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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 30 avril 1997 - Vol. 35 N° 79

Étude des crédits du ministère du Conseil exécutif


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Table des matières

Remarques préliminaires

Discussion générale

Adoption des crédits

Adoption de l'ensemble des crédits


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Pierre Bélanger
    Note de l'éditeur: La commission a aussi siégé en matinée pour l'étude des crédits du ministère de la Sécurité publique. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats


(Quinze heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames et messieurs, nous allons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission: poursuivre l'étude des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif, les programmes 1 et 2, pour l'année financière 1997-1998.

M. le secrétaire, est-ce que vous pouvez nous signifier les changements?

Le Secrétaire: Il n'y a pas d'autres remplacements, M. le Président, ce matin.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Avant de passer à l'étape des remarques préliminaires, je vous inviterais à m'indiquer de quelle façon la commission procédera à l'étude des crédits. Est-ce que nous procéderons programme par programme ou par discussion générale avec adoption des crédits à la fin?

M. Bélanger: À la fin.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors donc, on s'entend pour une discussion générale avec vote à la fin. Je vous rappelle qu'une enveloppe de quatre heures sera consacrée pour l'étude de ces programmes.


Remarques préliminaires

Et, sur ce, j'inviterais M. le premier ministre à faire une déclaration d'ouverture.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, M. le chef de l'opposition, Mmes et MM. les ministres et députés, si vous me le permettez, j'ouvrirai cette séance de la commission permanente des institutions, d'une part, en exprimant quelques considérations budgétaires, puisqu'il s'agit, aujourd'hui, de discuter des crédits du Conseil exécutif et, d'autre part, en revenant sur quelques-unes des politiques gouvernementales, puisqu'il est aussi de tradition de tenir à cette occasion un débat qui déborde les chiffres et statistiques. Commençons donc par les questions budgétaires.

On se rappellera que le ministère du Conseil exécutif a débuté l'année financière 1996-1997 en se dotant d'une nouvelle structure d'organisation. Les secrétariats, dont les activités se rapprochaient davantage de la mission d'autres ministères, comme, par exemple, les secrétariats à la jeunesse, aux affaires autochtones et au développement des régions, ont été transférés dans des ministères sectoriels concernés. Le ministère a été ainsi réorganisé de façon à mieux refléter ses fonctions premières de coordination, d'appréciation et de suivi de l'ensemble des activités gouvernementales. On y retrouve maintenant les secrétariats qui supportent le Conseil des ministres, le Comité des priorités et les comités ministériels de coordination. La présentation des données financières et budgétaires tient compte de ces changements pour permettre la comparaison des crédits de cette année avec ceux de l'an dernier.

Au-delà de ces changements de début d'année, certains événements ont amené des modifications à la composition structurelle du ministère et ont eu des impacts budgétaires en 1996-1997. En fait, le ministère, en plus de ses activités régulières, a soutenu les activités suivantes: le soutien administratif et financier des activités du ministre d'État à la métropole et du Secrétariat à la métropole jusqu'à l'adoption de la loi qui a institué le ministère, soit le 20 juin 1996. Le caractère exceptionnel et l'ampleur des dommages causés par les pluies diluviennes ont amené la création du Secrétariat interministériel de coordination et du bureau de reconstruction et de relance de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, et ce, dans un but humanitaire de supporter et d'assurer dans les meilleurs délais le retour à la vie normale pour les personnes sinistrées.

L'organisation de la rencontre du Sommet sur l'économie et l'emploi en octobre 1996 a amené la création d'un secrétariat temporaire, et, compte tenu de la réussite de ce Sommet, deux unités administratives ont été mises en place pour assurer les mécanismes de suivi, soit le Secrétariat du Sommet sur l'économie et l'emploi, qui est chargé, entre autres, de maintenir les liaisons entre les partenaires, de suivre les engagements, les décisions du gouvernement et des partenaires, de favoriser la réalisation des projets d'économie sociale et de soutenir le comité aviseur de lutte contre la pauvreté... Le Centre de coordination des projets économiques est, quant à lui, chargé d'assurer le suivi des projets du Sommet dans le secteur privé et de stimuler les projets d'investissement au Québec.

Il faut noter, M. le Président, que toutes ces nouvelles activités ont été assumées à l'intérieur des crédits votés l'an dernier et qu'elles ont donc été autofinancées. Par ailleurs, les nouvelles orientations gouvernementales en matière de déréglementation annoncées au Sommet ont amené le transfert du Secrétariat à la déréglementation, qui relevait du ministère d'État de l'Économie et des Finances, au ministère du Conseil exécutif. Il faut rappeler que le ministère du Conseil exécutif administre trois programmes différents, soit le bureau du lieutenant-gouverneur, les services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif et les affaires intergouvernementales canadiennes.

Globalement, les crédits du ministère seront ramenés, pour 1997-1998, à 35 884 000 $. Il s'agit là d'une diminution de plus de 6 000 000 $ par rapport aux 42 000 000 $ de l'an dernier, soit, en pourcentage, une diminution de 14,6 %. Il faut aussi ajouter que le ministère du Conseil exécutif a déployé de sérieux efforts pour diminuer ses dépenses tout au long de l'exercice 1996-1997. Ainsi, les crédits périmés seront d'environ 4 000 000 $, et ce, malgré les nouvelles activités autofinancées dont j'ai déjà parlé.

Si nous regardons de plus près le budget et les crédits reliés à chacun des programmes du ministère, nous constatons les faits suivants. Les crédits apportés au bureau du lieutenant-gouverneur s'élèvent à 378 600 $ en 1997-1998. On y remarque une diminution significative de 48,9 % des crédits budgétaires par rapport à ceux de 1996-1997, qui étaient de 740 800 $. La décision de ne pas renouveler l'entente d'occupation et les frais inhérents de la résidence du lieutenant-gouverneur occasionnera dans les faits, une fois la résidence louée ou vendue, une économie récurrente de l'ordre de 400 000 $. À noter que, d'ici à ce que la résidence soit louée ou vendue, la Société immobilière du Québec assume plus ou moins 30 000 $ en taxes, chauffage et entretien.

Les crédits alloués aux services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif comprennent ceux du Secrétariat général, des services de soutien auprès du Conseil exécutif et du cabinet du premier ministre ainsi que les indemnités versées aux membres de l'Exécutif. Le budget rattaché aux services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif sera de 26 305 400 $ cette année par rapport à 31 207 800 $ l'an dernier, soit une baisse de 15,7 %, donc une baisse de 4 902 400 $. En ce qui concerne le cabinet du premier ministre, les crédits totaux 1996-1997 inscrits au livre des crédits s'élevaient à 4 844 600 $, dont 3 838 700 $ pour la supercatégorie Rémunération. On se rappellera que j'avais indiqué que la rémunération du personnel du cabinet, qui est un des élément de la supercatégorie Rémunération, ne dépasserait pas 2 880 000 $. Dans la réalité, la rémunération du personnel du cabinet aura été de 2 825 000 $. Globalement, le cabinet du premier ministre aura périmé plus de 880 000 $, ce qui représente un effort louable.

Pour l'année en cours, les crédits 1997-1998 s'élèvent à 4 162 900 $, dont 3 157 000 $ pour la supercatégorie Rémunération. Ce montant tient compte de la récurrence de l'effort budgétaire 1996-1997, de l'effort 1997-1998 et de la compression prévue à la loi n° 104. J'indique que, dès aujourd'hui, la rémunération du personnel du cabinet du premier ministre ne dépassera pas les 2 750 000 $. Au total, les crédits 1997-1998 du cabinet du premier ministre diminuent de 681 700 $, soit de 14,1 %.

Comme le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a déjà défendu ses crédits, je n'entrerai pas dans les détails à ce niveau. Je me permets seulement de vous souligner que ce secteur dispose de 9 200 000 $ pour 1997-1998 par rapport à 10 065 500 $ l'an dernier, soit une diminution de 8,6 %.

(15 h 40)

Pour ce qui est de la masse globale des cabinets ministériels, elle s'établira cette année à environ 15 510 000 $, ce qui veut dire que notre masse globale est encore, cette année, largement inférieure à celle du gouvernement libéral lors de sa dernière année au pouvoir.

En ce qui a trait à l'évolution des effectifs du ministère du Conseil exécutif, il faut noter que le total passe de 311 à 308. Malgré l'ajout du Secrétariat du Sommet sur l'économie et l'emploi et du Centre de coordination des projets économiques, les effectifs totaux sont restés relativement stables.

Je ne peux, M. le Président, m'empêcher d'aborder, ici, la question de la présence des femmes dans la haute gestion publique. J'ai souvent fait référence à l'objectif du gouvernement de promouvoir et d'assurer une meilleure représentation des femmes aux postes de commande. Nous pouvons, à cet égard, rapporter progrès. En ce qui a trait aux postes de sous-ministres et de sous-ministres adjoints, la progression du nombre de femmes a été, entre le 31 mars 1996 et le 1er mars 1997, de 111 %. Le nombre de femmes occupant de tels postes est ainsi passé de 18 à 38. Depuis un an, le gouvernement compte donc six femmes sous-ministres de plus et 14 femmes sous-ministres adjointes de plus. Il va de soi que le gouvernement va poursuivre cette politique qui a fait en sorte que, depuis l'élection du 12 septembre 1994, la proportion des postes de sous-ministres et de sous-ministres adjoints occupés par des femmes est passée de 12 % à 27 %.

Voilà, M. le Président, pour ce que je considère être les faits saillants budgétaires. Ceci nous permet d'aborder sommairement les politiques gouvernementales.

Malgré les lourdes contraintes résultant de tant d'années de laxisme budgétaire à Québec, le gouvernement a réussi à concrétiser une large part de son agenda social. De fait, ce qui émerge au Québec, c'est une toute nouvelle politique sociale qui couvre la plupart des préoccupations des citoyens. On me permettra d'en rappeler les éléments les plus marquants: une politique familiale qui apporte une aide financière accrue pour plus de 23 % des familles grâce à l'allocation unifiée pour enfant, qui accentue l'intérêt des personnes prestataires d'aide sociale à réintégrer le marché du travail et qui s'adresse enfin à la petite enfance par une extension des services de garde et l'établissement d'une maternelle à cinq ans; une assurance-médicaments qui couvre plus de 1 000 000 de personnes qui n'étaient pas encore protégées et qui assure la gratuité des médicaments pour les enfants du Québec; un système d'aide juridique élargi à plus de 650 000 personnes qui n'y avaient pas encore accès; une grille de fixation des pensions alimentaires adoptée dans la foulée de l'établissement d'une véritable perception des pensions alimentaires et de la défiscalisation de ces mêmes pensions; le dépôt, l'étude et l'adoption prochaine d'une loi sur la médiation familiale; une réforme de la santé axée sur le virage ambulatoire ayant notamment pour objectif de réorienter l'organisation des services vers le citoyen; une réforme en profondeur du secteur de l'éducation, essentiellement pour rapprocher l'école des parents; une progression marquée du financement des organismes communautaires qui, en 1996-1997, a atteint 137 000 000 $, une progression de 29 % en deux ans; la redéfinition d'une politique du logement social annoncée dans la foulée du dernier discours sur le budget et qui prévoit annuellement l'ajout de 43 000 000 $ pour 1 820 nouveaux logements sociaux, dont 1 200 profiteront aux ménages à faibles revenus; l'établissement, grâce à tous les partenaires du Sommet de l'automne, d'un fonds de lutte à la pauvreté de 250 000 000 $ sur trois ans; une loi sur l'équité salariale qui faisait tant défaut au Québec et qui a été adoptée avec le concours de l'opposition officielle; une réforme de l'aide sociale qui provoque notamment la réinsertion en formation et en emploi. Et tant d'autres mesures, moins spectaculaires peut-être, mais qui toutes contribuent à consolider notre solidarité.

Je pense, M. le Président, qu'on reconnaîtra que, en dépit de l'état problématique des finances publiques, notre gouvernement a déployé des efforts importants pour raviver une politique sociale qui, au fil des ans, avait eu tendance à décrocher des nouvelles réalités. Le bilan social du gouvernement est important. À mon avis, il faudrait remonter plusieurs années en arrière, certainement plus d'une dizaine d'années, pour retrouver une telle détermination chez un gouvernement du Québec. On me permettra de saluer le travail de mes collègues du Conseil des ministres qui n'ont jamais voulu prendre prétexte de la rareté des ressources pour se réfugier dans l'immobilisme. Tout au contraire, ils ont su démontrer que la volonté, la détermination et, surtout, le sens de la solidarité réussiront toujours à s'exprimer.

J'aimerais, M. le Président, dire quelques mots des finances publiques, de l'économie et, principalement, de la création d'emplois. D'abord, les finances publiques. D'entrée de jeu, je tiens à souligner que, s'il a été possible de poursuivre une politique sociale aussi vigoureuse que celle que je décrivais tout à l'heure, c'est notamment, sinon principalement, en raison de la rigueur de la gestion des finances publiques. Nous sommes à établir une nouvelle tradition dans le Québec moderne: le respect de prévisions budgétaires. Cela surprend toujours lorsque j'y fais référence en public, mais il faut bien comprendre que cette vertu cardinale, en fait cette évidence, avait été, par trop, délaissée. L'on ne redira jamais assez quel poids excessif l'endettement des gouvernements fait peser sur les Québécoises et les Québécois.

Mettons de côté la dette faramineuse du gouvernement fédéral pour dire quelques mots de la dette du Québec. Toutes les comparaisons ont été formulées, c'est vrai, mais une ou deux, me semble-t-il, reflètent mieux que les autres l'ampleur du drame. Le service de la dette, au Québec, s'élève à environ 8 000 000 000 $; 6 000 000 000 $ au ministère des Finances plus 2 000 000 000 $ dans quelques gros ministères. Ainsi, chaque année, les Québécois paient, uniquement en intérêt, plus du double de ce qu'ils affectent à l'aide sociale. Comparaison additionnelle, les intérêts annuels sur la dette représentent presque l'équivalent de ce que nous investissons dans l'éducation primaire, secondaire, collégiale, et universitaire. C'est aussi l'équivalent de 60 % de ce que nous affectons à la santé et aux services sociaux.

Je sais bien qu'on n'effacera pas facilement tant d'années d'incurie, mais on peut tout de même rêver aux possibilités qui s'ouvriraient si nous n'avions pas ce boulet à traîner. Voilà pourquoi ce gouvernement a entrepris d'éliminer le déficit d'ici l'an 2000. Nous commençons bien tard, car certaines provinces s'y sont mises dès 1987. Il n'y a plus que nous et l'Ontario qui avons maintenant à nous attaquer à cette tâche. En fait, le processus s'est amorcé au Québec dès l'élection du Parti québécois en septembre 1994. Depuis ce temps, chaque année, le ministre des Finances peut témoigner de l'atteinte des objectifs. En fait, nous rapprochons de ce fameux déficit zéro qui redonnera enfin sa marge de manoeuvre au Québec.

La présente année est la plus difficile et de loin. Elle l'est - ce n'est pas une surprise - en raison des coupures des transferts fédéraux commandées par l'établissement du transfert social canadien. Je le rappelle, cette année, les coupures du transfert social canadien représentent 1 400 000 000 $, 1 400 millions. C'est donc dire que presque la moitié de tout l'effort budgétaire que nous devrons faire est dû aux coupures budgétaires fédérales. C'est dire aussi que, réparti sur l'ensemble canadien, c'est près de la moitié de l'effort de réduction fédéral qui est fait sur le dos des provinces. Facile, donc, de se vanter, à ce moment-là, à Ottawa. Pourtant, le gouvernement doit faire face à cette problématique, aussi injuste puisse-t-elle être. Le gouvernement du Québec doit faire face à celle-là comme à tant d'autres. Notamment, c'est 1 900 000 000 $ qu'Ottawa nous doit en toute justice dans le dossier de la TVQ-TPS. Il est vrai qu'Ottawa dit qu'il ne nous doit rien, mais, par contre, il refuse d'ouvrir ses livres quand nous lui demandons de vérifier ce qu'il en est.

(15 h 50)

L'objectif du déficit zéro pour l'an 2000 demeure incontournable, pas pour le plaisir de la symétrie comptable, mais parce qu'il y va de l'intérêt le plus fondamental des Québécois. En deux ans, nous avons parcouru plus que la moitié du chemin. Le palier de 3 200 000 000 $ en déficit a été atteint, et les moyens de franchir le cap des 2 200 000 000 $ ont été identifiés. On ne reviendra jamais assez sur le sens des responsabilités des employés de l'État. Les consensus qui ont pu se dégager de cette récente ronde de négociations sont exceptionnels. Il n'y a pas sinon peu de pays qui ont réussi par la voie des négociations à diminuer de 6 % leurs coûts de main-d'oeuvre. Le Québec, lui, y est parvenu. De ce seul fait, 1 400 000 000 $ de l'effort budgétaire de cette année est en cours de réalisation. Nous tirons déjà les premiers bénéfices de nos politiques budgétaires: les taux d'intérêt sont à leur plus bas niveaux depuis des décennies; le Québec emprunte facilement et à meilleur compte. De fait, la demande pour les titres du Québec est plus forte que l'offre, et le chef de l'opposition rappelait tout à l'heure à l'Assemblée nationale qu'il se réjouissait de voir l'annonce que les pronostics économiques pour les prochaines années, au Québec, sont bons.

Il est évidemment exagéré d'imputer à nos seules politiques budgétaires le redressement de l'économie. Cependant, on ne peut non plus nier qu'elles contribuent à améliorer nos performances. En effet, l'évolution récente des indicateurs économiques montrent que nous sommes sur la bonne voie. En 1996, progression de 12,6 % des investissements non résidentiels du secteur privé, soit trois fois plus qu'au Canada, qui était à 4,1 %; en 1996 aussi, 2 500 000 000 $ d'investissements étrangers ont été annoncés au Québec, principalement dans les secteurs de la haute technologie; et, depuis mars 1996, progression de 12 % des ventes au détail, progression de 8 % des livraisons manufacturières, progression de 8 % des exportations, nouveau record; et, depuis juillet 1996, progression de 1,7 % du PIB réel, et le taux de chômage a diminué de 0,7 % pour s'établir à 11,2 %, toujours trop élevé, bien sûr.

Depuis le Sommet sur l'économie et l'emploi, l'automne dernier, la progression de l'emploi s'est poursuivie en mars pour un quatrième mois consécutif. En mars 1997, hausse de 26 900 emplois et, au cours des quatre derniers mois, un gain total de 56 400 emplois au Québec, ce qui représente 70 % des emplois nouveaux créés au Canada au cours de la même période. Dans cet environnement favorable, nous souhaitons aller plus loin en faveur de l'emploi en incitant les entreprises à accroître les exportations, en incitant de nouvelles entreprises à se tourner vers l'exportation. Par exemple, l'objectif avoué et systématique que nous poursuivons est de créer 2 000 nouvelles PME exportatrices d'ici l'an 2000.

Plus que jamais la création d'emplois est la responsabilité du secteur privé. L'expansion de notre commerce extérieur et international constitue un levier important pour faire reculer le chômage, et, pour favoriser l'ouverture du Québec sur le monde, le gouvernement a pris l'engagement ferme d'encourager les investissements étrangers au Québec, d'appuyer les entreprises qui veulent conquérir de nouveaux marchés, et, déjà, en 1996, nous avons établi un nouveau record alors que nous avons vendu pour 58 000 000 000 $ à l'étranger. Les entreprises québécoises ont relevé avec brio le défi de la mondialisation et ont su tirer parti des marchés en expansion. Il faut souligner l'effort important qui a été déployé par les entreprises québécoises afin d'améliorer leur caractère compétitif qui, d'ailleurs, a progressé énormément au cours des dernières années.

Les dirigeants d'entreprises doivent sentir que l'ensemble de la société québécoise est derrière eux. En ce sens, le gouvernement du Québec doit jouer un rôle de premier plan, et c'est ce qu'il a fait, particulièrement au cours des deux derniers budgets, car le dernier budget est venu confirmer encore davantage l'atteinte de cet objectif en accroissant de près de 30 % l'appui financier du gouvernement à l'exportation. Notre gouvernement s'est directement impliqué dans la promotion des produits et services québécois lors de missions à l'étranger, notamment par sa participation à Team Canada en janvier dernier, et, cette année, un nombre record de 150 missions commerciales seront organisées, dont deux, l'une en Chine à l'automne et l'autre en Amérique latine en 1998, que j'ai dirigées moi-même.

Le dernier discours sur le budget a fixé les priorités du gouvernement: l'emploi. Le budget contribuera à renforcer la création d'emplois par un plan ambitieux de soutien à l'investissement privé, des investissements publics ciblés dans les domaines prioritaires, une réforme majeure de la fiscalité. Le budget vient aussi prolonger l'action entreprise notamment au Sommet sur l'économie et l'emploi de Montréal pour faciliter le démarrage de 4 200 000 000 $ d'investissements privés, notamment par la création d'un fonds pour l'accroissement de l'investissement privé et la relance de l'emploi - c'est le programme FAIRE - qui permettra de soutenir des grands projets de 25 000 000 $ et plus, en particulier dans le secteur manufacturier, celui des technologies de l'information et celui du tourisme. Le budget prévoit également la mise en place d'incitations fiscales à l'investissement et au démarrage de projets privés en partenariat avec les sociétés d'État. Ces mesures devraient engendrer un minimum de 1 300 000 000 $ d'investissements industriels nouveaux et la création d'un fonds de développement industriel pour les projets de 2 000 000 $ et plus a également été annoncée.

De même, le discours du budget assure une hausse des investissements publics de 1 100 000 000 $ sur deux ans. Ainsi, le secteur public réalisera, dès cette année et l'an prochain, plusieurs projets d'investissements prioritaires pour la satisfaction des besoins de la population québécoise, notamment par l'allocation de 706 000 000 $ dans l'éducation, la santé, les services sociaux et la culture, 57 000 000 $ dans les rénovations majeures du métro de Montréal et 369 000 000 $ supplémentaires dans le réseau routier.

En plus, notre fiscalité est simplifiée, plus compétitive et plus équitable, ce qui favorisera d'autant la création d'emplois. Et, plus spécifiquement, en terminant, encore pour appuyer la création d'emplois, le gouvernement remboursera 12 000 $ de taxes sur la masse salariale pour chaque emploi nouveau. Une entreprise pourra obtenir des remboursements allant jusqu'à 36 000 $, si elle crée 30 emplois. Cette mesure contribuera entre autres à stimuler la création d'emplois stables à temps plein et à encourager la réduction volontaire et le partage du travail.

Voilà, M. le Président, les quelques remarques préliminaires que je souhaitais formuler. Je conclurai en soulignant que l'action gouvernementale rend la souveraineté encore plus évidente et nous en rapproche. Elle démontre notre volonté, notre capacité et le goût des Québécoises et des Québécois à gérer eux-mêmes et elles-mêmes leurs affaires.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'opposition officielle, je vous inviterais maintenant à faire votre déclaration d'ouverture.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui, je vous remercie, M. le Président, et avec mes salutations d'usage aux membres de cette commission, y compris le premier ministre et ceux qui l'accompagnent. J'ai trouvé intéressant que le premier ministre termine ses remarques préliminaires en évoquant que l'action gouvernementale rend la souveraineté évidente. Je me serais aperçu, dans un discours comme celui-là, que ça commence évidemment avec un plaidoyer en faveur de la souveraineté et que l'évidence en soi, ensuite démontrée par les actions gouvernementales... Mais on va avoir l'occasion d'échanger là-dessus tout à l'heure. On a quand même quatre heures ensemble. C'est un peu plus long que la période de questions. C'est moins long qu'un discours, évidemment, sur une tribune du Bloc québécois, par ailleurs, parce que, d'après ce que je peux comprendre, l'état d'échauffement qu'il y a dans ces salles-là...

Il y a trois points que j'aimerais amener tout de suite. Un constat sur la politique économique du gouvernement à l'égard de la création d'emplois, notamment, et du développement des investissements, la création de richesse.

Deuxièmement, quelques remarques sur la façon dont le gouvernement, à mon sens, en l'absence d'une croissance économique soutenue, substantielle est condamné à sabrer dans les services publics afin de respecter son objectif de déficit zéro. J'évoquerai à ce moment-là comment non seulement il y a une détérioration des services publics qui vise à équilibrer les comptes, mais qu'elle s'accompagne, cette détérioration, d'une hausse du fardeau fiscal des québécois à tous égards afin de rejoindre l'objectif du déficit zéro.

Et, troisièmement, j'entretiendrai le premier ministre et les membres de cette commission - et on pourra échanger là-dessus - sur un des plus grands sophismes, à mon sens, qu'il m'a été donné d'entendre depuis que je suis ici, à savoir qu'un déficit courant zéro plus un déficit courant zéro à Ottawa, donc à Québec et au niveau fédéral, permettrait de conclure que la souveraineté, la sécession, si elle se faisait, ne coûterait rien. Autrement dit, l'équation ou la démonstration que tente de faire le premier ministre, c'est que zéro déficit courant égale zéro endettement. On reviendra là-dessus, et, moi, j'ai beaucoup d'explications que je vais solliciter de la part du premier ministre pour qu'il nous explique cette équation-là que j'ai déjà entendue dans la bouche de certains de ses collaborateurs, mais que son prédécesseur n'a jamais osé, lui, évidemment, formuler. Je prétends que c'est parce qu'il savait que ça n'avait pas de bon sens de dire une chose comme celle-là, quoi qu'on pense, par ailleurs, des attitudes et des affirmations de M. Parizeau pendant sa carrière de fonctionnaire ou d'homme politique.

(16 heures)

Quant au constat sur la politique économique du gouvernement, on est obligé de voir que le Québec est en rattrapage et que le rattrapage est loin d'être complété. Depuis deux ans, notamment, on voit qu'on a établi des records de fragilité - si on peut s'exprimer comme ça - au titre du niveau de croissance de notre produit intérieur brut. Le Québec est septième sur dix pour ce qui est du taux d'activité de sa main-d'oeuvre, huitième au niveau des investissements et de la croissance des investissements - toutes proportions gardées, évidemment, toujours - sixième au niveau de la vente au détail, des mises en chantier. Et je dirais que, sur la vente au détail, dont le premier ministre nous a entretenus tout à l'heure, il néglige de corriger pour l'inflation, c'est-à-dire que, en termes réels, ça n'a pas augmenté, la vente au détail au Québec depuis 24 mois. Malheureusement, les chiffres sont à cet effet-là.

Et, évidemment, malgré les succès récents, on n'a pas vraiment amélioré notre situation quant au chômage et certainement pas diminué suffisamment l'écart traditionnel qui existe entre le Québec et le reste du Canada au titre du taux de chômage. On peut réussir à baisser, à réduire cet écart. On a déjà réussi. Il y a des politiques qui permettent de le faire. Et ce qui est remarquable, c'est qu'à chaque fois... Enfin, les deux dernières fois qu'il y a eu neuf ou 10 années consécutives de gouvernement du Parti libéral du Québec, dont l'article 1 est davantage le développement économique que la Constitution ou le changement constitutionnel, bien, l'écart annuel moyen Québec versus le reste du Canada a été moins important. Donc, évidemment, il y a une prime à l'emploi, à mon sens, là, que de mettre en application de façon organisée des politiques de développement économique plutôt que d'envoyer beaucoup de statique et de décibels dans le système avec un discours sur la Constitution, la sécession, la souveraineté, un partenariat ou tout ce que vous voulez, de quelque source que ce soit, incidemment.

Donc, ce classement, il est regrettable. C'est un classement qui est regrettable d'autant plus que, lorsqu'on cherche les sources de correction de cette situation-là, on doit nécessairement regarder du côté de la fiscalité, de la réglementation, de la fiscalité des entreprises, de la fiscalité des particuliers, et là on s'attendrait à ce que ça fasse partie, ça, d'un programme de développement économique organisé que d'améliorer la situation et, donc, de réduire le fardeau fiscal des Québécois. Mais, malheureusement, les chiffres ne sont pas du tout à cet effet-là, et on a la double distinction, au Québec, lorsqu'on regarde les chiffres depuis deux ans, d'avoir atteint un niveau de fiscalité, autant pour les entreprises créatrices d'emplois que pour les individus eux-mêmes, le double privilège d'être l'endroit au Canada où le salaire net d'un individu, après impôts, s'il gagnait 25 000 $, est le plus bas.

Autrement dit, les ponctions fiscales sont plus élevées, à un salaire de 25 000 $, que partout ailleurs au Canada, et, en même temps, pour les entreprises qui voudraient embaucher quelqu'un à ce prix-là, 25 000 $, sur le T4, le relevé 1, on remarque que c'est au Québec que ça coûte le plus cher. C'est plus dispendieux pour toutes les charges sociales directes, indirectes et fiscales qui viennent alourdir la liste de paye, enfin ce qui, notamment, nous a incités, nous, dans notre formation politique, à adopter un programme politique où, au titre de la fiscalité, on doit chercher, on doit viser à abolir la taxe sur le capital et à diminuer les taxes sur la masse salariale afin de donner une chance à nos entreprises de concurrencer lorsqu'elles embauchent des gens qui sont de plus en plus mobiles et, donc, qui sont intéressés, d'une part, à garder leur salaire dans leurs poches. Et, deuxièmement, les entreprises aussi sont mobiles. Les gens sont susceptibles d'investir dans des endroits où ça coûte moins cher à l'entreprise d'embaucher quelqu'un à 25 000 $, sachant qu'il va lui en rester encore plus dans les poches.

Alors, on voit que c'est un double championnat, ça, qui nous fait mal, et on devrait s'attaquer à ça. La politique du gouvernement en matière de création d'emplois vise plutôt à partager le travail existant, à se partager le travail existant. On en avait une autre indication, là, tout à l'heure, lorsque la ministre à la Solidarité et à l'Emploi a déposé un projet de loi qui est relié au Régime de rentes, qui vise à faciliter les ententes à l'intérieur d'une entreprise - enfin, entre l'entreprise et ses employés - pour continuer à cotiser au Régime de rentes du Québec à même hauteur que si les gens étaient à temps plein même s'ils se retiraient en partie du marché du travail pour travailler quatre ou trois jours. C'est une augmentation de coûts, ça, en réalité et, encore une fois, supposément pour faire de la place à d'autres gens. On n'a pas créé un emploi de plus, là, on a divisé l'emploi qui reste entre deux, trois, quatre personnes, peu importe, et le résultat net de tout ça, c'est qu'il n'y a pas de richesse de plus.

Alors, si on ne peut pas regarder, depuis quelque temps, du côté de la fiscalité... Et, du côté de la déréglementation, j'y reviendrai, j'aurai l'occasion de le faire. Il y a eu des renversements de vapeur au gouvernement quant à, notamment, l'endroit où loger les responsabilités à donner au Secrétariat à la déréglementation qui s'est ramassé à un moment donné quelque part, dans le giron de la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce, en autant que je me souvienne qui est un poste qui était logé à l'Exécutif il y a plusieurs années et pendant plusieurs années. J'ai cru comprendre, après le Sommet, que ça avait été rapatrié, ça, au Conseil exécutif. Je salue la bonne décision et je déplore la mauvaise décision, évidemment, préalable qu'on avait vue. C'est important que ce signal-là soit donné que, donc, c'est au Conseil exécutif... ce travail-là.

Donc, on est en rattrapage puis on ne rattrape rien. Les chiffres sont là. Les politiques gouvernementales ont alourdi le fardeau fiscal des Québécois, le fardeau fiscal des entreprises. On n'est pas là non plus sur la carte du rattrapage à faire des gains au titre des investissements, que ce soit public ou privé. En réel, là, compte tenu de l'inflation. Il faut quand même tenir compte de l'inflation lorsqu'on se promène avec toutes sortes de chiffres un peu partout, comme le premier ministre l'a fait. Ce que ça m'indique, moi, c'est qu'il y a négligence de la part du gouvernement de s'occuper de la recherche de l'équilibre dans les finances publiques, ce qu'on partage, parce qu'on a adopté à l'unanimité une loi anti-déficit, une loi sur le respect des équilibres budgétaires. C'est que le gouvernement, du côté de la colonne des revenus, fait preuve de négligence ou d'incompétence, de manque d'attention, c'est le moins qu'on puisse dire.

Évidemment, on ne peut pas être en campagne électorale fédérale et s'occuper de l'emploi au Québec en même temps. Ça, je pense que les échanges qu'on a eus entre 14 heures et 15 heures, cet après-midi, visaient à démontrer que je ne partage absolument pas, je dirais, le point de vue du premier ministre qui considère que son poste devrait l'amener - pour ne pas dire l'autoriser, pour ne pas dire l'obliger - à se mêler de la campagne électorale fédérale. On n'a jamais vu ça au Québec depuis que Maurice Duplessis - encore la comparaison - en 1958, avait assez clairement indiqué à ses troupes, ses députés et ses ministres de se mêler activement de la campagne électorale fédérale. L'objectif n'était pas de jeter la confusion, la confrontation, la zizanie dans le Canada, dans le pays, l'idée, c'était de faire en sorte qu'il y ait davantage de Québécois, en l'occurrence du Parti conservateur, qui puissent avoir accès au pouvoir à la grandeur du Canada pour représenter, à l'intérieur du gouvernement canadien, les intérêts des Québécois. Ça fait 40 ans qu'on n'avait pas vu ça, de l'implication politique d'un premier ministre dans une campagne fédérale, comme le premier ministre actuel est en train de le faire.

Et ce n'est pas pour que le Québec ait davantage de pouvoirs dans un pays de 30 000 000, là, à l'évidence, que le premier ministre s'en mêle, c'est pour faire en sorte que le pays éclate et que les Québécois soient dorénavant des citoyens d'un pays de 7 000 000 plutôt que 30 000 000. Ça, c'est son choix. Il en parle de façon ondulante, je dirais - et ondulante dans le sens de fièvre ondulante, d'une fièvre qui vient et qui part selon les circonstances, selon le moment, selon les interlocuteurs - et le premier ministre n'a jamais, évidemment, retraité d'aucune façon. Il ne faudrait pas que les gens commencent à penser qu'il retraite sur l'objectif premier du Parti québécois qui est d'assurer la sécession du Québec du reste du Canada, mais, évidemment, il n'en parle pas toujours dans les mêmes termes.

(16 h 10)

Mais, à tout le moins, mon propos visait davantage à démontrer que, étant incapable de susciter des revenus, donc de créer de la richesse pour qu'on en arrive à un déficit zéro, le gouvernement s'est condamné à couper dans les dépenses pour payer nos dettes. C'est rare, ça. Demandez à une famille comment on se donne une marge de manoeuvre et qu'on paye ses dettes en dépensant moins. Je veux juste énoncer ça comme ça, parce qu'une des grandes difficultés que je trouve à discuter de finances publiques, c'est que c'est compliqué, hein, à sa face même. Il y a bien des gens qui font carrière - brillante, d'ailleurs - là-dedans qui tentent tant bien que mal d'expliquer aux élus comment ça marche pour vrai, parce qu'on a des décisions à prendre sur la base, quand même, de faits et qu'il faut comprendre un minimum de la façon dont ça fonctionne.

Mais ce n'est pas tout le monde qui est élu. Les gens ont bien d'autres choses à faire. Ils travaillent, ils s'occupent de leurs enfants, etc. Alors, ils n'ont pas le temps de s'attarder à savoir comment fonctionne la mécanique des finances publiques. Alors, j'essaie toujours de trouver une image qui est la plus réaliste possible, la plus exacte, la plus authentique possible, compte tenu du problème que je tente d'expliquer dans ces matières-là, et ce qui me frappe, c'est que le gouvernement s'est condamné, pour payer ses dettes, à dépenser moins. Or, il faut avoir plus de revenus si on veut être en mesure de rembourser nos dettes. Ça, c'est évident. Donc, la contribution du gouvernement à réduire l'écart budgétaire courant se limite, par la force des choses, compte tenu de l'absence de politique de développement économique et de création de richesse, à diminuer les dépenses publiques contrairement - et je tiens à le dire - aux engagements électoraux du Parti québécois en matière de santé et d'éducation.

Là, je comprends que le premier ministre va plaider qu'il n'était même pas candidat et que, peut-être, il ne songeait même pas à être membre du Parti québécois en septembre 1994, mais il s'est écrit et dit des choses assez extraordinaires en matière de santé. On déplorait, à l'époque - M. Parizeau le faisait - que ça coûtait 2 $ pour acheter des médicaments pour les personnes de 65 ans et plus. Il y a eu des annonces à la télévision. Ça a été un des moments forts de la campagne du PQ, à l'époque, de mettre le chapeau de l'insouciance à l'égard du sort des aînés, de notre insensibilité pour les personnes âgées, de l'inconséquence sociale d'un gouvernement qui chargeait deux piastres pour des ordonnances pour des personnes âgées. Deux piastres chaque, maximum 100 $ par année. Ce n'est pas exactement ça qu'on vit par les temps qui courent dans nos comtés et nulle part au Québec.

Même chose pour les listes d'attente à Sainte-Justine. C'était dans un discours que je qualifierais d'éploré et de théâtral que le prédécesseur du premier ministre a évoqué les listes d'attente à l'hôpital Sainte-Justine et, de façon générale, en chirurgie à la grandeur du Québec. Des engagements, le 23 juillet 1994, d'une fermeté pour régler ce problème-là qui ont laissé des traces, et les gens l'ont cru le temps que ça a duré. Ils avaient 45 jours pour l'accréditer, puis ça a l'air que ça a réussi. Mais là, enfin, on vit la réalité dont j'ai parlé, dont mes collègues ont parlé, que le premier ministre connaît et que j'ai moi-même vécue. J'ai moi-même vécu, à l'intérieur de ma famille, comme je l'évoquais en Chambre l'autre jour, les dédales et les attentes auxquels on doit s'attendre maintenant dans le milieu hospitalier pour des cas qu'on jugeait normaux et devant être traités rapidement il n'y a pas si longtemps et qui, aujourd'hui, sont en train de prendre tout un détour.

Donc, des engagements électoraux, des engagements dans le discours inaugural du premier ministre. Je pense bien qu'il se souvient de ce qu'il a dit quant à son engagement pour la santé et l'éducation, des discours qu'il a faits à Jonquière en février, je crois, lorsqu'il a été désigné comme candidat du Parti québécois dans ce comté qu'il représente depuis. Et, lorsqu'on ajoute engagement électoral par-dessus engagement inaugural, par-dessus engagement personnel du député de Jonquière, on est très, très loin. Dans la santé et l'éducation, on n'est vraiment pas là, et c'est évident que, compte tenu de l'incapacité de créer de la richesse, le gouvernement doit sabrer dans les services publics et manquer à des engagements solennels qu'il a contractés et, donc, détériorer de façon générale le climat d'accueil à l'investissement, la création de richesse, etc., sur lequel on a déjà pu compter, parce que, souvent, moi aussi, j'ai vu le premier ministre être obligé de toucher à ces choses-là davantage aujourd'hui, d'autant plus que je crois comprendre qu'il voyage et continuera à voyager, donc à pouvoir comparer la situation du Québec avec celle des autres.

Souvent, on disait: Bon, on est désavantagé. Notre fiscalité est très, très élevée comparée aux États-Unis, etc. Mais les gens qui savent compter pour vrai disent: Un instant, si je m'installe au Canada, en l'occurrence au Québec, quoi que ce soit, les soins de santé, ça, c'est une responsabilité publique. Ça, c'est un endroit dans le monde où on tient beaucoup à ce niveau, je dirais, de sensibilité, de sympathie aux difficultés que les gens peuvent éprouver dans leur vie ou aux malheurs que la vie réserve, en termes de santé, à bien des gens, à tout le monde, dans le fond, à un moment ou l'autre, et qu'on a pris ça en charge collectivement. 30 000 000 de personnes, dont 7 000 000 au Québec, paient pour des soins de santé. On n'est pas obligé de s'assurer séparément. Ça ne coûte pas des fortunes de primes de toutes natures. On n'est pas obligé de se battre contre l'assureur à temps plein quand on est malade puis qu'on se fait opérer. Alors, ça, c'est un climat d'accueil à l'endroit d'entreprises nord-américaines qui est très, très avantageux pour le Québec, et on est en train de laisser se détériorer ça.

En plus de ça, les gens qu'on tente d'attirer, les gens qu'on veut motiver, les Québécois qu'on veut motiver à chercher du travail, à conserver leur travail, à faire davantage, la classe moyenne, que ça soit la nôtre ou celle qui viendrait d'ailleurs s'installer ici, travailler, etc., est en train de passer à la caisse pas à peu près. L'augmentation des charges sur la classe moyenne, telle que définie par tout le monde - pas par le ministre des Finances pour qui il s'agit de gagner 14 000 $ quand on dit une personne seule ou 23 000 $, puis là on est dans la classe moyenne - personne ne comprend ça en Amérique du Nord, des chiffres comme ceux-là.

La réalité, c'est que c'est 55 957 $ de revenu moyen québécois d'une famille de deux adultes qui ont chacun un revenu de travail avec deux enfants. Qu'est-ce qui arrive donc à la tranche de revenus de 45 000 $, 47 000 $, 50 000 $, 52 000 $ de revenu familial - les deux revenus, les deux conjoints travaillent? Qu'est-ce qui arrive en réalité avec la réforme fiscale qu'on nous a annoncée en grande pompe pour dire que tout le monde bénéficiait de ça? Je ne sais pas qui en bénéficie vraiment, parce que la classe moyenne, c'est elle qui y passe, à la caisse. Dans le meilleur des cas, ça ne lui coûte rien et, dans beaucoup trop de cas, ça coûte quelque chose.

C'est vrai de la réforme fiscale qui pénalise la classe moyenne. C'est vrai, surtout, des effets de la politique familiale qui pénalise littéralement... Quand on se donne la peine de passer à travers les chiffres qui se retrouvent dans le discours sur le budget, dans les différents énoncés du gouvernement, dans les tableaux, etc., c'est que c'est un couple dont le conjoint reste à la maison, qui aura deux enfants d'ici cinq ans, qui va faire les frais de cette réforme-là à cause de la perte de certains avantages. On pourrait revenir tout à l'heure sur l'ensemble des gestes que le gouvernement a posés à l'endroit de la famille, mais la réalité, c'est que la conjugaison de la politique familiale nouveau genre et de la réforme de la fiscalité nouveau genre frappe de plein fouet la classe moyenne au Québec. Ça, c'est une réalité, et aucune société - en Amérique du Nord, en tout cas - ne peut se permettre ce luxe-là, parce que c'est ces gens-là qui constituent à peu près la moitié de nos contribuables, qui paient plus que la moitié des taxes. C'est sur ces gens-là qu'on doit se fier pour l'avenir, qui vont financer notre avenir. Il faut les aider davantage.

La troisième chose sur laquelle on reviendra, et le temps presse déjà... Ayant donc évoqué l'absence de politique économique réelle de la part du gouvernement, l'absence de priorités, je veux indiquer au premier ministre comment ça devient une priorité, ça. Ça devient une priorité, parce que, le mercredi, quand on rencontre son Conseil des ministres... C'est comme ça que, moi, je fonctionnais - d'autres fonctionnent autrement - je posais des questions quand les collègues arrivaient avec des mémoires puis des suggestions puis tout ça: Combien de jobs est-ce que ça a créé, votre affaire? Comment ça concourt à faire une administration publique plus efficace, plus efficiente? Comment ça concourt à ça? Et comment, finalement, est-ce que ça assure la promotion des intérêts du Québec? C'est trois questions qu'on peut poser dans les caucus. On peut poser ça à des porte-parole. On peut poser ça à des ministres lorsqu'ils se pointent. On peut insister que ça soit le mandat des différents comités ministériels, et ça, ça a l'avantage de faire en sorte que les gens mettent en foyer leur attention, je dirais, davantage sur cette priorité-là plutôt que sur je ne sais pas quoi. Le premier ministre nous dira exactement à quoi il s'attend de son gouvernement.

(16 h 20)

Alors, en définitive, s'il n'y a pas de politique de développement économique, il ne peut pas y avoir de création de richesse. Donc, ça condamne le gouvernement à augmenter les impôts puis à diminuer les services. Et, troisièmement, ça laisse, je dirais, en plan la prétention du premier ministre que zéro déficit courant ici, à Québec, plus zéro déficit courant au niveau canadien font en sorte qu'il y a zéro endettement, hein, que le 800 000 000 000 $ accumulé est disparu et que, parce qu'on n'a plus de déficit cette année, les dizaines de milliards accumulés n'existent plus, et on est plus obligé de payer pour. La réalité, c'est qu'on est obligé de payer pour, et, moi, j'aimerais que le premier ministre nous explique comment, dans un Québec séparé du reste du Canada, avec les ressources qu'on a, notre PIB, etc., il remplacerait le 10 000 000 000 $ qui manquerait. Zéro plus zéro, ça fait moins 10. Zéro plus zéro, ça ne fait pas zéro. Zéro déficit courant plus zéro déficit courant au niveau du Québec et du fédéral, ça ne laisse pas un solde de zéro à l'endettement global des Québécois, pour lequel ils devront continuer à payer. C'est aussi simple que ça, et le fédéralisme fiscal vise justement à équilibrer ces comptes-là.

Moi, j'aimerais savoir d'où vont venir les milliards, les milliards, les dizaines de milliards qui manqueraient, avant même de commencer à parler de diminution de l'emploi, des études que le Conseil exécutif a faites à l'occasion du référendum, etc., et qui démontrent des pertes d'emplois. On ne parle même pas des pertes d'emplois, là, puis des effets des pertes d'emplois - même pas des autres effets sur le commerce international auquel se livre le Québec - du projet sécessionniste du premier ministre. Alors, c'est un peu le genre de choses dont on pourrait discuter et les questions auxquelles on s'attend d'avoir des réponses, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le chef de l'opposition officielle. M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, j'aurai des remarques préliminaires sur un certain nombre de sujets. D'abord, je veux repartir, un peu, de la construction d'énoncés que nous a faite le premier ministre où il nous a parlé de sa politique sociale, ensuite de sa politique budgétaire. Et, finalement, on attendait tous, je pense, à la fin, la politique économique et on s'est aperçu qu'il y avait quelques balbutiements de suivi du Sommet plus théoriques que pratiques, mais que, en réalité, c'est là que le bât blesse, c'est l'absence d'une véritable politique économique de la part du gouvernement.

Alors, la politique sociale, il faut voir que le premier ministre inclut toutes sortes de choses là-dedans. La politique sociale, c'est l'assurance-médicaments qui est une façon pour l'État d'aller chercher 300 000 000 $. Dans d'autres provinces et dans d'autres pays, on appelle ça une taxe, une façon de venir chercher plus d'argent dans les poches des gens. À d'autres endroits, on appelle ça un impôt, une taxe. Des mesures comme ce qui est en train d'être fait en matière de politique familiale, je pense que, pour plusieurs familles du Québec, c'est considéré beaucoup davantage comme une imposition de l'État de ses choix. C'est considéré par beaucoup de parents du Québec aussi comme un choix de favoriser la CSN. Ça, c'est le suivi du Sommet auquel on a donné des réponses rapides: donner à la CSN ses nouveaux syndiqués dans les garderies, faire fermer des PME en termes de garderies privées, couper des services. Ces suivis-là du Sommet ont été rapides. Par exemple, prenez les projets du groupe Coutu, les projets concrets de création d'emplois, ceux-là sont tombés un peu dans une fente entre la terre et la lune. Ceux-là, on les a échappés, et ils n'apparaissent plus dans les suivis, mais il y en a qui sont apparus davantage.

Donc, c'est toute la vision de la politique sociale qu'on va devoir discuter avec le premier ministre. Est-ce que, pour lui, une politique sociale, ça veut dire que les gens qui ont une vision socialisante des choses sortent gagnants ou ça veut dire qu'on améliore la qualité de vie de notre population? Moi, quand on me dit qu'on va priver les familles d'un certain nombre de choix en matière de garderies, quand on me dit qu'on va priver les gens d'un éventail plus large de choix, qu'on va rétrécir leurs options, j'ai de la misère à voir comment, concrètement, on va améliorer leur qualité de vie. Quand le premier ministre nous dit qu'il va y avoir une aide accrue pour 23 % des familles financée à même les familles de la classe moyenne, c'est directement les familles de la classe moyenne à qui on enlève, les familles qui font un certain nombre de choix, par exemple les familles qui vont décider qu'un des conjoints travaille à partir de la maison par du télétravail ou les conjoints qui vont décider: Moi, je travaille de nuit et, toi, tu travailles de jour pour ne pas avoir besoin de garderie. Alors, c'est en pénalisant directement ces gens-là qu'on va aider un autre 23 %. Mais ce n'est pas une politique familiale, ça, je m'excuse, M. le Président. Alors, il faudra certainement revenir et voir quelle vision directement il y a derrière ce que le premier ministre appelle, lui, une politique sociale.

La politique économique, je l'ai dit tout à l'heure, je pense que tout le monde l'attendait. Le chômage est élevé, et, dans un contexte où partout ailleurs au Canada, en Amérique du Nord, il y a une poussée de croissance économique, on se demandait tous comment il se faisait que le Québec n'était pas capable d'accrocher son wagon minimalement à cette croissance économique, et il est évident que la vision du gouvernement du Québec, son peu de conviction dans l'entreprise privée, dans les PME du Québec était, à mon oeil, un des facteurs et que ça le demeure. Et, ça aussi, je veux aborder cette question-là avec le premier ministre: Ça va être quoi, la vision des entreprises privées de son gouvernement dans l'avenir? Parce que jamais le Parti québécois, dans son élection...

Bien sûr, il avait toutes sortes de discours et une affiliation avec les establishments syndicaux, mais jamais on n'a été clair sur le fait que plusieurs PME dans le domaine des services de garde, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la santé, que tout ce qui s'appelait, tout ce qui portait le nom de privé, tout ce qui était géré par des gens responsables qui ont investi de leurs poches pour rendre des services à la population, que ces gens-là allaient être ciblés, qu'ils allaient être dans la mire, que tout ce qui s'appelait «privé» allait être dans la mire du gouvernement durant son mandat. Alors, je pense que c'est important que le gouvernement du Québec soit plus clair à savoir si les entreprises privées sont appelées à demeurer des partenaires qui ont leur droit d'exister au Québec.

Quant à l'action du gouvernement en matière de politique économique, il faut regarder le feuilleton, M. le Président. Le feuilleton de cette session-ci est assez mince. Les suivis du Sommet sur les projets économiques comme tels se font attendre, toujours, pour la plupart. Il y a même des projets qui étaient acceptés au Sommet puis qui sont en train d'être «désacceptés», si vous me prêtez le terme. On a l'impression que, dans un certain nombre de cas, c'est plus grave. On a l'impression qu'il y a des ministres qui ne sont plus là. Demandez aux agriculteurs du Québec, à l'heure actuelle, s'ils ont l'impression qu'il y a quelqu'un quelque part, s'il y a un pilote dans l'avion, s'il y a quelqu'un qui les défend, qui les représente en matière d'agriculture, qui est un secteur important du développement économique de plusieurs régions du Québec. Alors, demandez aux agriculteurs s'ils sentent qu'il y a un pilote dans l'avion, et ils vont vous dire non. Ils vont dire: Au mieux, en se faisant entendre, on a réussi à ce que quelqu'un qui n'est pas dans notre dossier directement, mais indirectement se fasse taper sur les doigts. Mais celui qui est dans dossier directement n'est pas plus réveillé qu'il ne l'était l'avant-veille.

Et ça nous amène à nous poser la question - je l'ai déjà dit à un certain nombre de reprises publiquement - sur la nécessité, justement, d'avoir un gouvernement à temps plein. Moi, je regarde aller le ministre de l'Agriculture et j'ai hâte de savoir ce que le premier ministre a donné à son équipe ministérielle comme mandat, parce que, s'il a donné comme mandat au ministre de l'Agriculture d'être deux, trois jours à temps plein à faire campagne pour le Bloc québécois dans une élection fédérale, ce ne sera pas beau tout à l'heure. Et je pense qu'il y a plusieurs membres de l'équipe ministérielle... Dans le domaine des relations de travail, ça fait combien de temps qu'on attend après les décisions du ministre du Travail sur les articles 45 et 46 du Code du travail? Moi, j'ai fait des suggestions à ce chapitre-là, et le ministre attend, attend, reporte. Alors, il ne faudrait pas qu'on continue à reporter sur la base que, là, il y a plus important à faire, qu'il faut que tout le monde s'en aille faire campagne au niveau fédéral.

Et je ne suis pas en train de mettre en doute, M. le Président, la volonté ou l'opportunité que le premier ministre exprime son opinion, et, à la limite, on peut comprendre très bien qu'il n'est pas question de... Avec la philosophie que défend son parti et le programme que défend son parti, je pense que personne ne s'attend à ce qu'il appuie le Parti libéral du Canada, hein, c'est une évidence, et tout le monde s'attend à ce qu'il donne son opinion. La question est de savoir s'il est justifié, comme premier ministre et chef d'un gouvernement, qu'il mandate clairement les gens qui sont avec lui pour se soustraire un certain nombre de jours par semaine à leurs fonctions. Déjà, combien de fois on entend la difficulté qu'ont des gens d'affaires, des intervenants économiques à rencontrer la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce. Elle n'a pas toute l'autorité qu'il faut pour rencontrer les investisseurs, mais l'autre ministre, bien, lui, il a les Finances et il a tout le dossier économique entre les mains et il manque de temps. Alors, c'est difficile de rencontrer des intervenants économiques.

(16 h 30)

Alors, je mets tout ça dans la balance pour sensibiliser le premier ministre à l'importance qu'on ne retire pas en plus plusieurs jours ou quelques jours par semaine à l'équipe ministérielle pour gouverner le Québec. À mon avis, ce serait malheureux. Et j'espère aussi, dans le même ordre d'idées... Et je répète que je comprendrais que le premier ministre fasse valoir à la population du Québec ce qui est son point de vue et ce qui est son choix dans le cadre de cette élection fédérale là. J'ai plus de difficulté à saisir ce que j'ai entendu, les premières intentions qu'il manifestait pour la campagne. J'ai cru comprendre cela à la période de questions que, là, il a l'intention d'être un peu plus prudent, un peu par les soirs puis... Mais je n'ai pas compris la stratégie de cibler les comtés des chefs des partis fédéraux, de personnaliser le débat. C'est-à-dire que, comme premier ministre, il en fasse un débat d'idées, qu'il dise: «Mes convictions sont en faveur de la souveraineté. Il y a un parti fédéral qui va dans le même sens, j'y accorde donc mon appui, mon vote», c'est une chose. Que le premier ministre personnalise le débat en disant: Moi, là où je veux aller faire campagne prioritairement...

Parce qu'il s'agit d'une élection, hein, ce n'est pas un référendum. Ça dépasse le débat d'idées. Oui, il y a un débat d'idées, mais il y a aussi des gens qui ont à se faire élire. Que le premier ministre dise: «Moi, je vais personnaliser ça, je vais aller attaquer personnellement chacun des chefs dans son comté», peut-être qu'il pourra m'expliquer ça, mais, moi, ça ne me paraît pas être une évidence, parce que ces gens-là, bon, que ce soit le chef du Parti conservateur, le chef du Parti libéral fédéral, tout ce que je peux penser de bon et de pas bon sur ce qu'ils ont fait dans les dix dernières années, ces gens-là, ils sont appelés à être quelque part entre chef de l'opposition officielle ou d'une opposition ou premier ministre à Ottawa dépendamment du résultat du 2 juin, et, dans le contexte actuel, dans l'année qui vient, les deux, trois années qui viennent, bien, c'est des gens, si le premier ministre veut obtenir remboursement, comme l'ont obtenu les Maritimes pour l'harmonisation de la taxe de vente, bien, c'est le genre de personnes qui vont mettre de pressions. C'est le genre de personnes avec lesquelles, en tout cas, il me paraît que, dans le respect de divergences d'opinion qui peuvent survenir, la personnalisation, à leur endroit, du débat n'est pas un plus. Alors, peut-être que le premier ministre pourra m'expliquer en quoi, lui, il considère que c'est ça qui est l'essentiel, d'aller personnaliser le débat dans leur comté, mais, personnellement, ça me paraît être une orientation qui, de la part d'un premier ministre, du chef du gouvernement et de celui qui doit diriger les destinées de tous les Québécois, une orientation qui me paraît être surprenante.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Alors, M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, d'abord, je voudrais - j'espère, en tout cas - régler la question du zéro égale zéro. J'ai entendu le chef de l'opposition se livrer à des élucubrations arithmétiques assez intéressantes où il additionnait des pommes puis des oranges, puis ça finissait par des bananes. Il n'y avait rien à y comprendre. Rappelons ce que c'est qu'un déficit et rappelons ce que c'est qu'une dette, parce qu'il y a manifestement confusion dans l'esprit du chef de l'opposition. On peut comprendre pourquoi, à ce moment-là, il nous a amenés à un déficit record de 6 000 000 000 $ en 1994. Ça explique bien des choses. Il ne semble pas qu'il ait appris à compter depuis. En tout cas, la confusion est totale dans son esprit entre la dette et le déficit.

J'ai dit à plusieurs reprises - et c'est ce qui ne lui a pas plu - que, si le déficit du Québec est à zéro et que si le déficit du gouvernement fédéral est à zéro, que, le jour où les Québécois décideraient de rapatrier à Québec la totalité de leurs taxes et des responsabilités assumées par le gouvernement fédéral, à ce moment-là, les mêmes moyens consacrés aux mêmes niveaux de responsabilités feraient en sorte que, s'il n'y a pas de déficit à Ottawa puis qu'il n'y en a pas à Québec, bien, le total réuni, ça va être zéro déficit. Et ça, je doute fort qu'on puisse trouver des mathématiciens qui, malgré les formules les plus complexes, pourraient contredire cet énoncé qui me paraît fondamental. C'est une lapalissade: zéro, ça égale zéro. Mais le chef de l'opposition dit - et là il joue au sophiste en même temps: Oui, mais le premier ministre pense que, s'il y a zéro déficit à Ottawa, zéro déficit à Québec, ça veut dire zéro endettement. Je n'ai jamais dit ça de ma vie. Parce que, moi, je connais la distinction entre la dette puis le déficit. Je sais très bien que la dette, c'est l'accumulation de tous les déficits qu'on a faits au cours des années.

Alors, le travail que nous faisons présentement, c'est d'arrêter d'ajouter à la dette. La dette, elle est énorme, elle est effrayante, elle est inacceptable. Elle paralyse l'avenir du Québec, elle asphyxie la marge de manoeuvre du gouvernement. Il faut arrêter son renflement. Il faut au moins l'empêcher de s'amplifier, elle est déjà insupportable. Donc, cessons de l'accroître. Comment l'accroît-on? On l'accroît chaque année par des déficits, c'est-à-dire en dépensant plus que les revenus qui rentrent. Qu'est-ce que ça veut dire, donc, si on veut arrêter le déficit? Bien, ça veut dire qu'il faut travailler sur les dépenses. Et, là encore, j'ai entendu le chef de l'opposition nous faire un drôle de raisonnement, nous dire, c'est lui qui parle: Oui, mais quelle drôle d'affaire! Quelqu'un qui a des dettes essaie de les payer en dépensant moins, c'est ridicule. Bien, c'est ce que tout le monde fait. Quelqu'un qui dépense trop, il s'endette par le dépassement, chaque année, des dépenses en plus de ses revenus. Quels que soient nos revenus, si on dépense juste un peu plus que nos revenus, on finit par accumuler une dette énorme.

Alors, c'est le jugement que les Québécois eux-mêmes portent, parce que, là-dessus, ils appuient le gouvernement. On a vu les sondages, les deux tiers des Québécois interrogés là-dessus disent que, oui, il faut arriver au déficit zéro pour cesser de faire enfler la dette. Et, il y a peut-être une démonstration que je pourrais faire au chef de l'opposition, il va la comprendre, ne serait-ce que par la mémoire. En 1994-1995, quand il a présenté et déclenché l'application d'un budget qui s'est soldé, grâce à M. Parizeau, seulement à 6 000 000 000 $ - mais il était parti pour être au-dessus de 6 000 000 000 $ - quand il nous a créé un déficit de 6 000 000 000 $, qu'est-ce que ça veut dire? Oui, il a vanté M. Parizeau tantôt, M. le Président, et il a raison. C'est un gestionnaire absolument remarquable.

M. Johnson: Je n'ai pas dit ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: C'est ce que j'avais compris.

M. Johnson: Non, non. J'ai dit qu'il connaissait ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Bien, c'est déjà pas mal qu'il connaisse ça.

M. Johnson: Je n'ai pas dit qu'il pratiquait ça.

M. Bouchard: C'est mieux que quelqu'un qui ne sait pas la différence entre une dette et un déficit, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Non, non, mais on va y revenir.

M. Bouchard: Alors, l'année où le chef de l'opposition nous a laissé en cadeau ce déficit historique de 6 000 000 000 $, qu'est-ce que ça a voulu dire? Ça a voulu dire que, l'année d'après, quand M. Parizeau a dirigé le gouvernement, il a été obligé d'emprunter 500 000 000 $ de plus pour payer les intérêts que produisait cette dette additionnelle de 6 000 000 000 $ qui était ainsi créée par le déficit historique du chef de l'opposition. Alors, qu'est-ce que ça veut dire, un gouvernement qui, l'année d'après, a 500 000 000 $ de moins à dépenser parce qu'il paie 500 000 000 $ d'intérêts? Bien, ça veut dire que, cette année-là puis l'année d'après, il est toujours là, on le paie encore aujourd'hui le 500 000 000 $ par année. Ce 500 000 000 $ là, on le paie encore chaque année jusqu'à ce qu'on ait remboursé la dette. On sait qu'on ne la rembourse pas, la dette. On n'est pas capable de la rembourser. On la renouvelle, et là on est en train d'essayer de ne pas l'augmenter. Alors, c'est ça qu'on fait présentement. Les contribuables ont très bien compris ça, et je pense qu'on aurait intérêt à ce que le chef de l'opposition comprenne lui aussi. Je ne peux pas imaginer qu'on puisse prétendre aujourd'hui que la politique du gouvernement n'est pas responsable, puisque le gouvernement a décidé de gérer ses affaires de façon telle qu'on ne dépense pas plus qu'on gagne.

Ça ne veut pas dire qu'on renonce à gagner plus. Au contraire, la façon de gagner plus, la façon d'accroître les rentrées fiscales du fait de la relance de l'économie, c'est justement de contrôler les dépenses, de gérer. Quand, systématiquement, d'année en année, six années de suite, le régime libéral dont faisait partie le chef de l'opposition pour le diriger à la fin de la sixième année a systématiquement défoncé, en moyenne, de 1 000 000 000 $ par année les dépenses qu'il devait faire, qu'est-ce qui est arrivé? L'État du Québec a perdu la confiance de tout le monde. Nos prêteurs, les gens qui nous jugent, les gens de New York, de Zurich, de Tokyo, de partout qui regardent nos états financiers, ils ont dit: Mais qu'est-ce que c'est que ce gouvernement? Qu'est-ce que c'est que cet État qui, chaque année, défonce inconsidérément les dépenses prévues de 1 000 000 000 $? Alors, là, évidemment, on y goûte, hein?

Alors, voici que nous sommes, le gouvernement... On n'est pas miraculeux, et je ne pense pas qu'on fait des choses fantastiques. Moi, je pense que je fais simplement ce qu'un bon père de famille doit faire. C'est qu'on a trop dépensé. Il y a des gens qui ne savaient pas distinguer entre le déficit et la dette. Il y a des gens qui ne savaient pas compter. Il y a des gens qui se sont permis de dépenser 6 000 000 000 $ de plus qu'ils ont gagné une année électorale, et, maintenant, il faut mettre de l'ordre, et c'est ce qu'on fait. Et, pour la deuxième année consécutive, nous avons livré des budgets très durs, c'est vrai, mais qui ont fait en sorte que nous avons respecté nos engagements de dépenses. Ça fait deux années que le ministre des Finances et moi-même...

(16 h 40)

J'irai certainement bientôt à New York et je pourrai dire aux gens de New York, aux agences financières qui nous jugent impitoyablement à partir des chiffres: Écoutez, ça fait deux ans que les gestionnaires du Québec remplissent leurs obligations même s'ils se sont assigné un objectif extrêmement dur en réduisant les dépenses. Ça, M. le Président, moi, je suis fier de ça. Je suis en politique - on ne sait jamais quand ça va finir, d'ailleurs, en politique. C'est comme Mario Tremblay, ça finit n'importe quel temps - et, tant que je serai en politique, je me dirai: Il y a plusieurs objectifs quand on fait de la politique. L'un de mes objectifs, en tout cas - puis ce n'est pas le seul, mais il est important pour moi - c'est que, quoi qu'il arrive, je voudrais pouvoir dire qu'on a géré les finances du Québec correctement et en fonction des intérêts des jeunes qui poussent et de façon responsable. Facile? Non, ce n'est pas facile. C'est bien plus facile, à la veille d'une élection, comme en 1994, de dépenser 6 000 000 000 $ de plus que les rentrées d'impôts. Ça, c'est facile. Il n'y a pas beaucoup de manifs en face du parlement dans ce temps-là. Il y a juste des mains tendues et des gens qui demandent, et la réponse, c'est oui. De céder à tous les lobbys systématiquement comme on l'a fait si longtemps au Québec, ça prépare l'asphyxie des finances du Québec, ça rétrécit l'État du Québec, ça anémie la capacité de l'État de faire des choix et de prendre des décisions et d'agir en fonction de l'intérêt public.

Alors, moi, ma recette est simple, c'est la responsabilité, même si c'est dur, parce que je sais aussi que les Québécois se rendent bien compte de ce qui se passe. Ils trouvent ça dur, ils trouvent que c'est le temps que ça finisse le plus vite possible - j'espère qu'on va en sortir assez rapidement - mais ils savent, par exemple, qu'ils participent à l'effort qu'on fait, et je crois qu'ils sont fiers de l'effort qui se fait actuellement, parce que c'est aussi le leur, bien sûr. Puis ils sont fiers de ce que les employés du secteur public ont fait récemment quand ils ont accepté volontairement, par des signatures, en plein coeur d'une durée de convention collective, de signer des mesures qui ont diminué de 6 % la masse de main-d'oeuvre et qui vont nous permettre d'améliorer de 1 500 000 000 $, à peu près, les finances du Québec chaque année. Alors, ça, c'est la réponse à la question du déficit puis du zéro.

Pour ce qui est des charges sociales et fiscales, là-dessus, vous me trouverez tout à fait d'accord avec le chef de l'opposition. Elles sont trop lourdes, ces charges fiscales et ces charges sociales, et l'une des révélations que j'ai eues, moi, de façon très explicite et très immédiate, c'est quand on a dressé les comptes du Québec à la veille du Sommet du mois de mars, l'an dernier, à Québec, où on vu l'endettement du Québec et où on a vu la charge qui pesait sur le contribuable québécois, où on a vu à quel point les gens qui sont au Québec sont pénalisés comme contribuables par rapport à ceux qui sont en Ontario ou ailleurs. Et on sait très bien qu'il y a des conséquences à cela, c'est que l'investissement est plus difficile, et ça, ça nous met directement dans la discussion des politiques économiques du gouvernement. Bon.

Le gouvernement sait très bien que la meilleure façon de remettre les finances publiques à flot, c'est d'avoir de l'investissement et de créer de l'emploi, c'est évident. Mais le problème c'est que, pour créer de l'emploi et relancer le Québec, il faut mettre de l'ordre dans les finances publiques, parce que l'importance de la dette, l'importance du déficit, l'absence de contrôle de ceux qui nous ont précédés font en sorte que les investisseurs ont peur de venir au Québec quand ils regardent ça: Ah oui, mais dans quelle situation je vais me mettre? Je me mets en face d'un gouvernement qui est en désarroi, qui ne contrôle pas ses finances, qui va être obligé de m'imposer des taxes épouvantables. Alors, ça fait peur à l'investisseur, ça. Il faut donc redresser la situation, et c'est ce qu'on fait présentement.

Vous voyez, déjà les résultats sont bons. Déjà, les taux d'intérêt ont baissé. Pour la première fois depuis 30 ou 40 ans, on assiste à des taux d'intérêt qui ont du bon sens. On a contribué à ça, nous autres, le Québec. Je peux le dire parce que c'est le gouverneur même de la Banque du Canada qui, à Washington, il y a quelques mois, a reconnu que les efforts du Québec, et ceux de l'Ontario d'ailleurs, aidaient à faire baisser les taux d'intérêt. Donc, on améliore les conditions où l'investissement doit se faire et, en plus, on mobilise les décideurs politiques et économiques. Les sommets, c'est une façon de mobiliser tout le monde, d'avoir une même convergence, une même façon de voir les choses et de se donner des objectifs. On s'est fixé des objectifs de création d'emplois, de projets et de mesures que le gouvernement doit prendre pour améliorer la compétitivité de l'entreprise québécoise et faire en sorte que, éventuellement, on puisse baisser les impôts, en effet, et qu'on puisse attirer plus d'investissements pour qu'on vienne travailler ici et créer de l'emploi.

Alors, les engagements du Sommet. On a eu une réunion de suivi avec nos partenaires du monde syndical, du monde patronal, communautaire, municipal et autres vendredi dernier, on a fait le bilan à date et on est en cours d'exécution de nos engagements. Déjà, au plan des projets qui ont été annoncés, il y en a 53, 54 qui sont en voie de réalisation, sinon terminés. Il y a près de 8 000 emplois, là, qui se créent dans ces projets-là. Il y a un autre 4 000 emplois qui va être créé par la mise en place des politiques familiales, les maternelles, les écoles et ainsi de suite, les garderies, les embauches qui vont être requises. Et puis le gouvernement lui-même a livré sa marchandise. Neuf projets de loi directement reliés au Sommet ont été déposés. Nous avons réduit la semaine de travail de 44 à 40 heures.

Nous avons instauré un régime d'apprentissage. Ça, c'est de l'économie aussi. C'est peut-être même fondamental au point de vue de notre économie. Nous avons une main-d'oeuvre qui n'est pas suffisamment prête à relever les défis technologiques et nous sommes en train de réformer les méthodes et les systèmes de formation professionnelle pour faire en sorte qu'on rapproche l'école du travail, qu'il y ait des liens directs entre l'entreprise, l'usine et l'école, que les gens puissent faire des stages d'apprentissage, qu'on puisse enfin, au Québec, diplômer les professionnels et les techniques, ce qu'on n'a pas fait. C'est un véritable désastre. Nulle part dans le monde ça ne se compare à l'échec que nous avons eu de ce côté-là. Donc, la réforme de l'éducation, c'est une réforme qui a également des répercussions économiques et qui, même, s'inscrit directement dans le droit fil des défis que nous avons à relever afin de conquérir des marchés nouveaux.

L'exportation: un autre secteur où le gouvernement pousse. Toutes les politiques du gouvernement favorisent l'exportation, et nous sommes en train, au Québec, de faire des trouées remarquables. Puis l'exportation, on le constatera, elle réussit encore mieux du côté de la plus grande puissance économique du monde, les États-Unis, que du reste du Canada. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas travailler avec le Canada, on travaille très fort. Nous sommes à l'avant-garde des mesures de libéralisation du commerce avec les provinces canadiennes. Le Québec est partout en avant. On signe des accords avec ceux qui sont prêts, on en signe avec l'Ontario en particulier. Nous sommes en avant, on pousse tout le monde dans ce domaine-là. Mais, en plus, aux États-Unis, nous avons des succès remarquables. Depuis 1989, les exportations québécoises aux États-Unis ont augmenté de 84 %, un succès absolument extraordinaire qui est manifestement lié à la signature du traité de libre-échange avec les États-Unis et ensuite de l'ALENA, de sorte que nous créons les conditions de l'investissement et que nous recueillons les premiers fruits de cela.

Mais le chef de l'opposition se rappellera que les études récentes, notamment celle de la Banque de Montréal, démontrent que nous sortons de la pire récession, de la pire performance économique depuis la crise des années trente. Les années 1985 à 1995 - par hasard, les 10 années du dernier régime libéral - correspondent à la période de la pire performance économique du Québec depuis les années trente, depuis la grande dépression, puis c'est l'étude de la Banque Royale d'avril dernier - du début du mois d'avril - qui le signale. Et on voit que, tant au plan de la croissance, de la création d'emplois, de l'investissement privé, du budget et de la croissance des dépenses de l'État, c'est désastreux. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est la Banque Royale du Canada qui a analysé la performance de l'État du Québec qui était, à l'époque, dirigé par le gouvernement dont faisait partie le chef de l'opposition. Alors, les investissements ont chuté pendant six années consécutives: de 1989 à 1995.

Il est évident qu'on sort d'un trou et que, à ce moment-là, on a beaucoup d'efforts à faire. Et nous sommes en train de réussir, et le chef de l'opposition, avec raison, a salué avec beaucoup d'espoir les pronostics de l'étude Desjardins. En Chambre, tout à l'heure, il en faisait état. On annonce, pour plusieurs trimestres - ce sera certainement pour deux ans, dit-on - une relance de l'économie québécoise qui s'inscrit dans le prolongement de ce que nous constatons depuis près de six mois maintenant. Les mesures que nous prenons, l'effort, ça paie. C'est payant d'être responsable, c'est payant d'être rigoureux et c'est, je pense, la démonstration que nous faisons présentement. Puis je vous rappelle que, au plan de l'emploi, si ça continue comme ça... On va se croiser les doigts, ça ne peut pas continuer de façon aussi remarquable que cela, parce que, ce serait impossible, 25 % du Canada ne peut pas créer 70 % des emplois tout le temps.

Mais je vous rappelle qu'on a eu le courage de prendre un engagement que personne n'avait pris autrefois au Sommet: l'engagement de rattraper et même de dépasser si possible, d'ici trois ans, le taux moyen de création d'emplois du Canada. Et, présentement, depuis le Sommet, ça va. Et vous savez que l'écart est de 2 % depuis 25, 30 ans. L'écart de la création d'emplois et du taux de chômage, c'est 2 % avec le reste du Canada. Inacceptable! Est-ce que c'est structurel? Nous ne voulons pas nous résigner. Nous avons pris l'engagement, nous sommes donné des indicateurs qui ont été rendus publics. Des indicateurs qui ont été définis avec les partenaires économiques, communautaires et sociaux, qui vont permettre, à tous les trimestres, d'avoir le bulletin de santé de l'économie du Québec. Des indicateurs très élaborés, très objectifs qui vont permettre de porter un jugement sur les efforts du gouvernement, sur les efforts conjoints de notre société, et ça, c'est une chose que je trouve responsable, qui est transparente et qui va provoquer certainement une mobilisation, parce que nous sommes tous conviés, tous interpellés solidairement pour réussir à ce moment-là.

(16 h 50)

Alors, il y a eu d'autres interventions qui ont été faites, mais j'imagine qu'on les précisera davantage tout à l'heure. Je ne voudrais pas mobiliser tout le temps. Mais, sur l'économie, sur la question du déficit, sur la question de la politique budgétaire du gouvernement, je pense que nous sommes dans la bonne voie, dans la seule qui puisse s'emprunter. Et, tout à l'heure, si on a le temps, j'aimerais parler des services, mais je pense que mon temps est expiré. C'est ça?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il vous reste trois minutes.

M. Bouchard: Pour les services, en tout cas, on peut amorcer la réponse.

M. Johnson: Il reste trois heures. Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Non, mais on me dit que c'est 20 minutes, non?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Environ.

M. Bouchard: Alors, les services. Le chef de l'opposition a rappelé une vérité fondamentale, un élément qui nous distingue, comme société, de notre grand voisin du côté de la frontière américaine et qui, d'ailleurs, à ce point de vue, nous rapproche du Canada anglais. C'est une valeur que nous partageons avec l'ensemble canadien que de nous doter de programmes sociaux, de services publics qui sont un grand sujet de fierté et un moyen remarquable de provoquer et de maintenir une qualité de vie qui a peu de correspondantes dans le monde, même dans le monde industrialisé. Alors, notre régime d'éducation, celui qui a été mis en place durant les années soixante, n'est pas parfait, mais c'est un régime démocratique, c'est un régime qui ouvre toutes les portes, et il ne faut pas être très âgé pour se rappeler que - et les gens de mon âge le savent très bien - quand on était jeune, il y avait des gens qui pouvaient se faire instruire puis d'autres qui ne pouvaient pas. Il y en a qui pouvaient aller au collège classique puis il y en a qui ne pouvaient pas. Et, en plus, quand on était malade, dans une famille, quand la maladie frappait - d'abord, c'est toujours un désastre que la maladie, c'est une grande épreuve personnelle - ça avait, en plus, une connotation financière impossible, c'est que c'était souvent la faillite. Que la mère, ou le père, ou un enfant soit malade pendant un mois à l'hôpital, on savait que c'était le désastre.

Alors, on part de loin. Nous, au Québec, on s'est donné des moyens solidaires et collectifs d'assumer tout ça, puis c'est vrai que ce sont des grandes victoires. Et c'est un engagement profond de tous les partis, de tout le monde chez nous. C'est une grande valeur à laquelle, moi, je suis également totalement dévoué. Il faut maintenir ces programmes sociaux. Il faut maintenir notre régime d'éducation. Il faut maintenir nos soins de santé. Il faut maintenir l'aide sociale. Il faut qu'on s'occupe de l'enfance. Il faut qu'on accepte de se partager l'effort. On parle des niveaux fiscaux, ils sont élevés, mais il y a des répercussions positives à plusieurs égards, et, à ce point de vue-là, le gouvernement est engagé fermement de ce côté-là.

Pourquoi le gouvernement, donc, a-t-il engagé la réforme de la santé? Ce n'était pas pour détériorer le régime de santé, mais pour l'améliorer. C'était pour faire quelque chose qui a longtemps tardé, qui faisait qu'on était en train de se retrouver en arrière des autres parce que notre système de santé n'était pas ajusté aux réalités modernes, n'était pas conforme aux standards américains, en particulier, et qu'on était en train de reculer. Donc, depuis déjà plusieurs années, on savait qu'il fallait faire cette réforme-là. On le savait depuis, entre autres, la commission Rochon. Par un heureux hasard, celui qui a présidé la grande commission dans les années 1985, je crois, qui a abouti à ces conclusions, c'est la même personne - c'est une chance que nous avons tous comme société - qui est ministre maintenant et qui exécute cette réforme. Jean Rochon, c'est le deuxième Castonguay du Québec. Et le ministre de la santé actuel, c'est la version moderne de M. Castonguay. Il s'est trouvé que, justement, le grand patrimoine collectif que nous avons mis en place dans les soins de santé au début des années soixante-dix, c'était après une commission d'étude qui avait été présidée par M. Castonguay et M. Nepveu, et, M. Bourassa, ensuite, a amené M. Castonguay au gouvernement comme ministre de la santé pour mettre la réforme en vigueur. C'est à lui, donc, qu'on doit l'assurance-maladie. Bon.

Vingt ans après ou 25 ans après, c'est Jean Rochon, un élève de M. Castonguay, qui, lui-même, a présidé la grande commission des années 1985 pour conclure qu'il fallait absolument ajuster notre système de santé, que ça pressait, qu'on était en train de prendre du retard, qui, aujourd'hui, est ministre et qui la fait. Il aurait fallu qu'on la fasse avant, parce que le rapport avait été déposé au gouvernement libéral bien avant que le PQ soit élu. C'est certainement au milieu des années 1986-1987 que le gouvernement libéral a su par le rapport de la commission Rochon qu'il fallait mettre la réforme en vigueur. C'est tellement vrai qu'il l'a su qu'il a voulu la faire et qu'il a mandaté son ministre de la santé de l'époque - je peux le nommer, il n'est plus député - M. Marc-Yvan Côté, d'entreprendre la réforme. Et M. Côté est parti pour faire la réforme. Difficile à faire, compliqué. Et, devant les premières difficultés, le gouvernement dont faisait partie l'actuel chef de l'opposition a répudié son ministre de la santé et a mis la réforme sur les tablettes, si bien qu'on a perdu encore toutes ces années, qu'on a pris encore plus de retard et que, maintenant, il échoit encore au gouvernement du Parti québécois, grâce à Jean Rochon qui est là, en particulier, de faire la réforme.

Alors, cette réforme, elle va améliorer la qualité des services de santé au Québec, elle va permettre d'en assurer le financement et elle va permettre de l'harmoniser avec les standards internationaux les plus élevés comme ceux des Américains. On nous parle de problèmes qui surviennent, certains réels, certains imaginaires qui, parfois, enfin, frisent la démagogie, en tout cas, la tentation de la démagogie. Quand on nous a dit à l'Assemblée nationale qu'il y avait un très grand hôpital de Montréal, qui a une grande renommée internationale, qui était sale - en tout cas, etc., vous savez ce qu'on a dit à la Chambre - et puis que, ensuite, les gens sont allés vérifier puis que ce n'était pas vrai... Vous savez que c'était complètement faux. Il y a eu des affirmations, là, vraiment... Bon, elles ont été faites de bonne foi, sans doute, mais c'est dangereux de dire des choses comme ça, parce que la santé, c'est important pour les gens. C'est facile de fragiliser les gens dans le domaine de la santé, de penser que l'hôpital ne pourra pas les soigner, que les hôpitaux sont rendus sales, qu'il n'y a plus personne pour balayer, que les cochonneries traînent partout. C'est dangereux, ça. Il y a une responsabilité là-dedans qu'il faut assumer. Il s'est trouvé que ce n'était pas vrai, puis, maintenant, tout le monde le sait.

Alors, des choses réelles, oui. Il y a des listes d'attente, entre autres la chirurgie. Bon, ce qu'il faut quand même rappeler, c'est que, quand le gouvernement du Parti québécois a pris le pouvoir en 1994, il n'avait aucun moyen de savoir combien de personnes attendaient des opérations. Il n'y avait pas de registre, il n'y avait pas d'inventaire. Il y avait peut-être des estimés à peu près, mais il n'y avait d'inventaire systématique. Peut-être que ça faisait l'affaire des dirigeants politiques de l'époque, mais il n'y en avait pas. Il n'y avait pas de moyen scientifique. Alors, ça, c'est des mérites du ministre actuel d'avoir mis au point un fichier, un registre où sont notés... Il y a un inventaire, donc, qu'on peut consulter pour permettre de mesurer ce qui se passe.

Qu'est-ce qui arrive? C'est que, en septembre 1995, il est apparu que, lorsqu'on a pris le fichier, une photographie a montré qu'il y avait comme 84 000 personnes en attente. Et puis, ensuite, grâce au travail de la réforme du virage ambulatoire, ça a baissé, en juin 1996, à 68 000. Et puis là ils ont fait une vérification pour voir qu'il y avait des cas qui n'étaient pas véritablement des cas d'attente, et ça a baissé à 68 000, oui. Puis ils ont continué à travailler, et là, maintenant, les derniers chiffres qu'on a eus ici, c'est 42 000. Bon. Mais le ministre m'a informé qu'il fallait faire attention, que le 42 000 n'était pas le chiffre définitif. Non, non, ça pouvait être un peu plus, un peu moins. C'est le chiffre brut. On est en train, présentement, de valider les chiffres, mais 42 000, c'est le chiffre qui a été mentionné aux crédits de la santé, je crois. D'ailleurs, on en saura davantage au cours des prochaines journées parce qu'on valide tout ça.

Mais ce qu'il faut savoir cependant, c'est qu'il y a une bonne partie de ces attentes qui sont des attentes de nature ambulatoire, chirurgies d'un jour, peut-être même la moitié, croit-on, et il faut bien savoir que, au Québec, il se fait de 8 000 à 10 000 opérations par semaine. Ce n'est pas des attentes qui stagnent, là, la roue tourne. Alors, on a un système qui fonctionne. On en a un des meilleurs au monde, hein? Il n'est pas parfait, mais, sachant que la moitié de ça est de nature ambulatoire, chirurgies d'un jour, dans le budget, on a prévu 170 000 000 $ pour prévoir des équipements puis des installations qui vont nous permettre d'améliorer encore le niveau des attentes qui était probablement supérieur - mais je ne veux pas engager de débat là-dessus - à l'époque des régimes qui nous ont précédés. Donc, on travaille, on est à l'écoute et on est très conscient que c'est très important. Nous savons que c'est une grande responsabilité qui est la nôtre, et vous pouvez être certains qu'on va s'en acquitter.


Discussion générale

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Merci, M. le Président. Alors, évidemment, sur les dernières paroles du premier ministre, j'en conclus donc que les chiffres qui étaient garrochés dans le paysage par son prédécesseur pendant la campagne électorale de 1994 étaient des faux chiffres, si je comprends bien et, bon, je le remercie de faire le correctif même à deux années et demie de distance.

Ceci étant dit, il y a peut-être trois choses dont je voudrais parler: les finances publiques et le fédéralisme fiscal, parce que le premier ministre a prouvé par sa réponse que j'avais raison de dire que c'est difficile à expliquer, ces affaires-là et peut-être difficile à comprendre aussi, puis que ça prend beaucoup d'experts et de collaborateurs qui nous entretiennent de tous les éléments, parce que tout se tient dans le fédéralisme fiscal, à un point tel que zéro déficit courant plus zéro déficit courant, ça ne peut faire zéro dans un Québec séparé du reste du Canada, puis ça me faire un plaisir d'expliquer au premier ministre pourquoi.

(17 heures)

Deuxièmement, j'aimerais distribuer aux membres de la commission, avec la permission de la présidence et des membres de la commission, quelques tableaux qui illustrent avec un peu plus de détails que ce que j'ai simplement évoqué, là, la hausse du fardeau fiscal des Québécois depuis les derniers budgets, celui de M. Campeau, le député de Crémazie, d'une part, et ceux du député de Verchères pour les deux dernières années. De même que des tableaux qui indiquent spécifiquement comment la classe moyenne est en train de passer à la caisse et, à l'égard des dépenses publiques, des tableaux qui chiffrent le manque à dépenser, en réalité, dans le système de santé que le premier ministre vient d'évoquer. Un système de santé dont il se dit fier, comme tout le monde, qui est le meilleur au monde. Puis, si c'est le meilleur au monde, il est en train de le changer pour dépenser moins, alors qu'on dépense déjà moins que les autres. Alors, ça, c'est un autre aspect de la logique du premier ministre que je ne comprends pas.

Et je vais lui parler de la campagne fédérale aussi. Je suis heureux de voir que notre préoccupation a fait des petits auprès du député de Rivière-du-Loup qui en a parlé largement et je pense qu'on ne sera jamais assez nombreux à dénoncer l'attitude du premier ministre et son vocabulaire et je vais y revenir. Il faut vraiment qu'il nous explique pourquoi il se comporte comme ça sur des tribunes fédérales - il l'a déjà fait à l'occasion du référendum, évidemment - et pourquoi il a une attitude comme celle-là lorsqu'il se mêle de politique fédérale.


Coûts de transition de l'accession du Québec à la souveraineté

Quant au premier élément sur le fédéralisme fiscal, le morceau qui manque dans le raisonnement du premier ministre, c'est celui qui a trait à tous les paiements de transfert, la péréquation notamment, qui sont le propre de la redistribution de la richesse au Canada. Si le Québec était séparé du reste du Canada mais avait atteint un déficit zéro - pas juste des opérations courantes, déficit zéro - et que, pendant ce temps-là, le gouvernement fédéral aussi avait atteint un déficit zéro, si on peut admettre que ce zéro-là plus ce zéro-là, pour le même niveau réel de dépenses, ne créeraient pas de déficit au Québec, on oublie commodément... Et ça, je le dis, M. Parizeau, lui, au moins, il savait que ça n'avait pas de bon sens de dire une chose comme ça. Alors, il était trop vulnérable parce qu'il connaissait ça depuis 30 ans. Il ne disait pas ça. Mais ce qui m'étonne du ministre des Finances, c'est que, lui, il utilise la phrase et qu'il se vante souvent qu'il a enseigné l'économie en espagnol, en français et en anglais dans trois pays, ou je ne sais quoi. Et le premier ministre, lui, n'a jamais eu la prétention de dire qu'il avait enseigné ça aux autres, lui, comme son prédécesseur et comme le ministre des Finances actuel.

Dans le déficit zéro du gouvernement du Québec, il y a un poste qui s'appelle, dans les revenus, les transferts du fédéral, notamment au titre de la péréquation. Ce n'est pas tout le monde qui en reçoit. Ce sont les provinces dont l'assiette fiscale, calculée d'après le rendement d'une quarantaine d'impôts différents, est en deçà d'une moyenne dite canadienne - pas la moyenne canadienne, mais la moyenne de certaines provinces - à l'égard desquelles on se mesure. Donc, on en reçoit ou on n'en reçoit pas selon qu'on est en bas ou en haut de la ligne. On est en bas de la ligne. Il y a sept provinces en bas de la ligne et il y en a trois en haut. On est parmi les récipiendaires. Le lendemain matin de la séparation, là, tu ne comptes plus là-dessus. Ce n'est pas vrai que l'Alberta ou le gouvernement du reste du Canada va commencer à nous faire des chèques d'aide extérieure. Ils ne nous traiteront pas au titre de... L'ACDI ne s'occupera pas de nous autres. On «peut-u» penser ça, là? On ne peut pas compter là-dessus. Ça, c'est un bout qui manque.

Deuxième bout - parce que c'est un tout, ça - notre portion de l'endettement. Alors, là, il y a une question d'éthique politique à l'endroit de futurs voisins. Dans l'esprit du premier ministre, de futurs partenaires. La question de l'endettement doit être réglée. Soit qu'on prend la dette au niveau des services qu'on a reçus tout ce temps-là en raison de l'endettement du Canada, auquel cas ça risque d'être pas mal plus que notre portion du produit intérieur brut canadien, notre part de la richesse collective. Ça, c'est évident. Il va en manquer un bout là aussi. Alors, il manque le fédéralisme fiscal comme tel, et, à moins de décider qu'on ne paie de l'endettement canadien dont on hérite que la part qu'on veut bien payer compte tenu de nos moyens, bien, là, c'est le monde à l'envers. Et là, si vous pensez que vous allez avoir un partenariat avec du monde à qui vous garrochez du sable dans la face comme ça, ça n'a pas de bon sens. Les pays soi-disant civilisés ne peuvent pas se traiter de même, c'est impossible. Jusque les rapports de force qu'on fait valoir, là. On me l'expliquera.

Donc, zéro plus zéro, ça ne fait pas zéro, il en manque. Nous, on prétend qu'il manque à peu près 10 000 000 000 $. On n'a même pas encore parlé des études de pertes d'emplois, 92 000 emplois, que les cartons du Conseil exécutif connaissent. Les études dites Le Hir, etc. et plusieurs autres évaluent à une centaine de milliers d'emplois la perte d'emplois consécutive au bris du lien fédéral. Alors, ce n'est pas rien, là. Alors, zéro plus zéro, ça ne fait pas zéro, je regrette. Je regrette, ça ne fait pas zéro, c'est impossible. Les chiffres sont là pour le démontrer.


Déficit budgétaire

Deuxièmement, du côté du fardeau fiscal des Québécois, du côté des dépenses, etc., j'en profite pour souligner au premier ministre qu'il aurait intérêt à lire La Presse du 14 novembre 1995. C'est un bel effort de vulgarisation de M. Claude Picher sur la feuille de route de nos ministres des Finances, Québec et Canada, depuis 1970, et, lui, il retient la seule vraie mesure, dans le fond, que n'importe qui, dans la vraie vie, retient: Est-ce que je peux m'endetter, ne pas m'endetter? C'est quoi, mon salaire? C'est quoi, ma richesse? Quelle sorte d'actif est-ce que j'ai en garantie? Évidemment, en Europe, on est en train de dire: Bien, si on est sérieux, il ne faut pas s'endetter à plus haut que 3 % du PIB. Les champions toutes catégories, au Québec, de Mario Beaulieu - imaginez-vous, en 1970 - à nos jours sont, d'une part, le prédécesseur du premier ministre actuel, donc M. Parizeau, et son ami candidat bloquiste et député putatif du comté de Saint-Maurice, Yves Duhaime, le champion toutes catégories de l'endettement compte tenu du produit intérieur brut québécois.

Alors, on hérite de ça, comme le premier ministre, lorsqu'il était ministre conservateur, après avoir clamé haut et fort - mais ça, c'est presque un aparté, je ne peux pas résister - avoir dit combien il était fier d'être Canadien lorsqu'il était ambassadeur du Canada à voir l'envie qui se lisait dans les yeux de ses interlocuteurs lorsqu'il se promenait sur le circuit diplomatique à Paris... Fermez la parenthèse. Il n'en reste pas moins qu'il a été membre d'un gouvernement qui a tenté exactement la même chose, avec le même résultat que le...

M. Bouchard: Je vous ai manqué, là.

M. Johnson: Ça va. Lorsque le premier ministre était ministre conservateur à Ottawa...

M. Bouchard: Ah! vous parlez de moi, là. O.K.

M. Johnson: ...il faisait partie d'un gouvernement qui avait le même défi que le gouvernement du Parti libéral du Québec à Québec, de voir comment ça s'était gonflé de façon... Un endettement accumulé, cumulatif galopant, comment tu casses ça? En combien d'années tu peux le casser? Ça, c'est l'autre question. Il faut atteindre au moins un surplus dans le budget des opérations courantes. Autrement dit, il faut trouver le moyen - et ce n'est pas facile, ça - de dépenser moins en services publics que ce que les gens paient en impôts. Il faut dépenser moins en programmes de toutes natures pour en consacrer une partie de ces revenus courants là au service de la dette. Au lieu d'emprunter pour payer la dette, je veux dire, non seulement on va emprunter moins, on va payer une partie de la dette et on va taxer aussi, là, et on va donner moins de services aux gens, faire des sacrifices. Le premier ministre a été membre d'un gouvernement qui a fait ça pendant sept ou huit ans.

Et ça aussi, M. Picher l'indique, c'est assez intéressant, et je m'étais permis de faire plusieurs interventions en 1992 comme président du Conseil du trésor pour expliquer cette dynamique-là. Et on retrouve dans Vivre selon nos moyens un tas de tableaux qui indiquent que les gens ont fait beaucoup, beaucoup de sacrifices. À recevoir pour 1,25 $ de services pendant 10 ou 15 ans en payant 1 $ d'impôts, le jour vient où il faut que tu reçoives juste 0,85 $ de services du gouvernement même si tu continues à payer 1 $ d'impôts, parce que le 0,15 $, il faut qu'il aille quelque part pour payer l'accumulation des 0,25 $ qu'on a empruntés préalablement. Mais ça, ça prend beaucoup, beaucoup de temps et, dans Vivre selon nos moyens ... Enfin, la série statistique - là, je demande au premier ministre de consulter ses collaborateurs - démontre les efforts que, autant au fédéral qu'à Québec, les gouvernements, de 1985 à 1995, ont pu déployer pour en arriver là.

(17 h 10)

Il y avait une autre chose, par exemple, c'est que le gouvernement conservateur et le gouvernement du Parti libéral du Québec trouvaient le moyen, eux, de créer de l'emploi, et, lorsqu'on regarde les séries budgétaires - on va déposer ça aussi - de 1975 à nos jours, de 1970 à nos jours, même, on voit que, s'il y avait des écarts, c'était l'effet net, pas de défoncer de 1 000 000 000 $ les dépenses... Ça, ce n'est jamais arrivé. Ce n'est pas vrai, ce que le premier ministre a dit tout à l'heure, que ses prédécesseurs défonçaient régulièrement de 1 000 000 000 $ les prévisions de dépenses. C'est totalement faux. Mais, comme d'autres, il y a eu des récessions, alors, des fois, les revenus manquent aussi, hein? Mais, la plupart du temps, c'est une combinaison des deux. Il faut voir qu'il y avait une croissance des revenus grâce non pas à la fiscalité, mais à la création d'emplois. Ça, ça permet de limiter les dégâts du côté de la détérioration des services publics, et c'est ce qui manque aujourd'hui. C'est ce qui manque. Les séries de chiffres qu'on a montrent que le gouvernement, pour aller chercher des revenus, ne peut pas compter sur la création d'emplois, mais sur l'augmentation du fardeau fiscal, et, évidemment, là on retombe dans les vieilles ornières de son prédécesseur et de son ami de Saint-Maurice. Mais je parle du bloquiste, évidemment, là. Alors, il est bien évident qu'on doit...

M. Bouchard: C'est votre ami à vous.

M. Johnson: C'est impératif que le premier ministre...

M. Bouchard: ...amis à Saint-Maurice. Il y a le vôtre puis il y a le mien.

M. Johnson: C'est impératif...

Des voix: Ha, ha, ha!


Taux de chômage élevé chez les jeunes

M. Johnson: Le premier ministre doit nous dire comment il approche sa journée, sa semaine, son mois à la tête du gouvernement. Le député de Rivière-du-Loup s'est fait l'écho de certaines de préoccupations qu'on a exprimées ici, ce matin, avec le ministre responsable du dossier jeunes. Il les a reprises avec raison. Je répète qu'on ne sera jamais trop à dénoncer l'absence d'engagement du gouvernement au titre de l'emploi chez les jeunes. La détérioration est encore plus marquée chez les jeunes, avec l'impact social que ça représente et dont j'ai entretenu le collègue du premier ministre ce matin.

Député depuis assez longtemps pour avoir vu des familles qui avaient des enfants d'âge scolaire, primaire, là, quand j'ai été élu la première fois, voir 16 ans plus tard ces enfants-là qui ont 23, 24, 25 ans, qui n'ont même pas l'autonomie de ne pas vivre à la maison, qui sont encore comme s'ils avaient 13 ans pour demander de l'argent à leurs parents, c'est épouvantable. Ça n'a pas de bon sens. Et ils sont formés, là, hein? ils sont allés à l'école. Le désespoir de ces enfants-là se transfère sur leurs parents qui nourrissaient de grands projets pour eux il y a 15 ans. Et ils sont encore à la maison et ils ont l'âge où, il n'y a pas si longtemps, il y a une génération à peu près, on fondait une famille, etc. Bien, ils sont encore à la maison. Et ils sont l'exemple vivant, pour les enfants qui ont 15, 16, 17 ans, les plus jeunes, que ça ne donne pas grand-chose d'aller à l'école. C'est dramatique. Il faut donc que le premier ministre et que tout le gouvernement, lorsqu'ils se réunissent, tous les mercredis puis tous les jours, se demandent comment chacun de leurs gestes va dans le sens d'améliorer le sort de ces familles-là, d'améliorer les perspectives d'emploi, d'améliorer, évidemment, le fonctionnement de l'État, d'alléger son poids sur les citoyens, de donner une plus grande mesure de liberté à nos concitoyens, aux familles québécoises.


Politique familiale

Et avec raison on en a parlé ce matin - et ça a été repris - de la politique familiale à l'égard, par exemple, des garderies, maternelles, etc., du modèle unique où il semble que ce qui divise les membres du gouvernement, c'est la vitesse à laquelle on nationalise et socialise les garderies au Québec. Le seul ralentissement apparent que la ministre de l'Éducation a confié il y a quelques jours en commission parlementaire ou je ne sais trop où est attribuable au fait que c'est avec improvisation que tout ce dossier-là a été amené, et que, finalement, il n'y aura pas assez de places pour tout le monde là où ils pensaient qu'il y en aurait ou là où les papiers disent qu'il devrait y en avoir, et que, bon, bien, les garderies privées vont peut-être exister un peu plus longtemps pour combler un vrai besoin parce que, du côté du gouvernement, on n'est pas encore prêt assez rapidement avec l'organisation, la structure, la réglementation, l'Office des services de garde et la CSN, je présume, partenaire permanent du gouvernement à tous égards, d'accueillir soi-disant à 5 $ par jour, à condition que ce soit juste de neuf à cinq du lundi au vendredi - ce qui est à peu près l'horaire de travail d'un peu moins de la moitié, incidemment, des femmes québécoises - d'accueillir, donc, leurs enfants dans les garderies sans but lucratif syndiquées mur à mur CSN.

Et il y a en a d'autres qui remplissent des besoins aujourd'hui, et on reconnaissait depuis 10 ans, chose certaine, cette réalité-là, ce choix-là que les parents doivent avoir, donc, de faire garder leurs enfants où bon leur semble, dans l'encadrement qu'ils souhaitent, etc. Puis on reconnaît ça, ce choix-là, et on donne un reçu, un crédit d'impôt, etc., pour garde d'enfants, et les parents sont libres. Aujourd'hui - et les tableaux sont là - la politique familiale a été remaniée de telle sorte que ce sont justement les familles dont un des conjoints demeure à la maison puis qui ont un enfant - c'est 30 % des familles, ça, au Québec - qui paient. Ce sont elles qui paient pour que la CSN se refasse le plein un petit peu, là, de membres de son syndicat étant donné que la FAS est décimée dans les hôpitaux. Le 1er juillet, ça va être pire.


Départs à la retraite dans le secteur de la santé

Ça va être intéressant, ça, le débat sur la santé, on va en reparler. Le premier ministre nous en parlera de comment il envisage, s'il y a sept, huit personnes sur 10 dans une unité chirurgicale spécialisée qui prennent leur retraite le 1er juillet grâce aux mesures extraordinaires que le gouvernement a mises sur pied, comprends-tu, avec la complicité du leadership de la CSN... Comment peut-on s'attendre à remplir les vrais besoins? Et comment alléger l'inquiétude des Québécois qui sont sur les listes d'attente quand il faut reformer des équipes complètes de chirurgie spécialisée dans certains hôpitaux? Ça ne peut pas marcher, ça.

C'est Saint-Jérôme que je connais un peu le mieux. La fille d'un collègue, de quelqu'un que je connais bien, en tout cas, est la conjointe du candidat malheureux, évidemment, dans Prévost. Ils connaissent très, très bien l'hôpital de Saint-Jérôme. Le ministre de la Santé ira voir. Il veut toujours savoir c'est quoi, le numéro d'assurance sociale des cas qu'on lui soumet, on va le lui donner. Mais il y a 70 % des effectifs des unités chirurgicales au bloc opératoire qui vont quitter en juillet. C'est une réalité, ça. Alors, reformer du personnel, etc., recréer un esprit d'équipe, se battre, évidemment, avec les listes d'ancienneté... Puis j'ai vécu, moi, au Trésor, des négos où le poste n'était accessible, par exemple, en chirurgie cardiaque que sur une base d'ancienneté. Donc, il fallait se battre à chaque fois pour ne pas que ce soient des gens spécialisés en pédiatrie ou en néphrologie qui se ramassent en cardiologie sous prétexte que ça fait une année de plus que leur voisine, ou que leur voisin, ou collègue de travail qu'ils sont sur place.

Et ça, incidemment, j'évoque encore une parenthèse, un des aspects de l'assouplissement des règles de travail sur lequel le gouvernement a tout lâché dans ses négociations avec le secteur public. L'assouplissement des règles de travail qu'on avait réussi à signer en octobre 1993 avec la FTQ. On avait signé une entente pour vrai et dire: Comment est-ce qu'on s'arrange pour qu'il y ait plus de productivité? Littéralement, là. Autant de choses qui, évidemment, ont pris de bord quand la loi 102 a été scrapée par le gouvernement d'alors.

Alors, sur le fédéralisme fiscal, j'espère que c'est un peu plus complet, là, la compréhension du premier ministre sur les effets de son option sur les finances publiques québécoises. C'est réel, là, ce n'est pas inventé cette histoire-là. Le fardeau fiscal augmente; les familles qui paient; du côté des dépenses publiques, on sabre dans la santé comme si c'était un service comme un autre, alors qu'on dépense un peu moins que les autres déjà. Les tableaux démontrent ça aussi.


Participation du premier ministre à la campagne électorale fédérale

Et, à travers tout ça, quand il y a des problèmes de l'emploi et de la santé qui devraient monopoliser - dans la mesure où deux choses peuvent monopoliser une personne en même temps - le premier ministre du Québec, il trouve le moyen de se mêler d'élections fédérales. Pas juste, entre deux portes, de faire valoir son opinion, mais d'être accompagné de ses gardes du corps, de sa suite qui l'a suivi d'Ottawa, qui est rendue ici avec lui, de passer une heure, deux heures, trois heures sur la route ou en avion, peu importe, ensuite de ça, à Shawinigan, dans l'est de Montréal et faire des discours à l'emporte-pièce, littéralement, à moins qu'il nous dise que c'est tout planifié et que les termes violents qu'il emploie à l'endroit de Jean Charest et de Jean Chrétien sont planifiés et préparés, que c'est une bonne idée, dans le débat public, de parler de la main assassine de quelqu'un tapi dans l'ombre.

(17 h 20)

Excusez-moi, je trouve ça trop fort. Je ne sais pas si on diverge beaucoup d'opinion, mais, moi, je trouve ça trop fort. Pas juste très fort, trop fort dans une société où il y a des gens que je qualifierais de fragiles qui écoutent tout ça. Quand le chef politique de 7 000 000 de Québécois - pas juste des membres du PQ ou du Bloc - va, sur les «hustings», s'attaquer personnellement à la personne d'autres élus, moi, ça fait longtemps que j'ai débarqué puis, moi, je pense que ça fait longtemps que les Québécois ont débarqué, et un premier ministre n'aide pas sa cause. Il n'aide pas la cause du respect de l'institution qu'il représente et il n'aide pas la cause des élus à tous les niveaux lorsqu'il se comporte comme ça. Il n'injecte pas de sérénité, de calme, de compréhension puis de sensibilité dans le débat, il sort la tronçonneuse qu'il avait réservée pour les soins de santé et il l'applique au discours politique à l'endroit de gens qu'il n'est pas capable de blairer. Ça, c'est évident. Mais, quand on est premier ministre du Québec, il ne faut pas laisser, à mon sens, les sentiments, quels qu'ils soient, qui peuvent avoir animé des relations politiques dans une existence antérieure, «highjacker» le discours politique, le prendre en otage, et c'est trop souvent ce que le premier ministre fait. Ça s'explique peut-être. Il s'agit de se souvenir comment il a traité ses chefs de partis fédéraux. Michel Gauthier peut témoigner de ce qui lui est arrivé, lui, aux mains du premier ministre. Brian Mulroney aussi peut en témoigner, et tout le monde le sait. Mais il ne faut pas que ça perdure, ça, une attitude comme celle-là. Il est extrêmement important que le premier ministre nous dise pourquoi il trouve que c'est important, pour améliorer les soins de santé et créer des jobs au Québec, qu'il soit sur une estrade, à Shawinigan, à dénoncer Jean Chrétien ou qui que ce soit à tour de bras.

Moi, je veux qu'il m'explique ça, et, s'il le justifie et qu'il persiste dans ce que je considère être son erreur - une grave erreur pour un premier ministre du Québec de se comporter comme ça. C'est sans précédent - s'il persiste dans son erreur, est-ce que, au moins, il va nous dire qu'il va arrêter de dire des choses semblables à celles qu'on entend dire à la télévision, à la radio, qu'on lit dans les journaux, que des salles complètes, probablement un peu sidérées, l'entendent dire en personne? Ça, je trouve que c'est important au titre de la responsabilité que le chef du gouvernement a de donner l'exemple dans le discours public. On a dénoncé il n'y a pas si longtemps ce que je considérais, et enfin unanimement, une exagération coupable, condamnable - à tout le moins, de notre point de vue - de ce qui se dit sur la place publique à l'endroit des élus à tous les niveaux. Il ne faudrait pas leur donner raison en utilisant un vocabulaire qui est réservé pour les extraits les plus durs de certaines séries de télévision qui n'ont rien à faire avec la politique.

Je pense qu'il faut être plus sensible aux gens, plus sensible aux expériences que les gens ont vécues. Les cibles qu'a décidé de prendre le premier ministre sont des gens qui essaient de se consacrer depuis 13 ou 31 ans, selon les personnes en cause... Les deux chefs fédéraux qui font l'objet de sa hargne constante, moi, je les considère de bonne foi au service de leurs concitoyens. Ils se sont consacrés de bonne foi au service de leurs concitoyens. Je ne pense pas qu'ils méritent qu'on les traite comme le premier ministre les traite quelles que soient les divergences considérables qu'on puisse avoir tous ensemble, chacun notre tour ou un à la fois, peu importe, là, à l'endroit de ce qu'ils disent et de ce qu'ils font en matière politique à l'égard de la place du Québec dans le monde, à l'égard de notre influence au Canada, à l'égard de la reconnaissance que le reste du Canada, à mon sens, devrait manifester dans des termes concrets à l'endroit du Québec, des Québécois et de notre société. Alors, je demande au premier ministre s'il entend continuer à se mêler de l'élection fédérale. Et, si oui, est-ce qu'il entend continuer à utiliser un vocabulaire comme celui que je dénonce avec le plus de vigueur dont je suis capable, comme je l'ai fait aujourd'hui?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le chef de l'opposition. M. le premier ministre.

M. Bouchard: Merci. On va aborder la question immédiatement. J'avais une autre pleine intervention, mais on va faire le tour. On va parler de la campagne électorale fédérale et on va parler de l'enjeu de cette campagne et des raisons pour lesquelles nous devons tous nous définir une attitude par rapport à cette campagne. Il y a une immense tentative - je dirais une tentative systématique - d'occulter la mémoire collective du Québec par rapport à quelque chose qui s'est passé en 1981-1982, qui n'était pas un événement banal. On peut, à l'occasion d'un grand débat de société, différer d'opinion et l'exprimer avec virulence, par exemple une question environnementale, par exemple le traité de libre-échange. En 1988, il y a eu une campagne électorale qui opposait deux grands partis fédéraux, les libéraux et les conservateurs, sur le libre-échange. Ça été extrêmement mouvementé. On s'en rappellera, toute la campagne tournait autour de cela. Je me souviens très bien qu'il y avait des débats partout, qu'il y avait des groupes d'opinion, des groupes d'intérêt qui étaient en désaccord ou en accord, et ç'a été extrêmement dur. Je l'ai vécu, moi, j'étais le porte-parole du gouvernement fédéral dans les débats qu'on avait au Québec sur le libre-échange. Très dur. Mais, quand ç'a été fait, c'était réglé, et on a tourné la page. Ça reste dans l'histoire, c'est un chapitre de l'histoire politique et économique du Québec et du Canada, mais c'est passé. C'est tout.

Mais il y a des événements qui ne sont pas insignifiants. Il y a des événements qui sont d'une importance capitale. Le rapatriement de 1981-1982 a été une ignominie, a été un bris de confiance collectif, a été quelque chose de totalement inacceptable qui n'en finit pas de se réverbérer dans le paysage politique du Québec et du Canada, et, si nous réussissons la souveraineté du Québec - et, moi, je pense que nous la réussirons, mais ce n'est pas moi qui décide, c'est le peuple du Québec - ce sera en bonne partie à cause de ce geste incroyable qui a été posé par le Canada anglais tout entier contre le Québec. Quand on a déchiré l'acte confédératif de 1867 puis qu'on l'a remplacé par une constitution où n'apparaît pas la signature du Québec et qu'on l'a fait contre la volonté de toutes les institutions québécoises, qu'on l'a fait contre un vote quasi unanime qui a été pris dans la Chambre, de l'autre côté, par les élus du Québec, c'est une chose qui a tendu le ressort de la fin du Canada.

Il se trouve que nous avons une campagne électorale où le plus grand joueur, c'est le premier ministre du Canada, qui est favorisé par les sondages en plus, par les sondages de l'ensemble canadien, qui a été l'un des acteurs principaux de ce qui est arrivé en 1981-1982. Est-ce que nous allons taire la signification de ce qui s'est passé? Est-ce que nous allons nous interdire de rappeler à la population québécoise qu'il y a des élus du Québec envoyés à Ottawa pour défendre nos intérêts qui ont été poser ce geste à l'encontre du Québec? Est-ce que nous allons nous interdire d'en parler?

Moi, personnellement, je vous avouerai que c'est le plus grand traumatisme politique que j'ai subi dans ma vie avec les troubles d'octobre 1970. Ça été un véritable traumatisme démocratique, alors que tout le Québec avait tendu ses efforts depuis une génération, à partir de Jean Lesage et en passant par votre père, en passant par tous ceux qui leur ont succédé pour aller chercher au moins le respect des compétences qu'on avait et, si possible, d'aller en chercher plus, de voir que, en 1982, quelques mois à peine après que le Québec eut donné confiance au reste du Canada sur un référendum, on ait décidé de faire reculer le Québec sur des pouvoirs fondamentaux comme ceux de la langue et ceux de la culture. Tous les acteurs politiques du Québec qui ont vécu ici, dans cette maison, comme élus ou ceux qui les ont précédés dans d'autres endroits publics pour agir comme élus seraient totalement indignés, n'auraient de cesse qu'on ait dénoncé puis qu'on ait tiré les conclusions de cette chose inqualifiable qui a été commise à l'encontre des Québécois.

Et, moi, dans la mesure où je le peux, je ne laisserai pas la mémoire collective oublier ce geste qui traduit de façon plus que symbolique, de façon concrète et de façon tellement éloquente ce qu'on pense du Québec, l'estime qu'on a de notre démocratie, le cas que nous faisons de l'opinion publique au Québec et des droits fondamentaux qui sont les nôtres comme peuple. Il faut que ce soit rappelé, et ça va l'être. J'ai l'impression que je pourrai le faire plus facilement de la Chambre que des salles publiques, puisque vous avez décidé vous-même de le livrer, le combat électoral, ici, sur la colline, à Québec. Je le ferai volontiers avec vous, et, plus vous le ferez ici, moins je serai obligé de le faire ailleurs. Donc, vous êtes en train de me permettre de voyager moins pour dire ce que j'ai à dire dans cette campagne électorale. Et puis, s'il m'arrive de consacrer quelques soirées, quelques heures de mes loisirs qu'il me reste - il ne m'en reste pas beaucoup - pour aller dire en public ce que je pense, je suis parfaitement à l'aise de le faire.

(17 h 30)

Quant à mes devoirs de premier ministre, je n'ai pas de leçon à recevoir de vous. Votre petit ton moralisateur de tout à l'heure était d'un mauvais goût total. Total. Laissez-moi vous le dire. Je ne vous laisserai pas, monsieur, me faire des leçons de morale sur le respect que je dois entretenir pour la fonction de premier ministre. Il se trouve que j'ai le plus grand respect pour la fonction et que je consacre presque plus que mes énergies et mon temps, et que je le soustrais, moi aussi, à ma famille pour le faire, et que, en conséquence, je n'ai pas à recevoir de reproches de vous. Bon. C'est ce que j'allais vous dire là-dessus.


Coûts de transition de l'accession du Québec à la souveraineté (suite)

Pour ce qui est du débat plus classique qui devrait être celui où nous devrions nous cantonner, et vous aussi, je vous dirai que, concernant le zéro égale zéro, vous faites une démonstration qui omet des aspects très importants, qui ne prend pas en compte, d'abord, que, d'après l'actuaire Lamonde, qui a fait une étude remarquable, en 1997-1998, on va arriver à peu près à l'assèchement total ou presque des transferts fédéraux, nous le savons, et que, en conséquence, les transferts fédéraux... à tout le moins, le transfert social canadien ne pourra pas entrer en compte de ces calculs que vous faites. En plus, nous savons bien qu'il y a un gaspillage éhonté dans la conduite des affaires dans le régime actuel fédéral-provincial. On n'aura pas deux ministères de l'Agriculture ici. On n'aura pas deux ministères de l'Environnement. On ne paiera pas pour le développement de la recherche en Ontario. On ne paiera pas pour le nucléaire en Ontario. Il est certain que nous allons gérer nos affaires de façon telle qu'il y ait moins de duplication.

Et, en plus, quant à notre partage dans les intérêts que nous avons, bien sûr, nous allons assumer nos obligations. Il y a une dette qui a été assumée à Ottawa en notre nom, et nous reconnaissons qu'elle est nôtre. Il est certain que nous aurons la responsabilité de partager à sa juste part au niveau de notre contribution pour la rembourser, d'abord par les intérêts. La rembourser, on verra, parce qu'on sait bien qu'Ottawa n'est pas parti pour rembourser une dette de 600 000 000 000 $. Il travaille présentement sur le déficit, comme nous. Mais il est certain que, quand il s'agira de partager les actifs, on partagera les actifs à la hauteur de ceux qui nous appartiennent, de ceux qui nous ont été dévolus et de ce qui a été payé en fonction des emprunts qui ont été faits. Il y avait des députés du Parti libéral qui siégeaient à la commission Bélanger-Campeau, et une des conclusions des travaux qui ont été faits à la commission Bélanger-Campeau, c'est d'établir à 18 %, à peu près, le niveau de participation du remboursement des intérêts. Pourquoi? Pour tenir compte de ce qu'on retirera du partage des actifs, si on s'en tient - et ce qui est normal - aux actifs qui seront situés sur le territoire du Québec.

Enfin, c'est un débat que je serai prêt à faire avec vous à n'importe quel temps, mais il est certain que ce que nous sommes en train de faire au Québec présentement, c'est-à-dire d'éliminer le déficit, ça préserve et ça prépare l'avenir de tous. Il arrive qu'il y ait un parti fédéraliste au Québec, qu'il y ait des gens qui sont fédéralistes, ils ont le droit. Il y en a d'autres qui sont souverainistes, ils ont le droit aussi. Je dirais que c'est un droit qui leur est parfois moins reconnu que l'autre, mais reconnaissons que, dans la mesure où nous sommes en train de rétablir les assises de l'État, dans la mesure où nous sommes en train de redonner au gouvernement du Québec une liberté d'action, une marge de manoeuvre, une faculté de choix et de décider, nous travaillons pour tout le monde, fédéralistes comme souverainistes, parce que l'avenir du Québec il sera quel qu'il soit, mais il sera et il devra se construire sur des bases solides. Donc, on travaille présentement sur la solidité des bases, mais, pour la suite, je suis convaincu que, quand nous aurons réduit le déficit à zéro, bien, en vertu de la loi que nous avons adoptée, nous y resterons à zéro.


Fardeau fiscal des contribuables et des entreprises

Question du fardeau. Le chef de l'opposition, M. le Président, a épilogué longuement sur le fardeau fiscal. Il me fait des leçons là aussi. Il a déjà écrit, à plusieurs reprises, qu'il fallait, etc. Mais, quand on regarde le dossier du dernier mandat du gouvernement duquel il faisait partie, on voit qu'il y a loin des paroles à la réalité, parce que c'est au moins 9 000 000 000 $ de nouvelles taxes et de nouveaux impôts qui, en totalité, on été ajoutés par son gouvernement pendant qu'il était là. Alors, des beaux discours, aujourd'hui, des patenôtres, des admonestations gentilles, mais pas pour lui, M. le Président, pour les autres. Pour lui, 9 000 000 000 $ d'impôts de plus; pour nous, des discours. Essayons de s'en tenir à la réalité. Je pense que ça va être préférable.

Puis, parlant du fardeau fiscal, il faudrait quand même noter les choses qui sont correctes chez nous. On fait des choses mieux que les autres aussi. Par exemple, les encouragements fiscaux que nous donnons à l'investissement dans le domaine de la recherche et du développement font du Québec l'un des endroits les plus compétitifs. C'est meilleur que l'Ontario. C'est meilleur que le Nouveau-Brunswick. C'est meilleur que le Massachusetts, que le Michigan, que New York, que la Pennsylvanie, enfin que des voisins compétiteurs pour l'investissement. De ce point de vue, nous sommes sur la bonne voie, M. le Président. C'est ce qui permet de conférer à Montréal les grands atouts que sont les secteurs de haute technologie qui lui attirent des investissements remarquables. Et, à ce point de vue, je renvoie le chef de l'opposition au document La fiscalité des entreprises au Québec: un régime compétitif et favorable à l'investissement . C'est celui qui a été mis à jour récemment, qui porte la date de février dernier et qui consacre cet avantage que nous avons et qu'il faut maintenir.

Je dirais plus, c'est que, s'agissant de fiscalité, nous savons qu'il faut la réformer, nous savons que l'un des objectifs que nous devons poursuivre, c'est de baisser le niveau fiscal, donc amorcer la réforme cette année par rapport à l'Ontario. En diminuant de 15 % l'impôt sur le revenu des particuliers, évidemment, on réduit l'écart avec l'Ontario, mais, par contre, on a vu que nous compensons de façon simultanée et égale par une hausse de la taxe de vente. Mais là on avait de la marge par rapport à l'Ontario. L'Ontario était plus élevé que nous, ce qui veut dire qu'on a amélioré notre situation compétitive par rapport à l'Ontario et qu'on a ainsi préparé la réforme. Ici, on peut voir à la projection des chiffres au cours des prochaines années que, si nous maintenons le rythme actuel, nous serons en mesure, à un moment donné, d'avoir une diminution nette du fardeau fiscal des Québécois et dès l'an prochain et dans deux ans, comme on verra.

Alors, j'imagine que j'aurai l'occasion de revenir avec d'autres remarques qui me seront faites sur d'autres sujets, mais c'est ce que je voulais aborder pour le moment.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'opposition.


Déficit budgétaire (suite)

M. Johnson: Alors, on ne sait toujours pas si le premier ministre va continuer ou nuancer ses interventions pendant la campagne fédérale. Ce n'est pas clair, là. J'ai compris entre les deux portes qu'il n'y avait pas d'autres invitations, qu'il n'y avait rien de prévu à partir de demain soir autre que le comté de Saint-Maurice pour parler en faveur d'un des champions de l'endettement québécois, Yves Duhaime, qui a laissé un souvenir impérissable ici. Moi, j'ai siégé en même temps qu'Yves Duhaime, et, quant à se présenter quelque part, j'aime autant qu'il se présente pour se faire élire ailleurs, parce que je n'ai jamais trouvé que c'était un actif que l'approche que M. Duhaime pourrait prendre. On pensera ce qu'on voudra de l'individu personnellement, mais, au point de vue politique, je trouve que d'endetter les Québécois à la hauteur de 3,8 % du PIB comme il l'a fait en 1984, ça n'a aucune allure, ça n'a aucun sens. Il n'est devancé que par Jacques Parizeau en 1980. Ils sont vraiment en dehors de la carte, là. M. Parizeau n'était pas trop loin de la carte tout ce temps-là. Par ailleurs, de 1977 à 1983, M. Duhaime s'est surpassé. C'était préélectoral, on s'en souvient. Ça avait été des chiffres fictifs qui avaient été soumis par son prédécesseur. À la rigueur, on peut peut-être l'en excuser, mais le prédécesseur, c'est un autre ministre des Finances du Parti québécois.

Alors, la propension marginale à emprunter des gouvernements qui nous ont précédés, ce n'était pas à peu près. Et je le dis, là, en évoquant la carrière fédérale du premier ministre actuel, ici, on est collé avec une espèce de balloune qui se souffle à mesure et d'elle-même. Il en a hérité. Il a été probablement témoin des efforts considérables qui ont dû être faits au titre des finances publiques par Michael Wilson, notamment, avec un certain succès, à diminuer la part du PIB qu'on emprunte, à diminuer les dépenses publiques, mais ça, ce n'est jamais fini, ce travail-là quand il y a des sommes comme celles-là qui ont été empruntées dans le passé. On a beau être en surplus budgétaire, excluant le service de la dette, ce n'est pas encore suffisant, et les chiffres que regardait le premier ministre tout à l'heure - je le regardais se promener dans différents documents - montrent que c'est littéralement la situation qu'on a réussi à atteindre, que c'est l'objectif qui a été atteint. C'est le comportement du gouvernement conservateur au fédéral et du gouvernement du Parti libéral du Québec ici, à Québec, qui a tenté de juguler, comment je dirais ça, moi, l'espèce de déficit à mors aux dents dont on avait hérité effectivement.

(17 h 40)

Mais encore, et j'y reviens, il faut créer de l'emploi. On ne peut pas seulement agir sur un problème comme celui-là des dépenses publiques. Pendant une dizaine d'années, en gros de 1975 à 1985, c'est ça, les années où au Canada, au Québec comme tel, dans d'autres provinces, dans d'autres pays, on doit le dire, en occident, il y a eu une explosion de dépenses publiques, d'emprunts et d'endettement. Ça allait tellement bien qu'on était convaincu qu'on pourrait rembourser. C'était comme si les gouvernements se comportaient comme des individus qui ont la certitude - pas juste l'espoir - que leur salaire va augmenter de 25 % tous les ans. Aussi loin qu'ils pouvaient envisager ça, ils disaient: Il n'y a rien là, on va emprunter un petit peu plus qu'on peut payer aujourd'hui. Je vais me refaire l'an prochain. Je vais toujours être en avance dans mes espoirs et mes aspirations pour pouvoir le rembourser. Mais la réalité, évidemment, nous rattrape à un moment donné pour toutes sortes de raison.

Alors, ces efforts-là qui ont été consentis du côté des dépenses publiques par le gouvernement conservateur au fédéral et par le gouvernement du Parti libéral au Québec - les chiffres sont là, vous les avez regardés - doivent être accompagnés de mesures de création d'emplois. Autrement, là, vraiment on envisage une détérioration des services publics. Et, je vais revenir sur la santé, c'est vrai aussi pour l'éducation. De mémoire, on est huitième ou neuvième sur dix au Canada dans les dépenses en enseignement, tout confondu. Alors, il me semble qu'on devrait être en rattrapage un petit peu. Puis c'est vrai dans la santé aussi. On est en train de couper encore beaucoup, beaucoup là-dedans, puis on est en retard sur les autres dans le sens de ce qu'on veut consacrer.

Une voix: Neuvième sur dix.

M. Johnson: Neuvième sur dix. Et, si c'est le savoir, d'une part, qui est la clé de notre avenir, bien, il ne faut pas désinvestir là-dedans. Et, si c'est un motif d'implantation pour des investisseurs au Québec que le qualité des services sociaux et de santé, notamment la santé et l'hospitalisation, les frais médicaux, bien, il ne faut pas non plus jouer avec ça. On va prendre davantage de retard au lieu de combler le retard.


Fardeau fiscal des contribuables et des entreprises (suite)

Le premier ministre nous dit - enfin, il semblait s'en vanter - d'avoir mis en place des politiques fiscales en partie dont il a héritées, en partie qu'il prétend avoir mises sur pied dans les deux derniers budgets qui viennent faciliter la création d'emplois. Il vient de citer un document sur la fiscalité des entreprises québécoises au Québec. Cependant - et ça, on le retrouve dans le document aussi. Il faudrait tout le citer et tout le regarder au complet - «les entreprises du Québec ont un fardeau fiscal moins élevé que les entreprises de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick dans seulement quatre des 15 secteurs d'activité économique qui ont été étudiés». Quatre sur 15. «Globalement, la contribution des entreprises québécoises aux revenus du gouvernement du Québec est la plus élevée au Canada.» La plus élevée au Canada. «Selon le document du ministère des Finances - que le premier ministre a dans les mains, je crois - les charges totales prélevées auprès des sociétés exprimées en pourcentage du PIB - je pense bien que c'est une mesure qu'on ne va pas disputer; on ne peut pas être contre ça, on ne peut pas la mettre en doute - étaient plus élevées au Québec que dans le reste du Canada. Elles représentent presque 40 % de notre PIB au Québec comparativement à 36,8 % en Ontario, 35,9 % au Nouveau-Brunswick, 29,3 % aux États-Unis.» Mais là, aux États-Unis, je l'ai dit tout à l'heure, il ne faut pas comparer vraiment compte tenu des charges qu'on impose, nous, aux individus, aux entreprises pour financer les programmes de santé, par exemple. C'est un actif pour toute la société. On ne commencera pas à dire: Bien, il serait formidable de garder l'actif puis ne pas payer pour. Bon, il faut être logique, là.

Mais la réalité c'est que, oui, si on isole, dans certains domaines scientifiques de pointe, dans certains cas, la panoplie des programmes qu'on a mis sur pied et qui on été enrichis récemment par le gouvernement du Québec et son budget, bien, on peut se vanter d'être dans les loges, dans les premières places en Amérique, en tout cas chez nos concurrents du nord-est de l'Amérique du Nord. Mais ce n'est pas suffisant. Oui, on peut s'attacher à ce cheval-là des technologies de l'information, la recherche et développement en matière pharmaceutique, etc. Il y a des belles retombées économiques, mais pas en termes d'emplois. Ça peut se traduire un jour en termes d'emplois si on pousse le développement davantage, si on fait davantage, je dirais, de ventes à partir de produits fabriqués du fruit de la recherche ici, chez nous, mais là on retombe dans les autres ornières. On n'est plus dans le paradis fiscal relatif des activités de recherche et développement dans les technologies de pointe, là, on tombe dans le manufacturier, et là on n'est pas là. On n'est pas là à tel point qu'il faut faire des chèques pour Kenworth, qu'il faut faire des chèques pour ci, qu'il faut faire des chèques pour ça. On est obligé de faire des chèques, autrement les gens s'en vont. Autrement, les gens désinvestissent ou ils ne viennent pas ici.

Alors, il y a un problème de cohérence. Lorsque le premier ministre nous dit que la fiscalité des entreprises est avantageuse, bien, il faut regarder tout le portrait. C'est ça, la cohérence, c'est l'ensemble du portrait. Ce n'est pas juste de dire: Dans le pharmaceutique, c'est formidable, puis on peut intéresser des gens qui ne le savent même pas. Bien, pour l'avoir fait, c'est une belle carte de visite, ça, pour un gouvernement du Québec, d'aller dans toutes sortes de pays et de frapper quelque part, dans une assemblée ou une réunion. Un responsable d'une société européenne dans la pharmacie, là, quand tu commences à lui annoncer ce qui l'attend non seulement au point de vue fiscal, mais également au point de vue du bassin, par exemple, de ressources humaines, d'étudiants, de détenteurs de diplômes de maîtrise ou de doctorat en chimie fine, par exemple, etc., on a créé des secteurs très, très riches à cet égard-là, et, moi, j'ai vu des yeux écarquillés lorsqu'on fait de la vente pour le Québec et l'implantation industrielle. Le problème, c'est que ce n'est pas suffisant.


Mesures pour attirer les entreprises et les travailleurs étrangers

Le premier ministre est d'accord avec ça. Il regarde les chiffres comme moi, il ne peut pas faire semblant que c'est en masse et qu'on a tout fait. Ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas suffisant au titre de l'accueil à l'endroit des entreprises et des entrepreneurs eux-mêmes et des gens, des cadres de grandes entreprises. Je change peut-être de perspective et de discours, il faut, comme le disait le rapport Levitt-Rousseau-Ducros lors du sommet de Montréal, que notre métropole, notamment, si c'est vers là qu'on veut attirer les grands centres de décision davantage, par définition, les services y étant déjà rendus... Il faut que ça soit accueillant, le Québec et la métropole. Il faut que le discours du gouvernement, un discours cohérent, soit accueillant à l'endroit des entreprises et accueillant au point de vue administratif, je dirais, dans la gymnastique qu'on impose aux entreprises qui veulent investir au Québec. C'est la première des choses. On va être pratique, là.


Mécanisme de suivi et de traitement accéléré des projets économiques

Et, à l'occasion du Sommet, moi, j'ai cru comprendre que le gouvernement s'était engagé à mettre sur pied un mécanisme de suivi et de traitement accéléré des projets économiques. «Fast track» dans le langage de tous les jours nord-américain de ce domaine-là. 11 décembre 1996, réunion du Conseil des ministres. C'est tout décidé, ça, «fast track». «Fast track» à condition d'avoir une fiche-projet qui a 18 postes différents. Ça, c'est dans le meilleur des cas. C'est de ça que ça a l'air. Évidemment, là, on est enregistré, on n'est pas à la télévision, M. le Président. Alors, j'exhibe au premier ministre une espèce d'organigramme du cheminement des projets qui n'est pas si mal compte tenu de l'autre organigramme dont on avait été témoin, qu'on avait vu au Sommet de Montréal, surtout en matière de développement régional. Je ne sais pas si le premier ministre se souvient de ça. Probablement qu'il s'était poigné la tête comme tout le monde quand il avait vu le fruit des efforts de ceux à qui on avait demandé de se pencher là-dessus, le processus de fonctionnement pour marier un projet avec l'enveloppe financière qui pourrait lui être consacrée. Kafka ne faisait pas mieux lorsqu'il dormait mal pour des raisons de cauchemar ou d'indigestion. Alors, c'est rébarbatif, hein, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est très, très rébarbatif.


Mesures pour attirer les entreprises et les travailleurs étrangers (suite)

Et là on est obligé de se comparer. On se compare à nos voisins à l'est et à l'ouest: Nouveau-Brunswick, Ontario. Nouveau-Brunswick, notamment, moins grosse province, etc. Le député de Lévis dit toujours que c'est à peine plus gros que la région métropolitaine de Québec, Rive-Nord et Rive-Sud, le Nouveau-Brunswick. Bon, d'accord, on va laisser le député de Lévis nous abreuver de toutes ses illustrations et de ses exemples tous plus pittoresques les uns que les autres. Puis, en attendant il y a un gouvernement, là, qui accueille, avec un guichet unique, les entreprises, qui fait valoir des avantages qu'on pourrait faire valoir - j'y reviendrai tout à l'heure - à l'endroit des entreprises de partout au Canada, de partout en Amérique, de partout dans le monde.

(17 h 50)

Pour tout dire, il vante la capacité des gens du Nouveau-Brunswick de parler plus qu'une langue, en l'occurrence en français et en anglais. Ça, c'est une des grosses, grosses cartes de visite dont le Nouveau-Brunswick se prévaut lorsqu'il se promène sur la scène internationale. Ils disent: Notre monde parle deux langues, puis on encourage ça. À l'ouest, il y a Cornwall qui se vante de la même chose. Moi, je suis le député du comté voisin et, j'ai mon voyage, Cornwall, à quelques kilomètres de la frontière Québec-Ontario, se vante du bilinguisme fonctionnel de 42 % de sa main-d'oeuvre. Il y a des gens que ça intéresse, ça, des milieux de travail où le discours dominant est celui de valoriser la pratique de plus d'une langue. On ne pourra pas dire que c'est exactement ici qu'on retrouve ça, là, avec le gouvernement du Parti québécois. Au contraire, les signaux sont plutôt à l'effet contraire, tel que le rapport Levitt-Rousseau-Ducros l'a soulevé. Alors, on n'invente pas ça. Ça a été écrit. Puis ce n'était pas en code, là, de dire que le dossier politique et le dossier linguistique causent problème dans la gestion quotidienne que le gouvernement fait sur l'image de marque de la métropole, de Montréal et du Québec tout entier pour attirer les gens, se sentir accueillis, sentir qu'ils ne sont pas pris avec toutes sortes de paperasses.

Alors, sur la fiscalité des entreprises, il faudrait peut-être donner tout le discours, et le premier ministre devrait nous annoncer quels efforts il entend consacrer à diminuer les charges fixes qui pèsent sur les entreprises au Québec. Nous autres, on va vous en parler en masse, c'est dans notre programme. Diminuer les charges fixes sur les entreprises, mais s'assurer que celles qui ont des bénéfices paient de l'impôt. On n'est pas en train d'exempter les entreprises québécoises de tout impôt, on est en train de dire que la structure fiscale qui pèse sur les entreprises, petites, moyennes et grandes, décourage l'embauche et décourage l'investissement parce que ça taxe l'embauche et la masse salariale et que ça taxe l'investissement. Alors, ce n'est pas logique. On peut bien se vanter que le revenu des sociétés est moins lourdement taxé ici qu'ailleurs, promenez-vous et allez voir à la Chambre de commerce, et ils vont dire qu'ils s'en fichent pas mal de ça, que ce qui leur fait mal, c'est les autres impôts fixes sur les entreprises et que, pour une petite entreprises, merci beaucoup pour le cadeau de trois ans dont elles bénéficient depuis quelques temps quand même, mais ce n'est pas suffisant, ça. C'est une charge fixe, c'est un boulet, un fardeau, et, quand tu n'as pas encore la musculature comme les petites entreprises ne l'ont pas au départ, évidemment, ça n'aide pas.

Donc, sur la fiscalité et ensuite sur l'accueil qu'on fait aux gens, pas juste au titre de la politique linguistique, etc., mais la valorisation du Québec français, la promotion du Québec français. La promotion du visage français du Québec ne devrait exclure la plus grande facilité d'acquisition d'autres langues par les Québécois. Ça, c'est fondamental, et de tenir un discours qui confond tout ça comme le gouvernement actuel le fait, qui impose un discours qui n'est pas accueillant à l'endroit des gens qui veulent venir ici et qui ont, je dirais, une approche dite internationale et qui s'aperçoivent que le discours préféré de l'engeance majoritaire du parti gouvernemental, c'est l'exclusion, c'est la division, c'est d'agir comme repoussoir des influences indues de ceux qui ne parlent pas français à la maison. Bien, il y a un problème, là. Encore une fois, je suis très à l'aise de parler de ces choses-là, dans notre programme politique, nous, on s'est engagés à faire en sorte que, au sortir du secondaire, les jeunes Québécois et Québécoises maîtrisent le français et l'anglais et acquièrent une connaissance usuelle d'une troisième langue. On a une situation géographique, sociologique, historique qui nous permet à nous, en Amérique du Nord, d'être probablement ceux qui ont les meilleures chances de faire un apprentissage d'une deuxième et même d'une troisième langue, et, dans ce sens-là, c'est un atout, et on devrait s'en servir au lieu de cultiver la division, l'exclusion et les chicanes linguistiques, comme trop souvent le premier ministre laisse faire son parti.

Et je dis ça à dessein parce que je ne suis pas sûr que c'est lui qui l'initie, je pense qu'il se fait pousser dans cette direction-là. De temps en temps, il fait plaisir à l'engeance majoritaire des cadres militants du PQ en matière linguistique. J'ai l'impression que c'est ça qui se passe, sous toutes réserves. Sous toutes réserves, on verra comment il répond. On verra ce qu'il pratique, lui, parce qu'il est difficile à suivre d'un conseil général à un Sommet, d'une chambre de commerce à un cégep et, évidemment, d'un discours bloquiste à un discours de premier ministre. Alors, c'est le souci de cohérence du premier ministre auquel je fais appel ici encore une fois. Peut-être vainement encore une fois, mais c'est à ça que je fais appel.

Et il est extrêmement important que le premier ministre nous indique quelle est, à l'égard de l'accueil que nous pouvons faire aux entreprises, l'importance relative qu'il accorde à la fiscalité, à la réglementation et, évidemment, à nos débats existentiels, d'une part, sur le dossier constitutionnel. Je pensais que Levitt-Rousseau-Ducros avait été très clair là-dessus, mais ça a l'air que ça n'a pas fait encore son effet chez le premier ministre. J'aimerais voir s'il a médité davantage, et ça me fera plaisir de lui donner l'extrait pertinent ici. C'est la conclusion, c'est la dernière page et demie du rapport de MM. Levitt, Ducros et Rousseau. Et, finalement, dans l'accueil qu'on fait aux gens - pas aux institutions, aux gens - qui ont des enfants qui vont dans des écoles et qui doivent s'exprimer, qui doivent magasiner, quelle est l'importance relative qu'il accorde à ces dimensions-là? Il y en a qui sont purement administratives et fiscales, y compris les feuilles de route avec carrefours multiples pour se rendre à destination quand on a un projet à soumettre au gouvernement. Et comment les individus, eux, peuvent-ils se sentir accueillis au Québec, dans le Québec qu'envisage le premier ministre, je veux bien, mais dans le Québec qu'il pratique? J'aimerais avoir des détails.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.


Déficit budgétaire (suite)

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Je voudrais relever quelques-unes des déclarations, des affirmations que vient de faire le chef de l'opposition. D'abord, pour quelqu'un qui trouve qu'on s'occupe trop de la campagne électorale, je constate qu'il ne parle que de cela. Il fait même des détours pour accuser quelqu'un qui n'est pas là, qui n'est même pas en politique sur la scène provinciale, M. Duhaime. J'ai remarqué qu'il est particulièrement agressif contre la personne de M. Duhaime. Je ne sais pas pourquoi, mais, là-dessus, justement, il a reproché avec consternation à M. Duhaime d'avoir soldé l'exercice d'un budget par un taux de pourcentage du déficit par rapport au PIB de 3,8 %. C'est vrai que c'est un chiffre respectable, et je comprends que... Nous, cette année, ça va être 1,2 %, mais, en 1994, année du chef de l'opposition, c'était 3,5 %. Alors, c'est très proche de ce qu'il a dénoncé lui-même, 3,5 %.

M. Johnson: L'année Campeau...

M. Bouchard: Bien, l'année Campeau, c'est l'année Campeau-Parizeau où ils ont sauvé les meubles. Ça aurait été plus que ça encore s'ils n'avaient pas été là. En tout cas, c'est pour dire ça, là. On dit n'importe quoi, si je comprends bien. On dit n'importe quoi. Ces chiffres-là, ils sont là.


Fardeau fiscal des contribuables et des entreprises (suite)

Deuxièmement, encore une fois, on a encore dit n'importe quoi sur les avantages fiscaux offerts par le Québec à l'investisseur. Par exemple, on nous a dit que ça ne valait que pour les grandes entreprises, dans les créneaux où il y avait de la recherche et du développement, mais, si on regarde le dernier rapport que nous avons reçu, on voit très clairement que les PME, même les PME qui ne font pas de R & D, sont très avantagées dans le système que nous avons, puisque, si on part du Québec à 100, qui est très compétitif, on voit pour les autres que, plus c'est haut, moins ils le sont. L'Ontario est à 105, le Nouveau-Brunswick à 118 dans le cas d'un investissement. Mais, même sans investissement, le Québec est encore le meilleur après le Nouveau-Brunswick: 100, Québec; 101, Ontario; 85, Nouveau-Brunswick; 126, Massachusetts; 122, Michigan; 133, New York; 120, Pennsylvanie.

(18 heures)

Donc, c'est le contraire de ce que le chef de l'opposition vient de dire. C'est général. Ça s'applique même à des PME qui ne font pas d'investissements. On est battu par le Nouveau-Brunswick. Pourquoi? Parce que le Nouveau-Brunswick, il bénéficie de la prébende de 1 000 000 000 $ qui a été envoyée dans les Maritimes par le gouvernement fédéral pour l'aider à nous faire compétition fiscale, quelque chose qui ne s'est jamais vu dans aucun fédéralisme, des avantages fiscaux donnés à des provinces et refusés à d'autres.

Et, là-dessus, j'aurais peut-être une question à poser au chef de l'opposition. J'aimerais bien savoir si le chef de l'opposition et son parti appuient la réclamation du gouvernement du Québec de 1 900 000 000 $ au titre de la récupération du même avantage qui a été consenti aux Maritimes pour supporter les coûts de l'harmonisation de TPS et TVQ. Ça, ça n'a jamais été clair. On ne l'a jamais su, ça. Est-ce qu'il osera dire qu'il appuie les intérêts du Québec face aux intérêts du régime libéral à Ottawa? Peut-être que, au cours de ses interventions durant la campagne fédérale qui a lieu, on le saura. Il pourrait même le faire aujourd'hui. Peut-être qu'il n'a pas eu le temps d'en parler à M. Chrétien, mais il pourrait le faire aujourd'hui, nous dire qu'il appuie l'intérêt du Québec dans ce dossier honteux où l'État fédéral est en train, avec les fonds qui nous appartiennent, de nous créer une compétition indue en faisant bénéficier les Maritimes d'un programme qui nous est refusé à nous, alors que c'est nous qui avons donné l'exemple, alors que c'est nous qui avons été les premiers à harmoniser la TPS avec la TVQ, et que, aujourd'hui, on nous pénalise parce que le gouvernement dont faisait partie, d'ailleurs, le chef de l'opposition, à l'époque, a posé ce geste de bonne foi vis-à-vis du régime fédéral. Alors, ça pourrait être l'occasion, aujourd'hui, de nous dire qu'il appuie, oui, cette revendication légitime du gouvernement du Québec à l'encontre du régime libéral d'Ottawa.


Mécanisme de suivi et de traitement accéléré des projets économiques (suite)

Troisièmement, j'ai vu le chef de l'opposition exhiber l'organigramme des démarches que doit accomplir le centre de coordination des investissements. Il semblait dire que c'était compliqué. Je peux vous dire que ça va très bien, M. le Président. Nous avons intégré sous la direction d'un seul service et d'un haut fonctionnaire de mérite, au Québec, très compétent, un fonctionnaire de carrière, la gestion des projets d'investissement. Dorénavant, quelqu'un qui a un projet d'investissement, il n'a pas à se promener partout dans les ministères, il n'a pas à frapper à toutes les portes, à tous les niveaux, à lire des dizaines de programmes, il frappe à la porte du centre de coordination qui est situé à l'Exécutif. C'est une suite très heureuse du Sommet de Montréal, et c'est le centre de coordination qui fait toutes les vérifications et qui, dans un délai extrêmement rapide, répond. Alors, qu'il y ait quelques précautions de prises pour s'assurer que l'investissement est correct, ça pourra nous exempter de nous retrouver avec un 2 000 000 000 $ de fonds perdus à la SDI parce que les autorités libérales du temps ont été d'un laxisme incroyable et qu'ils ont gaspillé 2 000 000 000 $ dans les mauvais investissements. Donc, nous, nous prenons la précaution, mais nous le faisons avec efficacité. Une efficacité telle que vendredi dernier, devant moi, les partenaires du Sommet ont félicité le directeur du centre de coordination pour sa diligence, sa rapidité et son efficacité.


Politique familiale (suite)

Quatrièmement, les politiques familiales. Alors, on nous a dit que les politiques familiales sont conçues de telle façon que leur coût repose essentiellement sur la classe moyenne et qu'une famille qui a un revenu de travail de 45 000 $, 50 000 $, qui a deux enfants est pénalisée par tout ça, que c'est elle qui paie pour ça. Je regarde le tableau qu'a fait circuler le chef de l'opposition, M. le Président, et, justement, cette famille d'un revenu de travail de 45 000 $, 50 000 $, ça lui coûte, au total, si on cumule la réforme fiscale que nous avons faite avec la mise en place de la politique familiale, 48 $ par année. Et puis tous les autres groupes, toutes les autres catégories de revenus en profitent. Au niveau de 30 000 $, par exemple, c'est 1 177 $ de plus par année de revenus disponibles; à 25 000 $, c'est 1 248 $; à 35 000 $, c'est 283 $. Et les seules en moins, c'est moins 9 $ et moins 48 $ pour les 45 000 $, 50 000 $. Alors, on ne peut pas dire qu'on a abusé. Je vous réfère aux pages 48, 49 et suivantes du Discours sur le budget.

Quant à la CSN qui va se créer un nouveau réseau par la mise en place des garderies dans le programme de politique familiale, bien, là, encore une fois, on a un peu parlé à travers son chapeau, puisque nous allons augmenter de 50 % les places dans les garderies sans but lucratif, qui vont passer de 43 000 à 65 000. Mais, par contre, en milieu familial, c'est une augmentation de 423 %. Ça va passer de 12 000 à 63 000. Alors, je ne vois pas un syndicat aller syndiquer les familles, là, M. le Président, aller syndiquer des garderies en milieu familial. On voit bien que les faits sont contraires à ce qu'il vient de prétendre.


Mesures pour attirer les entreprises et les travailleurs étrangers (suite)

Le chef de l'opposition a également parlé du rapport Levitt. Bon, rappelons ce que c'est que le rapport Levitt. Ce n'est pas ce qu'a dit le chef de l'opposition. Il était là, pourtant. Les conclusions du rapport Levitt, c'est que les gens n'ont pas raison de s'inquiéter de la façon dont la majorité québécoise traite sa minorité anglophone par rapport aux politiques de langue, que c'est une question de fausse perception et qu'il faut s'attacher à dissiper ces fausses perceptions, d'où l'idée, en particulier, de lancer un programme d'information et même de marketing. Et nous sommes en train, avec l'aide du groupe initial, M. Levitt et les autres, de mettre sur pied un programme expérimental pour expliquer dans d'autres villes, à Toronto, à New York, partout, avec des gens d'affaires en particulier, quelle est la situation linguistique et comment ça se passe, et je peux vous dire que ça se passe de façon très positive.

Par contre, le rapport Levitt avait également d'autres conclusions qui étaient en particulier la mise en place d'un guichet unique pour les travailleurs stratégiques unilingues anglophones qui viennent à Montréal. Justement, le chef de l'opposition en a fait état, M. Levitt et son groupe ont exprimé le souhait que nous puissions mettre à la disposition des travailleurs, des ressources, des experts de langue anglaise et unilingues qui arrivent à Montréal parce que leurs services sont stratégiquement requis dans les entreprises, qu'on puisse les pourvoir des services d'un guichet unique pour leur permettre justement de s'intégrer plus facilement, d'avoir accès aux services des programmes qui existent. Alors, le guichet unique est en place.

Deuxièmement, on nous a demandé de modifier le règlement qui touche les visas temporaires de travail pour les unilingues anglophones. Nous l'avons fait, le règlement a été modifié. On a également demandé que les conjoints qui accompagnent, bien sûr, ces travailleurs - à Montréal en particulier - puissent avoir des permis de travail. Alors, nous, on a fait ce qu'il fallait de notre côté. Ça traîne, c'est le fédéral qui retarde. Et puis tout ça, ça a marché très bien, en particulier quand il s'est agi de convaincre les autorités d'Abitibi-Price et de Stone d'intégrer les deux sièges sociaux en un seul qui serait à Montréal. On a vu toutes ces mesures-là mises en oeuvre. On a vu une conjonction des efforts du monde des affaires, du monde syndical, du monde municipal et du monde politique aussi qui a fait en sorte que, justement, les gens vont installer le siège social à Montréal, qu'ils bénéficient présentement des services dont nous parlons. Les gens de Toronto qui vont être transférés travaillent maintenant avec les personnes que nous avons mises en place, et, là-dessus, je peux dire au chef de l'opposition que tout est en marche.

Je l'ai entendu, cependant, nous parler longuement de la nécessité de pouvoir faire appel à deux langues. Il a raison. Moi, je suis de ceux qui pensent que, dans toute la mesure du possible, il est tout à fait opportun que nos enfants et nous-mêmes, si c'est possible, puissent travailler dans deux, trois langues. Montréal est un milieu qui s'y prête, c'est vrai. C'est un carrefour international et c'est vrai que c'est éminemment souhaitable et qu'il faut que les mesures permettent d'arriver à cela.

Mais est-ce que le chef de l'opposition est en train de nous dire qu'il faut changer la loi 101? Est-ce que c'est le but de son plaidoyer? Parce que la loi 101, avec la décision que nous avons prise... Par exemple, dans le cadre du programme du Parti québécois, M. le Président, nous avons, lors du dernier congrès, pris une décision fondamentale, c'est que nous avons changé la politique linguistique du Parti québécois et nous avons reconnu l'affichage bilingue dans le programme du Parti québécois.

(18 h 10)

Donc, on est en train d'asseoir tout cela sur un équilibre qui est fragile, on le sait, qui est toujours à la merci des recrudescences d'émotivité, mais je pense que nous sommes en train de réaliser un équilibre. Mais je me demande: Est-ce que le chef de l'opposition est en train de nous dire qu'il faudrait revenir là-dessus et modifier la loi 101 pour... Je n'ai pas trop compris le but de son intervention. Je ne sais pas ce qu'il avait vraiment en tête.


Départs à la retraite dans le secteur de la santé (suite)

Je voudrais aussi relever ce qu'il a dit au sujet de la santé. Il nous a dit: Oui, mais il va partir du monde au mois de juillet, le 1er juillet. Qu'est-ce qui arrive si, dans une unité, par exemple, de soins intensifs, sept des huit infirmières ou infirmiers qui sont là prennent leur retraite? Allez-vous les remplacer? Nous avons dit que les 15 000 étaient sans remplacement. Il faut qu'il en parte 15 000 net. Alors, il pose la question: Mais qu'allez-vous faire dans les cas où il y a un nombre extrêmement considérable sinon la totalité des membres d'un service donné qui s'en vont? C'est vrai dans la santé. Ailleurs, le problème ne se pose pas vraiment. Il est évident, d'abord, que le hasard fera mieux les choses que le choix délibéré d'un cas précis qu'a fait le chef de l'opposition. Ça peut arriver que, à un moment donné, il se trouve qu'un nombre considérable de personnes qui travaillent dans un service qui sont éligibles à la mise à la retraite volontaire prématurée se prévalent de leur option et le fassent. Mais ça va arriver d'une façon relativement peu fréquente parce qu'il y aura un équilibre.

Il se trouve qu'il y a 115 000 personnes qui sont éligibles à ce programme. Elles sont réparties partout dans les centaines et les centaines d'établissements de santé du Québec. Alors, le hasard va faire que ça va se répartir. S'il y a des cas d'espèce - il va y en avoir, c'est très possible qu'il y en ait - on va remplacer. C'est évident qu'on va remplacer, et nous sommes en train de mettre au point - le ministre de la Santé est en train de mettre au point - un mécanisme qui sera assorti des ressources qu'il faut. Il aura les ressources financières qu'il faut pour cela. À l'intérieur de nos équilibres financiers, il sera pourvu des ressources qui sont nécessaires pour s'assurer que les remplacements doivent se faire. Mais n'oublions pas que ce qui est important, c'est l'ensemble. Dans l'ensemble, il faut qu'il en parte 15 000 net. On sait qu'il va en partir plus que ça. Les premiers indices que nous avons, c'est que, sur 115 000 personnes qui veulent partir, qui ont atteint l'âge, il y a en a un très grand nombre qui vont le faire. Et nous pensons qu'il va y en avoir plus que 15 000 et, à ce moment-là, on rengagera en haut de 15 000, puis ça va nous permettre d'engager dans ces endroits-là où il n'y en aura trop qui partent pour maintenir la qualité des services, parce que le critère fondamental, ce sera, bien sûr, le maintien de la qualité des services.

Et, là-dessus, j'ajouterais un élément de réponse à quelque chose qui a été allégué par le chef de l'opposition. Je n'ai pas trop saisi, il a semblé dire que, durant les négociations que nous avons eues récemment avec nos vis-à-vis syndicaux, on a tout laissé tomber et qu'on n'aurait pas prévu les moyens, en particulier, de replacer les gens, que les rigidités qu'il y avait dans les conventions pour les replacements s'y trouveraient encore et qu'on aurait tout laissé tomber. Bon. Il fait peut-être écho à une déclaration qui a été faite par des partenaires du monde de la santé, quelques jours après la conclusion de l'accord, où ils ont dit quelque chose comme ça. Ils ont dit que, dans la nuit, la dernière nuit, on a tout laissé tomber. Bien, moi, je le dis, j'étais là durant la nuit, j'ai assisté à toutes les séances avec tout le monde, j'étais là continuellement, et ce que je peux dire, c'est que, dans le cas des infirmières, c'était déjà réglé. Dans le cas des infirmières, il y a une tradition qui a été établie qui fait que tous ces problèmes-là se règlent par négociation. Ça s'est toujours réglé comme ça. Je pense même que le chef de l'opposition, à l'époque où il était au Trésor, en a réglé, des choses, comme ça avec les infirmières, les replacements dans les conventions. Chez les infirmières, il y a une flexibilité de fait, mais aussi de culture qui fait que les choses se règlent. Et on en est tous convaincus, puis d'ailleurs la preuve est administrée qu'il n'y a pas de problème.

Dans le cas des conventions plus serrées, comme celle des employés de soutien de la santé, durant la nuit, il y a eu des négociations là-dessus auxquelles j'assistais, et on a fait une modification à notre mandat initial, parce que le mandat initial était très large, il fallait supprimer beaucoup de restrictions, et nous les avons toutes maintenues, sauf que - je vous fais grâce des techniques, là - dans le cas des personnes qui sont déplacées puis qui se replacent ailleurs, on a mis une certaine bonification pour permettre qu'elles se replacent, et ça va coûter moins de 14 000 000 $. Sur 1 400 000 000 $ qu'on brassait cette nuit-là, ça va coûter moins de 14 000 000 $ puis ça a permis de régler et la FAS et la FTQ dans le domaine de la santé, et ça va même motiver les gens davantage à aller plus vite dans les replacements qui seront requis. Donc, affirmation, encore, absolument saugrenue qui n'a aucun fondement.

M. Johnson: Euh...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Rivière-du-Loup. Il avait demandé. Ensuite, je vais vous revenir, M. le chef de l'opposition.

M. Dumont: Merci, M. le Président. J'ai des questions sur trois sujets. Puis, je vais essayer de me garder une minute, je vais en avoir une autre après, toute simple, qui n'est pas reliée au reste, mais qui va être extrêmement courte.


Politique familiale (suite)

Je veux revenir sur la politique familiale, parce que ça me paraît être un sujet extrêmement important qui touche beaucoup de Québécois et de Québécoises. Sur deux volets, surtout. D'abord, je veux revenir au premier ministre qui, sur la question de la maternelle temps plein où une majorité de Québécois... Il y a eu des sondages un peu dans toutes les régions - les comités de parents l'avaient dit dans les états généraux - où les parents l'ont répété, les gens préfèrent nettement le libre choix en cette matière-là. Et il a avoué lui-même au Conseil national du Parti québécois qu'il n'avait pas bien senti ce qu'étaient les parents du Québec, qu'il avait mal mesuré la réaction de la famille québécoise en général et qu'il y aurait des aménagements qui s'en viendraient. Alors, visiblement, une couple de jours après, on a questionné la ministre de l'Éducation, et elle-même n'était pas trop au courant des aménagements. Si on l'écoutait, elle, les aménagements dont le premier ministre parlait que son gouvernement allait faire, c'était des aménagements que le premier ministre, dans le fond, fait confiance aux commissions scolaires qu'eux vont faire les aménagements nécessaires. On espère que ce n'est pas ça. J'espère que, quand le premier ministre parle d'aménagements, il dit que son gouvernement veut en faire et non pas que lui s'attend à ce que les gens fassent des aménagements avec aucun moyen sur le terrain, avec des normes toutes fixées, des budgets tout fixés.

Alors, je veux savoir ce qu'il entendait quand il exprimait ça, en reconnaissant que c'est sain qu'il sente bien que sa politique n'est pas bien reçue. Pas mieux reçue que la politique des garderies à 5 $ financées essentiellement par ceux et celles, par les parents du Québec qui, dans leur mode de vie, que ce soit par choix... Parce qu'il y a des parents qui vont accepter un revenu moindre pour travailler à la maison, pour travailler à contrat. Parce qu'il y a des parents qui vont décider carrément, à partir de trois, quatre, cinq enfants... Souvent, les familles vont dire tout simplement que c'est préférable d'avoir un des conjoints qui reste à la maison que d'aller sur le marché du travail. Or, le gouvernement a décidé de pénaliser tous ceux qui font un choix différent de celui que l'État, le PQ a décidé qui était bon pour le Québec. On a décidé de ce qui est sain. Une famille normale, saine devrait travailler de telle heure à telle heure, envoyer ses enfants dans tel type de service. Alors, les autres familles qui refusent notre choix gouvernemental, qu'elles paient pour. Nous autres, on n'aide plus tous ces gens-là qui font des choix autres que ceux de l'État, qu'ils paient pour, qu'ils s'arrangent. Les allocations et toutes les formes d'aide de l'État, on oublie ça.

À mon avis, aider la famille comme le Québec, traditionnellement l'a fait, c'est donner à ceux qui choisissent d'avoir des enfants, via la fiscalité et différentes mesures, des ressources qui leur permettent comme parents, comme familles, basées sur leurs valeurs, basées sur leur choix personnel, de décider ce qui est prioritaire, de décider de quelle façon ils veulent assurer l'éducation de leurs enfants, de quelle façon ils veulent leur offrir soit des services de garde... Puis, à ce moment-là, le rôle du gouvernement, parmi les parents qui choisissent d'avoir accès à des services de garde, devrait être de permettre le plus large éventail de services pour répondre à une variété de besoins des parents, donc de garder disponibles le plus large éventail de services.

Alors, le gouvernement fait exactement le contraire dans ce dossier-là, rétrécit les services possibles en faisant disparaître tout simplement les garderies privées. Je vous passe, M. le Président - ce serait trop long - tout ce que je pense du ridicule, d'abord, dans le discours. Il y a de ces garderies privées là, à ce qu'on me dit, qui ont démarré grâce au plan Paillé, qui ont démarré avec un plan de démarrage de PME que le gouvernement leur a offert, parce que le discours était: Créez votre propre emploi. Partez votre entreprise, lancez-vous en affaires puis créez votre emploi. Il y a des gens qui ont utilisé ce programme-là, le plan Paillé, puis leur emploi qu'ils se sont créé, leur petite entreprise qu'ils se sont créée, c'est une garderie, puis le gouvernement vient leur dire quelques années après: Bon, bien, là, on va vous mettre à genoux puis, après ça, on va vous racheter, on va vous reprendre je ne sais pas trop de quelle manière, mais on va vous faire disparaître.


Services offerts par le secteur privé

Or, cette attaque-là aux garderies privées, elle n'est pas unique, puis ça, c'est l'objet de ma deuxième question au premier ministre: c'est sur tout le volet entreprise privée. Parce que le Québec avait quand même un modèle où, oui, on avait des services publics, mais aussi un modèle de partenariat bien ancré avec des entreprises privées qui contribuaient à offrir des services publics: les garderies, l'école privée. Les discours qu'on entend de la part du gouvernement face à l'école privée... Là, il semble que le premier ministre soit intervenu in extremis pour sauver les meubles, mais c'est encore menacé, c'est encore durement touché, plus durement touché que le système public dans le cadre des mesures budgétaires de cette année.

(18 h 20)

Les centres d'accueil privés conventionnés. Je ne peux pas m'empêcher de raconter ce que j'ai vu la semaine passée: un centre d'accueil privé qui va être l'objet de coupures extrêmement dramatiques - privé conventionné - parce que ce dont il se fait accuser, le monsieur en question, c'est que, lui, il gère serré. Il fait attention, puis il fait de l'ouvrage lui-même, puis il y a une personne qui est la même personne qui fait l'entretien extérieur et intérieur, puis tout ce monde-là travaille fort. Évidemment, il offre des services qui ne sont pas offerts dans le système public, parce que, lui, de sa propre décision personnelle, il est allé acheter des bains contre les plaies de lit. Il est allé les chercher en Europe. Il offre du service supplémentaire, et tout ça à moindres coûts. Le privé conventionné coûte moins cher. Mais le raisonnement qu'on lui amène pour couper ses places, on dit: C'est le luxe. Si quelqu'un, dans le secteur privé, offre à moindres coûts un meilleur service, c'est le luxe. Il offre des services qu'on n'offre même pas dans le public. Alors, plutôt que de vouloir étendre le modèle et de multiplier ces exemples extraordinaires là, on dit: Il faut tuer ça, c'est le luxe. Puis, en plus, c'est épouvantable, il fait des profits. À la fin de l'année, l'entrepreneur fait des profits, «c'est-u» pas épouvantable! Alors, c'est cette philosophie-là du gouvernement. À chaque fois, on invoque que c'est des cas isolés. C'est comme le ministre de la Santé, c'est des cas isolés. Mais, quand on le prend d'un bout à l'autre du spectre, on a l'impression...

Les centres d'estimation. Les centres d'estimation privés, c'est dans un autre champ, mais c'est des gens... Encore là, le gouvernement leur a dit: Il va exister tel type de centres d'estimation. Partez votre entreprise privée dans ce domaine-là, vous avez un marché. Puis, à un moment donné, on a dit: Bon, on va vous faire disparaître. On ne nationalise plus, on ne socialise plus comme autrefois. On commence par mettre les gens à genoux, puis, après ça, on leur dit: Bien, on va être charitable, on va vous racheter. Alors, je veux savoir de la part du premier ministre si c'est un hasard ou si, vraiment, tout ce qui s'appelle privé va être de moins en moins partenaire au cours des prochaines années du gouvernement.


Dossier de la déréglementation

Troisième sujet sur lequel je veux le questionner - c'est toujours sur les questions économiques - c'est le Secrétariat à la déréglementation. Je ne le comprends plus, M. le Président, le Secrétariat à la déréglementation. On a le Secrétariat à la déréglementation d'un côté et, de l'autre côté, on a le feuilleton: projets de loi nos 40, 55, 65, 95, 96, des nouvelles réglementations de toutes sortes. Au gouvernement, on apprend - ça sort d'une boîte à surprise - volonté de soumettre tout le domaine du câblage électronique - un domaine assez dynamique au Québec, plusieurs emplois - à un décret, à une nouvelle réglementation. Le premier ministre a dit: Moi, je n'ai pas l'intention d'aller dans ce sens-là. Mais j'ai questionné, lors de l'étude des crédits, le ministre du Travail, puis, lui, les avertissements du premier ministre, je ne sais pas s'il y a des «deals» de faits ailleurs, mais ça n'a pas l'air à l'impressionner plus que ça. Puis je ne vous parle pas pour lui. Le Secrétariat à la déréglementation, ce n'est pas un tamis pour empêcher de laisser passer les réglementations, c'est une étude. C'est un avis qu'il va recevoir, qu'il va mettre à côté d'autres avis. Alors, j'ai essayé de comprendre. Est-ce qu'il y a, au Secrétariat à la déréglementation, un mandat? Est-ce qu'il y a une impulsion qui vient... Le premier ministre l'a ramené sous sa responsabilité au Conseil exécutif, mais est-ce qu'il a donné l'impulsion pour s'assurer que, véritablement... Parce que, dans le Sommet, un des volets pour aider à créer des emplois, c'était d'assouplir un certain nombre de règles sur le marché du travail, entre autres, qui permettent à des entreprises dans des secteurs d'avenir d'être plus compétitives.

Là, on a l'impression qu'on est dans le sens contraire, c'est-à-dire que le Secrétariat à la déréglementation permet au premier ministre de dire à ceux envers qui il a pris des engagements au Sommet: Ah oui, j'ai fait quelque chose, j'ai fait un secrétariat. Mais, dans la pratique, d'ailleurs, le bilan qui nous était présenté dans le budget était assez humoristique. On prenait deux anciens formulaires puis on les jumelait ensemble. Ça faisait une feuille 8,5" X 14" plutôt que deux 8,5" X 11" ou une recto verso, puis ça s'appelait un formulaire plutôt que deux, puis on avait déréglementé un secteur. Dans le concret, je pense qu'il y a des attentes à ce niveau-là. Il y a des emplois qui peuvent être créés. Il y en a d'autres qui peuvent être perdus. Si le ministre du Travail va de l'avant avec la volonté de soumettre à un décret tout le câblage électronique, il y a un secteur dynamique de l'économie du Québec où des emplois vont être perdus, puis le premier ministre le sait. Le premier ministre a donné un avertissement à son ministre. Je ne sais pas s'il le sait, mais, en Chambre, il y a quelques jours à peine, le ministre du Travail disait: Non, non, je n'ai pris aucun engagement. Moi, je n'ai pas décidé de mettre ça de côté. Je suis prêt à aller de l'avant. Puis le Secrétariat à la déréglementation, bien, il a dit: J'aurai leur avis. Je n'ai pas encore eu leur avis, mais j'aurai un avis. Alors, j'aimerais que le premier ministre nous explique concrètement ce qui se passe dans ce dossier-là.


Politique familiale (suite)

M. Bouchard: M. le Président, je voudrais d'abord répondre à la question posée relativement aux politiques familiales. Rappelons les raisons qui ont milité en faveur de la mise en place de ces politiques familiales qui ont été universellement saluées comme étant très progressistes et répondant à des besoins réels. Là, on travaille sur certains aspects secondaires des retombées de certains éléments de ces politiques familiales, mais, dans l'ensemble, il y a un concert, je dirais, unanime d'appui à la mise en place des politiques. Rappelons que ces politiques visent plusieurs volets. Premièrement, elles veulent simplifier les mesures sociales et l'aide apportée par le gouvernement aux familles. Il y a toutes sortes d'aides. Il y a une multiplicité extrêmement complexe d'aides, parfois sous forme de crédits fiscaux, parfois sous forme de déductions, parfois sous forme de participation à des programmes, parfois sous forme de bonus, parfois sous forme de contribution directe. C'est extrêmement complexe. C'est une opération d'une envergure extraordinaire qui a été entreprise par le gouvernement et qui a été réalisée pour permettre de simplifier tout cela, de mettre dans une seule allocation la contribution de l'État à la famille. Donc, simplification.

Deuxièmement, justice sociale pour la petite enfance. Je dirais que l'un des objets principaux de ces politiques-là, c'est la petite enfance. Les gens qui sont du milieu le confirment tous. Les études ont démontré, d'abord, aux États-Unis et ailleurs, et c'est déjà connu depuis au mois 10 ou 15 ans, qu'il faut absolument intervenir auprès de la petite enfance. Mais lors de la petite enfance, pas après cinq ans. Il faut commencer, si possible, dans les premiers mois et faire en sorte que le milieu familial puisse donner une attitude, un climat d'éveil, un climat de stimulation aux enfants. Et vous avez encore vu récemment dans les études spécialisées l'annonce que même les capacités intellectuelles, la capacité de parler et de comprendre se déterminent même dans les premiers mois alors que l'enfant n'entend que le bruit sonore des voix de ses parents.

Donc, les premières années, elles sont donc cruciales. Dans les milieux qui sont des milieux à faibles revenus ou dans les milieux où les parents travaillent, par exemple, ce n'est pas facile d'assumer les responsabilités de l'éveil de la petite enfance, et les études qui ont été faites établissent en plus une corrélation extrêmement troublante entre les niveaux de décrochage dans les populations de jeunes alors qu'ils ont 12, 14 ou 15 ans par rapport au genre de stimulation et d'aide qu'ils ont eu dans leur milieu familial alors qu'ils avaient de zéro à cinq ans. Autrement dit, s'il y a un endroit où il faut investir, s'il y a une chose pour laquelle il faut faire un effort, c'est la petite enfance. L'État ne peut pas se substituer aux parents, c'est évident. L'État ne va pas décider à la place des parents ce qu'ils vont faire, mais il doit venir en aide aux parents.

Alors, la première façon, c'était de combler ce qu'on appelle les besoins essentiels des enfants. Il y a des statistiques et des normes qui sont établies, en vertu desquelles on sait qu'il faut qu'il y ait au moins x dollars de revenus disponibles dans une famille pour qu'un enfant puisse avoir les besoins essentiels. C'est une norme un peu arbitraire, bien sûr, mais il y a un panier de critères qui définissent des normes qui sont reconnues par l'ensemble des Canadiens et même, je pense, par les Nord-Américains. Au Québec, on avait une déficience par rapport à cela. L'État ne faisait pas tout ce qu'il fallait par rapport à une certaine clientèle. Donc, on a introduit dans les politiques familiales un facteur de correction qui fait que, dans l'allocation, il y a la totalité des besoins essentiels pour tous les enfants de toutes les familles en termes d'allocation unifiée. Ça, c'est un grand résultat que tous ont salué. De plus, nous avons fixé le niveau de l'allocation unifiée à la famille de façon telle que les gens qui sont sur l'aide sociale puissent avoir un incitatif à aller travailler. Il se trouvait que, dans les politiques antérieures, quelqu'un qui partait travailler pour 13 000 $, par exemple, selon qu'il ou elle avait un ou deux enfants, perdait de 2 600 $ à 2 900 $, à peu près, du seul fait qu'elle ou il allait travailler. Donc, il y avait là un désincitatif à aller travailler, et il est évident qu'il fallait régler ça. Donc, c'est une chose qu'on règle par les politiques familiales.

(18 h 30)

Il y a également dans les politiques le volet des congés de maternité où on étend l'ouverture aux congés de maternité même à des travailleurs autonomes, même à des gens à bas revenus qui ne l'ont pas actuellement et on améliore même en paiement réel, en bénéfices réels le régime actuel pour ceux qui en disposent déjà, à la condition, bien sûr, qu'on puisse aller chercher à Ottawa la partie de nos contributions à l'assurance-chômage qui vient de la poche de nos travailleurs et de nos employeurs. Mais il y a des négociations en cours pour ça. Il y a une loi fédérale qui permet le rapatriement, et on pense que ça va fonctionner et qu'on pourra mettre en vigueur un régime de congé maternité infiniment supérieur à tout point de vue à celui qui existe maintenant.

Les garderies, maintenant. On parle de la petite enfance, je regrette, mais il y a quelque chose que je ne comprends pas trop dans votre réaction par rapport à la maternelle plein temps. J'ai moi-même été surpris - et je l'ai dit au conseil national l'autre jour - mais ça m'a rappelé à quel point il est difficile de faire des changements. Quelque changement qu'on fasse, ça provoque des réactions. Dès lors qu'on annonce qu'il y aura un changement, il y a un premier sentiment d'insécurité qui en résulte, une certaine peur de l'inconnu, peut-être une méfiance des gouvernements. Les gouvernements n'ont pas très bonne presse dans le public, alors une première réaction négative. Et je suis toujours un peu surpris - maintenant, je le suis moins parce qu'on fait beaucoup de changements, donc je les vois, les réactions - de voir à quel point c'est difficile de changer les choses, même pour le mieux. Il y a toute une côte à monter pour expliquer. Et les gens ont le droit d'avoir les explications, c'est normal, c'est nous qui avons le fardeau de la preuve. Mais, dans ce cas-là en particulier, j'ai été très surpris, parce que je savais que le rapport Parent, dans les années soixante, avait comme une de ses principales recommandations la mise en place de maternelles cinq ans à plein temps.

Déjà, en 1960, alors que le député de Rivière-du-Loup n'était pas né, il y avait au Québec un consensus dans les milieux de l'éducation et dans les milieux périphériques qu'il fallait mettre en place une maternelle cinq ans à partir des considérations que je viens d'exprimer. Alors, je me disais, on répond à un ancien voeu. Ça coûte de l'argent, les gouvernements n'ont pas eu le moyen de le faire jusqu'à maintenant, nous, on va faire un effort pour le faire. On a dégagé des fonds, on a fait des transferts, c'est vrai, de certaines catégories de contribuables à d'autres par souci d'équité sociale, mais on l'a compensé par la réforme fiscale par la suite, de sorte que le résultat est celui que je viens de montrer: des gains à peu près pour tout le monde, sauf des pertes minimales pour un petit groupe pour permettre de mettre ça en marche. Alors, les réactions ont été très bonnes jusqu'à ce que je voie tranquillement les inquiétudes du genre de celles que vous avez exprimées, que le député de Rivière-du-Loup vient d'exprimer: Oui, mais moi, mon petit gars, ma petite fille de cinq ans, je ne voudrais pas l'envoyer tout le temps. Je voudrais la ou le garder à la maison la moitié du temps. Je ne voudrais pas m'en séparer tout de suite et l'envoyer à l'école plein temps. Je voudrais avoir le choix plein temps, mi-temps. Et on a vu poindre cette réaction.

Alors, le député de Rivière-du-Loup nous dit que la majorité ne veut pas, mais nous savons par les statistiques que 70 % des familles qui ont des enfants sont des familles où les deux travaillent. Alors, il y en a au moins 70 % qui vont être tout à fait d'accord pour qu'ils s'en aillent plein temps à la maternelle, ils ne sont pas à la maison pour s'en occuper. Alors, comment pouvez-vous prétendre qu'il y a une majorité qui souhaite ne pas le faire, alors que c'est 30 % seulement des parents qui ont des enfants en bas âge dont un reste à la maison pour s'occuper des enfants? Les autres, les 70 %, je doute fort qu'ils réagissent autrement que moi. En tout cas, moi, on était plutôt content que les enfants s'en aillent plein temps à cinq ans, et, en plus, ils reviennent à 15 h. Puis, en plus, ce n'est pas du scolaire, c'est de la stimulation, c'est de l'éveil, c'est du contact avec des groupes, et les analyses qui ont été faites par les pédagogues et par tout le monde disent que c'est très bon à tout point de vue. À tout point de vue. Ça prépare de façon remarquable les jeunes à entrer en scolarisation. Et ce n'est pas si lourd que ça, là, ils ne font pas les calculs d'Einstein quand ils vont à la maternelle. Il faut aller voir ce qui se passe là. Allez voir ça. J'inviterais le député de Rivière-du-Loup à aller voir ce que c'est qu'une maternelle. C'est très invitant, c'est très accueillant. C'est le milieu familial qui est reproduit. Et puis, plein temps, mi-temps, à peine quelques heures de plus séparées par un repas où ils s'amusent comme des petits fous, ils ne s'ennuient pas de leurs parents, hein? Et, quand ils reviennent, c'est la vie familiale qui reprend.

Je crois qu'il faut continuer d'en parler. Et, quand j'ai parlé d'aménagement, et on en a discuté ensemble, en particulier avec la ministre de l'Éducation... Assurons-nous que c'est véritablement un milieu accueillant. Assurons-nous que c'est vraiment un milieu qui reproduit le contexte de la famille. Assurons-nous que c'est un milieu qui n'est pas agressant, qui n'est pas hostile, qui est chaleureux, que les parents eux-mêmes seront très contents d'envoyer leurs enfants là. Alors, on va continuer de discuter et de travailler, mais je suis convaincu que, au point de vue du langage - c'est ce que les rapports nous disent - de l'autonomie, de la vie en groupe, de la motivation à apprendre, c'est ce qu'il faut faire. On sait que c'est les femmes, surtout, qui ont le problème de la famille et de travailler, et, si on veut que les femmes puissent avoir des carrières, si on veut que les femmes des milieux défavorisés et, souvent, les mères monoparentales - vous savez qu'il y en a beaucoup qui ont des enfants - puissent pouvoir travailler, bien, à ce moment-là, il faut leur permettre d'avoir des services de garderie et de maternelle plein temps qui vont leur permettre de concilier les impératifs de leur carrière et de leurs obligations familiales.


Services offerts par le secteur privé (suite)

Quant aux garderies privées, c'est quand même un peu exagéré, M. le Président, ce que le député de Rivière-du-Loup vient de nous décrire: un Québec totalitaire où l'État s'occupe de tout, dit à quelle heure on fait les choses. Entre nous, on n'est pas dans ce genre de société là, je pense que les gens vont en convenir. S'il y a une société qui est ouverte, qui est tolérante et qui est flexible, c'est bien la nôtre. Alors, d'entendre un jeune député - en plus, un jeune député - nous dire qu'il appréhende l'imposition de contraintes collectives dans la conduite des vies individuelles au Québec, il y a matière à se surprendre. Mais j'ai compris que c'est surtout du côté de l'attitude qu'il voudrait réserver à l'entreprise privée. Il souhaite que l'État ne prenne pas en charge les responsabilités qui peuvent être mieux remplies par le secteur privé et, en particulier, les garderies.

Il y a, au Québec, des garderies sans but lucratif présentement, mais il y en a un certain nombre à but lucratif, et je les rencontre souvent, ces gens-là. Quand on se promène au Québec, on les rencontre. Ils sont inévitables, ils viennent nous voir et ils nous expliquent ce qui se passe. Nous avons mis en place une table de discussion avec eux, avec leurs représentants pour échanger, écouter quel est le problème qu'ils ont, leurs préoccupations, essayer de trouver des solutions.

Et, deuxièmement, nous discutons avec eux d'une solution qui va plaire au député de Rivière-du-Loup, puisqu'elle entre dans les impératifs de l'entreprise privée. Vous savez que les garderies en milieu familial ou sans but lucratif que nous allons instituer vont charger 5 $ seulement par jour par bénéficiaire, ce qui n'est pas beaucoup, évidemment, et les autres nous disent: C'est une compétition absolument épouvantable parce que vous supprimez les crédits, et, nous, on va être pris avec la totalité des coûts, avec une compétition du public, finalement, par le truchement des garderies sans but lucratif à 5 $. Alors, là, manifestement, on a trouvé qu'ils avaient raison. Alors, ce que Mme la ministre de l'Éducation est en train de faire, c'est de définir avec eux un arrangement en vertu duquel on pourra louer, acheter des places en garderie dans la garderie et en les payant pour ça, de façon telle qu'ils ne soient obligés de charger que 5 $ eux aussi. Donc, on va contracter des places en garderie dans les garderies privées qui vont leur permettre de faire des profits et de conserver leurs équipements actuels, leur achalandage et de garder leur place dans le secteur. On travaille sur une formule comme celle-là présentement.


Politique gouvernementale en matière d'agriculture

M. Dumont: Je m'étais gardé 30 secondes pour une seule autre question. Moi, je crois beaucoup dans le développement de l'agriculture, au Québec, comme secteur pour générer des emplois. Je veux simplement savoir s'il en est autant du premier ministre, et, si oui, s'il réalise à quel point ce secteur-là, présentement, est en déroute dans ses relations avec son gouvernement, comment il ne sent pas d'appui ferme de son gouvernement, et s'il a l'intention de s'impliquer lui-même pour remédier à la situation.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je pense que je ne peux que redire à quel point j'estime important ce pilier économique que constitue pour le Québec l'industrie agricole, l'industrie agroalimentaire. C'est évident. C'est un facteur de stabilité sociale important aussi. C'est un apport irremplaçable à la vie collective et économique québécoise, et je pense que ça a été reconnu. Le gouvernement québécois, et tous ceux qui se sont succédé l'ont reconnu. Et, s'il y a un parti qui a montré de l'ouverture vis-à-vis de la classe agricole, c'est bien le Parti québécois. On se rappellera que le ministre de l'époque, l'actuel député de Lévis, a mis en place des politiques qui préparaient l'autosuffisance alimentaire du Québec, et M. Pellerin, le président de l'UPA, me disait que, cette année, on y arrive. On a réalisé le tour de force, au Québec, d'être autosuffisant dans ce domaine-là grâce aux politiques qui ont été mises en oeuvre par les gouvernements du Parti québécois et qui ont été maintenues par les gouvernements qui leur ont succédé.

(18 h 40)

Donc, oui, on y croit, c'est évident, mais, en même temps, il y a deux choses qu'il faut se dire: C'est qu'on y croit tellement qu'il faudrait bien qu'on se rappelle que nos agriculteurs sont bien traités par les programmes de l'État québécois, que, par exemple, l'assurance-stabilisation est le meilleur programme d'Amérique du Nord. Regardez tous les États américains un en arrière de l'autre, toutes les provinces canadiennes, vous ne trouverez pas de programme d'assurance-stabilisation plus généreux, plus solide que le nôtre. Puis les autres, c'est pareil. Donc, l'ensemble des programmes et des piliers de l'agriculture qui ont été constitués ici, dont une partie, d'ailleurs, vient du fédéral, ça constitue un statut exceptionnel pour nos agriculteurs, et j'en suis très content. On est tous très contents et on va se battre pour maintenir cet avantage-là. C'est un grand avantage. Ça nous a permis de développer une expertise remarquable. C'est des gens qui exportent, qui ont conquis des marchés, qui ont des produits de remarquable qualité, on ne le dira jamais assez.

Mais la deuxième chose qu'il faut dire, c'est que, comme toutes les industries, elles vivent dans le monde réel, et, dans le monde réel, il y a des changements économiques considérables: la mondialisation, le libre-échange, la suppression des barrières tarifaires, les récents accords du commerce qui ont prévu la disparition éventuelle des quotas pour les remplacer par des tarifs, à tout le moins temporairement, mais on voit très bien que la tendance est tout à fait différente de celle qui prévalait au moment où le cadre général de cette industrie s'est établi au Québec. Donc, on arrive à un carrefour. Et c'est normal, cette industrie-là a dû se redéfinir il y a 15 ans, après 15 ans, elle doit se redéfinir encore devant les nouveaux facteurs qui modifient l'environnement économique international, parce que, comme elle est très performante, cette industrie chez nous, comme elle exporte beaucoup, elle est en contact avec les contraintes internationales. Donc, il faut gérer cela présentement, et on va le gérer très correctement, et, moi, j'ai vu une grande ouverture d'esprit du côté du monde agricole pour examiner ces questions-là. D'ailleurs, ils y travaillent, ils ont fait des colloques, ils ont même publié des études intéressantes là-dessus. Donc, c'est en évolution.

L'autre aspect, c'est l'environnement. Alors, il n'est pas simple, celui-là parce que la technologie de l'agriculture s'est développée considérablement, elle s'est raffinée. Elle fait appel à des engrais, elle fait appel à des technologies qui comportent des aspects polluants, et là, encore une fois, il y a un carrefour. Au moment où on dépense des milliards, nous, pour assainir les cours d'eau au Québec - et vous savez comme on en a dépensé des milliards avec des résultats extraordinaires. Les études qu'on a vues récemment et qu'on va publier montrent qu'on a une qualité d'eau, au Québec, qui est insurpassée à peu près dans le monde grâce aux efforts qu'on a faits dans le domaine de l'assainissement des eaux en particulier - en même temps, il faut qu'on prenne les mesures tous ensemble avec le monde agricole pour ne pas défaire d'une main ce qu'on fait de l'autre. Il faut empêcher qu'il y ait des retombées de phosphore et de différentes matières polluantes dans nos cours d'eau, dans les nappes d'eau, dans la nappe phréatique. Et ils sont très au courant de ça et ils l'acceptent, hein? Ils acceptent ça.

Et, en même temps, il y a un phénomène d'urbanisation qui s'est étendu, qui a fait que des citadins sont allés demeurer dans la campagne. Ils arrivent dans la campagne puis, dès qu'ils sentent une petite odeur, ils ne sont pas contents parce que ça ne sent pas la ville. Oui, mais là ils auraient dû y penser avant que c'est en campagne qu'ils allaient. Donc, là encore, il va falloir mettre en place des règles qui vont faire une pondération entre les exigences des uns et les inquiétudes des autres. On travaille là-dessus présentement. L'engagement a été contracté que, le 20 juin, nous aurons la réglementation. Il y a eu une commission parlementaire qui a bien fonctionné. Les équipes travaillent présentement. On est très confiant d'arriver le 20 juin avec une réglementation qui va plaire à tout le monde. Tout le monde, c'est beaucoup dire, parce que ce n'est jamais tout le monde qui est content, mais qui va dégager un consensus puis qui va être correcte, dans le sens de permettre aux producteurs de produire et de s'épanouir et de conquérir d'autres marchés et de créer des emplois et d'investir et de faire en sorte que l'environnement sera protégé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui, merci. Depuis qu'on s'est entretenu la dernière fois, le premier ministre et moi, il y a eu quelques questions.


Dossier de la déréglementation (suite)

M. Bouchard: Est-ce que je pourrais...

M. Johnson: Je vous en prie.

M. Bouchard: Est-ce que vous me permettriez d'ajouter une réponse à la déréglementation...

M. Johnson: Je vous en prie.

M. Bouchard: ...puisqu'on a soulevé la question? Ça tombe bien pour nous, mal pour vous, parce que ça va bien, la déréglementation, et je vais déposer un rapport ici, dont vous pourrez prendre connaissance, qui a été présenté aux partenaires du Sommet le 18 avril et qui montre qu'on est en train - il n'y a pas de miracle, là - qu'on est parti pour faire des choses extrêmement correctes. Par exemple, je peux vous dire que, depuis septembre 1994, on a, dans le domaine de l'industrie, du commerce et de la science, fait passer le nombre de programmes d'aide de 125 à 36, qu'on a diminué le nombre de vignettes émises aux transporteurs routiers de 192 000 à 48 000, qu'on a adopté et mis en place 71 mesures d'allégements réglementaires, que 50 autres mesures d'allégement ont été retenues par le Conseil des ministres et que nous sommes en train de les mettre en place, que nous avons le règlement qui fait en sorte que, pour les projets de plus 10 000 000 $, ça prend automatiquement une étude d'impact avant qu'ils soient approuvés. Dans chaque nouveau règlement qui vient au Conseil des ministres, ça prend une évaluation du Secrétariat à la déréglementation. Ce n'est pas le ministre qui décide, c'est le Conseil des ministres sur la foi du mémoire du ministre et de la recommandation du Secrétariat à la déréglementation.

Comme l'a mentionné le chef de l'opposition avec commentaires positifs, nous avons rapatrié ce Secrétariat à l'Exécutif pour qu'il dépende directement de moi. C'est ma responsabilité, et je peux vous dire que des règlements, il y en a moins qu'il y en avait. Je pourrais vous citer les chiffres qui étaient adoptés autrefois, puis ce serait trompeur parce qu'il n'y avait pas le même niveau de préoccupation, j'imagine. Mais on les réduit considérablement d'année en année. Ça ne veut pas dire qu'il faut les faire disparaître, parce qu'il y a de bons règlements. Il faut faire attention à ça aussi. Il y a de bons règlements. Il y a des règlements qui nous sont demandés par les secteurs industriels. Alors, je vous demande de prendre connaissance du rapport, et on aura sûrement l'occasion d'en rediscuter, et je serai heureux de faire rapport régulièrement des étapes que nous franchissons, à pas de géant maintenant, dans le domaine de la déréglementation.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, M. le chef de l'opposition.


Modification du règlement concernant la coloration de la margarine

M. Johnson: ...règlement qui est celui sur la coloration de la margarine. Justement, ça, ça fait partie des bons règlements, et n'importe qui se préoccupe de l'avenir de la production laitière au Québec comparativement à ce qui est en train de se passer en Ontario devrait être extrêmement soucieux de maintenir le règlement actuel. Moi, je n'ai jamais pensé - incidemment, on parle de réglementation et on vient de mêler, je dirais, la problématique de production agricole à tout ça - que c'était de la réglementation antiéconomique, ça. J'avais été bien, bien surpris, dans une entrevue, de me faire accueillir, au point de vue de notre programme, etc., en déréglementation, par une question sur, justement, la margarine. Je ne trouve pas que c'est de la réglementation à caractère économique, contrairement au voeu du gouvernement ou à leur objectif d'inclure dans le décret des métiers de la construction le domaine des télécommunications qu'a évoqué tout à l'heure le député de Rivière-du-Loup. Ça, c'est de la réglementation à caractère économique qui n'a absolument aucun sens, alors que la tendance... Et même le gouvernement, dans le bois ouvré puis le verre plat, est en train de déréglementer, de «dédécréter», si on veut, ou de désassujettir aux décrets certaines activités. Ça, c'est la main droite ou gauche qui fait ça. Pendant ce temps-là, l'autre main fait le contraire. Ça, c'est condamnable, on va le surveiller puis on va le dénoncer si le gouvernement glissait sur cette pente-là.

Mais, dans l'agriculture - j'en profite pour dire ça au premier ministre, j'ouvre la porte - je crois sincèrement qu'il s'agit là d'une mesure qui s'apparente plus à la qualité, l'innocuité des produits et surtout à la meilleure information disponible au consommateur, comment faire pour savoir ce qu'on mange quand il s'agit du beurre, là, à part la couleur. Et, étant donné qu'on ne peut pas étiqueter les petits carrés de beurre - on conviendra de ça - ce qui a été retenu comme mécanisme d'identification de la denrée en question, ça a été la coloration. Il faut que ça soit plus jaune que ou moins jaune que, de telle sorte que c'est le beurre qui se tient à la couleur du beurre.

(18 h 50)

On a entendu toutes sortes de manifestations ou de justifications un peu saugrenues, à mon sens, de la part du ministère de l'Agriculture sur ce qu'il était en train de faire. Soi-disant, il y a une entente interprovinciale signée par ses prédécesseurs, puis il est obligé de donner suite à cette harmonisation. Je veux juste dire que l'harmonisation, ça se fait lorsque les parties convergent. Ça ne veut pas dire d'imiter les autres s'ils ont fait quelque chose tout croche. Ça veut dire d'être dans le même camp, par exemple, que les producteurs laitiers ontariens qui sont montés à l'assaut du ministère de l'Agriculture, en Ontario, qui trouvent que ça a été une décision mal avisée qu'il y ait eu un transfert, notamment, dans le lait de transformation à utilisation industrielle, commerciale, institutionnelle. Il y a eu un transfert de 40 % de ces produits-là vers la margarine ou le faux beurre, l'oléomargarine ou je ne sais trop, là, l'oléobeurre: 10 % de beurre dans un mélange beurre-margarine qui donne l'illusion au goût... Le beurre, c'est tellement bon que tu en mets juste un petit peu puis que ça goûte. C'est ça qui est formidable, n'est-ce pas? Comme on le sait.

Alors, il faut faire attention, les producteurs laitiers sont très, très sérieux à l'égard du maintien de ce règlement-là qui n'a aucune espèce de connotation de «réglementage» à la socialiste ou à l'homogénéisation du marché, à dicter les conditions de marché, marché libre, etc. Ce n'est pas ça qui est en cause, là, c'est la protection du consommateur. Ce qu'on mange, y «a-tu» moyen de le savoir? Alors, dans ce sens-là, je souligne tout de suite au premier ministre que c'est un très gros dossier qui va nous retrouver dans le camp de ceux qui désirent le maintien - comme le font les producteurs agricoles - de ce règlement-là. Et on a juste hâte de voir que le gouvernement ne bouge pas là-dessus. Pour une fois, il est urgent de ne rien faire. Comme disait le prédécesseur du premier ministre, il est urgent de ne rien faire dans ce dossier-là et, donc, de maintenir la situation des producteurs laitiers québécois. Ça, c'est des commentaires, en passant, que le dernier échange a éveillés chez moi.

Les deux gros dossiers dont le premier ministre et moi avons parlé tout à l'heure, c'est la santé et, je dirais, l'accueil que décrivait le comité Levitt-Ducros-Rousseau qui est fait aux investisseurs de l'étranger.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant, M. le chef de l'opposition. Vous disposez de combien de temps de part et d'autre pour compléter...

M. Johnson: On avait quatre heures.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On avait quatre heures. On a commencé à 15 h 25.

M. Johnson: À quelle heure?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On a commencé à 15 heures...

Une voix: Trente-deux.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): À 15 h 32 la première intervention, mais j'ai ouvert la séance à 15 h 25. Alors, théoriquement, on pourrait filer jusqu'à 19 h 25. Vous êtes disponible?

M. Johnson: Vous avez parfaitement raison.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va?

M. Johnson: Ça ne sera pas juste théorique non plus, là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est parce que ça me prend votre accord pour prolonger après 19 heures. Alors, je comprends qu'on l'a. Allons-y. Alors, vous pouvez poursuivre.


Dossier linguistique

M. Johnson: Donc, ce dont on avait été saisi, tout le monde, là, au Sommet économique de Montréal, c'était la qualité de l'accueil qui est réservé aux investisseurs par le gouvernement du Québec pour différentes politiques: linguistiques, constitutionnelles, fiscales. Enfin, on peut faire le tour, là. Et, tout à l'heure, à ma grande surprise, le premier ministre nous a annoncé que son gouvernement avait restauré l'affichage bilingue. C'est Galganov qui va être content. C'est peut-être l'engeance dont je parlais tout à l'heure qui n'en reviendra pas d'avoir entendu le premier ministre dire une chose semblable. Moi, je n'aurais pas fait ça. Moi, je ne restaurerais pas l'affichage bilingue. Restaurer et maintenir la loi 86, qui vise à ne pas interdire les langues autres que le français à condition que, etc., la place que ça occupe, la prédominance du français avec les présomptions qu'on retrouve dans la loi, les règlements, ça c'est correct. C'est entendu, là, ça fait quelques années, à mon sens, qu'on avait atteint un certain niveau de paix linguistique à l'égard du dossier sur l'affichage, mais là le premier ministre va me signaler si ses mots ont dépassé sa pensée ou la réalité, mais ce n'est pas restaurer l'affichage bilingue, tel qu'on l'entend dans la bouche, notamment, de certains des purs et durs de son côté pour qui la loi 86 est vraiment anathème, à bannir, à proscrire, à abolir. Le premier ministre et le gouvernement ont essentiellement maintenu les dispositions de la loi 86 sur l'affichage public commercial, et qu'on me détrompe si vous avez fait autre chose que ça.

Je suis parfaitement au courant que la loi n° 40, par ailleurs, introduit des dispositions coercitives, etc., et c'est sans doute de ça, d'une part, dont le rapport Rousseau-Ducros parlait. Pourquoi, tout d'un coup, lorsque le PQ arrive au pouvoir et qu'on commence à se déchirer en conseil général sur la langue, y a-t-il inquiétude sinon pour changer la situation? La situation était celle de la paix linguistique de la loi 86. Le premier ministre a utilisé son pouvoir. Il nous a même dit que le gouvernement issu du Parti québécois et le programme du Parti québécois se sont assurés de ce côté-là que c'était la loi 86, essentiellement, en substance, qui était maintenue et qui faisait maintenant partie intégrante du programme du Parti québécois. C'est une excellente nouvelle, mais pourquoi est-ce que les gens s'inquiéteraient? Pourquoi est-ce que des gens à qui on demande d'aller mesurer le degré d'inquiétude ou l'absence d'inquiétude de la communauté des affaires nord-américaine reviennent-ils et disent: Il y a une inquiétude? Il n'y en avait pas avant qu'on commence à brasser le dossier. Pourquoi créer l'inquiétude? Pour des raisons, quoi, purement de course à la reconduction du mandat du chef du Parti québécois à son Conseil? Il a eu 76 % à sa convention. Il a eu 76 % malgré les tentatives d'aller relier l'aile un petit peu extrémiste avec le dossier linguistique. 76 %, bon. Ça ne valait pas la peine d'inquiéter le monde économique nord-américain pour en arriver là, on en conviendra. Ça ne vaut pas la peine, dans le contexte où agissait le premier ministre à l'époque, de mettre en péril, je dirais, l'équilibre de l'accueil qu'on tente de manifester à la couverture à des gens qui ne parlent pas français à la maison. C'est ça, l'idée essentiellement. C'est de faire en sorte que, lorsque le Québec s'ouvre, il peut être en pleine possession des moyens qui lui permettent d'assurer la promotion du français et la protection du français et de ses institutions en français et, je dirais même, du développement de la langue française, de notre culture, de nos institutions, de son rayonnement, ce qui est encore plus important. Qu'on n'aille pas signaler une fermeture d'esprit à l'endroit de ceux qui ne parlent pas français comme langue maternelle, et c'est malheureusement ce que ce groupe-là est allé mesurer. Ils sont venus dire: Il y a de l'inquiétude. Ils sont mal renseignés, mais ils sont inquiets. Ils sont mal renseignés pourquoi? Bien, ils ont vu le PQ en congrès se tirer en l'air sur l'unilinguisme puis les rapports Legault ou Proulx, puis ce que vous voulez ou je ne sais trop qui. C'était un peu infernal, tout ce temps-là. Après ça, on se demande comment ça se fait que les gens sont inquiets.


Commission Doyon sur la politique d'achat par Hydro-Québec d'électricité auprès de producteurs privés

J'ai utilisé une autre image, récemment, à l'endroit du ministre des Finances et du ministre de l'Énergie et des Ressources qui se félicitaient de la tenue d'une commission d'enquête qui blanchissait la réputation de gens qui s'étaient employés à se salir allègrement pendant des semaines et des mois. Le premier ministre n'est pas coupable, même par association, de cette opération-là, sinon d'avoir reconduit les termes et le mandat de la commission à quelques reprises, et c'est très inquiétant. Il me semble qu'il devrait resserrer davantage les termes et les mandats des commissions qu'il aura, à l'avenir, à mettre sur pied, le cas échéant, parce qu'on voit les excès auxquels ça a donné lieu, et il n'y a personne qui a été rappelé à l'ordre, et il y a des réputations qui ont été malmenées, c'est le moins qu'on puisse dire, sur la place publique. Alors, le premier ministre pourrait peut-être nous indiquer, peut-être corriger le tir, là. Je suis un peu renversé qu'il parle d'affichage bilingue, personnellement.


Départs à la retraite dans le secteur de la santé (suite)

Par ailleurs, sur la santé, est-ce que le premier ministre pourrait m'expliquer pourquoi il trouve ça normal que les départs dans le monde de la santé au mois de juillet soient le fruit du hasard? C'est à peu près ce qu'il a dit, là. Il a traité de saugrenus les propos de ce côté-ci de la table sous prétexte qu'on disait que, dans tel hôpital, il y a 70 % des gens, au bloc opératoire, qui sont admissibles à leur retraite invitée à partir du mois de juillet. Un hôpital où il y a 291 personnes sur un peu moins de 1 000 qui se qualifient en vertu du programme. Il y a des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public qui sont qualifiés au programme universel. Maintenant, ce n'est pas tout le monde qui est intéressé à avoir tel montant de rente de retraite compte tenu de son âge, de son expérience, de son niveau de salaire, etc. Ça n'intéresse pas tout le monde, en pratique. Ça, je comprends ça. Et on pense qu'il va y en avoir peut-être 15 000 que ça va intéresser. Le problème, c'est qu'on ne sait pas lesquels. Ce n'est pas saugrenu de dire: Il y a des situations où on peut perdre la moitié du personnel expérimenté en chirurgie cardiaque. Le premier ministre dit: C'est saugrenu. Mais il dit: Évidemment, c'est le fait du hasard. On va être obligé de gérer ça au fur et à mesure.

(19 heures)

Donc, on ne sait pas ce qui va arriver. De ce côté-ci, on dit qu'il peut y avoir des cas particuliers extrêmement difficiles à envisager. Le premier ministre dit: C'est saugrenu. Moi, je ne trouve pas ça saugrenu. Il n'y a pas de la bonne planification. Et, si la moitié d'un club de hockey d'expérience était échangée du jour au lendemain ou si on leur donnait des conditions de départ puis d'achat de leur contrat alléchantes et qu'ils partaient du jour au lendemain, bien, bonne chance dans la prochaine partie avec la moitié de l'équipe, là, constituée de nouveaux qui arrivent d'un club ferme ou qui n'ont pas été à temps plein à la même unité de travail. Parce que la réalité, dans un hôpital... Et ça, ce sont les gains qu'ont obtenus les syndiqués du secteur public dans le secteur de la santé au fil des ans: c'est d'assurer par consolidation des emplois que, au moins, il y ait de la permanence de temps plein réguliers de plus en plus. C'est ça qu'on essayait de faire au maximum. Il y a des expériences. Par exemple, à l'hôpital de Verdun, de mémoire, à la fin des années quatre-vingt, on avait négocié la consolidation des emplois pour faire en sorte qu'il n'y ait pas plein de postes où c'était du trois jours, deux jours puis deux jours de fin de semaine une fin de semaine sur deux par deux personnes différentes, etc., qui occupaient l'emploi, pour faire en sorte que les gens aient des emplois réguliers et acquièrent de l'expérience. C'est ça, l'avantage pour les bénéficiaires, évidemment, les patients.

Alors donc, des gens à plein temps du lundi au vendredi à la salle d'opération qui partent le premier juillet, on les remplace par définition par des gens qui faisaient deux jours de temps en temps. Deux jours là, une journée en pédiatrie, une journée à l'urgence. C'est comme ça que ça marche dans le vrai monde. Alors, ce n'est pas saugrenu de soulever que c'est une drôle de façon de gérer le système de santé. Ça inquiète davantage les gens de ne pas avoir prévu... D'où notre demande d'un répit pour pouvoir digérer ces changements-là et le virage que le monde hospitalier est en train de prendre. Un répit pour prendre ce virage-là, pour qu'il y ait des mesures, je dirais, de compensation ou des mesures qui permettent, en transition, sur une période de quelques mois, d'assurer la relève, la succession. S'il y a 30 000 personnes qui partent et qu'on veut juste qu'il y en ait 15 000 qui partent... D'ailleurs, les 15 000, on n'est pas sûr qu'ils sont à la bonne place. Par définition, il n'y a pas de règle qui dit pas plus qu'une personne par équipe chirurgicale cardiaque par région. Ce n'est pas ça. Les gens se qualifient, et, si, tout d'un coup, il y en a cinq qui partent sur dix ou douze, tu es pris avec le problème pour vrai. Ça prend un répit dans l'administration de ce virage-là, qu'on a réclamé à l'Assemblée, qui va appeler des mesures de transition, à mon sens, et il faudrait peut-être que le gouvernement donne un signal tout de suite à la population que... On pourrait dire d'une façon partisane qu'il a fait ça en fou. On ne lui demande pas de reconnaître que ça a été fait en fou, là, on sait pourquoi. Zéro plus zéro égale zéro. On comprend ça depuis le début, cette histoire-là, mais, s'il y a un coût auprès, je dirais, de la sécurité des gens et qui est réel, notamment par les attentes qui s'allongent et l'inquiétude inévitable... Elle peut être fondée ou pas fondée. C'est-à-dire qu'il va y avoir des changements considérables dans les équipes de travail, puis ça ne sera pas du monde qui a la même expérience. Bien, il faut s'occuper de ça.

Alors, c'est important que le premier ministre signale comment il envisage, lui, des mesures de transition et un répit. On n'a pas eu de réponse à l'Assemblée nationale l'autre jour. Les répits, il n'en est pas question. On ne parle pas de moratoire, d'arrêt ou de changement d'idée, on dit: Un répit. Un répit. On ne remet pas en cause qu'il y a des changements profonds qui sont en train de s'effectuer et qui doivent se faire. La continuité est là. La vitesse du changement en matière de santé, parce que c'est des cas concrets à la grandeur du système qu'il faut gérer. Pas par hasard puis ne pas dire: On va attendre que ça arrive puis on verra. On va être pris pendant je ne sais pas combien de semaines dans un hôpital à ne pas être capable de rencontrer la demande. On va insécuriser tout le monde. Ce n'est pas une façon de gérer du monde, de toute façon.


Équité entre les différents salariés du secteur public

L'autre aspect des négos, d'une façon plus générale, en santé comme ailleurs, c'est d'avoir réussi à faire passer l'impression dans le public - c'est assez intéressant lorsqu'on voit comment tout ça a été amené - que tous les travailleurs du secteur public ont fait un sacrifice et ont diminué leur paie de 6 %, qu'il y a 314 000 personnes, équivalents temps complet, qui ont vu leur salaire diminuer de 6 %. Or, ce n'est pas ça qui est arrivé. Le gouvernement a baissé la liste de paie, le coût de la main-d'oeuvre, la rémunération de 6 %, de 800 000 000 $, 900 000 000 $, mais ce qui est passé chez les gens, c'est qu'il y a eu des sacrifices considérables qui ont été faits par l'ensemble du secteur public, donc que tous les travailleurs se sont privés d'un salaire à 100 % pour accepter 94 % de rémunération. En attendant, à ma connaissance, ce n'est pas ça qui est arrivé. On sait que ce n'est pas ça qui est arrivé, c'est plutôt 15 000 personnes qui vont s'en aller, et les seules personnes qui vont voir leur chèque de paie diminuer de 6 % sont autour de la table ici. C'est à peu près les seules personnes dans le secteur public qui ont été touchées, absolument. On voit les non-élus opiner du bonnet, n'est-ce pas, à ces niveaux-là.

Ce qui est sous-jacent à ça - et c'est là que, à mon sens, il faut faire attention et que, là aussi, il y a des mesures d'explication et de transition qui vont être nécessaires, puis j'aimerais entendre le premier ministre là-dessus - c'est que, comment je dirais, c'est un peu plus complexe que les autres choses, comment faire passer à ceux qui ont payé, au point de vue de la motivation, que c'était juste de les faire payer pour que d'autres partent avec de l'argent dans leurs poches? Une travailleuse du secteur public, une infirmière de 47 ans, qui est là depuis une vingtaine d'années a vu une portion de sa caisse de retraite... Elle a mis de l'argent là-dedans pour vrai, ce n'est pas juste la portion du gouvernement, là. Les surplus des régimes de retraite sont constitués par entente entre l'employeur et l'employé pour assurer une rente retraite. Là, il y en a un gros morceau. Sous prétexte que, tout d'un coup, il y a un surplus... Pour combien de temps? On ne le sait pas. Si on n'y avait pas touché... Incidemment, moi, j'ai vécu ça, des surplus, puis il en manquait, puis on a été obligé d'augmenter, puis, oups! on avait augmenté trop. Puis là, c'est correct, on peut en redistribuer une partie à certains moins bien pensionnés, je dirais, ou éventuellement moins bien pensionnés.

Certains travailleurs à revenus modestes de l'État, à un moment donné, compte tenu des représentations, je devrais dire, de leurs dirigeants syndicaux, sont allés en chercher un petit peu plus dans les surplus des régimes de retraite. C'est arrivé à la CECM plus qu'une fois. Il y a une longue histoire autour de ça. Ça n'arrivera pas à ceux qui sont allés mettre 800 000 000 $ pour permettre à d'autres de s'en aller. À mon sens, on a semé les germes d'une insatisfaction, d'une démotivation de ce personnel-là. Non seulement ils sont brassés parce qu'ils ne savent pas ce qui va arriver au mois de juillet quand des milliers de personnes vont partir - on ne sait pas combien de milliers, on ne sait pas où, on ne sait pas quand, etc. - mais, en plus, ce sont des gens dont le régime de retraite a été ponctionné. Oui, à toutes fins pratiques, absolument. En tout cas, on verra.

Je suggère au premier ministre de se promener dans les hôpitaux. Je lui suggère de s'entretenir avec les employés qui vont payer. On n'a rien pour rien. «There's no such thing as a free lunch». Il y a quelqu'un, quelque part, qui paie. Rien ne se perd, rien ne se crée. Enfin, on peut multiplier les clichés. La réalité, c'est que, si tu trouves 1 600 000 000 $, il vient de quelque part. Il y en a la moitié qui vient de tout le monde, puis l'autre moitié vient de ce monde-là qui travaille, vient des gens du secteur public.

Et j'aimerais que le premier ministre nous indique, donc, ce qu'il va faire de ces trois éléments différents - en résumé, là, le dernier 10 secondes - sur la margarine. Deuxièmement, est-ce qu'il pourrait nous expliquer pourquoi, tout d'un coup, il y a de l'affichage bilingue? Et, troisièmement, dans la santé, il y a des problèmes qui perdurent, puis ce n'est pas le hasard. Est-ce qu'il entend donner un répit au réseau et gérer ça, avoir des mesures de réduction de friction, si je peux m'exprimer ainsi, qui vont motiver davantage le personnel, qui vont rassurer la clientèle? Parce que le personnel, lui, va être rassuré de savoir qu'il est bien traité.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le chef de l'opposition. M. le premier ministre. Puis il nous reste environ 13 minutes pour les réponses, puisque, après, nous avons à voter les crédits.

M. Bouchard: Donc, on a chacun 13 minutes, là?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Non, il reste ça à l'échange.

M. Bouchard: Il me reste 13 minutes. C'est ça?

(19 h 10)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il reste ça, 13 minutes.


Modification du règlement concernant la coloration de la margarine (suite)

M. Bouchard: O.K. M. le Président, pour ce qui est de la margarine, j'avoue que nous sommes tous un peu abasourdis et que nous allons avoir besoin de l'aide du chef de l'opposition pour comprendre ce qui s'est passé dans cet incroyable fouillis. Voici la situation. Nous prenons le pouvoir en septembre 1994, et il apparaît que, dans les mois qui ont précédé, en juillet, le gouvernement qui était là, que dirigeait l'actuel chef de l'opposition, a signé un traité, un accord avec les autres provinces canadiennes qui lie formellement le gouvernement du Québec aux fins d'harmoniser nos politiques économiques avec le reste du Canada dans certains domaines et de le faire au plus tard le 1er septembre 1997. Alors, là, nous, on est au gouvernement, on prend connaissance de ça maintenant. J'imagine que ça n'a pas été le grand débat en 1994 parce que ce n'était pas imminent, mais là on arrive. Donc, il faut se préparer. On lit l'accord et on se fait dire, M. le Président, par les gens qui nous conseillent dans ce domaine-là au gouvernement que non seulement il y a eu cet accord, mais que, en plus, le ministre de l'Agriculture du gouvernement que présidait l'actuel chef de l'opposition a signé à Ottawa le compte rendu, un procès-verbal en vertu duquel le Québec s'oblige à supprimer le règlement actuel qui interdit la coloration de la margarine. Alors, grave question, M. le Président. On n'est pas fou non plus, on sait que le monde agricole a toujours été contre ce genre de choses, qu'il ne veut pas que les gens colorent la margarine pour toutes sortes de raisons qu'on connaît et que vient d'évoquer le chef de l'opposition. Mais, nous autres, on se dit: Oui, mais on ne devrait peut-être pas abolir le règlement et faire droit à la revendication des producteurs agricoles. Oui, mais les gens nous disent: Vous ne pouvez pas, le gouvernement qui vous a précédés a signé, et vous êtes obligés, vous n'avez pas le choix. Puis là le chef de ce gouvernement-là, qui est devant nous aujourd'hui, nous reproche de nous soumettre à l'obligation légale dans laquelle il nous a placés lui-même d'abolir ce règlement au plus tard le 1er septembre, sinon, nous dit-on - ou certains conseillers nous disent - il y aura un comité qui va siéger, et vous allez être condamnés, et il y aura des représailles contre l'exportation du lait et d'autres produits laitiers dans le reste du Canada. C'est la situation dans laquelle nous a placés le gouvernement qui nous a précédés. Bien, ça va jusque-là.

Moi, je l'ai dit à M. Pellerin, je l'ai dit à tout le monde: Écoutez, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? C'est le gouvernement libéral, avant, qui a signé ça. Vous autres, qu'avez-vous fait à l'UPA? Il paraît que vous étiez d'accord. Il paraît que M. Picotte vous a consultés et que vous avez laissé passer. Ah! mais là ça devient ambigu, les réponses. Ça, ce n'est pas trop pire, c'est un problème politique qu'on a, le problème de respecter, en plus, le droit qui a été créé par cet accord signé par le gouvernement qui nous a précédés. Mais, là où je tombe des nues, c'est de me retrouver aujourd'hui à me faire reprocher par l'auteur de la question, le coupable, de devoir faire ce qu'il nous a obligés à faire. Là, j'ai mon voyage, M. le Président!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Alors, qu'est-ce qu'on fait présentement? Je vais vous le dire, M. le Président. Ça va vous intéresser, puisque vous ne le savez pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: ...ayant assisté au caucus l'autre jour. Là, on a décidé de faire appel à des experts, des conseillers juridiques extérieurs pour nous dire s'il y a un trou pour passer dans ce mur de béton dont nous a entourés le gouvernement libéral que présidait le chef de l'opposition. Alors, on attend les opinions légales. S'il y a un trou pour passer, on va passer dedans, M. le Président, mais, apparemment, il a été bien construit, le mur de béton par le chef de l'opposition et ses ministres de l'époque. En tout cas, on attend la réponse. C'est ce que je veux dire sur la margarine.

Une voix: Demandez-lui s'il a des opinions juridiques de son bord pour nous aider.

M. Bouchard: Bien, peut-être qu'il en a des opinions juridiques, lui aussi, des anciennes de l'époque qui l'ont autorisé à signer, je ne sais pas. Mais ça prend un certain front, quand même. Ha, ha, ha! Il faut dire que c'est la fin des quatre heures, c'est peut-être pour ça.


Dossier linguistique (suite)

M. le Président, pour ce qui est de la langue, ce que j'ai dit, je l'ai dit rapidement, et je remercie le chef de l'opposition de me permettre de le préciser, c'est que le programme du Parti québécois - d'ailleurs, je l'avais dit que c'était le programme du Parti québécois - au congrès dernier, a été modifié de façon à ce que, pour la première fois, le programme du Parti québécois reconnaisse le principe de la loi 86, c'est-à-dire l'affichage commercial bilingue avec prédominance française. Bon. C'est la première fois que c'est reconnu par le Parti québécois, et, dans la mesure où ça pouvait inquiéter les investisseurs, je pense qu'ils ont matière à se calmer, parce qu'on est en train d'arriver à l'équilibre. C'est ce que j'avais dit.


Commission Doyon sur la politique d'achat par Hydro-Québec d'électricité auprès de producteurs privés (suite)

Et je voudrais dire un mot de la commission Doyon avant de finir par la santé. Sur la commission Doyon, il faudrait quand même être juste, là. C'est qu'il y a eu des allégations très graves qui ont circulé à l'époque qui ont convaincu le gouvernement de faire faire la lumière. Il est sûr que ce n'est pas agréable pour les personnes qui étaient l'objet de ces allégations, mais il se trouve que les conclusions de la commission Doyon ont permis d'innocenter complètement et de consacrer la bonne réputation des personnes en question, et j'ai été très heureux, à la Chambre, de le reconnaître et de dire que ces personnes-là, que je connais moi-même, sont des citoyens parfaitement intègres et qui, en plus, se le sont fait dire par une commission d'enquête. Bon.

Pour ce qui est de la reconduction des mandats, le chef de l'opposition nous a reprochés d'avoir reconduit les délais qui avaient été assignés à la commission pour déposer son rapport. Je voudrais dire que c'est toujours avec beaucoup de réticence que nous avons fait droit à ces demandes de prolongation, d'abord parce qu'on trouvait que ça coûtait très cher, mais on n'était pas capable, M. le Président, sinon que de nous exposer à nous faire dire qu'on voulait priver la commission des moyens de faire son enquête. Vous savez que les gouvernements doivent y penser à deux fois avant de créer ces commissions. On le sait de plus en plus, la décision de créer une commission d'enquête, maintenant, est une décision lourde, extrêmement lourde de conséquences pour tout ce qu'on sait des délais que ça provoque, et il semble bien que l'impact d'application de la Charte des droits fait en sorte qu'il y a de plus en plus de moyens juridiques qui sont invoqués dans le courant des enquêtes, qu'il y a des incidents qui se promènent parfois jusqu'à la Cour supérieure, la Cour d'appel puis que ça revient - et ça pourrait être la Cour suprême aussi - puis que ça retarde considérablement. Les droits des individus sont protégés de façon extrêmement élaborée par les présidents de commissions d'enquête. Ils envoient des avis, ils ont des avocats. Il y a un délai interminable. Ça fait que ça coûte très cher.

On a vu, à Ottawa, des commissions qui ont coûté des fortunes, au-delà de 50 000 000 $. Et même le gouvernement libéral actuel, à Ottawa, a mis fin à la commission sur la Somalie dans des circonstances qui ont donné lieu à beaucoup de conjectures politiques. Après des années et, je pense, plus de 50 000 000 $, la commission Krever, on le sait. Et, nous, à Québec, on avait créé cette commission Doyon. Comment l'arrêter, la commission Doyon quand le juge demande une prolongation? Vous n'avez pas le choix. Alors, on l'a fait avec réticence, parce qu'on souhaitait que la conclusion vienne rapidement, d'autant plus que ça retardait la mise en place de nos politiques énergétiques. Mais c'est ce que je voulais dire sur la question des commissions d'enquête.


Départs à la retraite dans le secteur de la santé (suite)

La santé. Alors, le chef de l'opposition revient sur les effets pervers des choix volontaires qui seront faits par les personnes éligibles de se prévaloir ou non des bénéfices de la retraite assistée. Il faut bien dire une chose, là. On dit parfois que le hasard fait bien les choses, c'est un cas. C'est un cas parce qu'il est certain que, dans une équipe de travail, dans un établissement, il n'y a pas que des personnes de 55 ans et plus, il y a tout l'éventail des âges qui est représenté. Les affectations dans un établissement, elles ne se font pas en fonction des âges. C'est qu'on retrouve une coupe totale, très polyvalente et très diversifiée, de tous les niveaux d'âge par les lois de la statistique, les lois de la probabilité. Alors, elles vont jouer, ces lois de la probabilité. Dans ces centaines d'établissements répartis sur l'ensemble du territoire québécois, il y a des gens de 55 ans et plus éligibles un peu partout, je suis convaincu, distribués très également, d'après un mode déterminé par les probabilités.

Alors, dans l'ensemble, il n'y aura pas de problèmes. Sauf que ça se peut, cependant, qu'il y ait des cas précis, des aberrations statistiques par le fait des concentrations dans un service donné. À ce moment-là, on les remplacera, M. le Président. J'ai dit et je répète que le ministre des Affaires sociales a les ressources budgétaires pour lui permettre de régler ces problèmes-là, que nous allons le faire avec beaucoup de circonspection, beaucoup de vigilance, qu'il n'y aura pas de perturbations dans la prestation des soins de santé, que nous allons être extrêmement vigilants pour réussir cette opération de façon correcte.


Équité entre les différents salariés du secteur public (suite)

À la fin, le chef de l'opposition a soulevé la question de l'équité entre les différents salariés du secteur public, du fait que ce n'étaient pas les salaires qui étaient diminués, que c'était la masse des coûts de main-d'oeuvre, donc les départs, et que, finalement, il y avait des problèmes d'équité. Ce qu'il faut bien dire, c'est que, dans le cas de l'éducation en particulier, ce n'est pas forcément par des départs qu'on a réglé le problème. Il y a eu des concessions qui ont été faites par les salariés d'avantages qu'ils ont dans leur convention, d'avantages qui se traduisent par des aspects monétaires et qui font que les coûts de main-d'oeuvre ont diminué. Dans le cas de l'éducation, c'est le cas, dans les collèges en particulier. À la CEQ aussi, ils ont renoncé à des choses qu'ils avaient. Donc, ils ont fait de véritables efforts personnels.

(19 h 20)

Et, en plus, le fait d'accepter qu'une partie du surplus actuariel, la moitié en l'occurrence - enfin, une partie du surplus - soit affectée à supporter la moitié des coûts de mise en place du fonds de départs, c'est un effort aussi, ça. Mais c'est normal qu'ils fassent leur effort. D'ailleurs, ils l'ont voulu. Ils ont accepté, dans des assemblées syndicales éminemment démocratiques, de faire cet effort-là. C'était la réponse à l'appel du gouvernement à ce que les Québécois se répartissent un effort de solidarité pour redresser la situation et repartir l'économie du Québec.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Dernière intervention, M. le chef de l'opposition.


Étude sur la gestion de l'eau

M. Johnson: Oui, brièvement, avant que nous fassions notre devoir quant à considérer l'adoption des crédits du Conseil exécutif, une demande formelle suite à des questions que nous avons posées à l'Exécutif afin que nous puissions bénéficier le plus rapidement possible, comme députés, du dépôt d'une étude commandée à l'Institut national de la recherche scientifique, l'INRS, pour réaliser une étude portant sur l'analyse comparative de la gestion de l'eau au Canada et dans différents pays. Enfin, ça circule un peu partout, cette préoccupation-là. Il y a beaucoup de dossiers qui y touchent, et on vient de découvrir que le gouvernement a donné un contrat de 20 000 $ à l'INRS pour étudier ce dossier-là, enfin colliger les formes d'administration et de gestion de ce dossier-là dans différents pays, y compris au Canada. Alors, si on pouvait bénéficier de ces lumières-là comme parlementaires.


Groupe souhaitant rencontrer le premier ministre au sujet de l'école montréalaise

Deuxièmement, j'aimerais demander au premier ministre s'il a l'intention très bientôt, en matière d'éducation... La Coalition pour l'école montréalaise, elle lui a écrit récemment. C'est une coalition des travailleurs du secteur et des administrateurs de même que des parents de l'école montréalaise, CECM, de même que l'association - attendez un petit peu - Association of Catholic Principals of Montreal... Ils tentent de sensibiliser la ministre aux effets des compressions sur l'école montréalaise. Ils tentent de rencontrer le premier ministre sans succès. Ils ont eu droit à une lettre il y a quelques jours - c'est un des parents, je pense, qui nous a remis ça - d'une responsable du bureau du premier ministre qui indique que le premier ministre est bien trop occupé pour ça - peut-être qu'il est en campagne électorale fédérale, là - et qu'on les invite à rencontrer les directeurs de cabinet, par exemple, de la ministre de l'Éducation et du président du Conseil du trésor. Alors, ils ont vu les ministres, ces gens-là, je crois comprendre, ils essaient de voir le premier ministre, et un collaborateur ou collaboratrice du premier ministre souligne à ces gens-là qu'ils devraient faire affaire avec les chefs de cabinet des ministres qu'ils ont déjà vus. Ce n'est pas ça qu'ils veulent, ils veulent rencontrer le premier ministre.

La dernière fois, c'étaient les cadres scolaires, qu'on veut couper de 4 % ou 6 % par diktat, qui ne trouvaient pas le moyen de rencontrer le premier ministre. On a poussé en Chambre. J'ai cru comprendre que, dans les heures qui ont suivi, ils ont finalement rencontré le premier ministre et, le lendemain, ils ont découvert que la loi n° 104 était déposée puis qu'ils étaient coupés comme les autres, les cadres scolaires.

Là, la Coalition pour l'école montréalaise souhaite rencontrer le premier ministre du Québec. À mon sens, c'est la moindre des choses, il devrait trouver le temps. Vous avez juste à annuler votre discours à Shawinigan demain puis vous allez avoir le temps en masse de faire toutes sortes de choses importantes qui touchent les parents québécois. Alors, ça conclut mes commentaires.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je me rends compte que le chef de l'opposition a peur de mes discours pas mal.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Franchement, je ne voudrais pas lui faire peur comme ça. Je ne pensais pas. Non, mais, écoutez, je note une chose, c'est qu'il y a une demande de rencontre. Je peux dire qu'on verra le dossier des rencontres que je fais. Je rencontre énormément de gens, je suis un premier ministre très disponible et certainement que j'aurai plaisir à les rencontrer. Ce sont les principaux d'école?

M. Johnson: La Coalition pour l'école montréalaise, Mme Fortier, de l'Alliance des professeurs de Montréal, évidemment, la présidente et cosignataire avec le président de la CECM et la présidente du Comité central des parents de la CECM. Et ça regroupe également l'Association des cadres scolaires du Québec, section Montréal, etc.

M. Bouchard: Si on remet ça au bureau, ça va me faire plaisir de les rencontrer très rapidement.

M. Johnson: C'est malheureux qu'on soit obligé de poser la question ici pour que ça arrive.

M. Bouchard: Écoutez, vous avez eu la fonction, vous savez qu'on rencontre beaucoup de gens. Qu'il y ait une affaire comme ça à travers, là, ce n'est pas... C'est impossible de voir tout le monde, vous le savez. Je rencontre beaucoup de gens, toujours avec plaisir en plus.

M. Johnson: Quand on ne se mêle pas de la campagne fédérale, on a le temps.

M. Bouchard: Toujours avec plaisir. Bon.


Étude sur la gestion de l'eau (suite)

L'étude de l'eau. Oui, nous avons demandé cette étude de l'eau. Nous l'avons examinée en Comité des priorités. Nous avons décidé de faire un symposium sur l'eau avant de prendre...

Une voix: Meech.

M. Bouchard: Sur toute l'eau.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Pas de discrimination dans l'eau.

M. Bélanger: Y en «a-tu» un à Charlottetown?

M. Bouchard: Alors, c'est ça. Quand aura lieu le symposium? Ce n'est pas fixé encore, mais ça va être à l'automne, je crois. Alors, nous avons décidé de publier un document de référence sur l'eau dans lequel on diffuserait tout ce qu'on a de données sur l'eau, y compris cette étude-là. Et on veut publier également les régimes juridiques. C'est très complexe. On veut désamorcer le débat, dans le sens qu'on voudrait que le débat se fasse à partir des réalités. Il y a des gens qui pensent qu'on va exporter l'eau partout, il y en a d'autres qui pensent qu'on va la privatiser. On verra. On va définir des politiques, puis on les définira après qu'on aura eu un bon débat public où tout le monde aura participé sur la foi d'informations objectives. Alors, l'étude, elle existe. En principe, moi, je n'aurais pas d'objection à vous la remettre, sauf que j'aurais préféré qu'on le fasse dans le cadre de ce document de référence général. Donc, ça peut tarder un peu. Je ne sais pas si vous pouvez attendre un peu. Donc, vous pouvez attendre, c'est ça?

M. Johnson: Non, pas vraiment.

M. Bélanger: Il le veut tout de suite.

M. Bouchard: Vous avez vraiment soif, alors.

M. Johnson: Il y a un engagement financier, et les fonds publics sont en cause. Le rapport existe ou il n'existe pas, là.

M. Bouchard: Ah non! On ne cache rien, vous savez. On ne cache rien. Je n'ai pas de problème, moi. On va publier l'étude aussitôt qu'on...


Adoption des crédits

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames, messieurs, nous allons maintenant procéder à l'adoption des programmes. Est-ce que le programme 1, Bureau du lieutenant-gouverneur, est adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que le programme 2, Services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif, est adopté?

Des voix: Adopté.


Adoption de l'ensemble des crédits

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que l'ensemble des crédits du ministère du Conseil exécutif pour l'année 1997-1998 sont adoptés?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, sur ce, mesdames, messieurs, je vous remercie de votre participation, et nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 19 h 27)


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