sur l'entente de la Baie James, je vous suggérerais de trouver un autre argument et d'autres arguments juridiques que la succession d'États, où même le contenu de l'entente – parce que c'est vrai qu'il y a 2.1, mais il y eu aussi l'autre, 2.9, en cas de contestation – reconnaît que la Constitution canadienne n'a pas été amendée, que l'obligation fiduciaire demeure encore, en droit, avec le gouvernement fédéral. Sans tenir compte, aussi, de la volonté qui pourrait être exprimée par les Cris, parce que, tout ceci, une fois que les Cris disent: Malgré qu'il n'y ait pas de succession d'États, malgré l'article 2.9, nous, on veut rester dans un Québec indépendant, bien, là, il n'y a plus d'argument. Mais, quand vous avez une contestation possible, plus tous les documents...

Une voix: Il faut compter les humains.

M. Ciaccia: ...une volonté d'une population de faire d'autres choses, plus les autres arguments, je pense qu'il faut trouver d'autres façons de pouvoir dire catégoriquement: Nous allons l'assumer, et il n'y aura pas de problème.

M. Parizeau: Alors, je pense que le député de Mont-Royal n'était pas ici un peu plus tôt, là, quand j'ai cité la conclusion de l'étude qu'il connaît bien, de Franck, Higgins, Pellet, Shaw et Tomuschat. Ça s'intitule «L'intégrité territoriale du Québec dans l'hypothèse de l'accession à la souveraineté», et je vais relire ça. «Dans la même hypothèse, le principe de la continuité juridique (absence de vacuum juris) conduit à faire prévaloir l'intégrité territoriale du Québec, garantie tant par le droit constitutionnel canadien que par le droit international public, sur les revendications visant à démembrer le territoire du Québec, que celles-ci émanent

«des autochtones du Québec, qui ont tous les droits appartenant aux minorités, auxquels s'ajoutent ceux reconnus aux peuples autochtones par le droit international contemporain, sans qu'il en résulte un quelconque droit de sécession – ça ne peut pas être plus clair que ça;

«de la minorité anglophone, pour laquelle la protection offerte par le droit international n'a aucun effet territorial – on ne peut pas être plus clair que ça – ou

«des personnes résidant dans certaines régions frontalières du Québec, qui, en tant que telles, ne bénéficient d'aucune protection particulière au regard du droit international.

«Ces conclusions sont renforcées par l'applicabilité du principe de la succession aux limites territoriales existantes au moment de l'accession à l'indépendance.»

Ils n'ont pas l'air de savoir que la Convention de Vienne... J'ai de la difficulté à réconcilier ça, mais enfin, j'ai plutôt tendance à les croire, les cinq, quand ils parlent de succession. Mais, enfin... Tout ça pour dire que ça me paraît tout à fait clair, ça me paraît tout à fait limpide. Je ne suis pas certain de comprendre tout à fait ce que disait le député de Mont-Royal, mais, si sa démonstration est à l'effet que la Convention de la Baie James, comment dire, n'attacherait pas le gouvernement du Québec pour remplir ses obligations, après la souveraineté, à l'égard des autochtones de façon suffisamment ferme, là, je ne sais pas exactement à quoi il fait allusion, mais, si c'était le cas, nous réitérons que nous allons prendre en charge les obligations du gouvernement fédéral et nous allons les assumer parfaitement bien, de la même façon que, depuis 1975, nous assumons les obligations du gouvernement fédéral à l'égard des commissions scolaires, alors que le fédéral n'a pas voulu payer un sou. Bon. Alors, on dit que le passé est garant de l'avenir. Nous, on tient, contrairement à l'entente de la Baie James, les commissions scolaires tout seul, et le fédéral ne veut pas payer d'argent pour ça.

Donc, lorsque le Québec va devenir un pays souverain, il va assumer toutes les responsabilités qui découlent de la Convention de la Baie James. Et le fait qu'on nous dise: Vous êtes moins attachés que vous ne le croyez, bien, d'abord, je voudrais bien savoir sur quoi ça s'appuie, et puis, d'autre part, je ne vois pas très bien ce que ça a à voir avec la démonstration. Moi, je pensais qu'on était très attachés. Si on me dit qu'on l'est moins sur le plan juridique quant à succéder aux obligations du gouvernement fédéral, je ne sais pas très bien où cette démonstration doit nous mener, sauf à nous faire réaffirmer que, indépendamment de ce que pourrait vouloir dire un texte juridique, ces obligations, nous considérons que nous les avons et que nous allons les respecter à tous égards.

M. Ciaccia: M. le Président, juste pour clarifier. Le point que je faisais, ce n'était pas que le Québec n'était pas prêt à adhérer et à assumer toutes les conditions de l'entente de la Baie James. C'est clair que vous l'avez affirmé, et le gouvernement a dit que, dans un Québec souverain, vous assumeriez toutes les conditions, toutes les clauses de l'entente de la Baie James. Le problème se trouve à l'inverse. Le problème se trouve que c'est un traité et que le Canada, dans ce traité, a certains droits, et qu'il y a même une clause qui réfère à certains problèmes constitutionnels.

Alors, il y a un doute juridique en ce qui concerne les juridictions sur les autochtones, qui ne peuvent pas se régler en disant: La règle de la succession d'États, parce que ce n'est pas suffisant, ça, pour régler la question des autochtones. C'est tout le point que je voulais faire. Je ne voulais pas insinuer que le Québec n'accepterait pas d'assumer toutes les clauses de l'entente de la Baie James, il le ferait certainement, mais les droits du Canada, les droits des autochtones, les droits en ce qui concerne la responsabilité fiduciaire du Canada, je ne pense pas que vous puissiez enlever ces droits par la théorie de la succession d'États.

M. Parizeau: M. le Président, les allusions du député de Mont-Royal à une disposition juridique – mais qu'il ne précise pas – en parlant de doute juridique – mais on ne sait pas à partir de quoi – nous ont amenés, de notre côté, ici, à chercher dans la Convention de la Baie James ce à quoi il peut bien faire allusion. Tout ce que je trouve, moi, c'est 2.10, et, pourtant, je ne l'interprète pas comme lui. Enfin, je ne suis pas avocat, mais je ne sais pas exactement quelle portée ça peut avoir: «Si un jugement sans appel prononcé par une cour de dernier ressort – c'est à ça que vous... – compétente déclare que tout ou partie des terres de la catégorie II et des terres de la catégorie III tombent sous la compétence législative du Canada à cause de droits accordés aux autochtones relativement aux terres susmentionnées ou du fait que lesdites terres sont considérées comme réservées aux Indiens, tous les droits accordés aux autochtones relativement auxdites terres s'éteignent alors à toutes fins que de droit.»

Je ne vois pas en quoi ça soulève un doute juridique par rapport à tout ce que j'ai dit cet après-midi. Comment?

M. Ciaccia: Écoutez, on ne fera pas un procès, mais le vide juridique, c'est que ceci donnerait, continuerait à donner la juridiction au gouvernement fédéral. Si on oublie, là, pour un instant, l'indépendance du Québec, ceci veut dire que le gouvernement fédéral maintient sa responsabilité fiduciaire sur la section 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et, si vous continuez et traduisez ça par un droit international, ces droits-là vont continuer de la part du Canada. L'argument peut être fait qu'ils ne cesseront pas parce que le Québec devient indépendant, parce que vous ne pouvez pas vous fier à la théorie de la succession d'États pour enlever des droits à un autre État qui fait partie de cette Convention, de ce traité.

(17 h 30)

M. Parizeau: M. le Président, moi, je vous avouerai que je préfère me fier aux avis juridiques qui ont été demandés par le précédent gouvernement, qui ont été livrés. Ils sont tout à fait clairs. Si tant est que le député de Mont-Royal dit: Dans mon esprit, ce n'est pas clair, n'invoquez pas ça, je suis bien prêt à ce qu'on continue la discussion pendant des heures. Mais, enfin, baser un raisonnement comme celui-là sur le fait que le gouvernement fédéral a des droits, pas seulement à l'égard des autochtones, pas seulement à la Baie-James, mais par rapport à Québec, par rapport à, comment dire, toute espèce de chose, de contrat, d'actif, au Québec comme ailleurs au Canada, et que, advenant que le Québec devienne un pays souverain, le gouvernement fédéral garde tous ces droits-là... Est-ce que le député de Mont-Royal est en train de me dire, là, que le gouvernement fédéral, les droits qu'il a à l'heure actuelle sur la voie maritime du Saint-Laurent... Québec devient un pays souverain, mais n'hérite pas de ça?

M. Ciaccia: Non, parce que...

M. Parizeau: Le fédéral garde ça?

M. Ciaccia: Non, je parle d'un traité.

M. Parizeau: Moi, je ne comprends pas le raisonnement. Mais enfin.

M. Ciaccia: Non, non, ne sautez pas d'un traité, qui serait un traité entre le Canada, les autochtones et le Québec, à des droits que le fédéral peut avoir dans un édifice de Radio-Canada à Montréal.

M. Sirros: Ce n'est pas exactement la même chose que des nations distinctes.

M. Ciaccia: Ce n'est pas la même chose, là.

M. Parizeau: Mais non! Mais ce n'est pas...

M. Ciaccia: Ce n'est pas la même chose, là. Ne faites pas cette confusion-là.

M. Parizeau: Mais je ne parle pas de ça. J'ai choisi la voie maritime à dessein, parce que la voie maritime donne lieu à un traité international à l'heure actuelle...

M. Sirros: Mais, M. le Président, si le premier ministre permet...

M. Parizeau: ...et que le gouvernement du Québec se trouve à se substituer au gouvernement fédéral, dans ce traité, pour la partie de la voie maritime...

M. Sirros: Et voilà!

M. Parizeau: ...qui se trouve sur son territoire. Je ne parle pas d'un droit de propriété sur un immeuble. Bien sûr que non.

M. Sirros: Et voilà, M. le Président, parce que c'est justement la logique qui ne peut pas s'appliquer, parce que le premier ministre applique la logique de succession d'États à des choses sans âme, sans volonté politique, en disant que la même chose va s'appliquer à des êtres humains, en l'occurrence des Cris – ça pourrait être des Montagnais, des Attikameks, des Hurons, des Algonquins, et mettez-en – en disant que ce qui va s'appliquer à la voie maritime pourrait s'appliquer aux êtres humains. Et, honnêtement, je trouve que sa référence constante à cette étude, entre guillemets, cette opinion de cinq experts en droit international, ne fait pas honneur à sa rigueur intellectuelle habituelle, parce que je vais lui citer un paragraphe de la même étude qui dit ceci, M. le Président... Parce que je ne veux pas faire un débat nécessairement sur l'intégrité territoriale, mais permettez-moi de citer...

M. Parizeau: Mais qu'est-ce qu'on fait? Ha, ha, ha!

M. Sirros: Bien, strictement sur ça, parce qu'il y a des raisons. Toutefois, quand bien même ils constitueraient des minorités – c'est la même étude à laquelle réfère constamment le premier ministre – les peuples autochtones seraient des minorités présentant des caractères suffisamment spécifiques pour pouvoir prétendre à des droits, y compris et surtout territoriaux particuliers.

Et c'est là la difficulté qu'a le premier ministre à faire appliquer sa logique, qu'on peut bien appliquer, comme l'a fait son adjoint parlementaire en Chambre, à un moment donné, sur les oiseaux migrateurs, en disant: La responsabilité du gouvernement fédéral quant aux traités internationaux qu'on a signés quant aux oiseaux migrateurs, on va les assumer. D'accord. Mais les oiseaux migrateurs, à ce que je sache, ne prétendent pas tenir un référendum sur leur sort. Les Cris prétendent qu'il vont tenir un référendum pour décider s'ils veulent, oui ou non, se joindre au Québec ultimement. Ce sont des êtres humains qui ont une volonté, indépendamment de ce que peut affirmer un gouvernement si omnipuissant soit-il. Alors, et c'est ça... Il me semble qu'au niveau de la logique, au niveau de... en toute conscience, je disais, en toute conscience, sinon en toute logique, on ne peut pas appliquer ce principe de succession d'États à des êtres humains, en disant que, même si les Cris ne consentent pas, nous, on va décider qu'on va assumer pour eux, en leur nom, la responsabilité fiduciaire que le gouvernement fédéral a envers eux, comme s'ils étaient des choses qu'on pouvait transférer d'une souveraineté à l'autre en leur disant: Inquiétez-vous pas, on va continuer à payer, par exemple, les commissions scolaires ou la quote-part du fédéral.

Mais c'est justement là le problème: la responsabilité fiduciaire, est-ce que le premier ministre est en mesure, à l'heure où on se parle, de nous définir c'est quoi? Est-ce qu'elle se résume à des sommes d'argent qui sont définies dans une convention quelconque? C'est quoi, donc, la responsabilité fiduciaire du fédéral par rapport aux Montagnais, aux Algonquins, aux Hurons, pour laquelle on n'a pas de texte comme tel? Il s'agit d'une notion qui, au fil des années, à travers les 125 dernières années, a évolué et a servi aux autochtones, dans le sens que le gouvernement fédéral a une responsabilité de fiduciaire envers eux. Là, le premier ministre est en train de nous dire que, même si les autochtones ne veulent pas, le Québec va assumer lui-même cette responsabilité fiduciaire, mais il n'est pas capable de dire aux Québécois c'est quoi au juste qu'on assumerait.

Alors, la question est fort simple: Étant donné l'argument que met de l'avant le premier ministre quant à la succession, etc., c'est quoi au juste, pour lui, qu'on assumera en assumant la responsabilité fiduciaire du fédéral? Pouvez-vous la définir, s'il vous plaît?

M. Parizeau: M. le Président, qu'est-ce que c'est, pour le député de Laurier-Dorion, la responsabilité fiduciaire? Il pourrait d'abord se poser ça comme question. Il n'y a pas de concept plus colonial que celui-là. Ça n'existe pas, ça, une responsabilité fiduciaire à l'égard de tel ou tel groupe dans notre société, à part celle-là. Ça, ça correspond à, comment dire, quelque chose d'extrêmement paternaliste qui s'est développé autrefois, où, à l'égard des nations autochtones, un gouvernement assurait qu'il exerçait sur eux une tutelle. Et d'ailleurs, dans une série de vieux textes de loi, la responsabilité du gouvernement fédéral était traduite par «tutelle».

Une voix: «Tutorship».

M. Parizeau: Un «tutorship». Bon. Alors, dans ces conditions, qu'on ne vienne pas, nous, à l'heure actuelle, nous dire: Vous ne prenez pas ces gens-là pour des humains, vous les prenez pour des choses. Non, on ne les prend pas pour des choses, on les prend pour des nations distinctes et non pas pour l'objet d'une tutelle.

Oui, nous avons à prendre en charge les obligations du gouvernement fédéral à l'égard de ces nations distinctes. Mais, d'abord et avant tout, nous avons à faire en sorte que ces nations distinctes non seulement soient reconnues en principe, mais soient traduites en réalité avec les pouvoirs à la fois juridiques, financiers que toute nation distincte doit être capable d'avoir pour mener ses propres affaires. S'il y a une chose qu'au fond nous offrons comme perspective aux autochtones du Québec, c'est de prendre en charge leurs choses, et d'avoir les moyens de prendre en charge leurs choses, et de s'éloigner petit à petit de ce concept de tutelle ou de pouvoir fiduciaire, qui est un vieux concept colonial qui n'a plus sa raison d'être à notre époque.

Je comprends fort bien qu'à l'heure actuelle des nations autochtones qui craignent, sur la base de ce qui s'est passé pendant tellement d'années, qui ont des appréhensions quant à l'avenir, cherchent à avoir toute espèce de protection. Et je comprends ça. Mais il reste que ça ne devrait pas, je pense, être très compliqué de s'entendre avec elles sur la traduction concrète de ce que c'est qu'une nation distincte dotée des pouvoirs de développement qu'elle doit avoir. Et, à cet égard, encore une fois, si on veut me ramener sur le plan juridique de l'exercice du pouvoir fiduciaire, je répète: Cette question-là a été réglée par l'avis juridique que nous avons en main.

Et, quand le député de Laurier-Dorion citait, comment dire, un extrait, tout à l'heure, en essayant de le mettre en contradiction avec la conclusion des mêmes cinq personnes... Mais non! Mais non! Mais non! Il ne les met pas en contradiction. Je suis parfaitement d'accord avec le bout de phrase qu'il a cité, comme je suis d'accord, bien sûr, avec la conclusion. Voilà.

Le Président (M. Simard): Je vais reconnaître à ce moment-ci la députée de Sherbrooke pour une question.


Offre globale du gouvernement aux Attikameks et aux Montagnais

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Je reconnais bien qu'il y a des questions de droit et elles sont fort importantes. En même temps, il me semble que, dans nos rapports avec les autochtones, c'est aussi fondamental, aussi important de parler de nos attitudes. Or, dans le discours qui introduisait cette commission, le premier ministre a parlé d'une grande négociation, dont il semble fort satisfait, avec les Attikameks et les Montagnais. Et j'aimerais qu'il me dise, s'il le veut bien, comment on s'y prend pour qu'une telle entente se fasse sur des bases harmonieuses et comment on fait, dans le fond, pour développer des attitudes qui mèneront peut-être à conclure des ententes précises et à faire de nouveaux traités. Mais comment on fait pour discuter, négocier, avec les Attikameks et les Montagnais dans ce cas précis?

M. Parizeau: Parce que c'est une offre globale, ça comporte un très grand nombre d'éléments, puis, en quelques minutes, je ne peux pas vraiment en faire le tour, mais je vais essayer d'en faire ressortir au moins certaines des grandes lignes de force, quitte à ce qu'on me complète ou qu'on me corrige au fur et à mesure où j'avance. Parce que c'est vraiment un document d'une très grande ampleur.

(17 h 40)

Il faut d'abord essayer de s'entendre sur un espace géographique de statut différent, c'est-à-dire des terres qui appartiennent en propre, des terres dont on a l'usage et des terres où on a accès. Je simplifie un peu, mais, finalement, ça revient à ça. Il faut donc une zone. C'est beaucoup plus compliqué qu'on le pense parce que, dès que la zone commence à prendre une certaine ampleur, elle touche des intérêts qu'à défaut d'un meilleur terme on va appeler blancs – des compagnies forestières, qui ont toujours l'habitude d'être là – ou bien elle s'applique à des terrains de chasse traditionnelle d'une famille, très souvent très loin, comment dire, de ce qu'on pourrait appeler le coeur ou le centre. Tenez, quand vous commencez à appliquer ce concept-là aux Attikameks dans la région du Haut-Saint-Maurice, là les intérêts blancs et les intérêts attikameks sont extraordinairement imbriqués les uns dans les autres.

Alors, première chose, on ne peut pas avancer dans cette voie territoriale sans constamment, pas seulement discuter, négocier avec les Blancs. Très tôt, il y a eu des discussions avec les MRC, par exemple. Beaucoup de MRC au Québec s'étendent dans ces régions-là et ont, en vertu du Code municipal, des droits spécifiques sur la gestion de ce territoire. Il y a des plans d'aménagement, par exemple. Alors, il faut démêler ça, et on ne peut pas le démêler seulement avec les Attikameks. On se comprend bien, il faut que, Attikameks et Blancs, on discute littéralement de front cette question-là. Ça a été très intéressant, ce qui a été fait là. Je dois dire vraiment que M. Guy Coulombe, qui était le négociateur, a passé on peut dire des années, vraiment des années, à démêler ces choses et à négocier avec tout le monde.

La deuxième voie, c'est, comment dire, le genre de pouvoir de décision que l'on est disposé à donner. Une fois qu'on a défini trois zones de territoire, quel genre de pouvoirs veut-on donner? Quelle forme ces pouvoirs-là vont-ils avoir dans une série de domaines? Il y a, bien sûr, des domaines comme l'éducation ou la santé où, l'important, c'est de faire en sorte que rapidement ces communautés prennent en charge à peu près complètement leurs services, définissent leurs propres priorités.

Puis ensuite, il y a, troisième axe, la taxation. Ça, ce n'est pas évident. Beaucoup de gens savent que, sur les réserves, on ne paie pas de taxes ou d'impôt. Mais, sur les territoires beaucoup plus grands dont on vient de parler, il faut définir qui a le droit de taxer qui et quoi. À cet égard, je dis tout de suite qu'il y a une chose qu'on ne sait pas toujours: les Inuit se sont astreints eux-mêmes, dans la Convention de la Baie James, à l'impôt sur le revenu. Ils paient l'impôt sur le revenu, les Inuit, alors que les Indiens, les Cris ou les Naskapis, en sont dispensés. Alors, il y a, comment dire, un régime fiscal qu'il faut monter, qu'il faut organiser. Et c'est singulièrement important, ce régime de taxation, quant à l'exploitation des richesses naturelles.

Et là, pour ce qui a trait au régime d'exploitation des richesses naturelles, quatrième orientation fondamentale, il faut que, dans une bonne partie, dans la troisième zone, celle qui est extérieure, des formes de partenariat soient imaginées pour le développement de cette région par les Attikameks ou les Montagnais, d'une part, puis, d'autre part, les entreprises, j'allais dire du monde blanc, les MRC, les municipalités. Ce seraient les quatre grands axes, je pense. C'est vraiment...

M. Cliche: Est-ce que vous me permettriez de compléter?

M. Parizeau: Oui.

M. Cliche: Compléter mon grand chef.

M. Parizeau: Ha, ha, ha!

M. Cliche: L'axe de l'arrimage avec les autres utilisateurs et gestionnaires du territoire, il est primordial, et, lorsqu'on a pris le dossier, on a réalisé qu'il y avait eu peu ou pas de consultation ou d'arrimage avec les autres utilisateurs ou les planificateurs. Et l'attitude que l'on prend dans ce dossier-là, c'est la suivante. Il est impensable de prévoir une entente avec les Attikameks et les Montagnais sans que cette entente soit agréable – et c'est le terme que nous utilisons depuis le dépôt de l'offre, «agréable», dans son premier sens, quelque chose auquel on agrée, quelque chose auquel on consent – aux autres utilisateurs et gens qui vont avoir éventuellement à vivre avec cette entente. Samedi soir, j'ai eu le plaisir d'être conférencier devant l'assemblée annuelle de la Fédération québécoise de la faune, ces centaines de milliers de pêcheurs et de chasseurs qui sont très préoccupés par l'évolution du dossier. Et j'ai réaffirmé cette attitude d'ouverture face aux autres utilisateurs qu'il n'y aura pas de signature et d'entente sans qu'elle leur soit agréable, parce qu'ils auront à vivre avec cette entente. Et ceci, je pense que, par l'ancien gouvernement, sans leur jeter la pierre, ils avaient omis, je pense, de consulter correctement et de mettre au dossier correctement les gens du milieu.

Un dernier élément, complément d'information, c'est cette notion de responsabilité des gouvernements locaux. M. Parizeau a fait état de ce partage de royautés ou de revenus de l'État sur certains territoires, mais l'offre attikamek ou le document attikamek-montagnais prévoit aussi que les Attikameks et les Montagnais vont maintenant commencer à payer pour les services qu'ils reçoivent, et il est prévu dans ces documents que les gouvernements locaux pourront prélever des taxes et des impôts. Il y a vraiment un sens de responsabilité et d'autonomie, de prise en charge des ressources financières disponibles par ces gouvernements locaux, qui est un virage majeur, et ça, pour les autochtones, la bouchée est grosse à avaler et c'est vraiment un virage complet de mentalité.

Je vais terminer avec cette réunion que j'avais eue avec un des chefs, en début de mandat, qui nous demandait ce que nous allions faire pour l'aider dans cette mentalité de tutelle, de gouvernement qui règle tout, et la réponse que je donne aux chefs autochtones, c'est toujours la même: Je ne ferai rien pour t'aider. Ça crée toujours un certain remous. Notre rôle, c'est de s'assurer de se donner des ententes par lesquelles ils se donnent les outils pour se prendre en main et pour se développer, et ce virage pour les autochtones, de se prendre en main, de se donner des gouvernements responsables, nous le prenons avec eux et c'est un virage important, avec l'héritage du fédéralisme qui, malheureusement, imbibe encore l'opposition officielle.

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion.


Notions d'intégrité territoriale et de droit à l'autodétermination (suite)

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'aimerais ça, revenir pour terminer ce qu'on avait commencé, ou poursuivre plutôt sur la question de la responsabilité fiduciaire, l'intégrité territoriale. Le premier ministre cite constamment l'opinion de cinq personnes. Je vais lui donner une autre opinion pour répondre au souhait du député, qu'il avait tantôt.

Brownlie, dans un livre intitulé «The Rights of People in Modern International Law», 1988, dit ceci: «The rights and claims of groups with their own cultural histories and identities are in principle the same. They must be. It is the problems of implementation of principles and standards which vary, simply because the facts will vary. The point can be expressed by saying that the problems of the Lapps, the Inuit, the Australian aboriginals, the Québécois and so forth, are the same in principle but different in practice.»

Une autre citation, M. le Président, qui dit ceci: «Yet, even if one agrees that both the Québécois and the native nations have the right to self-determination and to democratic secession, one must still face the territorial question, which could cause problems from the standpoint of international law. [...] [If aboriginal peoples] wished to secede from Québec to become sovereign states or to remain within Canada, these problems would become more complex. The territorial borders of the secessionist native nations would have to be determined, and the divergent views on the very existence of a territory belonging to a native nation, as well as on its boundaries, would have to be reconciled.» Daniel Turp, 1992, Québec's Democratic Right to Self-Determination.

(17 h 50)

Alors, vous voyez fort bien qu'il n'y a pas juste cinq personnes qui ont des opinions sur la question quant à l'interprétation qui pourrait éventuellement être faite par le droit international. Le conseiller du chef du Bloc québécois, avec qui le premier ministre se trouve en parfaite harmonie, un autre académicien expert en droit international, offre des opinions qui divergent de l'étude que cite... de l'opinion – et je répète le mot «opinion», parce qu'il s'agit d'une opinion – que cite le premier ministre.

Ce que je veux mettre de l'avant, c'est que la proposition que nous avons quant à cette éventuelle séparation du Québec du reste du Canada a nécessairement des conséquences. On ne veut pas prétendre, et je ne prétendrai jamais qu'on n'a pas le droit comme nation, comme peuple, de s'autodéterminer jusqu'au point de devenir un pays distinct si c'est ce qu'on décide. Mais je vous soumets que ce n'est pas correct, pour ne pas utiliser d'autres mots non parlementaires, de prétendre qu'il n'y a pas de problème dans la demeure sur la question de l'intégrité territoriale parce que vous invoquez la notion de succession d'États. Je vous suggère que cette notion ne s'applique pas à des cas où il y a des êtres humains, avec une volonté humaine, qui peuvent s'exprimer et poser des gestes politiques, comme c'est le cas des nations autochtones, et que vous n'êtes pas en mesure, à ce moment-ci, d'identifier et de définir ce que c'est que le Québec assumerait en tant que responsabilité fiduciaire. Et la preuve, c'est que vous êtes obligés, à ce moment-là, de décrier le principe au nom des autochtones. Aussi vieille et vieillotte que cette idée soit, elle est là actuellement et pour des raisons qui leur sont propres. Les nations distinctes qu'on a reconnues y tiennent. On ne peut pas, sans être colonialiste au boutte, se substituer à leur volonté d'avoir d'autres garanties avant de laisser tomber cette notion vieillotte, qu'ils conviennent eux-mêmes qu'elle peut être vieillotte.

Alors, j'aimerais savoir: Si vous proposez, comme gouvernement, d'assumer la responsabilité fiduciaire vis-à-vis des autochtones, c'est quoi qu'on assumerait en tant que Québécois? Quelles seraient nos responsabilités en tant que Québécois en assumant la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral?

M. Parizeau: M. le Président, ça se chiffre, ces obligations, l'année dernière, à 537 950 000 $. C'est clair?

Maintenant, j'ai mes sources, moi aussi. Alors: Le premier ministre Robert Bourassa a affirmé hier à l'Assemblée nationale que l'intégrité du territoire québécois était consacrée et que rien ne pouvait l'altérer, peu importe l'avenir constitutionnel. Le 28 août 1991. Ça fait longtemps, je l'admets. Il n'est plus au pouvoir, c'est vrai.

Je reviens sur la citation de M. Johnson tout à l'heure et je vais l'amplifier. Ça, c'est le 19 mai 1994. Un deuxième premier ministre libéral. «"La position du chef du gouvernement, dit M. Johnson – advenant la sécession du Québec – c'est celle de faire valoir partout et toujours l'intégrité du territoire québécois." Selon lui, la défense de l'intégrité territoriale du Québec est – ouvrez les guillemets – "un engagement que contractent" tous les députés de l'Assemblée nationale.» Bien.

Une voix: Incluant celui-là.

M. Sirros: Moi-même, M. le Président, je m'engage à le défendre...

M. Parizeau: La question... Non, mais, dites-lui donc, M. le Président. Franchement, vous ne pouvez pas...

M. Sirros: Non, mais vous avez raison. Je...

M. Parizeau: . Il m'a...

Le Président (M. Simard): Nous écoutons la réponse du premier ministre, M. le député...

M. Ciaccia: Oui, mais... À l'ordre! À l'ordre!

M. Parizeau: ... Alors, vraiment. Hé! Hé!

M. Ciaccia: À l'ordre! À l'ordre!

M. Sirros: Oui, rappelez-moi à l'ordre. Vous avez raison. Vous avez raison. Vous avez raison.

Le Président (M. Simard): Il admet que nous avons raison.

M. Sirros: Vous avez raison.

M. Ciaccia: À l'ordre!

Le Président (M. Simard): M. le premier ministre, continuez.

M. Parizeau: «La question, dit-il – toujours M. Johnson – aiguillonné par le PQ, se pose "entre Québécois". "Si quelque Canadien se mêle, a-t-il ajouté, de prétendre qu'il connaît le droit constitutionnel, la coutume internationale, la coutume constitutionnelle canadienne mieux que les gens de l'Assemblée nationale, c'est un risque qu'il court."» Voilà. Fin de la citation. Moi, ça va me suffire.

Dans la mesure où un premier ministre libéral interrogé sur la question dit: Quel que soit l'avenir constitutionnel, l'intégrité du territoire du Québec demeure; que le second premier ministre libéral dit: Elle ne peut pas être mise en cause, cette intégrité territoriale, advenant la souveraineté du Québec; et que, là, le troisième premier ministre en ligne en quatre ans, d'un autre parti politique, dit: Voulez-vous bien me dire pourquoi vous soulevez cette question de l'intégrité du territoire? bien, qu'est-ce que vous voulez, je peux difficilement aller plus loin que ça.

Maintenant, c'est évident qu'ils peuvent vider la bibliothèque de toute espèce de citation de droit, en commençant par Woodrow Wilson – on peut remonter aussi à Tocqueville, une fois parti. Mais, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, les avis juridiques demandés par la commission, en vertu de la loi 150, l'avis juridique demandé, sollicité auprès des cinq experts internationaux, on ne l'a pas inventé. La commission, en vertu de la loi passée par les libéraux – ça, c'est encore l'époque où on pensait que les libéraux feraient un référendum sur la souveraineté... Bon. Ils se sont fait donner un avis juridique pour bien indiquer qu'il n'y avait aucun problème sur le plan de l'intégrité territoriale. Ils se le sont fait dire. Mais là ils ont décidé qu'ils ne feraient pas de référendum sur la souveraineté. Mais ils ont débouché sur la... voyons, comment dire, ils cherchent à s'affirmer tranquillement. Bien. Bon, alors, dans cette affirmation tranquille, il ne faut quand même pas qu'ils en soient rendus maintenant à attaquer leur chef présent et leur chef antérieur. À l'époque où M. Bourassa flirtait avec la souveraineté, pour lui, l'intégrité ne posait pas de problème. À l'époque où le chef actuel de l'opposition officielle n'était pas encore en train de s'affirmer tranquillement, il disait que ça ne posait pas de problème, l'intégrité. Bon. Bien, je suis obligé de dire au député de Laurier-Dorion: Pour ses deux chefs, ça ne posait pas de problème; pour moi non plus.

M. Sirros: M. le Président, un dernier point sur ce sujet et on va passer à un autre. Le premier ministre peut penser ce qu'il veut, nous aussi, et, moi aussi, je me suis engagé, en venant à l'Assemblée nationale, à défendre, si vous voulez, l'intégrité territoriale du Québec, et on va exercer notre droit à l'autodétermination qui pourrait conduire à la création d'un pays.

M. le Président, le point que je soulève et auquel le premier ministre refuse de s'adresser depuis une heure maintenant, une heure et demie, et généralement c'est signe du fait qu'il y a quelque chose dans la demeure quand on refuse de répondre à la question, c'est que, indépendamment de ce que, moi, je peux penser ou des opinions qu'on peut partager, moi, le premier ministre, les anciens premiers ministres, etc., les autochtones, eux, ne pensent pas et n'acceptent pas ce point de vue. Et ce que je soumettais au premier ministre, c'est qu'il y a d'autres opinions que les autochtones peuvent utiliser pour faire d'autres affirmations, peut-être pas tranquilles, peut-être même bruyantes, qui se trouveraient peut-être à créer sur la scène québécoise et internationale une situation qui ne servirait pas les meilleurs intérêts des Québécois, et du Québec, et de l'ensemble de la société, et de nos relations harmonieuses, que disait tantôt le premier ministre.

Et, un dernier point, il est clair que, dans le contexte d'une position qu'on défend, nous, qui ne met pas en cause l'intégrité territoriale d'un autre pays comme le fait le premier ministre, bien, il est d'autant plus facile de s'appuyer sur cette constance logique pour défendre l'intégrité territoriale du Québec. Mais, à partir du moment où, comme le premier ministre, on propose de détruire l'intégrité territoriale d'un autre pays, certainement on ouvre la porte à d'autres nations distinctes – qu'on reconnaît comme ayant le droit à l'autodétermination – de probablement faire de même. On se trouvera fort probablement du même côté, avec le premier ministre, à défendre l'intégrité territoriale du Québec, mais je lui soumets que sa thèse pose des problèmes pour l'avenir de nos relations et de l'évolution harmonieuse de la société. Point à la ligne sur la question de l'intégrité territoriale.


Extinction des droits territoriaux et ancestraux

Pour enchaîner sur un autre concept, qui est très lié aux négociations dont on discutait tantôt et aussi à toute la possibilité qu'on peut avoir pour régler ou s'entendre avec les autochtones: l'extinction des droits; l'extinction des droits ancestraux et l'extinction des droits territoriaux. Est-ce que le premier ministre en fait une condition sine qua non d'entente, pour le premier cas, au niveau territorial, et, pour le deuxième, au niveau des droits ancestraux?

(18 heures)

M. Parizeau: À la deuxième question, commençons par ça, dans l'entente avec les Montagnais, enfin la proposition d'entente avec les Montagnais et les Attikameks, il y a là une proposition d'échange de droits. On va regarder sur cette base-là le chemin qu'on peut faire. Ça n'a pas provoqué jusqu'à maintenant de cris d'horreur, ce concept d'échange de droits. Ça revient à ce qu'on discutait tout à l'heure, avec la députée de Sherbrooke, sur les définitions territoriales. Cette voie-là, je pense, mérite d'être explorée.

Je reviens à la première partie, maintenant, de l'intervention du député de Laurier-Dorion. Je ne sais pas exactement quel rôle, quel intérêt ça peut avoir de venir dire à l'Assemblée nationale, ici: Vous savez, il y a des gens qui ne sont pas d'accord avec vous, et il pourrait se passer des tas de choses. Je ne sais pas exactement à quelle clientèle il cherche à faire plaisir, mais, moi, il me semble que ça vaut mieux de ne pas jouer avec ce genre de chose, de ne pas déborder sur le plan international, de ne pas dire: Pour le développement harmonieux, vous savez, si vous continuez comme ça, il pourrait y avoir des choses désagréables qui se produiraient. Ça, moi, je laisse au député de Laurier-Dorion, comment dire, la responsabilité d'affirmations de ce genre-là ou d'insinuations de ce genre-là, parce que, au fond, il y avait autant d'insinuations que... Je n'aime pas beaucoup ça. Surtout quand, sur un plan juridique – après tout, nous sommes un État de droit – ses deux chefs, successivement, ont dit que ça ne créait pas de problème. Là, le contraste devient un peu fort entre la conversation que nous avons, la discussion que nous avons sur un plan juridique, puis, d'autre part, le genre d'avertissement: Vous savez, il y a des gens de mauvaise humeur; si vous persistez dans cette voie, il pourrait se passer des tas de choses. Ce n'est pas une voie dans laquelle, M. le Président, je tiens à m'engager. Voilà.

Le Président (M. Simard): Prochaine question?

M. Sirros: Bien...

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: ...je n'ai pas trop bien compris la réponse du premier ministre quant à la question de l'autonomie gouvernementale et l'extinction des droits quant aux droits ancestraux.

Le Président (M. Simard): Pour ceux qui se posent la question, je voudrais signaler qu'il est convenu que nous poursuivions nos travaux jusqu'à 18 h 30.

M. Parizeau: Je vais demander, M. le Président, au sous-ministre, M. Magny, de poursuivre cette question-là.

M. Magny (André): Très bien. Merci. M. le Président, dans un premier temps, il s'agissait, dans la proposition qui a été déposée en décembre 1994, de définir ou de clarifier ces droits, cette question de droits, d'une part. C'est une des questions de base. Le deuxième élément, il s'agissait d'établir un régime d'application de ces droits dans des lieux – par exemple, ce qu'on a appelé le domaine autochtone, domaine qui est proposé comme étant de pleine propriété aux Attikameks-Montagnais – mais également application de ces droits, comme le disait M. le premier ministre tout à l'heure, dans un territoire qu'on a appelé, qualifié «à gestion partagée». Donc, ces droits, c'est des droits qui s'apparentent davantage à des questions d'activités coutumières ou ancestrales.

C'est donc ça, en gros, l'échange de droits. C'est donc de spécifier ces droits-là, puis, deuxièmement, de retrouver, par un régime, une aire d'application de ces droits-là dans le domaine autochtone, d'une part – ou responsabilités – et, dans un deuxième temps, l'application de ces droits-là ou l'exercice de ces droits-là s'appliquerait dans le territoire à gestion partagée. C'est dans ce sens-là qu'on parlait d'échange de droits par rapport à des revendications qui étaient beaucoup plus globales, sur le plan territorial par exemple, comme vous le savez sans doute. Les revendications des Attikameks-Montagnais comportaient à peu près, sur une base d'à peu près... les deux tiers de la superficie du Québec.


Possibilité de signer des traités avec les autochtones

M. Sirros: Le premier ministre, tantôt, a référé à la résolution de 1983. Est-ce qu'aujourd'hui on envisage la signature des ententes sur l'autonomie gouvernementale comme des ententes ayant valeur de traités? Ou est-ce que ce sont des ententes dont leur... Je vois M. Rochon qui... Ou est-ce que ce sont des ententes dont la substance découlerait d'une loi de l'Assemblée nationale, qui consentirait au contenu?

M. Parizeau: Il n'y a pas de... Ça ne se situe pas dans un cadre de traité, à l'heure actuelle. Il s'agit d'une proposition, comment dire, dont le contenu doit être négocié et qui consacre, par un certain nombre d'ententes, et de gestes, et d'autorisations, et de droits, et de pouvoirs, une autonomie gouvernementale, comment dire, qui se définit, qui se définit.

Pour revenir à la question des droits, cet échange auquel, enfin, que nous tentons de faire est un peu différent, mais rejoint dans son esprit une des recommandations de la Commission royale sur... Erasmus-Dussault, dans une des recommandations spécifiques qu'ils ont faites. Le rapport global, comme je l'ai dit, n'est pas encore présenté. Mais ils disent ceci: «De l'avis de la Commission, les parties à des négociations globales devraient s'efforcer de conclure une entente qui, s'agissant du territoire en jeu, protège les intérêts existants des tiers, reconnaît les droits fonciers des autochtones et de la Couronne et répartit entre les parties les droits relatifs à la fonction gouvernementale. La solution proposée par la Commission propose que les droits ancestraux non reconnus par une entente ne seraient pas éteints. Ils subsisteraient et serviraient à autoriser des activités autochtones, sous réserve des clauses de l'entente. En cas de conflit, les droits reconnus à la Couronne dans le cadre de l'entente ou les intérêts des tiers qu'elle protège auraient préséance sur les droits ancestraux non reconnus dans l'entente en question.»

Ça n'est pas une approche de traité, c'est une approche d'entente et où on ne cherche pas à éteindre systématiquement les droits ancestraux. Nous sommes, à Québec, dans une situation un peu différente, en ce sens qu'on veut échanger. Alors qu'à Ottawa on nous dit: N'éteignez pas, nous, on dit: Échangeons. Mais c'est quand même le même principe fondamentalement.

M. Sirros: Est-ce que le premier ministre ne référait pas à la résolution qui parlait de la signature des ententes qui seraient considérées comme des traités? Et la résolution de... Je ne l'ai malheureusement pas devant moi, et, là, il se peut qu'il y ait un concept ou un élément qui m'échappe. Mais j'avais cru comprendre que le premier ministre disait: Moi, je vais rappliquer l'ensemble de la résolution. On parle de traités dans la résolution et on a référé tantôt à la Convention de la Baie James comme à un traité, et c'est un questionnement qu'on avait commencé, au Secrétariat aux affaires autochtones, après le référendum sur Charlottetown, d'investiguer un peu la possibilité d'envisager... Et je serais peut-être aujourd'hui au point où je pourrais recommander même au premier ministre de le faire comme une voie de solution à toute la question de l'enchâssement que cherchent les autochtones, la sécurité que cherchent les autochtones, de proposer la signature de traités sur un contenu de gouvernements autonomes. Et le premier ministre m'ayant cité au début la résolution qui parlait des traités, c'est dans ce sens-là que je veux savoir si, lui, il peut envisager, s'il envisage – il me dit que non, et je trouve ça malheureux – la possibilité de signer des ententes sur l'autonomie gouvernementale qui auraient valeur de traités.

M. Parizeau: M. le Président, je suis en train de vérifier la résolution de 1985.

M. Sirros: Pas les 15 principes.

M. Parizeau: Oui, oui, la résolution de 1985...

M. Sirros: 1985 ou 1983?

(18 h 10)

M. Parizeau: ...et là je retrouve effectivement l'allusion, c'est: «Considère que ces conventions, de même que toute autre convention ou entente future de même nature, ont valeur de traités.» Bon. Le mot a une certaine importance et, moi, je vous avouerai que, là-dessus, je suis prêt à discuter.

Depuis ce temps, depuis 1985, une autre dimension est intervenue qui est celle de l'enchâssement dans la constitution d'un Québec souverain, ce qui, aussi, est une forme de protection. Les protections peuvent se faire par des textes ayant valeur de traités, comme dit la proposition de 1985, ou par l'enchâssement dans la constitution, une porte qui est ouverte par l'avant-projet de loi que nous avons déposé à l'Assemblée nationale et qui a été discuté par les commissions sur l'avenir du Québec, où il est clairement indiqué que les... Il faut un certain nombre de dispositions, là, relatives aux nations autochtones, non seulement qui soient enchâssées dans la constitution, mais qu'on ne puisse pas changer sans leur accord, parce que, évidemment, ce genre de protection n'aurait aucune signification si, selon qu'un parti ou l'autre passe à Québec ou que la direction d'un ministère change, on pouvait amender la loi qui définirait les droits des nations distinctes.

Alors, ce n'est pas seulement, comment dire, mettre ça dans la constitution, mais c'est, d'autre part, comme on dit au Canada, établir une procédure d'amendement et, après, que la procédure d'amendement soit telle que ça ne puisse pas être changé une fois que ça a été déterminé, que ça ne puisse pas être changé sans leur accord. C'est une voie. Les traités, c'en est une autre. Moi, je n'ai pas de... Est-ce qu'on peut combiner les deux? Peut-être. Je ne pense pas qu'on en soit encore rendu là, sauf que, sur le plan constitutionnel, je pense que ça va se poser. Il va falloir être beaucoup plus précis qu'on ne l'a été avec les nations autochtones, beaucoup. Et plus rapidement. Je suis convaincu, là, que, à l'heure actuelle, il faut passer par la constitution. Est-ce que, d'autre part, on ira plus loin ou d'une autre façon? Est-ce qu'on ajoutera des traités à ça? Je ne sais pas. Mais il faut passer par la constitution.

M. Sirros: Un commentaire pour que je puisse bien saisir la réponse du premier ministre. Ça veut dire que, d'ici l'écriture d'une éventuelle constitution québécoise, il n'envisage pas la conclusion de traités sur la question de l'autonomie gouvernementale avec les autochtones...

M. Parizeau: C'est exact.

M. Sirros: ...mais que, après, il pourrait.

M. Parizeau: Ah! c'est exact. Actuellement, il n'y a pas de... il ne faut pas ouvrir avant, bien sûr.

M. Sirros: Pardon?

M. Parizeau: Il n'y en a pas en vue actuellement.

M. Sirros: Mais ce serait une possibilité après. C'est ce que vous dites...

M. Parizeau: Ça se discute.

M. Sirros: ...c'est ce que j'ai compris.

M. Parizeau: Ça se discute pour ce qui a trait aux traités. L'enchâssement dans la constitution, ça, non. Je pense que l'enchâssement dans la constitution, il va falloir...

M. Sirros: Oui, ça, c'est déjà enchâssé en partie dans la Constitution canadienne, où on enchâsse la reconnaissance des droits ancestraux. À l'article 35 de la Constitution, c'est déjà là.

M. Parizeau: Ah!

M. Sirros: Oui, l'article 35 reconnaît l'existence...

M. Parizeau: Oui, certaines choses sont enchâssées dans la Constitution canadienne, mais, on l'a bien vu au moment des discussions sur Meech ou sur...

M. Sirros: Charlottetown.

M. Parizeau: ...Charlottetown, tout est loin d'être enchâssé dans la Constitution canadienne.

M. Sirros: Il reste des choses à définir, mais il y a un enchâssement quant au concept de droits ancestraux...

M. Parizeau: Oui, oui.

M. Sirros: ...dans la Constitution, donc, bon...

M. Parizeau: C'est indiscutable. Comme je dis, il y a certaines choses qui le sont déjà, d'autres non.

M. Sirros: Donc, on exclut la possibilité de conclure des traités, à l'heure actuelle, sur la question de l'autonomie gouvernementale.

M. Parizeau: Non, on ne s'avance pas.

M. Sirros: Pardon?

M. Parizeau: Je veux dire, on n'exclut rien, mais on ne s'avance pas. Moi, j'ai à faire progresser des ententes...

M. Sirros: Ha, ha, ha! Ça, c'est une formule que je vais retenir. Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Ah! non, non, non, bien, ça, c'est... Écoutez, c'est une question de prudence élémentaire. On est en train de chercher à définir des conventions, on est en train de chercher à avancer dans un domaine où les concepts eux-mêmes ont besoin d'être définis. On ne peut le faire qu'avec un certain nombre de gestes concrets. Moi, je ne veux pas m'embarquer, je ne veux pas mettre la charrue devant les boeufs à cet égard-là. Alors, moi, je n'exclus rien, mais, à l'heure actuelle, si on me demande, là: Est-ce que vous êtes en train de préparer des propositions de traités? ma réponse, c'est non.

M. Cliche: Vous me permettrez un complément d'information, M. Parizeau, sur la notion de l'échéance aussi. Chaque fois qu'on a avancé une date possible sur une possible entente, immédiatement l'opposition essaie de voir un lien entre l'échéance référendaire et ces ententes. Si nous pouvions avoir un progrès substantiel avec les Attikameks et les Montagnais dans l'année de calendrier 1995, bien. Mais, comme nous avons dit le jour même, le 14 décembre 1994, lorsque nous avons déposé ce document de travail, on prendra le temps nécessaire pour s'assurer que ce document de travail soit éventuellement une entente agréable à tout le monde.

De même, les discussions avec les Inuit et les résidents du Nord québécois pour la mise en place d'un gouvernement régional dans le Nunavik, vous aviez vous-même, à titre de ministre délégué à l'époque, signé la date butoir du 30 avril 1995, que nous allons, de façon évidente, dépasser parce que nous avons élargi le mandat pour inclure la taxation et inclure les questions de «block funding», de financement en bloc, envers le gouvernement régional du Nunavik. De sorte qu'on se refuse de mettre des dates fermées pour qu'il n'y ait pas de lien... il n'y a pas de lien direct entre l'évolution des négociations, que nous voulons la plus rapide... Mais ça prend le temps que ça prend. Quoique, comme vous avez pu le voir avec notre bilan à ce jour et les volontés fermes du premier ministre, notre priorité est de faire progresser ces négociations-là le plus rapidement possible.

M. Sirros: Je fais juste remarquer au député que je n'ai pas fait de lien avec la possible négociation d'entente à ce moment-ci et quelque date que ce soit du référendum. D'ailleurs, on ne sait pas quand ou si. On verra. Mais, moi, j'aimerais bien que les deux choses soient séparées, effectivement.

Une voix: ...1995.

M. Sirros: 1995? Bon, tant mieux! Quelle sera la question? On verra.


Discussions lors de la prochaine rencontre avec l'Assemblée des premières nations du Québec

Peut-être pour terminer. Le premier ministre indiquait, au début, qu'il allait y avoir rencontre prochainement avec l'Assemblée des premières nations, Québec, j'imagine. Je pense que c'est la troisième tentative de rencontre depuis le mois de septembre. Les autres ont achoppé. En tout cas, il y avait dans l'air, au mois d'octobre, la possibilité d'une rencontre avec les Cris puis peut-être d'autres autochtones. Il y avait une question, à ce moment-là, sur l'agenda: Quels seraient, pour le premier ministre, les points qu'il voudrait discuter avec les autochtones lors d'une éventuelle rencontre avec l'Assemblée des premières nations qui s'en viendrait, semble-t-il?

M. Parizeau: Non, c'est la première fois qu'explicitement on me demande une rencontre comme celle-là. Et, sur le principe, je suis tout à fait d'accord. Mais il est important qu'on fasse avancer les choses. Et faire avancer les choses, comme je le disais dans mon exposé au début, c'est, par exemple, essayer de s'entendre, si c'est possible, sur une sorte de forum permanent dans le sens du prolongement de la déclaration de 1985, un forum permanent comme, d'ailleurs, le député de Laurier-Dorion en a proposé un en 1993. Alors, s'il avait été appuyé par son gouvernement...

M. Sirros: Juste un point de correction, juste une correction.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: J'ai été appuyé par mon... C'est les autochtones qui ont refusé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Bien, là, nous allons voir s'ils sont toujours de ce sentiment.

M. Sirros: À deux reprises, en plus. Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Je pense que, comment dire, nous avons fait pas mal de progrès à la pièce. Comme je le disais dans mon résumé plus tôt, les progrès du côté des Inuit, ou du côté des Cris, ou du côté des Montagnais, ou des Attikameks, c'est divers. À certains endroits, certains dossiers marchent mieux que d'autres. Il n'y a pas de doute que l'atmosphère est assez différente d'une table à l'autre. On peut faire du chemin à la pièce. Mais ce serait infiniment plus utile si on était en mesure d'avoir cette espèce de forum permanent où, dès que quelque chose apparaît, on pourrait en discuter et pas seulement de façon bilatérale, mais de façon multilatérale. Si, à un moment donné, on aborde la question des traités, bien, il vaut mieux avoir une sorte de forum permanent où on peut aborder la question des traités plutôt que de chercher à régler ça à la pièce, nation distincte après nation distincte.

(18 h 20)

Alors, cela m'intéresse vivement. Ce n'est pas le seul dossier qui m'intéresse, mais celui-là m'intéresse vivement. Et c'est la raison pour laquelle, là, j'ai demandé à M. Cliche de discuter de la préparation d'un ordre du jour de cette réunion. Je pense que, normalement, d'ici quelques semaines, la réunion devrait avoir lieu. J'en attends des progrès, pas nécessairement spectaculaires. Maintenant, nous avons tous suffisamment d'expérience là-dedans pour savoir qu'il n'y a pas de grands progrès spectaculaires. Il y a des choses qui avancent, les unes après les autres. Mais, si on peut sortir du... enfin, ne pas faire uniquement du bilatéral et avoir une possibilité de rencontres multilatérales de façon permanente quelque part, là, je pense que ça ne peut qu'aider les choses, au point où nous nous trouvons, où nous sommes à l'heure actuelle.

M. Sirros: En 1993, M. le Président, on avait proposé la mise sur pied d'un forum Québec-autochtones, et on avait pris la peine de ne pas... j'avais pris la peine de ne pas définir, de quelque manière que ce soit, les paramètres de ce forum, invitant au préalable les autochtones à venir autour de la table pour qu'on discute justement de ces paramètres-là, étant donné la multitude de différences qui peuvent exister et qui existent entre les différentes nations elles-mêmes. Et aussi tout le concept de traiter de nation à nation, en quelque sorte, conduisait à ne pas mettre sur la table une proposition quelconque, autre que l'idée d'avoir ce forum permanent. Qu'on le reprenne, et tant mieux si on le reprend, puis je souhaite qu'il puisse aboutir à un moment donné. Mais est-ce que c'est dans la même démarche, dans le même sens? Est-ce que c'est une proposition d'une idée d'un forum ou est-ce qu'on va plus loin en définissant le genre de mécanisme de forum qu'on voudrait voir? Ou est-ce que c'est encore au stade préliminaire de réflexion?

M. Parizeau: Non, non, il ne faut pas chercher à définir ça. On n'est pas encore dans une atmosphère, j'espère qu'on ne sera jamais dans une atmosphère où on peut dire: Voici ce qu'on voudrait, commençons à discuter sur cette base-là. Il y a eu tellement d'échecs répétés, tellement de mesures dilatoires, tellement de reports à plus tard que, qu'est-ce que vous voulez? je comprends qu'il y en ait qui soient méfiants. Je ne veux surtout pas commencer par définir ce que pourrait être ce forum permanent. Dans ce sens-là, moi, je reprends un espoir qui avait été exprimé par la résolution à l'Assemblée nationale en 1985, et que je relis: «Convienne que soit établi un forum parlementaire permanent permettant aux autochtones de faire connaître leurs droits, leurs aspirations et leurs besoins.» Comment dire, je m'inscris dans cette mouvance-là. On va définir ce que c'est. Le précédent gouvernement a essayé ou, enfin, en tout cas, le député de Laurier-Dorion a essayé. Ça n'a pas marché. On essaie à nouveau. Et on n'est pas... Ce n'est même pas: Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Il est possible que, la deuxième fois, ça marche.

Mais, encore une fois, pourquoi a-t-on attendu si longtemps? Pourquoi a-t-on attendu si longtemps? On se serait évité tellement de débats si ça avait été créé, ça, en 1986-1987, et si ça fonctionnait maintenant depuis huit ou neuf ans. On sait à quel point des organismes comme ceux-là ont besoin d'être rodés. La confiance, ça se monte petit à petit, de part et d'autre, ça prend beaucoup de discussions et de conversations. Si ça avait été fait dans le prolongement de 1985, ce forum-là, comme on serait beaucoup plus avancés! Et, indépendamment ici du fait qu'il y a référendum sur la souveraineté, nos problèmes entre le Québec, les Québécois blancs, à défaut d'un meilleur terme, puis les nations distinctes autochtones, ça ne commence pas d'hier. Ce n'est pas lié, ça, comment dire, à l'aspect... comment dire, aux politiques nationalistes des gouvernements ou à leur espoir de faire un pays indépendant ou à leur fédéralisme. Ce sont des questions qui durent depuis très, très, très longtemps. Au fond, c'est toujours un peu pénible de voir qu'on a perdu du temps pour rien. On aurait pu avancer. Imaginez, là, un forum comme celui-là, permanent, qui aurait été absorbé par toutes les parties, dans lequel elles se sentiraient à l'aise, on aurait réglé un certain nombre de choses ensemble. Quel instrument ça aurait été! Mais enfin, le temps a été perdu, là. On essaie encore.

M. Sirros: M. le Président...

Le Président (M. Simard): Il vous reste quelques minutes, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: ...étant donné l'heure, je pense qu'on pourrait peut-être ajourner nos travaux pour revenir à 20 heures.

Le Président (M. Simard): Nous allons ajourner, jusqu'à 20 heures, nos travaux.

Une voix: Suspendre.

Le Président (M. Simard): Suspendre, plutôt. Je n'y arriverai jamais.

(Suspension de la séance à 18 h 26)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux. Notre mandat, je vous le rappelle, est de procéder à l'étude des crédits budgétaires concernant le Secrétariat aux affaires autochtones, l'élément 3 du programme 2 du ministère du Conseil exécutif, pour l'année financière 1995-1996.

De 15 heures cet après-midi à 18 h 30, nous avons, je pense, fait un approfondissement des grandes questions concernant le Secrétariat, qui a donné lieu à des échanges certainement de haut niveau. Mais je crois qu'il est entendu que, ce soir, jusqu'à 22 heures, ce sont essentiellement les crédits que nous étudierons. Il n'est pas interdit de lier ces crédits à des politiques et d'interroger en conséquence, mais je pense que nous avons tous intérêt maintenant à travailler sur les chiffres et les crédits de la prochaine année.

Alors, je passe la parole au critique de l'opposition, au député de Laurier-Dorion.


Le point sur certains dossiers touchant les différentes communautés autochtones

M. Sirros: Merci, M. le Président. Ce que j'aimerais qu'on puisse faire, peut-être, c'est de passer en revue certains des dossiers qui touchent chacune des différentes communautés de façon un peu plus spécifique, en axant ça sur chacune des nations, peut-être, parce qu'il me semble qu'il y avait une série de dossiers qui sont actifs, qui sont en évolution constante, qui se rapportent, évidemment, aux crédits, M. le Président. Puis il y aurait peut-être, juste avant la fin de nos travaux, quelques questions de détails sur les montants qui nous sont donnés dans les livres qui nous ont été fournis par le Secrétariat aux affaires autochtones.

(20 h 10)

Je me demandais si on ne pourrait pas commencer avec les trois communautés mohawks, en les prenant peut-être une par une pour voir où sont les différents éléments dans les discussions, ou les contacts, ou les échanges entre le gouvernement du Québec et les Mohawks, peut-être en commençant avec Kahnawake, en demandant au premier ministre, ou à celui qu'il désignerait bien, de peut-être nous faire le point sur... Quels sont les dossiers actifs, à ce moment-ci, avec la communauté de Kahnawake? Avant l'élection, on avait entamé une série de discussions qui avaient ouvert des pistes au niveau des ententes possibles, que ce soit au niveau des permis d'alcool, que ce soit au niveau des permis pour la police, l'identification de possibles projets de développement socioéconomique, développement économique, qui tiendraient compte de la spécificité des autochtones. J'ai vu par la suite qu'on a fait adopter ici, à l'Assemblée nationale, et j'ai eu l'occasion d'échanger avec le ministre de la Sécurité publique... Il y a eu l'adoption de la loi 57, qui permet la conclusion d'ententes spécifiques vis-à-vis les autochtones, qui fait en sorte que l'entente conclue aurait, en quelque sorte, préséance sur les lois proprement dites. En tout cas... Est-ce que quelqu'un pourrait faire le point sur l'état de la situation avec la communauté mohawk de Kahnawake, pour l'instant?

Le Président (M. Simard): M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je vais demander, pour ce qui a trait aux détails de ces opérations, qu'on passe la parole, si nos amis d'en face n'ont pas d'objection, à mon sous-ministre. Mais, d'ores et déjà, je voudrais dire ceci.

À Kahnawake, nous sommes en face d'un problème essentiellement juridique qui consiste à déterminer si les pouvoirs des Peacekeepers vont être reconnus ou pas par les cours de justice, parce qu'ils sont antérieurs au passage de la loi 57. Et, si tant est que les cours... Là, évidemment, je m'avance avec une certaine prudence parce que c'est sub judice, cette histoire-là. Mais, si tant est que... Selon la décision des cours, on verra dans quelle mesure il y a lieu de changer des choses là-bas de façon à ce que la police locale ait les pouvoirs que la loi 57 permettrait de reconnaître. Ça, je pense que c'est probablement le dossier le plus important.

Sur le plan de la taxation, de la contrebande, de ce genre de chose, des négociations intéressantes sont apparues entre M. Cliche et M. Norton. Je ne veux pas m'avancer trop loin là-dedans parce que, au fond, des négociations de cet ordre, surtout sur des sujets d'une délicatesse pareille, on en fait état quand ça aboutit, pas quand on est en plein milieu. Mais il n'y a pas de doute qu'il semble y avoir à l'heure actuelle, à Kahnawake, une volonté de ne pas envenimer les choses, de chercher à régler les dossiers au fur et à mesure où ils apparaissent. C'est un changement d'état d'esprit qui me paraît utile, et je n'irai pas, moi, de mon côté beaucoup plus loin que ça.

Cela étant dit, si on n'a pas d'objection, M. Magny pourrait mettre la commission au courant de choses plus spécifiques.

M. Magny (André): M. le Président, vous savez qu'il y avait au moins six ou sept dossiers ou peut-être même plus, à partir du registre de l'état civil – la question des juges de paix, centre culturel, un certain nombre de dossiers – qui avaient été mis sur la table de travail, au cours des dernières années, avec la communauté de Kahnawake. Mais le dossier qui a été priorisé à partir du début de l'automne 1994, ça a été le dossier de la police, du service policier. Il y a eu des discussions, des échanges, des négociations très intenses, tout au moins à partir du mois d'octobre, novembre et décembre, avec la communauté de Kahnawake, pour en arriver à une entente dans la perspective d'établissement d'un corps policier autochtone.

Cette entente-là a fait l'objet d'un accord entre les parties. Ça impliquait, évidemment, le ministère de plein pied, le ministère de la Sécurité publique. Il nous a fallu, après coup ou presque en simultané, proposer, pour l'adoption à l'Assemblée nationale, un projet de modification à la Loi de police et à la Loi sur l'organisation policière, ce qui est appelé la loi 57, et, contrairement à nos attentes, contrairement à notre espoir enfin, les Mohawks de Kahnawake ont décidé de ne pas signer l'entente, ne voulant pas, selon leurs propos, être assujettis à cette loi adoptée par l'Assemblée nationale. Ça, on remonte à quelque part au mois de janvier.

Maintenant, ils sont toujours d'accord... On les a rencontrés il y a à peu près trois semaines avec M. Cliche. Dans la communauté de Kahnawake, ils sont toujours d'accord avec le protocole d'entente qui avait été ratifié, à toutes fins pratiques. Mais on attendait l'adoption de la loi 57 pour que le ministre de la Sécurité publique puisse signer, apposer sa signature sur une telle entente. Alors, ils nous ont réaffirmé leur accord sur le contenu de l'entente actuelle, mais ils ont toujours des difficultés à signer cette entente sous l'égide ou sous l'empire de la loi 57. Mais, pour le moment, des discussions ont repris. Je ne peux pas vous faire de bilan sur l'état, mais l'état d'esprit, en tout cas, des Mohawks de Kahnawake actuellement... en tout cas, ils sont ouverts à des discussions pour voir comment l'entente pourrait être soit modifiée ou adaptée de manière à ce qu'elle entre sous l'empire ou l'égide de la loi 57. C'est là qu'on en est rendu pour ce dossier-là, qui est important. Puis ils nous ont manifesté leur intérêt, leur désir d'implanter un corps policier, disons, légal ou avec une constitution légale. Voilà donc pour Kahnawake.

Peut-être que du côté de la taxation, si M. Cliche ou...

M. Cliche: Si vous me permettez, M. le premier ministre.

M. Parizeau: Oui.

M. Cliche: Rapidement. Je ne veux pas aller dans le coeur des discussions que j'ai au nom du gouvernement avec le chef Norton et les conseils de bande, mais ce sont des discussions suivies, qui se poursuivront dans les jours à venir, qui portent sur le développement économique, sur les questions reliées au transport dans la région. Il y a aussi des discussions bilatérales entre les Mohawks de Kahnawake et le ministère des Transports, et sur un dossier où nous sommes au stade très préliminaire d'exploration, où on pourrait discuter – je parle au conditionnel – d'harmonisation de prélèvements de la taxation sur le territoire de Kahnawake, sous toutes réserves naturellement, très conditionnel et très, très exploratoire. Mais les discussions sont positives, et je pense qu'il y a, de la part des Mohawks de Kahnawake comme de la nôtre, la volonté de pouvoir s'entendre sur des choses concrètes, aller au-delà du sens philosophique de l'inhérence de leurs droits, mais de régler des problèmes concrets auxquels ils font face, et ça porte beaucoup sur le haut taux de chômage dans leur communauté, les jeunes sans emploi et le besoin de revenus et de développement économique pour cette communauté, comme vous le savez, dans l'immédiate ceinture de Montréal.

M. Sirros: Est-ce que, à votre connaissance, l'ensemble des stations-service qui opèrent actuellement sur le territoire de Kahnawake font la remise, tel que convenu par le tribunal tout récemment?

M. Parizeau: Oui.

M. Sirros: Qui émet actuellement les permis pour les bingos qui sont tenus hebdomadairement sur le territoire?

Une voix: Les bingos?

M. Sirros: Qui émet les permis pour les bingos qui sont tenus trois ou quatre fois par semaine...

M. Parizeau: Ah! Je pensais que vous parliez de l'essence, là.

M. Sirros: Oui, mais vous m'avez répondu.

M. Parizeau: Pour l'essence, ça ramasse. C'est très bien.

M. Sirros: Oui.

M. Parizeau: Pour les bingos, je ne sais pas.

M. Sirros: Qui émet les permis actuellement?

M. Parizeau: C'est probablement la Régie. Ce n'est pas la Régie des loteries, des jeux, etc., qui...

Une voix: ...

M. Cliche: Si vous me permettez. Les bingos que nous connaissons sont à Kanesatake. À Kahnawake, il n'y a pas, à notre connaissance, de bingos qui reçoivent des autorisations.

M. Sirros: Ça ne se peut pas parce que vous avez même des plaintes de la part des gens qui tiennent des bingos aux alentours. Il y a des bingos hebdomadaires à Kahnawake, trois fois par semaine au moins. Grande affiche. J'ai passé là par hasard l'autre jour: «Bingo House», «Mohawk Bingo House», en opération. Alors...

(20 h 20)

M. Cliche: M. Sirros, il faudrait que vous nous transmettiez ces plaintes, parce que nous, ce dossier-là n'a pas été porté à notre attention. Les informations que nous avons sont à l'effet que... Celle que vous dites, c'est qu'effectivement il y a une pancarte le long de la route, mais cet équipement n'est pas utilisé. Mais, si vous avez des plaintes de citoyens, il faudrait que les citoyens les portent à notre attention, parce que ce n'est pas un dossier actif qui a été porté à notre attention.

M. Parizeau: Sur l'essence, oui. Et, l'essence, ça a été réglé. Actuellement, on ramasse dans les postes d'essence les droits nécessaires et c'est remis au gouvernement. Et, sur ce plan, ça va. Maintenant, sur le plan de bingos qui se tiennent et qui seraient potentiellement illégaux, nous, on reçoit toutes les plaintes et tous les renseignements et on les met à travers la machine. Soyons un peu plus précis, M. le Président; que le député qui nous dit qu'il y a toute espèce de chose illégale donne un certain nombre de renseignements et nous irons faire enquête immédiatement.

M. Sirros: D'accord. Si vous dites... Si je comprends bien, vous n'êtes pas au courant de l'existence de bingos, actuellement, sur le territoire de Kahnawake.

M. Parizeau: Actuellement, là, à cet endroit, non.

M. Sirros: Non.

M. Parizeau: À d'autres, oui, mais pas là.

M. Sirros: D'accord. Est-ce qu'il y a d'autres discussions plus formelles avec la communauté de Kahnawake au niveau, par exemple... il y avait une question, il y avait un projet d'entente, à un moment donné, sur, si ma mémoire est bonne, les permis d'alcool dans le territoire. Est-ce que ça a été repris, ça, ou...

M. Parizeau: M. Magny.

M. Sirros: Qui émet les permis d'alcool? Comment vous envisagez la relation avec Kahnawake? Est-ce que c'est un objectif que vous avez d'arriver avec une entente qui renferme l'ensemble de domaines tels ceux qu'on mentionne? Et comment est-ce qu'on va pouvoir, dans l'esprit du gouvernement, concilier les lois d'application générale et la reconnaissance sur le territoire de Kahnawake d'une spécificité qui pourrait faire en sorte que les autochtones administrent leurs propres lois?

M. Magny (André): M. le Président, pas à ma connaissance là, il n'y a pas eu... Il y a la liste des sujets, des nombreux sujets, il y en avait au moins une dizaine, notamment la question des permis d'alcool. Les priorités qui ont été accordées par le Secrétariat aux affaires autochtones, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, c'était au niveau du service policier. Le deuxième sujet pour lequel il y a eu des discussions tout dernièrement, c'est au niveau de la taxation, comme vous le mentionnait M. Cliche. Quant aux autres sujets, je sais qu'il y a des rencontres à court terme qui sont prévues avec les représentants de la communauté de Kahnawake pour faire une révision de l'ensemble des autres sujets puis établir des priorités. Mais, pour le moment, cette rencontre-là n'a pas encore eu lieu, puis j'attends, là. Dès qu'elle aura eu lieu, on établira éventuellement une priorité, le cas échéant.

M. Parizeau: Là, M. le Président, si on me le permet, je vais intervenir dans une autre fonction que celle du ministre responsable des affaires autochtones, c'est-à-dire comme premier ministre.

Ça fait déjà un certain temps que nous montons, à l'égard du contrôle de la contrebande de l'alcool, une opération à travers tout le Québec. Dans cette opération, Kahnawake n'a pas beaucoup d'importance. Ça s'attrape à deux bouts. Ça s'attrape à la frontière, puis ça s'attrape dans les bars, les restaurants, donc au niveau de la consommation. Il était temps qu'on intervienne. Nous perdons probablement entre 200 000 000 $ et 300 000 000 $ par année à la contrebande d'alcool.

Nous avons obtenu une collaboration assez remarquable de la Gendarmerie royale pour ce qui a trait à la patrouille des frontières. D'autre part, entre le ministère du Revenu et la Sûreté du Québec, la collaboration s'est établie assez rapidement pour la patrouille des bars, hôtels, établissements de cet ordre. Et, comment dire, grâce à un certain nombre de développements technologiques, paraît-il, assez élémentaires, il est assez facile d'entrer dans un bar et puis de voir tout de suite si l'alcool en question est un alcool de contrebande ou pas.

Les résultats ne se sont pas fait attendre. Déjà, en janvier, nous avons vu une augmentation assez substantielle des ventes de la SAQ. Et ce qu'il y a de plus intéressant, c'est qu'alors que la SAQ nous avertissait d'un certain nombre de bars, d'hôtels, de restaurants qui avaient cessé d'acheter autour des magasins de la SAQ, là, tout à coup, les achats reprenaient. C'est le meilleur signal que la sagesse venait d'où elle doit venir. Et les ventes globales augmentaient.

On a eu des pépins jusqu'à ce que la loi 50 soit adoptée par l'Assemblée nationale et mise en vigueur. La police de la CUM hésitait à s'embarquer dans l'opération, si bien que, pendant un certain temps, on opérait à peu près partout sauf à Montréal. Mais maintenant, c'est réglé. Montréal recommence... bien, commence à opérer. Donc, on est en bonne voie, je pense, d'opérer.

Et il faut comprendre à cet égard que des endroits comme Kahnawake ou Akwesasne, ça ne joue pas à l'égard de la contrebande d'alcool le même rôle que ça jouait dans la contrebande de cigarettes autrefois. Ce sont des endroits parmi d'autres, mais il est quand même bien plus important de contrôler la consommation ou les lieux de consommation à Montréal que de chercher à contrôler Akwesasne ou Kahnawake. On les contrôle par la frontière avec la collaboration des polices, puis on contrôle ça au niveau de la consommation dans les bars et dans les restaurants. L'amélioration est très sensible. Je pense que nous allons vraiment fermer cette porte de la contrebande. On ne la supprime jamais complètement, mais, au moins, dans des proportions très, très importantes; très, très importantes. On est dans la bonne voie, je pense, là-dessus.

Le Président (M. Simard): M. le député.

M. Sirros: Si je peux résumer au niveau de Kahnawake, donc, concrètement, on est encore à discuter et à espérer pouvoir signer et arriver à des ententes, pour l'instant, sur l'ensemble des sujets qu'on avait depuis des années, en tout cas, entamé comme discussions, y inclus celui de la police. Au niveau du cas qui est devant les tribunaux actuellement avec les Peacekeepers, si ma mémoire est bonne, il s'agit de cas qui ont été amenés devant les tribunaux par des citoyens qui contestent la validité des billets de contravention. Le gouvernement du Québec est-il partie prenante dans la procédure? Je ne me rappelle pas.

M. Parizeau: M. le Président, là, on est vraiment devant une histoire qui est sub judice. Les poursuites ont été intentées par des citoyens qui en ont par-dessus la tête de se faire flanquer des tickets de circulation par des Peacekeepers, et, comment dire, étant donné que c'est devant les tribunaux, ça n'a pas de bon sens que, moi, comme ministre, je commente ça. Je ne peux pas commenter ça.

M. Sirros: Je ne vous demande pas de...

M. Parizeau: Je m'excuse. Je suis désolé. C'est devant les tribunaux. C'est les tribunaux qui aviseront.

M. Sirros: Je ne demande pas de commentaires, M. le Président. Je demande juste si le gouvernement du Québec est partie prenante dans les procédures.

M. Parizeau: Mais comment voulez-vous qu'il ne soit pas partie prenante dans les procédures? Il y a un procureur général au Québec.

(Consultation)

M. Parizeau: Oui, on vient de me dire que la juge qui est, comment dire, Mme Tourigny... a demandé spécifiquement que le Procureur général dépose son point de vue. Alors, forcément, on est pris. Mais, là, on ne va pas me demander, moi, comme ministre, de commencer à commenter ça, hein.

M. Sirros: Non, non. Je sais que c'est un document public, là, le dépôt du point de vue du Procureur général. Est-ce qu'on pourrait en avoir une copie à un moment donné?

M. Parizeau: Il n'est pas...

M. Sirros: Si le dépôt est fait, est-ce que c'est...

M. Parizeau: De deux choses l'une: ou bien c'est déposé...

Une voix: Puis c'est public.

M. Parizeau: ...puis, là, c'est public...

M. Sirros: Oui.

M. Parizeau: ...ou bien ce n'est pas encore déposé, puis, là, ce n'est pas public. Bon.

M. Sirros: Est-ce que c'est déposé?

M. Parizeau: Non.

M. Sirros: O.K.

M. Parizeau: Là, tout ce qu'on a actuellement, c'est une demande de la juge de dire: Voulez-vous nous déposer un point de vue? Il n'est pas déposé, donc il n'est pas public. Quand il sera déposé, il sera public. C'est automatique, ça, ce n'est pas une question de bonne volonté de notre part ou pas. Ça va de soi. Dès que l'avis sera déposé, il sera déposé, il sera public. Ce n'est pas une question, encore une fois, là...

M. Sirros: La demande a été faite quand?

(20 h 30)

M. Parizeau: Comment?

M. Sirros: Quand est-ce que la juge a fait la demande?

M. Parizeau: Je ne sais pas. Franchement, je n'en sais rien. Il faudrait demander ça au ministère de la Justice.

Une voix: ...

M. Parizeau: Une quinzaine de jours. La cause est prévue pour le 26 mai.

M. Sirros: Merci. Alors, on va s'enquérir pour avoir le document si c'est déposé à ce moment-là...

M. Parizeau: Absolument.

M. Sirros: ...M. le Président.

M. Parizeau: Là, j'incite beaucoup le député à suivre le processus normal des choses.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Kanesatake. Est-ce qu'on peut avoir le point sur les négociations à Kanesatake?

M. Parizeau: Ah! bien, là, il faudrait surtout s'adresser au gouvernement fédéral. D'abord, là, c'est, comment dire... on se comprend bien, là. C'est à la Chambre des communes qu'il faudrait poser cette question-là. Alors, là, je vais vous lire la note que j'ai à ce sujet.

«État de situation de l'achat des maisons à Kanesatake au sud de la 344 par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en vue de la constitution d'une assise territoriale. Vingt-deux maisons furent acquises et sept furent rebranchées par Hydro-Québec après que des ententes confirmées par bail furent convenues avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.» Alors, vous voyez, nous, on sait ça, les sept, parce que c'est Hydro-Québec. Alors, on sait qui ils branchent. Mais, pour le reste, là, les 22, c'est sous toutes réserves, là; il faut s'adresser au fédéral.

Cent soixante-dix demandes pour l'occupation des maisons tant au sud qu'au nord de la 344 furent adressées au bureau du gouvernement fédéral. C'est ce que le gouvernement fédéral nous dit.

«Sur près de 50 occupations illégales au nord de la 344, 30 ont demandé à être régularisées, et plusieurs Mohawks rencontreraient les critères d'attribution acceptés par le conseil de bande, qui, selon M. Nault – qui est M. Nault?

Une voix: Un fonctionnaire des Affaires indiennes.

Une voix: Un fonctionnaire fédéral.

M. Parizeau: ...un fonctionnaire fédéral – apporte une bonne collaboration à l'opération.» Je suis heureux de le savoir. «À noter que, selon le négociateur fédéral, Me Michel Robert, son mandat actuel se limite à l'achat de ces maisons et exclut donc l'achat de la pinède et du terrain de golf.» Je suis certain que nous sommes tous ravis de savoir que, sur le territoire du Québec, le gouvernement fédéral décide d'acheter des maisons, de refuser d'acheter une pinède, achète un terrain de golf, ou n'achète pas un terrain de golf. On se comprend bien, là: nous ne sommes pas dans le coup.

«Le gouvernement fédéral considère, entre autres hypothèses, d'attribuer à ce territoire un statut plus formel, assimilable à celui des terres réservées. Ce statut éventuel, les attributs futurs qui s'y rattachent devraient faire l'objet d'un échange de points de vue et de discussions entre nos représentants.» Voilà.

Alors, il y a une lettre de M. Cliche, du 7 février 1995, à M. Ron Irwin à ce sujet. Et, si je comprends bien, M. Irwin est d'accord pour en parler. Vous aurez compris, M. le Président, à quel point c'est agréable, sur le territoire du Québec, de savoir qu'on discute avec le gouvernement fédéral, et le fédéral achète, vend des propriétés, fait, au fond, ce qu'il veut, et que ses fonctionnaires ont la bonté de nous tenir au courant.

M. Cliche: Vous me permettez un complément d'information?

M. Parizeau: Oui.

M. Cliche: En complément d'information, M. le député de Laurier-Dorion, j'ai rencontré, à quelques occasions, les deux municipalités, la municipalité d'Oka village et la municipalité d'Oka paroisse, pour les informer de notre position dans ce dossier-là. Comme l'a dit le premier ministre, l'action est essentiellement fédérale.

Ceci étant dit, il n'est pas question, et nous avons soumis au fédéral qu'il n'était pas question, au fédéral, de confirmer une assise territoriale qui toucherait aux municipalités actuelles, et de mettre en place une autonomie gouvernementale quelconque qui toucherait à nos juridictions, sans que le Québec soit officiellement partie aux négociations.

Et l'article 2.4 de l'entente signée entre le fédéral et la bande de Kanesatake, au mois de décembre, prévoit que, dans le cas où le Québec a des juridictions qui sont touchées, le Québec fera partie des négociations. Et la réponse à ma lettre de Irwin à Parizeau confirme qu'il va de soi que, lorsqu'il y aura des juridictions québécoises de touchées, le Québec fera partie des négociations.

M. Parizeau: Et, M. le Président, là, je voudrais ajouter quelques mots de mon cru, là-dessus. J'ai, un soir, été averti qu'un squatter s'étant installé dans une de ces maisons on réquisitionnait d'Ottawa la Sûreté du Québec pour aller l'expulser. Ce n'est pas beau? Le genre de trappe où, sur une maison appartenant au fédéral, mise à la disposition de la bande de Kanesatake, on demandait à la Sûreté du Québec de faire irruption, tard le soir, et d'expulser la personne en question. Nous avons refusé.

Ça, c'est pour indiquer à peu près dans quelle atmosphère se situe ce genre de tractation. Le rôle du gouvernement fédéral dans cette affaire d'Oka et de Kanesatake n'est pas un beau rôle, d'aucune espèce de façon: se traîner les pieds, chercher à placer, au fond, la population de cet endroit, d'Oka, dans une situation de crise perpétuelle, d'instabilité constante. Nos amis libéraux ont l'habitude de souligner tout ce que l'incertitude peut créer dans une société. Est-ce qu'on peut s'imaginer le degré d'incertitude qu'il y a à Oka, créée par un gouvernement fédéral qui taponne, n'arrive pas à se décider et cherche à faire de la provocation à tout bout de champ?

Je tenais à dire ça, M. le Président, parce que, ça aussi, ça fait partie de la réalité. Ça aussi, ça fait partie de la réalité, de garder les plaies envenimées indéfiniment et de chercher constamment la confrontation. J'imagine que, pour reprendre les expressions du député de Laurier-Dorion, de cet après-midi, c'est ça, l'irresponsabilité fiduciaire, les pouvoirs de tutelle, n'est-ce pas? Nous apprécions tout ça à sa juste valeur.

M. Sirros: M. le Président, le premier ministre peut faire ce genre de déclaration, et je ne vois pas en quoi ça aide à atténuer quelque tension que ce soit, que le gouvernement du Québec refuse, sur du territoire québécois, d'envoyer la Sûreté du Québec pour...

M. Parizeau: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Non, mais... Et j'imagine que, si tous les torts sont tellement machiavéliques, comme les dépeint le premier ministre, au niveau du gouvernement fédéral qui, si je comprends bien, consciemment et volontairement, maintient la situation de tension, etc., il y a sûrement une proposition de solution qu'il ferait à la place du gouvernement fédéral. Alors, peut-être, soit qu'il nous explique, M. le Président, comment la Sûreté du Québec, en tout cas, n'est pas invitée, sur du territoire québécois, à rectifier des choses qui sont, à leur face même, à l'encontre de nos lois d'application générale. Et, peut-être, deuxièmement, de nous dire quelle solution magique il pourrait envisager pour solutionner ces tensions qui existent depuis bon nombre d'années entre le conseil de bande, dans ce cas-ci, et d'autres Mohawks de la communauté – non pas la réserve – de Kanesatake, à ce moment-ci. Parce que, je... en tout cas.

M. Parizeau: M. le Président, si votre maison, dont vous êtes propriétaire, est occupée par quelqu'un d'autre, vous, le propriétaire, appellerez la police. Bien sûr! Et la police obtempérera. Là, nous nous trouvons devant une maison achetée par le gouvernement fédéral, transmise au conseil de bande. Aucun, du propriétaire antérieur ou du propriétaire actuel, ne veut déposer plainte, et on cherche, par la voie politique, à envoyer la Sûreté du Québec dans une trappe à ours. Je n'ai pas apprécié, M. le Président.

(20 h 40)

Et, à cet égard, je voudrais non pas clore cet incident. Si on veut le poursuivre, moi, je suis prêt à le poursuivre pendant deux heures. Cet incident-là, je ne suis pas prêt de l'oublier. Je ne suis pas prêt de l'oublier, parce que c'est avec ça qu'on ferait des confrontations, c'est avec ça qu'on fait de la provocation. On a passé à deux doigts, là, de quelque chose de très grave, puis de voulu.

Voici les conclusions d'une étude qui a été faite sur ce cas, signée par Jean-Pierre Bédard, avocat: En vertu des dispositions du Code civil du Québec, qui, en matière de droit de propriété, s'appliquent au gouvernement fédéral, le titulaire d'un tel droit peut, grâce au recours en pétitoire, possessoire ou en revendication, faire valoir son droit devant les tribunaux, afin de faire cesser le trouble ou se faire restituer son bien. Le gouvernement fédéral doit donc prendre le recours approprié devant la Cour supérieure et obtenir un jugement qu'il pourra faire exécuter par les voies régulières contre le possesseur, en l'occurrence les Mohawks. Si le possesseur ne se conforme pas au jugement, la Sûreté du Québec pourra alors prendre les moyens nécessaires afin d'expulser ceux qui détiennent sans droit l'immeuble concerné. Puisque le Code civil du Québec accorde une certaine protection au possesseur, lequel est présumé titulaire du droit de propriété, il importe que le gouvernement du Canada fasse d'abord reconnaître son droit par le tribunal compétent, tente de faire exécuter ce jugement par les moyens normaux avant de demander à la Sûreté du Québec d'intervenir par la force.

Cela n'a pas été fait. On a fait les pressions de gouvernement à gouvernement pour que la Sûreté intervienne tout de suite, provoque littéralement un casus belli, dans le sens le plus propre du terme, en expulsant la personne en question, et nous fasse tomber dans une de ces confrontations que nous avons déjà connues. Là, je dirai au représentant du précédent gouvernement, ici, ce soir: Plus jamais ce genre de chose là. La provocation du fédéral: Non merci!

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Dois-je comprendre que, pour le premier ministre, la crise qu'on a vécue en 1990 était le résultat d'une provocation fédérale? Où est le lien, à ce moment-ci? Est-ce que le premier ministre est en train de nous dire qu'il croit qu'il y a une thèse à l'effet que le gouvernement fédéral, de façon consciente et volontaire, veut provoquer une autre crise à Oka? Est-ce que c'est ça qu'il est en train de nous dire? Si c'est ça, qu'on le dise clairement, là.

M. Parizeau: M. le Président, je n'ai pas plus d'arrière-pensées que n'en avait le député, cet après-midi, quand il nous parlait des conséquences de l'attitude du présent gouvernement sur les possibilités de rompre l'harmonie de nos rapports avec les autochtones, y compris toutes les répercussions internationales que cela était susceptible d'avoir. Je suis certain qu'il n'avait pas d'arrière-pensées à ce moment-là. Moi non plus!

M. Sirros: Je vais vous dire c'était quoi, mes arrière-pensées, M. le Président...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: ...M. le premier ministre a fini de ne pas répondre à la question. Je vais vous dire pourquoi j'ai soulevé tout cela cet après-midi. Je l'ai soulevé, parce que je crois qu'il s'agit véritablement d'un enjeu qui doit être discuté lucidement et froidement. Je n'ai jamais prétendu que ce serait quelque chose de se retrouver de l'autre côté, chacun, quant à la défense du territoire du Québec. J'ai même dit qu'on serait du même côté. Il reste qu'il y a un sujet qui soulève beaucoup de questions.

Ce que je veux savoir, c'est si le premier ministre est en train de nous dire, de façon sérieuse, de son office, poste de premier ministre – comme il a dit, il parle en tant que premier ministre et non pas comme responsable du dossier autochtone : Est-ce que, sérieusement, le premier ministre du Québec est en train de nous dire que le gouvernement fédéral, de façon consciente et volontaire, est en train de provoquer ou de chercher à provoquer une crise à Oka? Si c'est le cas, c'est grave, ça mérite qu'on sache sur quoi le premier ministre se base pour qu'on puisse l'appuyer dans sa dénonciation.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que j'irais plus loin que ce que j'ai dit? Ce que j'ai dit était tout à fait clair. J'ai même lu un avis juridique à cet effet. J'ai indiqué à quel point il était, effectivement, surprenant, tout à fait surprenant, que le négociateur fédéral, ancien président du Parti libéral du Canada, bâtonnier – sauf erreur, n'est-ce pas? – soit à ce point peu au courant du Code civil que, ce qu'il nous a proposé, ce soir-là, bien, on peut en dire ce que j'en ai lu.

J'espère que je suis très clair. Je n'irai pas au-delà de ce que je viens de dire, mais je n'irai pas en deçà non plus; ni en deçà, ni au-delà. Je ne comprends pas pourquoi, ce soir-là, on m'a demandé d'organiser possiblement une sorte de cellule de crise pour poser un geste qui ne correspond d'aucune façon à notre droit et à nos dispositions juridiques. Le ministre de la Sécurité publique, après avoir examiné ces questions sous tous leurs angles, en a conclu, comme disait Talleyrand, qu'il était urgent de ne rien faire. Il avait raison.

M. Sirros: Est-ce qu'on peut affirmer que, sur le territoire québécois de Kanesatake, toutes les lois sont appliquées de la même façon que dans tout le reste du territoire, à l'heure actuelle?

M. Parizeau: Absolument.

M. Sirros: Le premier ministre affirme ça de son siège, là-bas?

M. Parizeau: Comment de son siège? Je ne peux pas parler d'ailleurs que de mon siège, M. le Président. Je ne vois pas très bien comment je pourrais... Qu'est-ce qu'on attend? Que je monte à la galerie? Je parle de mon siège, je parle toujours de mon siège. Je parle habituellement assis, sauf quand je suis debout, bon! Mais, habituellement, c'est devant mon siège quand je suis debout.

Oui, les lois sont appliquées. Je comprends que ça puisse surprendre le député de l'opposition, le critique en ces matières. Nous, vous voyez, nous ne signons pas d'ententes avec des gens masqués. Non, non, nous ne faisons pas ça. Oui, c'est vrai, nous appliquons les lois à tout le monde, de la même façon. Qu'ils ne comptent pas sur nous pour faire des... pour avoir, comme ça, deux poids, deux mesures. Je regrette. C'est ça, aussi, l'autre façon de gouverner.

M. Sirros: On la voit, l'autre façon de gouverner; on la voit, l'autre façon de gouverner.

M. le Président, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire, à ce moment-là, dans le cas des bingos qui se tiennent de façon régulière à Kanesatake, qui émet les permis?

M. Parizeau: Bien, M. le Président, ça, moi... nous n'avons pas d'échos, de ce côté-ci, des bingos à Kanesatake. Nous allons nous renseigner rapidement. Je comprends que nous reprenons – c'est jeudi? – les crédits de l'Exécutif, si... Je comprends que ça portera sur un autre aspect, mais je pourrai, dès l'ouverture, jeudi, faire rapport sur les bingos appréhendés – comme disait l'ancien premier ministre du Canada – de Kanesatake. Pour le moment, je n'ai pas de renseignements là-dessus; je ne peux pas élaborer.

M. Sirros: Et est-ce que...

M. Parizeau: Et j'aimerais beaucoup, si le député a des renseignements croustillants à cet égard, qu'il nous les communique. Ça faciliterait notre tâche considérablement.

M. Sirros: Est-ce que le premier ministre pourrait aussi, d'ici jeudi, s'informer si la Sûreté du Québec patrouille l'ensemble du territoire québécois de Kanesatake, de la même façon qu'elle patrouillerait tous les autres territoires?

M. Parizeau: Très volontiers, M. le Président. Très volontiers.

M. Sirros: Mais est-ce que, à sa connaissance, ça se fait?

M. Parizeau: Bien, je suis certain que, puisqu'il y a des Peacekeepers...

M. Sirros: Il n'y a pas de Peacekeepers à Kanesatake.

M. Parizeau: Ah non! Excusez-moi, je pensais à Kahnawake.

M. Sirros: Non, on parlait des maisons...

M. Parizeau: À Kanesatake? Bien oui! Bien sûr!

M. Sirros: ...puis des gens masqués, puis l'autre façon de gouverner. On est à Kanesatake.

M. Parizeau: J'assure le député que je lui dirai vraiment si la Sûreté du Québec patrouille normalement là-bas. Je l'assure que je m'enquerrai pour savoir si nous continuons d'avoir des tractations avec des gens masqués là-bas. Je lui ferai un rapport très circonstancié.

M. Sirros: ...M. le Président. Est-ce qu'il peut me parler un peu...

(20 h 50)

M. Parizeau: On vient de me dire que, sur la 344, il y a eu encore des interventions, il y a quelques jours, de la Sûreté du Québec. Je m'excuse, j'aime bien ça, les insinuations, mais j'aimerais quand même avoir des choses sur la table. Enfin, qu'est-ce que c'est, ce truc-là? Qu'on nous dise des choses! Et, surtout, si le député a quoi que ce soit, bien, pourquoi il ne nous en parle pas? Nous ne sommes pas des ennemis, ici, autour de la table; on pourrait nous mettre au courant. Je ne suis pas, comme on le disait autrefois, et comme on le dit encore dans certains milieux, ministre ou premier ministre de la couronne, pour éviter que les lois soient appliquées, quand même!

M. Sirros: Alors, on attendra avec hâte le rapport du premier ministre sur l'état de la situation à Kanesatake, à l'application de toutes les lois, en particulier, les bingos, puis les patrouilles de la Sûreté. En attendant, est-ce que quelqu'un pourrait faire le point sur les Algonquins du Lac Barrière?

M. Parizeau: Bien sûr! Avec plaisir.

M. Sirros: Je ne suis pas sûr que c'est avec tant de plaisir que ça, mais faites-le pareil.

M. Parizeau: Mais oui, c'est un beau cas. Alors, M. le Président, le but principal de l'entente trilatérale du Lac Barrière est la préparation conjointe, par les Algonquins de Lac Barrière, d'un projet de plan d'aménagement intégré des ressources avec le gouvernement du Québec sur un territoire – ce n'est pas négligeable – de 10 000 km².

Le gouvernement du Canada est partie de l'entente comme fiduciaire des autochtones et s'engage à payer les frais de participation des Algonquins. La méthodologie développée pour la réalisation du projet de plan d'aménagement intégré des ressources vise, en premier lieu, à utiliser les techniques les plus récentes dans ce domaine et assurer, avec les ministères sectoriels responsables des forêts et de la faune, que les travaux techniques proposés cadrent le mieux possible avec leurs méthodes et leurs politiques.

Actuellement, les travaux se déroulent normalement et harmonieusement. On peut estimer qu'environ les deux tiers des travaux techniques nécessaires à la préparation du plan sont réalisés et que l'ensemble des travaux en cours seront terminés au début de la prochaine année. Cependant, nous avons accumulé des retards au cours des derniers mois, et il n'a pas été possible de terminer le projet d'aménagement intégré le 31 décembre 1994, comme nous l'avions prévu. Un rapport d'étape sur la mise en oeuvre de l'entente trilatérale a été déposé, le 21 décembre 1994, par les Algonquins de Lac Barrière et le Québec.

Les coupes forestières se poursuivent normalement, cependant. Et, bien que la situation soit fragile sur le terrain, la confiance semble revenue entre les parties.

En raison des retards au niveau de la réalisation de certains travaux nécessaires à l'élaboration du projet de plan d'aménagement intégré des ressources, et des négociations qui ont succédé la signature de l'entente, les représentants spéciaux des Algonquins du Québec demandent une prolongation de l'entente jusqu'au 31 décembre 1996, avec le dépôt du plan d'aménagement le 31 mars 1996. Un rapport technique a été déposé le 3 février 1995.

D'ici le début de mai 1995, un mémoire devrait être soumis au Conseil des ministres afin que ce dernier statue sur la prolongation de l'entente et la reconduction du mandat du représentant spécial du Québec. Les activités prévues pour 1995-1996 seront presque entièrement consacrées à la rédaction du plan d'aménagement intégré des ressources – tel que prévu à l'entente – et à la finalisation de certaines études techniques.

Le Secrétariat dispose d'une somme d'environ 200 000 $ pour la réalisation de ce projet, en 1995-1996, à laquelle s'ajoute une participation équivalente du gouvernement fédéral. Le tableau qui suit dresse un état des dépenses encourues pour l'année 1994-1995, pour la partie Québec, dans le cadre de l'entente trilatérale du Lac Barrière. Et, en fait, nous avons dépensé... Il y avait 600 000 $ de prévus, 599 000 $ ont été dépensés.

Alors, ça suit son cours, ça a accumulé un certain nombre de retards, comme il arrive dans ces choses, mais ça avance. Il n'y a pas d'affrontements. Normalement, on devrait être capable de tout finir ça correctement. Rien, à l'heure actuelle, n'indique qu'il puisse y avoir un accrochage quelque part.

M. Sirros: Est-ce qu'on pourrait avoir copie du dernier rapport d'étape qui a été fait? Je pense que le premier ministre mentionnait le 21 décembre, où il y avait un dernier rapport d'étape?

M. Parizeau: Oui. Ah! Bien oui! Bien sûr, on va le rendre disponible. Est-ce qu'on en a un exemplaire, ici, ou on en enverra dans leur bureau?

M. Cliche: Pas ici, mais on en a quelques exemplaires. Et, lors du dépôt de ce rapport, nous avons eu le plaisir de rencontrer les Algonquins du Lac Barrière, certains représentants des compagnies forestières. Et toutes les indications que nous avons, c'est que le travail suit son cours normal. L'entente entre les Algonquins du Lac Barrière et les compagnies forestières est excellente. Et les indications que j'ai, des compagnies forestières, c'est que ce genre de discussion, selon les représentants des compagnies forestières, pourrait même améliorer leurs opérations forestières, et, en certains cas, faciliter les opérations forestières.

Et je pense que ce cas-ci du Lac Barrière a ouvert la porte à d'autres dossiers du même type, qui sont en train de porter des fruits dans tout ce qui est la ceinture boréale. À Waskaganish, il y a des discussions du même ordre qui sont en train, je pense, de progresser de façon importante. À Waswanipi, il y a eu une entente très récente de signée entre Domtar, la bande de Waswanipi et la compagnie de bois Mishtuk, de sorte que toute forme de coopération ou de discussion entre les autochtones utilisateurs d'un territoire, les compagnies forestières et un léger encadrement des représentants du MRN et du SAA, semble porter des fruits très prometteurs.

Nous avons décidé, au SAA, de donner une priorité à ce genre de discussion, compte tenu de l'importance que les opérations sylvicoles semble prendre auprès des autochtones. Suite à l'arrêt du projet Grande-Baleine, il semble qu'ils aient maintenant beaucoup d'intérêt pour les opérations forestières.

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais ici faire état d'un contrat de travaux – j'y faisais allusion dans mon texte de cet après-midi – de «reforestration» donné par les Produits forestiers Gatineau aux Algonquins du Lac Barrière. Il est clair, à cet égard, que les drames que nous avons déjà connus sont remplacés par un climat de confiance de plus en plus clair, où, contrat par contrat, groupe par groupe, on apprend à travailler ensemble. Si on en veut un exemplaire, de ce contrat, vous pouvez l'avoir sans problème.

M. Sirros: À Maniwaki... Est-ce qu'on peut juste faire le bilan, rapidement, des dossiers qui sont encore en suspens avec Maniwaki, s'il y en a? Il y avait une série de dossiers qui traînaient.

M. Parizeau: L'entente... J'en ai parlé ce matin, c'est sous un autre nom, c'est l'entente de police.

M. Sirros: L'entente de police.

M. Parizeau: Ça vient d'être signé. Elle vient d'être signée en vertu de la loi 57 que le ministre de la Sécurité publique a présentée à l'Assemblée nationale et fait approuver. Ça, c'est une entente qui, en vertu de 57, a été préparée, signée. C'est réglé.

M. Sirros: Le ministre a parlé dans son introduction, cet après-midi, de rencontres entre les Cris et son adjoint parlementaire pour ce qui est de la reprise des négociations et de la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James. Où est-ce qu'on en est avec ça? Est-ce qu'il y a toujours, en plan, des procédures judiciaires des Cris? Est-ce qu'il y a eu quelque mouvement que ce soit de ce côté-là?

M. Parizeau: M. le Président, j'hésite un peu à m'avancer sur ce terrain-là. Mon adjoint parlementaire me fait rapport régulièrement sur la question. Je pense que nous sommes en mesure de faire, avec les Cris, des progrès importants. Mais la question du retrait des procédures judiciaires qui ont été entreprises, comment dire, je ne vais pas chercher à en minimiser l'impact. Je souhaiterais que cela soit retiré au fur et à mesure où on avance dans la possibilité d'une entente.

Mais je n'irai pas plus loin que ça. Il ne faut pas aller plus loin que ça. À l'heure actuelle, c'est activement en discussion, ces choses; on voit tout à fait ce qui serait souhaitable. Mais, comme on le sait, dans nos tractations du Québec avec le Canada, on sait très bien que, à un certain moment, ce qui est souhaitable n'est pas nécessairement réalisé. Alors, nous allons laisser les choses avancer, exprimer nos voeux, et puis voir ce qui se produit.

(21 heures)

M. Sirros: Parlons un petit peu du CAM, M. le Président. L'adjoint parlementaire a dit quelque chose, cet après-midi, qui m'a surpris beaucoup. Il a dit, et, si ma mémoire est bonne, je le cite, que les associations puis les intervenants non autochtones sur le territoire, on leur aurait dit de ne pas s'inquiéter, il faudrait qu'ils soient d'accord avec les propositions qui seraient faites aux autochtones. Je n'ai pas les mots exacts, mais je pense que je saisis bien le sens de ce qui a été dit. Ça me semble un virage, pour prendre ce mot-là, assez important par rapport à tout ce qui a été mis de l'avant jusqu'à maintenant, où le gouvernement gardait toujours sa marge de manoeuvre quant à la décision sur l'acceptabilité ou non de faire telle ou telle offre aux autochtones et de conclure une entente plutôt que d'assujettir le contenu d'une entente sur les intérêts particuliers que pourrait avoir tel groupe, tel groupe, etc. Et, ça, c'est bien différent de consulter, d'informer, de tenir compte des inquiétudes et des points de vue, des préoccupations légitimes, etc., de différents groupes. Mais est-ce qu'on est rendu au point où, avant d'envisager la signature d'une entente, il faudrait avoir l'accord de tous les autres intervenants également? C'est peut-être juste une clarification.

M. Parizeau: M. le Président, je vais demander tout à l'heure, si la commission est d'accord, à mon adjoint parlementaire d'élaborer sur ce processus de discussions.

On se comprend bien, il n'y a aucune espèce de raison pour laquelle on cherche des affrontements entre les communautés autochtones et, à défaut d'un meilleur terme, les Blancs qui vivent dans les régions circonvoisines. On a, au contraire, tout à fait intérêt à ce qu'ils se comprennent, à ce qu'ils se parlent et à ce que ce que le gouvernement propose soit considéré en tout cas comme intéressant de part et d'autre. Encore une fois, ce n'est pas toujours possible. On se comprend bien. Écoutez, il y a des endroits où, qu'est-ce que vous voulez, les affrontements ont été tellement aigus pendant tellement de temps qu'on ne peut pas y... Il n'y a qu'à Fatima qu'on fait des miracles. Bon. À d'autres endroits, au contraire, c'est beaucoup plus faisable, plus rapide, plus possible.

Nous avons tous été très impressionnés par les recommandations de la Commission nationale sur l'avenir du Québec à cet égard. Eux ont vraiment ramassé ce qui s'est passé sur le terrain. Tous ces présidents de commissions régionales n'ont évidemment pas boycotté la Commission. Eux savent ce que les 53 000 personnes ont dit.

«La Commission recommande que le gouvernement du Québec reconnaisse les droits des autochtones et négocie avec eux dans le respect de la constitution, du territoire et des lois du Québec – c'est bien, ça; associe les populations locales et régionales concernées par toute négociation d'entente avec les autochtones – c'est la première fois que ça sortait clairement comme ça; informe la population, particulièrement les autochtones, du contenu de toute entente à être négociée, du déroulement des négociations et de leurs résultats – éviter que ce soient simplement des discussions de chef à chef, Blanc ou autrement; diffuse davantage d'information sur la situation des autochtones, leurs droits ancestraux, leurs revendications et les sections du droit international qui les concernent.»

Je vais demander, à partir de là, au député de Vimont d'expliciter le processus de consultation qui s'est fait des deux côtés, singulièrement, à l'occasion de ce qui commence à être une sorte, je l'espère, une sorte de modèle là-dedans, c'est-à-dire l'entente avec les... enfin, non, le projet global d'entente avec les Attikameks et les Montagnais. Alors, si on me permet, je passerai ici la parole au député de Vimont, qui va expliciter tout ça.

M. Cliche: Dans les jours qui ont précédé le dépôt officiel de l'offre, du document, le 14 décembre 1994, nous avons rencontré, même à ce moment-là, avant le dépôt officiel, l'ensemble des utilisateurs et gestionnaires du territoire de 550 000 km² qui fait l'objet de leurs revendications et de la négociation avec les Attikameks et les Montagnais. Nous avions, à ce moment-là, fait une présentation verbale de ce que nous allions déposer dans les jours qui suivaient.

Le 14 décembre, lors du dépôt officiel de l'offre auprès des Attikameks et Montagnais réunis dans des salles de la région de Québec, nous avons, au même moment, envoyé par courrier recommandé copie de l'offre, copie du même texte, à l'ensemble des associations regroupant les utilisateurs gestionnaires de ce territoire. Je parle, par exemple, de la Fédération québécoise de la faune, de l'association des trappeurs du Québec, des 12 MRC concernées, des municipalités concernées, des gestionnaires de zecs concernées, des producteurs agricoles concernés, de l'association minière concernée, de l'Association des industries forestières, de l'association de l'industrie de sciage du Québec, de l'association des prospecteurs miniers du Québec, etc., etc.

Il nous apparaît important d'associer, et nous avions en ce sens précédé la conclusion de la Commission nationale, qui, dans sa grande sagesse, ayant écouté le peuple, la sagesse du peuple s'est exprimée... il nous apparaissait, même à ce moment-là, avant les conclusions de la Commission nationale, nécessaire de s'assurer que les populations locales et les utilisateurs, ceux qui, éventuellement, auraient à vivre et auront à vivre avec une entente et sa mise en oeuvre, soient associés le plus près possible de tout le processus de négociations.

Ce qui va suivre maintenant, c'est que toute modification au document déposé, qui sera le fruit d'une discussion, négociation avec le gouvernement du Québec, sera présentée à tous les organismes que j'ai mentionnés. Ces organismes ont aussi accès aux cartes topographiques qui décrivent les 4 000 km² de domaine autochtone qui, en ce moment, font l'objet de la proposition et les 40 000 km² qui font l'objet des territoires partagés.

Nous avons néanmoins réalisé qu'au-delà de ça nous devons maintenant penser à une opération, même encore peut-être plus large, d'information du grand public, parce que nous avons réalisé qu'informer la fédération régionale de la faune, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, c'est bien nécessaire – nous l'avons déjà fait, nous sommes rendus à plus de 40 rencontres de concertation-information avec les utilisateurs et gestionnaires du milieu – mais qu'il fallait, au-delà de ça, aussi informer les gens directement dans leur domicile et dans leur milieu.

Les termes que nous avons utilisés depuis le dépôt de l'offre, depuis la conférence de presse du 14 décembre, c'est qu'il nous apparaît important de nous assurer que, lorsque le gouvernement décidera, au nom de l'intérêt public, de signer des ententes, il ait la conviction que ces ententes sont – et c'est le terme que j'ai utilisé depuis le début et que je répète depuis le 14 décembre – agréables aux futurs utilisateurs, à ceux et à celles qui auront à vivre avec cette entente; que cette entente leur soit agréable.

Il serait inconcevable de penser signer derrière des portes closes, seulement entre le gouvernement du Québec et les nations autochtones concernées, des ententes et, après ça, d'imposer, si je peux m'exprimer ainsi, de telles ententes aux utilisateurs et gestionnaires du territoire. Au contraire, notre volonté politique et notre processus que nous avons mis en place vont carrément dans cette direction, que nous devons absolument, à notre point de vue, pour le succès de ces négociations, pour le succès de la mise en oeuvre éventuelle d'une entente elle-même éventuelle, associer le plus près possible, tout au long des négociations, l'ensemble des utilisateurs du territoire. Le processus est plus complexe, le processus risque d'être plus long, mais ceci reflète, je pense, un besoin exprimé clairement. Et, à ce moment-là, on n'avait pas, ça va de soi là, encore pris connaissance du rapport, qui n'existait pas, mais on a devancé un peu le rapport, parce que ça m'apparaissait, ça nous apparaissait évident – on en avait parlé avec les ministres concernés et avec le premier ministre – d'associer intimement tous les utilisateurs et gens du milieu à ces négociations, et c'est la clé du succès.

M. Sirros: J'essaie, M. le Président, de comprendre s'il y a quelque chose de substantiellement différent de ce qui avait déjà été prévu ou si c'est juste l'emballage qui a changé, puis on cherche à trouver une raison de donner une importance à un document que le premier ministre cite. J'essaie de comprendre si le choix des mots «il faut que ce soit agréable aux utilisateurs» veut dire quelque chose de réel, qui serait différent de ce qui avait déjà été prévu, qui était l'association étroite, la consultation, l'information, la mise à jour continuelle avec les différentes associations, et je pense qu'il y avait un plan de communications, d'échanges, de contacts, de tournées.

M. Cliche: Si vous aviez une politique d'association étroite...

M. Sirros: Ce que je veux comprendre...

(21 h 10)

M. Cliche: ...elle a été une faillite complète, parce que, lorsqu'on a pris le dossier, c'étaient les remarques... Les remarques universelles, c'était que les populations locales étaient laissées dans le noir et qu'elles ignoraient quelles étaient les intentions de votre gouvernement. Alors, nous avons une politique d'association qui a repris la place de votre politique qui n'en était pas une.

M. Sirros: Ça, c'est des interprétations que le député veut bien faire, mais il sait fort bien qu'au mois de septembre il y avait une entente globale qui avait été finalisée, et qu'il y avait de prévu, par la suite, à partir du mois de septembre, avant le dépôt... Donc, on ne peut pas nous accuser de ne pas avoir fait quelque chose qu'on n'avait pas l'opportunité de faire suite au 12 septembre, mais ce qui était prévu, c'était, avant le dépôt, de faire la tournée de toutes les associations. On avait déjà rencontré les unions des municipalités de comté, toutes les MRC, etc.

Donc, j'essaie de comprendre si ce qu'il nous dit aujourd'hui est substantiellement différent de ça ou si c'est juste l'emballage qui change. Est-ce que, et c'est le but de ma question, le député de Vimont a dit cet après-midi que, avant que les offres soient entérinées par le gouvernement, il faudrait qu'elles soient agréables – je pense que c'est le mot que, effectivement, il avait utilisé – aux autres utilisateurs? Est-ce qu'il y a un mécanisme quelconque de prévu? Est-ce qu'il va y avoir, par exemple, je ne sais pas, moi, une table parallèle qui va être mise sur pied, qui aura un droit de veto sur les ententes qui seraient signées? Ou est-ce que c'est juste une autre façon de consulter? Alors, est-ce qu'il y a formellement quelque chose de prévu pour donner un genre de substance à ce que le député nous dit être une approche ou est-ce que c'est juste un emballage qui a changé?

M. Parizeau: M. le Président, je vais répondre à cela. Oui, il y a quelque chose de fondamental...

Une voix: Qui a changé.

M. Parizeau: ...de changé. C'est que la première table de concertation où on peut appuyer une politique gouvernementale dans ce domaine, c'est le Conseil des ministres. L'ex-ministre conviendra qu'il s'est fait revirer de bord par son Conseil des ministres tellement souvent que ça justifierait ce changement important qui a fait que le dossier des autochtones relève maintenant du premier ministre. Ça assure, comment dire, un certain nombre de décisions plus rapides. Ça ne donne pas nécessairement plus d'argent, mais ça amène des décisions pas mal plus rapides. Ça s'est constaté dans un bon nombre de dossiers pour lesquels j'ai rendu hommage au député cet après-midi, mais dont il sait comme moi qu'il n'a jamais réussi à traverser son Conseil des ministres à ce sujet.

Et, là, le fait que ces dossiers relèvent du premier ministre assure, comment dire, un cheminement plus aisé au cours des premières étapes. Ça assure aussi, et ça aussi, c'est un changement important, que les négociations avec les populations locales ou avec les organismes régionaux se fassent nombreuses, tôt, rapidement, étant donné qu'il y a clairement une volonté politique d'exprimée de faire aboutir les choses. C'est un gros changement. Ça a l'air de rien, mais c'est un très gros changement. Il n'y a actuellement, dans ce domaine, aucune prime au délai, aucune prime au report, aucune prime à l'ambiguïté. C'est un très gros changement.

Et, évidemment, sur le plan des rapports avec les populations locales, ça a ses conséquences. Lorsque, par exemple, pour une raison d'incompréhension, au fond – maintenant, je le sais que c'est une question d'incompréhension – une association forestière du Québec a protesté contre certaines des dispositions de l'entente à l'égard des Montagnais et des Attikameks, de l'offre globale, on a pu les appeler directement, tout de suite, dès qu'on a vu de la protestation dans les journaux, en disant: Mais de quoi s'agit-il? Vous n'avez pas très bien saisi. Bon, 24 heures plus tard, cette question-là était atténuée. Pas complètement disparue, ça ne disparaît jamais complètement, mais, enfin, considérablement atténuée. C'est la raison fondamentale pour laquelle j'ai voulu que le dossier des autochtones reste entre les mains du premier ministre. Écoutez, c'est une question, M. le Président, qui touche presque à tous les ministères, mais qui – forcément, un peu comme l'action communautaire dont j'aurai un certain nombre de choses à dire cette semaine, puisque c'est la semaine du bénévolat – étant partout, n'est, en fait, nulle part. Et, s'il n'y a pas, au bureau du premier ministre, la volonté de faire aboutir ces dossiers, on est toujours un peu tenté de considérer, dans chacun des ministères, que c'est un peu la cinquième roue du carrosse. Ça, c'est un très gros changement. C'est un très gros changement.

Donc, je me résume. La volonté politique de faire en sorte que tout le monde soit consulté et la volonté politique que ça aboutisse, ça me paraît beaucoup plus important que la mise en place de structures nouvelles, imaginatives, différentes, à plus forte raison de vastes comités.

M. Sirros: Donc, si je comprends bien, on est rendu à évaluer le niveau de volonté politique qui peut exister puis le degré de volonté de consulter. Alors, si, moi, je vous dis, par exemple, que la volonté de consulter puis toutes les prévisions pour consulter, informer et tenir toutes les populations au courant et s'alimenter aussi de toutes leurs inquiétudes avant de signer quoique ce soit, c'était déjà présent, que la volonté politique de régler existait, bon, on va s'obstiner, de part et d'autre, à dire qui a le plus raison puis on ne pourra jamais aboutir.

Mais, si je comprends bien, donc, il n'y a pas vraiment de... il n'y a pas de mécanisme quelconque qui donne un droit de veto au groupe qui intervient sur le territoire. La conclusion d'une entente n'est pas assujettie, tel que j'ai pu le comprendre cet après-midi à partir des propos du député de Vimont, à un droit de veto des différentes associations ou utilisateurs du territoire autres qu'autochtones et gouvernementaux.

M. Parizeau: M. le Président...

M. Sirros: Il s'agit de vous assurer que vous tenez compte de ce que les gens vivent sur le territoire et que vous incluez ça dans l'analyse qui doit être faite de la pertinence ou non d'aller jusque-là, de clarifier un certain nombre de choses ou d'insister davantage sur d'autres. Mais il n'y a pas d'autre table, par exemple, parallèle, qui est mise à côté, où les propositions subséquentes à l'offre globale qui a été faite seront rediscutées avec les utilisateurs, et, sans leur accord, on ne pourra pas avancer. Mais ce n'est pas un sine qua non. C'est ce que j'essaie de comprendre.

M. Parizeau: M. le Président, je pense que le député a tout à fait raison. Oui, c'est vrai, nous n'en sommes pas aux structures. Peut-être sommes-nous à ce point britanniques qu'on est marqués par l'idée de «the proof of the pudding is in the eating». Bon. Ça n'a pas l'air de marcher trop mal. On aboutit, enfin. Bon. La volonté politique, il n'y a pas beaucoup de questions d'interprétation, M. le Président. Comment est-ce que le député de Laurier-Dorion explique ce qui s'est passé à Akwesasne? Des engagements pris par le gouvernement de Québec – signés; l'argent ne sortait pas; le Conseil du trésor refusait de payer – quelque chose de signé! Ce que j'ai dit cet après-midi au sujet d'Akwesasne sur l'école de formation professionnelle, sur les engagements de trois immeubles publics: le gouvernement de Québec était engagé pour des millions puis il ne payait pas.

(21 h 20)

Est-ce qu'on a une idée, M. le Président, du genre d'atmosphère que ça développe, du genre de sang de punaise que ça peut laisser, un gouvernement qui a signé puis qui ne paie pas parce que le Conseil du trésor désavoue le ministre responsable? C'est quelque chose, ça. Oui, la volonté politique, c'est vrai, ça consiste à régler les dossiers, à faire aboutir les choses, à régler les questions une par une, à rétablir le climat de confiance dont je parlais tout à l'heure. On me dira: Ce n'est pas instantané. Non, c'est vrai, ce n'est pas instantané. Mais ce n'est pas un comité ou une structure qui rétablit le climat de confiance. Jamais de la vie! C'est le fait que les choses aboutissent, et il faut les faire aboutir.

Et, moi, je suis assez fier, je vous avouerai, M. le Président, de voir qu'en quelques mois on a fait aboutir tellement de choses, des choses dont, à l'origine, l'idée était souvent, je l'ai dit aujourd'hui... Très souvent, le député de Laurier-Dorion a eu de bonnes idées, mais il n'arrivait pas à les faire passer. Une idée qui ne se concrétise pas, ce n'est pas une idée; enfin, en tout cas, ce n'est pas un projet. Une bonne intention qui n'aboutit pas, ça reste une bonne intention, ça devient à la limite un voeu pieux. Au fond, ce qui manque au député de Laurier-Dorion, c'est d'avoir travaillé pour un gouvernement comme le nôtre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Que Dieu nous protège! Que Dieu me protège!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: J'aurais beaucoup de difficultés, M. le Président, beaucoup, beaucoup de difficultés.

M. le Président, le premier ministre a parlé cet après-midi des royautés, une idée qui circule. Est-ce qu'il les voit comme associées à des projets spécifiques? Est-ce qu'ils les voit associées à toute l'activité économique qui se déroule sur le territoire? Est-ce qu'il les voit comme source de financement des gouvernements autonomes? Est-ce que c'est à partir de projets spécifiques? Est-ce que c'est à partir des profits qui peuvent être retirés de l'ensemble de l'activité économique? Est-ce qu'il pourrait juste élaborer un peu sur cette façon d'envisager le financement des gouvernements autochtones?

M. Parizeau: Je pense, M. le Président, que, pendant un bout de temps, nous allons fonctionner projet par projet, parce qu'il faut explorer. II ne faut pas seulement penser aux autochtones, il faut penser aussi aux compagnies qui s'engagent dans des opérations comme celles-là. Raglan est une sorte de cas exemplaire. Raglan nous a demandé... enfin Falconbridge. C'est le projet qui s'appelle Raglan. Raglan est en préparation depuis des années. Ça fait, je ne sais pas, moi, 25 ans, 30 ans que j'entends parler de ça, et là, à cause de l'augmentation du prix du nickel, ça devenait intéressant de procéder.

Autrefois, quand Falconbridge a pris ses claims dans le Nord, des questions de royautés payées aux autochtones, ça n'existait pas, il n'en était pas question. Là, au fond, Falconbridge a été un peu un novateur dans ce domaine. D'abord, ils ont décidé d'associer beaucoup plus étroitement la main-d'oeuvre inuit au projet, comme mineurs, comme techniciens dans la mine. Pour ça, il fallait les entraîner. C'est ça qui a amené à faire débloquer le projet d'école professionnelle là-bas. Une idée qui était bonne, mais qui était bloquée.

Deuxièmement, et je suis impressionné, je ne sais pas s'ils vont y arriver, dans le projet Raglan, à faire en sorte qu'une partie substantielle, enfin, un nombre, une proportion substantielle des mineurs soit éventuellement des Inuit. Enfin, on leur souhaite bonne chance. C'est du beau travail s'ils arrivent, je ne sais pas, moi, à faire en sorte que 40 %... Comment?

Une voix: Au moins une centaine.

M. Parizeau: Oui. Ils cherchent à préparer une centaine de mineurs inuit. Ce serait étonnant comme cas. Mais bravo! S'ils peuvent y arriver, on va leur donner tout l'appui qu'on peut.

Et, troisièmement, Raglan, Falconbridge était disposée à payer une royauté à la communauté inuit à la condition d'obtenir, et ça se comprend, une garantie du gouvernement du Québec que ce serait déductible des droits miniers qu'ils ont, d'autre part, à nous payer. Parce que là, évidemment, il ne pourrait pas y avoir... ça n'aurait pas de bon sens que Québec impose un certain nombre de charges à cette compagnie et que, d'autre part, les Inuit se sentent libres de charger n'importe quoi par-dessus. Donc, il y avait une sorte d'équilibre à avoir, de garantie à donner par le gouvernement du Québec et d'entente à intervenir entre Québec et les Inuit là-dessus, et ça s'est fait très bien, ça s'est fait en très peu de temps. On parlait tout à l'heure de ces rapports entre Blancs, autochtones et gouvernement. Eh bien, on en a un exemple parfait ici, et ça s'est fait très bien, sans histoire. Les gens de Falconbridge sont ravis de l'introduction des royautés; nous sommes très contents de l'introduction de ces royautés parce que c'est avec des moyens comme ceux-là que l'on va permettre à ces communautés de se développer normalement et, comment dire, de vivre correctement.

Mais ça n'a pas de bon sens qu'à l'heure actuelle, même si, cet après-midi, j'ai donné toute garantie que nous serions des tuteurs excellents, pour reprendre, comment dire, l'argumentation du député de Laurier-Dorion... Mais il faut quand même se rendre compte d'une chose: le fédéral et le provincial paient à l'heure actuelle aux autochtones du Québec 700 000 000 $ par an, 700 000 000 $. Bon. Plutôt que ça, et graduellement, il vaut tout de même mieux que ces populations gagnent, par le truchement de royautés sur les richesses naturelles... apprennent à générer leurs propres revenus. Alors, Raglan est un cas épatant, puis c'est une première porte ouverte là-dessus, puis j'espère qu'il va y en avoir d'autres. Mais on ne va pas commencer... On dit: Une alouette ne fait pas le printemps. On ne va pas, à partir de Raglan, généraliser la formule. Ça, ça a fait l'affaire de Falconbridge, ça a fait l'affaire du gouvernement de Québec, ça a fait l'affaire des Inuit. Prochain cas. Et, quand on en aura fait cinq ou six de ces cas-là, eh bien, là, on verra quel genre de politique on peut construire à partir de là. Mais soyons un peu empirique. Nous avons tout intérêt à ce que les communautés autochtones du Québec, les nations distinctes que sont les autochtones, gagnent leur vie, gagnent de l'argent. C'est ça qu'on doit viser, et ce n'est pas une question, comment dire, d'économie tellement qu'une question de dignité. Il est fondamental dans le monde d'aujourd'hui que chaque communauté, chaque groupe soit capable de gagner sa vie correctement et d'être fier de ce qu'il atteint.

À cet égard, M. le Président, je suis profondément impressionné, oui. C'est facile des fois de dire: Ah! les grandes compagnies font ceci, font ça, font n'importe quoi. Bon. Non, non, non. Je suis impressionné par le cas Raglan. On est en face d'une très grande compagnie, d'un gouvernement qui comprend et d'une communauté inuit qui montre une fois de plus – parce que ce n'est pas la première fois qu'elle fait ça – qu'elle a l'intention de, comment dire, prendre en main ses moyens de subsistance et de développement. C'est beau. C'est très beau. Et une seule chose que je regrette, et je reviens encore à ça: pourquoi on a attendu l'école de formation professionnelle chez les Inuit? Le décret a été passé, ça roule. Mais pourquoi on a attendu? Pourquoi on a tellement de cas au Québec où on a accroché les dossiers quelque part en chemin? C'est un peu notre rôle à l'heure actuelle de les décrocher et de les faire avancer, M. le Président.

Le Président (M. Simard): M. le député de Borduas.

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président, il y a deux communautés autochtones, deux nations autochtones avec lesquelles on a eu plus de difficultés au cours des dernières années, pour différentes raisons. Je pense que le premier ministre a abordé un certain nombre de questions en particulier reliées avec les communautés... la nation mohawk, et il y a également aussi des difficultés qu'on a eues avec la nation crie, en particulier à cause du dossier de la Baie James. La façon dont beaucoup de leaders cris ont décrié le Québec sur la scène internationale, ont fait valoir leur point de vue et ont défendu leur cause et, aussi, exprimé leur propre nationalisme – ils ont utilisé cette expression – de leur nation, mais en s'en prenant, finalement, à l'image du Québec sur la scène internationale... Moi, je voudrais savoir de la part du premier ministre: Est-ce que des choses ont été faites pour essayer de rétablir les ponts avec cette communauté-là, de telle sorte qu'on puisse entreprendre des discussions sur l'avenir d'une façon un peu plus constructive, ou si les rapports continuent d'être des rapports tendus et conflictuels et que les relations sont, pour le moment, assez difficiles et peu constructives?

M. Parizeau: Je pense que ça va beaucoup mieux. Le report sine die de Grande-Baleine a considérablement calmé les choses. Ce qui servait d'une sorte de carte d'attaque et de récriminations continuelles s'est atténué, maintenant n'a vraiment plus l'impact émotionnel à l'étranger que ça pouvait avoir. L'argument de: On va nous noyer nos terres; les gens sans âme et sans entrailles sont en train de faire disparaître notre mode de vie traditionnelle, tout ça est tombé par terre. Ce n'est plus le cas.

(21 h 30)

Sur le plan économique, ça se comprenait, on n'en avait pas besoin dans un avenir prévisible. Sur le plan, j'allais dire, politique, dans le sens le plus large du terme, ça a calmé le jeu. Et ça a permis avec les Cris de passer à autre chose, de commencer à discuter d'autres choses. Effectivement, je veux dire, ce n'est pas par hasard que l'entente sur la police que nous avons signée avec eux s'est déroulée, somme toute, sans histoire. Il y avait un problème sérieux de ce côté-là, ça s'est réglé.

Les tractations qui ont commencé, pour des raisons essentiellement de développement économique, entre un représentant cri et le député de Vimont, auxquelles il faisait état un peu plus tôt ce soir, sont intéressantes, ça se déroule pas mal. Ah! je ne dis pas que tout est au beau fixe. On se comprend. Mais une chose est claire, c'est que l'atmosphère a été nettoyée. La question du retrait de Grande-Baleine a eu l'effet d'un courant d'air agréable. Ça a chassé les miasmes d'un débat qui devenait à la fois trop politique, trop émotif et qui avait trop peu d'impacts économiques réels sur le Québec pour que ça vaille la peine de le continuer. Dans ce sens-là, oui, je peux dire que ça va mieux.

Maintenant, écoutez, on revient de loin. Ne nous faisons pas d'illusions quand même, là. Là, s'il y a un cas où il faut y aller cas par cas, dossier par dossier, étape par étape, petit pas par petit pas, c'est avec les Cris. Il faut bien penser à ce qui s'est dit puis à ce qui s'est promené dans le décor pendant longtemps. Mais ça vient, c'est mieux, c'est mieux, c'est pas mal mieux.

M. Charbonneau (Borduas): À cet égard-là, est-ce que vous avez des indications, M. le premier ministre, que les Cris participeraient, eux aussi, à la conférence dont on parlait plus tôt cet après-midi, une espèce de réunion, ou si...

M. Parizeau: Je ne sais pas. Non, ça, je ne peux pas vous le dire.

M. Charbonneau (Borduas): À ce moment-ci...

M. Parizeau: Non, ça... Au point où on se parle actuellement, je n'en sais rien. Il faut comprendre que les discussions qui ont été amorcées quant à cette réunion dans quelques semaines, là, sont amorcées avec la direction québécoise des premières nations. Alors, probablement, ça se situe entre le député de Vimont et la direction de ces premières nations, la direction québécoise, c'est-à-dire M. Picard. C'est à ce niveau-là que ça se fait. Quant à la façon dont ça va se produire ou apparaître, je n'en sais rien. Rappelez-vous ce que, cet après-midi, le député de Laurier-Dorion nous disait, c'est qu'une proposition pour un forum permanent avec les premières nations a été refusé deux fois en dépit de tous ses efforts. Alors, je tends...

M. Sirros: Pas par le gouvernement, par les autochtones.

M. Parizeau: ...à nouveau la main. Je tends à nouveau la main.

M. Charbonneau (Borduas): La réponse du premier ministre m'incite à lui poser une question peut-être un peu embêtante, c'est: Est-ce que, compte tenu de l'expérience que le député de Laurier a eue et celle que vous êtes en train de vivre... en tout cas, vous espérez que ça tourne mieux, et je pense que ce n'est pas à nous de contester ou... c'est-à-dire de choisir l'interlocuteur. Mais, puisqu'il y a 11 premières nations au Québec, est-ce qu'un rapport direct avec chacune d'entre elles pour qu'elles participent à quelque chose de commun ne serait pas plus préférable à un contact avec une instance qui, finalement, représente tout le monde, mais où les... Je ne sais pas quelle est la dynamique à l'intérieur de cette instance-là.

M. Parizeau: C'est possible. Alors, c'est possible, mais, étant donné que les premières nations, section Québec si on peut dire, ont demandé cette rencontre, on ne peut pas dire: Non, nous refusons de parler avec vous. Nous allons parler avec chacun des groupes. Alors, il faut passer par là. Vous voyez, il faut passer par là. Ce qui ne veut pas dire qu'on exclut d'emblée et à l'avance des rassemblements multilatéraux d'une série de contacts bilatéraux. Il n'y a pas de doute qu'à l'heure actuelle ce qui a débloqué le mieux, ce sont les contacts bilatéraux, surtout quand ils sont concrets, surtout quand ils portent sur des choses très spécifiques à régler. Ça va bien. Ça ne va pas mal. Ça va inégalement, bien sûr, mais ça ne va pas mal. Ça ne va pas mal. Mais là, tout à coup, nous nous trouvons devant l'Assemblée des premières nations, section Québec, qui dit: On voudrait vous rencontrer. On ne peut pas dire non. On peut discuter du genre d'agenda qu'on veut traiter. Oui, ça, bien sûr, c'est ce qu'on fait. Bon. Mais là, passé ça, je ne peux pas en dire plus. Je ne sais pas comment ça va tourner.

M. Charbonneau (Borduas): Juste une dernière question, M. le Président, à ce propos-là. En fait, la réponse du premier ministre m'a fait penser à un problème et une solution qu'on a trouvée dans un autre domaine, actuellement. C'est-à-dire qu'on est arrivé au pouvoir et on a remarqué – on l'avait dénoncé comme députés dans l'opposition – les préjugés qui accablent beaucoup les assistés sociaux, pour toutes sortes de raisons, et on a actuellement une campagne qui vise à sensibiliser les Québécois, même à la télévision, contre ces préjugés. Compte tenu des tensions qui ont été vécues entre ce que vous appelez les Québécois blancs, cet après-midi...

M. Parizeau: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Borduas): ...et les autochtones, entre les autochtones et les autres Québécois, et, compte tenu du fait qu'effectivement les préjugés très forts se retrouvent chez les non-autochtones à cause de la crise d'Oka, d'une part, et à cause de l'attitude dont on parlait il y a quelques instants, c'est-à-dire sur la scène internationale, la nation crie à l'égard du dossier de la Baie James, est-ce qu'il ne serait pas intéressant d'envisager une campagne aussi pour amener les gens à réaliser qu'ils ont développé, dans ces crises-là et dans ces situations conflictuelles là, des préjugés? Qu'il y ait une espèce d'action gouvernementale qui amène les gens à prendre conscience qu'on est rendu, à certains égards, à l'endroit de certaines nations autochtones, avec des préjugés qui sont dangereux pour l'avenir, et que, là aussi, il y aurait peut-être moyen de faire en sorte que la pression baisse, par une prise de conscience, un peu comme on le fait à l'égard des assistés sociaux actuellement?

M. Parizeau: À un moment donné, des campagnes de grande ampleur dans l'opinion publique vont devenir nécessaires. J'imagine bien, oui, qu'il y a des gens qui vont se souvenir très longtemps de ce que le Mohawk blanc de Jonquière, comme il s'appelait, juste avant d'être arrêté, appelait les cigarettes à plumes. Des choses comme ça, ce sont des images qui demeurent dans l'opinion publique longtemps, longtemps, et qui laissent des traces.

Il va falloir, à un moment donné, là, s'adresser à l'ensemble de la population du Québec pour dire: Bon, écoutez, certaines émotions ont été trop loin; il faut revenir à un certain sens commun, à quelque chose de raisonnable. Mais, avant de faire ça, je veux être capable de montrer des résultats. Je veux être capable de montrer des – comment dit-on en anglais? – des «success stories». C'est pour ça que l'affaire Raglan est tellement importante à mes yeux. Trois, quatre beaux cas comme ça qui marchent bien, où on démontre, où on peut démontrer qu'entre les autochtones et puis ceux que vous avez appelés les autres Québécois, il y a moyen de se comprendre. Moi, je veux un bon contrat d'aménagement du territoire entre une MRC et puis une bande de Montagnais, puis qui marche, qui fonctionne. Ça, quelques beaux cas comme ça, là, quelques bons exemples vont faire plus pour appuyer une campagne...

Je suis d'accord avec vous. À un moment donné, il va falloir s'adresser à l'opinion publique, mais pas leur dire: Les impressions que vous avez gardées de la crise que vous avez connue sont de mauvaises impressions, mais: Regardez comme ça a marché, regardez comme ça a avancé, regardez comme on a corrigé des choses, regardez comme ça va mieux. C'est tellement plus facile. Enfin, en tout cas, c'est un pari que je fais, moi. Avancer par petits pas, réaliser des choses, puis, ensuite, montrer à tout le monde: Regardez, ça peut marcher.

M. Charbonneau (Borduas): C'est la stratégie du Sioux que le premier ministre nous propose.

M. Parizeau: Ha, ha, ha!

(21 h 40)

Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui. M. le premier ministre, malgré l'image monolithique que certains médias, et principalement les médias anglophones, ont voulu nous donner de la communauté autochtone, on a vu sporadiquement par des manifestations des femmes, entre autres à Akwesasne, contre l'implantation de casinos et également par la prise de position de certains groupes de femmes autochtones par rapport à Ovide Mercredi et au chef des premières nations, que ce n'était pas si monolithique et qu'au contraire les femmes autochtones avaient des revendications qui étaient très importantes et qui ressemblaient beaucoup aux nôtres. Pourriez-vous nous dire quels sont les liens qui ont été établis avec ces groupes de femmes autochtones et si ces groupes ont fait appel au gouvernement du Québec pour les appuyer dans leurs revendications?

M. Parizeau: Il y a eu pas mal, à cause de la personnalité de certaines de ces femmes assez remarquables, il y a eu beaucoup de contacts sur le plan personnel. Leur association est aidée par le gouvernement du Québec, par le Secrétariat, à concurrence d'à peu près 250 000 $ par année. D'autres ministères fournissent un peu de financement. Donc, sur le plan du financement, on fait ce qu'on a, je pense, à faire, mais je ne vous cacherai pas que j'aimerais que les rapports, comment dire, soient plus nombreux et plus faciles. Ça ne l'est pas nécessairement. Ce n'est pas facile, d'une société à une autre, de traiter avec un segment seulement de cette société-là. À l'intérieur d'une société, on peut dire: Bon, bien, telle association de femmes et telle association de jeunes et puis d'aînés sont en contact les uns avec les autres. Mais, de société à société, on sent que ça reste, à mon sens en tout cas, un peu malaisé, un peu malaisé. Puis je le regrette parce que, sur le plan personnel, au fond, les rapports sont très, très cordiaux. Il y a à trouver, je ne sais pas, des formes de rapprochement que, je pense, on n'a pas encore trouvés de notre côté. Mais, enfin, bon, il faut essayer. Mais, sur le plan, encore une fois, de l'appui financier que l'on doit donner à cette association, c'est très correct. Il n'y a pas de problème du tout.

J'aimerais cependant... Je suis convaincu que c'est par les enfants que les vrais rapprochements vont se faire au cours des années. On peut régler, comme je le disais tout à l'heure, les problèmes ponctuels, puis montrer à tout le monde que ça peut marcher entre nous, mais il reste que c'est par les enfants – j'allais dire, des deux côtés – c'est par les écoles qu'on va se comprendre. Pas tellement femmes ou hommes que enfants. C'est là que ça va démarrer.

Je ne vous cacherai pas que je trouve que c'est une sorte de tragédie que les Québécois aient sacrifié l'enseignement de l'histoire dans leurs écoles. S'il y avait un point où on pouvait se retrouver, les autochtones et ceux qu'on appelle les Blancs, c'était autour de notre histoire. Mais, d'abord, un gouvernement qui n'est pas le nôtre a décidé d'être le seul gouvernement en Occident à abolir l'enseignement obligatoire de l'histoire. Personne n'a jamais compris exactement pourquoi. Il faut dire que ça a été aboli par le même ministre qui disait que les ordinateurs parlent anglais. Bon, soit.

Nous avons, en revenant au pouvoir en 1976, rétabli l'enseignement de l'histoire de façon obligatoire, mais à une échelle qui paraît encore bien minime. Mais ne nous faisons pas d'illusions, on ne peut pas partager avec les autochtones des siècles d'histoire comme on l'a fait et faire en sorte que, sur le plan, justement, de l'histoire, nos enfants se comprennent, s'acceptent, se connaissent aussi mal. Il y a un problème majeur là. Et je ne sais pas si on ne peut pas, à un moment donné, rejoindre les enfants par les femmes autochtones. Enfin, un jour, je vais essayer. Mais il faudra d'abord que nous, on change là-dessus, là, bon, qu'on accepte enfin que notre histoire reflète toute la richesse de la tradition autochtone. Ça n'a aucun sacré bon sens que, nous, qui avons été associés de tellement près au développement du continent, en collaboration extraordinairement étroite avec les autochtones, qui sommes responsables avec les autochtones de l'apparition de la nation métisse, on ne sache plus, nos enfants ne sachent plus de quoi il s'agit. Ce n'est pas facile d'établir des rapports autres qu'économiques ou financiers, ha, ha, ha! dans un cadre comme celui-là.

Le Président (M. Simard): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Cliche: Si vous me permettez, M. le premier ministre, à titre d'information pour la commission. Nous évaluons en ce moment un projet fort intéressant qui me fut présenté et qui fut aussi présenté au ministère de l'Éducation du Québec pour un court programme pédagogique dans les écoles primaires, fin du primaire et début du secondaire, dans les régions où il y a cohabitation entre des communautés autochtones et des communautés non autochtones. Il y a eu un début cette année, et les résultats sont positifs, et on pense à améliorer ou accélérer, agrandir le bassin d'étudiants qui recevraient, tant au niveau des écoles autochtones que de nos écoles, une espèce de cours d'histoire, mais aussi de compréhension mutuelle de nos cultures et de notre cohabitation. Et le travail avec les enfants, naturellement, c'est du travail à long terme, qui va produire des adultes, si je peux m'exprimer ainsi, qui vont mieux cohabiter et travailler ensemble dans 10 ans, 15 ans, 20 ans. Mais on porte une attention particulière à cette éducation des enfants.

Le Président (M. Simard): Pour organiser notre temps pour permettre au premier ministre et au représentant de l'opposition d'avoir quelques remarques finales, je vais reconnaître le député de Laurier-Dorion et, ensuite, le député de Borduas, suivi du député de Vachon, et, ensuite, je demanderai au premier ministre de conclure, et au représentant, au porte-parole de l'opposition.

M. Sirros: Oui, M. le Président, j'aimerais juste avoir l'occasion de... J'aurais deux, trois questions de détail à la fin peut-être, que je garderai à la fin. Mais je ne pourrai pas...

Le Président (M. Simard): C'est la fin, M. le député.

M. Sirros: Pardon?

Le Président (M. Simard): Vous risquez de ne plus avoir le temps si vous ne les posez pas maintenant.

M. Sirros: Oui. Bien, O.K. D'accord. Donc, avant de les poser, j'aimerais quand même poser, avant de terminer ce survol des nations, poser une autre question sur une nation qui... en tout cas, sur les Micmacs. J'allais dire un dossier qui est cher au directeur de la recherche et des politiques, de l'autre côté. J'ai cru comprendre qu'il y a des discussions en cours avec les Micmacs de Listuguj. Est-ce qu'on peut juste faire le point sur ça et surtout faire le point en fonction de la saison de pêche au saumon qui s'en vient. On sait qu'à chaque année, avec peine et misère, on réussit tant bien que mal à s'entendre, entre guillemets, avec les Micmacs de Listuguj sur la pêche au saumon. Est-ce que les discussions, à l'heure actuelle, incluent ce volet-là? Est-ce que ce sont des discussions ad hoc? Est-ce que ce sont des discussions qui viseraient la conclusion d'une entente générale d'autonomie gouvernementale? Et est-ce que le premier ministre a eu droit à une séance d'information sur les Micmacs?

M. Parizeau: M. le Président, je vais demander à M. Magny de faire état des conversations que, si je comprends bien, M. Larocque a eues et que lui-même a eues avec Mme Miller, pour ce qui a trait à une série de dossiers micmacs. Si on me permet, je vais demander à M. Magny de faire rapport à ce sujet.

(21 h 50)

M. Magny (André): M. le Président, il y a eu une rencontre, effectivement, à Listuguj, le 12 avril. Il y a un certain nombre de points qui ont été portés à notre attention. C'est des dossiers qui sont discutés depuis un certain nombre d'années. Il y en a qui ont fait l'objet d'ententes spécifiques. Mais je vais simplement vous les énumérer.

Il y a eu le dossier, par exemple, de la protection de la jeunesse, un dossier qui avance assez rapidement, avec le ministère de la Santé et des Services sociaux.

À l'heure actuelle, il y a un projet – comme ils l'appellent dans leur langage, un projet de MOU – qui est pratiquement terminé, pratiquement finalisé.

Il y a le dossier également de la sécurité publique, l'implantation et l'installation d'un service policier à Listuguj. Ça, ce dossier-là aussi évolue plus lentement, mais évolue de concert entre le ministère de la Sécurité publique et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Il y a le dossier également du traitement des eaux usées. C'est un dossier qui est conjoint, un projet conjoint avec la municipalité contiguë de Pointe-à-la-Croix. Également, ce dossier-là, il est très actif au moment où on se parle. Il y a des rencontres, je pense, qui ont eu lieu même cette semaine.

Il a été question également du développement économique, toute la question d'un CAAF, d'un contrat d'approvisionnement forestier, qui a été attribué à l'ancien chef. Bon, il voudrait récupérer ce contrat.

Le dossier peut-être le plus d'actualité, compte tenu de la saison de pêche qui est...

M. Sirros: Ce contrat a été récupéré par le Conseil de bande?

M. Magny (André): Il ne l'a pas été. C'est en discussion, à l'heure actuelle, avec le ministère des Ressources naturelles. Mon souvenir, c'est qu'il a été enlevé à l'ex-chef, M. Ronald Jacques. Là, pour le moment, il y a des discussions quant à la réattribution de ce CAAF, mais je n'ai pas de détails. Ce n'était pas conclu, en tout cas, au moment de ma rencontre avec Mme Brenda Miller.

Le dernier dossier, c'est le dossier sur la pêche, qui va être plus d'actualité dans les prochaines semaines, la pêche au saumon, la pêche au filet dans la rivière Ristigouche. Elle était très confiante, très optimiste de pouvoir signer cette année. Suite aux échanges qu'elle a avec ses représentants et la direction régionale du ministère de l'Environnement et de la Faune, elle est très confiante d'avoir une entente sur une base de contrat de services pour l'engagement, en quelque sorte, de gardiens ou de surveillants pour la pêche au saumon par les Micmacs de Listuguj. Elle était très optimiste. Elle s'attendait d'avoir des conclusions assez concrètes à l'égard de ce contrat de services éventuel entre le ministère de l'Environnement et de la Faune, un comité de concertation du bassin hydrographique de la Ristigouche et la communauté de Listuguj.

Voilà, en substance, les sujets qu'on a discutés. Ç'a été, somme toute, une réunion assez encourageante. Il y a un certain nombre de dossiers qui évoluent assez bien.

M. Sirros: Vous avez eu une réunion le 12 avril? C'est ça?

M. Magny (André): Pardon?

M. Sirros: Une réunion le 12 avril?

M. Magny (André): Oui, la réunion que j'ai tenue avec Daniel Larocque, c'était le 12 avril, à Restigouche.

M. Sirros: O.K. J'avais, en terminant, M. le Président, deux, trois questions quant au document que vous nous avez transmis.

Une voix: ...

M. Sirros: Pardon?

Le Président (M. Simard): Vous n'aurez pas préparé ce document pour rien.

M. Sirros: Voilà.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Mais c'est vraiment des...

Le Président (M. Simard): Mais nous terminerons à 22 heures, comme prévu. Donc, ça ne laissera pas de place à des remarques finales si...

M. Sirros: On a fait pas mal de remarques durant la soirée puis durant l'après-midi, M. le Président. Alors, on a fait beaucoup de remarques.

Dans les renseignements sur la liste des contrats de services de moins de 25 000 $, il y a 11 000 $ et quelques à une certaine Élaine Dumais pour participer aux réunions et produire un document de recherche sur la question de l'autonomie gouvernementale des autochtones. Est-ce qu'on pourrait avoir copie de ce document-là?

M. Magny (André): Quel est le nom du contrat de services? Avec quelle firme?

M. Sirros: C'est Élaine Dumais...

M. Magny (André): Élaine Dumais. Oui, tout à fait. Oui.

M. Sirros: O.K. Non, c'est juste... Et question vraiment de détail et de curiosité.

M. Cliche: M. le député, c'est vous qui l'aviez donné, ce contrat-là.

M. Sirros: Bien oui, c'est pour ça que je voudrais avoir le document.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: C'est pour ça que je voudrais avoir le document.

M. Parizeau: Nous vous fournirons...

Une voix: On n'a rien contre le document. Puis on veut avoir le résultat.

M. Sirros: On veut avoir le résultat. Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Nous fournirons au député de Laurier-Dorion, avec plaisir, le fruit de ses oeuvres.

M. Sirros: Merci beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Et les vôtres, si vous voulez. Je prends tout. Par curiosité et détail. Mais par curiosité, quant au programme 2, question 13. À la question 13, on dit qu'il y a deux professionnels et deux personnels de bureau qui reçoivent un traitement supérieur à celui prévu pour la tâche. Je ne me rappelle pas c'était quoi, si ça existait. Si ça n'existait pas, c'est quoi au juste? C'est qui?

M. Parizeau: M. Magny.

M. Magny (André): M. le Président, ce sont des personnes qui, compte tenu de l'horaire de travail qui, en général, si je me rappelle bien, dépasse l'horaire de travail régulier d'une journée, reçoivent un genre de forfaitaire, compte tenu de cette situation qui est régulière. Ce n'est pas exceptionnel. Elles travaillent d'une façon pratiquement continue, plus que l'horaire normal de travail. Les noms des personnes, je pourrai vous les procurer, mais je n'ai pas ça en mémoire.

M. Sirros: Les explications me suffisent.

M. Magny (André): Très bien.

M. Sirros: C'était par curiosité, comme je vous dis. Dernière question de détail. C'est qui, maintenant, l'agent de liaison à Akwesasne?

M. Magny (André): Comment s'appelle-t-il?

Une voix: ...

M. Magny (André): Pardon?

Une voix: Boyer, François Boyer.

M. Sirros: L'ancien est devenu chef...

M. Magny (André): Le même, François Boyer. François Boyer.

M. Sirros: O.K. L'ancien était devenu chef, Russell Round Point.

M. Magny (André): C'est François Boyer, que nous avons renouvelé.

M. Sirros: François?

M. Magny (André): Boyer.

M. Sirros: Boyer. C'est un Mohawk, ça? Il y a un Mohawk qui est normalement agent de liaison avec le gouvernement du Québec et Akwesasne.

M. Magny (André): Je m'excuse, là. Je n'ai pas son nom. Je ne sais pas, là.

M. Parizeau: On fournira, M. le Président, le nom...

M. Sirros: Et je serai...

M. Parizeau: ...avec alacrité, comme on dit en anglais.

M. Cliche: M. le Président, en terminant...

M. Parizeau: Mais, habituellement, quand il y a quelque chose qui grouille de ce côté-là, c'est le chef Mitchell qui m'appelle.

M. Sirros: Le chef Mitchell est...

Une voix: Russell Round Point.

M. Sirros: ...le chef Round Point.

M. Parizeau: Non, non, non...

M. Sirros: Il a quitté, le chef Mitchell?

M. Parizeau: C'était une délicate allusion à l'époque où le chef Mitchell, au moment où on se tirait dessus dans Akwesasne, n'arrivait pas à rejoindre le premier ministre du Québec, n'arrivait pas à entrer en contact avec le ministre de la Sécurité publique. Il a donc rejoint le chef de l'opposition pour faire aboutir les choses. C'était une discrète allusion, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Et, discrètement, le premier ministre avait suggéré, à l'époque, qu'on fonce, hein?

M. Cliche: M. le Président, il est dommage que le député, que le critique officiel de l'opposition...

M. Sirros: Le chef de l'opposition à l'époque.

M. Cliche: ...à 21 h 58, s'intéresse aux crédits, parce que nous aurions aimé souligner, j'imagine, ce qu'il a vu, par exemple l'enveloppe budgétaire prévue pour les attachés politiques qui, de son temps, étaient au nombre de six ou sept attachés politiques, alors qu'en ce moment il n'y a pas d'attaché politique d'attaché au dossier autochtone.

M. Sirros: ...exécutif, ça va. Ça va.

M. Cliche: Donc, nous aurions pu discuter en long et en large des économies réalisées cette année, considérables, des réductions de budget du SAA et des économies importantes que le gouvernement du Québec a pu faire et avec des résultats que l'on sait.

Le Président (M. Simard): Je suis sûr que vous privez la commission d'une question importante, mais il est 21 h 58, et je dois mettre fin à nos travaux. M. le premier ministre, avez-vous une remarque finale à faire? Et je demanderai la même chose à M. le député de Laurier-Dorion.

M. Parizeau: M. le Président, tout ce qu'il me reste comme remarque pour terminer cet échange, c'est d'indiquer à quel point j'ai trouvé ça profondément intéressant. Je remercie les membres de la commission et je souhaite que nous puissions continuer à discuter de ces dossiers, toujours un peu délicats, avec le même sérieux que nous y avons apporté aujourd'hui. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le premier ministre. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je tiens à assurer le premier ministre que ce sera certainement toujours avec le même sérieux et, j'espère, le même calme, à l'encontre de ce qu'on a déjà connu dans d'autres circonstances, et je tiens à lui souhaiter, du fond de mon coeur, bonne chance avec plusieurs dossiers. Je souhaite que le forum qu'il reprendra sera accepté cette fois-ci, quoique j'aie certains doutes. Mais c'est une excellente occasion pour pratiquer sa patience. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Merci. Comme il n'y a pas de vote, nous voterons sur cet élément du programme lorsque nous aurons fini le programme. Merci. Bonsoir. Et nous ajournons sine die.

Une voix: À demain.

Le Président (M. Simard): À demain, 10 heures. Le «sine die» est très court.

(Fin de la séance à 22 heures)


Document(s) associé(s) à la séance