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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 21 mai 1996 - Vol. 35 N° 18

Consultation générale sur le document de réflexion proposant des amendements à la Loi électorale


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Roger Paquin, président suppléant
M. Pierre Bélanger
M. Guy Chevrette
M. Yvan Bordeleau
M. David Payne
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Lawrence S. Bergman
M. Joseph Facal
M. Christos Sirros
M. François Beaulne
*M. Yves Lafontaine, Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse
*M. Pierre Bosset, idem
*M. Ghislain Dufour, CPQ
*M. Jim Hewitt, idem
*M. Michel Cloutier, CNQ
*M. Jean Gagnon, idem
*Mme Catherine Gonis, Congrès hellénique du Québec
*M. Athanasios Hadjis, idem
*M. Alain Painchaud, parti Développement Québec
*M. Matthew Wilson, Students' Society of McGill University et
Students' Representative Council of Bishop's University
*Mme Elizabeth Harvey, idem
*Mme Lyne Gallant, Conseil patriotique du Québec
*M. Patrice Fortin, idem
*M. Claude Brunelle, Parti marxiste-léniniste du Québec
*Mme Hélène Héroux, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, mesdames et messieurs. Je rappelle le mandat de la commission: procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques sur le document de réflexion proposant des amendements à la Loi électorale.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements aujourd'hui?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fournier (Châteauguay) est remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Lefebvre (Frontenac) par M. Lafrenière (Gatineau); et M. Mulcair (Chomedey) par M. Bergman (D'Arcy-McGee).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, l'ordre du jour aujourd'hui: nous entendons d'abord, ce matin, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et, à 11 heures, nous entendrons le Conseil du patronat. Nous suspendrons nos travaux vers 12 heures.

(10 h 10)

Cet après-midi, à 15 heures, nous entendrons la Chambre des notaires du Québec et, à 16 heures, le Congrès hellénique du Québec; à 17 heures, le parti Développement Québec et, à 18 heures, nous entendrons le Students' Society of McGill University et le Students' Representative Council of Bishop's University. La suspension des travaux à 18 h 30.

À 20 heures, ce soir, nous entendrons M. Armand Paré; à 20 h 30, le Conseil patriotique du Québec; et, à 21 heures, le Parti marxiste-léniniste du Québec. Nous ajournerons nos travaux à 22 heures.

Alors, Me Lafontaine, vous disposez d'une heure, soit 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et ensuite 40 minutes seront consacrées à des échanges avec nos parlementaires.

Pour les fins d'enregistrement de nos échanges, j'aimerais aussi que vous identifiiez la personne qui vous accompagne.


Auditions


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

M. Lafontaine (Yves): Merci, M. le Président. À ma gauche, Me Pierre Bosset, de la Direction de la recherche de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Je veux d'abord remercier la commission de nous recevoir. Je tenterai de me rendre, disons, au voeu du président puis de présenter ça dans les 20 minutes qui me sont imparties; je compte que vous me ferez signe si jamais on excédait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Parfait.

M. Lafontaine (Yves): Dans le cadre de son mandat d'examen des lois du Québec et de promotion des droits et libertés, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est heureuse de présenter à la commission des institutions ses commentaires sur des propositions d'amendement à la Loi électorale soumises à la réflexion publique par le Directeur général des élections. Les commentaires de la Commission sont basés sur le caractère fondamental du droit de vote consacré à l'article 22 de la Charte, qui se lit comme suit: «Toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d'une élection et a droit d'y voter.»

Ils tiennent compte également des autres dispositions de la Charte, notamment celles relatives au respect de la vie privée et à la liberté d'expression.

La Commission estime que, dans l'ensemble, les propositions du Directeur général des élections sont de nature à favoriser l'exercice des droits reconnus par la Charte et méritent un examen sérieux de la part du législateur. La Commission désire également attirer ici l'attention des membres de la commission des institutions sur d'autres aspects pouvant être considérés lors d'une éventuelle révision des dispositions de la Loi électorale.

L'exercice du droit de vote. Le droit de vote est le fondement de toute société démocratique et son exercice doit être promu par le législateur. Outre les dispositions touchant la qualité d'électeur en tant que telle, non visées par les propositions sous étude, l'exercice effectif du droit de vote dépend, entre autres, de l'équité du processus de révision des listes électorales, de la possibilité de voter sans égard à certains empêchements liés à l'état de santé, de même que de la clarté du choix qu'exprime l'électeur sur son bulletin de vote. Sur tous ces points examinés ici tour à tour, les propositions du Directeur général des élections permettraient de bonifier notre législation électorale.

D'abord, la révision des listes électorales. En ce qui a trait à la révision des listes électorales, le document de réflexion que vous connaissez propose... Je m'abstiendrai, disons, de lire cette partie-là.

La Commission ne peut qu'être d'accord avec ces propositions qui faciliteraient l'inscription de l'électeur à l'endroit approprié sur la liste électorale et, par là même, l'exercice du droit effectif du droit de vote garanti à l'article 22 de la Charte. Elle se réjouit, de plus, de voir que seraient mises en place des procédures d'avis et d'audition, conférant au processus de révision un caractère équitable conforme à l'article 23 de la Charte. La Commission appuie donc les propositions faites à cet égard.

La possibilité de voter sans égard à certains empêchements liés à l'état de santé, les personnes absentes de leur domicile pour des raisons de santé. En règle générale, l'électeur doit voter dans la section de vote où il a son domicile. La loi permet cependant de déroger à cette règle dans des circonstances précises, c'est-à-dire: études, travail ou hébergement dans un établissement - on spécifie - du réseau des affaires sociales.

Relativement à cette dernière exception, il faut noter le caractère limitatif des possibilités de dérogation. Ne sont pas visées notamment les situations où l'électeur réside dans un établissement n'appartenant pas au réseau des affaires sociales; par exemple, un établissement privé. Les possibilités de dérogation ne s'appliquent pas non plus lorsque l'électeur souffrant de problèmes de santé est hébergé chez un parent ou un ami.

Comme le souligne avec beaucoup d'à-propos le document de réflexion, de telles situations ne peuvent qu'aller en augmentant avec la restructuration du réseau des affaires sociales et la politique du virage ambulatoire. Les dispositions actuelles de la loi pénalisent les personnes qui se trouvent dans une telle situation puisqu'elles les empêchent de voter là où elles résident. Est-il besoin de rappeler que ces personnes ont par ailleurs la qualité d'électeur et que la situation d'empêchement où elles se trouvent est due à des circonstances sur lesquelles elles n'ont pas de contrôle. De l'avis de la Commission, l'exercice effectif du droit de vote et le droit à l'égalité sans discrimination qui soit fondée sur le handicap exige ici que des correctifs soient apportés.

En conséquence, la Commission appuie fortement les propositions visant à permettre à un électeur qui s'absente de son domicile pour recevoir des soins de santé ou pour un programme de réhabilitation de s'inscrire à son choix, et peu importe la nature du lieu où il réside, au lieu de son domicile ou de sa résidence. Deuxièmement, évaluer l'opportunité d'introduire des règles et critères permettant d'identifier d'autres établissements que ceux prévus par la loi et dans lesquels le vote itinérant pourrait être tenu.

Maintenant, le vote des personnes incapables de marquer leur bulletin. La Commission a récemment été saisie de demandes soulevant la question de la conformité des dispositions de l'article 347 de la Loi électorale par rapport à la Charte. Cet article concerne l'électeur incapable de marquer lui-même son bulletin de vote en raison, par exemple, d'un handicap visuel. La loi prévoit actuellement que cet électeur peut se faire assister soit du scrutateur ou du secrétaire du bureau de vote en présence des représentants, soit d'un électeur de la même circonscription, en présence du scrutateur ou du secrétaire.

Puisqu'on reconnaît ainsi à l'électeur le droit de se faire accompagner d'une personne de son choix, il serait non seulement logique mais respectueux de la dignité humaine de lui permettre de voter sans que des tiers soient témoins de son vote. Le lien de confiance existant entre l'électeur et la personne qui est choisie pour l'accompagner de même que la prestation des serments d'usage sont, pour la Commission, de nature à garantir l'intégrité du processus. En conséquence, la Commission est d'avis que la loi devrait reconnaître à l'électeur incapable de marquer son bulletin seul la possibilité de se faire assister par un seul autre électeur de son choix.

Le bulletin de vote lui-même, maintenant. L'exercice effectif du droit de vote dépend, par ailleurs, de la clarté du choix que l'électeur exprime sur son bulletin de vote. Des événements récents ont montré que les modes d'expression du choix de l'électeur actuellement reconnus par la loi - une croix, un x, une coche ou un trait - peuvent malgré tout laisser place à interprétation. Ces moyens, faut-il le rappeler, ne visent pourtant qu'à traduire l'intention de l'électeur. Plutôt qu'en multipliant les modes d'expression reconnus par la loi, peut-être y a-t-il lieu, comme le suggère le document de réflexion, de chercher à réduire au minimum les difficultés d'interprétation que peut poser le bulletin de vote lui-même.

La Commission est donc favorable à ce qu'on envisage, à titre exploratoire, des solutions de rechange aux modes actuellement reconnus. Sans se prononcer sur le mérite intrinsèque des moyens évoqués dans le document de réflexion, lesquels devront être évalués en fonction de leur faisabilité, elle estime, à cet égard, que le respect de la volonté de l'électeur doit être la préoccupation première et que la configuration du bulletin de vote ne doit pas, en laissant trop de place à l'interprétation, porter préjudice à l'expression de cette volonté.

Maintenant, l'identification de l'électeur. Le document de réflexion évoque divers scénarios visant à identifier l'électeur: soit la création d'une carte universelle d'identification à des fins multiples, la création d'une carte d'électeur ou l'utilisation obligatoire, lors d'un scrutin, d'une ou de plusieurs cartes d'identité déjà existantes.

Au chapitre des propositions, il se limite toutefois à suggérer une étude de faisabilité et d'évaluation des coûts et bénéfices de chacun de ces scénarios. Pour l'instant, cette prudence est de mise. Chacun de ces scénarios comporte, en effet, des dimensions dont il importe de tenir compte du point de vue du respect de la vie privée. La création d'une carte d'identité universelle à des fins multiples ne devrait être envisagée qu'après un débat public autour de cette question, débat qui n'a jamais été fait. L'établissement d'une carte d'électeur comporte, quant à elle, le risque d'un détournement de finalité, comme la Commission l'a souligné au moment de la création des permis de conduire avec photo. Quant à l'utilisation du permis de conduire lui-même ou encore de la carte d'assurance-maladie, elle n'est actuellement permise que pour les fins pour lesquelles ces cartes ont été créées.

De l'avis de la Commission, la mise en oeuvre de l'un ou l'autre de ces scénarios suppose une évaluation préalable des besoins. Quoique consciente du problème que peuvent représenter les cas d'imposture, la Commission se demande s'il vaut la peine de sacrifier les règles actuelles en réaction à un phénomène que le document de réflexion reconnaît paradoxalement être moins fréquent qu'autrefois et impossible à quantifier.

(10 h 20)

Maintenant, la confidentialité de la liste électorale permanente. En décembre 1994, au moment de la discussion du projet de loi créant la liste électorale permanente, la Commission rappelait les principes qui, au Québec, sous-tendent la protection législative de la vie privée. Dans l'ensemble de la législation applicable, soulignions-nous, on retrouve notamment le principe du consentement à la divulgation d'une information personnelle à un tiers. Le corollaire de ce principe, ajoutions-nous alors, est qu'un renseignement personnel recueilli à certaines fins ne peut être utilisé à d'autres fins sans le consentement de la personne concernée.

Faites dans le cadre d'un projet de loi prévoyant la constitution et la mise à jour d'une liste permanente d'électeurs au moyen de renseignements fournis par des organismes tiers, ces remarques valent tout autant lorsqu'il s'agit de la transmission de renseignements contenus dans cette liste elle-même.

La liste permanente est établie notamment, on le sait, à partir de renseignements que l'électeur fournit lui-même, de sa propre initiative. Or, comme le note à juste titre le document de réflexion, l'exhaustivité et l'exactitude de cette liste la rendront attrayante pour des organismes, des ministères et des corps policiers. Il devient nécessaire, dans un tel contexte, d'assurer une protection législative adéquate au principe du consentement à la divulgation d'une information personnelle. Il n'est pas encore accepté ni acceptable, croyons-nous, qu'une information transmise à un organisme public à des fins spécifiques puisse servir à tous les autres organismes qui y verraient un intérêt. La Commission appuie donc la proposition de resserrer l'accessibilité de la liste électorale permanente de façon à faire échec aux demandes provenant d'organismes disposant de pouvoirs de contrainte à la communication de documents.

Et là j'entre dans une partie, disons, plus difficile: l'affichage. En campagne électorale, l'affichage n'est régi par aucune disposition de la Loi électorale. Seuls s'y appliquent, à l'heure actuelle, divers règlements municipaux et provinciaux dont la teneur peut varier d'une circonscription à l'autre et même à l'intérieur d'une circonscription. La Commission partage l'opinion du Directeur général des élections à l'effet que ce chaos normatif crée des inéquités et qu'une uniformisation des règles d'affichage est souhaitable. Comme l'écrivait la Cour suprême du Canada, l'affichage sur une propriété publique encourage la prise de décision d'intérêt social et politique, et favorise ainsi des valeurs sous-jacentes à la liberté d'expression.

Le document de réflexion propose à cet égard que l'affichage électoral ne soit soumis qu'à des restrictions qui seraient prévues dans la Loi électorale. Serait expressément permis l'affichage sur les propriétés de l'État, des organismes publics, des sociétés de la couronne, des municipalités et des commissions scolaires, sauf sur les édifices leur appartenant, de même que sur les poteaux d'utilité publique. En revanche, la loi réglementerait la hauteur maximale des affiches, leur mode de fixation, leur enlèvement et leur compatibilité avec la sécurité publique et routière. Elle interdirait aussi l'affichage de certains types de support tel que: afficher sur des monuments historiques, des arbres, des pylônes électriques, etc.

De façon générale, la Commission approuve cette approche. D'une part, celle-ci reflète bien l'importance fondamentale de la liberté d'expression dans le contexte d'une société démocratique, importance dont témoigne la jurisprudence en matière d'usage de la propriété publique à des fins expressives. D'autre part, conformément au principe énoncé à l'article 9.1 de la Charte, cette approche reconnaît qu'à l'intérieur de critères stricts de rationalité et de proportionnalité la loi peut fixer la portée et aménager l'exercice de la liberté d'expression pour des motifs liés à l'ordre public, au bien-être général ou aux valeurs démocratiques.

Dans l'ensemble, par conséquent, la Commission estime que les propositions du Directeur général des élections contribueraient à une reconnaissance plus étendue et plus uniforme des principes de la Charte.

Les dépenses électorales. En période référendaire, les frais non supérieurs à 600 $ engagés pour la tenue d'une réunion ne sont pas considérés comme des dépenses électorales, pourvu que cette réunion ne soit pas organisée directement ou indirectement pour le compte d'un comité national. Aucune disposition de ce genre n'existe par contre en période électorale. Engagées en période électorale, de telles dépenses sont réglementées au même titre que les autres et ne peuvent être faites ou autorisées que par l'agent officiel d'un candidat ou d'un parti. Cette dernière restriction paraît excessive, compte tenu de l'importance déjà mentionnée de la liberté d'expression en contexte électoral.

Les dispositions de la Charte relatives au droit à l'information militent en faveur d'un assouplissement des règles applicables. De l'avis de la Commission, la loi devrait permettre que des réunions non partisanes d'information et de débat soient organisées de façon à faire connaître les options et programmes des partis et candidats. La Commission appuie donc la suggestion d'autoriser, en période électorale, la tenue d'une réunion d'information ou de débat organisée par un tiers, à condition que cette réunion ne soit pas organisée directement ou indirectement pour le compte d'un parti ou d'un candidat.

Un autre aspect de la réglementation des dépenses électorales, non abordé toutefois dans le document de réflexion, concerne les prises de position que peuvent prendre des personnes ou des organismes non liés aux partis et candidats relativement à des sujets d'intérêt public. Les dispositions de l'article 402 de la Loi électorale définissant les dépenses électorales se lisent ainsi. Là, je me rends au paragraphe troisième: «approuver ou désapprouver des mesures préconisées ou combattues par un candidat ou un parti; approuver ou désapprouver des actes accomplis ou proposés par un parti, un candidat ou des partisans.» J'ai évité de dire que c'était défendu.

Une telle dépense, on le sait, ne peut être faite ou autorisée que par l'agent officiel d'un candidat ou d'un parti. La loi crée d'ailleurs une infraction pénale considérée par la jurisprudence comme de responsabilité stricte pour quiconque enfreint cette règle. Ces dispositions signifient que des personnes ou des groupements non partisans qui désirent exprimer une position sur certains sujets d'intérêt public durant une campagne électorale ne peuvent le faire que par le truchement d'un parti politique ou d'un candidat; sinon, ils ont le choix de se taire ou de contrevenir à la loi.

La Commission note que des dispositions analogues ont été jugées par les tribunaux comme incompatibles avec les garanties constitutionnelles reconnues à la liberté d'expression. Elle reconnaît toutefois que la préoccupation d'assurer une véritable égalité des chances entre les partis et les candidats, sans égard aux influences financières occultes, demeure légitime et même essentielle dans une société démocratique. Consciente de l'équilibre qu'il convient de rechercher entre cette égalité des chances et l'exercice légitime de la liberté d'expression, la Commission se permet de rappeler qu'elle a soumis à la réflexion publique dans le passé des propositions visant à concilier ces impératifs. Elle réitère l'importance de cette question et souhaite que le législateur, dans l'avenir, se penche sur des hypothèses de solution propres à assurer cet équilibre difficile mais nécessaire. Et nous avons produit le texte qui avait été suggéré dans le temps dans le bas de la page 13.

Je conclus. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse estime que les propositions du Directeur général des élections sont le fruit d'un exercice réfléchi et sérieux. De l'avis de la Commission et sous réserve des observations faites ici, ces propositions vont dans le sens des principes de la Charte. Elles méritent par conséquent, de la part du législateur, d'être examinées avec attention. La Commission suivra avec intérêt l'évolution de cet important dossier et se réserve la possibilité d'intervenir afin de promouvoir les principes de la Charte advenant le dépôt d'un projet de loi. Et je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre.

M. Bélanger: Me Lafontaine, Me Bosset, bienvenue à cette commission. Je tiens à vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Je pense qu'un organisme comme le vôtre et comme celui de la semaine dernière - on avait reçu la Commission d'accès à l'information - sont là justement pour faire en sorte un peu d'allumer des feux rouges au gouvernement ou aux parlementaires quand justement on aborde des réformes qui pourraient, d'une façon ou d'une autre, affecter les droits de nos citoyens ou, dans le cas de l'accès à l'information, c'est la vie privée aussi des citoyens.

Je constate donc que, dans l'ensemble, vous semblez accueillir, en tout cas, d'une façon favorable les propositions contenues dans le document de réflexion du Directeur général des élections. Je voudrais peut-être aborder avec vous quelques points qui ne sont pas dans votre mémoire, peut-être pour savoir s'il y a une absence ou une position de la part de la Commission.

Première des choses, vous savez qu'il y a un débat. On a eu des mémoires qui allaient dans un sens ou dans l'autre relativement au vote par anticipation. Certains considèrent que le vote par anticipation devrait être resserré, pour faire en sorte qu'il ne soit qu'une exception, c'est-à-dire que vraiment pour les gens qui ne peuvent voter la journée du vote. Ceci va dans le sens un peu du fait que tout le monde doit avoir la même période de réflexion pour une journée nationale de vote. D'autres, au contraire, pensent que le vote par anticipation doit favoriser une plus grande participation possible, donc qu'on doit, au contraire, faire en sorte de ne pas trop le baliser pour faire en sorte que tous les gens qui veulent vraiment s'en prévaloir puissent voter par anticipation. Est-ce que vous avez une position relativement à ça, au vote par anticipation, et aux propositions qui sont soumises par le Directeur général des élections?

(10 h 30)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Bosset.

M. Bosset (Pierre): La Commission n'a pas de...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Bosset.

M. Bosset (Pierre): Oui. Pardon. La Commission n'a pas de position sur cette question qui, à ma connaissance, ne nous a jamais été soumise dans le cadre de notre mandat. Notre guide serait sans doute l'article 22 de la Charte lui-même qui reconnaît, donc, le droit de vote et la possibilité d'exercer, je pense, ce droit de vote. Donc, je pense que le vote par anticipation est de nature à favoriser l'exercice de ce droit de vote pour ceux qui ne pourront pas, pour une raison ou pour une autre, l'exercer le jour du scrutin. Mais, pour répondre plus directement à votre question, il n'y a pas de position officielle de la Commission là-dessus.

M. Bélanger: L'autre point que je voudrais aborder avec vous, c'est la question des mises en candidature. On sait qu'il y a des propositions à l'effet d'exiger des conditions plus sévères aux gens qui voudraient se présenter candidats dans des élections, un peu comme il existe dans plusieurs provinces, comme il existe au gouvernement fédéral, un dépôt ou, encore, augmenter le nombre de signatures. Il y a un débat là-dessus. On ne s'entend pas à savoir, bon, est-ce qu'on doit mettre un montant plus élevé? D'autres, au contraire, on a eu des gens, des représentants de petits partis politiques, petits uniquement par leur nombre de membres et non pas par leur envergure ou leur importance, des partis politiques qui disaient, au contraire, que ça allait décourager les candidats indépendants ou les candidats venant de nouvelles formations politiques. Est-ce que, là-dessus, encore, vous avez une position à votre Commission relativement à ça?

M. Bosset (Pierre): Je parle du texte de 22 et, après, j'élabore. Le texte de l'article 22 donne le droit de vote et le droit d'être élu à toute personne qui est légalement habilitée et qualifiée. En d'autres termes, c'est la loi elle-même qui reconnaît, qui fixe les conditions auxquelles une personne peut se porter candidate. À partir de ce moment-là, donc, il y a une certaine marge de manoeuvre qu'on laisse au législateur.

Je pense qu'il y aurait deux balises à établir ici. D'une part, ces normes de qualification ne devraient pas, bien entendu, être discriminatoires en fonction de critères tels que la condition sociale, par exemple. Donc, l'exigence d'un dépôt qui serait trop élevé, par exemple, pourrait porter atteinte au droit de se porter candidat en fonction de la condition sociale des personnes défavorisées. Alors, je pense qu'il faut être conscient de cette limite-là et, par ailleurs, il faut aussi, je pense, être conscient du danger que des conditions trop exigeantes aient un effet de dissuasion sur les candidatures qui pourraient autrement se manifester.

M. Bélanger: Mais, par rapport aux propositions du Directeur général des élections, par rapport aussi à ce qui se fait dans d'autres provinces ou au gouvernement fédéral, lors d'élections fédérales, avez-vous une idée de ce qui pourrait être un montant qui pourrait être trop élevé par rapport à quelque chose qui pourrait être raisonnable? Avez-vous une idée par rapport à ça ou, au contraire, vous en...

M. Bosset (Pierre): C'est une question d'opportunité pour le moment. Je pense qu'il revient aux élus d'en débattre.

M. Bélanger: Relativement, aussi, à la question que vous abordez, sur la comptabilisation des dépenses électorales pour les activités ou débats qui pourraient être organisés par les associations puis tout ça, alors donc je vois que vous voudriez, au contraire, qu'on déréglemente un peu pour permettre un peu la liberté d'expression, permettre à des groupes d'organiser... Tant que ce n'est pas un parti ou une option qui organise directement ou indirectement une assemblée, ou une organisation, vous voudriez, à ce moment-là, qu'on élargisse la possibilité de faire de telles assemblées. À partir du moment où, directement ou indirectement, il n'y a personne, aucun candidat qui n'organise ça, est-ce que vous ne pensez pas, quand même, qu'il faudrait qu'il y ait des balises quant aux montants d'argent ou, au contraire, à partir du moment où il n'y a aucune participation directe ou indirecte, à ce moment-là, on devrait complètement déréglementer?

M. Bosset (Pierre): Ce que le DGE lui-même propose, c'est qu'on déréglemente, comme vous dites, ces réunions d'information et débats jusqu'à concurrence de 600 $, qui est déjà la limite qu'on applique en matière référendaire. Donc, dans l'esprit du DGE, les limites seront les mêmes selon qu'on est dans le contexte électoral ou référendaire. Nous n'avons pas abordé comme telle la question des limites financières dans notre mémoire, mais je pense que ça va de soi que, si on déréglementait de façon totale, ça risquerait probablement de porter atteinte à l'objectif même ou à l'économie même du système électoral, qui est tout de même de viser une certaine égalité de chances. Donc, nous ne serions pas en désaccord avec l'établissement d'une limite. Est-ce que ça doit être 600 $, 800 $ ou 1 000 $? Je pense que, là encore, c'est à vous d'en décider.

M. Bélanger: Une dernière question avant de céder la parole au représentant de l'opposition. Vous êtes aussi la Commission des droits de la jeunesse. Vous savez, certains mémoires ou certains intervenants ont fait part de leur volonté de voir la limite d'âge pour la votation descendre à 16 ans. Moi, je ne veux pas vous interroger sur l'opportunité: Êtes-vous en faveur à 16 ans ou pas? moi, la question qui me préoccupe, c'est une question qui nous a été posée à un moment donné et qui disait que le fait, pour nous, de reconnaître, on va dire, le vote à 16 ans impliquerait presque automatiquement, à moyen terme ou, même, certains disent à court terme, la baisse de l'âge de la majorité. Je voudrais peut-être avoir l'opinion de la Commission là-dessus. Est-ce que vous pensez qu'il y a une incidence ou si, d'après vous, c'est deux choses qui sont complètement écartées? Est-ce que vous avez une idée là-dessus?

M. Bosset (Pierre): J'ai toujours pensé que c'était l'inverse, que c'était l'âge de la majorité qui déterminait le droit de vote. Donc, je suis un peu étonné d'entendre ce genre d'argumentation. Personnellement, je ne vois pas le lien. Ce n'est pas une question, en tout cas, qui relève de la Charte en tant que telle, ça, c'est certain.

M. Bélanger: Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le vice-président et député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, merci, M. Lafontaine et Me Bosset, de votre présentation. Comme l'a fait tout à l'heure le ministre, je pense qu'il est important d'entendre votre organisme étant donné l'histoire de l'organisme et aussi le mandat qui vous est confié. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a évidemment un rôle excessivement important, et vos avis sont très utiles dans un contexte comme celui auquel on fait face aujourd'hui, c'est-à-dire la révision de la réforme électorale.

J'aimerais peut-être aborder un premier point, je pense que c'est à la page 5 de votre mémoire. Oui, à la page 5 de votre mémoire, vous faites référence à la question des personnes incapables de voter. D'abord, je veux juste signaler que vos postulats de base sont importants quand vous dites: Les commentaires de la Commission sont basés sur le caractère fondamental du droit de vote, le respect à la vie privée puis la liberté d'expression. Alors, dans l'optique du caractère fondamental du droit de vote, évidemment, il y a toute la question des personnes incapables de marquer leur bulletin de vote. Vous faites référence, dans votre texte, à la possibilité que l'électeur ait le droit de se faire accompagner d'une personne de son choix, et vers la fin de cette section-là consacrée à cet item, à ce sujet, vous dites: «...se faire assister par un seul autre électeur de son choix».

J'aimerais d'abord juste clarifier une chose. Quand vous parlez d'une personne de son choix et que vous parlez d'un électeur de son choix, il peut y avoir des différences entre les deux. La personne de son choix n'a pas nécessairement qualité d'électeur, elle pourrait ne pas avoir qualité d'électeur. Alors, à quoi faites-vous référence exactement? Est-ce que vous faites référence au fait que la personne qui accompagnerait l'électeur devrait avoir la qualité d'électeur et que ce soit un électeur de son choix, évidemment, ou une personne de son choix?

M. Bosset (Pierre): Il n'y a aucune objection à ce que ce soit un électeur, que la personne qui accompagne soit elle-même électrice.

M. Bordeleau: Mais est-ce que vous en faites une obligation? C'est parce que ce n'est pas... Je vais vous donner un exemple. Une personne, par exemple, je ne sais pas, moi, qui a émigré ici depuis un certain nombre d'années pourrait avoir un conjoint... À la limite, une personne qui n'est même pas émigrée, qui est née ici, qui marie quelqu'un qui est arrivé au Canada depuis quelques années et qui n'est pas encore citoyen canadien. Elle voudrait se faire accompagner de cette personne-là, qui n'est pas un citoyen canadien et qui n'a pas qualité d'électeur, mais c'est la personne de son choix. Cette personne-là, au fond, c'est son conjoint, elle a une confiance, la personne a une confiance en son conjoint. Est-ce qu'elle pourrait, à votre avis, se faire accompagner de cette personne-là, qui n'a pas qualité d'électeur et qui, à la limite, n'est pas citoyen canadien?

M. Bosset (Pierre): Bon. Je pense que la question de la citoyenneté canadienne est peut-être pertinente, dans la mesure où on est dans le contexte électoral et où l'électeur, lui-même, doit avoir la qualité, à tout le moins la citoyenneté canadienne, donc ça serait une exigence minimale. Est-ce qu'elle doit être elle-même électrice au sens... au Québec? C'est une autre question. À mon avis, je pense qu'il faut reconnaître que, dans ce processus-là, il y a déjà un processus d'assermentation qui est prévu par la loi. Donc, il y a des serments d'usage, là, qui sont privés, qui sont permis et qui s'appliquent ici. Je pense que ce processus, qui est basé sur la confiance, j'en conviens, est de nature à garantir l'intégrité de ce processus-là. Cela dit, je pense qu'il ne serait pas déraisonnable d'exiger que cette personne qui accompagne l'électeur soit à tout le moins citoyenne canadienne. Mais c'est une question qui n'est pas, disons, fondamentale de ce point de vue là. C'est vraiment l'exercice du droit de vote qui doit être facilité ici.

M. Bordeleau: C'est ça. C'est que, à partir de cet objectif-là, avec lequel, évidemment, je suis parfaitement d'accord avec vous, si la personne n'est pas citoyenne canadienne, mais qu'elle prête serment qu'elle va, au fond, aider la personne à voter dans le sens de sa décision à elle, si c'est la personne de son choix, c'est même une personne en laquelle elle a confiance, si elle n'était pas citoyenne canadienne, est-ce que ça deviendrait pour vous quelque chose... Parce que je ne vois pas exactement le... Bon, on peut toujours dire: Bien, elle devrait. Mais c'est quoi le fondement même qui ferait qu'elle devrait obligatoirement être citoyenne canadienne pour aider un électeur qui lui demande d'aller l'assister dans...

(10 h 40)

M. Bosset (Pierre): Si vous me demandez si c'est une exigence de la Charte, par exemple, que la personne qui accompagne soit citoyenne canadienne, je vous répondrai: Non, ce n'est pas une exigence de la Charte. C'est peut-être une garantie supplémentaire pour l'intégrité du processus électoral, mais ce n'est pas une exigence absolue de la part de la Charte. Je vous répondrai de cette façon-là.

M. Bordeleau: O.K. Sur le même sujet, dans la Loi électorale, on fait référence, au niveau de l'article 347, à l'assistance, et je vais juste vous lire rapidement:

«L'électeur qui déclare sous serment qu'il est incapable de marquer lui-même son bulletin de vote peut se faire assister soit:

«1° du scrutateur ou du secrétaire du bureau de vote en présence des représentants;

«2° d'un électeur de la même circonscription, en présence du scrutateur ou du secrétaire du bureau de vote. Cet électeur déclare sous serment qu'il n'a pas déjà porté assistance à un autre électeur au cours du scrutin.

«Dans l'un ou l'autre cas, mention est faite au registre du scrutin».

Ici, on restreint l'assistance à un électeur de la même circonscription.

M. Bosset (Pierre): Oui.

M. Bordeleau: Alors, on sait très bien qu'aujourd'hui, bon, les enfants, quand ils se marient, ils ne vont pas s'établir nécessairement dans le même comté. Les parents peuvent avoir... Et on voit souvent, dans les bureaux de vote, les enfants qui viennent avec les parents, à la fin de la journée ou au début de la journée, les assister, les emmener, parce que les gens ont de la difficulté à se déplacer, et ils ne demeurent pas nécessairement dans la même circonscription. Alors, ça, je suppose que, dans votre esprit, ça serait acceptable que, quand on parle d'une personne, évidemment, elle n'aurait pas l'obligation de demeurer dans la même circonscription.

M. Bosset (Pierre): Effectivement, dans les circonstances actuelles, avec l'urbanisation et tout, c'est...

M. Bordeleau: O.K. L'obligation de le faire une seule fois dans la journée, est-ce que ça vous paraît aussi une obligation qui devrait être maintenue ou si, par exemple, l'enfant peut aller avec son père, peut aller avec sa mère, les aider à exercer leur droit de vote?

M. Bosset (Pierre): C'est ce qu'on vient de se dire, effectivement, le cas des deux parents qui veulent aller voter. Ça devient un empêchement si le fils ne peut pas aider sa mère après avoir aidé son père. Effectivement. Donc, ça paraît un peu excessif de ce point de vue là.

M. Bordeleau: Alors, si je comprends bien, pour résumer un peu votre position, il y a la question de la citoyenneté, mais, à la limite, vous dites: Ce qui devrait primer, c'est la liberté de l'électeur de choisir la personne en laquelle il a confiance et que cette personne-là, au fond, elle prête serment qu'elle va exercer le pouvoir qui lui est donné dans les intérêts de la personne qui demande son assistance.

M. Bosset (Pierre): L'esprit de la Charte, justement, va dans le sens du respect de l'autonomie des personnes qui veulent voter.

M. Bordeleau: O.K. Un autre sujet, c'est... Face au même objectif de l'exercice du droit de vote, qui est un droit fondamental, vous ne faites pas référence, dans votre mémoire, à la question des votes hors Québec. Alors, est-ce que vous y avez réfléchi ou est-ce que vous avez quelque chose à nous dire là-dessus? Parce que c'est le même objet qui est en cause, là. Il y a des personnes qui se retrouvent à l'extérieur du Québec pour différentes raisons, et on a de la misère à cerner, actuellement, quels sont les gens qui ont le droit de vote et qu'on devrait favoriser, aider à pouvoir l'exercer le mieux possible. Et on a vu, là, récemment, tous les problèmes que ça a pu poser de déterminer qui est électeur hors Québec. Puis il y a eu beaucoup de représentations qui ont été faites ici, à la commission. Est-ce que vous avez des commentaires à faire sur ce sujet-là? Qu'est-ce que c'est un électeur hors Québec qui devrait avoir le droit de vote et qu'on doit aider au maximum pour qu'il puisse l'exercer, son droit de vote, parce que c'est un droit fondamental?

M. Bosset (Pierre): Sauf erreur, le document du DGE ne fait pas de recommandation de fond quant à la qualité d'électeur des personnes hors Québec; ce qu'il propose, c'est davantage une autre réglementation de l'exercice de ce vote. C'est-à-dire que, par exemple, on exigerait que les électeurs hors Québec déposent un affidavit à l'effet qu'ils ont l'intention de revenir au Québec dans un avenir prévisible - je pense que c'est l'expression qu'on utilise. Mais les conditions qui permettent de déterminer si une personne qui habite hors Québec a la qualité d'électeur, elles, ne changent pas dans le document de réflexion du DGE.

À notre avis, c'est une question qui relève davantage de l'économie du système électoral, mais pas tellement de la Charte, dans la mesure où les conditions qui permettent de déterminer si on peut voter ne sont pas discriminatoires et ne portent pas atteinte à d'autres droits reconnus par la Charte. Le reste relève davantage des modalités de preuve, par exemple, du domicile. Lorsqu'on exige que l'électeur hors Québec dépose un affidavit disant qu'il va revenir ou qu'il prévoit revenir au Québec, on lui impose une exigence de preuve, ce qui n'existe pas actuellement, mais on ne change pas les conditions de fond. Donc, pour nous, il n'y a pas, en soi, d'incompatibilité avec un droit reconnu par la Charte, à moins que les conditions de preuve deviennent tellement difficiles ou exigeantes que ça constitue un obstacle à l'exercice du droit de vote. Mais, dans ce que le DGE propose, en soi, il ne nous semble pas y avoir nécessairement matière à préoccupation, pour le moment. Tout dépendra des modalités qui seraient retenues par le législateur.

M. Bordeleau: Un autre point. À la page 7, vous faites référence à la question d'une carte d'identification quelconque, et vous avez un certain nombre de réserves que vous émettez dans la section 1.4 concernant une carte d'identification. À la fin de cette section-là, vous concluez aussi: «Quoique consciente du problème que peuvent représenter les cas d'imposture, la Commission se demande s'il vaut la peine de sacrifier les règles actuelles en réaction à un "phénomène" que le document de réflexion reconnaît, paradoxalement, être moins fréquent qu'autrefois et impossible à quantifier.» Est-ce que vos réserves sont surtout dues au fait qu'on essaierait de régler un problème qui semble plutôt marginal ou si c'est une position sur le fond de la question de mettre en place une carte et d'obliger les électeurs à présenter une carte d'identification quelconque?

M. Bosset (Pierre): Au début, M. le ministre parlait de feux rouges qui sont posés par les organismes comme le nôtre. Ici, je pense que c'est davantage un feu orange, si on veut. C'est-à-dire qu'on s'interroge, dès le départ, sur le besoin. Est-ce qu'il existe vraiment un besoin d'une meilleure réglementation de l'identification de l'électeur? Il n'est pas évident, pour nous, comme vous le dites, que les cas d'imposture soient tellement répandus ou en expansion que ça exige nécessairement une restriction des modalités d'identification de l'électeur. Donc, au départ, le besoin ne nous apparaît pas évident. Quant au fond, ce que nous disons, c'est que nous ne sommes pas enthousiastes à l'idée de créer de nouvelles cartes d'identité. Déjà, la création des permis de conduire avec photo, nous avions souligné le danger que la création de ces cartes-là donne lieu à des glissements et que ces cartes soient exigées à toutes sortes de fins qui n'ont rien à voir avec la sécurité routière. Même chose avec les cartes d'assurance-maladie. Heureusement, le législateur a créé des dispositions qui interdisent de demander ces cartes-là à d'autres fins, et c'est très bien. Mais, par principe, nous voyons d'un oeil un peu critique l'introduction de ces nouvelles cartes là, à plus forte raison s'il s'agit d'une carte universelle où, là, tous les glissements seraient possibles. Donc, il faudrait, à ce moment-là, une débat public, comme on dit, qui n'a jamais été fait.

Donc, nos hésitations portent à la fois sur le besoin objectif d'une meilleure réglementation et sur les mesures, sur les scénarios qui pourraient être mis de l'avant qui comportent, à peu près tous, des risques du point de vue de la vie privée.

M. Bordeleau: Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il vous reste encore sept minutes, incluant l'intervention de Mme la députée de La Pinière.

M. Bordeleau: Avant de laisser la parole à ma collègue, je veux juste revenir sur un point. À la dernière page de votre mémoire, vous dites que «la Commission se permet de rappeler qu'elle a soumis à la réflexion publique, dans le passé, des propositions visant à concilier ces impératifs». Vous faites référence, à ce moment-là, à la question de la liberté d'expression. Et vous mentionnez une proposition que vous aviez faite en 1987, où vous dites: «Les frais encourus par un groupe de personnes ou un organisme n'ayant pas un caractère politique partisan ou par une personne, pour faire connaître son opinion sur un sujet d'intérêt public ou pour obtenir un appui à une telle opinion et à condition que cet acte ne soit pas le résultat d'une entente, d'une collusion ou d'un lien même indirect avec un parti politique ou un candidat ou l'un de leurs représentants pour influencer le résultat d'une élection.»

(10 h 50)

Vous avez fait cette proposition-là en 1987. Est-ce que vous avez l'impression que, si cette proposition-là avait été acceptée, à ce moment-là, on se retrouverait un peu dans la difficulté qu'on a actuellement par rapport à la position qu'a prise le Directeur général des élections concernant les chefs d'entreprise et à laquelle on a fait référence la semaine dernière? Je parle ici de leur implication au niveau du débat référendaire.

M. Bosset (Pierre): Toute définition de ce qu'est une dépense électorale est nécessairement sujette à interprétation, y compris celle que nous avons proposée en 1987. Pour nous, l'essentiel, lorsque nous avions fait cette recommandation, c'était d'assurer un meilleur équilibre entre la liberté d'expression et, d'autre part, le besoin d'une égalité des chances entre les diverses options référendaires ou électorales. Et le problème que nous voyions, à l'époque, c'était que les infractions qui sont créées par la Loi électorale en matière de dépenses électorales faites par des tiers, ces dispositions de la loi sont de responsabilité stricte, c'est-à-dire qu'une personne commet une infraction dès qu'elle fait une dépense électorale, même si elle n'a pas l'intention d'influencer le résultat d'une élection. C'est ce qu'on appelle la responsabilité stricte.

Le but de notre recommandation, que vous avez au bas de la page 13 du mémoire, c'était de passer par-dessus cette exigence ou, en fait, cette condition de responsabilité stricte et de faire en sorte qu'une personne qui est poursuivie pour avoir fait des dépenses électorales réglementées puisse, en défense, comme moyen de défense, invoquer le fait qu'elle n'avait pas l'intention d'influencer le résultat d'une élection ou d'un référendum, mais de faire connaître son point de vue sur une question d'intérêt public. Et, évidemment, nous avions prévu le cas, là, que non seulement les ententes directes étaient couvertes, les ententes entre un parti et un groupe étaient couvertes, mais également les ententes indirectes ou les collusions.

M. Bordeleau: Vous avez fait référence, à plusieurs moments dans votre mémoire, au caractère abusif de certaines mesures par rapport à la liberté d'expression. Est-ce que vous trouvez, au niveau de la Commission, que c'est abusif, le fait d'empêcher, par exemple, des chefs d'entreprise de donner leur avis sur les conséquences que pourrait avoir éventuellement le résultat d'une élection ou le résultat d'un référendum sur la vie de leur entreprise, les conséquences économiques qu'eux pensent prévoir, là, compte tenu des enjeux? Est-ce que c'est abusif d'empêcher ces chefs d'entreprise là? Et il faudrait aussi, également, empêcher, à ce moment-là, si c'était le cas, les leaders syndicaux et les autres groupes, autres organismes, là, d'avoir... Il faudrait les obliger à avoir les mêmes restrictions. C'est quoi votre position là-dessus?

M. Bosset (Pierre): Bon, ce qui était visé en 1987, c'était le cas, par exemple, d'un organisme, comme la Ligue des droits et libertés, qui veut faire connaître son opinion, durant une campagne, sur un sujet d'intérêt public. Il y a une différence, je pense, à faire entre ce cas-là et le cas d'un employeur qui veut faire connaître son opinion à ses employés sur un sujet qui le concerne.

Dans le cas de la Ligue des droits et libertés ou de tout autre organisme, on est face à une organisation qui veut faire connaître son opinion auprès des citoyens, mais sans qu'il y ait de lien d'autorité entre cette organisation et les citoyens. Dans le cas d'un employeur qui veut faire connaître son opinion sur un sujet quelconque qui l'intéresse et qui le concerne, il ne faut pas négliger l'existence d'un lien de subordination, d'un lien d'autorité qui existe entre l'employeur et l'employé. Et c'est là que peut se poser la question du conflit entre la liberté d'expression, disons, de cet employeur et la liberté d'opinion de l'électeur-employé. Dans la mesure où on reconnaît qu'il existe un lien d'autorité entre l'employeur et l'employé qui peut entrer en ligne de compte dans l'exercice par l'électeur de sa liberté d'opinion, je pense qu'il est raisonnable d'assujettir la liberté d'expression de cet employeur à des limites particulières.

M. Bordeleau: Mais vous croyez que ce n'est pas abusif de faire en sorte qu'un entrepreneur ne puisse pas dire quelles sont les conséquences que lui pense qu'un résultat, par exemple, d'une élection ou d'un référendum pourrait avoir sur sa vie d'entreprise? Il ne s'agit pas, là... Il émet une opinion. Ce n'est pas relié directement au lien qui existe entre lui, comme employeur, et les individus qui travaillent pour lui, comme employés. Il émet une opinion sur les conséquences que pourrait avoir un référendum sur la vie de son organisation. Vous ne croyez pas que c'est abusif de l'empêcher de pouvoir s'exprimer à ce niveau-là?

M. Bosset (Pierre): Je suis d'accord avec vous que c'est une atteinte à la liberté d'expression. La liberté d'expression, dans notre droit, c'est reconnu de façon extrêmement large et ça couvre tout ce qui peut être exprimé comme point de vue sur n'importe quel sujet. Donc, c'est sans doute une atteinte à la liberté d'expression. Mais, dans notre droit, on reconnaît également que la liberté d'expression est sujette à des limites, à des limites qui visent le respect des valeurs démocratiques et de l'ordre public et le bien-être général des citoyens, tel qu'on le prévoit à l'article 9.1 de la Charte. Dans le contexte général de la législation québécoise, je crois que ces limites seraient de nature à être jugées comme étant raisonnables au sens où l'entend l'article 9.1 de la Charte.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Vachon.

M. Payne: M. Lafontaine, M. Bosset, je vous souhaite la bienvenue à la commission également. Nous avons eu, depuis maintenant deux ou trois semaines, de très bonnes discussions, je crois, sur une révision envisageable de la Loi sur la consultation populaire et la Loi électorale. Et je pense que, à mon avis au moins, il s'agit de la commission peut-être la plus fructueuse jusqu'à maintenant et certainement peut-être la plus importante. On est démocrate ici et on a le courage de dire les choses comme elles sont. Le dernier référendum était chaudement contesté, convenablement d'ailleurs, avec un taux de participation bien au-delà de 90 %. Si nous sommes ici, c'est parce que nous sommes, je pense, de part et d'autre de cette commission et surtout le gouvernement du Québec, soucieux de l'importance de la qualité de la démocratie au Québec.

Je voudrais discuter d'une question que j'ai soulevée - je m'excuse, j'ai presque une extinction de voix - la question de la carte d'identité universelle, une question que je soulevais la semaine passée devant la Commission d'accès à l'information. La Commission d'accès à l'information s'est présentée à plusieurs reprises depuis un an et demi devant la commission de la culture et quelques fois aussi devant la commission des institutions pour répondre à nos questions, participer avec nous sur une réflexion collective à propos d'une carte universelle. Vous proposez un débat public, j'en conviens, mais nous sommes là. On est rendus là.

Je voudrais soumettre quelques considérations qui feront foi aussi de mes propres réflexions. Nous avons, au moment où on se parle, dans nos poches la carte de l'assurance... ce qu'on appelle NAS, l'identification émise par le gouvernement fédéral. Nous avons également, par la loi, dans la mesure où nous avons effectivement un permis de conduire, une carte de permis de conduire. Nous avons aussi, si nous voulons nous servir des programmes de santé au Québec, la carte RAMQ, communément appelée la carte-soleil. Et nous savons que, dans la vie de tous les jours, que ce soit pour ouvrir un compte en banque ou que ce soit pour d'autres fins ou pour les jeunes qui veulent être admis à une discothèque ou acheter du tabac au dépanneur, ils doivent forcément s'identifier. Ça, c'est comme question de fait.

Il y a aussi une autre réalité qui, je pense, devrait être pondérée dans la même discussion. Il s'agit, dans le cas du droit de vote, de regarder un bulletin de vote qui est sans prix, inestimable, dans le sens que c'est l'expression sacrée de ma voix. C'est arrivé que - nous avons tous remarqué comme candidat - des fois, ce droit-là puisse être offusqué ou, des fois, quelqu'un a voté à la place de... Et j'insiste à dire que je n'exagère pas, je souligne quelques situations très, très rares. N'empêche qu'on devrait envisager les moyens pour qu'on puisse sécuriser cette expression du droit de vote. Et, dans ce sens-là, la carte d'identité pour l'électeur, si ça devenait réalité, ce serait une carte de sécurité, un peu comme d'autres cartes, comme le permis de conduire, la carte RAMQ, c'est-à-dire de bien s'assurer que la personne qui doit exercer un droit, que ce soit lors de l'accueil à l'hôpital, soit lors d'un vote, soit pour prouver son droit de conduire, effectivement, c'est la même personne, c'est la vraie personne.

(11 heures)

Techniquement, nous avons l'omnicarte, maintenant, selon laquelle nous pouvons, dépendant des services, rendre accessibles un certain nombre de données. Si, par exemple, c'était demandé par un officier de la loi, soit un policier, soit un officier de la paix... puisse être identifié pour les fins auxquelles c'est destiné, c'est-à-dire l'aspect permis de conduire. La photo, ce serait, bien sûr, universel; même chose pour l'hôpital. D'autres données, ce ne serait pas reconnaissable sur la carte parce que ce serait codé, mais ce qui serait admissible, pour ceux qui ont le droit de vérifier les données pour l'accessibilité, tous ceux qui se servent des soins de santé, effectivement, auraient à ce moment-là l'accès exclusivement aux données auxquelles ils ont droit.

Quelles sont vos objections de fond? Si on dit qu'il faut avoir une discussion, quelles sont vos pensées personnelles, à ce moment-ci? Quelles sont vos objections, pour être plus spécifique, à l'utilisation de l'omnicarte?

M. Bosset (Pierre): Est-ce qu'on parle de carte universelle ou des cartes particulières que sont, par exemple, le permis de conduire, la carte d'assurance-maladie et même une carte d'électeur?

M. Payne: L'omnicarte, c'est une carte qui comprendrait un certain nombre d'autres cartes. Actuellement, d'autres cartes. C'est un modèle que nous avons utilisé sous une forme expérimentale déjà, c'est-à-dire que, techniquement, ça comprend le NAS, le permis de conduire, la RAMQ, mais ça pourrait comprendre également la carte d'électeur. Une carte multi-usages, si vous voulez l'appeler comme ça.

M. Bosset (Pierre): Cette carte-là présenterait potentiellement le même risque de glissement qu'une carte universelle. Si je comprends bien, son intérêt est tellement multiple dans les informations qu'elle contient que plusieurs personnes pourraient avoir intérêt à l'utiliser. À partir de ce moment-là, je pense qu'il faut s'interroger sur les barrières, les garde-fous qu'il faudrait établir, d'une part, au droit d'exiger la production de cette carte pour des fins qui souvent n'ont rien à voir avec les besoins de l'État, par exemple pour les transactions commerciales, et, également, baliser les transferts de données qui pourraient être faits de cette carte à d'autres régimes ou à d'autres systèmes de contrôle. Mais, dans l'abstrait, c'est évidemment difficile de vous dire quelles seraient nos critiques ou nos objections, puisque nous ne savons pas encore quelles seraient les modalités concrètes de cette carte ni quelles seraient les fins auxquelles il serait permis de l'utiliser en vertu de la loi. Mais, chose certaine, il faut être extrêmement prudent dans ce domaine-là.

M. Payne: Comme consommateur, je voudrais faire le plaidoyer en faveur de l'omnicarte. En utilisant l'Internet ou même le fax, aujourd'hui, le consommateur a des problèmes de sécurité en dévoilant les coordonnées de sa carte de crédit, par exemple. Les banques sont à l'oeuvre, à ce moment-ci, pour offusquer l'identité de cette personne-là ou surtout son numéro d'identité. Je pense que l'État aussi devrait être à la fine pointe de la technologie. Quand, vous, parce que c'est vous qui parlez, dans votre mémoire, de la création d'une carte d'identité universelle, moi, je considère que ça offrirait une meilleure sécurité pour l'expression du vote, par exemple, pour l'électeur que la situation actuelle. La situation actuelle, à mon avis, elle est plus aberrante. Je peux me présenter sous la simple foi de dire que je suis quelqu'un et je suis accepté sous confiance. Question de confiance.

Si vous êtes d'accord avec moi que le bulletin de vote est sans prix, pourquoi avez-vous un double standard, me semble-t-il, à cet égard, lorsque dans d'autres domaines, par exemple pour l'ouverture d'un compte en banque, je suis obligé... Et vous êtes d'accord sur la légitimité de la démarche, de la demande, lorsqu'il s'agit d'une banque, c'est acceptable. C'est quoi la différence, pour la Commission des droits de la personne, entre les deux situations?

M. Bosset (Pierre): Du point de vue du consommateur, c'est sans doute avantageux, comme vous le dites, d'avoir accès à toutes ces cartes. Lorsque j'utilise ma carte de guichet, je suis bien content de l'avoir, mais je suis aussi conscient que, chaque fois que je l'utilise, j'envoie des données quelque part qui vont être utilisées, qui pourraient être utilisées à d'autres fins. Il y a une tension entre ces deux exigences.

Tout ce que j'essaie de dire, c'est qu'avant de s'engager dans cette voie soyons conscients des enjeux et essayons de discuter démocratiquement de garde-fous qui pourraient être apportés à la création d'une telle carte. Et, au départ, soyons convaincus qu'il existe un tel besoin.

M. Payne: J'ai réfléchi précisément sur les enjeux. Moi, je considère que les enjeux ne sont pas foncièrement différents si toutes les données sont regroupées, qui existent déjà, sur la même carte universelle. C'est pour ça que je voulais avoir vos propres réflexions là-dessus. La Commission d'accès à l'information y songe beaucoup. Est-ce que, vous, vous êtes allés plus loin dans vos recherches?

M. Bosset (Pierre): Pas pour le moment parce que la question, pour le moment, demeure hypothétique. Dans nos recommandations passées, je pense qu'on peut clairement voir que la Commission est sceptique ou, à tout le moins, exige la prudence lorsqu'on veut aller dans ce sens-là.

Ceci dit, si le gouvernement décidait, par principe, d'aller de l'avant, comme il l'a fait pour les permis de conduire avec photo, par exemple, ce que nous essayons de dire, c'est qu'il faudrait, à tout le moins, baliser. Pour les permis de photo, ça a été de recommander qu'on crée une infraction qui interdit actuellement à toute personne de demander le permis de conduire pour d'autres fins. Ça, c'est une fois que le législateur a décidé qu'il allait de l'avant et qu'il avait fait le choix politique d'aller de l'avant. Si le législateur faisait le même choix en matière électorale, la Commission, je pense, serait en faveur d'une réglementation qui encadrerait le plus possible l'usage d'une telle carte.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, nous avons épuisé de part et d'autre le temps des questions. Comme vous voyez, il y avait encore, je pense, un certain nombre de questions en réserve. Nous vous remercions de votre présentation, des éclairages que vous nous avez fournis en fonction du document de réflexion qui nous a été proposé. Alors, merci bien.

J'inviterais maintenant les représentants du Conseil du patronat.

Alors, messieurs, vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, à la suite de quoi nous aurons des échanges avec les deux groupes parlementaires présents. Pour les fins de mémoire de la commission, je vous inviterais, M. Dufour, à présenter aussi en même temps les gens qui vous accompagnent.


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Mes deux collègues à ma gauche: M. Jim Hewitt, qui est président de Hewitt Équipement ltée et qui est président du conseil d'administration du Conseil du patronat; Ghislain Dufour, qui en est le président; et M. Jacques Garon, qui est directeur de la recherche socioéconomique au CPQ.

Alors, merci, M. le Président. La Loi sur la consultation populaire s'appuyant, pour une grande part, sur la Loi électorale, le Conseil du patronat entend, dans les présentes notes, soumettre ses observations sur trois points reliés au débat qui s'amorce, deux que l'on retrouve dans le rapport du Directeur général des élections, un autre point qu'on retrouve dans la Loi sur la consultation populaire et qui n'est pas interrogé par le Directeur général des élections. Rappelons-les, ces trois points-là. Le premier est la communication d'entreprise en période référendaire; le deuxième, la majorité qui devrait éventuellement être requise pour enclencher le processus d'indépendance du Québec; et, troisièmement, les infractions commises par des personnes morales.

(11 h 10)

Le premier sujet et probablement le plus important pour nous - d'ailleurs, c'est pour ça qu'il apparaît, dans l'ordre, au tout début - est la communication d'entreprise en période référendaire. La loi actuelle ne permet pas aux dirigeants d'entreprise, d'organisme ou d'institution privés de communiquer avec leurs employés en période référendaire pour leur exposer leur point de vue ou leur donner de l'information sur les enjeux du débat. Évidemment, elle ne le leur permet pas s'il y a une dépense. Ainsi, certains dirigeants d'entreprise ont été soit condamnés, en 1993, au moment du référendum de Charlottetown, à payer des amendes, soit réprimandés pour avoir communiqué avec leurs employés lors, donc, de cette campagne référendaire. Nous sommes, M. le Président, en total désaccord avec les dispositions de la loi qui ont justifié de telles condamnations, ces dispositions restreignant indûment la communication d'entreprise dans un contexte référendaire.

En fait, la loi oblige un chef d'entreprise à déclarer à un comité-parapluie les dépenses encourues lorsqu'il communique avec ses employés en période référendaire. Pourtant, n'est-il pas tout à fait légitime et justifiable, comme le signalait fort à propos la Société des relationnistes du Québec, en novembre 1992, que la direction d'une entreprise ou d'une association, soucieuse de maintenir un dialogue constant avec ses employés ou ses membres, communique avec ceux-ci sur des questions d'actualité politique ou tout autre sujet sans avoir à déclarer les dépenses encourues? Dans le contexte du libre-échange et de la mondialisation des marchés, de plus en plus d'entreprises se trouvent directement touchées par des débats politiques dont les enjeux sont parfois vitaux pour l'avenir même de l'entreprise. Dans cette perspective, une communication franche et ouverte avec les employés est une nécessité, pas un luxe.

Prenons, par exemple, la question des coûts économiques de l'indépendance éventuelle et l'impact d'une telle option sur l'entreprise. Pourquoi les chefs d'entreprise seraient-ils empêchés par la loi d'en parler et d'échanger avec leurs employés du Québec? Voilà un exemple des limites, que nous qualifions d'antidémocratiques, imposées par la loi québécoise qui viole une liberté fondamentale, à laquelle tout le monde aspire, qui est la liberté d'expression d'un segment important de citoyens.

Certains ont fait valoir que ce type de communication revêt un caractère paternaliste dépassé. C'est un point de vue, certes, mais qui témoigne d'une méconnaissance flagrante de la communication dans nos entreprises modernes. Elle est bien révolue, l'époque où le patron dictait sa ligne de pensée à ses employés. Aujourd'hui, la communication organisationnelle est à caractère bidirectionnel, c'est un processus global et permanent dont se sont enrichies les entreprises. Nous demandons donc, M. le Président, que la loi soit amendée, sous réserve de certains paramètres, pour permettre réellement la communication dans l'entreprise en période référendaire, d'autant qu'ils sont nombreux, ceux qui contestent le principe même de devoir se joindre à un comité-parapluie pour faire valoir ses idées en période référendaire et qui, par le fait même, remettent en question toute la philosophie de base de la loi.

Deuxième objet de discussion, je le répète, qui n'est pas mentionné au rapport du Directeur général des élections, c'est cette fameuse question dont on parle depuis maintenant trois ou quatre mois, la majorité requise pour enclencher le processus menant à l'indépendance du Québec. Au lendemain du dernier référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec, nombreux sont les souverainistes qui ont poussé un soupir de soulagement et certains l'ont même exprimé publiquement: remporter la victoire avec 50,6 % ou 51 % des voix aurait créé des problèmes de transition importants. Voilà une analyse tout à fait réaliste. En effet, comment le gouvernement du Québec aurait-il pu composer avec un vote aussi faible en faveur de l'indépendance alors que, à titre d'exemple, 49,4 % ou 49 % de la population se seraient déclarés en désaccord? Personne, mais personne n'aurait alors souhaité être dans les souliers de nos gouvernants, d'autant que la question, il faut le dire, était loin d'être claire. Bien sûr, un scrutin qui aurait dégagé une majorité de 50 % plus une voix en faveur de la souveraineté du Québec aurait probablement été légal - nous disons bien «probablement» parce que nous n'entendons pas entrer dans le dossier constitutionnel ou légal à cet égard - et, alors, si légal, le processus conduisant à l'indépendance aurait pu être amorcé. La question qui se pose ici, pour nous, en est plutôt une de faisabilité. Aurait-il été possible de faire l'indépendance avec une aussi mince majorité? Quel aurait été le pouvoir de négociation du gouvernement du Québec? Quel soutien aurait-il reçu de la population? Quant à nous, poser la question, c'est y répondre.

Par exemple, à ceux qui disent que la majorité d'un peuple a le droit de déterminer son avenir politique et de l'imposer à la minorité, si mince soit la marge numérique qui la sépare d'elle, d'autres répondront que cette majorité est fragile et circonstancielle, que de futurs sondages montreront éventuellement qu'elle a disparu, qu'eux aussi forment un peuple, amérindien ou canadien, que le Non l'a fortement emporté sur le territoire où ils habitent, etc. Que de débats en perspective!

Aussi, M. le Président - et la phrase que je vais lire, la suivante, est importante - sans d'aucune façon faire ici écho à certaines réflexions fédérales récentes, puisque nous sommes de ceux qui croient qu'il appartient aux Québécois eux-mêmes et à leur gouvernement de déterminer les mécanismes par lesquels ils décideront de leur avenir, nous proposons donc que les dispositions actuelles de la loi relatives à la norme de 50 % plus un fassent l'objet d'un débat public important et structuré, ne serait-ce que pour répondre à la volonté populaire des Québécois qui, sondage après sondage, estiment que la majorité nécessaire pour enclencher le processus menant à l'indépendance du Québec devrait être supérieure à 50 % plus une voix, avis partagé par une majorité de souverainistes eux-mêmes, nous disent également certains sondages.

Nous produisons d'ailleurs, dans notre mémoire, un tableau qui reprend les résultats de huit sondages réalisés par la maison CROP auprès de la population, certains commandés par nous, d'autres commandés par L'actualité , et c'est révélateur à cet égard: moins d'un Québécois sur quatre est favorable à ce que le processus menant à l'indépendance du Québec puisse être enclenché avec l'accord d'une majorité simple de 50 % plus une voix. Et, comme le tableau l'indique, un plus grand nombre de Québécois sont plutôt d'avis que cette majorité devrait être de plus 60 %.

D'ailleurs, comment échapper à ce débat lorsque l'avenir de 7 000 000 de Québécois est en jeu? Il ne s'agit pas ici d'un vote d'accréditation syndicale ou d'un vote de grève, toujours réversible, mais bien d'un vote irréversible engageant tout l'avenir d'une société. Par ailleurs - et c'est la question clé - comment un gouvernement pourrait-il réaliser l'indépendance avec l'appui d'une très faible majorité alors que, à titre d'exemple, 49,4 % de la population se seraient déclarés en désaccord? C'est d'ailleurs là un point de vue à peu près identique qu'émettait, dans La Presse de samedi dernier, la «columnist» Lysiane Gagnon, dans ce qu'elle écrivait, et je la cite: Une majorité d'un ou deux points en faveur de la souveraineté serait nettement insuffisante. «Le camp perdant n'accepterait pas ce résultat. La société serait intensément divisée et probablement ingouvernable. Les chances d'obtenir une reconnaissance internationale seraient nulles. Même la France ne bougerait pas. Au premier sondage, ce serait la débandade... L'accession à la souveraineté avec une majorité de 0,6 %? Aussi bien, dit-elle, escalader l'Everest en patins à roulette!» Et Mme Gagnon d'ajouter: «Si le camp du Oui l'avait emporté, en octobre dernier, par une marge aussi mince, non seulement aurait-il été incapable d'affronter la difficile période de transition qui aurait suivi le scrutin, mais il aurait perdu, en plus, pas mal de joueurs.» Une si faible majorité risquerait de s'effondrer au premier coup dur.

Il s'agit là, M. le Président, de propos que nous partageons. Et voilà pourquoi nous en arrivons à notre proposition qui est la suivante: Que le législateur fasse un examen approfondi de cette question. Et notre proposition est à l'effet de tenir une commission parlementaire spéciale, à partir d'une commission permanente pour ne pas en bâtir une autre, de façon à pouvoir regarder, de façon précise, ce débat-là. Ça pourrait être votre commission, la commission des institutions, étant donné que déjà vous regardez des problèmes connexes à ce débat-là.

(11 h 20)

Quant aux infractions commises par des personnes morales - et, là, on revient au rapport du Directeur général des élections - le document de M. Côté propose, à la page 44, que des dispositions soient introduites dans la loi, qui permettraient de poursuivre non seulement la compagnie en faute, dit-il, mais aussi ses administrateurs et dirigeants. Et, là, je le cite: «Le dirigeant d'entreprise, s'il sait qu'il aura à payer personnellement pour des actes illégaux qu'il a permis à son entreprise de commettre, sera certes plus vigilant.» Nous sommes, M. le Président, en désaccord avec cette proposition, essentiellement pour deux raisons. La première, nous avons déjà fait valoir que la loi devrait autoriser la communication d'entreprise, en période référendaire notamment, ce qui est actuellement interdit. Cette barrière à l'expression de la démocratie nous apparaît déjà illégitime. Nous ne saurions accepter qu'on en remette, cette fois pour s'en prendre directement aux dirigeants d'entreprise. Deuxièmement, il est pour le moins surprenant que les auteurs du document de réflexion, à la page 44, ne fassent référence qu'aux dirigeants d'entreprise lorsqu'ils parlent des infractions commises par des personnes morales, infractions que l'on veut par ailleurs réprimer plus sévèrement. Que dire des chefs syndicaux, M. le Président, qui s'embarquent, à l'occasion des campagnes référendaires, beaucoup plus que les chefs d'entreprise? Que dire des leaders communautaires, des dirigeants d'associations à caractère politique de toutes sortes? Comme si, dans l'esprit des auteurs du document, ces leaders étaient toujours blancs comme neige, contrairement aux dirigeants d'entreprise. Mais, quoiqu'il en soit, nous soutenons que la liberté d'expression, tant des leaders d'organisme que des dirigeants d'entreprise, ne doit pas être violée en période référendaire, pas plus qu'en toute autre période, d'ailleurs. Au nom de quels principes pourrait-il en être autrement? Ce dernier plaidoyer, M. le Président, n'étant pas spécifiquement en faveur des chefs d'entreprise, étant carrément en faveur des leaders de notre société.

Alors, je vous remercie. Nous sommes prêts à discuter avec vous de certains des volets qui sont soulevés dans notre mémoire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le président. Alors, M. le ministre.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. M. Dufour, M. Hewitt, M. Garon, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à notre commission puis à vous remercier pour votre mémoire, votre présentation. Le Conseil du patronat est toujours présent et actif dans les débats importants de notre société.

Dans votre mémoire, vous abordez essentiellement trois points. D'ailleurs, vous avez aussi mis un ordre, comme vous dites, d'importance de priorités par rapport à vos préoccupations. Le premier des points... Quant à moi, tout en pouvant comprendre, d'une certaine façon, votre argumentation au niveau de la communication d'entreprise en période référendaire, je suis certain que vous devez quand même comprendre le caractère très spécial ou le pouvoir excessivement important de persuasion que peut avoir un employeur sur ses employés. Je pense que vous pouvez comprendre aussi... En tout cas, quant à nous, ce qu'il faut absolument comprendre, c'est le pouvoir de subordination qui existe entre l'employeur et l'employé. Ça, je pense que c'est fondamental quand on fait la distinction, parce que vous faites fondamentalement, là, souvent la distinction entre les leaders syndicaux et les dirigeants d'entreprise. La philosophie ou l'esprit de notre loi est justement fait pour que l'employeur ne puisse pas, d'une certaine façon, intimider. Je pense à une certaine intimidation, qu'on pourrait dire psychologique, qui pourrait avoir lieu au niveau de l'employé. Rien dans la loi n'interdit - et c'est pour ça que je comprends un peu mal vos réticences par rapport aux dispositions actuelles - à un employeur de déclarer, sur toutes les tribunes qu'il voudra bien, qu'il est pour une option ou qu'il est contre une option. Il peut participer à des conférences, il peut, s'il le veut, écrire un éditorial, envoyer une lettre ouverte dans des journaux. À ma connaissance, l'individu chef d'entreprise... Et je peux vous dire que plusieurs chefs d'entreprise l'ont fait dans le passé, se sont prononcés assez, je pense, publiquement en faveur d'une option ou de l'autre, rien ne l'empêche. Mais ce qu'on constate ou ce qu'on a constaté, c'est le pouvoir de persuasion ou ce qu'on pourrait dire, à la limite et sans donner nécessairement une mauvaise intention, l'intimidation que pourrait avoir un employeur. Quand un employeur dit à un de ses employés - on prend une entreprise, je ne sais pas, moi, d'une dizaine ou d'une vingtaine d'employés - il dit: Écoute, si le Oui passe au prochain référendum, l'usine ferme, on ferme l'usine, est-ce que vous ne pensez pas qu'à ce moment-là c'est, finalement, donner à l'employeur un pouvoir de persuasion, entre guillemets, un peu démesuré par rapport justement au droit aussi de l'employé d'avoir sa propre opinion et de pouvoir se faire sa propre opinion sans influence ou pression indue de la part de quelqu'un de l'extérieur?

D'ailleurs, juste avant vous, nous avions des représentants de la Commission des droits de la personne qui, tout en reconnaissant que cette disposition-là pouvait être une limite à la liberté d'expression, quant à eux, par rapport à la Charte, ça pouvait être considéré comme une limite raisonnable à la liberté d'expression, vu justement le fait qu'il y a aussi à considérer là-dedans le droit de l'employé, qui a le droit de prendre sa décision sans pression indue - et, encore là, je ne mets pas de mauvaise intention - sans intimidation qui pourrait être faite d'une façon volontaire ou pas. C'est ça, l'équilibre, je pense, qu'on essaie d'aller chercher.

Vous dites vous-mêmes, dans votre mémoire, que vous seriez prêts à ce qu'il y ait certains paramètres. Alors, moi, j'aimerais savoir quels sont ces paramètres que, vous, vous jugeriez raisonnables.

M. Dufour (Ghislain): Il y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit, M. Bélanger. Quand je référais à des paramètres, je ne référais pas à ce que vous venez de toucher parce que, habituellement, ce dont on nous parle, quand on nous parle de la nécessité d'aller sur le comité-parapluie, c'est pour le contrôle des dépenses. Alors, quand je parlais de paramètres, c'est évident qu'on ne pourrait peut-être pas faire en sorte que tous les chefs d'entreprise achètent trois pages dans La Presse tous les matins. Ça, j'appelle ça des dépenses qui ne seraient pas contrôlées. Donc, il pourrait y avoir des paramètres, là, qui sont donnés pour ce genre de communication là.

Mais ce n'est pas sur ce terrain-là que vous m'avez amené, vous m'avez amené sur le terrain de la pression indue. Ça change quoi, dans l'hypothèse où ils l'écriraient, parce que c'est de ça qu'on parle, de la communication écrite, qu'est-ce que ça change qu'ils l'écrivent ou que, le soir, à une assemblée, ils le disent? Parce que, ça, c'est reconnu qu'ils le disent, à une assemblée. Alors, ça changerait quoi? C'est de donner des définitions aux vertus qu'elles n'ont pas. Mais c'est quand même assez marginal que ça se passe, ce genre de choses là. Habituellement, c'est de l'information économique. Moi, je me rappelle, dans le dossier du libre-échange, où, cette fois-là, nous étions à côté du gouvernement, on nous demandait d'adresser à nos employés des lettres disant: Bien, voilà quels sont les avantages et les bénéfices du libre-échange. Ce qu'une série d'entreprises ont fait parce qu'il s'agissait de donner de l'information économique.

Alors, c'est bien sûr qu'il y aura peut-être, à un moment donné, un problème du genre de celui que vous décrivez, mais ce qui est recherché, ce n'est pas ça. Et c'est blessant, en termes de droit à l'expression, je suis content que la Commission des droits de la personne l'ait abordé parce que ce qui va vous arriver un jour, c'est qu'un entrepreneur va le soulever, il va aller en cour avec ça et on ne sera pas... Un entrepreneur ou un syndicaliste condamné, parce qu'il y en a eu aussi... Et c'est pour ça qu'on ne plaide pas, nous, purement pour les chefs d'entreprise, on plaide pour les leaders, évidemment notre mission étant plus avec les chefs d'entreprise.

J'ai ici un collègue qui a été réprimandé par le Directeur général des élections, et il va vous raconter ce qu'il a fait. C'est une entreprise qui communique avec ses employés à l'année longue et, là, parce qu'il a osé parler d'économie, il s'est fait réprimander. Alors, M. Hewitt.

(11 h 30)

M. Hewitt (Jim): Alors, disons, on ne parle pas du dernier référendum, on parle du référendum de 1992. Et puis, juste pour mettre ça dans le contexte, depuis six semaines, on fait la tournée de notre entreprise, de toutes nos succursales. Nous avons tenu autour d'une vingtaine de réunions impliquant plus de 700 personnes. C'est des réunions qu'on fait sur une base annuelle pour expliquer nos résultats ainsi que le contexte de nos prévisions de ventes, etc., pour l'année en cours, et nos projets, nos objectifs. Alors, ça, c'est le genre de choses qu'on fait sur une base annuelle depuis le début des années quatre-vingt.

Je trouve que c'est très anormal de me faire réprimander d'avoir écrit une lettre, en 1992, à mes employés, en grande partie les incitant à aller voter, et aussi exprimant mon point de vue sur certains aspects du pays dans lequel on vit, surtout arrivé d'un voyage en Afrique du Sud, à ce moment-là.

Alors, comme dit M. Dufour, on vit dans un monde qui rapetisse, et je vais dire une chose, c'est que la libre expression des gens n'est pas une chose qui est réservée au Québec. Si vous allez parler avec des Américains, on est mieux de ne pas mettre ce qui existe dans la Loi électorale du Québec pour les attirer comme investisseurs au Québec, c'est certain.

M. Dufour (Ghislain): Alors, voilà.

M. Bélanger: L'autre point que je voulais aborder avec vous, c'est votre deuxième point de votre mémoire.

M. Dufour (Ghislain): J'étais sûr, j'étais sûr.

M. Bélanger: Ah! Alors, vous me permettrez de vous taquiner un peu, parce que, dans votre deuxième expression, je peux quasiment en déduire que vous auriez voté en faveur de la motion du premier ministre, la semaine dernière, à l'effet que les Québécois seuls peuvent déterminer démocratiquement leur avenir. Alors, je prends bonne note de votre proposition.

Maintenant, quant au 50 %, vous semblez soulever un débat, là, sur la question du 50 %. Sans vous prononcer d'une façon formelle, disons, vous soulevez des questions, à savoir: Est-ce que 50 % plus 1 % est nécessaire? Moi, j'aimerais peut-être porter à votre attention que, quand le Québec est rentré dans la Confédération, il n'y a même pas eu de référendum pour nous demander si nous voulions adhérer à la Confédération. Mais, là, on me dira: Autres temps, autres moeurs. Mais, un peu plus proche de nous, quand Terre-Neuve est entrée dans la Confédération, le premier référendum avait dit non. Terre-Neuve n'est pas entrée dans la Confédération. Ils ont fait un deuxième référendum, qui était, à ce que je sache, en bas de 55 % - je pense que c'était aux alentours de 52 % - et, à ce moment-là, Terre-Neuve est entrée dans la Confédération. Et, à ce que je sache, personne ne semble dire que Terre-Neuve n'aurait pas dû rentrer dans la Confédération. Il y a quand même 48 % des gens qui s'étaient opposés à ce que Terre-Neuve rentre dans la Confédération. Alors, là, maintenant, on nous dit que cette règle de 50 %, qui était bonne pour Terre-Neuve pour adhérer au pacte confédératif, n'est plus bonne pour les Québécois qui décideraient majoritairement, quant à eux, d'accéder à la souveraineté. Alors, moi, je me pose des questions relativement à ça.

Deuxièmement, on en a eu des référendums dans le monde récemment. Je pense en particulier au référendum sur Maastricht, qui a, on le sait, puis on le voit, eu des conséquences aussi très importantes sur l'économie, et même sur un certain, je pourrais dire, partage de souveraineté qu'il y a eu entre certains États en Europe. À ma connaissance, très peu de pays ont adhéré à Maastricht par 60 % et plus. Même la très grande majorité, sinon la totalité, on me corrigera si je me trompe, sont entrés à moins de 55 % à Maastricht. Même en France, c'est à moins de 51 %. Et on sait que ça a vraiment des implications majeures pour l'économie, Maastricht. Personne, même en France, ne semble maintenant dire: Écoutez, ce n'est pas bon, la majorité n'était pas suffisante à 51 % pour pouvoir faire ceci.

Alors, moi, je vais vous avouer, là... Bon. Vous voulez faire un débat, vous avez fait un sondage. D'accord, c'est votre opinion et je la respecte, mais, quant à nous, la règle du 50 %, quand on décide de choisir une des façons les plus démocratiques de le faire, c'est-à-dire le référendum populaire - et on l'a vu avec le taux de participation qu'on a eu, c'est le plus bel exemple, je pense, des gens qui considèrent l'exercice comme valable. Quand vous avez 95 % de la population qui participe à un exercice, c'est qu'elle y croit.

Une voix: 92 %.

M. Bélanger: 92 %, je pense, c'est qu'elle y croit, à ce moment-là, à l'exercice. Alors, c'est pour ça que je trouve ça un peu spécial, disons, tout à coup, cette remise en question de ce 50 %, alors qu'il y a encore si peu de temps c'était tout à fait correct.

M. Dufour (Ghislain): Bon. Écoutez, moi, je n'ai pas l'intention de faire le débat avec M. Bélanger. On lui propose de le faire de façon précise sur cet objet-là à l'occasion d'une commission parlementaire. C'est évident qu'on peut parler de 1867, mais, comme vous dites, autres temps autres moeurs, et on pourrait faire toute une série d'analyses; 1867, on est loin vrai. Terre-Neuve, j'en entends souvent dire: On n'aurait pas dû, non plus, les accepter.

M. Bélanger: Ce n'est pas moi qui le dis.

M. Dufour (Ghislain): Dans le cas de Maastricht, il s'agissait d'adhérer à quelque chose, il ne s'agissait pas de se séparer de quelque chose. Ce qu'on vous dit, nous, c'est qu'on n'interroge pas la légalité. Oui, oui. C'est une différence fondamentale et, ça, M. Landry, qui s'est fait l'apôtre de ce débat-là, de nous planter Maastricht dans les jambes tous les matins, et tu lui dis: Oui, mais c'était adhérer, ce n'était pas se séparer. C'est deux fondements tout à fait différents. Mais, au-delà de ça, on aimerait ça en discuter, de Maastricht.

M. Payne: ...

M. Dufour (Ghislain): Non, M. Payne. C'est vrai. On aimerait ça en discuter avec vous, de Maastricht, dans une commission parlementaire.

M. Payne: Ne dites pas ça aux Britanniques.

M. Dufour (Ghislain): Pardon?

M. Payne: Ne dites pas ça aux Britanniques, que ça n'a pas d'importance, l'adhésion.

M. Dufour (Ghislain): Bon. De toute façon, ce que l'on dit, nous, c'est que la faisabilité est en cause. Vous n'auriez pas pu faire l'indépendance avec 50,6 % le 30 octobre dernier. Ça n'aurait pas marché. Et c'est pour ça qu'on dit: Ça pourrait un jour arriver, comme hypothèse, que les Québécois décident de se séparer, pour des raisons x, y, z qu'on n'interroge pas ce matin, mais ne nous plaçons pas dans une situation où ça ne sera pas réalisable parce qu'il y aura trop d'opposants. On n'interroge pas la règle, je le répète, de la légalité du 50 % plus un. D'ailleurs, vous remarquez, dans notre texte, on dit: «aurait probablement même été légal». Bon, là, il y a un paquet de monde qui se chicane, à savoir si ça l'est, si ça ne l'est pas. Les tribunaux, un jour, vont se prononcer. Et on est de ceux, nous, qui croyons que la règle politique peut drôlement influencer, éventuellement, la règle légale. On voit ça pas purement en politique, on voit ça dans un paquet de secteurs. Mais, comme c'est à nous de décider, et de la question et du seuil qui serait acceptable, pourquoi ne pas en débattre avant et non pas après? Parce qu'après il sera évidemment trop tard.

Et, contrairement à ce que certains ont pu dire, ce n'est pas vrai que nous contredisons M. Chrétien là-dessus. M. Chrétien débat le dossier légal. Nous, on défend le dossier de la faisabilité. Alors, il n'y a pas de contradiction, à sa face même, entre les deux.

Voilà. On nous fait dire, aussi, M. le député, souvent, qu'on a déjà parlé de 60 %, de 55 %. Jamais au Conseil du patronat. On a toujours demandé un débat clair là-dessus. Il y a des gens d'affaires qui se prononcent sur 60 %, 70 %, j'ai entendu du 75 %, mais on n'est jamais entrés là-dedans, nous autres. On n'a jamais établi - et, ça, je pense que vous êtes bien informé de ça - un seuil comme tel.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Dufour, également M. Hewitt et M. Garon. Alors, je vous remercie de votre présentation et du fait que vous attiriez l'attention sur quelques points en particulier, des points qui sont très importants dans le contexte actuel où on est en train de revoir la question de la Loi électorale.

J'aimerais d'abord peut-être juste faire un commentaire au départ, avant de poser une question. Tout à l'heure, le ministre mentionnait qu'il n'a jamais été question de remettre en cause le droit de tout chef d'entreprise de se prononcer ouvertement, d'être pour ou contre telle ou telle option dans un débat électoral ou dans un débat référendaire. Mais, si tel était le cas, comment on peut expliquer, par exemple, tout ce qui s'est dit sur la participation qu'a pu avoir, par exemple, M. Laurent Beaudoin, lors de la dernière campagne référendaire, qui a émis publiquement des opinions et qui s'est fait, entre autres, attaquer assez violemment par le premier ministre actuel dans le débat, qui était un débat référendaire où il émettait des opinions? Je ne comprends pas. On nous dit qu'il avait le droit de le faire et, en même temps, on l'a attaqué avec une virulence qu'on voit rarement. De deux choses l'une: ou il a le droit de le faire et on respecte son opinion et il a la liberté de le faire et on l'accepte... Alors, ça aurait été plus concluant et plus dans le sens de ce que semblait mentionner tout à l'heure le ministre responsable. Alors, je voulais tout simplement faire ce commentaire-là.

(11 h 40)

L'autre commentaire, c'est la question de l'intimidation. Je vous avoue que ça me fatigue passablement, moi, cette question-là, parce que, ce qu'on suppose, au fond, c'est qu'on dit que tout chef d'entreprise a le droit de faire valoir ses opinions, de dire quelles sont, à son avis, les conséquences que pourrait avoir... Ça fait partie de ses opinions publiques de dire quelles sont les conséquences que peut avoir tel ou tel choix au moment d'une élection ou d'un référendum. C'est aussi le droit de tout chef syndical de faire valoir la même opinion, de dire ce qu'il pense des conséquences qui pourront survenir et de le faire publiquement. Mais pourquoi on est en train, actuellement, de chercher une solution à partir d'un postulat où on suppose - et c'est un peu ce que j'ai l'impression qui est sous-jacent, et vous pourrez réagir tout à l'heure - que, dans le cas des chefs d'entreprise, il y aurait nécessairement des mesures d'intimidation? Le fait de faire valoir publiquement son opinion, de donner une information sur le plan économique, de la donner librement dans un débat de société, en quoi c'est relié d'une façon implicite et, à mon avis, inacceptable, à des possibilités qu'on semble vouloir élargir très large, que les chefs d'entreprise pourraient utiliser de l'intimidation? Et dans le cas des syndicats, ça, on n'en parle pas. Le chef syndical peut, lui, faire valoir son opinion, mais il n'est jamais question d'intimidation, alors qu'on sait très bien que dans plusieurs contextes on a vu souvent les structures syndicales être capables, malheureusement, de faire preuve d'intimidation dans certains débats et dans certains contextes particuliers de relations de travail. Quand il y a possibilité d'y avoir une intimidation, je pense qu'il peut y en avoir des deux côtés.

Mais le débat qu'on fait actuellement, c'est qu'on suppose que c'est seulement du côté des patrons ou des entrepreneurs que le fait de se prononcer, c'est indirectement et pratiquement automatiquement une mesure d'intimidation. Alors, là-dessus, je vous avoue qu'il faut faire une distinction, je pense, entre les deux niveaux du débat, c'est-à-dire de donner des opinions publiques, de donner de l'information économique face à un problème qu'on voit et sur lequel on se prononce, et chercher à intimider ses employés ou intimider d'autres personnes. C'est un autre problème. Et il me semble qu'on est en train de mélanger ces deux problèmes-là, on les relie ensemble.

Dans la Loi électorale - c'est là-dessus que j'aimerais avoir votre opinion, si c'est suffisant ou si vous aviez d'autres commentaires à faire là-dessus - il y a un article qui est l'article 557, où on dit, je le lis: «Est passible, s'il s'agit d'une personne physique, d'une amende de 1 000 $ à 10 000 $ ou, s'il s'agit d'une personne morale, d'une amende de 3 000 $ à 30 000 $, quiconque sciemment viole ou tente de violer le secret du vote, porte atteinte ou tente de porter atteinte à la liberté de vote, empêche ou tente d'empêcher une opération relative au vote, change ou tente de changer les résultats de l'élection.»

Est-ce que, ça, ce n'est pas suffisant, dans tous les cas où il pourrait y avoir intimidation, que ce soit de la part d'un employeur, de la part d'un chef syndical ou de la part de n'importe quel autre membre de la société? Est-ce que, ça, ce n'est pas suffisant pour régler le problème des cas d'intimidation, qui sont, à mon avis inacceptables? Et je pense que, là-dessus, vous en conviendrez, que ce soit de la part de n'importe quel groupe de la société, on ne doit pas intimider des personnes pour orienter leur vote. Mais on a une mesure, ici, qui est dans la Loi électorale, qui permettrait, à mon avis, de régler ce problème-là.

Alors que l'autre débat auquel on fait référence ici, ce n'est pas un débat... On associe, comme je l'ai dit tout à l'heure, malheureusement, la liberté d'expression avec, automatiquement, des mesures d'intimidation. Alors, j'aimerais avoir peut-être votre réaction là-dessus, M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Bon, M. le Président, vous me permettrez de ne pas faire de commentaires sur le premier commentaire de M. Bordeleau. À sa question précise, oui, on pense que, déjà, c'est couvert et qu'on n'a pas besoin d'en remettre. C'est déjà des pénalités très, très importantes, et elles ne vont pas, celles-là, à l'encontre du droit d'expression. Or, le droit d'expression dans une société, c'est fondamental. On commence à grignoter des choses comme ça et, éventuellement, on ne sait pas où on se retrouvera.

Ce qui m'intéresse dans votre intervention, surtout, c'est cette question d'intimidation. Et seules les personnes morales qui sont des chefs d'entreprise seraient des gens qui intimident. Et votre analyse est tout à fait correcte. On vit tous dans cette même société et on sait très bien qu'il y a des milieux où il s'en fait davantage que dans d'autres, et ce n'est pas dans le milieu patronal.

C'est un peu choquant, même, cette... Je dois dire que les gens qui ont lu le rapport du Directeur des élections... Évidemment, c'est une réflexion, mais c'est un peu choquant, ce qu'on retrouve à la page 44, où on avise, mais nommément, que les chefs d'entreprise... On ne demande pas, nous, qu'on oublie les chefs d'entreprise, on demande que tout le monde soit ignoré là-dedans, tous les leaders qu'on connaît, qui participent aux différentes campagnes électorales ou référendaires. C'est choquant, M. le Président, je vous le dis. Et, après cette commission, nous allons écrire au Directeur général des élections pour le lui dire. Je sais qu'il est là, il a saisi le message.

Quant à ce qui existe actuellement, on est d'accord pour - et je reviens à mes paramètres que j'avais abordés avec M. Bélanger - on est d'accord dans le... Parce que le comité-parapluie, c'est pour les dépenses, donc on est d'accord qu'il y ait certains paramètres. Je l'ai dit tout à l'heure comme exemple, il ne s'agit pas pour l'entreprise X de faire une campagne de publicité épouvantable. Il faut que ça soit contrôlé, il y a un objectif de contrôle, là, de coûts. Mais ce n'est pas de ça qu'on parle. On parle de la communication d'entreprise, et, ça, on devrait savoir ce que c'est que la communication d'entreprise, c'est de faire ce que M. Hewitt fait: rencontrer ses travailleurs, échanger avec eux, leur envoyer une appréciation de ce que ça représente pour la compagnie que le libre-échange avec les États-Unis. Ça, là, vous devez, quant à nous, revoir... Vous devez d'abord oublier la recommandation du Directeur général des élections, à sa page 44, qui en remet, mais vous devez revoir ce qui est déjà dans la loi pour permettre cette communication-là, sous réserve de la baliser, peut-être, au niveau des dépenses.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. M. Dufour, M. Hewitt et M. Garon, merci pour la présentation de votre mémoire.

À la page 4, vous écrivez que vous croyez «qu'il appartient aux Québécois eux-mêmes et à leur gouvernement de déterminer les mécanismes par lesquels ils décideront de leur avenir». On est très heureux de vous entendre dire cela, d'autant plus que cela va dans le sens de la loi 150, comme vous le savez, qui a été adoptée par le gouvernement libéral et que la partie ministérielle, quand elle était dans l'opposition, n'avait pas appuyée. Je sais aussi que vous avez participé à la commission Bélanger-Campeau et que cela concorde un peu avec votre pensée.

L'un des trois points que vous soulevez dans votre mémoire touche la majorité requise pour faire l'indépendance. Et vous avez souligné, en vous basant sur les différents sondages, que moins d'un Québécois sur quatre serait d'avis que 50 % plus une voix seraient suffisants pour faire l'indépendance, alors qu'un nombre plus grand de Québécois seraient d'avis contraire et penseraient que cette majorité devait se situer autour de 66 % et plus. J'ai bien aimé aussi la référence que vous avez faite à l'article de Lysiane Gagnon, qui est très percutant et qui soulève, au-delà de tout débat juridique, les vrais problèmes qu'un résultat mitigé pourrait causer au lendemain d'une indépendance. Alors, en guise de solution, vous avez également suggéré, à la page 5, que l'Assemblée nationale mette sur pied une commission parlementaire spéciale, et vous avez dit que ça serait peut-être même cette commission des institutions qui se donnerait un mandat pour discuter, dans un débat assez large, sur cette notion de majorité requise.

Par ailleurs, je vous soumets qu'il y a d'autres questions centrales qui demeurent posées: par exemple, le libellé de la question - il est fondamental - ainsi que les conditions de la sécession, notamment toute la notion de partenariat. Pensez-vous que les deux questions doivent faire aussi l'objet d'un débat public préalablement à toute démarche référendaire et que cela peut être étudié par cette fameuse commission parlementaire spéciale que vous suggérez?

(11 h 50)

M. Dufour (Ghislain): Là, vous me prenez un peu par surprise, parce que ce n'était pas l'objet de cette commission parlementaire, mais, à ce que je sache, vous n'avez aucune possibilité de débat sur le 50 % plus un, mais vous avez une possibilité de débat sur la question. Ça doit venir à l'Assemblée nationale et être débattu, si je me rappelle bien, durant 30 heures. Donc, vous avez, à ce moment-là, une possibilité de faire le débat. Et je ne verrais pas personnellement, mais, là, c'est une réaction très spontanée, je ne verrais pas vraiment qu'on fasse un débat sur une question deux ans avant un référendum.

Alors, je pense qu'il faudrait vraiment les séparer et, pour l'instant, vous nous donneriez votre plein... sur les deux questions, j'entends séparer les deux... le mot «séparer» le fait réagir, le ministre. Ha, ha, ha!

M. Bélanger: ...

Mme Houda-Pepin: C'est ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Il faudrait séparer, je pense, les deux questions, celle-ci étant une question, dans le fond, d'ordre technique, l'autre étant beaucoup plus une question d'ordre carrément politique. Mais je répète, à moins que je me trompe, M. le Président, il y a une période de 30 heures qui est prévue à la loi sur les référendums pour le débat sur la question. En tout cas, il y en a eu un, débat, lors du dernier référendum...

M. Bélanger: Oui, oui, oui. Il y a toujours un débat.

M. Dufour (Ghislain): ...assez long, à l'Assemblée nationale.

Mme Houda-Pepin: Et quel serait donc le mandat que vous voyez pour la commission parlementaire spéciale? À la page 5.

M. Dufour (Ghislain): Très simple: quel devrait être le seuil au-dessous duquel on ne descend pas pour s'assurer que l'indépendance est faisable. Vous savez que, nous, on ne s'est jamais prononcés, mais il y en a, de la recherche qui existe, que, si tu vas à moins que 58 % ou 60 %, tu vas avoir des problèmes de réalisation. On en a, de la recherche, là-dessus. Alors, c'est ce genre de chose qu'on devrait partager.

On nous cite beaucoup la Norvège, qui s'est séparée et qui n'a jamais eu de problèmes. La Norvège, ils ont voté à 99 % en faveur de la séparation. C'est évident que tu n'auras pas bien, bien des problèmes avec 99 %. Alors, tous les pays - on les a tous, là - les pourcentages sont tous, tous en haut de 75 %. Bien, il n'y en a pas eu, de chicane, après. Alors, c'est ça qu'il faudrait vraiment débattre et se donner comme mandat d'établir, comme mécanisme, je le répète, M. le Président, qui doit relever, quant à nous, de l'Assemblée nationale, des Québécois, quel seuil on se donne pour que ce soit acceptable.

Mme Houda-Pepin: Dernière question. Quand vous avez soulevé la question des dirigeants d'entreprise versus les chefs syndicaux, la réplique est à l'effet qu'il y a un rapport d'autorité dans une relation entre un dirigeant d'entreprise et ses employés. Est-ce que vous avez évalué ou réfléchi sur ce que représente le pouvoir d'influence, pas le pouvoir d'autorité mais le pouvoir d'influence, que peuvent exercer, par exemple, des chefs syndicaux?

M. Dufour (Ghislain): Ah! les chefs syndicaux. Parce que, là, on change la question. Tout à l'heure, c'était l'influence du chef d'entreprise vis-à-vis de son travailleur. Là, c'est le chef syndical vis-à-vis du travailleur.

Mme Houda-Pepin: C'est ça.

M. Dufour (Ghislain): En ce qui me concerne, ça me permet de répondre aussi...

Mme Houda-Pepin: Toujours ce débat-là.

M. Dufour (Ghislain): Oui. Ça me permet de commenter un peu l'intervention de M. Bordeleau. Je pense qu'on exagère, dans des dossiers comme ça, l'importance de la directive ou de la communication du chef d'entreprise à ses travailleurs. On le dit dans notre document. Tu sais, l'approche paternaliste dans les entreprises, ça a souvent l'effet inverse. Et les gens sont maintenant... les travailleurs sont assez informés, ils sont assez politisés pour être capables de prendre leurs décisions sans penser qu'ils seront intimidés.

Du côté syndical, ce sera une bonne question à poser aux chefs syndicaux eux-mêmes, s'ils se présentent devant vous: Quelle influence ils ont sur leurs travailleurs? Mais je ne crois pas que le phénomène joue plus du côté syndical que du côté des entreprises. Je ne pense pas qu'il joue du côté des entreprises parce que le travailleur n'est pas inféodé. Je ne vois pas pourquoi il le serait quand il arrive du côté syndical. Alors, voilà pourquoi, d'ailleurs, cette liberté d'expression qu'on plaide en faveur du chef d'entreprise, on la plaide aussi en faveur des chefs syndicaux. Moi, j'ai vu, en 1992, c'est surtout là qu'il y a eu des poursuites - on ne connaît pas encore celles qui nous pendent au bout du nez - mais il y a eu beaucoup de poursuites qui ont été faites aussi contre les syndicats. J'en connais personnellement, des syndicats, qui ont été poursuivis pour les mêmes raisons. Et, moi, j'ai vu de la documentation envoyée à certains travailleurs syndiqués; il n'y avait aucune raison, après, de les poursuivre. C'était une vision des choses. Mais que ça me vienne par un document écrit ou que je voie à la télé, tous les soirs, le même chef syndical qui me dit la même chose, ça ne change vraiment pas grand-chose. Et c'est ce qu'on conteste, nous, qu'on puisse le faire sur une tribune, mais tu ne peux pas aller l'écrire dans ton bureau. Ça n'a pas de sens, ça, au plan de la liberté d'expression.

Mme Houda-Pepin: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président. M. Dufour, M. Hewitt, M. Garon, si on peut être assez bref, parce qu'il ne reste que quatre minutes de notre côté. Je voudrais revenir sur les questions... Je vais toucher deux questions: bien sûr, la représentativité syndicale d'entreprise, d'une part, et, d'autre part, le 50 % et plus. Premièrement, pouvez-vous personnellement apprécier, ou pas, une différence fondamentale entre le lien d'autorité d'une entreprise à l'égard de ses employés, c'est-à-dire ses subordonnés, et le lien de représentativité d'un syndicat à l'égard de ses membres, c'est-à-dire les pairs? Dans un mot.

M. Dufour (Ghislain): Comme j'ai répondu à Mme la députée, je ne peux pas, moi, évaluer le degré d'influence que peut avoir, par exemple, une intervention syndicale vis-à-vis d'un travailleur syndiqué à l'occasion d'une campagne électorale, d'une campagne référendaire. Je ne peux pas. Du côté des entreprises, je vais demander à M. Hewitt: Est-ce qu'il pense qu'il influence profondément son monde, rapidement, lorsqu'il fait une intervention?

M. Hewitt (Jim): Je pense que, comme on dit dans notre mémoire, la notion de paternalisme qui existait peut-être une vingtaine d'années passées, ou peut-être plus que ça, n'est sûrement pas la règle de l'entreprise aujourd'hui, sauf exception. Et je pense que, si on regarde des situations, peut-être que des professeurs d'école envers des étudiants ont plus d'influence qu'un employeur peut avoir sur une question semblable envers ses employés. Alors, je pense que ceux qui prétendent autrement sont farfelus un peu.

M. Payne: Pour 50 % et plus, la question de faible majorité, ça semble vous tracasser. On pourrait invoquer d'autres analogies, par exemple une simple élection où, souvent, deux partis politiques arrivent, à toutes fins près, égal à égal, mais il y en a un qui remporte sur le nombre de sièges. Que ce soit une faible majorité ou pas, c'est la majorité qui l'emporte. Mon collègue a invoqué la question de l'Europe, je regrette de diverger profondément de vous. En ce qui concerne les conséquences, peut-être que vous n'êtes pas trop sensible au débat remarquable qui se tient en Europe à ce moment-ci. J'avais moi-même une discussion publique avec le Home Secretary de Grande-Bretagne, il y a quelques semaines, lors d'une conférence à Londres, qui disait qu'il avait toute intention de passer un deuxième référendum en Angleterre à l'égard de l'union monétaire qui s'en vient bientôt en Europe. Deux choses: d'abord, ils tenaient un deuxième référendum, puis, deuxièmement, il a dit publiquement: Pour mon gouvernement, pour la Grande-Bretagne, 51 %, c'est 1 % de plus que le seul vote dont on a besoin pour remporter la majorité.

Ma question pour vous: Pouvez-vous invoquer un mémoire ou un commentaire public avant le dernier référendum, qui souligne les mêmes préoccupations que vous manifestez aujourd'hui à l'égard de 50 % plus une voix? Un document que vous avez déposé ici, devant la commission parlementaire ou ailleurs. Parce qu'il semble que votre position est teintée plutôt par le résultat du vote serré que par une historique position de la part du Conseil du patronat.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Dufour.

(12 heures)

M. Dufour (Ghislain): Si je comprends bien la question, je ferai à peu près la même réponse que j'ai faite tout à l'heure à M. le ministre Bélanger. En ce qui concerne le CPQ, ça fait des années qu'on soulève cette question-là. On l'a toujours soulevée en fonction de la faisabilité, non pas en fonction de la légalité, et on n'a jamais mis, quant à nous, comme organisme, un seuil. Beaucoup de nos membres ont mis des seuils, mais, nous, on n'en a jamais mis.

Vous référez à l'Angleterre, vous référez à un certain nombre de pays européens. Vous avez, au tout début de votre intervention, référé à une élection générale. Mais, une élection générale, c'est pour quatre ans, ce n'est pas irréversible. Si, dans quatre ans, le gouvernement, parce que, justement, il avait une majorité trop faible, n'a pas été capable de gérer comme il faut, il va être battu. Il y a une possibilité pour le citoyen de se reprendre. Là, il n'y en a pas. Quand les mécanismes sont amorcés, même si des sondages viennent vous dire, à un moment donné, que les gens ne veulent plus, il reste que ce qui aura été décidé par une loi de l'Assemblée nationale, c'est le 50,6 %, comme hypothèse. Alors, c'est irréversible. C'est ça qu'on essaie de piloter. Dans tous les autres cas qu'on peut nous apporter, ce n'est pas irréversible.

Et vous en prenez déjà, des décisions, à l'Assemblée nationale, qui ne sont pas à 50 % plus un. Vous nommez le président de la Commission des droits de la personne aux deux tiers, vous nommez le Vérificateur général aux deux tiers. Donc, votre règle de la majorité qui est reconnue mondialement, ce n'est pas vrai. Et on pourrait vous donner toute une série d'exemples au Québec même: dans les municipalités, l'embauche d'un directeur général, etc. Ça existe. Alors, il faudrait faire le bilan de ça.

M. Payne: Mais vous avez une préoccupation, c'est-à-dire vous voulez un débat, mais vous n'avez pas de suggestion pour le seuil.

M. Dufour (Ghislain): Ah! si vous en voulez un, on pourra vous en lancer un, hein.

M. Payne: Oui. C'est quoi?

M. Dufour (Ghislain): Mais je ne suis pas sûr que ça ferait sérieux de vous dire 60 %.

M. Payne: D'accord.

M. Dufour (Ghislain): Mais c'est le débat qu'on veut faire.

M. Payne: O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, la discussion qu'on a eue sur la question de la liberté d'expression des leaders, l'opinion, au fond, ça remet un peu en cause et ça réfère d'une façon plus exacte à l'intervention possible de tiers sans que ce soit vu comme quelque chose d'inacceptable, l'intervention de tiers dans un débat public. Et le respect de la liberté d'expression de ces tiers, à ce moment-là, qui... J'aimerais savoir comment vous réagissez à ce qui a été mentionné, au fond, par le Directeur général des élections la semaine dernière, quand il mentionnait, et je vais tenter d'utiliser les termes, quand il référait à la question de ce qu'on a appelé la marche du Canada, les gens qui sont venus exprimer leur opinion à Montréal dans un débat qui était celui du débat référendaire. Le Directeur général des élections dit que ça porte atteinte à la démocratie. Mais, quand on fait référence au fait qu'une grande quantité de bulletins de votes ont été rejetés de façon abusive et qu'on privait ainsi des citoyens d'un droit fondamental, le droit fondamental de pouvoir exprimer son droit de vote, ça, dans ce cas-là, on parlait d'accroc à la démocratie. Comment vous réagissez à cette comparaison, à ces qualificatifs?

M. Dufour (Ghislain): Nous réagissons très négativement à cette position du Directeur général des élections. Dans un cas, il dit, et c'est lorsqu'il s'agit des bulletins rejetés: L'intégrité de la démocratie n'a jamais été mise en danger. C'est quelque chose de fondamental, c'est quand même le bulletin de vote. Et, dans l'autre cas, il dit que la marche pour l'unité canadienne a porté atteinte à la démocratie en général. Alors, c'est deux poids, deux mesures. Et, quant à nous, c'est une analyse qui est carrément inacceptable dans le débat qu'on vit actuellement au Québec.

M. Bordeleau: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, messieurs, nous vous remercions de votre présentation. Sur ce, nous suspendons les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 4)

(Reprise à 15 h 21)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons les travaux de la commission. Je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le document de réflexion proposant des amendements à la Loi électorale.

Alors, j'inviterais maintenant les représentants de la Chambre des notaires du Québec à nous présenter leur mémoire. Alors, messieurs, vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Pour les fins d'enregistrement de nos échanges, je vous prierais, s'il vous plaît, de vous identifier en début de présentation. Après la présentation de 20 minutes, nous disposerons d'une période maximale de 40 minutes d'échanges avec les parlementaires.


Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Cloutier (Michel): Merci, M. le Président. Je suis Michel Cloutier, représentant des notaires de Québec au Bureau de la Chambre des notaires et président du Comité de technologie de pointe de la Chambre des notaires. Mon collègue est Me Jean Gagnon, qui est membre du Comité de technologie de pointe de la Chambre des notaires.

M. Gagnon (Jean): Mesdames, messieurs, merci de nous accorder ce temps pour nous entendre.

En juin dernier, par l'adoption du projet de loi 40 permettant à l'Assemblée nationale l'établissement d'une liste électorale permanente et modifiant, par le fait même, la Loi électorale et d'autres dispositions législatives, on a visé, à ce moment-là, quatre objectifs principalement. Notamment, ces objectifs, vous les retrouvez dans un document qui vous a été distribué il y a quelques minutes, objectifs qui étaient de rationaliser notamment les dépenses électorales, qui visaient aussi à uniformiser les renseignements nominatifs qui sont nécessaires et uniformiser les informations pour les différents paliers, soit provincial, municipal et scolaire, à obtenir des données statistiques à jour concernant l'électorat québécois, donc une fiabilité de cette liste permanente, et à exercer un contrôle sur les renseignements qui apparaissent à ladite liste. Tels étaient et tels sont les enjeux de la réforme et de la liste électorale permanente.

Le processus proposé par le projet, qui est bien louable en soi et pavé de bonnes intentions, pourrait cependant être, je vous dirais, bonifié à certains égards. Le fichier des électeurs, qui sera constitué d'informations obtenues par, notamment, le recensement de 1995 et par des renseignements donnés par les électeurs eux-mêmes, risque, dans certains cas, de retrouver un pourcentage d'erreurs élevé, et on croit que, même si on procède par un nouveau... Même en se basant sur des données qui sont déjà en place, le recensement de l'an dernier, ou si on décide de procéder par un nouveau recensement, avec l'information qu'on voudrait obtenir à la liste, les coûts reliés à cette opération-là seront très élevés, et c'est un processus qui est lourd, surtout du côté administratif. Et la mise à jour qui est proposée, la mise à jour du fichier, et je vous parle du fichier des électeurs, bien, la mise à jour, à partir des informations fournies par la démarche et l'information fournie par l'électeur et à partir de banques de données, notamment de la Régie de l'assurance-maladie et celle provenant du ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté, eh bien, cette mise à jour amène une collation d'informations provenant de différents intervenants et qui ont été amenées et qui ont été présentées de différentes façons, tout dépendant des mesures administratives, je vous dirais, qui auront été prises par ces intervenants. Donc, ça nous amène - plusieurs intervenants, plusieurs banques de données - une révision de ces listes-là et une information qui peut être, parfois, erronée et où le risque d'erreurs pourrait être, dans certains cas, élevé.

Donc, la proposition qui vous a été présentée dans le mémoire par la Chambre des notaires, elle est simple, proposition où le notaire joue, remplit vraiment son rôle d'officier public, celui qui pourrait rencontrer l'électeur et ramasser les informations et certifier l'identité de la personne qui se présente devant lui comme électeur, puisque ça fait partie déjà d'un rôle qui appartient et que le notaire a toujours, au fil des années, su bien exercer. Donc, on le rappelle bien, le notaire, son rôle d'officier public serait celui qui pourrait rencontrer et recevoir l'électeur, attester et certifier, comme il le fait déjà dans d'autres circonstances et, habituellement, d'une façon presque incontestable, alors, attester l'identité, attester la capacité des intervenants et des électeurs.

On le sait, le notaire agit... Je vous dirais: Pourquoi le notaire a-t-il des qualités pour se situer à l'intérieur de ce processus? Bien, je vous le dis, c'est une façon un peu... Effectivement, c'est un peu historique, peut-être, mais c'est un rôle que, comme je vous le disais tout à l'heure, le notaire a toujours bien rempli, c'est-à-dire l'identité et la capacité, et c'est un professionnel qui est encadré et soumis à certaines règles plus précises, à certaines règles qui lui permettent notamment d'exercer ce rôle avec toute la rigueur qu'on lui connaît. Donc, le notaire agit selon les règles d'indépendance, d'intégrité et fait preuve, dans tous ses actes, d'impartialité.

Et, enfin, un critère peut-être aussi bien important, c'est le caractère confidentiel des informations qui sont transmises au notaire, et, on le sait, le notaire est celui qui agit au coeur des interventions personnelles, où les gens aiment vraiment conserver cette relation étroite avec le notaire, relation où on lui fait de grandes confidences et où il sait conserver et garder la confidentialité à l'égard de ces informations-là.

Autre élément, le notaire est celui qui peut conserver les documents et qui, dans son rôle, est habitué à le faire, puisque ça lui revient souvent, qu'il doit conserver et émettre des documents à demande.

Donc, le champ d'intervention. Pourquoi je vous présente le rôle d'un notaire comme officier public? Quel serait le champ d'intervention du notaire dans la proposition qui vous a été présentée? Bien, tant pour la constitution que pour la mise à jour de la liste, le notaire rencontrerait l'électeur et certifierait auprès du Directeur général des élections les informations qu'il a recueillies, certifierait la capacité et l'identité de l'individu qui se présente à lui en qualité d'électeur. Alors, vous avez la liste peut-être des cas qui pourront être traités par le notaire dans ce cadre-là. Bien, ce sont les cas qui demandent normalement une inscription que je qualifierais de plutôt simple, c'est-à-dire les cas où on constate qu'il y a effectivement qualité d'électeur, qu'il n'y a pas contestation sur la qualité de l'électeur.

(15 h 30)

Donc, ce processus permettrait de désengorger les commissions de révision, puisqu'on conserverait le rôle des commissions de révision pour des cas peut-être plus complexes. Il y a des cas où, effectivement, les commissions ont été instaurées... on retournerait au rôle premier des commissions, c'est-à-dire traiter les cas où, soit il y a eu refus par le notaire de reconnaître la qualité d'électeur, ou les cas un peu particuliers, pour les électeurs résidant hors Québec, par exemple, ou les électeurs qui voudraient contester une inscription qui a été faite dans un mauvais district ou une mauvaise inscription à la liste. Donc, on conserve les commissions et le Directeur général des élections en plein contrôle, mais surtout les commissions pour les cas plus particuliers.

M. Cloutier (Michel): Les avantages de l'intervention du notaire dans un processus d'établissement et de mise à jour de la liste électorale permanente sont assez nombreux. Le premier, c'est la fiabilité. L'intervention du notaire viserait à assurer que le fichier soit fiable, soit fondé sur des données qui sont reconnues par le droit comme incontestables, et viserait à assurer également la sécurité, l'intégrité et la confidentialité des informations qui sont recueillies.

Un autre avantage de ce processus, c'est de personnaliser la procédure de confection et de mise à jour du fichier des électeurs. L'électeur aura, à ce moment-là, le choix de son point d'entrée et choisira lui-même le notaire auquel il s'adressera et pourra lui présenter, à ce notaire, les preuves de sa qualité d'électeur. Ça offre également l'accessibilité du processus à tous les électeurs par le biais des 1 500 études notariales québécoises; il y a très peu de municipalités au Québec où il n'y a pas un notaire et on assure une couverture du territoire à peu près totale.

Pour le Directeur général des élections, pour l'État québécois, ça présente un intérêt d'économies important, entre autres au niveau de la diminution des frais administratifs reliés à la constitution et à la saisie sur support informatique de la liste électorale permanente, particulièrement parce que ce sera le professionnel qui assurera la saisie des informations, la saisie et la transmission des informations. Ça a comme avantage l'élimination de la presque totalité des frais administratifs reliés à la mise à jour des données tant en frais postaux qu'en traitements, qu'en saisies, qu'en comparaisons de fichiers. Ça élimine les frais reliés à la collation des différentes banques de données et la diminution des frais d'infrastructure technologique pour le gouvernement.

Qu'est-ce qui fait que la profession notariale, soudainement, s'intéresse à la liste électorale permanente? L'an dernier, en septembre dernier, la profession notariale a adopté un plan d'intégration technologique qui vise à mettre en place au cours de l'année 1996-1997 un réseau permettant d'échanger de façon sécuritaire et confidentielle des documents juridiques, à caractère, à portée légale, ces échanges étant fondés sur le niveau de sécurité le plus élevé disponible, les données étant encodées conformément aux plus hauts standards existants actuellement au niveau mondial.

La Chambre des notaires a démarré ce projet qui vise, au cours de cette année et/ou de l'année prochaine, à informatiser l'ensemble des 1 500 études notariales, à leur établir un réseau et à leur fournir les moyens de communiquer sécuritairement avec la Chambre d'abord, avec leurs partenaires économiques et publics, c'est-à-dire les institutions financières et les registres publics, mais aussi à offrir la force de ce réseau à toutes sortes d'intervenants et, notamment, particulièrement au gouvernement.

Le fait que les notaires soient reliés en réseau, qu'ils aient une fonction claire d'officier public en vertu de la loi, qu'ils aient l'obligation de certifier et de s'assurer de l'identité et de la capacité des pouvoirs des parties qui se présentent devant eux, qu'ils aient également une structure de discipline et de responsabilité qui permette à l'État, dans le cas présent, de s'assurer d'une qualité de travail certaine, on pense que c'est un élément qui peut être fort intéressant pour une réforme de la Loi électorale.

Au niveau des amendements législatifs que ça impliquerait, ça impliquerait, évidemment, de donner la capacité, la possibilité au notaire d'intervenir au niveau de la confection et de la mise à jour de la liste électorale permanente. Ça impliquerait un changement qui permettrait au notaire d'exiger des documents justificatifs et de refuser de procéder à la demande, le cas échéant, si l'électeur ne présente pas des documents justificatifs suffisants. Ça implique la mise en place d'un processus de révision en cas de refus du notaire, pour des motifs, évidemment, déterminés et bien établis par la loi.

M. Gagnon (Jean): En conclusion, on retient que la proposition de la Chambre des notaires se fonde sur les principes qui ont guidé le projet de loi, et on sait que le projet de loi est élaboré selon, aussi, la volonté et le désir qu'ont manifestés tous les intervenants du milieu. Tous sont d'accord pour dire qu'on doit se doter d'une liste uniforme, on doit uniformiser tous les renseignements, on doit se doter d'une liste à valeur probante, d'une liste fiable, et on doit accélérer et simplifier le processus de constitution et de révision de cette liste. C'est donc une liste à valeur ajoutée, une liste qui, au fil des années, sera toujours présente dans le réseau, sera mise à jour continuellement et assurera à tous les intervenants une qualité d'information qu'on ne peut obtenir autrement.

M. Cloutier (Michel): Alors, la Chambre des notaires vous informe, la commission des institutions, qu'elle est tout à fait disposée à effectuer, en collaboration avec le ministre responsable et le Directeur général des élections, le cas échéant, une analyse détaillée des modalités d'intervention du notaire dans le cadre de notre proposition et est tout à fait disposée à discuter de l'ensemble des éléments qui composent sa proposition.

M. Gagnon (Jean): Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, messieurs. Alors, M. le ministre.

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue à Me Cloutier et Me Gagnon, représentants de la Chambre des notaires. Dans votre document, à juste titre, vous soulignez, je pense, la compétence des notaires du Québec. Je peux vous dire que je partage tout à fait le témoignage de confiance que vous faites envers les membres de votre corporation. D'ailleurs, Me Langevin, qui est à mes côtés, est un membre de la Chambre des notaires, c'est lui qui est responsable de la réforme électorale à mon cabinet comme attaché politique.

Ceci étant dit, je trouve votre proposition tout à fait intéressante relativement à l'offre de services, finalement, que fait la Chambre des notaires, relativement à l'instauration de la liste permanente. Je comprends aussi que, donc, ça s'inscrit dans un projet de la Chambre des notaires de fournir à ses membres un réseau informatisé, un réseau de communications, d'échange de données efficace entre tous les membres et la Chambre des notaires. Est-ce que, finalement, la proposition qui est faite ne serait pas aussi une façon pour vous de rentabiliser votre nouveau réseau informatisé? Et, là je ne dis pas que c'est une mauvaise intention; au contraire, si le projet... Disons qu'on prendrait comme hypothèse qu'on accepterait le projet, ça pourrait être à la fois bénéfique pour le gouvernement et bénéfique pour la Chambre des notaires. Mais est-ce que ce serait pour vous une façon peut-être de rentabiliser aussi l'instauration du réseau informatisé auprès de vos membres?

M. Cloutier (Michel): L'instauration du réseau informatisé est déjà, avec les éléments qui sont en notre possession, rentable...

M. Bélanger: O.K.

M. Cloutier (Michel): ...à la fois pour nos membres et pour la Chambre des notaires. On a fait une expérience-pilote de 18 mois à Victoriaville, au niveau du transfert de documents, d'échange de documents informatisés juridiques, et cette expérience-pilote de 18 mois nous a permis de déterminer que les notaires et leurs partenaires pouvaient retirer des bénéfices très importants de l'utilisation de cette technologie-là. Donc, la liste électorale permanente, pour nous, n'est pas une manière de rentabiliser quelque chose qui ne le serait pas, c'est déjà très bénéfique à la fois pour nos membres et pour leurs partenaires. Donc, ce n'est pas là notre objectif.

M. Bélanger: Je comprends, mais est-ce que le réseau que vous allez installer pourrait servir tel quel pour l'instauration de la... finalement, capter les données nécessaires pour la liste électorale permanente, ou, au contraire, il va falloir, à ce moment-là, élaborer un nouveau système ou mettre en place un nouveau système qui pourrait se greffer à votre système? C'est parce que, moi, ça m'intéresse au niveau des coûts, l'implication gouvernementale pour l'instauration d'un tel système informatique.

(15 h 40)

M. Cloutier (Michel): Bon. Le réseau serait applicable intégralement. Ce que ça signifie, ça signifie de développer une transaction d'échange de documents informatisés particulière, c'est-à-dire une norme particulière de transmission du document, c'est-à-dire un formulaire. Alors, il s'agit de développer un formulaire informatisé spécifique à cette transaction-là et l'intégrer à l'intérieur des transactions qui vont être faites au niveau du réseau. Le réseau va permettre, lui, le chiffrement des messages, l'établissement des signatures, la garantie des signatures et la certification de l'identité à la fois du notaire et du client.

M. Bélanger: Est-ce qu'il y a une évaluation du coût que ça pourrait représenter si, on va dire, on donnait à la Chambre des notaires, on accordait à la Chambre des notaires toutes les inscriptions, les radiations, et tout ça, à la liste électorale? Est-ce que vous avez une idée du coût que ça pourrait représenter pour chaque événement électoral? En se basant sur un certain volume d'entrées, parce que, là, il faut quand même... on a un peu de difficultés à imaginer combien d'entrées ça peut représenter pour chaque événement électoral.

M. Cloutier (Michel): À l'étape où on en est, la réponse, c'est non. À l'étape de proposition dans laquelle on se trouve, on n'était pas en mesure d'établir des chiffres qui soient suffisamment précis pour être capable de vous dire: Bon, bien, ça va coûter tant par électeur ou par événement ou par... Ça, ce n'est pas actuellement disponible. Ce qu'on sait, c'est que les éléments qui nous permettent aujourd'hui de vous dire que ça va être rentable pour le gouvernement sont exactement les mêmes qui nous ont permis... avec lesquels on a démarré le projet de DI, le projet-pilote de DI à Victoriaville, et la démonstration a été faite que, oui, ces éléments-là se retrouvent et sont précisément des éléments qui sont rentables. Donc, ce qu'on vous présente là comme élément de coût, d'économies de coût, c'est ceux qu'on a déjà vérifiés dans un autre secteur. Quel est le niveau exact de coût? Ça, ça va demander une étude plus poussée qu'on s'est déjà offert à faire en collaboration avec vous autres.

M. Bélanger: Est-ce que vous avez aussi une idée au niveau des honoraires, finalement, que va charger le notaire ou le gouvernement pour un tel service pour que ce soit rentable? Bon, je regarde, j'imagine, en période électorale, le nombre d'individus ou de citoyens qui peuvent se rendre à un bureau de notaire pour s'inscrire sur la liste. Est-ce que vous avez une idée du coût que ça pourrait représenter pour chaque inscription, chaque radiation, ou pour faire quelque chose d'intéressant? Parce que je comprends que, pour que vos membres soient intéressés dans la chose, il ne faut quand même pas que ce soit synonyme, disons, de perte d'argent. Est-ce que vous avez fait une évaluation à ce niveau-là?

M. Cloutier (Michel): Non. En fait, l'idée, c'est de vous dire: Vous dépensez actuellement une certaine quantité d'argent pour la liste électorale, pour la confection de la liste électorale, la mise à jour de la liste électorale. Les études notariales sont des entreprises très compétitives, vous devez en entendre parler, sont des entreprises qui sont en mesure de faire un travail pour les citoyens à un coût très raisonnable et, à partir de là, eu égard au coût, à ce que ça coûte déjà, en fonction de ce que ça coûte déjà ou de ce que ça coûterait pour faire l'équivalent, je suis convaincu qu'il est possible d'arriver à un résultat acceptable à la fois pour le gouvernement et pour les études notariales. Le coût, je ne m'avancerai pas sur un montant précis aujourd'hui. Je peux vous dire qu'il est possible d'en arriver à un coût égal ou inférieur à ce que ça vous coûte actuellement, oui.

M. Bélanger: Et le dernier point, que vous avez un petit peu élaboré tout à l'heure, c'est au niveau de l'accessibilité du notaire. Est-ce que dans toutes les régions, même dans les régions du Québec, on peut dire que l'ensemble de vos membres couvre d'une façon très adéquate l'ensemble du territoire québécois?

M. Cloutier (Michel): Tout à fait. J'allais dire, là où il y a un village, il y a un notaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cloutier (Michel): Il y a probablement une ou deux exceptions. Avec 1 500 études à travers le Québec, on couvre toutes les régions et toutes les municipalités.

M. Gagnon (Jean): Justement, la force peut-être de la profession, entre autres, se situe dans la représentation qu'on a dans à peu près tout le territoire et toute la province.

M. Bélanger: Maintenant, et ça revient un peu à une des questions que j'ai posées tout à l'heure, dans quelle mesure le système informatique va être chez tous les notaires du Québec? Est-ce que tous les notaires vont devoir participer, vont être d'office volontaires pour cette opération-là? Est-ce que tous vont donc avoir le système informatique dans votre projet?

M. Cloutier (Michel): Le plan d'intégration technologique précise que les éléments logiciels, tous les logiciels vont être mis à la disposition des notaires gratuitement. Les équipements informatiques, évidemment, la Chambre des notaires ne les financera pas. Actuellement, 80 % des études notariales sont informatisées avec un PC, à tout le moins, et c'est la base de notre plan d'intégration, c'est là-dessus qu'on se fonde pour notre plan d'intégration technologique. Notre objectif est d'en arriver rapidement à entre 1 200 à 1 500 études... Évidemment, il y en a peut-être un ou deux qui n'embarqueront pas; il n'y aura pas d'obligation claire, il n'y aura pas d'obligation réglementaire. Mais, en fournissant les logiciels nécessaires pour la communication, en utilisant le parc informatique qu'on a déjà, oui, on pense que les notaires vont utiliser le système à très grand pourcentage. On a fait une tournée, l'année dernière, de 56 villes du Québec pour présenter aux notaires, à nos membres, le plan d'intégration technologique et leur demander s'ils étaient intéressés à embarquer. D'après ce qu'on a évalué, on a touché entre 900 et 1 200 notaires; 96 % d'entre eux nous ont répondu oui et nous ont répondu en sachant très bien qu'ils devraient acheter, le cas échéant, un système informatique. Donc, la réponse, c'est: la profession, oui, est très enthousiaste.

Par ailleurs, on a eu une autre tournée de consultation, en octobre, qui ne touchait pas du tout l'informatique, et les notaires, de façon tout à fait spontanée, ont demandé à la Chambre des notaires d'accélérer le processus d'intégration technologique. La profession en veut, la profession est en attente actuellement, et c'est au cours de l'année 1996-1997 que ça va se déployer. Et, d'après les informations qu'on a, ça va se déployer très rapidement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Merci. Alors, moi aussi, je tiens à vous souhaiter la bienvenue, Me Cloutier et Me Gagnon. Je vous remercie aussi pour la présentation de votre mémoire qui touche à un point de vue assez particulier mais qui est quand même très intéressant à analyser. Je vais laisser la parole, éventuellement, à mon collègue, qui est notaire, qui a une série de questions à vous poser.

Maintenant, peut-être juste une question que j'aimerais poser suite à une des questions que le ministre vous a posées tout à l'heure, la question de l'accessibilité. Vous avez dit: Oui, nous, on a un réseau, on a des notaires partout à travers la province. Moi, j'ai une question additionnelle que j'aimerais poser. Je ne sais pas si vous avez l'information. Dans les différentes régions du Québec, il peut y avoir des notaires partout, dans toutes les régions du Québec. Mais est-ce qu'on a une idée du nombre de personnes, au fond, de la représentation notaire per capita dans chacune des régions du Québec? On peut en avoir partout, mais, dans certaines régions, il peut peut-être y avoir plus de personnes pour un notaire que dans d'autres régions. Est-ce qu'il y a une grande variation sur l'ensemble du territoire du Québec, si on veut, d'une région à l'autre, au niveau du nombre de personnes en termes de population versus le nombre de notaires disponibles dans cette région?

M. Gagnon (Jean): C'est certain qu'il y a une concentration de notaires où il y a déjà une concentration de la population en général. Mais, si on veut faire une moyenne, par contre... Mes chiffres pourront être vérifiés, je ne sais pas si mes données sont exactes. Mais, il y a deux ans, on disait qu'il y avait environ un notaire pour 350 à 360 habitants, et cette norme-là était presque la même, peut-être avec une petite différence pour les deux grandes régions, Québec et Montréal, mais presque la même partout dans l'ensemble du territoire.

M. Bordeleau: O.K. Ça répond à ma question. Alors, je laisse la parole à mon collègue, le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Étant notaire depuis 1965, je suis très fier de participer à cette commission avec vous et d'entreprendre cet échange avec vous.

Je vous demande la question. Vous mentionnez le nombre de 1 500 notaires, mais est-ce que vous avez fait une tournée des notaires sur cette question? Est-ce que les notaires veulent participer dans cette entreprise? Est-ce qu'ils acceptent la documentation que vous avez déposée ici à ce jour? Est-ce qu'ils acceptent de participer?

(15 h 50)

M. Cloutier (Michel): Sur la participation à la liste électorale permanente. Le projet de participation à la liste électorale permanente a été présenté au Bureau de la Chambre des notaires, a été présenté au comité administratif. Les représentants de chacun des districts l'ont lu, l'ont consulté et en ont discuté. Une tournée n'a pas été faite spécifiquement sur cette question-là. Par contre, à l'intérieur des états généraux de la profession, il y a une résolution qui a été adoptée par les états généraux, c'est-à-dire la réunion d'à peu près 800 ou 900 notaires à travers la province, qui comportait une mention de la liste électorale permanente, c'est-à-dire demandait au gouvernement d'établir des partenariats, proposait au gouvernement des partenariats dans plusieurs secteurs, dont la liste électorale permanente. Donc, les notaires, oui, ont déjà demandé, avant de déterminer, oui, que l'État confie aux notaires ce rôle et cette fonction avant d'aller définitivement dans la rédaction d'un projet comme ça, et il est évident qu'on va le présenter à nos membres de façon particulière. Par contre, nos membres sont déjà au fait, dans la tournée qu'on a faite sur l'échange de documents informatisés, c'était dans le décor, ça a été mentionné comme une possibilité, et c'est revenu aux états généraux de façon, comme je vous le disais, spontanée de la part des notaires. Ça se parle déjà sur le terrain. Je ne crois pas que tous les notaires aient connaissance de ce projet, non, effectivement. Une tournée va devoir être faite éventuellement, effectivement.

M. Bergman: Est-ce que vous avez fait un estimé du nombre de citoyens qui peuvent visiter les bureaux des notaires, une moyenne, à travers la province, sachant qu'il y a sur la liste électorale à peu près 5 000 000 de personnes? Est-ce que vous avez fait une moyenne du nombre des citoyens qui peuvent visiter les bureaux des notaires?

M. Cloutier (Michel): Si vous calculez 5 000 000 d'électeurs, qu'il y a 2 900 notaires en pratique privée... L'évaluation que j'en avais déjà faite dans le cadre de Jeune notariat, on avait évalué les possibilités pour des jeunes notaires de s'installer dans diverses régions, c'est pas mal égal partout, il n'y a pas vraiment d'endroit, il n'y a pas vraiment de pays de cocagne pour les notaires actuellement, les notaires sont très bien distribués. Si vous faites le calcul, 5 000 000 divisés par 2 900 en pratique privée, ça va vous donner une idée du nombre. Si je parle de 2 900 par rapport à 1 500, tout à l'heure je parlais de 1 500 études, c'est-à-dire qu'il y a des notaires qui sont associés, deux ou trois, il y a, par contre, 2 900 notaires en pratique, donc, si vous faites le calcul, la division, je ne l'ai pas là, mais elle est facile à faire.

M. Gagnon (Jean): Mais, sur la fréquence, entre autres, je pense que vous parliez aussi de la fréquence...

M. Bergman: Oui, sur la fréquence.

M. Gagnon (Jean): ...que la population, que chacun pouvait avoir dans les bureaux de notaires... On nous disait il y a quelques années que tout citoyen consultait dans sa vie au moins à trois ou quatre reprises, et c'était une moyenne, le notaire. Donc, ça nous amenait à dire que, oui, il y en a peut-être qui le consultent sept ou huit fois par année, il y en a peut-être qui le consultent à tous les trois, quatre ou cinq ans, mais, cependant, on se disait, c'est un des professionnels qui sont consultés, je vous dirais, par un peu tout le monde, par M. Tout-le-Monde.

M. Bergman: Est-ce que vous pensez que les notaires ont le temps de recevoir les citoyens sur ce type de dossier? Est-ce que ça va réduire leur assurance d'être efficaces sur l'autre dossier, qui est la tâche la plus importante pour eux, la tâche de protection du public?

M. Gagnon (Jean): Il y a peut-être deux aspects, un premier sur l'organisation matérielle où, je pense que, de plus en plus, nos professionnels, nos notaires sont amenés à avoir une organisation qui est de plus en plus régie et structurée et qui permet, justement, l'accessibilité par plusieurs, et, de ce côté-là, je pense qu'il n'y a pas vraiment de problème. Et le deuxième aspect sur l'organisation, peut-être, du travail, l'organisation du temps, il faut dire que tout près de la moitié, sinon un peu plus de la moitié des notaires qui sont en région, et, quand je dis en région, je ne parle pas de régions éloignées, côtoient régulièrement... et l'étude du notaire est un endroit facile d'accès, et même je vous dirais que certains consultent assez souvent, assez régulièrement ce professionnel par rapport à d'autres. Donc, de ce côté-là, je pense qu'il y a une organisation dans le temps et il y a une organisation dans l'espace qui est raisonnablement accessible.

M. Cloutier (Michel): Si on demandait, par exemple, si on proposait de faire quelque chose qui est totalement inconnu aux notaires, on pourrait avoir la crainte que ça modifie leur processus, leur procédure de façon majeure. Mais, essentiellement, la proposition qui est sur la table, c'est de reconnaître ce que fait déjà le notaire dans ses transactions normales, c'est-à-dire identifier une personne, identifier sa capacité et ses pouvoirs; il doit le faire, c'est la première chose qu'il doit faire dans tous ses actes. Et cet élément-là ne pose que très exceptionnellement un problème. Le notaire le fait toujours, c'est son rôle d'officier public qui est en cause et il le fait toujours. Donc, ce processus-là n'est pas inconnu pour lui, ce n'est pas une modification fondamentale. L'organisation qu'on met derrière par le réseau informatique, par l'échange de documents informatisés, fera en sorte de faciliter le travail du notaire de façon majeure et de lui permettre... Je vous donne un exemple. Vous êtes notaire, vous avez certainement fait des transactions immobilières. Le processus d'échange de documents informatisés permet de réduire de moitié le temps nécessaire pour faire un travail en matière immobilière. Donc, l'équivalent... On ne craint pas que le notaire soit tellement embourbé qu'il ne soit pas capable de rendre le service. Bien au contraire, les instruments qui vont être mis à sa disposition vont lui permettre de le rendre adéquatement et rapidement. C'est les deux éléments, parce qu'on parlait de coût tout à l'heure, qui vont nous permettre de faire en sorte que les coûts soient raisonnables.

M. Bergman: Les coûts m'intéressent, la question des tarifs. Les tarifs des notaires sont à un niveau. Est-ce que le gouvernement peut payer ces tarifs de notaires pour remplir ces fonctions, quand ces fonctions peuvent être remplies à un bureau gouvernemental, comme un guichet unique, quand les citoyens peuvent aller à un bureau gouvernemental, où il y a d'autres services qui sont donnés aux citoyens au lieu d'aller chez le notaire?

M. Cloutier (Michel): Dans l'état actuel des choses, j'ai l'impression que la comparaison risque d'être favorable aux études notariales.

M. Bergman: Sur la question du réseau informatique. Étant donné qu'un notaire ne peut pas refuser un dossier qui vient à son bureau, à moins qu'il y ait des causes majeures... et s'il y a un nombre suffisant de notaires qui n'ont pas ce réseau informatique, est-ce que vous avez l'intention d'obliger la balance des notaires qui n'ont pas le réseau informatique à se brancher et à avoir ce réseau? À ma connaissance, vous avez raison, mais il y a beaucoup de notaires, de bureaux de notaires qui fonctionnent sans ce réseau informatique et qui fonctionnent sur une base efficace aussi.

M. Cloutier (Michel): Dans des délais très rapides, les notaires vont devoir... honnêtement, sans qu'on soit obligé d'imposer une réglementation, on va devoir s'informatiser rapidement, tout d'abord parce que le processus de dépôt de leur rapport de testaments qu'ils doivent déposer à chaque mois à la Chambre des notaires va être informatisé, à la fois au niveau des dépôts et des recherches testamentaires. Premier élément.

Deuxième élément. Au fur et à mesure que le processus d'échange de documents informatisés va s'étendre aux institutions financières, parce que c'est la deuxième étape, c'est celle qu'on a faite à Victoriaville et c'est celle qu'on veut inscrire le plus rapidement possible dans la pratique notariale, les notaires, par la pression économique, n'auront pratiquement... vont devoir embarquer. On n'aura pas nécessairement besoin de faire en sorte d'obliger. Je crois bien que la pression économique va faire en sorte que les études notariales qui n'auraient pas tout à fait l'intention d'embarquer vont embarquer.

Par ailleurs, il restera peut-être toujours des gens qui vont fonctionner sans informatique. À un moment donné, la Chambre des notaires va devoir se poser la question: Est-ce que c'est une façon normale de pratiquer aujourd'hui ou pas? Si la réponse est oui, c'est une façon qu'on peut encore tolérer, c'est dans tous les actes, ce n'est pas que dans la liste électorale permanente, et, à ce moment-là, ces notaires-là risquent fort de se concentrer sur certains éléments, sur certains actes précis, et se limiter à ceux-là. Mais, dans un avenir très prochain, les notaires vont devoir et ils sont conscients du fait qu'ils vont devoir faire le virage.

M. Bergman: À la page 9 de votre rapport, vous avez listé les avantages de l'intervention du notaire et, au troisième alinéa, vous parlez de l'élimination de la nécessité de comparer la banque de données détenue par le Directeur général des élections avec les données transmises par la Régie de l'assurance-maladie et le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada. Mais est-ce que ce n'est pas un avantage d'avoir cette comparaison avec d'autres données, dans d'autres éléments gouvernementaux, au lieu de les éliminer? Et est-ce qu'on ne fait pas tous ces réseaux plus efficaces en faisant les comparaisons et pour avoir quelque chose de plus uniforme?

(16 heures)

M. Cloutier (Michel): Le problème de la comparaison entre les réseaux, c'est que l'entrée dans ces réseaux-là n'est pas égale. En fait, un des problèmes en informatique, c'est que la donnée qu'on entre n'est pas toujours la même, si elle est appelée de la même façon, dans le sens que ça dépend de la manière dont on définit, par exemple, le domicile, la résidence, etc. Ça dépend énormément des fins pour lesquelles ces données-là sont prises. Dans plusieurs secteurs, même si on s'adresse aux mêmes personnes, les données sont saisies pour des motifs différents et elles ne sont pas du tout pareilles, en ce sens qu'une banque de données d'entreprises, par exemple, ou une banque de données de personnes physiques peut être totalement différente dans un organisme gouvernemental par rapport à un autre, dépendamment des fins de cet organisme gouvernemental là, et le fait de comparer deux banques de données, c'est un peu comparer des pommes avec des oranges. On se retrouve avec un problème d'égalité des informations, de correspondance des informations, ce n'est pas toujours pareil, et ça, ça pose des problèmes, je pense, beaucoup plus que d'avoir un point d'entrée unique. L'objectif de notre proposition, c'est de faire en sorte d'avoir un seul point d'entrée strictement dédié à cette fonction, pour cette fonction-là, et non pas de se retrouver à comparer des informations qui sont données pour toutes sortes de fins et avec toutes sortes de normes. Par exemple, la Régie de l'assurance-maladie ne s'intéresse pas au temps de résidence dans un district électoral particulier, la Régie de l'assurance-maladie ne ramasse pas les informations pour la même fin que la liste électorale permanente, et ça risque de poser des problèmes.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va? Pas d'autres questions? Alors, messieurs, nous vous remercions de votre présentation et de votre participation aux échanges.

Alors, j'inviterais maintenant les représentants et représentantes du Congrès hellénique du Québec.

Alors, madame, messieurs, vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre présentation, laquelle sera suivie d'échanges avec les parlementaires. Je vous inviterais, pour les fins de mémoire de notre commission, à bien vouloir vous identifier.


Congrès hellénique du Québec

Mme Gonis (Catherine): M. le Président, MM. les députés, je suis Catherine Gonis, trésorière du Congrès hellénique du Québec, et M. Athanasios Hadjis, vice-président du Congrès hellénique du Québec.

Le Congrès hellénique du Québec est un organisme sans but lucratif qui chapeaute quelque 70 associations sociales, culturelles, philanthropiques, athlétiques, éducationnelles et autres dont les membres sont des Québécois d'origine grecque. Ses buts principaux sont brièvement: servir et promouvoir le progrès de ses membres, faciliter leur intégration à la société d'accueil, encourager et maintenir leur héritage culturel, promouvoir la communication et encourager la coopération avec d'autres groupes ethnoculturels, promouvoir le développement de législations et de politiques qui sont justes et équitables envers tous les citoyens et encourager tout projet et activité qui permettront à la communauté hellénique d'avancer et d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés.

En 1995, avant le recensement pour le dernier référendum, le Congrès hellénique du Québec, le Congrès national des Italo-Canadiens et le Congrès juif canadien ont communiqué avec le Directeur général des élections du Québec, M. Pierre-F. Côté, afin de lui soumettre quelques suggestions en ce qui concerne la confection de la liste électorale permanente.

Le Congrès hellénique du Québec a beaucoup apprécié l'opportunité de l'échange d'opinions avec M. Côté et ses adjoints et d'apprendre l'intention du Directeur général des élections d'établir une liste électorale permanente. Notre préoccupation, en ce moment, était la difficulté que des membres de nos communautés éprouveraient à comprendre la nouvelle procédure de recensement qui, entre autres, impliquait la possibilité de devoir fournir preuve de citoyenneté.

Le Congrès hellénique a alors entrepris une campagne de sensibilisation à l'intérieur de la communauté hellénique du Québec pour informer ses membres de la procédure du recensement. Cette information a servi de complément à l'excellente campagne de publicité en plusieurs langues entreprise par l'office du Directeur général des élections et qui visait en particulier les membres des communautés culturelles.

Ces efforts ont abouti au succès du recensement. Au lieu d'omissions dans la liste électorale, que beaucoup de Québécois craignaient, des centaines de milliers de nouveaux électeurs s'étaient inscrits. Malgré ce point encourageant, certains autres problèmes sont survenus durant le récent référendum, et nous applaudissons l'Assemblée nationale, et en particulier la commission des institutions, pour avoir fourni aux Québécois l'opportunité d'exprimer leurs opinions quant aux changements qu'ils aimeraient voir au processus électoral du Québec.

Notre mémoire suivra le schéma du document de réflexion du Directeur général des élections daté du 12 décembre 1995 et nous nous limiterons aux propositions y contenues, sur lesquelles nous avons des commentaires ou des suggestions à porter.

Les amendements proposés. Le Congrès hellénique du Québec est d'accord avec les amendements proposés au sujet du domicile dans le document de réflexion et particulièrement l'introduction de certains règlements qui facilitent l'interprétation de la notion du domicile et rendent la Loi électorale consistante, juste et équitable. Avec l'application adéquate des règlements du domicile, les Québécois temporairement absents de la province seront assurés qu'à leur retour leur droit de vote ne sera pas perdu.

En ce qui concerne le choix de l'article 3, le Congrès hellénique du Québec appuie la proposition de permettre à tout électeur absent de son domicile pour recevoir des soins de santé ou poursuivre un programme de réhabilitation, peu importe l'endroit où il réside à cette fin, de se prévaloir du choix offert par l'article 3. Plus particulièrement, nous sommes conscients que, bien qu'une grande partie de la population québécoise vieillit, les contraintes budgétaires forcent de plus en plus d'aînés à recevoir les services de santé à domicile et que certains d'entre eux sont immobilisés par la maladie. Présentement, aucune méthode n'existe qui permettrait à tel électeur de voter de son domicile. Nous soumettons que la possibilité d'établir un système de vote itinérant aux domiciles d'individus répondant à certains critères objectifs d'immobilité devrait être examinée.

Par ailleurs, certains membres de notre communauté se sont plaints que, ayant tombé malades après la fin de la période de révision et étant toujours hospitalisés le jour du scrutin, ils n'avaient pas pu s'inscrire sur la liste électorale de la section de vote établie à l'intérieur de leur centre hospitalier. Nous aimerions donc encourager l'examen de la possibilité de prolonger autant que possible la période d'inscription aux personnes qui se trouveraient dans telle situation, et ce, sans l'obligation de se rendre aux bureaux des directeurs du scrutin.

En ce qui concerne les propositions du Directeur général des élections au sujet de la liste électorale permanente, et plus particulièrement à l'effet de donner au Directeur général des élections un pouvoir général de communiquer en tout temps avec un électeur inscrit pour vérifier l'exactitude et la validité de son inscription, nous soumettons que tous ces pouvoirs devront être exercés de façon adéquate et raisonnable, que l'inscription d'un électeur ne soit pas radiée sans qu'il n'en soit avisé et entendu en bonne et due forme.

M. Hadjis (Athanasios): Merci. Concernant la révision, nous sommes entièrement d'accord que le niveau des critères et règles de compétence et de conduite applicables à l'ensemble des membres du personnel électoral soit sensiblement amélioré. Un grand nombre des plaintes posées par les membres de notre communauté concernant la révision aurait pu être évité si le personnel impliqué avait eu la formation adéquate. De plus, dans le cas des régions peuplées en grande partie par des membres des communautés culturelles, il serait bon d'inclure dans l'apprentissage une discussion sur la façon de traiter tels électeurs, surtout la patience et la compréhension nécessaires pour communiquer avec eux. Nous croyons que l'office du Directeur général des élections devrait embaucher autant de membres de communautés culturelles que possible afin d'éviter des malentendus.

(16 h 10)

Un autre petit point en ce qui concerne le changement d'horaire proposé, c'est-à-dire de limiter les heures pendant lesquelles les électeurs peuvent se présenter seulement en après-midi et en soirée afin de favoriser les délibérations des commissions de révision. Nous recommandons que l'horaire présent ne soit pas changé.

Un grand nombre des membres des communautés culturelles travaillent de longues heures, souvent jusqu'à très tard le soir; ils commencent leur journée tard dans la matinée et finissent tard le soir. Si les heures de l'avant-midi du comité de révision étaient éliminées, ces individus seraient incapables de s'y présenter et de faire les représentations nécessaires. Nous soumettons donc qu'une méthode alternative soit trouvée pour s'assurer que le comité de révision soit en mesure d'avoir le temps de délibérer et d'examiner les cas en question. L'augmentation du personnel du comité de révision allégerait la tâche et serait une solution possible.

Quant à la révision spéciale, nous appuyons les propositions en ce qui concerne la commission de révision spéciale, mais nous suggérons que les pouvoirs de cette commission d'accepter des demandes d'inscription de lecteurs radiés lors de la révision ordinaire soient élargis pour inclure des cas autres que ceux spécifiquement mentionnés dans le document de réflexion. Car, essentiellement, nous croyons que toute personne préalablement radiée en révision qui se présente à la commission de révision spéciale, munie de l'évidence adéquate, devrait avoir le droit d'inscription dans la liste électorale et devrait y être réinscrite par la commission de révision spéciale.

Nous croyons que toute la structure de procédures de la Loi électorale, y compris la commission de révision spéciale, devrait être conçue de façon à faciliter le droit de vote de tous les citoyens et non pas de l'entraver, tout en présumant qu'ils répondent aux critères de base pour avoir la qualité d'électeur, soit âgé de 18 ans et plus, domicilié au Québec, etc.

Quant au vote par anticipation, quoique la révision de n'importe quel processus est louable, nous croyons que le système actuel pour le vote par anticipation fonctionne très bien et qu'il n'y a pas lieu d'effectuer de changements majeurs. Le seul problème que certains de nos membres ont soulevé a été que le nombre restreint de bureaux de vote par anticipation dans certaines circonscriptions était tel qu'il leur avait été difficile d'y avoir accès.

Quant au vote itinérant, on a déjà parlé un peu sur ce point-là quand on a parlé du choix de l'article 3 concernant le vote à domicile pour les personnes immobilisées chez eux.

Le bulletin de vote. Le bulletin de vote est l'essence de notre système démocratique. Il constitue le moyen direct par lequel la volonté politique de chaque citoyen est exprimée. Par conséquent, toutes les mesures possibles doivent être prises pour assurer que cette déclaration fondamentale de chaque électeur soit comptée et exprimée. Malheureusement, lors du récent référendum, selon les reportages des journalistes, les témoignages de plusieurs électeurs avec lesquels nous avons parlé et, maintenant, le rapport de la semaine dernière du Directeur général des élections, ce droit fondamental de la démocratie a été indiscutablement nié. Nous aimerions soulever certains points et suggestions de notre part.

Nous étions particulièrement préoccupés du fait que trois des circonscriptions concernées, c'est-à-dire pour lesquelles les plaintes ont été portées, soit Laurier-Dorion, Chomedey et Marguerite-Bourgeoys, renferment chacune une forte concentration de Québécois issus de communautés culturelles, et dans deux de ces comtés on y trouve de fortes concentrations de Québécois d'origine hellénique. Dans le comté de Chomedey, je crois, on parle de presque la moitié. Il en découle que les membres de notre communauté nous ont demandé de faire les démarches nécessaires auprès de la commission des institutions pour que cet état de choses ne se reproduise pas.

La solution proposée dans le document de réflexion est le bulletin utilisé en Belgique où l'électeur exerce son vote en noircissant le petit cercle de son choix, lequel fut déjà utilisé aux élections partielles tenues récemment. Nous serons intéressés quant aux résultats et conclusions tirés par le Directeur général des élections ayant trait à cet essai. Une question qu'on s'est posée, c'est la difficulté qu'auraient eue, peut-être, des personnes ayant des incapacités visuelles avec ce type de bulletin. Toutefois, nous croyons que, dans tous les cas, surtout si les bulletins de vote ne sont pas modifiés pour le prochain scrutin général, la loi devrait être amendée de façon telle qu'aucune disposition spécifique ne soit requise quant à la méthode de validité en ce qui concerne la façon de marquer un vote. Du moment que le lecteur a exprimé son intention, que ce soit par un x parfait ou par trois lignes non parallèles dans un cercle comme exemple, le bulletin de vote devrait être déclaré valide et le vote compté.

Par ailleurs, nous soumettons, comme suggestion seulement, que la Législature considère un amendement à la loi de façon à ne plus laisser le pouvoir de décision concernant le rejet d'un bulletin de vote aux mains du scrutateur mais plutôt à un comité distinct qui serait établi à l'intérieur de chaque secteur ou circonscription, composé de juristes mandatés spécifiquement à rendre une décision initiale du rejet ou non d'un bulletin de vote. Le Congrès hellénique du Québec attache une importance primordiale à la nécessité de l'amendement à la loi, en ce qui concerne le bulletin de vote, dans les plus brefs délais.

Identification de l'électeur. Nous sommes d'accord avec la proposition à l'effet que le Directeur général des élections effectue une étude de faisabilité relativement à l'instauration d'un mécanisme d'identification obligatoire de l'électeur. L'utilisation d'une carte d'électeur permanente est particulièrement intéressante car elle permettrait ainsi d'éviter quelques complications qui surviennent dans le système de votation actuel. Par exemple, beaucoup de temps est perdu par le personnel électoral sur les lieux à chercher à identifier l'électeur et à rayer son nom de la liste électorale. Ce problème est d'autant plus aigu quand l'électeur a de la difficulté à s'exprimer en français ou en anglais. Cependant, s'il n'avait qu'à présenter sa carte d'électeur de la même façon qu'il présente sa carte d'assurance-maladie ou d'assurance sociale, les problèmes de communication seraient probablement résolus.

Quant au secret du vote, nous sommes d'accord avec les propositions soumises au document de réflexion et encourageons tout changement à la loi qui permettrait l'exercice du droit de vote aux individus incapables de marquer leur bulletin de vote. Surtout dans des cas qui surviennent souvent à des aînés de notre communauté et d'autres communautés qui ont de la difficulté à lire et pourraient se prévaloir de l'assistance d'une autre personne en qui ils ont confiance. Une telle personne, qu'elle soit de la même circonscription électorale ou non, devrait être autorisée à assister l'électeur pour voter. Habituellement cette assistance est fournie par un membre de la famille en qui l'électeur a confiance et, par conséquent, le secret du vote n'est pas menacé. De plus, l'électeur devrait être autorisé à communiquer, dans la langue de son choix, avec la personne qui l'assiste.

On avait quelques autres petits commentaires à faire, qui ne sont pas directement liés au document de réflexion.

Un grand nombre d'électeurs ont fait part de leur préoccupation au sujet du choix des bureaux de votation, surtout dans certaines circonscriptions urbaines. Souvent trop de secteurs de vote étaient placés dans des locaux relativement petits, avec très peu d'espace à l'intérieur, et les électeurs devaient attendre à l'extérieur, exposés aux intempéries. Nous comprenons qu'il n'est pas facile pour le Directeur général des élections de toujours trouver des locaux convenables, mais nous espérons qu'à l'avenir cette situation sera améliorée.

Nous avons certaines réserves sur la procédure de l'assermentation exigée contenue dans l'article 350 de la loi. L'intention de cette procédure est d'éviter le vote illégal, mais, en certain cas, la façon dont elle a été appliquée était abusive. Par exemple, lors des élections de 1994, il y a eu un incident qui a, par la suite, été porté à notre attention où un représentant d'un des candidats demandait systématiquement que tous les soi-disant Grecs prêtent serment dans un secteur de vote. Il va sans dire que de tels abus qui portent presque sur la discrimination devraient être défendus et tous les effectifs électoraux devraient être avisés par l'office du Directeur général des élections que l'assermentation n'est exigée que dans des cas exceptionnels et non pas d'une façon systématique.

En conclusion, le Congrès hellénique du Québec réitère son appréciation pour l'opportunité d'exprimer des opinions articulées à l'égard des amendements proposés à la Loi électorale, dans le cadre d'un exercice purement démocratique. Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, madame et monsieur. M. le ministre.

M. Bélanger: Alors, Mme Gonis, Me Hadjis, je vous souhaite la bienvenue à notre commission et je vous remercie pour votre présentation. Je voudrais remercier le Congrès hellénique pour la présentation de ce mémoire. Je pense que c'est tout à l'honneur du Congrès hellénique que de se préoccuper, finalement, des droits démocratiques des membres de son association et de vouloir participer, finalement, au débat qui porte sur la réforme de notre loi; réforme éventuelle de notre Loi électorale.

(16 h 20)

Je constate qu'il y plusieurs points sur lesquels votre association est en accord avec les recommandations formulées par le Directeur général des élections. Je constate, en particulier, que pour la liste électorale permanente, finalement, les appréhensions que certains anticipaient, c'est-à-dire que, peut-être, des gens se retrouveraient exclus de la liste électorale permanente, ne se sont pas réalisées. Comme vous le dites vous-même, suite aussi, peut-être, à des efforts qui ont eu lieu, ça a peut-être suscité certains efforts de la part de tous les intervenants sur le terrain. Finalement, on a eu même une plus grande inscription que jamais au niveau de nos listes électorales. Je constate, donc, finalement, que les craintes que certaines personnes avaient ne se sont pas réalisées, je pense que nous pouvons nous en réjouir.

M. Hadjis (Athanasios): On a eu des craintes, M. le Président, mais, avec des efforts comme, par exemple, le dépliant qui nous a été remis, ça a aidé beaucoup.

M. Bélanger: Maintenant, l'autre point que je voulais... Je vois que pour le vote, donc, par anticipation, quant à vous, vous ne voudriez pas qu'il y ait de modifications. Quant à vous, la formule actuelle du vote par anticipation fonctionne bien: «Au niveau de la révision spéciale, nous croyons que toute la structure de procédure de la Loi électorale, y compris la commission de révision spéciale, devrait être conçue de façon à faciliter le droit de vote de tous les citoyens et non pas de l'entraver.» Alors, je pense, évidemment, on est tous d'accord avec ce principe-là.

Ce qui revient plusieurs fois, dans votre mémoire, ce qu'on constate, c'est qu'au niveau de la formation du personnel électoral, que ce soit au niveau même des commissions de révision, au niveau des recensements, même au niveau, peut-être, des scrutateurs, vous semblez, en tout cas, être d'avis que, peut-être, la formation n'est pas adéquate, c'est peut-être ce manque de formation-là qui a causé dans plusieurs cas, des problèmes. Est-ce que je me trompe?

M. Hadjis (Athanasios): Effectivement, très souvent, c'est une source de problèmes. Ce point-là que vous avez soulevé concernant la révision spéciale, ça ne fait pas partie de la formation, c'est plutôt une question de la loi elle-même. On mentionne le fait qu'une personne radiée en révision ne peut plus être inscrite sur la liste, même si elle se présente à la révision spéciale avec tous les documents nécessaires. C'est là qu'on trouve, peut-être, un problème qui devrait être corrigé.

M. Bélanger: Quant au bulletin de vote, maintenant, à la page 6 de votre mémoire, troisième paragraphe, vous dites: «Nous sommes curieux quant aux conclusions tirées par le Directeur général des élections ayant trait à cet essai.» Vous faites référence à l'essai du bulletin de vote à la belge, là, mode de...

M. Hadjis (Athanasios): Oui, qui a été utilisé il y a quelques mois.

M. Bélanger: Oui, quand vous dites que vous êtes curieux, est-ce que vous voudriez savoir c'est quoi les résultats, c'est ça?

M. Hadjis (Athanasios): Les résultats, exactement. C'est une mauvaise traduction qui a été faite.

M. Bélanger: Parce que l'information que nous avons eue, nous, ça serait - en tout cas, ça a été essayé pour l'élection de Jonquière, je pense que c'est encore utilisé pour l'élection partielle d'Outremont et de l'Assomption, semble-t-il. Le premier essai qui a été fait a été concluant quant à la chute du taux de rejets, nous allons voir maintenant comment ça va se réaliser pour les deux prochaines élections partielles qui doivent avoir lieu en juin. Mais, semble-t-il, en tout cas, à ce niveau-là, qu'il y a eu une baisse dramatique du taux de rejets.

Maintenant, quand vous parlez, vous constatez évidemment, ou vous déplorez le fait, qu'il y a eu des problèmes dans trois circonscriptions électorales de l'ouest de Montréal, semble-t-il, là...

M. Hadjis (Athanasios): Oui.

M. Bélanger: ...je peux vous dire que, moi, comme ministre délégué à la Réforme électorale, c'est très sérieux pour un citoyen de perdre un droit de vote; je pense que c'est très, très sérieux, on ne doit pas prendre ça à la légère. Je pense que le Directeur général des élections, d'ailleurs, l'a démontré en poursuivant 29 personnes membres du personnel électoral, et c'est une première. Mais, maintenant, vous comprendrez, Me Hadjis, vous êtes avocat, qu'on doit aussi, les remarques que je vous fais, prendre évidemment en considération, aussi, la présomption d'innocence, c'est-à-dire que tant, évidemment, que les procédures n'auront pas été intentées, des jugements n'auront pas été rendus, on ne peut pas encore présumer qu'il y a eu fraude électorale. Mais, disons, ce qu'on peut constater déjà, c'est qu'il y a eu une irrégularité et que les taux de rejets étaient anormalement élevés. Je pense qu'on sera tous d'accord, ici en cette assemblée, qu'il faut s'arranger pour ne pas que ça se reproduise, ce genre de situation. Parce qu'à partir d'une situation qu'on a retrouvée dans trois comtés certains ont essayé de généraliser pour dire que tout l'ensemble de l'exercice démocratique qui, quant à moi, est un grand succès - quand on a plus de 90 %, près de 95 % de participation à un événement électoral, je pense qu'on peut en être tous fiers comme Québécois - il y en a certains, donc, en prenant ces exemples-là - qui sont sérieux, qu'on ne doit pas prendre à la légère - qui ont essayé de dire, peut-être que tous les résultats, à la longueur du Québec, étaient teintés. Ça, je pense qu'il ne faut pas tomber dans ce panneau-là.

M. Hadjis (Athanasios): Oui, mais, quant à nous, nous sommes ici comme représentants d'une communauté de Québécois qui sont d'origine hellénique et qui, quant à nous, ont été très touchés par cette...

M. Bélanger: Je comprends.

M. Hadjis (Athanasios): ...infraction à la loi. Parce que, comme je vous le dis, dans le comté de Chomedey, je crois qu'il y avait 5 000 bulletins rejetés. Quand on sait que plus de la moitié de la population votante, peut-être, était d'origine hellénique, vous voyez, notre membership nous a incité à vraiment toucher ce point-là, parce que c'est très important pour nous. Le comté de Laurier-Dorion, vous le connaissez, c'est le district de Parc-Extension...

M. Bélanger: Je le connais très bien.

M. Hadjis (Athanasios): ...vous êtes là très, très souvent, et c'est peut-être le comté le plus multiculturel au Québec, c'est le foyer des Québécois d'origine hellénique au Québec. Alors, pour nous, ça nous a touchés.

M. Bélanger: Je comprends tout à fait cette sensibilité, qui est tout à fait appropriée. Maintenant, je vous fais une proposition relativement à votre genre de commission... pas commission, mais je pourrais dire comité, qui pourrait trancher les différends au niveau de l'interprétation d'un rejet d'un bulletin de vote.

M. Hadjis (Athanasios): C'était une idée qu'on a suggérée.

M. Bélanger: Oui, mais ça rejoint une idée qui avait été proposée par le Parti québécois, qui est un genre de table des litiges finalement, qui pourrait être un genre de mécanisme qui pourrait peut-être être mis dans des sections de vote ou dans des endroits de votation pour baliser ce genre de choses là, ou il y en a d'autres qui pensent aussi, dont moi, qu'on pourrait simplifier la demande de recomptage pour certains cas particuliers, quand il y a un problème, là. On voit qu'il y a eu un problème à quelque part, est-ce qu'on ne pourrait pas recompter, juste pour l'endroit où il y a un taux anormalement élevé, les bulletins pour s'assurer, finalement, qu'il n'y ait personne qui soit privé de son droit de vote? Alors, à ce moment-là, si ça avait été fait tout de suite... Mais le processus, vous savez, d'un référendum est assez compliqué.

M. Hadjis (Athanasios): C'est ça. Sur ce point-là, le rapport de M. Côté, la semaine passée, a cité le fait que la démocratie n'est pas en péril, à cause du fait qu'on pourrait faire ce dépouillement judiciaire par la suite. Sauf que, comme on l'a vu dans le cas d'un référendum, au moins, où le processus est très compliqué...

M. Bélanger: C'est plus compliqué.

M. Hadjis (Athanasios): ...ça prend... Recompter, soit 5 000 000 de votes, ça ne fonctionne pas. Alors, la réalité, c'est que les membres, au moins, de notre communauté qui habitent dans ces deux comtés-là demeurent toujours avec une absence de vote; leur vote n'a jamais été compté, en effet. Peut-être, probablement, selon le rapport... On sait, les règles du droit pénal, que chaque personne est innocente, mais quand même les constatations sont là...

M. Bélanger: Oui.

M. Hadjis (Athanasios): ...et leurs votes vont demeurer toujours non comptés.

M. Bélanger: Alors, non, je pense qu'il va falloir regarder de quelle façon on pourrait éviter que ce genre de situation ne se reproduise et, je pense, à ce moment-là, qu'on va être tous ensemble à essayer de trouver une solution satisfaisante pour tous. Il ne faut pas, d'aucune façon, même pour le futur, qu'aucun incident ne vienne entacher l'ensemble de notre processus démocratique. Alors, de quelle façon on peut le faire? Moi, je vous dis que ma réflexion en est là, il n'y a pas de décision qui est prise. On regardera ça ensemble de quelle façon on pourrait faire ça. Mais je pense qu'il va falloir trouver une façon parce que les préoccupations, je pense, à la fois de votre communauté et d'autres gens aussi... Il y a eu des poursuites qui ont été intentées relativement à des étudiants hors Québec qui se sont fait inscrire. Ça, je sais qu'il y a aussi, dans le comté de Saint-François, une très grande sensibilité des électeurs de Saint-François par rapport à cette situation-là aussi. Alors, je pense qu'il faut trouver une façon, à ce moment-là. De la même façon que quelqu'un qui se voit, quant à moi, privé de son droit de vote, c'est sérieux, mais quelqu'un qui vote alors qu'il n'a pas droit de vote, c'est aussi sérieux parce qu'il vient annuler, finalement, le droit de vote de quelqu'un qui aurait le droit de vote.

M. Hadjis (Athanasios): Exact.

M. Bélanger: Alors, je pense que les deux, quant à moi, sont aussi sérieux et les deux doivent être pris avec la même chose pour pouvoir s'assurer que notre système soit adéquat.

Alors, je constate aussi que vous êtes en faveur du principe de la carte, l'identification de l'électeur, la carte de l'électeur, et, en tout cas, je pense que votre mémoire va nous aider grandement dans notre réflexion. Oui, vous...

M. Hadjis (Athanasios): Quant à la carte électorale, le point est soulevé par nous, car il semble... Moi, je suis né ici, je ne suis pas au courant, mais nos aînés, qui sont immigrants, sont venus de Grèce, ils sont habitués à ces cartes-là, parce que c'est la façon dont ils votent là-bas, en Europe. Je ne sais pas si ça pourrait fonctionner ici, mais...

M. Bélanger: Ça fonctionne bien?

M. Hadjis (Athanasios): ...ils sont habitués à ça. Au moins dans notre communauté, ça va bien fonctionner avec une carte. Mais je ne sais pas si, de façon technique, ça pourrait fonctionner, question, aussi, de l'information privée et tout ça, je ne sais pas si... C'est un point que nous suggérons à être étudié.

M. Bélanger: Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de l'Acadie.

(16 h 30)

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Gonis, à Me Hadjis pour la présentation du mémoire que vous faites au nom du Congrès hellénique du Québec. Je veux aussi, dans un premier temps, excuser mon collègue Christos Sirros, député de Laurier-Dorion, qui a été pris à Montréal une bonne partie de la journée et qui pensait pouvoir arriver à temps pour la présentation de votre mémoire, mais, effectivement, ce n'est pas le cas. Donc, je vous prie de l'excuser.

J'aimerais peut-être, au fond, faire deux commentaires avant d'aborder les questions. Dans votre introduction, vous faites référence à l'excellente campagne de publicité en plusieurs langues entreprise par l'office du Directeur général des élections, qui visait en particulier les membres des communautés culturelles.

Vous dites qu'il y avait beaucoup de craintes et qu'on s'est aperçu que, au fond - et le ministre y a fait référence - il y avait eu un taux d'inscription très, très fort et un taux de votation très fort. Je ne voudrais pas calmer vos ardeurs et les restreindre, mais, vous savez, je pense que le gouvernement a une attitude actuellement assez ambivalente vis-à-vis de cette question-là. Le Directeur général des élections avait pris cette procédure de publicité en différentes langues. Il a même reçu un prix de la part de la ministre Harel concernant cette démarche-là, qui visait un rapprochement interculturel important dans le contexte du référendum et tout ça. Mais il semble que, depuis, un certain nombre de députés du gouvernement remettent en question cette démarche-là, qui avait été prise par le Directeur général des élections, prétextant que les immigrants devraient, s'ils ont le droit de vote, parler français.

Alors, je ne veux pas restreindre votre enthousiasme, je pense que c'est un enthousiasme qu'on partageait à l'origine et j'espère que ça va continuer, mais il ne semble pas que ce soit aussi évident actuellement que ça l'a été au moment où le gouvernement félicitait le Directeur général des élections et lui remettait un prix pour sa contribution au rapprochement interculturel.

Deuxième commentaire. J'écoutais tout à l'heure le ministre responsable qui parlait de l'importance du droit de vote et vous y avez fait référence aussi dans votre présentation. En écoutant le ministre, je pense qu'on s'entendait. Il nous a dit: C'est important. Il n'y a rien de plus fondamental. Mon inquiétude, que j'ai, ce n'est pas ce que le ministre nous dit aujourd'hui, c'est la façon dont le Directeur général des élections a présenté ce fait-là. Lui, qui est garant, au fond, du système, nous a présenté cette question-là comme étant la question de la perte d'un droit de vote d'un certain nombre de citoyens, qu'on ne peut pas évaluer encore d'une façon très précise, mais quand même plusieurs milliers de citoyens qui ont perdu leur droit de vote. Le Directeur général des élections nous parlait d'un accroc à la démocratie. Et quand on parlait de la marche pour le Canada, c'était une atteinte au système démocratique.

Alors, j'espère que la bonne volonté que le ministre manifeste aujourd'hui sur l'importance du droit de vote et de l'effort qu'on doit faire pour que tous les individus qui ont droit de vote puissent l'exercer, et que leur décision soit respectée, quelle qu'elle soit, j'espère que ça va pouvoir se poursuivre et se traduire, et non pas nous être présenté comme ça nous a été malheureusement présenté la semaine dernière, comme étant des accrocs à la démocratie.

Alors, c'étaient des commentaires. Je ne vous demande pas d'ajouter. Si vous voulez ajouter, sentez-vous libres, mais c'était un commentaire que je voulais faire.

À la page 7 de votre mémoire, dans la section 10, vous parlez du secret du vote. Vous parlez de l'assistance d'une autre personne. Je crois comprendre, là, dans votre présentation, que c'est très large, c'est-à-dire que toute personne en qui l'électeur a confiance, il lui demanderait de venir l'assister pour qu'il puisse exercer son droit de vote. Vous vous dites en accord avec ce que le Directeur général des élections nous soumet. Je voudrais juste attirer votre attention sur le fait que la proposition, à la page 31, du Directeur général des élections, c'est d'envisager l'opportunité de reconnaître, à l'électeur qui est incapable de marquer seul son bulletin de vote, la possibilité de se faire assister par un seul autre électeur de son choix.

Ici, on parle d'un électeur. Alors, ça veut dire que ça éliminerait, par exemple, une personne... Je pense à un couple - j'ai donné l'exemple ce matin - où le conjoint n'a pas qualité d'électeur; à la limite, il pourrait ne pas être citoyen canadien et ça éliminerait cette personne-là. Est-ce que c'est de cette façon-là que vous le voyez, ou si vous le voyez d'une façon plus large? C'est-à-dire que la personne en qui l'électeur a confiance, peu importe qu'elle ait qualité d'électeur ou non, à la limite, qu'elle soit citoyenne canadienne ou non, pourrait assister l'électeur dans l'exercice de son droit de vote.

M. Hadjis (Athanasios): Notre intention est d'avoir une définition plus large, parce que c'est l'électeur qui devrait avoir le choix. C'est l'électeur qui devrait être maître de son bulletin de vote selon nous, je crois. Le problème qui nous arrive - peut-être que vous l'avez mentionné indirectement - très souvent, c'est qu'on a beaucoup d'aînés qui sont venus ici, il y a 30 ans, 40 ans, et, à cause de la situation sociale, économique, dans ce temps-là, ils n'ont jamais vraiment pu apprendre à lire soit l'anglais, soit le français ou ne sont pas en mesure de s'exprimer.

Mme Gonis (Catherine): C'est pour ça qu'on a besoin des pamphlets comme ça, en 19 langues, parce qu'il faut comprendre que notre communauté, la plupart de notre communauté, la première génération, ce sont des immigrants qui sont venus ici dans les années cinquante. Dans les années cinquante, on n'avait pas ici, au Québec, des cours en français ou en anglais gratuits pour les immigrants. Ce sont des personnes, des travailleurs, ils n'ont même pas fini l'école secondaire en Grèce, comment est-ce qu'ils vont apprendre le français ou l'anglais? Donc, on a besoin de quelque chose comme ça pour leur expliquer comment voter. Ce sont des Québécois, ils ont le droit de vote, et puis on a besoin de ça pour les aider. De toute façon, si ce n'est pas le Directeur général des élections qui a des pamphlets en 19 langues, ça va être les partis politiques qui vont les faire.

M. Hadjis (Athanasios): À ce point-là, je voulais ajouter que plus spécifiquement celui-ci, qui avait été distribué avant le recensement de cette année, concernait non pas la façon de voter - bien, évidemment, je crois que tout le monde connaît plus ou moins comment mette son x et n'a pas besoin d'instructions pour ça - mais donnait des instructions comment s'inscrire au recensement et ça comprenait, pour la première fois, l'obligation de présenter sa preuve de citoyenneté et d'autres éléments. C'est assez complexe, même en français ou en anglais. Alors, je crois que le but, dans ce cas ici, était très bon, c'était vraiment quelque chose qui a beaucoup aidé à l'établissement de cette liste électorale permanente. Quand on parle vraiment de ce cas, ici, la façon dont le Directeur général des élections a agi, je crois, était très bonne et doit être félicitée.

M. Bordeleau: Juste pour terminer, juste pour me faire confirmer, quand on parle de l'assistance, ça implique sûrement aussi le fait que, actuellement, la loi dit qu'une personne peut assister un autre électeur une seule fois dans la journée. Évidemment, je comprends que, pour vous, ça devrait disparaître?

M. Hadjis (Athanasios): L'exemple que je voulais citer, qui arrive très souvent, de ce qu'on nous a rapporté après le référendum, c'est qu'un fils qui vient... Encore, ça ressort de la réalité socioéconomique d'aujourd'hui. On a des parents qui vivent toujours peut-être chez eux, là où ils ont établi leur premier foyer, au centre de Montréal, mais leurs enfants quittent pour habiter maintenant dans les banlieues. Les enfants viennent chercher leurs parents, les emmener aux écoles pour voter. Alors, il y a un fils qui vient emmener ses deux parents, peut-être un grand-parent aussi, pour aller voter, et il veut les aider tous les trois, mais il n'habite plus dans le comté, alors, quoi faire? C'est pour cette raison qu'on voulait, dans cette proposition, que ce soit le plus large possible pour permettre à tout citoyen et citoyenne de voter.

M. Bordeleau: O.K. Un autre point, une question qui a été discutée beaucoup, c'est l'intervention des tiers. Par exemple, je pense à la campagne référendaire, des groupes qui viennent pour donner des avis à l'intérieur d'un débat référendaire qui est polarisé, au fond, avec les gens qui sont pour le Oui et ceux qui sont pour le Non. Ceux qui veulent intervenir dans le débat doivent s'inscrire dans un des deux camps. On a quelque chose de semblable au niveau des dépenses, par exemple, en contexte électoral. Évidemment, toute dépense dans un contexte électoral doit être faite sous l'autorité de l'agent officiel du candidat ou du parti.

Il y a beaucoup de représentations qui nous ont été faites là-dessus, à savoir qu'il devrait y avoir une certaine flexibilité qui vise à respecter la liberté d'opinion des différents groupes, des différents leaders dans la communauté. Ça peut être des groupes communautaires, un peu comme les groupes qui concernent votre communauté; ça peut être des chefs d'entreprise; ça peut être des chefs syndicaux qui interviennent d'une façon ou de l'autre dans une campagne en donnant leur opinion, en organisant des forums, ces choses-là.

(16 h 40)

Est-ce qu'au niveau de l'intervention des tiers vous avez l'impression, par exemple, que des groupes qui représentent différentes communautés culturelles comme la vôtre pourraient intervenir dans un débat? Encore là, que les leaders de votre communauté émettent des opinions publiquement sur les enjeux d'un référendum, sur les enjeux d'une élection, ou puissent, à la limite, je ne sais pas, moi, organiser des séances d'information, par exemple, pour les membres de la communauté où ça implique certains coûts. Mais ça ne se fait pas directement à la demande d'un parti politique ou d'un camp dans un contexte référendaire. Est-ce que vous souhaiteriez qu'il y ait une certaine flexibilité là-dessus, quant à l'intervention de tiers dans un débat, que ce soit un débat référendaire ou un débat électoral, ou si vous souhaitez, comme semble, en tout cas, le proposer le Directeur général des élections dans le cas des chefs d'entreprise, restreindre encore plus l'intervention possible de tiers dans un débat?

M. Hadjis (Athanasios): On n'y a vraiment pas touché, comme vous pouvez vous en apercevoir dans notre mémoire, parce qu'on n'a vraiment pas eu de points soulevés par nos membres sur ce point-là. Mais je dois vous dire que je crois que quelques instances, pendant la campagne référendaire, on a pensé organiser des sortes de forums ou débats sur les points, et on avait une certaine incertitude, à chaque fois qu'on essayait d'organiser une chose de même: est-ce que ça devrait être une dépense d'un côté ou de l'autre et est-ce que ça nous était permis ou quoi? En fin de compte, on n'a rien organisé de cette façon-là. Mais si la loi pouvait être modifiée pour que ça devienne plus clair, pour une organisation comme la nôtre, pouvoir organiser de tels débats ou rencontres, je crois que ce serait quelque chose de vraiment...

À part ça, vraiment, nous, nous n'avons pas agi, pendant la campagne référendaire, on ne voulait pas agir comme une organisation qui essaie de convaincre un côté ou l'autre comment voter. Notre intervention, peut-être, a été mal interprétée, mais notre intervention a été tout simplement sur les paroles, les interventions qui avaient été faites par quelques acteurs sur la scène. Mais on n'était vraiment pas là pour inciter un côté ou l'autre comment voter. À l'avenir, je ne sais pas ce que ça pourrait entraîner. Mais, vraiment, c'est un point qui n'a pas été vraiment étudié par nous pour les fins de ce mémoire.

M. Bordeleau: Non, c'est ça. C'est la raison pour laquelle je vous posais cette question-là, je sais que ça n'a pas été traité comme tel. Mais vous avez l'impression qu'il y avait une certaine ambiguïté dans ce qui vous était permis de faire ou non...

M. Hadjis (Athanasios): Je me souviens de ça.

M. Bordeleau: ...au moment de la campagne référendaire: jusqu'où, disons, un groupe comme le vôtre, peut organiser ou non sans que ça rentre dans les dépenses?

Mme Gonis (Catherine): On a fait ça seulement au niveau municipal, aux dernières élections municipales.

M. Hadjis (Athanasios): De 1994.

Mme Gonis (Catherine): De 1994.

M. Hadjis (Athanasios): Et on avait organisé un débat entre les candidats à la mairie de Montréal. Je crois qu'on n'avait pas eu de problème. Mais, cette fois-ci, on était très inquiets. Je me souviens de ça. On voulait organiser quelque chose de semblable, une sorte de débat ou de rencontre, au moins, entre les représentants de chaque côté. On ne savait pas vraiment si on pouvait le faire.

M. Bordeleau: O.K. Une autre question. Ça réfère un petit peu, d'une façon... J'accroche ça au point 1 de la page 3 de votre mémoire où vous nous dites... On parle de la question du domicile: «Avec l'application adéquate des règlements du domicile, les Québécois temporairement absents de la province seront assurés qu'à leur retour leur droit de vote ne sera pas perdu.» Est-ce que vous avez eu l'occasion de réfléchir sur la question du vote hors Québec? Et quels seraient les commentaires que vous auriez à nous faire là-dessus, s'il y a des balises qui devraient être mises, s'il y a des modifications qui devraient être apportées pour clarifier cette situation-là? Parce qu'il y a eu quand même de l'ambiguïté, je pense, dans plusieurs cas.

M. Hadjis (Athanasios): Je sais que d'autres communautés ont soulevé des points sur ce point-là. Nous, nous n'avons vraiment pas étudié ce point-là et je ne sais pas le nombre des membres de notre communauté qui ont voté à l'extérieur du Québec.

Mme Gonis (Catherine): Je ne pense pas qu'il y en a beaucoup.

M. Hadjis (Athanasios): Il n'y en a pas beaucoup. Je ne sais pas si des problèmes peuvent exister, on ne nous les a pas soulevés, ici, auprès du Congrès. Mais, bien sûr, dans les quelques cas qui existent... Et le cas existe. Dans notre cas, il y a des personnes qui vont soit dans le Sud ou...

Mme Gonis (Catherine): En Grèce.

M. Hadjis (Athanasios): ...en Grèce pendant quelques mois. Peut-être que ça n'a pas été un problème cette fois-ci, parce que le référendum a eu lieu en automne. Il n'y avait vraiment pas une absence de personnes. Mais, si, par exemple, une élection ou un référendum se tient aux mois de juillet et août, par exemple, il y a une grande proportion de notre population qui est à l'extérieur du pays pour, des fois, cinq, six semaines, deux mois, trois mois. Alors, on veut que, au moins, leur droit de vote soit garanti et qu'il n'y ait aucun accroc nulle part sur le droit de vote.

Mme Gonis (Catherine): Dans notre communauté, la plupart des personnes qui quittent pour trois ou quatre mois, c'est des personnes qui ont déjà pris leur retraite. Elles voyagent soit en Europe ou en Grèce, puis elles sont absentes pour quatre mois, et on veut qu'elles gardent leur droit de voter. Et on a eu ce problème dans la révision spéciale, à cause que c'était au mois d'octobre. La plupart des personnes, elles n'étaient pas chez elles pendant le recensement, puis elles sont allées à la révision spéciale pour s'inscrire sur la liste électorale.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue au Congrès hellénique du Québec, avec qui j'ai entretenu d'excellents rapports depuis 25 ans maintenant, et vous féliciter encore pour une participation active lors de notre réflexion. Il ne s'agit pas d'un débat, mais plutôt d'une discussion et, jusqu'à maintenant, extrêmement productive.

Je voudrais aussi en profiter pour corriger les propos pas vrais du député de l'Acadie à mon sujet, lorsqu'il parlait d'une intervention faite à l'égard de l'usage de langues autres que le français dans la publicité du DGE. Je voudrais lire ce que j'ai dit à ce moment-là. J'ai dit qu'il y a un consensus minimal au niveau de notre loi, la loi 101, à l'égard de l'accessibilité à certains services dans les langues autres que le français, notamment, M. le député, notamment - et je le cite: «l'accessibilité dans la langue anglaise».

Ça, ça représente mon opinion et, depuis 25 ans, dans cette Chambre, depuis 1981, je trouve très facile de vivre avec l'idée qu'on puisse avoir un bulletin de vote en français et en anglais. La question que je posais, c'était une question d'information auprès du DGE, à savoir quelle était sa politique à l'égard de la publicité dans les langues autres que le français et l'anglais. Toute une différence par rapport à vos propos de tout à l'heure. De ce côté de la Chambre, nous sommes très compréhensifs à l'égard d'un certain nombre de personnes qui peuvent avoir des difficultés à comprendre la langue française, la raison pour laquelle nous appuyons le bulletin dans la langue anglaise. Et je pense qu'une certaine sensibilité de la part du député de l'Acadie à l'égard de notre position, ce serait pour susciter un peu plus de respect de notre part.

Pour revenir à l'essentiel, nos chers invités, je voudrais regarder la question et échanger d'une façon assez rapide sur la question, par exemple, de la marche de l'unité et l'aide apportée à ceux qui venaient de l'extérieur du Québec pour manifester à Montréal, quelques jours avant le référendum.

Je voudrais indiquer que c'est très clair, dans notre opinion, et certainement de la part du Directeur général des élections, dans son avis qui a été déposé l'autre jour, que la liberté d'expression n'est pas en cause. La marche était parfaitement, telle quelle, l'expression d'opinion. La manifestation des personnes qui étaient là était parfaitement légale. Ce qui était en cause, c'était l'aspect - cela était illégal - c'est-à-dire la subvention de la part de ceux qui étaient là.

(16 h 50)

Nous sommes assez fiers, ici, contrairement à presque tous les États des États-Unis, que nous limitions, de part et d'autre, les dépenses admissibles lors d'un référendum ou d'une élection. Et, moi, je suis extrêmement fier, comme Québécois, d'expliquer, comme j'ai eu la chance de le faire à l'extérieur du Québec à maintes reprises, les dispositions de la loi à cet égard.

Il y a un éminent professeur de Laval, Louis Balthazar, qui a dit tout récemment: If you let... Si vous laissez les forces des finances libres, vous n'avez plus une personne, un vote, mais vous avez un dollar, un vote. On voit, depuis quelques mois, comment c'est très difficile d'être candidat aux États-Unis, à moins que vous n'ayez des millions de dollars en banque. Eh bien, ici, je pense que tout le monde peut être candidat mais, au niveau des élections, nous limitons les dépenses.

J'ai ici quelque chose du Toronto Star . C'était le 15 mai 1996. Ça raconte la subvention ou les coûts de voyages payés par le Toronto Star - je voudrais avoir vos commentaires - pour une douzaine d'autobus utilisés pour fournir les voyages aller-retour à Montréal pour la manifestation du 27 octobre. Est-ce que vous êtes d'accord avec nous, c'est-à-dire notre côté de la Chambre, à savoir que c'est légitime de réglementer les dépenses lors des élections et référendums, comme principe?

M. Hadjis (Athanasios): Encore une fois, ce n'est pas un point qui a été discuté. Nous avons sondé notre membership avant de venir ici, vous savez, alors, ce n'est pas une question qui fut discutée entre nous. On sait très bien que c'est la loi depuis plusieurs années au Québec, de réglementer ces dépenses, et je présume que ça fonctionne très bien dans tous les cas. Et, comme point initial, je devrais dire que nous sommes d'accord avec le principe que la loi doit être respectée comme elle est et par tous les partis. Ça, il n'y a pas de question. Comme je l'ai dit, on n'a vraiment pas touché ce point-là dans le contexte de la préparation de notre mémoire. Les deux points soulevés par le rapport de M. Côté, auxquels on a fait référence, c'étaient les bulletins rejetés, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, à cause du fait que ça nous a touchés d'une façon très particulière dans notre communauté, dans les deux comtés dans lesquels on trouve beaucoup de membres de notre communauté. C'est pour cette raison qu'on y a touché. On n'est vraiment pas en mesure de commenter les amendements à faire au financement. Mais la loi devrait être respectée, ça, il n'y a aucun doute.

M. Payne: En ce qui concerne la notion de domicile, vous êtes d'accord avec le Directeur général des élections, c'est-à-dire, ses propositions, ses suggestions pour améliorer un petit peu ou peaufiner, je dois dire, davantage, peaufiner la notion de domicile. Il y a un principe derrière la notion de domicile, c'est la notion d'appartenance. Est-ce que vous pensez qu'il devrait y avoir une limite dans le temps en ce qui concerne ceux qui quittent le Québec? Si, par exemple, quelqu'un est absent depuis trois ans, il est déménagé avec sa famille, il n'a plus aucun rapport avec le Québec, est-ce qu'on peut considérer qu'il a encore une appartenance? Il ne paie pas de taxes, il n'est pas propriétaire ou locataire, il n'a pas de résidence. Est-ce qu'il devrait avoir le droit de vote?

M. Hadjis (Athanasios): Mais, si je ne me trompe pas, déjà la limite est fixée à deux ans, n'est-ce pas, pour un électeur au Québec?

M. Payne: Oui, oui, c'est pour ça que je demande votre opinion.

M. Hadjis (Athanasios): Ah oui! Je crois que, sur ce point-là, on n'a pas eu de plaintes portées. On n'avait vraiment pas de commentaires à faire là-dessus, la loi comme telle a très bien fonctionné, je crois, et on n'a pas eu vraiment de problème soulevé sur ce point-là.

M. Payne: La raison pour laquelle je soulève la question, c'est parce qu'on avait des représentations ici, la semaine passée, pour élargir davantage la notion de domicile, un peu dans le sens que je viens de vous décrire.

M. Hadjis (Athanasios): Ce n'était pas la position qu'on avait prise ici, à cause du fait qu'il n'y avait pas de problème soulevé à ce point-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Me Hadjis, Mme Gonis, merci pour votre présentation, ici, aujourd'hui. Je vois, par votre présentation, que vous avez un grand respect pour les aînés et des préoccupations pour les problèmes qui se posaient à eux pendant la période électorale, et je vous félicite pour cette attitude. Vous parlez de la possibilité de voter au domicile dans certaines circonstances, vous parlez des aînés qui tombent malades et doivent aller à l'hôpital après la période de révision, vous parlez des nombreuses plaintes des bureaux de vote par anticipation. Et vous parlez aussi des places pour voter, où des espaces à l'intérieur qui sont peu... et il y a des problèmes pour les aînés à attendre dans les lignes, etc. Et je m'étonne ici qu'on donne la parole au député de Vachon, qui a un très grand manque de respect pour les aînés qui sont ici...

M. Chevrette: Un instant, là. M. le Président, question de règlement. Il ne faudrait pas porter d'accusation, ici, là. Vous n'avez pas le droit de faire ça dans le Parlement.

M. Payne: Non, je voudrais qu'il puisse répéter.

M. Chevrette: Non, non, il dit que vous manquez de respect. C'est inadmissible, selon notre règlement.

M. Payne: À l'égard des aînés?

M. Chevrette: Oui. C'est dégueulasse, ça. Répugnant.

M. Payne: M. le Président, je n'ai jamais utilisé le mot «aînés» aujourd'hui ou... Pouvez-vous répéter vos propos ou préciser?

M. Bergman: J'ai parlé de vos propos «on respect» des dépliants en 19 langues où on essaie de faciliter...

M. Payne: Non, non. Non, non, on parle des aînés. Qu'est-ce que j'ai dit par rapport aux aînés, M. le Président?

M. Chevrette: Non, non. J'ai posé une question de règlement, M. le Président. Si vous devez aller voir les galées, vous irez. Ce n'est pas vrai qu'on va laisser un député accuser un autre député de manquer de respect envers des aînés; il n'en a même pas parlé.

M. Payne: Je ne vois pas.

M. Chevrette: On lui demande carrément d'être correct, là, puis de questionner ces gens-là. Vous leur dites qu'ils sont bons. Donnez-leur la preuve que vous êtes meilleur, posez des questions.

M. Bordeleau: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de l'Acadie

M. Chevrette: Il a pris exemple, d'ailleurs, sur vous.

M. Bordeleau: Le député, il faudrait lui laisser l'occasion de terminer. Je pense que ce que le député de D'Arcy-McGee est en train de discuter, c'est pour faire suite à ce que nos invités ont dit en référant aux personnes aînées qui avaient des difficultés, la première génération des gens qui sont arrivés dans les années cinquante, qui avaient des difficultés d'apprentissage du français, eux, avaient bénéficié particulièrement des dépliants en 19 langues. Je pense que c'était ce à quoi vous avez fait référence tout à l'heure et c'est là-dessus que le député de D'Arcy-McGee...

M. Payne: Qui a la parole ici, M. le Président?

M. Bordeleau: Il n'y a pas...

M. Payne: Non, non, non, ce n'est pas ça qu'il a dit du tout.

M. Bordeleau: ...d'attaque là-dessus.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, un instant.

M. Chevrette: Question de règlement.

Le Président ( M. Landry, Bonaventure): Oui, monsieur.

M. Chevrette: Écoutez, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Au niveau du règlement, M. le ministre.

M. Chevrette: Un, d'abord, ce n'est pas à un autre député d'interpréter les propos d'un autre député...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Non.

M. Chevrette: Il devrait être assez autonome pour dire ce qu'il a à dire. Ça, c'est la première des choses. La deuxième des choses, je l'ai très bien entendu, c'est moi qui ai posé la question de règlement, il a dit: Le député de Vachon manque de respect...

M. Payne: Envers les aînés.

M. Chevrette: ...envers les aînés. C'est ça qu'il a dit. Je l'ai entendu de mes propres oreilles et c'est pour ça que j'ai posé une question de règlement. Ça ne se fait pas, ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, ceci étant dit, en vertu de l'article 212...

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...si les propos de M. le député de Vachon ont été mal interprétés...

M. Chevrette: Ce n'est pas sur ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il a fait d'ailleurs une mise au point.

M. Chevrette: Non, M. le Président. Je m'excuse, la question de règlement n'est pas ça. C'est qu'un député ne peut pas accuser un autre député de manquer de respect. Ça, ce n'est pas 212...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Article 35.

M. Chevrette: ...ce n'est pas une mauvaise interprétation, c'est une accusation directe qu'il a portée. Puis il devrait retirer ses paroles en plus. C'est clair.

M. Payne: Je fais la même demande, M. le Président, parce que, à aucun moment, je n'ai mentionné le mot «aînés». Et je voudrais que vous l'invitiez à...

M. Chevrette: Il a même expliqué.

M. Payne: ...ce qu'il retire ses propos.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, mais, en vertu de 212, il pouvait donner... parce qu'il avait l'impression que ses propos étaient mal compris. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Payne: Bien, est-ce qu'il peut retirer ces propos-là, parce qu'ils ne sont pas véridiques?

M. Chevrette: Je vais te le dire, l'article.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, c'est 35.

M. Chevrette: Article 35.

M. Payne: M. le Président?

M. Bergman: Alors, je finis mes propos.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous dites?

M. Bergman: Je pense que c'est une question de respect de permettre les dépliants imprimés en 19 langues, un respect pour les personnes qui...

M. Payne: Non, non, vous avez dit que je manque de respect envers les aînés.

M. Bergman: ...même si elles sont ici depuis plus de 30 ans...

M. Payne: Est-ce qu'il peut les retirer, M. le Président?

M. Chevrette: M. le Président, en vertu de 35.5°: «attaquer la conduite d'un député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en question.» Ça ne lui donne aucun droit, ici, de dire que le député de Vachon a manqué de respect envers les aînés. Ce n'est pas vrai, ça. Et on ne doit pas tolérer cela, ne serait-ce que par un nouveau député qui se dit respectueux de tout. Bien, qu'il commence par respecter le règlement!

M. Payne: Il ne respecte personne, lui!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee, l'article 35.6° dit que le député qui a la parole ne peut «imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole». Je pense...

M. Bergman: Je les retire. J'accepte de les retirer si...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, vous les retirez. Très bien.

(17 heures)

M. Bergman: ...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors...

M. Bergman: Alors, je me demande encore... L'attitude du Congrès envers les aînés pour leur rendre plus facile leur droit de vote, pour avoir accès à leur droit de vote, est-ce qu'il y a des commentaires plus spécifiques que vous voulez faire dans ces matières?

Mme Gonis (Catherine): Quand on a mentionné, dans notre mémoire, les bureaux de votation, c'est parce que dans Laurier-Dorion, pendant le dernier référendum, on a eu quelques problèmes à l'effet que les places de votation étaient petites, et puis les personnes âgées devaient être en dehors de l'endroit et puis rester là-bas pendant une heure avant d'aller là-dedans pour voter. Donc, c'est un autre problème qu'on a eu, dans notre communauté, pendant le dernier référendum.

M. Hadjis (Athanasios): On parle de ce comté-là parce que c'est le comté dans lequel on retrouve beaucoup de nos aînés qui demeurent toujours là en dépit du fait que les plus jeunes ont déjà quitté. C'est un des problèmes. Notre population, en général, vieillit; c'est un phénomène qu'on voit dans toute la société. Mais, si on parle de cette communauté-là de 80 000 Québécois d'origine hellénique, il n'y a plus d'immigration qui se fasse maintenant avec nos membres. Ceux qui sont arrivés ici sont déjà installés et vont faire le restant de leur vie ici. Alors, c'est un souci très important pour nous, nos aînés, car, avec cette connaissance minimale qu'ils ont de la langue officielle ainsi que des autres langues, l'anglais, ça leur crée peut-être un autre problème. Tout ça ensemble explique pourquoi nous sommes préoccupés par la situation de nos aînés.

Le Président (M. Paquin): Terminé? Est-ce que quelqu'un d'autre...

M. Chevrette: Il nous reste une minute, me dit-on. C'est ça?

Le Président (M. Paquin): À peu près.

M. Chevrette: À peu près. Bien, moi, sur ce point précis, là je ne veux pas intervenir puis mettre de l'huile sur le feu, mais je crois, personnellement, que le Québec s'est toujours montré conciliant là-dessus. Mais, dans les faits, quand quelqu'un reçoit sa citoyenneté canadienne, est-ce qu'il ne doit pas connaître, minimalement, la langue officielle et connaître suffisamment le français pour être capable de dire oui ou non à une question? C'est très inquiétant, ce qu'on dit, là. Si on est rendu qu'on ne sait même pas si les nouveaux arrivants, qui ont leur citoyenneté... Parce que, pour voter, il faut être citoyen, puis, pour être citoyen, il faut avoir la connaissance minimale, je pense. Au-delà du fait qu'il y a eu un imbroglio sur la... Et ce n'est même pas ce que le député de Vachon avait dit qui a été rapporté, en plus. Au-delà du fait, je pense qu'il faut regarder les faits, puis on doit encourager par des mesures, comme par les COFI ou quoi que ce soit, avant que les individus deviennent citoyens, mais, quand ils sont citoyens, c'est quasiment nier le fait qu'ils n'ont pas la connaissance minimale puis qu'ils passent pareil leur certificat de citoyenneté. Il va falloir qu'on s'interroge très sérieusement puis correctement là-dessus, au lieu de se charrier comme formations politiques, là. C'est un minimum, ça, de respect d'un groupe, vous le savez très, très bien. Qu'on aille dans n'importe quel pays, là, puis qu'on s'intègre à la majorité d'un pays, si la langue officielle d'un pays c'est telle chose, puis si, pour devenir citoyen de ce pays, il faut que je connaisse la langue minimale pour être capable de lire une question de deux lignes ou d'une ligne...

Le Président (M. Paquin): Alors, quelques secondes pour compléter.

M. Hadjis (Athanasios): Quelques secondes. Les deux points que vous avez soulevés, M. le ministre... Sur un point, vous avez mentionné vous-même le mot «COFI». Dans les années cinquante, soixante, lorsque nos aînés sont venus ici - c'est la grande vague d'immigration post-guerre - il n'y avait rien que ce soit. Les gens sortaient des navires, descendaient tout de suite dans les cuisines pour faire la vaisselle. Il n'y avait pas de façon d'apprendre ni l'anglais ni le français. Même s'ils parlent plus ou moins anglais à cause de la situation économique en ce temps-là, ce n'est vraiment pas en mesure de comprendre. Ça, c'est mon deuxième point. Le dépliant dont on parle ici, ce n'est pas un dépliant qui disait comment voter, oui ou non. C'est un dépliant qui expliquait comment être inscrit sur la liste électorale. C'est très compliqué. On avait aussi ces grands soucis - ce sont des points qui ont été soulevés ici, en débat, je sais - concernant la citoyenneté, etc. Alors, nous avons fait une lettre demandant une rencontre avec le Directeur général des élections. Il nous a accueillis très chaleureusement; il nous a tout expliqué comment fonctionner. Il nous a même remis une copie des médias des langues autres que l'anglais et le français et dans lesquels ils avaient l'intention de faire de la publicité. Ce dépliant a été remis dans les comtés où il y avait une grande population multiculturelle et ça a bien fonctionné.

Comme vous voyez, il faut regarder les faits. Pour moi, ce n'est pas vraiment une question, maintenant, d'intégration dont on parle ici, c'est l'exercice du droit fondamental de vote. Si on n'est pas inscrit, on ne peut pas voter. C'est sur ce point-là qu'on aurait souhaité... On a accueilli chaleureusement cette démarche de la part du Directeur général des élections.

Le Président (M. Paquin): En tant que premier vice-président, je voudrais vous remercier, M. Hadjis, Mme Gonis et, à travers vous, le Congrès hellénique du Québec, d'avoir déposé à cette commission. Bon retour.

J'appellerais maintenant le parti Développement Québec, représenté par M. Painchaud, président.

Alors, M. Painchaud, vous disposez d'une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire; par la suite, le temps qui restera, c'est-à-dire près de 40 minutes, sera divisé en parts égales entre les députés des deux formations politiques qui pourront vous questionner et vous pourrez ajouter des commentaires à ce que vous aurez déjà commenté de votre mémoire. Alors, vous pouvez y aller.

M. Painchaud (Alain): Les périodes de temps, est-ce que c'est modifiable? Par exemple, pour la présentation du mémoire, je n'ai pas l'impression que je vais prendre une vingtaine de minutes, mais j'aimerais ça discuter avec les gens.

Le Président (M. Paquin): Disons que vous disposez, au plus, d'une vingtaine de minutes et que le temps qui va rester de l'heure qui est prévue sera divisé en temps égal. Disons que nous devrons quitter à 18 heures exactement parce que la période dévolue se termine à 18 heures et que les deux formations politiques ont des obligations. Donc, il y a quatre minutes...

M. Bordeleau: Non. Il y a un problème, là.

Le Président (M. Paquin): Il y a une extension?

M. Chevrette: Il y a une extension jusqu'à 18 h 30 ce soir.

Le Président (M. Paquin): Bon, d'accord. Mais disons que ça va être serré, de toute façon. Alors, disons qu'on a une heure, grosso modo. Commençons et on verra où on sera dans une heure.


Parti Développement Québec

M. Painchaud (Alain): En gros, on commence, nous... Ce qui nous a marqués, notre formation politique, en lisant le document de réflexion, c'est le fameux paragraphe qui disait qu'au cours de la dernière semaine et puis suite au référendum du 30 octobre... il y a tout un restant de paragraphe qui suit... Nous autres, ce qui nous a marqués, c'est que le document est basé essentiellement sur un référendum pendant lequel il y a eu une réunion à Montréal. Ça a peut-être choqué des personnes de formations politiques au Québec. Et puis on se rend compte que les modifications à la Loi électorale sont basées... Nous, on a l'impression qu'elles sont basées surtout là-dessus. Et puis on n'est pas vraiment d'accord avec les modifications qui voudraient empêcher des rassemblements de la sorte. Il y a maintes et maintes raisons qu'on cite, dans le document, mais, en gros, ça porte sur la Charte des droits et libertés. On pense à la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique...

M. Chevrette: Excusez, on a une contrainte; il faut qu'on s'explique, là.

M. Painchaud (Alain): ...puis, mon Dieu, les libertés qui font qu'on a le droit de s'exprimer au Québec comme au Canada.

(17 h 10)

Donc, je vais commencer par présenter chacun des points sur lesquels on n'était pas d'accord. Les dispositions pénales, au niveau des infractions commises par des tiers à la connaissance des partis, nous, ce qu'on voyait dans ça, c'est que les dispositions pénales qui sont mises en place, c'est pour essayer de faire en sorte que l'égalité des chances soit ramenée. Du moins, c'est ce qui est cité. Par rapport à ça, nous, on a un problème. Ce qu'on explique, du moins, c'est qu'on considère que la liberté d'expression, c'est un principe fondamental; la liberté de réunion pacifique aussi. Donc, qu'il y ait un groupe de Canadiens qui viennent de l'extérieur du Québec, qui n'ont peut-être pas le droit de voter au référendum, ça, on en est conscient, mais qui voient leur pays se faire briser, par exemple, ils ont le droit de faire une réunion puis d'exprimer qu'ils ne sont pas d'accord que le Québec se sépare de leur pays. Parce que c'est leur pays à eux aussi, ça. Le Québec fait partie de leur pays. Et puis, par rapport à ça, nous, on n'est pas vraiment d'accord qu'il y ait des dispositions pénales prises contre ces gens-là.

Maintenant, dans les autres propositions qui sont faites dans le document de réflexion, il y en a qui touchent les partis politiques. Ça, encore une fois, on a de la difficulté un petit peu avec les principes qui veulent que, par exemple, ça prenne 1 000 signatures pour pouvoir avoir une autorisation à un parti, que ça prenne 25 candidats à une élection pour pouvoir conserver une autorisation. Parce que, dans notre livre à nous autres, le droit d'association, c'est quelque chose qui est acquis et tout ce qu'on peut ajouter dans une loi, c'est des... remplir des formulaires, par exemple, mais ne jamais restreindre un droit d'association. Par exemple, un parti politique, selon nous autres, aurait le droit de se présenter même sans aucune signature, pourrait conserver son autorisation aussi sans avoir aucun candidat à une élection. On ne dit pas que c'est nécessairement une bonne chose, que ce serait un parti politique crédible, mais on dit que c'est quand même un droit acquis, ça, de s'associer entre personnes. Par contre, on pense qu'il y aurait un certain dépôt pour prouver le sérieux.

Par la suite, on touche au financement, le contrôle des dépenses. Nous, ce qu'on a vu là-dedans, c'est que les partis politiques, en général, ils sont avantagés, au Québec, lorsqu'ils sont représentés à l'Assemblée nationale ou qu'ils ont 1 % des votes valides récoltés lors d'une élection générale. Un autre parti politique, par exemple, qui pourrait avoir un programme, qui pourrait être très sérieux puis qui voudrait présenter des idées à la population, arrive pour se frayer un chemin à travers ça et puis il n'a aucun moyen, financièrement, de combattre avec les autres partis comme, par exemple, le Parti québécois ou le Parti libéral, puis d'aller présenter ses idées. Donc, nous autres, on voit un problème avec ça. C'est plutôt... Ce n'est pas une restriction au droit d'association, mais c'est qu'on avantage certaines associations au détriment d'autres. Dans la Loi électorale, on considère que ce n'est pas vraiment... du moins, les points qu'on veut amener de l'avant, ils vont à l'encontre de nos croyances.

Donc, par rapport à ce point-là, ce qu'on proposait, nous autres, ce n'est pas... Je vais lister toutes les propositions à la fin, là, mais, en gros, ce qu'on disait, c'est qu'on veut éliminer les seuils de 1 % et 20 %. C'est ce que, nous autres, on pense qu'il serait le mieux à faire pour conserver les droits fondamentaux.

En ce qui concerne les déclarations de candidature, mon Dieu, encore là, on est un peu... Ce qu'on voit qui ne nous convient pas là-dedans, c'est qu'il n'y a pas de raison valable, selon nous autres, pour qu'un candidat qui veut se présenter, qui veut s'exprimer en public, doive avoir 100 signatures... je crois que c'est, là, dans ce cas-là. Ça prend 100 signatures d'électeurs de la circonscription. Pour avoir le droit ou avoir des idées plausibles... Dans la Loi électorale, ce qui est inscrit, c'est que ça prend une déposition avec l'appui d'électeurs de la circonscription pour pouvoir se présenter comme candidat. Encore là, nous autres, on pense que les signatures d'électeurs de la circonscription, elles ne nous feront pas accéder à un droit aussi fondamental que le droit d'expression. Et puis, par rapport à ça, on a des propositions, encore là, à la fin du document, que je vous expliciterai plus tard. Et puis le sérieux des idées d'un candidat ou d'un parti, selon nous autres, ce n'est pas au Directeur général des élections ni au gouvernement de porter un jugement sur quelque chose comme ça, c'est plutôt aux citoyens quand ils vont voter. S'ils trouvent qu'un parti n'est pas sérieux, ils ne voteront pas pour ce parti-là. Donc, on trouve que ça n'a pas vraiment sa place, dans la Loi électorale, de déterminer le sérieux des partis politiques comme il est proposé de faire.

Maintenant, on va parler un petit peu du droit de vote. Qu'est-ce qu'on a vu aussi, c'est qu'au niveau de la Loi électorale, les changements qui sont apportés, on essaie de penser à une façon de couvrir à peu près tous les cas où des personnes qui... je ne sais pas, moi, qui resteraient en Floride puis qui reviennent simplement une journée par année, deux semaines ici, au Québec, pour toutes sortes de raisons, elles reviennent juste ici puis on essaie de quand même leur conserver leur droit de vote, et tout ça, puis on essaie de trouver des définitions qui sont peut-être un peu trop compliquées. Nous autres, on pensait que la résidence, ce serait beaucoup plus que le domicile. Ça constituerait un atout de baser la Loi électorale là-dessus plutôt que sur des concepts de domicile qui sont vraiment bien compliqués et que, de toute façon, seulement quelques personnes comprennent. De toute façon, le droit de vote, c'est un droit qui est fondamental. Donc, ça devrait être basé sur des choses que les gens comprennent.

En ce qui concerne le reste, par rapport à l'identification des électeurs, l'exercice du droit de vote et le bulletin de vote, le secret du vote, nous, on pensait qu'à l'époque où on est rendu maintenant ce serait très simple d'informatiser ça, toute la liste électorale, le processus électoral, et de faire ça d'une façon très confidentielle. Je veux dire, quelqu'un pourrait voter très bien avec les systèmes informatiques aujourd'hui; ce serait sécuritaire, ce serait efficace, ça coûterait beaucoup moins cher, il y aurait 2 000 avantages. C'est certain qu'il y aurait peut-être une étude de faisabilité à faire de la part du gouvernement, mais je ne pense pas que ce soit quelque chose qui devrait être très long à faire pour se rendre compte qu'une liste électorale informatisée du Québec avec... Ça constituerait un gros avantage. Et puis, ça, pour nous, mon Dieu, pour identifier l'électeur, il y aurait 2 000 avantages à avoir une carte d'identification qui serait reliée à un bon système informatique, des bulletins de vote électroniques. Et puis, pour le secret du vote, ça va de soi, c'est simple, aujourd'hui, aussi, de faire des systèmes informatiques assez «safe». Donc, je pense que j'ai touché à peu près tous les points.

Il reste simplement l'égalité des chances, dont je vais discuter rapidement, encore une fois. C'est qu'on se rend compte que l'esprit de la loi qui est présentée, nous autres, c'est dit que c'est présenté pour ne pas que l'égalité des chances soit rompue. Par rapport à ça, nous autres, on trouve qu'elle est déjà beaucoup rompue, l'égalité des chances. Quand on parle de financement des partis politiques et qu'on parle, encore là, de présenter des candidats, etc., dans la Loi électorale, l'égalité des chances est déjà rompue. Vous allez me dire qu'il y a plusieurs partis politiques, peut-être, au Québec, qui ne sont pas nécessairement sérieux, mais... Le nôtre, on commence, on en est un, mais il y en a d'autres qui le sont encore moins que nous autres... Ha, ha, ha! puis ils existent et puis c'est comme ça. Mais ils ne viendront jamais au pouvoir. Je pense que vous n'avez pas besoin d'avoir peur de ça. Les gens, il faut qu'ils votent pour eux autres pour qu'ils soient au pouvoir. Donc, ce n'est pas nécessaire, je pense, de protéger, au niveau de la loi, trop... Tu sais, demander 1 000 signatures là, 100 signatures là pour exercer un droit d'association... Et puis, quand on pense aux radiodiffuseurs, toutes les politiques de radiodiffusion qu'il y a dans le temps des élections, mon Dieu! c'est toujours le Parti québécois et le Parti libéral qu'on voit. Et là on a vu l'Action démocratique. Ça fait que l'égalité des chances, nous, on considère qu'elle est rompue de beaucoup, déjà, à l'heure actuelle. Il ne faut pas élargir l'écart encore plus que ça. Donc, je vais vous faire part des propositions puis, après ça, vous me direz ce que vous en pensez.

(17 h 20)

Donc, la proposition 1, nous autres, qu'on avait, c'était que le parti politique qui demande une autorisation doive accompagner sa demande d'une somme de 1 000 $, non remboursable. Un parti politique qui demande une autorisation, d'après nous autres, il doit accompagner sa demande d'une somme de 1 000 $, non remboursable, pour 2 000 raisons, pour couvrir les frais, pour couvrir le... le sérieux et puis tout ça.

Élimination de la présente nécessité d'accompagner cette demande de 1 000 signatures d'appui. Ça, comme je l'expliquais tout à l'heure, les signatures d'appui ne donnent pas nécessairement le droit de s'associer, selon nous autres.

Élimination de l'obligation de présenter au moins 10 candidats à chaque élection générale. Donc, on est contre la proposition qui fait augmenter le nombre à 25, par le fait même. Obligation de présenter 10 candidats à l'élection générale, nous, on est contre ça et, par le fait même, il y a une proposition, dans votre document, qui ferait en sorte que, pour conserver une autorisation, il faudrait le porter à 25. Donc, on est contre cette proposition-là, par le fait même.

On propose non seulement de ne pas reculer sur la démocratisation du système, mais d'aller plus de l'avant en éliminant les seuils de 1 % et 20 % pour les avances et remboursements des dépenses électorales. On propose aussi que les déclarations de candidature soient accompagnées de 1 000 $ remboursables à 50 % seulement si le rapport des dépenses électorales est produit dans les formes et le délai imposés par la loi. Que les signatures d'appui ne soient plus nécessaires avec le dépôt de candidature. On propose aussi que le droit de vote s'acquière par la résidence et non plus par le domicile, ce qui simplifie beaucoup les concepts, comme j'expliquais tout à l'heure. On propose aussi que le Directeur général des élections informatise la procédure du vote électoral. On propose aussi qu'une fois que la liste électorale est complétée la responsabilité incombe à chaque électeur de s'inscrire sur la liste et de maintenir son inscription à jour. Enfin, le dernier point, ce qu'on propose, c'est qu'une carte d'électeur avec photo soit créée pour prouver la qualité de l'électeur au moment d'une élection ou d'un référendum.

Le Président (M. Paquin): Ça termine votre présentation?

M. Painchaud (Alain): Exactement.

Le Président (M. Paquin): J'aurais peut-être une question technique à... Le parti Développement Québec, ça a quelle plateforme? C'est combien de membres? C'est combien de candidats à la dernière élection, par exemple, pour qu'on se situe un peu?

M. Painchaud (Alain): Je vais vous dire ça. Le nombre de nos candidats, on a eu 11 candidats à la dernière élection. En ce qui concerne le reste, je pense que je n'étais pas vraiment venu ici pour parler de ça, mais on a quand même des membres un peu partout dans la province. On n'est pas très nombreux, mais on commence. C'est ça. On a un programme politique qui... un programme... En fait, à l'heure actuelle, c'est des idées, parce que les élections sont déjà passées puis on a perdu, comme vous le savez. Ça fait que... Bien, c'est ça.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. Je reconnais que la démocratie a un prix. C'est un principe avec lequel je suis d'accord en ce qui vous concerne, là. La preuve, c'est qu'on siège ici puis on vous écoute correctement. Vous êtes un parti qui a eu la chance de se faire accréditer; ça a un prix. Ça coûte cher, tout ça, ce qu'on fait.

M. Painchaud (Alain): Oui, je suis d'accord.

M. Chevrette: Mais votre histoire de vous présenter n'importe quand sans signature, ça mène à des aberrations mentales. J'ai vu des gars trouver 25 signatures dans des villes de 30 000, 40 000, puis provoquer des élections, puis obtenir moins de votes que le nombre de signatures qu'il y avait sur leur bulletin, puis enclencher des dépenses de 100 000 $ dans des villes. Ça n'a ni queue ni tête, ça. On n'est pas obligé de se «tiers-mondialiser», dans un régime démocratique, pour venir à bout d'avoir quelque chose qui se tient.

Moi, personnellement, au niveau de l'ordre des commentaires, je ne peux pas vous suivre sur cette voie-là. Il y en a qui sont spécialistes, à part ça. Vous le savez très bien, vous en avez eu, des partis politiques. Ils ont fait leur inauguration de campagne dans le fond d'une garde-robe avec une lumière 7... Ça paraît bien, ça fait rire, ça, mais je ne pense pas... Ce n'est pas la nature des arguments dont vous parliez, qui peuvent être très forts, de groupuscules... C'est très différent. Des arguments intellectuels, une plate-forme de contenu avec des propositions de progrès social ou de contexte de projet de société, c'est assez différent que de se faire marginaliser dans les garde-robes, ça, ou se faire appeler Jean Ridicule parce qu'il s'appelle Henri puis pour avoir du fun, là. Moi, je pense que ça fait plus sérieux que ça, un régime démocratique, et je ne vous suis pas sur cette plate-forme là où un individu peut se présenter sans aucune signature, sans avoir au moins des fonds minimums. Je ne vous suis pas non plus sur qui a droit de vote avec la simple notion de résidence. Je peux vous dire qu'un Floridien qui arriverait ici, il s'en vient, il dit: Je m'en viens résider au Québec. Pas de domicile, mais le droit de voter...

M. Painchaud (Alain): ...l'intention...

M. Chevrette: Non, non, mais c'est ce que vous avez dit. Je vais faire mes commentaires, après ça vous me ramasserez si vous voulez, ça ne me dérange pas. Mais, pour l'instant, je vais au moins donner mes remarques. Je vous ai écouté religieusement, là. D'autant plus que, quand vous parlez, dans votre sommaire - parce que j'ai lu surtout votre sommaire, ici: Un référendum d'une telle nature n'est pas un référendum ordinaire. On ne peut, dans un pays qui se dit démocratique, tenter d'imposer sa loi au reste du Canada. Pensez-vous que, si le B.C. voulait s'affilier aux États-Unis, il accepterait que les Québécois aillent voter ou bien aillent se manifester là? D'abord, c'est la négation même de ce que c'est qu'un peuple. Puis c'est une première partie que je vois, moi, ici, qui dit qu'il n'y a pas de peuple québécois. Même le Parti libéral québécois reconnaît le droit à l'autodétermination du peuple québécois. M. Chrétien, dans son volume «Dans la fosse aux lions», reconnaît le droit à l'autodétermination. Ça ne transpire pas tous les jours, selon les déclarations qu'il fait, mais c'est écrit dans son propre livre. Et puis, je pourrais continuer à vous donner une foule d'exemples. M. Bourassa, tous les premiers ministres du Québec ont toujours soutenu le droit à l'autodétermination du peuple québécois. Et, vous, vous dites: Bien non, n'importe qui peut venir ici. Pas de problème. Sans contrainte de règles. Ce n'est plus une personne un vote, là, c'est quasiment une piastre pour un vote. C'est un peu ce que le député de Vachon disait tantôt. Après ça, vous semblez dire que c'est tellement sérieux, un référendum, qu'on devrait faire voter à peu près tout le monde. Moi, je dois vous dire que le Québec est entré dans la Constitution canadienne par un vote au Parlement, ici. Pas par un vote du peuple, démocratique du peuple, de tous les citoyens corrects québécois. Terre-Neuve est entrée dans la Constitution après deux référendums, puis ce n'est même pas au premier qu'ils sont entrés. Puis, c'est eux autres, les citoyens de Terre-Neuve, qui se sont prononcés pour entrer ou pas dans la fédération canadienne. Je ne vois pas pourquoi l'histoire changerait puis le peuple québécois serait obligé d'avoir des règles démocratiques différentes. Moi, je ne comprends pas votre approche, mais pas du tout.

Ensuite de ça, je vous avoue que... J'ai été assister à la démocratisation du peuple de Madagascar qui était sous régime dictatorial, puis j'ai été assister au vote. Le pluralisme des partis qui ne représentent même pas 0,1 % mène à des aberrations, et vous le savez. Si vous êtes sérieux le moindrement, vous êtes obligé d'exiger un minimum. Vous savez très bien qu'on ne peut pas sombrer dans le ridicule quand on fait des règles démocratiques. Il faut que ce soit un peu sérieux. Je ne vous dis pas que notre régime est parfait, mais on ne peut pas passer d'un extrême à un autre extrême. On a entendu des argumentaires de l'ADQ, par exemple, devant nous autres, en tout cas, qui méritent réflexion. On a entendu des groupes dire, par exemple: Est-ce que ça ne pourrait pas être partagé différemment dans le financement des partis politiques? On a entendu des associations venir nous faire des suggestions correctes. Mais personne n'est venu nous dire: Écoutez, demain matin, on ne prend pas une signature, je me présente. Savez-vous qu'on peut trouver une quarantaine de farfelus par comté puis qu'on peut retrouver tout ça sur un bulletin de vote? Vous savez ça. J'espère que vous le savez. Moi, j'en connais quelques-uns. Puis, si vous voulez des noms, vous viendrez me voir, je vous en donnerai une couple. Puis je dois vous dire que ça fait 20 ans que je fais de la politique, puis j'en ai vu. Je vois les mêmes à mes trousses. Il y en a qui me suivent jusque dans les commissions parlementaires, à part ça. Puis, s'ils pouvaient en présenter 75, ils le feraient. C'est le fun, c'est le gros «show», il faut que la caméra soit là. Puis, si tu n'es pas capable de te distinguer par ton intellect, tu vas le faire par ton physique, par toutes sortes d'accoutrements, mais tu vas être sujet à être marginalisé. Ça peut être le fun, ça. Ça ne fait pas sérieux quand c'est les sous de l'État qui sont en cause. Les sous de l'État, c'est les sous du monde. Vous irez demander à 2 % du monde d'appuyer ce genre de farfelu qui coûte bien cher. Ce n'est pas vrai, ça; ça ne marche pas, ça. Il faut être plus sérieux que ça.

(17 h 30)

M. Painchaud (Alain): On n'a jamais dit, en passant, M. le ministre, qu'il fallait payer les dépenses électorales, on a juste dit qu'on n'était pas d'accord avec les seuils. C'est simplement ce point-là.

M. Chevrette: Mais considérez-vous que ça prend un minimum de sérieux, vous?

M. Painchaud (Alain): Oui.

M. Chevrette: Considérez-vous ça?

M. Painchaud (Alain): Oui, ça, ce minimum de sérieux là, c'est ce qui va vous mener à une victoire électorale si vous avez un programme qui a du bon sens. Il faut exprimer les idées clairement aussi, ce n'est pas tout d'avoir un programme qui a du bon sens. Mais, quand tous ces éléments-là sont en place, qu'il y a du bon vouloir puis que les chances sont égales pour les partis, nous, on considère que c'est le meilleur qui va l'emporter. Là, à ce moment-là, les chances sont égales.

Le cas du référendum actuel, sur lequel le document de réflexion puis les comités techniques se sont penchés, en tout cas, nous, on a trouvé que c'est un cas qui est bien difficile à trancher parce qu'il y a des gens d'un pays qui se font dire: On veut se séparer puis vous ôter une partie de la terre qu'eux autres considèrent que c'est à eux, cette terre-là. Puis...

M. Chevrette: Mais étiez-vous pour les...

M. Painchaud (Alain): ...vous, vous voulez légiférer pour avoir des dispositions pénales.

M. Chevrette: Quand l'Ukraine est allée chercher sa souveraineté, puis la Lettonie, puis la Lituanie, ils se définissaient comme peuples; puis quand la Tchécoslovaquie, les Tchèques se sont séparés des Slovaques, ils l'ont fait en harmonie. Qu'est-ce que vous avez contre ça, vous?

M. Painchaud (Alain): Mon Dieu! Là, vous me prenez un peu à court avec vos...

M. Chevrette: Bien, je te prends à court, mais...

M. Painchaud (Alain): ...les Tchèques, je connais un petit peu...

M. Chevrette: ...c'est peut-être face à ta... excusez, à votre déclaration préalable. Je ne veux pas vous prendre de court. Les peuples de la terre, en autant que ça se fasse de façon démocratique, moi, je suis d'accord avec ce principe fondamental du droit à l'autodétermination des peuples par les voies démocratiques. Mais allez-vous demander à la Lituanie de se prononcer à la place du peuple ukrainien? Allez-vous demander aux Ukrainiens de se mêler de la Tchécoslovaquie? Voyons, ce n'est pas de même que ça marche. La démocratie, c'est un peuple qui est reconnu comme peuple, qui s'autodétermine; il est pour ou il est contre, par les voies démocratiques, sans arme, sans violence. Peut-on demander mieux: de vivre dans un contexte de démocratie aussi fondamentale puis de respecter, à 49,5 %, le verdict du peuple, puis dire: À la prochaine?

M. Painchaud (Alain): Oui, d'accord, ça, ça a été très... Moi, j'ai trouvé ça très bien.

M. Chevrette: Bon, bien, merci.

M. Painchaud (Alain): Là où je trouve qu'on va loin au niveau des propositions, c'est lorsqu'on dit, par exemple... La Constitution canadienne, qui permet la liberté d'expression aux groupes puis la liberté de réunion pacifique, on dit: Bon, bien, là, mon Dieu, on va faire une loi qui va les empêcher de venir se réunir puis d'exprimer leurs idées pendant le référendum. Et puis cette même Charte des droits du Québec a dit la même chose: les personnes devraient avoir le droit.

Moi, je considère qu'au Canada... Moi, je suis au Québec, je peux aller en Ontario quand je veux, un Ontarien peut venir ici quand il veut. Donc, avec tout ça mis ensemble, je dis: Comment on peut faire une loi qui n'est pas inopérante dans la Loi électorale puis dire à ces gens-là: On ne veut plus que vous fassiez ça ou, si vous le faites, ça va monter les dépenses d'un des protagonistes? S'il le sait, s'il ne le sait pas, ça devient trop... Je trouve que c'est un petit peu chambranlant, que ça va faire quelque chose qui va mener à interprétation beaucoup, ça.

M. Chevrette: Mais...

M. Painchaud (Alain): Parce que vous voulez atteindre...

M. Chevrette: Prenez un exemple. M. Harris arrive en Ontario, M. Harris décide, lui, qu'il n'y a plus de relations commerciales avec le Québec. Il pourrait décider ça. Il pourrait dire: Moi, je fais sauter toute... je ne veux rien savoir du Québec. Nous autres, on a signé, par exemple - c'est le ministre Tremblay, je pense, qui a signé - une entente de commerce interprovincial, mais il aurait pu décider de ne pas la signer. Pensez-vous qu'à ce moment-là... Quand on est identifié juridiquement à un territoire, ce n'est pas aux autres territoires à décider de ce qu'on fait sur notre territoire. C'est l'histoire de la démocratie des peuples, ça.

Moi, je ne vous suis pas, mais pas du tout. C'est quasi anti... Vous êtes, en fait, pour l'anarchie, d'après ce que je peux comprendre, d'après ce que vous proposez; c'est quasiment anarchique, votre affaire. Puis, moi, je vous dis, personnellement: On peut se complaire dans l'anarchie, mais, moi, je ne me complais pas dans ça. Il faut un minimum de structures dans une société pour faire évoluer une société, puis cette évolution peut aller jusqu'à l'autodétermination de ce peuple-là, qui vit sur un territoire. C'est fondamental, ça. Puis je suis surpris - puis vous me dites que vous êtes des jeunes - que, le droit à l'autodétermination, vous ne reconnaissiez pas ça comme fondamental à un peuple. Quand on est rentrés dans la Constitution uniquement par le Parlement, si vous aviez été dans le Parlement, vous, auriez-vous réclamé que ce soit le peuple qui se prononce?

M. Painchaud (Alain): Sur la Constitution, il est fort probable... Moi, mon point de vue à moi, c'est que c'est certain qu'une constitution ça se trouve à être la loi du peuple beaucoup plus que la loi de certaines personnes qui mettent ça là...

M. Chevrette: C'est fondamental, hein?

M. Painchaud (Alain): Ça, là-dessus, on va s'entendre. Mais, pour le point, en tout cas, sur ce que je vous suis, là, c'est que vous arrivez puis vous me dites: La seule façon de régler les problèmes qu'on verrait au niveau du Canada, c'est de se séparer du Canada. Et là c'est là où je ne vous suis plus, moi.

M. Chevrette: Je comprends, mais vous comprenez que je ne vous suis pas.

Le Président (M. Paquin): Allez-y.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous remercier également de votre présentation. Bon. Une remarque et puis peut-être une couple de petites questions, là. Dans la question de l'autorisation des partis politiques, je pense que le ministre, bon, vous a expliqué un peu son point de vue. Je pense qu'il y a un équilibre qu'il faut chercher entre la liberté d'association, la liberté des gens de se former en parti politique, de suivre une certaine procédure, de devenir un parti autorisé. Bon. On doit donc essayer, en tout cas, de regarder s'il y a des choses qu'on doit corriger de ce côté-là, au niveau de la liberté d'association. On doit aussi regarder, comme gouvernement qui a été mandaté, au fond, par la population... Et, parmi les mandats que l'Assemblée nationale a, il y a celui de déterminer comment doit fonctionner notre système démocratique. Alors, on a, comme gouvernement mandaté par des citoyens du Québec, l'obligation de regarder aussi ce qui est réaliste, ce qui est faisable, et de gérer le tout d'une façon non abusive pour les personnes qui veulent se regrouper en parti politique, mais également d'une façon responsable à l'égard des deniers publics, c'est-à-dire ceux que la population remet dans les mains du gouvernement. Et je fais référence ici de façon plus explicite à toute la question des dépenses électorales, au remboursement des partis politiques.

M. Painchaud (Alain): Écoutez, je veux mettre quelque chose clair, là: nous, on n'a jamais dit qu'il fallait payer des dépenses électorales. On n'a jamais...

M. Bordeleau: Non, non, non, je comprends.

M. Painchaud (Alain): ...donc, il ne faut pas... À l'heure actuelle, les citoyens paient des dépenses électorales au PQ, au Parti libéral et à... moyennant certaines règles, mais on n'a jamais dit qu'il fallait faire ça, nous autres.

M. Bordeleau: Non, non, je comprends. Je dis qu'il faut essayer de trouver un équilibre entre la liberté d'association et la gestion d'un système démocratique relativement fonctionnel, bien qu'on puisse améliorer certaines choses. Alors, on sait, puis, ça, ça nous a été souvent mentionné, pas nécessairement par vous aujourd'hui, mais on nous dit: Les nouveaux partis sont défavorisés dans le système actuel parce qu'ils n'ont pas les mêmes droits que les partis représentés à l'Assemblée nationale. Vous y avez fait référence, d'ailleurs, vous-même; au début, je pense que vous avez fait référence à cette expression-là. Les partis représentés à l'Assemblée nationale, à ce moment-là, eux seraient en meilleure position que les nouveaux partis.

(17 h 40)

Je veux juste vous rappeler qu'il y a un début à tout, et je pense que le système doit... Certaines personnes nous demandent, là, qu'il n'y ait pas de dépôt. Je ne dis pas que c'est votre cas. En général, il y a des représentations qui ont été faites: pas de dépôt, pas de signatures, remboursement des dépenses électorales, proportionnelle, en tout cas, il y a toutes sortes de formules qui nous ont été mentionnées. Mais, essentiellement, au bout de la ligne, à peu près tout le monde pourrait former un parti politique, se présenter et se faire rembourser, et occasionner aussi des dépenses pour gérer tout ce système-là, qui aurait une multiplicité de partis politiques. Je pense qu'il faut essayer de trouver un équilibre entre les deux. Je suis bien conscient qu'on ne doit pas étouffer la possibilité pour des partis politiques de naître et de croître. Je pense que notre système actuellement l'a permis, et, dans ce sens-là, il est peut-être imparfait jusqu'à un certain point, mais il nous a permis quand même... Retournons 25 ans en arrière. Le Parti québécois, à ce moment-là, à la première élection, a fait élire sept députés. Il avait quand même une certaine base dans la population, et ce parti-là, au bout de 25 ans, est un parti quand même important au Québec, qui existe et qui a toute sa structure. Il a commencé à un moment donné, et il a eu l'appui de suffisamment de population pour faire élire sept candidats à l'élection de 1970. Le Parti Égalité, à la première élection, a fait élire quatre candidats. Ce parti-là a disparu. Bon. Disparu relativement... en tout cas, il n'est plus représenté à l'Assemblée nationale. Bon. On peut regarder quelles sont les causes de la disparition du parti, mais il reste que ce parti-là a pu faire élire des candidats, il a été représenté, il a bénéficié, mettons, des avantages qu'il pouvait y avoir à l'élection suivante, et il est disparu parce qu'il n'avait pas d'appui dans la population. L'ADQ s'est présentée, à la première élection, a fait élire un candidat. Je pense qu'il y a des possibilités dans le système actuel. Il n'est peut-être pas parfait, comme je vous le mentionne, mais les possibilités existent.

Alors, je voulais juste faire ce commentaire-là et juste vous demander de m'expliquer une chose à laquelle vous faites référence dans votre mémoire, c'est le fait que les listes électorales ne soient pas distribuées aux partis politiques.

M. Painchaud (Alain): D'accord, mais c'est-à-dire que...

M. Bordeleau: Pouvez-vous nous expliquer d'où ça vient, ça, cette idée-là? Pourquoi?

M. Painchaud (Alain): Pourquoi on veut ce point-là?

M. Bordeleau: Oui.

M. Painchaud (Alain): O.K. Bon, en fait, nous, on pense que les listes électorales, bon, d'abord, ça coûte extrêmement cher puis... sur support papier, ça coûte cher. Et puis que ça coûterait seulement 0,25 $... ce n'est pas vraiment le cas. L'idée est que, quand on donne notre nom comme électeur, c'est beaucoup plus pour pouvoir se prévaloir de notre droit de vote, être écrit sur une... pas se prévaloir, mais... C'est-à-dire que, quand on va aller voter, on veut être... mon Dieu, on veut être inscrit. C'est plutôt par rapport à ça qu'on donne notre nom, ce n'est pas pour que les partis politiques, que ça soit le nôtre, le vôtre ou le Parti québécois, utilisent ces listes-là pour d'autres fins. C'est dans ce sens-là, nous autres, qu'on dit: On s'oppose à ça.

De la même façon pour les shérifs, par exemple, on pense, nous, qu'un shérif n'a pas d'affaire à avoir accès à ça. Ce qu'il devrait avoir, s'il a besoin, par exemple, d'avoir des jurés, ça serait d'avoir une liste de personnes potentiellement acceptables comme jurés, O.K., selon les critères... Je ne sais pas quels critères sont faits, de recherche, dans ce temps-là, mais il faut qu'ils sortent une liste de jurés pour avoir accès à la liste électorale... Nous, c'est ce qu'on pense qui serait convenable. Puis la base de notre raisonnement est que, quand on donne notre nom, là, c'est pour aller voter, ce n'est pas pour donner au shérif, ce n'est pas pour donner au Parti libéral, ni à Développement Québec, ni au PQ. Est-ce que je réponds à votre question?

M. Bordeleau: Oui, ça va, je comprends votre point de vue. Je ne suis pas nécessairement d'accord aussi.

Le Président (M. Paquin): O.K. Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Bien, moi, j'ai juste une petite question. Vous semblez vouloir permettre aux Canadiens anglophones de venir sur le territoire québécois durant le référendum, puis à peu près faire tout ce qu'ils veulent. Est-ce à dire que vous êtes d'accord, a priori, dans ce cas-là, avec l'invasion russe en territoire tchécoslovaque parce qu'ils ne respectaient pas le verdict démocratique des Tchèques en 1968?

M. Painchaud (Alain): Non. Là, écoutez, ça, je ne suis pas d'accord avec tout, là, ce qui mène à des conflits trop violents, mais je crois, M. le ministre, que, quand même, le fait d'empêcher des Canadiens de venir ici pourrait peut-être mener à on ne sait pas quoi, tu sais. Quand même, eux, ils considèrent que le Québec fait partie de leurs terres, puis il y a quand même des Québécois aussi qui considèrent qu'ils sont dans le Canada, puis il y a des Québécois qui aimeraient beaucoup mieux être indépendants. Il faut trouver un juste milieu là-dedans, mais je pense qu'en essayant de mettre des dispositions pénales trop vigoureuses on va s'exposer à des problèmes.

M. Chevrette: Je vous remercie.

Le Président (M. Paquin): Alors, je constate qu'il n'y a pas d'autres questions. Alors, je vous remercie, M. Painchaud, de votre présentation, de la réponse aux questions des parlementaires. Je vous souhaite un bon retour.

Et j'appellerai maintenant Students' Society of McGill University et Students' Representative Council of Bishop's University, s'ils sont arrivés, à se présenter à la table. Alors, si vous voulez vous identifier.


Students' Society of McGill University et Students' Representative Council of Bishop's University

M. Wilson (Matthew): Moi, je suis Matthew Wilson, je suis le vice-président de l'association, et ma collègue, Mrs Harvey, qui est la présidente.

Le Président (M. Paquin): Alors, vous disposez d'une dizaine de minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, les parlementaires disposeront, de chaque côté, de la même période pour vous questionner et demander des précisions, le cas échéant. Alors, si vous voulez commencer votre présentation.

M. Wilson (Matthew): Merci. Je voudrais profiter de cette occasion pour rappeler les problèmes vécus par certains étudiants dans les universités québécoises au cours du dernier référendum. J'espère que ça permettra à la commission de réaliser que les problèmes vécus par les étudiants étaient sérieux et qu'ils ne devraient pas être traités à la légère.

Alors, notre présentation sera divisée en deux parties: dans la première, Mme Harvey va raconter les problèmes qu'on avait, les problèmes spécifiques; et puis, moi, je vais discuter à peu près les recommandations concernant les amendements à la Loi électorale ainsi que les commentaires généraux concernant le document de réflexion soumis par le Directeur général des élections du Québec. Alors, Mrs Harvey va commencer.

Le Président (M. Paquin): Mme Harvey.

Mme Harvey (Elizabeth): Merci. The enumeration process and the revision period were conducted at Bishop's and many students considered it to be a very unjust process and many students who were eligible to vote were disenfranchised in the process. Between 300 and 350 students not originally on the electoral list appeared before the Board of Revisors and they were systematically denied the right to vote. The Board of Revisors demanded driver's licenses and health cards as proof of domicile, and many Bishop's students who've been living, working, paying taxes and purchasing property in Québec for years and nevertheless do not have this type of documentation were denied the right to vote. These students meet all of the other requirements and, most importantly, believe that they are domiciled in Québec.

The Revisors based their rejection of many of these individuals on the fact that they were not convinced that the individuals in question were domiciled here in Québec. The only proof of the students' intention to remain in Québec is the testimony they provide. Much information that was required in terms of our future plans just is not possible to provide. The Board of Revisors did not take the students' word in the vast majority of individual cases, nor did they accept such evidence as the mailing addresses and the leases of students or the applications to Québec universities and businesses. Students were not given the benefit of the doubt, although Appendix 3 of the «Directives for the Board of Revisors» states that: «a person whose domicile cannot be determined with certainty must be deemed to be domiciled at the place of his usual residence.» The Board insisted on definitive evidence to prove intent to domicile when it is impossible for such evidence to exist.

Protests and meetings with Mr. Pierre-F. Côté resulted in an agreement in which students with additional information could present it before the Board for reconsideration, which was a futile process. We also agreed on an extra day for revision, on the firing of an Enumeration Security Guard, and on the adoption of a new attitude by the Board of Revisors. Such a new attitude was never adopted. The Board of Revisors maintained their overzealous attitude which was reflected through their continuous rejection of potential voters.

Since the protests and our meeting with Mr. Côté, 1 000 students, a majority of Bishop's students, have signed a petition protesting Sections E and F of the «Directives to the Board of Revisors» which give too many discretionary powers to the Board of Revisors to determine the notion of domicile for the purposes of establishing eligibility of voters, and urging the Government of Québec to review these sections to better define their parameters and, in doing so, guarantee impartial treatment of potential voters without prejudice.

(17 h 50)

During and after the October 18th protests at Bishop's, it became apparent that there were several other problems and acts of a questionable nature surrounding the enumeration and voting process. Yes campaign workers struck students who they did not know personally, and over 100 students at a time, from the list. Yes campaign workers posted notices in students' boxes saying that their actions were illegal and they could be fined for doing such actions, and we do understand that, if such notice was necessary, it certainly should not have come from either the Yes or the No campaigns, it should have come from the Director general's Office. And you will notice that, in the report that we have provided, there are several examples of students who met all of the eligibility requirements for voting and who were denied the right to vote.

This problem goes far beyond Bishop's University and, because of that, it makes it a much more serious problem than has been discussed thus far. Helena Myers, President of the Students' Society at McGill University, reported problems similar to those encountered by Bishop's. They noted problems such as lack of consistency and excessive liberty of interpretation, lack of training, and again inconsistency by the Board of Revisors in Montréal, a scare campaign. Students concerned about referendum enumeration at Concordia University diffused much of the same information.

Clearly not all students were legitimate voters despite their own convictions they may be so. Enumerators paid by elector listed and not by time or quality of work are not encouraged to explain notion of domicile and certainly, from personal experience, did not make the time or effort to do so and simply enumerated students and others by asking if this is where they lived.

With the inconsistent application of the law, the entire enumeration and revision period lacked clarity and transparency. It is no wonder that students were confused about the law because it seemed that those charged with interpreting the law were themselves confused.

Le Président (M. Paquin): M. Wilson, est-ce que vous voulez compléter?

M. Wilson (Matthew): Oui. Alors, je vais discuter de la notion de domicile et de la notion d'intention de domicile.

C'est de loin la notion de domicile qui a été la problématique la plus contentieuse à toucher les électeurs étudiants. De par leur nature, les étudiants universitaires forment un groupe de passage au sein de la société. Dans la plupart des cas, ils n'ont pas encore de résidence permanente et ils n'ont pas encore complètement quitté la résidence de leurs parents. Cette zone grise se trouve davantage compliquée par la signification réelle de la notion de domicile par opposition à la notion de résidence.

Il est fait allusion à ce problème dans le document de réflexion soumis par le Directeur général des élections. Le Directeur souligne que la présomption est que les étudiants sont domiciliés chez leurs parents pour la durée de leurs études. Cette présomption est injuste, puisqu'elle ne tient pas compte du fait que les étudiants sont des adultes indépendants de leurs parents, selon la loi.

L'intention de domicile. La Loi électorale du Québec prévoit qu'un électeur doit être domicilié au Québec depuis six mois et qu'il doit avoir l'intention de continuer à être domicilié au Québec. Tous les électeurs étudiants refusés à l'université Bishop's l'ont été sur cette base. L'intention est quelque chose qui est impossible à prouver avec certitude. Quelqu'un peut avoir, par exemple, l'intention de laver la vaisselle...

Le Président (M. Paquin): Juste un instant, s'il vous plaît.

M. Wilson (Matthew): O.K.

Le Président (M. Paquin): Simplement pour indiquer que c'est une cloche pour la reprise des travaux en Chambre, donc, on n'a pas à se déplacer. Si vous voulez poursuivre.

M. Wilson (Matthew): O.K. Par exemple, on peut avoir l'intention de laver la vaisselle le lendemain, mais personne ne saura avec certitude avant le lendemain si la vaisselle a été faite ou pas. Dans le cas de l'intention de domicile, il est impossible de prédire l'avenir.

Pour les étudiants universitaires qui entreprennent leurs études ou à mi-chemin dans la réalisation de leur programme d'études, on doit considérer le nombre d'années requises pour compléter leurs études. D'une part, les étudiants de première année ont été automatiquement rejetés en se basant sur le fait qu'ils ne répondaient pas aux critères de résidence pendant six mois. D'autre part, les étudiants de deuxième année et autres ont l'intention de continuer leur programme d'études et ont sans doute l'intention d'être domiciliés au lieu de leurs études pendant ces années.

Dans son document de réflexion, le Directeur général recommande d'ajouter des articles à la loi à l'effet de ne plus considérer un électeur domicilié au Québec s'il a quitté la province depuis plus de deux ans. Inversement, si quelqu'un peut perdre son droit de domicile en deux ans, il y a lieu de supposer que quelqu'un peut aussi le gagner pendant la même période.

Alors, comme étudiants, on a des recommandations pour changer la Loi électorale, pour mieux clarifier la loi. On a trois recommandations, à part la notion de domicile. Premièrement, la présomption à l'effet que les étudiants soient domiciliés chez leurs parents pendant la durée de leurs études ne devrait pas être utilisée pour déterminer leur éligibilité. Deux autres points. Deuxièmement, la notion de l'intention de domicile devrait être modifiée pour comprendre une période minimum de deux ans. Cela serait en concordance avec la notion mise de l'avant par le Directeur général. Et, troisièmement, les étudiants devraient avoir le droit de présenter leur relevé de notes, une attestation signée par le registraire ou d'autres documents officiels pour déterminer qu'ils veulent être là-bas pour compléter leurs études.

Le Président (M. Paquin): Je vous remercie. C'est maintenant la période des questions. M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je vais garder du temps pour mon collègue, je vais en poser une courte. J'ai de la difficulté... Je vous remercie, d'abord, de votre présentation, mais je dois vous dire que j'ai de la difficulté à vous suivre sur la notion de domicile. Je «comprends-tu» bien votre mémoire si vous me dites qu'un citoyen anglophone, 18 ans, qui serait à Bishop's dans une résidence d'étudiants depuis six mois aurait le droit de vote au Québec? «J'ai-tu» bien compris?

M. Wilson (Matthew): Bien, si un étudiant... Comme je l'ai dit, c'est impossible de prévoir l'avenir. Alors, c'est bien...

M. Chevrette: L'avenir dure longtemps. Ha, ha, ha!

M. Wilson (Matthew): Oui, c'est vrai.

M. Chevrette: Ça, je sais ça, mais à court terme, là, dans votre mémoire, vous nous dites bien, là... Supposons que vous êtes un Albertain.

M. Wilson (Matthew): O.K.

M. Chevrette: Vous vous en venez étudier au Québec pour une couple d'années. Vous êtes à Bishop's. Vous êtes sur le campus universitaire, et il arrive une élection, une élection très importante pour l'avenir, pas une... Un référendum sur l'avenir du peuple québécois. Ça, vous avez le droit d'avoir toutes les opinions que vous voulez, vous pouvez le crier sur le campus. Trouvez-vous normal que vous ayez le droit de vote après seulement six mois au Québec, et sans aucune preuve de résidence, en plus, après seulement six mois?

M. Wilson (Matthew): Bien, c'est une question de sentiments de l'individu. L'individu d'Alberta, par exemple, s'il vient au Québec et qu'il tombe en amour avec le Québec et il pense...

M. Chevrette: Oui, mais il y a des amours subites et il y a des amours lentes.

M. Wilson (Matthew): Oui.

Une voix: Les amours subites du vendredi.

M. Chevrette: Il y a le coup de foudre, qu'on appelle, en français, mais ce n'est pas toujours le coup de foudre.

Une voix: Comme le 27 mai.

M. Wilson (Matthew): Mais...

M. Chevrette: Vous pouvez bien venir... Quand vous partez de l'Alberta, là, vous partez dans un but bien précis: venir faire vos études à Bishop's. Bon. Vous êtes en train de me dire qu'on doit accorder le droit de vote sur l'intention. Ça ne se légifère pas, ça ne se réglemente pas, ça, des intentions, puis ça peut ouvrir la porte à n'importe quel abus puis à n'importe quel mensonge. Je m'en vais vous rencontrer, moi, puis vous êtes un petit vite, menteur sur les bords, supposons, puis je dis: As-tu l'intention de t'en venir au Québec? Si, si, si, parce que je veux voter au référendum. Il n'y a aucune intention. Il n'y a pas de microscope, puis il n'y a pas de scanner pour savoir si vous dites la vérité ou pas. Vous nous demandez: Accordez-nous le vote sur l'intention.

(18 heures)

M. Wilson (Matthew): Oui, mais je suis d'accord avec vous, parce que c'est l'intention qui... Comment est-ce qu'on...

M. Chevrette: Bien oui, mais comment vous feriez ça? Expliquez-moi comment.

M. Wilson (Matthew): Bien...

Le Président (M. Paquin): M. le ministre, peut-être...

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Paquin): ...lui laisser faire une réponse complète et on reviendra avec des sous-questions, si vous le permettez.

M. Chevrette: C'est parce que je veux bien comprendre.

Le Président (M. Paquin): Oui, c'est ça.

M. Chevrette: Expliquez-le-moi, ce que ça veut dire, «intention».

M. Wilson (Matthew): Bien, ça, c'est le problème qu'on a, et je pense que... Je sais bien que la notion de domicile est dans la loi Napoléon depuis longtemps. Ça, c'est une certitude. On ne doit pas oublier que toutes les autres provinces utilisent la notion de résidence et pas la notion de domicile. Alors, dans ce cas, cet étudiant, est-ce qu'il est résident ici, à Québec? Alors, s'il est résident à Québec, il ne reste plus en Alberta. Alors, est-ce qu'il ne peut pas voter en Alberta et est-ce qu'il ne peut pas voter au Québec parce qu'il n'a pas l'intention de domicile? Alors, cet étudiant, par exemple, ne peut pas voter n'importe où, donc, à une élection ou un référendum provincial.

M. Chevrette: Oui, mais, s'il veut voter chez lui, vous ne pensez pas qu'il n'est pas mieux... Quand il quitte l'Alberta pour venir étudier ici, qu'il fasse des pressions sur son gouvernement pour lui permettre de voter chez lui, comme nous autres, on dit: Même si tu quittes pendant deux ans, t'auras le droit, même si t'es en Alberta, de voter ici.

M. Wilson (Matthew): Oui, oui.

M. Chevrette: Nous, on ouvre la porte à ceux qui s'en vont ailleurs pour qu'ils puissent voter. Pourquoi que, vous autres, vous diriez: Parce que je n'ai pas le droit chez nous, je devrais avoir le droit chez vous quasiment sans conditions, à partir seulement de mes intentions? C'est ça que vous nous dites. Je trouve ça drôle.

M. Wilson (Matthew): Oui, mais ça, c'est quelque chose que je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi la Loi électorale du Québec dit que les personnes qui sont allées à d'autres places peuvent voter. Ça n'a pas de sens. Parce que la loi dit: Si la personne qui vit n'importe où dans le Canada, qui était un résident du Québec et qui a l'intention de retourner au Québec... Je ne comprends pas pourquoi la loi dit qu'il peut voter.

M. Chevrette: Qu'il ne peut?

M. Wilson (Matthew): Qu'il peut voter.

M. Chevrette: Il peut voter?

M. Wilson (Matthew): Oui. La loi, maintenant, dit qu'il peut voter.

M. Chevrette: Oui, mais regardez, il y a les corps consulaires. Les employés qui vont travailler dans les ambassades, dans les corps consulaires, ils y vont temporairement travailler. Bien souvent, ils gardent leur domicile ici. Donc, il y a un droit de rattaché à cela.

Vous, vous préféreriez qu'on laisse voter, par exemple... Dans l'exemple que je prends, là, vous préféreriez qu'on laisse, si je suis votre raisonnement... Si je me trompe, dites-moi-le, là. Je veux comprendre. Vous préféreriez qu'un Albertain, qui n'a que six mois ici, qui n'a même pas de domicile, qui est en résidence étudiante, puisse avoir le droit de voter et qu'on empêche le Québécois, qui a toujours vécu ici, qui a une opportunité d'aller faire deux ans dans une ambassade ou dans un corps consulaire quelconque ou dans une délégation du Québec, qu'il n'ait pas le droit de voter. C'est ce que je comprends de vos propos.

M. Wilson (Matthew): Bien, ça, c'est spécial. Par exemple, si on m'utilise comme exemple, j'étais ici, à Québec, pour les dernières quatre années. Alors, je ne peux pas voter dans ma province d'origine, en Ontario, parce que je ne suis pas un résident en Ontario. Alors, je suis ici à Québec maintenant et j'ai voté à l'élection provinciale et puis, quand le référendum est arrivé, je n'étais pas un résident. Je n'étais pas domicilié. Alors, j'ai perdu mon vote aux deux places. Est-ce que, ça, c'est juste, dans une société démocratique?

M. Chevrette: Non.

M. Wilson (Matthew): Est-ce que, ça, c'est juste? Ça, c'est pourquoi je dis que c'est une zone grise, parce que les étudiants... Je comprends bien les points que vous faites, mais aussi, d'un autre côté, l'essence de pourquoi on est ici, c'est parce qu'il y avait les étudiants qui pensaient qu'ils avaient le droit de voter ici. C'est vrai que, parce que la question du référendum, c'était une grande question, plus d'étudiants voulaient participer. Ça, c'est vrai. Je sais bien que c'est possible qu'il y ait des étudiants qui n'étaient... pas voter, qui ont fait des mensonges. Ça, c'est une possibilité. Mais il y en a d'autres où la loi, dans ce cas, n'était pas appliquée d'une manière juste.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Paquin): Alors, je porte à votre attention qu'il reste deux minutes à votre formation politique. Par alternance, je vais passer, donc, au député de D'Arcy-McGee.

M. Bordeleau: L'Acadie.

Le Président (M. Paquin): L'Acadie?

M. Bordeleau: Oui. Juste une question. Disons que, présentement, dans la Loi électorale telle qu'elle existe - si on applique la loi, elle est telle qu'elle existe, s'il y a des modifications à apporter, on verra, éventuellement - on dit qu'une personne a qualité d'électeur si elle a 18 ans accomplis, si elle est domiciliée au Québec depuis six mois ou, dans le cas d'un électeur hors Québec, depuis 12 mois, bon, etc., elle n'est pas en curatelle, le domicile d'une personne est le même que celui établi en vertu du Code civil. Dans le Code civil, on précise... Une des dimensions importantes de la définition qui existe dans le Code civil actuel et la jurisprudence, c'est l'intention. Alors, évidemment, l'intention, ça ne se mesure pas avec une règle à calcul, il faut se fier à... Alors, on peut être plus ou moins d'accord, plus ou moins... mais il reste que, dans l'état actuel de la loi, je pense que ce sont des critères qui font qu'une personne a le droit de voter: six mois au Québec, citoyen canadien, 18 ans, l'idée du domicile au Québec.

Alors, je pense que c'est ce qui s'est passé dans votre cas, essentiellement. Et, encore là, si vous aviez réellement l'intention ou si vous n'aviez pas réellement l'intention, ça ne se mesure pas, il faut se fier à l'intention manifestée par la personne qui dit: Oui. Alors, c'est la compréhension que j'en ai actuellement. Si ça ne répond pas, disons, à l'objectif que vise le gouvernement, il faudrait qu'il soit explicite là-dessus et qu'on clarifie la situation.

Maintenant, j'aimerais juste poser une question plus précise, je vais laisser le député de D'Arcy-McGee vous... qui a d'autres question aussi. Mais, à McGill et à Bishop's, est-ce que vous avez des statistiques sur le nombre de personnes qui sont venues de l'extérieur, soit des États-Unis, soit d'autres provinces canadiennes, et qui sont venues faire des études ici et qui sont demeurées au Québec par la suite? Est-ce que vous avez des statistiques là-dessus ou s'il n'y a aucune statistique qui existe, ni à McGill ni à Bishop's?

M. Wilson (Matthew): Moi, je ne sais pas, je n'ai aucune idée. Mais, si je peux dire, la loi ne doit pas être basée sur les statistiques de ce que les personnes font.

M. Bordeleau: Non, c'est juste à titre d'information, c'est juste pour savoir, à peu près, combien de personnes viennent ici et restent, par la suite, s'établissent. Si on avait des données là-dessus, ça nous éclairerait peut-être, mais ça n'enlève rien à ce que j'ai mentionné tout à l'heure sur le fait que, tel que c'est défini présentement, il faut prendre pour acquis la Loi électorale et le Code civil qui existent pour définir si une personne est admissible ou non. Alors, je vais laisser mon collègue de D'Arcy-McGee vous...

Le Président (M. Paquin): Disons que, par alternance, on va aller de l'autre côté, je reviendrai. Alors, le député de Vachon, vous avez deux minutes.

M. Payne: Ah! O.K., je m'excuse. Bien, moi aussi, je me posais la question. Il y a combien d'étudiants étrangers à Bishop's, à peu près, c'est à dire what we call students out of province, à l'extérieur du Québec?

M. Wilson (Matthew): À peu près 40 % des étudiants à Bishop's sont du Québec et 60 % de l'extérieur, de différentes régions et d'autres pays.

M. Payne: Moi, je dis, comme anglophone... Enfin, moi, je considère tout à fait pertinent que le Directeur général des élections puisse avoir un intérêt à s'assurer que la loi est appliquée en ce qui concerne ceux qui viennent de l'extérieur. Quels sont les critères? Le mémoire que vous nous lisiez témoigne de l'importance d'avoir des critères très objectifs pour déterminer qui a le droit de vote. On vient de discuter toute la question d'intention, l'impossibilité de légiférer pour une intention. Les intentions, par définition, ce sont des émotions qui sont susceptibles d'être modifiées. Alors, quels sont les critères pour s'assurer que l'intention est telle plutôt que telle autre intention? Est-ce que vous êtes d'accord avec la carte électorale?

M. Wilson (Matthew): Avec la...

M. Payne: La carte électorale.

M. Wilson (Matthew): Qu'est-ce que c'est?

M. Payne: La carte d'électeur, je m'excuse.

M. Wilson (Matthew): Est-ce que je suis d'accord d'avoir des cartes comme ça? Oui, je pense que c'est bon. Si ça va clarifier la loi, c'est une bonne idée.

(18 h 10)

M. Payne: Parce que vous dites qu'il y a des étudiants qui n'ont pas de permis de conduire, qui n'ont pas de carte-soleil. Ils ne peuvent pas s'identifier même comme résidents au Québec.

M. Wilson (Matthew): Oui, mais...

M. Payne: Alors, pour que vous puissiez avoir une solution à ce problème-là, j'imagine que vous appuierez fortement la carte d'électeur. Et, à ce moment-là, ça aurait comme effet, par ricochet, bien sûr, de s'assurer que ceux qui étaient ici avaient vraiment l'intention, parce que vous ne chercherez pas la carte d'électeur si vous n'avez pas l'intention, vraiment, l'intention de rester.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Vachon, le temps est écoulé pour votre formation.

M. Payne: Est-ce qu'il peut au moins répondre à la question?

Le Président (M. Paquin): Une réponse brève, et puis je vais passer au député de D'Arcy-McGee.

M. Wilson (Matthew): Ce que je peux dire à ça, c'est que chaque citoyen canadien n'a pas un passeport, mais ils sont des citoyens canadiens quand même. Alors, d'avoir une carte ou le processus d'obtenir cette carte, si ça, c'est une idée, doit être...

M. Payne: ...pas le droit de vote, au Québec, quand même.

M. Wilson (Matthew): Mais tout le monde qui est un vrai résident ou domicilié ici à Québec has to be able to obtain the card. So, ça ne fait aucune différence si on a une carte ou si on n'a pas une carte. Mais, si le processus ne marche pas, ça, c'est un problème.

Le Président (M. Paquin): O.K. Mr. the MNA for D'Arcy-McGee, you have seven minutes left.

M. Bergman: Merci beaucoup. Je vous remercie pour votre présentation ici, aujourd'hui. Je pense que, dans le Code civil du Québec, la notion de domicile est franchement très claire et il très facile d'en avoir une interprétation. Si on regarde aux articles 75, 77, 78 du Code civil du Québec, on peut avoir une idée du domicile très facilement. Par rapport à ces articles, est-ce que vous avez étudié le cas de chaque étudiant à qui a été refusé le droit de vote? Est-ce que vous avez bâti un dossier sur chaque étudiant et vous l'avez soumis au Directeur général des élections?

M. Wilson (Matthew): Est-ce qu'on a soumis une...

M. Bergman: Je pense que c'est important d'avoir une documentation. Et je suis très étonné quand vous mentionnez qu'il y a 350 personnes à qui on a nié le droit de vote. Je pense que c'est très important de bâtir un dossier sur ces personnes à qui a été nié le droit de vote pour que ça devienne une partie de nos dossiers et nos documents. Je pense que, sur les deux côtés de la Chambre, on a dit que c'est tellement important que chaque personne qui a le droit de vote ait la chance d'être inscrite sur le rôle et d'exercer le droit de vote. Alors, je pense que c'est important d'étudier le cas de chaque personne à qui a été refusé le droit de vote. Vous avez fait référence à 350 personnes à qui a été systématiquement nié le droit de vote. C'est un nombre très grand et c'est un nombre facile à dire... pour ces personnes à qui a été nié le droit de vote. Et je pense que c'est important que chacune de ces personnes ait son dossier transmis au Directeur général des élections pour que ce soit blanc sur noir qu'il y avait une grosse erreur envers ces personnes.

M. Wilson (Matthew): On n'a pas un dossier sur chacune de ces personnes. On avait un bref dossier des personnes qui sont venues nous voir, je suis d'accord avec ça, mais on n'a pas un dossier complet sur cette chose.

M. Bergman: Vous avez aussi mentionné que ces personnes qui se sont présentées devant le bureau du réviseur ont été mal traitées d'une manière systématique, et je déplore ce type d'attitude. Sur aucun côté de la table, de la Chambre... Nous sommes ici pour bâtir des ponts entre tous les Québécois pour créer une meilleure société. Est-ce que vous avez des suggestions pour éviter ce type d'attitude de se passer dans le futur? Je pense que c'est très important, comme parlementaires, qu'on ait vos suggestions et qu'on bâtisse de meilleurs ponts, les uns et les autres, sur n'importe quelle vue qu'on a et n'importe quelle langue qu'on parle et pour qui que ce soit.

M. Wilson (Matthew): Oui, on avait une recommandation qui parle de ça aussi. Dans la loi, il y a toujours une deuxième avenue à prendre. Mais, dans ce cas, avec la Loi électorale qui parle des référendums, il n'y a pas une manière de réviser un cas. Le Directeur général a dit, dans son dossier, que, s'il y a un fait majeur, un cas doit être reconsidéré, mais je pense que ça doit être considéré encore devant un autre groupe de personnes. Ça, c'est une chose, je pense, qui peut améliorer la situation pour que tous les étudiants et les électeurs aient un cas juste.

M. Bergman: Merci.

Le Président (M. Paquin): O.K. Alors, merci beaucoup. Thank you for this presentation, Mrs. Harvey and Mr. Wilson.

Alors, ça complète pour la session de cet après-midi, et nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 17)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On va commencer. Alors, avant d'entendre M. Paré, j'aimerais vous faire part d'une lettre reçue de la part du secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, M. Henri Massé. M. Massé nous informe qu'il ne pourra malheureusement pas se présenter devant la commission pour présenter de vive voix le mémoire qu'ils ont préparé sur les propositions de réforme de la Loi électorale du Québec. Alors, voilà, on va vous la distribuer.

Nous reprenons nos travaux et, à cet effet, nous entendons maintenant M. Armand Paré. Alors, M. Paré, vous disposez de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, laquelle présentation sera suivie d'un échange de 20 minutes avec les membres des formations parlementaires.


M. Armand Paré

M. Paré (Armand): Alors, bonsoir, M. le Président et MM. les élus. Il est regrettable, lors de cette commission, qu'il n'y ait pas eu la gent féminine pour assister à cette commission parlementaire. En tout cas... Moi, je viens vous parler de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités en tant qu'ex-candidat à la dernière élection municipale 1993 dans la ville de Québec et aussi la capitale du Québec.

Alors, messieurs, faisant suite à mon expérience comme candidat indépendant dans le district n° 2 à l'élection municipale tenue dans la ville de Québec le 7 novembre 1993, permettez-moi de vous faire profiter de mes observations et de mes suggestions relatives à l'objet en rubrique.

D'abord, la date d'élection. Alors, selon la loi, le premier dimanche de novembre, à cette date, plusieurs personnes sont déjà rendues dans le Sud pour les six prochains mois. Ces gens ne peuvent donc pas user de leur droit de vote et même des jours pour le vote par anticipation. De plus, la température à cette époque de l'année est très incertaine: la pluie, le verglas, la glace, la neige, ce qui peut faire valser dans leur intention d'aller voter ou non de nombreuses personnes, soit âgées, malades, handicapées. Je suggère donc une date située dans le mois d'octobre, plus au début du mois qu'à la fin, ce qui favoriserait davantage ceux et celles qui désirent voter à une élection municipale.

De plus, toute élection municipale ne devrait pas être tenue en même temps qu'une autre élection, provinciale, fédérale, scolaire ou référendaire, afin, bien entendu, de ne pas confondre la population à ces différents événements politiques. Et je vous donne des raisons.

Je suggère donc un minimum de temps respectable entre deux élections ou référendums pour que la population ne soit plus confondue et laisser à celle-ci le temps de respirer afin de bien comprendre et différencier chacun de ces événements politiques, ce qui, en plus de favoriser notre démocratie, fera en sorte de ne plus abuser des efforts de la population dans l'exercice de ses droits.

Pour ce qui regarde le recensement et la liste de révision, avec la liste électorale permanente je pense que le problème va être résolu ou presque.

(20 h 10)

Alors, je vais passer à l'étape du président d'élection, ses pouvoirs et ses devoirs. Et c'est probablement le chapitre le plus intéressant de mon expérience comme candidat indépendant. Voilà une bien jolie boîte de pandores. J'en aurai vu de toutes les couleurs, des vertes et des pas mûres, tout au long de cette campagne. Jusqu'où un homme affublé de ce titre, avec tous les devoirs et les pouvoirs qui lui incombent, peut-il se permettre d'aller dans l'interprétation de la loi pour suffire à son ego? Permettez-moi d'essayer de faire un résumé de ce que j'ai vécu comme candidat indépendant.

Scène 1. Le jour de ma candidature, alors que je désirais présenter comme pièce d'identité mon passeport canadien récemment échu et clairement mentionné au président d'élection, j'eus droit au plus beau vaudeville de ma jeune carrière de candidat indépendant. M. le président n'était pas sûr de la validité d'un passeport échu, même récemment. Il téléphone sur le champ au Directeur général des élections pour lui poser la question. C'est avec des «tu» gros comme le bras que j'ai assisté à l'échange téléphonique succinct entre eux, et le président d'élection d'en rajouter. Non seulement eut-il la confirmation que je ne pouvais pas utiliser mon passeport échu, mais se permit-il de feuilleter celui-ci page par page, avec un sourire en coin. Comme incongruité, j'aurai rarement vu pareille indiscrétion.

Scène 2. Le président m'informa de quelques-uns de mes droits, puis vint l'heure de la vente. Ici, je porte à votre attention que tous les documents utiles à un candidat pour bien faire sa campagne électorale lui sont offerts moyennant paiement rubis sur l'ongle, ce qui ne serait pas le cas pour les partis politiques, seulement pour les candidats indépendants. À la question si je pouvais déduire les frais de mes acquisitions dans mes dépenses électorales et pour la bonne marche de ma campagne électorale, je me fis répondre par un non bien catégorique, ce qui fut contredit par un expert lors de la soirée de formation des agents officiels, le soir du 15 octobre.

Scène 3. Tout au long de la campagne, le président d'élection fera parvenir des documents officiels aux candidats indépendants. Ces documents leur seront envoyés, soit par courrier, soit par messager taxi. Le comble de cette organisation sans faille sera sans doute l'envoi de documents me concernant, mais à une adresse inexistante, comme parfois sur la liste électorale. J'ai appris que le président d'élection me faisait parvenir des documents par messager à une mauvaise adresse, et non seulement à une mauvaise adresse mais à une adresse inexistante, de surcroît. À ces envois par messager, faut-il mentionner ne serait-ce que la quantité impressionnante de feuilles mal imprimées ou manquantes des listes électorales déjà reçues depuis un bon moment et qui nous auront retardés passablement dans notre travail comme candidat.

Scène 4. Des documents d'ordre public gardés confidentiels. Le soir du 15 octobre, à la fermeture des bureaux du président d'élection pour recevoir les mises en candidature, à 16 heures, j'ai appris par un journaliste du Soleil le pourquoi de l'absence d'informations me concernant dans son article sur les élections municipales. Ce journaliste était présent lors de la fermeture des bureaux du président d'élection pour les mises en candidature. Il m'affirma qu'il demanda au président d'élection comment faire pour rejoindre les candidats indépendants. Il se fit répondre que tous les documents nous regardant, à l'exception de nos noms, étaient confidentiels.

J'ai appelé le président pour m'informer si le journaliste avait dit vrai; il avait dit vrai. Le président d'élection me confirma que tous les documents des candidats étaient sous la protection de la loi sur la confidentialité. Je le rappelai alors sur le champ. Je lui mentionnai que l'article 166 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, que l'article 93 de la loi des cités et villes ainsi que le guide sur les élections, dont il avait reçu copie par le délégué régional à Québec, lors de sa formation comme président d'élection, disaient tout le contraire: que ces documents étaient d'ordre public, à l'exception de la date de naissance.

Scène 5. La nuit du 5 au 6 novembre, et je l'ai appelée «la nuit des longs couteaux». Dernière gaffe ou abus de pouvoir connu du président d'élection. Ici, je dois reconnaître que la loi est muette sur la décision prise par le président d'élection. Compte tenu de ce vacuum dans la loi, le président d'élection s'improvisera donc législateur de dernière heure et décidera ce qui suit: Établissement de bureaux de vote spéciaux pour personnes handicapées; quatre bureaux de vote additionnels dont l'accès sera réservé exclusivement à l'usage de personnes handicapées ou de personnes dont la motricité est affectée. Et, ajouterais-je, ces bureaux de vote seront situés à l'écart du grand public en général, loin des autres bureaux prévus pour la journée du vote.

Cette missive de dernière heure, je l'aurai reçue par messager, à 17 h 17, la veille du jour J. Alors, j'aurai en vain essayé de rejoindre le président sur son cellulaire, mais sans résultat. Le matin du jour J, toujours pas de nouvelles du président ou de l'un de ses adjoints. Il est 7 heures du matin. Je décide de m'objecter formellement, par écrit, à cette décision grave de conséquences. Ni les médias ni la population n'ont été informés de cette décision aussi soudaine que sournoise. À 8 h 16 précises, je remets mon objection par écrit au bureau du président d'élection, avec les raisons de mon objection et devant témoins. Ma lettre restera lettre morte et le président ne fera qu'à sa tête.

Je suggère donc, compte tenu qu'autant de pouvoirs entre les mains d'un seul homme, le président d'élection, peut s'avérer dangereux pour quelqu'un en mal d'en abuser, je suggère donc la création d'un poste spécial de représentant du ministre auprès des candidats à une élection municipale, à qui chaque candidat pourra se référer en cas de litige avec le président d'élection d'une municipalité. Ce représentant du ministre devra avoir le pouvoir d'obliger un président d'élection à tenir compte des plaintes à son endroit venant de candidats; avoir le pouvoir de relever un président d'élection en fonction et le remplacer par un de ses adjoints; avoir le pouvoir de poursuivre un président d'élection récalcitrant devant les tribunaux aux frais et dépens ou du ministère des Affaires municipales du Québec ou de la municipalité où ce président d'élection exerce ses fonctions; et le tout avec sanction, M. le Président, s'il est reconnu coupable d'abus de pouvoir ou autres.

Le bureau du Directeur général des élections du Québec et le délégué régional du ministère des Affaires municipales. À quoi pouvais-je m'attendre en services de la part de chacun d'eux? À ce qu'on n'a cessé de me répéter, le Directeur général ne s'occupe que du côté financement d'une campagne électorale municipale. Même le contentieux ne pouvait rien faire dans le cas de portes ouvertes dans la loi, je dirais assez grandes, relativement à l'abus de certains médias dans la couverture journalistique d'une élection municipale. Ces médias ont-ils le droit d'ignorer un candidat indépendant sans que cela ne devienne du parti pris ou une forme de contribution indirecte à un ou des partis politiques déjà existants? Mystère et boule de gomme! On ne le saura jamais, la loi n'étant pas assez explicite là-dessus. Mais, alors, à quoi sert un contentieux si celui-ci n'est pas capable de fermer les portes ouvertes dans la loi et ne désire surtout pas aller devant les tribunaux pour en avoir le coeur net?

Même chose pour le délégué régional du ministère à Québec, un homme à l'écoute des candidats, mais sans pouvoir d'intervention. À quoi ce délégué sert-il s'il n'a aucun pouvoir, sauf celui de vous dire: Si vous vous croyez lésé, prenez-vous un avocat et portez plainte en Cour supérieure? Même lui ne pouvait rien y faire dans les cas précis des documents des candidats gardés confidentiels par le président d'élection, alors que lui-même me donna les références aux articles de loi disant le contraire.

Je suggère donc, compte tenu que le Directeur général des élections n'a aucun pouvoir dans les cas litigieux, non plus que le délégué régional du ministère dans les circonstances, que ces responsabilités incombent au même représentant du ministre, et tel que suggéré au cas précédent.

Le financement des candidats indépendants à un poste de conseiller. Sujet délicat, s'il en est un, comment peut-on prétendre qu'un candidat indépendant à un poste de conseiller a les mêmes chances qu'un candidat d'un parti politique à ce même poste de conseiller? Les chances ne sont certes pas égales, et voyons pourquoi. Un candidat d'un parti reconnu a la chance de pouvoir faire une campagne de financement des années avant celle d'un candidat indépendant, qui, lui, n'aura que le temps que durera la campagne électorale. Le candidat d'un parti reconnu bénéficiera de la campagne de son chef à la mairie et des dollars s'y rattachant aussi.

Comment un candidat indépendant à un poste de conseiller peut-il concurrencer un parti politique avec autant d'avance sur lui, et surtout avec l'argent que ce parti pouvait accumuler avec ses campagnes de financement? Comment un candidat indépendant pourrait-il avoir les mêmes chances que les autres candidats d'un parti au poste de conseiller si ce candidat n'a droit qu'à la même somme d'argent consentie par la loi à tous les candidats à ce poste, sans distinction entre un candidat d'un parti reconnu et les privilèges s'y rattachant et un candidat indépendant seul devant autant d'avance pour le candidat d'une formation politique? Personnellement, je ne vois pas comment les chances peuvent être égales entre ces deux catégories de candidats.

Je suggère donc qu'un montant d'argent égal au montant permis à un candidat à la mairie soit consenti à même le budget de la ville à l'ensemble des candidats indépendants, répartis entre eux, afin de permettre à ces candidats indépendants de combler l'écart entre eux et ceux des formations politiques.

Le bulletin de vote. Actuellement, seuls les candidats des partis reconnus ont le droit au nom de leur formation en dessous de leur nom sur le bulletin de vote. Comment peut-on s'imaginer un seul instant qu'un candidat indépendant ne serait pas fier d'être identifié comme indépendant? Je suggère donc que le mot «indépendant» soit inscrit en dessous du nom de chaque candidat indépendant pour bien l'identifier auprès de ses électeurs et à l'exemple des autres candidats d'une formation politique qui ont ce privilège sur le bulletin de vote, actuellement.

Les médias. Il m'apparaît que les règles du jeu ne sont pas assez définies par la loi et que chacun fait à sa guise, peu importe si le candidat indépendant en subit des préjudices. Je suggère donc que le législateur se penche sérieusement sur le sujet avec l'aide de candidats indépendants ayant vécu cette aventure. L'opinion des médias et leurs propositions seraient souhaitables dans les circonstances.

Ça doit faire à peu près 10 minutes, j'imagine?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, M. Paré.

M. Paré (Armand): Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Puis vous avez fait ça à un rythme accéléré.

M. Paré (Armand): Et il le fallait, j'en avais pour 16 minutes, puis il fallait que je me contente de 10.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais vous l'avez réussi.

M. Paré (Armand): Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, sur ce, je passe la parole à M. le ministre.

M. Chevrette: Je vais laisser mon collègue...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien.

M. Chevrette: ...puisque j'étais en retard.

Une voix: Justifiez.

M. Chevrette: J'irai vous le dire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Fabre.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Paré, d'être venu nous présenter votre mémoire. Je voudrais d'abord commencer en vous disant ce que nous disons à bien des citoyens qui viennent ici, c'est qu'il est toujours rafraîchissant de voir un individu seul, un citoyen qui ne représente que lui-même, venir. Nous sommes habituellement mis en présence d'organismes constitués et, souvent, la voix du citoyen seul ne se fait pas entendre. Je me réjouis que vous soyez parmi nous.

Si j'ai bien compris, vous avez été candidat aux élections municipales de 1993 dans la ville de Québec et, ayant constaté un certain nombre de choses qui vous sont apparues comme des irrégularités, vous vous êtes adressé au ministre des Affaires municipales du temps, M. Ryan, à qui vous avez écrit une longue lettre, et c'est cette lettre qui est aujourd'hui le coeur de votre mémoire.

M. Paré (Armand): C'est exactement ça.

M. Facal: D'accord. Donc, les événements que vous rapportez sont spécifiquement le fruit de votre expérience personnelle comme candidat indépendant au municipal, à Québec, en 1993.

(20 h 20)

M. Paré (Armand): La dernière élection municipale.

M. Facal: D'accord. Maintenant, je voudrais passer en revue quelques points. D'abord, à la page 8, vous soulevez un problème réel, celui de l'inégalité des forces entre un candidat indépendant et les ressources financières d'un candidat qui se présente sous la bannière d'un parti dûment reconnu et organisé. Objectivement parlant, vous avez raison, les candidats qui font partie d'une équipe ont des ressources supplémentaires que n'a pas un candidat seul. Mais je ne suis pas sûr d'avoir compris ce que vous proposez pour corriger cette inégalité-là. Est-ce qu'il faudrait que tous les candidats, simplement parce qu'ils font acte de candidature, se voient financés à même les fonds publics, indépendamment ou, en tout cas, sans qu'il y ait un critère quelconque qui nous permettrait d'empêcher la multiplication des candidatures indépendantes qui entraînerait des coûts considérables, s'il fallait financer sur une base paritaire tous les candidats indépendants ou non?

M. Paré (Armand): Il faut bien, ici, regarder dans le texte.

M. Facal: Oui, oui, expliquez-moi ce que vous...

M. Paré (Armand): Alors, le montant que je suggère... On donne dans la loi un montant que le candidat ou chaque candidat à la mairie a le droit de dépenser. C'est un montant per capita.

M. Facal: Oui.

M. Paré (Armand): O.K. Alors, disons 5 000 $. Je ne sais pas ce qui est écrit là, bon. Mais, ce même 5 000 $, pour équilibrer les forces de ceux qui sont déjà élus ou qui font partie d'un parti, que les candidats indépendants qui arrivent aient aussi une force pour se présenter comme candidat indépendant. Un parti va bénéficier de la publicité du parti en plus de celle de la chefferie.

Une voix: Oui.

M. Paré (Armand): Un candidat indépendant, là, il part drôlement en arrière, là. Alors, pour équilibrer les forces, ne serait-ce que pour faire des dépliants électoraux, son dépliant électoral, faire des affiches, même d'avoir une publicité quelque part, avoir un certain montant pour équilibrer ça. Et, bien entendu, c'est une avenue qui est un petit peu nouvelle, pour ne pas dire révolutionnaire, mais c'est pour équilibrer les forces, voyez-vous.

M. Facal: Je suis d'accord avec ça, M. Paré, mais, pour éviter la multiplication des candidatures, est-ce que vous ne reconnaissez pas qu'il faudrait tout de même établir un seuil, peut-être inférieur au seuil actuel, au-dessus duquel il y aurait une aide et en dessous duquel il n'y en aurait pas?

Par exemple, vous savez comme moi qu'il y a des candidats assurément respectables, je n'en disconviens pas, qui présentent leur candidature. On ne les voit pas pendant toute la durée de la campagne électorale; ils ne font à peu près pas campagne; ils recueillent 11 votes. Vous comprenez qu'il en coûte beaucoup au trésor public pour une candidature qui, pour respectable qu'elle soit certainement, n'a peut-être pas tout à fait fait la preuve qu'elle recueille un certain écho auprès de l'opinion publique. Est-ce qu'il ne faudrait pas quand même qu'il y ait une balise pour empêcher n'importe qui d'être candidat à peu près à n'importe quelles conditions et financé de surcroît par les fonds publics?

M. Paré (Armand): Regardez. Là, vous avez, à ce que j'ai entendu depuis 15 jours ici, là, une sorte de mentalité déjà établie: qui peut être candidat, qui ne devrait pas l'être, qui est un hurluberlu, qui est un candidat sérieux. Moi, je ne veux pas trancher dans ce sens-là, parce que je pense que si tous les gens qui ont le droit de vote, que ça soit les handicapés intellectuels, que ça soit... Dans toutes sortes de circonstances, O.K., bon, s'ils ont le droit de vote, la loi dit bien qu'ils ont le droit aussi d'être candidat. Ce n'est pas à moi, en tant qu'individu, de juger de la pertinence de ces gens-là. Et je ne penserais pas que ça soit de la pertinence des élus de le faire aussi, ou sinon ils se sentent au-dessus de la démocratie. Je ne sais pas, là.

Moi, je suis un fervent démocrate. Et la démocratie, pour moi, ce n'est pas mon représentant à l'Assemblée nationale qui parle juste pour moi. En tant qu'individu, je veux donner mon opinion. Et, si j'ai envie d'être candidat, de l'être aussi.

M. Facal: Oui. Dans le même ordre d'idées, vous soulevez une question sur le traitement par les médias des candidats. Dans la même foulée que sur le financement, vous dites que les candidats indépendants n'ont évidemment pas le traitement médiatique des candidats des partis dûment reconnus et qu'évidemment cela handicape la diffusion d'un point de vue que vous considérez comme tout aussi légitime, et je n'en disconviens pas, que les points de vue des candidats des partis établis.

Je ne suis pas sûr, là encore, d'avoir compris ce que vous proposez pour pallier à ce que vous percevez comme une iniquité. Faudrait-il, par exemple, un temps d'antenne gratuit de longueur égale mis à la disposition de tous les candidats et est-ce que vous iriez jusqu'à prôner cela pour les élections municipales? Que tous les candidats à l'échevinage, dans tous les quartiers, dans toutes les élections municipales, aient droit à un traitement médiatique égal? Concrètement, ça s'articulerait comment?

M. Paré (Armand): En tout cas, moi, je suis fier que ça vous ait posé des questions.

M. Facal: Tout à fait, oui.

M. Paré (Armand): Je suis fier de ça, au moins, ça vous porte à réfléchir. Moi, je vais vous donner une petite opinion. Vous savez, je ne donne pas de solution, hein? Je demande aux législateurs de rencontrer les parties et d'en arriver à un consensus.

J'ai pensé à quelque chose depuis le début de la commission parlementaire, et on en parle un peu partout, une proposition: un code d'éthique. Ce qui est faisable, ce qui n'est pas faisable. On en est rendu dans une société comme ça: équilibrons les forces par code d'éthique, O.K.? C'est reconnu partout, les professionnels en ont un, tout le monde en a un, même vous, à l'Assemblée nationale. Pourquoi pas les médias en pleine campagne électorale ou municipale, ou scolaire, au provincial et au fédéral? Donner la chance à tout le monde.

Si, en partant, on veut couper l'herbe sous le pied à ceux qui veulent vraiment participer à la démocratie, alors, je vais émigrer ailleurs ou je vais attendre qu'il y ait des changements radicaux. Mais, moi, je vous donne des avenues. Ça, c'est une avenue, un code d'éthique, ce n'est pas une carabine sur la tempe. D'un commun accord, on s'entend pour quelque chose lors d'une campagne électorale.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. M. Paré, moi aussi, je voudrais vous remercier pour votre présentation. Vous êtes un peu, je pense bien, la preuve de la vitalité de la démocratie, dans le sens qu'il y a plusieurs personnes, comme le disait mon collègue, qui ne font pas partie de regroupements ou d'organismes, mais qui prennent la démocratie à coeur, individuellement. Vous, en plus de la prendre à coeur, vous la pratiquez. Vous avez eu le désir, non pas seulement de vous présenter comme candidat, mais, en plus de ça, suite à cette expérience-là, de tirer des leçons à partir de vos expériences pour venir, par la suite, à l'occasion qui vous est donnée ici, nous indiquer des choses.

Vous insistez beaucoup sur toute la question du Directeur général des élections. Vous semblez avoir eu une expérience ou plusieurs expériences, de votre perspective...

M. Paré (Armand): Du président d'élection.

M. Sirros: Du président d'élection.

M. Paré (Armand): Oui, ce n'est pas la même chose.

M. Sirros: Qu'est-ce que j'ai dit?

M. Paré (Armand): Vous avez dit: le Directeur général des élections.

M. Sirros: Ah! excusez-moi, du président d'élection - c'est ça que je voulais dire - dans votre district.

M. Paré (Armand): Oui.

M. Sirros: Vous énumérez une série de constats que vous avez vus, vous. Est-ce que, pour vous, il s'agirait tout simplement de choses qui étaient reliées à la personne à laquelle vous aviez à faire face, ou est-ce que c'est quelque chose qui est plus systémique au niveau de l'organisation du bureau?

M. Paré (Armand): Votre question est assez pertinente, merci. Vous allez avoir une image claire et nette de quelqu'un qui participe vraiment à la démocratie sous toutes ses formes. Alors, je suis un fervent citoyen qui assiste, depuis belle lurette, au conseil de ville de sa municipalité. Alors, bien entendu, le président d'élection, dans ma municipalité, c'est aussi le greffier de ma ville. Bon. À quelques reprises, j'ai dû ramener à l'ordre, et le greffier et son assistant, relativement à des agissements, qui, d'après moi, étaient politiques, alors qu'ils auraient dû rester neutres.

Je me présente comme candidat indépendant alors qu'on a déjà eu à se rencontrer et puis même à se croiser dans les couloirs de l'hôtel de ville. Alors, il y a ça. Votre question est intéressante parce que...

M. Sirros: Si je peux vous interrompre, vous voyez un problème du fait que le président d'élection est en même temps le greffier de la ville?

(20 h 30)

M. Paré (Armand): Oui, parce que je participe au conseil de ville régulièrement depuis belle lurette, O.K.? Donc, c'est une question de neutralité là-dedans. Est-ce qu'on reste neutre? Est-ce qu'on reste des fonctionnaires? Est-ce qu'on reste avec le titre de président d'élection? Est-ce que vous avez regardé le deuxième tableau présenté par le DGE, à l'article 6, lorsqu'on parle du personnel électoral? De nombreuses personnes et des partis politiques vous réfèrent à des choses à bonifier dans la loi, et j'en fais partie. Alors, s'il y a tellement de choses à bonifier concernant le personnel électoral - moi, je l'ai vécu au niveau municipal - il y a de très bonnes suggestions là-dedans, de très, très bonnes suggestions.

M. Sirros: Lesquelles sont les plus pertinentes, quant à vous?

M. Paré (Armand): Tout, tout ce qui est relié à l'article 6, deuxième tableau, page 3 du DGE. Tout ce qu'on suggère là, je trouve que ce sont toutes des choses pertinentes, oui. J'ai mis des flèches vis-à-vis quelques-unes parce que j'en ai laissé tomber d'autres, mais presque tous ceux qui sont là ont tous des suggestions intéressantes. Tous. C'est de valeur que le Parti libéral ne soit pas là en suggestion, mais je vois que les gros partis sont là, le Parti québécois, l'ADQ, ensuite le Congrès hellénique, le Congrès juif. Il y a moi-même. Il y a des particuliers là-dedans. Il y a certainement un problème relatif au personnel électoral dans une campagne électorale si tout le monde en parle.

M. Sirros: O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): D'autres questions?

M. Chevrette: Une seconde. Moi, je suis d'accord avec vous que la démocratie a un prix puis qu'on doit permettre la plus large expression d'opinion, surtout quand il s'agit d'idées de fond ou de projets de société différents. Vous pourriez, à titre de candidat à la mairie ou de candidat pour un poste de député indépendant avec des idées très claires, très correctes, très structurées... Puis je pense que, à ce moment-là, il y a un prix à payer en démocratie. Mais vous ne croyez pas qu'il doit y avoir un minimum d'appuis exigible? Je vous donne des exemples. C'est que j'ai vu dans certaines municipalités - je disais ça au député de Laurier-Dorion - un candidat recueillir 25 ou 50 signatures que ça prenait puis, à l'élection générale, prendre moins de votes qu'il en avait sur son bulletin de présentation. Pourquoi? Parce que c'était la marginalisation délibérée, voulue, le lancement de sa candidature dans le fond d'un garde-robe avec une lumière sept, puis se marginaliser, vous savez, à outrance. Je ne crois pas que ça soit ce point de vue là que vous présentez ce soir. Mais est-ce que vous êtes d'accord avec une exigence, au moins minimale, d'appuis pour que ça fasse sérieux?

M. Paré (Armand): Je vous comprends puis je vous le répète que, depuis le début de la commission parlementaire, que j'ai suivie régulièrement, vous êtes arrivé avec cette observation-là qui est évidente. Moi, je ne suis pas partisan du bois dans les roues pour la démocratie, O.K.? Tout le monde a le droit de faire quelque chose pour l'amélioration de notre société, peu importe qui il est, quelle étiquette il porte, s'il porte un tricorne, s'il porte un chapeau melon, n'importe quoi. Bon. Naturellement, il faut faire attention parce que des gens... Moi, je me considère comme une personne qui a pris ça très au sérieux, l'élection municipale. Je suis allé chercher 13 % des votes dans ma municipalité, j'ai fait toutes les portes dans mon district et j'ai donné la main à 3 000 personnes. Écoutez un peu, là, il ne faudrait quand même pas brimer les droits des gens qui veulent vraiment apporter quelque chose à leurs concitoyens et être...

M. Chevrette: Oui, mais, quand vous dites que vous avez pris 13 %, ce n'est pas le farfelu qui prend cinq votes sur 30 000 électeurs.

M. Paré (Armand): Oui, mais, moi, je n'embarque pas dans ce discours-là.

M. Chevrette: Non, mais c'est ce que je vous dis. Il y a une différence entre ce que vous dites puis l'encadrement minimal pour un sérieux en démocratie. Si vous avez visité 3 000 portes puis vous prenez 13 % du vote, 13 % du vote, moi, je considère ça sérieux. Même 5 % du vote, je considère ça sérieux. Ça peut déceler un certain courant de pensée qui est minoritaire, mais ça dégage un courant de pensée. Mais, si vous allez là pour ridiculiser purement un système puis que vous ne prenez même pas 0,1 %, est-ce que vous considérez qu'il devrait y avoir une demande d'appuis minimale? C'est dans ce sens-là.

M. Paré (Armand): Je vais vous référer à il y a 15 jours. Le mémoire qu'on a entendu, c'est celui de la COMAQ, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec. La COMAQ naturellement, c'est ceux que je dénonce, là, comme officier municipal, président d'élection, etc. Bon. Bien, ces personnes-là vous suggéraient, et vous avez refusé... En tout cas, dans la position, je ne sais pas si vous y teniez ou pas. On demandait un dépôt de 200 $ au candidat. Je vous fais, dans mon mémoire, le résumé de ce que ça m'a coûté pour avoir des documents que les partis n'ont pas à payer - et les candidats déjà élus - parce qu'ils ont des budgets de recherche. Écoutez un peu, c'en est un, ça, un dépôt. C'est plus qu'un dépôt, c'est une fortune. Bon. Vous n'avez pas accepté ça, cette suggestion-là, et je suis parfaitement d'accord avec vous. Des bois dans les roues, on en a un peu trop. Essayons d'éliminer ça, là. Moi, en tout cas, je considère qu'il y a des personnes dans la société qui pourraient faire valoir des idées intéressantes et faire même avancer auprès de leurs commettants, etc. Il faut penser surtout à ces personnes-là qu'on brimerait en mettant toujours les bois dans les roues.

M. Chevrette: Non, mais je ne parle pas de bois dans les roues. Moi, je vous donne un exemple. Je ne suis pas un friand des dépôts...

M. Paré (Armand): Oui.

M. Chevrette: ...je suis plutôt favorable à un certain nombre respectable de signatures. Pas recueillies, entre vous et moi, au café ou à la brasserie.

M. Paré (Armand): C'est vous qui le dites. C'est comme ça que ça se ramasse, des signatures.

M. Chevrette: Je ne trouve pas ça brillant. J'ai le droit autant que vous de dire ce que je n'aime pas.

M. Paré (Armand): Ah bien, je vais vous dire une chose. Moi, je suis résident de mon quartier depuis que je suis né et je connais tout le monde - ceux qui ne me connaissent pas, tant pis pour eux autres - puis, quand je vais dans un restaurant demander une signature, c'est Armand Paré qui la demande.

M. Chevrette: Je ne parle pas d'Armand Paré qui veut changer des choses. Je pense toujours à certaines personnes qu'on a vues, qui se présenteraient... Moi, j'en connais un dans mon milieu, à Joliette, il doit en être rendu à sa quinzième élection. Puis, d'une élection à une autre, il baisse. Il est loin d'augmenter, il baisse. Puis c'est provoquer. Élection par-dessus élection, indépendamment, même dans les complémentaires, pour provoquer des élections. Et le pire, c'est qu'il ne dit rien. S'il disait quelque chose, s'il avait un projet de société, s'il avait des projets de changement, je pense que c'est un coût à payer pour la démocratie. Je suis d'accord avec vous sur la trame de fond que vous exposez, mais je trouve qu'on doit exiger un minimum de sérieux en démocratie, pas celui qui vient s'amuser au détriment de la démocratie. On se comprend bien?

M. Paré (Armand): Oui, mais, vous savez, ce qui serait intéressant, là, vous me donnez votre opinion, vous êtes, naturellement, une personne importante dans le gouvernement...

M. Chevrette: Pas plus important qu'un autre.

M. Paré (Armand): O.K. Non, c'est correct. Mais parlons d'homme à homme, comme ça, M. Guy Chevrette, Armand Paré. Alors, faisons le débat avec des personnes qui veulent parler de la démocratie pour avoir une idée de ce qui se dégage. Moi, je ne suis pas partisan des bois dans les roues, peu importe la personne...

M. Chevrette: De?

M. Paré (Armand): ...de mettre des bois dans les roues, des objections, mettre tant de signatures à avoir, avoir un dépôt, etc. Je trouve ça plate pour la démocratie. Il y a déjà une loi à se taper puis à comprendre. Moi, ça m'a pris deux élections avant d'embarquer vraiment parce que je n'étais pas certain de la comprendre vraiment, la loi. Bon. Bien, j'ai dit: Écoute un peu, ce n'est pas un document qui va m'empêcher de pratiquer ma démocratie et d'être un candidat éventuel.

M. Chevrette: Je m'excuse, monsieur, il veut continuer.

Une voix: Oui.

M. Chevrette: Je reviendrai.

M. Sirros: Peut-être continuer dans la même veine parce que je pense que vous êtes l'exemple parfait de ce que j'essayais de faire valoir l'autre jour auprès du ministre, parce que, 13 % du vote pour un candidat indépendant, c'est énorme.

M. Paré (Armand): Bien, moi, je trouve que c'est un beau trou dans le mur. L'air passe en tout cas.

M. Sirros: Oui.

M. Paré (Armand): Oui.

M. Sirros: Non, c'est dans le sens que personne n'aurait pu prédire quel résultat vous auriez avant de l'avoir, et, dans ce sens-là, vous, vous dites: Moi, je ne veux pas qu'on mette des bâtons dans les roues. Ne me mettez pas des obstacles à moi ou à d'autres candidats indépendants. Il est bien sûr - si je vous comprends bien, c'est ce que vous dites - qu'il peut y avoir des candidats qui font ça pour la frime, mais, parmi ces gens-là, il y a ceux qui ne veulent pas être associés à un parti politique, qui prennent ça à coeur et sérieusement, qui veulent véritablement pratiquer la démocratie, puis c'est le prix à payer pour avoir cette démocratie-là. Et est-ce que ça amoche vraiment notre démocratie tant que ça s'il réussit à avoir cinq ou six votes? Je pense que c'est la démonstration que ce n'est pas très amoché.

M. Paré (Armand): Puis, à l'élection de...

M. Sirros: Moi, je tiens tout simplement à vous remercier pour votre présentation. Merci.

M. Paré (Armand): Merci, monsieur. Mais je dois aussi vous dire quelque chose avant de terminer. J'avais envoyé ce document-là à l'ancien ministre des Affaires municipales, M. Ryan, qui a été la première personne dans toute ma vie, alors que je m'occupe de la chose publique depuis belle lurette, à me remercier, à me féliciter pour mon geste civique en lui remettant ce document-là. Et, ça, vous devriez insister de vous mettre ça dans la tête. Les gens qui sont dévoués à l'État, dites leur donc qu'ils agissent avec civisme.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, nous avons dépassé, déjà, le temps prévu.

M. Chevrette: Merci, M. Paré.

(20 h 40)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. Paré, de votre contribution. J'inviterais maintenant les représentants du Conseil patriotique du Québec, M. Patrice Fortin et Mme Lyne Gallant.

Alors, vous disposez de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, lequel sera suivi d'une période d'échanges d'environ 20 minutes avec les membres des formations parlementaires. Alors, si vous voulez aussi vous identifier, s'il vous plaît, pour les fins de mémoire de nos échanges.


Conseil patriotique du Québec

Mme Gallant (Lyne): O.K. Lyne Gallant, vice-présidente du Conseil patriotique du Québec. Compte tenu que le droit de voter pour les femmes du Québec est un aspect de la politique très important, dans le cas de la consultation demandée par le ministre responsable de la Réforme électorale relativement à la révision de la Loi électorale au Québec, permettez-moi, à titre de vice-présidente du Conseil patriotique du Québec, de porter à votre attention certains commentaires ou suggestions sur cette consultation.

Bien entendu, ces commentaires et/ou suggestions vous sont proposés dans le but d'améliorer le processus électoral au Québec en faisant le souhait que les citoyens et citoyennes du Québec puissent davantage s'intéresser non seulement de loin à nos élections, mais y prendre part en plus grand nombre à l'avenir.

Permettez-moi d'attirer votre attention sur quelques points importants relatifs à cette consultation, à savoir:

1° la réflexion du Directeur général des élections, M. Pierre-F. Côté, parue dans Le Devoir du 4-5 février 1996, relative à une multitude de propositions d'amendements à la Loi électorale du Québec.

Me permettrez-vous de faire immédiatement une correction significative lorsque M. Côté fait des suggestions dont l'application entraînerait la disparition de la plupart des «partis marginaux». Sic. Ne serait-il pas plus digne d'appeler les choses par leur nom plutôt que d'inventer un nouveau lexique pour désigner ce que sont les tiers partis, terme utilisé et compris par toute la population en général? Ai-je besoin d'ajouter toutes les difficultés rencontrées, déjà, par les tiers partis pour que tous les médias s'intéressent à eux et aux messages qu'ils désirent véhiculer auprès des électeurs et électrices afin de mieux se faire connaître? Faut-il ajouter que, à force de ne pas tenir compte de l'importance des tiers partis et de leur idéologie singulière, nous en arrivons à les marginaliser davantage sans vraiment leur laisser le droit d'être de véritables partis politiques reflétant de nouveaux courants de pensées qui ne peuvent qu'être bénéfiques à notre démocratie et à son avancement?

2° Compte tenu de l'esprit de notre ancien premier ministre, M. René Lévesque, relativement au financement des partis politiques au Québec et des règles du jeu déjà existantes, je suggère à votre commission qu'aucun dépôt ne soit demandé pour fonder un parti; que le nombre de signatures exigé soit ramené à 600, car, depuis la consultation sur la réforme électorale de 1988, le nombre de signatures est passé à 1 000; sans être recueillies dans un minimum de circonscriptions, comme présentement dans la loi.

Concernant la participation d'un parti à une élection, aucun minimum de candidats ne devrait être demandé pour conserver et maintenir son autorisation.

3° Compte tenu des dispositions actuelles de la loi relatives au remboursement des dépenses des candidats, je suggère à votre commission qu'aucune obligation ne soit exigée aux candidats à une élection pour le remboursement de leurs dépenses. De plus, je suggère qu'un fonds spécial créé par l'État soit disponible aux tiers partis et/ou aux candidats indépendants pour le bon fonctionnement de leurs campagnes électorales respectives.

4° Compte tenu de l'obligation des médias de fournir une juste information relativement aux partis et aux candidats indépendants en présence, je suggère à votre commission une révision en profondeur permettant aux formations politiques et/ou aux candidats indépendants à une élection une juste couverture médiatique lors de cette élection et l'obligation faite au Directeur des élections de faire respecter en tout temps cette obligation.

En conclusion, compte tenu de l'importance apportée au bipartisme dans notre système électoral au Québec et au peu de place réservée aux tiers partis et aux candidats indépendants, je suggère à votre commission de voir à améliorer l'image de notre système électoral en accordant une place plus juste à chacun des partis en présence pour l'avancement de notre démocratie et ainsi être des modèles pour nos voisins.

M. Fortin (Patrice): Oui, M. le Président, j'aurais une couple de notes supplémentaires, là, que j'ai... J'ai écrit un petit texte pour expliquer...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que vous pourriez vous identifier pour les fins de...

M. Fortin (Patrice): Oui, c'est Patrice Fortin, président du Conseil patriotique du Québec. C'est pour clarifier un peu l'explication de la création d'un fonds spécial par l'État. Alors, ça va comme cela.

Maintenant, Mmes, MM. les ministres et députés, j'aimerais apporter quelques légers ajouts pour démontrer de quelle façon bonifier ou plutôt transformer le présent système pour stimuler l'électeur et le motiver à participer au processus électoral. Dans un premier temps, je crois que la proposition de créer un fonds spécial et l'implantation d'un système électoral parlementaire vraiment représentatif de la population est quelque chose d'innovateur qui pourrait entraîner la population à participer au processus électoral en plus grand nombre. Voici comment j'imagine ce que pourrait être la nouvelle façon de faire.

Dans un premier temps, je crois que la création d'un parti politique devrait fonctionner à peu près comme fonctionnent les corporations ou compagnies à but non lucratif, c'est-à-dire que vous obtenez une charte moyennant un léger déboursé, vous faites un rapport annuel qui serait simplifié, car les partis en question pourraient recevoir des subventions de ce fonds spécial qui serait créé par l'État et qui pourrait être administré, par exemple, par le fonds consolidé de la province de Québec et dont un certain pourcentage, 1 % par exemple, des recettes de la vente de billets de loterie ou des profits de casino pourrait être redistribué parmi les tiers partis, qui pourraient être, par exemple, chapeautés par une commission nationale de la réforme de la loi électorale, et aussi parmi les candidats indépendants à l'occasion d'élections partielles ou générales. Et, qui sait, cela pourrait peut-être stimuler un intérêt parmi la population en général et surtout parmi les jeunes qui aspirent à obtenir le droit de vote à l'âge de 16 ans.

Cela pourrait - et je parle en connaissance de cause, car j'ai à mon actif déjà fondé deux partis politiques provinciaux - contribuer à mettre sur pied de nouveaux partis politiques au Québec reflétant le nouveau courant de pensée ou d'idéologie rejoignant ce à quoi la population et les jeunes sont en mesure de s'attendre. Si l'on regarde seulement les sondages quant à la popularité de nos élus - 4 % - on en déduit que, si l'on avait un éventail de nouveaux partis politiques avec de nouvelles façons de faire, que ce soit l'idéologie, la philosophie de leur programme singulier, on verrait peut-être parmi la population un regain de confiance envers nos élus.

Et, en conclusion, je pense que c'est ce rêve d'un système électoral et parlementaire électif et vraiment représentatif de la population qui a inspiré nos patriotes de 1837-1838 à se soulever et à réclamer des changements. Et, si je me souviens bien, avant que n'éclate la rébellion de 1837-1838, quelques années auparavant, dans le comté de Deux-Montagnes, on avait réclamé la destitution des officiers de milice, des juges de paix et des officiers des postes pour les remplacer par des élus, car les citoyens, à cette époque, avaient perdu confiance en leurs élus. Enfin, je crois que cela ressemble un peu à ce qui se passe aujourd'hui, et, afin d'éviter de telles répétitions, il faudrait se souvenir de ce que fut l'histoire de nos patriotes et surtout avoir une volonté d'innover à l'aube de l'an 2000 et s'ajuster à de nouvelles techniques relatives au processus électoral qui ont cours un peu partout sur cette planète que d'autres s'amusent à décrire comme le village global.

Ensuite, j'avais des propositions que je voulais faire ou des amendements, peut-être, qui pourraient être apportés à la Loi électorale. Si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous avez...

M. Fortin (Patrice): J'ai encore du temps, oui?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...M. Fortin, épuisé... Il vous reste à peu près 30 secondes.

M. Fortin (Patrice): Bon, en 30 secondes, là, la première proposition que je fais, c'est que le système parlementaire devrait être lié, moi, je crois, à la réforme électorale qui, elle aussi, n'est pas très représentative de la population. Ce que je veux dire par là, c'est que j'avais posé la question à M. Parizeau pendant les commissions régionales. J'avais demandé si on allait devenir une république ou une monarchie. Puis, ça, ce n'était pas nécessaire qu'on se sépare parce que, en Inde, on l'avait fait avant la Conférence de Londres de 1949, et Londres avait accepté de changer leur système parlementaire pour demeurer dans le Commonwealth, et il n'y avait pas eu un trouble. Et M. Parizeau ne m'a pas répondu encore. J'attends toujours la réponse. Peut-être que M. Bouchard le fera, je ne sais pas trop.

(20 h 50)

La deuxième proposition, c'est que, avec la situation que nous avons vécue, les contestations soulevées devant les tribunaux par l'avocat, entre autres, M. Bertrand, se pourrait-il qu'il ait raison? Et, moi-même, je crois que l'abolition du Conseil législatif aurait dû être faite par référendum comme en Australie - d'ailleurs, il y a une jurisprudence là-dessus - mais ça n'a pas été fait. Alors, moi, je demande que dorénavant, peut-être, le Directeur général des élections, pour éviter des situations où ça se ramasse devant les tribunaux, étant donné qu'on n'a pas de vrai leader, de vrai chef, moi, je crois, pour nous expliquer vraiment les revendications traditionnelles et historiques du Québec, il ait, peut-être, le pouvoir, M. Côté, de, justement, donner des avis juridiques pour éviter que ça se rende devant les tribunaux. La quatrième proposition...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Fortin, vous pourrez possiblement revenir par...

M. Fortin (Patrice): J'aurais deux autres petits points. Rapidement, là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bien, vous les aborderez au moment où ils vont vous poser des questions...

M. Fortin (Patrice): O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...parce qu'ils sont sûrement intéressés à connaître les autres suggestions que vous avez à faire. Donc, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. Moi, vous me pardonnerez d'être indiscret, mais je veux connaître. Quel premier parti vous avez fondé?

M. Fortin (Patrice): J'en arrache.

M. Chevrette: J'en arrache?

M. Fortin (Patrice): J'en arrache.

M. Chevrette: J'en arrache.

M. Fortin (Patrice): Et le Parti j'en peut pus fut le deuxième. Et on est rentré troisième à Portneuf et troisième à...

M. Chevrette: Il y avait une chanson là-dessus. J'en arrache, j'en arrache, je tire le diable par la queue. J'en arrache, j'en arrache, que voulez-vous, je ne suis pas chanceux. C'est pour ça que ça vous a amené à fonder un deuxième parti?

M. Fortin (Patrice): Non, mais, ça, c'était le poète Émile Coderre, qui était un pharmacien...

M. Chevrette: Oui, oui, je sais.

M. Fortin (Patrice): Qui a d'ailleurs corrigé...

M. Chevrette: Bien, ne mangez pas tout votre temps sur J'en arrache, là, parce qu'on ne vous posera pas de questions.

M. Fortin (Patrice): ...ou vice et versa de M. Fréchette ici, pas loin. Bon, bien, ma quatrième proposition, ça serait de...

M. Chevrette: Mais ce n'est pas là que je suis rendu.

M. Fortin (Patrice): O.K.

M. Chevrette: La deuxième. J'aimerais savoir quelles sont les idées de fond que vous préconisez dans votre parti présentement pour faire évoluer le Québec?

M. Fortin (Patrice): On n'en a plus, de parti, M. Chevrette. C'est que, dans le moment, moi, je suis tellement découragé par mon expérience, et, vous savez, non seulement, moi, je suis celui qui est sur le terrain des vaches, mais, en même temps, la vache qui broute l'herbe. Je peux vous dire par expérience que j'étais vraiment découragé. Comme je vous ai dit, ça fait deux fois qu'on rentre deuxième parti, et on n'est même pas venu m'interviewer pour connaître un peu ma philosophie, l'idéologie que je préconisais.

M. Chevrette: Donc, vous n'en avez pas, là.

M. Fortin (Patrice): Mais, moi, ce que je veux... Répétez-moi un peu votre question.

M. Chevrette: Je pense que je suis mieux parce que c'était parti. Je vous ai dit: Quelles sont les idées de fond que vous préconisez dans votre parti comme président du Conseil patriotique?

M. Fortin (Patrice): Bien, là, c'est qu'on voudrait, comme je vous ai dit, qu'on parle vraiment des revendications traditionnelles et historiques du Québec. Vous savez, je vous disais ce qui se passe dans...

M. Chevrette: C'est quoi, pour vous, les revendications traditionnelles et historiques du Québec?

M. Fortin (Patrice): Si je vous parle de M. Papineau - d'ailleurs, je suis en train de faire un beau monument - M. Papineau s'est battu pour avoir un conseil législatif électif, hein? Et, au moment où on l'a aboli, en 1968 - ça me fait plaisir de venir vous en parler - on l'a fait mais sans tenir de référendum.

M. Chevrette: C'est le Sénat, ça, dont vous parlez.

M. Fortin (Patrice): Non, non, ici, la salle où on se trouve, là.

M. Chevrette: Oui, mais c'était le Sénat, l'équivalent du Sénat.

M. Fortin (Patrice): Oui, bon.

M. Chevrette: Vous étiez pour le maintien de ça, vous?

M. Fortin (Patrice): Bien oui, mais...

M. Chevrette: Vous ne trouvez pas qu'Ottawa vous influence beaucoup avec les cloches, là, présentement?

M. Fortin (Patrice): Justement, M. Chevrette, je vais vous répondre là-dessus. Quand j'apprends cette semaine qu'on veut créer un ministère du Développement régional qui va coûter 85 900 000 $ - c'est ce que j'ai lu dans les journaux - puis que, par exemple, on a nommé...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortin (Patrice): Non, non, mais, écoutez, je «peux-tu» vous répondre?

M. Chevrette: Vous dites n'importe quoi, vous.

M. Fortin (Patrice): Bien, c'est ce que...

M. Chevrette: Franchement, soyez sérieux 30 secondes, là.

M. Fortin (Patrice): Bien, le Sénat, à Ottawa, coûte 42 000 000 $. Je me demande, est-ce qu'on va en créer un deuxième?

M. Chevrette: Bien oui, mais vous êtes rendu dans un ministère qui, avec le même argent, crée un ministère.

M. Fortin (Patrice): C'est vous qui m'avez parlé du Sénat. Je vous donne mon opinion, là.

M. Chevrette: Bien oui, mais vous êtes rendu dans un ministère de développement des régions qui, avec le même argent, est supposé... Vous pouvez bien dire n'importe quoi, mais c'est plus sérieux que ça ici.

M. Fortin (Patrice): Non, non, je ne dis pas n'importe quoi.

M. Chevrette: On pourrait en prendre une au sérieux, là, une question. Vous êtes pour le maintien du Sénat, ici?

M. Fortin (Patrice): Non, le Conseil législatif. Moi, je dis qu'on aurait dû procéder par un référendum pour, possiblement, l'abolir et même pour créer les commissions parlementaires parce que je suis certain que, si Louis-Joseph Papineau était vivant, il vous dirait qu'ils n'ont aucune autorité morale, du moins. C'est ça. C'est que, là, il faut faire la distinction. Quand on l'a aboli, on peut l'avoir fait de façon légitime, mais est-ce que ça a été fait de façon légale au point de vue droit?

M. Chevrette: O.K.

M. Fortin (Patrice): Et c'est ça que j'aimerais qu'on explique par...

M. Chevrette: Mais vous êtes pour la démocratie du peuple.

M. Fortin (Patrice): Oui, quelque chose qui serait plus représentatif, oui.

M. Chevrette: Bon, O.K. Êtes-vous d'accord pour que le peuple ait toujours le dernier mot?

M. Fortin (Patrice): Oui.

M. Chevrette: Considérez-vous que, quand on est entré dans la Confédération puis que ça a été seulement le salon bleu qui a voté, c'était démocratique?

M. Fortin (Patrice): Bien oui, justement, c'est là qu'est le problème, M. Chevrette. C'est que vous, les parlementaires, quand vous parlez...

M. Chevrette: Mais ce n'est pas vous, là. Je vous pose une question à vous.

M. Fortin (Patrice): Je vais vous répondre. C'est ça. C'est qu'on prend toujours la Constitution à partir de 1867, mais, moi, je serais curieux de savoir, justement, le débat avec M. Bertrand, si on n'en viendra pas, par exemple, aux 92 résolutions des patriotes qui, à mon avis, pourraient être même avant-gardistes sous même l'avant-projet de loi de M. Parizeau, quand on sait que, parmi les patriotes...

M. Chevrette: Avant Parizeau?

M. Fortin (Patrice): Bien oui, l'avant-projet de loi que M. Parizeau avait déposé avant le référendum, hein? Bien, moi, je dis que les revendications traditionnelles et historiques, c'étaient les 92 résolutions qui tentaient, en fin de compte, d'avoir un gouvernement responsable par le biais d'un conseil législatif qui pourrait être élu parmi les citoyens dans la population...

M. Chevrette: Vous, là, ça prend un conseil législatif pour régler tous les problèmes de la démocratie?

M. Fortin (Patrice): Électif, électif.

M. Chevrette: Oui, je comprends.

M. Fortin (Patrice): D'ailleurs, je vous l'ai dit que vous pouviez le faire sans nécessairement qu'on se sépare du Canada, parce que l'Inde avait demandé de changer son système parlementaire.

M. Chevrette: Mais en quoi... Vous êtes sérieux, vous, M. Fortin? Je vous rencontre tellement partout et tellement souvent que je vous considère très sérieux.

M. Fortin (Patrice): Oui.

M. Chevrette: En quoi un conseil législatif élu, une deuxième chambre... Vous considérez que le salon bleu est toujours une première chambre, j'espère?

M. Fortin (Patrice): Oui.

M. Chevrette: C'est des gens élus démocratiquement. Ils sont légitimés d'être l'autre bord?

M. Fortin (Patrice): Oui.

M. Chevrette: Bon. En quoi une deuxième chambre élue viendrait démocratiser le système à un point qu'on n'aurait plus de trouble à aucun niveau...

M. Fortin (Patrice): Non.

M. Chevrette: ...même si les aspirations les plus légitimes, les plus historiques du peuple québécois par rapport à vos patriotes... J'ai l'impression que les patriotes savaient pas mal plus que vous où ils s'en allaient.

M. Fortin (Patrice): Non, non. Écoutez, justement, le hic là-dedans, c'est que, quand, par exemple, vous dites que vous êtes des élus qui siégez ici, dans la commission...

M. Chevrette: On est élus.

M. Fortin (Patrice): Bien oui, c'est ça. Mais, moi, je vous parle d'avoir des citoyens, que ce soit une chambre à part, mais carrément de simples citoyens qui se présenteraient à une deuxième élection même si...

M. Chevrette: M. Fortin, c'est la dernière...

M. Fortin (Patrice): Vous savez, ça ne changera peut-être pas grand-chose, je suis d'accord avec vous. Mais la différence qu'il y a, c'est que, s'il y en a un qui ne fait pas sa job puis que tu n'es pas content, tu peux le foutre dehors au bout de quatre ans.

M. Chevrette: Bien oui, un député, pareil. On n'a pas la sécurité d'emploi, nous autres.

M. Fortin (Patrice): Un instant. Quand il y a eu les commissions régionales avec M. Parizeau, j'avais demandé non seulement que ce soit le Conseil législatif qui puisse être élu ou les commissions parlementaires, mais que le président d'Hydro-Québec, le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général, qui ont remplacé, d'ailleurs, le rôle du Conseil, parce que le Vérificateur général regarde les finances du Québec et le Protecteur du citoyen, lui, «tchèque» nos droits... Bien, j'avais demandé qu'eux avec soient élus, les présidents d'Hydro-Québec, de Radio-Québec, toute cette gang-là, à aller quasiment jusqu'au cuisinier, je vous le dis. Ça ne change pas grand-chose sauf que, quand tu n'es pas content, bien... On devrait peut-être tenir ça à mi-terme, tu sais? Si, à un moment donné, il y a une opposition...

M. Chevrette: Mais, là, je ne comprends plus rien puis je voudrais vous comprendre.

M. Fortin (Patrice): C'est difficile à comprendre, hein? Il faudrait que je vous écrive un livre là-dessus.

M. Chevrette: Bien, c'est difficile à comprendre. C'est parce que vous êtes rendu à l'élection du président d'Hydro puis du cuisinier, bonne mère!

M. Fortin (Patrice): Non, non, mais je veux dire, c'est une façon de parler, là. C'est que, moi, je suis pour le principe électif à tous les niveaux.

M. Chevrette: Oui, oui.

M. Fortin (Patrice): C'est ça, pour moi, la responsabilité ministérielle. Pas...

M. Chevrette: Oui, mais pensez-vous qu'un député n'est pas élu, monsieur?

M. Fortin (Patrice): Pardon? Oui.

M. Chevrette: Pensez-vous qu'un député n'est pas élu?

M. Fortin (Patrice): Ce n'est pas ça que je veux vous dire.

M. Chevrette: Aïe! Il faut avoir été en politique. Puis, depuis 20 ans, moi, je peux vous dire que je passe au «cash» tous les quatre ans.

M. Fortin (Patrice): Ce n'est pas ça que je veux vous dire. Je veux vous dire que...

M. Chevrette: Même M. Paré, qui a témoigné avant vous, il a passé au «cash» deux fois. Il sait ce que c'est.

M. Fortin (Patrice): Oui, oui, je le sais, moi avec. Oui, oui. Mais ce n'est pas ça...

M. Chevrette: Bien, vous avec, mais je pense que vous manquez d'étiquette.

M. Fortin (Patrice): Non, non, ce n'est pas ça. Écoutez, je vous le dis dans mes mots à moi. Je n'ai peut-être pas toujours les bons termes pour l'expliquer. Bon...

M. Chevrette: Non, mais il faut être sérieux. Il y a un parlement, il peut y avoir une chambre haute ou un sénat, je comprends ça. Ils peuvent être élus ou nommés, on peut être en désaccord ou pas d'accord. Moi, je prétends qu'il ne doit pas y en avoir. En tout cas, ça, c'est votre droit de dire qu'il y en a un.

M. Fortin (Patrice): C'est ça.

M. Chevrette: Mais, après ça, dans une société organisée, vous ne ferez pas élire le bedeau d'une paroisse, bonne mère!

M. Fortin (Patrice): Non, non, mais, ce que je veux dire, M. Chevrette, quand je vous ai dit que, dans Deux-Montagnes, les patriotes, ça a commencé, ils ont demandé la destitution des juges de paix, des officiers de milice, des officiers de la poste, pourquoi? Parce qu'ils voulaient les remplacer par des élus, parce que c'étaient des personnes qui étaient nommées. Elles avaient perdu la confiance des citoyens.

M. Chevrette: Bien oui.

M. Fortin (Patrice): Il y aurait aussi, quand je parle des élections...

M. Chevrette: Mais, là, c'est l'inverse...

M. Fortin (Patrice): Bien non. Je vous dis...

M. Chevrette: ...c'est les élus en qui ils n'ont pas confiance. Ha, ha, ha! C'est en les nominés qu'ils ont confiance. N'essayons pas de dire ça. C'est ça, la vérité.

M. Fortin (Patrice): Bah! Ça se peut bien. Je vous l'ai dit combien que vous étiez populaire dans les sondages «anyway».

M. Chevrette: Le gros réalisme, le gros vécu, le gros bon sens, M. Fortin, s'inscrit complètement en faux avec ce que vous dites...

M. Fortin (Patrice): Bien, ça, c'est votre opinion.

M. Chevrette: ...parce que, dans une municipalité, dans les commissions scolaires, dans les élections au niveau provincial, regardez le taux de crédibilité des hommes et des femmes élus, puis il est très faible. Il y a même des mauvaises langues qui disent que le dernier sondage d' Actualité était à 4 % puis que, probablement, c'est parce que certains députés avaient voté. Ils avaient été sondés.

M. Fortin (Patrice): Mais M. Chevrette...

M. Chevrette: Donc, on ne se leurrera pas sur la crédibilité. Mais je dois vous dire que ce soir vous n'avez rien fait pour la relever.

M. Fortin (Patrice): Mais, écoutez, M. Chevrette, prenez, par exemple, le débat qu'il y a au niveau... Là, on parle de mettre une assurance-médicaments. J'ai d'ailleurs déposé un projet, moi, pour créer une banque régionale de médicaments. Mais, advenant le cas où on créerait une chose dans le genre, ce n'est pas encore coulé dans le béton, ce qu'on va faire... Moi, c'était pour régler la distribution des médicaments. J'ai dit, voilà deux semaines, au BAPE que, dans les MRC, il y avait un chiard parce que, là, on ne savait pas, par exemple, à qui on allait donner les pouvoirs pour, par exemple, une société québécoise de déchets qui serait créée. Alors, j'ai dit que, moi, je pensais que les préfets des MRC devraient être élus. O.K.? On ne sait plus, dans les régions, si on va donner des pouvoirs aux MRC, aux régies régionales, aux CLSC. C'est pour ça que je vous dis qu'on devrait clarifier ça un peu. Et, si vous prenez le temps de m'écouter, vous le savez que... Bon, je vous dis ça dans mes mots à moi. Je ne suis pas ici pour faire une thèse ou un doctorat «anyway», mais j'ai même dit que M. Bouchard devrait faire un effort pour essayer de clarifier ça une fois pour toutes. Comme les préfets, moi, je pense qu'ils devraient être élus, mais que les municipalités... J'ai même encouragé ou poussé pour qu'eux autres fassent leur effort, par exemple, pour faire des fusions, les petites municipalités. Quand on regarde le répertoire des municipalités, ça n'a pas d'allure. Ça coûte une fortune. D'ailleurs, je vous appuie, là-dessus.

(21 heures)

Mais c'est un peu ça, tu sais, que je veux dire. Pour moi, un projet de société, je veux dire, on devrait avoir comme une deuxième chambre; quand on dépose des projets de loi, parce que c'est un peu ça, là, bien, nous autres, on pourrait venir les contester. Ça ne veut pas dire que toutes les lois qui sont faites sont toutes bonnes non plus. Bon. Puis on pourrait avoir des juges élus avec une école de la magistrature. Je ne sais pas trop. Mais c'est ça pour moi un projet de société.

Dans ce que j'ai vu dans le dernier avant-projet de loi, par exemple, bien là, on s'écarte un peu, mais ce n'était pas vraiment... si je compare ça avec les patriotes qui se sont battus, c'était vraiment à côté de...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

Une voix: Merci.

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'aurais le goût de dire: On en arrache, puis je n'en peux plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: M. Fortin, si, de tout ça, je peux retenir une chose, c'est que, finalement, vous voulez que la plupart des postes dans la société soient des postes électifs. C'est un peu ce qu'ils font aux États-Unis pour certains postes comme des juges, des directeurs de police, des shérifs, etc. «C'est-u» comme ça que vous voyez l'évolution de la société?

M. Fortin (Patrice): Bien, c'est ça que votre chef, votre ancêtre Papineau s'est battu pour, puis ça me surprend qu'il n'y en ait pas un dans votre gang qui, de temps en temps, en parle du Bas, du Haut-Canada, tout le kit. Moi, il y a une chose qui m'étonne M. Sirros, je «peux-tu» vous en parler deux secondes?

M. Sirros: Oui.

M. Fortin (Patrice): C'est que vous ne me posiez pas de questions sur la création d'un fonds spécial, parce que je peux vous dire une chose, si vous me permettez, c'est que, moi, j'ai pour mon dire...

M. Sirros: J'ai l'impression que vous allez en parler même si je ne vous pose pas de questions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortin (Patrice): Oui. Non, non, mais, moi, j'ai pour mon dire, écoutez...

M. Sirros: Allez! Allez donc, parlez donc! Allez donc!

M. Fortin (Patrice): Non, non, mais j'ai pour mon dire... Je me laisse aller un peu.

M. Sirros: Allez!

M. Fortin (Patrice): J'ai pour mon dire que tout le monde s'obstine à savoir: On «devrait-u» mettre un dépôt? C'est toute une mentalité depuis le début, tandis que, moi, je vais un peu dans le contraire de M. Côté puis dans le contraire de même le ministre, parce que, la dernière fois que j'étais venu parler, il avait fallu que j'étudie ces deux livres-là. Je me dis que, dans le fond, c'est comme un peu une révolution ce que c'est que j'apporte. Je me dis: Le meilleur qui gagne - c'est un peu ça, là, tu sais... Si tu présentes un bon programme avec une bonne philosophie, c'est bien certain qu'il y en a qui vont venir t'aider. Puis peut-être que c'est un peu compliqué, les rapports financiers aujourd'hui. Puis, tu sais, ça n'incite pas les nouveaux qui voudraient y participer à le faire. Mais je me dis: Il faudrait peut-être regarder ça d'une façon plus sérieuse. Puis, comme je dis: Si l'État, en plus, aidait les tiers partis au lieu de... On nous traite de farfelus, on nous traite... Quelle tribune qu'on nous donne? C'est drôle, pour un farfelu, je m'en vais chercher 3 % dans Portneuf. Tu sais, je veux dire. C'est parce qu'il y a du monde, à quelque part, qui m'ont pris au sérieux. Mais, dans le moment, on nous taxe de tous les noms. Moi, je dis que je ne trouve pas ça terrible de la manière que ça fonctionne. Puis, d'ailleurs, on est souvent un exemple pour d'autres pays. Mais pourquoi pas le devenir, encore une fois, si l'État, par exemple, comme je dis, créait un fonds puis aidait ceux-là qui se présentent. Bien, peut-être bien que le monde s'intéresserait plus. Je ne le sais pas.

M. Sirros: ...vote.

M. Fortin (Patrice): En tout cas, c'est mon opinion, tu sais. Puis, d'ailleurs, là, je ne sais pas si vous avez d'autres questions à me poser, mais j'avais d'autres propositions à faire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Pour votre ténacité, j'ai l'impression que la question que je vais vous poser, c'est: Avez-vous d'autres propositions à faire?

M. Fortin (Patrice): Oui, oui, oui. Ah oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Allez-y.

M. Fortin (Patrice): Bien, moi, je crois, tiens...

M. Sirros: On a à peu près cinq minutes qu'il nous reste, je pense.

M. Fortin (Patrice): Cinq minutes? Bon. Bien, moi, je crois qu'en plus M. Côté, le Directeur des élections, puis je ne ferai pas de jaloux là, mais lui avec, je crois qu'il devrait être élu, lui avec. Là, vous allez être dépassés, puis c'est vrai.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortin (Patrice): Bien, moi aussi...

Une voix: ...

M. Fortin (Patrice): Hein?

Une voix: ...

M. Fortin (Patrice): Bah! comme vous voulez, mais un peu moins longtemps que dans le moment, là.

M. Beaulne: Il va être soumis aussi aux dépenses électorales.

M. Fortin (Patrice): Bien oui, lui avec, tu sais.

M. Sirros: Puis quelqu'un qui veut faire des rapports après.

M. Fortin (Patrice): Pardon?

M. Sirros: Rien. Allez-y.

M. Fortin (Patrice): Non, mais en tout cas...

M. Sirros: Allez-y.

M. Fortin (Patrice): Oh oui! puis c'est ça aussi. Je crois que la consultation que vous avez faite, la dernière en 1988, elle s'est refaite à peu près huit ans plus tard. Aujourd'hui, là, O.K? Je crois qu'on devrait en faire une à... Bien, là, ça dépend, si on s'en vient avec une commission de la réforme électorale, qui pourrait en tenir peut-être une par année, ou je ne sais pas trop, en tout cas, une consultation auprès de la population. Mais je crois qu'on devrait venir plus souvent en parler de ça, de la réforme électorale, puis, comment je dirais bien ça donc? Je crois qu'après cette commission-là, ici, au Parlement, drette la semaine prochaine, à partir de lundi, on devrait aller consulter les citoyens sur le terrain, c'est-à-dire qu'on devrait aller dans les écoles voir qu'est-ce que c'est que le monde en pense, les universités, ces affaires-là, les hôpitaux, voir comment est-ce qu'eux autres aussi en pensent.

Qu'on parle de droit de tous les électeurs, ce n'est pas juste les personnes qui sont bien pensantes, il y en a qui sont handicapées; vous savez, il y en a de toutes les sortes, là. Moi, je pense que ce serait important qu'on aille sur le terrain avec, justement, les vaches qui broutent l'herbe, aller les rencontrer, puis savoir ce qu'eux autres ont à apporter comme opinion. Parce que là, je veux dire, moi, je trouve ça aberrant depuis le début, c'est pour ça que j'ai donné la parole à ma copine, je n'ai pas vu beaucoup de femmes. Même vous autres là, la table des députés, je ne vois pas grand femmes d'assises avec vous autres, puis je me suis demandé...

M. Sirros: C'est vrai, ça.

M. Fortin (Patrice): ...«c'est-u» rien qu'une question d'hommes, ça, ou les femmes avec? Alors, c'est pour ça que je dis qu'on devrait peut-être aller les rencontrer, les femmes, qui se sont battues, Dieu sait, et avec Mme Casgrain, pour le droit de vote, hein! D'ailleurs, j'en ai un beau livre ici, justement, sur le pouvoir que les femmes se sont donné avec les années. J'aurais tellement eu d'autres choses à vous parler, mais en tout cas, je pense que...

Oh oui! une dernière chose, celle-là est très importante. Je vous en laisserai une copie, M. le Président. C'est que M. Chevrette, je vous ai écrit, vous, dans le passé, justement... Je vais vous donner l'exemple. Vous parliez tout à l'heure de comment que ça peut aller l'histoire des élections. La Commission de la capitale nationale. Moi, j'ai demandé, j'avais même écrit à M. Brouillet, que, justement, les membres de la Commission de la capitale nationale soient élus plutôt que nommés. Vous allez dire: Il est fort sur les élections. Vous m'aviez accusé réception, mais je n'avais pas eu de nouvelles. Mais mon député, M. Gaulin, m'avait écrit qu'il n'en était pas question parce qu'ils étaient déjà rendus à l'article 16 et que l'audition d'aucun groupe n'était prévue. Alors, on voit, la Commission de la capitale nationale, qu'ils ont des gros budgets, mon cher monsieur. C'est ça que je vous dis: des fois, moi, je suis certain que Papineau doit s'être reviré dans sa tombe, puis faire trois quatre «spins» avec ça, puis envoye donc! Mais, je veux dire, avec des budgets... on n'est même pas admis sur les conseils d'administration. On a le droit, il me semble, de savoir comment ces millions-là sont gaspillés. Et ça, il me semble, on devrait avoir des postes qui devraient être élus là-dessus. C'est pour ça que je vous sensibilise, parce que ça a rapport avec moi, avec la réforme de la Loi électorale - ça pourrait être une job de plus pour M. Côté... Mais, moi, je trouve ça aberrant de voir qu'il n'y a pas eu... Moi, je n'ai pas pu intervenir pour parler du fonctionnement de la Commission de la capitale nationale. Alors, je ne sais si vous prévoyez revenir en commission parlementaire là-dessus. C'est bien certain que ça ne fera pas l'affaire de M. L'Allier. Mais ça aurait été le fun que les citoyens viennent donner leur opinion.

J'ai été déposer un mémoire pour l'enseignement de l'histoire au Québec et la Commission de la capitale nationale, avec les budgets qu'ils ont, ils ont été déposer un mémoire, et ils n'ont même pas voulu que j'aille présenter mon mémoire alors qu'on a reçu le Congrès juif canadien, l'association des noirs, des chinois et, moi, je voulais parler de notre histoire des patriotes. J'ai trouvé ça aberrant. Alors, si c'est de même, que je me suis dis, que ça fonctionne, je ne sais pas là, mais on aurait pu se forcer un peu plus.

M. Sirros: Je vous remercie beaucoup, M. Fortin. Moi, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci.

M. Chevrette: Mais je prétends... Juste un petit mot, je voudrais vous remercier et vous dire que, quelle que soit l'ethnie, les gens qui vivent au Québec, qui ont leur citoyenneté, ce sont des Québécois.

M. Fortin (Patrice): Oui, ça je suis entièrement d'accord avec vous.

M. Chevrette: Merci.

M. Fortin (Patrice): Et, d'ailleurs, je dois juste vous rajouter en terminant que j'ai même défendu ça pendant le référendum quand j'ai dit que... M. Parizeau avait déclaré que c'était à cause des ethnies que ça n'avait pas passé, puis l'argent. Je n'étais pas d'accord, parce que c'était M. Louis-Joseph Papineau qui avait permis aux Juifs de pouvoir ouvrir des cimetières et que le premier député Hart avait été élu dans le bout de Trois-Rivières, puis ce n'est pas moi qui le dis, c'était l'organisateur de cet événement-là. Alors, je n'ai rien contre les ethnies, mon cher M. Chevrette.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci.

M. Fortin (Patrice): Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, j'inviterais maintenant les représentants du Parti marxiste-léniniste du Québec, M. Brunelle et Mme Hélène Leroux... Mme Héroux.

Alors, M. Brunelle, Mme Héroux, vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et, ensuite, une période d'environ 40 minutes d'échange avec les parlementaires. Bienvenue.


Parti marxiste-léniniste du Québec

M. Brunelle (Claude): M. le Président, on voudrait vous remercier, remercier la commission de nous avoir invités à venir vous présenter notre mémoire. J'aimerais préciser que la présentation que je vais faire va avoir deux volets: d'abord, le mémoire que vous avez reçu, qui est, à toutes fins pratiques, un mémoire critique sur le document de réflexion qui avait été soumis par la commission pour étude, et une proposition que notre parti a produite, une proposition en neuf points, concernant la réforme du processus politique et électoral qui a été lancée pour discussion publique lors du deuxième forum de l'Alliance des partis politiques du Québec pour l'amélioration des lois électorales, et qui a été aussi lancée pour débat public à travers le Canada, puisque notre parti est également enregistré, comme vous le savez, au niveau fédéral. Alors, malheureusement, la proposition n'ayant pas été prête au moment où, le 9 février, on devait envoyer les documents pour cette commission-ci, elle ne figure pas dans le mémoire que vous avez. Mais, s'il y a des gens qui veulent l'avoir par la suite, on a certaines copies ici qu'on a publiées à l'intérieur de nos journaux et que vous pourrez distribuer aux gens qui seront intéressés à l'avoir.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, un instant, M. Brunelle.

M. Facal: M. Brunelle, excusez-moi. Je crois comprendre que vous allez nous présenter un document que vous n'avons pas.

M. Brunelle (Claude): Malheureusement, c'est ça.

M. Facal: Si vous en avez des copies...

M. Brunelle (Claude): J'ai des copies. Alors, écoutez...

M. Facal: ...j'aimerais les avoir en même temps qu'on vous écoute.

(21 h 10)

M. Brunelle (Claude): Malheureusement... On a des copies qu'on peut vous distribuer. Ce n'est pas un fait de propagande. À cause de questions techniques, je n'ai pas pu le sortir sur des feuilles, il est dans notre journal. Mais on a des copies de ce journal-là avec la proposition complète qui est à l'intérieur...

M. Facal: En tout cas, moi, ça m'aiderait...

M. Brunelle (Claude): ...si ça vous ne dérange pas.

M. Facal: ...à suivre si je l'avais devant moi.

M. Brunelle (Claude): Bon. D'accord. Quelqu'un peut vous les passer.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, si vous voulez... le dépôt dès maintenant.

M. Brunelle (Claude): Alors, je vais commencer avec le premier mémoire pendant que la personne vous le distribue.

Alors, M. le Président, nous vous présentons aujourd'hui notre mémoire après avoir effectué une étude approfondie du document de réflexion «Amendements à la Loi électorale» que le Directeur général des élections du Québec a mis à la disposition des personnes intéressées. Notre étude a été guidée suivant l'esprit que le but d'un système électoral est d'assurer un système démocratique. Suivant cela, nous avons cherché dans notre étude à comprendre non seulement le sens des propositions qui se retrouvent dans le document de réflexion mais également le lien que ces propositions pouvaient avoir avec le caractère démocratique que doit garantir une loi électorale face à l'ensemble de la société.

Lorsque nous parlons du caractère démocratique que doit refléter le processus électoral, nous pensons à l'obligation qu'une société moderne a envers ses membres de leur fournir un processus électoral qui repose sur l'égalité de tous les citoyens et qui, par conséquent, permet à ce qu'en pratique le droit du citoyen d'élire et d'être élu puisse s'exercer et être renforcé. Or, notre étude du document de réflexion du Directeur général des élections nous a fait découvrir que les propositions qui y sont contenues ne permettent aucune amélioration de l'actuelle Loi électorale qui, elle-même, est de nature à créer et à entretenir l'inégalité des citoyens.

Permettez-nous, M. le Président, de vous préciser notre propos. Dans sa note de présentation, M. Côté mentionne que la démarche pour apporter des réformes à la Loi électorale vient répondre aux préoccupations d'intervenants qui se sont exprimés suite au référendum du 30 octobre 1995. Il mentionne également que le document vise à éclairer la réflexion de toute personne impliquée dans l'amélioration des lois et des procédures électorales. M. Côté ne dit pas quelles sont les modifications souhaitées par les divers intervenants ni les raisons motivant leur désir. Il ne donne pas non plus le sens qu'il accorde à l'amélioration des lois électorales et des procédures électorales. Autrement dit, M. Côté fait une totale abstraction des buts visés par la réforme électorale envisagée. Il ne mentionne aucunement si elle doit permettre un meilleur exercice démocratique du système électif, une meilleure garantie du système démocratique ou s'il entend permettre au peuple de pouvoir participer davantage dans le processus électoral.

Toutefois, lorsque l'on prend connaissance du contenu des réflexions et propositions contenues à l'intérieur du document, force nous est donnée de constater qu'il existe une direction très précise dans laquelle M. Côté entend diriger la réforme de la Loi électorale. Prenons, par exemple, le point 6 de la première partie du document portant sur la déclaration de candidature. On peut y lire: «D'une élection générale à l'autre, le nombre de candidatures augmente. Il s'agit certes là d'un signe de santé de notre démocratie où le statut social, la richesse et l'influence ne constituent pas des prérequis à l'exercice du droit reconnu et protégé par les chartes de se présenter comme candidat.» Puis il ajoute immédiatement après cela: «Cependant, en l'absence de moyens sinon de contrôle du moins de dissuasion, un certain nombre de ces candidatures révèle un manque de sérieux et même de respect envers le système électoral. Il ne faut pas oublier que le candidat bénéficie de certains privilèges, comme celui d'avoir les listes électorales et plusieurs autres documents, ce qui représente des coûts importants pour l'État. Pour éviter de tels abus qui discréditent la démocratie plus qu'ils ne la servent, plusieurs juridictions ont des règles comprenant l'exigence d'un dépôt et de signatures d'appui.»

Donc, dans un premier temps, il y est fait l'éloge de notre système démocratique pour, par la suite, nous dire qu'il nous faut instaurer des moyens sinon de contrôle du moins de dissuasion. Autrement dit, on ne cherche pas ici à développer davantage l'aspect positif que de plus en plus de citoyens cherchent à s'impliquer dans la vie politique mais, au contraire, on veut les en dissuader, et pourquoi? Parce que cela coûte cher à l'État et que, par conséquent, notre démocratie s'en trouve discréditée. Conséquemment à cela, il est proposé de revenir en arrière et de réintroduire le dépôt obligatoire que la très grande majorité des candidats perdront à 50 %, puisqu'ils n'auront pas la chance de recevoir le pourcentage de votes permettant un remboursement complet. Évidemment, ici, il n'est pas fait mention du fait que la très grande somme des finances allouées aux élections est distribuée aux partis dits majeurs et que ces derniers profiteront non seulement d'un remboursement entier d'un éventuel dépôt de candidature mais, en plus, de par le fait qu'ils ont des représentants à l'Assemblée nationale, ils recevront une avance de fonds avant même le résultat du vote. Voilà en quoi semble résider l'intention du vouloir «éviter de tels abus qui discréditent la démocratie plus qu'ils ne la servent». C'est un exemple de la sorte de démocratie à laquelle fait référence M. Côté, une démocratie qui représente les intérêts minoritaires d'une élite politique et économique au détriment de ceux de la majorité du peuple.

Plus loin, au point 13 sur le financement et le contrôle des dépenses, on peut lire: «Les règles de financement et de contrôle des dépenses électorales placent le Québec à l'avant-garde tant sur la scène nationale qu'internationale.» Il poursuit en disant: «...une révision périodique de ces règles est nécessaire afin qu'elles puissent répondre le plus adéquatement aux principes d'équité, de pluralisme et de transparence qui les sous-tendent...» Nous avons vu précédemment comment ce qui est appelé «principes d'équité, de pluralisme et de transparence» n'est en fait que des mesures favorisant le maintien au pouvoir des partis bourgeois. Ce qu'il faut noter est que, maintenant, on veut aller encore plus loin dans cette inégalité et ce favoritisme des partis majeurs en faisant en sorte que les réunions pouvant être tenues en période électorale par des tiers puissent l'être avec l'obligation que celui qui les organise offre à tous les candidats des partis représentés à l'Assemblée nationale l'opportunité d'y participer ou de participer à une assemblée analogue bien que tenue à un autre moment. Autrement dit, la proposition est faite de non seulement imposer l'obligation à un organisme ne relevant pas des institutions électorales de devoir inviter les candidats de partis déjà représentés à l'Assemblée nationale mais, de plus, seulement eux et pas les autres. D'une part, on intervient dans le droit de conscience des citoyens en leur imposant avec qui ils devront discuter, de quoi ils devront discuter, alors que, de l'autre, on s'assure encore une fois que ceux qui sont déjà élus bénéficient de privilèges en rapport avec les autres partis ou citoyens.

Par la suite, on peut également lire sur le remboursement des dépenses électorales des partis politiques que, tout en présentant l'objectif du pluralisme, il pourrait être approprié d'exiger d'un parti politique qu'il recueille un minimum de soutien populaire pour pouvoir bénéficier du soutien de l'État. Un seuil de 1 % des votes valides pourrait répondre à cet objectif tout en comportant un certain caractère dissuasif pour les partis politiques dont le sérieux peut être mis en doute. Il est évident que cette proposition vise à retirer les quelques miettes que peuvent à l'heure actuelle recevoir les petits partis, dont la très grande majorité sont considérés comme très sérieux par les citoyens, mais dont la connaissance due justement aux dispositions relatives au financement des partis et candidats empêche d'être étendue à la majorité des citoyens. D'autre part, il ne revient pas à l'État de décider qui est sérieux ou pas, mais aux citoyens eux-mêmes. L'État devrait avoir comme rôle de permettre aux citoyens de pouvoir rencontrer, discuter et connaître tous ceux qui posent une candidature et cela de manière égale pour tous.

Au point 15, le Directeur général des élections fait la proposition d'introduire une disposition préservant la confidentialité des communications et échanges privilégiés qu'entretiennent le Directeur général des élections et le gouvernement, et ce, même devant les tribunaux. Il s'agit ici d'une proposition très dangereuse et qui ne respecte en rien les principes démocratiques. M. Côté demande ni plus ni moins de pouvoir faire ce que bon lui semble derrière des portes closes et, en plus, d'être placé au-dessus des lois. Il est plus que suspicieux, provenant de la part d'un directeur général des élections chargé d'organiser un processus qui vise à assurer un système démocratique, de voir une pareille demande être faite et on serait en droit de se questionner sur la nature des échanges privilégiés qu'il entretient avec le gouvernement.

À ce titre, la proposition au point 16 concernant son obligation d'informer les candidats et électeurs visés par ses décisions tente davantage de lui fournir plus de pouvoir en demandant qu'à l'avenir il ne soit tenu d'informer préalablement qu'uniquement les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale de ses décisions. Donc, M. Côté souhaite n'avoir de comptes à rendre qu'aux partis représentés à l'Assemblée nationale, et ce, à huis clos et à l'abri des tribunaux. Une personne qui est chargée d'organiser et de développer un système électoral permettant d'assurer un système démocratique ne devrait-elle pas être une personne en qui les citoyens puissent avoir pleinement confiance? Cette personne devrait être redevable devant tous les citoyens du travail qu'elle effectue ainsi que des décisions qu'elle prend et qui affecteront l'ensemble des membres de la société.

Finalement, dans la deuxième partie du document de réflexion, on s'attaque à l'autorisation des partis politiques. On peut y lire: «Les règles régissant l'autorisation d'un parti politique sont considérées par d'aucuns comme ne permettant pas d'assurer un minimum de sérieux, causant ainsi un tort certain à la crédibilité des institutions tout en occasionnant des coûts supplémentaires pour l'État.» Décidément, M. Côté est très préoccupé par la crédibilité de ces institutions et par les finances de l'État, mais il semble l'être beaucoup moins pour le droit démocratique de tous les citoyens à élire et à être élus et à profiter des mêmes règles de manière égalitaire, qu'ils aient déjà été élus ou pas.

Sa proposition pour «assurer un minimum de sérieux» se lit comme suit: «Exiger un dépôt de 500 $ à tout parti qui présente une demande d'autorisation et prévoir le remboursement du dépôt lors de la production du premier rapport financier du parti. Exiger que la demande d'autorisation soit accompagnée de la signature de 20 membres dans 25 circonscriptions et retirer l'autorisation à un parti qui ne présente pas de candidats dans au moins 25 circonscriptions.»

Donc, après avoir imposé un dépôt de candidature, restreint à néant le peu de financement que reçoivent les petits partis, M. Côté entend clôturer le tout en imposant des règles plus élevées visant à, d'une part, empêcher la venue de nouveaux partis politiques et, d'autre part, éliminer le maximum de ceux déjà existants lors des prochaines élections générales.

Après avoir passé à travers l'ensemble des réflexions et propositions, nous devons constater qu'on nous a présenté un document qui constitue une attaque contre tout le peuple du Québec à son droit d'élire et d'être élu et à son droit de se gouverner lui-même.

Ce n'est pas que le gouvernement du Québec n'ait pas eu au cours des 30 dernières années l'occasion et la possibilité de créer les conditions pour que la Loi électorale et le processus politique au Québec puissent se moderniser et aller dans le sens de permettre au peuple de participer dans les affaires de l'État. Des dizaines de commissions, rapports et projets de loi ont été étudiés, discutés, rejetés ou adoptés au cours de la période récente, mais rien de concret n'a été retenu pour permettre de poursuivre des réformes favorisant le progrès social.

(21 h 20)

Le gouvernement du Québec s'est donné une assemblée nationale à la fin des années soixante, ce qui est un pas important et très positif pour l'affirmation nationale du peuple du Québec, mais l'expérience depuis ce temps nous démontre que les gouvernements en place tentent par tous les moyens que cette Assemblée nationale ne soit l'Assemblée que des groupes d'intérêts politiques, économiques et sociaux qui profitent des privilèges que leur fournit le processus politique et électoral du Québec actuellement.

Le document de réflexion ainsi que les propositions qu'il contient n'est que le reflet de la partisanerie des membres de l'Assemblée nationale, dont aucun d'entre eux ne s'est, à ce jour, levé pour réclamer une modernisation de la Loi électorale, de sorte qu'elle ne soit plus un outil d'inégalité des citoyens et d'éloignement du processus politique de l'ensemble du corps politique du Québec.

Un blâme très sévère doit être adressé non seulement au Directeur général des élections et au ministre responsable de la Réforme électorale mais également à tous ceux qui siègent à l'Assemblée nationale pour utiliser le siège qu'ils y occupent à des fins partisanes. Ils s'y livrent à des activités préjudiciables, comme de ne pas travailler à la création d'un processus électoral qui, en théorie comme en pratique, permette à tous les citoyens de pouvoir être élus, élire et être élus. De tels agissements de la part d'individus qui se sont fait élire pour défendre les intérêts des citoyens, quels qu'ils soient, montrent bien à quel point les partis de l'establishment n'ont d'autres pensées que celle de préserver les intérêts de leur groupe comme de ceux des sections de l'élite économique auxquelles ils se rattachent.

Ceci étant, M. le Président, nous ne reconnaissons pas la capacité aux membres présents à l'Assemblée nationale de pouvoir formuler des propositions pouvant permettre une réforme de la Loi électorale qui aille dans le sens d'assurer un système démocratique qui repose sur des définitions modernes, un système démocratique garantissant l'égalité des citoyens devant la loi et permettant l'exercice de leur droit d'élire et d'être élus.

Nous recommandons donc à la commission de mettre immédiatement un terme à ses audiences - de toute façon, je suis le dernier à parler - et d'exiger que le gouvernement...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brunelle (Claude): Ha, ha, ha! C'est probablement pour ça que vous m'avez mis en dernier.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...votre mémoire trop vite. Ha, ha, ha!

M. Brunelle (Claude): Ha, ha, ha! Alors, je termine. Nous recommandons donc à la commission de mettre un terme immédiatement à ses audiences et d'exiger que le gouvernement facilite l'organisation d'une vaste discussion à l'échelle de toute la société québécoise; que cette discussion porte sur quel projet la Loi électorale du Québec devrait se doter; que le projet ainsi rédigé, suivant l'ensemble des recommandations émanant de la discussion parmi le peuple, soit soumis au suffrage universel pour être adopté par tout le peuple.

Nous croyons fermement, M. le Président, que, si cette commission va dans le sens de notre proposition, il sera alors possible de permettre d'ouvrir la voie à la modernisation du processus électoral et du processus politique au Québec. D'autre part, au nom du Parti marxiste-léniniste du Québec, nous pouvons vous assurer que tous nos efforts seront déployés afin de faire un succès d'une telle entreprise parmi la classe ouvrière et le peuple.

J'aimerais lire maintenant, en deuxième partie, la proposition en neuf points que nous voudrions soumettre. La proposition que vous avez s'adresse au niveau des Canadiens et des Canadiennes. Maintenant, le processus électoral au Québec n'est pas très différent de celui du Canada. C'est une proposition pour discussion, et, à l'heure actuelle, des améliorations, des corrections ont été faites pour l'adapter aux caractéristiques mêmes du Québec.

Or, une démocratie représentative moderne reconnaît les mêmes droits et les mêmes devoirs à tous les citoyens et habilite tous les citoyens et citoyennes âgés de 16 ans révolus le jour des élections à élire et à être élus directement, sans que l'exercice de ce droit ne soit encombré par quoi que ce soit. Il est nécessaire d'apporter des changements au processus politique pour créer un mécanisme qui habilite tous les citoyens et citoyennes dans l'exercice direct et entier de ce droit. Certains changements sont proposés ici, aux fins de la discussion, pour encourager les Québécoises et les Québécois à formuler des propositions sur la façon de renouveler le processus politique sur des bases démocratiques.

1. Le nombre de députés à l'Assemblée nationale devrait être augmenté suivant le partage suivant: a) la moitié est élue par circonscription, par les électeurs éligibles résidant dans ladite circonscription. Le candidat qui reçoit le plus de votes est élu à l'Assemblée; b) l'autre moitié est élue directement à partir d'une liste nationale par tous les électeurs éligibles à l'échelle du Québec, chaque électeur ayant le droit de voter pour un candidat de son choix sur cette liste nationale.

2. Les candidats sur cette liste de circonscription et sur la liste nationale sont sélectionnés de la façon suivante: a) tous les endroits de travail, les universités, les collèges, les écoles secondaires, les quartiers et les maisons pour personnes âgées reconnus en bonne et due forme, sont habilités à choisir des candidats pour être inscrits sur la liste des circonscriptions et à choisir un candidat pour la liste nationale; b) un endroit reconnu peut renoncer à l'exercice de son droit de sélectionner des candidats pour la circonscription et/ou pour la liste nationale; c) les partis politiques désirant proposer des candidats à la sélection ou les citoyens désirant se proposer eux-mêmes doivent soumettre leur proposition dans les endroits reconnus; d) à partir des listes soumises par tous les endroits reconnus, les circonscriptions sélectionnent un total de trois candidats chacune. Tous les candidats sélectionnés pour la liste nationale pour les endroits reconnus sont automatiquement acceptés par la circonscription; e) l'ensemble de la procédure de sélection et d'élection s'applique uniformément sur la base de dates fixées d'avance pour la sélection des candidats et leur élection. Ces dates sont les mêmes pour les circonscriptions et la liste nationale.

3. Tous les élus seront révocables par une pétition signée par 10 % des électeurs en règle à ce niveau. Les élus de la liste nationale sont révocables par une pétition déposée auprès de la commission électorale nationale, signée par 10 % du nombre de personnes qui ont voté pour ce candidat.

4. Les élus recevront un traitement égal au salaire moyen d'un travailleur et ne jouiront d'aucun privilège personnel pour les fonctions qu'ils exercent.

5. Dans le but de garantir la participation de tous les citoyens et résidents à l'administration des affaires publiques, il faut garantir le droit de tous les citoyens et résidents d'établir l'ordre du jour des assemblées législatives et créer un mécanisme à cette fin.

6. L'accès des groupes d'intérêts spéciaux aux organes de gouvernement doit être garanti conformément à leur condition concrète, objective, en tant que collectif des citoyens et des résidents. Par exemple, les enseignants et les étudiants doivent avoir directement voix au chapitre en ce qui concerne les affaires de l'éducation. Les médecins, les infirmières, les techniciens doivent avoir voix au chapitre sur les affaires de la santé. Les travailleurs, sur les affaires économiques, financières et industrielles. Les autochtones et les minorités nationales, les femmes sur les affaires qui les concernent, et ainsi de suite.

7. Le droit de tous les citoyens et résidents de se regrouper en partis politiques et de participer à l'idéologisation, la politisation et l'organisation des citoyens et des résidents pour qu'ils participent pleinement au processus politique doit être facilité en leur fournissant un accès égal aux ressources politiques et économiques et aux médias.

8. Le processus politique tout entier doit être financé par l'État pour garantir un accès égal aux ressources politiques, à l'information, aux opinions expertes dans les domaines d'intérêt, aux médias, et pour garantir le fonctionnement normal et efficace des élections.

Finalement, 9. Pour superviser l'ensemble de ce processus au niveau de chaque endroit reconnu, au niveau de la circonscription et au niveau national, y compris l'ensemble du processus de sélection et d'élection, de révocation et de consultation sur l'ordre du jour politique, et pour garantir un accès égal aux ressources politiques, y compris les ressources financières, l'information et les médias: a) chaque endroit reconnu doit élire au moins cinq personnes à une commission électorale à son niveau dont le mandat sera de diriger l'ensemble du processus de sélection, d'élection et de gouvernement à ce niveau. Elle élira au moins une personne à un corps analogue responsable au niveau de la circonscription; b) une commission électorale nationale sera créée. Elle sera composée d'un membre nommé par chacune des circonscriptions et d'un nombre égal de membres élus au suffrage national direct selon la liste préparée conformément au point 2. Cette commission élit 10 % de ses membres pour former la commission électorale nationale; c) la commission électorale nationale et tous les corps électoraux au niveau de la circonscription et au niveau des endroits reconnus sont des organes permanents. Ce programme de renouveau démocratique du processus politique a pour objet, a pour but d'améliorer les démocraties représentatives. J'arrête là parce que le reste, c'est un article qui a été présenté.

Alors, comme j'ai mentionné au début, cette proposition a été déposée pour discussion publique. Elle fait l'objet à l'heure actuelle de discussions au sein de l'Alliance des partis politiques du Québec pour le renouvellement et l'amélioration des lois électorales. Elle va faire l'objet d'un troisième forum public, à Montréal, dans les mois qui vont suivre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. Brunelle. M. le ministre.

(21 h 30)

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les représentants du Parti marxiste-léniniste pour leur présentation, leur dire que c'est une option et c'est fidèle, je crois, à leur perception du projet de société. C'est également fidèle à leur option qu'on retrouve dans leur programme. Mais il y a quelque chose qui m'intrigue. Je voudrais savoir réalistement, très réalistement, comment ils peuvent concilier ce qu'ils préconisent. Ça me semble être une société compartimentée. En particulier, je veux référer, faire référence à un seul bout qui me frappe beaucoup, c'est: Les médecins, les infirmières, les travailleurs syndiqués d'un hôpital doivent faire partie du processus décisionnel; les enseignants et les étudiants doivent décider quasiment en éducation. Est-ce que vous croyez qu'une société du genre pourrait fonctionner? Avec tout le corporatisme qu'on connaît, M. Brunelle, vous n'êtes pas un jeunot farfelu, vous êtes un homme sérieux, comment une société pourrait fonctionner réalistement en laissant à chaque compartiment ou à chaque grande mission de l'État le soin de décider entre eux d'un avenir, quand on sait que les ressources financières sont limitées au maximum et qu'on se doit, globalement... On peut diverger d'opinion, les libéraux, les marxistes, les péquistes, les je-ne-sais-pas-trop-quoi, les patriotistes. Je suis bien sûr que si on demandait à Fortin de venir nous expliquer comment il voit ça, lui, il nous dirait tout autre chose, mais, réalistement, comment vous voyez un fonctionnement d'une société organisée?

M. Sirros: M. le ministre...

M. Chevrette: Oui. Vas-y.

M. Sirros: Moi, c'est drôle, j'ai eu un réflexe similaire et différent, parce que je disais un peu à la blague, quand vous lisiez le bout qui parle que l'accès des groupes dits d'intérêts spéciaux aux organes du gouvernement doit être garanti conformément à leurs conditions concrètes d'objectif, je me disais: Mon Dieu! il est en train de décrire ce qui existe déjà, en grande partie, à partir du corporatisme qu'on connaît. Il y a effectivement les médecins qui exercent un contrôle assez important, merci, au niveau du système de santé; les enseignants, au niveau de l'éducation, ont un rôle important à jouer par rapport aux syndicats, etc. J'ai constaté qu'au niveau de l'économie vous avez juste mis les travailleurs; ça, ça va. Mais, au-delà de ce qui existe maintenant, vous, vous voyez ça comment? Un peu la même question.

M. Brunelle (Claude): D'abord, on ne veut pas compartimenter la société, M. Chevrette. La proposition est faite. Le sens de la proposition, vous avez pu le voir dans sa globalité, est de chercher à créer un mécanisme, d'accord, par lequel ce qui n'existe pas à l'heure actuelle va pouvoir se créer, c'est-à-dire par lequel le peuple pourra avoir accès à une forme de démocratie directe. Quand monsieur... Excusez-moi. Rappelez-moi votre nom.

M. Sirros: Sirros.

M. Brunelle (Claude): Quand M. Sirros parle qu'il existe déjà, bon, des groupes corporatifs, etc., oui, il y a le système de lobbying qui est établi au Canada, hein...

M. Sirros: Ce que je ne défends aucunement.

M. Brunelle (Claude): ...et qui fait beaucoup de tort à l'avancement de la démocratie. Pardon?

M. Sirros: Je voulais dire: remarquez bien que ce n'est pas pour le défendre que je le disais, je trouve effectivement que les groupes de lobby exercent déjà trop d'influence sur les décisions qui doivent des fois être prises en fonction du bien commun.

M. Brunelle (Claude): Non. Loin de là notre intention de vouloir renforcir le lobbying. Ce qu'on voudrait, c'est éliminer le lobbying par des mécanismes à l'intérieur desquels... Ce qu'on veut signifier, c'est que chaque section de la population, qui a des intérêts ou des besoins divers - on parle des médecins, ou des enseignants, ou... - puisse avoir un mécanisme par lequel, à l'intérieur de la commission nationale électorale, par exemple, faire parvenir leurs besoins, ou leur questionnement, ou leurs propositions de loi, ou, donc, des questions d'intérêt national, d'intérêt collectif, qu'ils voudraient voir être discutées à l'Assemblée nationale. Il ne s'agit pas, ici, de créer un groupe d'intérêt, de lobbying, qui va s'amuser à aller voir tel parlementaire, tel autre ministre, faire pression pour que telle loi ne passe pas ou que telle autre loi soit adoptée pour aller chercher quelques intérêts.

D'autre part, quand vous parlez des groupes de lobbying qui existent déjà, moi-même étant enseignant, je peux vous dire qu'on ne vient pas me consulter, la CEQ ne vient pas me consulter pour tout ce qu'elle fait avec le gouvernement en termes de discussion. Et les discussions à huis clos lors du contrat... pas du contrat, mais du pacte social ne nous ont pas été révélées non plus. Alors, là aussi, la représentativité de ce lobbying est très douteuse en ce qui concerne l'ensemble de la majorité, du collectif.

Maintenant, il ne s'agit pas de créer une société compartimentée, il s'agit de chercher des moyens par lesquels les intermédiaires qui existent à l'heure actuelle entre l'État et l'ensemble de la population puissent être diminués ou, dans le meilleur des cas, éliminés; ce que je disais tantôt, la démocratie directe, la question de la révocabilité.

M. Chevrette a mentionné, lors de l'intervention de quelqu'un d'autre tantôt, avec justesse: il y a un problème sérieux dans nos démocraties en termes de crédibilité, non seulement de nos parlementaires, mais de nos institutions politiques. Je veux dire, moi non plus, ça ne fait pas la première fois que je me présente dans des élections, et combien de fois on entend dire: Oui, mais qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? Qu'est-ce qu'on peut faire? Si on n'aime pas lui, on ne peut rien faire. Si on n'aime pas un autre, on ne peut rien faire. Il nous a dit qu'il ferait ça, mais il ne l'a pas fait. Le système des promesses pour être élu puis, après ça, on fait autre chose.

La proposition vise à établir une discussion dont l'esprit serait d'éliminer ces choses-là, de permettre que les gens puissent avoir un mot à dire directement dans les affaires qui les concernent, et non pas avoir un système représentatif qui favorise, de par la structure qui est établie, qui, à notre avis, est très anachronique, parce que le système parlementaire, ça a été établi dans des conditions x, qui favorisaient un besoin x, à l'époque, il y a plus de 100 ans de ça... Mais, aujourd'hui, dans les conditions du Québec, dans une société moderne, on doit, à notre avis, se poser de sérieuses questions et modifier en profondeur ce processus politique et électoral. Je ne parle pas de système politique, je parle de processus politique et de processus électoral, de façon à éliminer ces inégalités, éliminer la partisanerie qui s'ensuit et, mon Dou! permettre la chance à tout le monde de pouvoir être représenté et de se représenter.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Fabre.

M. Facal: Oui, merci, M. le Président. Je dois vous dire que votre présence ici évoque pour moi des souvenirs. Sans vouloir faire du sentimentalisme, cela me rappelle, cela me ramène plutôt à mes années de militantisme étudiant à l'UQAM, où j'avais eu l'occasion de me frotter, aux plans théorique et politique également, aux militants marxistes-léninistes dont je n'ai évidemment jamais partagé les idées, mais dont j'ai toujours reconnu la ténacité, par contre.

Je ne suis pas sûr de bien comprendre le fonctionnement de votre processus pour choisir les députés. Ma compréhension de ce qui est à la première page de votre journal est à l'effet qu'une moitié des élus serait élue au suffrage universel et que l'autre moitié proviendrait de listes. Donc, est-ce que l'introduction d'une liste équivaut pour vous à une forme de scrutin proportionnel? D'abord, j'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus. Et, deuxièmement, votre processus de sélection, qui vise à faire émerger des candidats des divers endroits en milieu de travail par une sorte de démocratie locale et directe, quelle place réserve-il aux partis politiques comme tels? Est-ce que les élus du peuple seraient des gens sans affiliation à un parti politique comme tel? Concrètement, j'aimerais... Enfin, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Brunelle.

M. Brunelle (Claude): Oui. D'abord, oui, vous faites bien de faire référence à une forme de proportionnelle. D'accord? Nécessairement, si vous parlez de l'Assemblée nationale au Québec, 125 députés, oui, il y aurait 125 élus, un par circonscription. Ça, ça ne change pas. Et il y aurait une liste nationale de 125 autres personnes élues à l'Assemblée nationale par suffrage universel. Ce qui veut dire que, par exemple, Jos Bleau, dans l'Assomption, il pourrait aussi avoir droit de regard pour élire quelqu'un qui, peut-être, vient de Rivière-du-Loup ou je ne sais pas, de Natashquan ou d'ailleurs. Il y aurait un choix de 125 autres personnes, ce qui, pour nous, permettrait peut-être à des gens qui ne sont pas de formation politique de pouvoir avoir la chance de pouvoir aussi représenter une certaine opinion, une certaine ligne de pensée - appelez-la comme vous voudrez - au sein du Parlement, au sein de l'Assemblée nationale.

Deuxièmement, sur la question des places des partis politiques, le but visé - et là, même si on n'est pas élus au Parlement, ça ne nous favorise pas non plus, c'est un domaine non partisan - c'est qu'on veut briser - alors, là, on est tenaces - le pouvoir des partis politiques au sein de l'État, O.K.? en créant un mécanisme par lequel le processus électoral et politique ne fera pas en sorte... Vous savez que le système représentatif dans lequel on vit, une fois que le parti qui a le plus de votes, le plus de députés élus... pas nécessairement le plus de votes, mais le plus de députés élus, forme le gouvernement et a, à ce moment-là, suprématie sur l'Assemblée nationale pendant quatre ans... Il y a le jeu de l'opposition mais, je veux dire, en fait, en dernière analyse, quand le vote se prend, c'est par le nombre de députés majoritaires que ça l'emporte.

(21 h 40)

On pense que ce système-là ne correspond plus actuellement - peut-être qu'en 1867 il correspondait à quelque chose - aux besoins collectifs de la population du Québec et de la démocratie à l'aube du troisième millénaire. On pense que le mécanisme devrait être établi pour que ces partis-là puissent se présenter. Non seulement qu'ils puissent se présenter, mais on favorise qu'il y en ait de plus en plus, de partis politiques.

La sélection des candidats ne devrait pas être faite à ce moment-là uniquement par les partis politiques. Alors, vous, vous pourriez choisir les candidats que vous voudriez voir dans telle circonscription, mais le choix du candidat dans cette circonscription-là devrait être fait par voie de ce qu'on appelle la commission électorale au niveau local, chargée de recevoir les candidatures, d'appeler des assemblées publiques où les gens discutent de quel programme est déposé et, sur la base des programmes qui sont déposés, font un choix - on parle de trois candidats, c'est une proposition de discussion - de trois candidats qui, eux, pensent qu'ils seront les mieux selon les programmes déposés, qui représentent le plus leurs affinités ou leur intérêt, qu'ils aillent aux élections au suffrage universel et que les gens choisissent un de ces trois candidats-là...

Ça enlève le fait que c'est le chef des partis politiques qui autorise les candidats, donc ça enlève le «dumpage»; ça permet à un plus grand nombre de personnes d'avoir un contact direct avec les candidats et, finalement, d'avoir un droit de regard directement sur les personnes qui sont élues. Alors, quand tu connais les gens, quand tu choisis les gens sur la base de leur programme, quand tu as eu la chance de discuter avec eux, d'échanger, que tu as fait un choix, tu es beaucoup plus proche de ce qui se passe par la suite quand ces gens-là agissent en ton nom, c'est un fait, d'autant plus qu'on connaît qu'au Canada, c'est quoi, c'est 3 % de la population qui sont membres d'un parti politique, en moyenne, selon les dernières statistiques. Et, pourtant, ces partis-là, dans le processus actuel, gouvernent un État, 29 000 000 d'individus. Au Québec, c'est 8 000 000. Alors, il y a une dichotomie qu'on vise à éliminer, et c'est le but recherché, si vous voulez, dans le sens du mécanisme qu'on tente de proposer ici.

Mme Héroux (Hélène): Je pense que je peux ajouter un aspect important que vous avez soulevé...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, madame.

Mme Héroux (Hélène): ...sur les partis politiques. Vous soulevez la place des partis politiques. Je pense qu'une des préoccupations que vous nous avez soulevées, même tantôt, M. Chevrette, c'est que vous ne la soulevez pas sur la base des politiciens, vous l'avez soulevée sur la base des élus, que vous trouviez que le citoyen avait un manque de confiance dans les élus. Je ne peux pas utiliser vos termes exacts, mais vous souleviez cette problématique-là actuellement.

Ce qu'on veut des partis politiques, c'est une place moderne des partis politiques, c'est-à-dire ne pas subjuguer la place ou le rôle qu'ont les travailleurs et les citoyens en termes d'affirmer leur pouvoir politique. On pourrait parler ici de souveraineté du peuple, O.K.? C'est ce que ça veut dire, mais que les partis politiques présentent la politique.

Si, à l'intérieur des partis politiques, les citoyens ou les travailleurs, les femmes, les jeunes font la sélection de candidats, c'est toujours eux qui détiennent, si on peut dire, ce droit-là d'élire et d'être élu, ce qui n'est pas le cas actuellement. Alors, s'il y a désenchantement face aux politiciens ou face aux élus...

M. Chevrette: ...la candidature. Je m'excuse 30 secondes, il y a...

Mme Héroux (Hélène): La candidature, oui. C'est ça la sélection des candidats.

M. Chevrette: Oui, mais je dois vous dire qu'il y a des comtés où ça brasse joyeusement pour nommer leurs candidats, il y a des conventions, dans certains partis...

Mme Héroux (Hélène): De partis.

M. Chevrette: Oui, mais ce sont 1 500 personnes. Ça représente plus que certains... Je suis convaincu que 1 500 dans un comté, c'est plus que le nombre de membres de notre ami Fortin au niveau du Québec. C'est quelque chose.

Mme Héroux (Hélène): M. Chevrette. Combien y a t-il d'électeurs dans un comté, M. Chevrette? Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Il peut y avoir effectivement 30 000, 35 000 électeurs.

Mme Héroux (Hélène): Il y en a 50 000. Exact.

M. Chevrette: Mais quand tu es rendu à 2 000 membres dans un comté - dans d'autres comtés, il y en a qui ont 3 000 membres - c'est quelque chose d'assez représentatif, ça, quand on compare ça, madame, en toute modestie, à certains autres groupes. Vous savez que c'est représentatif, quand même.

M. Brunelle (Claude): M. Chevrette, il demeure que, si le chef de ce parti-là ne voit pas d'un bon oeil, comme on a déjà vu ce genre de choses, cette candidature-là, il est très loisible...

M. Chevrette: Oh! Je «peux-tu» vous dire que dans notre parti, monsieur...

M. Facal: Ça garantit sa victoire. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: C'est souvent le contraire qui se produit, puis je peux vous le dire. Puis il y en a des exemples vivants de personnes élues.

M. Brunelle (Claude): Je ne veux pas ici étaler les aléas du Parti québécois ou de n'importe quel autre parti, mais on sait que ça se fait, on sait que c'est une position qui demeure. Ça ne devrait pas, à notre avis, exister, ce genre de chose là.

M. Chevrette: Bien, dans Orford, il y a quelques années, je me rappelle d'un député qui n'était pas bien vu et puis il a été réélu, ça lui a assuré une majorité plus forte que d'habitude. Dans Masson, il y a quelques années, le Dr Lussier versus Yves Blais. M. Lévesque appuyait M. Lussier. Qui a passé? C'est Yves Blais. Ça dépend de la réaction du monde. Vous dites que vous faites confiance au monde. Bien, c'est souvent ça qui arrive. Quand un chef pointe quelque candidature du doigt, ça joue souvent pour son adversaire. Il faut faire bien attention.

M. Brunelle (Claude): Non, non, mais il n'y a pas de problème à ce que votre parti fasse sa sélection de candidats.

M. Chevrette: Non.

M. Brunelle (Claude): On n'est pas en opposition à ça, mais, ce qu'on dit, c'est qu'une fois que vous avez fait votre sélection de candidats, cette commission-là, à l'échelle où vous êtes, la circonscription, devrait être chargée de recevoir cette candidature-là, comme elle devrait être chargée de recevoir la candidature de n'importe quel citoyen ou organisation qui voudrait se présenter. Avoir ce droit-là de se prévaloir et que l'ensemble de la population de la circonscription, pas juste les membres d'un parti politique, puissent, sur la base des programmes, là... Donc, si tu veux, tu as déjà une première... Je ne me rappelle pas le terme, mais, en tout cas, tu as déjà un premier débroussaillage qui est fait, ni plus ni moins.

On parlait de sérieux dans des documents. Qu'est-ce qui est le plus sérieux, quel programme correspond vraiment aux besoins qu'on pourrait avoir? Tu en choisis trois qui représentent le plus et tu dis: Vous trois, allez-y. Élaborez pendant x nombre de jours et on choisira celui qui, selon nous, va nous faire le plus avancer. C'est dans ce sens-là que c'est amené, si vous voulez.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Fabre.

M. Facal: Oui.

M. Chevrette: Je m'excuse, j'ai coupé la parole à ce cher jeune homme.

M. Facal: Non, non, ça va. Je voudrais avoir plus d'éclairage sur la première phrase de votre proposition 6 qui se lit comme suit: «L'accès des groupes d'intérêts spéciaux aux organes de gouvernement doit être garanti conformément à leurs conditions concrètes objectives en tant que collectif de citoyens et de résidants.» Je ne suis pas sûr de comprendre ce que cela signifie. Et j'aurai une question additionnelle par la suite.

M. Brunelle (Claude): Oui, on en a parlé tantôt. Ce que ça veut dire, bien ça veut dire ce qui est là, c'est-à-dire que chaque... Bon. Par exemple, moi, je suis enseignant. On a des états généraux, à l'heure actuelle, n'est-ce pas? Je trouve ça fantastique, je leur ai même soumis un mémoire. Je suis représentant syndical de mon école et on m'envoie participer dans les assises des états généraux régionaux, pour représenter l'opinion de mes collègues. J'ai une minute et demie pour parler. Quelque part, il y a un problème avec ce genre d'assises là, parce que beaucoup de monde veulent parler, c'est ça la qualité, sauf qu'il y a toujours un temps très limité qui est mis.

Nous, on dit: Si on a des organes permanents là où le monde vit, là ou le monde travaille, vit, là où la société existe, qu'il est à même de pouvoir les consulter, soumettre des propositions, échanger, quelque part, ça, quand ça va arriver au niveau national, si vous voulez, au niveau du Parlement ou de l'État, ça va être beaucoup plus représentatif en termes de coût de ce que la population veut avoir, quelles initiatives... Une multitude d'initiatives peuvent être proposées à ce moment-là pour tenter d'améliorer ou de corriger la situation, que ça soit économique, culturel, social, politique ou autres. Alors, ça va juste permettre davantage, sur la question de l'éducation, par exemple, des enseignants, des étudiants, etc., aux divers groupes de pouvoir participer à la vie politique.

Ce qu'on cherche, c'est de créer une façon par laquelle les gens vont pouvoir activement participer à la vie politique et non pas être frustrés parce qu'il y a divers x, y intermédiaires qui existent ou qu'il faut absolument qu'ils soient membres d'un parti politique pour pouvoir avoir accès, que leur idée soit véhiculée. On veut éliminer ce genre de choses là, donc avoir quelque chose qui est non partisan et où ils peuvent aller participer à cette vie politique là, ouvrir la machine.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Est-ce qu'on peut revenir un peu au document de réflexion du DGE que vous avez commenté amplement? Vous l'avez commenté surtout sous l'angle des partis non représentés à l'Assemblée nationale. Vous faites ressortir ce que vous voyez comme un parti pris, ni plus ni moins, de la part du Directeur général pour accommoder ce qui est les grands partis à l'Assemblée nationale au détriment de tout le reste.

(21 h 50)

Je ne sais pas si j'ai une question, mais, au départ, je trouvais qu'il y avait des points là-dedans qui ressemblaient beaucoup aux positions qu'on avait prises du côté du Parti libéral, au niveau, par exemple, de la santé de la démocratie.

M. Brunelle (Claude): ...

M. Sirros: Attention...

M. Brunelle (Claude): ...changé, parce que, nous autres...

M. Sirros: Oui?

M. Brunelle (Claude): Ha, ha, ha!

M. Sirros: Je me demandais si, nous, on avait quelque chose de... Au niveau de la santé de la démocratie, vous voyez, vous aussi, d'après ce que je peux voir, un danger à ce que ce qui est formellement reconnu à l'Assemblée nationale s'institutionnalise comme la norme et que tout le reste soit vu comme marginal, etc.

M. Brunelle (Claude): Oui.

M. Sirros: Avez-vous d'autres commentaires à ajouter sur ça? Je la pose, parce que vous avez une longue histoire de présenter des candidats aux élections, presque à toutes les élections, donc vous avez un vécu de terrain.

M. Brunelle (Claude): Bon.

M. Sirros: Si vous avez des commentaires à nous faire de ce point de vue là.

M. Brunelle (Claude): Oui. Donc, en ce qui concerne de présenter des candidats, au niveau provincial, on a pris cette décision-là uniquement en 1989, au niveau du Québec.

M. Sirros: Pardon?

M. Brunelle (Claude): En ce qui concerne le Québec...

M. Sirros: Oui.

M. Brunelle (Claude): ...c'est uniquement à partir de 1989 qu'on a pris la décision de présenter des candidats aux élections provinciales.

M. Sirros: Oui, mais, au fédéral, vous êtes...

M. Brunelle (Claude): Dans le sens que le PMLQ, le Parti marxiste-léniniste du Québec, a été fondé à ce moment-là, en 1989. Deuxièmement, oui. Quand on fait référence à ça, M. Sirros, ce à quoi on fait référence, encore une fois, le système représentatif dans lequel on vit, la Loi électorale... Je ne dis pas... et là je ne vais pas nommément aux individus qui sont représentés à l'Assemblée nationale, ce n'est pas une attaque personnelle contre des gens. Le point, c'est que le système en place favorise cette situation-là, favorise de faire en sorte de transformer les partis politiques en uniquement des agents de pouvoir et avoir le rôle uniquement d'aller vers le pouvoir étatique et, une fois là, d'y rester, d'où la partisanerie qui s'ensuit évidemment au niveau des débats de l'Assemblée nationale.

La semaine dernière, j'ai eu l'occasion, étant venu ici, entre guillemets, pour rien, parce que ça a été annulé mais j'étais déjà en route de Montréal, donc, j'ai assisté à une partie des débats et, en toute honnêteté, excusez l'expression, mais j'étais un petit peu dégoûté de voir la scène qui était devant moi. On parle d'un droit souverain inaliénable d'un peuple et, au lieu de passer à l'action, on continue à répéter les mêmes choses. Sur des fonds partisans. Pourquoi ne pas laisser la partisanerie? Alors, le mécanisme qu'on veut, c'est de laisser la partisanerie de côté et dire: Écoutez, on est représentatifs non pas d'une organisation politique, une fois élus, on est représentatifs d'un peuple, d'une collectivité.

Nous, quand on dit qu'on veut enlever le pouvoir des partis politiques, ça va contre nos propres intérêts, si tu veux, quand on dit qu'on se présente dans des élections. O.K.? Mais, sur des questions qui concernent l'ensemble du collectif, c'est ce qui devrait primer, et non pas la partisanerie. Les partis politiques modernes devraient être là pour politiser les gens, inciter les gens à participer à la vie politique, faciliter ce rôle-là, et ils devraient tous recevoir, peu importe qu'ils aient déjà été élus ou pas à l'Assemblée nationale, les mêmes privilèges ou les mêmes droits, si tu veux, ce qui n'est pas le cas, vous le savez, vous, qui êtes assis de ce côté.

M. Sirros: Comment feriez-vous, à ce moment-là, le partage... pas le partage, mais le discernement peut-être nécessaire entre le sérieux puis le farfelu?

M. Brunelle (Claude): Oui. Ça préoccupe beaucoup cette commission-ci, le mot «farfelu». «Hurluberlu», on avait, la semaine dernière, quand l'Alliance est venue, hein? «Hurluberlu».

M. Sirros: Oui, «hurluberlu».

M. Brunelle (Claude): Écoutez, il y a des questions qui relèvent... Si vous parlez de questions économiques...

M. Sirros: Oui, je parle de questions économiques, parce que...

M. Brunelle (Claude): ...la question de l'emploi, la question du chômage, la question de la souveraineté du Québec, M. Sirros, il y a des questions sur lesquelles l'époque récente - je ne parle pas du Québec - au niveau international, a donné des acquis au niveau humanité, hein. Le droit d'une nation à disposer d'elle-même, ce n'est pas le Québec qui l'a inventé ou qui en a inventé les termes, c'est venu des luttes, de l'établissement des peuples et des nations à travers les époques, la révolution bourgeoise, etc.

Aujourd'hui, en 1996, alors que tout le monde s'entend pour dire que le Québec est une nation, est un peuple, il se trouve qu'on est encore pris à vouloir défendre une chose qui est une évidence pour tout le monde, sur des bases partisanes dont on n'a pas la même vision. On ne peut pas avoir une vision différente sur un droit; un droit, ce n'est pas quelque chose qui se donne à un peuple, ça existe parce que le peuple existe. Alors, pourquoi maintenir cette ligne de partisanerie parce que, là... Alors, nous, on est d'opinion que, non, il devrait l'avoir, mais à l'intérieur du Canada. Pourquoi le peuple ne décide-t-il pas? Ou donnons-lui, déclarons-le et offrons...

M. Sirros: Il y en a qui ont pensé que le peuple avait décidé! Ha, ha, ha!

M. Brunelle (Claude): Excusez-moi, offrons...

M. Sirros: N'est-ce pas?

M. Brunelle (Claude): ...la possibilité aux gens de décider s'ils veulent être en union avec les autres peuples au Canada, autochtones, et le peuple canadien. Une assemblée nationale ne peut pas décider pour le peuple.

M. Sirros: Non, mais ce n'était pas là ma question. Et, juste entre parenthèses, il y en a qui ont pensé que le peuple avait décidé, même deux fois, mais en tout cas!

M. Brunelle (Claude): On a fait voter deux fois le Nouveau-Brunswick pour entrer dans la Confédération, vous savez, alors... Terre-Neuve, pardon.

M. Sirros: Non, ma question était: Si vous voulez que tous les partis politiques soient financés à partir des mêmes critères, des mêmes règles, des mêmes montants, pour faire ce que vous appelez la politisation et non pas la partisanerie - on pourrait discuter s'il y a vraiment une différence, à un moment donné - est-ce qu'il y a une limite que vous voyez, ou est-ce que...

M. Brunelle (Claude): Non, non, le montant devrait être égal pour tout le monde, mais pourquoi, en période électorale, un parti qui est représenté à l'Assemblée nationale va avoir droit de recevoir x montant d'avance? Le gouvernement est dissout pour les élections, tout le monde est égal, est sur le même pied, pourquoi est-ce qu'il y a des privilèges qui sont donnés? Vous le saviez, ça, ça vient du système qui est en place, oui, mais pourquoi est-ce qu'une telle chose devrait perdurer? Si on veut faciliter une plus grande participation des citoyens à la vie politique, on doit donner la même chose à tout le monde, pas juste sur papier, mais donner les moyens pour le faire.

Aux dernières élections partielles dans Jonquière, il y a un parti, qui s'appelle le Parti de la loi naturelle, qui avait droit, en tant que deuxième parti, parce qu'il y en avait deux qui s'étaient désistés, d'avoir 15 000 $ de fonds d'avance. Il ne les a jamais reçus. Pourquoi? Parce que c'est un tiers parti? Ou un oubli? Est-ce qu'on peut oublier 15 000 $? Alors, vous savez, il y a une partisanerie qui est en place, qui est là, qui doit être brisée.

M. Sirros: N'eût été pour les avances, est-ce que vous voyez un plancher qu'il faudrait atteindre, au niveau du remboursement, ou est-ce que vous dites: pas de plancher, aussitôt qu'on dépense, on est remboursés, au nom de la démocratie?

M. Brunelle (Claude): Ce qu'on prétend, c'est qu'un montant devrait être alloué, avec lequel les candidats... Je parle des candidats. À ce moment-là, ce n'est pas explicite ici, mais ça sous-tend que les partis politiques cessent d'être financés par l'État. Un candidat qui se présente en élection, c'est lui qui est financé, qu'il représente un parti ou pas, c'est lui qu'on finance, parce que c'est lui qu'on reconnaît, qui se présente dans des élections. Alors, on le finance. On donne un montant égal à tout le monde puis il y va avec ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Fabre.

M. Facal: Très brièvement. L'une des idées que vous mettez de l'avant est que les élus devraient être révoqués si une pétition recueillant les signatures de 10 % des gens ayant voté pour ce ou cette candidate est présentée. Je m'interroge sur les conséquences pratiques d'une telle disposition car, recueillir 10 % des signatures des gens ayant voté pour un candidat est certainement un travail considérable, mais un travail faisable par un groupe bien organisé, et, à ce moment-là, je me demande si l'élu n'est pas constamment obligé de prendre des positions qui lui garantiront de ne pas soulever ce mécontentement qui pourrait conduire à sa destitution.

Or, vous savez comme moi que gouverner, quelles que soient les vues qui sont les nôtres et quel que soit le régime, gouverner c'est des fois devoir prendre des gestes, poser des gestes absolument impopulaires. Et je me demande dans quelle mesure cette espèce de démocratie directe, hyperdirecte avec l'élu littéralement dans le champ de tir de 10 % de ses commettants, n'est pas justement une sorte de camisole de force l'empêchant de devoir prendre des décisions qui, malheureusement, des fois doivent être prises. Considérations, qui, encore une fois, me semblent absolument indépendantes des idéologies et des régimes.

(22 heures)

M. Brunelle (Claude): Oui. Bon, vous avez tout à fait raison. Sur cette question-là, précisément, bon, il y a deux aspects. D'abord, il y a la recherche de répondre, si vous voulez, à une frustration populaire qui existe. Les citoyens se plaignent toujours: Bon, une fois qu'une telle personne est élue, si elle ne remplit pas le mandat qu'elle nous a dit qu'elle ferait, etc., je ne peux rien faire, ou on me dit: Attends quatre ans. Des fois, quatre ans, ça peut être long, selon les circonstances économiques.

Ça vise à essayer de pallier à ce niveau-là et à faire en sorte, oui, que la personne qui est élue après campagne, etc., qu'elle se rappelle constamment du mandat par lequel elle s'est fait élire. Ça a cet aspect-là. Ça ne vise pas, par contre, à empêcher un élu, selon sa bonne conscience en tant qu'être humain ou individu pensant, de pouvoir agir puis essayer, au mieux de sa connaissance, d'interpréter son mandat pour le bénéfice de la collectivité.

En ce qui concerne les décisions impopulaires à gouverner, dans l'exercice de gouverner, si une telle chose arrive à un élu, vous serez d'accord avec moi que, généralement, ça va être le même cas pour l'ensemble des élus. Si c'est le même cas pour l'ensemble des élus, la situation devrait être suffisamment grave pour qu'il y ait un référendum. Je parle en termes de changement d'orientation économique. Je parle en termes, par exemple, de la question des programmes sociaux, tous ces... Bon, les problèmes qu'on confronte à l'heure actuelle: sur la question de l'économie, sur la question de la remise en cause de l'universalité des programmes sociaux ou ce genre de choses là. Une consultation populaire, puisque ça concerne l'ensemble de la population.

Donc, un individu devrait se dire... En tout cas, moi, je le ferais si j'étais là. Je ne pourrais pas prendre la chance justement de vouloir répondre au nom de mes 35 000 électeurs, à leur place, sur une situation qui risque de leur créer dommage pour un certain nombre d'années à venir. Je dirais: Bon, vous allez avoir à vous prononcer là-dessus, parce que c'est un changement de cap, c'est un changement d'orientation. Et la réalité, c'est ça. Bien, si la réalité, c'est ça, discutez-en et dites-nous comment vous le voulez et puis vous vivrez avec la décision. Mais c'est dans ce sens-là qu'on devrait aller. C'est l'idée qui sous-tend ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Madame, monsieur, nous vous remercions de cette présentation, de ces échanges.

Alors, mesdames, messieurs, nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures, en cette salle.

(Fin de la séance à 22 h 2)


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