L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 5 mai 1998 - Vol. 35 N° 123

Étude des crédits du ministère de la Justice


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats


(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames et messieurs, nous allons débuter maintenant nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission de procéder à l'étude des crédits budgétaires concernant le ministère de la Justice pour l'année financière 1998-1999.

M. le secrétaire, pourriez-vous annoncer les remplacements?

Le Secrétaire: M. le Président, M. Paquin (Saint-Jean) est remplacé par M. Laprise (Roberval); et Mme Signori (Blainville) par Mme Barbeau (Vanier).


Organisation des travaux

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Avant de passer à l'étape des remarques d'ouverture, je voudrais juste que les membres de la commission m'indiquent la façon par laquelle vous voulez procéder pour l'étude des crédits. Est-ce qu'on procède programme par programme, élément par élément ou si on choisit de faire une discussion générale sur l'ensemble des crédits et une adoption à la fin?

M. Mulcair: M. le Président, je trouve que la présentation est assez logique dans les documents; on va suivre un peu historiquement dans ce dossier-là. On a toujours eu la flexibilité de passer... Parce que ce n'est pas étanche nécessairement, et peut-être une brève introduction de part et d'autre servira à mettre les choses en perspective.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Donc, une adoption des crédits à la fin...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...quand on aura complété les crédits.

M. Mulcair: Tout à fait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, très bien. Ça vous convient? Alors, je rappelle qu'une enveloppe de six heures sera consacrée pour l'étude de ces programmes, soit trois heures cet avant-midi et trois heures demain.


Remarques préliminaires

J'inviterais maintenant M. le ministre à nous faire part de ses remarques préliminaires.


M. Serge Ménard

M. Ménard: M. le Président, chers collègues, c'est avec grand plaisir que, pour la première fois à titre de ministre de la Justice et Procureur général du Québec, j'ai à présenter devant la commission des institutions les crédits détaillés de mon ministère. Cet exercice, bien qu'astreignant pour les ministres et leurs collaborateurs, m'apparaît un exercice absolument fondamental dans notre démocratie. C'est en effet l'occasion d'une révision et d'une étude serrée de nos dossiers et c'est aussi l'occasion de répondre aux questions que les membres de l'Assemblée veulent bien poser à ceux qui doivent répondre de leurs gestes devant le Parlement. C'est pour ça que je suis ici ce matin.

(9 h 40)

Vous comprendrez qu'un tel exercice demande une grande concertation du personnel du ministère. Je voudrais souligner, pour ne pas abuser du temps de la commission, la présence de quelques-uns de mes collaborateurs et collaboratrices. D'abord, à ma droite, le sous-ministre en titre de la Justice, Me Michel Bouchard. À ma gauche, mon directeur de cabinet, Me Pierre-E. Audet. Le sous-ministre associé à la Direction générale des affaires criminelles et pénales, Me Mario Bilodeau, derrière moi. Le sous-ministre associé à la Direction générale des services de justice, M. Rodrigue Desmeules, qui est à sa droite, à la droite de Me Bilodeau. La sous-ministre associée à la Direction générale des services de gestion, Me Louise Roy, qui est à mon extrême droite. Le sous-ministre associé à la Direction des affaires juridiques et législatives, Me Jean-K. Samson, qui est derrière. J'ai remarqué aussi la présence de Me Pierre Lorrain, président de la Commission des services juridiques, ainsi que Me Louis-Paul Allard, qui en est le vice-président. Me Jean Bernier, qui est président du Fonds d'aide aux recours collectifs. C'est à peu près tout. Me Jean Bernier, oui. Et il y a Me Christiane Lussier, mon attachée de presse. Je veux saluer, sans les nommer, également tous ceux et celles sans qui cet exercice serait impossible à réaliser.

J'ai l'intention, dans cet exposé, de vous entretenir de la mission, des programmes, du budget du ministère et de quelques faits saillants de la dernière année et de l'année qui s'en vient. La mission du ministère de la Justice, c'est de favoriser la reconnaissance et le respect des droits des citoyens et des citoyennes. À cette fin, le ministre de la Justice veille à l'instauration de rapports plus harmonieux et plus équitables aussi bien entre les personnes qu'entre elles et l'État. Il voit à ce que les citoyens aient accès à un système judiciaire de qualité et assure la publicité des droits fonciers et immobiliers. Enfin, il conseille le gouvernement et ses organismes sur la légalité de leurs actions, apporte son soutien au Procureur général, tant en matière civile que pénale, et joue un rôle fondamental dans les processus législatifs et réglementaires.

Le portefeuille du ministère se répartit en quatre programmes. Le programme 01, intitulé Formulation des jugements, vise à rendre la justice par la formulation de jugements selon les juridictions des différentes cours de justice. Le programme comprend aussi le Conseil de la magistrature et le Comité de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales permanentes.

Le programme 02, intitulé Administration de la justice, vise à assurer le soutien administratif nécessaire au fonctionnement des cours de justice et des bureaux de publicité des droits, à fournir un soutien d'ordre juridique, législatif et réglementaire à toutes les activités gouvernementales et à assurer l'application du Code criminel et des lois pénales du Québec.

Le programme 03, intitulé Justice administrative, vise à assurer une part du financement du Tribunal administratif du Québec qui a pour fonction, dans les cas prévus par la Loi sur la justice administrative, de statuer sur les recours formés contre une autorité administrative ou une autorité décentralisée. J'aurai d'ailleurs à revenir sur ce sujet un peu plus loin. Ce programme comprend également le Conseil de la justice administrative, organisme à vocation déontologique.

Enfin, le programme 04, intitulé Aide aux justiciables, vise à assurer une aide juridique, financière ou sociale aux personnes économiquement faibles et défavorisées ainsi qu'aux enfants et à la famille aux prises avec certains problèmes sociaux ayant un rapport avec la justice et à assurer une compensation financière aux victimes d'actes criminels.

Les crédits du ministère, en excluant les fonds spéciaux, se chiffrent à 447 771 400 $, alors que l'effectif exprimé en équivalents temps complet totalise 3 643 postes, dont 409 affectés aux fonds spéciaux; ce sont le Fonds des registres et le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. Sur une base comparative, les crédits 1998-1999 du ministère sont en baisse de 12 373 700 $ par rapport à ceux de 1997-1998. Cette variation découle des deux facteurs suivants: des ajustements de 8 830 800 $ pour tenir compte du coût de reconduction de nos programmes, des économies budgétaires de 21 204 500 $ résultant des mesures ministérielles de réduction des dépenses, dont le détail apparaît aux pages 127 à 135 du volume III du budget des dépenses 1998-1999, intitulé Plan ministériel de gestion des dépenses .

Maintenant, j'aimerais porter votre attention sur des faits saillants, des réalisations du ministère de la Justice au cours de la dernière année budgétaire, d'une part, et, d'autre part, vous dire quelques mots sur les projets pour les trois prochaines années.

Dans un premier temps, je vous entretiendrai des sujets suivants: La médiation familiale; la réforme de la justice administrative; la lutte au produit de la criminalité; le recours aux témoins délateurs; l'implantation du service de consultation et d'inscription à distance du registre des droits personnels et réels mobiliers; le projet de modernisation du système de publicité foncière; la consolidation du réseau des CAVAC; et, enfin, l'accès restreint aux plumitifs informatisés.

Depuis le 1er septembre 1997, les Québécoises et les Québécois ont accès à des services complets de médiation familiale, et ce, partout au Québec. Un service de médiation familiale a été implanté dans les 43 localités où siège la Cour supérieure, et plus de 1 000 médiateurs accrédités répartis sur le territoire dispensent les services de médiation familiale: il s'agit des avocats, notaires, psychologues, travailleurs sociaux, conseillers d'orientation et employés des centres jeunesse, spécialement formés pour aider les couples en situation de rupture à s'entendre sur la garde, les droits de visite et de sortie, la pension alimentaire ou le partage des biens. Je rappelle que ces services sont gratuits pour les couples avec enfants, et ce, jusqu'à concurrence de six rencontres, incluant la séance d'information, le cas échéant. Ce nouveau programme veut répondre aux besoins des justiciables et de leurs enfants en réduisant les conflits familiaux, les coûts et les délais. Il a pour effet d'augmenter le nombre d'ententes et permet de vivre des relations familiales plus harmonieuses, tout en évitant la judiciarisation des différends. Ce programme est encore très jeune, il est donc trop tôt pour en dresser le bilan, d'autant plus que le processus de médiation lui-même peut se dérouler sur plusieurs semaines, voire même quelques mois.

Cependant, afin de vérifier si les objectifs de la loi seront atteints, je suis à mettre sur pied un comité de suivi dont je pourrai communiquer la composition et le mandat d'ici peu. Ce comité doit produire un rapport d'étape d'ici l'automne prochain.

Maintenant, la réforme de la justice administrative. Vous me permettrez, M. le Président, de faire un bref rappel des derniers événements entourant la réforme de la justice administrative. Pour mémoire, rappelons que la loi fut adoptée en décembre 1996 et sa loi d'application, en juin 1997. Un certain nombre de règlements ont depuis été adoptés, dont un des plus récents concerne le règlement sur la procédure de recrutement et de sélection des membres du Tribunal administratif. Ces textes législatifs et réglementaires constituent, selon nous, des pièces majeures en matière de justice, en ce qu'ils viennent consacrer dans notre législation les principes juridiques fondamentaux pour mieux régler les rapports qui doivent exister entre l'administration publique et les citoyens: devoir de l'administration d'agir équitablement; rendre des décisions de qualité; humanisme dans la communication avec le citoyen; accessibilité à la justice; indépendance du tribunal; impartialité du décideur; loyauté dans les débats; cohérence dans les décisions.

La réforme vise d'abord à favoriser la qualité des décisions lorsqu'une personne s'adresse une première fois à l'administration publique. On pense, par exemple, à l'octroi d'un permis ou d'une allocation, à la prestation de dernier recours, à l'aide sociale, aux indemnités de toutes sortes, etc. L'objectif est d'assurer un traitement équitable des personnes et d'établir, entre l'administration et les citoyens, un rapport fondé sur le respect et la reconnaissance des attentes légitimes de chacun. J'ai bon espoir que cette approche contribuera à rapprocher le citoyen de l'administration et à lui faire mieux comprendre les motifs d'une décision, même défavorable. Le sentiment d'injustice, ressenti à l'occasion par certains citoyens, origine parfois des difficultés qu'ils ont à comprendre les motifs au soutien d'une décision de l'administration et de leur impression de ne pas avoir été entendus.

(9 h 50)

La loi crée le Tribunal administratif du Québec, le TAQ. Il est chargé d'entendre les contestations formées contre diverses décisions de l'administration, et de décider. Il s'agit d'un aspect majeur de cette réforme. Le Tribunal administratif du Québec est formé de quatre sections spécialisées, soit les affaires sociales, les affaires immobilières, les affaires économiques et la section du territoire et de l'environnement. Il s'agit, au-delà de l'intégration de divers tribunaux existants, d'un changement dans la manière d'aborder la justice administrative. Les avantages pour le citoyen sont nombreux: Guichet unique; l'uniformisation des règles de procédure; une approche du citoyen qui va jusqu'à l'assistance de l'administré par le personnel du tribunal pour la préparation de sa requête; un objectif de tenir l'audience dans les six mois; une décision dans les trois mois de l'audition; l'obligation de rendre les décisions accessibles; la spécialisation des sections du tribunal, à savoir les affaires sociales, affaires immobilières, etc.

Le volume actuel des activités des organismes intégrés au sein du TAQ de la Chambre de l'expropriation et de la Commission municipale du Québec, notamment, et l'introduction de nouveaux recours permettent d'anticiper un volume annuel de dossiers oscillant entre 20 000 et 25 000. Il faut aussi souligner que près d'une centaine de types de décisions administratives pourront faire l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif du Québec. Le gouvernement s'est également doté d'un mécanisme de nomination et de renouvellement qui permet d'assurer la transparence de la nomination et d'offrir aux citoyens des garanties que les membres ont la compétence et l'intégrité nécessaires à l'exercice de leurs fonctions.

En effet, outre les normes prévues par la loi quant à l'expérience requise, la durée, le renouvellement et la fin d'un mandat, le gouvernement a édicté le 18 mars 1998 le règlement sur la procédure de recrutement et de sélection des personnes aptes à être nommées membres du Tribunal administratif du Québec et sur celle de renouvellement du mandat de ces membres. Ce règlement notamment prévoit la publication d'un avis de recrutement, détermine les documents et renseignements qu'une personne désirant présenter sa candidature devra transmettre, fixe la composition des comités de sélection et celle des comités de renouvellement et établit leur fonctionnement, énumère les critères dont ces comités doivent tenir compte, prévoit la possibilité d'effectuer des consultations, précise qu'une déclaration d'aptitude est valide pour trois ans et permet au membre dont le mandat n'est pas renouvelé de consulter la recommandation du comité de renouvellement qui le concerne. Cette procédure de renouvellement est d'ailleurs une procédure originale qui devrait garantir à tout décideur qui exerce honnêtement et de façon compétente ses fonctions, un renouvellement.

En effet, si le gouvernement n'informe pas le décideur dans un délai de trois mois avant l'expiration de son mandat, le mandat est automatiquement renouvelé. Si le gouvernement exprime son désir de ne pas renouveler le mandat, à ce moment-là un comité est nommé sur lequel siègent le président du Tribunal, un représentant du Conseil exécutif et un représentant du ministère de la Justice. Ce comité a accès aux notations qui ont été apportées sur ce membre pendant l'exercice de son mandat et déterminera si la personne est encore apte à exercer les fonctions pour lesquelles elle a été nommée. Le gouvernement cependant n'est pas lié par la recommandation du comité. Mais, si cette recommandation est favorable, elle sera connue, et je pense que ce serait très difficile pour un gouvernement de ne pas renommer la personne qui aurait été ainsi recommandée, ou, enfin, il devrait avoir des raisons majeures.

Je pense qu'entre la nomination à vie qui, sans doute, assure l'indépendance mais qui a quand même certains désavantages, et le renouvellement purement discrétionnaire, nous avons visé et obtenu un juste équilibre qui permettra au président ou à la présidente du Tribunal, s'il est attentif, d'avoir une certaine autorité sur les membres pendant qu'ils exercent leurs fonctions et de voir à ce qu'il ne se développe pas des situations déplorables comme il a pu, de façon exceptionnelle, s'en développer dans certains tribunaux où les juges sont nommés durant bonne conduite. Je pense à des situations où des juges laissent accumuler des décisions, prennent des causes en délibéré pour des périodes qui dépassent plusieurs années, ou encore ne donnent plus la charge de travail que l'on attend d'eux, ou, pire encore, sont affectés parfois – et encore une fois, je dis que c'est tout à fait exceptionnel, mais ça arrive – d'éthylisme et ne prennent pas les mesures pour résoudre, ou encore ne se soumettent pas et ne font aucun effort de formation permanente, de mettre leurs connaissances à date. Alors, je pense que nous avons là un régime qui assure à tous les décideurs qui exerceront correctement les fonctions pour lesquelles ils ont été nommés l'indépendance requise que requiert leur fonction de décideur.

Enfin, la loi institue un Conseil de la justice administrative, formé de représentants du public, de la communauté juridique et du tribunal. Ce Conseil sera chargé d'édicter un code de déontologie applicable aux membres, de recevoir et d'examiner toute plainte formulée contre un membre et de faire enquête. Le Conseil aura également une fonction de surveillance de la conduite des membres de la nouvelle Commission des lésions professionnelles et de la Régie du logement. Les consultations étant terminées, le Conseil des ministres devra très prochainement nommer les membres du Conseil de la justice administrative.

Il y a deux ans, mon prédécesseur mettait sur pied, avec la collaboration du ministère des Finances et du Conseil du trésor, un programme spécial et temporaire de lutte aux produits de la criminalité. La mise sur pied de cette équipe avait pour but de livrer la lutte aux criminels qui sont tentés d'utiliser les produits d'activités criminelles dans des entreprises ayant un caractère non criminel ou même parfaitement licite. Plus spécifiquement, cette équipe visait à lutter plus efficacement contre les organisations criminelles, notamment en les privant de leurs avoirs ou en restreignant au maximum leurs profits, tout en gênant l'accumulation de capitaux. Depuis mon entrée en fonction, j'ai suivi étroitement les travaux réalisés par cette équipe spéciale. Constituée à l'origine de huit substituts du Procureur général, appuyée par un avocat civiliste, cette équipe a établi ses bureaux à Montréal. Le Bureau de lutte aux produits de la criminalité a exercé son action pendant les deux années que devait durer le projet spécial. Le Bureau a contribué à remettre en circulation dans l'économie québécoise, par le biais du fonds consolidé du revenu, plusieurs millions de dollars et a fait bloquer de nombreux biens, meubles et immeubles, tous de provenance criminelle. Des procédures en confiscation sont en cours présentement, et, à l'issue de ces procédures, le produit de la vente sera également remis à la disposition du gouvernement.

Entre-temps s'est posé le problème de la garde et de l'administration des biens saisis par le Bureau de lutte aux produits de la criminalité. Afin d'éliminer toute imprécision et de confier une responsabilité sans ambiguïté aux gardiens de ces biens, un projet de loi visant à amender la Loi sur le ministère de la Justice fut déposé et adopté le 23 décembre 1996 par l'Assemblée nationale. Il confiait au Procureur général la garde et l'administration des biens saisis ou bloqués qui, à sa demande, lui sont confiés par le juge de paix ou l'autorité judiciaire compétente, de même que les biens confisqués au profit de l'État et les amendes qui peuvent tenir lieu de ces biens. Il lui confiait, de plus, la pleine administration de ces biens. La loi établissait aussi la liste des organismes susceptibles de bénéficier de montants d'argent que le Procureur général a recueillis dans le cours des opérations courantes du Bureau de lutte aux produits de la criminalité.

Après avoir examiné le résultat des opérations de ce Bureau, j'ai pris la décision de former une équipe permanente. Le Bureau de lutte aux produits de la criminalité est ainsi formé d'un substitut en chef du Procureur général, qui partagera son temps entre un bureau à Québec et un autre à Montréal, et de 11 substituts du Procureur général, dont un à Québec et 10 autres à Montréal. Le Bureau conserve la même mission et les mêmes objectifs que ceux réalisés par l'équipe qui a agi depuis les deux dernières années. Le but des organisations criminelles consiste à faire des profits même au détriment de la vie des victimes innocentes, d'assurer leur existence et de prendre de l'expansion grâce à la richesse acquise illégalement. Le Bureau de lutte aux produits de la criminalité, de concert avec les services policiers concernés, contribuera par son action à freiner ce processus.

(10 heures)

Dernièrement, l'utilisation des délateurs devant les tribunaux a fait l'objet de multiples commentaires. Je profite de cette commission parlementaire pour rendre public l'état de la situation au Québec depuis le dépôt du rapport Guérin en décembre 1991. Depuis cette date, 64 délateurs ont paraphé des ententes avec le comité contrôleur et se sont engagés à apporter leur collaboration, notamment en témoignant dans 218 dossiers qui ont été instruits devant les tribunaux. Ces dossiers impliquent près de 250 accusés. La nature des chefs d'accusation passe par le meurtre au premier et au deuxième degré, l'homicide involontaire, tentative et complot pour meurtre, complicité après le fait pour meurtre, explosif, incendie, extorsion, vol qualifié, séquestration, possession et trafic de stupéfiants, importation et complot d'importation de stupéfiants, agression armée, possession d'arme, arme prohibée. Des 250 accusés mentionnés ci-dessus, 156 ont plaidé coupables à un stade ou l'autre des procédures et 25 autres ont été reconnus coupables jusqu'ici, ce qui représente 82 % de réussite dans les dossiers en cause. Sur les 250 personnes accusées, 18 ont été acquittées, ce qui représente un faible taux de 7,2 %, contrairement à plusieurs prétentions véhiculées sur la place publique.

En date d'aujourd'hui, 32 accusés sont encore en attente de leur procès. Je crois de plus pouvoir affirmer qu'il n'y a eu aucune plainte qu'un innocent ait été condamné injustement à la suite d'un témoignage d'un délateur, ce qui est quand même une préoccupation fondamentale pour notre système de justice et un danger qui peut être toujours présent, mais qui est de beaucoup diminué par la transparence devant les tribunaux que nous a suggérée le rapport Guérin et auquel nous nous soumettons.

La mise en vigueur du nouveau Code civil du Québec, en janvier 1994, a mis fin au régime d'exception qui prévalait en matière de sûretés mobilières et y a apporté des changements importants. Il a d'abord regroupé les anciennes sûretés sous un concept unique, celui de l'hypothèque mobilière. Il a élargi le domaine d'application des sûretés en assujettissant les autres formes de sûretés à l'obligation d'inscription au registre et, enfin, il a créé un registre unique où seront dorénavant inscrites et publiées toutes les sûretés consenties par une entreprise ou par un particulier sur certains de ses biens meubles.

Nous en sommes rendus maintenant à la dernière phase de cet important projet. De fait, depuis quelques semaines, les clients du Registre des droits personnels et réels mobiliers, qu'on appelle plus familièrement le RDPRM, peuvent le consulter directement, sans se déplacer, en y accédant par le réseau Internet ou par réseau privé. Ce nouvel outil d'une grande simplicité prévoit tous les dispositifs de sécurité. Dans quelque temps, l'inscription des droits pourra aussi se faire à partir du poste de travail des clients. Ils pourront imprimer les formulaires et les acheminer électroniquement.

À cet égard, j'ai cru intéressant de vous produire un dépliant que nous avons récemment publié, lequel s'intitule Pour consulter on téléclic au Registre des droits personnels et réels mobiliers . J'en ai un certain nombre d'exemplaires pour ceux que la chose intéresse. Vous y lirez qu'il s'agit d'une nouvelle façon d'accéder rapidement, simplement et directement au Registre des droits personnels et réels mobiliers, lequel est déjà opérationnel.

Dans le même ordre d'idées, M. le Président, le projet de réforme de la publicité foncière vise essentiellement à maintenir et à améliorer la qualité des services offerts par les bureaux de la publicité des droits par l'instauration de la communication interactive entre ces bureaux et leurs utilisateurs. La clientèle des bureaux de la publicité des droits, majoritairement composée de notaires, pourra réaliser des transactions à distance, autant pour l'inscription des actes au registre foncier que pour leur consultation et celle des index aux immeubles.

Compte tenu de l'ampleur du système à implanter et de l'avant-gardisme de la technologie utilisée, le gouvernement a décidé de faire appel au partenariat avec l'entreprise privée, plus particulièrement avec le consortium Inforef dont les services professionnels ont été retenus à la suite d'un processus de sélection de partenaires, autorisé par le Conseil des ministres en juin 1996. Le plan d'affaires lié à la réforme de la publicité foncière ainsi que le modèle de partenariat proposé sont actuellement dans le processus d'approbation gouvernementale. En terminant, soulignons que les investissements nécessaires à la réalisation de ce projet permettront au Québec de se doter d'un registre foncier moderne, interactif et adapté aux besoins de la société contemporaine.

Au cours de l'exercice 1997-1998, le ministère a, par l'intermédiaire du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, le BAVAC, maintenu son soutien professionnel et financier aux organismes communautaires qui administrent des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, les CAVAC, dans certaines régions du Québec. L'aide financière allouée aux 10 centres déjà en opération est passée de 790 000 $ à 935 000 $, représentant une hausse de plus de 18 %. De plus, une somme de 50 000 $ a été allouée pour le développement d'un onzième CAVAC qui a ouvert officiellement ses portes à Joliette le 25 mars 1998.

Les CAVAC jouent un rôle primordial auprès des victimes d'actes criminels et de leurs proches en leur apportant le soutien, le réconfort, l'information dont ils ont besoin. Lorsqu'elles sont bien informées de leurs droits et de leurs recours, et soutenues dans leur démarche, notamment dans le système judiciaire, les personnes victimes peuvent plus rapidement retrouver un sentiment d'autonomie et de contrôle qu'elles ont souvent vu leur échapper en raison de la commission du crime. Elles sont aussi plus motivées à contribuer à la procédure judiciaire dans l'affaire qui les concerne. Le ministère entend donc poursuivre ses efforts en vue de consolider le financement des CAVAC en opération et d'accroître l'accessibilité des victimes à de tels services dans toutes les régions du Québec. Ainsi, dès l'exercice 1998-1999, un douzième centre d'aide aux victimes d'actes criminels pourra être implanté dans une des régions non desservies, et ce, grâce à l'apport financier provenant du partage des produits de la criminalité.

Je suis heureux de vous informer que, depuis le 1er avril 1998, des mesures ont été prises afin de restreindre l'accès du public aux registres et relevés informatisés concernant les personnes ayant été poursuivies en matière criminelle sans avoir été reconnues coupables ou ayant été absoutes. Ces personnes peuvent maintenant demander au greffier de la cour que les données apparaissant au plumitif criminel deviennent non accessibles au public. Cette mesure vise à contrer l'utilisation abusive qui a déjà été faite des renseignements contenus au plumitif criminel, ce qui a pour conséquence que des citoyens et citoyennes continuent de subir les effets de poursuites judiciaires intentées à leur endroit alors que la justice les a acquittés ou absous. Une directive simple d'application a été émise à cette fin. Bien sûr, les débats judiciaires et les dossiers de cour demeurent publics. La directive qui vient d'être ainsi mise en vigueur témoigne, j'en suis convaincu, de l'atteinte d'un équilibre entre, d'une part, la publicité des débats judiciaires, le droit du public à l'information et la liberté de presse et, d'autre part, la protection des citoyens contre l'utilisation abusive de renseignements à caractère judiciaire.

Voilà pour les réalisations ou faits saillants pour la dernière année. Quelques mots maintenant sur la planification stratégique du ministère de la Justice pour les trois prochaines années.

Le ministère de la Justice a réalisé, en 1997-1998, une démarche de planification stratégique visant à nous fixer de nouveaux buts en regard de l'amélioration de l'administration québécoise de la justice et à mieux orienter nos actions de manière à participer pleinement à l'atteinte des objectifs gouvernementaux. Cet exercice a été accompli en large concertation et avec la participation du sous-ministre en titre du cabinet, des sous-ministres associés et de cadres de chacune de nos quatre directions générales. Cette équipe a cheminé dans sa réflexion en étant à l'écoute des besoins de la population et a évidemment tenu compte du point de vue de nos partenaires du monde judiciaire et de notre personnel.

La préoccupation qui a été au centre de notre réflexion stratégique est le maintien, voire l'accroissement de la confiance des citoyennes et citoyens dans l'administration québécoise de la justice. Notre démarche nous a conduits à développer une stratégie qui mise principalement sur un réexamen de nos pratiques dans le but de simplifier et de rendre plus efficace le fonctionnement du système judiciaire.

Nos orientations stratégiques s'harmonisent avec celles du gouvernement puisqu'elles contribuent à offrir aux citoyennes et citoyens des services publics mieux adaptés et à meilleur coût, et à construite une société juste et solidaire.

(10 h 10)

Notre stratégie, pour les prochaines années, s'articulera autour des pôles majeurs suivants: la révision globale du Code de procédure civile dans une optique de simplification, d'allégement et de déjudiciarisation. J'ai été frappé, à mon arrivée comme ministre, par un paradoxe: de plus en plus de gens se représentent seuls devant les tribunaux, de plus en plus de jeunes avocats et de jeunes avocates meurent littéralement de faim, sont incapables de gagner leur vie par l'exercice de leur métier. Il semble bien que les règles de l'économie en général qui font que l'offre de service, quand elle augmente et quand elle est généreuse à l'égard des besoins exprimés, devrait amener une baisse des coûts ne jouent absolument pas leur rôle. Mon intuition – et il semble qu'elle soit partagée par beaucoup dans le milieu judiciaire et dans le milieu des avocats – c'est qu'à bien des endroits les procédures sont trop compliquées et, donc, trop coûteuses, ce qui fait que les avocats ne peuvent les faire à moins de les faire à un tarif où ils seraient pratiquement gratuits. Quand ils chargent un tarif raisonnable, bien des citoyens ne peuvent se les payer.

Alors, c'est pourquoi on estime que c'est une entreprise qui sera longue. On vise un objectif d'environ trois ans. Mais on peut dire aussi que la dernière réforme au Code de procédure civile est aussi vieille que ma pratique. J'ai en effet passé mon Barreau dans l'ancien Code de procédure civile parce que l'autre est entré en vigueur quelques mois après que je fus reçu avocat. Il est temps de faire le ménage, mais aussi l'introduction à l'intérieur de la procédure civile de modes amiables de règlement de conflits, la modernisation des processus judiciaires par une utilisation judicieuse des nouvelles technologies, dont notamment l'implantation de la vidéo comparution, la mise en place dans le cadre de la politique de traitement non judiciaire de certains délits criminels mineurs, le programme de mesures de rechange à l'incarcération, le développement de la justice en milieu autochtone, l'amélioration de la conception et de l'élaboration des lois et des règlements, la mise en place de services à distance pour les clientèles du registre foncier et de celui des droits personnels et réels mobiliers, la réorganisation de l'ensemble des activités ministérielles reliées à la gestion des infractions et de perception.

Actuellement, le ministère s'affaire à élaborer un plan détaillé des actions à entreprendre pour réaliser chacun de nos objectifs stratégiques. Déjà, nous avons ciblé une vingtaine de projets pour chacun desquels le conseil de direction a désigné un pilote ministériel et un chargé de projet pour le mettre en oeuvre. Pour mieux informer le personnel du ministère sur la démarche de planification stratégique, nous avons fait publier un bulletin d'information interne entièrement consacré à ce sujet. Nous avons pensé vous en réserver la primeur. Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais déposer ce document. Cette publication vous donnera un aperçu des contextes et enjeux sous-jacents à nos principaux projets, dont la révision de la procédure civile, la modernisation de nos systèmes, la justice en milieu autochtone et les mesures de rechange à l'incarcération. Comme je l'indique dans cette publication, le défi qui nous attend dans le cadre de cette planification stratégique m'apparaît tout à fait emballant.

Voilà. Je suis disponible pour répondre à toutes vos questions. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. J'inviterais maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice et député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, au nom de l'opposition officielle, je tiens à souhaiter la bienvenue aux personnes qui accompagnent le ministre de la Justice aujourd'hui. Et, même si ça coûte terriblement cher aux contribuables de les avoir là plutôt qu'au travail, je sais pertinemment bien que c'est la meilleure manière de servir le public que de les avoir avec nous.

Le ministre vient de faire une revue relativement complète des sujets qui seront traités aujourd'hui et demain, et je l'en remercie. C'était assez complet pour ce qui est des sujets qui sont effectivement traités dans les documents dont on dispose. Cependant, je tiens à souligner qu'il y a deux sujets qui apparaissent à plusieurs reprises dans les documents budgétaires mais dont on ne voit aucune trace dans les crédits, et je pense que c'est un problème, M. le Président.

Si on regarde, par exemple, dans les divers organigrammes qui paraissent, notamment sous la rubrique Justice administrative, contribution du ministère de la Justice au Tribunal administratif du Québec, l'organigramme commence là avec le Tribunal administratif du Québec, ensuite on passe au Conseil de la justice administrative. Il y a un organigramme qui apparaît qui prévoit le TAQ, le Conseil de la justice administrative, la Commission des services juridiques, le Fonds d'aide aux recours collectifs, et ça, ça va. On a les chapitres qui se suivent les uns après les autres. On a les quatre chapitres qui correspondent aux quatre titres que je viens de nommer. Ensuite viennent l'Office des professions du Québec et la Société québécoise d'information juridique. C'est là où le bât blesse parce qu'il n'y a rien là-dedans qui concerne ces deux sujets-là.

Quand on regarde le fait que l'Office des professions du Québec est devenu un organisme extrabudgétaire, l'Office lui-même ne passe plus en commission parlementaire pour ses crédits. Il y a des dossiers d'actualité, comme la réforme projetée par l'actuel président de l'Office des professions du Québec; je ne sais pas s'il a beaucoup plus de soutien au-delà de l'Office des professions pour cette réforme proposée.

Il y a aussi des dossiers relativement techniques et fort importants pour la protection du public, telles les annexes de médicaments, qui traînent sur des tablettes maintenant depuis des années et des années. Je pense, par exemple, à l'intérêt pour le public de savoir si les produits telles les Nicorettes, c'est-à-dire la gomme qui peut aider les gens à arrêter de fumer, vont être disponibles librement ou vont être derrière le comptoir, selon le dosage, s'ils vont être sur prescription. Ce sont des dossiers importants, M. le Président, et on a l'intention d'essayer de trouver le moyen, le forum approprié pour pouvoir soulever certaines de ces questions-là.

Il en va de même pour le fait que SOQUIJ maintenant commence à faire des profits. Concurrence avec le secteur privé, notamment Wilson & Lafleur qui souligne, à très juste titre, qu'il y a des problèmes à cet égard-là parce que, bénéficiant, à certains égards, d'un monopole d'information, SOQUIJ se livre à la concurrence qu'il y a déjà dans le secteur privé. SOQUIJ a, par le passé, rempli admirablement bien son rôle à certains égards et, à d'autres, on se rend tous compte qu'une bonne dose de concurrence, ce serait peut-être la meilleure chose.

On a vu aussi la société Illico venir en difficulté à cause des agissements de SOQUIJ. Alors, c'est dommage que, notamment pour l'Office des professions, on n'ait pas plus d'information. Tout ce qu'on peut constater dans les documents qu'on regarde à l'occasion sur l'Office, c'est le fait que son budget monte d'année en année. Depuis qu'il est extrabudgétaire, le nombre d'effectifs augmente d'année en année, contrairement à la situation qui prévalait lorsque c'était quelque chose qui était étudié en commission parlementaire, où le nombre d'employés diminuait chaque année, le budget diminuait, puis il y avait une saine gestion. Maintenant, ça semble être le «free for all».

L'autre grande constatation qu'on peut faire en regardant les livres budgétaires, M. le Président, c'est le fait que, encore une fois, même si le ministre peut nous parler, à très juste titre, du fait qu'il y ait une diminution dans le budget global du ministère, il n'en demeure pas moins que, pour ce qui est de cette diminution, elle représente, par exemple – juste pour citer ce seul exemple là – les coupures au niveau de l'aide juridique. C'est regrettable de constater que, encore une fois, c'est le service direct à la population qui subit en tout premier lieu l'effet des coupures gouvernementales. C'est-à-dire que – et on aura l'occasion de le constater dans le détail, M. le Président – plutôt que d'être l'administration, plutôt que d'être les services que la bureaucratie rend à elle-même, c'est le service direct à la population, ce qui est assez exceptionnel, parce que ça nous donne la démonstration que, à moins d'avoir un ministre qui se soucie de la protection du public et de l'intérêt du public, la bureaucratie, avec raison, va toujours avoir gain de cause dans ses propres affaires. Si le ministre ne voit ses décisions qu'informé par cette vision bureaucratique et machinale, c'est normal. C'est la machine qui va s'occuper d'elle-même avant de s'occuper de la population. Et c'est ce qui revient coup après coup lorsqu'on regarde les documents.

Il y une autre phrase qu'on aura l'occasion, M. le Président, de lire avec volupté à plusieurs reprises dans les documents budgétaires. C'est les phrases qui disent: Les chiffres ont dû être changés pour tenir compte de la réalité. Ça, c'est fabuleux d'être obligé de coucher des mots comme ça sur papier, mais ça revient à plusieurs reprises dans les documents. En d'autres mots, M. le Président, les chiffres qu'on a vus dans cet exercice, l'année dernière, n'étaient pas réels, puis, aujourd'hui, ils sont obligés de l'admettre. Combien les chiffres qu'on est en train de regarder aujourd'hui vont s'avérer faux l'année prochaine? Tout ça reste à voir, parce que, de toute façon, ce gouvernement va avoir été remplacé d'ici là, ce qui est une bonne chose aussi pour la population.

Pour ce qui est du Tribunal administratif du Québec et le fait que c'est une des pièces majeures... J'entends le ministre tenir un peu la ligne de parti là-dessus. La ligne de parti pas au sens propre. Je ne parle pas au sens du parti qui est temporairement au pouvoir, ici, à Québec, je parle de la ligne de parti de son ministère. Mais je connais assez le ministre de la Justice, je connais assez ses talents d'orateur pour savoir quand est-ce qu'il parle avec conviction puis quand est-ce qu'il essaie de se convaincre. Aujourd'hui, il essaie de se convaincre parce qu'il n'est pas du tout convaincu, pas plus que nous autres, pour ce qui est du Tribunal administratif du Québec.

(10 h 20)

Il sait comme nous que, dans la vraie vie, le public a perdu à plusieurs égards des droits avec l'adoption de cette réforme. Le public a perdu notamment, à plusieurs égards, le droit d'être entendu. Quand on pense aux permis, par exemple, le ministre a beau essayer de se convaincre et de nous convaincre qu'ils vont travailler plus fort pour avoir une première décision qui a de l'allure, le fait est que, quand on se fait retirer son permis de bar dans un hôtel, par exemple, et qu'il y a une erreur, dorénavant on a juste le droit de présenter des observations et c'est la machine qui, en premier lieu, a raison. Ça, c'est un vrai problème. Puis on aura l'occasion au cours des prochaines semaines, pas juste lors de la défense des crédits, d'apporter des cas à l'attention du ministre et de voir ce que, lui, comme ardent et sincère défenseur de nos droits fondamentaux... Il parlait tantôt du fait que son Barreau date de l'ancien Code de procédure civile qui a été changé en 1965. Donc, ça fait plus de 30 ans qu'il est dans le domaine. Puis le plus clair de sa carrière a été passé à défendre les droits des citoyens.

Alors, je sais que le ministre est mal à l'aise avec cette réforme-là parce que ça enlève des droits aux citoyens, puis j'aimerais bien l'entendre nous parler là-dessus. On aura l'occasion, M. le Président, de l'interroger là-dessus pour savoir ce que lui personnellement pense vraiment. Quand je dis que le ministre est visiblement mal à l'aise, M. le Président, ça n'a jamais été plus clair pour nous que quand le ministre a eu la désagréable tâche de se lever en Chambre et de tenter tant bien que mal – plutôt mal que bien – de défendre les nominations de Michel Daviault et de François Landry au Tribunal administratif du Québec.

Dans un premier temps, et le ministre et le cabinet du premier ministre, par la voie de l'attachée de presse du premier ministre, ont tenté de se convaincre, parce qu'ils n'ont convaincu personne d'autre, que ces deux nominations-là avaient bien de l'allure. Mme Marthe Lawrence est allée jusqu'à dire, dans une interview accordée à Gilbert Leduc, je pense, du Soleil , que c'était nécessaire parce qu'on avait vraiment besoin de ces gens-là à la Commission des affaires sociales.

Le ministre a été – et c'est tout à son honneur – très candide, en Chambre, la semaine dernière. Il a admis ni plus ni moins que ces deux nominations-là ont été faites pour que MM. Landry et Daviault puissent avoir un ticket pour entrer au show. Il restait des spots. Il restait des places. Ils les ont nommés là juste à la veille de l'entrée en vigueur des nouvelles règles de nomination pour le Tribunal administratif du Québec, se disant d'un côté: On va pouvoir plaider que c'est en vertu des anciennes règles – plaidoirie qui ne valait pas grand-chose, M. le Président, mais ils l'ont tentée quand même – et ensuite on n'aura qu'à les transférer, puis personne ne le verra. Mais c'était un peu trop, M. le Président, de voir que M. Landry, dont le curriculum vitae fourni par le Conseil exécutif... Ce n'est pas nous qui avons fait son curriculum vitae, c'est donné par le «bunker», ça, les deux, hein. Si on regarde du côté des études, ça commence bien. C'est écrit «études en» telle affaire, telle affaire. En d'autres mots, ils n'ont jamais fini leurs études ni l'un ni l'autre, mais études en telle affaire, telle affaire. «Études en», si quelqu'un met le petit orteil à l'université et réussit à se faire inscrire à un programme, il n'a rien qu'à marquer «études en». Ça va bien, hein? Ça rappelle le curriculum vitae du ministre des Finances. Lui, tout d'un coup, il a des mentions de telle affaire en France, à Paris: institut de telle affaire, telle affaire. Aucune mention d'un certificat, même d'un cours. Rien. Mais ça fait bien. Ça fait «big shot». Ça fait intellectuel. Tu mentionnes telle et telle place, même s'il n'y a pas de substance en arrière de ça. Même chose ici: «études en».

Le ministre se lève en Chambre. Il dit: Bon, en fait, c'est en vertu des anciennes règles. Comme s'il y avait quelque chose dans les anciennes règles qui aurait empêché un ministre de la Justice de faire des nominations qui ont de l'allure. Puis, avec son «body language» très expressif, ce ministre-là, avec les bras tellement croisés qu'on l'aurait cru dans une camisole de force, il nous a trahi peut-être ce qui s'était passé pour ces deux nominations-là. Parce que c'étaient deux nominations tellement dégueulassement partisanes, tellement honteuses pour des gens qui n'avaient jamais rien fait qui les approchait le moindrement du travail qu'on leur demandait de faire. Je pense que le ministre ne pouvait pas mieux nous expliquer ce qui s'était passé. Il s'était fait littéralement tordre le bras, parce que, lui, il est bien trop «clean» pour faire des nominations comme ça. Il croit bien trop à la justice et à une justice de qualité pour nommer des gens comme ça, qui n'avaient jamais rien fait de leur vie qui pouvait le moindrement les préparer ou les habiliter à occuper une telle fonction. Et c'est dommage parce que tout le monde dans le milieu juridique au Québec sait maintenant que le nouveau TAQ ne va pas avoir beaucoup plus de sérieux que ce que ça remplaçait.

Quand j'ai entendu le ministre, en Chambre, défendre ces nominations-là, puis j'ai entendu le premier ministre voler à sa rescousse, parce que, quand même, si on regarde notamment le cas de M. Landry... M. Landry, si on regarde son curriculum vitae, il n'a rien fait. Son curriculum vitae, c'est: J'ai travaillé comme fonctionnaire au PQ, j'ai travaillé comme fonctionnaire au Bloc. Youpi! Moi, je suis prêt à être juge! Alors, le premier ministre, dans le cas du premier, dans le cas de M. Daviault, il dit: Non, non. C'est bien correct, ça. Il a été député – il y a un certain quiproquo là-dessus – et, en plus, il a été attaché politique. Oui. Puis? Ah, bien, le fait d'être attaché politique, ça nous prépare bien parce qu'on fait des cas de comtés. Ça nous prépare bien pour être juges.

Moi, je vous avoue que j'ai entendu le soupir de soulagement venir de beaucoup de comtés, de gens disant: Ouf! ça y est, c'est «cool». On garde la porte ouverte parce que, si c'est ça que ça prend, youpi! les meubles sont saufs, plus besoin de s'inquiéter. Le ministre a beau dire: Non, non, c'est en vertu des anciennes règles. Si, en vertu des anciennes règles, on est compétent parce qu'on a été attaché politique, en vertu des nouvelles aussi, de notre côté, très bien. Si c'est ça, très bien, on prend acte. Mais qu'on arrête de faire semblant que le nouveau Tribunal administratif du Québec constitue une sinécure pour d'anciennes pratiques mauvaises qui auraient été nocives pour la population. Qu'on arrête de faire des sépulcres blanchis là-dessus, ce n'est pas vrai. Le nouveau TAQ va avoir exactement le même genre de nominations que l'ancien système, soit, qu'on se le dise clairement. Parce que l'ancien système dont le ministre parle, changé au fait que le premier ministre dit qu'on a été attaché politique, on est bien compétent, ça ne change rien. On se comprend? Pourvu qu'on l'ait fait pendant assez longtemps.

Pour ce qui est de cette question de perdre le droit d'être entendu, M. le Président, vous avez suivi de très, très près les débats en question. Vous avez notamment été avec nous lors de l'adoption du projet de loi créant le nouveau Tribunal administratif du Québec. Je tiens à rappeler à mon ami et collègue le ministre de la Justice un des événements importants des diverses étapes d'adoption de ce projet de loi, parce que c'est important pour lui de le savoir s'il ne le sait pas déjà. Il y a eu un événement tout à fait inusité, voire même inédit dans l'histoire du Parlement du Québec, événement qui a vu le ministre de la Justice d'alors accepter une modification législative lors de l'étude clause par clause, ici, l'étude détaillée du projet de loi en commission parlementaire. C'était fort d'un long débat de fond sur le besoin de conserver le droit d'être entendu. Suite à ce débat, le ministre de la Justice représentant le gouvernement du Parti québécois a dit: J'accepte d'apporter la modification, et la modification a été adoptée unanimement par les membres de cette commission, M. le Président.

Le projet de loi lui-même n'a pas pu être adopté à l'unanimité parce qu'il y avait trop d'autres irritants, pour utiliser le terme classique, dans le projet de loi. À notre point de vue, le projet de loi ne faisait pas assez pour protéger l'intérêt du public. Donc, il allait y avoir un vote sur division là-dessus, le gouvernement préservant toujours sa majorité. Le sort du projet de loi n'était vraiment jamais en doute.

(10 h 30)

Vous connaissez comme nous, M. le Président, le processus à ce moment-là: comme on utilise le bâillon pour forcer l'adoption d'un projet de loi, on arrive avec des modifications en vrac. Et je tiens à dire que c'est grâce au Service de recherche du Parti libéral que notre recherchiste d'alors, Me Marois, a trouvé très rapidement quelque chose qui avait été caché à l'intérieur de cette vaste pile de modifications. C'est que le ministre de la Justice retirait sa parole donnée formellement par lui et par sa formation politique en commission parlementaire et retirait ce qui avait été convenu par les élus représentant le peuple. Ce droit d'être entendu, il l'a remplacé par le droit de faire des observations, ce sur quoi on avait voté ensemble.

J'ai vérifié juste avant l'adoption du projet de loi et je continue à sonder des gens. Je parle avec d'anciens parlementaires, j'ai donné l'exemple à des gens qui ont siégé ici pendant de très longues années, et personne, ni avant ni depuis, n'a jamais vu un cas comme ça où on a tenté de profiter du bâillon pour faire adopter en catimini une telle modification. C'est important que le ministre actuel de la Justice tienne compte de cette partie de la petite histoire de la création du Tribunal administratif du Québec, et, nous, nous ne laisserons jamais oublier ce qui s'est passé là-dessus, car, M. le Président, le résultat a enlevé des droits au public.

Alors, le ministre parle des bonnes choses là-dedans, il parle du fait que ça va aider pour l'impartialité du décideur. C'est peut-être intéressant comme théorie, mais, dans la mesure où on a vu les nominations dont il était question tantôt, M. Landry, M. Daviault, on a beau dire impartialité du décideur, mais, quand le décideur qui va déterminer qui, entre le citoyen et l'État, a raison, on sait que c'est des chums de l'État qu'on vient de nommer, qu'il nous soit permis de douter que le public va être vraiment confiant que ça a aidé en quelque chose l'impartialité du décideur.

Le ministre parle d'un des avantages, le guichet unique. Ah, ça, M. le Président, ça peut venir effectivement en aide au public de savoir que c'est un endroit où les différents recours ayant trait au public et l'État vont avoir lieu. Ça, c'est l'aspect, effectivement, sur lequel on peut s'entendre avec le ministre.

L'approche client, bof! En ce qui nous concerne, autant de jargon de la bureaucratie. Chaque fois que j'entends des trucs comme ça... Il y a quatre, cinq ans, c'était «qualité totale». Il y a quatre, cinq ans avant ça, c'était «efficience et efficacité». Autant de blabla que les énarques nous produisent toutes les décennies. Ça ne veut strictement rien dire, ça, si ce n'est pas là dans la réalité.

Le ministre nous parle, par ailleurs, de l'uniformisation des règles de pratique et de preuve et de procédure comme étant vraiment une bonne chose pour la protection du public. C'est là où on voit le gouffre qui sépare le discours de l'administration et la réalité pour le public, et le ministre devrait, à notre point de vue, faire extrêmement attention de ne pas se laisser trop leurrer par ce discours-là, car, M. le Président, si on s'y attarde quelques instants, on se rend compte que, pour le membre du public, le nombre de fois qu'il va venir en contact avec le Tribunal administratif du Québec est très restreint. En d'autres mots, ça importe relativement peu pour le public que les règles soient légèrement différentes à un endroit ou à un autre, et, d'ailleurs, ce serait anormal que les règles ne tiennent pas compte, justement, de la spécificité de chacune de ces instances-là, car, au-delà de notre préoccupation de base pour la perte des droits, il y a une autre préoccupation à un niveau plus large qu'on a toujours eue avec cette tentative de fusionner, d'uniformiser et de standardiser les divers organismes que l'on retrouve maintenant dans le TAQ et qui va normalement en contenir d'autres au fil des ans, c'est que ça fait perdre à certains des autres organismes leur spécificité.

J'ai eu l'immense plaisir – et je dis vraiment ça, c'est un plaisir de siéger à un de ces tribunaux-là – de siéger à un tribunal on ne peut plus obscur, je suis sûr qu'il n'y a pas beaucoup de gens dans cette pièce qui connaissent son existence, c'est la commission d'appel en matière de langue d'enseignement, un petit organisme créé aux termes de la Charte de la langue française pour déterminer en appel les cas d'admissibilité – justement, comme son nom l'indique – à l'enseignement en anglais. Donc, il y avait une première instance où il y avait une entité purement administrative qui s'appelle le Bureau d'admissibilité à l'enseignement en anglais, et on pouvait pourvoir en appel devant cette commission.

M. le Président, cette petite commission-là, qui fonctionnait avec un secrétaire à temps partiel prêté par le ministère de l'Éducation et trois membres à temps partiel, réussissait à entendre les parents, que ce soit à Val-d'Or ou à Rimouski, parce que c'était très difficile pour eux de venir plaider la cause de leur enfant à Montréal. On réussissait même à aller entendre ces causes-là. Et, vous savez quoi, le budget total annuel de cette commission d'appel était de moins de 20 000 $ parce que ça marchait et que c'était adapté aux réels problèmes en question.

Alors, c'est une chose d'avoir une vision uniformisante, c'est une chose de dire: C'est une bonne chose que les différentes instances se retrouvent à un même endroit, mais c'est une autre chose que de traduire ça en réel gain pour la population, car ce n'est pas vrai que c'est un réel gain pour la population que de simplement uniformiser les règles de procédure. Le public ne vient pas suffisamment souvent en contact avec les différentes instances pour que cela puisse faire une différence réelle dans leur vie. Là où il va y avoir une différence réelle dans la vie des gens, c'est si ces règles-là rendent leur vie plus facile, si ça leur permet de voguer à l'intérieur de ça. Je suis avocat en pratique privée encore aujourd'hui, M. le Président, je sais ce que c'est de se frotter à ces organismes-là, je le vis avec mes clients, je le vis avec les entreprises, je vois ce que c'est, la vraie vie de la CSST, d'arriver devant un commissaire qui gratte le dos de l'avocat, qui gratte le dos du commissaire, puis ça a l'air tellement chum quand tu rentres là-dedans que tu es vraiment un intrus. C'est ça, la vraie vie. Est-ce que le public va avoir l'impression d'être bien servi devant une situation comme ça?

Je souligne des difficultés d'application qui ne respectent pas telle règle, c'est: Oui, mais, même si ce n'est pas une règle, c'est comme ça qu'on fait, puis arrête de fendre les cheveux en quatre. C'est ici que les lois se font, à ce que je sache, M. le Président, pas dans les instances bureaucratiques ou administratives, c'est ici. C'est à eux autres de les appliquer et c'est à nous de garder un oeil dessus. C'est pour ça que c'est important que, lorsqu'on parle de changer les instances administratives, de faire les choses dans l'intérêt du public, que ce soit réel et pas du blabla administratif. C'est ce un peu ce dans quoi tombe le ministre lorsqu'il s'enorgueillit de son guichet unique, de son approche client. Ce n'est pas vrai, ça, ça ne donne rien au public.

Là où il faut travailler, le ministre en a parlé, là, on lui donne entièrement raison, c'est sur la décision initiale. Le problème avec la formule du nouveau Tribunal administratif du Québec, c'est que ça ne fait rien pour forcer une meilleure décision initiale. Pourquoi? Parce que c'est une machine à dire non. Le nouveau Tribunal administratif du Québec, en privant le public de son droit d'être entendu et de contre-interroger et de faire tout ce qui est normal aux termes des règles de justice naturelle, en enlevant ces droits-là aux citoyens, il est en train de faire quoi? Il est en train de mettre le citoyen en situation désavantageuse vis-à-vis de l'appareil bureaucratique. Résultat: Même si la décision de base est moyenne, médiocre, pourrie, meilleure dans certains autres cas, peu importe, la machine à dire non va dire non plus rapidement.

C'est peut-être ce à quoi le ministre faisait référence tantôt, quand il disait: Ah, bien non, il va y avoir une décision plus vite, puis il va y avoir une meilleure communication avec les citoyens. Puis, si tout ça ne fait que confirmer que la machine se donne raison, le public n'est pas plus avancé. C'est pour ça qu'il faut vraiment fuir ces arguments et ces terminologies purement bureaucratiques, et on invite le ministre à être extrêmement sceptique quand la machine lui présente de belles réformes qui sont vraiment là pour l'intérêt du public. Ça rappelle la bonne vieille expression: On veut votre bien puis on va l'avoir.

Pour ce qui est du Bureau de lutte contre les produits de la criminalité, on a entendu le ministre nous dire, on ne peut plus vaguement, que ça va vachement bien fonctionner, mais ça fait longtemps qu'on a hâte de regarder ça un petit peu plus dans le détail avec le ministre, puis on va y arriver.

Le ministre a aussi profité de son passage devant la commission, aujourd'hui, pour nous parler des délateurs. Il nous a donné l'exemple de 64 délateurs utilisés jusqu'à date dans plus de 200 dossiers concernant 250 et quelques accusés. Le ministre s'est retourné vers Me Bilodeau, son sous-ministre associé responsable du dossier criminel et pénal, pour se faire confirmer que jamais quelqu'un avait été condamné injustement à la suite de l'utilisation d'un délateur. Comment il sait? Sur quoi il se base pour dire ça ici ce matin? Comment il peut savoir ça? C'est évident que, s'ils ont eu une condamnation, ils ont été condamnés. Ça, c'est sûr. Ça, c'est la seule chose qu'on sait. Mais comment est-ce qu'il peut venir ici, ce matin, en commission parlementaire nous dire: «Blindée, cette affaire-là. Ça, c'étaient des vrais coupables, on ne peut pas s'être trompé là-dessus.»? C'est quoi, cette affaire-là? C'est quoi, ça? Ça donne des raisons comme ça. Comment est-ce qu'il peut le savoir? Voyons donc.

(10 h 40)

L'utilisation des délateurs est un des outils modernes acceptés pour la poursuite en Amérique du Nord. Ça fait partie de la vie, personne ne mettrait ça en question. Les partys pour les délateurs, ça, c'est une autre paire de manches. La manière dont le public perçoit ça, c'est aussi très important parce que, si le public a l'impression qu'on peut se sortir d'à peu près n'importe quel pétrin et, justement, être sur la brosse puis s'amuser, puis avoir des partys, puis nos blondes, puis faire à peu près n'importe quoi du moment qu'on est prêt à cafter sur les autres, ce n'est peut-être pas génial pour l'image de l'administration de la justice. Et je demeure persuadé, pour ma part, M. le Président, que c'est le respect de notre système de justice qui assure que la très, très grande majorité des citoyens respectent la loi. C'est une entente dans la société, on doit respecter la loi. Pour respecter la loi, on doit respecter son administration et ses institutions. Alors, au-delà du discours, le ministre doit être sensible à la perception du public en ce qui concerne les délateurs et leurs conditions et regarder juste au sud de la frontière pour voir un système de justice où on utilise tout autant, sinon plus, les délateurs – probablement plus, je dirais – mais où ces histoires difficiles à comprendre concernant les conditions des délateurs ne sont pas monnaie courante comme ça l'est ici.

Et le ministre devrait peut-être s'interroger non pas sur le fondement même d'un système qui permet l'utilisation de délateurs, car, avec le fardeau qui est placé sur la poursuite aujourd'hui, surtout dans ces dossiers difficiles là, on comprend que c'est un des outils valables, nécessaires dans l'arsenal de la poursuite. Je ne suis pas en train de mettre ça en doute, ça fait partie du travail d'un procureur d'utiliser des délateurs le cas échéant, mais il faut faire attention. Et puis, si on les a utilisés et il y a moyen, justement, d'éviter que ces perceptions-là ne se répandent dans le public, bien, il faut trouver la façon de le faire parce que, si on sape l'image des institutions de la justice, on mine par la même occasion la confiance du public dans ces mêmes institutions et leur valeur et on n'est pas en train de céder à longue. Ce n'est pas avec quelques condamnations de plus qu'on va pouvoir réparer les pots cassés dans l'autre cas.

Il y a un autre sujet qui est très proche de celui-ci, M. le Président, et ce sont les sentences très légères, qui frisent souvent le minimum dans beaucoup de cas, et c'est un problème. On voit aujourd'hui que, au fédéral, on songe à revisiter le sixième de peine. Je prends la peine de mentionner le fédéral parce que ce n'est pas juste la responsabilité des provinces, de Québec ou des autres, les règles en matière de sentence en application du Code criminel, on est tous lucides là-dessus.

Cependant, je vais me permettre, par le biais d'une anecdote vécue à l'automne dans mon comté, d'expliquer ma réaction comme citoyen face à un cas vécu. J'étais au palais de justice de Laval dans le cadre des audiences des causes des personnes accusées de fraude électorale suite au référendum. Dans ma circonscription, M. le Président, il y a eu 5 426 votes qui ont été déclarés invalides. Dans certaines boîtes de scrutin, on avait rejeté au-delà de 50 % des votes comme étant non valides. Alors, il va sans dire que, pour l'intérêt de mes concitoyens, je suis de très près ces poursuites-là.

Et il y avait plusieurs journalistes qui étaient avec nous autres, et on écoutait les autres causes, les comparutions, les sentences, les choses qui avaient lieu parce que la cause de la fraude électorale allait prendre un petit peu plus de temps. Alors, il y a deux juges qui se sont succédé, et ils ont entendu les causes qui étaient affectées. Puis il y avait une juge qui était là, elle fait apparaître devant elle un accusé. Elle est très sévère, elle commence vraiment à le semoncer. Elle passe en revue les faits dans la cause – parce qu'elle est rendue au stade de la sentence – et elle dit: M. Untel – je ne me souviens pas de son nom – vous vous êtes impliqué dans une bagarre, dans une histoire qui ne vous concernait même pas. Je veux bien que c'était un de vos copains que vous avez vu dans cette bagarre-là, mais vous êtes intervenu sur le fait, et les blessures que vous avez infligées à l'autre partie dans cette bagarre-là le laissent encore aujourd'hui paralysé. Bon. Comme citoyen, je suis assis là et j'écoute des histoires d'horreur comme ça, puis je vous avoue que le sujet en question n'était pas vraiment rassurant à regarder. Si, moi, j'étais dans un bar puis je voyais celui-là rentrer, je pense que je chercherais une sortie.

Alors, la juge continue, elle explique en détail toute l'affaire, puis là elle laisse bien entendre qu'elle est pour être sévère. Mais là elle dit: Mais. Et là elle a défilé un tas de situations qu'elle considérait tout à fait en faveur de l'accusé, du condamné, finalement: Mais vous avez continué de suivre vos cours pour homme violent – ah, une marque en sa faveur, ça – vous avez continué vos traitements de ceci, de cela, et de l'autre. Avec votre blonde, vous avez eu un enfant puis vous continuez à suivre des cours de ceci et de cela. Résultat: sa sentence, zéro, «nothing». Il a eu une sentence suspendue, alors que la juge venait de dire que la personne sur qui il s'était livré à des voies de fait graves était encore paralysée, donc condamnée.

Et ça, je le donne, M. le Président, comme exemple, non pas d'une carence chez la juge en question – c'est à elle de faire son travail, c'est à elle d'utiliser les outils qui sont à sa disposition – mais on sait tous ce qui est en train de se produire avec la fermeture des prisons, avec les coupures dans les juges à la Cour du Québec, avec les coupures aux procureurs de la couronne. On connaît le résultat. Si c'est évident à première vue pour les gens qui voient un membre de leur famille attendre pour une intervention chirurgicale pour remplacer une hanche; si c'est évident pour les parents qui voient les enfants rentrer à la maison avec des polycopies à la place d'un manuel scolaire; si c'est évident, l'effet des coupures dans le domaine de la santé et de l'éducation, ça l'est moins dans le domaine de la justice. C'est un peu plus lent à pénétrer dans le système et à faire ressentir ses effets dans le public.

Mais, même si ce n'est pas avec des anecdotes qu'on fait de la législation, même si ce n'est pas avec des anecdotes qu'on détermine le résultat final, c'est étonnant de constater, dans mon expérience de porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, le nombre de fois que les gens s'approchent de moi maintenant et me racontent des anecdotes comme celle que je viens de raconter, que j'ai vécue personnellement, que j'ai vue, du moins, personnellement devant la cour. Les membres de la magistrature qui nous appellent, fait rare, mais nous dire: Vous savez quoi? Ce matin, j'ai donné six mois à quelqu'un et, cet après-midi, je l'ai vu sur la rue. Il est allé tamponner et il est sorti tout de suite, il n'y a plus de place.

Le ministre fait son «pop-psychologist» avec ça des fois. Il arrive et il dit: Oui, vous savez, très souvent, les délinquants, les criminels, ce sont des gens qui ont des troubles de comportement, ils sont très souvent immatures. On met déjà assez de gens en prison. Ce sont autant de signaux qui sont envoyés directement par le premier responsable de l'administration de la justice du Québec à tous les éléments dans le système, que ce soient les éléments de premier rang qui sont avec lui aujourd'hui, ou leurs subalternes, ou les autres personnes, les autres acteurs dans le système. Le message est très clair: On met trop de personnes en prison déjà. Il ne faut pas s'étonner, donc, d'un résultat comme celui que je viens de mentionner. Est-ce qu'il est dangereux? Je n'en sais rien. Ce n'est pas moi qui ai rendu la décision.

Comme je dis, je ne veux pas de mal à celui-ci si la juge avait raison sur le fond, mais je ne suis pas persuadé que c'est juste là-dessus que les juges se basent. Je pense que les juges savent que les ressources ne sont plus là dans le système, et, même si les prisons relèvent du ministre de la Sécurité publique et non pas du ministre de la Justice, c'est lui-même qui vient de mettre sur la table la question des délateurs, et je pense que c'est intimement relié au reste de notre discussion sur l'administration de la justice au Québec et sur l'effet des coupures.

(10 h 50)

Alors, le ministre arrive aujourd'hui et il dit: Une fois que vous aurez regardé ça, vous constaterez que le budget total a diminué de 12 000 000 $. Et, encore une fois, ces 12 000 000 $, est-ce que ça vient d'abord et avant tout dans la machine ou ça vient d'abord et avant tout dans les services à la population? La seule raison pour laquelle on est ici aujourd'hui, M. le Président, c'est d'essayer de savoir, comme parlementaires, si on met suffisamment d'argent sur la table pour assurer la protection du public par l'administration de nos lois, hein? À la fin de tout, si on prend tout l'organigramme du ministère de la Justice, Direction générale des services de justice, Direction générale des affaires criminelles et pénales, Direction générale des affaires juridiques et législatives, et ainsi de suite, si on regarde tout ça, ça sert à quoi? Ce n'est pas une machine qui existe pour elle-même, c'est une machine qui existe pour une seule fin, assurer la protection du public par l'application des lois, un point c'est tout. Alors, la question primordiale qu'on doit toujours garder à l'esprit à chaque fois qu'on regarde une ligne dans les crédits budgétaires du ministère de la Justice, c'est de savoir si cet argent-là est en train d'être dépensé pour cette finalité-là, la protection du public et l'application des lois dans l'intérêt du public. C'est ça, M. le Président.

Le ministre a fait référence, tantôt, à sa déclaration concernant le plumitif. Pour ménager la chèvre et le chou, je vous avoue que je n'ai jamais vu mieux que la déclaration du ministre de la Justice concernant le plumitif. Parce que le ministre est aux prises avec un fâcheux problème. Son prédécesseur, avec qui nous étions complètement en accord, avait décidé que, dorénavant, une personne acquittée ne verrait plus son nom apparaître dans le plumitif. Nous avions des cas de comté, dans votre comté, des cas dans d'autres comtés d'autres députés, pas nécessairement de notre formation politique, il va sans dire, de gens qui nous disaient: Écoutez, ça n'a pas d'allure, je vais appliquer pour une job, j'ai été accusé, il y a sept ans, de telle affaire, j'ai été accusé, il y a 10 ans, de telle affaire, ils pitonnent puis ils trouvent ça. J'ai été acquitté, ça n'a pas d'allure, ça.

Mais les journalistes sont venus, avec un bémol dans ce dossier-là – pas complètement sans raison, mais on préférait, et de loin, l'approche du ministre précédent – dire: Bien, c'est de l'information à laquelle le public devrait avoir accès, ce qui, dans une société libre et ouverte... C'est vrai que l'accès à la justice et son ouverture sont des choses extrêmement importantes. Alors, le ministre actuel a tenté de ménager la chèvre et le chou là-dedans parce qu'il vient de nous le redire tantôt, il dit: On fera en sorte que ça ne soit plus accessible au public. C'est ça qu'il nous a dit, je l'ai pris en note. C'est vrai. Cependant, il dit: C'est accessible – et puis il y a un tas de gens là-dedans – notamment aux journalistes.

D'abord, les journalistes sont membres du public. Par ailleurs, à moins que le ministre ait l'intention de le créer, ce n'est pas un ordre professionnel, être journaliste. Et journaliste qui se dit journaliste, pas besoin d'adhérer à un groupe, une association quelconque. Alors, on n'a qu'à dire qu'on est journaliste puis on va continuer à avoir accès à cette information-là. Le problème, à mon sens... Comme on dirait en anglais: «The problem goes around full circle.» La question demeure fondamentale, M. le Président, et on n'y a pas encore apporté une réponse.

Dans les exemples que j'ai donnés tantôt, je parlais de gens qui avaient été accusés et acquittés il y a sept ou huit ans. Parce qu'on dit souvent: Une personne qui a été trouvée innocente. Pas besoin d'être trouvé innocent dans une société où on est présumé innocent, on a besoin d'être trouvé coupable après que chaque élément d'une infraction a fait l'objet d'une preuve hors de tout doute raisonnable sur chaque élément de l'infraction, hein? C'est ça que ça prend pour être trouvé coupable dans notre système.

Par ailleurs, la faille majeure dans l'analyse du ministre est la suivante. Le ministre dit qu'il va avoir un accès restreint à cette information, mais la personne qui a été condamnée a le droit, après cinq ans, de demander un pardon. Toute trace disparaît dans le plumitif. L'éventuel employeur, sept, huit ans plus tard, n'est pas capable de savoir si elle a déjà eu une condamnation. Ça disparaît, ça. Résultat concret: la personne qui est condamnée a plus de droits que la personne qui n'a jamais été déclarée coupable parce que, dans le deuxième cas, les journalistes, notamment, vont continuer à y avoir accès. Ça ne marche pas. On a beau ménager la chèvre et le chou, mais, des fois, il faut décider. Puis, ici, on est face à une non-décision parce que dire que le plumitif n'est pas accessible au public, mais en même temps, qu'il y a un paquet de gens qui y ont accès, y compris les journalistes, sans que ce soit défini, ça ne marche pas. Il n'y a pas de décision là-dedans encore, il n'y a pas de solution.

Son prédécesseur avait une solution: fini, ça. Les journalistes, certains que j'aime bien, ont rabroué et le ministre et le porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice. Je pense notamment à William Marsden, de la Gazette , qui nous a «blastés» tous les deux, disant qu'on ne comprenait rien puis que ça n'avait pas de bon sens de cacher cette information-là, que les journalistes avaient le droit de le savoir, etc. C'est un argument valable. Je ne dis pas que ce n'est pas un argument valable de dire que cette information-là devrait être disponible au public, mais il faut qu'on soit conscient qu'on est en train de mettre la personne acquittée dans une position défavorable par rapport à la personne qui a été condamnée qui, elle, peut faire disparaître toute trace de cette conviction grâce à un pardon. Ça ne marche pas, ça. En simple logique, ça ne marche pas. En équité, ça ne marche pas.

J'aime bien la manière d'aborder les problèmes de l'actuel ministre de la Justice. D'une manière générale, M. le Président, c'est beaucoup plus axé, justement, sur l'intérêt du public que ce qu'on a vu au cours des trois dernières années, je tiens à le dire. C'est, par ailleurs, un travail qui reflète beaucoup plus d'attention aux détails de fond dans les différents dossiers. Il y avait un problème majeur depuis trois ans dans le dossier de la justice, c'était l'absence de travail de recherche et de substance, de fond. Alors, le résultat, c'est que très souvent on arrivait ici, en commission parlementaire, vous l'avez vécu avec nous à de très nombreuses reprises, on posait des questions: «Quelle est l'analyse que vous avez faite pour pouvoir venir ici et nous affirmer que ça va produire tel résultat? Quelle était votre méthodologie? Quelle était votre étude? Quel était votre système pour faire cette détermination-là?», et la réponse de son prédécesseur était inévitablement: Bien, je le sais, on n'a pas eu besoin d'étude. Comme un de ses proches collaborateurs le dit, c'était vraiment le taureau dans... «the bull in the china shop», c'était l'expression. Et ça a ses avantages, d'avoir cette attitude-là à l'occasion, mais il faut toujours savoir que, une fois que c'est sous forme d'une loi, qu'on va demander à des juges de l'appliquer, que ça va nécessairement produire des résultats, et c'est ça qu'on est en train de voir, puis, au cours des prochaines semaines, le ministre va être informé graduellement, en Chambre, des résultats de l'application de la loi en matière de justice administrative, et je pense qu'il va s'étonner, tout comme les gens qui vont nous écouter.

Une dernière chose en ce qui concerne la modification ou, du moins, l'actualisation du Code de procédure civile. Le ministre dit avec raison que ça fait une trentaine d'années – plus de ça même – depuis la dernière grande réforme du Code de procédure civile. J'ai eu l'occasion, dernièrement, de rencontrer un éminent juriste qui a utilisé un terme technique que j'ignorais jusqu'alors pour décrire l'approche de l'actuel ministre là-dedans. Il a dit que c'était de la «chmouille». Il a dit que son projet de faire ça sur trois ans, reporter à une date ultérieure, probablement qu'il ne verrait jamais le jour – l'adoption de cette réforme-là – et qu'il y avait suffisamment d'informations au moment où on se parle pour procéder aux amendements qui s'imposent.

Tout ce que je tiens à dire sur ce dernier sujet, M. le Président, je tiens à dire au ministre que, s'il veut savoir d'avance l'attitude de l'opposition là-dedans, c'est qu'on est disponible, on est prêt à collaborer avec lui. S'il veut siéger en commission dès cet été, qu'on entende les experts là-dessus, on n'a aucune objection, on est prêt à siéger tout l'été s'il le faut, mais le milieu, à Montréal, notamment, et dans les autres régions, j'en suis sûr, est mûr. Le Barreau est prêt, l'opposition est en train, aujourd'hui, de signaler sa disponibilité et son ouverture à travailler derechef sur la modification du Code de procédure civile parce que ça urge.

(11 heures)

Le ministre a donné certains exemples. C'est sûr qu'il est criminaliste, qu'il n'est pas civiliste, mais, par son expérience comme bâtonnier et par son expérience, maintenant, comme ministre de la Justice, il est suffisamment bien renseigné sur la réalité de la pratique du droit civil devant les tribunaux aujourd'hui. Il y a des gros, gros, gros problèmes. On parle d'accès, on parle de justice, on s'enorgueillit, on parle de notre système, on parle de ci et de ça, on parle de modifications du Code civil. Si plus personne est capable d'aller devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits, on n'est pas plus avancé. Alors, nous, on est prêts à travailler là-dessus. On ne voit aucune raison d'avoir cette approche staliniste avec un plan quinquennal. Il n'y a aucune raison pour ça. Il y a moyen de procéder plus rapidement. Il n'y a aucune raison de remettre ça. Si les proches collaboratrices et collaborateurs du ministre veulent s'asseoir avec nous tout le mois de juillet, tout le mois d'août, nous, on n'a aucune objection. On est prêts à travailler tout l'été là-dessus, s'ils veulent, pour qu'on puisse déposer quelque chose à l'automne. Parce que l'idée de dire: Oui, oui, ça bouge, et puis on va faire des comités, puis, avec les autres, les fonctionnaires, d'ici trois ans, on va avoir une idée d'où on s'en va. On a toute l'information dont on a besoin pour bouger là-dedans, M. le Président. Et on tenait, ce matin, à signaler notre disponibilité pour travailler avec le ministre là-dessus.

Alors, c'est ça, pour l'instant. Évidemment, on aura beaucoup plus de questions et de remarques à formuler en cours de route en travaillant le dossier avec le ministre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui ont des remarques d'ouverture? Ça va? Alors, on pourrait entreprendre... Maintenant, ces remarques d'ouverture fortement détaillées étant faites, nous pourrions commencer à examiner les divers programmes du ministère de la Justice.

(Consultation)

M. Ménard: Je ne sais pas comment on attaque. Programme par programme?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bien, on peut les prendre... Ce qu'on avait suggéré, c'était d'y aller programme par programme, à partir du programme 1, et ainsi de suite, mais en se gardant une approche assez souple quand même afin que, si jamais il y avait une question qui avait été, disons, oubliée ou qui pouvait porter sur plusieurs aspects ou toucher plusieurs programmes, on puisse quand même vous adresser cette question-là. Alors, M. le député de Chomedey.


Discussion générale

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, on va commencer avec le programme 1, élément 1, à ce moment-là: Formulation de jugements. Magistrature.

J'aimerais, juste pour souligner... Parce qu'il y a tellement de documents, la référence que je vais faire maintenant et probablement dans la plupart des autres cas, sauf exception, vont être des références dans le cahier explicatif des crédits.

M. Ménard: Dans le cahier quoi?


Perception des jugements rendus par la Cour des petites créances

M. Mulcair: À la page 3 dans le programme 1, élément 1, Magistrature. En parlant de la Chambre civile de la Cour du Québec, vers le milieu de la page, on mentionne notamment que «cette Chambre civile comporte une division des petites créances qui examine toute réclamation exigible d'une personne physique ou morale résidant au Québec pour une somme n'excédant pas – il faut lire «pas» et pas «par», à cette ligne-là – 3 000 $ et ayant pour cause un litige concernant une obligation contractuelle ou extra-contractuelle», et ainsi de suite.

Je veux savoir, de la part du ministre actuel de la Justice, si, de concert avec ses proches collaboratrices et collaborateurs, il songe à réinstaurer les huit ETC qui, auparavant, servaient à assurer le service de perception des jugements rendus par la Cour des petites créances. Pour rafraîchir sa mémoire, du moins, non, il n'était pas là, pas besoin de rafraîchir sa mémoire, pour le bénéfice de ses collègues, je vais répéter quelque chose qu'eux ont déjà entendu. Mais pour le bénéfice du ministre, je le mettrais un peu à la page de cette décision-là. Son prédécesseur, dans le but de sauver une somme minime d'argent, qui était de 500 000 $, avait décidé de couper dans le service de perception. Auparavant, quand vous finissiez d'arriver au bout de votre poursuite de 176 $ contre votre réparateur de télé, toujours le même dont je parle, vous aviez votre jugement et vous aviez le droit d'aller à un simple comptoir qui existait là, vous laissiez ça là, c'est l'administration qui s'occupait de faire satisfaction à votre jugement, exécutait votre jugement dans les termes de l'art, trouvait le huissier qui allait à la personne. On faisait une lettre d'abord, en disant: Vous avez perdu, il faut payer. Si la personne refusait, bien, tout le reste était pris en charge par l'administration. Ça coûtait presque rien.

Le ministre d'alors nous a expliqué que les huit ETC, puis ce que ça représentait, puis les autres frais, non, non, il fallait absolument récupérer ça. Et on avait fait, à mon sens, un travail en commission parlementaire qui était vraiment louable et non partisan, tellement non partisan que ça a pris le whip en chef et le leader du gouvernement pour estomper une petite rébellion qui avait commencé ce jour-là, parce qu'on avait deux membres du gouvernement qui votaient avec l'opposition là-dessus. C'est un de mes souvenirs indélébiles de mon passage ici, à l'opposition. Et on avait réussi à expliquer au ministre qu'il y avait moyen, en ajoutant des frais à la personne qui refuserait de payer – on va collecter les frais du huissier, etc., par la personne qui refuse de payer – qu'il y avait moyen, en jouant un peu sur ces sommes-là, avec une tarification minime, on aurait eu moyen de conserver ce système-là.

Au moment où on se parle, le nombre de causes à la petite créance est en train de diminuer d'une manière assez importante. Le nombre de jugements exécutés diminue de manière radicale, parce que les gens ne peuvent pas, eux, aller chercher... Ils trouvent ça extrêmement compliqué de faire ce qu'ils sont obligés de faire dorénavant: aller chercher leur propre huissier, payer un avocat, bien souvent. Une des choses qui étaient avantageuses, et je ne veux pas que nos confrères et consoeurs entendent quelque chose de négatif là-dedans, à la Cour des petites créances, c'est que le monde n'était pas obligé d'aller chercher leur propre avocat. Maintenant, ils sont obligés de le faire pour aller collecter, pour aller exécuter la décision qu'ils viennent d'avoir.

Alors, notre question pour le ministre est la suivante, M. le Président: Est-ce que le ministre, avec ses proches collaborateurs et collaboratrices, a analysé divers scénarios qui permettraient de restaurer un service important au public qui, somme toute, toutes proportions gardées, à l'égard de son budget, coûtait très peu et qui apportait une grande satisfaction au public dans un dossier, les petites créances, qui a été conçu et mis en place pour servir le public et améliorer l'administration de la justice? Est-ce que l'actuel ministre songe à rétablir ce service de perception là?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Ménard: Nous n'avons pas reçu de plaintes dans ce domaine, et ça ne m'étonne pas. Voilà une place où, justement, on peut faire des économies pour l'État quand, en fait, le privé peut parfaitement bien payer, parce que, une fois que quelqu'un a obtenu un jugement, il n'a qu'à aller voir un huissier qui va aller saisir la personne contre laquelle le jugement a été obtenu. Et le huissier charge un tarif, et ce tarif va être payé par la personne qui n'a pas voulu payer volontairement. Alors, je trouve qu'il est bien normal qu'une personne qui ne peut pas payer un jugement qui la condamne paie des frais de huissier. Si elle veut les éviter, elle a juste à payer. Mais ce n'est pas la personne qui a obtenu le jugement qui est désavantagée, c'est la personne qui s'obstine à ne pas payer une dette, même malgré un jugement.

Je trouve que c'est un bon exemple d'un service que l'État donnait, peut-être, mais, quand on est obligé de rationaliser nos dépenses, on se demande si ça vaut la peine de maintenir un tel service. C'est évident que... Je me pose les questions de principe qui disent que ça vaut la peine que l'État paie ce genre de service, d'autant plus qu'un très grand pourcentage d'utilisateurs des petites créances sont des compagnies professionnelles, qui perdent. Alors, elles sont capables de prendre leurs risques avec les débiteurs qu'elles ont choisis, la plupart du temps.

(11 h 10)

M. Mulcair: Est-ce que le ministre peut nous expliquer la pertinence de sa référence au fait qu'il y a beaucoup de gens qui utilisaient la Cour des petites créances qui étaient des professionnels? Quand il dit: Les compagnies professionnelles, je crois que ce qu'il voulait dire, c'était des professionnels, comme des dentistes, par exemple. Est-ce que c'est ça qu'il voulait dire?

(Consultation)

M. Ménard: La plus forte proportion des gens qui utilisent la Cour des petites créances sont soit des professionnels qui poursuivent pour leur compte, ou soit des compagnies. Ce ne sont pas des gens qui sont démunis. Ils sont capables d'aller chercher un huissier, et le huissier, il est payé par la personne qui refuse de payer. Alors, je ne vois pas en quoi on charge, à ce moment-là... C'est vrai que c'est un service que l'État payait continuellement avant. Mais, est-ce que, justement, quand on doit faire des choix, on doit continuer à procurer un service à des gens qui sont trop obstinés pour payer les jugements auxquels ils sont condamnés et qui probablement ont été poursuivis avant et puis qui ont été condamnés? C'est parce qu'ils s'obstinaient à ne pas payer un compte qu'ils devaient. Est-ce qu'on doit vraiment être tellement attristé par le sort de ces gens-là par rapport aux nombreuses autres personnes qui ont besoin des services de l'État?

Je trouve que c'est un bon choix qu'a fait mon prédécesseur, puis, en l'absence de plaintes significatives de gens qui seraient vraiment démunis et qui en subissent un préjudice important, je pense que je vais respecter sa décision.

M. Mulcair: M. le Président, la question qu'on posait au ministre n'était pas celle qu'il semble avoir comprise. On n'est pas en train de dire qu'il faut prendre en pitié les gens qui se font condamner puis qui refusent de respecter la décision. On l'a. Ce que nous sommes en train de dire, c'est justement qu'auparavant il existait un système où la personne qui gagnait contre quelqu'un, le consommateur qui gagnait contre un mauvais fournisseur de services n'avait pas d'autres problèmes, d'autres soucis techniques que d'aller au comptoir présenter son jugement et, éventuellement, recevoir un rapport de... et recevoir les informations comme quoi le jugement est en train d'être exécuté. Il recevait ses chèques, le cas échéant, parce que la personne payait à la cour à même une saisie de son salaire, ou peu importe le cas, mais le système marchait pour le public.

Le ministre dit: Bien, écoutez, c'était peut-être une bonne place où couper. Il nous a peut-être mal compris tout à l'heure. On lui a expliqué que, forts d'une quinzaine d'heures de débats, si ma mémoire est bonne, on avait réussi à mettre sur la table des scénarios qui faisaient en sorte que le public pouvait continuer à bénéficier de ce service sans que ça coûte un cent au Trésor. C'est ça que nous avons mis sur la table.

Et le ministre nous explique que, pour lui, ça change quelque chose le fait qu'il y a des professionnels là-dedans. Moi, je vous avoue que, venant de la part d'un ministre responsable de l'application des lois professionnelles, ça m'étonne quelque peu, mais le public avait un service qui marchait bien auparavant. Le service, maintenant, est moins bien. Le ministre dit: «Y a qu'à.» C'est ce que Daniel Jacoby appelle les «y a qu'à»: «y a qu'à» faire ci, «y a qu'à» faire ça. «Y a qu'à» aller voir un huissier. Comme si c'était vraiment quelque chose que Mme Tartempion de Baie-Saint-Paul fait tous les matins, dit: Ah! Tiens, je viens de gagner ma cause, je vais aller voir mon huissier préféré. Elle ne connaît pas de huissier, Mme Tartempion. Je ne sais pas ce que c'est, ça. Mais, avant, par exemple, elle savait qu'elle était allée à la Cour des petites créances, elle savait qu'il y avait un juge qui avait rendu une décision en sa faveur, elle savait qu'elle n'avait qu'à aller au comptoir puis elle recevait son argent. C'est comme ça que ça marchait. Le ministre lui dit: Bien, va-t-en voir un huissier, puis tu as juste à le faire exécuter.

Le bout, là, c'est pour ça que j'ai fait répéter le ministre, parce que ses proches collaborateurs lui on fait un... son sous-ministre lui a fait une note professionnelle. Le ministre a dit: C'est des compagnies professionnelles, «whatever». Ça, cet argument-là est revenu à plusieurs reprises, et ça, là, je vous avoue, je ne le prends pas, M. le Président. Je n'arrive vraiment pas à comprendre comment ça se fait que, aux yeux des gens du ministère, ça change quelque chose. C'était comme si c'était un problème. On va enlever le service parce que c'étaient des professionnels qui, de temps en temps, allaient chercher de l'argent chez des mauvais payeurs, pas juste des consommateurs, qui allaient chercher contre les gens qui les avaient bernés. C'étaient les deux, bien entendu, mais ça change quoi, ça? Quand on regardera, on consultera les commissions parlementaires de son prédécesseur, c'est exactement la même réponse qui avait été écrite sur probablement le même bout de papier pour le ministre précédent. C'est rendu... Les professionnels, ce n'est pas des chiens galeux. Les professionnels, ce n'est pas un problème, ça.

M. Ménard: Ce n'est pas des gens démunis: c'est ça qu'on veut dire.

M. Mulcair: Voyons donc! Le service existait, il ne coûte pas une cent.

M. Ménard: Ils ne sont pas démunis intellectuellement. Ils sont capables de comprendre ce que ça veut dire un huissier puis d'aller voir un huissier. Avant, ils allaient au comptoir et on s'occupait de leur problème. Aujourd'hui, ils vont au comptoir, puis on leur dit: Vous allez voir un huissier qui va s'occuper de votre problème aux frais de votre débiteur. Ce n'est pas... Ils vont apprendre ce que c'est qu'un huissier. Comme on dit, la majorité des gens qui sont dans cette situation, ce sont des gens qui ne sont pas démunis, ni financièrement ni intellectuellement. Ils sont parfaitement capables de voir à cette dernière partie de leur affaire, d'aller contacter un officier de justice aux frais de leur débiteur qui leur rapportera le fruit du jugement qu'ils ont obtenu.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre peut nous dire, pour les trois dernières années, combien de causes ont été entendues à la Division des petites créances et dans la Chambre civile de la Cour du Québec? Est-ce qu'il peut nous dire, au cours des trois dernières années, combien de décisions ont été rendues par la division des petites créances et la Chambre civile de la Cour du Québec? Est-ce qu'il peut nous dire combien de ces jugements ont été exécutés?

M. Ménard: Je vais commencer par la première partie de la question: Combien de causes ont été entendues à la Cour des petites créances. Alors, en 1997, il y a eu 35 020 causes entendues à la Cour des petites créances, ce qui représente une diminution de 4 859 causes par rapport à l'année précédente: une baisse de 12 %. Je vous signale qu'en 1996 c'était déjà une baisse de 12 % par rapport à 1995, qui était déjà une baisse de 11 % par rapport à 1994. Alors, effectivement, il y a une diminution des causes.

M. Mulcair: Ça n'indique pas au ministre qu'il y a un problème?

M. Ménard: Non, non, ce n'est pas un problème, ça. C'est une heureuse constatation que les gens puissent régler leurs problèmes autrement qu'en allant à la cour. Ça fait des années qu'on fait assez de publicité pour l'éviter et qu'on trouve toutes sortes de moyens comme la médiation, comme une meilleure information juridique, aussi, pour amener les gens à ne pas se placer dans une situation où ils auront besoin d'aller à la cour, pour avoir des problèmes.

Maintenant, vous demandez aussi combien de ces causes ont été exécutées.

M. Mulcair: Oui.

(Consultation)

M. Ménard: Les statistiques n'ont jamais été compilées, même quand elles étaient exécutées par le ministère.

M. Mulcair: Est-ce que ce serait difficile de les compiler?

(Consultation)

M. Ménard: C'est des statistiques impossibles à compiler parce que les parties qui règlent après jugement n'informent pas toujours le greffe des règlements qui ont été... C'est une observation qui a été faite au cours des années, même à l'époque où l'exécution était, comme vous le disiez, gratuite, fournie par le ministère.

M. Mulcair: À ce moment-là, vu qu'on ne peut pas avoir de preuve scientifique, on va y aller avec la preuve anecdotique. Le ministre dit: Il n'y a pas eu de plaintes là-dessus. Moi, je l'informe que, nous, on en reçoit régulièrement, des plaintes de gens qui trouvent ça compliqué, qui abandonnent, qui se lassent d'un système qui n'est plus ce qu'on appellerait, en anglais, «user friendly».

Le ministre a raison de dire: Chaque fois qu'on peut couper dans les dépenses de l'État, il faut dorénavant le faire. Ce n'est pas ça qu'on est en train de dire, nous autres. On n'est pas en train de dire que le gouvernement devrait mettre une cent là-dedans, au contraire. Il y avait un bon service qui existait avant. Il y a un moyen simple, avec une telle situation, de retourner vers ce service-là. Nous, on n'accepte pas l'argument comme quoi le fait qu'il y avait des professionnels là-dedans constitue une réponse. Je vous avoue que celle-là me dépasse encore complètement.

(11 h 20)

M. Ménard: Mais le bon service dont vous parlez, il coûtait 500 000 $; il n'était pas gratuit.

M. Mulcair: Justement, M. le Président, ce qu'on a essayé d'expliquer au ministre tantôt – et si ces proches collaborateurs pouvaient lui écrire ça sur un bout de papier – c'est que, si on retourne dans les galées de la commission parlementaire avec son prédécesseur, il y avait tout un calcul extrêmement détaillé qui avait été fait, basé sur le nombre de causes, le nombre de jugements exécutés et avec une faible tarification qui aurait été ajoutée à ce qu'on perçoit déjà. Parce que ce qui a été ajouté, c'est que l'avocat a droit dorénavant à un tarif qui va être attaché, ajouté à ce qui est exécuté par les huissiers. Ça va être collecté. Ce que, nous, on disait, c'est que ça pouvait être moindre comme coût: le gouvernement pouvait garder ce service au comptoir, le monde n'aurait pas été obligé d'aller chercher un avocat en dehors. Les avocats, de toute façon, veulent tellement peu s'occuper de ces dossiers-là parce que c'est vraiment des soucis pour le travail que cela implique. Et ce n'est pas nous qui l'avions dit, c'est le député de Drummond, qui était là ce soir-là, qui est un des deux qui ont voté avec nous autres. D'ailleurs, il y a des gens qui disent que ça lui a coûté ses chances d'accéder au Conseil des ministres lors du dernier remaniement, mais il a voté avec nous autres là-dessus, parce qu'il savait qu'on avait raison. Le Barreau était avec nous autres là-dessus aussi, et j'offre au ministre l'occasion de se rallier à cette proposition-là qui pouvait être réalisée sans que cela coûte une cent au public.

Je ne suis pas en train, donc, de dire au ministre de trouver 500 000 $ dans sa poche arrière. Je sais qu'il ne les a pas. En tout cas lui, personnellement, il les a sans doute, mais son ministère ne les a pas. Ce n'est pas ça le problème dont on est en train de parler. On est en train de dire qu'il y a moyen de garder un service à la population sans que cela coûte plus cher. Et, puisqu'un des thèmes que l'on évoque de notre côté depuis trois ans c'est le fait que c'est malheureusement toujours le service direct à la population qui écope en tout premier lieu, on est en train de donner au relativement nouveau ministre de la Justice l'occasion de retourner à la population un service qui marchait sans que cela lui coûte un sou. Mais c'est de bonne guerre, M. le Président. Si, pour des raisons qui lui sont propres, l'actuel ministre de la Justice trouve qu'on a bien fait de couper ce service à la population, qu'à cela ne tienne. C'est une autre des raisons pour lesquelles notre parti va former le prochain gouvernement. Parce que, nous, on va s'engager à remettre ce service-là, sans que cela coûte une cent à la population, parce que c'est un service direct à la population. Et, non, de notre côté, ça ne nous fait pas paniquer, ça ne nous inquiète pas, ça ne nous préoccupe pas le fait que ça soit, par ailleurs, des professionnels qui ont recours à ça, comme si notre standing dans la vie, notre statut social avait un rapport avec notre droit d'accès à la justice.

M. Ménard: Bien, oui, il y en a un. Les gens qui sont plus démunis ont plus de difficulté à défendre leurs droits. Mais là vous êtes en présence, dans la majorité des cas, de gens qui sont bien entraînés à ces choses-là et pour qui aller voir un huissier n'est pas une démarche tellement intimidante. Et probablement qu'ils prendraient arrangement, justement, avec des huissiers pour faire régulièrement la collection de leurs débiteurs qui ne veulent pas payer, même après qu'ils aient obtenu un jugement contre eux.

M. Mulcair: J'aimerais que le ministre, qui vient de nous dire tantôt que c'était impossible d'avoir les statistiques sur le nombre de causes qui ont été exécutées ou réalisées, partage avec nous les statistiques qui lui permettent d'affirmer à répétition que c'était la majorité des 40 000 ou 50 000 causes qui étaient des professionnels. J'ai hâte de voir ça, la statistique qui prouve que le ministère sait ça. C'est ça la différence entre travailler avec des anecdotes et avec des vrais chiffres, M. le Président. We are still waiting.

(Consultation)

M. Ménard: Il paraît qu'il y a déjà eu des chiffres, mais on n'en a pas sous la main actuellement. Mais c'est aussi dans la nature des choses. Les petits comptes, ce n'est pas des gens du Bien-être social qui ont ça. C'est des petits comptes de toutes sortes d'affaires: de plomberie, d'électricité, de quelque chose qui a été acheté au magasin, qui n'a pas été payé, de sorte que... Enfin, la croyance ici... Moi, je n'ai pas vu les statistiques personnellement, mais la croyance, c'est que la majorité des gens qui ont recours à la Cour des petites créances, comme demandeurs, sont soit des entreprises, soit des professionnels, donc des gens qui ne sont pas démunis intellectuellement et qui peuvent trouver la solution, d'autant plus qu'elle ne coûte rien, puisqu'elle est assumée par le débiteur. Et puis c'est quand même eux, au départ, qui ont choisi leur débiteur, soit en leur vendant quelque chose, soit en leur donnant un service.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Roberval.


Médiation familiale

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Considérant que la médiation familiale a été mise en place au cours de 1997, est-ce qu'on a présentement des rapports substantiels de l'efficacité de ce service-là et de l'importance que ça prend dans le milieu, s'il y a beaucoup de demandes, si vraiment ça répond aux besoins qui avaient été exprimés depuis nombre d'années concernant la médiation?

M. Ménard: Oui, pas aussi complète qu'on voudrait l'avoir, parce que ça ne fait pas encore un an que le système est en marche. Mais je vous remercie de cette question. Ça me donne l'opportunité de vous brosser un tableau sommaire sur l'implantation du service de médiation familiale.

Même si l'application de cette loi est bien jeune, la possibilité qu'elle offre aux familles aux prises avec les difficultés découlant de la rupture m'oblige à suivre de près sa mise en oeuvre.

Je crois utile, d'abord, de rappeler que cette loi introduit un modèle complet de médiation familiale qui vise essentiellement à réduire les tensions familiales, les coûts et les délais pour les parties et à augmenter les ententes que l'on veut mutuellement acceptables et viables. Le modèle québécois de médiation familiale peut se présenter en trois volets.

Premièrement, il donne accès à la médiation globale sur une base volontaire.

Deuxièmement, il prévoit que, pour les couples avec enfants, lorsqu'il y a un différend, qu'une séance d'information sur la médiation, qu'elle se fasse en couple ou en groupe, sera préalable à l'audition de la cause, sauf pour motifs sérieux.

Troisièmement, et c'était là l'objet du projet de loi 14, adopté le 9 mars 1993 sans être mis en vigueur, il permet au tribunal d'ajourner l'instruction d'une cause contestée et de référer les parties en médiation, donc sans leur consentement. C'est d'ailleurs à l'article 25 de la loi n° 65 qu'est prévue l'entrée en vigueur, le 1er septembre 1997, de la loi 14.

La médiation est gratuite pour les couples avec enfants, en cas de séparation, de divorce ou de révision de jugement et pour les conjoints de fait qui ont des enfants. Elle peut avoir lieu avant ou après le dépôt de la demande à la cour. Elle pourra porter sur la garde, l'accès, la pension alimentaire et le partage des biens. La médiation est globale lorsqu'elle porte sur toutes ces questions. Pour que le programme soit disponible dans tous les districts des secteurs de district judiciaire, nous avons implanté un service de médiation familiale dans les 43 localités où siège la Cour supérieure. Comme vous le savez, pour que la médiation soit plus accessible, il faut également compter sur la collaboration des médiateurs accrédités qui agissent directement auprès des couples pour tenir des séances de médiation familiale.

Comme vous le savez, en vertu de l'article 6 du règlement, les accréditeurs doivent informer le ministre de la Justice des médiateurs qui sont accrédités. Au 31 mars 1998, la liste totalise 1 099 médiateurs, dont 663, c'est-à-dire 63 %, sont des juristes; 436, soit 40 %, sont des non juristes. Alors, avocats, 499; travailleurs sociaux, 188; psychologues, 185; notaires, 164; conseillers en orientation, 49; et ceux qui viennent des centres jeunesse, 14. En comparaison, au 30 octobre 1996, on comptait 468 médiateurs accrédités – alors, vous voyez, on a plus que doublé, actuellement – soit 631 médiateurs de moins que présentement. Cet accroissement important démontre tout l'intérêt que suscite la médiation comme mode de résolution de conflits et permet d'assurer de plus en plus une accessibilité optimale de médiateurs qualifiés dans l'ensemble des districts judiciaires.

(11 h 30)

Je crois également utile de souligner que le ministère a apporté un soin particulier pour être prêt à implanter le service de médiation familiale le 1er septembre 1997. D'abord, mon prédécesseur avait adressé, dès le 27 juin 1997, à tous les médiateurs accrédités, une lettre au sujet du nouveau modèle de médiation, accompagnée d'un dépliant d'information succinct sur les services offerts. Ce dépliant était également disponible dans les palais de justice et auprès des organismes accréditeurs. Il a été remplacé par un dépliant plus complet sur la médiation familiale qui est distribué depuis le 2 septembre 1997, lors de la conférence de presse que j'ai donnée pour lancer le programme de médiation familiale.

Entre la fin août et la première semaine de septembre, tous les médiateurs accrédités ont reçu un guide du médiateur dans ses relations avec le Service de médiation familiale ainsi que les formulaires et documents dont ils ont besoin pour s'acquitter de leur tâche. De plus, le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale a collaboré activement avec le ministère en élaborant un guide à l'intention des médiateurs qui animent les séances d'information sur la médiation. J'en ai un exemple ici.

À la fin d'août, une formation a été dispensée aux personnes oeuvrant dans chacun des 43 services de médiation familiale. Ces derniers ont également rencontré en septembre les médiateurs et médiatrices de leur district respectif afin de favoriser une implantation harmonieuse de la médiation familiale. Ces activités illustrent bien l'approche empreinte de collaboration que le ministère privilégie dans ses rapports avec les médiateurs et médiatrices du Québec qui sont nos partenaires au premier plan pour assurer que les meilleurs services soient dispensés aux justiciables.

Par ailleurs, au plan financier, les dépenses 1997-1998 pour la médiation familiale ont été de l'ordre de 3 200 000 $. Certaines dépenses imputables à cet exercice, environ 850 000 $, ne sont cependant pas encore payées, soit les honoraires des médiateurs pour des services dispensés en 1997-1998, mais dont le compte n'est pas encore reçu car la médiation se poursuit durant l'exercice 1998-1999.

Pour l'exercice financier en cours, le budget pour la médiation familiale est de 9 000 000 $. En termes de ressources humaines, il y a 19 emplois à temps complet, ou équivalents temps complet, qui ont été accordés, pour un total d'environ 500 000 $. En termes d'honoraires versés aux médiateurs, un montant d'environ 8 000 000 $ a été prévu alors qu'un montant d'environ 500 000 $ est à prévoir pour les autres dépenses, tels les brochures et formulaires, les équipements et le développement des nouvelles applications informatiques aux activités familiales.

Enfin, je le répète, la nouvelle loi est très jeune et, dans ce contexte, il est encore beaucoup trop tôt pour obtenir des données représentatives quant au volume d'activités reliées à la médiation et aux incidences sur les matières familiales. Je peux cependant vous faire part, à titre purement préliminaire, des quelques données concernant le démarrage du nouveau programme, c'est-à-dire les données concernant les quatre premiers mois d'opération, soit de septembre à décembre 1997. Au moins 5 900 personnes ont bénéficié des services de médiation familiale; 183 séances d'information de groupes ont été tenues; 1 848 personnes ont assisté à une séance d'information de groupe; 715 couples, donc 1 430 personnes, ont opté pour une séance d'information de couple; 548 rencontres ont donné lieu à une déclaration de motif sérieux avec leur médiateur – ça, c'est pour ne pas se soumettre, si je me souviens bien, c'est ça – 1 037 couples, donc 2 074 personnes, sont allés en médiation et ont terminé le processus durant cette période. Ceux qui l'ont débutée durant cette période et qui n'ont pas terminé le processus ne sont pas, évidemment, inclus dans cette donnée. Il m'apparaît nécessaire d'ajouter que les données préliminaires des mois de janvier à mars 1998 indiquent que le volume d'activités a doublé en comparaison des mois précédents. Cette situation illustre donc la difficulté d'établir présentement des tendances fermes et significatives quant à l'utilisation des services de médiation familiale.

Comme je l'ai déjà indiqué, je mets présentement la dernière main à la mise sur pied d'un comité de suivi dont la composition et le mandat seront communiqués incessamment. Essentiellement, ce comité devra vérifier si les objectifs de la loi seront atteints. Il va sans dire que les données recueillies au cours des prochains mois seront d'une grande utilité pour ce comité. Quoi qu'il en soit, il devra me produire un rapport d'étape au cours de l'automne prochain, ce qui me permettra sans doute de donner encore plus d'information sur l'utilisation des services de médiation familiale.

M. Laprise: C'est accessible, ça, dans chacune des régions du Québec?

M. Ménard: Actuellement, oui. C'est accessible partout. Il y en a dans toutes les villes où il y a la Cour supérieure.

M. Laprise: Le comptoir de ça, c'est au palais de justice de chaque région?

M. Ménard: Oui. De la Cour supérieure qui est la seule qui peut entendre, d'ailleurs, les causes en séparation et en divorce.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je voudrais juste terminer sur la question de la Cour des petites créances. Je crois que le député de Roberval a admirablement bien volé à la rescousse du ministre pour qu'il ne soit pas nécessaire pour celui-ci de finir de s'enterrer avec sa réponse, mais je pense que... Je souhaite du moins que vous fassiez preuve de la même flexibilité avec nos questions qu'avec la question du député de Roberval, qui est allé sur une question de médiation familiale en plein milieu du programme 1.1, Magistrature. Je ne lui en tiens pas rigueur. Je trouve, au contraire, que c'est tout à fait correct et souhaitable que les députés, peu importe qu'ils soient du côté ministériel ou de l'opposition, puissent poser des questions importantes sur le budget, et j'ai apprécié sa question. Mais j'aimerais que l'on puisse revenir un peu à nos ouailles, qu'on finisse brièvement sur cette question de la Cour des petites créances.

J'ai dit tantôt, M. le Président, que le ministre devrait se baser sur plus que de la croyance, et ce n'est pas moi qui ai employé le terme, le ministre a utilisé le terme tantôt. Il se basait, dans sa réponse, sur la croyance au sein du ministère, puis, tout d'un coup, ce n'étaient pas juste des professionnels, c'étaient soit des professionnels, soit des compagnies privées, peu importe. Je ne veux pas revenir sur ce que j'ai dit, parce que je crois sincèrement que l'actuel ministre de la Justice fait preuve, généralement parlant, de beaucoup plus de rigueur que son prédécesseur. Mais je vois que, quand il est obligé de défendre des dossiers de son prédécesseur, malheureusement, il est contraint de retomber dans des croyances et des explications puis des nuances, puis faire du patinage arrière rapide.

J'espère que la sorte de rigueur à laquelle je fais référence va continuer à être la marque de commerce de ce ministre et qu'il va revoir ses dossiers avec ses proches collaborateurs, poser les bonnes questions et regarder s'il n'y aurait pas effectivement moyen de restaurer ce service.

Pour ce qui est du programme 1.1, M. le Président, on a terminé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va. Alors, on va passer au suivant. Programme 1, élément 2, Déontologie judiciaire et perfectionnement des juges.


Contrat octroyé pour la défense du ministre de la Justice

M. Mulcair: J'aimerais savoir de la part du ministre – et on aura une autre occasion d'y venir lorsque viendra le temps de regarder tous les contrats qui ont été donnés à des avocats extérieurs; on va pouvoir remarquer là-dedans qu'il y a eu un contrat donné, si ma mémoire est bonne, à François Aquin pour défendre les intérêts du ministre qui recevait des mises en demeure ou d'autres documents de la part, si ma mémoire est bonne encore, de Gérald Tremblay, au nom du juge Carrier, pour des remarques qui auraient été faites par le ministre.

Je veux savoir si le ministre a une idée...

M. Ménard: De la façon dont les remarques avaient été rapportées...

M. Mulcair: Ah, c'est pour ça que j'ai utilisé le conditionnel.

M. Ménard: Parce que, quand le juge a eu la transcription complète des remarques faites par le ministre, il a cessé ses demandes.

M. Mulcair: M. le Président, même si ma langue maternelle, c'est l'anglais, il y a une chose que j'ai appris à apprécier de la langue française, c'est l'emploi du conditionnel. C'est pour ça que j'ai dit «des remarques qui auraient été prononcées par le ministre».

Mais ce que je veux savoir, c'est un peu plus terre-à-terre et je veux... On a les chiffres, on a une idée de ce que ça a coûté, puis je n'enlèverai jamais ni à François Aquin ni à Gérald Tremblay... On ne peut pas trouver mieux comme exemple de deux personnes qui sont opposées dans le secteur politique. Je n'enlèverai ni à l'un ni à l'autre leur droit d'obtenir une rémunération appropriée pour leurs services, il s'agit de deux extraordinaires juristes. Je n'enlève à personne ce droit-là.

Je ne veux pas y aller nécessairement sur le fond, à savoir combien ça a coûté pour telle affaire, telle affaire. Je veux engager avec le ministre une discussion sur le principe. Qu'est-ce qui devrait être couvert par le citoyen quand il y a des chicanes comme ça? Ça coûte énormément cher. On a un juge qui s'offusque, il dit que le ministre aurait dit telle affaire, interprétant mal ses propos parce que telle affaire n'était pas en preuve, ce n'était pas «suspendu par le balcon par les pieds», c'était «suspendu» tout court, puis la chicane commence là. Première mise en demeure. Une lettre, au nom du juge, au ministre. Qui paie l'avocat du juge? C'est le contribuable. Réponse du ministre à l'avocat du juge par son propre procureur. Qui paie pour les services de Me Aquin? C'est le contribuable. Chicane à savoir qui, quand, a fait quoi avec les dossiers fiscaux normalement secrets de certains contribuables, députés ou pas. Zap! On fout ça à la Commission d'accès à l'information. Résultat: des piles de contrats. Mais de très bons avocats, encore une fois, un peu partout.

(11 h 40)

Est-ce qu'il n'y a pas quelque part une responsabilité pour nous, comme élus – même si les deux élus principalement intéressés aujourd'hui sont des avocats – de commencer à se poser des questions de fond sur l'opportunité de continuer à avoir un bar ouvert chaque fois qu'un ministre est en chicane avec un juge ou qu'un ministre a d'autres problèmes? Est-ce qu'il n'y a pas moyen, avec les services internes, d'assurer cette défense-là? Est-ce que c'est normal qu'il n'y ait jamais de limite à ces dépenses-là?

M. Ménard: Bien, il y a une limite. On n'engage que les dépenses qui sont nécessaires. Cette situation dont vous parlez existe partout dans l'entreprise privée. Si le président de la Banque Nationale fait des remarques à la télé disant qu'il allait fermer les régions s'il le fallait, mais que, par la suite, il fait face à des poursuites, ou il y a des gens... qui, pensez-vous, paie l'avocat du président de la Banque Nationale? C'est la Banque Nationale. Qui paie pour les chicanes entre l'opposition et le gouvernement au pouvoir? C'est le contribuable. Dans les démocraties, c'est comme ça que ça marche. Ce sont des coûts inévitables. Ce sont des choses qui sont difficiles à planifier. Mais, dans ces circonstances-là...

Dans ce cas-ci, tout est bien qui finit bien parce que, justement, quand ils se sont mis à lire les textes, ce qui avait été transcrit, on s'est aperçu qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre un conflit qui, lui, aurait pu coûter beaucoup plus cher. Parce que, s'il y avait eu poursuite, défense et procès, alors ça aurait coûté très cher, tandis que là les avocats se rencontrant intelligemment et voyant, une fois que toute la transcription avait été disponible, de ce qui avait été dit, bien, en ont tiré les conséquences que ceux qui voulaient entreprendre des procédures n'avaient pas intérêt à les entreprendre, et leur honneur fut sauf, plutôt que de leur répondre bêtement sur la place publique.

Mais je ne vois pas comment, là-dessus, vous pouvez... C'est quelque chose que vous ne pouvez pas éviter. Dans le type d'activités que nous faisons, les élus, il y a des situations dans lesquelles nous aurons besoin d'aide juridique. Je crois sincèrement que ce serait injuste que ce soit à la charge du député ou du ministre d'assumer ses frais juridiques. Dans l'entreprise privée, quand des employés, même à l'occasion de l'exercice de leur fonction, même pas dans l'exercice de leur fonction, et même si à l'occasion de leur fonction se soulèvent des problèmes judiciaires, ce sont les entreprises qui paient. Alors, le gouvernement, dans ce sens-là, agit comme une entreprise. J'imagine que ce n'est pas ça que vous vouliez remettre en question, parce qu'on peut dire que, quels que soient les partis politiques qui occuperont le pouvoir un jour, et même quand ils sont dans l'opposition, il peut y avoir des besoins. Il y a des députés, on le sait, qui ont été ruinés par des accusations dont ils ont été acquittés et qui ont reçu des comptes d'avocat qu'ils n'ont jamais été capables de payer. C'est une situation que je trouve anormale.

Alors, je ne sais pas où vous voulez en venir avec ça. Les comptes sont là, vous les verrez. Je les ai même soulignés, quant à moi, pour les porter à votre attention. Ils sont modestes dans les circonstances, d'ailleurs. Et puis, quant au fait de créer une commission d'accès à l'information, n'oubliez pas que l'autre solution, c'était de faire une commission parlementaire. Ce n'est pas parce que c'est une commission parlementaire qu'il n'y a pas d'avocat. Alors, il y aurait eu des avocats à une commission parlementaire comme il y en a eu à une commission d'accès à l'information. Les débats, dès qu'ils prennent une allure judiciaire, surtout qu'il puisse y avoir des suites judiciaires, il est normal que les gens qui y sont engagés aient accès à des services d'avocat pour les consulter. Et, comme ça s'est fait dans l'exercice de leur fonction, ça fait partie de l'exercice de leur fonction, je pense que le principe est bien défendable que ces frais d'avocat soient assumés par le gouvernement.

En interne, c'est bien simple, c'est parce que, dans ces circonstances-là, les gens veulent aller chercher un avocat en qui ils ont confiance.

M. Mulcair: Merci. On prend acte de la dernière phrase.

M. Ménard: Ça s'applique des deux côtés.

M. Mulcair: Je ne suis pas sûr que je serais très sérieux, être une des personnes assises en arrière de lui, d'avoir entendu celle-là.

M. Ménard: Non, mais vous voyez quand même... Croyez-vous que le juge Carrier, dans ces circonstances, aurait eu confiance en un avocat payé par le gouvernement et relevant directement du bras droit du Procureur général?

M. Mulcair: Je pense que le ministre est en train de me choisir un exemple où il pourrait peut-être avoir raison, mais je parlais de lui-même. Si, lui, il n'a pas suffisamment confiance dans ses propres avocats au ministère, il doit avoir nécessairement recours à l'extérieur. C'est ça qu'il vient de nous dire.

M. Ménard: Bien, en tout cas, c'est l'exemple que vous avez vous-même soulevé.

M. Mulcair: Je réfère le ministre à la page 4 du programme 2, élément 2, où on peut lire ceci: La direction...

M. Ménard: Page 4 de?

M. Mulcair: Programme 2, élément 2, page 4.

M. Ménard: Ah! Programme 2.

M. Mulcair: Juste pour aider le ministre à savoir et à constater avec nous le gouffre qui sépare l'opinion que la Direction des affaires contentieuses a donnée puis ce que le ministre vient de nous dire. C'est là qu'on apprend que c'est «la direction qui définit, de concert avec les directions-conseils de la Direction générale, les orientations du ministère et du Procureur général en matière contentieuse. En collaboration avec les plaideurs de réseau, elle fournit l'assistance requise en fonction de la complexité des causes, du niveau de l'expertise nécessaire et des problématiques juridiques soulevées. Elle élabore des plans d'argumentation dans les cas de litiges jugés particulièrement importants en soulevant des questions jugées complexes. Selon l'impact gouvernemental des décisions qui en découlent, elle plaide dans des causes complexes et très spécialisées.»

Quand on regarde la liste des contrats donnés à l'extérieur, on est en droit de se demander comment il se fait que la pauvre Direction des affaires contentieuses continue à croire ça, que c'est elle qui plaide dans des causes complexes et très spécialisées. Ce n'est pas vrai. Chaque fois qu'on a besoin de quelque chose d'un peu spécial, on s'en va à l'extérieur. Le ministre vient de le dire aussi.

Pour ce qui est de l'élaboration d'un plan d'argumentation, peut-être. C'est aussi clair qu'une phrase comme: De concert avec les directions-conseils de la Direction générale, les orientations sont définies pas la Direction. Mais, sur le fond, qu'il soit permis d'exprimer un peu notre scepticisme face à l'affirmation du ministre.

M. Ménard: Je ne comprends pas pourquoi, parce que c'est une question de jugement dans chaque cas particulier. Mais vous voulez des exemples. Oui, c'est vrai que, dans le cas du juge Carrier, j'ai demandé au juge Aquin... pardon, à l'avocat Aquin...

M. Mulcair: Ah! Peut-être qu'il vient de laisser le chat sortir du sac. Il s'en va peut-être au TAQ, lui aussi, à la Cour du Québec, je ne sais pas.

M. Ménard: Je ne sais pas s'il accepterait, honnêtement, quand même qu'on lui offrirait. J'en doute.

M. Mulcair: Oui, avec ce que vous lui payez pour ses contrats privés, c'est vrai que c'est peut-être plus payant de rester là.

M. Ménard: 4 000 $ dans un an, vous pensez que c'est ça qui... C'est 116 000 $ qu'un juge gagne par année.

Une voix: 113 000 $.

M. Ménard: 113 000 $, pardon, par année. Je m'excuse. En tout cas, je pense qu'il est capable de gagner sa vie sans avoir besoin de l'État.

Il y a des circonstances, et je pense que n'importe qui qui a pratiqué le droit pendant un certain temps, où le service est plus personnel. Mais, pour aller devant la commission Poitras, j'ai été conseillé par des avocats du contentieux. Pour répondre aux multiples accusations de l'ancien policier, Gaétan Rivest, j'ai été avec les avocats des contentieux. Mais il arrive nécessairement dans la pratique d'un ministre ou dans celle d'un député...

(Consultation)

M. Ménard: Je vous excusais déjà, je me taisais.

(11 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

(Consultation)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, vous pouvez poursuivre.

M. Ménard: Alors, ça dépend. C'est vrai que nous avons développé diverses expertises dans les contentieux du gouvernement, mais nous ne les avons pas toutes développées. Parfois il faut aller à l'extérieur puis, parfois aussi, il y a des situations qui sont plus personnelles, même si elles sont dans l'exercice des fonctions où un avocat, ou un ministre, ou un député pourrait désirer communiquer ses confidences à un avocat avec lequel il se sent parfaitement à l'aise. Nous l'accordons aux policiers, nous l'accordons à bien des gens dans la fonction publique. Les ministres n'ont pas de passe-droit de ce côté-là, c'est en vertu des mêmes principes. Même si ces principes sont difficiles à délimiter, je pense qu'ils sont quand même faciles à reconnaître. Et, dans tous les cas, de toute façon, tout est transparent, chacun de ces cas est expliqué dans une liste que vous avez dans votre cahier, dans la réponse, et elle peut être jugée.


Affaires des juges Dubreuil et Carrier

M. Mulcair: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il est au courant où est rendu dans son cheminement – je ne vous demande pas de commenter le fond, je veux juste savoir où est dans son cheminement – le dossier Dubreuil devant le Conseil de la magistrature?

M. Ménard: Que je sache, le Conseil de la magistrature n'a pas encore rendu sa décision.

M. Mulcair: La cause a été entendue?

M. Ménard: Je crois que la cause n'a même pas encore été entendue. On m'informe que l'enquête aurait été encore reportée.

M. Mulcair: L'enquête a encore été reportée?

M. Ménard: Reportée, oui.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre peut partager avec nous, encore une fois sans discuter du fond de l'affaire... Je veux bien qu'on fasse la distinction, ce n'est pas parce qu'on a une immunité qu'on va dire des choses qui risquent de nuire à une enquête, ou quoi que ce soit.

M. Ménard: C'est ça.

M. Mulcair: Mais quelle est la différence de fond entre la cause qui est maintenant devant le Conseil de la magistrature, en attente d'enquête, dans le cas qui concerne Mme la juge Dubreuil, et une cause comme celle du juge Carrier? Quelle est la différence de fond qui a fait en sorte qu'en sortant d'une réunion du Conseil des ministres le ministre s'est senti tout à fait à l'aise de faire des déclarations concernant le cas du juge Carrier et qu'il a dit, publiquement encore une fois, que, puisque Mme la juge Dubreuil était son amie personnelle, il savait que ce n'était pas ça qu'elle voulait dire et qu'il n'allait pas faire de commentaires dans ce deuxième cas? Quelle est la différence de fond, de substance juridique entre les deux cas pour ce traitement fort différent?

M. Ménard: Le traitement n'a pas été différent autrement que ce que les circonstances justifiaient comme traitement différent. Dans le cas du juge Carrier, ma première préoccupation, et c'est ce qui est évident quand on lit l'ensemble des textes que j'ai donnés, c'était de replacer le problème dans ses véritables données, notamment que ce n'était pas une sentence de deux ans moins un jour, mais, selon les principes de jurisprudence généralement reconnue, c'était 56 mois. Et j'estimais qu'il appartient au ministre de la Justice de parfois défendre des décisions de la magistrature qui sont mal perçues dans le public parce qu'elles sont au départ mal rapportées.

Au moment où j'ai fait cette déclaration, à ma connaissance, il n'y avait pas un seul médium qui avait fait la distinction. J'ai appris par la suite qu'il y en avait un qui avait fait la distinction. Mais je sais que, dès que j'ai eu parlé, bien que ce n'est pas mes paroles qu'on ait transmises, le débat s'est étendu, que la sentence n'était pas de deux ans moins un jour, mais équivalait à 56 mois.

Deuxièmement, j'ai dit: Je ne commenterai pas l'affaire puisque je la porte en appel. J'ai dit: Même cette décision, nous avons décidé de la porter en appel. Et j'ai donné les trois motifs d'appel sur lesquels nous allions porter en appel. Malheureusement, j'avais été mal informé sur une question de détail qui a pris beaucoup d'importance dans une caricature. Et je comprends bien le juge de s'être senti particulièrement offensé de cela, et ça, je le regrette évidemment. J'ai tiré mes leçons de...

Une voix: ...

M. Ménard: ...combien de temps, à qui je dois m'informer et combien de temps je dois attendre avant de m'assurer que l'information qu'on m'a donnée est exacte. Quoique c'était vraiment sur une question de détail, hein. Et c'est exactement ça qu'on essaierait d'expliquer au juge Carrier. Voulez-vous qu'on corrige? Et on va susciter une autre caricature. Ce ne sera plus par les pieds, ça va être autrement, mais finalement ça revient exactement au même. Bon. Puis j'ai tiré mes leçons, je ne donnerai plus de détails. Ça va être plus simple comme ça. On tire des leçons des moments où on a frôlé le précipice.

Finalement... Mais le débat est reparti comme il faut, au moins que la sentence était de 56 mois, ce qui, là, à ce moment-là, devenait une sentence, bien que nous l'ayons portée en appel, ne suscitait pas le même scandale qui avait déjà été... D'autant plus que j'ai remarqué à plusieurs reprises que ces actes exceptionnels, à un moment donné, je ne sais pas pourquoi, mais, quand la presse part, c'est une force épouvantable qui discrédite l'ensemble de la magistrature, pour ce qui serait souvent un acte ou une mauvaise compréhension d'un jugement posé par un juge.

Moi, je suis rentré comme ministre de la Justice convaincu qu'il fallait que j'arrête ça. Je le faisais pour les policiers quand j'étais ministre de la Sécurité publique. J'avais dit aux policiers: Jamais je ne porterai un jugement sur les policiers avant d'avoir connu tous les faits de la cause. Et je m'en suis tenu. Ça sécurisait beaucoup les policiers dans les actions qu'ils allaient entreprendre, et j'estimais que mon devoir, c'était de faire la même chose pour les juges.

Quand le juge Carrier a pu lire la transcription complète de ce que j'avais dit, ça a l'air que son avocat et lui en sont arrivés à la conclusion de ne pas donner suite aux poursuites dont il avait menacé dans la lettre qui avait été écrite avant d'avoir lu la transcription.

Quant au cas Dubreuil, alors là, j'étais encore en présence d'un cas qui allait partir avec une force égale, mais il m'apparaissait important de déterminer à ce moment-là... Il y a trois principes: on ne juge pas un individu sur une seule erreur qu'il aurait pu faire, si c'est une erreur; deuxièmement, ne découragez pas les victimes d'agression sexuelle de se plaindre en leur disant que tel est le sort qui attend leur agresseur, puisque vous dites que c'est une sentence exceptionnelle. Si c'est une sentence exceptionnelle, les victimes d'agression sexuelle peuvent s'attendre que leur agresseur aura un sort différent de celui-là s'il est exceptionnel, n'est-ce pas. Il y avait quelque chose de tout à fait... Puis il y avait un troisième élément qui m'échappe... Oui, surtout, il ne faut pas juger l'ensemble de la magistrature parce qu'un juge s'est trompé de mot sur quelque chose. J'étais parfaitement conscient de la signification objective que prenait le mot «culturel», mais dont j'étais absolument convaincu que ce n'était pas ce que la juge avait voulu dire. C'est vrai que le fait que je l'ai connue, que nous pratiquions ensemble en droit criminel, au début de ma pratique – elle est plus âgée que moi, mais, quand j'ai commencé à pratiquer le droit criminel, elle pratiquait déjà le droit criminel, et elle pratiquait pour l'aide juridique – donc je ne lui connaissais pas de préjugés racistes, j'étais convaincu qu'elle n'en avait pas.

(12 heures)

J'avais écouté le jugement, quand même. Le mot était là, «culturel». Mais vous aurez remarqué que, quand La Presse a publié le jugement, le mot «culturel» n'y était plus. Comment ça se fait, pensez-vous? Je me suis bien demandé pourquoi ce n'était pas dans La Presse . Mais je pense que je l'ai, l'explication. C'est que, quand je l'ai écoutée, il était évident qu'elle lisait un texte. Donc, elle avait un jugement écrit. Et le jugement écrit aurait dû faire... Comme tous les juges qui lisent leur jugement et ensuite ils en remettent des copies aux parties. Et c'est probablement une de ces copies que La Presse a publié. Le fameux mot «culturel» n'était pas dedans. Mais, moi, je comprenais parfaitement dans le contexte que «culturel», c'était par rapport à «psychopathe». Ça fait qu'elle disait, dans l'examen de sa sentence – ce qui était très correct de sa part: Il n'a pas de psychopathie, donc, il n'a pas besoin de traitement psychologique. C'est simplement qu'il a besoin de refaire sa conception des femmes, par exemple. Alors, là, elle a dit, c'est une question – moi, je ne me souviens plus quel terme – c'est là que le mot «culturel» lui a échappé, et un mot qui, je pense, n'était pas dans son texte. Là, je n'ai pas revérifié par après, sinon que c'est la seule explication que je vois pour laquelle La Presse ne l'aurait pas publié, le fameux mot «culturel».

Et puis, mon but, qui était quand même très important, c'était... Vous connaissez mes opinions sur l'utilisation que l'on fait de la prison. Je n'ai jamais caché ça, moi. Je me suis fait élire alors que tout le monde pouvait le savoir. Je ne l'ai jamais caché. Je ne l'ai jamais caché comme ministre de la Sécurité publique. Je suis un élu porteur d'une politique. Je demeure convaincu que nous utilisons trop l'emprisonnement, que d'autres mesures sont aussi efficaces, beaucoup moins coûteuses et beaucoup plus humaines pour traiter la délinquance. Mais là ça faisait trois fois en un court laps de temps que j'étais obligé de porter les sentences en appel.

Alors, je tiens, je tenais à dire et à rappeler à tous les juges que ce n'est pas parce que je porte trois sentences en appel dans des cas qui m'apparaissent justifiés qu'il faut discréditer les sentences avec sursis. Parce que les sentences avec sursis, qui est cette nouveauté qui était dans le Code criminel, sont des sentences qui ont donné de très bons résultats en Europe, où on a des taux de criminalité comparables à ceux que nous avons ici, mais où on utilise des ressources carcérales des fois aussi peu que le tiers. Aux Pays-Bas, entre autres, on est à peu près au tiers du taux d'incarcération de ce qu'on est au Canada. Puis dans tous les autres pays européens, on est bien en bas de cela. Alors, je croyais que c'était un moment opportun, parce que sinon le message qui aurait été lancé: C'est bien beau, vous prétendez, M. Ménard, qu'on utilise trop l'incarcération et qu'on devrait prendre autre chose, mais, en fait, vous n'êtes pas capable de prendre la pression politique, et quand ces choses publiques arrivent, vous portez en appel. Non, je tenais à prendre toute la pression politique de ces opinions qui sont pour moi une croyance fondamentale, réelle. Je ne vous dis pas qu'il faut mettre tout le monde dehors, je dis qu'il faut réserver l'incarcération aux cas dangereux ou à quelques cas de dissuasion, de choix personnel, et là avec modération ou de dissuasion générale, c'est-à-dire pour décourager les autres de commettre tels types de crimes. Alors, ce sont deux circonstances bien différentes. C'est pour ça que mon langage a été différent dans les deux cas.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Mille-Îles.

M. Mulcair: Une question de détail, d'application de notre conversation. Si Mme la députée, ma collègue de Laval la députée de Mille-Îles veut poursuivre sur le même sujet...

Mme Leduc: Non, je suis en...

M. Mulcair: ...l'alternance est tout à fait... Si c'est un autre sujet, je préfère qu'on finisse le sujet qui est sur la table.

Mme Leduc: ...avec une autre question, puis ensuite ça reviendrait...

M. Mulcair: Oui. Ça irait?

Mme Leduc: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président, et je tiens à remercier ma collègue Mme la députée de Mille-Îles. J'avais commencé en faisant bien attention de dire que je ne voulais pas discuter du fond. Donc, moi, je n'ai l'intention de revenir là-dessus. Je crains, par contre, que le ministre ait largement parlé du fond, mais ...

M. Ménard: Le fond est toujours en appel.

M. Mulcair: ...c'est la dernière chose que vous allez m'entendre dire sur le cas Dubreuil.


Sentences rendus

Pour ce qui est des sentences, j'aimerais que le ministre partage avec nous sa réflexion sur une situation bien réelle et concrète. Parce que, moi, je ne connais pas la réponse à ça. Je le dis en toute modestie: Je ne connais pas la réponse à ça. Mais je veux lui donner un exemple que j'ai vu, parce que, comme lui l'a fait sans doute, quand il était à l'opposition, moi, j'essaie de faire mes devoirs. C'est une chose de connaître un peu le ministère comme j'ai eu le plaisir d'y travailler pendant plusieurs années, c'est une chose de connaître l'appareil administratif, c'est une autre chose de connaître ce qui se passe devant les tribunaux, tous les jours. Alors, j'essaie, moi, d'y aller.

Moi, je vais vous dire qu'une de mes expériences les plus intrigantes, enrichissantes, ça a été de passer une nuit, une soirée complète – parce que, en soirée, on fait ça pour servir la population – à la Cour municipale de Lachute. Ça, c'est ce qu'on appelle en anglais «an eye-opener», ça, c'est la vraie vie.

D'abord, je tiens à dire que, pour ma part, je trouve que les juges municipaux ont un système de radar qui marche assez bien, merci beaucoup. En anglais, passez l'expression, M. le Président, peut-être pas trop parlementaire, mais l'expression consacrée «they have a good bullshit meter», c'est vraiment très difficile de les bluffer.

Tout en étant en admiration devant la qualité et la compétence des juges, moi, il y a une chose qui m'a intrigué, parce qu'on voyait des gens passer et repasser, des gens – ce n'est pas un crime en soi, mais c'est un fait que je constate que c'étaient très souvent des gens qui étaient prestataires d'une forme d'aide sociale ou une autre, qui revenaient. Et il y avait un cas très précis de quelqu'un qui revenait pour la quatrième fois pour ivresse au volant, toujours le même scénario: la personne se fait poigner dans un état d'ivresse. Le numéro, c'était vraiment un score olympique que la personne avait réussi à péter dans la balloune et avec un petit sourire croche esquissé sur les lèvres, parce qu'il savait qu'il n'y avait aucune sanction, qu'on ne pouvait rien faire contre lui. Il achetait une minoune de 300 $, 400 $, trouvait les moyens d'avoir ça, il attendait, il se faisait poigner. Qu'est-ce qu'on va faire? Les moyens alternatifs: on saisit la minoune? «Big deal»! Il s'en fout, ça ne vaut même pas le prix des pneus dessus. On va lui dire de faire des travaux communautaires, sinon... Il ne fera pas les travaux communautaires; il n'a aucune intention de les faire. Sinon quoi? Sinon rien, parce qu'on ne le mettra pas en tôle, parce qu'il n'y a pas de place, il va aller poinçonner à la porte.

Et là le ministre, ou un autre de ses collègues au gouvernement, va se lever et va se lamenter du fait que, dans nos prisons – et ça, c'est le terme qui est le plus souvent utilisé – on a un pourcentage x, c'est très élevé, de personnes qui y sont pour des infractions de circulation. C'est sûr que mon gars à la Cour municipale de Lachute, si on veut décortiquer les mots, techniquement, c'est une faute de circulation d'avoir roulé en état d'ivresse, pour la quatrième fois, impunément. Le ministre dit: Il faut réserver la prison pour les cas dangereux. Moi, je vous soumets, M. le Président, très respectueusement, que la personne qui est rendue à sa quatrième condamnation pour ivresse au volant est une personne dangereuse. Comment ça se fait qu'on ne le met pas en dedans, jamais? J'aimerais entendre le ministre là-dessus. Est-ce que, lui, on le met en prison, oui ou non?

M. Ménard: Oui.

M. Mulcair: Mais comment ça se fait qu'ils n'y vont pas?

M. Ménard: D'abord, quand on parle de problèmes de circulation, on s'exprime peut-être mal, mais on dit qu'il y en a trop qui sont là pour des infractions au Code de la sécurité routière. Ce dont vous parlez, ce sont des infractions au Code criminel. Ce sont des infractions à répétition. Je vous signale que, dans ces cas-là, il y a un minimum qui est prévu par la loi. Pour la deuxième infraction, c'est 15 jours d'emprisonnement; pour la troisième, si je me souviens bien, c'est trois mois ou 90 jours.

M. Mulcair: Mais ils ne les font pas, M. le Président.

M. Ménard: Justement, s'ils ne les font pas, c'est parce qu'il y a trop de monde en prison qui ne devrait pas être là. Puis deuxièmement, ils pourraient les faire. Dans les pays, justement, où on utilise beaucoup la criminologie pour faire la lutte à la délinquance, les prisons sont effectivement remplies de gens pour des infractions de ce type au Code et aussi pour des infractions pour la chasse, et je pense aux pays scandinaves. Parce que, dans ces cas-là, la dissuasion, ça fonctionne, tandis que dans d'autres cas qui ont l'air des fois plus graves, comme le vol, la dissuasion ne fonctionne pas, parce que c'est des gens qui ne pensent pas aussi loin que ça, ils ne pensent jamais qu'ils se feront attraper. Il faut les remettre, il faut s'en occuper cependant, il faut voir à ce qu'ils font, il faut voir comment ils perçoivent, quand on leur a trouvé un emploi, comment ils performent, et ainsi de suite.

(12 h 10)

Mais dans le cas que vous donnez, il n'y a aucune espèce de doute que, justement, je veux vider les prisons des gens qu'on peut traiter autrement, plus efficacement, pour les garder pour des cas comme celui dont vous parlez. Il n'y en a pas tellement, remarquez, mais il y en a.

En plus de ça, on pourrait aussi, je pense, s'attaquer à leurs privilèges et, entre autres, leur enlever le privilège d'immatriculer un véhicule. D'ailleurs, le juge peut le faire en vertu de la loi actuelle. Avec la loi actuelle, il peut imposer une période où il doit garder la paix et respecter certaines conditions. Bien, évidemment vous allez me dire: Si je lui enlève le permis de conduire, bien, il conduit pareil. Ça va bien. Voilà! Mais si je lui enlève le permis d'enregistrer un véhicule, bien, là, il est obligé d'en trouver un. Il va peut-être trouver celui de sa blonde, mais sa blonde, elle ne va peut-être pas lui passer trois fois, ou sa mère. Généralement, dans son milieu, on est au courant de son problème. En tout cas, ça complique, n'est-ce pas, ça va compliquer son accès.

Alors, j'espère que ça vous éclaire. Des politiques de lutte à la criminalité, parce qu'elles sont nuancées puis elles peuvent s'adapter à chaque cas, n'est-ce pas, n'arrivent pas à des situations aussi aberrantes que celles que le système actuel nous donne. Parce que, justement, on incarcère trop et donc on n'a plus de place pour des gens qu'il faudrait garder plus longtemps. Mais un gars comme ça, je pense que le minimum est là. Un 15 jours, ce n'est pas un minimum trop long, justement, si c'est pour la deuxième fois. Trois mois non plus, ce n'est pas trop long pour la troisième fois, mais je pense que ça calmerait un gars de même, trois mois, de le faire.

M. Mulcair: Mais avec la règle de un sixième puis avec ce que le ministre vient de souligner, le manque de places, il sait, comme moi je sais – parce que les juges nous en parlent, les gens dans le système nous en parlent – le gars qui écope d'un trois mois, s'il fait une fin de semaine, c'est qu'il a été traité plus sévèrement que les autres. Il ne le ferait même pas une fin de semaine, avec trois mois.

M. Ménard: Vous exagérez là.

M. Mulcair: Non, non, non. Le ministre est mal renseigné.

M. Ménard: Vous en parlerez au ministre de la Sécurité publique. Vous exagérez.

M. Mulcair: Le ministre est mal renseigné. S'il pense que quelqu'un avec un trois mois pour ivresse au volant fait plus qu'une fin de semaine, le ministre est mal renseigné. Qu'il vérifie.

M. Ménard: Ça dépend. Il y a bien des affaires, hein! Au Danemark, vous prenez rendez-vous pour aller en prison.

M. Mulcair: On n'est pas au Danemark, on est au Québec.

M. Ménard: Non, non, mais je vous le dis. Il faut faire preuve d'imagination.

M. Mulcair: C'est ça, on va les envoyer au Danemark, d'abord.

M. Ménard: Non, non. Les prisons, ce n'est pas plein à pleine capacité tout le temps pendant l'année. Il y a des hauts puis des bas. Alors, il faut faire preuve d'imagination. On pourrait les occuper à plein temps, nos prisons. C'est justement dans un cas comme ça, puis on lui dirait: Mon chum, ce ne sera pas agréable du tout là, mais pendant un an, tes fins de semaine, tu ne sauras pas quand est-ce les faire. Mais quand on t'appelle, tu es aussi bien de les faire, sinon ça va être le double de venir.

On n'est pas allé, je peux vous dire, au bout des ressources que l'on peut mettre sur pied pour traiter intelligemment avec les ressources qu'on a. À part de ça, si, justement, on en avait dans nos prisons, ça réglerait d'autre chose. Ça réglerait le problème de nos occasionnels dont on pourrait peut-être faire des permanents, justement, dans ces milieux-là.

M. Mulcair: Je suis complètement d'accord avec lui pour ce qui est des occasionnels qui devraient devenir permanents.

M. Ménard: Mais on est quand même encore – soyez-en conscient, M. Mulcair – le quatrième pays d'Occident qui incarcère le plus sa population. On a été longtemps, longtemps le deuxième, juste derrière les États-Unis. Les États-Unis sont à 600 par 100 000 habitants; nous autres, on est descendus à 115. Il y a quelques années, on était à 152. Là, on vient de se faire dépasser par la Nouvelle-Zélande puis le Portugal. Mais tous les pays européens, tous, sont en bas de 100 par 100 000 habitants, avec des taux aussi bas. Le Japon, 37 par 100 000 habitants.

M. Mulcair: M. le Président, ça va pour 01, 02.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Mille-Îles, vous aviez une autre question.


Enlèvements d'enfants

Mme Leduc: Oui. C'est dans le programme 02 aussi. Mais disons qu'on parle peut-être d'une autre clientèle que des juristes ou des criminels. Vous savez, on rapporte souvent dans les médias des cas d'enfants enlevés par l'un des parents puis qui sont emmenés dans un autre pays. C'est sûr que, dans ces cas-là, il y a une lourde inquiétude pour les parents au sujet de leurs enfants, et c'est quand même... On a pu voir des témoignages qui sont fort pathétiques. On en rencontre aussi quelquefois dans nos bureaux de comté. Et quand il y a la relation parent-enfant, c'est toujours très difficile pour les gens qui subissent cette situation. Dans le fond, ce que je voudrais vous demander, c'est: Est-ce que vous pouvez vraiment faire quelque chose? Quels sont les moyens qui sont à votre disposition? Parce que, si on a beaucoup de reportages qui nous donnent ces situations-là, on n'en a pas beaucoup qui nous donnent quand ça se règle.

Alors, on reste sous l'impression que c'est à peu près insoluble et que c'est peut-être le hasard qui fait que ça se règle. Alors, quels sont les moyens que vous avez? Est-ce que vous avez des résultats un peu tangibles? Et, si oui, est-ce qu'il y a des possibilités? Aussi, quels sont les embûches qui empêchent de régler? Est-ce qu'il y a des possibilités d'amélioration, finalement, dans le traitement de ces cas-là?

M. Ménard: C'est une très bonne question, Mme la députée. Puis, effectivement, je pense que je vais vous donner des cas où ça se règle. C'est peut-être important qu'on replace cette réponse. Oui, il y a moyen de faire quelque chose. Oui, on fait quelque chose. Et, oui, on obtient des résultats. Mais j'espère qu'on va en obtenir des meilleurs à l'avenir.

Mais il faudrait d'abord peut-être replacer les choses dans leur contexte. Comme vous le savez peut-être, l'Assemblée nationale adoptait, le 8 juin 1984 – ce n'est pas d'hier – la Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants. Cette loi, qui a été sanctionnée le 12 juin suivant, entrait en vigueur le 1er janvier 1985. Elle a pour objet d'assurer l'application au Québec des principes et des règles de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. D'ailleurs, régulièrement, je pense, au moins une fois par mois, j'ai une ou deux conventions particulières à ratifier. Donc, actuellement, ça s'établit dans le monde. L'objet de la loi et de la Convention est précisément d'assurer qu'un enfant déplacé ou retenu illicitement dans un État partie à la Convention de La Haye retourne le plus tôt possible dans le milieu où il vivait antérieurement. Le ministre de la Justice est, à titre d'autorité centrale, chargé de l'application de cette loi.

Ainsi, le parent dont l'enfant aurait été illicitement déplacé, par exemple du Québec vers la France ou du Québec vers les États-Unis, pourra demander au ministre de la Justice de lui prêter assistance pour localiser son enfant, et, une fois cette étape franchie, pour que des mesures provisoires soient prises pour éviter que de nouveaux préjudices lui soient causés, pour tenter de négocier son retour volontaire ou encore entreprendre ou s'assurer que soit entreprise toute procédure judiciaire en vue d'obtenir son retour forcé au Québec.

Il est important de souligner que les autorités judiciaires ou administratives de tous les États parties à la Convention de La Haye doivent entreprendre ces mesures de façon urgente. Le parent québécois confronté à une telle situation doit, pour obtenir cette aide, s'adresser au personnel de la Direction du droit administratif et privé de la Direction générale des affaires juridiques et législatives du ministère de la Justice. Bon, s'il trouve ça trop compliqué, il s'adressera juste au ministère de la Justice; on va le diriger dans la bonne direction pour avoir l'aide dont il a besoin. Et donc, cette Direction l'assistera dans la préparation de la documentation pertinente de la mise en oeuvre des dispositions de la loi et de la Convention. Cette Direction peut être rejointe à notre adresse, 1200, route de l'Église, 2e étage, Sainte-Foy, ou encore au téléphone, (418) 644-7152, ou par fax, (418) 646-1696.

Il m'apparaît maintenant opportun de vous citer quelques statistiques concernant l'application de la loi et de la Convention. Ainsi, 44 États ont été désignés par décret du gouvernement aux fins de leur application et six autres devraient l'être au cours de la présente année. Entre le 1er janvier 1992 et le 30 avril 1998, la Direction du droit administratif et privé a traité 157 demandes de retour en vertu de la loi et de la Convention, impliquant 200 enfants. De ces 157 demandes, 12 sont toujours en traitement et 60 ont été fermées pour les motifs suivants: 19 parce que les enfants n'ont pu être localisés sur le territoire du Québec; 30 parce que le parent requérant n'a pas donné suite à la demande d'assistance; 11 parce que la loi et la Convention ne s'appliquaient pas. Sur les 97 demandes restantes, 51 concernent des déplacements du Québec vers un État désigné et 46 sont des déplacements d'un État désigné vers le Québec. C'est 34 % des déplacements ou non-retours illicites qui sont commis par des hommes; 66 % par des femmes. Quant aux demandes d'assistance présentement en traitement, elles se répartissent comme suit: il nous en reste une vieille de 1993; une autre de 1995; une de 1996; quatre de 1997; et cinq de 1998. Ça, c'est au 30 avril 1998.

(12 h 20)

Une analyse de 85 cas de déplacements ou de non-retours illicites terminée relève les résultats suivants: il y a eu 34 cas de retours volontaires et 28 cas d'ordonnances de retour, pour, donc, 62 cas, c'est-à-dire un taux de 73 % de retours. Le non-retour, après entente entre les parties, entérinée ou non par la cour, est de 12 cas, et il y a eu des ordonnances de non-retour dans 11 cas, ce qui fait donc un pourcentage de non-retour de 27 %. Donc, 73 % de retours, 27 % de non-retours, dont certains d'ailleurs sont après entente, quand même. Il y a des conflits qui se règlent en cours de procédure.

En réponse à votre question, Mme la députée, je réponds donc que les parents québécois peuvent s'adresser aux autorités du ministère de la Justice pour y recevoir aide et assistance lorsqu'ils sont confrontés aux déplacements illicites de leur enfant vers un État désigné, partie à la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. Évidemment, le ministère pourra les informer si c'est un de ces pays qui a souscrit à cette Convention.

Mme Leduc: Maintenant, vous avez dit que les États s'engageaient à traiter ça avec urgence. Vous m'avez donné, comme, les statistiques, mais j'avais aussi demandé peut-être les délais. Est-ce que c'est très long avant que ça se règle? Là, on sait qu'il y en a 73 % qui se règlent, mais est-ce que vous avez une idée des délais avant, finalement, que les enfants reviennent au parent demandeur?

M. Ménard: J'ai un fonctionnaire qui est familier, ici, avec ces questions, qui est avocat. Vous pouvez y aller. Donnez l'explication.

M. Neault (Jean-Marc): Mme la députée, MM. les députés, je me présente, Jean-Marc Neault, je suis avocat à la Direction du droit administratif et privé et je suis responsable pour le ministre de l'application de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et de la loi précitée.

Je vous dirai, en réponse à cette question, que c'est du cas à cas, dans le sens qu'on a eu des exemples où, dans l'espace d'un mois, on a obtenu le retour d'un enfant, et, dans d'autres cas, on vient d'en régler un, ça a pris six années. Donc, les situations varient selon un certain nombre de critères. Ça peut varier selon l'État dans lequel l'enfant a été amené. Ça peut varier selon l'importance du litige qui existe entre les parties. Exemple, on peut saisir une première instance. Je vous donne un exemple: un enfant est amené en France, on saisit le tribunal de grande instance et les parties ne vont pas plus loin. Il y a un jugement ordonnant le retour, et on revient. Pendant ce temps-là, la localisation, le processus judiciaire, ça peut prendre, je ne sais pas, moi, trois, quatre mois. Mais il y a des litiges qui vont en Cour d'appel et qui vont jusqu'en Cour de cassation. Il y a des litiges où, même lorsqu'on a une ordonnance de retour, le parent ravisseur devient fugitif, et là il faut le localiser. Et, encore là, ça dépend du pays, ça dépend de l'énergie que chacun des pays met à l'application de la Convention.

Donc, je vous dirais que ça peut varier, osciller. Dans les cas où les parents, une fois prévenus de l'application de la Convention, une fois prévenus des conséquences, le parent ravisseur peut décider de revenir, calculons trois semaines, un mois, et, dans des cas très difficiles où, récemment, ça a pris six années.

Mme Leduc: Je vous remercie. C'est évident, M. le ministre, vous avez donné comme statistiques qu'il y avait 68 %, je crois, de femmes qui étaient...

M. Ménard: Oui.

Mme Leduc: ...ça doit être un des rares cas, je pense, qui est lié au rôle de mère, où les femmes, le taux de criminalité, s'il y a crime, en tout cas le taux d'infraction est quand même plus élevé. J'imagine que c'est relié à la maternité et à la responsabilité que les femmes se donnent encore et qu'on leur donne souvent auprès des enfants, ce qui n'excuse pas l'action, qui serait hors-la-loi.

Est-ce qu'il y a des États où c'est plus difficile?

M. Neault (Jean-Marc): Bien, écoutez, il faut d'abord scinder... M. le ministre a parlé tout à l'heure d'un certain nombre d'États qui avaient été désignés. Il y a à peu près 180 États sur la planète; on en a désigné 44. On approchera la cinquantaine dès que possible. Il faut d'abord distinguer que, nous, on peut aider uniquement quand la Convention s'applique. Enlever 44 de 180, tous les pays de l'Extrême-Orient, Moyen-Orient, de l'Afrique, quelques-uns... Évidemment, c'est tout exclus. Il y a des régimes juridiques différents.

Mme Leduc: O.K. Vous ne prenez pas action à ce moment-là. Les parents doivent se débrouiller s'ils veulent...

M. Neault (Jean-Marc): Écoutez. Nous, on reçoit des demandes d'information. Ce qu'on fait, c'est qu'on essaie d'évaluer avec eux le problème, l'état. On regarde les ressources dont on dispose. On travaille aussi en excellente collaboration avec les gens du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, la Direction des opérations consulaires et on réfère, dès qu'on est conscient d'un problème, le parent à cette Direction-là, on lui fournit les numéros de téléphone. On parle même souvent dans ces dossiers-là avec les gens des opérations consulaires et on essaie d'obtenir avec leur aide de l'information sur la situation de l'enfant dans le pays non partie à la Convention. On est très limité, là, comme action, dû au fait principalement que ces enfants-là jouissent d'une double nationalité et que, lorsqu'ils sont dans l'État de refuge, c'est le droit interne de cet état-là qui s'applique, les règles de procédure, les valeurs sociales, culturelles, religieuses qui sous-tendent aussi le droit qui est applicable.

Mme Leduc: O.K. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, même le prédécesseur de l'actuel ministre n'avait pas besoin de se faire poser autant de questions plantées pour passer le temps dans les crédits. C'est préoccupant comme scénario, parce que les questions et réponses étaient tellement bien chorégraphiées que le ministre, en lisant ses réponses, a lu la phrase suivante en réponse à votre question, Mme la députée. Alors, indication plus claire du fait que et la question et la réponse ont été préparées ensemble. On n'aurait jamais pu voir ça. Je suis bien désappointé.

M. Ménard: C'était écrit: M. le député.

M. Mulcair: C'est franc, M. le Président, je suis bien désappointé de voir l'actuel ministre de la Justice avoir si peu confiance dans ses propres moyens qu'il est obligé de préparer des séries de questions et réponses écrites, là, sur des sujets aussi sérieux, parce que c'est un sujet extrêmement important qui a été soulevé par la députée des Mille-Îles.

Mme Leduc: M. le Président, j'aimerais quand même, si vous voulez, juste une minute.

M. Mulcair: M. le Président, c'est moi qui ai la parole.

Mme Leduc: Oui, mais est-ce que je peux juste sur le sujet, parce que vous avez dit: Une question plantée. Je voudrais juste dire à mon collègue que, si la question ne m'intéresse pas, je ne la pose jamais.

M. Mulcair: Ah! M. le Président, c'est pour ça que j'ai tenu à dire, sur un sujet aussi important... Mais, dans la mesure où c'est une question écrite sur papier, en main de la députée des Mille-Îles, avec une réponse écrite, tapée à la machine par les mêmes gens qui ont écrit la question qui a été lue par le ministre de la Justice, dans la mesure où le sujet est extrêmement important effectivement et que la députée de Mille-Îles, tout comme moi-même, à titre de député de Chomedey et porte-parole de l'opposition en matière de justice, je souhaite connaître ces choses-là, il n'y a strictement rien qui aurait empêché de voir cet échange-là à un autre niveau. Et, si on est là pour faire des crédits budgétaires, je veux bien, hein. C'est de bonne guerre, je l'ai dit tantôt, quand mon collègue le député de Roberval a posé sa question. C'est correct, les crédits existent de part et d'autre.

Mais je trouve ça une indication préoccupante de l'insécurité de l'actuel ministre de la Justice le fait qu'il s'est senti, avec ses proches collaborateurs, obligé de bloquer autant de temps pour des questions plantées. Je ne m'inquiète pas, M. le Président. On a encore demain. On aura bien des choses à demander au ministre, demain. Même s'il a d'autres questions plantées, demain, on va réussir à faire du slalom à travers les questions plantées. Mais je trouve ça désappointant, parce que c'est juste une fois par année qu'on a cette occasion-là. Puis je vous avoue que, même s'il était effectivement un peu «bull in a china shop», son prédécesseur, bien, ce caractère un peu fonceur ne l'empêchait pas d'avoir confiance en sa capacité de répondre et, lui, il n'avait jamais recours à cette stratégie des questions plantées, avec des longues réponses écrites à la main. C'est juste ça, M. le Président...

Mme Leduc: ...façon de voir, c'est de poser des questions.

M. Mulcair: ...de notre côté. Pour ce qui est du...

M. Ménard: La meilleure façon de donner le maximum d'information sur un sujet important, c'est les informations les plus précises tant sur la question qui a été... Il y en aura d'autres, puis vous allez voir que nous allons arriver avec des informations extrêmement précises plutôt que de nous laisser cinq minutes pour fouiller pour vous apporter des statistiques ou... etc. D'ailleurs, si vous voulez nous envoyer des questions par écrit aussi, nous répondrons avec le même soin et vous aurez probablement, parce que nous l'aurons préparé par écrit, beaucoup plus d'information, en beaucoup moins de temps, et beaucoup plus précises.

M. Mulcair: La dernière fois... Juste pour aider le ministre avec sa compréhension de la réalité de l'action de son gouvernement, par rapport à ses théories, la dernière fois que j'ai posé une question écrite à son gouvernement, ça a pris exactement 10 mois pour répondre et recevoir la réponse en Chambre, et c'était une réponse facile à obtenir, directement d'une tablette au ministère.

(12 h 30)

Alors, entre la théorie et la réalité, encore une fois, il y a un énorme gouffre qui les sépare. Je vois que le temps qui m'est imparti est terminé, M. le Président. On va être obligés de continuer demain parce que, nous, on a caucus.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, nous allons reprendre nos travaux demain. Sur ce, nous suspendons nos travaux, et la prochaine séance aura lieu selon les avis de la Chambre. En principe, c'est demain matin à 9 h 30.

(Fin de la séance à 12 h 31)


Document(s) associé(s) à la séance