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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 14 juin 1996 - Vol. 35 N° 31

Étude détaillée du projet de loi n° 130 - Loi sur la justice administrative


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Table des matières

Motion d'ajournement

Étude détaillée


Autres intervenants
M. Roger Paquin, président
M. Yvan Bordeleau
M. Claude Lachance
M. André Boulerice
M. Léandre Dion
M. Marcel Landry
M. Michel Morin
Mme Hélène Robert
M. Jean-Claude Gobé
M. Lawrence S. Bergman
M. Normand Jutras

Journal des débats


(Onze heures quarante-quatre minutes)

Le Président (M. Paquin): La commission des institutions reprend son travail sur le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative. Nous avons, jusqu'ici, fait la discussion sur le principe par les motions préliminaires. Nous avons également, en vertu de 244, entendu des consultations particulières. Nous en sommes maintenant à l'article 1.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaulne (Marguerite-D'Youville) est remplacé par M. Dion (Saint-Hyacinthe); M. Facal (Fabre) par M. Lachance (Bellechasse); M. Laurin (Bourget) par M. Morin (Nicolet-Yamaska); M. Payne (Vachon) par Mme Robert (Deux-Montagnes); M. Ciaccia (Mont-Royal) par M. Kelley (Jacques-Cartier); M. Fournier (Châteauguay) par M. Bergman (D'Arcy-McGee); et M. Lefebvre (Frontenac) par M. Gobé (LaFontaine).

Le Président (M. Paquin): Alors, je porte à votre considération l'article 1. M. le ministre.

M. Mulcair: ...

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît, un instant. Donc, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: J'aimerais formuler une motion en vertu de l'article 165 de notre règlement, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): C'est l'ajournement, ça?

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Paquin): Un instant, je vais aller le relire, si vous permettez.

M. Mulcair: Avec plaisir.

Le Président (M. Paquin): D'accord. Je suis prêt à recevoir votre question sur 165, M. le député de Chomedey.


Motion d'ajournement


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui. Nous proposons l'ajournement des travaux de cette commission parlementaire, M. le Président, pour la raison suivante. Le 13 février 1996, lorsque les membres de cette commission étaient en train de tenir des audiences publiques sur le projet de loi portant sur la réforme des tribunaux administratifs, la question est survenue de savoir quand on verrait le projet de loi en application puis s'il y aurait des audiences publiques séparées sur cette question-là. Et, ça, ça se retrouve à la page 36 des transcriptions des débats de cette commission de ce jour-là, pour fins de référence, M. le Président. Je disais qu'en ce qui concerne l'absence de texte d'application... On était avec le Barreau à ce moment-là; le Barreau utilisait même le terme «périlleux» à la page 6 de son mémoire pour décrire l'exercice. Et je demandais si ce serait important, au sens du Barreau, que les groupes principalement intéressés soient convoqués à nouveau lors du dépôt des textes d'application. Et le ministre de la Justice, M. Bégin, est cité ici en train de dire: «Ça peut peut-être faciliter les choses en disant que, oui, les gens vont être invités.» La bâtonnière s'est exclamée: «Ah bon!» M. Bégin a continué. «Il n'y a aucun doute là-dessus, ça va être fait. Il y aura une commission parlementaire qui portera spécialement là-dessus, c'est bien clair.»

Alors, moi-même, M. le Président, dans cette transcription-là, je suis cité, et c'est ce que je me souviens bien d'avoir dit. Je dis: «C'est très encourageant d'entendre cette information» – de la part du ministre, parce que ça pouvait permettre aux travaux de cette commission d'avancer correctement. La bâtonnière, Mme Olivier, a par la suite enchaîné en disant: «Si vous me permettez, je prends note de la réponse du ministre à l'effet de nous convoquer. Est-ce qu'on pourrait demander aux membres de la commission – donc, on est tous interpellés, là, M. le Président, pas juste le ministre – de nous donner un délai suffisamment important pour nous permettre d'analyser sérieusement ce projet de loi qui devrait, nous dit-on, contenir de 400 à 500 articles?» M. Bégin a répondu: «Certainement. Mais le délai... J'ai mentionné, à l'ouverture, dans mes notes préliminaires, que ça sera au plus tard à la fin mars que le projet de loi sera déposé.» Ça, c'est très important, M. le Président, de retenir ça. C'est l'engagement formel, la promesse, la parole donnée par le ministre. Et je poursuis en citant le ministre: «Maintenant, il restera, évidemment, à faire l'étude. À quel moment la commission parlementaire pourrait siéger, au mois de mai ou juin, je ne peux pas vous répondre à l'avance, mais il est évident que le texte sera, au moins un mois et demi ou deux mois avant, disponible et connu.»

Il y a deux semaines, M. le Président, jour pour jour, la journée d'ouverture du congrès annuel du Barreau, tenu cette année-ci à Québec, que le ministre nous a déposé, même pas un avant-projet de loi, et a fortiori pas un projet de loi, mais bien plutôt – enfin, beaucoup moins – un document de travail visant à établir éventuellement un avant-projet de loi ou un projet de loi sur l'application de la loi n° 130. Il y avait 643 articles là-dedans. Et le même jour aussi, le ministre nous a déposé environ 125 modifications à la loi n° 130, qui, rappelons-le, comporte 188 articles et de très longues et nombreuses annexes.

Nous sommes à quelques jours à peine avant la fin de la présente session. Alors, de deux choses l'une: ou le ministre n'est pas sérieux dans sa démarche et il tente de faire perdre du temps à cette commission – ce qui serait vraiment indigne, et je refuse de croire que c'est ça – ou le ministre oublie qu'il a donné sa parole le 13 février 1996, et c'est pour ça qu'on se fait un devoir de le lui rappeler. Dans l'un ou l'autre cas, M. le Président, il y a un gros problème de crédibilité pour la commission des institutions de l'Assemblée nationale. On était tous là, M. le Président. Le ministre a dit lui-même qu'il y aurait une commission parlementaire, et la bâtonnière s'adressait à tous les membres de la commission lorsqu'elle a posé cette question, et le ministre a répondu au nom de tous les parlementaires.

(11 h 50)

C'est lui qui présente le projet de loi, M. le Président, personne d'autre, et c'est lui qui a décidé de convoquer cette commission parlementaire aujourd'hui, malgré sa parole donnée au Barreau, malgré le fait que, quand le Barreau est revenu, la semaine dernière, il est revenu dire: On ne se prononcera pas là-dessus. Vous n'avez pas tenu parole. Ce que vous êtes en train de faire est absolument inadmissible et inacceptable. C'est ça qu'a dit le Barreau du Québec, M. le Président. Et le ministre persiste, pour des raisons que seul lui est capable de comprendre. Parce que je vous avoue que, comme les autres membres de cette commission, j'ai du mal à comprendre. Alors, c'est vrai, le ministre a le droit le plus strict, en vertu des règles parlementaires, de nous garder ici jusqu'à minuit ce soir. Et, évidemment, ce serait jusqu'à minuit et pas jusqu'à 23 h 50, parce que je n'ai le droit de présenter une motion d'ajournement qu'une fois par séance.

Mais, M. le Président, un peu plus sérieusement, le ministre est en train de démontrer sa plus profonde nonchalance à l'égard de sa propre parole, mais j'espère que les membres du côté gouvernemental ne le prendront pas. J'espère que les membres du côté gouvernemental vont aller prendre connaissance de la parole donnée par le ministre de la Justice le 13 février 1996 devant cette commission. J'espère qu'ils vont consulter leurs notes – parce qu'il n'y a malheureusement pas encore de transcription – lors de l'intervention du Barreau de la semaine dernière. Ils vont pouvoir constater que le Barreau dit: Écoutez, on vous a cru la première fois; on a peut-être eu tort, mais on vous rappelle ce que vous nous avez dit. C'est vrai que le ministre a un sérieux problème de crédibilité avec le Barreau maintenant. Ça doit être pour ça qu'il se réjouit lorsqu'il voit, comme il l'a fait aujourd'hui, que, dans un article, on réussit à lui donner une tape dans le dos, même si on lui dit qu'il est encore dans les patates.

Mais ce n'est pas là notre propos principal ce matin, M. le Président. Notre propos principal ce matin, c'est qu'il est irresponsable pour nous de procéder à l'étude du projet de loi n° 130. On n'est pas capables de le faire correctement, comme parlementaires. Comment pouvons-nous commencer à étudier les 125 modifications, les 188 articles de la loi et les 643 articles du document de travail sur une éventuelle loi d'application? Comment on est supposé faire ce travail sérieusement à une couple de jours de la fin des travaux parlementaires? Est-ce que le ministre va imposer le bâillon dans ce dossier-là aussi, comme il s'apprête à le faire dans le dossier de l'aide juridique? Est-ce que c'est ça, son intention? S'il le fait, bonne chance pour lui et bonne chance pour ce gouvernement, parce qu'ils vont être en train de démontrer et de prouver leur profond mépris, non seulement de cette commission et de ses membres, mais du public et de la profession d'avocat.

Mépris il y a, M. le Président, parce que c'est incorrect sur le plan moral, sur le plan des principes, ce n'est pas correct de procéder alors qu'on a donné sa parole que les gens disposeraient d'au moins un mois et demi ou deux mois pour faire un travail correct. Et c'est d'autant plus ironique que le ministre ait décidé en cette journée de procéder contre sa parole dans le projet de loi n° 130 étant donné que, tout à l'heure en Chambre, son seul coin de refuge – hormis une question plantée par un député d'arrière-ban – était de citer une première page du Journal du Barreau pour dire que, dans celui-là, le fait que je suis en train de pitcher des dizaines de millions de dollars de plus à plus d'avocats, j'ai enfin quelqu'un qui est de mon bord, et ce, malgré le fait que même quelqu'un qui travaille à temps complet au salaire minimum ne serait en aucun cas, avec ou sans franchise de 800 $, en aucun cas admissible à l'aide juridique et que 42 groupes communautaires, hier, ont dû rappeler au ministre qu'il ne respectait pas ses engagements de protéger les plus démunis de notre société. Alors, M. le Président, nous sommes formels, nous trouvons inadmissible, nous trouvons inacceptable, nous trouvons incorrect le fait que le ministre veuille forcer l'adoption et l'étude de ce projet de loi malgré sa parole donnée.

Et je me permets, M. le Président, de lire une lettre reçue à l'instant de la part du Barreau du Québec et adressée à l'honorable M. Lucien Bouchard. Objet: Loi sur la justice administrative. «M. le premier ministre...»

Une voix: ...s'il vous plaît.

M. Mulcair: Oui, je vais la déposer, puis j'aurai certainement l'occasion de la lire au complet lors du premier article. Mais je pense que le ministre va prendre un très grand plaisir à prendre connaissance de la lettre que son patron vient de recevoir de la part du Barreau, que lui cite comme étant les gens qui sont là pour l'appuyer parce que, lui, il leur fait leur job de bras avec les pauvres. Alors, on va lui lire sa lettre dès le premier article et on va la déposer à ce moment-là. Non, je vais la lire au premier article.

Le Président (M. Paquin): Juste pour les fins de nos registres, il s'agit d'une demande d'ajournement sine die?

M. Mulcair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): D'accord. Alors, du côté du gouvernement, un porte-parole peut débattre pendant 10 minutes de la question. M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Oui, M. le Président. Nous sommes en face d'une motion d'ajournement des travaux d'une commission qui s'apprête à étudier article par article un projet de loi qui, dans son cheminement, a traversé les étapes suivantes: tout d'abord, un rapport qui s'appelle le rapport Garant a été déposé; il y a eu consultation d'entre 30 et 35 présidents ou présidentes d'organismes, de régies...

Le Président (M. Paquin): Un instant, s'il vous plaît.

M. Bégin: Oui.


Document déposé

Le Président (M. Paquin): La commission vient de recevoir du Barreau du Québec une lettre adressée à M. Alain Major. Alors, j'annonce que je l'ai reçue et je vais...

M. Mulcair: Tout le monde a reçu une copie, sauf le ministre?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): ...demander qu'on en fasse des copies.

M. Bordeleau: Non, ça ne fait rien. Mieux vaut tard que jamais.

Le Président (M. Paquin): Alors, si vous voulez reprendre, M. le ministre.

M. Bégin: Oui, merci, M. le Président. Donc, une commission qui a, dans son cheminement, procédé de la manière suivante. Un rapport avait été déposé, le rapport Garant, auprès du gouvernement. Une première consultation a eu lieu auprès des présidents et présidentes d'organismes concernés, soit entre 30 et 35 personnes qui ont rencontré des représentants du ministère pour exprimer leur point de vue sur ce que proposait généralement ce rapport. Par la suite, il y a eu une commission parlementaire qui a été tenue où, encore une fois, entre 35 et 40, cette fois-ci, organismes, personnes sont venus ici, en commission parlementaire, faire leurs représentations relativement à ce rapport Garant. Par la suite, il y a eu dépôt d'un projet de loi au mois de décembre 1995, projet de loi portant le n° 130. Ce projet de loi mettait en forme des recommandations qui avaient été faites, bien sûr, par le rapport Garant, mais aussi tenait compte des commentaires que nous avions entendus dans les deux consultations que je viens de mentionner. Ce projet de loi a fait l'objet, au début de février 1996, donc au début de cette année, d'une commission parlementaire où, encore une fois, mais cette fois-ci sur le projet de loi lui-même, des groupes – encore une fois, en haut de 30, mais je n'ai pas le chiffre exact – sont venus s'exprimer sur ce projet de loi. Plusieurs nous ont demandé de faire des amendements à la loi et, effectivement, nous avons tenu compte beaucoup de leurs remarques; je ne dirais pas de la totalité, ce n'est pas exact, mais de la plupart de leurs remarques, et c'est pourquoi, aujourd'hui, on a plus ou moins 125 projets d'amendements.

Je disais, au tout début de cette commission, la chose suivante, et on le retrouve à la page CI-64, page 19, du 6 février 1996, et je le relirais, M. le Président, parce que ça donne de quoi il s'agit: «Alors, écoutez, on va vous remettre l'avant-projet de règlement et vous... les avoir avant, mais on a essayé de faire diligence quand même, et vous aurez là l'occasion, je pense, de compléter la réflexion que vous avez et de nous en faire part par d'autres moyens, là, si jamais vous trouviez qu'il y avait des choses à corriger. Alors, on a fourni le règlement ce matin pour le bénéfice de la commission. Évidemment, quant au reste, la loi d'application n'est pas déposée, mais on sait que les lois d'application vont dépendre en bonne partie de ce qui va être adopté dans ce projet de loi là. Et, par ailleurs, il faut savoir que c'est une tâche colossale, ça va être un texte d'environ 500 articles. Il faut reprendre chaque loi constitutive et dire: Bon, bien, dorénavant, voici de quelle manière on devra fonctionner par rapport à ce qui existait auparavant, comme, par exemple, qu'il n'y aura plus de bureau de révision paritaire. Bien, un exemple, là: dans la loi d'application, si on fait enlever ce bureau de révision, vous comprenez que ça va être substantiel.

«Ce n'est pas dans cette loi-ci que l'on retrouve ça. Mais vous avez les principes qui permettent d'arriver à faire fonctionner ça, parce qu'on distingue entre ce qui est purement administratif, d'un côté, donc, la première décision initiale, la plus simple, celle qui concerne, toujours et à chaque coup, le citoyen, et l'autre, qui est quasi juridictionnelle, qu'il va appeler quand on va aller devant le tribunal, et là où des règles nouvelles, différentes, beaucoup plus judiciarisées, si vous me permettez l'expression, vont s'appliquer.»

Alors, M. le Président, je mentionnais, au mois de février... et je complétais, disons, à la même page, mais un peu plus loin: «J'ai donné le règlement parce que, lui, il était prêt, on l'a finalisé à temps pour le début, mais l'autre, la loi d'application, il ne faut pas l'attendre avant la fin de mars. Merci beaucoup, donc. Je ne sais pas si mes collègues ont des questions, j'ai profité de l'occasion qui m'était offerte pour répondre à certaines questions.»

(12 heures)

M. le Président, au moment où j'ai exprimé ces paroles, j'étais d'opinion que nous pourrions avoir, aux alentours d'avril, le projet de loi. J'ai dit: pas avant, donc c'est après. Pas avant la fin. Et, donc, j'anticipais que nous puissions déposer ce projet de loi, que je voyais, de 500 articles. Malheureusement, je n'ai pas pu et j'ai déposé un document de consultation qui reprend 643 articles.

M. le Président, on nous a fait valoir des arguments à l'effet qu'on ne pouvait pas étudier le projet de loi sans avoir le projet de loi d'application. Je voudrais juste rappeler certains faits. Le Code civil a été présenté le 18 décembre 1990 – je parle du nouveau Code civil – son adoption a eu lieu le 18 décembre, et c'est important de le retenir, 18 décembre 1991. Ce nouveau Code civil contenait 3 168 articles. Savez-vous quand la loi d'application a été présentée? La loi d'application du Code civil, 3 168 articles? Le dépôt s'est fait le 18 juin 1992. Six mois après l'adoption du Code civil, le dépôt, six mois après. Son adoption a eu lieu le 18 décembre 1992, exactement un an, jour pour jour, après l'adoption du Code civil. Elle contenait 719 articles, M. le Président, et elle a été modifiée à 114 reprises.

M. le Président, ce que je veux souligner par là, c'est qu'il est tout à fait inexact de prétendre qu'il faille les étudier concurremment et simultanément, côte à côte, en parallèle, prenez le mot que vous voudrez pour exprimer le même concept qui consiste à dire qu'on doit étudier deux projets de loi en même temps. M. le Président, un projet de loi s'adopte, et son application s'adopte par après, parce que le contenu de la loi d'application dépend de ce qu'on a adopté dans le premier, et non vice versa. Et, si on change une disposition à un endroit, ça entraîne des modifications dans la loi d'application. C'est pourquoi, d'ailleurs, des gens ont fait, au mois de février, des représentations qui ont entraîné 125 modifications. Et, si on reprend les articles un à 12, ceux où il y a eu le plus de commentaires, les commentaires les plus substantiels, parce qu'effectivement ils touchent le coeur même du projet de loi... C'est les principes, les principaux principes qui sont énoncés: est-ce qu'on va procéder de manière équitable, est-ce qu'on va... l'équité procédurale, est-ce qu'on va suivre des règles juridictionnelles, ainsi de suite, c'est dans ces articles-là qu'on les trouve.

Je pense que, pour avoir travaillé longtemps au ministère de la Justice... Je ne sais pas si le député a oublié certains concepts, certaines notions, mais il doit savoir, et il le sait... mais il prétend le contraire, je pense, en disant qu'on peut faire comme il propose qu'on le fasse, simultanément. Ce n'est pas, M. le Président, ce qui doit être fait, et c'est parfaitement logique, cohérent de procéder aujourd'hui à l'étude du projet. D'ailleurs, certains sont venus nous dire qu'ils voyaient très bien comment on pouvait, d'une part, étudier un projet de loi, y faire des modifications... Et je rappelle ce que le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec est venu nous dire: «Il ne faudrait pas prendre prétexte de ces imperfections pour réclamer le report de son adoption. C'est pourquoi il nous apparaît important de commenter les progrès accomplis par l'ajout des quelque 125 amendements qui nous ont été soumis. À notre point de vue, il est souhaitable d'adopter un projet de loi, qui est certes perfectible, que de remettre à plus tard ce qui peut être fait avant la fin de la présente session.»

M. le Président, le Protecteur du citoyen, avec des ressources limitées et occupé qu'il était à faire des représentations dans les différentes commissions sur les différents projets de loi, a trouvé l'opportunité de faire des commentaires très judicieux sur tous les articles du projet de loi, et de dire qu'on pouvait le bonifier, et que c'était déjà une grande amélioration, et qu'on avait tenu compte des propositions d'amendements qu'il avait faites.

Par ailleurs, on a eu la Commission des droits de la personne qui est venue nous dire qu'elle avait vérifié, elle, les dispositions du projet d'application et que le principal point soulevé par le Barreau, à savoir: Est-ce que, oui ou non, l'article 23 de la Charte des droits était protégé? elle est venue nous dire qu'elle ne voyait aucun problème à cet égard dans les dispositions de la loi d'application.

M. le Président, le projet de loi pose des principes, et quand ils seront adoptés, ça permettra aux gens qui travaillent sur la loi d'application de justement rendre cette loi d'application en parfaite conformité, pas avec le projet de loi qu'on a parce que c'est déjà fait, mais avec les amendements qu'on apportera si nous jugeons à propos de le faire.

M. le Président, nous sommes prêts à étudier ce projet de loi important. Le gens attendent ça. Et on aura l'occasion, dans une commission parlementaire qui aura lieu à l'automne, d'étudier un avant-projet de loi sur la loi d'application, et tous les commentaires qui voudront être faits pourront être faits à ce moment-là.

M. le Président, je pense qu'on utilise des prétextes pour ne pas travailler à l'étude d'un projet de loi extrêmement important pour l'ensemble des gens au Québec, et, je dirais, particulièrement ceux et celles qui sont les plus démunis, ceux et celles qui ont des recours à exercer, justement, contre l'administration. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre.

Je veux porter à votre attention que le document que j'ai déposé tantôt a une date corrigée en en-tête: Montréal, le 14 juin 1996, et c'est corrigé à la demande du Barreau. Effectivement, le document qui est en annexe est lui-même adressé du 14 juin, alors, il était difficile de l'adresser le 14 mai. Alors, voilà pour ce détail.


Mise aux voix

Est-ce que la proposition, en vertu de l'article 165, sur l'ajournement sine die des travaux est adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Bégin: Contre.

M. Mulcair: On a gagné deux à un. Vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Alors, vote nominal. Alors, M. le secrétaire, vote nominal.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?

M. Bordeleau: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: M. Lachance (Bellechasse)?

M. Lachance: Contre.

Le Secrétaire: M. Boulerice (Sainte-Marie– Saint-Jacques)?

M. Boulerice: Contre.

Le Secrétaire: M. Dion (Saint-Hyacinthe)?

M. Dion: Contre.

Le Secrétaire: M. Landry (Bonaventure)?

M. Landry (Bonaventure): Contre.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska)?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Contre.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

Le Président (M. Paquin): Contre.

Alors, la proposition est rejetée.

J'avais déjà porté à la considération de cette assemblée l'article 1. M. le ministre.


Étude détaillée


Dispositions préliminaires

M. Bégin: Merci, M. le Président. L'article 1. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous avons eu l'occasion d'entendre différents groupes faire des représentations qui ont porté, la plupart du temps, sur les articles 1 à 12 du projet de loi. Nous avons effectivement annoncé qu'il y aurait 125 papillons et nous avons, pour la plupart, informé les gens du contenu de ces dispositions.

J'aimerais remettre ici des articles amendés et qui utilisent – et c'est pour les fins de la bonne compréhension – une technique qui... Je ne sais pas si elle rencontre ce qui a été généralement suivi ici. Elle présente le texte de loi tel qu'il était, avec des mots qui sont rayés parce qu'ils sont supprimés, et présente avec un caractère ombragé ce qui est ajouté. Alors, je lis, par exemple, un texte pour faire comprendre: «Elle établit la règle générale de procédure applicable aux décisions individuelles»; ça reste en caractères habituels. Là, ensuite, c'est: «des ministères et organismes gouvernementaux»; ça, il y a un trait pour indiquer que c'est disparu. Les mots après, c'est: «prises à l'égard d'un administré»; c'est en ombragé pour dire que ce sont des mots nouveaux. Je pense, M. le Président, qu'on est capable, avec ça, de voir quel était le texte, les mots qu'on supprime et les mots qu'on ajoute, et ça fait un texte qui se lit beaucoup plus facilement. Alors, M. le Président, avec votre permission, je déposerais ces articles 1 à 12, et ça va nous permettre de comprendre.

Je vous dis aussi qu'effectivement l'ensemble de ces articles ont été remaniés au complet. Et nous avons entendu les commentaires de M. Meunier, du bureau du Protecteur du citoyen, qui nous a dit, comme commentaire, qu'il trouvait que ces textes-là étaient beaucoup mieux, très améliorés par rapport à la situation antérieure. Et il nous a fait une recommandation en particulier par rapport à l'article 6 remanié. Mais, fondamentalement, il trouvait que les concepts étaient beaucoup plus clairs qu'ils ne l'étaient dans le premier projet. Donc, M. le Président, on a là des nouveaux textes qui énoncent les principes qui vont guider l'ensemble du projet de loi, mais surtout, qui vont guider les rédacteurs au niveau de la rédaction de l'avant-projet de loi sur la loi d'application. Voilà, M. le Président.

Alors l'article 1 se lirait dorénavant...

Le Président (M. Paquin): Un instant, M. le ministre.

(Consultation)

M. Bégin: Est-ce que c'est un...

M. Mulcair: Distress.

(12 h 10)

M. Bégin: Ce n'est pas nécessairement pour nous, M. Mulcair.

Une voix: Un instant, on vérifie.

Le Président (M. Paquin): Alors, je veux simplement vérifier avec le ministre le document qui vient de m'être déposé...

M. Bégin: Oui.

Le Président (M. Paquin): ...et qui est l'amendement. O.K.? C'est: Les dispositions préliminaires et le titre I sont remplacés par ce qui suit», et le texte va de 1 à 12. Et c'est un amendement ou c'est 12 amendements?

M. Bégin: Bien, je pense, M. le Président, qu'on doit le considérer comme 12 amendements, parce que ça reprend... Je pense que, pour l'ensemble, il faut le faire article par article, mais c'est un amendement qui concerne l'ensemble des 12 articles.

Le Président (M. Paquin): Et ça exclut les cartouches.

M. Mulcair: Il n'y a rien à comprendre.

Le Président (M. Paquin): Un instant, on va vérifier, puis je vais statuer. Parce que, moi, ce que je lis, c'est que le titre I...

M. Bégin: Oui.

Le Président (M. Paquin): ...et les articles de 1 à 12...

M. Bégin: Les articles de 1 à 12 sont remplacés par les suivants.

Le Président (M. Paquin): ...sont remplacés par les suivants. Et, pour faciliter la compréhension, semble-t-il, il y a des encadrés. Mais les encadrés ne font pas partie des amendements.

M. Bégin: Non.

Le Président (M. Paquin): C'est simplement...

M. Bégin: Oui, le contenu.

Le Président (M. Paquin): ...une façon d'exprimer...

M. Bégin: Exact.

Le Président (M. Paquin): ...l'effet résultant de chaque portion d'amendement.

M. Bégin: C'est ça. C'est ça.

Le Président (M. Paquin): Et il y a 12 portions d'amendement. C'est exact?

M. Bégin: C'est ça.

Le Président (M. Paquin): Alors, donc, c'est recevable. Et, à ce moment-là, c'est un amendement important au sens volumique, c'est-à-dire qu'il vise à remplacer les articles 1 à 12 et les intitulés correspondants.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Paquin): Un instant. Juste un instant, je n'ai pas fini, là. Je vérifie simplement si tous les articles sont faits de la même façon. Et c'est, en vertu de 198, au président de décider de la recevabilité. Or, je reçois l'amendement...

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président (M. Paquin): ...sous réserve de vous écouter. Je reçois l'amendement comme étant les parties qui ne sont pas dans les cartouches. Et les cartouches, je les considère comme des explications, elles sont exclues de l'amendement. Et l'amendement vise les articles 1 à 12. Donc, je suis prêt maintenant, sur une question de règlement, à entendre le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, on a reçu il y a deux semaines un livre de modifications qui était... il y a des questions de règlement là-dessus aussi, sur leur présentation. Là, aujourd'hui, on reçoit en liasse quelque chose qui est complètement difforme. Ça ne dit pas même: Les dispositions du titre untel sont remplacées par ce qui suit, ou l'article untel est modifié par ce qui suit. On a un truc qui s'appelle: 1. La présente loi a pour objet d'affirmer... Alors, c'est complètement difforme, c'est absolument inadmissible. Ce n'est pas recevable. Mais, vous voyez, ce que j'ai devant moi, c'est ça.

Le Président (M. Paquin): C'est écrit: Les dispositions préliminaires et le titre I sont remplacés par ce qui suit, et il y a 12 éléments.

M. Bégin: Tout ce qui est au-dessus... Si vous me permettez, au-dessus de la cartouche, c'est le texte de l'amendement. Et ce que vous avez dans la cartouche, c'est pour essayer de comprendre ce qui a été changé par rapport au texte original.

M. Mulcair: Le ministre vient de nous dire... M. le Président, je crois que, vraiment, hormis toutes les autres questions d'opportunité, là, je pense qu'il faut vraiment essayer de s'entendre. Le ministre a dit tantôt qu'il s'agissait de 12 amendements. Vous lui avez posé la question, il a dit que c'étaient 12 amendements. Là, vous êtes en train de nous dire... J'aimerais bien comprendre, M. le Président, parce que je vous avoue que, quand je vous ai vu assis là aujourd'hui, et je n'ai rien contre mon coéquipier de hockey qui siège là d'habitude, mais j'étais bien content de vous voir là parce que, ça, cette première question, ça va être très «touchy» sur le plan du règlement, puis vous êtes un friand du règlement. Vous aimez ça puis vous le connaissez à fond.

Vous êtes en train de nous dire que vous déclarez admissible un amendement, une motion qui remplace 12 articles d'un projet de loi, et ce, malgré le fait que notre règlement dit que: «Les amendements doivent concerner le même sujet que la motion et ne peuvent aller à l'encontre de son principe. Ils ne visent qu'à retrancher, ajouter ou remplacer des mots.» Ce n'est pas des mots, là, dont il s'agit, c'est un chapitre au complet! Puis vous dites que, ça, c'est recevable? Voyons donc, ça n'a pas de bon sens!

(Consultation)

Une voix: M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Un instant. Un instant, j'ai écouté ce que le député de Chomedey a dit, et je vérifie.

(Consultation)

Le Président (M. Paquin): Alors, je suis prêt à entendre le député de Bonaventure.

M. Landry (Bonaventure): En fait, M. le Président, quand je regarde le cahier qui nous avait été soumis la semaine dernière, on a la modification aux 12 premiers articles amendés. Mais, selon moi, M. le Président, il importe de les voir quand même un par un, ces articles-là, puisqu'ils modifient 12 articles différents. Même s'ils sont regroupés pour des fins de compréhension du premier chapitre, ça m'apparaît évident qu'on doit les adopter un par un, en séquence.

M. Mulcair: J'ajouterais juste à cela, M. le Président, avec votre indulgence, qu'il faut présumer, à ce moment-là, que chacun constitue une motion séparée d'amendement.

M. Bégin: C'est ce que j'ai toujours considéré.

Le Président (M. Paquin): Alors, j'ai entendu, et ce qui ressortait des remarques et des questions que j'avais posées au ministre, c'était le fait que c'était un amendement qui remplaçait les 12 articles. Il était écrit, il remplaçait des mots, il était recevable, et tout ça, sur cette base-là. Ça va? Donc, de ce côté-là, ça va.

Cependant, lorsqu'on a un seul amendement, ça ne donne qu'un droit de parole de 20 minutes, en vertu du troisième «chaque» de l'article 245, ce qui a un effet de priver les parlementaires de leur droit d'intervenir sur chaque article qui était là et qui se trouve à être substitué par un même amendement. Cependant, comme président, l'article 193 me donne l'autorité de corriger dans la forme – et c'est ce que je ferai – l'amendement pour le rendre recevable.

En conséquence, suite aux interventions des députés de Chomedey, de Bonaventure et de celle du ministre, je vais envisager la décision suivante, à savoir de considérer chaque amendement distinctement comme remplaçant successivement les articles. Il n'y a pas eu de problème avec les cartouches, alors, ça, c'est réglé. Et le premier amendement va comprendre l'intitulé et l'article 1; et les autres amendements seraient distincts, ce qui rétablirait les parlementaires dans leurs prérogatives en vertu de 245, en faisant en sorte que chaque amendement puisse être sous-amendé, et surtout que le temps de parole sur chacun soit assuré à chaque parlementaire.

Est-ce qu'il y a des commentaires sur cette intention de décision?

M. Bégin: Tout à fait d'accord avec votre décision, M. le Président.

M. Mulcair: Tout à fait d'accord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Alors, c'est ma décision.

M. le ministre, sur l'amendement à l'article 1, qui comprend le titre et la substitution de l'article 1.

M. Bégin: Comme vous pouvez le voir, M. le Président, en comparant avec la cartouche, on constate que ce sont principalement des corrections de forme, puisqu'on dit que, dans un premier alinéa, c'est d'«assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité», et on enlève les mots «aux citoyens» pour le rendre plus général.

(12 h 20)

D'autre part, au deuxième alinéa, on parle des décisions individuelles, non pas des ministères et organismes, mais «prises à l'égard d'un administré». Donc, on ne regarde pas, la décision, d'où elle origine, mais à qui elle s'adresse, c'est à l'administré.

Par la suite, à ce même alinéa, on ajoute, à la fin, les mots «établies par loi ou sous l'autorité de celle-ci». Alors, on dit qu'elles sont, ces règles, complétées par des règles particulières qui seront établies par la loi ou sous l'autorité de celle-ci.

Enfin, on enlève «Elle crée» – la présente loi – pour remplacer ça par «La présente loi institue».

Donc, comme vous pouvez le voir, M. le Président, le sens de l'article reste le même, mais il y a quelques modifications pour préciser et clarifier le texte suite à des suggestions qui nous ont été faites.

Le Président (M. Paquin): Ça complète votre intervention, M. le ministre?

M. Bégin: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un député veut prendre la parole sur cette question?

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Je pense qu'il est tout à fait approprié, opportun et pertinent à ce stade-ci de partager avec l'ensemble des parlementaires les propos tenus dans les minutes qui précèdent par le bâtonnier du Québec.

Dans une lettre adressée à l'honorable Lucien Bouchard, premier ministre du Québec, le bâtonnier dit ceci:

«Après s'être adressé à la commission des institutions lundi dernier, le 10 juin 1996, c'est avec insistance que le Barreau vous interpelle afin de faire reporter à l'automne tout le dossier de la justice administrative, c'est-à-dire le projet de loi n° 130, la série d'amendements, 120 papillons comprenant modifications et ajouts – on vient de voir, M. le Président, ce n'étaient pas des papillons, c'étaient plutôt des chauves-souris qu'on a tenté de nous passer en en mettant 12 à la fois – ainsi que le document de travail servant d'avant-projet de loi d'application, lequel ne contient pas encore les dispositions transitoires et finales mais prévoit déjà, dans son titre I, 643 articles modifiant pas moins de 75 lois.

«Bien que nous attendions une refonte de la justice administrative depuis au-delà de 20 ans, celle-ci s'avère d'une ampleur sans précédent, qui nécessite un examen approfondi des impacts considérables qu'elle aura tant dans la communauté juridique que dans de très nombreux secteurs d'activité de la société québécoise.»

Ici, je me permets d'ouvrir une parenthèse, M. le Président, parce que, tantôt, le ministre a mentionné que j'ai déjà travaillé aux affaires législatives du ministère de la Justice pendant plusieurs années. Il a raison là-dessus, puis certains de mes collègues sont encore là puis ils font un excellent travail. Mais cette notion qu'invoque le Barreau du Québec d'un examen approfondi est précisément ce qui manque dans la quasi-totalité des projets de loi présentés par ce ministre de la Justice. On a été en mesure encore de le constater aujourd'hui dans son projet de loi d'aide juridique où, encore une fois, les représentants des plus démunis ont dit: Écoutez, voulez-vous cesser de dire que c'est une amélioration? Ce n'est pas vrai, ça. Et je pense que le ministre, un jour, va être obligé de se rendre compte qu'il faut justement qu'il fasse du travail d'analyse, d'examen avant de présenter des projets de loi. Fini le «guessage», fini le fait d'arriver avec un projet de loi sur l'aide juridique sans la moindre idée de combien ça va coûter pour aller collecter, combien ça va être, à la fin de la journée, ce qui va être donné aux contribuables, combien va sortir à nouveau des poches des contribuables.

«Y a-t-il vraiment urgence à ce que le projet de loi n° 130 soit adopté d'ici l'ajournement d'été?» Ah! Ça, c'est vraiment intrigant comme question, parce qu'on sait que le ministre, depuis le premier jour, nous donne des indices grands comme une maison qu'il va utiliser le bâillon pour tenter de se donner raison dans le dossier de l'aide juridique. Ça, on s'y attendait. Mais est-ce qu'il va avoir deux jetons de bâillon? D'habitude, on n'en donne qu'un à un ministre, là, sauf s'il y a vraiment urgence. Rochon risque d'en avoir deux, mais est-ce qu'on va en avoir deux, bâillons, dans le dossier de la justice? Ça me surprendrait bien gros. D'où toute la pertinence, M. le Président, de la question posée par le bâtonnier: «Y a-t-il vraiment urgence à ce que le projet de loi n° 130 soit adopté d'ici l'ajournement d'été?»

Vous savez, M. le Président, c'est une question que, nous, on se pose aussi depuis le début. Depuis deux semaines, avec l'entêtement, la persistance du ministre dans ce dossier-là, on se demandait: Qu'est-ce qu'il y a en arrière de ça? Pourquoi diantre cet empressement, cette insistance à procéder avec un truc qui, tout le monde le sait, est demi cuit, tout le monde sait qu'il n'est pas prêt à aller de l'avant? Pourquoi est-ce qu'il veut pousser tant que ça?

Et un lapsus et une indication de la part du ministre, tantôt, nous ont quand même fourni quelques éléments de réponse, M. le Président, parce que le ministre a dit: «Les genres attendent ça». Sans doute en voulant «perler» trop bien; peut-être qu'il a été instruit chez les «jésuitres», mais le ministre a dit «Les genres attendent ça». Il s'est corrigé par après pour dire «Les gens attendent ça», mais n'y a-t-il pas là, M. le Président, dans l'utilisation du terme «genres», une bonne indication de la seule et unique raison pour laquelle le ministre insiste tant pour aller de l'avant avec le projet de loi n° 130?

Est-ce qu'on serait en train d'assister au même scénario auquel on a assisté l'année dernière avec la nomination de la femme du vice-premier ministre à la Cour du Québec en matière criminelle et pénale, malgré le fait qu'elle n'avait jamais eu un client de sa vie, et qu'elle n'avait jamais plaidé une cause de sa vie, et qu'elle ne connaissait strictement rien en matière de criminel et pénal, du point de vue de la pratique du droit? Intrigant, ça. Il parle des «genres». C'est le genre de qui? Qui va être nommé dans cette patente-là? Est-ce que c'est ça, la vraie raison pour laquelle le ministre nous dit que c'est urgent de procéder, alors que personne d'autre n'est capable de comprendre pourquoi il insiste tant? À qui le ministre a promis une bonne job au Tribunal administratif du Québec? Et à qui il l'a promise pour l'été 1996? Nous, on sait. On sait, on l'a su la semaine dernière...

M. Bégin: ...

M. Mulcair: Non, mais c'est un autre barbu. C'est un autre barbu, M. le Président...

M. Bégin: Ha, ha, ha! Je lui ai promis la job.

M. Mulcair: ...je vais vous donner un indice, c'est un autre barbu. Et le ministre lui a fait sa promesse qu'il aurait sa job cet été. C'est pour ça qu'il pousse tellement. Il veut faire ses nominations. C'est ça qu'il y a en arrière de ça.

Vous savez, M. le Président, tout le monde se posait la question. Le Barreau disait: Ça n'a pas de bon sens, on ne comprend pas l'attitude de Bégin. C'est quoi, son affaire? Mais c'est ça, M. le Président. Comme il nous parle, là: «Les genres attendent ça». Avez-vous entendu une personne, M. le Président... Vous étiez là pour les commissions parlementaires. Avez-vous déjà entendu une personne...

Une voix: ...partisane.

M. Mulcair: ...dire que c'est vraiment un problème si ce n'est pas adopté avant l'été? Non. Je pense qu'il faut regarder ce que le Barreau du Québec dit. Le Barreau, que le ministre n'hésite pas à citer en appui à ses affaires, comme il l'a fait aujourd'hui à la période des questions lorsqu'il nous a lu pour la deuxième fois la première page du Journal du Barreau .

Avec respect, le Barreau dit qu'ils estiment que, non, il n'y a aucune urgence. «En outre, l'annonce, ces derniers jours, du retrait de la CALP – ça aussi, c'est crucial, M. le Président, puis on va avoir l'occasion d'y revenir à plusieurs reprises d'ici minuit – de l'application de la Loi sur la justice administrative fait craindre le caractère improvisé que semble revêtir l'adoption de la réforme en cette fin de session.» Le Barreau du Québec qui dit ça, M. le Président.

Parce qu'il y a déjà eu un autre ministre que j'ai connu dans cette Assemblée, lorsque j'étais à l'Office des professions du Québec, qui avait les mêmes tendances que celui-ci. Lorsque tu es dans le trouble, tu jettes un steak aux loups. Hein! En essayant de les garder loin.

M. Bégin: On ne fait pas ça, on n'est jamais dans le trouble.

M. Mulcair: Alors que, pendant des semaines, en commission parlementaire, le ministre a dit à tout le monde, quand la FTQ, le Conseil du patronat sont venus «dealer» leurs affaires, il a dit: Pas question. Comment peut-on prétendre faire une réforme des tribunaux administratifs si on enlève la CALP de là-dedans? Il faut que la CALP soit mise là-dedans, puis tant pis pour le paritarisme.

(12 h 30)

Mais, M. le Président, lorsqu'on est «dealer», il y a toujours un danger qu'un «wheeler-dealer» vienne court-circuiter nos affaires, puis c'est exactement ce qui s'est passé. Parce que le Conseil du patronat du Québec puis la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec sont allés «dealer» directement avec Lucien Bouchard. C'est lui qu'ils sont allés voir. Ils ont court-circuité le ministre. Ils sont allés lui dire: Écoutez bien, là, on va arrêter notre position de principe, on va la «flusher», on va oublier nos principes, on va oublier notre objection, on va oublier le fait qu'on insistait pour que ce soit entendu d'une manière concomitante avec la loi d'application si vous nous donnez la vraie chose qu'on veut, c'est que vous enleviez la commission d'appel sur les lésions professionnelles du Tribunal administratif du Québec. «Chi-ching»! Chose faite. 10 juin 1996, deux petites lettres: une de la part du Conseil du patronat du Québec, signée par son président sortant, Ghislain Dufour, et une autre signée par le président...

M. Boulerice: Vous applaudissez, vous aussi, à sa sortie?

M. Mulcair: Oui, monsieur, j'applaudis aussi à sa sortie.

M. Boulerice: Enfin, nous sommes unanimes.

M. Mulcair: On peut passer une motion si vous voulez. Et une autre signée par Clément Godbout, le président de la FTQ...

M. Boulerice: Lui, il ne sort pas.

M. Mulcair: ...disant: On accepte le «deal». On accepte le «deal»... Non, Joseph Facal sera trop malheureux!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: On accepte le «deal», il n'y a pas de problème. Retire-moi la CALP de cette affaire-là, puis on va signer «on the dotted line». Pauvre ministre! Il se réveille puis il dit: Oui, mais, j'ai l'air un peu fou, pendant trois semaines, au mois de février, j'ai dit que ça n'avait pas de sens de faire la réforme puis que je ne pouvais pas faire ça. Le «dealer» a rencontré le «wheeler-dealer», puis le «deal» a été fait, puis il est fait. Parce que, M. le Président, ce qu'on va voir aujourd'hui, quand on va examiner le projet de loi, c'est que le ministre avait raison, au mois de février, quand il a dit qu'il y avait un gros problème avec le fait d'enlever la CALP. C'est en train complètement de dénaturer le sens du projet de loi, et, évidemment, la modification éventuelle que le ministre proposera là-dessus serait inadmissible et inacceptable.

Le ministre, avec son petit sourire narquois, est en train, sans doute, de nous dire qu'il a déjà pensé à ça, et peut-être, si le ministre est vraiment prêt à le faire, pourquoi est-ce qu'on n'appelle pas tout de suite l'article? Ou, pour donner suite aux demandes du Conseil du patronat, au «deal» du Conseil du patronat du Québec et de la FTQ avec le premier ministre, appelons l'article tout de suite, puis on va voir s'il présente sa modification pour le retirer.

M. Bégin: Je suis prêt à lui promettre, à lui garantir... Adoptons les autres projets, on va se rendre là et on va le proposer, l'amendement. Je suis prêt, M. le Président.

M. Mulcair: Oui. Puis...

M. Bégin: Mais, tout de suite, là, je suis prêt. Adoptons les articles, et je vous promets que, d'ici la fin de la journée, on va être rendu là, et on va l'adopter. Puis, ici, on a quelques témoins, là. Alors, on est en public, il y a des notes qui enregistrent. Je suis prêt, vous allez avoir l'amendement. L'amendement est préparé. Vous allez voir. Mais, là, allons de l'avant.

M. Mulcair: Mais je pense que le sourire narquois du ministre, M. le Président, vient du fait qu'il sait aussi bien que nous qu'un tel amendement va à l'encontre du principe du projet de loi. Il va être jugé irrecevable.

M. Bégin: Alors, si je le propose tout de suite, est-ce que vous me garantissez que vous allez faire adopter les autres articles?

M. Mulcair: Non, non, mais je vous garantis...

M. Bégin: Ah! Ah!

M. Mulcair: ...que si vous présentez...

M. Bégin: Ah! Ah! Ah!

M. Mulcair: ...celui-là, votre modification, je vais voter pour, juste pour voir si vous êtes prêt à le faire.

M. Bégin: Bien, je vais vous l'apporter.

M. Mulcair: Tout de suite?

M. Bégin: Êtes-vous prêt à me...

M. Mulcair: Tout de suite? Absolument, je vais voter pour.

M. Bégin: Vous me garantissez les autres articles?

M. Mulcair: Non, jamais de la vie.

M. Bégin: Ah! oui, oui, oui.

M. Mulcair: Alors, vous voyez, M. le Président, contrairement au ministre, moi, je ne donne pas ma parole quand je ne suis pas capable de la respecter, puis, moi, j'ai l'intention de respecter ma parole. Moi, j'ai une parole, contrairement au ministre.

M. Boulerice: Si je ne gagne pas, je ne joue pas. Ça, ce n'est pas «fair».

M. Mulcair: Non, mais c'est comme les séparatistes qui perdent deux référendums de suite, qui disent: Ça ne compte pas, mais, quand on va avoir gagné, là ça va compter, par exemple.

Une voix: On ne donne pas de chèque en blanc.

M. Dion: Ils suivent l'exemple de Terre-Neuve.

M. Mulcair: C'est vrai que c'est «newfie» pas mal, votre affaire. Vous avez bien raison de le dire comme ça.

M. Bégin: M. le Président, j'ai été invité par le député de l'opposition à préparer un amendement. Alors, à l'article 16, j'aurais cette modification à faire: Remplacer, dans la première ligne de l'article 16, le chiffre «cinq» par le chiffre «quatre».

M. Landry (Bonaventure): M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Bonaventure, un instant, là, le ministre a la parole.

M. Bégin: À l'article 16, remplacer, dans la première ligne de l'article 16, le chiffre 5 par le chiffre 4. Ah! ça, c'est comme apéritif, si vous me permettez.

M. Landry (Bonaventure): Monsieur...

Le Président (M. Paquin): M. le député de Bonaventure...

M. Bégin: Supprimer la troisième ligne de cet article, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que c'est une question de règlement, M. le député de Bonaventure?

M. Bégin: Supprimer la troisième ligne...

Le Président (M. Paquin): Je m'excuse, M. le ministre, mais, sur une question de règlement, le député de Bonaventure.

M. Mulcair: L'évaluation foncière saute?

M. Bégin: Non.

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît!

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, je pense que, avec tout le respect que je lui dois, mon collègue de hockey et député de Chomedey a eu des propos «malobligeants» envers nos concitoyens de Terre-Neuve, et, en ce sens-là, je lui demanderais de retirer ses propos.

M. Mulcair: M. le Président, si le fait de comparer les Terre-Neuviens à des péquistes est désobligeant à leur égard, je retire mes paroles.

M. Boulerice: Vous avez employé «newfie», et tout le monde sait qu'il a une connotation péjorative.

Le Président (M. Paquin): Alors, toutes ces remarques ayant été faites et chacun ayant déjà piaffé d'impatience à l'égard de l'article 16, je recommande...

M. Bégin: M. le Président, j'attends une réponse du député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, mais de consentement, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Oui, effectivement. Un instant...

M. Bégin: Écoutez, M. le Président, il dit...

Le Président (M. Paquin): Un instant! Je sais que tout le monde piaffe d'impatience, et je sais que le ministre a adressé une question au député.

M. Bégin: Alors, on va adopter les articles de 1 à 15 tout de suite, M. le Président, puis on va adopter l'article 16.

Le Président (M. Paquin): Je sais toutes ces choses. C'est pourquoi je m'apprête à donner la parole au député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, de consentement, je suis prêt à entendre le reste de la modification que le ministre était en train de nous lire à l'article 16 de la loi. Je piaffe, effectivement, d'envie de savoir ce qu'il y a là-dedans.

M. Bégin: Alors, vous en avez assez, là, hein? Alors, les articles 1 à 15, M. le Président, puis on arrive à l'article 16 tout de suite. On adopte ça.

M. Mulcair: Qu'est-ce qui est écrit?

M. Bégin: On le vote même avant le dîner.

M. Mulcair: Qu'est-ce qu'il dit, votre amendement? Lisez-le.

M. Bégin: Remplacer, dans la première ligne de l'article 16, le chiffre «cinq» par le chiffre «quatre».

M. Mulcair: Oui.

M. Bégin: Alors, voilà. Vous en avez assez, le reste...

M. Mulcair: Mais le reste, c'est quoi?

M. Bégin: ...vient.

M. Mulcair: Ah!

M. Bégin: Livrez votre produit.

M. Mulcair: Mais, en vertu de l'article 214, il peut peut-être déposer le document, M. le Président.

M. Bégin: Alors, allons-y. Vous êtes prêt à adopter les articles 1 à 15?

M. Mulcair: Bien non, parce qu'il va faire sauter l'évaluation foncière...

M. Bégin: Non, non...

M. Mulcair: ...territoire et environnement?

M. Bégin: ...il va monter...

M. Mulcair: C'est quoi qui va sauter?

M. Bégin: ...d'une ligne, c'est sûr. Il va monter.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

M. Bégin: On est prêt.

Le Président (M. Paquin): Oui.

M. Mulcair: Lorsqu'un ministre cite, même en partie, un document, tout député peut lui demander de le déposer immédiatement. C'est ce que je fais en vertu de l'article 214 de notre règlement.

M. Bégin: Il a posé un défi et il n'est pas capable de respecter sa part de défi. C'est rare, ça. D'habitude, on appelle ça un «chicken» quand quelqu'un lâche, là, comme ça, devant un défi. C'est ça, le mot en anglais?

M. Mulcair: L'article 214, M. le Président.

M. Bégin: «Chicken».

M. Boulerice: C'est pour ça que le l'ai appelé «coco». «Chicken»!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: C'est quand même moins pire que le ministre, qui ne respecte pas sa parole.

M. Mulcair: Voilà.

M. Bégin: Ah non! Moi, tout est là. C'est prêt. Je suis prêt, prêt, prêt. Je suis prêt, moi.

Le Président (M. Paquin): Alors, sur la question...

M. Bégin: Là, il est trop sérieux, lui.

Le Président (M. Paquin): ...de règlement...

M. Boulerice: On est dans l'humour, nous autres.

Le Président (M. Paquin): ...quand il s'agit d'un document de travail, il y a une jurisprudence. Il y a une décision du 27 janvier 1987, Jean-Guy Lemieux, président: «Lors de l'étude détaillée d'un projet de loi, le député de l'opposition officielle désire obtenir le cahier de notes personnelles du ministre préparé par le ministère. Est-ce qu'un ministre peut être contraint – question un peu plus large – en vertu de 214 du règlement, de déposer un document préparé par le ministère auquel il se réfère, donc, un document de travail? Le président ne peut obliger un ministre ou un député à déposer un document préparé par un ministère. Le président n'a aucune autorité pour demander la production d'un document qui peut être considéré comme étant des notes personnelles.»

M. Mulcair: Oui. M. le Président, on est loin de notes personnelles.

Le Président (M. Paquin): Alors, compte tenu que c'est assimilable...

M. Bégin: M. le Président...

M. Mulcair: M. le Président, sur la question de règlement, s'il vous plaît.

Le Président (M. Paquin): Je vous en prie.

M. Bégin: M. le Président, je vais donner droit à la demande.

Le Président (M. Paquin): Non, mais, s'il vous plaît...

M. Bégin: Non, je vais donner droit à la demande.

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît, j'ai donné la parole au député de Chomedey.

M. Bégin: Ah, je m'excuse.

M. Mulcair: Si le ministre est prêt à donner droit à la demande, ça évacue notre discussion.

M. Bégin: M. le Président, avec la permission de cette Assemblée, je propose qu'on passe à l'article 16 et qu'on adopte cet amendement tout de suite.

Le Président (M. Paquin): Bon. Alors, ça...

M. Bégin: Alors, après ça, on adoptera les articles pour se rendre jusqu'à l'article 16.

Le Président (M. Paquin): Un instant, pour ce qui est d'aller à l'article 16, ça prend le consentement, effectivement, des membres. Pour ce qui est du dépôt du document, ça ne demande que l'autorisation de la présidence. Or, la réserve de la présidence sur le dépôt de document porte sur le fait que c'est assimilable à des notes personnelles et que, en ce sens, je ne peux contraindre le ministre à les déposer. Alors, je veux bien traiter les deux questions séparément et traiter l'une avant l'autre ou l'autre avant l'une. Alors, si, pour les fins du dépôt de documents, il faut traiter de l'article 16, je veux bien demander s'il y a consentement de cette commission pour traiter immédiatement de l'article 16, en suspendant les autres temporairement.

M. Mulcair: Oui, tout à fait, M. le Président.

M. Bégin: Alors, M. le Président...

Le Président (M. Paquin): Alors, puisqu'il y a consentement, la question du dépôt de documents se pose. M. le ministre.

M. Bégin: Le document, c'est l'amendement, M. le Président. C'est le seul document.

Le Président (M. Paquin): Alors, d'accord.

M. Bégin: Alors, je dépose l'amendement à l'article 16 du projet de loi.

Le Président (M. Paquin): Alors, l'amendement à 16. On ne l'a pas.

(Consultation)

M. Bégin: ...que nous allons vous remettre. Ah! le voici. Voilà, M. le Président.


Le Tribunal administratif du Québec


Institution

Le Président (M. Paquin): Alors, je vais en donner lecture et, si je le reçois, je le ferai photocopier. L'amendement à l'article 16:

1° Remplacer, dans la première ligne de l'article 16, le chiffre «cinq» par le chiffre «quatre»;

2° Supprimer la troisième ligne de cet article;

3° Remplacer, dans la quatrième ligne de cet article, les mots «d'évaluation foncière» par les mots «des affaires immobilières».

M. Mulcair: Ça, c'est la troisième ligne. C'est ça qu'ils sont en train d'éclaircir. Ça, c'est la troisième ligne.

(12 h 40)

M. Bégin: La troisième ligne, c'est la section des lésions professionnelles. Alors, M. le Président, est-ce que je peux...

Le Président (M. Paquin): Un instant, s'il vous plaît.

(Consultation)

Le Président (M. Paquin): Alors, ça va, on peut discuter de l'amendement. On va le faire photocopier.

M. Bégin: Alors, M. le Président, c'est très bref comme commentaire. Cette modification-là vise à supprimer la section des lésions professionnelles étant donné que les recours qu'elle aurait été chargée d'entendre demeureront de la compétence de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles; et cette modification tient compte des commentaires recueillis lors des consultations et vise également à remplacer le nom de la section de l'évaluation foncière de manière à le rendre plus conforme à la nature des recours sur lesquels elle est chargée de statuer. Alors, voilà, M. le Président.

M. Mulcair: On peut appeler l'article, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Bon. Alors, est-ce que des députés veulent s'exprimer sur cet article?

Une voix: Non.

Le Président (M. Paquin): Alors, est-ce que l'article est adopté?

M. Bégin: Adopté.

Une voix: L'amendement.

Le Président (M. Paquin): Je m'excuse, est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Paquin): Adopté. Est-ce que l'article, tel qu'amendé, est adopté?

M. Bégin: Adopté.

Le Président (M. Paquin): Alors, c'est adopté.

M. Bégin: Alors, M. le Président, je considère donc que, maintenant, on est en mesure d'adopter régulièrement les articles 1 à 12 tels que proposés étant donné que le député de Chomedey nous a invités à faire cet amendement-là pour bien voir qu'on était prêt à avancer. Alors, j'ai livré la partie de mon projet, j'attends de lui et de ses collègues la même collaboration.

Le Président (M. Paquin): Si je comprends bien, on ne continue pas là où on est rendu, vous voulez qu'on revienne...

M. Bégin: Non, on revient...

Le Président (M. Paquin): ...aux articles suspendus.

M. Bégin: ...à l'article 1. C'est ça, M. le Président.


Dispositions préliminaires (suite)

Le Président (M. Paquin): Alors, revenons à l'article 1. Nous avons déjà entendu le ministre, et le député de Chomedey avait commencé son intervention. Une succession de points de règlement nous ont amenés à aller disposer de l'article 16, et, donc, je redonne le droit de parole au député de Chomedey où il en était rendu dans son temps, et il lui reste huit minutes.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, je reprends la lecture de la lettre d'il y a quelques minutes, du Barreau du Québec, lettre adressée à l'honorable Lucien Bouchard et qui dit:

«En outre, l'annonce, ces jours derniers, du retrait de la CALP – ce qu'on vient de faire, M. le Président, en adoptant l'article 16 – de l'application de la Loi sur la justice administrative fait craindre le caractère improvisé que semble revêtir l'adoption de la réforme en cette fin de session.

«Tant les amendements au projet de loi déposés à la commission des institutions le jour de l'ouverture du congrès, soit le 30 mai dernier, que la loi d'application nécessitent une étude et une réflexion poussées. Le Barreau ne s'oppose pas à la réforme, il demande réflexion.

«Les amendements. Les nouveaux articles 1 à 12 du projet de loi représentent le coeur même de la réforme en établissant ou diminuant les garanties procédurales auxquelles les justiciables peuvent s'attendre selon qu'ils sont l'objet d'une décision juridictionnelle ou simplement administrative de l'État. La loi d'application nous indique que l'on irait même jusqu'à modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin d'éviter que soit contestée la validité des décisions dites administratives sur la base du non-respect des garanties procédurales.

«Les amendements créant de nouveaux concepts, autorité décentralisée – est-ce une décentralisation territoriale? fonctionnelle? – et instaurant des nouveaux régimes. La conciliation, c'est bien, mais on peut s'interroger si les membres du personnel parmi lesquels seront choisis les conciliateurs ont la formation et la compétence pour devenir conciliateurs; en outre, la lecture des articles 95 et 100, troisième paragraphe, semble annoncer un nouveau régime relatif aux droits, honoraires, dépens et autres frais afférents, lesquels deviendraient une source de financement du Tribunal administratif du Québec; qu'en est-il? Bon nombre de ces amendements méritent réflexion, échanges et discussions avec le ministère de la Justice avant que soit entreprise l'étude détaillée. Or, de toute évidence, le temps manque d'ici le 21 juin 1996.

«La loi d'application. La portée exacte de la réforme de la justice administrative ne saurait être évaluée de façon adéquate sans une étude approfondie de la loi d'application, notamment au plan de l'étendue de la juridiction du Tribunal administratif du Québec et, par conséquent, de l'importance de reconsidérer la nécessité d'un droit d'appel. Nous l'avions d'ailleurs évoqué clairement dans notre mémoire de février 1996. Votre ministre de la Justice avait également reconnu la nécessaire interrelation qui doit exister entre la loi d'application et le projet de loi n° 130 en s'engageant, en février dernier auprès de la bâtonnière Jocelyne Olivier, à ce qu'un projet de loi d'application soit déposé à l'Assemblée nationale en mars 1996, ce qui ne fut pas fait.»

M. le Président, il ne faut vraiment pas perdre de vue que, jusqu'à la dernière seconde, le ministre tente toujours de s'esquiver de son engagement formel, parce que, il y a quelques minutes à peine, le ministre a tenté de dire que ce n'était pas tout à fait ça qu'il avait dit. Il a tenté de dire que, au contraire, il avait dit que ça ne serait pas prêt avant la fin du mois de mars et qu'il l'avait juste promis pour le mois d'avril. Or, force nous est de constater que le ministre ne sait pas lire. Il a une mémoire défaillante, parce que c'est écrit noir sur blanc, ce qu'il a dit en fait, et il ne se souvient pas de l'avoir dit.

Le 13 février 1996, Paul Bégin, le ministre de la Justice du Québec, a dit ceci devant cette commission des institutions de l'Assemblée nationale: «J'ai dit, dans mes notes préliminaires, que ce serait au plus tard à la fin mars que le projet de loi d'application serait déposé.» Ça ne saurait être plus clair, mais je pense que les collègues du ministre de la Justice doivent commencer à être un peu gênés. Nous, on a passé ce stade-là il y a un an et demi, M. le Président, lorsqu'on a vu le ministre de la Justice capable de vraiment dire n'importe quoi. Dès le mois d'octobre, novembre 1994, le ministre de la Justice, il n'y avait rien qu'il ne disait pas sur ces projets de loi là, puis, chaque fois qu'on vérifiait, on se rendait compte qu'il avait vraiment le don de dire ce qu'il pensait qu'il fallait dire pour enlever de la chaleur. Ici, aujourd'hui même devant cette même commission, il vient, il y a quelques minutes à peine, de tenter de nous passer un autre sapin en nous disant: Ce que j'avais, en fait, dit, c'est que ça ne serait pas avant la fin mars, et, donc, je voulais dire avril. C'est fabuleux, ça, avoir le don d'escamoter la vérité comme ça. Ce qu'il a dit, en fait, et je le cite mot à mot, c'est: Ce sera au plus tard à la fin mars. Mot à mot, textuellement.

Et je reprends la lettre du Barreau du Québec, M. le Président – et ça, c'est crucial, parce que le ministre de la Justice tente de nous sortir cet exemple et cette comparaison à chaque fois, et le Barreau le remplit de plomb, son argument: «Contrairement au Code civil du Québec, qui pouvait être adopté indépendamment de sa loi d'application puisqu'il contenait toutes les règles de droit substantif, le projet de loi n° 130 n'est pas complet en lui-même; une lecture du document de travail "Projet de loi d'application", également déposé en commission le 30 mai dernier, nous révèle l'existence de plusieurs règles de fond, tels: l'article 576, qui modifie les pouvoirs du Tribunal administratif par rapport à ce que nous laisse pourtant croire l'article 14 du projet de loi n° 130».

(12 h 50)

Regardez bien la rédaction, le libellé, la phraséologie utilisés par le Barreau du Québec. Ils sont en train de condamner la manière de procéder du ministre de la Justice du Québec. Ça «modifie les pouvoirs du Tribunal administratif par rapport à ce que nous laisse pourtant croire...» C'est vraiment la crédibilité de ce ministre de la Justice qui est directement visée par cette manière d'écrire du Barreau, M. le Président. «les articles 68 et 69 qui, en modifiant la Loi sur le Barreau – j'achève la fin de la lecture de la lettre, M. le Président, il nous reste une couple de phrases – risquent de changer substantiellement l'exercice de la profession au Québec – et rappelons que c'est le ministre responsable de l'application des lois professionnelles – ou encore l'article 113, qui modifie la Charte des droits et libertés de la personne et, partant, certains droits fondamentaux garantis par elle.

«Ce ne sont là que quelques exemples qui incitent le Barreau du Québec à vous demander instamment de faire en sorte que la réforme de la justice administrative dans son entier soit reportée à l'automne.

«Espérant un accueil favorable à la présente demande, je vous prie d'agréer, M. le premier ministre, l'expression de mes salutations les plus respectueuses.»

Copie conforme: Paul Bégin, Daniel Johnson.

M. le Président, c'est le Barreau du Québec qui vient de rappeler tout ça au ministre. C'est le Barreau du Québec qui a dû rappeler la parole donnée, et, vu que ça ne sert à rien d'écrire au ministre pour lui rappeler la parole donnée qu'il ne respecte pas, on a dû aller directement à son patron, le premier ministre désigné, M. Bouchard.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député de Chomedey. Est-ce qu'un autre membre de cette Assemblée veut prendre la parole sur le même article? M. le...

M. Bégin: Est-ce que j'ai le droit de répondre, M. le Président?

Le Président (M. Paquin): Vous avez un cinq minutes après chaque intervention.

M. Bégin: Merci, M. le Président. J'admire le député de Chomedey qui, après avoir donné sa parole à l'effet que, si on adoptait l'article 16, il serait prêt à adopter l'article 1, et tout ce qu'il trouve à dire, ce sont des injures et des insultes au ministre, comme tel. Je trouve ça tout à fait déplorable qu'une personne qui dit des choses semblables soit le premier à ne pas respecter sa parole. M. le Président...

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre...

M. Bégin: Oui, oui.

Le Président (M. Paquin): ...je considère que le député de Chomedey est toujours resté en deçà des limites qui sont imposées par l'article 35. Et, sur une question de règlement, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Article 212, M. le Président, propos mal compris ou déformés.

Le Président (M. Paquin): D'accord, après l'intervention du député, je vous autoriserai à redresser les faits.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Bégin: Alors, M. le Président, je mentionne que le député de Chomedey m'a demandé d'adopter tout de suite l'article 16 pour vérifier si j'étais vraiment prêt à faire adopter et que ce n'était pas quelque chose de futile, et j'ai demandé au député de voter en faveur des articles 1 à 15 par la suite. On a même parlé de «chicken» et on a parlé de tout ce qu'il y avait à faire, et tout ce que j'entends, c'est des paroles qui visent à laisser entendre qu'on ne respecte pas la nôtre, de ce côté-ci. C'est l'arroseur arrosé, là, ce qui est assez évident dans ce cas-ci.

M. le Président, le projet de loi, dans ses principes, se retrouve aux articles 1 à 12, et je pense qu'il est tout à fait possible – et je dirais même souhaitable – de procéder à l'étude de ces articles-là parce que ça va servir, justement, aux rédacteurs, à ceux qui ont travaillé sur le projet de loi d'application, pour être certains que leurs textes, maintenant, correspondent à ces principes-là qui, s'ils n'étaient pas adoptés, pourraient permettre d'avoir d'autres textes de loi d'application. Et je sens, et je vois déjà à l'avance ce qui nous attend à l'automne, où on nous dira: Mais on ne peut pas adopter la loi d'application parce qu'on ne sait pas ce qu'il y a dans 130.

Bien, on ne sait pas ce qu'il y a dans 130 parce que ça va avoir un effet dans la loi de l'application. Or, on ne l'a pas encore étudiée. Alors, je vois le genre de situation dans laquelle on va nous emmener ou tenter de nous emmener. M. le Président, le Barreau nous indique que la CALP serait quelque chose d'improvisé. Je mentionne que nous avons entendu ici, en cette commission, la FTQ, on a entendu le Conseil du patronat, on a entendu d'autres organismes, la CSD, demander que la CALP ne soit pas incluse comme étant une division du Tribunal administratif. Il y a eu différents commentaires qui ont été faits, et on donne suite à une telle demande. Et on dirait que tout ça est improvisé.

M. le Président, je trouve ça assez particulier comme commentaire parce que c'est justement l'objet des rencontres qui ont eu lieu au printemps qui entraînent 125 modifications, et on serait en face de la 126e. C'est ça que nous faisons, entendre les gens, et on a fait une commission parlementaire exprès pour ça, et nous y donnons suite. Et je pense que nous sommes prêts à l'adopter. Mais j'invite le député de Chomedey à respecter l'engagement qu'il a pris ici tout à l'heure devant tout le monde, d'adopter les articles 1 à 12.

Le Président (M. Paquin): Nous suspendons jusqu'à 15 heures, et je permettrai la fin de l'intervention du ministre, puis la question de l'article 212, et puis le député de l'Acadie, si c'est toujours opportun à ce moment-là.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 24)

Le Président (M. Paquin): La commission reprend ses travaux. Nous étions en train de discuter de l'article 1. M. le ministre était en réplique et il lui restait environ 1 min 30 s à son intervention. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, M. le Président, nous étions à dire que mon collègue avait proposé qu'on adopte l'article 16 du projet de loi – il ne savait pas, à ce moment-là, le numéro, mais il parlait de la CALP – et qu'il serait prêt à adopter rapidement les autres dispositions. En tout cas, moi, ce que j'ai compris très clairement, c'est que comme... vous savez, ces gens qui disent: Tu n'es pas brave de faire telle chose, tu n'es pas capable de faire telle chose, et qui disent: Eh bien, on va voir jusqu'où tu vas aller. Et, tout à coup, le défi se met en place et il y en a un, à un moment donné, qui lâche et qui ne respecte pas le jeu, ce qui, normalement, fait en sorte qu'il y a un affrontement. J'ai vu que le député de Chomedey n'était pas prêt à respecter son engagement de faire adopter rapidement les articles 1 à 15, comme ça avait été convenu. Je comprends qu'il n'était pas sérieux lorsqu'il a proposé cette chose-là, il pensait que le ministre de la Justice se comporterait comme lui, mais le ministre de la Justice a proposé l'amendement parce qu'il avait annoncé clairement que c'est ça qu'il ferait, qu'il avait préparé son texte, et il l'a déposé et nous l'avons adopté.

Je demanderais à l'opposition de respecter cet engagement, parce que, vous vous rappellerez, M. le Président, il avait déclaré qu'il était favorable au projet de loi. Deuxièmement, il avait déclaré également qu'il était assez d'accord avec la position de la FTQ. Je rappelle que le 8 février 1996 – à la page 70 – il a dit ceci: «En tout cas, pour ma part, je peux juste vous dire très sincèrement que, comme le ministre l'a dit tantôt, quand on aborde une commission comme celle-là, il faut avoir l'esprit ouvert, il faut écouter pour essayer de comprendre. Mais j'ai vraiment trouvé votre argumentation extrêmement persuasive, et ça a enlevé tout doute dans mon esprit sur le bien-fondé de l'approche que vous préconisez, qui est la même que celle du Conseil du patronat. J'entends faire tout ce qui est dans mon pouvoir pour m'assurer que le ministre donne suite à son engagement.» M. le Président, j'entendais ce matin que j'avais viré, que j'avais subi de la pression indue, que mon premier ministre m'avait forcé à faire un tel entendement. Je ne comprends plus trop, trop. Il faut écouter les gens; si on les écoute, on a cédé aux pressions, si on ne les écoute pas, on est têtu. Il est assez difficile de comprendre sur quel pied se comporte le député de Chomedey.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre, le temps prévu pour votre réplique est terminé.

M. Bégin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Je ne peux pas vous donner du temps sur votre 20 minutes parce que j'avais déjà reconnu quelqu'un à la suite de l'intervention du député de Chomedey. D'autre part, j'ai eu une question de règlement du député de Chomedey...

M. Bégin: Oui.

Le Président (M. Paquin): ...en vertu de 212. Est-ce que vous désirez toujours vous en prévaloir?

M. Mulcair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Auquel cas je voudrais vous rappeler que l'article 212 prévoit que ce sont de brèves explications, immédiatement après l'intervention; donc, maintenant, aucun élément nouveau ne doit être apporté, ni susciter de débat.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens juste à rectifier les faits. Le pauvre ministre a malheureusement compris quelque chose que je n'ai pas dit. Ce que je lui ai dit, c'est qu'effectivement, pour donner suite à ce que j'avais dit – et il vient de le citer – je désirais qu'on adopte ensemble – et c'était mon seul engagement – l'article 16. Quand il m'a demandé pour les articles 1 à 12, il a dit: Alors, à ce moment-là, si je comprends bien, vous êtes prêt à faire ça? Et le mot à mot de ce que je lui ai dit, M. le Président, c'était: Il n'en est pas question. Si, avec une réponse comme ça, «il n'en est pas question», le ministre est capable d'inventer une réponse contraire, je ne peux rien pour lui. Mais, en terminant là-dessus, M. le Président, je dois juste dire que, même si ça avait été le cas, auquel cas il aurait raison de se plaindre, mais ce n'est pas vrai, mais, même si ça avait été le cas, depuis quand est-ce que deux torts donnent raison? Since when do two wrongs make a right? Le ministre s'est fait poigner les culottes baissées en mentant au Barreau et c'est pour ça qu'il essaie de se débattre comme un diable dans l'eau bénite depuis...

M. Bégin: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Paquin): Oui.

M. Bégin: Je pense que, là, on dépasse les bornes.

Le Président (M. Paquin): Oui, effectivement, le mot...

M. Bégin: Alors, je demande au député de retirer ses paroles parce que c'est tout à fait inacceptable. Je ne parle même pas d'«antiparlementaire». C'est tout à fait inacceptable.

Le Président (M. Paquin): Alors, je crois qu'on réfère au mot «mentant».

M. Bégin: Exact.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Oui, effectivement, le ministre s'est fait prendre les culottes baissées, en train de dire le contraire de la vérité au Barreau.

M. Bégin: D'accord, aussi inacceptable.

M. Mulcair: C'est la partie avec les culottes baissées qui le dérange?

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey, je suis certain que vous pouvez trouver une formulation qui reflète votre pensée et qui est plus convenable au décorum de cette Assemblée.

M. Mulcair: Le ministre s'est fait prendre in flagrante delitto en train de raconter des bobards au Barreau.

Le Président (M. Paquin): Alors, la parole est maintenant au député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais intervenir aussi, au moment où on commence l'étude de l'article 1, pour quand même signaler certains faits.

D'abord, le ministre faisait référence, juste d'entrée de jeu, au fait que le député de Chomedey ne respecterait pas ses engagements. Je pense que j'étais ici, ce matin, quand on a eu la discussion, et l'engagement qui a été pris de façon très claire, c'était de dire: Votons l'article 16 et ensuite on commencera à l'article 1. Et le ministre, explicitement, a dit: Dans ce cas-là, vous êtes prêts à adopter les articles 1 à 15? Ce à quoi, évidemment, l'opposition a dit: Il n'est pas question qu'on donne un chèque en blanc; on va commencer l'article 1. Alors, on en est rendus à l'article 1; je pense qu'on respecte notre engagement.

(15 h 30)

C'est curieux, M. le Président, comment le ministre comprend ce qu'il veut. Il a une capacité d'être très sélectif dans les propos qui lui sont présentés, que ce soit de l'opposition ou des gens qui sont venus faire des représentations ici, devant nous. Alors, il est très, très sélectif dans ce qu'il retient. Parfois même, ça va plus loin, il y a jusqu'à une certaine déformation de ce qui est présenté, qui nous est ensuite rapporté par le ministre. Et je fais référence depuis quelques... Je pense que c'est depuis une couple de jours, là, que le ministre profite de toutes les occasions qui lui sont fournies en Chambre pour mettre en évidence la manchette du Journal du Barreau , où on dit que le Barreau – bon, je n'ai pas les termes exacts – salue la réforme. Mais le ministre oublie exactement ce que le Barreau est venu dire ici deux jours avant, qu'il s'objectait au projet de loi, et aussi ce que le Barreau dit, dans la lettre que mon collègue le député de Chomedey a lue ce matin. Alors, le ministre se rabat sur cette coupure de journal. Le député de Mont-Royal, il y a quelques jours, a fait une démonstration très claire que le titre, comme tel, ne correspondait pas au contenu des représentations qui avaient été faites par le Barreau devant la commission, ce qui est confirmé encore par la lettre qu'on a déposée, qui est datée du 14 juin. Alors, je pense que le ministre est assez sérieux pour savoir que la manchette ne correspond pas au message du Barreau, et, malgré ça, il l'utilise abondamment pour laisser croire que le Barreau supporte la démarche. Alors, je pense que, ça, il faut que ce soit très clair.

Ce matin aussi, avant qu'on se quitte, le ministre utilisait le terme «injure» ou «insulte» à l'endroit de ce que le député de Chomedey mentionnait. Essentiellement, ce que le député de Chomedey a fait ce matin, c'est qu'il a lu la lettre du Barreau. Est-ce qu'on doit comprendre que le ministre considère ce que le Barreau dit comme étant des insultes et des injures? Je ne sais pas si c'est à ça qu'il fait référence, mais je pense que le Barreau a le droit de présenter ses opinions. Et, s'ils ne sont pas d'accord avec le ministre, ils ont l'obligation et la responsabilité de le dire, et on doit respecter essentiellement leur point de vue là-dessus.

Alors, pour revenir... Tout à l'heure, je faisais référence, avant de passer au contenu comme tel du projet de loi, au fait que le ministre, à plusieurs reprises en Chambre a utilisé la manchette du Journal du Barreau . Est-ce que le ministre va également faire part du contenu de la lettre que le Barreau a envoyée ce matin au moment où il sera questionné en Chambre, la semaine prochaine? Je pense qu'il serait intéressant qu'il donne une aussi grande visibilité parce que c'est quand même une lettre... Ce n'est pas juste une manchette, c'est une lettre de trois pages et il y a beaucoup d'information là-dedans. Moi, j'apprécierais beaucoup que le ministre utilise et donne autant de visibilité à la lettre qu'ils lui ont fait parvenir ce matin. D'ailleurs, je pense que le Barreau en serait ravi, parce qu'il y a eu plus de travail à préparer leur position et à préparer cette lettre-là qu'à écrire le titre qui était dans le journal, le dernier Journal du Barreau . Alors, on verra, la semaine prochaine, si le ministre va autant s'empresser d'utiliser la lettre du 14 juin au moment où il pourra être questionné sur le sujet par mon collègue le député de Chomedey.

Sur la question... Le premier article – je lisais le premier article du projet de loi – on parle: «La présente loi a pour objet d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité aux citoyens.» Je pense qu'on fait référence à la qualité. Ça mérite sûrement qu'on s'y arrête et qu'on revienne un peu sur les commentaires qui ont été faits, parce que l'ensemble des commentaires, c'est exactement ça qui va faire qu'on va avoir un projet de loi qui va être de qualité ou qui va être de moins grande qualité.

Depuis le début de nos discussions sur le projet de loi n° 130, on a eu l'occasion à plusieurs reprises de rappeler l'engagement que le ministre avait pris. Et, là, ce n'est pas de l'interprétation; c'est dans le Journal des débats . Le ministre avait pris un engagement très ferme de tenir une commission parlementaire. Mme Olivier lui demandait à ce moment-là: «Est-ce qu'on pourrait demander aux membres de la commission de nous donner un délai suffisamment important pour nous permettre d'analyser sérieusement – quand on parle de qualité, on parle de sérieux aussi – ce projet de loi qui devrait, nous dit-on, contenir de 400 à 500 articles?» «Certainement. Mais le délai... J'ai mentionné, à l'ouverture – ça, c'est le ministre qui répond – dans mes notes préliminaires, que ce sera au plus tard à la fin mars que le projet de loi sera déposé.» Alors, à ce niveau-là, le ministre, pour toutes sortes de raisons, bonnes ou moins bonnes, n'a pas respecté son engagement.

Une voix: Exact.

M. Bordeleau: On le voit très bien parce que le projet de loi a été déposé juste avant, je pense, l'échéance du mois de mai. Donc, effectivement, quand on regarde ça d'une façon objective, ce n'est pas vrai que le ministre a déposé, conformément à son engagement, au plus tard à la fin mars, le projet de loi. C'est le premier point.

Deuxième point, quand on poursuit la réponse du ministre: «À quel moment la commission parlementaire pourra siéger? au mois de mai ou juin, je ne peux pas vous répondre à l'avance, mais il est évident que le texte sera, au moins un mois et demi ou deux mois avant, disponible et connu.» Alors, le deuxième engagement qui n'est pas respecté, c'est qu'il n'y a pas de commission parlementaire qui a siégé en mai et juin et, de toute évidence, ne siégera pas en juin, selon ce que semble vouloir... selon la position que semble vouloir prendre le ministre. Alors, c'est un deuxième défaut d'engagement, là, qui n'est pas respecté. Ce n'est pas moi qui les prends, ces engagements-là, c'est le ministre qui les a pris en toute bonne foi au moment où les gens venaient ici dans un climat positif, constructif, collaborer à présenter leur point de vue.

Le troisième élément qu'on peut relever au niveau de son manque d'engagement: «mais il est évident que le texte sera, au moins un mois et demi ou deux mois avant, disponible et connu», ce qui n'a pas été le cas encore, M. le Président.

Alors, sur trois des éléments de l'engagement que le ministre a pris, on s'aperçoit, d'une façon très claire, qu'il n'y a pas eu de respect de l'engagement. Le ministre pourra interpréter comme il le voudra, en disant: Oui, mais, une commission parlementaire, on va la faire plus tard, je me suis engagé à ça. Ce n'est pas ça que le Barreau a compris, et probablement que... Là, je me réfère au Barreau parce qu'on a la lettre qu'ils nous ont fait parvenir ce matin, mais il y a d'autres organismes qui sont venus aussi faire des représentations. Et, quand je dis que ce n'est pas ça que le Barreau a compris, je réfère à la page 2 de la lettre du 14 juin, et je cite. D'ailleurs, c'est un petit peu ironique, mais il faut se demander pourquoi le Barreau a envoyé la lettre au premier ministre et non pas au ministre de la Justice pour lui rappeler ses engagements. Je pense que, là, on est peut-être rendus au point où le Barreau n'a plus tellement confiance au ministre de la Justice, puisqu'il se sent obligé d'aller directement au gouvernement, parce qu'ils ont probablement l'impression – là, j'interprète – le Barreau a probablement l'impression que le ministre ne respecte pas ses engagements. Donc, ils se sentent le besoin d'aller directement au premier ministre et de faire parvenir copie, tout simplement copie...

M. Mulcair: À la commission.

M. Bordeleau: ...à la commission et au ministre lui-même. Alors, de cette façon-là, bien, ils se disent: Au moins, ça ne restera pas sous la couverte et ça ne sera pas interprété de toutes sortes de façons, le premier ministre va en avoir une copie et la commission en aura copie.

Alors, je réfère à la page 2 de cette lettre-là, où on dit: «Votre ministre de la Justice – dans la lettre qui est adressée au premier ministre – avait également reconnu la nécessaire interrelation qui doit exister entre la loi d'application et le projet de loi n° 130 en s'engageant, en février dernier auprès de la bâtonnière Jocelyne Olivier, à ce qu'un projet de loi d'application soit déposé à l'Assemblée nationale en mars 1996, ce qui ne fut pas fait.» Alors, ce n'est pas vrai que les engagements que le ministre a pris à ce moment-là ont bien été compris, dans le sens où on le décrit, nous, actuellement, au niveau de l'opposition, par le Barreau, et c'est probablement vrai pour les autres groupes qui sont venus faire des représentations.

(15 h 40)

Maintenant, on a un projet de loi qui est un projet de loi important. Je pense qu'on se retrouve devant une situation où il y avait deux options. Suite à des demandes pressantes de l'opposition, on a entendu, la semaine dernière, je pense, un certain nombre de groupes qui sont venus réagir à la dernière minute, sans avoir eu le temps d'approfondir tout l'ensemble du document, un peu au projet de loi, au dépôt de la loi d'application et aux amendements. Alors, si on s'était retrouvés, M. le Président, dans une situation où tous les gens qui sont venus nous avaient dit: Écoutez, il n'y a pas de problème, on a tout lu ça, ça répond entièrement à nos questions, allez-y, je pense que l'opposition officielle – mon collègue de Chomedey pourrait sûrement le confirmer – aurait probablement dit: Bon, dans ce cas-là, si c'est clair et ça répond partout, O.K., on va enclencher. Mais ce n'est pas ça qui est arrivé. C'est que les gens qui sont venus nous ont à peu près tous dit – je pense, à une exception – qu'il n'y avait rien qui justifiait qu'on agisse d'une façon hâtive dans un projet de loi de cette importance. Je pense, entre autres, aux remarques qu'avait faites Me Gilles Pépin, qui était venu avec l'autre responsable du Barreau, et qui faisait un parallèle entre le Tribunal administratif et la Cour du Québec. Il disait que c'était aussi important, ce qu'on était en train de faire comme institution, que pouvait l'être la Cour du Québec. Alors, ça, c'est Me Pépin qui mentionnait ça.

Alors, c'est effectivement un projet de loi important qui va avoir un impact dans la vie de nombreux concitoyens. Si on a été capable, au niveau du gouvernement, quand on touche à un sujet aussi important que l'équité salariale, de prendre la décision qu'on pouvait retarder ça – le gouvernement a changé son échéancier là-dessus, a retardé à la fin de l'année 1996 pour tenir d'autres consultations – pourquoi on ne peut pas faire la même chose, M. le Président, avec les tribunaux administratifs? Si on le fait pour l'équité salariale, un sujet très important, on doit être capable de le faire au niveau de la loi sur les tribunaux administratifs, et pas seulement pour répondre à la demande de l'opposition officielle, mais aussi pour répondre à la demande des principaux intervenants qu'on a invités la semaine dernière et qui sont venus nous dire de façon très claire... Je pense au Protecteur du citoyen, qui ne comprenait pas l'urgence d'adopter la loi 130 avant juin. Essentiellement, c'est à peu près ce qu'il nous a mentionné. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse nous disait, je m'en souviens très bien, qu'elle avait besoin d'un délai supplémentaire pour vérifier tous les impacts que les modifications pouvaient avoir dans les différentes lois.

On sait que le projet de loi n° 130, quand même, est complexe: 198 articles dans le projet de loi, à peu près 120 articles au niveau des amendements... 120 amendements, c'est-à-dire, et un projet de loi d'application qui compte au-delà de 640 articles. Donc, c'est complexe. On touche d'une façon importante, disons, en ayant des ramifications dans toute une série de lois... Le Barreau, je pense, fait référence, dans sa lettre, à 75 lois. Alors, on n'improvise pas... Si on veut agir de façon sérieuse, on n'improvise pas des changements, comme ça, en toute hâte. Vous savez, on fait une réforme qui va durer des années, des dizaines d'années. Alors, qu'est-ce qui est si urgent pour le gouvernement de bâcler le travail, alors qu'on voit très bien que quand ça concerne, par exemple, le problème de l'équité salariale, qui est un autre sujet important, le gouvernement est prêt à reculer, à consulter? On était prêts à le faire à ce niveau-là? Alors, je pense que c'est aussi valable de le faire là.

Au niveau de la lettre du Barreau... Je faisais référence tout à l'heure à la position que vous avez exprimée à la Commission des droits de la personne, qui demande un report à l'automne; la même chose pour le Protecteur du citoyen, qui dit qu'il ne voit pas de justification à ce que ce soit absolument voté et tout terminé avant le 21 juin. Le Barreau nous l'a dit aussi quand ils sont venus. Ils demandaient de façon très explicite – et, ça, je pense que le ministre ne peut pas dire le contraire de ça, c'est ce qu'ils ont dit; on pourrait retourner aux galées et on verrait – le report à l'automne. Et, dans la lettre qu'ils nous font parvenir ce matin – parce qu'ils ne prennent pas de chance, le Barreau, ils connaissent le ministre – donc, ils le disent ici, ils l'écrivent à l'extérieur, et puis ils écrivent même au premier ministre pour s'assurer peut-être que le ministre va respecter sa parole... Je pense qu'après deux ans ils commencent à connaître relativement bien le ministre, effectivement. Alors, là...

Une voix: Nous aussi.

M. Bordeleau: ...effectivement, ils ont envoyé la lettre au premier ministre et ils nous disent dedans – je vais la lire parce que c'est très clair – «Bien que nous attendions une réforme de la justice administrative depuis au-delà de 20 ans...» Alors, là-dessus, on est complètement d'accord. C'est vrai que c'est le temps de faire une réforme des tribunaux administratifs et que c'est quelque chose qui est attendu. Mais avoir un objectif comme ça, qui est attendu depuis tant d'années, ça ne veut pas dire de bâcler le travail, ça veut dire de prendre le temps de le faire comme il faut, surtout si on regarde l'importance que ça va avoir dans les décennies qui viennent.

Alors: «Bien que nous attendions une réforme de la justice administrative depuis au-delà de 20 ans, celle-ci s'avère d'une ampleur sans précédent, qui nécessite un examen approfondi des impacts considérables qu'elle aura tant dans la communauté juridique que dans de très nombreux secteurs d'activité de la société québécoise. Y a-t-il vraiment urgence à ce que le projet de loi n° 130 soit adopté d'ici l'ajournement d'été? Avec respect, nous estimons que non.» C'est très clair, il n'y a pas de «peut-être», il n'y a pas d'urgence à ce que ce soit accepté avant l'ajournement.

Et ils poursuivent, dans la lettre: «En outre, l'annonce, ces jours derniers, du retrait de la CALP de l'application de la Loi sur la justice administrative fait craindre le caractère improvisé que semble revêtir l'adoption de la réforme en cette fin de session.»

Alors, effectivement, on est dans un projet de loi qui, supposément, a été réfléchi, où on a fait toutes les consultations au moment où on a conçu le projet de loi, au moment où on l'a rédigé. On aurait dû... Je ne sais pas si ça a été fait; je n'étais pas, évidemment, à la commission et encore moins au gouvernement. Est-ce qu'on a fait le travail qui devait être fait au moment où on a conçu le projet de loi? Mais, là, tout ce qu'on voit, c'est qu'on arrive, on a écrit le projet de loi, on l'a déposé juste à la limite de la date finale pour le faire au niveau des travaux de l'Assemblée. Deux semaines après, on sent le besoin de faire sauter un volet – il n'y en a pas beaucoup, de volets, il y en a cinq, mais, un sur cinq, c'est quand même important – et c'est l'article 16 qu'on a adopté ce matin, où on fait sauter la section des lésions professionnelles. Alors, dans un projet de loi qui est réfléchi, qui est supposé être réfléchi, qui est supposé être analysé, on en arrive, comme ça, à la dernière minute, suite à quelques pressions qui ont pu être faites, on en fait sauter 20 %, une des cinq sections. Alors, nous, on pense qu'effectivement ça peut nous laisser songeurs, et ce n'est pas le seul projet de loi, entre autres, où on fait ça.

J'avais l'occasion, hier, dans une commission, de réagir au projet de loi n° 32, je crois. Il y a eu une levée de boucliers, disons, au niveau de la possibilité que le ministère du Revenu se donnait d'aller fouiller dans les fichiers un peu partout. Ce que je veux demander au ministre, c'est: Comment on peut concevoir qu'un gouvernement qui a établi le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information, le Vérificateur général, tous ces organismes-là, ces institutions-là, qu'un gouvernement qui les a établis, qui leur a donné des pouvoirs, comment un gouvernement peut-il ensuite écrire une loi qui est décriée complètement par ces cinq personnes-là, alors qu'on sait très bien les balises qu'on a données à ces différentes institutions pour assurer un certain respect et une certaine prudence dans l'administration des choses publiques?

Alors, c'est un petit peu la même chose, là. Comment peut-on se retrouver avec un projet de loi qui est censé avoir été réfléchi et où on fait sauter un des items comme ça? Ce n'est pas nous, ce n'est pas l'opposition qui a des lubies, qui prétend que c'est improvisé. Le Barreau lui-même dit: Ça donne l'impression que ça a été improvisé, «fait craindre le caractère improvisé que semble revêtir l'adoption de la réforme en cette fin de session.»

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, je pense qu'on devrait être très prudents. Quand on aborde le projet de loi et qu'on veut faire un projet de loi de qualité, tel que le stipule l'article 1, il faut être très attentifs, je pense, aux différentes réactions qui nous sont faites actuellement et, surtout, à celles du Barreau, qui datent d'hier... même pas d'hier, de ce matin. Alors, je termine là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Alors, il n'y a pas de demande de droit de parole. Est-ce que l'amendement est adopté?

Une voix: Vote nominal.

Le Président (M. Paquin): Vote nominal.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Pour.

Le Secrétaire: M. Boulerice (Sainte-Marie– Saint-Jacques)?

M. Boulerice: Pour.

Le Secrétaire: M. Lachance (Bellechasse)?

M. Lachance: Pour.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska)?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Pour.

Le Secrétaire: Mme Robert (Deux-Montagnes)?

Mme Robert: Pour.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

Le Président (M. Paquin): Pour.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Contre.

Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?

M. Bordeleau: Contre.

Le Secrétaire: M. Gobé (LaFontaine)?

M. Gobé: Contre.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Paquin): L'amendement est adopté. Est-ce que la proposition, telle qu'amendée, est adoptée?

M. Mulcair: ...la parole sur l'article 1.

Le Président (M. Paquin): Alors, la parole est au député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je pense que mon collègue le député de l'Acadie...

Le Président (M. Paquin): Sur l'article 1...

M. Mulcair: On vient d'adopter une modification à l'article 1, mais maintenant on va parler sur l'article principal.

Le Président (M. Paquin): Je m'excuse, je n'étais pas attentif.

M. Mulcair: On vient d'adopter une modification...

Le Président (M. Paquin): Oui.

(15 h 50)

M. Mulcair: ...mais maintenant on va parler sur l'article en tant que tel.

Le Président (M. Paquin): Exactement. Je vérifiais le temps qu'il restait, et il n'y en avait pas beaucoup d'utilisé. Alors, vous pouvez y aller.

M. Mulcair: C'est ça. On commence. Oui, c'est ça.

Alors, juste pour le bénéfice, notamment, de quelques-uns de nos collègues qui n'étaient peut-être pas là pour toute l'importante discussion ce matin, même si mon collègue, le député de l'Acadie, vient de résumer extrêmement bien la situation, je pense que ça vaut vraiment la peine de réitérer certains aspects importants du débat.

La réforme des tribunaux administratifs est une idée qui circule, notamment à Québec, depuis de très nombreuses années, surtout dans les milieux de l'administration publique. Les fonctionnaires ont souvent une vision assez uniforme de comment les choses devraient être. C'est une ironie, M. le Président, que cet article 1 commence en disant: «La présente loi a pour objet d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité» – on vient d'accepter de biffer le mot «citoyens» – parce que le projet de loi a vraiment de la difficulté à donner suite à cet engagement-là, surtout depuis l'adoption de l'article 16, qui est en train d'enlever un des plus importants aspects, c'est-à-dire les lésions professionnelles. Il y avait moyen de garder le paritarisme à l'intérieur d'une structure pourtant uniforme, le nouveau Tribunal administratif, mais le ministre n'a pas fait ça. Sa modification fait en sorte d'évacuer complètement la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, ce qui va être sans doute une difficulté.

Mais c'est vraiment... Cette vision uniformisante, c'est vraiment le rouleau compresseur du Kolkhoz. Vous savez, tout doit être uniforme. Il faut collectiviser, il faut vraiment que tout soit pareil. C'est cette vision qui est issue, notamment, de l'Université Laval, bien entendu, de sa Faculté de droit, qui fait en sorte, par exemple, qu'on voulait uniformiser. Il y a eu des études là-dessus pendant des années. Ils ne supportaient pas que les lois créant différents ministères soient rédigées et qu'il y ait une facture différente de l'une à l'autre. Il y avait vraiment une forte pression pour uniformiser cela. De la même manière avec les tribunaux administratifs, il y avait beaucoup de personnes qui avaient du mal à comprendre que c'était normal, correct, que les structures varient d'un ministère à un autre. Mais on se rallie quand même à l'idée de créer un tribunal administratif, notamment dans le but d'assurer une meilleure accessibilité aux citoyens.

Comble d'ironie, M. le Président – et vous étiez là – l'autre jour, quand on a proposé de modifier le projet de loi n° 20 sur l'aide juridique pour inclure, comme objectif de la Loi sur l'aide juridique, la promotion de l'accessibilité à la justice, aussi incroyable que cela puisse paraître, le ministre a voté contre. De la même manière que lui – et la députée de Deux-Montagnes, je crois, a voté avec lui là-dessus; oui, je crois que ça a été rappelé en Chambre l'autre jour – a voté contre un amendement qui aurait évité des problèmes pour les femmes victimes de violence, la possibilité de se faire contre-interroger par leur agresseur... Le ministre dit qu'il va venir faire ça par une directive maintenant. Mais quelle erreur! Pourquoi ne pas en profiter quand le projet de loi n° 20 est sur la table? Comment expliquer qu'un ministre de la Justice vote contre ça? Comment expliquer que la députée de Deux-Montagnes ait voté contre ça? Je n'ai pas encore eu le plaisir de l'entendre expliquer son vote contre les femmes à cet égard-là, mais je suis sûr qu'elle va avoir l'occasion de l'expliquer lors de la prochaine campagne électorale. Du moins, de mon côté, je me vais me faire une obligation de rappeler à tous les gens dans son comté, qui n'est pas très loin du mien, le sens de son vote ce jour-là.

Et c'est la même chose ici, M. le Président. On est en train de dire, dans le premier alinéa de l'article 1, que la loi aurait, selon eux, pour objectif d'affirmer la spécificité de la justice administrative. Mais un des aspects spécifiques les plus importants de la justice administrative, c'est le fait que la justice administrative accepte des changements, des différences importantes d'un endroit à un autre. Et c'est justement afin de vérifier si le projet de loi d'application, qui comporte 643 articles, respecte cette spécificité que le Barreau du Québec avait demandé, le 13 février 1996... Et là je m'adresse notamment à ma collègue la députée de Deux-Montagnes pour qu'elle puisse saisir toute l'importance et les nuances de notre propos. Je pense que c'est très important pour elle de savoir que lorsqu'on a parlé ici, à la commission des institutions, le 13 février 1996, avec la bâtonnière, Mme Jocelyne Olivier, on a été obligés de rappeler que le Barreau avait insisté sur le fait que l'exercice était périlleux, périlleux parce qu'on n'avait pas encore connaissance du projet de loi d'application. Or, M. le Président, aujourd'hui, le 14 juin 1996, on n'a toujours pas connaissance d'un projet de loi d'application, on a tout au plus un document de travail.

Alors, le Barreau avait demandé, à ce moment-là, et nous aussi, le dépôt des textes, et le ministre de la Justice, M. Bégin, nous avait coupés en disant: «Ça peut peut-être faciliter les choses en disant que, oui, les gens vont être invités.» Et il a continué. Après que la bâtonnière eut exprimé sa satisfaction, il a continué en disant: «Il n'y a aucun doute là-dessus, ça va être fait. Il y aura une commission parlementaire qui portera spécialement là-dessus, c'est bien clair.» Et, moi-même, M. le Président, j'ai dit que j'étais très encouragé d'entendre cette information.

Mme Olivier a dit par la suite: «Si vous me permettez, je prends note de la réponse du ministre à l'effet de nous convoquer. Est-ce qu'on pourrait demander aux membres de la commission – vous voyez, M. le Président, vous et moi, on était directement impliqués là-dedans, directement interpellés – de nous donner un délai suffisamment important pour nous permettre d'analyser sérieusement ce projet de loi qui devrait, nous dit-on, contenir 400 à 500 articles?» M. Bégin: «Certainement. Mais le délai... J'ai mentionné, à l'ouverture, dans mes notes préliminaires, que ce sera au plus tard à la fin mars que le projet de loi sera déposé. Maintenant, il restera, évidemment, à faire l'étude. À quel moment la commission parlementaire pourra siéger, au mois de mai ou juin, je ne peux pas vous répondre à l'avance, mais il est évident que le texte sera, au moins un mois et demi ou deux mois avant, disponible et connu.»

Ça, c'était la parole donnée, la promesse faite, l'engagement formel donné auprès du Barreau du Québec, l'ordre professionnel qui regroupe les 17 000 avocats du Québec, dont le ministre lui-même. Rappelons qu'une des dispositions du code de déontologie prises en application de la Loi sur le Barreau prévoit qu'il est interdit à un avocat de surprendre la bonne foi d'un confrère. Qu'est-ce qui s'est passé dans les faits? Eh bien, dans les faits, M. le Président, il y a deux semaines exactement, le premier jour du congrès annuel du Barreau du Québec, le ministre de la Justice est arrivé avec un document de travail de 643 articles. So much for his undertaking to give a month and a half or two months, Mr. Chairman. Il est arrivé, donc, avec 643 articles sous forme d'un document de travail, il est arrivé avec 125 modifications, dont certaines modifications... Il faut faire attention, là, parce que, ici, on a devant nous ce qu'ils ont tenté de passer comme étant une modification. On se comprend bien, là, on parle de presque autant de modifications qu'il y avait d'articles dans le projet de loi; le projet de loi renfermait 188 articles.

Alors, quand le Barreau du Québec est obligé d'aller directement au-dessus de la tête d'un ministre de la Justice pour se plaindre au premier ministre, c'est très grave, c'est très grave pour le ministre de la Justice. La dernière fois qu'on a vu ça, M. le Président, le ministre de la Justice a sauté deux semaines plus tard. Espérons que ce sera encore le cas cette fois-ci.

Mais le Barreau du Québec était obligé de dire: Écoutez, là, non seulement vous n'avez pas respecté la parole, mais, comme mon collègue le député de l'Acadie l'a dit tantôt, le Barreau du Québec a été obligé d'aller jusqu'à dire que, vraiment, ça donnait l'impression que tout ça, c'était improvisé. Comment arriver à une autre conclusion, M. le Président? Sur 188 articles, on en modifie au moins 125, il y a d'importantes annexes, puis le ministre dit: Il n'y a pas de problème. Ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas de problème. Ça démontre que non seulement il y a de l'improvisation, mais, en plus, qu'il y a du travail à la base qui n'a pas été fait, qu'il y a de l'analyse, qu'il y a de l'étude qui n'a pas été faite. Puis on a vu ça surtout dans le dossier de l'aide juridique, le ministre n'est jamais capable de fournir des chiffres. Il nous fait des cartons – ils sont encore là, dans le coin, une bonne chance – mais il n'est jamais capable de donner de vrais chiffres sur combien ça va coûter pour aller collecter cet argent-là. Vous allez voir, M. le Président, tout l'argent va être bouffé maintenant en administration. Ça, c'est vraiment une vision bureaucratique d'une limpidité absolument incontestable. C'est un peu comme le ministre de la Santé et des Services sociaux. Lui, il va être heureux le jour où il va avoir fermé tous les hôpitaux, il va dire: «malades sur pied», tout le monde dans les CLSC, les transplantations pulmonaires dans les CLSC, il n'y a pas de problème. Ça, c'est une bonne vision bureaucratique de la chose, puis, enfin, la bureaucratie de la ville de Québec va avoir pris le dessus.

(16 heures)

La même chose ici, M. le Président. Le ministre de la Justice est en train de dire: Voici, I've been sold a bill of goods by the administration, the bureaucracy has told me that that's what it does. Ça, c'était au mois de février, puis il revient avec 125 modifications puis il veut que, le 14 juin 1996, on commence l'étude de quoi? Cent quatre-vingt-huit articles de la loi, les annexes importantes qui vont avec, 125 modifications, 643 articles du projet de loi d'application, qui n'est même pas un projet de loi, qui n'est même pas un avant-projet de loi, qui est sous forme de document de travail. Alors, c'est pour ça que le Barreau du Québec a dû écrire d'urgence aujourd'hui à l'honorable Lucien Bouchard dans son bureau et maison de la Grande Allée...

M. Boulerice: Je ne me souviens pas...

M. Mulcair: ...pour lui dire après... Vous ne vous souvenez pas de ce qu'il a dit? Moi, je vais vous le lire.

M. Boulerice: Non. J'insiste pour que vous le relisiez, oui...

M. Mulcair: Pour le bénéfice de...

M. Boulerice: ...parce que ça n'a malheureusement pas été fait, je pense.

M. Mulcair: ...mon ami et collègue le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, je vais me faire un honneur et un plaisir de lui relire la lettre de M. Bouchard. Il s'adresse au premier ministre, le bâtonnier du Québec s'adresse au premier ministre, passe directement par-dessus la tête du Procureur général du Québec. Au cas où vous n'aviez pas compris, sur le plan diplomatique, il est en train d'envoyer un signal clair qu'il n'a pas confiance en le ministre de la Justice, et il a raison parce que le ministre de la Justice a donné sa parole le 13 février et il ne l'a pas tenue.

M. Boulerice: Une libre interprétation, ça.

M. Mulcair: Alors, l'interprétation partagée par le Barreau est la suivante: «M. le premier ministre,

Après s'être adressé à la commission des institutions lundi dernier – ah! je suis content de voir la députée arriver, elle va pouvoir suivre ça avec autant d'attention que d'habitude – le 10 juin 1996, c'est avec insistance que le Barreau vous interpelle afin de faire reporter à l'automne tout le dossier de la justice administrative, c'est-à-dire le projet de loi n° 130, la série d'amendements, 120 papillons comprenant modifications et ajouts, ainsi que le document de travail servant d'avant-projet de loi d'application, lequel ne contient pas encore les dispositions transitoires et finales mais prévoit déjà, dans son titre I, 643 articles modifiant pas moins de 75 lois.

«Bien que nous attendions une réforme de la justice administrative depuis au-delà de 20 ans, celle-ci s'avère d'une ampleur sans précédent, qui nécessite un examen approfondi des impacts considérables qu'elle aura tant dans la communauté juridique que dans de très nombreux secteurs d'activité de la société québécoise. Y a-t-il vraiment urgence à ce que le projet de loi n° 130 soit adopté d'ici l'ajournement d'été? Avec respect, nous estimons que non. En outre, l'annonce, ces jours derniers, du retrait de la CALP de l'application de la Loi sur la justice administrative fait craindre le caractère improvisé – ce n'est pas nous qui le disons, M. le Président, c'est le Barreau du Québec qui dit ça au ministre: le Barreau du Québec craint le caractère improvisé – que semble revêtir l'adoption de la réforme en cette fin de session.

«Tant les amendements au projet de loi déposés à la commission des institutions le jour de l'ouverture du Congrès, soit le 30 mai dernier, que la loi d'application nécessitent une étude et une réflexion poussées. Le Barreau ne s'oppose pas à la réforme, il demande réflexion.

«Les amendements. Les nouveaux articles 1 à 12 du projet de loi représentent le coeur même de la réforme, en établissant ou diminuant les garanties procédurales auxquelles les justiciables peuvent s'attendre, selon qu'ils sont l'objet d'une décision juridictionnelle ou simplement administrative de l'État. La loi d'application nous indique que l'on irait même jusqu'à modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin d'éviter que soit contestée la validité des décisions dites administratives sur la base du non-respect des garanties procédurales.

«Les amendements créent de nouveaux concepts ("autorité décentralisée": Est-ce une décentralisation territoriale? fonctionnelle?) et instaurent de nouveaux régimes (la conciliation, c'est bien, mais on peut s'interroger si les membres du personnel parmi lesquels seront choisis les conciliateurs ont la formation et la compétence pour devenir conciliateurs; en outre, la lecture des articles 95 et 100, troisième paragraphe, semble annoncer un nouveau régime relatif aux droits, honoraires, dépens et autres frais afférents, lesquels deviendraient une source de financement du Tribunal administratif du Québec: qu'en est-il?). Bon nombre de ces amendements méritent réflexion, échanges et discussions avec le ministère de la Justice avant que soit entreprise l'étude détaillée. Or, de toute évidence, le temps manque d'ici le 21 juin 1996.»

Ça, c'est une tournure de phrase, M. le Président, qui vaut vraiment la peine d'être retenue: «Or, de toute évidence.» «Évidence» nous renvoie à preuve et renvoie aussi au caractère évident, simple, incontournable. Évident, en anglais: obvious. M. le Président, il est évident, it is obvious qu'on ne peut pas étudier 1 000 articles en une journée. Pourtant, c'est à peu près ce qu'il reste au gouvernement pour faire adopter son train législatif, tout au plus deux, lundi ou mardi de la semaine prochaine, après ça, on va être avec les bills privés mercredi, puis on va finir mercredi ou jeudi au plus tard. Alors, on est vendredi de la dernière semaine complète de la session. Il est assez évident qu'on ne saura aller plus loin. Alors, la phrase courte, claire, simple du Barreau résume tellement bien la situation: «Or, de toute évidence, le temps manque d'ici le 21 juin 1996.»

Ensuite, M. le Président, le Barreau nous parle de la loi d'application. Il commence en disant: «La portée exacte de la réforme de la justice administrative ne saurait être évaluée de façon adéquate sans une étude approfondie de la loi d'application, notamment au plan de l'étendue de la juridiction du Tribunal administratif du Québec et, par conséquent, de l'importance de reconsidérer la nécessité d'un droit d'appel.» Cette question du droit d'appel, rappelons-le, M. le Président, a fait l'objet de très longues discussions au mois de février. «Nous l'avions d'ailleurs évoqué clairement dans notre mémoire de février 1996. Votre ministre de la Justice – regardez la tournure de la phrase, c'est grave, ça, c'est dur, c'est dur, ça, pour le Barreau, d'écrire ça au premier ministre – avait également reconnu la nécessaire interrelation – dur, ça, M. le Président, ils sont en train de dire: Votre gars, là, ramenez-le à l'ordre! – qui doit exister entre la loi d'application et le projet de loi n° 130 en s'engageant, en février dernier, auprès de la bâtonnière Jocelyne Olivier.» Le Barreau n'a pas oublié, M. le Président, le Barreau n'a pas oublié. Le ministre a oublié, mais le Barreau n'a pas oublié. D'après le Barreau, on a raison de dire que le ministre a pris un engagement au mois de février. Et il continue en disant: Il s'est engagé «à ce qu'un projet de loi d'application soit déposé à l'Assemblée nationale en mars 1996, ce qui ne fut pas fait».

Vous savez, M. le Président, c'est une chose de se faire pogner en train de dire des choses comme le ministre s'est fait pogner en train de dire ce qu'il avait dit au mois de février. Mais, quand on a lu la lettre du Barreau ce matin, quel fut notre étonnement d'entendre le ministre encore tenter de s'esquiver un petit peu, de se donner une toute petite marge de manoeuvre, tenter de dire que ce n'était pas si pire que ça. Il est allé nous dire ce matin, M. le Président, qu'il avait dit que ça ne serait pas possible de l'avoir, on ne l'aurait pas avant la fin du mois de mars, donc, ça, ça voulait dire avril. Déjà, il a essayé d'extensionner de mars à avril, puis c'est dans les «transcripts», M. le Président, il ne peut pas s'échapper de celui-là plus qu'il peut s'échapper de ce qu'il a dit au mois de février. Ça va être transcrit noir sur blanc. Tout le monde va pouvoir le suivre à la trace là-dessus.

Or, qu'est-ce qu'il a dit, dans les faits? Il a dit que ça va être prêt au plus tard à la fin du mois de mars. C'est ça qu'il nous a dit, M. le Président, et je le cite mot à mot, à la page 36 des débats de cette commission, le 13 février 1996: «J'ai mentionné, à l'ouverture, dans mes notes préliminaires, que ça serait au plus tard à la fin mars que le projet de loi d'application serait déposé.» C'est ça qu'il a promis au Barreau, M. le Président. Le député de Drummond était là, il se souvient aussi bien que nous, il sait que le Barreau a raison de se plaindre de son ministre de la Justice, et, qui sait, peut-être que, par sa sagesse lors de cette commission parlementaire, c'est lui qui va pouvoir remplacer l'actuel ministre de la Justice dès que le premier ministre décide de le faire, à la fin de la présente session.

Alors, le Barreau a raison de dire: «Votre ministre de la Justice avait également reconnu la nécessaire interrelation qui doit exister entre la loi d'application et le projet de loi n° 130 en s'engageant, en février dernier, auprès de la bâtonnière Jocelyne Olivier...

Le Président (M. Paquin): En une minute, s'il vous plaît.

M. Mulcair: ...à ce qu'un projet de loi d'application soit déposé à l'Assemblée nationale en mars 1996, ce qui ne fut pas fait.»

(16 h 10)

Par ailleurs, dans la prochaine phrase, le Barreau met une torpille en dessous de la ligne d'eau d'un des arguments préférés du ministre de la Justice, à l'effet que ce n'est pas plus grave que ce qui s'est fait pour le Code civil. Qu'est-ce que le Barreau dit, M. le Président? «Contrairement au Code civil du Québec, qui pouvait être adopté indépendamment de sa loi d'application puisqu'il contenait toutes les règles de droit substantif, le projet de loi n° 130 n'est pas complet en lui-même; une lecture rapide du document de travail, projet de loi d'application, également déposé en commission le 30 mai dernier, nous révèle l'existence de plusieurs règles de fond, tels: l'article 576, qui modifie les pouvoirs du Tribunal administratif par rapport à ce que nous laisse pourtant croire l'article 14 du projet de loi n° 130; les articles 68 et 69 qui, en modifiant la Loi sur le Barreau, risquent de changer substantiellement l'exercice de la profession au Québec; ou encore l'article 113, qui modifie la Charte des droits et libertés de la personne et, partant, certains droits fondamentaux garantis par elle.

«Ce ne sont là que quelques exemples qui incitent le Barreau du Québec à vous demander....

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: ....instamment de faire en sorte que la réforme de la justice administrative dans son entier soit reportée à l'automne.»

Le Président (M. Paquin): M. le ministre, il vous reste un peu plus de 17 minutes.

M. Bégin: Oui, mais j'irais, M. le Président, sur une directive de votre part.

Le Président (M. Paquin): Oups!

M. Bégin: L'article 245 dit: «Le temps de parole de 20 minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet de loi, chaque amendement ou sous-amendement ou chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante.» Dans une décision antérieure, je vous ai entendu faire la distinction entre les trois membres de chaque. Cependant, je vous inviterais à penser que la phrase est composée en deux parties: une où on parle d'un projet de loi, alors que, dans l'autre, on parle d'une loi existante. Alors, on dit «dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet de loi, chaque amendement ou sous-amendement ou chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante», qui est la deuxième proposition. Donc, on a deux hypothèses: une où on est en présence – permettez-vous? – d'une loi existante et l'autre dans laquelle on a une loi nouvelle.

Alors, quand on dit «vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet de loi», c'est normal qu'on arrête là, puisqu'on adopte pour la première fois le projet de loi. Alors, on ne peut pas avoir de référence à une autre loi. Ce qui fait que, lorsqu'on propose, comme dans ce cas-ci, de prendre la nouvelle loi et qu'on remplace, lorsqu'on adopte l'amendement de cette disposition, on adopte en fait l'article comme tel, et, en conséquence, ton droit de parole sur cet article tel qu'adopté est terminé, puisque c'est l'article lui-même qui existe dans sa forme et non pas un amendement qui existerait à une loi existante qui, lui, emporte, évidemment, l'adoption de l'amendement et, ensuite, l'adoption de l'article tel qu'amendé. Et ça, c'est un deuxième processus qui permet, évidemment, de faire une nouvelle disposition.

Je soumets respectueusement, M. le Président, qu'il y aurait lieu de regarder attentivement ce que je viens de soumettre, puisqu'il m'apparaît qu'il n'y a pas eu encore de décision à cet égard, en tout cas, dans ce que je vois ici des décisions de la commission sur 245, et ça m'apparaît vraiment représenter une distinction importante entre ce que l'on est en train de faire et ce que je pense que nous devrions faire, soumis évidemment, M. le Président, avec beaucoup de respect. Et je vous redonne votre manuel de décisions.

M. Mulcair: M. le Président, sur la question que...

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Mon collègue le député de LaFontaine, il va évidemment avoir beaucoup de choses à dire là-dessus, fort de son expérience de 11 ans comme vice-président de commission, mais je tenais juste à dire que, contrairement à ce que le ministre vient d'affirmer, il y a une décision là-dessus qui est tout à fait pertinente pour les fins de ces travaux, c'est la décision que vous avez rendue, et le ministre est en train de la remettre en question.

M. Gobé: M. le Président, comme le règlement le permet...

Le Président (M. Paquin): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: ...j'aimerais faire valoir quelques points en ce qui concerne le ministre. Alors, lorsque M. le ministre veut faire une distinction entre un projet de loi existant et un projet de loi qui amène des amendements à un projet de loi, il n'en reste pas moins que c'est un projet de loi. Nous sommes actuellement à l'étude du projet de loi n° 130, et il semble que...

M. Bégin: Une loi existante.

M. Gobé: Bien, écoutez, moi, j'ai agi à titre de président de séance de commission pendant neuf ans dans ce Parlement. J'ai eu à présider des commissions de toutes sortes, toutes les commissions. Et votre brillant assistant, qui est assis à votre gauche, là, M. Major, a eu l'occasion à maintes, moult reprises de me conseiller et de conseiller aussi de nombreux autres présidents ou vice-présidents de commission et des présidents de séance. Car, en effet, lorsque nous arrivons ici, nous ne sommes pas toujours tous familiers avec la réglementation, avec ce qui s'est passé avant nous, enfin, avec la législation, avec toutes ces choses-là.

Alors, moi, je voudrais attirer votre attention, M. le Président, sur une chose, c'est qu'il faut toujours respecter ce qui s'est passé antérieurement dans ces commissions. Nous sommes presque tout le temps en train de faire de la jurisprudence ici, on écrit le règlement. M. Garon, le député de Lévis, disait toujours: On est en train d'écrire le règlement à chaque séance. Et Dieu sait qu'avec lui il durait longtemps! Mais c'était fortement intéressant, et ceux qui le connaissent ont certainement le même témoignage que moi vis-à-vis de lui. Lorsqu'on siège avec lui en commission parlementaire, on ne peut que sortir de là enrichi, à quelque niveau que ce soit et de quelque côté de la Chambre ou de quelque formation politique que nous soyons.

Alors, moi, je crois que le ministre essaie de nous amener sur un côté légaliste. Peut-être qu'il manque d'expérience comme parlementaire en commission, peut-être qu'il est habitué, au ministère de la Justice, à voir des...

Le Président (M. Paquin): Non pas sur le ministre, mais sur le règlement, s'il vous plaît.

M. Gobé: Oui, excusez, M. le Président, vous avez raison, je m'écartais un petit peu. Mais je crois que vous ne devez pas retenir son argumentation. Nous avons un projet de loi. Le règlement dit que chaque intervenant peut parler 20 minutes sur chaque article ou partie d'article, alinéa d'un projet de loi. C'est ce qui a toujours été reconnu, c'est ce que, moi, j'ai toujours statué. Et, si vous avez des doutes, M. le Président, je vous suggérerais humblement, pour éviter de créer une décision qui pourrait être contestée, de créer un précédent par rapport à ce qui a déjà été fait ou qui enlèverait des précédents, de suspendre les travaux, de prendre quelques minutes pour consulter M. Major, et je sais qu'il y a toujours des gens dans d'autres bureaux proches de M. Major qui nous écoutent, pour vérifier tout ça et nous revenir avec une clarification. Mon impression est que M. le ministre erre dans son interprétation du règlement de l'Assemblée nationale.

Alors, je souhaiterais que vous tranchiez ça dans le meilleur des intérêts des parlementaires et aussi de ce qui s'est passé précédemment dans cette enceinte.

M. Bégin: M. le Président, j'avais demandé la parole.

Le Président (M. Paquin): M. le député de LaFontaine, je n'ai pas besoin d'aller à la jurisprudence là-dessus, et on ne va pas écrire le règlement, il est écrit.

M. Bégin: M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Quant au député de Chomedey, je considère que le ministre ne remet pas en cause ma décision, mais qu'il m'a posé une question de directive, et je l'ai reçue dans ce sens. Quant au ministre, la réponse est double. D'abord, sur...

M. Bégin: M. le Président, avant que vous ne donniez votre réponse, est-ce que je peux vous faire une remarque, compte tenu que vous avez donné l'occasion aux deux autres députés de parler? Ce que je disais tout à l'heure, c'est que nous avons un article qui se lit: Remplacer l'intitulé qui précède [...] et [...] par ce qui suit. On a complètement remplacé l'article 1 et on l'a adopté avec l'amendement. Sur quoi peut-on parler maintenant, puisque l'article a été adopté tel qu'amendé?

Le Président (M. Paquin): Inexact. Alors, ça me fera trois éléments à vous donner. D'abord, sur le premier que vous avez mentionné, à l'effet qu'il y avait deux membres de phrase, il y a trois membres de phrase. De toute façon, ma décision là-dessus a été rendue, et je la maintiendrais si vous me l'aviez demandé.

Deuxième question que vous m'avez demandée: En vertu de quoi on peut intervenir? Et elle rejoint la troisième question à l'effet que nous aurions adopté la proposition telle qu'amendée. Ce que nous avons adopté, c'est l'amendement. L'amendement comporte trois paragraphes. Et, comme, désormais, on est avec une proposition principale modifiée qui contient un intitulé et trois paragraphes, on a donc le droit de prendre la parole en vertu du premier segment de phrase sur la proposition principale. Et je vous lis cet élément-là: «Vaut – le 20 minutes – pour chaque article, alinéa ou paragraphe.» Il y a trois paragraphes. Donc, chaque député peut parler 20 minutes sur le premier, 20 minutes sur le deuxième et 20 minutes sur le troisième, si on l'étudiait paragraphe par paragraphe. Mais on n'a pas pris cette décision-là jusqu'ici; ce que nous faisons, c'est que nous l'étudions dans son ensemble. En conséquence, à mon point de vue, c'est que chaque député dispose de 20 minutes, à ce moment-ci, tel que nous fonctionnons.

Est-ce que ça répond à votre question de directive, M. le ministre?

M. Bégin: Ça ne me satisfait pas, mais ça répond.

Le Président (M. Paquin): Oui, je voudrais ajouter un élément, qui n'est pas mineur, d'ailleurs, c'est que, désormais, le droit d'amender subsiste sur la proposition que nous avons en face de nous, ce qui fait que, auquel cas, l'amendement générerait aussi un 20 minutes et, s'il était lui-même amendé, générerait un autre 20 minutes. Alors voilà.

Maintenant, il n'y avait personne qui m'avait demandé la parole. M. le député de LaFontaine, alors vous disposez de 20 minutes.

(16 h 20)

M. Gobé: M. le Président, c'est avec plaisir que j'ai entendu votre argumentation, non pas parce qu'elle nous donne raison, mais parce qu'elle me rappelle les bonnes années de certains de nos présidents, et je croyais quasiment entendre parler le député de Lévis en vous entendant parler. C'est important, je pense, que, dans nos commissions, les présidents, de quelque bord qu'ils soient, puissent assurer la continuité des droits des parlementaires. Un jour, on est ici, et le lendemain ou un autre jour, c'est de l'autre côté. Je pense que l'institution doit se garder au-dessus de tout intérêt de partisanerie et que les présidences doivent s'efforcer de ne pas succomber à la fatigue, des fois, de ministres ou des parlementaires pour raccourcir les travaux, mais faire en sorte que le débat puisse se faire en toute intégralité, même si ça peut paraître long.

Généralement, si ça paraît long, M. le Président, c'est parce qu'il y a des gens qui ont des choses à dire. Je l'ai mentionné, j'ai eu l'occasion de le mentionner précédemment, en 11 années – j'ai été neuf années comme président de séance, mais 11 années de siège en cette Chambre – je n'ai jamais vu de députés, quel que soit le bord où ils étaient, insister longuement sur un article d'un projet de loi, sans raison principale, s'ils ne sentaient pas qu'ils étaient supportés en arrière par des citoyens, par des groupes de citoyens, ou par des associations professionnelles, ou de consommateurs, ou autres. C'est ce qui arrive, M. le Président, car, en effet, le rôle de l'opposition est bien souvent d'être la voix de ceux que la grosse machine qui est de l'autre bord de la Grande Allée, qui est peuplée de milliers de fonctionnaires grassement payés qui s'amusent ou qui travaillent à concocter des projets de loi, à l'occasion en catimini, l'opposition est la voix privilégiée de ces exclus de l'expression. Alors, on se doit de la laisser parler. On se doit même de favoriser l'expression de l'opposition, c'est ce qui rétablit l'équilibre dans notre système. Si nous n'étions pas capables de rétablir l'équilibre, il s'ensuivrait ce qui arrive dans de nombreux pays où ça n'existe pas, l'opposition prendrait une autre voie, une autre forme que celle du parlementarisme.

Alors, M. le Président, nous ne pouvons qu'applaudir, même si ça peut paraître quelquefois à certains ou à certaines long et fastidieux, tout ce processus, nous ne pouvons qu'applaudir au fait que, chez nous, au Québec, il existe et que nous soyons probablement, ou certainement parmi les pays du monde, parmi les quelques-uns qui sont privilégiés au sens du respect de la démocratie. Je trouve un peu paradoxal qu'un ministre de la Justice qui, lui, est le gardien des libertés, des droits des citoyens, de la personne, puisse essayer, par un article de loi, de vouloir limiter le débat.

Mais, ceci étant dit, M. le Président, ce qui nous amène à l'essentiel – et mes collègues ont eu l'occasion de le reprendre – c'est que ce projet de loi là, le projet de loi n° 130, parmi un certain nombre de personnes, particulièrement des gens qui sont très en autorité, les gens du Barreau, le Protecteur du citoyen, donc des gens qui sont habitués à traiter avec les décisions des gouvernements, avec les projets de loi, semble faire lever un certain nombre de réserves.

En effet, il ne s'agit pas... Je ne vous cacherai que je ne suis pas un très grand spécialiste des projets de loi juridiques, d'ailleurs, mes activités en ce Parlement ont plutôt été proches des dossiers des citoyens en général; on a laissé à nos collègues qui sont plus spécialisés en matière de droit le soin de travailler sur ces dossiers-là. Mais, quand même, je pense que chacun d'entre nous peut avoir une idée, peut, avec ses connaissances législatives, ses connaissances auprès des citoyens, reconnaître un certain nombre de choses essentielles. Et la première chose essentielle, c'est la suivante, c'est qu'un projet de loi doit faire le plus large concensus possible avant d'être adopté si on veut faire oeuvre, bonne oeuvre de législateurs. Car, en effet, lorsqu'un gouvernement passe des projets de loi qui vont à l'encontre des gens qui doivent vivre avec, qui doivent non seulement le subir mais qui doivent contribuer à travailler ou à l'appliquer, bien souvent, on se rend compte qu'ils n'atteignent pas les objectifs que nous nous sommes fixés.

Alors, nous constatons, et, comme député, je constate que des partenaires essentiels de l'application de la justice au Québec, ce sont les avocats, qui sont représentés bien souvent par leur porte-parole, par le Barreau, s'opposent à l'adoption rapide du projet de loi. Au contraire, ils demandent que l'on sursoie à son application pour un certain nombre de raisons. Le Barreau, là, ce n'est pas n'importe qui. Le Barreau, ce n'est pas un regroupement de gens qui sont des gens qui prennent des décisions sans les réfléchir mûrement. On retrouve là, au contraire, le plus grand nombre de juristes que l'on peut avoir dans la province de Québec, parce que ce sont des avocats. Lorsque ces gens se prononcent sur un projet de loi, il me semble que les législateurs devraient s'y attarder et prendre la peine, prendre le temps de considérer les avis qui sont donnés, d'autant plus que, si l'on ne peut plus se fier aux avis du Barreau, à qui allons-nous nous fier?

J'écoutais, dernièrement encore, le ministre de la Justice puis d'autres ministres dans d'autres secteurs dire, en particulier au niveau de certaines lois du travail ou certains recours, qu'on devrait travailler avec le Barreau pour faire un fonds spécial pour venir en aide à certaines personnes qui ne peuvent pas être représentées, dans certains secteurs. Donc, on est prêt à considérer que le Barreau est un partenaire de l'État dans la gestion ou, pas l'administration, le processus de défense des citoyens. D'un côté, on est prêt à ça, on dit: Nous sommes prêts à travailler avec vous. Et le Barreau dit: Oui, on est même prêt à mettre de l'argent et à faire un fonds spécial, à collaborer. À ce moment-là, on lui donne une certaine crédibilité. Et, de l'autre côté, lorsque ces mêmes personnes prennent la peine d'écrire au gouvernement, particulièrement à l'honorable premier ministre – on ne parle même plus du ministre de la Justice – il semblerait qu'ils n'ont pas réussi à se faire entendre par le ministre de la Justice, donc ils ont décidé, en date du 14 juin, d'écrire au premier ministre, dans laquelle lettre ils lui disent qu'ils demanderaient que le ministre de la Justice sursoie ou, du moins, prenne le temps d'adopter le projet de loi.

Alors, il semblerait qu'ils ne soient pas entendus et qu'on veuille, au contraire, marginaliser leur intervention, leurs demandes. Je n'ai pas eu de réponse du ministre, je n'ai pas entendu de réponse du ministre, pour quelles raisons et pour justifier ça. Comment il peut justifier ça? Comment il peut admettre qu'il va légiférer... une loi sur la justice administrative par-dessus la collaboration, sans tenir compte des avis, donc rejetant la collaboration future du Barreau du Québec? Belle manière d'avoir des consensus! Son premier ministre a fait un sommet il y a quelques mois, il a fait des chantiers, il a ramassé des gens de syndicats, il a ramassé des propriétaires de pharmacies, il a ramassé le propriétaire du Méridien qui a mis ses employés dehors et il a dit: On fait une espèce de paix sociale, on travaille tous ensemble pour l'amélioration de la situation au Québec. Il démontrait par là une volonté, peut-être, de concertation et de collaboration. Il me semble que, lorsqu'on va en dehors des caméras et qu'on se retrouve dans la vie quotidienne, de tous les jours, ce même principe devrait exister en ce qui concerne l'application ou la rédaction des lois.

Alors, que faisons nous? Que pouvons-nous faire, nous de l'opposition, pour essayer de convaincre le ministre, pour essayer de lui dire: Les gens du Barreau vous demandent de ralentir, le Protecteur du citoyen vous demande aussi de ralentir, d'y aller doucement, de perfectionner votre projet de loi, d'aller plus pointu, de rencontrer d'autres personnes. Et il n'y a pas d'urgence, alors, qu'est-ce qui explique cette précipitation? Ça, c'est le gros mystère, c'est la grosse question. Est-ce que la justice sera mieux servie avec la précipitation? Est-ce que les citoyens seront mieux servis? Les gens qui sont en autorité nous disent non: Commission des droits de la personne et de la jeunesse, ce n'est pas n'importe qui, ça, Protecteur du citoyen, Barreau du Québec, trois organismes. Ça serait le député de LaFontaine qui dirait ça, on pourrait dire: Bien, écoutez, M. le député de LaFontaine, vous êtes peut-être bon dans votre circonscription, ou avec les citoyens, ou peut-être que vous avez des habilités en certains secteurs, mais là, c'est nous qui faisons la justice, puis, nous, on connaît ça. À la limite, je pourrais me ranger à l'évidence en disant: C'est vrai, en quel nom, moi, personnellement, autrement que d'avoir peut-être entendu quelques avis de collègues ou de citoyens, en quel nom, sur quelle autorité pourrais-je me baser pour dire: Retardez le projet de loi n° 130? Je n'en aurais pas, et je ne serais pas ici, certainement, en train de plaider pour cela.

(16 h 30)

Là, force est de constater qu'il y a des organismes importants: le Barreau du Québec, je l'ai mentionné, le Protecteur du citoyen. Je me souviens, moi, lorsque nous étions assis de l'autre côté, à la place des députés, qu'il n'y avait pas un projet de loi important où l'opposition, que ce soit le député d'Abitibi, le député de Joliette, le député de Marie-Victorin, enfin, différents députés, le député de Lévis en particulier, ne faisait pas venir le Protecteur du citoyen. Puis il insistait, puis, des fois, ça dérangeait le ministre. Moi, je n'ai jamais compris pourquoi ça dérangeait un ministre d'écouter le Protecteur du citoyen. Nous l'avons nommé Protecteur du citoyen pour représenter les citoyens. Pourquoi, alors, nommer un Protecteur du citoyen si, lorsqu'on lui demande un avis puis qu'il l'émet, on ne l'écoute pas? Ça sert à quoi? Est-ce à dire qu'on ne doit écouter que les avis qui font notre affaire? Alors, c'est une des raisons supplémentaires qui, comme député, m'amène, en ce vendredi après-midi, à essayer de convaincre le ministre qui, peut-être, se dit: Ah! ce n'est pas des avocats, ce n'est pas des juges. Moi, je suis un grand avocat de l'Université Laval puis je suis ministre de la Justice et je viens d'une famille, peut-être, de droit, ou, je ne sais pas, de la ville de Québec. Quels sont ces gens de Montréal – des béotiens du droit, peut-être – qui me demandent ça? Je ne le demande pas en mon nom, je le demande au nom des citoyens, qui sont représentés, entre autres, par les députés. Nous sommes la voix des citoyens qui ne peuvent pas se faire entendre ici, et nous devons répercuter ce qui se dit.

Moi, je lis ça: Étonné de l'insistance du gouvernement à procéder à l'étude alors qu'il serait mieux d'étudier les deux lois en même temps à l'automne, le Protecteur du citoyen réitère sa demande de dépôt à l'Assemblée nationale de la loi d'application avant de procéder. Il me semble que c'est assez logique, c'est la plus élémentaire des démocraties. N'importe quel député en cette Chambre veut savoir ce qui va se passer avant de procéder à des choses comme celle-là. C'est notre rôle, c'est pour ça que les citoyens nous élisent. Ne pensez pas que nous sommes élus, que nous sommes ici pour représenter le gouvernement auprès des citoyens. Nous sommes élus pour représenter les citoyens auprès du gouvernement. C'est là toute la différence, une grande différence.

Et là le ministre semble, lui, dire: Je suis le gouvernement et, vous, vous êtes là pour me représenter, pour essayer de vendre ma salade. C'est peut-être ça qu'il dit à ses collègues. Moi, je dis à ses collègues, en face: Vous êtes élus pour représenter les citoyens vis-à-vis de vos ministres, pour faire en sorte que les lois qu'ils passent, les décisions qu'ils prennent correspondent à ce que vous voulez vraiment, et non le contraire.

M. le Président, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, troisième organisme qui est intervenu entre le 10 et le 11 juin, dit: Besoin d'un délai supplémentaire afin de vérifier les impacts de la modification à la Charte. Quoi de plus normal? La Commission des droits de la personne, ça, c'est nous autres qui avons fait ça, au Québec, aussi, là. Ce n'est pas fait par les Anglais puis les fédéralistes puis les... C'est fait par les gouvernements successifs, qu'ils soient séparatistes, fédéralistes, c'est fait par les gouvernements du Québec pour protéger les droits de la personne, par des parlementaires de toutes allégeances confondues. Donc, une institution au-dessus de toute partisanerie, au-dessus de toute allégeance politique, qui dit: Besoin d'un délai supplémentaire afin de vérifier les impacts de la modification de la Charte.

Peut-être que ça fait rire quelques fonctionnaires en arrière qui veulent dire: Parlez tout le temps, c'est nous autres qui décidons, puis le ministre va faire ce qu'on va dire de faire. Ça, ça se fait depuis de nombreuses années, mais on voit le résultat des lois, aussi, bien souvent.

M. Bégin: C'est vrai dans votre parti.

M. Gobé: C'est vrai dans le vôtre aussi, M. le ministre, dans celui qui vous a précédé, alors que vous étiez vice-président du parti, ou quelque chose comme ça, à l'époque, et que vous veniez au parlement à l'occasion visiter vos collègues ministres au gouvernement...

M. Bégin: Pas ministres.

M. Gobé: Vos collègues, vos amis, à l'époque. Et maintenant que vous avez pris la place, vous oubliez les militants que vous avez été, un but de démocratie, de consultation, pour devenir la main agissante de la même fonction publique qui a fait agir les mêmes ministres de notre temps. Parce que vous avez changé, eux ont changé. Eux ont changé, vous, vous changez, mais eux n'ont pas changé...

M. Bégin: Certainement pas la main de Dieu.

M. Gobé: Puis ils ne changeront pas la prochaine fois encore. Et c'est ça qui est dommage, de voir que, peut-être, une fois qu'on est rendu dans certains sièges ou dans certaines positions, on oublie l'intérêt principal de la population, l'intérêt premier, pour défendre une institution bureaucratique et technocratique. Et c'est pour ça qu'un certain nombre d'années après les citoyens s'en rendent compte puis décident de changer, en espérant que les suivants, bien, ils feront mieux. Sauf que, des fois, on se rend compte que ce n'est pas toujours le cas; et, bien souvent, ça peut devenir pire, dépendant des individus qui sont mis à certains postes à certains moments.

D'autant plus que le ministre ne semble pas un ministre qui est borné, qui est fermé. Je sais qu'il a fait une bonne évolution depuis qu'il est arrivé. Je me souviens avoir assisté à quelques études de projets de loi où son attitude était beaucoup plus rigide, beaucoup moins ouverte que celle qu'il a démontrée dans les derniers mois.

Une voix: Il y a de l'amélioration.

M. Gobé: Oui. Je trouvais que l'influence de ses collègues du caucus du Parti québécois et de ses collègues des commissions parlementaires l'avait peut-être amené à comprendre un certain nombre de réalités peut-être plus terre à terre. Peut-être qu'il y a encore un peu de travail à faire de la part de ses collègues, puis je souhaite qu'ils puissent le faire comme, nous, nous avons su le faire auprès des nôtres, M. le Président, lorsque nous y étions. Pas toujours avec succès, malheureusement; les électeurs en ont jugé et nous l'ont démontré. Mais je souhaiterais donc que M. le ministre puisse se ressaisir, comprendre qu'il y a des groupes importants, des associations importantes qui lui demandent d'aller plus lentement dans un projet de loi. Et peut-être qu'un rendez-vous à l'automne serait plus productif, plus constructif pour l'ensemble du processus du projet. Et, bien sûr, à ce moment-là, il pourrait être assuré d'avoir certainement la collaboration de l'opposition. Je suis certain que le député de Chomedey, si on se rendait aux demandes des groupes qu'il représente un peu en parlant maintenant, serait plus ouvert et travaillerait peut-être en meilleur état d'esprit pour faire adopter ce projet de loi qui, certainement, à n'en pas douter, doit être une nécessité dans certains de ses aspects et qui peut-être, M. le Président, rendra justice et service à la population lorsqu'on aura répondu aux principales objections ou interrogations des groupes que je viens de nommer.

Alors, M. le Président, j'ai terminé, là, mon temps de parole, je pense; vous m'avez fait remarquer qu'il reste peut-être une minute et demie, deux minutes. Comme je le disais, je ne suis pas forcément un spécialiste du droit, mais je pense qu'à l'occasion il est intéressant d'avoir aussi l'opinion des gens qui ne sont pas pris dans, je dirais, cette confrérie, dans cette coterie des avocats et des légistes et des juristes. Je crois qu'il est important d'écouter l'opinion de députés qui ont d'autres expériences, et c'est ce que j'ai toujours souhaité, moi, et ce que je souhaiterai toujours. Et c'est pour ça que les citoyens, dans leur sagesse, élisent des gens d'à peu près l'ensemble de la palette professionnelle, sociale et économique de notre société. Et c'est comme ça qu'on établit les grands équilibres.

Alors, M. le Président, sans présumer de l'attitude future du ministre, connaissant ou espérant son sens de l'ouverture, qu'il redevienne le militant qu'il a été, ouvert à la négociation, à la consultation et aux changements progressifs, qu'il puisse peut-être se rendre à l'évidence et accepter, peut-être, les recommandations et du Barreau du Québec, et du Protecteur du citoyen, et de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à l'effet de prendre plus de temps pour procéder à l'étude et à l'adoption du projet de loi n° 130.

Je vous remercie, M. le Président, de m'avoir laissé cette parole pendant 20 minutes.

Le Président (M. Paquin): Alors, aucun député n'ayant demandé la parole, est-ce que...

M. Bordeleau: ...

Le Président (M. Paquin): Oui? Je m'en excuse.

M. Bordeleau: N'allez pas trop vite, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Je m'en excuse. Je ne vous ai pas vu me demander la parole, je m'en excuse. Et pourtant, j'ai regardé dans votre direction plusieurs fois.

M. Bordeleau: O.K. Alors, M. le Président...

Le Président (M. Paquin): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Je voulais intervenir sur l'article 1. On en est rendus à cette étape-là. Je veux juste rappeler que dans l'amendement, tout à l'heure, on a éliminé la section des lésions professionnelles et on a fait une modification, quand même, qui me paraît relativement mineure à la section de l'évaluation foncière, à laquelle on va dorénavant référer comme la section des affaires immobilières. Alors, cet...

Vous avez un problème, M. le Président?

Le Président (M. Paquin): Non, ça va, mais on n'est pas sur l'article 16. Je ne sais pas, là, j'ai mal saisi.

M. Bordeleau: Je veux référer à ce qui a été fait tout à l'heure pour...

Le Président (M. Paquin): Ah! D'accord, d'accord. Je m'en excuse.

M. Bordeleau: ...ensuite relier ça avec l'article 1.

M. Mulcair: Pour donner du contexte.

M. Bordeleau: N'ayez pas peur, M. le Président, vous allez voir, ça se relie à l'article 1.

Le Président (M. Paquin): Pas de problème.

M. Bordeleau: Alors, la décision qu'on a prise tout à l'heure, ça a été d'éliminer la section des lésions professionnelles. J'ai eu l'occasion tout à l'heure de souligner, au moment où on en a discuté, l'importance de ce changement-là, parce qu'on faisait disparaître un volet important des réquisitions des citoyens, qui ont souvent trait à la question des lésions professionnelles. Alors, on se retrouve maintenant avec l'article 1 et, dans l'article 1, on dit: «La présente loi a pour objet d'affirmer la spécificité de la justice administrative».

(16 h 40)

Alors, effectivement, la modification qu'on a faite à l'article 16 détermine et circonscrit la spécificité de la Loi sur la justice administrative ici, et on a éliminé, de fait, tout le volet des lésions professionnelles.

Alors, comme on discute ici de l'ampleur ou du caractère spécifique de ce qu'on appelle la justice administrative, je veux quand même rappeler que l'exclusion – qui a maintenant été votée; évidemment, il faut prendre pour acquis que c'est cette situation-là – des lésions professionnelles a quand même un impact important. Et je trouve malheureux que, compte tenu de ce changement-là, on ne soit pas prêt à faire un temps d'arrêt pour réfléchir aux conséquences que ça a.

Il faut rappeler que le Conseil du patronat avait demandé, effectivement, qu'on élimine la CALP de la Loi sur la justice administrative, de même que la FTQ qui avait fait une demande semblable. À part ces demandes-là, il y avait quand même d'autres organismes qui souhaitaient le maintien de la CALP à l'intérieur du projet de loi de la justice administrative; je pense, entre autres, à l'ATTAQ et à la CSN. Alors, on avait des organismes, là, qui se situaient des deux côtés; il y en a qui étaient favorables au maintien, d'autres étaient défavorables au maintien de la CALP. Le Barreau, pour sa part, dans sa lettre, fait référence à la disparition de la CALP sans se prononcer de façon très claire à savoir s'ils sont favorables à cette disparition-là ou s'ils y sont défavorables. Ils y font tout simplement référence en mentionnant que ce retrait-là leur laisse croire qu'on est en train d'improviser en fin de session.

Alors, on a eu l'occasion de discuter tout à l'heure sur la question de l'improvisation. Je ne reviendrai pas sur ce point-là, mais on arrive avec un élément important qui change la spécificité de la justice administrative, puisque ce volet-là disparaît. Moi, je pense que ça aurait été tout à fait approprié de peut-être vérifier avec les groupes. On a eu par lettre la réaction du Conseil du patronat, en date du 10 juin, également de la FTQ en date du 10 juin, bon, évidemment, qui se montrent satisfaits de cette exclusion, mais j'aurais été curieux de savoir comment réagissent les autres groupes qui étaient favorables au maintien et comment réagit le Barreau de façon spécifique par rapport à cet élément-là qui change la nature comme telle et l'étendue du projet de loi qu'on a devant nous. Alors, c'est un élément sur lequel je voulais attirer l'attention, et ça mériterait sûrement qu'on prenne un temps de réflexion avant d'aller plus loin, mais je pense que le ministre n'est pas très ouvert à ça.

Et, d'ailleurs, dans la lettre de la FTQ en date du 10 juin, on faisait référence au fait qu'on était satisfait de cette exclusion. Bon. Je vais lire le premier paragraphe: «J'ai bien reçu la lettre que votre directeur de cabinet m'a transmise par téléphonie ce jour. Cette correspondance confirme votre intention de présenter des amendements au projet de loi pour que la CALP soit exclue du Tribunal administratif du Québec, tel que le souhaite la FTQ.» Bon. Maintenant, le deuxième paragraphe, il mentionne: «À la lumière de cette précision en regard de la CALP, nous croyons qu'il est approprié que le projet de loi soit adopté lorsque le gouvernement aura recueilli les représentations des parties intéressées.» Alors, ici, on est quand même prudent, on dit: Nous, personnellement, là, pour la FTQ, ça fait notre affaire que ça soit exclu, c'est ce qu'on souhaitait. Mais ils nous disent qu'avant de procéder à l'adoption on devrait vérifier et recueillir les représentations des parties intéressées. Alors, au niveau des parties intéressées, bien, effectivement, la CSN s'est prononcée, l'ATTAQ s'est prononcée, le Barreau y fait référence. Alors, ça aurait été important, je pense, de retourner vérifier un peu la pertinence et la validité de ce changement-là.

L'autre élément sur lequel je voudrais attirer votre attention, c'est dans le deuxième paragraphe... Attendez un petit peu. Oui, dans le deuxième paragraphe, on fait référence aux règles générales de procédure applicables aux décisions individuelles prises à l'égard d'un administré. Et, à la fin de ce paragraphe-là, on mentionne, en référant aux règles: «Elles sont, s'il y a lieu, complétées par des règles particulières établies par la loi ou sous l'autorité de celle-ci.» Alors, c'est évident que, dans cette loi-là, si on spécifie certaines limites, certaines contraintes, ça a un effet direct, c'est inscrit dans la loi. Mais on dit également: «sous l'autorité de celle-ci», sous l'autorité de cette loi. Alors, l'interprétation que j'en donne, M. le Président, c'est qu'on fait référence à la loi d'application, et, dans ce cas-là, on ne peut pas parler de loi d'application, on peut parler d'un document de travail sur la loi d'application. Et on sait l'ampleur que ça a – on y a référé à l'occasion aujourd'hui – il y a au-delà de 640 articles qui sont reliés à à peu près 75 lois. Donc, là il y a quelque chose qui est très étendu, dont on mesure mal actuellement l'impact, compte tenu de ces ramifications qui sont très, très nombreuses. Et, d'ailleurs, ça a été, disons, les réserves qui ont été mentionnées de façon très claire par le Barreau et le Protecteur du citoyen, et ce qui justifiait que ces deux organismes-là arrivaient, en bout de ligne, à demander clairement et simplement le report du projet de loi.

Et je veux ici référer, en tout cas, à ces deux groupes-là en particulier. Le Protecteur du citoyen mentionnait qu'il insistait sur l'importance que la loi d'application soit déposée à l'Assemblée nationale, et non sous forme de document de travail, afin de mieux définir l'intention du gouvernement et de mieux comprendre les impacts du projet de loi n° 130. Alors, malgré cette demande-là, formelle, du Protecteur du citoyen qui demande une loi d'application, on est encore devant un document de travail relativement à la loi d'application. Donc, il n'y a rien de définitif. Et le Protecteur du citoyen mentionnait qu'il fallait avoir ce document-là, un document définitif, pour mieux comprendre les impacts du projet de loi n° 130. Alors, le même intervenant soulignait qu'il se demandait comment on pouvait penser que les parlementaires pouvaient étudier la loi n° 130 sans bien prendre le temps de mesurer les impacts de la loi d'application – et, encore là, qui n'est pas actuellement une loi, c'est un document de travail, donc c'est encore plus fragile.

Alors, le ministre a souvent prétendu, et il revient régulièrement avec cette argumentation, qu'il faut étudier le projet de loi n° 130 pour ensuite aborder la loi d'application. Là-dessus, c'est complètement faux. D'ailleurs, c'est démenti par le Protecteur du citoyen qui dit qu'on ne peut pas étudier la loi n° 130 sans bien prendre le temps de mesurer les impacts de la loi d'application. Alors, on n'est même pas rendus à la loi d'application encore; tout ce qu'on a, c'est un document de travail.

Le Barreau du Québec, pour sa part, mentionnait, au niveau de ses représentations, qu'il est impensable – j'essaie d'utiliser les termes qui ont été utilisés – de penser procéder à l'adoption immédiate du projet de loi n° 130. Et le ministre a également, tout à l'heure, fait référence au Code civil en prétendant que ça avait fonctionné beaucoup plus rapidement pour le Code civil et qu'on pourrait procéder, dans le cas de la loi n° 130, de la même façon. Le Barreau a également mentionné qu'il y avait une différence entre la loi n° 130 et le Code civil dans le sens où plusieurs des principes de la réforme des tribunaux administratifs ne sont pas dans la loi principale mais dans la loi d'application, contrairement à ce qu'était le Code civil.

(16 h 50)

Donc, on s'aperçoit qu'on a un gros bout du projet de loi qui nous manque pour pouvoir faire notre travail de façon sérieuse. Et on y fait référence dans l'article 1, d'une façon très légère, où on dit, à la fin, que les règles de procédure applicables «sont, s'il y a lieu, complétées par des règles particulières établies par la loi ou sous l'autorité de celle-ci.» Alors, là, on ouvre une porte très grande. Et cette porte-là, actuellement, elle n'est même pas ouverte, elle est entrouverte. On ne l'a pas, la loi d'application, on a un document de travail sur la loi d'application, et tous les intervenants qui sont venus ici nous ont clairement dit qu'on ne pouvait pas étudier la loi n° 130 sans avoir la loi d'application, et la loi définitive d'application.

Dans ce contexte-là, qu'est-ce que les organismes nous ont dit, purement et simplement? Le Protecteur du citoyen nous a dit qu'il voulait le report et qu'il ne trouvait rien qui justifie l'urgence qu'on prétend y mettre à adopter le projet de loi avant l'ajournement d'été. Le Protecteur du citoyen, lui, dit: Je ne vois rien de si urgent que ça, prenons le temps de faire le travail, analysons l'ensemble des documents, le projet de loi n° 130, la loi d'application, les amendements qui sont déposés, et là on va pouvoir étudier les interrelations et avoir une idée précise. Et, à l'automne, on arrivera puis on prendra l'ensemble de cette discussion et on pourra procéder, disons, d'une façon éclairée, après avoir fait une analyse sérieuse, au fond, du projet de loi, compte tenu de l'importance du projet de loi.

C'est exactement la même chose que nous propose le Barreau. Le Barreau nous a dit la semaine dernière: Écoutez, nous, on est venus ici essentiellement pour demander le report à l'automne du projet de loi n° 130. Et c'est confirmé également dans leur lettre du 14 juin, je vais le mentionner aussi, et je cite: «Ce ne sont là que quelques exemples qui incitent le Barreau du Québec à vous demander instamment de faire en sorte que la réforme de la justice administrative dans son entier – ils ne nous disent pas la loi d'application ou le projet de loi n° 130, ou on peut en faire un puis on fera l'autre après, ce n'est pas ça qu'ils nous disent – soit reportée à l'automne.»

Alors, là, on est en train de discuter du premier article du projet de loi qui, à mon avis... Moi, c'est les deux éléments que j'avais retenus, la question de la spécificité... on change de façon importante la spécificité de la justice administrative par l'autre amendement qu'on a adopté tout à l'heure. Et le deuxième point, c'est toute la question de ce manque de poignée qu'on a actuellement sur la signification exacte du projet de loi n° 130, compte tenu qu'on se trouve devant un déluge de réglementation, 640 articles, dans un document qui n'est même pas la loi d'application, qui est un document de travail. Et tout le monde qui sont des gens sérieux, le Barreau, le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne sont venus nous dire qu'on ne peut pas étudier l'un sans l'autre et qu'on doit prendre le temps qu'il faut pour regarder les ramifications et les impacts que ça a, parce que c'est relié à plus de 75 lois. Ce n'est pas un petit projet anodin, ça apporte des relations ou des modifications ou, de façon plus précise, ça implique plus de 75 lois.

Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, je veux tout simplement mentionner qu'en conclusion, moi, la lettre que le Barreau nous envoie en date d'aujourd'hui, je la vois comme un cri d'alarme très fort, très sérieux. Il n'y a pas de nuances. Le ministre, d'ailleurs, ne la cite pas beaucoup, la lettre, depuis le début. Il était plus enclin à sortir en commission et à l'Assemblée nationale la manchette du Journal du Barreau , mais une lettre bien articulée de quatre pages qui décrit d'une façon très précise la position du Barreau et qui exige le report à l'automne, ça, le ministre a beaucoup moins d'empressement à y référer et à la sortir à l'appui de sa démarche.

M. Mulcair: Je ne l'avais pas remarqué, mais tu as raison.

M. Bordeleau: C'est vrai, il faut le remarquer.

Alors, ce que le Barreau fait, au fond, il nous envoie, en date du 14 juin, un cri d'alarme: Arrêtez la procédure actuelle, la démarche, réfléchissez, reportez à l'automne. À l'automne, vous aurez une vue d'ensemble, puis les intervenants auront eu le temps de regarder réellement d'une façon sérieuse, et respectueuse aussi. Ce qu'on a fait la semaine dernière, on les a fait venir à la dernière minute, sans avoir eu le temps – puis, d'ailleurs, des gens nous l'ont souligné – d'analyser les documents, et tout le monde a mis une réserve: Écoutez, on vient vous dire ce qu'on pense, mais tout en tenant compte du fait qu'on n'a pas pu regarder les documents. C'est ce qu'ils nous disaient, essentiellement. Alors, là, de façon respectueuse, on leur permettrait d'analyser ça, de faire des représentations au gouvernement, à l'opposition, de nous faire part de leur réaction, et on pourrait se retrouver à l'automne puis continuer le travail. Et je pense, M. le Président, que cette demande de report, elle est quasi unanime. C'est une demande qui vient de tous les groupes, à peu près, à quelques exceptions près, qui sont venus faire des représentations.

Jamais je ne croirai, M. le Président, que le ministre va continuer à s'entêter et à poursuivre dans sa vision de nous faire adopter, pour vendredi prochain... dans exactement une semaine, on sera le 21. Alors, dans une semaine, le 21, on aura dû adopter 188 articles du projet de loi n° 130, 120 amendements qui auront dû être intégrés, et on aura dû, nous, analyser plus de 640 articles pour voir les implications, les ramifications que ça a au niveau de 75 lois. Pensez-vous que c'est sérieux, M. le Président? Hein? Est-ce qu'il y a quelqu'un ici, dans la commission, qui prétend que ça peut être sérieux de demander de faire ce travail-là et de penser qu'on va faire un travail de qualité, qu'on va faire un travail dans les meilleurs intérêts des concitoyens?

On nous demande, M. le Président – je vais utiliser une expression qu'on entend souvent – de «botcher» notre travail. Mais ce n'est pas ça que l'opposition va faire. Ça, le ministre peut en être assuré, l'opposition ne «botchera» pas le travail. Si lui veut le faire, c'est son problème, mais, nous, on va assumer nos responsabilités et on va faire un travail sérieux, on va donner tous les éléments qu'on a à chaque article, en espérant que le ministre va, à un moment donné, accepter tout simplement de faire un travail de qualité, un travail sérieux. On ne lui demande rien d'extraordinaire. Qu'il fasse tout simplement un travail sérieux, un travail de qualité, c'est ça qu'on attend du ministre. Alors, je termine sur ça, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député de l'Acadie. M. le ministre.

M. Bordeleau: Excusez, M. le Président...

Le Président (M. Paquin): Il vous reste du temps, là, je pourrai revenir.

M. Bordeleau: Oui. Non, bien, je vais...

Le Président (M. Paquin): J'avais déjà accordé la parole au ministre, mais j'y reviendrai.

M. Bordeleau: Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Paquin): Il vous reste une minute. Alors, il n'y a pas de problème, je vais revenir.

M. Bordeleau: Parfait.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Bégin: Non, non, c'est correct.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Bon. Je voudrais tout simplement, M. le Président, apporter un amendement. Alors, l'amendement se lirait comme suit: Le projet de loi n° 130 est modifié par l'ajout, à la fin du premier alinéa de l'article 1, des mots «de même que d'assurer le respect des droits fondamentaux des citoyens». Alors, ça se lirait, essentiellement à la fin du premier alinéa: «La présente loi a pour objet d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité, de même que d'assurer le respect des droits fondamentaux des citoyens.»

Le Président (M. Paquin): Il faudrait préciser: Remplacer, dans l'article 1 tel qu'amendé. Et, pour le reste, ça ne contredit pas, ça ajoute des mots et c'est recevable. Alors, M. le proposeur de l'amendement, M. le député de l'Acadie. Est-ce que vous désirez vous exprimer, M. le député de l'Acadie?

M. Bordeleau: Bon, tout simplement...

Le Président (M. Paquin): Un instant. Est-ce que quelqu'un met en doute la recevabilité?

M. Bégin: Non, non, c'est parce que vous demandiez s'il voulait avoir la parole. Je me demandais si c'était sur ça qu'il voulait se prononcer.

Le Président (M. Paquin): Bien, compte tenu qu'il y a maintenant un amendement sur la table et qu'il en est le proposeur, je lui offre la parole en premier.

M. Bordeleau: Oui...

Le Président (M. Paquin): Maintenant, il n'est pas obligé de s'en prévaloir, on peut passer à un autre et revenir.

M. Bordeleau: Non, je vais juste expliquer le sens de la proposition, quitte à laisser mes collègues en discuter et y revenir par la suite.

(17 heures)

Tout simplement, M. le Président, quand on regarde le premier alinéa de l'article 1, on dit: «La présente loi a pour objet d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité.» Et là, nous, on ajoute la notion du respect des droits fondamentaux des citoyens.

Je pense que, effectivement, depuis le début de nos discussions, vous avez été présent, M. le Président, à cette commission, vous avez eu l'occasion de voir à plusieurs reprises que, au niveau de l'opposition, nous avons été inquiets du respect ou des limites qu'on apportait à ce qu'on considère être le droit de certaines catégories de citoyens qui peuvent être affectées par le projet de loi sur les tribunaux administratifs. Tout à l'heure, on a fait sauter, entre autres, toute la question des lésions professionnelles. C'est évident qu'il y a un paquet de citoyens qui sont en arrière de ça.

Ce qu'on aimerait ajouter, tout simplement, dans le premier article, qui cadre le projet de loi, c'est une préoccupation au niveau des tribunaux administratifs, une préoccupation à l'égard du respect des droits fondamentaux. On a parlé de la qualité, on a parlé de la célérité, on a parlé de l'accessibilité, mais il faudrait également se préoccuper du respect des droits fondamentaux des citoyens. C'est dans cet esprit-là qu'on souhaitait ajouter cet amendement comme un principe général au niveau du premier article du projet de loi n° 130.

Alors, je termine sur ça, quitte à y revenir par la suite.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Bégin: Alors, M. le Président, il y a évidemment la Charte des droits et libertés qui existe, qui nous régit continuellement et nous régit évidemment aussi au moment de l'adoption de nos lois. D'autre part, toute loi vise à protéger les droits des citoyens, à les bonifier. Alors, M. le Président, je serais d'accord pour ajouter cet amendement à l'article. Cependant, pour être conforme à la terminologie qui est utilisée à l'article, au lieu de «citoyens», je marquerais «administrés», si mon collègue acceptait ce changement qui est conforme.

Le Président (M. Paquin): Quel mot?

M. Bordeleau: Est-ce que vous pourriez lire tel que ça se lirait?

M. Bégin: Je n'ai pas votre texte devant moi, mais c'est le mot «citoyens»...

M. Bordeleau: C'est juste envoyé là-bas, là.

M. Bégin: ...par «administrés».

Le Président (M. Paquin): Par les «administrés». Alors, disons que c'est une hypothèse de sous-amendement, qu'on n'a pas reçu encore. De toute façon, je n'ai pas encore le texte de l'amendement.

Je porte simplement à l'attention de chacun que le texte, si le sous-amendement était incorporé, se lirait: De même que d'assurer le respect des droits fondamentaux des administrés.

M. Boulerice: C'est encore plus généreux que la proposition du député.

Le Président (M. Paquin): La question du ministre s'adresse au député de l'Acadie.

M. Bégin: Le deuxième alinéa, on a le texte: Elle établit les règles générales de procédure applicables aux décisions individuelles prises à l'égard d'un administré.

Alors, c'est pour garder cette conformité entre «administrés» et «administrés» plutôt que d'avoir deux termes. On avait déjà «aux citoyens», qu'on a enlevé parce qu'il posait un problème d'interprétation.

M. Bordeleau: Moi, je suis prêt à intégrer cette modification-là.

Le Président (M. Paquin): Alors, vous retirez votre amendement et vous nous présentez l'autre, tout simplement.

M. Bordeleau: Tel que formulé, oui.

Le Président (M. Paquin): On peut adopter le sous-amendement, c'est comme vous voulez. Alors, disons que, peut-être, le plus simple, c'est d'adopter le sous-amendement.

Est-ce que le sous-amendement: Remplacer le mot «citoyens» de l'amendement par le mot «administrés», est adopté?

M. Bégin: Adopté.

M. Bordeleau: Adopté.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que l'amendement, tel que sous-amendé, est adopté?

M. Bégin: Adopté.

M. Bordeleau: Adopté.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que quelqu'un désire toujours s'exprimer sur l'article 1 tel qu'amendé deux fois? Comme personne ne demande la parole, est-ce que l'article 1, tel qu'amendé, et qui se lit désormais ainsi: Remplacer l'intitulé qui précède l'article 1 et l'article 1 par ce qui suit:

«Dispositions préliminaires.

«1. La présente loi a pour objet d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité, de même que d'assurer le respect des droits fondamentaux des administrés.

«Elle établit les règles générales de procédure applicables aux décisions individuelles prises à l'égard d'un administré. Ces règles de procédure diffèrent selon que les décisions sont prises dans l'exercice d'une fonction administrative ou d'une fonction juridictionnelle. Elles sont, s'il y a lieu, complétées par des règles particulières établies par la loi et sous l'autorité de celle-ci.

«La présente loi institue également le Tribunal administratif du Québec et le Conseil de la justice administrative.»

Est-ce que cette proposition est adoptée?

M. Bégin: Adopté.

M. Bordeleau: Adopté.

Le Président (M. Paquin): Alors, adopté. Maintenant, il y a un amendement pour insérer, avant l'article 2, après ce nouvel article 1, les mots «Titre I, Règles générales applicables à des décisions individuelles prises à l'égard d'un administré; chapitre I, Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative.»

Alors, il s'agit d'intituler... Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Est-ce qu'on pourrait avoir la version anglaise de ces titres-là pour voir si ça s'accorde dans la version anglaise de la loi, s'il vous plaît?

Le Président (M. Paquin): D'accord. Alors, je suspends l'adoption des titres. Pendant qu'on fait la version anglaise, je passe à l'amendement à l'article 2, et je le porte à votre attention. Il se lit comme suit: Remplacer l'article 2 par le suivant:

«2. Les procédures menant à une décision individuelle prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi, sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement.»

C'est un amendement qui est proposé pour remplacer l'article 2 du projet de loi. M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, à l'article 2, les dispositions concernent spécifiquement les décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative et précisent qu'il s'agit de celles qui sont prises par l'administration gouvernementale et qui sont prises en application des normes prescrites par la loi.

Elles imposent ensuite à l'administration gouvernementale un devoir d'agir alors équitablement en prévoyant que les procédures menant à une telle décision doivent être conduites dans le respect de ce devoir d'agir équitablement.

Évidemment, il s'agit de décisions qui sont prises dans l'exécution de normes ou la définition et l'application d'une politique sociale, ou encore économique, ou d'un programme gouvernemental. Les citoyens désirent alors être informés des faits, du contenu de la plainte et des intentions de l'administration. Ils désirent aussi être écoutés et pouvoir s'expliquer, puisqu'ils sont précisément en présence du décideur chargé d'appliquer cette politique et d'en surveiller le respect.

Le rapport Garant recommandait que, pour prendre une décision à caractère particulier et personnel dans l'exercice d'une fonction administrative, l'administration ne soit plus tenue d'agir judiciairement – c'est ça, M. le Président, qui est important – à la manière d'un tribunal, mais équitablement, c'est-à-dire en tenant compte des circonstances, notamment de communiquer avec la personne concernée, la rencontrer, discuter avec elle, l'informer et écouter ses remarques et observations.

Alors, voilà, M. le Président, le sens de ce deuxième article du projet de loi.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'il y a un député... Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Sur une simple question de directive, M. le Président. J'aimerais vraiment comprendre, sur le plan technique, ce qu'on est en train de regarder. J'ai en main un document, ici, écrit, en haut, à droite: Article 2 amendé. On est dans le même document? Alors, c'est écrit manuscrit: Remplacer l'article 2 par le suivant:

«2. Les procédures menant à une décision individuelle prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale en application des normes prescrites par la loi sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement.»

Ça, ça se retrouve, à l'heure actuelle, à l'article 4 du projet de loi. C'est ça? Alors, le ministre est en train de dire qu'il veut biffer l'article 2 en entier, ce qui est ici, qui, dans le projet de loi n° 130, se lit comme suit:

«2. Relevant de l'exercice d'une fonction administrative...», «relevant de l'exercice d'une fonction juridictionnelle...»

M. Bégin: C'est «Relèvent». Ce n'est pas «Relevant», c'est «Relèvent».

M. Mulcair: Relèvent, oui, pardon. «Relèvent de l'exercice d'une fonction juridictionnelle...» Tout ce bout-là, qui est actuellement à l'article 2, ça saute et c'est remplacé par ce qu'on a sur ce papier-ci: Remplacer l'article 2 par le suivant, et qui se retrouvait auparavant à l'article 4. Est-ce qu'on se suit bien?

M. Bégin: C'est ça. Et la technique, si vous...

Le Président (M. Paquin): C'est une question de directive?

M. Mulcair: Bien, j'essayais de comprendre où on était rendu parce que, sur le plan rédactionnel, c'est assez difficile de suivre.

M. Bégin: Il faut prendre... M. le Président...

Le Président (M. Paquin): Moi, disons que j'ai reçu un train d'amendements et je les applique là où ils vont au fur et à mesure. Maintenant, il appartient à chacun qui a le train d'amendements entre les mains, et au ministre en particulier, dans ses explications, d'apprécier si l'ensemble des dispositions conviennent.

Maintenant, je comprends que le ministre voudrait intervenir.

M. Bégin: Je pense que c'est important, M. le Président...

M. Mulcair: Je voulais vraiment savoir où on était dans le texte.

(17 h 10)

M. Bégin: O.K. Alors, vous avez un grand cahier qui indique quelle était la teneur de l'article 2 que nous voulions proposer, M. le député. Vous avez ce cahier? Non? Vous avez d'abord... Projet de loi, vous aviez...

M. Mulcair: Non, mais je préfère partir toujours... Je ne me fie jamais aux trucs administratifs, je regarde toujours la loi.

M. Bégin: Je comprends. Mais l'idée, c'est... La technique, ce n'est pas le contenu. Il y a ce grand cahier qui redonne techniquement le nouveau texte de l'article 2. Vous l'avez, reproduit exactement, sur les feuilles 8,5 X 11. C'est le texte qui est en haut. Ce que vous avez dans l'encadré, ça explique ce qui s'est passé. Si on regarde, vous avez le chiffre 4 – ça, c'est l'ancien numéro de l'article 2 qu'on propose – vous retrouvez ça, ça devient maintenant le 2. Le 4 est biffé et devient 2. C'est le 2 qui est à côté. Là, on a le texte qui était là. Et quand on suit: «La procédure menant à une décision...» là, le mot «administrative» est rayé, puis on voit «individuelle». Si vous montez dans le texte, en haut: «Les procédures menant à une décision individuelle», on le retrouve tel quel. Ensuite, si on continue, on avait: «visée au premier alinéa de l'article 2», on ne l'a plus dans le texte en haut, ce n'est plus là. Et là le reste du texte est semblable. Donc, on peut voir ce que c'était avant et voir ce qui est maintenant. On peut s'abstenir de regarder ce qui est en bas si on pense que ça nous mêle. Mais si vous voulez faire un suivi des choses, ça vous permet de le faire. Mais on peut simplement dire que le texte, c'est: «Les procédures menant à une décision individuelle prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi, sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement.». Moi, je vous donnerais pour explication, je dirais: Vous savez, avant, dans l'ancien texte, c'était l'article 4, et on avait, après le mot «décision», le mot «administrative». Maintenant, comme vous pouvez le voir, c'est une décision individuelle. Alors, c'est donc une procédure menant à une décision individuelle et non plus administrative, puis ce n'est plus visé au premier alinéa de l'article 2, mais c'est une décision qui est prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale. Donc, on a très bien la mécanique.

Maintenant, si ça complique trop la vie alors que le but de l'exercice était de simplifier, on n'a tout simplement qu'à ne pas regarder ce qui est dans l'encadré, on prend le texte qui est en haut et on a exactement ce que l'on veut.

M. Mulcair: M. le Président, je remercie le ministre pour ses explications, mais si je peux juste poursuivre avec ma question de directive avec vous. Si on peut, en comparaison, regarder l'article qu'on vient d'adopter, l'article 1, dans la cartouche, ici, dans l'encadré, on peut voir qu'on retranche dans le premier paragraphe les mots «aux citoyens». C'était facile, c'était le même article, c'était les mêmes dispositions, on enlevait deux mots. Il y a eu une bonne discussion et une décision de votre part concernant le nombre d'interventions. Vous avez même mentionné que, si on avait voulu, on aurait pu procéder paragraphe par paragraphe, ce qui est tout à fait vrai, on a procédé sur l'ensemble.

Le ministre a raison de dire que, dans un cas comme l'article premier, visuellement, c'est une aide, parce qu'on voit les choses qui sont retranchées, même si, sur le plan rédactionnel, on préfère de loin la technique qui consiste à dire: Le paragraphe premier du projet de loi n° 130 est modifié en retranchant les deux mots «aux citoyens» au premier alinéa. C'est beaucoup plus simple, parce que, ici, on a eu le problème que vous avez vu tantôt.

Maintenant, à l'article 2, le ministre a raison, mais seulement jusqu'à un certain point, parce que l'article 2 existe bel et bien dans le projet de loi n° 130, il est composé de deux paragraphes, mais il ne se retrouve nullement dans l'encadré auquel le ministre vient de nous référer. Au contraire, ce que l'on retrouve dans l'encadré, c'est un article 4 qui existe par ailleurs dans le projet de loi.

Alors, je vous soumets respectueusement qu'en termes de déroulement de nos travaux, c'est une manière extrêmement confondante de procéder. Il aurait fallu au moins montrer l'article 2, mettre: remplacer, annuler, ou un truc comme ça, pour que l'on voie que ça réfère bel et bien à ce qui est dans la loi; mentionner que ce qui se retrouvait à l'article 4 va venir remplacer ici.

Je vais juste vous donner un dernier exemple, M. le Président. Le ministre lui-même s'est trompé tantôt. Il a dit: Vous voyez, avant, on disait «décision administrative»; maintenant, on dit «décision individuelle». En fait, si on se réfère à l'article 4 de la loi, ce que l'on retrouve, c'est qu'à l'heure actuelle on dit: «Une décision administrative individuelle». Donc, c'est juste le mot «administrative» qui vient d'être biffé. Alors, vous voyez que c'est loin d'être si clair que ça.

Le Président (M. Paquin): Alors, deux choses. Première chose: les libellés des articles, je les ai acceptés et j'ai bien indiqué que les cartouches étaient exclues des propositions. Ce qui fait que l'article 2 se lit: Remplacer l'article 2 par le suivant, et ainsi de suite. Donc, il s'agit bien de substituer au texte qui est dans le projet de loi un texte qui est là.

Maintenant, deuxièmement, la cartouche qui est là, l'explication qu'on a eue, c'est que les cartouches étaient à titre indicatif pour faciliter, du moins leur intention est de faciliter le travail du législateur. Maintenant, peut-être que c'était une formule plus appropriée dans un cas que dans un autre. Là-dessus, je n'ai pas à discriminer. Et la question d'ensemble, de directive que vous me posez, l'article tel qu'il est formulé, nonobstant les encadrés ou les cartouches dont on a convenu ensemble qu'ils étaient accessoires et qu'ils ne faisaient pas partie des propositions, est parfaitement acceptable.

Si vous désirez poursuivre votre intervention sur l'article 2, si cela vous sied, ça me sied.

M. Mulcair: Je vais commencer mon intervention sur l'article 2.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que c'est une question de directive? M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: C'est parce que vous dites, dans votre texte, on dit: «L'article 2 est remplacé par». Vous avez fait référence à ça. Est-ce que vous avez...

Le Président (M. Paquin): Remplacer l'article 2 par le suivant.

M. Bordeleau: À quoi vous faites référence?

Le Président (M. Paquin): Est-ce que, peut-être, vous avez le premier des deux cahiers qu'on a distribués?

M. Bordeleau: Moi, j'ai les amendements.

Le Président (M. Paquin): Alors, on vous donnera un deuxième ensemble et vous verrez que c'est bien ça.

M. Bégin: Alors, M. le Président, c'était une tentative de faciliter le travail. On peut ne pas s'en occuper du tout. Moi, je n'y référerai pas, personnellement. Ça nous permet de savoir quel était l'ancien texte, d'où il originait. On sait que le nouveau texte 2, c'est l'ancien 4 mais modifié, tel qu'indiqué par les caractères gras et les raies.

Le Président (M. Paquin): Personnellement, ça m'est tout à fait... Pour moi, ça m'aide. Maintenant, je constate que ça n'aide pas d'autres personnes, et je pense que ça va. C'était bona fide, l'intention du proposeur d'éclairer en faisant ça. Alors, je le prends pour ce que c'est. Maintenant, j'aimerais qu'on s'en tienne au libellé de l'amendement et, puisque c'est un amendement qui ne porte pas sur l'ensemble, qu'on s'en tienne le plus possible en respect de l'article 211, c'est-à-dire à la pertinence, donc de parler vraiment du contenu de cet amendement.

Alors, M. le député de Chomedey, vous pouvez commencer votre intervention.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. L'article 2 du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, prévoit ce qui suit: «Relèvent de l'exercice d'une fonction administrative, les décisions individuelles qui sont prises par les ministères et organismes gouvernementaux en application de normes prévues par la loi et qui concernent des allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges ou prestations.»

Le deuxième paragraphe de l'article 2 du projet de loi n° 130 prévoit que «relèvent de l'exercice d'une fonction juridictionnelle, les décisions des organismes administratifs spécialement habilités à agir comme tiers chargés de statuer sur les recours formés par les citoyens contre les décisions de l'administration».

Section 2 of Bill 130, An Act respecting administrative justice, provides that «individual decisions that are made by Government departments or bodies pursuant to the norms or standards prescribed by law and that concern allowances, compensation or indemnities, authorizations, permits or licences, privileges or benefits are made in the exercise of an administrative function».

Second paragraph of section 2 provides that «decisions of administrative bodies specially empowered to act as third persons charged with making determinations in respect of proceedings brought by citizens against decisions of the Administration are made in the exercise of an adjudicative function».

On propose de remplacer cet article 2 avec ce qui était auparavant l'article 4 du projet de loi n° 130, avec de légères modifications. L'article 4 du projet de loi prévoit que «les procédures menant à une décision administrative individuelle visée au premier alinéa de l'article 2 sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement».

It is proposed by the Minister to replace the current section 2, the two paragraphs of which I have just read into the record, with what was heretofore section 4 of Bill 130 and which is being slightly amended and put in the place of the two paragraphs of section 2.

Section 4 now provides that «The procedures leading to an individual administrative decision described in the first paragraph of section 2 shall be carried out in keeping with the duty to act fairly».

(17 h 20)

Je dois dire, M. le Président, dans un premier temps, que l'idée de traduire... Pour une fois, c'est l'expression anglaise qui est traduite vers le français, parce que «duty to act fairly» a existé dans la jurisprudence et dans la doctrine de langue anglaise bien avant d'être traduite. En fait, il y a une vingtaine d'années, il y avait même beaucoup de versions différentes de traduction possible de «duty to act fairly». On parlait parfois du devoir d'agir avec justesse. Lorsqu'on était un peu plus fatigué, on parlait tout simplement de «fairness», en français. Mais le devoir d'agir équitablement est vraiment, depuis, je dirais, une dizaine d'années, la traduction généralement acceptée. C'est vraiment un des fondements même de tout le système de justice administrative. Donc, c'est une bonne chose de le voir consacré dès le début de la loi.

Vous savez, M. le Président, l'article premier qu'on vient d'adopter est un peu de la nature d'un préambule. Bien qu'on ait perdu un peu l'habitude de mettre dans nos lois des préambules... M. le Président...

Le Président (M. Paquin): Alors, j'appelle l'article 32, s'il vous plaît, ce qui suppose une forme de décorum.

M. Boulerice: C'est à cause d'une overdose d'amendements.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, le devoir d'agir équitablement est un des fondements de tout le système de justice administrative issu des règles de la «common law». Ce qui est évidemment le cas ici, au Québec. On ne peut qu'être d'accord avec le fait de le consacrer dans les premiers articles de la loi.

On faisait remarquer que l'article premier du projet de loi n° 130 est en quelque sorte de la nature d'un préambule, bien que pas intitulé comme tel. Il n'y a évidemment pas les clauses avec attendu, attendu, attendu. Et, même là, dans les quelques rares lois où on a des préambules de nos jours, c'est assez rare d'utiliser même l'attendu. Je pense qu'il reste la Charte des droits et libertés de la personne. Même la Charte de la langue française, qui a un préambule, n'utilise pas cette formule un peu vieillotte de dire: Attendu, attendu. On sait tous qu'en vertu de l'article 40 de la Loi d'interprétation le préambule d'une loi en fait partie et sert à en expliquer l'objet et la portée. C'est un peu ce que l'article premier est venu faire; il a donné un peu l'objet et la portée de la loi. Et c'est bien de situer ainsi où on s'en va.

L'article 2 actuel du projet de loi n° 130 faisait, en deux paragraphes, une tentative très honnête de définir ce qu'est une décision administrative et une décision juridictionnelle. Il faut dire que le terme «juridictionnel» est, encore une fois, quelque chose qui n'est pas utilisé depuis plus de 15 ans, généralement dans la doctrine, et, la plupart du temps, il y avait énormément de difficulté à faire la distinction entre une décision judiciaire et ce qui était appelé quasi judiciaire, ou administrative auparavant. La raison pour laquelle cette distinction était importante, c'est que souvent les recours à l'encontre d'une décision variaient en fonction de la catégorisation: Qu'est-ce qu'on pouvait faire? Où on pouvait s'adresser? Est-ce qu'on pouvait amener ça devant la Cour supérieure en invocation ou en action directe, en nullité? Des questions de cette nature-là. Alors, la catégorisation était assez importante. C'est pour ça qu'on trouvait intéressant que le ministre, dans son projet de loi à l'article 2, fasse une tentative, que, nous, on dit honnête, pour tenter de mettre une définition dans son projet de loi.

Alors, on voit que la définition en question est en train de sauter, et on est dans les premiers articles. Le ministre va chercher l'article 4 et fait deux modifications. C'est là qu'on est, M. le Président, pour des raisons de simple concordance, parce qu'il n'y a plus de premier alinéa à l'article 2, et, puisqu'on est dans l'article 2, évidemment, il biffe la référence contenue à l'ancien article 4 qui est devenu l'article 2. Il biffe la référence visée au premier alinéa de l'article 2. Jusque-là, ça va assez bien. Jusque-là, également, on peut regarder du côté de la version anglaise de l'article 4. Et on n'a vraiment pas besoin de se faire préparer une version, ici, tout de suite, on peut tous suivre ce qu'on est en train de mettre. C'est assez simple de savoir que, dans la version anglaise, on va tout simplement retrancher les mots «described in the first paragraph of section 2 ». Jusque-là, relativement facile.

Mais là où ça se complexifie quelque peu, c'est lorsqu'on voit qu'on enlève le mot «administratif» dans la version française. One has to assume the word «administrative» in the English version is going to also be struck from the article and, in that case, we are left with a somewhat complicated situation.

Jusqu'alors, donc, M. le Président, avec l'ancien article 2, on avait une définition; là, ici, on enlève carrément la référence au terme «administrative», parce que c'est la définition de décision, «décision administrative» dans l'article 4, et on va être pris avec une décision individuelle. Là, tout d'un coup, on est en train d'enlever ce devoir d'agir équitablement au seul cas d'une décision administrative. Et il faut présumer qu'on parle de toute décision qui s'applique à un individu, que ce soit dans une fonction administrative ou juridictionnelle.

M. le Président, est-ce que vous pourriez appeler l'article 32, s'il vous plaît?

M. Boulerice: C'est juste pour voir s'il tient le coup.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, s'il vous plaît, je vous rappelle le règlement, 32, et je vous prierais de vous y plier. S'il vous plaît.

M. Mulcair: Alors, M. le Président, force nous est de constater que dans cette modification on vise à s'assurer que le devoir d'agir équitablement ne soit pas interprété comme ça, appliquant strictement une décision administrative, mais à toute décision individuelle.

La question demeure entière, cependant: Pourquoi proposer une telle modification qui enlève ce qui était une tentative de synthétiser à l'article 2 une définition assez claire d'une décision administrative, vis-à-vis d'une décision juridictionnelle ou quasi judiciaire? Dans les modifications qu'on a en main, qui nous sont proposées en liasse, on ne retrouve aucune autre tentative de le faire venir. Je vois que les proches collaborateurs du ministre sont en train de l'aider, alors peut-être qu'ils peuvent en faire autant pour nous autres.

M. Bégin: C'est parce qu'on m'expliquait une technique qui est simple, c'est que, n'ayant pas regardé – et je n'en fais pas un reproche – les titres tout à l'heure, on vient de passer, on a perdu une explication très intéressante, parce que la notion de fonction administrative se retrouve dans les titres. Et là, vous avez dans le titre I, si vous regardez le chapitre I, c'est: «Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative», mais le titre qui englobe le chapitre, c'est: «Règles générales applicables aux décisions individuelles prises à l'égard d'un administré», et le chapitre I, c'est: «Règles propres aux décisions administratives». Si on va à l'article 8, chapitre II, juste avant l'article 2, on voit «Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction juridictionnelle». Donc, la décision individuelle va à l'égard d'une fonction administrative et à l'égard d'une fonction juridictionnelle. Ce qui était dans le 2, dans deux paragraphes, se retrouve maintenant à l'article 2 et à l'article 8.

Je suis d'accord avec vous que vous êtes dans la bonne voie en disant: On avait, dans l'article 2, l'un par rapport à l'autre, ce qui paraissait plus clair, ce qui était une fonction administrative et ce qui était une fonction individuelle. Cependant, rappelons-nous que les discussions qui ont porté là-dessus ont été nombreuses et les commentaires ont été à l'effet que de mettre dans le même article et fonction administrative et fonction juridictionnelle pouvait poser problème.

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que vous pourriez constater le quorum, ou plutôt le manque d'icelui? Je ne pense pas que vous pouvez compter le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, oui, oui, il peut me compter.

Une voix: Est-ce qu'on peut suspendre pour quelques minutes, M. le Président?

Le Président (M. Paquin): Je constate qu'il n'y a pas quorum. Alors, je suspends en conséquence.

(Suspension de la séance à 17 h 29)

(Reprise à 17 h 34)

Le Président (M. Paquin): M. le ministre avait la parole. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement à l'article 2?

Une voix: À l'article 2? Adopté.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): Alors, l'amendement à l'article 2 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Paquin): Alors, est-ce que quelqu'un veut prendre la parole sur l'article 2 tel qu'amendé?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. C'est désolant de constater que le ministre et son côté gouvernemental ne sont même pas capables de maintenir le quorum, mais ça ne fait que confirmer ce que le Barreau a dit, qu'il ne fallait pas procéder et que c'était de l'improvisation. C'est à tel point de l'improvisation qu'ils ne sont même pas capables de garder assez de monde ici.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey, j'appelle l'article 211 et je vous dis de parler sur l'article 2 tel qu'amendé.

M. Mulcair: Alors, l'article 2 tel qu'amendé, à notre sens, M. le Président, pose un problème, parce que, comme le ministre était en train de nous le dire avant que son côté gouvernemental perde le quorum, il nous a référé au titre I, chapitre 1, et vous avez vous-même décidé de dire qu'on passait par dessus les titres en attendant qu'on dispose d'une traduction convenable. Alors, je voulais savoir: est-ce qu'on a maintenant la traduction?

Le Président (M. Paquin): On n'a pas encore terminé de disposer de l'article 2, alors je reviendrai à cette question après.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre...

M. Bégin: Je voudrais parler sur l'article 2, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Oui, mais sur l'article... Un instant! Sur l'article 2, est-ce que vous avez terminé?

M. Mulcair: Oui. Bien, sur l'article 2, j'étais en train de dire tout à l'heure que la modification était relativement simple à suivre, mais c'est difficile pour moi de savoir si la version anglaise de l'article 2 va suivre les titres si je n'ai pas les titres en version anglaise. Et, comme les deux versions sont également «autoritatives» et comme vous savez que, aux termes de l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1867, tel que confirmé par le jugement de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba, jugement rendu, rappelons-le, en juin 1985, chaque étape – le libellé du jugement ne saurait être plus clair – du processus d'adoption de la loi doit être fait dans les deux langues... Alors, il s'agit d'une loi fondamentale qui traite d'un sujet fondamental – la justice administrative – pour les citoyens. Alors, nous sommes disposés à attendre d'avoir la traduction pour pouvoir nous assurer que la version anglaise de l'article est conforme. J'attends d'avoir les titres en version anglaise.

Le Président (M. Paquin): Effectivement...

M. Bégin: ...

Le Président (M. Paquin): Un instant, s'il vous plaît! Paniquons dans le calme! Alors, M. le député de Chomedey, je pense que je dois vous rappeler les dispositions de notre fonctionnement, c'est-à-dire que la législation, à toutes ses étapes, peut se faire dans les deux langues. Ici, on peut parler en français et on peut parler en anglais. On peut déposer un amendement en anglais, déposer un amendement en français et on peut l'étudier indépendamment de l'absence de la version – je parle d'un amendement – dans l'autre langue.

Ainsi, tantôt, pour des questions de commodité, sur le titre, j'ai demandé qu'on attende l'autre version. Maintenant, je n'étais pas tenu à ça. C'était simplement pour des façons de commodité, puisque, un intitulé, que l'on peut adopter à la fin, de toute façon, c'est quelque chose qui nous indique la teneur de ce qui suit. Mais, puisque vous invoquez cette question sur un amendement, je vous rapporte à deux jurisprudences: celle du 12 décembre 1994 par Sylvain Simard et celle du 14 juin 1995 par Diane Barbeau, où il est établi qu'il n'appartient pas à la présidence de commission d'interpréter la loi, et notamment la loi constitutionnelle, ni de trancher des questions de droit.

Ainsi, on n'a pas le pouvoir de décider de la légalité ou non d'une présentation. La règle veut que l'auteur d'une motion d'amendement, en vertu, justement, des questions constitutionnelles, puisse présenter celle-ci et la discuter dans la langue de son choix, et la traduction de la motion dans l'une ou l'autre langue n'est pas requise pour qu'elle soit recevable. C'est même la responsabilité de l'Assemblée nationale, et sa responsabilité propre, de faire les traductions, et, en conséquence, si on veut en appeler de ce mode de fonctionnement là, on doit le faire devant l'Assemblée, alors que, pour les travaux d'une commission, il n'est pas nécessaire de le faire. Pour une question de traduction, c'est là qu'est la juridiction.

Je porte aussi à votre attention que, selon la tradition de l'Assemblée, les travaux d'une commission parlementaire qui procède à l'étude détaillée d'un projet de loi se déroulent en français. Toutefois, il est loisible à tout membre de la commission de présenter dans l'une ou l'autre des langues officielles une motion d'amendement soit à la version française, soit à la version anglaise de l'article étudié. Donc, on peut le faire en français ou en anglais sur le texte anglais ou français. Il n'y a aucune obligation de présenter une motion d'amendement dans les deux langues. Alors, c'est l'état de notre jurisprudence à ce moment-ci. Donc, on ne peut requérir la version anglaise, dans l'un et l'autre cas. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, cette décision ayant été rendue, je voudrais ramener la discussion là où elle était au moment où le quorum a été demandé et rappeler au député de Chomedey ce que je disais à ce moment-là. C'est que...

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Bégin: Oui.

(17 h 40)

Le Président (M. Paquin): Depuis que le quorum a été rétabli, il y a des événements qui ont eu lieu, et, notamment, nous avons disposé de l'amendement. Donc, on ne peut pas retourner à ce point-là à ce moment-ci, d'autant plus que la parole est au député de Chomedey. Par contre, après son intervention, vous pourrez vous prévaloir d'un cinq minutes de réplique ou encore de votre 20 minutes de droit de parole. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, sur l'article 2 récemment amendé en insérant à la place des deux paragraphes qu'on avait là auparavant ce qui était l'article 4 du projet de loi n° 130, on peut comprendre tout l'intérêt de pouvoir disposer des deux versions, parce que je vais faire la supposition suivante, que dans la version anglaise de l'article 2 tel qu'amendé, qui réfère à l'ancien article 4, on va faire ceci. On va prendre les mots de l'article qui se lit comme suit à l'heure actuelle: «The procedures leading to an individual administrative decision described in the first paragraph of section 2 shall be carried out in keeping with the duty to act fairly.» Pour ce qui est de la partie de l'amendement qui biffait «visée au premier alinéa de l'article 2», on va faire la même chose dans la version anglaise, «described in the first paragraph of section 2», de telle sorte que ça se lirait, pour cette partie de la modification, comme suit: «The procedures leading to an individual administrative decision shall be carried out in keeping with the duty to act fairly.» Jusque-là, ça va.

La question, donc, se corse un peu parce que, là, on dit «décision administrative individuelle» dans la version française. On biffe le mot «administrative», et il faut, encore une fois, c'est relativement simple, comprendre qu'on doit biffer le mot «administrative» dans la version anglaise de l'article 4, qu'on transpose maintenant à la place de ce qui était prévu pour l'article 2. Encore une fois, M. le Président, jusque-là, ça va.

Là, j'étais en train de faire remarquer que, dans l'ancien article 2, on avait une bonne tentative de synthétiser une définition de ces notions assez difficiles de «décision administrative» et de ce qu'on va appeler maintenant, en français, «décision juridictionnelle» et, dans la version anglaise, «adjudicative function». Le proche parent qui couvrait une bonne partie de cette réalité-là était le «quasi-judicial decision», la «décision quasi judiciaire». Maintenant, on y va avec une notion légèrement différente, mais apparentée. Et, lorsque j'étais en train de poser la question, tout à l'heure, le ministre m'a référé au titre I et au chapitre I. Alors, il faut bien comprendre, M. le Président, que je ne mets aucunement en question ni votre décision ni votre renvoi aux deux autres décisions, tantôt de M. Simard, tantôt de Mme Barbeau, d'autant plus que j'étais là pour ces deux décisions-là parce que c'est moi qui avais demandé la traduction dans ces deux cas-là – je connais très bien cette jurisprudence-là – mais je dois vous dire que la référence en...

M. Boulerice: ...ça serait plus intelligent...

M. Mulcair: Comme j'ai eu l'occasion de le dire au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, à la fin d'une journée avec nous, «he is better informed but, unfortunately, he is no wiser».

M. Bordeleau: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Mais le titre I prévoirait dorénavant, dans la version française, «Règles générales applicables à des décisions individuelles prises à l'égard d'un administré» – alors, dorénavant, «décision administrative individuelle» – et «Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative». Alors, ça, c'est pour le titre I et pour le chapitre I, d'où vous comprendrez, M. le Président, tout l'intérêt de se référer à la décision de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba, parce que ce qui se passe en commission au Manitoba aujourd'hui, et au Nouveau-Brunswick, les deux autres provinces à part le Québec qui ont une obligation constitutionnelle de traduire – l'Ontario a une obligation administrative de traduire; elle s'est imposé elle-même cette obligation-là – est légèrement différent de ce qui se passe ici. Au Manitoba, par exemple, on a au bout de la table non seulement un secrétaire et un président et nos proches collaborateurs, mais la commission a quelqu'un toujours présent pour pouvoir traduire les amendements. Ils sont traduits au moment d'être présentés par tout ministre, et, au fur et à mesure des modifications, les papillons sont toujours traduits sur-le-champ. Cela est conforme à la décision de la Cour suprême.

Et, comme je vous le disais tout à l'heure, M. le Président, je ne veux pas du tout mettre en question votre décision, parce que, effectivement, vous renvoyez à deux décisions, deux jurisprudences qui ont été rendues, et vous avez aussi raison que, si je considère que mes droits comme parlementaire sont brimés, c'est en haut que je dois aller porter cette question-là, et ça sera fait, je vous l'assure. Mais ce que je suis en train de dire, c'est strictement en termes du fonctionnement ici, maintenant, que ça aurait été intéressant de pouvoir avoir la terminologie exacte pour pouvoir faire cheminer les deux.

Et c'est pour ça que c'est un exercice périlleux, pour reprendre le terme du Barreau employé à l'égard du ministre de la Justice lorsqu'il a présenté son projet de loi. C'est un exercice hautement périlleux, parce que je vous dis très sérieusement, M. le Président, que toute personne qui va vouloir contester une décision en vertu de cette nouvelle loi sur les tribunaux administratifs n'aurait qu'à se référer aux débats de cette commission, ce 14 juin 1996 – et, si je ne me trompe pas, on est à une couple de jours de l'anniversaire du jugement de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba – et la personne en question pourrait appeler son client et dire: Vous savez quoi? J'ai trouvé de quoi. J'ai trouvé quelque chose: Toute la loi peut être contestée. Tu as un gars qui a demandé une traduction, et il s'est fait refuser en commission parlementaire. Ils ont refusé, ils ont fait défaut de respecter la décision de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba. Ainsi, les droits des parlementaires ont été brimés. Ainsi, la loi fondamentale du pays n'a pas été suivie. Et, M. le Président, le risque que court le ministre – c'est pour ça que j'utilise le terme «périlleux», tel qu'employé par le Barreau – c'est de voir sa loi cassée par les tribunaux pour défaut de traduction. Mais si ça, ce n'était déjà pas assez grave, le pire, c'est que je vais être là pour lui lire les transcriptions de cette conversation en commission parlementaire, et je vais pouvoir lui dire en toute amitié: «I told you so». Et c'est pour ça que c'est dangereux.

M. Bégin: ...l'opposition.

M. Mulcair: Et ça va venir très vite, M. le Président. Ça va être une des premières choses que quelqu'un va faire dès qu'il va vouloir contester. Il y a beaucoup de gens qui suivent, effectivement, les travaux de cette commission. Ils savent que les recours en matière administrative vont être beaucoup réduits. Le ministre est en train d'enlever beaucoup de recours. Il est en train de réduire beaucoup de possibilités de révision. Il ne dispose même pas d'un droit général d'appel. Alors, je vais vous garantir une chose: il y a beaucoup d'avocats qui vont regarder attentivement les travaux de cette commission et il y a beaucoup de gens qui vont savoir qu'on a fait, malheureusement, défaut de respecter l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, et c'est dangereux, c'est périlleux et c'est même regrettable parce qu'il va falloir tout recommencer, parce qu'on ne peut pas, par du «patchage» – c'est comme ça que le ministre aime bien procéder – par un coup de baguette magique, même si on emprunte la baguette magique du premier ministre désigné, faire semblant qu'on a respecté la Constitution.

Alors, c'est pour ça que, nous, on dit qu'on préférait la façon de faire de la version antérieure, avec l'article 2, de disposer des deux en même temps, parce que, même avec la version modifiée qu'on a maintenant, on est rendu à l'article 2, on est dans un nouveau chapitre, dans un nouveau titre, on parle, dans l'intitulé du chapitre premier, des règles propres qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative, mais on n'a plus la définition qu'on avait auparavant. On disait auparavant: «Relèvent de l'exercice d'une fonction administrative, les décisions individuelles qui sont prises par les ministères et organismes gouvernementaux en application de normes prévues par la loi et qui concernent des allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges ou prestations.»

Encore une fois, M. le Président, c'est peut-être quelque chose qui va nous être démontré plus tard, mais, sauf erreur, ce deuxième paragraphe de l'article 2, à moins qu'ils ne l'aient mis ailleurs, à moins qu'on ait manqué quelque chose – comme je vous dis, c'est assez difficile de suivre ces modifications-là – il ne se retrouve pas ailleurs dans le texte des 12 premiers articles qui nous ont été fournis jusqu'à date par le ministre. Donc, à notre sens, la pertinence demeure entière de demander la traduction, parce que ça nous aurait permis, au moins, de jauger la suite des choses, même si, comme je l'ai mentionné, ici, à l'article 2, ce n'est pas la fin du monde, on peut assez facilement suivre ce qui est retranché ainsi que le mot «administrative», qui est non seulement le même mot, mais a la même orthographe en anglais qu'en français. Mais le défaut de traduire les titres, à notre sens, fait défaut aussi de respecter cette obligation fondamentale de procéder à l'adoption, à toutes ses étapes, dans les deux langues ainsi reconnues officielles pour les fins de notre législation.

(17 h 50)

La version modifiée, donc, de l'article 2 se lit maintenant: «Les procédures menant à une décision individuelle prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi, sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement.» Ça va jusque-là. Mais, encore une fois, M. le Président, la référence était beaucoup plus intéressante auparavant. On ajoutait «et qui concernent des allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges ou prestations». Il faut peut-être se demander si le fait qu'on ait modifié l'article 16 tout à l'heure pour enlever tout un chapitre important de ce qui devait être inclus au Tribunal administratif du Québec n'est pas venu dénaturer, donc, le projet de loi lui-même et rendre nécessaire le retranchement de la référence aux allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges ou prestations, parce qu'il faut comprendre, M. le Président, que ce n'est plus cohérent, que ce n'est plus un ensemble, que ça ne se tient plus. Il y a un trou béant dans la loi, et le trou béant est reflété par le fait que l'article 2, maintenant, ne réfère pas à tout le reste.

Alors, je pense que c'est non seulement un exercice périlleux auquel on se livre, mais que le ministre vient, justement, par sa modification à l'article 16, d'avouer qu'on n'avait plus une loi qui permettait d'affirmer la spécificité de la justice administrative. La définition même de justice administrative a dû être modifiée pour tenir compte de ça. Ce n'est plus aussi complet que ce l'était auparavant parce que la loi ne sera jamais plus aussi complète que ce qu'elle était auparavant parce que l'article 16 a retranché la référence à une partie très importante, c'est-à-dire la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, on trouve que c'est une erreur de procéder avec l'article 2 tel que libellé et tel que modifié, et c'est pour ça que je vais maintenant donner la parole à mon collègue, le député de l'Acadie, et je vous reviendrai là-dessus.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. En fait...

Le Président (M. Paquin): Un instant. M. le ministre, vous voulez exercer une réplique de cinq minutes?

M. Bégin: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Ça vous est loisible.

M. Bégin: Il m'apparaît important de reprendre un peu l'intervention du député de Chomedey parce que, effectivement, nous sommes à un article qui m'apparaît extrêmement important. Il y a ce concept de la fonction administrative et de la fonction juridictionnelle. Il avait été prévu de mettre ces deux aspects d'une fonction dans le même article. Cependant, vous vous en rappelerez, nous avons entendu beaucoup de critiques sur la formulation même de cette disposition. C'est pourquoi nous avons tenté de répondre à celles-ci en regroupant les questions de manière différente.

On retrouve, à l'article 2, la définition relativement à une décision individuelle prise à l'égard d'un administré, et sans aller plus loin. Mais, par contre, quand on arrive, après ça, dans le titre que l'on retrouve, on dit: Les règles applicables à des décisions individuelles, mais prises à l'égard d'un administré. Alors, il y a des règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative, et, par la suite, à l'article 8, on a le chapitre II: Les règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction juridictionnelle. Et je pense que, quand on lit les articles les uns en relation avec les autres, on se rend compte que, ce que l'on voulait trouver, c'est-à-dire cette fonction administrative et cette fonction juridictionnelle avec ce qui en découle, dans le premier cas, dans le devoir d'agir équitablement, et dans l'autre, d'agir d'une manière que, autrefois, on qualifiait de quasi judiciaire, alors, on a les deux façons d'agir, et ça m'apparaît être une réponse adéquate aux objections qui avaient été soulevées.

Parce qu'elles n'étaient pas sur le fond comme tel, elles n'étaient pas de dire: Nous n'acceptons pas le principe qu'il y ait une fonction administrative et une fonction juridictionnelle. Peut-être, sur le mot «juridictionnelle», certains auraient préféré qu'on garde l'ancienne définition, l'ancien concept de «quasi judiciaire», mais je pense que, depuis quelques années, en jurisprudence, c'est vraiment la «fonction juridictionnelle» qui est le nouveau vocable et qui traduit bien ce qui est en cause.

Les gens avaient donc approuvé ces deux concepts, mais ils trouvaient mal formulé le deuxième alinéa, surtout, de l'article 2. On se disait, par exemple, sont-elles individuelles? Qu'est-ce que c'est qu'un organisme administratif? On avait des décisions de l'administration. Il y avait plusieurs concepts qui étaient là et, surtout, il y avait cette question de «spécialement habilités à agir comme tiers chargés de statuer sur les recours». Là, il y avait ce concept d'«agir comme tiers chargés de statuer», et ce n'était pas bien reçu.

Donc, je pense qu'on a, par un redéploiement des concepts dans différents articles, réussi à atteindre l'objectif. Bien sûr que, si on le reprend individuellement, qu'on le compare à l'article ancien et qu'on dit: Bon, bien, il y en a moins, la réponse, c'est oui. Comme, par exemple, mon collègue soulevait, par rapport au premier alinéa: «En application de normes prévues par la loi et qui concernent des allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges». Je l'invite à lire le nouvel article 5, où l'on retrouve justement: L'autorité administrative ne peut rendre une ordonnance de faire ou de ne pas faire ou une décision défavorable portant sur une indemnité, une prestation, un permis ou une autre autorisation de même nature sans au préalable...» Et là, on a «avoir informé», etc., «lui avoir donné l'occasion».

Donc, c'est repris de manière différente, c'est un redéploiement, et je vous fais remarquer que, entre autres, le Protecteur du citoyen, ou M. Meunier a passé des commentaires en disant que, oui, c'était beaucoup mieux organisé, beaucoup mieux structuré et que ça allait mieux. Il a suggéré – je pense que c'est à l'article 6 – une précision. On verra à ce moment-là. Mais on a donc maintenant, selon cette personne qui a regardé ça, vraiment un meilleur agencement, et c'est d'ailleurs un de ceux qui avaient passé le plus de commentaires sur cette disposition à l'époque.

Alors, M. le Président, je pense que c'est une bonification, une clarification et qu'on garde toutes les qualités que l'on avait avant, mais elles sont redistribuées différemment entre les articles 1 à 12. Voilà.

Le Président (M. Paquin): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Écoutez, je ne veux pas reprendre la discussion, là, qui a été faite par mon collègue, le député de Chomedey. Tout simplement, c'est une réaction. En fait, je voulais poser cette question-là au ministre. Sur la question de la disparition, au niveau de l'article 2, des concepts de «fonction administrative» et de «fonction juridictionnelle», écoutez, moi, je ne suis pas un juriste, et mon impression – en tout cas, c'est une impression tout à fait personnelle – c'est que je trouvais que, d'avoir l'article 2 tel qu'il était dans le document initial, ça nous permettait de mieux comprendre, au départ, les deux dimensions avant d'arriver dans les articles qui suivent où on décrit plus les règles de procédure, les sujets, les contenus, je pense, au niveau des indemnités et prestations, etc.

Alors, là, on arrive, on voit le premier titre du chapitre 1: «Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative». Antérieurement à ça, on n'a jamais défini ce qu'était une fonction administrative, et là on arrive puis on a le terme de «fonction administrative». Quand on regarde les articles 2 et suivants, on n'a pas de définition comme telle, c'est plus axé sur les règles de fonctionnement, la procédure à suivre. Moi, je trouvais, en tout cas, personnellement, que le fait d'avoir l'article 2, où on établit dans le même article exactement les deux concepts décrits de façon, bon, la plus concrète possible, ça nous permet de situer, puis ensuite on arrive aux sections qui suivent, la fonction administrative et fonction juridictionnelle, et que c'est plus clair de cette façon-là.

Maintenant, le ministre dit qu'il y a eu des représentations qui ont été faites à ce niveau-là. Je n'étais pas, à ce moment-là, membre de la commission, je ne peux pas commenter ce qui a été dit à ce moment-là, mais c'est tout simplement une remarque personnelle que je faisais. Pour moi, ça me semblait plus clair quand on avait l'article 2 tel qu'il était là, et, moi, je n'aurais pas été porté à le remplacer par l'article 2 qui nous est présenté au niveau de l'amendement parce que ça n'a pas du tout la même signification. On fait disparaître l'ancien article 2, on le remplace par un nouveau, et les définitions des deux termes «fonction administrative» et «fonction juridictionnelle», bien, évidemment, on les retrouve par la suite d'une façon qui, à mon avis, est moins claire. Alors, c'est tout simplement un commentaire que je voulais faire.

Le ministre a expliqué qu'il a remis ça plus loin dans la présentation. Il me semble que, quand on a deux concepts comme ça, au plan de la compréhension, c'est plus simple d'établir ce que ça signifie plutôt que de commencer par un, puis, là, on décrit toute la règle, puis on arrive, après ça, au deuxième concept, plus loin, alors qu'on n'a pas une vision d'ensemble par comparaison des deux concepts, des deux notions qui sont utilisées. Oui, c'est un commentaire personnel.

Le Président (M. Paquin): Alors, personne n'ayant demandé la parole, est-ce que l'article 2 tel que...

M. Mulcair: M. le Président, j'avais quelque chose à dire là-dessus...

Le Président (M. Paquin): Alors, dans ce cas...

M. Mulcair: ...mais je croyais que le temps imparti par l'ordre de la Chambre était fini.

Le Président (M. Paquin): Non, il nous restait du temps. Là, il n'en reste plus. En conséquence, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 4)

Le Président (M. Paquin): La commission reprend ses travaux. Nous sommes en train de discuter de l'article 2 tel qu'amendé, et la parole est au député de l'Acadie. C'est ça?

(Consultation)

Le Président (M. Paquin): C'était bel et bien le député de l'Acadie qui avait la parole, mais le député Mulcair me demande la parole. Alors, je lui donne la parole.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Je m'excuse. Je m'excuse. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Est-ce que notre proche collaboratrice pourrait m'indiquer le temps qu'il me reste sur le principal?

Le Président (M. Paquin): 6 min 35 s.

M. Mulcair: D'accord. M. le Président, sans vouloir être trop difficile, je vois que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques a trouvé quelque chose pour se tenir réveillé, mais je dois quand même vous demander d'invoquer l'article 32.

M. Boulerice: Non, ça n'a rien à voir. J'ai le droit de lire tout document pertinent. Ça n'a rien à voir.

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît! Si vous pouviez au moins lui donner la dimension d'un parchemin.

Une voix: Il y a des grands parchemins.

M. Boulerice: Il y a des fins papiers, monsieur.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Non, mais je m'excuse. Non, M. le Président, ça n'a rien à voir avec l'article 35. On ne peut pas m'empêcher de regarder une carte géographique.

Le Président (M. Paquin): Ce n'est pas l'article 35, c'est l'article 32.

M. Boulerice: Ah bien, 32, encore mieux. De toute façon, la jalousie n'a jamais mené nulle part, et le député de Chomedey devrait le savoir.

Le Président (M. Paquin): Décorum: «Les députés doivent observer le règlement et contribuer au maintien du décorum de l'Assemblée.

«Ils occupent la place qui leur a été assignée par la présidence, y demeurent assis et gardent le silence à moins d'avoir obtenu la parole.

«Ils doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui et au bon fonctionnement de l'Assemblée.»

M. Boulerice: Vos conditions étant réunies, M. le Président, nous pouvons commencer.

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît, je vous demanderais de replier ce document et de lui donner la dimension d'une chemise, ou à peu près, de façon à ce que ce soit plus conforme avec ce qui est habituel dans cette enceinte. S'il vous plaît.

M. Boulerice: Est-ce qu'il y a une jurisprudence, M. le Président, sur la dimension des documents? J'aimerais l'avoir en mesure internationale, par exemple, puisque le système britannique, pour moi, c'est du passé.

Le Président (M. Paquin): Il y a une jurisprudence qui veut que les députés non seulement respectent le décorum, mais l'autorité de la présidence, et je vous demanderais, s'il vous plaît, d'obtempérer.

M. Boulerice: Mais, M. le Président, je ne vois pas en quoi je ne respecte pas votre autorité. Je vous ai demandé en quoi je gênais les travaux de la commission. Vous m'avez parlé d'un document. Il faudrait que ce soit du papier qu'on appelle «format ministre»?

Le Président (M. Paquin): Je vais suspendre, quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 7)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Paquin): Nous allons reprendre nos travaux. Alors, après que nous eûmes réfléchi et que nous eûmes fait ce qu'il fallait, nous pouvons donc maintenant entendre le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, pour resituer la discussion, on est en train de discuter justement de l'article 2 tel que modifié, et la modification a eu pour effet d'insérer, à la place des deux paragraphes qui étaient là auparavant, à l'article 2, ce qui était auparavant également l'article 4. L'article 4 a été modifié à trois endroits. D'abord, on a biffé la mention «visée au premier alinéa de l'article 2», ensuite, on a biffé le terme «administrative» et on a inséré «prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi».

Je dois vous dire tout de suite en partant, M. le Président, que les deux premières fois que j'ai traité de ça, et dans la version française et dans la version anglaise, la photocopie qu'on a est tellement faible, tellement pâle, que je n'ai même pas remarqué qu'il y avait une partie en zone grise qui voulait dire que ça avait été ajouté. Tout ça pour vous dire, M. le Président, que la manière de procéder ici est, à notre sens, tout à fait inadéquate. Et ça me permet de rappeler une proposition qui avait déjà été faite de ce côté-ci de la Chambre, puisqu'on avait offert au ministre de faire ce qui était nécessaire pour qu'il puisse intégrer ces modifications dans un nouveau document, malgré le fait que la date du 15 mai était dépassée, on lui aurait permis d'intégrer tout ça et on aurait pu repartir nos discussions sur cette base-là. Malheureusement, ce qu'on a devant nous est une version assez difficile à suivre, parce que non seulement le ministre nous fait étudier tous ces amendements, mais, en plus, ce n'est pas rédigé dans la forme habituelle, faute de temps, sans doute. Parce que, normalement, ce qu'on aurait vu ici, c'est: L'article 4 est modifié en retranchant le mot «administrative» visé au premier alinéa, etc.

Mais peu importe, M. le Président, on va tenter de faire de notre mieux pour suivre. Donc, je vais proposer un amendement à l'article 2 tel que modifié, et cette modification se lit comme suit: Projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, article 2. Le projet de loi n° 130 est modifié par l'ajout, à l'article 2 tel que modifié, après le mot «loi», de ce qui suit: «et qui concernent des allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges ou prestations, sauf en matière de lésions professionnelles.»

(20 h 10)

Bill 130, An Act respecting administrative justice, section 2. Bill 130 is amended by adding, in section 2 as amended, after the words – et là vous allez comprendre qu'on a un problème, M. le Président, et je vais y revenir...

M. Bégin: M. le Président...

M. Mulcair: ...«and that concern allowances, compensation or indemnities, authorizations, permits or licences, privileges or benefits, other than in matters dealing with workplace injuries.»

Mr. Chairman, you will have quickly understood that we have a difficulty because...

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'on pourrait avoir copie, s'il vous plaît?

M. Mulcair: Oui, avec plaisir. Je vais vous les donner et je vais discuter là-dessus après.

(Consultation)

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Bégin: Oui, M. le Président. Je pense...

Le Président (M. Paquin): Sur la recevabilité.

M. Bégin: Oui, c'est ça. Je pense que, minimalement, il y a un membre de phrase qui ne peut pas être pertinent, compte tenu que nous avons adopté l'article 16, qui exclut les lésions professionnelles. Tout ça m'apparaîtrait tout à fait redondant, compte tenu du reste du texte.

Le Président (M. Paquin): Alors, ce que vous me dites...

M. Mulcair: M. le Président, sur la recevabilité.

Le Président (M. Paquin): Un instant, un instant. Ce que vous m'indiquez, c'est que, selon vous, un des membres de la proposition serait caduc et ça rendrait l'ensemble de la proposition caduc parce que, en 16, nous avons retiré les lésions professionnelles. Or, justement, l'amendement prévoit cette exception-là en disant «sauf en matière de lésions professionnelles». Oui, M. le ministre?

M. Bégin: Mais, M. le Président, comme elles ont déjà été exclues, c'est redondant de reprévoir ça. Elles n'existent plus dans la loi et l'objet même de l'article 16 était d'enlever cette référence. Donc, M. le Président, je soumets respectueusement qu'il est tout à fait inutile. On n'en a pas besoin, ce n'est plus dans la loi, c'est déjà prévu que ce n'est plus dans la loi.

M. Mulcair: M. le Président, sur la recevabilité.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Avec tout le respect que je dois à mon confrère le ministre de la Justice, je crois qu'il est en train de plaider sur le fond et non pas sur la recevabilité. Il peut dire qu'il n'aime pas le bout de phrase... Je vais attirer votre attention sur l'article 2, premier alinéa, tel qu'il se lisait dans le projet de loi n° 130, et vous allez tout de suite comprendre que ce que nous sommes en train d'ajouter là, c'est le bout qui manque, c'est-à-dire que, dans l'ancien 4, qui est devenu le nouveau 2, on a retranché deux mentions puis on a ajouté un bout de phrase: «prise par l'administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi». La version similaire qui se retrouvait auparavant dans 2 était «prises par les ministères et organismes gouvernementaux en application de normes prévues par la loi». Ce qui ne s'y retrouve plus, c'est «et qui concernent des allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges ou prestations». Nous avons cru comprendre que cette mention-là venait le couvrir auparavant, mais qu'on l'enlevait à cause de l'article 16. Alors, ce que, nous, on veut... On aimait bien la définition «self-contained». Alors... Oui, allez-y.

Le Président (M. Paquin): Le ministre n'allait pas sur le fond, il plaidait sur la caducité, donc sur 194. Maintenant, il n'y a pas de contradiction entre le fait d'exclure à deux endroits. C'est tout à fait correct, en vertu de 244 et en vertu de 197, de mon point de vue, et je vais recevoir l'amendement. Si on veut le photocopier, s'il vous plaît.

(Consultation)

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de Chomedey, sur l'amendement à la proposition, à l'article 2.

M. Mulcair: O.K. Bien, je vais commencer en parlant de la version française, et vous allez comprendre tout de suite après le problème qu'on a avec la version anglaise, parce qu'on ne l'a pas. Dans la version française, comme j'ai commencé à le mentionner tantôt, quand vous me disiez que je plaidais sur le fond – je vais continuer, donc, là où j'ai laissé, en plaidant sur le fond – l'article 2, tel qu'il existait dans le projet de loi n° 130 tel que proposé à l'Assemblée nationale, prévoyait ce qui suit, dans le premier paragraphe: «Relèvent de l'exercice d'une fonction administrative, les décisions individuelles qui sont prises par les ministères et organismes gouvernementaux en application de normes prévues par la loi et qui concernent les allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges ou prestations.» L'avantage, à notre point de vue, d'une telle définition – parce que c'est un peu de quoi il s'agissait – c'est que ça permettait au justiciable, à l'administré, dans le jargon du projet de loi n° 130, de savoir ce qui allait où.

On est en train ici, M. le Président, de faire un peu de la pédagogie. Même si les avocats ont l'habitude de jongler avec les notions de décision administrative versus décision judiciaire ou juridictionnelle ou quasi-judiciaire, ce n'est pas quelque chose qui fait partie du vécu du citoyen, n'est-ce pas? Malgré le fait que la loi d'interprétation, encore une fois, dise qu'on est présumé connaître les lois publiques, je pense qu'il y a très peu de gens, effectivement, qui connaissent l'ensemble de la législation. Ici, on aurait, à notre point de vue, tout avantage à conserver ces exemples... Parce que ce sont juste des exemples. C'est une disposition explicative. C'est une disposition qui n'est pas là pour venir cerner des droits ou enlever des droits. C'est une manière d'expliquer un peu le génie de la loi, tel que c'est en train d'être construit. Et, à notre point de vue, un article, dès le départ, qui vient étayer les deux grands principes de la loi... On va le diviser en décisions, individuellement, de l'administration; les chapitres qui suivent mettent un peu de viande sur ces os-là. Bien, nous, on est en train de dire: Tant qu'à faire, préservons les définitions telles qu'on les retrouvait au début de l'article 2, donnons ces exemples et ces modèles, ces illustrations de quoi on est en train de parler. D'abord, cet effet pédagogique, ça vient expliquer un peu davantage à l'administré ce avec quoi il est en train de traiter, et, à notre point de vue, c'était tout à fait souhaitable. Alors, vous aurez compris que c'était repiqué, donc, dans le début du deuxième paragraphe tel qu'il existait avant les modifications apportées aujourd'hui.

Maintenant, le problème est assez compliqué en ce qui concerne la version anglaise. Vous remarquerez, dans la motion que je vous ai donnée – puis on attend de recevoir les documents photocopiés sous peu – dans la version anglaise, que j'ai fait la même chose. Je suis allé dans la version anglaise de l'article 2 du projet de loi n° 130 tel que ça existait et qui, rappelons-le, au premier paragraphe, se lisait comme suit: «Individual decisions that are made by Government departments or bodies pursuant to the norms or standards prescribed by law and that concern allowances, compensation or indemnities, authorizations, permits or licences, privileges or benefits are made in the exercise of an administrative function.»

Tantôt, M. le Président... Before, a little while ago, Mr. Chairman, we were looking at the French version of section 2 as amended, as brought in by the Minister. We remarked that he had taken the former section 4 of Bill 130 and essentially brought it into section 2 with two changes. We then noted that the word «administrative» had been changed and, in fact, struck from the section and that the reference in the French: «visée au premier alinéa de l'article 2» was quite easy to find in old section 4, and we simply looked at it and we were able to say «described in the first paragraph of section 2» and we were able to follow fairly well up until there.

(20 h 20)

However, as I noted before, Mr. Chairman, in the version that we have before us, the version that the Minister gave us, instead of having a textual demonstration of the additions and the changes, there are some parts of the document that appear in the frame, in the document he gave us, that are supposed to be in a sort of a gray, a shaded area. In the French version, the words «prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi»... Now, to find out where that came from, we have to refer back to the first paragraph of section 2 in the French version, where we find something very similar: «prises par les ministères et organismes gouvernementaux en application de normes prévues par la loi». That, Mr. Chairman, is the part that was added to the new section 2, as it has become amended and put in by the Minister. The part that was left is the part that says «et qui concernent des allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges ou prestations». Now, there is an English version for that, and it is to be found in the first paragraph of section 2 in the original English version of Bill 130, and it says «and that concern allowances, compensation or indemnities, authorizations, permits or licences, privileges or benefits are made in the exercise of an administrative function.»

M. le Président, tout à l'heure, lorsqu'on a discuté de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi que de la décision de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba, vous nous avez expliqué que c'était l'habitude, la coutume ici, à cette commission, de permettre aux parlementaires, comme c'est leur droit, bien entendu, de s'exprimer dans l'une ou l'autre des deux langues officielles de notre législation. Vous avez aussi exprimé la tradition ainsi qu'une certaine jurisprudence. Vous avez nommé deux décisions: une rendue par Sylvain Simard en décembre 1994 et une autre rendue par Mme Barbeau en juin 1995. Aux termes de ces deux décisions, vous nous avez dit que vous n'étiez pas là pour rendre une décision légale, que vous n'étiez pas là pour décider de la légalité de ce que faisait le ministre, ce avec quoi je ne pouvais qu'être d'accord, parce que c'est très clair que le président d'une commission ne décide pas de la légalité de quelque chose que le ministre met devant la commission. Vous m'avez aussi dit que, selon vous, si je sentais que ça portait atteinte à mes droits et privilèges, je pouvais toujours m'adresser à la Chambre, et, là-dessus aussi, je ne peux que vous donner raison et être d'accord avec votre analyse. Cependant, sur un plan beaucoup plus pratique et terre-à-terre, maintenant on a un problème parce que... Je ne sais pas si les photocopies sont arrivées... Est-ce qu'on pourrait les distribuer?

Le Président (M. Paquin): C'est fait.

M. Mulcair: O.K. Merci. On vient de me remettre la version.

Alors, vous verrez, dans la version anglaise que vous avez devant vous, M. le Président, que j'ai dû prévoir ce qui suit: Bill 130 is amended by adding in section 2 as amended, after the word... et, là, j'ai mis un point d'interrogation parce que je n'ai pas de version anglaise qui contient le mot «loi», comme on a ajouté dans la version française. Alors, je suis un peu dans une impasse parce que vous me dites d'un côté que, comme parlementaire, j'ai le droit de présenter mes amendements dans les deux langues parce que cette commission et notre législation fonctionnent dans les deux langues. Alors, comment je dois faire pour plaider sur le fond, sur ma modification? On le met où, dans la version anglaise, alors que la version anglaise amendée, telle que proposée par le ministre, n'existe pas, elle n'est pas devant nous? Alors, qu'est-ce que je dois modifier, dans la version anglaise? Est-ce que vous pouvez m'aider avec ça, M. le Président?

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey, quand j'ai reçu l'amendement en français et que j'ai vu qu'il y avait une version anglaise, j'ai dit: Voilà quelqu'un qui veut accommoder la commission, jusqu'à ce que je voie le point d'interrogation, auquel cas ça m'a indiqué qu'il valait mieux que je relise la jurisprudence.

Alors, effectivement, on serait dans une impasse s'il n'était pas loisible aux parlementaires de déposer dans l'une ou l'autre langue les amendements qui sont soumis. La règle veut que l'auteur d'une motion d'amendement ou de sous-amendement puisse présenter celle-ci et en discuter dans la langue de son choix, parce que la motion, le projet de loi est disponible en anglais et en français et on peut légiférer dans les deux langues. Toutefois, il est loisible à tout membre de la commission de présenter dans l'une des deux langues officielles une motion d'amendement, soit la version française, soit la version anglaise de l'article étudié. Or, l'article que nous avons devant nous, et qui est recevable par l'usage, provient d'un amendement de la version française, un amendement présenté en français, comme était la prérogative de celui qui l'a présenté, et ce texte qui est devenu résolution est donc devenu le nouvel article tel qu'amendé, dont nous ne disposons pas de la version anglaise, parce qu'il est de la responsabilité de l'Assemblée nationale, une fois que le processus d'adoption de la loi est fait, de finir et de parachever les projets en faisant les traductions. C'est sa responsabilité. Ce qui fait que la version anglaise, à ce moment-ci, est une commodité qui pourra servir à l'Assemblée nationale dans son travail, et que la version française est la nécessité puisqu'elle s'applique à un article qui est exclusivement écrit en français et qui est légitime, de par sa provenance et de par son adoption. C'est pourquoi nous travaillons, dans ce cas précis, avec la version française et que j'ai fait mon évaluation de la recevabilité sur 244, sur 197 et sur 194 à partir de la version française, et que je considère toujours comme une commodité d'avoir la version anglaise. Maintenant, son application à la version française serait tout à fait difficile, ce qui m'amène à croire qu'il est plus opportun de présenter un amendement en français quand on s'adresse à la version française, et en anglais quand on s'adresse à la version anglaise, et non pas présenter un amendement en français pour la version anglaise ou un amendement en anglais pour la version française.

En conséquence, suite à l'ensemble des éléments que je vous indique, il m'apparaît qu'on doit travailler strictement avec le texte français, suggérer, à titre de commodité, la version anglaise à celui dont la responsabilité est de donner suite à nos travaux, dans le cheminement normal de l'adoption de la législation, et, donc, de travailler à partir de la version française. Est-ce que quelqu'un désire s'exprimer sur ce point de vue?

M. Mulcair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci beaucoup pour ces observations toujours aussi articulées qu'intéressantes. Cependant, je dois vous dire que je ne partage pas votre point de vue. Vous venez de dire qu'on peut légiférer dans les deux langues. Je vous soumets respectueusement ce que la Cour suprême nous enseigne dans le jugement que j'ai déjà cité à une couple de reprises, le renvoi sur le Manitoba. C'est que l'on doit légiférer dans les deux langues, et ce, à toutes les étapes du processus d'adoption de la législation.

À mon sens, l'absence d'une version anglaise, je pense, à ce moment-ci dans cette commission, sur cet article, entache fondamentalement le processus et va à l'encontre du jugement de la Cour suprême. Pour vous, de dire que c'est simplement une question de parachever la loi en faisant la traduction et que la version anglaise, c'est une question de commodité, alors qu'ici la version française serait une nécessité vu le fait que le ministre a choisi de présenter seulement une version française, à mon sens – et ceci dit très sérieusement, eu égard pour la présidence – ne respecte ni l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, ni le jugement de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba, ni, devrais-je dire, le jugement de la Cour suprême rendu le 13 décembre 1979 dans l'affaire Blaikie I.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, on va travailler avec les deux versions. Vous avez dit qu'on va travailler strictement avec le texte français, soit, mais je vais continuer mes remarques sur le fond de l'article 2 et de ma proposition d'amendement... Oui?

Le Président (M. Paquin): ...et je n'ai pas rendu de décision.

M. Mulcair: Non, non. Excusez-moi.

Le Président (M. Paquin): J'ai exprimé un point de vue...

M. Mulcair: D'accord.

Le Président (M. Paquin): ...et j'ai demandé si des députés voulaient s'exprimer là-dessus. J'ai entendu votre point de vue. Je demande de nouveau: Est-ce que des député veulent émettre une opinion sur le point de vue que j'ai émis tantôt? M. le ministre.

M. Bégin: ...à deux reprises. Je pense que nous n'avons pas à reprendre ce débat sempiternellement. Nous sommes prêts à avancer dans l'étude du projet de loi. Si le député de Chomedey veut reprendre ad nauseam les mêmes arguments, c'est son droit, mais nous considérons que ce n'est pas une façon d'accélérer les travaux de l'étude d'un projet de loi. Mais il a le droit de répéter pour la septième fois qu'il est plus ou moins d'accord avec la façon de faire. Et, s'il le veut, et je pense que ça fait assez de fois qu'on le lui dit, puis ça fait assez de fois qu'il nous dit qu'il veut le faire, il devrait, à mon point de vue, prendre son courage à deux mains et apporter ça devant l'Assemblée nationale; on pourrait le trancher une fois pour toutes. Mais il aime mieux utiliser cet argument-là, peut-être à certains objectifs que je ne connais pas ou que je ne veux pas énoncer ici mais qui, certes, ne nous font pas avancer de manière rapide dans l'étude de notre projet de loi, et surtout qui n'ajoutent rien au contenu de la loi elle-même.

(20 h 30)

Le Président (M. Paquin): M. le ministre, ce n'est pas exactement le même point qui a été tranché précédemment qui a été apporté cette fois-ci. C'était une situation où seul le texte français est disponible et pour lequel on soumet deux libellés, un en anglais et un en français, qui sont les langues officielles du Canada.

La langue officielle du Québec est le français, et la langue d'usage aussi, ce qui fait que les amendements, en général, sur les deux libellés, sont apportés en français, ce qui fait que, lorsqu'ils sont adoptés, on se retrouve soit avec un article tel qu'amendé dans la langue anglaise, auquel cas l'Assemblée nationale le traduit en français, ou avec un article tel qu'amendé qui est écrit en français, auquel cas il est de la responsabilité de l'Assemblée nationale de le traduire en anglais. Et, dans cette condition-là, la question qui est posée par le député de Chomedey nous confronte à une nouvelle situation.

Cependant, les éléments de solution à cette situation se situent dans la dynamique que j'ai indiquée concernant notre façon de légiférer et dans deux articles de notre règlement, l'article 2 et l'article 34. L'article 34, qui parle des questions qui sont adressées au président: questions de directive et questions de règlement. Les questions adressées au président par les députés: «Les députés ne peuvent poser au président que des questions portant sur les affaires ou la procédure de l'Assemblée.» Dans ce cas-ci, effectivement, il s'agit d'une question sur la procédure de l'Assemblée et sur une affaire qui concerne l'Assemblée nationale. Dans ce sens-là, la question est recevable. Mais l'article 2 décrit les fonctions du président, et, quand on examine l'ensemble de ces fonctions, que je n'énumérerai pas – il y en a huit – on s'aperçoit que celle d'interpréter la législation, que ce soit une loi fondamentale ou la Constitution, est exclue.

Et, d'ailleurs, la jurisprudence à cet égard est très claire. Dans une décision rendue le 16 juin 1986 par Jean-Guy Lemieux, on peut lire que – et toutes les autres jurisprudences, et elles sont nombreuses, vont toujours dans le même sens – «le président n'interprète pas le droit, et, si les députés estiment que l'amendement est illégal, ils peuvent toujours s'y opposer en votant contre. Et si, de leur point de vue, leurs privilèges de parlementaires sont atteints, ils ont un recours qui est, dans ce cas-là, d'aller à l'Assemblée nationale en vertu des articles 66 et suivants, où on trouve les dispositions à cet effet». Alors, signalement d'une violation, les droits et privilèges et tout ce qui s'ensuit.

D'autre part, le rôle du président consiste à appliquer le règlement, à maintenir l'ordre, à le faire observer, à mettre les éléments en discussion, à s'assurer que le processus est correct, et en aucun cas à interpréter la loi. Donc, devant toutes ces conditions et pour toutes ces raisons, je statue que nous allons travailler avec la version française dans ce cas-ci et que nous considérerons la version anglaise comme une commodité afin de permettre à l'Assemblée nationale de faire son travail très exactement dans l'esprit du proposeur de l'amendement. Et j'indique au proposeur de l'amendement la nature du recours qu'il peut exercer en vertu des articles 66 et suivants à l'Assemblée nationale. C'est ma décision.

La parole est au député de Chomedey, qui a déjà commencé son droit de parole sur la question, et il a environ sept minutes de faites.

M. Mulcair: Est-ce c'est justement ça, ce que notre proche collaboratrice confirme? Oui. Merci, M. le Président, et, encore une fois – et ceci dit très sincèrement – j'apprécie énormément vos connaissances du règlement, votre manière de vous exprimer là-dessus, et, même si on n'est pas d'accord sur le résultat, je pense que, comme parlementaires, on peut toujours apprécier travailler dans un tel climat de confiance, parce que j'ai confiance que vous êtes en train de faire, vraiment de bonne foi, votre travail et votre analyse. Je ne partage pas nécessairement votre point de vue, mais je le respecte et j'accepte votre décision.

Je vais juste, sur le fond de notre modification, continuer avec la démonstration qu'on était en train de faire, et je pense que tout cet échange, M. le Président, risque, un jour, de faire l'objet d'une analyse très détaillée, parce que vous pouvez être sûr que, avec le nombre de recours qui sont retranchés dans ce projet de loi sur la justice administrative et avec la créativité dont font souvent preuve les avocats aux prises avec un problème particulièrement difficile, je vous prédis – ce n'est pas du ressort des juristes, normalement, de faire des prédictions, mais je vais m'en permettre une quand même – que vos propos de tantôt vont être lus, analysés et étudiés attentivement lorsque viendra le temps de contester cette législation.

Le Président (M. Paquin): Vous savez, le météorologues font des prédictions et les économistes aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): On pourrait les intervertir puis ça aurait probablement le même niveau de succès.

M. Mulcair: Well, Mr. Chairman, I am predicting stormy weather once the judges of the Superior Appellate Court get hold of your ruling in this case.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, je vais continuer avec mon analyse qui comporte une analyse des deux versions que j'ai mises devant cette commission et qui ont été jugées recevables: la version anglaise, comme vous l'avez dit, pour fins de commodité, et la version française, comme vous l'avez dit, pour fins de nécessité. Mais je pense qu'il est aussi très intéressant pour nous de regarder, dans la version française, la transformation qu'il y a eu avec un bout de phrase qui est contenu dans l'ancien article 4 devenu maintenant l'article 2 tel que modifié par le ministre.

Me référant à la version qui paraissait à l'article 2, on lisait: «Les procédures menant à une décision administrative individuelle visée au premier alinéa de l'article 2 sont conduites» Bon, on biffe «administrative», on biffe «visée au premier alinéa de l'article 2» et on ajoute «prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi». On est vraiment dans le coeur du projet de loi, M. le Président. On retrouve quelque chose qui s'y apparente, à l'ancien article 2, que l'on vient de remplacer avec la modification du ministre. On retrouve quelque chose de semblable, et c'est «prises – au pluriel – par les ministères et organismes gouvernementaux en application de normes prévues par la loi». Alors, le bout de phrase «en application des normes prescrites par la loi» est presque identique. Le mot «prévues» dans l'ancienne version a été changé pour le mot «prescrites». Cependant, la première partie de ce bout de phrase qui se retrouvait à l'article 2 et qui a été réintroduit ici, «prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale, en application» ça, ça a été changé. Auparavant, on trouvait, dans l'ancien article 2, «prises par les ministères et organismes gouvernementaux»; maintenant, on dit: «prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale».

Alors, est-ce qu'il y a plus dans la notion d'administration gouvernementale que ce qu'il y a dans la notion de ministères et organismes gouvernementaux? Je peux vous référer à un exemple qui me vient à l'esprit. Ce sont les annexes, notamment l'annexe A de la Charte de la langue française, qui prévoient une définition d'administration gouvernementale et qui, par ailleurs, à l'intérieur de cette même définition, prévoient une liste des organismes gouvernementaux, des organismes municipaux, etc. Et on se souvient tous, M. le Président, d'avoir lu attentivement le jugement de la Cour suprême dans les causes de Blaikie 1 et Blaikie 2, où cette longue énumération que l'on retrouve dans les annexes de la Charte de la langue française a été au coeur du débat. La question était de savoir: Est-ce que le gouvernement était allé trop loin en disant, dans la version première de la loi 101 adoptée le 26 août 1977, dans sa définition d'«administration publique», en incluant un ensemble de choses qui, normalement, n'étaient pas couvertes par l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, comme on l'appelait à l'époque?

(20 h 40)

Alors, ici, on est un peu dans le même domaine, M. le Président. On a une première version dont on a été saisis, comme membres de l'Assemblée nationale, qui disait, dans la version française: «prises par les ministères et organismes gouvernementaux». La version anglaise de ce bout de phrase que l'on retrouve à l'article 2 était: «made by Government departments or bodies». So, so far so good, I am able to follow most of the legislation. Most of the other changes are relatively easy to follow. We are taking out the word «administrative», no problem there. It's not only the same word, it's the same spelling in English and in French. Then we've got «visée au premier alinéa de l'article 2». Simple cross-reference. No problem so far. Now, we do have a translation problem, Mr. Chairman, and we do have a problem with regard to the ability of the members of this committee – or at least the member that's speaking right now – to follow and do the proper job, in the name of the people who elected me, in both versions.

In the English version of Bill 130, the original version of section 2 prior to the minister's change, I have a reference to «decisions that are – quote – made by Government departments or bodies». Unquote. The French version is – et je cite: «décisions prises par les ministères et organismes gouvernementaux». Fin de la citation. Ce bout-là est devenu «prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale». En l'absence d'une traduction de la notion d'administration gouvernementale, il est extrêmement difficile pour moi, comme parlementaire, de m'exprimer sur le but, la portée et l'intention de l'article 2. C'est pour ça, M. le Président, qu'on aurait voulu pouvoir avoir cette version-là et inclure notre modification à la suite de ça.

Mais, me pliant à votre décision, comme c'est mon devoir dans cette commission, je vais continuer à travailler avec ce que vous appelez la version de nécessité, la version française, et je vais dire que, à notre sens, la modification vise non seulement une fin pédagogique, mais aussi, M. le Président – et je pense qu'il faut présumer que les légistes qui l'avaient mis la première fois ne l'avaient pas fait sans raison – je pense aussi que, sur le fond, on est en train de dire un peu plus substantiellement, un peu plus clairement, exactement où on veut s'en aller avec le projet de loi, ce qu'on veut viser par ces deux grandes catégories. Et cette démonstration, cette énumération était, à notre sens, très utile.

Je pense qu'il y a eu beaucoup d'écrits par de très nombreux auteurs sur les différentes manières de préparer les lois. Je pense, par exemple, à Michel Sparer et Wallace Schwab, qui avaient écrit un livre qui s'appelle «Rédaction des lois: rendez-vous du droit et de la culture», et ils avaient décrié ce qu'ils appelaient la façon anglaise de rédiger des lois, avec trop de détails, des longues énumérations. Alors, c'est peut-être ça. Quelqu'un a peut-être décidé que l'énumération que l'on avait prévue faisait défaut à ce chapitre. Mais, à mon sens, M. le Président, il ne faut pas avoir peur d'avoir peur. Je pense que l'énumération était intéressante et qu'elle aidait à une bonne compréhension de la loi.

C'est pour ça que nous tentons de l'introduire ici, dans la version de l'article 2 tel qu'amendé par la proposition du ministre, et, donc, on ajouterait, après le mot «loi», les mots suivants: «et qui concernent des allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges ou prestations, sauf en matière de lésions professionnelles». Et le tout, M. le Président, se lirait comme suit: «Les procédures menant à une décision individuelle prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi et qui concernent des allocations, indemnités, autorisations, permis, privilèges ou prestations, sauf en matière de lésions professionnelles, sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement.»

Comme on l'a mentionné, M. le Président, nous sommes vraiment en plein centre du débat qui nous intéresse. On est vraiment en train d'établir clairement le niveau de soin en termes du respect procédural, etc. On est en train de dire: On fixe une norme qui renvoie à une très abondante jurisprudence dans tous les pays du Commonwealth, y compris, évidemment, le Canada, et cette notion du devoir d'agir équitablement, «the duty to act fairly», est, à mon point de vue, cruciale dans le cas qui nous occupe. Alors, c'est pour toutes ces raisons-là que nous continuons de croire qu'il serait opportun d'ajouter à l'article 2 tel que modifié par le ministre de la Justice la phrase que l'on vient de lire. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un député désire s'exprimer sur le sujet? Est-ce que l'amendement est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Bégin: Contre.

Le Président (M. Paquin): Alors, l'amendement est donc rejeté.

M. Mulcair: Ah! bien, on va faire un vote nominal.

Le Président (M. Paquin): Alors, vote nominal. J'ai entendu très nettement un contre.

M. Mulcair: ...

Le Président (M. Paquin): J'ai entendu nettement un contre. En conséquence, vote nominal. M. le secrétaire.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: M. Bergman (D'Arcy-McGee)?

M. Bergman: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: M. Boulerice (Sainte-Marie– Saint-Jacques)?

M. Boulerice: Contre.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Contre.

Le Secrétaire: M. Dion (Saint-Hyacinthe)?

M. Dion: Contre.

Le Secrétaire: Mme Robert (Deux-Montagnes)?

Mme Robert: Contre.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska)?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Contre.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

Le Président (M. Paquin): Contre. Alors, l'amendement est rejeté, et nous sommes revenus à l'article 2 tel qu'amendé. Est-ce qu'un député désire s'exprimer sur le sujet? Alors, est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est adopté?

M. Bégin: Adopté.

M. Mulcair: Vote nominal.

Le Président (M. Paquin): Vote nominal, M. le Secrétaire.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Pour.

Le Secrétaire: M. Boulerice (Sainte-Marie– Saint-Jacques)?

M. Boulerice: Pour.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Pour.

Le Secrétaire: M. Dion (Saint-Hyacinthe)?

M. Dion: Pour.

Le Secrétaire: Mme Robert (Deux-Montagnes)?

Mme Robert: Pour.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska)?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Pour.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

Le Président (M. Paquin): Pour.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Contre.

Le Secrétaire: M. Bergman (D'Arcy-McGee)?

M. Bergman: Contre.

Le Président (M. Paquin): Alors, l'article 2, tel qu'amendé, est adopté. Nous revenons à l'amendement qui est en suspens, qui est un intitulé à insérer entre l'article 1 et l'article 2. Alors, je le relis, là, pour qu'on s'en souvienne bien. Il s'agit de: «Titre I, Règles générales applicables à des décisions individuelles prises à l'égard d'un administré; chapitre I, Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative.»

Est-ce que quelqu'un désire s'exprimer sur cet amendement?

M. Mulcair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Toujours avec le même respect pour vos décisions, vous avez décidé, tantôt, qu'on allait attendre la version anglaise. Alors, j'espère que vous allez suivre votre décision et qu'on va avoir la version anglaise de ces titres-là.

Le Président (M. Paquin): Comme je l'ai indiqué dans une des décisions antérieures, au moment où j'ai pris une décision, j'ai pris la décision de suspendre pour fins de commodité, et, maintenant, on sait que la version anglaise n'est pas disponible pour fins de commodité. Alors, nous devons disposer du libellé qui, lui, est disponible. Alors, d'autres veulent intervenir sur ces intitulés? Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Mulcair: Vote nominal.

Le Président (M. Paquin): Vote nominal, alors, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Pour.

Le Secrétaire: M. Boulerice (Sainte-Marie– Saint-Jacques)?

M. Boulerice: Pour.

Le Secrétaire: M. Dion (Saint-Hyacinthe)?

M. Dion: Pour.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Pour.

Le Secrétaire: Mme Robert (Deux-Montagnes)?

Mme Robert: Pour.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska)?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Pour.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

Le Président (M. Paquin): Pour.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Contre.

Le Secrétaire: M. Bergman (D'Arcy-McGee)?

M. Bergman: Contre.

Le Président (M. Paquin): Alors, l'amendement est adopté, et il y a désormais des intitulés d'ajoutés. Je porte à votre attention l'article 3 et, en premier, le papillon à l'article 3. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, M. le Président, comme vous pouvez le voir, l'article 3, qui est remplacé par celui que l'on retrouve, constitue une définition de l'expression «administration gouvernementale», de façon à bien identifier les organismes qui seront tenus de respecter le devoir d'agir équitablement dans l'exercice d'une fonction administrative. Il s'agit, en l'occurrence, des organismes appartenant à l'une ou l'autre des deux catégories suivantes: les ministères du gouvernement et les organismes dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique.

Alors, M. le Président, je pense qu'on avait fait certains commentaires au moment des auditions, en février, sur les définitions, et en particulier celle de l'administration gouvernementale, et on a, je pense, avec ce texte, une définition qui est très claire et qui ne laisse plus de place à l'ambiguïté. Alors, c'est les commentaires que j'avais à faire sur cet amendement.

(20 h 50)

Le Président (M. Paquin): Merci, M. ministre. Est-ce qu'un député désire prendre la parole? Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, c'est en lisant l'article 3 qu'on comprend toute la pertinence de notre demande d'avoir la version anglaise de l'article précédent, parce que vous nous demandez maintenant de continuer avec une modification qui est extrêmement difficile à suivre dans la version anglaise et qui apporte une modification fondamentale et des subtilités de la langue qui auraient vraiment dû faire l'objet d'une attention particulière. L'ensemble des députés souhaitaient le faire, dont celui qui vous parle.

L'article 3 du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, prévoit que «Sont des organismes gouvernementaux, au sens de la présente loi, les organismes dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique».

Mr. Chairman, as I said earlier in French, it is regrettable, in fact, I believe that it violates our rights as elected members of this House, it is more than regrettable in that sense that we are not able to work with both versions. The changes to section 2, if we had them before us, would inform, of course, our decisions and our attitude with regard to section 3. That being said, I'll mention that section 3 in Bill 130, an Act respecting administrative justice, as it was presented before the House, reads as follows: «For the purposes of this Act, every body whose members are in the majority appointed by the Government or by a Minister and whose personnel is appointed and remunerated pursuant to the Public Service Act is a government body.» La modification proposée par le ministre est dans la foulée de la modification qui vient d'être présentée et adoptée à l'article 2 et prévoit que, à la place de l'article 3 tel qu'il existe dans la version française à l'heure actuelle, on va retrouver ce qui suit: «L'administration gouvernementale est constituée des ministères et organismes gouvernementaux dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique.»

Alors, à l'article précédent, M. le Président, le ministre nous a fait adopter un article qui dit que «les procédures menant à une décision individuelle prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale»... Ça, c'est le nouveau terme qui a été introduit et dont on ne dispose toujours pas, comme je l'ai mentionné, d'une version anglaise. Alors, si on regarde ici, on remplace, donc, la notion d'«organismes gouvernementaux», qu'on définissait dans la version originale. On a introduit, donc, à l'article 2, la notion d'«administration gouvernementale», et, ici, on tente de la définir.

Il y a quelque chose d'intéressant, c'est que, dans la version antérieure, on avait cru nécessaire, justement, de définir ce qu'était un organisme gouvernemental. C'était ça. Dans la version de l'article 3 qu'on a toujours à l'intérieur du projet de loi n° 130, on définit «organismes gouvernementaux», et les légistes et le ministre qui a présenté la législation ont cru nécessaire de le définir. Ce qui est intéressant, M. le Président, c'est que, dans la version modifiée proposée par le ministre, ça n'a plus besoin d'être défini. C'est intéressant, ça, parce qu'il n'y a plus de définition, mais ça n'a plus besoin d'être défini. «L'administration gouvernementale – donc, il nous dit – est constituée des ministères et organismes gouvernementaux – aucune définition – dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1).»

Alors, si on fait le tour de cette question-là, on ne peut s'empêcher de se rendre compte que ceux et celles qui ont parlé d'imprécision terminologique ne seront pas nécessairement satisfaits par ces modifications. Rappelons que, notamment, le Protecteur du citoyen, dans sa présentation originale, avait eu beaucoup à dire là-dessus. Et, juste sur ce seul point, M. le Président, je me permets, comme parlementaire, comme membre de cette commission, d'exprimer mon vif regret que les transcriptions – les galées, comme on les appelle communément – des travaux de cette commission ne soient disponibles que des semaines plus tard. J'ai ce regret, parce que, par exemple, avec le très court délai qui a été accordé à des gens aussi importants que le Protecteur du citoyen pour venir devant cette commission commenter le projet de loi n° 130 et le document de travail d'application, ils sont plusieurs – sur les cinq, je crois qu'ils sont juste deux ou trois, à peu près la moitié, quoi, qui avaient des textes écrits qu'ils ont pu déposer – qui avaient des notes, parlaient à partir de notes, mais n'avaient pas un texte qu'ils pouvaient nous laisser. Faute de temps, ils n'avaient pas eu la possibilité de préparer un texte proprement dit.

Et, si on pouvait se référer au moins à la transcription de ce qui a été dit, ça pourrait avancer nos travaux comme parlementaires. Mais, pour des raisons de coupures budgétaires, ce problème subsiste. Je sais que, à l'occasion, le président de l'Assemblée nationale rencontre les présidents et les vice-présidents de commissions, et peut-être que, à l'occasion d'une prochaine rencontre, le président ou le vice-président de cette commission, qui ne sont malheureusement pas ici ni l'un ni l'autre pour l'instant, pourront, justement, soulever cette question-là, parce que ça aiderait beaucoup notre travail comme parlementaires.

Mais, déjà, au mois de février, M. le Président, lorsqu'il est venu faire sa présentation sur le projet de loi n° 130, le Protecteur du citoyen a dit, à la page 5 de son rapport, que «la pratique de préciser dans une autre loi les mesures d'application d'une loi énonçant avant tout des principes et des structures est en soi sans conséquences, mais le fait de ne pas présenter simultanément les deux documents ne contribue certes ni aux travaux parlementaires ni à l'examen que des tiers comme nous peuvent être appelés à faire de la loi principale». Référence à un sujet bien cher aux membres de cette commission. Référence faite à ce qui est devenu un engagement formel du ministre, mais qui, malheureusement, n'a pas été respecté. Le Protecteur du citoyen poursuit en disant que «le même commentaire s'applique également aux règlements destinés à compléter substantiellement les dispositions législatives que l'on omet trop souvent de rendre publiques sous forme de projet en même temps que le projet de loi qui en habilite l'adoption».

La seconde remarque préliminaire vise, selon le Protecteur du citoyen, l'imprécision terminologique. On aurait peut-être pu ajouter l'improvisation terminologique, M. le Président, lorsqu'on regarde les problèmes du ministre. Mais l'imprécision terminologique était la cible des remarques du Protecteur du citoyen, et il dit qu'il y a une telle imprécision terminologique dans des dispositions fondamentales du projet de loi. Ils ont pris leurs exemples dans l'une des dispositions fondamentales du projet de loi, l'article 2. Alors, il a fait remarquer que l'article utilisait les trois termes suivants: «organismes gouvernementaux», que l'article 3 définissait et qui n'incluait pas des organismes tels la Commission d'accès à l'information, la Commission de la fonction publique, la Commission des services juridiques ou la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; «organismes administratifs», définis comme visant des organismes spécialement habilités à agir comme tiers chargés de statuer sur des recours formés par des citoyens contre les décisions de l'administration, ce qui exclut, par exemple, la Régie du logement, le Tribunal des professions et le Tribunal du travail; et, finalement, «administration», qui, traditionnellement, vise l'ensemble des services publics et qui n'est défini nulle part aux fins de cette loi.

Ce qui est intéressant, M. le Président, c'est que, avec cet ajout, maintenant, avec cette modification, c'est un terme encore plus fondamental, qu'on croyait jusqu'alors nécessaire de définir, c'est-à-dire «organisme gouvernemental», qui n'est plus défini. Alors, comme le faisait remarquer le Protecteur du citoyen, «il devient alors très difficile de cerner le champ d'application de la loi et encore plus d'identifier les organismes visés dans l'une ou l'autre des notions et la raison de leur exclusion ou de leur inclusion». On peut, évidemment, transposer ces remarques-là et les amplifier avec nos remarques, tantôt, sur l'absence d'une version anglaise, mais, comme on dit en anglais, «I won't belabor the point».

Le Protecteur du citoyen continue en disant: «De même, toujours dans cet article 2, le second alinéa, relatif à l'exercice d'une fonction juridictionnelle, fait appel à la notion de citoyen en traitant des recours formés par les citoyens contre les décisions de l'administration. La question était de savoir si cette notion ne visait que les personnes physiques. Et est-ce que ça signifiait que la notion de fonction juridictionnelle ne s'appliquait pas à un recours en appel, par exemple, formé par un organisme gouvernemental, tels la CSST ou la SAAQ? Qu'est-ce donc, en droit, que cette administration? Cela dit, se doit-il que ce soit limité aux organismes gouvernementaux selon la définition de l'article 3?»

(21 heures)

Alors, M. le Président, si tout ça est assez difficile à suivre dans la version originale, imaginez ce que ça va donner maintenant à l'article 3, alors qu'on n'a plus de définition d'«organisme gouvernemental». Je vous soumets respectueusement que le ministre est loin de répondre au problème, il est en train de l'exacerber. Il y a plusieurs exemples qui peuvent être donnés, mais je pense que l'exemple numéro 1, qui intéresse peut-être les membres de cette commission parce que c'est de fraîche mémoire, c'est le projet de loi n° 20 modifiant la Loi sur l'aide juridique. Parce que, comme le rappelle le Protecteur du citoyen: et dans la première version de l'article 3 et dans la version amendée, on est en train de discuter d'une définition qui va exclure, à moins que le ministre puisse nous dire le contraire, la Commission des services juridiques. Or, si on exclut la Commission des services juridiques, les directeurs des services juridiques ne sont pas visés et on est en train, donc, de dire que la discrimination, oui, et la discrétion, et l'abus, et l'imprécision, et la discrétion absolument non contrôlée que l'on craignait avec la nouvelle Loi sur l'aide juridique vont se faire renforcer par ce qui est prévu ici, à l'article 3, parce qu'il n'y a rien là-dedans, donc, qui va forcer, qui va inquiéter qui que ce soit à la Commission des services juridiques. Et, avec les enveloppes fermées que le ministre est en train de projeter dans le dossier de l'aide juridique, bien, à notre sens, c'est extrêmement dangereux et c'est extrêmement, donc, pertinent de s'interroger sur les définitions qui sont contenues ici, à l'article 3.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, les membres de notre formation politique sont contre la modification proposée par le ministre. On trouve que c'est un autre exemple de ce qui était décrié par le Barreau du Québec dans une lettre adressée aujourd'hui même au premier ministre du Québec et concernant le projet de loi n° 130, c'est-à-dire de l'improvisation. Et rappelons justement que le Barreau du Québec a dit dans cette lettre: «Après s'être adressé à la commission des institutions lundi dernier, le 10 juin 1996, c'est avec insistance que le Barreau vous interpelle afin de faire reporter à l'automne tout le dossier de la justice administrative, c'est-à-dire le projet de loi n° 130, la série d'amendements, les 120 papillons comprenant modifications et ajouts ainsi que le document de travail servant d'avant-projet de loi d'application, lequel ne contient pas encore les dispositions transitoires et finales mais prévoit déjà, dans son titre I, 643 articles modifiant pas moins de 75 lois.»

C'est là où nous sommes, M. le Président, hein, et c'est pour ça qu'on dit que le ministre aurait beaucoup mieux fait d'accepter notre offre, faite vraiment de bonne foi. Comme parlementaires visant à faire avancer les travaux de l'Assemblée, on avait proposé au ministre d'intégrer l'ensemble de ces modifications dans un nouveau projet de loi, de le représenter avant la fin de la session courante, et on aurait pu faire cheminer les deux ensemble.

Le Barreau continue en disant: «Bien que nous attendions une réforme de la justice administrative depuis au-delà de 20 ans, celle-ci s'avère d'une ampleur sans précédent, qui nécessite un examen approfondi des impacts considérables qu'elle aura tant dans la communauté juridique que dans de très nombreux secteurs d'activité de la société québécoise.» Le Barreau poursuit en disant: «Y a-t-il vraiment urgence à ce que le projet de loi n° 130 soit adopté d'ici l'ajournement d'été?» Et il répond à sa propre question en disant: «Avec respect, nous estimons que non. En outre, l'annonce, ces jours derniers, du retrait de la CALP de l'application de la Loi sur la justice administrative fait craindre – et c'est ça, la partie la plus pertinente pour nous, M. le Président – le caractère improvisé que semble revêtir l'adoption de la réforme en cette fin de session.» Ça vaut la peine de relire ce bout de phrase là, M. le Président: Ça fait craindre «le caractère improvisé que semble revêtir l'adoption de la réforme en cette fin de session.»

Il va sans dire, M. le Président, que l'on ne peut pas étudier 1 000 articles en une journée, et c'est, à toutes fins pratiques, ce que le ministre nous invitait à faire avec sa réforme. Alors, le ministre a certainement, comme on dit en anglais, «a hidden agenda», il a sans doute une autre intention derrière la tête, qui n'est pas évidente à la lecture de la loi. Mais ce qui est très intéressant dans la lettre adressée par le bâtonnier du Québec à l'honorable Lucien Bouchard, c'est le fait même que cette lettre ait été adressée directement par le Barreau au premier ministre, pour deux raisons. Non seulement que le ministre qui est avec nous est le ministre de la Justice et Procureur général du Québec, donc c'est assez inusité que le Barreau s'adresse directement au premier ministre, mais, en plus, et ce, pour la première fois, le ministre de la Justice est en même temps le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, fonction très importante parce qu'il devient en quelque sorte la clé de voûte de tout le système professionnel.

Et c'est intéressant de noter qu'à la page 3 de la lettre du bâtonnier Claude Masse, M. le Président, le Barreau dit, en bas de la page 2 et en haut de la page 3: «Contrairement au Code civil du Québec, qui pouvait être adopté indépendamment de sa loi d'application puisqu'il contenait toutes les règles de droit substantif, le projet de loi n° 130 n'est pas complet en lui-même; une lecture rapide du document de travail, le projet de loi d'application, également déposé en commission le 30 mai dernier, nous révèle l'existence de plusieurs règles de fond, tels – et je ne les citerai pas tous, mais le deuxième tiret est particulièrement intéressant à la lumière de nos remarques antérieures – les articles 68 et 69 qui, en modifiant la Loi sur le Barreau, risquent de changer substantiellement l'exercice de la profession au Québec.»

Vous voyez, M. le Président, que le bâtonnier de la province de Québec écrit au premier ministre du Québec. Pourquoi? Bien, évidemment parce que le ministre avait pris des engagements auprès du Barreau et ne les avait pas maintenus, il ne les avait pas respectés. Alors, au lieu de s'adresser à un ministre qui ne respecte pas sa parole, ils se sont adressés directement au premier ministre de la province de Québec. C'est la première fois que je vois ça, M. le Président. J'ai travaillé comme président de l'Office des professions du Québec de 1987 jusqu'à la fin de 1993, et je n'ai jamais vu un ordre professionnel écrire directement à un premier ministre, court-circuitant ainsi le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, mais je n'ai surtout jamais vu le Barreau du Québec court-circuiter le ministre responsable, qui, comme je le mentionnais, est cette fois-ci, pour la première fois, le ministre de la Justice et Procureur général, écrire directement...

Et les termes très peu élogieux utilisés par le bâtonnier sont assez révélateurs. À la page 2, notamment, sous la rubrique «La loi d'application», le Barreau dit que «La portée exacte de la réforme de la justice administrative ne saurait être évaluée de façon adéquate sans une étude approfondie de la loi d'application, notamment au plan de l'étude de la juridiction du Tribunal administratif du Québec et, par conséquent, de l'importance de reconsidérer la nécessité d'un droit d'appel. Nous l'avions d'ailleurs évoqué clairement dans notre mémoire de février 1996. Votre ministre de la Justice...» Ça, c'est très intéressant, M. le Président. «Votre ministre de la Justice»! Vous voyez l'attitude, la terminologie, le ton du Barreau. «Votre ministre de la Justice – en d'autres mots, c'est votre problème, celui-là – avait également reconnu la nécessaire interrelation qui doit exister entre la loi d'application et le projet de loi n° 130 en s'engageant, en février dernier auprès de la bâtonnière Jocelyne Olivier, à ce qu'un projet de loi d'application soit déposé à l'Assemblée nationale en mars 1996, ce qui ne fut pas fait.»

Tout ce qui manquait dans cette dernière phrase, évidemment, c'était les mots «par intérim», votre ministre de la Justice par intérim.

Le Président (M. Paquin): En une minute, s'il vous plaît.

M. Mulcair: Mais on va comprendre que c'était le cas très bientôt.

En terminant, M. le Président, on trouve que la rédaction proposée de l'article 3 est tout à fait inadéquate, et je vais laisser mes autres collègues venir expliquer dans plus de détails exactement pourquoi.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député de Chomedey. Dans votre intervention, vous avez évoqué certaines questions, finalement, à la présidence, et je voudrais peut-être vous donner certains éléments de réponse.

D'abord, j'ai communiqué avec les personnes qui sont responsables des galées parce que, personnellement, j'aurais eu besoin d'un des éléments qui a été dit dans une réunion antérieure, et on m'a dit qu'à ce moment-ci on est submergé d'environ 1 000 cassettes et que c'est la situation habituelle.

(21 h 10)

D'autre part, le secrétaire de la commission m'informe que la commission peut adopter une résolution demandant au président de l'Assemblée nationale de modifier l'ordre de priorité de la transcription des débats des commissions afin d'obtenir plus rapidement la transcription de certains témoignages jugés nécessaires au bon fonctionnement des travaux de la commission. Je vous informe de cette possibilité.

D'autre part, pour ce qui est de l'inconvénient de travailler avec une langue qui n'est pas exactement la sienne, malgré la qualité de votre bilinguisme, que j'envie, je pense que c'est un problème avec lequel il nous faut fonctionner. Ainsi, de ma part, d'écouter avec attention ce qui est soutenu et subtil dans la langue anglaise, c'est plus difficile. Cependant, c'est la prérogative et c'est même le privilège absolu des députés de s'exprimer dans cette langue, et je m'en accommode, ce qui fait que je pense qu'il faut fonctionner comme ça. Il est toujours possible, et je l'ai mentionné à trois occasions désormais aujourd'hui, de proposer un amendement en anglais si c'est plus commode. Ça, c'est toujours possible, et je tenais à le mentionner. D'accord?

Alors, est-ce qu'un autre député désire... Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, très brièvement, avec votre indulgence, M. le Président, sur deux de vos trois points. D'abord, pour ce qui est d'une motion dans ce sens-là, si on va procéder avec le projet de loi n° 130, je souhaiterais formuler, justement, une proposition: qu'on demande la transcription des interventions où on n'avait pas de texte. Je vais faire la liste, avec Me Marois, de ceux qui sont venus ici et qui n'avaient pas de texte, et on va formuler, on va préparer une motion dans ce sens-là. Et je vous remercie d'avoir rappelé l'existence de cette possibilité-là.

La deuxième chose que je voulais dire, c'est que ce n'est pas du tout notre propos de dire que la présidence doit faire quoi que ce soit dans une langue autre que celle de son choix. Nous disons que, comme parlementaires, nos droits sont brimés lorsqu'on ne peut pas travailler les deux versions. Et ça ne relève pas de la présidence, ça relève structurellement du gouvernement qui présente une législation. C'est son obligation de prévoir la présentation dans les deux langues, ce qui fut fait; dans le cas du projet de loi n° 130, je ne cesse de référer à la version anglaise. Là où on diffère d'opinions, et, moi, je me fonde sur les deux jugements principaux que je vous ai donnés tantôt, la décision en anglais, qui, un, est la décision dans le renvoi sur le Manitoba, c'est qu'il y a des parties, des passages dans le jugement de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba, des diktats, dans le jargon des avocats, qui disent très clairement que toute étape du processus d'adoption d'une loi doit être bilingue. Et, ça, ça relève d'un gouvernement qui présente sa législation.

Alors, c'était juste cet aspect-là que je tenais à clarifier, qu'on n'était pas aux antipodes sur les aspects que vous avez soulevés tantôt.

Le Président (M. Paquin): Non, c'est parce que dans votre expression vous avez parlé du libellé de nécessité, c'est-à-dire celui qui était le seul disponible, alors que j'ai plutôt la conception du libellé de la langue d'opportunité de l'amendement. C'est pour ça que j'ai considéré l'autre comme une commodité. Cependant, il était recevable dans l'une ou l'autre langue, selon le choix du proposeur, et, ça, je tiens à le préciser.

M. Mulcair: Et vous l'avez dit, et je l'apprécie, et votre précision est acceptée de bonne grâce, mais je voulais juste vous dire que le problème, sans vouloir faire trop d'ironie, le problème presque existentiel ou philosophique de comment modifier une version qui n'est pas devant nous, c'était ça, notre problème, parce qu'on avait une nouvelle version de l'article 2 tel que modifié et présenté par le ministre, nous voulions apporter une modification aux versions française et anglaise, mais on ne savait pas où on pouvait l'insérer parce qu'on n'avait pas les ajouts et les modifications dans une version anglaise. C'était juste ça, le problème.

Le Président (M. Paquin): Alors, on a déjà disposé de ça.

M. Mulcair: Oui, oui, bien entendu, mais je voulais juste m'assurer qu'on se comprenait.

Le Président (M. Paquin): Vous pouvez vous prévaloir de l'article 66, mais je tenais à vous informer de ces dispositions, et, donc, quand on serait, après avoir réglé une disposition complète, entre deux, on pourrait faire quelque chose comme ça. Alors, je voulais vous mettre au courant.

Et est-ce que quelqu'un désire prendre la parole sur la disposition qui est appelée? Oui, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Je vous remercie, M. le Président. Avant de parler de l'article 3, qui est tel qu'amendé, je suis étonné qu'on soit ici ce soir après avoir reçu l'opinion du Barreau qu'on doit retarder l'étude de ce projet de loi jusqu'à l'automne. Et la représentation est faite par le Barreau du Québec, une corporation professionnelle qui est, en fait, très importante, et selon leur opinion, toute législature est très importante, et je pense qu'on doit se demander pourquoi ils demandent un délai pour ce projet de loi.

M. Boulerice: Ils ont écrit au premier ministre, hein?

Le Président (M. Paquin): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Non, parce que, s'il avait la lettre, j'aimerais ça, avoir la lecture de la lettre.

Le Président (M. Paquin): Non, mais c'est que le député de D'Arcy-McGee me posait une question avant d'entreprendre ses propos, et je voulais lui indiquer que, là-dessus, on avait disposé et qu'on avait décidé de continuer. Maintenant, si, au moment de faire valoir votre point de vue sur le libellé de l'amendement qui est sur la table – parce qu'en vertu de 211 on doit s'en tenir à ce libellé-là – il y a des arguments que vous pouvez puiser dans cette lettre-là, libre à vous de le faire. Cependant, à la question que vous me posez, ça, je pense que c'est derrière nous. Alors, si vous voulez...

M. Bergman: Excusez, M. le Président, mais dans le...

Le Président (M. Paquin): ...faire votre intervention.

M. Bergman: Je soulève cette question dans le sens où, en regardant l'article 3, j'avais deux, trois questions que j'aimerais résoudre. Et en soulevant ces questions, je me demande si le Barreau, peut-être, a raison, qu'on doit avoir un délai pour étudier cette loi et les règles d'application en profondeur, et sans essayer de passer ce projet de loi dans les trois ou quatre journées qui sont devant nous. Et en regardant l'article 3 tel qu'amendé, qui se lit comme suit: «L'administration gouvernementale est constituée des ministères et organismes gouvernementaux dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique», je me demande des questions et je vais demander au ministre: N'est-il pas possible d'avoir un organisme gouvernemental où le personnel n'est pas rémunéré? Alors, à mon avis, il y a une erreur dans cet article tel qu'amendé. Si on regarde la dernière phrase, où on indique: «dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique», est-ce qu'en tous cas le personnel doit être rémunéré? On a eu une discussion... Je pense qu'il y a un problème, M. le Président, avec les...

M. Bordeleau: Il y a un problème de...

Le Président (M. Paquin): Non, mais c'est que... Écoutez...

M. Bergman: C'est très difficile...

Le Président (M. Paquin): ...ce qui... Les bruits indésirables qui sont plus forts même que la personne qui parle dans un micro, éventuellement, ça perturbe tout le monde. Donc, j'appelle tout le monde à l'article 32, c'est-à-dire au décorum. Il nous reste à faire encore du travail ce soir, nous disposons de près de trois heures, et à ce moment-là, je...

M. Boulerice: Les gens qui sont debout et qui parlent, M. le Président...

Le Président (M. Paquin): Je parlais surtout du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qui fait beaucoup de bruit avec ses papiers, qui étale, qui replie, et ainsi de suite, et qui dérange.

Une voix: C'est un monastère, ici! Si vous voulez qu'on se mette une bure...

Le Président (M. Paquin): C'est un Parlement. Voilà pourquoi le décorum est important et qu'on doit pouvoir écouter celui qui prend la parole et qui est de plein droit autorisé à la prendre parce que je l'ai reconnu. Alors, s'il vous plaît, M. le député de D'Arcy-McGee, vous êtes prié de poursuivre.

M. Bergman: M. le Président, je me demande encore si on ne doit pas étudier la dernière phrase de cet article tel qu'amendé, où c'est indiqué «dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique.» N'est-il pas possible d'avoir du personnel qui n'est pas rémunéré? Je pense à des bénévoles qui peuvent être nommés comme personnel d'un organisme, et il semble qu'il y ait une qualité ici où le personnel doit être rémunéré. Je pense qu'il y a beaucoup d'exemples dans la fonction publique où on peut demander à des personnes de donner de leur temps, à caractère bénévole, à une organisation gouvernementale. Alors, j'aimerais demander au ministre si cette définition où la qualification du personnel est indiquée comme quelqu'un qui est rémunéré est correcte.

Le Président (M. Paquin): Vous parlez d'un conseil d'administration?

M. Bergman: Oui.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre, est-ce que vous avez une réponse?

M. Bégin: M. le Président, jusqu'à aujourd'hui, on ne s'occupe pas dans le projet de loi des bénévoles, surtout pas des personnes qui sont payées, engagées en vertu des lois de la fonction publique.

(21 h 20)

Le Président (M. Paquin): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Je me demande encore: Est-ce que cette définition est trop restreinte et est-ce qu'on doit l'élargir pour couvrir le personnel qui est non rémunéré, pour couvrir les circonstances qui sont spéciales? Si on construit le projet de loi, je pense qu'on doit prendre en considération toutes les possibilités. Et il y aurait toujours une possibilité d'avoir un personnel qui est non rémunéré, alors, pourquoi restreindre l'application de la définition?

M. Bégin: M. le Président, la manière de régler le problème pour le député de D'Arcy-McGee, c'est de faire une proposition d'amendement, c'est son droit. Alors, on pourra décider à ce moment-là, mais...

Le Président (M. Paquin): En l'occurrence, il s'agirait d'un sous-amendement parce que nous parlons sur un amendement. M. le député de D'Arcy-McGee.

(Consultation)

M. Bergman: Alors, c'est possible qu'on propose un amendement à cet article dans quelques moments, mais encore une autre question au ministre: Est-ce qu'il y aurait des circonstances où les personnes nommées à cette organisation ne seraient pas nommées par le ministre? Alors, quand vous dites l'article 3 tel qu'amendé, encore il y a la restriction que ces personnes sont nommées par le ministre, ou la majorité des membres sont nommés par le ministre. Est-ce qu'il y aurait des organisations où le ministre ne nomme pas la majorité des membres?

M. Bégin: Est-ce qu'il y aurait des quoi?

M. Bergman: Si vous regardez l'article 3 tel qu'amendé, vous avez: «L'administration gouvernementale est constituée des ministères et organismes gouvernementaux dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres». N'y aurait-il pas des circonstances où le ministre ne nomme pas la majorité des membres?

M. Bégin: Ou le gouvernement. Bien sûr, c'est exactement pour ça qu'il y a une définition: pour inclure et exclure. C'est exactement le sens de l'article.

M. Bergman: Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Paquin): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais intervenir à propos de l'amendement relié à l'article 3. Bon. Malheureusement, je n'étais pas ici au début de la discussion, mais il me semble qu'il y a un élément important qui a été soulevé par le Protecteur du citoyen dans son mémoire de février 1996. En fait, tout est dans la question de la définition. On propose, là, de changer l'article initial, qui se lisait: «Sont des organismes gouvernementaux, au sens de la présente loi, les organismes dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique.» On propose de le modifier. Au lieu de parler d'organismes gouvernementaux on va parler de: «L'administration gouvernementale est constituée des ministères et organismes gouvernementaux dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique.» Alors, c'est la partie initiale de l'amendement où il y a changement.

Le Protecteur du citoyen avait soulevé, dans sa présentation, ce que lui qualifiait d'imprécision terminologique. Et, si vous me permettez, je veux juste lire un extrait qu'on retrouve à la page 5 du mémoire. Il réfère, en fait, à... «Cet article utilise les trois termes suivants: "organismes gouvernementaux" (défini à l'article 3 et qui n'inclut pas des organismes tels la Commission d'accès à l'information, la Commission de la fonction publique, la Commission des services juridiques ou la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), "organismes administratifs" (défini comme visant les organismes "spécialement habilités à agir comme tiers chargés de statuer sur des recours formés par des citoyens contre des décisions de l'administration", ce qui exclut, par exemple, la Régie du logement, le Tribunal des professions, le Tribunal du travail), et "administration", qui traditionnellement vise l'ensemble des services publics et qui n'est défini nulle part aux fins de cette loi.»

Alors, la notion d'«administration» à laquelle on veut référer dans l'amendement, le Protecteur du citoyen nous dit que ce n'est défini nulle part dans la loi. Et, en conclusion de cette section-là, il pose une question: «Et qu'est-ce donc, en droit, que l'administration?» Puis là on parle de l'administration gouvernementale. Sa conclusion, c'est: «Ces exemples illustrent bien, à notre avis, combien parfois l'imprécision de textes législatifs peut être cause d'incompréhension, sinon d'insécurité juridique, pour les citoyens et citoyennes, et source de débats et de judiciarisation.»

Alors, on a d'abord un premier problème qui a été soulevé au mois de février 1996 – alors, il y a déjà trois ou quatre mois – par le Protecteur du citoyen, et on a la même imprécision au niveau de l'article 3 qui nous est proposé, la nouvelle formulation. Alors, je ne comprends pas exactement pourquoi le ministre n'a pas apporté de modification. Et ce qui m'inquiète plus encore, c'est la question de l'exclusion d'un certain nombre d'organismes, notamment celui de la Commission des services juridiques.

Je voudrais juste rappeler, M. le Président, qu'on a commencé à discuter en commission du projet de loi sur l'aide juridique, et ramener peut-être un élément qui était essentiel et sur lequel on a eu un long débat, et sur lequel, d'ailleurs, l'opposition officielle avait présenté un amendement, c'est celui du directeur général du centre des services juridiques régional. Vous vous souvenez de la discussion qu'on a eue, à savoir que, quand le directeur général faisait une recommandation favorable dans un cas d'exception pour attribuer l'aide juridique à une personne, là, qui n'était pas tout à fait conforme aux normes, il devait faire approuver sa décision par la Commission des services juridiques. Et quand son analyse arrivait à une conclusion négative, il n'avait pas besoin de faire approuver sa décision par la Commission des services juridiques. Alors, c'est un peu la démarche. On s'est insurgés contre le fait qu'il y avait deux poids, deux mesures. Quand c'était favorable, ça demandait un deuxième niveau, et quand c'était défavorable, il réglait ça à son niveau et il n'y avait pas d'appel possible, là, du tout, de la part du contribuable.

Là où je veux en venir, M. le Président, c'est que, quand la Commission des services juridiques est exclue du projet de loi n° 130, ça signifie de façon concrète que toute la procédure qui visait à encadrer les décisions administratives – il y en a un certain nombre, puis dans le projet de loi on les voit aux articles 4 et suivants – il y avait des règles qui encadraient le travail de tous les fonctionnaires qui vont être impliqués dans l'application de la loi sur les tribunaux administratifs, mais ça exclut la Commission des services juridiques. Alors, ça veut dire que cet encadrement-là, qui donne une certaine garantie et qui assure une certaine équité, ne s'applique pas à la Commission des services juridiques. Alors, ça me paraît, compte tenu... Je me rappelle surtout la discussion qu'on a eue sur la question de l'aide juridique, parce qu'il y a un impact quand même bien évident qu'on a eu l'occasion de discuter. Alors, ça me laisse un peu perplexe de voir qu'on exclut, en tout cas, que la définition qui est utilisée exclut cet organisme-là, et c'est vrai aussi pour d'autres organismes auxquels le Protecteur du citoyen fait référence. Alors, je pense qu'on manque quelque chose à ce niveau-là et... Pardon?

Une voix: Le boss est parti.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Ce n'est pas parce que le boss était là. Le boss n'était pas là après-midi, puis on défendait nos intérêts, puis on défendait l'intérêt des concitoyens.

Alors, je pense qu'il y a un problème. Et le fait qu'on parle d'imprécisions en février, puis que les mêmes imprécisions existent, je pense que ça donne encore plus de poids à la recommandation qui est faite par le Barreau dans sa lettre d'aujourd'hui même, qui nous dit: «Bon nombre de ces amendements méritent réflexion, échanges et discussions avec le ministère de la Justice avant que soit entreprise l'étude détaillée. Or, de toute évidence, le temps manque d'ici le 21 juin 1996.» Donc, je pense que ce genre de questionnement là, ça correspond exactement à ce qu'il mentionne: il y a trop d'éléments qui méritent réflexion, échanges et discussions avec le ministère avant qu'on procède à l'étude détaillée.

(21 h 30)

Alors, malheureusement, on a déjà commencé l'étude détaillée. Je pense que le ministre aurait été bien avisé de prendre avis de la suggestion du Barreau, ce qui ne nous aurait pas mis dans une situation comme celle qu'on a actuellement: à voter sur des articles d'un projet de loi que tout le monde souhaiterait voir reporté à l'automne compte tenu qu'il est plein d'imprécisions et qu'il y a une foule de modifications, d'amendements qui ont été suggérés. Alors, je pense qu'on l'a fait valoir à plusieurs reprises, maintenant, malheureusement, le ministre n'a pas accepté ça.

L'autre point aussi que je voudrais apporter, c'est que le ministre pousse beaucoup pour qu'on fasse l'adoption du projet de loi n° 130 d'ici la fin de la session, et ça semble être une urgence qu'il faille procéder, contrairement à l'avis du Barreau, du Protecteur du citoyen, de la Commission des droits de la personne qui, eux, ne voient pas d'urgence. Le ministre, lui, semble voir une certaine urgence, il faut qu'on procède. Mais, même si on arrivait à adopter le projet de loi n° 130 avant la fin de la session, il ne serait pas mis en application parce que le projet de loi d'application n'est pas approuvé. Donc, ça nous donne quoi de se presser et de vouloir pousser sur tout le monde et de bousculer le travail des parlementaires, de bousculer les organismes à l'extérieur, alors que, même si on l'approuvait, il ne peut pas être appliqué avant que la loi d'application soit approuvée?

Le Président (M. Paquin): M. le député, l'opportunité de discuter du fait de reporter à une date ou à une autre peut être évoquée dans vos propos parce que c'est afférent, je pense, à notre disposition qui est à l'étude, mais je vous rappelle que nous parlons d'un amendement, et je vous demanderais, le plus possible, d'y référer, s'il vous plaît.

M. Bordeleau: Alors, je m'excuse, M. le Président, c'est que, justement, c'est en fonction de l'amendement que j'apporte cette argumentation-là. C'est parce que, dans l'amendement, on a décrit que c'était imprécis au niveau de la terminologie. C'est une raison pour laquelle on devrait, à mon avis, le reporter. Alors, c'est tout à fait approprié de le... Et je le fais, là, à ce moment-ci, parce que ça convient très bien relativement à l'amendement qu'on a à étudier.

Alors, je rappelle tout simplement, encore une fois, que, plutôt que de voter un projet de loi où il y a des imprécisions, où il y a des termes qui sont utilisés dont on ne sait pas exactement... Comme le dit le Protecteur du citoyen: Qu'est-ce donc, en droit, que l'administration? Bien, je pense qu'on pourrait peut-être essayer de clarifier ça, parce que, de toute façon, on aurait beau l'adopter, il ne sera pas en application tant que la loi d'application n'aura pas été votée, et la loi d'application doit procéder selon les modes usuels pour être adoptée.

Alors, pourquoi ne pas faire comme ça a été suggéré, c'est-à-dire qu'on a tout sur la table, les organismes peuvent regarder tous les points, les amendements, le document de travail sur la loi d'application, le projet de loi, et on pourrait se revoir à l'automne. À ce moment-là, on serait en mesure, peut-être, d'éviter d'utiliser, comme c'est le cas actuellement à l'amendement 3, des expressions, en tout cas, où il y a une certaine ambivalence ou un caractère flou, une imprécision plus exactement.

Alors, c'est un peu, M. le Président, les points que je voulais soulever. Encore une fois, je suis assez inquiet de voir que la définition qu'on utilise élimine, en tout cas, va faire en sorte que les fonctionnaires qui travaillent dans un certain nombre d'organismes n'auront pas à suivre une règle comme celle qu'on retrouve dans le projet de loi n° 130, des règles propres qui encadraient bien le travail de ces fonctionnaires-là, ce qui pouvait garantir et donner une certaine crédibilité au processus, permettre aux contribuables d'avoir une certaine confiance dans le processus décisionnel parce qu'il y avait quand même des règles là. Au niveau de la Commission des services juridiques, il n'y a pas de règles; les règles ne sont pas des règles comme celles-là. Donc, on peut toujours penser que les décisions sont prises de façon plus ou moins rigoureuse, et je ne pense pas que de soit de nature à stimuler la confiance des citoyens en général relativement à une institution comme celle de la Commission des services juridiques, qui a un rôle-clé, par exemple dans l'application de la loi qui traite de l'aide juridique.

Je n'ai pas eu l'occasion de réfléchir plus avant sur les autres commissions qui sont exclues, mais on a affaire à des commissions importantes: la Commission d'accès à l'information, la Commission de la fonction publique, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il y a quand même passablement d'organismes dont il faudrait tenir compte et voir quel est l'impact que ça peut avoir.

Ici, dans le document du Barreau, il y a également un paragraphe qui peut, en tout cas, nous inspirer pour l'étude qu'on fait de l'amendement. Au niveau de la section du mémoire du Barreau de février 1996 aussi, on dit, et je cite: «Ne sont visées d'abord que des décisions sans doute fort nombreuses adoptées par des ministères et organismes gouvernementaux. Le juriste qui ne maîtrise pas tous les détails des structures de l'appareil de l'État a du mal à visualiser la portée pratique de la notion d'«organismes gouvernementaux». Quels sont effectivement les organismes dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique? Il n'est pas rassurant qu'une expression aussi fuyante trouve sa place dans une loi ayant pour objet d'améliorer les rapports entre les autorités administratives et les citoyens. Si cette notion doit être retenue, une annexe à la loi ou un règlement d'application devrait dresser la liste de ces organismes et même des ministères.»

Alors, je pense que c'est un autre élément qui est intéressant, parce que ça complète un peu les points qu'on a soulevés, c'est-à-dire qu'on a parlé, d'une façon juridique, de termes qui étaient imprécis. Là, ici, le Barreau fait référence à la réaction des citoyens qui maîtrisent mal, si on veut, ce jargon administratif et qui ne savent pas exactement à quoi ça fait référence.

Alors, je pense que c'est les commentaires, M. le Président, que je souhaitais faire à ce moment-ci sur le troisième amendement, qui ne m'apparaît, en tout cas, pour moi, personnellement, pas plus précis que celui qu'on veut remplacer, c'est-à-dire l'article qu'on veut remplacer, l'article 3. Encore là, je ne suis pas un juriste, je pense que je me considère plus comme un citoyen qui regarde ces règlements-là puis qui essaie de les comprendre; l'article 3 tel qu'il a été formulé, on parlait des organismes gouvernementaux, c'est assez vague pour moi, ce n'est pas tellement clair, et d'ailleurs le Barreau va dans le même sens. Quand on parle de l'administration gouvernementale, ce n'est pas tellement plus clair non plus. Alors, il y a le problème de la compréhension des termes, mais il y a aussi le problème, plus important à mon avis, celui de l'exclusion de certains organismes qui n'ont pas, à ce moment-là, à suivre des règles qui pourraient garantir une certaine crédibilité du processus et inspirer confiance aux citoyens.

Alors, je termine sur ça, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Bégin: Pas de commentaires.

Le Président (M. Paquin): Est-ce que quelqu'un d'autre désire s'exprimer sur l'amendement?

M. Mulcair: Est-ce qu'il me reste...

Le Président (M. Paquin): Il vous reste 40 secondes.

M. Mulcair: Je vous priverai de ces 40 secondes, je vais m'exprimer sur le principal, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Alors, est-ce que quelqu'un veut s'exprimer? Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Mulcair: Vote nominal.

Le Président (M. Paquin): Vote nominal.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Pour.

Le Secrétaire: M. Boulerice (Sainte-Marie– Saint-Jacques)?

M. Boulerice: Pour.

Le Secrétaire: M. Dion (Saint-Hyacinthe)?

M. Dion: Pour.

Le Secrétaire: M. Lachance (Bellechasse)?

M. Lachance: Pour.

Le Secrétaire: Mme Robert (Deux-Montagnes)?

Mme Robert: Pour.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska)?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Pour.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

Le Président (M. Paquin): Pour.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Contre.

Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?

M. Bordeleau: Contre.

Le Président (M. Paquin): Alors, l'amendement est adopté.

Est-ce que quelqu'un veut s'exprimer sur la proposition telle qu'amendée? M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Alors, le ministre vient de proposer et cette commission vient d'adopter une nouvelle version de l'article 3, qui se lit dorénavant comme suit: «L'administration gouvernementale est constituée des ministères et organismes gouvernementaux dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique».

Comme on a eu l'occasion de le faire remarquer tantôt, M. le Président, déjà, le Protecteur du citoyen et un certain nombre d'autres intervenants avaient exprimé leur désarroi face à l'imprécision de la version préexistante. Mais, pour nous, loin de régler le problème, l'article tel que libellé maintenant ne fait que l'exacerber. Si on se réfère à l'article 3 tel qu'il existait avant la modification apportée par le ministre, on va être en mesure de comprendre un peu plus notre propos. Rappelons qu'on disait avant: «Sont les organismes gouvernementaux, au sens de la présente loi, les organismes dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité», etc. Alors, on définissait «organismes gouvernementaux». Maintenant, on présume que le sens du terme «organisme gouvernemental» est connu, parce qu'on dit: «L'administration gouvernementale est constituée des ministères – pour ce qui est de la définition de «ministère», il n'y a pas de problème, il y a une loi pour chaque ministère – et organismes gouvernementaux dont le gouvernement ou un ministre nomme», etc.

(21 h 40)

Alors, c'est quoi, un organisme gouvernemental? Il y a une foule de définitions dans de très nombreuses lois, mais je vous ai référé tantôt à la définition contenue à l'annexe de la Charte de la langue française qui, rappelons-le, a fait l'objet d'une analyse attentive par la Cour suprême dans la décision, dans Blaikie 1. Parce que, effectivement, ce qui avait été prévu au terme de cette législation dans sa forme initiale, M. le Président, était qu'on remplaçait les règles constitutionnelles existantes et on disait que, dorénavant, c'était seulement pour fins de commodité qu'on préparait une version anglaise et qu'on faisait fi de la règle constitutionnelle contenue à l'article 133. Évidemment, ça n'a pas pris grand-chose à la Cour suprême pour infirmer une telle opinion.

Par contre, il restait un problème assez intéressant, parce que le chapitre III de la Charte de la langue française, sur la langue de la justice, disait que l'administration préparait une version anglaise des lois et règlements. Alors, c'était quoi, l'«administration»? Pour comprendre ce que c'était, il fallait se référer à la définition contenue à l'annexe de la Charte de la langue française. Et je vois mon collègue, Me Pelletier, qui était là à l'époque. Au mois de décembre 1979, quand cette décision a été rendue, on y travaillait ensemble. Le problème était assez intéressant, M. le Président, parce qu'il fallait déterminer si, tout en infirmant, comme il se devait, la loi 101 à ce chapitre disant que ça pouvait passer outre la Constitution, la question était de savoir ce qui doit être traduit.

C'est pour ça qu'on parle de Blaikie 1 et de Blaikie 2, parce que c'est dans Blaikie 2 qu'on a apporté beaucoup de nuances là-dessus. Mais, dans Blaikie 1, si on se fiait à la définition de l'«administration», ça allait très, très loin, et ça aurait pu vouloir dire que tous les règlements municipaux de toutes les municipalités du Québec doivent être traduits en français. Je ne suis pas sûr qu'à Saint-Jean, dans votre circonscription, ils auraient apprécié une telle obligation. Je ne suis pas sûr que, partout dans la province, on aurait été à même de fournir le service. Et je ne suis pas sûr que ça aurait été d'une très grande utilité dans un très grand nombre de cas.

Alors, la définition de l'«administration» contenue à l'annexe A de la Charte de la langue française, M. le Président, prévoit que l'administration – donc l'administration gouvernementale, pour reprendre un peu le texte de l'article 3 qu'on a devant nous – est composée de:

«1. Le gouvernement et ses ministères.

«2. Les organismes gouvernementaux – et on définit: les organismes dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres, dont la loi ordonne que les fonctionnaires ou employés soient nommés ou rémunérés suivant la Loi sur la fonction publique ou dont le capital-actions provient, pour la moitié ou plus, du fonds consolidé de revenu, à l'exception toutefois des services de santé, des services sociaux, des collèges d'enseignement général et professionnel et de l'Université du Québec.

«3. Les organismes municipaux et scolaires:

«a) les communautés urbaines: la Communauté urbaine de Québec, la Communauté urbaine de Montréal et la Communauté urbaine de l'Outaouais, la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec, la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal, la Société de transport de l'Outaouais, la Société de transport de la ville de Laval et la Société de transport de la Rive-Sud de Montréal;

«b) les municipalités: les corporations de cité, de ville, de village, de campagne ou de comté, qu'elles soient constituées en corporation en vertu d'une loi générale ou d'une loi spéciale, ainsi que les autres organismes relevant de l'autorité de ces corporations et participant à l'administration de leur territoire;

«c) les organismes scolaires: les commissions scolaires et le Conseil scolaire de l'île de Montréal.

«4. Les services de santé et les services sociaux: les établissements au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux ou au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour autochtones cris et inuit.»

Alors, vous voyez, M. le Président, pourquoi c'était si pertinent pour le Barreau d'insister dans sa lettre qu'il fallait absolument procéder en tandem avec l'analyse du projet de loi d'application et la loi n° 130. On est rendu à l'article 3. On procède vite, c'est sûr, parce qu'on a hâte de voir tout ce qu'il y a dans le projet de loi. Mais, déjà, à l'article 3, tout comme à l'article 2, on se rend compte qu'il va y avoir beaucoup de problèmes d'application et que le Barreau avait raison de dire, dans une lettre qu'il adressait au premier ministre désigné, M. Bouchard, en date du 14 juin 1996, et je cite: «Après s'être adressé à la commission des institutions lundi dernier, le 10 juin 1996, c'est avec insistance que le Barreau vous interpelle afin de faire reporter à l'automne tout le dossier de la justice administrative, c'est-à-dire le projet de loi n° 130, la série d'amendements, 120 papillons comprenant modifications et ajouts) ainsi que le document de travail servant d'avant-projet de loi d'application, lequel ne contient pas encore les dispositions transitoires et finales mais prévoit déjà, dans son titre I, 643 articles modifiant pas moins de 75 lois.

«Bien que nous attendions une réforme de la justice administrative depuis au-delà de 20 ans, celle-ci s'avère d'une ampleur sans précédent, qui nécessite un examen approfondi des impacts considérables qu'elle aura tant sur la communauté juridique que dans de très nombreux secteurs d'activité de la société québécoise. Y a-t-il vraiment urgence à ce que le projet de loi n° 130 soit adopté d'ici l'ajournement d'été? Avec respect, nous estimons que non. En outre, l'annonce, ces jours derniers, du retrait de la CALP de l'application de la Loi sur la justice administrative fait craindre le caractère improvisé que semble revêtir l'adoption de la réforme en cette fin de session.

«Tant les amendements au projet de loi déposés à la commission des institutions le jour de l'ouverture du Congrès, soit le 30 mai dernier, que la loi d'application nécessitent une étude et une réflexion poussées. Le Barreau ne s'oppose pas à la réforme, il demande réflexion.»

Évidemment, M. le Président, cette référence au fait que les modifications et le document de travail n'ont été déposés que le 30 mai dernier nous renvoie nécessairement aux engagements pris par le ministre le 13 février 1996. Je ne suis pas sûr que tous les membres de cette commission ont encore saisi exactement ce que le ministre a dit le 13 février 1996, mais c'est important de s'y référer. Rappelons, M. le Président, que, en réponse à une question de notre part où on citait le Barreau en train de dire que c'était périlleux de procéder en l'absence des textes d'application, j'ai posé à la bâtonnière la question à savoir si elle trouvait important d'être entendue là-dessus, M. Bégin a coupé en disant: Écoutez, «ça peut peut-être faciliter les choses en disant que, oui, les gens vont être invités». Alors, Mme Olivier s'est exclamée: «Ah bon!» M. Bégin a continué en disant – et ça, c'est intéressant parce que c'est pour ça qu'on dit qu'il a un engagement...

Une voix: ...

M. Mulcair: Ah non! Parce que, vous voyez, M. le Président, je suis à la page 36 des débats de l'Assemblée nationale, commission des institutions. Alors, vous voyez, on lit: M. Mulcair, M. Bégin. Alors, si je veux citer textuellement le document que j'ai en main, j'ai intérêt à le lire comme ça parce que, sinon, le ministre va me dire que je transforme le mot à mot. Alors, c'est textuellement ce que je suis en train de citer.

Le Président (M. Paquin): Le ministre voudrait bien, mais c'est à moi que vous vous adressez, et je comprends votre point de vue. Alors, vous pouvez poursuivre.

M. Mulcair: Alors, M. Bégin a dit ceci: «Il n'y a aucun doute là-dessus, ça va être fait. Il y aura une commission parlementaire qui portera spécialement là-dessus, c'est bien clair.» C'est pour ça qu'on réfère constamment à l'engagement du ministre, M. le Président. Alors, moi-même, je me suis exclamé cette fois-ci et j'ai dit: «C'est très encourageant d'entendre cette information.» Et la bâtonnière, Mme Olivier, a continué en disant: «Si vous me permettez, je prends note de la réponse du ministre à l'effet de nous convoquer. Est-ce qu'on pourrait demander aux membres de la commission de nous donner un délai suffisamment important pour nous permettre d'analyser sérieusement ce projet de loi qui devrait, nous dit-on, contenir 400 à 500 articles?» M. Bégin a répondu: «Certainement. Mais le délai... J'ai mentionné à l'ouverture, dans mes notes préliminaires, que ça sera au plus tard à la fin mars que le projet de loi sera déposé. Maintenant, il restera, évidemment, à faire l'étude. À quel moment la commission parlementaire pourra siéger, au mois de mai ou juin, je ne peux pas vous répondre à l'avance, mais il est évident que le texte sera, au moins un mois et demi ou deux mois avant, disponible et connu.»

C'est intéressant, M. le Président, tout à l'heure, quand je citais le bout de phrase où le ministre disait: «Il n'y a aucun doute là-dessus, ça va être fait. Il y aura une commission parlementaire qui portera spécialement là-dessus», j'entendais le ministre présent avec nous ici, ce soir, le même, en train de dire: C'est vrai, ça va être fait. Mais, quand j'ai lu ce dernier bout de phrase, il était muet comme une carpe. Alors, je vais le relire pour voir si on peut provoquer une réaction cette fois-ci: «Certainement. Mais le délai... J'ai mentionné, à l'ouverture, dans mes notes préliminaires, que ça sera au plus tard à la fin mars que le projet de loi sera déposé. Maintenant, il restera, évidemment, à faire l'étude. À quel moment la commission parlementaire pourra siéger, au mois de mai ou juin, je ne peux pas vous répondre à l'avance, mais il est évident que le texte sera, au moins un mois et demi ou deux mois avant, disponible et connu.»

(21 h 50)

Qu'est-ce que le Barreau nous relate? Qu'est-ce que le bâtonnier du Québec dit dans sa lettre au premier ministre désigné du 14 juin 1996, aujourd'hui même, M. le Président? «Tant les amendements au projet de loi déposés à la commission des institutions le jour de l'ouverture du congrès, soit le 30 mai dernier, que la loi d'application nécessitent une étude et une réflexion poussées. Le Barreau ne s'oppose pas à la réforme et demande réflexion.

«Les nouveaux articles 1 à 12 du projet de loi représentent le coeur même de la réforme, en établissant ou diminuant les garanties procédurales auxquelles les justiciables peuvent s'attendre, selon qu'ils sont l'objet d'une décision juridictionnelle ou simplement administrative de l'État. La loi d'application nous indique que l'on irait même jusqu'à modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin d'éviter que soit contestée la validité des décisions dites administratives sur la base du non-respect des garanties procédurales.

«Les amendements créent de nouveaux concepts («autorité décentralisée»: est-ce une décentralisation territoriale? fonctionnelle?) et instaurent de nouveaux régimes (la conciliation, c'est bien, mais on peut s'interroger si les membres du personnel parmi lesquels seront choisis les conciliateurs ont la formation et la compétence pour devenir conciliateurs; en outre, la lecture des articles 95 et 100, troisième paragraphe, semble annoncer un nouveau régime relatif aux droits, honoraires, dépens et autres frais afférents, lesquels deviendraient une source de financement du Tribunal administratif du Québec: qu'en est-il?). Bon nombre de ces amendements méritent réflexion, échanges et discussions avec le ministère de la Justice avant que soit entreprise l'étude détaillée. Or, de toute évidence, le temps manque d'ici le 21 juin 1996.

«La loi d'application. La portée exacte de la réforme de la justice administrative ne saurait être évaluée de façon adéquate sans une étude approfondie de la loi d'application, notamment au plan de l'étendue de la juridiction du Tribunal administratif du Québec et, par conséquent, de l'importance de reconsidérer la nécessité d'un droit d'appel. Nous l'avions d'ailleurs évoqué clairement dans notre mémoire de février 1996. Votre ministre de la Justice – c'est toute une phrase, M. le Président, de la part d'un bâtonnier du Québec au premier ministre: votre ministre de la Justice, celui-là – avait également reconnu la nécessaire interrelation qui doit exister entre la loi d'application et le projet de loi n° 130 en s'engageant, en février dernier auprès de la bâtonnière Jocelyne Olivier, à ce qu'un projet de loi d'application soit déposé à l'Assemblée...

M. Bordeleau: Question de règlement. Est-ce que vous pourriez rappeler à l'ordre le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qui, je pense, empêche ses collègues de porter attention à ce que mon collègue le député de Chomedey est en train de dire? Je pense que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques fait du bruit, et ça brise la concentration de ses collègues, j'en suis certain. Je les regarde, et ça les agace parce qu'ils aimeraient suivre ce que le député de Chomedey a à dire concernant l'amendement qu'on est en train d'étudier.

Le Président (M. Paquin): L'article 32, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, le décorum, une fois de plus, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Est-ce qu'on a le droit de respirer dans cette commission? Je sais qu'ils mettent des barreaux à tout bout de champ, mais...

Le Président (M. Paquin): C'est autorisé de respirer et d'utiliser un crayon.

Une voix: Pas fort.

M. Boulerice: C'est mon crayon.

Le Président (M. Paquin): Maintenant, s'il vous plaît, si vous voulez arrêter de faire du bruit.

M. Boulerice: C'est nerveux, M. le Président, je ne peux pas contrôler ça.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, je suis obligé de vous rappeler à l'ordre une première fois. Une deuxième fois.

M. Boulerice: Merci, M. le Président. On comprend toujours mieux deux fois qu'une fois. C'est ce que disait le député de Chomedey.

Le Président (M. Paquin): Un homme averti en vaut deux. Vous en valez maintenant quatre, est-ce qu'on pourrait continuer? S'il vous plaît, M. le député de Chomedey. Allez, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je reprendrais la phrase où j'étais dans la lettre du bâtonnier du Québec à l'honorable Lucien Bouchard, premier ministre désigné de la province de Québec. «Votre ministre de la Justice avait également reconnu la nécessaire interrelation qui doit exister entre la loi d'application et le projet de loi n° 130 en s'engageant, en février dernier auprès de la bâtonnière Jocelyne Olivier, à ce qu'un projet de loi d'application soit déposé à l'Assemblée nationale en mars 1996, ce qui ne fut pas fait.»

Vous voyez, M. le Président, le Barreau est très diplomate. Pour un oeil averti, on est quand même capable de déceler l'intention claire du bâtonnier, mais, quand même, il utilise des termes réservés, restreints, il dit – quand même, c'est une gifle, qu'on appelle les choses par leur nom: «Votre ministre de la Justice», ce gars-là. Mais, après, il dit: Il s'est engagé en février auprès de la bâtionnière à ce que ce soit adopté. Et, laconiquement, il finit sa phrase en disant: «Ce qui ne fut pas fait.» C'est une manière claire, correcte, mais directe...

Le Président (M. Paquin): Parlementaire.

M. Mulcair: ...parlementaire, effectivement, M. le Président, une manière parlementaire, même diplomate, de dire: Écoutez, il nous a promis quelque chose, il n'a pas tenu parole, c'est votre gars, ramenez-le à l'ordre.

«Contrairement au Code civil du Québec – parce que là, ce que le Barreau fait, c'est qu'il coupe court à un des arguments préférés du ministre de la Justice, qui tente toujours de faire croire aux gens qu'il n'y a aucun problème: Écoutez, c'est la même chose ici qu'avec le Code civil, on peut adopter la loi d'application à un autre moment donné – qui pouvait être adopté indépendamment de sa loi d'application puisqu'il contenait toutes les règles de droit substantif, le projet de loi n° 130 n'est pas complet en lui-même. Une lecture rapide du document de travail, projet de loi d'application également déposé en commission le 30 mai dernier, nous révèle l'existence de plusieurs règles de fond, tels:

«l'article 576, qui modifie les pouvoirs du Tribunal administratif par rapport à ce que nous laisse pourtant croire l'article 14 du projet de loi n° 130;

«les articles 68 et 69 qui, en modifiant la Loi sur le Barreau, risquent de changer substantiellement l'exercice de la profession au Québec – crucial pour tout ordre professionnel à exercice exclusif, M. le Président, c'est les dispositions de sa loi qui traitent de son champ de pratique;

«ou encore l'article 113, qui modifie la Charte des droits et libertés de la personne et, partant, certains droits fondamentaux garantis par elle.

«Ce ne sont là que quelques exemples qui incitent le Barreau du Québec à vous demander instamment de faire en sorte que la réforme de la justice administrative dans son entier soit reportée à l'automne». C'est un terme assez péremptoire, M. le Président, «de vous demander instamment de faire en sorte que la réforme dans son entier soit reportée à l'automne». Il finit en disant qu'il espère un accueil favorable à la présente demande et demande au premier ministre d'agréer l'expression de ses salutations les plus respectueuses.

Et c'est intéressant, parce que le ministre de la Justice en a reçu copie conforme au même chapitre que le chef de l'opposition. À la place du ministre de la Justice, qui est en même temps Procureur général et ministre responsable de l'application des lois professionnelles, je me poserais des questions sur mon avenir dans ce gouvernement-là, M. le Président, surtout sur ma capacité de continuer à travailler avec le Barreau du Québec. Comble de l'ironie, évidemment, M. le Président, le ministre cite le Barreau en appui quand ça peut faire son affaire, mais, cette fois-ci, ça ne semble pas le déranger. Évidemment, M. le Président, c'est toujours loisible à un gouvernement de procéder avec un bâillon pour forcer l'adoption d'un projet de loi, c'est toujours une option qui est ouverte à ce gouvernement. Mais le ministre, je crois – je crois – est assez intelligent pour savoir ce que ça voudrait dire, pour un ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles, de procéder à l'adoption d'un tel projet de loi face à une injonction de cette nature de la part du Barreau. En 20 minutes?

Le Président (M. Paquin): En une minute.

M. Mulcair: Oh, en une minute! Bien, je garderai ma minute au cas où j'aie une envie soudaine de présenter une modification, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, M. le Président...

M. Bégin: M. le Président...

Le Président (M. Paquin): Un instant, s'il vous plaît. M. le ministre, vous voulez faire une réplique?

M. Bégin: Oui, s'il vous plaît.

Le Président (M. Paquin): Ça vous est loisible.

M. Bégin: Alors, j'ai entendu le député de Chomedey et le député de l'Acadie, tout à l'heure, parler concernant l'article 3, quant à la définition de l'administration gouvernementale. Je rappelle que, lors des auditions du mois de février, où on a étudié le projet de loi en long et en large et où on a eu l'occasion d'entendre le Barreau et tous les organismes parler du projet de loi, plusieurs remarques ont été faites, particulièrement sur l'article 2. On utilisait la définition d'organisme gouvernemental à l'article 3, mais, à l'article 2, deuxième alinéa, on parlait d'organisme administratif. Et aux articles 8 et 9, effectivement, et les suivants, on utilisait le mot «organisme». Plusieurs nous ont fait remarquer que ça pouvait créer ambiguïté, et c'est pourquoi on retrouve maintenant une définition de l'«administration gouvernementale» comprenant évidemment les organismes gouvernementaux ainsi qu'un ministère.

(22 heures)

Bien sûr qu'il peut y avoir différentes définitions d'un organisme gouvernemental pour les fins de chacune des lois. C'est pour ça... Je prends celle du Protecteur du citoyen, ici, qui dit: «Est un organisme public, aux fins de la présente loi, un ministère, tout organisme – et là on a une nuance – à l'exception du Conseil exécutif et du Conseil du trésor, dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique.»

Alors, M. le Président, chaque définition est faite pour la loi dans laquelle elle se trouve, c'est ce qui nous permet de travailler de façon correcte pour bien se comprendre.

Je vous fais remarquer que, déjà à l'article 2, nous avions dit: «Les procédures menant à une décision individuelle prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale en application de normes prescrites par la loi sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement.» Donc, à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale. Et il s'agissait de définir à l'article 3 ce qu'était l'administration gouvernementale pour bien cerner le champ d'application de la loi. C'est comme ça qu'on le retrouve, évidemment, et l'administration est définie comme étant constituée, si vous voulez, des ministères et organismes gouvernementaux; pas n'importe lesquels, ceux dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique.

En ce qui concerne, par exemple, la Commission des services juridiques, le personnel n'est pas nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique, donc elle se trouve exclue par la définition elle-même. C'est pourquoi on a ça.

Donc, on se retrouve avec une définition qui est unique, qui recouvre l'ensemble et qu'on va retrouver d'ailleurs tout de suite à l'article suivant, à l'article 4, où on dit: «L'administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer». Alors, on a donc à nouveau l'utilisation du même concept aux articles 2, 3 et 4; l'article 3 étant la définition du concept lui-même.

M. le Président, je pense que, quand on a écouté ce qui s'est passé au mois de février et qu'on ne fait pas une obsession sur un passage – que je vais reprendre, d'ailleurs – on s'aperçoit que les groupes qui sont venus nous ont dit: Il est important que l'on définisse adéquatement et mieux qu'il ne l'est dans le projet de loi ce concept soit d'organisme gouvernemental, soit de l'administration gouvernementale. Et c'est ce que l'on trouve ici.

Pour le redire, je l'ai entendu à peu près 10 fois lire les mêmes passages, mais il est toujours bon de rappeler certaines choses. La déclaration que j'ai faite au mois de février est toujours valide à l'effet que, oui, il y aura une commission parlementaire sur la loi d'application, que cette commission aurait lieu, et elle aura lieu, comme il l'a été annoncé. Il est bien sûr qu'il faut comprendre le sens des choses. La commission parlementaire sur la loi d'application, ce n'est pas la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130.

Pour répondre à une question, tout à l'heure: Pourquoi adopter d'abord la définition – et je reprends l'expression qu'avait utilisée de député de l'Acadie – pourquoi se presser d'adopter la loi d'application? Bien, pour une raison bien simple, c'est que la loi d'application ne peut pas exister, ne peut pas être là tant et aussi longtemps que la loi n° 130 n'est pas adoptée. Et j'anticipe ce qui va se produire quand on fera l'autre projet de loi, mais j'ai assez hâte, à ce moment-là, de reprendre ce qui a été dit ici, on verra à quel point on dit des choses blanches un jour et noires le lendemain parce que ça fait mieux notre affaire; on verra à quel point tout ça était tout à fait inutile.

Mais la raison pour laquelle, donc, on doit adopter le projet de loi n° 130, c'est que ça nous permet de fixer, justement, la terminologie qui va être utilisée dans la loi d'application, parce que cette loi-là n'a de sens que lorsqu'on a adopté la loi n° 130 comme telle. Dès lors, on aura adopté, justement que, par exemple, l'administration gouvernementale...

Le Président (M. Paquin): M. le ministre...

M. Bégin: Déjà?

Le Président (M. Paquin): ...vous étiez sur un droit de réplique et vous avez déjà dépassé vos cinq minutes.

M. Bégin: Ah! Je reprendrai tout à l'heure, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Je porte à votre attention que si vous désirez parler plus longuement...

M. Bégin: Non.

Le Président (M. Paquin): ...vous disposez de 20 minutes, mais vous devez demander la parole avant que je n'aie reconnu un autre député.

M. Bégin: Pas de problème, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Auquel cas, si vous désirez utiliser votre réplique, c'est un règlement qui me permet de vous autoriser, mais, à ce moment-là, seulement pour cinq minutes.

M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci. Bon, alors, je disais que je voulais intervenir sur le nouvel article 3 tel qu'il a été adopté suite aux amendements apportés.

Tout à l'heure, j'ai mentionné, M. le Président, que les notions d'organismes gouvernementaux et d'administration gouvernementale étaient relativement imprécises. Le ministre, au fond, dit: On apporte une définition, mais il apporte une définition de l'administration en utilisant les termes d'organismes gouvernementaux. Donc, on utilise deux termes qui sont imprécis pour essayer de définir clairement des notions qui sont en cause.

Si la notion d'organismes gouvernementaux était imprécise en février pour le Barreau, je pense qu'elle est encore imprécise aujourd'hui. Organismes gouvernementaux, c'est la même terminologie qu'on utilisait en février, et le Barreau nous disait: Si cette notion est retenue – parce qu'il faisait référence à la difficulté de bien saisir de façon pratique ce qui est sous-jacent à la notion d'organismes gouvernementaux – une annexe à la loi ou un règlement d'application devrait dresser la liste de ces organismes. Alors, ce n'est pas parce que c'est très, très clair.

Là, on a apporté une amélioration, c'est qu'on définit «administration gouvernementale» en référant à «organismes gouvernementaux». Alors, j'ai l'impression qu'on tourne un peu en rond, parce que le terme d'«administration», qui était vague aussi, qui était imprécis, selon, cette fois-ci, le mémoire du Protecteur du citoyen, qui nous disait, à ce moment-là, à la fin de la page 5 de son mémoire, en référant au terme «administration», qu'il «n'est défini nulle part aux fins de cette loi». Alors, il nous dit que ce n'est défini nulle part aux fins de cette loi. Un peu plus loin, il se pose la question: Et qu'est-ce donc en droit que l'«administration»? Alors, là, on définit le terme «administration gouvernementale», qui était vague, qui était imprécis selon le Protecteur du citoyen, puis, pour le préciser, on utilise une autre notion tout aussi imprécise, qui est celle d'«organismes gouvernementaux». Alors, je ne crois pas, M. le Président, qu'on se soit avancé beaucoup. Au lieu d'avoir un terme vague, on en a deux, et on veut définir l'un par l'autre. Vous avouerez que c'est assez inusité comme situation.

L'autre élément qui est mentionné, le ministre vient nous dire à la fin qu'il fallait justement, pour qu'on puisse regarder éventuellement la loi d'application, procéder d'abord par l'adoption, du projet de loi n° 130. Je pense qu'on a eu une discussion à plusieurs reprises là-dessus où on a mentionné que ce n'est pas notre point de vue, que ce n'est pas vrai qu'on doit approuver la loi n° 130 pour ensuite étudier la loi d'application. C'est la compréhension de la loi d'application qui va nous permettre peut-être d'apporter des ajustements aussi au projet de loi, notamment, par exemple, sur une question comme ça, d'administration. Voyez-vous, le Barreau du Québec suggère qu'on mette soit en annexe à la loi ou dans le règlement d'application – ça veut dire dans le fameux document de travail qu'on a en main – une liste des organismes. Alors, évidemment, tout dépendant de la liste des organismes qu'on inscrirait à ce niveau-là, ça pourrait aussi avoir une influence sur, peut-être, la pertinence d'utiliser tel ou tel terme dans la loi, compte tenu du fait qu'on pourrait, par exemple, vouloir retenir un organisme qui est exclu, et ça nous amènerait, à ce moment-là, à définir différemment les... Alors, les deux sont interreliés. Et ce n'est pas l'avis non plus de plusieurs des intervenants qui sont venus demander le report de toute la question après l'été, c'est-à-dire à l'automne, parce que les deux sont interreliés, la loi d'application et la loi elle-même.

Et là il ne faut pas oublier non plus un autre élément. On a présentement la loi d'application, on nous demande de nous prononcer sur la loi d'application, mais la plupart des intervenants dans le milieu n'ont même pas eu le temps et la chance de pouvoir regarder les règlements d'application. Donc, c'est difficile pour eux de réagir, soit auprès du ministre ou auprès de l'opposition officielle, pour nous dire: Écoutez, faites donc attention à tel ou tel aspect, parce que ça vient d'être déposé, il y a à peu près une semaine, et il y a 640 articles. Alors, ils n'ont pas eu le temps de le regarder.

(22 h 10)

Nous, honnêtement, vous savez comment c'est dans les fins de session, pensez-vous qu'on a eu le temps d'étudier les 640 articles de la loi d'application? Je sais que mon collègue a travaillé beaucoup là-dessus, mais je ne pense pas qu'il ait fini de passer les 640 articles du document qui réfère à la loi d'application et de regarder les impacts que ça peut avoir sur les différentes lois.

Alors, on ne peut pas, M. le Président, adopter un projet de loi dans une forme définitive quand on n'a pas en même temps eu la chance de regarder de façon détaillée la loi d'application qui va aller avec.

Alors, ici, on réfère justement à la notion de mettre en annexe une liste des organismes. Je pense qu'il faudrait qu'on l'ait, cette liste-là, pour voir si le projet de loi répond bien à l'objectif en question.

Un autre point sur lequel j'aimerais revenir, c'est la question, encore là, de la définition... «L'administration gouvernementale est constituée des ministères et organismes gouvernementaux», une question que je me posais... je n'ai pas de réponse, je pose la question au ministre: Quand on parle des organismes gouvernementaux, on sait que les décisions qui peuvent être prises par les fonctionnaires d'un ministère peuvent être contestées devant un tribunal administratif, pour un grand nombre de ministères, est-ce que la décision d'un ministre peut être contestée de la même façon? On sait que, par exemple, dans certaines lois, le ministre a un pouvoir discrétionnaire, un pouvoir exceptionnel. On parle, par exemple, des permis de ministre, dans certaines lois; on parle des décisions que le ministre peut rendre relativement à l'admission, par exemple, à l'école anglaise de jeunes, où, après avoir fait tout le processus, le ministre prend une décision. Est-ce que le ministre est encadré de la même façon que les fonctionnaires qui prendraient la décision, de sorte que le citoyen pourrait aller devant un tribunal administratif pour contester la décision d'un ministre? Alors, je n'ai pas la réponse là-dessus parce que, l'administration gouvernementale et les ministères et les organismes gouvernementaux, je ne sais pas exactement ce que ça comprend et jusqu'où on va à ce niveau-là.

On sait que ces pouvoirs-là, quand même, évidemment, ce n'est pas utilisé de façon aussi large que des pouvoirs que des fonctionnaires ont pour l'application de certaines lois, mais il reste que, dans certains cas, les ministres ont des pouvoirs exceptionnels de dernier recours et ils prennent quand même un bon nombre de décisions qui sont susceptibles d'être contestées si la décision finale n'est pas satisfaisante pour le citoyen. Est-ce qu'à ce moment-là il y a la possibilité d'aller contester cette décision-là devant le tribunal administratif approprié?

Alors, je n'ai pas de réponse à ça. C'est peut-être une autre chose qui mériterait d'être regardée plus en profondeur, de voir si, de fait, après avoir bien saisi ça, le projet de loi nous permet de répondre à cette demande-là.

Tout à l'heure, je faisais référence au fait que le ministre prétend qu'on peut procéder à l'étude du projet de loi n° 130 et remettre à l'automne la question de la loi d'application. C'est notre prétention qu'on ne peut pas le faire comme ça. Notre prétention, c'est qu'on doit faire les deux, c'est-à-dire qu'on doit avoir les deux, avoir le temps de les regarder, et, après ça, on pourra... Mais ce que les gens demandent, regardez ce que le Barreau demande après s'être adressé à la commission des institutions, lundi dernier, le 10 juin 1996: «C'est avec insistance que le Barreau vous interpelle afin de faire reporter à l'automne tout le dossier de la justice administrative – et là ils sont très précis – c'est-à-dire le projet de loi n° 130, la série d'amendements, 120 papillons comprenant modifications et ajouts, ainsi que le document de travail servant d'avant-projet de loi d'application, lequel ne contient pas encore les dispositions transitoires et finales mais prévoit déjà, dans son titre I, 643 articles modifiant pas moins de 75 lois.» Il ne nous dit pas de reporter à l'automne un des éléments ou de régler un des éléments et de regarder les autres à l'automne, il nous demande de reporter le tout parce que c'est interrelié.

Et l'engagement que le ministre avait pris... il a beau dire aujourd'hui que ce n'est pas ca qu'il avait dit, mais c'est ça que tout le monde a compris. Alors, le ministre prétend, il revient régulièrement avec ça, en nous disant: Écoutez, j'ai pris l'engagement qu'il y aurait une commission parlementaire sur la loi d'application, il y en aura une. Ce n'est pas ça que les gens ont saisi, puis ce n'est pas ça qu'on nous dit aujourd'hui même, de la part du Barreau. Ce qu'on nous dit, c'est que le ministre avait pris l'engagement qu'il rendrait les articles disponibles un mois et demi, deux mois à l'avance pour que les gens aient le temps de les regarder – ça ne fait pas un mois et demi qu'ils sont disponibles, les articles impliqués dans la loi d'application – et, à la suite de ça, qu'il y aurait une commission parlementaire qui siégerait au mois de mai ou juin. Alors, les gens avaient compris qu'il y aurait ça, le document de travail sur la loi d'application, qu'il y aurait une discussion qui se ferait et qu'ensuite on commencerait à procéder à l'adoption de toutes les étapes, de la loi elle-même et de la loi d'application. C'est exactement ce qu'il nous demande là: tout remettre, tout reporter à l'automne, parce que, pour eux, c'était ça, leur compréhension.

Alors, le ministre peut dire que ce n'est pas ça, l'engagement qu'il a pris, les gens n'ont jamais compris qu'on adopterait la loi n° 130 et qu'ensuite on regarderait le règlement d'application, puis qu'ils n'auraient plus rien à dire, leurs représentations, à ce moment-là, n'auraient plus aucune influence possible sur le projet de loi lui-même, qui est la loi n° 130 sur la justice administrative.

Alors, je pense, M. le Président, que les membres de la commission devraient être plus sensibles aux arguments qui nous sont présentés par le Barreau et qu'ils devraient, en tout cas, parler à leur ministre pour essayer de le convaincre de remettre à l'automne l'ensemble, comprenant le projet de loi, les amendements et le projet de loi d'application. À ce moment-là, M. le Président, les membres pourraient peut-être, à son corps défendant, permettre au ministre de respecter son engagement. À ce moment-là, il répondrait exactement à la demande et aux attentes, entre autres, du Barreau, qui a toujours compris que c'est comme ça que ça se passerait.

Alors, je pense, M. le Président, qu'on pourrait faire oeuvre utile en aidant le ministre contre lui-même et en l'encourageant, de cette façon-là – en l'encourageant ou en l'obligeant – à respecter son engagement.

Encore une fois, on ne retarde rien en faisant ça. C'est ça qui est le pire, c'est qu'on ne retarde rien en faisant ça, parce que le projet de loi n° 130, même si on l'adoptait, ne pourrait pas être appliqué tant que la loi d'application n'aurait pas été adoptée. Donc, c'est quoi l'urgence?

Alors, il y a des imprécisions, on y a fait référence dans l'amendement 3, le Protecteur du citoyen y fait référence, le Barreau y fait référence, il y a des éléments, il y a des questions qu'on peut se poser: Qu'est-ce que ça recouvre exactement, l'«administration gouvernementale»? Qu'est-ce que ça recouvre, les «organismes gouvernementaux»? Ce n'est certainement pas en définissant l'un par l'autre qu'on va finir par avoir plus de clarté; deux confusions, ça n'amène pas nécessairement plus de clarté. Alors, ça nous permettrait d'essayer, en tout cas, de clarifier toutes ces choses-là et d'arriver éventuellement avec un article qui serait plus clair que celui qu'on a devant nous, qui est maintenant l'article tel qu'amendé, dont l'amendement a été adopté il y a quelques minutes.

Alors, M. le Président, ce sont là les remarques que je voulais faire concernant l'article 3.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

(22 h 20)

M. Bégin: Très brièvement, M. le Président, je voudrais juste faire remarquer que l'opposition a demandé à cinq groupes d'être entendus sur le projet de loi n° 130. De ceux-là, le Conseil du patronat nous a écrit pour dire d'aller de l'avant; le Protecteur du citoyen a été en mesure d'apporter des commentaires sur chacune des dispositions, de dire que c'était amélioré à des endroits, qu'il y avait encore des retouches à faire, nous a suggéré des propositions, et il l'a fait de manière très précise. De même, d'autres sont venus, comme le Syndicat des professionnels du gouvernement, qui nous ont dit d'aller de l'avant et surtout de ne pas retarder de faire adopter ça. Curieusement, également, les gens de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sont venus nous dire qu'ils avaient regardé et que tout était beau. C'est curieux comme ces gens sont en mesure d'étudier le projet de loi. Et c'est tout à fait normal, M. le Président, des gens sont venus au mois de février nous dire: Écoutez, voici ce que nous pensons de ce que le gouvernement devrait faire. Ils ont eu trois semaines, si ma mémoire est fidèle, pour se faire entendre, ils ont vu des amendements et, comme ils ont une connaissance approfondie, pour avoir travaillé de manière fréquente dans ce domaine, entre autres, l'équivalent de trois commissions parlementaires, ils sont en mesure, évidemment, d'apprécier rapidement – ce qui n'est pas donné, évidemment, à tout le monde, d'être capable de comprendre rapidement les choses, ça se comprend! – ils ont été capables de regarder ça attentivement et de faire les recommandations appropriées.

M. le Président, nous avons des textes qui ont été raffinés, qui sont devenus extrêmement précis, et nous sommes en mesure d'adopter ce projet de loi et de donner les principes fondamentaux qui vont guider la loi d'application.

D'ailleurs, j'inviterais les membres de la commission à regarder – deux minutes, je pense que c'est assez intéressant – le projet de loi d'application de la justice administrative. M. le Président, je l'indique, je prends ça au hasard, je tourne une page, je m'en vais à la page 14. On dit: L'article 82 de cette loi est remplacé par le suivant:

«82 Toute personne visée par une décision sur l'admissibilité des enfants à l'enseignement en anglais rendue en vertu de l'article [...] peut, par écrit, dans les 60 jours de la date à laquelle la personne en a été avisée, en demander la révision.»

On regarde, à la page 15: Par l'insertion, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant:

«La production d'un tel rapport suspend, selon le cas, le délai pour exercer le recours prévu à l'article 83.4 ou l'exercice de ce recours, jusqu'à ce que le ministre prenne une décision à cet égard.»

Je tourne, je regarde, un après l'autre, chacun des articles. L'article 158, la Loi sur les courses: L'article 49 de la Loi sur les courses est modifié par le remplacement du paragraphe 5° par le suivant:

«5° d'imposer et de percevoir les frais prescrits par les règles pour l'examen de toute affaire ou question qui lui est soumise.»

Je tourne la page, j'arrive à l'article 199: L'article 125 de cette loi est modifié

1° par le remplacement, dans la deuxième ligne, des mots «formuler une plainte» par les mots «formuler un recours»;

2° par le remplacement, dans la troisième ligne, des mots «cette plainte est fondée» par les mots «ce recours est fondé».

M. le Président, je suis à la page 27 et, là-dessus, j'en suis rendu à l'article 199.

Je m'en vais à la page 33, j'arrive à l'article 249: L'article 252.1 de cette loi est modifié par le remplacement, dans la cinquième ligne, des mots «une plainte» par les mots «un recours devant le Tribunal administratif du Québec».

Je tourne encore les pages, je m'en vais à la page 36, je regarde l'article 263: L'article 194 de cette loi est modifié;

1° par le remplacement, dans la première ligne du deuxième alinéa, du mot «signifie» par les mots...

M. le Président, la loi d'application, c'est justement ça: des ajustements qui sont faits à des lois particulières suite à l'adoption du projet de loi n° 130, parce que des principes sont énoncés et qu'on les retrouve appliqués de manière spécifique dans des lois particulières. C'est ça, M. le Président. Ça, ça se fait de manière très simple, sans faire de longues recherches. On peut penser qu'il y a déjà un travail énorme qui a été fait par les gens qui ont travaillé là-dessus et qui ont justement présenté des dispositions qui sont le plus conformes aux principes énoncés dans la loi n° 130 puisqu'ils ont d'abord été faits au ministère, mais, ensuite, en collaboration avec les officiers de chacun des ministères ou organismes concernés et impliqués par de tels amendements.

M. le Président, je soumets qu'il est très facile de travailler et de regarder le projet de loi d'application en relation avec la loi n° 130 et de voir que tout ça peut se faire aujourd'hui, être adopté très rapidement et de manière satisfaisante pour tout le monde. Bien sûr, on peut préférer autre chose, mais je soumets respectueusement qu'il est facile de travailler immédiatement à l'adoption du projet n° 130.

Maintenant, évidemment, quand on regarde ça, on peut se dire, à moins qu'on ait des doutes, à moins qu'on ne soit pas capable de travailler à fond à partir de ces textes, mais, moi, M. le Président, je pense que quelqu'un qui a déjà travaillé au ministère de la Justice devrait être en mesure de faire ça très rapidement, de regarder ça. Il réfère continuellement, le député de Chomedey, à la qualité de l'équipe de mon ministère. Il se glorifie d'avoir été de cette équipe. Je soupçonne donc qu'il est en mesure, plus que le citoyen moyen, de regarder ça et d'être au moins capable de faire ce que les autres ont fait, les organismes qui sont venus, il devrait être capable d'apprécier et d'apporter un jugement. Et si quelque chose n'est pas satisfaisant, il devrait faire des remarques dans ce sens. Mais, en dehors de ça, je ne comprends pas, M. le Président, la démarche du député de Chomedey, qui relit pour la septième fois ou la cinquième – je ne sais pas, je ne les ai plus comptées, c'est devenu anodin – la lettre du Barreau, qui insiste sur les mêmes passages. Ça prouve une chose, c'est que, plutôt que de prendre son temps pour regarder le projet de loi d'application, il tourne en rond comme un écureuil dans sa cage, qui pense avoir fait beaucoup de chemin, mais qui, à la fin de la journée, après avoir couru longtemps, est rendu exactement au même point d'où il est parti le matin. Il est à la même place, et c'est ça que le député fait sempiternellement.

Alors, M. le Président, je l'invite à travailler un peu, à faire un effort, à vraiment regarder le projet de loi, à travailler de façon assidue, à utiliser son talent et à utiliser son expérience et à aider la commission à l'adopter. Je lui demande juste un effort et adopter un projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Moi, en fait, je voulais juste réagir un peu à ce que le ministre vient de nous dire. Je suis content de voir que le ministre, pour lui, tout est simple, tout est clair et il n'y a rien au niveau du projet de loi d'application, comme on dit familièrement, qu'il n'y a rien là. Ce n'est pas ce que les gens sont venus nous dire. Le ministre a une façon de rapporter ce qui s'est passé qui est assez particulière.

D'abord, le Conseil du patronat et la FTQ ne sont pas venus devant la commission, ils ont envoyé une lettre tout simplement pour dire que, oui, ils étaient contents que la CALP soit enlevée. C'était ça, leur représentation principale. Alors, ça, ça a été leur position; c'était ça, leur préoccupation principale. Et le ministre a répondu à ça. Ils ont dit: Oui, ça va, nous, notre problème est réglé, c'est la CALP qui était notre problème. Alors, ça peut être leur problème à eux, mais ça ne veut pas dire que c'est le même problème pour tous les autres groupes. Alors, ça, c'en est deux, des groupes, on peut les mettre de côté.

Le ministre nous dit: La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, ils n'ont pas dit qu'on pouvait y aller et que tout était beau et tout était clair. Ils ont dit, si je me souviens bien de leur expression, qu'ils auraient eu besoin d'un délai supplémentaire pour étudier les impacts de la loi d'application sur la Charte. C'est ça qu'ils ont mentionné. Ils ont aussi mentionné qu'ils ne voyaient pas la nécessité, là... ils préféraient que l'adoption ne soit pas faite avant l'ajournement. On pourrait retourner aux galées et vérifier. Ça, c'en est deux, des choses qu'ils ont mentionnées. Ils ne sont pas venus dire au ministre: Allez-y, tout est correct, tout est réglé. Ce n'est pas ça qu'ils ont dit. Je me souviens très bien qu'ils aient dit: Écoutez, on n'a pas eu le temps et il faudrait regarder. Il y a beaucoup d'articles dans le projet de loi d'application, il faudrait regarder les impacts que ça peut avoir sur la Charte. C'est ça qu'ils sont venus nous dire.

Le Protecteur du citoyen est venu dire la même chose, essentiellement; en d'autres mots, il est venu nous dire qu'il ne comprenait pas l'urgence d'adopter la loi n° 130 en juin.

Le Barreau du Québec, encore là, de façon très claire, très explicite, ils nous ont dit: On vient essentiellement pour vous demander de reporter le tout à l'automne. Ce qui est confirmé dans la lettre de ce matin. Alors, ça en fait plusieurs, des groupes auxquels le ministre réfère et dont il interprète les représentations comme étant un appui dans le sens où ils sont venus lui dire de procéder, que tout était beau.

Il y a le Syndicat des professionnels, je pense, à ma connaissance, qui sont venus et, effectivement, eux autres, ils disaient: On est d'accord pour procéder. Mais la FTQ et le Conseil du patronat, ce n'est pas ça qu'ils ont dit, ils ont dit: Nous, notre problème est réglé, la CALP qui était leur problème. Et les autres, à peu près, Protecteur du citoyen, Barreau, Commission des droits de la personne: On ne voit pas la nécessité, l'urgence d'adopter ça avant la fin de la session. Et certains recommandent de reporter carrément à l'automne.

Alors, c'est ça, la réalité, M. le Président. C'est curieux comme le ministre a une façon de présenter les choses qui ne correspond pas nécessairement à ce qui s'est dit exactement. Alors, je pense qu'il faut quand même rétablir les...

Je ne le sais pas, peut-être que le ministre est chanceux, lui, de penser que tout est clair pour lui, mais si la Commission des droits de la personne dit: Pour nous, ça nous aurait pris plus de temps pour regarder l'impact des articles de la loi d'application sur la Charte, je pense qu'ils sont probablement aussi brillants que le ministre peut l'être et que les gens qui l'accompagnent peuvent l'être, et eux considèrent que ça prend plus de temps pour faire le tour du jardin.

(22 h 30)

Je comprends, la démarche a été faite par les fonctionnaires, alors, eux, ils l'ont faite, la démarche, ils l'ont présentée. Mais ça n'enlève pas la responsabilité du président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse d'assumer ses responsabilités, ça ne nous enlève pas notre responsabilité, à nous comme parlementaires, de faire les vérifications et de s'assurer auprès de nos intervenants dans le milieu qu'il n'y a pas de problème qu'eux peuvent percevoir, par exemple, quand ils vont prendre une des lois avec lesquelles ils travaillent quotidiennement et qu'ils vont regarder les règlements d'application pour voir s'il n'y a pas un impact là-dedans qu'on... Le ministre dit: Ah! c'est juste des ajustements. Je me méfie de ça beaucoup, moi, «c'est juste des ajustements», parce qu'on en a, des articles, là, puis c'est juste des petites modifications, des petits amendements, mais on est en train de discuter là-dessus, puis ça fait quand même plusieurs heures qu'on passe à essayer de faire comprendre au ministre qu'il y a des éléments qui ne sont pas clairs, qui pourraient être améliorés. Malheureusement, le ministre est hermétique à toute suggestion de l'opposition. Il en a adopté une. C'est vrai, aujourd'hui, il en a adopté une; on a rajouté le respect des droits fondamentaux. Mais, à part ça, je vous dis que l'ouverture du ministre n'est pas forte...

M. Bégin: On a adopté deux articles, c'est difficile d'avoir 50 amendements!

M. Bordeleau: ...vis-à-vis de nos suggestions, nos propositions. Elle n'est pas forte également vis-à-vis des suggestions qu'ont faites les organismes et ceux qui demandent un report à l'automne. Alors, je voulais ajouter ça suite aux commentaires que le ministre avait faits.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, je sais qu'il me reste peu de temps à parler sur ça, alors, je vais juste me contenter de dire que le ministre trouve curieuses certaines de nos réactions; qu'il nous soit permis de lui dire que nous trouvons curieux qu'il accorde plus d'importance à l'opinion d'un syndicat qu'à l'opinion du Barreau du Québec. Mais je pense qu'effectivement le fait même qu'il accorde plus d'importance à un syndicat qu'au Barreau du Québec est la démonstration de la raison pour laquelle il est si inquiet de voir son projet de loi adopté tout de suite, soit le fait que, par son piètre jugement, il ne sera plus ministre de la Justice à l'automne. Et c'est ça, la raison qui fait que ça l'inquiète, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député de Chomedey. Je n'ai de demande de parler de personne.

Est-ce que l'article 3, tel qu'amendé, est adopté?

M. Bégin: Adopté.

M. Mulcair: Vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Vote nominal, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Pour.

Le Secrétaire: M. Dion (Saint-Hyacinthe)?

M. Dion: Pour.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Pour.

Le Secrétaire: M. Lachance (Bellechasse)?

M. Lachance: Pour.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska)?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Pour.

Le Secrétaire: Mme Robert (Deux-Montagnes)?

Mme Robert: Pour.

Le Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

Le Président (M. Paquin): Pour.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Contre.

Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?

M. Bordeleau: Contre.

Le Président (M. Paquin): L'article 3, tel qu'amendé, est adopté.

M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Pour vous demander une pause de quelques minutes, M. le Président.

Une voix: À 22 h 40, 22 h 45.

Le Président (M. Paquin): À 22 h 40? Alors, on... Bien, 22 h 45. Alors, il y a pause jusqu'à 22 h 45. Je demanderais aux gens d'avoir la discipline de revenir pour qu'on puisse profiter de l'heure et quart qui restera.

(Suspension de la séance à 22 h 33)

(Reprise à 22 h 45)

Le Président (M. Paquin): Nous reprenons nos travaux. Je vous remercie de votre discipline, ça facilite le travail de la présidence.


Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative

Alors, nous en sommes à l'article 4, et il y a d'abord un amendement au niveau des intitulés qui sont entre l'article 3 et l'article 4: Supprimer les intitulés qui précèdent l'article 4. M. le ministre.

M. Bégin: Je pense que c'est assez évident, M. le Président. Compte tenu du changement dans les titres que nous avons faits un peu plus tôt dans la journée, on comprend que, maintenant, les intitulés qui se trouvent avant l'article 4 sont devenus inutiles et, en conséquence, je n'ai pas l'intention d'élaborer pour le moment sur cet aspect du projet de loi.

Le Président (M. Paquin): Quelqu'un désire-t-il s'exprimer sur le sujet?

M. Mulcair: Je vais prendre deux minutes pour vérifier s'ils sont les mêmes intitulés qu'on a ajoutés à l'autre endroit, M. le Président.

(Consultation)

Le Président (M. Paquin): Pas vraiment, il y a des petites différences.

M. Mulcair: C'est une question terminologique, mais juste pour ma culture personnelle, est-ce que quelqu'un peut m'expliquer quelle est la différence, en français, entre des règles – oubliez le fait que le mot «général» a été appliqué – des règles applicables à des décisions individuelles par rapport à des règles applicables aux décisions individuelles? Est-ce qu'il y a vraiment une question de correction de français entre l'un et l'autre?

Le Président (M. Paquin): Disons que, littéralement, «aux», ça signifie «à toutes», tandis que «à des», c'est «à certaines». C'est une nuance française.

M. Bégin: D'ailleurs, on le voit dans le paragraphe suivant, chapitre I: Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice, donc, d'une fonction administrative. Là, ça les englobe toutes, alors que dans le paragraphe précédent... Parce que, dans le «Règles générales applicables à des décisions individuelles», là, c'est à l'égard d'un individu; certaines vont être dans la fonction administrative, d'autres vont être dans la fonction juridictionnelle. C'est pour ça que, quand on arrive au chapitre I, c'est «propres aux décisions – au pluriel – qui relèvent de l'exercice». Donc, c'est de toutes les décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative.

Quand on va aller devant l'article 8, on va retrouver le même concept: «Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction juridictionnelle». Donc, toutes celles qui ont trait à des fonctions juridictionnelles. Je pense que c'est correct.

M. Mulcair: Et une autre question de clarification, juste pour notre édification personnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre peut nous expliquer quelle est, pour lui, la distinction qu'il fait entre «l'exercice d'une fonction administrative», ce qui est proposé dans le nouveau qu'on vient d'adopter tantôt, et celle qu'on supprime, qui était les «Règles propres aux décisions administratives»? Quelle est la nuance qu'on importe ici ou qu'on a importée, là, juste pour qu'on... avant de décider de supprimer ou pas les intitulés ici.

M. Bégin: C'est une précision qui est apportée, mais les concepts restent sensiblement les mêmes. Mais on a ici une fonction de décision administrative, alors que, dans l'autre, on avait une décision de fonction juridictionnelle, mais c'est une décision administrative et/ou juridictionnelle. Donc, il y a des nuances, mais c'est sensiblement la même chose.

M. Mulcair: Je pense que...

M. Bégin: On ne se comprend pas?

M. Mulcair: ...je me suis mal exprimé, M. le Président. L'intitulé que l'on est en train de supprimer avant l'article 4, à l'heure actuelle, prévoit «Règles propres aux décisions administratives», donc, c'est des règles qui s'appliquent dans le domaine des décisions administratives. Là, ce qu'on a remplacé tantôt, titre I, chapitre I, le nouveau titre qu'on a mis: «Règles propres aux décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative». Alors, je voulais juste savoir quelle nuance on importait dans le titre, l'intitulé, en ajoutant la notion d'une fonction administrative.

(22 h 50)

M. Bégin: Écoutez, ce n'est évidemment pas facile à expliquer, mais on a des règles propres qui s'appliquent aux décisions administratives, alors que dans l'autre on dit: des décisions qui relèvent de l'exercice d'une fonction administrative. Alors, il y a la fonction administrative, il y a la fonction juridictionnelle, il y a des décisions individuelles qui s'appliquent dans l'un ou l'autre cas. Alors, dans le premier texte qu'on avait, c'est aux décisions qui relèvent de la fonction administrative, mais ce n'était pas là. Je pense qu'avec le nouveau texte on a une précision, mais c'est dans le même ordre des choses.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Je pense, M. le Président, que la distinction, la nuance est importante, parce que, si on dit, dans une disposition législative, par exemple: La fonction de président est occupée par une personne d'au moins 10 ans d'expérience, par exemple, ou si on dit: L'organisme a pour fonction telle chose... c'est une chose, mais, ici, on est en train de... Dans ce qu'on propose de supprimer ici, on avait un titre assez court et assez général, qui disait: «Règles propres aux décisions administratives», et c'était assez général, même si les titres ne sont là que pour faciliter la compréhension du texte. Je vous avoue que la version qu'on a importée tantôt a alourdi substantiellement, puis je ne suis pas persuadé de l'explication. Mais, quoi qu'il en soit, l'autre est déjà adopté puis celui-ci va être supprimé, et je n'ai pas l'intention de passer plus de temps qu'il faut là-dessus.

Le Président (M. Paquin): Je voulais juste mentionner, M. le député de Chomedey, que l'intitulé «décisions administratives», c'est une forme elliptique. C'est une décision d'ordre administratif, et l'ordre administratif relève d'un exercice de fonctions administratives. Donc, l'expression elliptique est assez compréhensible, mais l'autre est explicite. D'un point de vue strictement linguistique, c'est ça qui est à dire là-dessus.

M. Bégin: M. le Président, si vous me permettez, je pense que votre descriptif est excellent, M. le Président, mais je voudrais juste faire remarquer que, dans le titre du chapitre I nouveau, on reprend le concept que nous retrouvions à l'article 2. On a: «Règles propres aux décisions qui – et là je reprends les mots qui étaient déjà à l'article 2 – relèvent de l'exercice d'une fonction administrative». Alors, on reprend ce concept dont vous parliez tout à l'heure à l'égard du premier alinéa de l'article 2. Et on retrouve dans l'article 8, ou dans le titre qui précède l'article 8, encore, «qui relèvent de l'exercice d'une fonction juridictionnelle», ce qui est le deuxième alinéa de l'article 2. Donc, on retrouve dans ces titres-là les deux concepts que vous trouviez corrects tout à l'heure, lorsqu'on étudiait le nouveau texte qui faisait disparaître l'article 2.

Le Président (M. Paquin): Alors, ça va?

M. Mulcair: À notre sens, M. le Président, il n'est pas sans intérêt de rappeler justement que l'ancien article 2 qu'on a remplacé prévoyait que «Les procédures menant à une décision administrative individuelle». Puis, maintenant, ça, ça parle seulement d'une décision individuelle. La notion de la décision administrative a été évacuée et remplacée par: «une décision individuelle prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale». Alors, est-ce que ça renvoie à la même réalité, cette notion de l'administration gouvernementale renvoie à une fonction administrative? Je ne suis pas persuadé qu'on n'est pas en train, et c'est ce qui a été déploré notamment par le Protecteur du citoyen... Est-ce qu'on n'est pas en train d'introduire, par la multiplication des termes, une certaine ambiguïté dans le texte? Et rappelons que c'est un texte vraiment d'ordre général et très important qu'on est en train d'adopter ici aujourd'hui. Je pense que toutes ces nuances, toutes ces distinctions méritent une attention particulière, et je ne pense pas qu'on devrait prendre à la légère ces discussions.

M. Bégin: M. le Président, je pense avoir éclairci ce point-là et tenu compte, justement, des remarques que le député de Chomedey avait faites précédemment.

Le Président (M. Paquin): D'autres remarques? Alors, est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Paquin): Adopté. On a désormais enlevé ces intitulés. Alors, l'article 4 comporte un papillon, et je porte à votre attention, donc, ce papillon dont vous disposez. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, M. le Président, nous venons d'adopter la définition de l'administration gouvernementale. L'article 4 reprend, évidemment, ce concept d'administration gouvernementale qui prend dorénavant les mesures appropriées de manière à agir équitablement dans les décisions qui sont prises. Pour ce volet, tout à l'heure, nous verrons celles qui seront prises dans les débuts – je suis... la fatigue me rattrape – à l'article 8, dans la fonction juridictionnelle.

La disposition de l'article 4 impose à l'administration gouvernementale – c'est-à-dire, on le définit aux ministères et organismes gouvernementaux – de prendre les mesures appropriées pour s'assurer que les procédures respectent les normes législatives et administratives qui les régissent, qu'elles sont conduites suivant des règles simples, qui sont souples, qui sont sans formalisme, et qu'elles sont conduites par ses agents avec respect, prudence, célérité, conformément aux normes d'éthique et de discipline qui les régissent, et aussi selon les exigences de la bonne foi.

Également, on s'assure que l'administré a eu l'occasion de fournir les renseignements utiles à la prise de la décision et, si le cas s'avère nécessaire, de compléter son dossier.

Également, s'assurer que les décisions sont prises avec rapidité ou diligence, qu'elles soient communiquées à l'administré en des termes qui sont clairs, qui sont concis, et aussi que les renseignements pour communiquer avec l'administration lui soient fournis au moment de la décision.

Bien sûr, M. le Président, que cette disposition-là impose une obligation de moyens. Elle vise à éviter que la déjudiciarisation de certains processus n'entraîne la perte de droits pour les citoyens ni ne réduise le niveau de protection dont ils peuvent bénéficier. Cette disposition a été prévue pour accéder à la demande de divers groupes, notamment des membres des organismes administratifs, qui réclamaient qu'il en soit ainsi pour être en mesure de s'opposer aux demandes des plaideurs exigeant que des procédures de nature judiciaire soient suivies.

M. le Président, il faut avoir plaidé devant les organismes administratifs pour s'apercevoir qu'il y a toujours un moment où une des deux parties a intérêt ou veut introduire les mécanismes judiciaires, importer, en fait, les règles du judiciaire à l'intérieur du système administratif. C'est ce long processus qui, au cours des années, a fait en sorte que, de plus en plus, ce qui était à l'origine de nature administrative est devenu de nature, autrefois, quasi judiciaire ou, maintenant, juridictionnelle.

Nous introduisons l'obligation, le devoir d'agir équitablement, et ce devoir comporte certaines règles à suivre. Mais il ne faut pas que, vu l'absence de dispositions jusqu'à présent, on cherche à introduire les règles judiciaires et ainsi judiciariser tout le système. Et c'est un problème qui est permanent, il y a une tendance permanente, parce que les avocats, à l'occasion, ont intérêt à ce qu'il en soit ainsi. Mais il n'est pas de l'intérêt du fonctionnement de l'administration qu'il en soit ainsi. Donc, on pense qu'il faut indiquer très clairement les éléments qui constituent le devoir d'agir équitablement et que cela constitue la somme de ce que le décideur a à respecter, et non pas celle que les plaideurs, à l'occasion, auraient intérêt à vouloir lui imposer. Alors, voilà, M. le Président, l'essence de cette décision, de cette disposition.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Question de directive, M. le Président. L'article 4 reprend essentiellement ce qui était prévu à l'article 5 du projet de loi. On est juste en train de bouger d'un cran parce que le 4 vient d'être évacué, une bonne partie se retrouvant à l'article 2, bien qu'on soit en l'absence de la traduction, comme on a eu l'occasion de le faire remarquer.

Je veux juste me référer à votre décision antérieure à propos de l'article 1 et vous dire que nous désirons scinder en cinq parties notre analyse de l'article 4 et maintenir notre droit à notre temps de parole sur chacun de ces cinq articles.

Le Président (M. Paquin): La contrepartie d'une telle disposition est que la pertinence exige, à ce moment-là, qu'on ne discute que du libellé qui est en cause. Et je suis tout à fait disposé à fonctionner de cette façon-là, M. le député. Donc, je porte à l'attention de cette Assemblée que les procédures respectent les normes législatives et administratives qui les régissent.

M. Mulcair: M. le Président, juste une question de directive, pour notre bénéfice. Est-ce que vous pouvez nous indiquer en vertu de quel article de notre règlement la règle de la pertinence devient une contrepartie dans certaines circonstances et pas dans d'autres? Parce que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt tantôt, alors que le ministre nous a amenés sur un voyage interplanétaire où il a passé à peu près 99 articles en revue.

M. Bégin: Vous couriez comme l'écureuil?

(23 heures)

M. Mulcair: Alors, j'aimerais bien savoir comment ça se fait qu'il y a une règle de contrepartie, que j'ignore. Je ne connais pas aussi bien que vous le règlement, mais je le connais bien assez bien. Alors, j'aimerais bien que vous me citiez la disposition du règlement que vous invoquez à ce moment-ci pour faire cette affirmation-là.

Le Président (M. Paquin): Oui. Tout discours doit porter sur le sujet en discussion.

M. Mulcair: Ça, c'est toujours le cas.

Le Président (M. Paquin): C'est toujours le cas. Or, quand nous discutons de l'ensemble d'un article, il va de soi que, si vous désirez référer à des éléments contextuels, à des précisions sur l'ensemble des dispositions, à des cas analogues, et tout ça, c'est tout à fait pertinent. Mais, lorsqu'on discute pièce par pièce les éléments, le 20 minutes s'applique à chacune des pièces...

M. Mulcair: Bien sûr.

Le Président (M. Paquin): ...et, cette fois-là, ça réduit forcément – en anglais, vous diriez le «scope»...

M. Mulcair: La portée, on peut dire en français, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): ...la portée, voilà – des interventions qui sont recevables en vertu de l'article 211. Et c'est donc corollaire que, à ce moment-là, la présidence, à l'égard des interventions qui sont faites sur un article dans son ensemble, est forcément plus permissive que sur des éléments plus ponctuels sur lesquels on a à se prononcer. Et je pense que la dynamique du règlement fait en sorte que c'est justement ça qui est autorisé en vertu de l'article 245, c'est que l'on puisse aller à fond sur chacune des pièces. Alors, c'est une indication, simplement, que je vous donnais.

M. Mulcair: D'accord. Mais on sent toujours, sur le fait, que la règle de la pertinence ne change pas pour autant.

Le Président (M. Paquin): Non, la règle de la pertinence ne change pas pour autant, mais son effet n'est pas le même lorsqu'on s'attaque au tout ou à une partie...

M. Mulcair: Tout à fait. Ça, c'est...

Le Président (M. Paquin): ...ou à une pièce détachée.

M. Mulcair: ...objectivement vrai. Mais vous l'avez dit au début comme étant le corollaire de notre demande d'exercer notre droit le plus strict aux termes du règlement, et je m'étonnais un peu que vous permettiez une telle interprétation du règlement.

Le Président (M. Paquin): C'était surtout la conséquence que je rappelais à votre attention, autrement dit qu'il faut s'attendre de moi à ce que je sois plus vigilant, puisque les objets sont mieux définis et que la pertinence, là, soit peut-être appelée plus souvent si vous traitez le tout plutôt que la partie.

M. Mulcair: Mais vous comprenez à votre tour...

Le Président (M. Paquin): Je comprends très bien.

M. Mulcair: ...qu'un esprit moins tranquille que le nôtre aurait pu prendre ça comme une menace à l'égard de l'opposition, d'un air de dire: Si vous exigez vos droits de scinder en différentes parties et d'utiliser vos 20 minutes, moi, je vais être plus strict avec vous. Et je suis sûr que ce n'était pas ça que vous étiez en train de nous dire.

Le Président (M. Paquin): Je suis heureux que vous ayez très bien compris le sens de ma pensée.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Alors, vous pouvez y aller, M. le député, sur l'alinéa 1.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, dans un premier temps, il est toujours très intéressant de constater comment un texte législatif est construit par son paragraphe liminaire. Un peu à l'instar d'un préambule, on est en train de donner le ton pour le reste de la loi. Et, comme on le sait tous, la loi d'interprétation prévoit effectivement qu'un préambule fait partie d'une loi et sert à en expliquer le but et la portée. Ici, le liminaire, aussi court qu'il soit, est néanmoins très révélateur de l'attitude de l'État dans cet important dossier.

«L'administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer». Vous vous souviendrez sans doute, M. le Président, que, dans ce contexte-ci, on a déjà eu droit à une rédaction qui renvoyait à une mesure assez floue, qui était que l'administration allait faire certaines choses dans le mesure du possible. Et vous vous souvenez sans doute, pour avoir été là, que ça avait provoqué, à juste titre – et ceci dit en toute amitié pour le ministre et sans méchanceté – des éclats de rire à plus d'une reprise par les groupes qui étaient là. Donc, ce n'est plus là. Et qu'est-ce qu'on retrouve à la place? On retrouve que «l'administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer».

In the English version of Bill 130, An Act respecting administrative justice, one finds the following. Now, of course, even though the Minister hasn't provided us with an English version of the section, we can, in this case, however, move on to the next section which is section 5, which is simply being moved backwards, one, because we've taken those parts of 4 that weren't sent to 2 – they're just taking them out, even though we tried to put some of them back – and so 5 is moving at the place of 4. So we can, with great usefulness for the work of this Commission, Mr. Speaker, we can analyze the opening paragraph of section 5 because, in the general course of events, it should be reading something similar.

Dans la version française de l'article 5, à l'heure actuelle, que l'on va mettre dans le 4 avec certaines modifications, on lit, à l'heure actuelle dans le projet de loi n° 130: «Les ministères et organismes gouvernementaux sont alors tenus, dans la mesure du possible, de s'assurer:». And in the English version – well, we might as well get them both while we are at it, Mr. Chairman – «Every Government department or body is thus required, to the extent possible, to ensure:». So that's for the English and French versions of the opening paragraph of 5 – most of the sub-paragraphs of 5 are being brought back to 4. But the opening paragraph, Mr. Chairman, we must note right away at the beginning of our remarks that the opening paragraph is being changed substantially.

Et ces changements, donc, au paragraphe liminaire, que nous considérons assez importants, visent notamment à biffer toute la partie de phrase qui dit: «Les ministères et organismes gouvernementaux sont alors tenus, dans la mesure du possible, de». À ce moment-là, M. le Président, tout ce qui subsiste de ce paragraphe d'ouverture dans la version française, c'est le mot «s'assurer», et tout ce que je viens de dire est biffé et remplacé par: «L'administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour».

Once again, Mr. Chairman, I'm obliged to remark, and to regret and, indeed, deplore the fact that the members of the Commission do not have an English version of this text with which to work, parce que la notion de l'administration gouvernementale en est une que l'on a vue aux articles précédents, et c'est extrêmement difficile, donc, de savoir ce par quoi ça va être remplacé dans la version française. Mon collègue le député de l'Acadie a donné une excellente intervention tout à l'heure, expliquant pourquoi c'était très important d'utiliser les bons termes et de faire attention de ne pas utiliser le terme «administration», par exemple, pour redéfinir «administration gouvernementale». C'est un peu comme si on ouvrait un dictionnaire – on voulait savoir c'était quoi un éléphant – et qu'on disait: Un éléphant, c'est un animal grand comme un éléphant, de la couleur d'un éléphant et qui ressemble à un éléphant. Ça ne renvoie pas loin, c'est circulaire comme définition, et c'est un peu le problème ici.

Alors, le paragraphe liminaire que l'on retrouverait, donc, prévoit ça: «L'administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer». Bon. C'est évident que «s'assurer» est déjà très intéressant parce que c'est une référence à soi, mais ça aurait peut-être été plus intéressant de dire «pour assurer», parce qu'«assurer» aurait renvoyé à autrui plutôt que de «s'assurer». On s'assure soi-même. Mais, si on avait dit «pour assurer aux autres, aux administrés que les procédures», etc. très intéressant, ça aussi, comme formulation. C'est un peu le pendant de ce qui était là auparavant. Ça fait un peu «dans la mesure du possible», parce que c'est elle-même, l'administration, qui cherche à s'assurer.

Aussi, M. le Président, cette notion très floue, vague, imprécise et tout à fait inapplicable de «prendre les mesures appropriées pour» me rappelle une rédaction similaire que l'on a vue hier dans un autre projet de loi, le projet de loi n° 32. Il y a une série de modifications dans cette loi-là aussi qui est en train d'être étudiée, et, croyez-le ou non, le ministre délégué au Revenu a prévu dans une de ces modifications qu'il doit fournir – on est en matière d'accès à l'information – des registres et certaines informations, et il a mis comme date limite précise, pour que tout le monde sache son sérieux... Croyez-le ou non, il a dit: Ça doit être fourni en temps utile. Je me suis empressé de lui dire que, pour quelqu'un qui impose des amendes et d'importants intérêts après minuit, le 30 avril, à quelqu'un, il ne respecte pas une règle très stricte que lui impose aux autres. Il ne s'en imposait pas des très strictes à lui-même.

(23 h 10)

C'est un peu le même propos aussi, M. le Président. On va prendre les mesures appropriées pour s'assurer, n'est-ce pas? Ce n'est pas pour assurer à l'administré, pour assurer au public, ce n'est pas un droit qu'on donne, ce n'est pas une charte, ce n'est pas quelque chose qui garantit quoi que ce soit aux citoyens, c'est: Coudon, on va s'asseoir à table puis on va regarder ça, puis, si on est capable, on va trouver quelque chose de correct puis on va faire en sorte que ça ne dise plus «dans la mesure du possible», mais que ça veuille dire «dans la mesure du possible», et ça va probablement être ça aussi. Tout ce qui manque, c'est «en temps utile». Peut-être, les légistes qui ont fait cette suggestion-là pour le ministre devraient parler avec leurs collègues qui travaillent au Revenu pour... Peut-être qu'on pourrait faire un colloque à l'Estérel, par exemple, pour discuter de ça, peut-être avec le 1 %, de l'argent investi par... Mais je croyais que Bouchard vous imposait des restrictions budgétaires, que l'Estérel suffisait. Non? Quelque chose de plus «classy»? Mais où, alors? Ah! c'est secret? Ah! d'accord. Ils ont plus de pognon que je pensais... Comment? Vous y étiez allé hier soir?

Le Président (M. Paquin): Ce n'est pas encore l'heure d'y aller, alors, si vous voulez continuer.

M. Mulcair: Alors, oui, M. le Président, c'est très important, ces questions-là, parce que ça nous permet d'échanger vraiment concrètement et très positivement avec le gouvernement, et...

Une voix: ...je serais intéressé à l'entendre.

M. Mulcair: Bien oui. Oui, oui, on a un texte, mais je sais que mon collègue le député de l'Acadie avait quelques remarques à faire. Mais on a, justement, une suggestion très concrète et très positive à faire qui va sans doute faire plaisir au ministre. On en a même plusieurs. Mais, pour l'instant, je vais m'arrêter là justement pour pouvoir avancer sur cet important article, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député de Chomedey. M. le ministre.

M. Bégin: Nous restons sur notre faim, M. le Président, pour connaître les intentions de l'opposition. Alors, je vais attendre d'écouter le député de l'Acadie pour savoir s'il a quelque chose de lumineux à nous proposer.

Le Président (M. Paquin): Vous n'avez pas demandé la parole?

M. Bordeleau: Oui, oui.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: En fait, c'est plus des interrogations qu'on a, ici, que des propositions. On dit: «L'administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer». Ce que j'ai de la misère à saisir, c'est «s'assurer». Concrètement, ça se fait comment, ça? Comment on s'assure qu'on prend les mesures appropriées? Je comprends l'intention, excepté que ça se fait comment, ça, en réalité?

M. Bégin: Il faut aller plus loin que ce bout-là, M. le Président.

M. Bordeleau: Non, non, mais que les procédures respectent les normes.

M. Bégin: Ah! vous me posez une série de questions, là. Je suis en examen, O.K. Je vais reprendre ça.

M. Bordeleau: Non, non, c'est juste ça: Comment on fait pour s'assurer qu'on prend les mesures appropriées? C'est quoi les moyens concrets? Si vous dites aux gens: Vous avez une obligation de vous assurer que vous prenez les mesures appropriées, alors, une personne ou un organisme va dire: Bien, pour m'assurer, il faut que je fasse tel ou tel geste concret.

M. Bégin: «1° que les procédures respectent les normes législatives et administratives qui les régissent».

M. Bordeleau: Qui les régissent.

M. Bégin: «2° que celles-ci sont conduites suivant des règles...»

M. Bordeleau: Non, non, on est à 1°.

M. Bégin: C'est comme ça. Vous avez le droit d'arrêter là, mais vous pouvez arrêter votre intelligence de fonctionner pour vous rendre jusqu'au deuxième paragraphe, et, là, on dit: Pour s'assurer que celles-ci, les procédures, sont conduites suivant des règles simples, souples et sans formalisme; pour s'assurer que celles-ci, les procédures, sont conduites par ses agents avec respect, prudence, célérité; quatrièmement, s'assurer que l'administré a eu l'occasion de fournir des renseignements. C'est ça, s'assurer.

M. Bordeleau: Je trouve qu'il y a beaucoup de subjectivité là-dedans. S'assurer que ça se fait avec prudence, vous évaluez ça comment?

M. Bégin: Ah! ça se fait, M. le Président.

M. Bordeleau: S'assurer qu'on...

M. Bégin: Il ne faut pas oublier le sujet de la proposition. C'est l'administration gouvernementale, et l'administration gouvernementale, ça comprend du monde, et ce monde-là s'assure que les procédures sont conduites par ses agents, donc, de l'administration, avec respect. Ça veut dire que, comme on connaît un système pyramidal, l'employé qui est en bas est surveillé, entre guillemets, par celui qui est son supérieur immédiat, lequel est surveillé par un supérieur, et ainsi de suite jusqu'en haut de la pyramide, qui s'appelle le sous-ministre. Alors, donc...

M. Bordeleau: Bien, écoutez, je vais reprendre la chose différemment. Le Vérificateur général, dans son rapport, fait souvent référence – il le fait, malheureusement, à répétition d'une année à l'autre – au fait que, pour les programmes ou pour les actions, on met en place des objectifs et qu'on n'a pas de mécanismes par lesquels on peut vérifier si, effectivement, on atteint l'objectif. C'est bien beau de mettre en place des principes, de mettre en place, par exemple, des programmes. Si on n'évalue pas les résultats concrets... Là on dit: L'administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer que les procédures respectent les normes législatives et administratives qui la régissent. Bon, O.K. Prenons cet élément-là, mais, concrètement, ça se fait comment? Quel genre de mesures l'administration gouvernementale prend pour s'assurer d'une façon concrète... C'est ça que le Vérificateur général reproche souvent aux ministères, de ne pas avoir ce qu'il appelle une évaluation des résultats.

On met en place une chose et on s'imagine que, parce qu'elle est là, elle va de soi, et puis que tout ça va fonctionner, et puis que, le fait de l'avoir mise, le problème est déjà réglé, c'est déjà réalisé. Ce n'est pas toujours réalisé. Il y a un écart, souvent, entre une affirmation comme celle-là et les résultats concrets, et, si on veut avoir une chance d'atteindre les résultats, il faut prendre des moyens, il faut les préciser, les moyens. Et, moi, je comprends très bien l'objectif et je suis tout à fait d'accord avec l'objectif qui est là, quand on prend le premier alinéa qu'on est en train de discuter: de s'assurer que les procédures respectent les normes législatives et administratives qui la régissent, mais ce n'est pas tout de dire ça. On fait ça comment? Dans la réalité de tous les jours, c'est quoi? Est-ce qu'il y a des procédures qui sont déterminées pour faire des vérifications?

M. Bégin: Bien, par exemple, vous avez, dans la loi, des...

M. Bordeleau: Est-ce qu'il y a une évaluation des résultats?

M. Bégin: Quand on dit qu'il doit agir équitablement, il y a des normes législatives puis il y a d'autres normes qui sont administratives. Des moyens sont pris pour s'assurer qu'on suit telle et telle façon de faire. Quand on dit «les normes administratives qui la régissent», c'est: qui régissent cette administration-là.

Deuxièmement, quand on dit que celles-ci, les procédures, «sont conduites suivant des règles qui sont simples, souples et sans formalisme», bien, c'est sûr qu'il y aura des manières de faire qui seront indiquées aux agents qui prennent les décisions de ne pas agir n'importe comment, mais d'agir selon certains barèmes. Ça existe, jusqu'à un certain point.

Quand on dit que les procédures seront conduites par des agents avec «respect, prudence et célérité» – prenons le dernier mot, «célérité» – est-ce qu'on peut dire qu'une décision puisse être prise minimalement dans un délai, mettons, de une semaine? Bien, ça, alors, «célérité», conformément non seulement à ça, mais conformément aux normes d'éthique et de discipline qui les régissent, donc ça suppose qu'il y ait des normes d'éthique. Et on dit qu'il y aura des normes d'éthique et de discipline, et puis selon les exigences et la bonne foi, parce que, la première étape, c'est que c'est à l'intérieur de l'administration comme telle, mais, par la suite, il y a un autre volet.

Si, par hasard, ces choses ne sont pas respectées, il y a quand même l'appel, le tribunal d'appel, et là on s'en va à l'article 8, où, justement, ce que vous recherchez, si ça n'a pas été fait, pourra être invoqué, parce que, lorsqu'on a des règles, ces règles que l'on retrouve à l'article 4, ces principes que l'on énonce plus tôt à l'article 4 vont servir éventuellement à quelqu'un pour dire: M. ou Mme le président, voyez-vous, on ne m'a pas traité, par exemple, avec célérité – ça a pris tant de temps – ou encore on ne m'a pas traité avec respect, ou encore on n'a pas fait telle ou telle chose, parce qu'il y a une norme qui est énoncée qui guide à la fois l'agent qui décide et le décideur qui a à prendre une décision, et, là, la somme des deux permet généralement de l'atteindre.

Si vous me demandez si on va atteindre la perfection, la réponse, c'est non. L'humain sera toujours là, mais ce que l'on fait, c'est de maximiser nos chances et de s'assurer qu'on amène l'agent de l'administration à se comporter d'une manière qui est la plus favorable à l'administré, non pas sur le résultat, mais sur la façon de faire, comment atteindre une décision puis comment on le traite, cet administré, lorsqu'il se présente devant l'administration.

Et on a un deuxième volet qui est celui de l'appel devant le tribunal. Quand il s'agit d'aller devant le tribunal, généralement, c'est un appel d'une décision qui a été prise, et, là, quand on est en appel, bien sûr qu'on veut invoquer les motifs qui nous guident quant au fond et quant à la manière. Et ce que l'on dit là, ça n'existe pas actuellement, sauf de manière très éparse et de manière tout à fait incomplète dans différentes lois. Et, là, on donne un cadre général, et, quand je dis – puis je le dis sans ironie – qu'on guide, en adoptant ces principes-là, la loi d'application, c'est ça. Si on dit, par exemple, que celles-ci «sont conduites suivant des règles simples, souples et sans formalisme», si on le met, ça va entraîner, dans certaines lois, une modification pour rendre ça comme ça, pour enlever, par exemple, quelque chose qui serait contraire. Dans d'autres cas, ça va être d'ajouter un élément. Pour plusieurs, souvent, ça va être un élément neuf.

(23 h 20)

Alors, la loi va être vérifiée – la loi x – pour regarder si on rencontre ce critère-là dans la mécanique qui est décrite, puis, là, on va dire: Oh! Oh! à l'article 27 de la loi x, on a quelque chose de trop, on va l'enlever. Ou encore, il manque quelque chose, et on va l'ajouter pour rendre ça conforme à ce qu'on a énoncé. Et c'est là où je disais et je redis que c'est important d'adopter des principes, parce que, après, la règle d'application va changer selon ce qu'on aura mis comme principes.

Si on ne met pas le paragraphe deuxième, ça va avoir un effet sur la loi d'application, parce qu'on ne modifiera pas de la même manière chacune des lois qu'on veut modifier pour l'adapter à ce deuxième critère, et c'est vrai pour chacun des éléments qui sont là. Alors, c'est ça qu'on dit quand on s'assure... L'administration, c'est quand même des gens, ça. C'est des personnes responsables, qui partent du sous-ministre jusqu'en bas de l'échelle, jusqu'à l'agent qui est au premier niveau, et on dit que cette administration doit s'assurer que, les procédures qu'elle suit, donc, ça respecte des normes législatives et administratives et ainsi de suite. C'est l'administration qui s'assure. En français, bien, c'est comme ça que ça se dit. En anglais, on n'a pas le même concept. Le «s'», on ne l'a pas. Même en français, on ne l'a pas toujours le «s'». Mais, là, c'est un verbe intransitif, et il doit s'écrire comme ça. Et, l'administration «prend» les moyens pour que, ça revient à un verbe positif, transitif – «prend» les mesures pour que – et on atteint le même résultat.

Moi, je pense que ce qu'on regarde, c'est qu'il y avait effectivement, dans l'article 5, les mots qui étaient «dans la mesure du possible», qui ont été sévèrement critiqués, et on a dit dès le point de départ que ce serait modifié, et c'est ce qu'on a ici. Parce que, regardez, le paragraphe 1°, c'est exactement le même paragraphe 1° qu'il y avait avant, sauf un mot: C'est «les», qui est remplacé par «la» parce que «les» référait aux ministères et aux organismes, alors que, là, c'est singulier, c'est l'administration, donc on doit dire «la» plutôt que «les». Mais l'article est le même. Même chose pour le suivant.

Alors, je m'attendais à ce que vous me disiez «prend les mesures appropriées pour s'assurer». J'aurais cru que c'est peut-être sur le mot «appropriées» que vous auriez dit «prend les mesures pour s'assurer», pour être plus ferme, ou «prend toutes les mesures pour s'assurer», quelque chose comme ça.

M. Bordeleau: Non, mais mon collègue, le député de Chomedey, a fait référence au mot «appropriées», moi, l'interrogation que j'avais, c'était sur la question des moyens qu'on prend concrètement. Ce qui est écrit là n'est pas mauvais. Je pense que les objectifs sont valables, mais vous savez très bien, M. le ministre, que – mais ce n'est pas là qu'on va régler le problème non plus, dans la rédaction; c'est une remarque que je fais, que je pense qui mérite d'être faite à ce niveau-ci – quand on émet des principes comme ça, ils sont valables, mais ils sont valables dans la mesure où on prend effectivement des moyens concrets pour les atteindre, et, trop souvent, on dit: «On le met là, c'est facile, on va prendre les moyens de le faire. Ça va se faire», mais ça ne se fait pas. Ça ne se fait pas, très souvent.

Vous avez mentionné la question de célérité. Ça, c'en est un des critères, actuellement, où on commence à prendre des moyens concrets parce qu'on fixe des objectifs: On peut vous donner une réponse dans tant de jours. Et, là, on peut au moins avoir un indice. Bon, oui, telle que définie là, on peut être d'accord ou non avec la définition, mais est-ce que les réponses sont rendues conformément à l'objectif de célérité? On commence à le faire à peine sur cet indice-là, mais quand vous faites référence... Vous avez mentionné: Et sont conduites selon des règles simples et souples et sans formalisme. Ce qui est sans formalisme pour un fonctionnaire, ça ne sera pas nécessairement – ou dans un milieu – sans formalisme dans l'autre. Alors, ça va varier beaucoup.

Je trouve que l'objectif est louable, excepté que je ne serais pas surpris si le Vérificateur général prenait ça et allait faire le tour de l'administration gouvernementale voir si, de fait, on atteint les objectifs qui sont là, qu'il ne soit pas en mesure de juger et d'évaluer ça parce que ce n'est pas opérationnel. Ce n'est pas opérationnel, c'est des souhaits, et j'ose espérer que, effectivement, ça va donner des résultats et qu'on va les atteindre, ces objectifs-là, mais j'ai de gros doutes qu'on va les atteindre si on n'est pas capable des les opérationaliser.

Et un des critères qui est facile à opérationaliser, c'est celui de la célérité. On peut mettre des délais de temps, des délais d'heure, des délais de nombre – je ne sais pas, moi – de demandes qu'on peut avoir en même temps, alors, ce qui veut dire qu'il faut les liquider régulièrement. On peut mettre tout ça. Tout ça, c'est numérique. Mais d'émettre un voeu comme quoi ça va se faire selon des règles simples, souples et sans formalisme... Et, ça, c'est là-dessus que les gens vont réagir, éventuellement, pour aller en appel.

M. Bégin: Oui.

M. Bordeleau: Imaginez que ça ne sera pas simple de...

M. Bégin: Non.

M. Bordeleau: Si, moi, j'ai fait affaire puis je dis: Écoutez, la façon dont ça a procédé, les règles, c'étaient des règles complexes... Puis on sait que c'est plutôt ça, à tort ou à raison, la perception de la population, c'est que c'est très réglementé, c'est très rigide, c'est loin d'être perçu comme souple puis c'est loin d'être perçu comme sans formalisme, et c'est là-dessus qu'ils vont aller en appel. Et, quand tu vas aller en appel, le tribunal va juger ça comment, ces critères-là? Il va dire: Oui, bon, bien, effectivement, on a à juger si, effectivement, ça a été fait de façon simple, souple et sans formalisme. Je vous assure que le tribunal n'est pas sorti du bois et...

M. Bégin: Moi, ce que je peux vous dire...

Le Président (M. Paquin): ...je veux juste vous indiquer que je trouve ça très correct, là, et je pense que ça convient comme formule. De quelle façon le temps est calculé? Alors, les interventions du député sont défalquées de son 20 minutes, et les interventions du ministre, c'est cinq minutes. Quand il dépasse, c'est défalqué sur son 20 minutes. Alors, simplement vous indiquer, et puis je vous laisse aller dans votre échange.

M. Bégin: Je pense, M. le Président, que c'est la façon la plus constructive de faire des modifications. J'apprécierais qu'on puisse le faire constamment, parce que, effectivement, les questions que pose le député de l'Acadie sont pertinentes. Une règle simple, souple et sans formalisme, ce n'est pas une règle de mathématiques, de la même manière que le mot «célérité» peut avoir une extension très considérable. Mais, à chaque fois qu'on dit célérité, on est capable d'avoir un critère qui, compte tenu des circonstances particulières, nous permet de savoir si, oui ou non, on a célérité. Actuellement, on a des délais qui sont assez longs: huit, neuf mois, un an et plus. Alors, quand on dit dans la loi qu'une décision doit être prise dans les trois mois ou dans les quatre mois, bien, on arrive avec une décision qui va être plus accélérée. Quand on dit, par exemple, que ça doit être pris selon les normes d'éthique, bien sûr que, l'éthique, il n'y a rien qui n'est plus délétère, plus flou que de l'éthique, mais, pourtant, c'est quand même un concept qui, dans une circonstance donnée, se retrouve de manière assez précise, et il faut donc les avoir.

Que l'administré ait eu l'occasion de fournir les renseignements utiles à la prise de la décision, c'est assez vague. C'est quoi, les documents utiles? Et, de façon très précise, dans chaque cas, un tribunal en appel va toujours être en mesure de dire: On n'a pas permis de donner le document, dans ce cas-là, qui était le document utile, puisqu'il s'appelle un tel et qu'on ne lui a pas permis. Ça se mesure toujours à l'aune de la situation dans laquelle... On dit que le droit, ce sont les faits d'une cause. Alors, c'est un peu comme ça. Mais, lorsqu'on a énoncé une règle, on est en mesure, on est capable, parce que c'est le mot, de mesurer si, effectivement, on respecte les critères.

J'admets avec vous que «simple», «souple» ne sont pas des concepts qui sont nécessairement évidents, mais on sait que, quand une règle n'est pas simple... Et, ça, un tribunal est capable de dire: Nous sommes en face d'une administration qui se comporte de manière à rendre les choses les plus complexes, les plus compliquées, la preuve: Voici a, b, c, d, e. Et, là, on ne décrit pas de manière positive ce qu'est la simplicité, on décrit ça par ce qui est la complexité. Alors, c'est vrai que ce sont des mots qui n'ont pas toujours une connotation aussi claire que des chiffres, mais c'est quand même définissable selon des circonstances données. Et je pense que tout ce qu'il y a là, avec leurs faiblesses, c'est certainement beaucoup mieux que l'absence totale de ces mots-là, et, moi, je pense que, quand on fait le total de ça, on est capable de mesurer assez adéquatement ce que devraient être des mesures appropriées pour une administration gouvernementale, pour que les procédures soient respectées. Je soumets respectueusement, tout en admettant qu'il y a des choses qui ne sont pas tout à fait parfaites là-dedans, mais je soumets que c'est beaucoup mieux que rien.

M. Bordeleau: Alors, moi, je veux terminer sur ça. La remarque que je veux faire, c'est juste que, effectivement, c'est difficile, et je pense que, dans l'administration gouvernementale en général, on accepte beaucoup trop facilement que, étant donné que c'est difficile, on ne se force pas pour en trouver, des solutions – et je fais ça d'une façon générale, là – et que, tant qu'on n'est pas mis au pied du mur, c'est plus facile de dire: Écoutez, on sait ce que ça veut dire et on évaluera ça. Et je pense que c'est une solution qui est sécurisante, dans le sens où, après qu'on a dit ça, on ne se sent pas forcé de faire les efforts nécessaires, et c'est constaté régulièrement par le Vérificateur général.

Et on a vu, par exemple, on parlait de l'évaluation de programmes il y a quelques années, puis quand on parlait de l'évaluation de programmes, sans vouloir avoir une connotation négative d'aucune façon à ce que le ministre disait tout à l'heure, on réagissait comme ça: L'évaluation de programmes, écoutez, c'est compliqué, mesurer exactement ce que le programme peut donner, ça varie, tout ça, puis on se trouvait toutes sortes de bonnes raisons pour ne pas en faire, d'évaluation de programme, et on n'en fait pas encore beaucoup.

(23 h 30)

Quand le Vérificateur général a commencé à pousser dans le dos de tout le monde, bien, là on a commencé à trouver que c'était peut-être possible d'encadrer ça un petit peu plus, et on l'a fait. Mais le danger, c'est que, de façon générale, on court beaucoup plus le risque de ne rien faire en se mettant à l'idée que c'est trop compliqué, mais qu'on le prend pour acquis, et on va travailler avec ça, là; c'est vague, c'est flou, mais on sait ce que ça veut dire. On le prend beaucoup trop facilement pour acquis puis on ne se force pas assez pour arriver à mettre en place les moyens nécessaires. Je faisais référence à la célérité. Je pense que, ça, c'est un exemple où on disait: Il faut donner un service rapide puis un service de qualité. Alors, ça, on le disait, durant de nombreuses années on ne faisait rien pour s'assurer que... Puis le Vérificateur général ne pouvait pas dire: Bien, écoutez, oui, je suis d'accord avec vos objectifs, oui, vous les avez atteints, ou: Non, vous ne les avez pas atteints. Mais à partir du moment où on a commencé à en mettre, des indicateurs précis, le Vérificateur a été capable d'arriver puis de dire: Écoutez, vous avez des problèmes dans votre organisation parce que vous n'atteignez pas vos objectifs qui sont fixés, ou: Vos objectifs sont irréalistes, il faudrait que vous les reformuliez puis que vous les justifiiez, ou: Vous devez les atteindre et vous devez prendre les moyens, au niveau de l'appareil, pour atteindre ces objectifs-là.

Quand je vois toujours la question de «simples, souples et sans formalisme», je suis d'accord avec le ministre que ce n'est pas simple à opérationaliser. Mais, moi, je serais porté à avoir la réaction contraire, c'est-à-dire que ce n'est pas simple à opérationaliser, mais il ne faudrait surtout pas se satisfaire de cette réponse-là, et de chercher des moyens, de rencontrer des gens qui font de l'évaluation de programme, de rencontrer des gens qui sont des spécialistes dans le domaine et d'en mettre, des indicateurs. Parce que c'est seulement de cette façon-là qu'on pourra s'assurer qu'on atteint les résultats et c'est seulement de cette façon-là, aussi, que le citoyen qui arrivera au tribunal pour un appel sera en mesure d'exposer une situation et que le tribunal sera en mesure d'évaluer effectivement qui a raison. Est-ce que c'est le citoyen ou si c'est l'appareil gouvernemental qui a agi correctement? Mais tant qu'on va être dans le vague, dans le flou, les principes sont beaux, mais je ne suis pas convaincu, en tout cas, j'ai des doutes.

Je pense, M. le Président, que vous avez participé à quelques reprises aux rencontres avec le Vérificateur général. Vous savez très bien à quoi je fais référence. Je voulais attirer l'attention là-dessus. Ça me semble important que, quand on met des choses comme ça, qui sont belles, qui sont valables... on parle de respect, de prudence, de célérité, de souples, simples, sans formalisme... Quand on connaît la tendance naturelle de l'appareil gouvernemental à réglementer et à légiférer à outrance et à compliquer la vie de tout le monde, on est loin, à mon avis, d'une situation où on va avoir des règles simples, souples et sans formalisme. Encore là, c'est beau comme termes, mais je ne sais pas exactement, là, jusqu'où ça doit se rendre et jusqu'où on... c'est quoi, les attentes qu'un citoyen doit avoir, des attentes réalistes, quand on parle de «simples, souples et sans formalisme»?

Peut-être que si on essayait de mettre des indicateurs là-dessus, on s'apercevrait qu'on parle de la même chose ou qu'on ne parle pas de la même chose, mais on ne se retrouverait pas devant un tribunal pour faire un appel parce qu'on a complètement des perceptions différentes, parce qu'on ne sait jamais, au fond... on n'a jamais échangé et on ne s'est pas entendus sur certains critères précis pour les atteindre.

M. Bégin: Mais c'est ça...

M. Bordeleau: Alors, on ouvre beaucoup de portes avec ça, là, pour des appels.

M. Bégin: Non.

M. Bordeleau: Non?

M. Bégin: Ce que l'on fait, M. Bordeleau, M. le député de l'Acadie, c'est que, justement, ce qui est là oblige actuellement, dans un premier temps, les fonctionnaires à aller rencontrer tous les organismes, tous les ministères pour tester, par rapport à la loi habilitante de chacun de ces organismes ou de ces ministères, si ça rencontre ou pas les critères qui sont là, dans un premier temps, législativement. Dans un deuxième temps, par la suite, il y aura une vérification si les règlements, les directives, etc., respectent ces objectifs-là. Et c'est là que, malgré une certaine fluidité, on sera en mesure quand même d'atteindre ces objectifs-là, parce qu'on a au moins une norme qui nous permet de dire qu'est-ce qu'on doit rechercher comme objectifs. Alors, ça va se faire et ça se fait pour chacun des paragraphes qu'il y a là.

On me dit qu'à date, à peu près, on peut passer cinq, 10, 15 heures, dépendamment des organismes, à faire cette opération-là, entre les fonctionnaires, pour s'assurer que la loi va être modifiée. C'est pour ça qu'on a la loi d'application qui vient dire, par exemple, à tel article: Là, vraiment, on ne rencontre pas tel critère. On formule donc un amendement dans la loi du ministère ou de l'organisme untel pour qu'on arrive à rencontrer ça. On ne dira pas: Pour rencontrer le paragraphe 2° de l'article 4, bien sûr, mais on va enlever la règle qui n'est pas bonne, ou la disposition, et on va s'assurer que dorénavant ce soit respecté. Moi, je pense que ce processus-là, fait à l'égard des cinq alinéas qui sont là, va faire en sorte que, oui, on va avoir des mesures qui vont être appropriées à l'égard des décisions qui vont être prises face à l'administré. Et, surtout, ça donne des balises pour vérifier si on atteint les objectifs.

M. Bordeleau: Non, mais, écoutez, M. le ministre, c'est exactement dans ce sens-là que j'ai posé ma question initialement, quand je vous ai demandé: C'est quoi, les moyens concrets qu'on prend pour s'assurer?

M. Bégin: C'est la loi d'application.

M. Bordeleau: Là, vous faites référence à des...

M. Bégin: Non.

M. Bordeleau: ...mesures, à des gestes que posent les fonctionnaires, des vérifications qu'ils vont faire...

M. Bégin: Deux choses.

M. Bordeleau: ...un certain nombre d'heures qu'ils passent.

M. Bégin: Deux choses, M. le député de l'Acadie, qui sont faites: d'une part – et je le dis, encore une fois, sans aucune ironie, aucune remarque quelconque – c'est les modifications qui sont apportées par la loi d'application à chacune des lois pour qu'on rencontre les principes qu'on énonce à ces articles-là. Ce principe-là, ça entraîne des changements a, b, c, d, e, f – il y a des places où ce n'est rien, d'autres places où c'est beaucoup – pour s'assurer qu'on rencontre ça. C'est la première opération. La deuxième, c'est l'appel. Quand ça fonctionnera, si une personne se croit lésée par rapport à ce qui est énoncé là, elle pourra invoquer... Bien sûr, dans certains cas, ce ne sera pas tellement efficace. Par exemple, si elle dit: Ça n'a pas été souple, ça, je ne pense pas que ça change énormément sur la décision, sauf que le décideur, lui, pourra dire, à un moment donné, à l'administration, dans une décision: Votre façon de vous comporter est tout à fait inadmissible, vous rendez les choses extrêmement complexes. Assurez-vous, prenez les moyens, qu'on le fasse. Donc, c'est un peu comme un avertissement du Vérificateur général ou de l'ombudsman qui vient dire à un organisme: Vous avez des méthodes qui ne sont pas du tout efficaces.

Le troisième moyen, ça va être, quand tout ça va être en place, de s'assurer que non seulement les textes de loi soient conformes, mais que les règlements et les directives rencontrent ces critères-là, et, là, on améliorera de façon très sensible la façon de faire. Mais la perfection n'est pas de ce monde.

M. Bordeleau: O.K. Juste une dernière question ici. Vous avez fait référence à des démarches très précises qui sont faites par des fonctionnaires. Mais, quand on parle de «l'administration gouvernementale prend les mesures appropriées», c'est qui, ça, précisément, l'administration gouvernementale? C'est des fonctionnaires de chaque ministère qui font ça pour eux ou c'est... C'est qui exactement, ça, l'administration gouvernementale?

M. Bégin: Bien, c'est... Lorsque la loi sera adoptée, quand elle dit «l'administration gouvernementale», qui comprend le ministère... Donc, dans certains cas, ce sera le ministère; dans d'autres cas, ce sera l'organisme. Cette disposition-là est un ordre à chacun des organismes qui rentrent dans la définition de l'administration gouvernementale. Alors, c'est à chacun de le faire, mais la sanction ultime pour voir si l'administration gouvernementale a vraiment pris les mesures appropriées pour s'assurer de ça, c'est que le citoyen ou l'administré va se présenter devant l'organisme et, là, va se comporter de manière x; tout à coup, il y aura insatisfaction; ça va aller en appel et, en appel, l'administré va dire: M. le décideur X, vous savez, dans mon cas, ça a pris un an pour qu'on fasse telle chose, ou encore: Cassez la décision parce que, voyez-vous, là, on ne m'a pas permis de fournir les renseignements utiles à la prise de la décision. On me dit que je n'ai pas fourni tel document; or, jamais on ne m'a demandé de faire ça. Donc, on devrait me donner l'occasion de le faire. Alors, la sanction, elle va venir a posteriori. Premièrement, on va prendre les moyens et, ensuite, ça va être la sanction qui va se faire par les décisions qui vont se rendre au fur et à mesure.

M. Bordeleau: O.K. Alors, j'arrête là-dessus pour tout de suite.

Le Président (M. Paquin): Alors, vous disposez d'une banque de sept minutes et demie. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Combien j'ai en banque, M. le Président?

Le Président (M. Paquin): M. le député de Chomedey, environ 10 minutes.

M. Mulcair: Je ne suis pas très dépensier ce soir. Regardez, M. le Président, le ministre, à la fin de ses remarques en réponse à mon collègue de l'Acadie, a parlé de sanction... et je la cherche. Alors, peut-être que le ministre peut m'aider à trouver les sanctions pour l'inobservation des alinéas 1° à 5°.

M. Bégin: Moi, je croyais... Excusez-moi. Je croyais avoir donné, dans ma réponse, les éléments qui permettent de dire quelle est la sanction. Je disais qu'elle était, à toutes fins pratiques, de deux ordres. C'est lorsqu'une personne... Ce n'est pas marqué que c'est une sanction, mais, je veux dire, le député de l'Acadie parlait de balises... pas de balises, de... paramètres. Non? En tout cas, c'est dans cet ordre...

M. Bordeleau: D'indicateurs?

(23 h 40)

M. Bégin: D'indicateurs, voilà. Quand une décision aura été rendue par l'administration – et je prenais un exemple, qui était celui de l'administré qui n'a pas pu fournir les renseignements utiles – la sanction, c'est qu'un tribunal, qui sera le TAQ, viendra dire qu'effectivement, compte tenu de la preuve qui a été faite devant lui, il est évident que l'administration, dans ce cas, n'a pas permis à l'administré de fournir tous les renseignements utiles à la prise de la décision, qui, par hypothèse, sera à ce moment-là défavorable à l'administré.

Je pense que la sanction, ce sera une décision venant dire qu'il n'a pas respecté, justement, par exemple dans le cas actuel, l'alinéa 4° de cet article-là. C'est une des sanctions. La deuxième, ce sera effectivement aussi... Je prends l'ombudsman, qui constate actuellement qu'on ne respecte pas telle ou telle disposition, il pourrait dire: Il est évident que, par exemple, à tel endroit, de manière systématique, on ne permet pas à l'administré ou aux administrés de fournir toute la preuve qu'ils devraient fournir. Et, si ça se produit – on espère tous que ça ne se produira pas – il y a aura cette sanction aussi possible...

M. Mulcair: Laquelle? C'est quoi, la deuxième? Je n'ai pas compris.

M. Bégin: Bien, je pense que... Par exemple, on a des chiens de garde dans notre société qui sont, entre autres, le Protecteur du citoyen, qui constate – par hypothèse, pour être capable de répondre à votre question – que, systématiquement, l'administration, dans tel organisme ou dans tel ministère, ne permet pas à l'administré de fournir les renseignements requis, utiles à la prise de la décision, bon, il va dire, il va dénoncer cette situation-là. C'est une autre sanction. Mais celle que je pense être la plus efficace, c'est celle du TAQ, qui va entendre des cas où justement l'administration n'aura pas respecté un de ces critères et qui la sanctionnera, de manière dénonciatrice dans certains cas et, dans d'autres cas, en cassant une décision et en retournant le dossier puis en changeant peut-être le contenu de la décision.

M. Mulcair: Oui. M. le Président, c'est ce qu'on avait bien compris que le ministre avait dit à notre collègue de l'Acadie tantôt, mais notre question demeure entière: Où est-ce qu'il est écrit, dans les 188 articles du projet de loi n° 130 ou dans les 125 amendements qu'on a devant nous, que la sanction pour l'inobservation de l'un ou l'autre des alinéas 1° à 5° de ce nouvel article 4... et le fait que la décision va être cassée? Si le ministre nous montre ça, on passe tout de suite au vote, mais je ne la trouve pas dans la loi, cette sanction-là.

M. Bégin: M. le Président, le député de Chomedey me déçoit dans son appréciation, je pense.

(Consultation)

M. Bégin: Il me déçoit parce qu'il veut absolument avoir un texte qui dise ce que je viens de dire. Mais il me semble que c'est l'application même du système judiciaire. Je l'inviterais peut-être à lire les dispositions où il y a Tribunal administratif, TAQ. On dit: «Il a pour fonction, dans les cas prévus par la loi et à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme [...] de statuer sur les recours de pleine juridiction formés contre l'administration.»

Bien, justement, M. le Président, lorsque le Tribunal entend un appel, il est... «de statuer sur les recours de pleine juridiction formés contre l'administration», justement parce que l'administration ne se sera pas comportée selon les règles ou encore, dans une décision, n'aura pas respecté le fond d'une question. Ça, c'est les règles les plus fondamentales. Quand on dit, par exemple: «Un appel peut être formé contre une décision de la Cour d'appel», on dit qu'une décision peut être formée contre une décision à la Cour d'appel. La sanction, elle n'est pas indiquée. La sanction, c'est que la Cour d'appel va peut-être renverser la décision, maintenir la décision, modifier la décision, mais c'est comme ça que ça fonctionne. Je suis étonné un peu de la question ou des remarques du député de Chomedey là-dessus.

M. Mulcair: ...que l'heure est tardive, M. le Président, et que le ministre a la peau un peu plus fragile depuis qu'il s'est fait «blaster» par le Barreau aujourd'hui. Mais, peu importe, le ministre a fait une affirmation tantôt à l'effet qu'il y avait des sanctions. On lui demande: C'est où, les sanctions? Il n'est pas capable de nous répondre: Il n'y a pas de sanction. Il pousse la question jusqu'à dire que la sanction, c'est d'aller à l'ombudsman. Ça manque tellement de sérieux, M. le Président, mais ça prouve à quel point le Barreau a eu raison de dire que c'était prématuré, qu'il fallait absolument que tout ça soit étudié comme un ensemble. Parce que le ministre dit n'importe quoi. Le ministre dit qu'il y a des sanctions. On lui demande: Où sont les sanctions? Il nous dit: Il n'y a pas de sanction. Si j'ai dit «sanction», ça ne voulait pas dire sanction, c'était juste un mot pour dire qu'il devrait éventuellement avoir une sanction. C'est où? Il n'y en a pas. La décision va être cassée? Ah oui? Où? Comment?

M. le Président, une disposition contraignante, une disposition qui aurait de vrais effets, une disposition qui dirait: Le défaut par l'administration de respecter l'une ou l'autre des obligations imposées aux alinéas 1° à 5° de l'article 4 entraîne cassation de la décision, ça, c'est une sanction. Mais ce qu'on a à la place, c'est aucune obligation, une référence très vague au fait que l'administration, au gouvernement, prend les mesures appropriées pour faire telle ou telle affaire. C'est absolument inconcevable, à notre point de vue, de laisser ça passer comme ça. On va tenter, dans un premier temps, de repérer un...

M. Bégin: M. le député de Chomedey, lisez donc l'article 14.

M. Mulcair: M. le Président, je pense que j'ai...

M. Bégin: Lisez l'article 14.

M. Mulcair: M. le Président, je pense que j'ai le droit de parole.

Une voix: Il ne peut pas lire et s'écouter en même temps.

M. Bégin: Non. Je suis d'accord. J'interromps mon collègue...

M. Mulcair: M. le Président, je pense que j'ai le droit de parole.

M. Bégin: ...mais je pense qu'une lecture de l'article 14 lui donnerait la réponse.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre, il ne faut pas...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît. Il nous reste quelques minutes pour faire le maximum de travail. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît, ne pas interrompre votre collègue. Par contre, l'échange peut se poursuivre, mais il faut au moins que l'idée soit complète. Alors, s'il vous plaît, laissez le député de Chomedey compléter sa pensée.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, le paragraphe liminaire de l'article 4 dispose de ce qui suit: «L'administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer». Une première démarche consisterait, à notre sens, à faire la modification qui suit. L'article 4, donc, du projet de loi: Le projet de loi n° 130 est modifié par le remplacement, dans le premier alinéa de l'article 4 tel qu'amendé, des mots «prend les mesures appropriées pour s'» par «est tenue d'».

(Consultation)

Le Président (M. Paquin): Alors, je vais rendre l'article conforme en modifiant l'introduction, en ôtant les mots «tel qu'amendé», parce que l'article 4 n'est pas amendé encore. On est dans l'amendement et ce que vous présentez est un sous-amendement.

Donc, le projet est modifié par le remplacement, dans le premier alinéa de l'article 4, des mots «prend les mesures appropriées pour s'» par «est tenue d'». Alors, c'est recevable. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, comme vous l'aurez sans doute compris, nous tentons de rendre exécutoires les dispositions de l'article 4 du projet de loi n° 130 en rendant plus explicite, plus contraignant et plus impératif son premier paragraphe, son paragraphe introductif. Et vous aurez sans doute compris, M. le Président, qu'il y aura d'autres modifications à venir, de notre côté, visant justement à imposer une sanction pour l'inobservation éventuelle de cet article et de son paragraphe liminaire.

Je dois vous dire, M. le Président, que je souhaiterais vivement pouvoir avoir, justement, accès aux galées, parce que l'analyse qu'a faite le ministre tantôt sur la sanction imaginaire, vraiment, était la preuve concluante, à notre sens, que le Barreau avait complètement raison de dénoncer le caractère improvisé de la démarche du ministre dans ce dossier. Il nous parle de sanctions alors qu'il n'y en a pas. Il nous parle d'un article comme s'il y avait quelque chose de contraignant là-dedans. Il n'en est rien.

(23 h 50)

Le ministre a reçu les observations de très nombreux groupes qui lui ont dit: Écoutez, ça ne fait pas sérieux de marquer dans une loi «dans la mesure du possible». Il l'enlève. Mais la disposition qui est ici est exactement au même effet. Elle est en train de nous dire que l'administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour... Alors, ce n'est même pas pour assurer au contribuable ou à l'administré quoi que ce soit, d'où, vraiment, notre raison de mettre en doute sérieusement l'interprétation du ministre à l'effet qu'il y a une sanction quelconque, parce que c'est le gouvernement qui est censé s'assurer, dans la version qui est là. C'est pour ça que, nous, on propose, comme minimum, M. le Président, le fait de remplacer ce petit bout là: «prend les mesures appropriées pour» par «est tenue d'assurer».

C'est une première ouverture vers une obligation, vers une solution qui est contraignante à l'égard de l'administration. C'est autre chose qu'un voeu pieux, qu'une incantation magique, qu'une phrase creuse. C'est vraiment si... L'administration a une obligation. Elle est tenue de faire telle chose. Elle est tenue d'assurer. Alors, qui dit ça dit qu'il est tenu d'assurer à quelqu'un, l'administré, en l'occurrence. Parce que, de la manière que c'était écrit là, le ministre pouvait souhaiter tout ce qu'il voulait, mais... Il a commencé sa phrase... Il avait trouvé deux sanctions et, lorsqu'il nous a introduit la première, il a dit: Je pense que telle, telle et telle affaire... Par la suite, il nous dit qu'il y avait des chiens de garde et que c'était l'ombudsman qui allait venir appliquer ça... Franchement, on croit rêver! Je veux bien qu'il soit tard, M. le Président, mais, si le ministre est à ce point fatigué qu'il ne peut pas formuler une pensée autrement qu'avec une rêverie comme celle-là, il aurait mieux fait de la garder pour lui-même, parce que je vous garantis qu'elle va faire le tour du bloc trois fois, celle-là. C'est absolument inconcevable, ce que le ministre nous a sorti.

Rappelons, M. le Président, qu'on est dans les articles les plus importants du début d'un projet de loi qui vise à rendre la justice administrative plus accessible, d'une meilleure qualité, plus accélérée, meilleure pour le public à plusieurs chapitres. Mais on est toujours au début d'une loi, M. le Président, c'est une réalité. Il y a toujours des articles d'interprétation, des articles visant à expliquer le but et la portée de la loi. Soit, ça fait partie des règles du jeu. Mais, si le ministre tente de nous faire croire qu'il y a autre chose qu'une vague volonté, qu'une disposition déclaratoire, qu'une intention gouvernementale, tente de nous faire croire qu'il y a une sanction qui est prévue... M. le Président, on a demandé à plusieurs reprises au ministre s'il était capable de nous montrer la sanction, il se pouvait qu'on l'ait manquée. On n'a rien reçu comme réponse. Je vous avoue que, de notre côté, la seule solution plausible et sérieuse à tout ça, c'est de commencer à serrer la vis, de commencer à prendre la rédaction très vague, floue, incertaine de l'article 4, dans son premier alinéa, et de commencer à faire en sorte que ça veuille dire quelque chose. Ça n'a pas de sens de laisser ça comme ça.

Alors, c'est la raison pour laquelle on propose de prendre le paragraphe 4° et de remplacer les mots «prend les mesures appropriées pour s'» par «est tenue de». Alors, ça se lirait comme suit: L'administration gouvernementale est tenue d'assurer... Ça, c'est une obligation, M. le Président. Là, le gouvernement serait obligé à quelque chose. Il serait tenu à quelque chose.

Dans la rédaction actuelle, il serait tenu d'assurer que les procédures respectent les normes législatives et administratives qui les régissent – il y a un léger changement qui est proposé là – il serait tenu à ce que celles-ci soient conduites suivant des règles simples, souples et sans formalisme – les procédures, c'est-à-dire – il serait tenu d'assurer qu'elles sont conduites par ses agents de l'administration gouvernementale avec respect, prudence et célérité, conformément aux normes d'éthique et de discipline qui les régissent et selon les exigences de la bonne foi; il serait tenu d'assurer que l'administré a eu l'occasion de fournir les renseignements utiles à la prise de la décision et, le cas échéant, de compléter son dossier; il serait également tenu d'assurer que les décisions sont prises avec diligence, qu'elles sont communiquées à l'administré concerné en termes clairs et concis et que les renseignements pour communiquer avec lui lui sont fournis.

Ça, M. le Président, c'est un ensemble – et, ça, je viens même de donner la version modifiée – ça, c'est un ensemble qui, avec ce paragraphe premier, ce paragraphe introductif, peut commencer à faire naître des droits pour l'administré. Ça, ça commence à avoir un sens. Ça donne quelque chose de concret. C'est autre chose que la pensée que peut-être il y aura une sanction un jour. Si on regarde un seul exemple pour illustrer notre propos, M. le Président, à l'intérieur de l'énumération qu'on va, un autre jour, avoir l'occasion d'étudier dans le détail, mais juste très vite, comme ça, pour donner un exemple, c'est qu'on dit que les décisions – au 5° – sont prises avec diligence. Si on devait rester avec une rédaction molle, comme celle qu'on avait là, «prend les mesures appropriées pour», et qu'on disait, au 5°, que les décisions sont prises avec diligence, même si la décision vient six mois, un an, un an et demi plus tard, dans une cause, admettons, d'admissibilité à l'école anglaise, il serait toujours loisible à l'administration gouvernementale de s'excuser, de se pardonner en disant: Écoutez, on n'a jamais dit que les décisions allaient se prendre avec célérité. Notre seule obligation, c'est de prendre les mesures appropriées pour s'assurer que les décisions sont prises avec diligence. Vous comprenez la nuance? Elle est importante.

Alors, il n'y a aucun vrai caractère contraignant à tout ce qui est en train d'être proposé ici. Nous disons que, comme minimum, comme point de départ pour commencer à montrer qu'on est sérieux lorsqu'on donne ça, on va proposer ça au début.

Pour faire une analogie, M. le Président, aux termes de la Charte des droits et libertés de la personne, la Charte canadienne, il est prévu qu'il ne doit pas y avoir de délai indu dans l'application de la loi, notamment en matière pénale. Ça a déjà conduit la Cour suprême à fixer même un barème, qui était assez court, exprimé en termes d'un nombre x de mois. Ça a fait en sorte que, notamment en Ontario, il y avait des milliers de causes qui étaient pendantes devant les tribunaux qui ont été éliminées. Peut-être, M. le Président, dans cet exemple-là, qu'on avait mis la pendule trop loin à droite. Mais ce que le ministre fait ici, c'est qu'il la met complètement de l'autre côté. Il n'y a aucune manière d'exécuter ou d'appliquer une sanction à l'encontre de ça si l'administration peut simplement se donner raison en disant: Vous savez, on a pris des mesures, mais ça n'a pas marché. C'est bien ce qu'on aurait voulu faire si on avait pu, mais ça n'a pas marché.

Vous voyez, M. le Président, la distinction qu'on est en train de faire? Contrairement à une disposition d'une charte, justement, une disposition qui est autre qu'explicative ou autre que déclaratoire, nous voulons rendre contraignantes les obligations qui paraissent... dont on pourrait croire qu'elles existent aux termes de l'article 4, mais qui ne sont en fait, à notre point de vue, que vraiment une chimère, un mirage. Ce n'est pas vrai qu'il y a des obligations aux termes de cet article-là.

Alors, pour situer, donc, notre proposition – et je tenterais, dans les minutes qui suivent...

Le Président (M. Paquin): M. le député...

M. Mulcair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): ...j'ai besoin des 45 dernières secondes pour trois obligations. Alors, je dois vous interrompre. D'abord, pour indiquer qu'il y avait une faute d'orthographe que je corrige: «tenue» est féminin. Je crois que ce n'est pas une question de fond, mais simplement une coquille. Deuxièmement, pour vous donner les temps qui vous restent respectivement sur chacun des aspects. Sur le sous-amendement, il reste au député de Chomedey 5 min 35 s; les autres n'ont pas entamé leur temps. Sur l'amendement, il reste au député de l'Acadie 7 min 30 s; au député de Chomedey, 7 min 20 s; au ministre, 19 min 15 s. Et, sur l'article 4, personne n'a entamé son temps.

Alors, nous nous quitterons sur le sous-amendement, et la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à minuit)


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